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N° 3929
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIEME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2021
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
en application de l’article 29 du Règlement,
au nom des délégués de l’Assemblée nationale à
l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN)
sur l’activité de la délégation française au cours de l’année 2020
par M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER,
Député
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SOMMAIRE
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Pages
I. 2020, Une annÉe de cristallisation pour l’Alliance atlantique
1. Un voisinage toujours plus troublé
a. Une Russie qui continue à privilégier la défiance au dialogue
2. Un monde en équilibre instable : l’érosion continue de l’architecture stratégique connue
b. La poursuite du délitement de l’architecture de sécurité établie
3. Une relation transatlantique sous tension la majeure partie de l’année
a. Le cavalier seul de l’Administration Trump
b. La cristallisation de la « question turque » dans l’Alliance
c. Un rebond manifeste de la confiance transatlantique en fin d’année
b. Le rapport du groupe d’experts : une perspective équilibrée pour l’Alliance
2. Un partage plus équitable des charges de défense toujours plus indispensable
a. Des efforts de défense en ligne avec les engagements pris d’un partage plus équitable…
3. La mise au premier plan du renouvellement de la relation des deux côtés de l’océan Atlantique
a. Une réflexion en cours en Europe pour réinventer le lien avec Washington
b. Le réengagement affirmé de la nouvelle Administration américaine
4. Un Sommet de transition ou de décision en 2021 ?
II. LES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN
A. RAPPEL : DES PARLEMENTAIRES QUI S’EXPRIMENT À TITRE INDIVIDUEL
B. les INSTANCES DIRIGEANTES : BUREAU ET COMMISSION PERManente
1. Le Bureau : deux nouveaux membres français
C. Les principaux thÈmes des travaux en 2020
1. La réponse de l’OTAN et des Alliés à la pandémie
a. L’analyse des délégations nationales : enquête et entretiens
c. Les rapports spéciaux des cinq commissions et du groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient
2. La contribution au processus de réflexion politique sur l’avenir de l’OTAN
a. Des échanges avec les co-présidents du groupe d’experts
b. Une discussion avec le secrétaire général et le secrétaire général délégué de l’OTAN
a. La Russie, un adversaire désigné qui le demeure
b. La valorisation de l’OTAN et de ses partenariats de sécurité
c. Les opportunités et défis nés du rôle mondial croissant de la Chine
d. Le triple enjeu de l’inclusivité, du contrôle et de l’innovation des forces armées
4. Défis et enjeux dans le voisinage de l’Alliance
a. Flanc est : Ukraine, Mer Noire et Biélorussie
b. Flanc sud-est : Balkans et Caucase du Sud
c. Flanc sud : Golfe arabo-persique, Sahel, Libye
D. Cinq rÉsolutions qui rÉsument les principales prÉoccupations des Parlementaires
3. Commission de l’Économie et de la sécurité : résilience économique et pandémies
4. Commission Politique : une stratégie transatlantique vis-à-vis de la Chine
5. Commission des Sciences et technologies : l’innovation dans le domaine de la défense
A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES
B. ACTIVITÉS DE L’AP OTAN EN 2020
Annexe n° 2 : Recommandations de politique gÉnÉrale adoptÉes par l’AP OTAN en 2020
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Mesdames, Messieurs,
À l’initiative du Président de la République, M. Emmanuel Macron, la rencontre des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance atlantique à Londres en décembre 2019 a lancé une réflexion substantielle sur l’avenir de l’Alliance et sa capacité à affronter les défis sécuritaires présents et à venir. Cette réflexion s’imposait face à un double constat.
Le premier, incontournable, ce sont les profondes mutations d’un monde devenu multipolaire, caractérisé par une instabilité et une imprévisibilité accrues générées à la fois par des stratégies de puissance et l’intensification de phénomènes d’origine humaine ou naturelle, encore accentuées par la généralisation des stratégies hybrides qui restent en deçà du seuil de la guerre classique. Cette transformation de l’ordre international, clairement mise en évidence en France par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, et dont les précédents rapports de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN se sont largement fait l’écho depuis le début de cette législature, s’est accélérée en 2020 : « Certaines tendances déjà à l’œuvre se sont confirmées, d’autres se sont accélérées, alors que plusieurs éléments de rupture sont intervenus. La pandémie, en particulier, a représenté un bouleversement majeur pour les sociétés et les économies, approfondissant les clivages et les rapports de force, suscitant de nouvelles tensions sur les ressources et surtout catalysant les menaces » soulignait ainsi la ministre des Armées, Mme Florence Parly, dans son avant-propos à l’Actualisation stratégique 2021 rendue publique le 22 janvier dernier.
Le second, dommageable car toute interrogation au sujet de l’OTAN favorise les puissances globales ou régionales révisionnistes, c’est la nécessité de faire face aux doutes internes sur la validité, et surtout la solidité, de ses principes fondateurs qui traversent l’Alliance atlantique. Unis par des valeurs, ses membres le sont aussi par un double engagement, celui de se consulter chaque fois que, de l’avis de l’un d’eux, son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée, et celui d’une solidarité automatique en cas d’agression contre l’un des pays membres.
Il était donc plus que temps d’accompagner et par là-même de renforcer les efforts d’adaptation entrepris dans le champ militaire depuis 2014 par un processus similaire pour la dimension politique de l’Alliance car « l’OTAN est à la fois le fruit et la source de la cohésion politique des Alliés » ([1]).
Tout en démontrant lors de la pandémie de covid-19 sa robustesse, son adaptabilité et sa pertinence, l’Alliance a d’ores et déjà entrepris de tirer les conséquences d’un environnement stratégique de sécurité qui exige d’elle aujourd’hui qu’elle réfléchisse à son fonctionnement et à ses missions. Une première restitution, le rapport du groupe d’experts coprésidé par MM. Thomas de Maizière (Allemagne) et Wess Mitchell (États-Unis), a ouvert des pistes intéressantes et équilibrées. Leurs préconisations sont doubles : d’une part, l’adaptation du Concept Stratégique en cours « Engagement actif, défense moderne » en intégrant les progrès accomplis depuis 2010 – notamment en matière de lutte contre le terrorisme et de nouveaux milieux d’opérations – tout en préservant les trois tâches fondamentales de l’OTAN (défense collective, gestion de crise et sécurité coopérative), et, d’autre part, l’identification de solutions pour renforcer l’unité et la cohésion du lien transatlantique en réintroduisant de la prévisibilité et en facilitant la résolution des différends en cas de désaccords profonds entre Alliés.
Les chefs d’État et de gouvernement auront à en décider lors de leur prochain sommet sur la base des consultations qui seront conduites entre Alliés. La nouvelle Administration américaine a multiplié les messages et les gestes rassurants (réaffirmation de la primauté de l’article 5, retour d’un dialogue multilatéral avec les autres nations, gel du redéploiement de troupes annoncé par l’ancien Président Donald J. Trump) à l’égard de ses Alliés, sans pour autant à ce stade définir précisément le contenu de ce « retour de l’Amérique » ([2]) pour l’OTAN. Pour la France, « l’OTAN a besoin d’un nouvel élan politique et d’une clarification de son concept stratégique » ([3]) en redéfinissant « les contours de la solidarité alliée comme de la relation transatlantique, comptant sur un rôle croissant des Européens pour contribuer à l’effort de défense commun et faire valoir leurs préoccupations de sécurité à 360°» ([4]). Cela pose trois exigences : rebâtir ensemble l’architecture de sécurité internationale – et cela passe aussi par un dialogue exigeant et sans naïveté avec la Russie, clé pour que le continent européen puisse vivre en paix – ; résoudre les situations régionales de l’arc de crise au sud de la région euro-atlantique de manière coordonnée en veillant à ne pas « porter atteinte aux valeurs et intérêts communs, à ignorer le point de vue d’autres Alliés ou, pire encore, à menacer d’autres membres » ([5]) ; maintenir la « liberté de la souveraineté » ([6]) pour chacun dans les nouveaux milieux d’opérations mais aussi dans la région Indo-Pacifique.
Tout en analysant l’impact immédiat de la pandémie de covid-19 et les évolutions en cours de l’environnement stratégique international, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) s’est efforcée en 2020 d’apporter sa contribution à cette redéfinition des priorités et cette adaptation des moyens d’action de l’OTAN, tant par ses travaux habituels que par un dialogue direct avec le groupe d’experts et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Elle l’a fait en adaptant ses propres moyens d’action, la pandémie l’ayant conduite à partir de la mi-mars à organiser de manière virtuelle, avec succès, toutes ses réunions.
La délégation française y a pris toute sa part ; elle concourt activement à la vitalité de cette assemblée parlementaire, et exprime chaque fois que nécessaire les conceptions françaises en matière de défense et de politique internationale. À son initiative, les préoccupations exprimées par un nombre croissant d’Alliés sur les choix stratégiques faits par la Turquie ont ainsi fait l’objet d’une discussion, franche mais aussi attentive aux attentes et aux inquiétudes, sur les points de divergence qui se sont faits jour au sein de l’Alliance. Le débat est au cœur de la vie des parlementaires et l’AP OTAN a incontestablement un rôle précieux à jouer dans cette exigence d’un contrat politique modernisé au sein de l’Alliance. La tenue d’une réunion spéciale en juillet 2020, innovante dans son format et rapide dans sa mise en place, éclaire a contrario l’absence d’un processus proactif plus établi de discussion multilatérale des sujets qui interrogent le cœur de notre Alliance lorsqu’ils se présentent. Le recours imposé aux nouvelles technologies de communication a été ici une voie utile pour permettre un échange constructif entre tous les parlementaires sur un sujet, la situation en Libye et le rôle de l’OTAN – et plus largement en Méditerranée orientale –, qui les concernent tous. Les déclarations du Président Recep Tayyip Erdoğan depuis quelques semaines semblent indiquer une volonté d’apaisement des tensions, cela doit être salué et se traduire dans les faits sur les différents théâtres d’opérations concernés. Il n’en demeure pas moins essentiel que soit clarifiés au sein de l’Alliance ce que doivent être une attitude solidaire et un bon comportement dans ce cadre.
En 1990, la dislocation du monde connu depuis la Seconde Guerre Mondiale a ouvert deux pages blanches, celles du monde à venir et de l’identité de chacun dans celui-ci. Fière de sa réussite incontestable, l’Alliance atlantique, née en avril 1949 des leçons tirées de l’entre-deux-guerres, a entrepris en 2020 de redessiner à nouveau ses réponses. Unité, cohésion, communauté autour des principes de liberté individuelle, de démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit sont celles de l’Alliance. Si la compétition de valeurs est l’une des dimensions majeures de la compétition stratégique, ces dernières ne doivent toutefois pas être instrumentalisées pour faire des conséquences de la montée en puissance de la Chine une finalité stratégique pour l’Alliance, confrontée à d’autres menaces. Pour redonner aux termes de confiance, de solidarité et de responsabilité tout leur sens dans la manière dont elle fonctionne, l’Alliance atlantique peut compter sur les Alliés mais aussi sur ses partenaires – au premier rang desquels une Union européenne qui veut construire son autonomie stratégique en pleine complémentarité avec elle – et ainsi répondre aux défis multiformes nés du retour aux stratégies de puissance dans un monde fracturé par des crises de plus en plus entremêlées.
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L’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN)
Depuis la Conférence des parlementaires des pays de l’OTAN au Palais de Chaillot à Paris, alors siège de l’organisation, du 18 au 22 juillet 1955, les représentants des États membres de l’Alliance se sont régulièrement réunis, donnant ainsi corps au préambule du traité de Washington qui affirme que ces États sont « fondés sur les principes de la démocratie ».
L’Assemblée parlementaire de l’OTAN comprend actuellement 269 parlementaires venant des 30 nations membres de l’Alliance atlantique. La délégation française compte 18 membres, à raison de 11 députés et 7 sénateurs. Depuis le 10 novembre 2020, la présidence de la délégation de l’Assemblée nationale est assurée par M. Philippe Michel-Kleisbauer.
Des parlementaires des pays non membres de l’OTAN, pays partenaires, prennent aussi part à certains de ses travaux, selon trois statuts différents. Bénéficient ainsi du statut de délégation associée celles provenant des onze pays suivants : Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Finlande, Géorgie, Moldavie, Serbie, Suède, Suisse et Ukraine. Quatre délégations ont le statut de partenaires régionaux et membres associés méditerranéens : Algérie ; Israël ; Jordanie ; Maroc. Ont enfin le statut d’observateur parlementaire l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, ainsi que les parlements des sept pays suivants, Australie, Égypte, Japon, Kazakhstan, République de Corée, Kosovo et Tunisie, de même que le Conseil national palestinien. Des délégués d’autres pays peuvent également être invités aux réunions.
L’Assemblée parlementaire de l’OTAN tient deux sessions plénières par an : la session de printemps et la session annuelle, à l’automne. Lors de la session annuelle de novembre 2020, qui s’est tenue en ligne en raison de la pandémie de covid-19, vingt-deux rapports, une déclaration et cinq résolutions ont été adoptés.
Chacune de ses cinq commissions est habituellement le cadre de quatre ou cinq déplacements chaque année. Avec les trois réunions du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient et les séminaires, plus de trente sessions de travail sont ainsi organisées. Ce rythme a nécessairement été affecté en 2020, mais plus d’une quinzaine de séminaires en ligne ont toutefois permis aux parlementaires de continuer à faire connaître et à rapprocher leurs différents points de vue au sein de l’Alliance. En outre, lors de la session plénière et lors de la réunion conjointe des commissions à Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN s’exprime devant les parlementaires et répond à leurs questions. Cette année, cet échange a été enrichi d’une réunion – en visioconférence – de la commission permanente avec les co-présidents du groupe d’experts mis en place dans le cadre de la réflexion stratégique sur l’avenir de l’OTAN.
L’Assemblée est essentiellement financée par les contributions des parlements ou des gouvernements des pays membres. Les contributions de chaque pays sont calculées sur la base de la clef de répartition utilisée pour le budget civil de l’OTAN, qui pour sa part verse également une contribution.
Son secrétariat international est à Bruxelles, place du Petit-Sablon, dans des locaux distincts de ceux de l’OTAN.
Son site Internet est à l’adresse suivante : http://www.nato-pa.int. Les activités de l’assemblée parlementaire sont retracées sur ce site. Celles des membres de la délégation française peuvent être suivies sur les sites de chacune des assemblées : www.assemblee-nationale.fr et www.senat.fr.
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I. 2020, Une annÉe de cristallisation pour l’Alliance atlantique
A. La poursuite de stratÉgies de puissance dans un monde fracturÉ par des crises de plus en plus entremÊlÉes
1. Un voisinage toujours plus troublé
a. Une Russie qui continue à privilégier la défiance au dialogue
Établissant que les deux parties ne se considéraient pas comme des adversaires, l’« Acte fondateur » OTAN-Russie en 1997 avait posé les principes d’une coopération renforcée et créé un conseil de coopération permanent. Malgré l’intervention au Kosovo et les tensions alors générées, les relations s’étaient améliorées au début de la décennie 2000, après le 11 septembre 200. Le Conseil OTAN-Russie (COR), enceinte de dialogue et cadre de coopération réunissant les Alliés et la Russie a été créé par le Sommet de Rome en 2002. Il devait servir de mécanisme de consultation, de construction du consensus, de coopération, de décision et d’action conjointe entre les deux entités, et donnait ainsi à la Russie un cadre de dialogue politique et de coopération sans équivalent.
Mais en avril 2014, l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et les actions portant atteinte à la pleine souveraineté ukrainienne sur le Donbass ont conduit l’OTAN à suspendre la coopération pratique avec la Russie, tout en maintenant les canaux politico-diplomatiques de dialogue, et à renforcer, au sommet de Varsovie en 2016 sa posture de dissuasion et de défense en assurant le nécessaire corollaire d’un dialogue « périodique, ciblé et substantiel » avec la Russie. La persistance de la part de cette dernière dans ses actions agressives (renforcement de ses capacités nucléaires – y compris en violation d’accords internationaux – et conventionnelles), qui « représent[ai]ent un défi pour l’Alliance et port[ai]ent atteinte à la sécurité euro-atlantique et à l’ordre international fondé sur des règles » selon les conclusions du Sommet de Bruxelles en 2018, a conduit l’Alliance à en modifier sa perception, les qualifiant de « menace pour la sécurité euro-atlantique » dans la Déclaration de Londres du 4 décembre 2019, tout en se montrant prête à poursuivre le dialogue au sein du COR pour continuer à discuter de la situation en Ukraine. En ne modifiant pas son attitude, Moscou a continué en 2020 de rendre l’environnement de sécurité de la région euro-atlantique moins stable et moins prévisible.
Après avoir posé l’OTAN comme une menace dans sa stratégie de sécurité nationale de 2015, la Russie a intensifié ses activités militaires, en particulier aux frontières de l’OTAN. À l’instar des années précédentes, le bilan fin 2020 dressé par l’OTAN du niveau de l’activité aérienne militaire russe à proximité des frontières de l’Alliance fait encore état d’une augmentation notable. Les tensions sont palpables, à l’occasion de manœuvres militaires notamment. La situation au Grand Nord en est une illustration particulière.
La présence plus affirmée de la Russie dans le voisinage de l’OTAN – du Grand Nord à la Syrie et la Libye –, y compris contre la volonté des gouvernements concernés ou au mépris du droit international, est également facteur de tensions pour ce dialogue. En 2020, deux nouvelles crises – en Biélorussie après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle le 9 août, et dans le Caucase du Sud avec l’embrasement du conflit du Haut-Karabagh à l’automne – ont encore accru les inquiétudes des Alliés quant aux menées russes dans leur voisinage.
L’été dernier, la tentative d’empoisonnement d’Alexei Navalny sur le territoire russe par une arme chimique russe s’est inscrite dans le prolongement de celle survenue au Royaume-Uni en mars 2018 contre Sergueï Skripal et sa fille Ioulia Skripal. En réponse, les sanctions existantes contre la Russie ont été durcies mais la dérive autoritaire marquée de la Russie s’est amplifiée jusqu’à la provocation, avec l’arrestation arbitraire d’Alexei Navalny et sa condamnation pour non-respect de son contrôle judiciaire.
Les récentes décisions prises par la Russie – dont « l’état de fait est devenu la nouvelle doctrine » ([7]) – ne contribuent ni à la confiance ni à la sécurité. Face à cette dérive russe, les Alliés ont fait preuve de solidarité et ont affirmé leur unité. Le renforcement proportionné de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN face à la Russie depuis 2014 a été évalué en 2020 et une attention particulière portée aux sujets de résilience et aux efforts pour contrer le narratif russe et contraindre Moscou à assumer pleinement la responsabilité des tensions. En particulier, le discours de la Russie qui consiste à rejeter sur l’Ukraine seule la responsabilité des blocages et à proférer des accusations infondées à propos d’un conflit qui a fait plus de 13 000 morts et 30 000 blessés depuis 2014 n’est pas la voie qui permettra la construction d’une paix juste et durable et le rétablissement de la pleine souveraineté ukrainienne sur le Donbass. La reconnaissance en juin 2020 de l’Ukraine en tant que partenaire bénéficiant du programme « Nouvelles opportunités », et la mise à jour du Paquet substantiel OTAN-Géorgie en décembre 2020 pourront permettre d’accentuer les efforts en matière de cybersécurité et de lutte contre la désinformation et la manipulation.
Mais les pays de l’OTAN restent convaincus qu’un partenariat avec la Russie fondé sur le respect du droit et des engagements internationaux présenterait un intérêt stratégique. L’équilibre nécessaire entre dialogue et fermeté a donc été réaffirmé lors de la Ministérielle Affaires étrangères des 1er et 2 décembre 2020. Tout en restant lucide sur la possibilité d’obtenir à très court terme des résultats concrets, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a rappelé très clairement à l’occasion d’un entretien avec l’Atlantic Council le 5 février que les dimensions historique et géographique de la relation avec la Russie imposent de persister dans cette stratégie de patience pour redéfinir de manière durable un cadre international d’échanges non seulement sur la sécurité de l’Europe dans son voisinage, mais aussi à l’échelle globale : « plus vous renouez le dialogue, mieux vous parvenez à exercer la pression adéquate pour éviter toute dérive. Au contraire, si vous restez fermé et ne discutez pas de certaines questions, vous laissez une porte ouverte pour agir. Ainsi, en posant des limites, vous établissez votre crédibilité, comme nous l’avons par exemple fait avec notre opération militaire en Syrie, en 2018. Certes, le fait de réengager sans cesse le dialogue ne donne que des résultats limités, mais il permet au moins d’éviter de plus grandes divergences d’opinion. Cela prendra plusieurs années, peut-être même plusieurs décennies, mais nous devons bâtir un tel dialogue pour assurer la paix et la stabilité en Europe » ([8]).
Ce dialogue doit s’engager dans la transparence, sans naïveté ou concession à sens unique et en prenant en compte les sensibilités qui traversent les Alliés. Il doit aussi reposer sur l’affirmation par l’Alliance de ses lignes de force. Depuis 2014, l’Alliance a d’ailleurs pris de nouvelles mesures renforçant sa capacité à répondre aux défis militaires. La France en prend toute sa part : elle participe activement à la police du ciel dans les États baltes et, depuis 2017, à la présence avancée renforcée (eFP), alternativement en Estonie et en Lituanie. Trois cent militaires sont ainsi stationnés sur la base militaire de Rukla. Elle est aussi le principal contributeur à l’Initiative de réactivité de l’OTAN, d’autant plus indispensable que certaines lacunes dans les capacités propres des Alliés orientaux ont été révélées récemment par la presse locale.
La tenue des réunions du Conseil OTAN-Russie se heurte aujourd’hui à un refus de la Russie en lien avec la situation en Ukraine. Ce point est une question majeure de l’agenda de sécurité européenne, il revient donc à la Russie de démontrer qu’elle ne se déconnecte pas progressivement de l’Europe et qu’elle ne considère pas les valeurs démocratiques comme une menace existentielle, comme l’a déploré le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell lors de sa visite à Moscou le 5 février. Toutefois, engager un dialogue plus constructif est d’intérêt mutuel. Un tel dialogue est en effet possible sur des sujets d’intérêt partagé, comme vient de le démontrer l’accord entre la Russie et les États-Unis permettant une extension pour cinq ans du traité New Start de réduction des arsenaux nucléaires (cf. infra).
b. Deux « épicentres » pour le terrorisme, le Sahel et la zone irako-syrienne, alimentés par le jeu de puissances régionales opportunistes
Sur le flanc sud, les crises se sont transformées sans s’atténuer, et le terrorisme international a désormais deux foyers de même niveau, le Sahel et la zone irako-syrienne.
Dix ans après le déclenchement des « printemps arabes », le flanc sud de l’Alliance est aujourd’hui marqué par une grande hétérogénéité des situations et des résultats, loin des attentes exprimées et des espoirs fondés lors des processus de contestation mis en mouvement à l’hiver 20210-2011. Les revendications de justice sociale, de démocratie et de dignité restent largement insatisfaites, et si les mouvements de contestation nés en 2019 en Irak, en Algérie, au Liban, ont pu être mis sous le boisseau – à l’exception du Soudan – par des régimes contestés usant de l’argument de la pandémie, les contradictions restent fortes avec à l’extrême du spectre des États faillis, en conflit militaire (Libye, Syrie, Yémen) ou non (Liban).
Ce terreau de défiance est alimenté par l’impact de « l’enhardissement des puissances régionales au Moyen-Orient et en Méditerranée » ([9]). Ces dernières retardent aujourd’hui le règlement de situations de crise politique au détriment des populations directement concernées, et fragilisent « les organisations internationales et régionales en développant des modèles de règlements de crises sur des bases transactionnelles » ([10]). La volonté de l’Iran à la fois de conforter une profondeur stratégique vers la Méditerranée et la Mer Rouge, d’appuyer sa position de leader du monde chiite face à ses voisins du Golfe et de défendre ses intérêts économiques régionaux, hypothèque en Irak la mise en place d’un outil de défense véritablement représentatif et au Liban une sortie rapide de la crise politique, et donc la stabilisation de ces deux pays. L’empreinte militaire russe en Méditerranée n’a fait que s’accroitre durant la dernière décennie suivant, selon certains analystes, une « logique émergente de bastion stratégique méridional » ([11]). Le renforcement de la présence russe en Libye a indubitablement résulté aussi du soutien militaire apporté tout au long de l’année 2020 au gouvernement d’entente nationale libyen par la Turquie, y compris par des actions non conformes au droit international et à ses obligations d’Alliée (cf. infra), qui a durci ainsi les positions des différents acteurs locaux.
Un tel contexte est propice à l’extension de la menace terroriste, la plus meurtrière aujourd’hui pour l’Alliance comme pour la France, sur son sol et à l’extérieur, avec 55 soldats tués au cours des opérations Serval et Barkhane. La menace djihadiste sur les théâtres extérieurs a désormais deux « épicentres » ([12]), le Sahel et la zone irako-syrienne. Dans cette dernière, l’organisation dite « État islamique en Irak et au Levant », ou Daech, a pris une forme souterraine, en réseaux clandestins donc moins anticipables, et revient au premier plan des préoccupations après la relative éclipse qui a suivi la chute de Baghouz en mars 2019. Elle connaît un regain d’activité en Syrie, tente de reprendre pied en Irak et fédère de nouveaux alliés, en particulier en Afrique. Avec la constitution en devenir, si nous n’y agissons pas résolument, d’un arc djihadiste du Golfe de Guinée à la zone irako-syrienne, « des attentats projetés vers l’Europe depuis le Sahel sont aujourd’hui possibles », pour le directeur général de la sécurité extérieure, M. Bernard Emié, en particulier de la part de la branche locale d’Al-Qaida, le « Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans au Maghreb ». Ce dernier conjugue un agenda global à la croisée du terrorisme et du politique et une stratégie malienne visant à contrer le processus lancé avec les accords d’Alger de 2015. Voie vers la paix et la réconciliation, ce processus vient à peine d’être relancé, avec une nouvelle feuille de route en décembre 2020. La liberté d’action et les capacités de ces groupes ont été significativement entravées, mais la menace persiste, asymétrique, les femmes, les jeunes filles, les groupes vulnérables demeurant souvent les plus touchés car cette idéologie mortifère cible au premier chef les populations civiles.
Sur les deux théâtres, de nouveaux champs de conflictualité, le cyber et la lutte informationnelle, reflètent l’évolution des modes d’action djihadistes ([13]). Les réseaux sociaux constituent une caisse de résonnance majeure pour les actions des groupes terroristes, qui n’a fait que s’amplifier sous l’effet de la pandémie de covid‑19. Ils leur permettent aussi de partager plus efficacement, outre leurs idées mortifères, des tactiques et des technologies.
La Coalition contre Daech et la Coalition internationale pour le Sahel maintiennent une intense pression sur le terrain militaire. La France y joue un rôle de premier plan, avec ses partenaires, à la demande des pays de la région, car « la lutte contre le terrorisme est une priorité absolue, et la paix et la stabilité de cette région du monde sont de la plus haute importance » ([14]) pour la zone euro-atlantique dans son ensemble. Au Sahel, le renforcement des armées nationales et de la coordination entre elles et tous les autres acteurs militaires, le déploiement temporaire de 600 soldats français supplémentaires au sein de l’opération Barkhane ainsi que celui de la Task Force Takuba, le soutien en capacités critiques apporté par certains Alliés, en particulier les États-Unis pour du transport aérien, du ravitaillement en vol et du renseignement, ont permis d’infliger des revers sérieux aux groupes armés terroristes. Au Levant, le départ du porte-avions Charles-de-Gaulle et son groupe aéronaval le 21 février pour un déploiement dans le cadre de l’opération Chammal, en Méditerranée orientale, avant de se rendre dans le golfe arabo-persique et le nord de l’océan Indien, démontre la « volonté [de la France] de lutter en permanence et sans condition contre le terrorisme » ([15]) .
Les opérations menées dans ces contextes ont aussi pour vertu importante de renforcer l’interopérabilité des forces engagées.
La réponse ne peut toutefois pas être uniquement sécuritaire, elle doit être globale. Traiter les causes profondes des conflits, de l’extrémisme et du terrorisme passe en Syrie par une solution politique conforme aux termes de la résolution 2254 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ; en Irak, par la stabilisation et la reconstruction ; au Sahel, par le retour de l’État, l’appui au développement local, le règlement des tensions entre communautés.
2. Un monde en équilibre instable : l’érosion continue de l’architecture stratégique connue
a. Le recentrage des États-Unis et l’émergence de la Chine rendent plus nécessaire encore le développement de l’autonomie stratégique européenne
Dans un monde où se dessine progressivement un nouveau tableau dynamique des forces en compétition, les États-Unis jouent un rôle central.
● Amorcés depuis plusieurs administrations, le recentrage des États-Unis sur leurs priorités intérieures et le pivot vers l’Asie ont connu un paroxysme sous la présidence de Donald J. Trump. Les attaques en règles et protéiformes contre le multilatéralisme ont inclus les alliances de sécurité, au premier rang desquelles l’alliance avec l’Europe. La désignation de la Chine comme principal centre d’intérêt a encore accentué cette prise de distanciation envers l’Europe.
La nouvelle Administration s’est réengagée vis-à-vis du monde et vis-à-vis de l’Europe par des messages très clairs et de premiers gestes symboliques (retour dans les Accords de Paris, à l’Organisation Mondiale de la Santé). S’il convient de se féliciter du renouveau de la relation transatlantique, il faut le faire les yeux ouverts et se souvenir de la « décision juste et démocratique de l’administration des États-Unis » ([16]) sur la Syrie en août 2013 de ne pas ordonner les frappes préparées contre le régime syrien en réponse à une violation de la ligne rouge pourtant fixée (des attaques à l’arme chimique) d’un commun accord, mettant in fine en jeu la sécurité des Européens, et en particulier de la France, puisque c’est en Syrie qu’ont été préparés les attentats terroristes menés à Paris et Saint-Denis en novembre 2015 et à Bruxelles en mars 2016.
Car les constantes sont têtues. « Il n’y aura plus de frontière entre la politique étrangère et la politique intérieure. Chaque action que nous entreprenons dans notre conduite à l’étranger, nous devons la réaliser en pensant aux familles de travailleurs américains. La promotion d’une politique étrangère en faveur de la classe moyenne exige une concentration urgente sur notre économie intérieure, notre renouveau économique » ([17]). Les multiples crises internes – pandémie, marasme économique, polarisation raciale, divisions politiques intenses – accapareront l’attention de l’Administration Biden et le durcissement à l’égard de la Chine fait l’objet d’un double consensus bipartisan à Washington : elle est vue comme l’enjeu essentiel de la compétition stratégique du 21e siècle, avec pour conséquence la tentation de « reconstituer une forme de bipolarité fondée sur l’alignement des alliés » ([18]). Cette tentation est manifeste à l’OTAN, où la Chine semble désormais être la première priorité, comme en témoigne l’intervention du secrétaire général, Jens Stoltenberg, lors de la conférence de Munich sur la sécurité le 19 février 2021.
● Les ambitions de la Chine ne sont plus voilées, sa Vision 2035 est sans ambiguïté, même si officiellement les dirigeants chinois ne revendiquent pas – encore – de ravir aux États-Unis leur statut de première puissance mondiale. Mais les briques se mettent en place.
Alors que la part de la Chine dans le PIB mondial ne représentait que 3,6 % en l’an 2000, elle est passée à 17,8 % en 2019, dépassant en parité de pouvoir d’achat (PPA) celui des États-Unis (respectivement 23 460 170 et 21 374 418 millions de dollars) selon la Banque mondiale (en dollars courants toutefois, la Chine se classe encore derrière les États-Unis). Elle avait détrôné les États-Unis comme première puissance commerciale en 2013. Le Partenariat régional économique global (RCEP), signé le 15 novembre 2020 entre la Chine et les dix États de l’Asean([19]), le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande est également largement considéré par les analystes comme le moyen pour elle d’étendre son influence dans cette région et d’en déterminer les règles, complétant à cette échelle les capacités d’influence que lui ouvre son Initiative « Une Ceinture, Une route ». Et, en 2019, la Chine a dépassé les États-Unis en nombre de dépôts de brevets d’après le bulletin annuel de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) publié le 7 avril 2020.
Quant aux ambitions militaires, elles sont clairement affichées sur tous les plans : financement (2e budget militaire mondial, toujours en hausse en 2020 malgré une légère décélération par rapport à 2019 – tout en restant environ trois fois inférieures à celles des États-Unis), capacités (annonce indirecte en janvier dernier de l’arrivée prochaine d’un troisième porte-avion([20]) ; nouveau missile balistique intercontinental DF-41 ; installation d’une base militaire à Djibouti ; etc.) et mise en œuvre (réorganisation pour améliorer la coordination terre-air-mer et améliorer les équipements ; intensification des exercices militaires à proximité de Taïwan, en mer de Chine méridionale et au-delà – participation régulière à des exercices stratégiques conduits par la Russie dans le Caucase ou à la frontière mongole, exercice naval coordonné entre la Russie, la Chine et l’Iran dans le nord de l’océan Indien en février 2021, par exemple ; concurrence frontale avec les États-Unis en matière spatiale, avec la première tentative en mai prochain d’amarsissage d’un robot chinois, soit quelques mois à peine après Perseverance ; confrontation armée directe avec l’Inde cet été dans une zone contestée de part et d’autre en Himalaya).
En mettant en lumière, d’une part, les vulnérabilités dans certains secteurs essentiels et d’une façon plus générale dans les chaînes d’approvisionnement, et d’autre part, la stratégie d’influence menée en multipliant les canaux – y compris dans les zones grises du cyber – par la Chine, la pandémie de covid-19 a crûment révélé ce que signifiait une Chine « rivale systémique », comme la qualifiait dès mars 2019 l’Union européenne ([21]) , qui demeure néanmoins aussi un partenaire diplomatique de premier plan pour construire un multilatéralisme efficace à la hauteur des grands enjeux mondiaux tels que la lutte contre le dérèglement climatique et les pandémies, la résolution des conflits régionaux ou encore l’aide au développement des pays les moins avancés.
● Dans ce contexte, l’« Europe puissance » en mesure de devenir un acteur clé pour inciter au respect des engagements dans un monde multipolaire peine encore à s’affirmer pleinement en dépit de nets progrès.
L’Union européenne a en effet mis en place une stratégie robuste pour se faire l’acteur autonome de la défense de ses intérêts – tout en maintenant une étroite collaboration avec les États-Unis avec lesquelles elle est liée par des valeurs et une histoire partagées :
- dans le champ militaire (financements par le budget européen pour la première fois pour la mobilité militaire, Coopération Structurée permanente, Plan de développement des capacités, Revue annuelle coordonnée des politiques de Défense, Fonds européen de défense, exercice de définition stratégique, etc.), en la couplant à des initiatives communes et ouvertes d’États membres, comme l’Initiative européenne d’intervention ou la Task Force Takuba, pour développer une culture stratégique partagée, améliorer encore les capacités et l’interopérabilité des forces et réduire nos dépendances technologiques et industrielles en matière de défense ;
- comme dans les champs économique et technologique, avec le déploiement d’instruments de défense commerciale, la mise en place de législations sur le contrôle des investissements étrangers ou permettant de rééquilibrer l’accès aux marchés publics internationaux, une meilleure protection des secteurs technologiques cruciaux (normes pour la 5 G, encadrement des plateformes, réglementation relative à l’intelligence artificielle).
Mais ce « changement de logiciel », pour une Europe qui s’est construite autour d’un marché économique dérégulé, n’est pas encore totalement parachevé. En dépit des assurances répétées données par la France, pour qui « l’OTAN reste la pierre angulaire de la défense collective. Tout ce que nous faisons dans l’Union européenne, nous le faisons en complément, pas en concurrence avec l’OTAN » ([22]) , une méfiance demeure sur de supposés desseins cachés de notre pays. Et la tentation pourrait exister de continuer à se reposer sur un Allié américain redevenu reconnaissable.
Certes, rompre avec des habitudes construites durant des décennies n’est guère facile. Le rapport de la mission d’information « flash » sur la Coopération structurée permanente fait le 27 janvier 2021 au nom des commissions de la Défense et des forces armées et des Affaires européennes de l’Assemblée nationale par Mmes Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot ([23]) , a mis en évidence une implication très variable des États-membres, reflet pour l’essentiel de capacités militaires très différentes, mais aussi d’une divergence de priorités en matière de défense. Mais c’est la condition pour préserver notre capacité à décider nous-même de notre destin dans un contexte où la compétition entre grandes puissances ne cesse de se renforcer, notamment dans les nouveaux espaces de conflictualité. Couplée à la montée en puissance de menaces et risques transverses, elle entraine l’érosion des règles établies qui régissaient notre sécurité.
b. La poursuite du délitement de l’architecture de sécurité établie
Le précédent rapport de la délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord pour les années 2018 et 2019 ([24]) ayant décrit précisément l’état de mise en œuvre des obligations et engagements dans le domaine de la maîtrise des armements et des mesures de confiance et de sécurité, il sera ici fait une présentation des faits marquants survenus depuis lors, l’OTAN demeurant attachée à sa double approche en matière de sécurité – d’une part, la dissuasion et, d’autre part, le dialogue et la maîtrise des armements.
● À la suite de l’acte de décès du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) en août 2019 (dénoncé par les États-Unis avec l’approbation de l’OTAN, en raison des missiles SSC-8 développés par la Russie), le Traité « Ciel ouvert » (TCO) entré en vigueur en 2002 restait le seul dispositif juridiquement contraignant de confiance et de sécurité mis en œuvre de manière réciproque dans le cadre de l’OSCE. Aujourd’hui, les deux principaux protagonistes s’en sont retirés.
Accusant la Russie de manquer à ses obligations en imposant de fortes restrictions de survol pour sa frontière méridionale avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud ainsi que pour l’enclave de Kaliningrad, les États-Unis ont annoncé le 21 mai 2020 leur intention de se retirer du TCO, ce retrait devenant effectif six mois après la notification.
Cette annonce a été accueillie avec inquiétude et regret par les autres Alliés, plus dépendants que les États-Unis des outils d’observation d’un traité dont le fonctionnement apporte une transparence et une prévisibilité accrue dans le domaine des activités militaires, en particulier avec la Russie. Ils ont décidé de continuer à mettre en œuvre ce traité qui a une valeur ajoutée évidente pour l’architecture de maîtrise des armements conventionnels et la sécurité commune.
Mais affirmant une méfiance – en dépit des stipulations de l’article IX du TCO précisant les conditions dans lesquelles les données collectées au cours de vols ont vocation à être communiquées aux autres États parties au Traité, et à eux seuls – quant à un éventuel transfert à Washington des informations obtenues par les Alliés, la Russie a finalement elle-aussi annoncé, le 15 janvier 2021, son intention d’initier prochainement une procédure de retrait du TCO.
● La politique de sécurité et de défense de l’Alliance – tout comme celle de la France – repose sur la dissuasion nucléaire, qui vise à se protéger de toute agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme. Mais tous les Alliés souscrivent aussi à l’objectif, fixé par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), du désarmement nucléaire, qui est plus généralement celui du désarmement général et complet. Un tel objectif impose de créer collectivement les conditions qui permettront à terme l’élimination des armes nucléaires. Cela nécessite la progression du désarmement nucléaire mais aussi celle du désarmement conventionnel, l’universalisation et le respect de l’interdiction des armes chimiques et biologiques, la prise en compte de la prolifération balistique, la sécurité dans l’espace extra-atmosphérique, et la résolution des crises régionales de prolifération.
L’entrée en vigueur le 22 janvier 2021 du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) est loin de s’inscrire dans ce cadre. Au contraire, il fragilise le TNP au moment où un régime de non-prolifération robuste et respecté est plus que jamais nécessaire. S’adressant exclusivement aux démocraties occidentales, il ne servira pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera. En créant une norme contraire au TNP tout en ne reprenant pas les plus hauts standards de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique, et en n’étant par ailleurs assorti d’aucun mécanisme de vérification, le TIAN fragilise l’approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape.
Cette approche a fait une nouvelle fois ses preuves avec l’accord survenu presque au même moment sur l’extension du traité de réduction des armes stratégiques nucléaires entre les États-Unis et la Russie, dit traité « New START », au-delà de 2021, pour cinq années. Facteur de stabilité stratégique, ce traité est en effet le dernier instrument encore en vigueur limitant les capacités des États-Unis et de la Russie, qui représentent près de 90 % du stock mondial d’armes nucléaires. Son extension constitue donc un signal très positif.
Mais il est crucial de poursuivre cet élan, et de redéfinir rapidement un agenda ambitieux plus global de maîtrise des armements et de stabilité stratégique afin de déterminer les paramètres nécessaires au renforcement de la sécurité et de la stabilité en Europe, et dans lequel les Européens, qui sont concernés au premier chef, devront jouer un rôle actif, comme ils le jouent dans le cadre d’un autre processus diplomatique engagé pour trouver une solution à une crise de prolifération nucléaire, celle liée à l’Iran.
● Ce processus diplomatique, dans une impasse née du retrait des États-Unis en 2018 et des violations incrémentales par l’Iran qui vident de leur substance ses engagements en vertu du Plan d’Action Global Conjoint (PAGC) en réponse à la politique de « pression maximale » engagée par la précédente Administration américaine, a vu s’ouvrir fin 2020 une fenêtre d’opportunité.
L’Iran a mis en œuvre tout au long de l’année 2020 à intervalles réguliers une série de gestes de défiance qui ont culminé avec l’adoption par le Parlement iranien le 2 décembre d’une loi qui, si elle est pleinement appliquée, contribuerait à un développement massif du programme iranien d’enrichissement, à diminuer significativement les capacités de vérification de l’AIEA et à reprendre des activités abandonnées par l’Iran il y a une vingtaine d’année, soit une situation amenant ce pays à une situation plus grave que celle qui existait avant la conclusion du PAGC.
L’Administration Biden a indiqué sa volonté de revenir, sous conditions, sur l’approche et les mesures de la précédente administration américaine, ouvrant ainsi la voie à un retour des États-Unis dans l’accord de Vienne. Ces annonces esquissent aussi une perspective diplomatique pour un plein retour de l’Iran à ses engagements et également répondre aux préoccupations plus larges, en particulier les garanties durables sur le caractère exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien après 2025, son programme de missiles et ses activités régionales.
Cette voie est toutefois étroite, comme le montre la décision voilà quelques jours de l’Iran de cesser d’appliquer le protocole additionnel et les mesures de transparence relevant du PAGC. Elle a pour conséquence de restreindre de manière significative l’accès de l’AIEA aux sites et aux informations importantes relatives aux garanties. Elle aura aussi pour effet de restreindre la capacité de l’AIEA de suivre et vérifier le programme nucléaire de l’Iran ainsi que ses activités liées au domaine nucléaire. Un arrangement bilatéral temporaire entre l’Iran et l’AIEA préserve, pour une période pouvant aller jusqu’à trois mois, la possibilité pour cette dernière d’accéder à certaines informations. Il ne peut se substituer à un plein retour de l’Iran au respect complet de ses engagements en vertu du PAGC en matière de transparence et de coopération avec l’AIEA.
● Enfin, ce cadre de sécurité établi se délite aussi sous la généralisation du recours aux stratégies hybrides et multiformes, conçues pour rester sous le seuil estimé de riposte ou de conflit ouvert, dans les nouveaux domaines de conflictualité que sont le cyber et l’espace et celui de confrontation de valeurs qu’est devenue l’information.
3. Une relation transatlantique sous tension la majeure partie de l’année
Outre la fermeture des frontières américaines aux vols en provenance de l’Union européenne sans en avoir préalablement informé les dirigeants des pays concernés et le retrait précédemment mentionné du traité Ciel ouvert, deux autres exemples ont illustré en 2020 les doutes transatlantiques sur la coopération avec les États-Unis : l’accord unilatéral avec les talibans afghans et l’annonce sans consultation d’une diminution de la présence américaine en Europe. Pour la France, s’y ajoute le soutien implicite apporté à la Turquie, jusqu’à l’inflexion en fin d’année.
a. Le cavalier seul de l’Administration Trump
● L’accord de paix bilatéral signé à Doha, au Qatar, le 29 février 2020 entre les États-Unis et les seuls talibans a entériné la réduction à venir des effectifs américains en Afghanistan, et ce-faisant, des effectifs de l’OTAN. Reconnu par les autorités afghanes et endossé par le Conseil de sécurité des Nations Unies à l’unanimité le 17 mars, ce texte prévoit en effet :
- une première réduction des effectifs américains en Afghanistan dans les 135 jours qui suivent l’accord, d’environ 13 000 personnels à 8 600. En parallèle, la mission de l’OTAN Resolute Support verrait ses effectifs se réduire de 17 000 personnels à 11 900 (dont 5 200 Américains et 6 700 soldats alliés et coalisés) ;
- un retrait complet des forces d’ici à mai 2021, cette dernière clause n’ayant pas été précisée aux Alliés en amont de son annonce publique.
En échange, les insurgés se sont engagés à réduire de façon significative le niveau de violence, à ne pas laisser des terroristes opérer depuis les territoires qu’ils contrôlent, et à entamer des négociations de paix directes avec le gouvernement de Kaboul.
Malgré la maigreur des avancées jusqu’à l’automne, l’armée américaine a entamé son retrait à un rythme plus rapide que celui prévu par l’accord. Le Président Donald J. Trump a ainsi affirmé, le 7 octobre, qu’il voulait retirer tous les militaires américains d’Afghanistan d’ici à Noël, et le ministre américain à la défense par intérim, M. Christopher Miller, a annoncé le 17 novembre une accélération du retrait des soldats déployés en Afghanistan, en diminuant, d’ici au 15 janvier 2021, leur nombre de 4 500 à 2 500, ce qui a été fait. La mission Resolute support compte désormais moins de 9 600 militaires avec comme principaux contingents les Américains (2 500 soldats), les Allemands (1 300), les Italiens (895), les Britanniques (750), les Turcs (600) mais aussi des pays partenaires comme la Géorgie (860) ou la Mongolie (233). Pour la première fois depuis 2002, les troupes non américaines sont plus nombreuses au sein de la coalition, réunie par l’OTAN en Afghanistan à la demande des États-Unis.
Le 2 décembre, les autorités afghanes et les talibans ont conclu un accord sur des règles et des procédures ouvrant la voie à des négociations de fond – dont une partie est un cessez-le feu global – dans le cadre du processus de paix en Afghanistan. À ce stade toutefois, le niveau de violence reste très élevé, les talibans étant responsables de récentes attaques. Tout en confirmant qu’ils continueraient à fournir les moyens de concrétisation de la mission de l’OTAN (soit des catalyseurs clés pour le reste de la mission de formation de l’OTAN, comme par exemple, le transport aérien, le soutien médical, le renseignement), un tel cavalier seul des États-Unis a alors placé l’OTAN devant un dilemme. Comme l’a indiqué le secrétaire général de l’OTAN à l’occasion de la Ministérielle Affaires étrangères début décembre, « le principal problème est que dans l’accord américano-taliban, il est indiqué que toutes les troupes internationales, y compris les troupes de l’OTAN, devraient quitter l’Afghanistan avant le 1er mai », laissant ainsi le choix entre :
- maintenir la présence militaire internationale – les talibans n’ayant pas honoré leurs engagements – et donc à la fois augmenter les responsabilités assumées par les Européens et courir le risque de relancer les combats et de prolonger durablement cette présence, ou
- mettre un terme à la présence militaire internationale et courir ainsi le risque de voir l’Afghanistan se transformer de nouveau en un sanctuaire du terrorisme international. Jens Stoltenberg a mentionné explicitement le rôle du groupe dit « État islamique » en Afghanistan et l’invocation de l’article 5 « pour la première et la seule fois pour aider à protéger les États-Unis après les attentats terroristes du 11 septembre » ([25]).
Fin 2020, les Alliés se sont engagés à fournir un financement aux forces de sécurité afghanes jusqu’en 2024 et les Alliés européens de l’OTAN et les pays partenaires concernés ont tous déclaré clairement qu’ils continueraient à maintenir leurs effectifs en Afghanistan. L’Administration Biden ayant fait savoir qu’elle envisageait de revoir l’accord de Doha pour évaluer le respect par les insurgés afghans de leurs engagements, la récente Ministérielle Défense a fait le choix de temporiser tout en réaffirmant que la décision serait prise ensemble par les Alliés.
● L’annonce sans consultation d’une diminution de la présence américaine en Europe du 29 juillet a renforcé ce sentiment d’un cavalier seul des États-Unis. Dans le contexte d’une rhétorique agressive sur le partage des charges, en particulier vis-à-vis de l’Allemagne le Secrétaire à la Défense Mark Esper et le chef du Commandement américain pour l’Europe Tod Wolters ont en effet présenté abruptement un plan de modification de la présence américaine en Europe.
L’Allemagne – qui accueille près de 36 900 personnels militaires américains – perdrait un tiers des effectifs américains (11 900) sur son territoire national, réduction accompagnée du transfert à Mons, en Belgique, du quartier général du commandement américain en Europe, aujourd’hui installé à Stuttgart. Certains effectifs (5 600) seraient repositionnés en Belgique, en Italie, en Pologne, dans les pays baltes et en Roumanie et Bulgarie tandis que la majorité (6 400) serait rapatriée aux États-Unis avant leur réengagement sur le sol européen sur une base rotationnelle. Le retrait de leur base permanente de forces spéciales (700 effectifs) dans le nord de la Norvège complète cette décision de réorganisation. En parallèle, les États-Unis et la Pologne ont signé un accord bilatéral de coopération de défense renforcé le 15 août dernier qui prévoit l’installation permanente du Ve corps d’armée et de son quartier général en Pologne.
Si le Secrétaire à la Défense a soutenu qu’il s’agissait de mieux répartir les forces en Europe afin de consolider la riposte face aux crises et rehausser la dissuasion face à la Russie, le Président Trump a lui été parfaitement clair en refusant, selon ses propos rapportés par la presse, d’« être le pigeon » d’une « Allemagne délinquante », qui ne paierait pas sa juste part des dépenses de défense de l’OTAN. Le Secrétaire à la Défense a toutefois insisté sur le besoin d’évaluation des coûts de ces propositions de modification (estimés entre 6 et 8 milliards de dollars) et sur l’accord préalable par le Congrès américain. Ce que ce dernier a in fine refusé de faire (cf. infra).
b. La cristallisation de la « question turque » dans l’Alliance
À la confluence des enjeux des flancs est et sud, la Turquie – clé traditionnelle du flanc sud-est – a continué d’alimenter les contentieux avec ses Alliés, sapant ainsi la crédibilité de la défense collective.
Les positions d’Ankara et leurs contradictions avec celles des Alliés se sont progressivement imposées au sein de l’Alliance pour atteindre un point de rupture clair – et public – lors du lancement de l’opération turque « Source de Paix » en octobre 2019 dans le nord de la Syrie. L’année 2020 a vu un tournant majeur dans ces tensions dans l’Alliance : des menaces directes contre des alliés – cran supplémentaire après avoir bloqué pendant plusieurs mois en 2019 l’adoption du plan de défense des pays baltes et de la Pologne –, le réveil d’un conflit gelé aboutissant à un renforcement de la présence de la Russie dans le voisinage de l’OTAN, et l’activation du systèmes d’armes anti-missiles S-400. Ce passif qui s’accumule et se cumule nuit à la crédibilité de la défense collective de l’Alliance, avec une acuité particulière en mer Noire ou à l’est de l’Europe, au point de finalement provoquer une réaction forte du secrétaire général de l’OTAN et des États-Unis.
● La mise en cause récurrente de la souveraineté d’Athènes – et de Chypre – a fait l’objet de nouveaux développements en 2020, avec la campagne d’exploration du navire de recherche turc Oruç Reis dans des zones maritimes que la Turquie revendique comme siennes en application de sa doctrine Mavi Matan, ou Patrie Bleue, adoptée comme politique et doctrine officielle du pays en 2019 et couvrant plus de 460 000 km² dans les mers Egée, Méditerranée et Noire, en contradiction avec le droit international. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a mis en place à l’été 2020 un « mécanisme de déconfliction » entre Athènes et Ankara, et la Turquie et la Grèce ont annulé des exercices militaires prévus en Méditerranée à l’occasion de leurs journées nationales respectives. Une médiation politique entre les deux États a été confiée à l’Allemagne, mais le fond du conflit demeure irrésolu.
● En Libye, la Turquie, en se positionnant comme un acteur majeur du conflit, a conduit à éloigner les perspectives d’un règlement diplomatique de la crise. Or la dégradation prolongée de la situation en Libye constitue non seulement un enjeu stratégique pour la stabilité régionale, mais aussi une menace directe pour l’Europe notamment en matière de lutte contre le terrorisme, de contrôle des migrations et de remise en cause des équilibres stratégiques, avec des impacts directs sur la stabilité de la Méditerranée centrale et orientale, des pays voisins et du Sahel.
Le grave incident qui a opposé le 10 juin 2020 la frégate Courbet, alors sous commandement OTAN, à des bâtiments turcs protégeant un cargo, le Çirkin, suspecté de violer l’embargo, édicté par les Nations Unies, sur les armes à destination de la Libye a fait franchir un palier supplémentaire aux tensions internes à l’Alliance. À trois reprises, les frégates turques ont « illuminé » le navire français avec leur radar de conduite de tir. Par ailleurs des personnels en gilets pare-balles et avec des casques lourds étaient postés aux affûts des armes légères du navire.
Cet acte ne peut pas être celui d’un allié face à un autre allié qui agit sous commandement de l’OTAN et une telle dérive a suscité une première réaction des Alliés et de l’OTAN. Huit alliés européens, dont des pays majeurs, ont apporté un clair soutien à la France lors de la Ministérielle Défense de juin, au cours de laquelle un plan d’action pour éviter la réédition d’un tel incident a été décidé, faisant la clarté sur les règles de comportement, l’utilisation des identifiants, et surtout réaffirmant le principe cardinal du respect de l’embargo.
● Déjà partie prenante des conflits en Libye et en Syrie, la Turquie a également contribué à la réactivation d’un conflit gelé dans le voisinage de l’Europe à l’automne 2020. En effet, de violents affrontements ont éclaté le 27 septembre entre les forces azerbaïdjanaises, fortes du soutien politique de la Turquie et de son aide militaire décisive, et la région séparatiste du Haut-Karabakh soutenue par l’Arménie. L’accord de cessez-le-feu du 10 novembre sous parrainage russe a restitué à l’Azerbaïdjan la totalité de la zone tampon autour du Haut-Karabakh, à l’exception d’un corridor de cinq kilomètre placé sous la protection d’une force russe d’interposition, un centre de surveillance, placé sous parrainage russo-turc, étant chargé d’assurer le respect de la cessation des hostilités.
L’implication de la Turquie dans le conflit du Haut-Karabakh, y compris avec l’acheminement de mercenaires syriens venus pour partie de Libye, a ainsi abouti non seulement au renforcement de la présence militaire russe dans cette région, mais aussi à la fragilisation de la présence occidentale, en affaiblissant la médiation confiée au Groupe de Minsk, dont font partie la France et les États-Unis.
● Enfin, le test par la Turquie, le 16 octobre, de ses batteries de missiles russes antiaériens S-400, a conduit finalement à une révision des perceptions. « L’analyse qui semble prévaloir désormais est que la Turquie a pris un tournant stratégique en phase avec les transformations régionales et mondiales. Elle se pose en puissance révisionniste » selon l’analyse de Jean-Sylvestre Mongrenier, docteur en géopolitique et chercheur associé à l’Institut Thomas More ([26]).
Le ministère de la défense américain a condamné « dans les termes les plus forts » ([27]) ce test, avertissant de potentielles conséquences graves pour les relations de défense entre les deux pays. La participation turque au programme de développement de l’avion de combat F-35 avait déjà été suspendue après l’achat du système des missiles anti aérien S-400, les États-Unis estimant que le système des S-400 permettrait d’en percer la technologie.
La question de l’ambiguïté turque dans l’Alliance a alors été reposée au sein de l’Alliance elle-même. Elle le fut par le secrétaire général de l’OTAN lors de la deuxième réunion semestrielle des ministres de la défense de l’Alliance, ébauchant la nécessaire discussion sur la stabilité en Méditerranée. Encore feutrée à ce stade, la dénonciation de « la tentation de l’escalade et le refus du dialogue qui ne sauraient avoir droit de cité parmi nous » est devenue moins amène lors de la Ministérielle Affaires étrangères en décembre. Le Secrétaire d’État sortant, M. Mike Pompeo, a fermement déploré qu’Ankara, en s’écartant des règles de l’Alliance, affaiblisse cette dernière. Il a dénoncé le « cadeau fait à la Russie » avec les S-400, sa « politique du fait accompli » dans plusieurs crises régionales et demandé à la Turquie de « revenir à un comportement d’Allié » ([28]), faisant notamment allusion à l’envoi de mercenaires étrangers en Libye et au Haut‑Karabakh et au blocage de plans de défense, selon ses propos rapportés par la presse.
Elle continue de l’être avec la nouvelle Administration américaine. Le Président Joseph R. Biden a annoncé vouloir revoir la relation avec l’exécutif turc à l’aune de son comportement sur le respect des normes démocratiques et ses prises de position à l’égard de la Russie. MM. Anthony Blinken, nouveau Secrétaire d’État, et Jake Sullivan, nouveau conseiller à la sécurité nationale, ont traduit ce nouvel état d’esprit à l’occasion de leurs premières prises de parole. M. Anthony Bliken a ainsi qualifié « d’inacceptable » l’achat par la Turquie, qualifiée « d’alliée supposée », de missiles S-400 à la Russie lors de son audition de confirmation au Sénat, et Jake Sullivan a évoqué la Turquie comme une question de « préoccupation commune » après sa rencontre avec ses homologues européens ([29]) .
c. Un rebond manifeste de la confiance transatlantique en fin d’année
● Il est juste de noter qu’en dépit des annonces de la précédente Administration américaine, les États-Unis sont demeurés fortement engagés dans la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN. Ce fut le cas notamment au travers des présences avancées renforcées et dans le cadre de la police du Ciel en Baltique, au sein des groupes maritimes de l’Alliance, de la NATO Response Force et des exercices de l’OTAN.
Ainsi, l’exercice majeur dirigé par les États-Unis et organisé en 2020, Defender-Europe 20, a mis en images cet engagement américain. S’inscrivant dans les travaux actuellement menés à l’OTAN pour faire en sorte que les Alliés puissent soutenir un mouvement rapide et à grande échelle de troupes et d’équipements (désignés par l’expression « facilitation de la zone de responsabilité du SACEUR »), soit renforcer la crédibilité de la dissuasion de l’OTAN : en cas de crise, les premiers éléments des forces à haut niveau de préparation de l’OTAN sont prêts à se déployer pour venir en aide à un Allié, en quelques heures seulement, avant l’envoi rapide de renforts. Consistant à tester la capacité à déplacer de gros contingents et de grandes quantités d’équipements entre les deux rives de l’Atlantique et en Europe, cet exercice a permis de déployer entre janvier et mars environ 6 000 militaires des États-Unis vers l’Europe et transporter quelque 9 000 véhicules et pièces d’équipement, essentiellement à partir de stocks locaux en Europe, et près de 3 000 pièces d’équipement depuis l’autre rive de l’Atlantique. En coopération avec les Alliés et les partenaires, les forces américaines en Europe ont également transporté des soldats et du matériel depuis de nombreux ports et aéroports européens vers des zones d’entraînement en Allemagne et en Pologne. Les enseignements tirés de cet exercice, le troisième plus important organisé en Europe depuis la Guerre froide, doivent permettre de renforcer davantage encore la disponibilité opérationnelle, l’interopérabilité et la résilience des Alliés.
● Mais un rebond manifeste en fin d’année est venu regonfler une confiance quelque peu ébranlée. Outre l’élection d’un nouveau président américain se voulant un ardent défenseur de l’ordre libéral multilatéral et des alliances qui l’organisent, la loi sur l’autorisation de la défense nationale pour l’exercice 2021 adoptée par le Congrès sortant, respectivement le 28 décembre (à la Chambre) et le 1er janvier (au Sénat) à la majorité qualifiée requise dans les deux chambres pour outrepasser le veto invoqué par le Président Donald J. Trump le 23 décembre, a démontré l’engagement américain bipartisan envers le respect des engagements pris avec les Alliés.
Elle a, d’une part, imposé au Pentagone un délai d’au moins 120 jours avant toute réduction de ses effectifs en Allemagne et en Afghanistan, impliquant qu’aucun retrait américain ne pourrait intervenir avant la prise de fonctions du nouveau Président le 20 janvier. Ce texte précise en outre qu’un retrait militaire d’Allemagne, « en période de menaces croissantes en Europe, constituerait une erreur stratégique grave qui affaiblirait les intérêts de sécurité nationale des États-Unis et fragiliserait l’Otan » ([30]) .
Cette loi demande, d’autre part, à l’exécutif américain d’imposer dans les trente jours des sanctions économiques individuelles contre des personnes impliquées dans l’acquisition par la Turquie de systèmes russe de défense aérienne S-400 incompatibles avec les systèmes de défense de l’Otan, en application de la loi dite CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act) de février 2015 qui prévoit des mesures à l’encontre de tout pays se procurant du matériel militaire auprès d’entreprises russes.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a réagi en affirmant que des sanctions américaines contre son pays seraient « un manque de respect de la part des États-Unis envers son allié très important au sein de l’Otan » ([31]). Mais dans une série de déclarations apaisantes il a indiqué sa volonté d’une « coopération plus forte avec nos amis et alliés ». Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a déclaré que son pays était prêt à « normaliser » ses rapports avec la France, évoquant une « feuille de route » tracée avec Paris ([32]). Cette volonté de désescalade fait clairement suite au changement de ton manifeste au dernier trimestre 2020.
Les déclarations de diverses autorités turques depuis quelques semaines semblent indiquer une volonté d’apaisement des tensions, cela doit être salué et se traduire dans les faits sur les différents théâtres d’opérations concernés. Il n’en demeure pas moins essentiel que soit clarifiés au sein de l’Alliance ce que doivent être une attitude solidaire et un bon comportement dans ce cadre.
B. 2021, Une annÉe de transition Vers Un PARTENARIAT STRATÉGIQUE transatlantique rÉÉquilibrÉ refondÉ sur des intÉrÊts communs et des valeurs partagÉes ?
En 2020, l’OTAN a réfléchi à son avenir en termes de cohésion et de valeurs – et la Turquie fait partie de ce sujet – mais aussi aux nouvelles menaces, ce qui inclut la lutte contre le terrorisme, et aux moyens d’y faire face. Le sommet des chefs d’État et de gouvernement en 2021 devrait être celui de la clarification, avant une traduction dans un concept stratégique actualisé en 2022.
1. Une réflexion politique sur l’avenir de l’Alliance et sa capacité à affronter les défis sécuritaires dont les premières conclusions sont attendues en 2021
a. Sommet de Londres : un débat stratégique sur le devenir de l’Alliance lancé par les Alliés sous l’impulsion de la France
La Rencontre de Londres en décembre 2019 avait initialement vocation à célébrer les 70 ans de l’OTAN. Mais, dans un contexte international de montée des tensions se répercutant de manière profonde sur l’Alliance elle-même après l’offensive lancée par le président turc Recep Tayyip Erdoğan dans le nord-est de la Syrie, sans aucune concertation avec les Alliés mais avec l’assentiment du président américain alors en fonction, Donald J. Trump, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a jugé indispensable que cette Rencontre soit l’occasion d’une véritable discussion stratégique sur le sens de l’Alliance atlantique, ses objectifs présents et futurs et ses moyens d’actions. Les derniers sommets avaient été dominés par le sujet des moyens de l’OTAN et il était grand temps de passer à une réflexion stratégique sur les finalités de l’OTAN.
Les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de lancer cette réflexion substantielle sur l’avenir de l’Alliance et sa capacité à affronter les défis sécuritaires présents et à venir, en la confiant à « des experts pertinents sous les auspices du secrétaire général », comme l’avaient proposé la France et l’Allemagne, et en confiant le soin au secrétaire général de présenter aux ministres des affaires étrangères des propositions approuvées par le Conseil pour renforcer la dimension politique de l’OTAN, y compris la consultation.
Trois sujets prioritaires en 2019 ont continué en 2020 à appeler des réponses collectives : le maintien de la paix et de la stabilité en Europe et la contribution de l’OTAN pour ce faire, la manière dont l’Alliance peut effectivement contribuer à la sécurité de ses membres, et, enfin, les droits et des devoirs des Alliés les uns envers les autres et la réassurance d’une solidarité entre les Alliés. Les évènements de l’année 2020 démontrent toute la pertinence des axes de réflexion retenus par les Alliés :
- Renforcer l’unité, la cohésion et la solidarité au sein de l’Alliance, et notamment asseoir le rôle primordial du lien transatlantique ;
- Accroître la consultation et la coordination politiques entre Alliés au sein de l’OTAN ;
- Renforcer le rôle politique de l’OTAN et ses instruments pertinents pour faire face aux menaces et aux défis actuels et futurs pour la sécurité de l’Alliance.
La discussion s’est déroulée tout au long de l’année 2020, et l’AP OTAN y a d’ailleurs pleinement pris part (cf. infra). Une restitution en fin d’année du groupe de réflexion et les propos liminaires à la réunion des ministres des affaires étrangères du secrétaire général de l’OTAN ont permis d’identifier de premières pistes, les Alliés restant décisionnaires finaux.
b. Le rapport du groupe d’experts : une perspective équilibrée pour l’Alliance
Après un travail approfondi nourri par des échanges réguliers avec les responsables politiques des pays de l’Alliance, le groupe d’experts ([33]), coprésidé par MM. Thomas de Maizière et Wess Mitchell, a remis son rapport au secrétaire général, M. Jens Stoltenberg, le 25 novembre 2020. Ce document public ([34]) comprend une analyse de l’environnement de la menace au cours de la prochaine décennie ainsi que 138 recommandations importantes et équilibrées dans quatre domaines spécifiques :
- Le renforcement du rôle et des outils de l’OTAN face aux menaces et défis présents et émergents pour la région euro-atlantique – le cœur de la mission de l’organisation – qui, émergeant de toutes les directions, prennent aujourd’hui un caractère plus global. Cela inclut l’actualisation rapide du concept stratégique de 2010 tout en préservant les trois tâches fondamentales de l’organisation (défense collective, sécurité coopérative, gestion des crises) ainsi que sa dimension nucléaire, tout en préservant une position nuancée vis-à-vis des grands compétiteurs stratégiques ;
- Le renforcement de la vision transatlantique commune, fondée sur des valeurs et des principes, et de la coopération OTAN-Union européenne ;
- Le renforcement de la consultation (qui faisait d’ailleurs partie du concept stratégique précédent celui de 2010) et de la prise de décision politiques à l’OTAN, qui se traduit par une propositions d’outils pour contrer certaines trajectoires et comportements, en particulier un code de bonne conduite entre Alliés réaffirmant les droits, les devoirs et les valeurs socles de l’Alliance, dans le respect de la lettre et de l’esprit du traité de Washington, et l’amélioration de la capacité de prise de décision en élevant le coût d’un blocage ;
- Le maintien de l’avance technologique en matière de technologies émergentes et de rupture.
c. De premières propositions faites par le secrétaire général soumises aux consultations conduites entre Alliés
Pour le secrétaire général de l’OTAN, une première phase s’est conclue avec la remise du rapport ; une deuxième phase se conclura en 2021, après ses consultations avec les Alliés, la société civile, de jeunes responsables, des parlementaires et le secteur privé, par un petit nombre de propositions concrètes dont les chefs d’État et de gouvernement auront à décider lors du prochain sommet, sur la base des consultations qui seront conduites entre Alliés, conformément à la lettre et à l’esprit du Traité de Washington.
M. Jens Stoltenberg avait d’ores et déjà précisé à l’occasion de la Ministérielle Affaires étrangères en décembre qu’à ses yeux le moment était venu de mettre à jour le concept stratégique de l’OTAN, l’environnement de sécurité auquel l’OTAN est confrontée ayant fondamentalement changé depuis l’adoption en 2010 du concept stratégique en cours, et il s’était une nouvelle fois inquiété de « toute tentative d’affaiblir le lien transatlantique, qui, non seulement affaiblira l’OTAN, mais affaiblira également l’Europe ». Il a précisé ses recommandations à l’occasion de ses conférences de presse des 15 et 17-18 février 2021 en marge de la Ministérielle Défense, mentionnant en particulier la nécessité d’accroitre la coordination politique au sein de l’Alliance, mais aussi l’extension du rôle et du besoin de financement de l’Organisation et omettant toute référence spécifique à une coopération avec l’Union européenne pourtant possible de façon positive dans nombre de champs mentionnés (questions économiques, changement climatique, technologies émergentes et de rupture, lutte contre la désinformation, voisinage).
Notre sécurité au 21e siècle dépend de notre capacité à relever ensemble les défis actuels et futurs en matière de sécurité dont le rapport a fourni une analyse détaillée. Consolider l’Alliance et notamment son rôle d’enceinte transatlantique centrale pour la coordination de nos politiques de défense et de sécurité implique de renouveler le partenariat transatlantique d’une manière qui reflète à la fois l’ancrage géographique de l’Alliance et la proximité des liens, des valeurs communes et des intérêts partagés par les Alliés. À cette fin, la cohésion, la solidarité et la prévisibilité entre les Alliés sont essentielles – et pour ce faire, le Conseil de l’Atlantique Nord, socle politique par excellence de l’Alliance, joue un rôle central –, tout comme la reconnaissance que des efforts de défense et une souveraineté européenne plus forts renforcent l’Alliance et le partenariat transatlantique. Il serait ainsi hautement souhaitable de s’assurer que les deux exercices de redéfinition stratégique en cours face aux bouleversements qui aujourd’hui redessinent le monde, la « Boussole Stratégique » européenne et le « Concept stratégique » euro-atlantique, soient coordonnés d’une manière constructive. La France y prendra toute sa part.
2. Un partage plus équitable des charges de défense toujours plus indispensable
a. Des efforts de défense en ligne avec les engagements pris d’un partage plus équitable…
En 2014 au Sommet de Newport (Pays de Galles), les chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance ont pris plusieurs engagements en matière de dépenses de défense (Defence Investment Pledge, DIP) : ils se sont engagés, à un horizon de dix ans (soit d’ici fin 2024), à « se rapprocher » d’un niveau de dépenses de défense équivalent à 2 % de leur PIB – réitérant la règle fixée en 2006 –, et à « porter » leurs investissements annuels destinés aux équipements majeurs (R&D incluse) à 20 % de ces dépenses.
Découlant du déséquilibre entre les efforts de défense des États-Unis et des autres Alliés, le sujet du partage de l’effort collectif en matière de dépenses militaires a dominé les débats ces quatre dernières années en raison des critiques virulentes du précédent Président américain, Donald J. Trump, qui dès son élection, en avait fait un thème central de ses relations avec les autres Alliés.
S’il convient de noter l’impact du coronavirus en 2020 – le PIB variant avec la croissance économique –, la somme des dépenses de défense des Alliés européens et du Canada a augmenté depuis six années consécutives en termes réels, comblant partiellement l’écart avec les États-Unis. Les dépenses de défense hors États-Unis sont en augmentation constante (+ 130 milliards de dollars en 2020 et, à rythme constant, + 400 milliards de dollars en 2024) et dix Alliés ([35]) ont désormais franchi la barre des 2 % du PIB, contre trois au moment de l’adoption de cet indicateur de référence en 2014. Quelques-uns en sont proches (Bulgarie, Croatie, Macédoine du Nord, Slovaquie et Turquie).
L’engagement pris en 2014 mentionne également l’impératif – pour se prémunir contre un déclassement attendu par les compétiteurs stratégiques – de développer des capacités adéquates et interopérables (dimension capacitaire) ainsi que la nécessité de déployer ces dernières quand cela est nécessaire (dimension opérationnelle).
Outre les États-Unis, la France – les seuls Alliés disposant d’un spectre complet de capacité avec dans une moindre mesure le Royaume-Uni –, treize autres Alliés dépassent ou sont très proches de l’objectif capacitaire. La mise en œuvre par les nations de l’ensemble de leurs objectifs capacitaires acceptés dans le cadre du processus de planification de défense de l’OTAN devrait permettre, d’ici 2036, de résorber ces lacunes.
De plus, les Alliés membres de l’Union européenne se sont accordés le 14 décembre 2020 sur un Fonds européen de défense (FED) d’un montant de 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027 dont l’objectif est d’améliorer l’interopérabilité des équipements militaires des États membres de l’Union européenne.
Quant à l’effort opérationnel, il repose aujourd’hui essentiellement sur un nombre limité d’Alliés : six nations européennes, dont la France, assument ainsi 80 % des dépenses additionnelles engendrées par les opérations extérieures (dépenses américaines exclues). Dix membres de l’Union européenne également membres de l’OTAN ([36]), deux autres parmi ses partenaires très proches, la Suède et la Finlande, et le Royaume-Uni – dont certes la relation de sécurité avec l’Union reste à définir après le Brexit mais qui devrait rester un partenaire de premier plan – participent à l’Initiative européenne d’intervention (IEI). En favorisant l’émergence d’une culture stratégique commune et en créant les conditions préalables pour de futurs engagements coordonnés et préparés conjointement sur tout le spectre de crise, l’IEI renforcera la capacité militaire des États participants d’assumer un engagement en opérations.
En conduisant les États européens à mieux exploiter ensemble leur potentiel de défense, ces deux initiatives européennes, FED et IEI, se font au bénéfice de tous, y compris de l’OTAN, et en complémentarité avec cette dernière, puisque les Européens seront mieux à même d’assurer leur propre protection comme celle de la zone euro-atlantique. A contrario, il n’est pas certain que le récent renouveau par le secrétaire général de l’OTAN de l’idée déjà mise en avant par le passé d’accroitre le financement commun des opérations de dissuasion et de défense conduites sur le territoire de l’Alliance réponde de manière pertinente à l’exigence prise en commun d’accroitre en même temps les financements, les contributions et les capacités.
Enfin, les clés de contribution au budget même de l’OTAN ont été revues pour réduire la part des États-Unis dans le budget de fonctionnement commun de la structure OTAN.
L’année 2020 a donc marqué des progrès supplémentaires notables sur la voie d’un partage plus équitable des charges dans toute l’Alliance, qui demeure une constante des administrations américaines. La conférence de presse pré-ministérielle tenue au Pentagone le 16 février dernier a été éclairante : « nous nous sommes tous engagés à respecter […] cette trajectoire [décidée en 2014] pour dépenser 2 % de notre PIB en défense, 20 % en capacités. Nous attendons de tous les alliés qu’ils respectent cet engagement. C’est un engagement que nous avons tous pris. Nous apprécions ceux qui ont évolué dans cette direction et nous applaudissons cela, mais nous savons aussi qu’il reste du travail à faire » ([37]).
La France s’est mise en ordre de marche avec la loi n° 2018‑607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Ses ambitions et ses priorités conservent toute leur pertinence dans ce nouvel environnement géostratégique. Elle est mise en œuvre selon le rythme et les modalités décidés et le budget de la défense atteindra cette année comme prévu 39,2 milliard d’euros. Toutefois, une accélération de la préparation opérationnelle des armées leur permettra de faire face de manière plus complète et plus agile à l’ensemble du spectre des menaces, y compris de haute intensité. En matière de capacités, l’amélioration des capacités de détection des menaces et d’attribution des agressions notamment dans les nouveaux domaines de conflictualité impose de mieux récolter et mieux analyser les données. La pandémie a mise en lumière la nécessité d’une meilleure protection des forces, du territoire et des populations vis-à-vis des risques NRBC et plus généralement la définition d’une nouvelle fonction stratégique résilience. Enfin, les capacités en matière de lutte anti-drone seront renforcées. Ces adaptations capacitaires permettent à la France de préparer de manière encore plus efficace la guerre de demain. Reste à mieux les expliquer.
b. …rendus encore plus nécessaires par une relative perte de sens de la relation transatlantique parmi les populations
Deux études parues début et fin 2020 ont souligné le changement d’attitude des Européens mais aussi des Américains à l’égard les uns des autres ces dernières années, au moment même où les évolutions de la conflictualité nécessitent des populations soudées, conscientes des efforts nécessaires pour préserver nos libertés.
La première, du Pew Research Center, parue en février 2020, a mis en évidence une double évolution préoccupante en dépit du maintien d’une image positive de l’OTAN au plan général : une réticence généralisée à respecter l’engagement de défense collective énoncé à l’article 5 du traité fondateur de l’OTAN, les sondés se reposant majoritairement, pour venir au secours d’un Allié, sur des États-Unis eux-mêmes de moins en moins convaincus de la valeur de l’Alliance. Dans la plupart des pays membres de l’OTAN, les sondés étaient en effet en 2019 plus susceptibles de dire que les États-Unis défendraient un allié de l’OTAN contre une attaque russe que de dire que leur propre pays devrait faire de même. Un tel résultat interroge sur la disposition des citoyens à accepter les coûts humains et financiers nécessaires à la poursuite de la remontée en puissance engagée à l’OTAN depuis 2014.
pourcentage de sondÉs indiquant que si la Russie entre dans un conflit militaire sÉrieux avec l’un de ses pays voisins qui est notre alliÉ de l’OTAN…
..notre pays devrait utiliser la force militaire |
…les États-Unis utiliseraient la force militaire |
Diff. |
Sondage Global Attitudes fait au printemps 2019 (questions 24 et 25 – Les États-Unis n’ont pas été interrogés sur les deux questions, tout comme la Russie et l’Ukraine, inclues dans l’étude générale). Différences statistiques en gras. La Bulgarie n’est pas mentionnée en raison d’une erreur de traduction.
Source : Pew Research Center, février 2020, NATO Seen Favorably Across Member States – https://www.pewresearch.org/global/2020/02/09/nato-seen-favorably-across-member-states/
Or, le même sondage met en évidence que seuls 52 % des Américains interrogés expriment en 2019 une opinion favorable de l’OTAN (la médiane se situant à 53 % pour l’ensemble des pays de l’OTAN), avec une forte divergence partisane, 61 % des démocrates ayant une vision positive de l’alliance, contre 45 % des républicains. Les deux partis se rejoignent toutefois sur un point, la perte d’adhésion, puisque les opinions positives des démocrates ont chuté de 15 points depuis 2018 tandis que celles des républicains ont chuté de 7 points.
L’ampleur de la méfiance qui s’est installée progressivement vis-à-vis du lien transatlantique ces quatre dernières années a de nouveau été mise en évidence fin 2020 par un sondage effectué pour le compte du centre de réflexion European Council on Foreign Relations (ECFR) réalisé par les instituts YouGov et Datapraxis entre novembre et décembre 2020 auprès de 15 000 personnes dans onze pays européens ([38]), dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Dans leur majorité, les citoyens interrogés espèrent réduire leur dépendance envers les États-Unis, la relation transatlantique étant désormais jugée moins adaptée aux enjeux du moment et la fiabilité des États-Unis sujette à caution. À peine 10 % des personnes interrogées sont désormais d’avis que les États-Unis protégeront le continent en cas de conflit. À l’inverse, 67 % jugent que leur pays ne peut pas compter sur le soutien de Washington en cas de crise majeure.
L’alternative, pour ces Européens, serait une Europe renforçant ses propres capacités de défense – un peu plus de sept personnes sur dix sont de cet avis en France, en Espagne et au Royaume-Uni et six sur dix en Allemagne – tout en conservant une forme de neutralité et de prudence tant vis-à-vis de la Chine que de la Russie, de préférence à la recherche de puissance attachée à la notion de « souveraineté européenne » portée par la France.
3. La mise au premier plan du renouvellement de la relation des deux côtés de l’océan Atlantique
a. Une réflexion en cours en Europe pour réinventer le lien avec Washington
● Nombre d’Alliés européens sont aujourd’hui conscients que le simple retour au statu quo ante Trump ne se fera pas. Même si des sensibilités différentes existent autour de la table, les Européens sont unanimes pour appuyer une refondation du partenariat transatlantique.
C’est bien sûr le cas de la France – promoteur le plus ardent d’une relation transatlantique rééquilibrée avec une Europe « capable de se penser comme une entité pertinente capable de décider pour elle-même et d’être en mesure d’investir, notamment dans sa défense » selon les propos du Président de la République, M. Emmanuel Macron, devant le centre de réflexion Atlantic Council, partenaire de longue date de l’AP OTAN. Si une partie de la classe politique allemande pourrait être tentée de se replacer sous le parapluie sécuritaire américain – comme en témoignent les propos de la ministre allemande de la défense, Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, dans une tribune de Politico en novembre dernier : « Il faut en finir avec l’illusion d’une autonomie stratégique européenne. Les Européens ne pourront pas remplacer le rôle capital qu’ont les États-Unis en tant que garants de leur sécurité » –, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Heiko Maas, cosignait lui dans le même mois avec son homologue français, M. Jean-Yves Le Drian, une tribune marquant son attachement à la « construction de [la] souveraineté européenne », dans la droite ligne des propos de la Chancelière Angela Merkel en 2017 à Munich « Les temps où nous pouvions totalement nous reposer sur d’autres sont en partie révolus. […] Nous, les Européens, nous devons vraiment prendre en main notre propre destin. […] nous devons le savoir : nous devons lutter nous-mêmes, en tant qu’Européens, pour notre avenir et notre destin » ([39]). Lors de la conférence de presse qui a suivi le Conseil franco-allemand de défense du 5 février 2021, le Président de la République et la Chancelière ont « réaffirmé [leur] conviction dans un agenda de souveraineté européenne, dans ce concept d’autonomie stratégique européen qui s’inscrit dans une ambition et un partenariat transatlantiques, mais qui nous paraît être une nécessité dont le couple franco-allemand, d’un point de vue industriel, géopolitique, stratégique, est évidemment le cœur ».
● Les institutions européennes s’emploient d’ailleurs à essayer de cadrer le débat sur la future relation transatlantique, et de démontrer la valeur ajoutée qu’une Europe stratégiquement autonome peut apporter aux États-Unis.
Outre une discussion au Conseil européen des 10 et 11 décembre dernier, la Commission européenne comme le Conseil ont précisé dans un document les chantiers, à mener conjointement avec Washington, pouvant servir de vecteur à une refondation du partenariat transatlantique, avec cinq domaines de coopération potentielles, dont le renforcement du système multilatéral et la promotion de la paix et de la sécurité.
Au-delà des déclarations, il faut des actes. La création fin 2020 du Fond européen de défense – projet porté de longue date par la France au niveau européen – est un signal qui peut s’interpréter de diverses manières. Premier fonds européen entièrement dédié à la défense, il sera doté d’une enveloppe de 7 milliards d’euros pour la période budgétaire 2021-2027, contre 13 milliards initialement proposés par la Commission, soit une forte réduction de l’ambition initiale. Le Président de la délégation de l’Assemblée nationale à l’OTAN voit pour sa part dans l’existence même du Fonds européen de défense ce changement de paradigme indispensable pour permettre la nécessaire complémentarité à l’OTAN des efforts des Alliés européens dans ce mouvement de recentrage de la politique étrangère américaine vers l’Asie et les nécessités de politique interne engagé sous la présidence Obama.
b. Le réengagement affirmé de la nouvelle Administration américaine
Une première « réparation » des multiples accrocs à la relation transatlantique occasionnés par la présidence Trump est survenue dès le premier jour de la présidence Biden. Le nouveau président américain a en effet affirmé dans son discours inaugural devant le Capitole à Washington D.C., le 20 janvier que « nous allons réparer nos alliances et nous engager à nouveau avec le monde » ([40]).
Cette volonté de restaurer le « leadership américain » s’est traduite quelques heures seulement après ce discours d’investiture, avec le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris. La rencontre conjointe des ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis s’en est également faite l’écho dès le 5 février, avec l’affirmation par le Secrétaire d’État américain Antony Blinken du « rôle central de la relation transatlantique pour affronter les questions de sécurité, de climat, d’économie, de santé et d’autres défis auxquels fait face le monde » et d’une volonté commune de « relancer » les liens transatlantiques ([41]).
Mais si le président Joseph R. Biden ne remet pas en question l’alliance avec les partenaires européens et les traitera avec respect, à l’inverse sur ces deux points de son prédécesseur, « la volonté de pivoter vers l’Asie, le souhait d’un moindre engagement en Europe et au Proche-Orient, le rejet de l’interventionnisme militaire, qui a conduit le pays à son "overextension" actuelle, forment un fil rouge qui traverse les présidences successives » selon M. Michel Duclos dans une note d’octobre 2020 pour l’Institut Montaigne ([42]). Les défis externes et internes que les États-Unis ont à relever sont tels que l’affirmation d’un pilier européen à l’OTAN pourrait être perçu comme un appui utile, voire bienvenu si nous savons convaincre les États-Unis qu’il s’agit pour eux d’une question d’intérêt national. Inversement, une tiédeur européenne à assumer ses responsabilités notamment financières pourrait être vue comme une faiblesse coupable.
4. Un Sommet de transition ou de décision en 2021 ?
Dès les résultats de l’élection américaine connus, le secrétaire général de l’OTAN a plaidé pour la tenue d’un sommet avec le nouveau Président élu, en début d’année. Ce sommet est annoncé, sans que sa date ne soit précisément définie ; une partie de son agenda est déjà connue également, puisque les principes de l’actualisation du concept stratégique de 2010, donc des intérêts partagés, et de la réaffirmation nécessaire des valeurs et des principes du Traité de Washington – deux recommandations principales des experts – semblent faire consensus et sont pleinement soutenus par la France.
Restera à définir le contenu. Ce travail doit avoir pour ambition, comme l’a rappelé le Président de la République lors du Conseil franco-allemand de défense du 5 février dernier, de clarifier les ambitions politiques de l’Alliance, de clarifier ses priorités, mais aussi les règles de bonne conduite entre membres de l’Alliance.
Fin 2020/début 2021, les récentes déclarations apaisantes du Président turc Recep Tayyip Erdoğan et le réalignement des États-Unis dans l’OTAN doivent ouvrir la voie à la réaffirmation de l’OTAN comme organisme politique permettant d’harmoniser les choix et de coordonner les politiques des Alliés.
Permettra-t-il de voir un réel rééquilibrage transatlantique, avec l’émergence d’un pilier européen plus autonome ? C’est l’enjeu crucial des prochains mois. Dans ces temps de bascule propice aux transformations, l’opportunité d’un rééquilibrage transatlantique existe clairement aujourd’hui au bénéfice de tous. « La culture politique de nos partenaires étant ce qu’elle est, [l’émergence d’une Europe « souveraine »] passera par une forme d’endossement de la part des États-Unis, actualisant ce qu’était au départ le soutien des États-Unis à la Communauté européenne] » selon M. Michel Duclos. La nouvelle Administration est sans nul doute un bien meilleur partenaire pour ce faire.
Côté européen, l’exercice – inédit à ce jour – de « boussole stratégique » entamé sous la présidence allemande au deuxième semestre 2020 avec la définition du socle, l’évaluation commune des menaces et des vulnérabilités, aboutira sous présidence française, au premier semestre 2022 avec la définition par consensus des nouvelles ambitions européennes pour mieux répondre à ces dernières. Des pistes sont d’ores et déjà esquissées : les opérations, la gestion de crise, la résilience. « Il serait utile qu’au prochain sommet de l’OTAN, ou dès que l’occasion se présentera, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance et de l’UE tiennent une réunion extraordinaire, dont les modalités auront été fixées d’un commun accord, afin de faire le point sur les relations entre les deux organisations et de réfléchir aux domaines dans lesquels la coopération pourrait être approfondie » a proposé le groupe d’experts dans son rapport. Il serait en tout cas hautement souhaitable de s’assurer que les deux exercices de redéfinition stratégique en cours face aux bouleversements qui aujourd’hui redessinent le monde, la « Boussole stratégique » européenne et le « Concept stratégique » euro-atlantique, soient coordonnés d’une manière constructive.
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II. LES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN
La présente partie du rapport d’activité retrace les activités de la délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP OTAN) en 2020.
Entre janvier et la mi-mars, l’AP OTAN a pu organiser quatre réunions physiques de commissions et autres organes : une réunion du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN (UNIC) à Bruxelles – à laquelle a participé M. Philippe Michel-Kleisbauer –, la traditionnelle réunion conjointe des commissions Économie et sécurité/Défense et sécurité/Politique et des bureaux des deux autres commissions ([43]) à Bruxelles également (au programme de laquelle figurait pour la première fois une démonstration de cyber dissuasion interactive), la participation des commissions Économie et sécurité et Politique à la session à Paris du réseau parlementaire mondial de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et enfin, une visite en Suède de la sous-commission tendances technologiques de la sécurité de la commission Sciences et technologies.
Puis, comme nombre d’autres assemblées parlementaires internationales, l’AP OTAN s’est trouvée cette année dans une situation sans précédent puisque la pandémie de covid-19 l’a contrainte à reporter puis annuler toutes ses réunions physiques à partir de la mi-mars, y compris la session de printemps et la session annuelle – exception faite d’une mission d’observation des élections législatives en Géorgie le 31 octobre, avec une délégation de taille très restreinte –.
Le Bureau et les membres de l’Assemblée parlementaire ont jugé indispensable de pouvoir continuer à débattre des conséquences de la pandémie et de l’ensemble des questions politiques et sécuritaires inscrites à l’ordre du jour transatlantique ; les deux sessions tout comme les autres activités ont donc été dématérialisées et se sont tenues pour la toute première fois en ligne.
A. RAPPEL : DES PARLEMENTAIRES QUI S’EXPRIMENT À TITRE INDIVIDUEL
Dans les assemblées parlementaires internationales, les parlementaires viennent dans le cadre d’une délégation nationale mais ont la liberté de s’exprimer à titre individuel.
L’AP OTAN respecte bien ce principe de l’indépendance des parlementaires puisque l’article 29 de son règlement précise que « les délégués prennent la parole et agissent sous leur propre responsabilité. Leurs déclarations n’engagent ni leur gouvernement, ni leur parlement. »
En outre, les réunions de commissions et les visites à l’étranger respectent les règles de confidentialité de Chatham House, ce qui garantit la spontanéité et donc l’intérêt des échanges.
En règle générale, les parlementaires français veillent à bien préciser qu’ils s’expriment à titre personnel lorsqu’ils sont conduits à évoquer des éléments qui ne correspondent pas à la position du gouvernement.
B. les INSTANCES DIRIGEANTES : BUREAU ET COMMISSION PERManente
1. Le Bureau : deux nouveaux membres français
Le Bureau de l’AP OTAN est constitué du président, de cinq vice-présidents et du trésorier.
Son fonctionnement et sa composition reposent sur le principe de continuité. Dans le cadre du Bureau élargi, les anciens présidents et les anciens vice-présidents prennent part aux réunions du Bureau pendant les deux années qui suivent l’expiration de leur mandat, qui est lui-même d’au maximum deux ans, dès lors qu’ils restent membres de leur délégation nationale.
Le chef de la délégation française jusqu’au 30 septembre 2020, M. Philippe Folliot, a été désigné en début d’année pour remplacer un vice-président dont le mandat au sein de sa délégation nationale n’avait pas été renouvelé. Il a donc participé au premier plan aux décisions prises par le Bureau lors de ses sept réunions pour adapter l’AP OTAN aux circonstances particulières qui ont marqué l’année 2020, et continuer à offrir à ses membres un forum d’échanges sur la réponse des pays alliés et de l’OTAN tant à la crise actuelle qu’aux autres défis. Son mandat a pris fin lors de la session plénière en ligne le 23 novembre, mais il continuera à participer aux travaux de cette instance jusqu’en novembre 2022, en sa qualité d’ancien vice-président. La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam a été élue vice-présidente lors de cette même session.
2. La commission permanente : une action décisive face à l’impact de la pandémie sur le fonctionnement de l’AP OTAN et une contribution substantielle au processus de réflexion sur l’avenir de l’OTAN
La commission permanente constitue l’organe d’orientation des travaux de l’Assemblée parlementaire et elle décide collectivement des thèmes de travail auxquels elle va se consacrer.
La délégation luxembourgeoise aurait dû être l’hôte de la commission permanente de l’AP OTAN fin mars, ce que la pandémie de covid-19 a toutefois empêché. Cette pandémie a eu un double impact sur la commission permanente :
- sur son fonctionnement d’abord, puisque la totalité des réunions de la commission permanente se sont déroulées en 2020 sous la forme de visio-conférences,
- sur ses travaux ensuite, la commission permanente ayant eu à valider l’adaptation des méthodes de travail de l’Assemblée parlementaire ainsi que la réorientation de son programme de travail pour suivre attentivement l’impact de la pandémie sur l’Alliance.
Outre cette adaptation aux circonstances, la commission permanente a apporté une contribution substantielle aux travaux du groupe d’experts mis en place en mars 2020 par le secrétaire général de l’OTAN à la suite de la Réunion des chefs d’État et de gouvernement à Londres en décembre 2019. Ses membres ont rencontré les deux co-présidents de ce groupe d’experts le 7 octobre ; les réponses au questionnaire adressé aux chefs de délégation ont directement nourri la contribution de l’Assemblée parlementaire aux travaux du groupe d’experts portée par la Déclaration OTAN 2030 : une Alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale examinée par la commission permanente et adoptée lors de la session plénière (cf. infra).
Parallèlement aux débats sur des sujets relatifs au fonctionnement interne de l’AP OTAN, ces réunions – auxquelles ont participé M. Philippe Folliot (jusqu’en septembre 2020) puis M. Philippe Michel-Kleisbauer (lors de la session plénière en ligne en novembre) –, ont été également l’occasion pour les délégués d’examiner les observations en réponse du secrétaire général de l’OTAN, président du Conseil de l’Atlantique Nord, sur les recommandations de politique générale adoptées à la session plénière précédente.
Deux derniers points ont, enfin, été plus particulièrement été à l’ordre du jour en 2020 :
- la finalisation de l’intégration de la République de Macédoine du Nord, cet État étant devenu officiellement en mars le 30e membre de l’Alliance ;
- et l’impact financier de la pandémie sur l’OTAN et l’AP OTAN. Sur le premier point, l’intervention traditionnelle de la Présidente du Collège international des commissaires aux comptes de l’OTAN (IBAN) sur l’obligation de rendre des comptes et la transparence financière de l’OTAN n’est intervenue qu’à la session annuelle en novembre. Sur le second point, l’AP OTAN a souhaité adopter une attitude de prudence : elle a retenu l’établissement d’un budget 2021 à croissance nominale nulle, autrement dit le même budget – du point de vue de la structure et de la taille – que celui de 2020. Dans le prolongement de la crise financière de 2008, l’Assemblée avait connu des budgets de ce type six années durant. L’AP OTAN a toutefois privilégié fin 2020 la mise en réserve de la partie des crédits non dépensés pour les activités ainsi que pour le projet de modernisation du fonctionnement du secrétariat international (accélération de la numérisation). Cette réserve d’urgence, expressément mentionnée dans le règlement financier, est notamment destinée à permettre à l’Assemblée de poursuivre ses activités dans le cas où une délégation ne pourrait pas payer sa contribution ou en cas de déficit de financement non-prévisible et exceptionnel. Dans un contexte de crise économique et sociale la plus grave depuis la Seconde Guerre Mondiale, plusieurs délégations, dont la délégation française, avaient exprimé leur préférence pour une restitution – en totalité ou en partie – aux parlements nationaux.
C. Les principaux thÈmes des travaux en 2020
1. La réponse de l’OTAN et des Alliés à la pandémie
L’AP OTAN a utilisé trois principaux vecteurs pour examiner l’ensemble des impacts de la pandémie relevant de son champ de compétences, afin de permettre aux délégations d’échanger leurs points de vue sur la réponse de l’OTAN et des Alliés à la pandémie : l’interrogation directe des chefs de délégation, trois webinaire dédiés, des rapports spéciaux.
a. L’analyse des délégations nationales : enquête et entretiens
Outre une enquête lancée auprès des délégations nationales ([44]), le Secrétariat international a réalisé des entretiens avec la quasi-totalité des chefs de délégation sur le rôle de l’OTAN et celui des parlements dans le contexte de la pandémie, les problèmes rencontrés, les enseignements tirés, etc. Ces entretiens ont été publiés sur le site Internet de l’Assemblée et partagés sur les réseaux sociaux.
Le Président de la délégation française, alors M. Philippe Folliot, a ainsi été interrogé parmi les tous premiers, le 27 mai dernier. Rappelant que la réponse de l’Alliance à la crise liée à la covid-19 avait été engagée dans l’urgence, il s’est félicité que « la tenue très rapidement de plusieurs visioconférences ministérielles ainsi que les premières mesures [aient] démontré la capacité de mobilisation de l’Alliance ». De son point de vue, « la mobilisation des Alliés a été rapide et efficace, se déclinant principalement en trois dimensions : soutien médical et sanitaire pour soulager des structures civiles, soutien logistique et lutte contre la désinformation. Sur ce dernier point, la France a agi – y compris au plus haut niveau, puisque le Président de la République est intervenu publiquement sur ce sujet – pour contrer des narratifs faux et a bénéficié de la coopération interalliée pour repérer, surveiller et dénoncer les actes de désinformation visant à fragiliser sa position et son image ainsi que celles de ses Alliés et pour y opposer une réponse énergique ».
Il a tiré trois enseignements de cette première réponse de l’OTAN et de la mobilisation des forces armées face à ce type inédit de crise.
Pour la délégation française, si dans de telles circonstances, les armées sont naturellement étroitement associées aux activités de protection civile, priorité doit être donnée, dans l’Alliance, à la préservation de la crédibilité de la posture de dissuasion et de défense. Certes, l’OTAN continue d’assurer sa fonction de dissuasion – et la France y a contribué pendant la crise et elle continue de le faire. Toutefois, cette crise est aussi l’opportunité d’interroger d’éventuelles vulnérabilités et de nous projeter dans d’autres défis qui pourraient affecter la posture. Pour la délégation française, l’impact en termes de préparation opérationnelle, en portant préjudice au maintien en condition des matériels, ainsi qu’à la qualité des ressources humaines, s’accroît à mesure que la crise se poursuit. Cette crise a également rappelé l’ampleur possible des menaces bactériologiques et chimiques, qui devraient faire l’objet d’une attention accrue dans notre capacité de défense collective.
Deuxièmement, il convient d’aborder sous l’angle de la valeur ajoutée et de la non-duplication l’opportunité de nouvelles tâches pour l’OTAN, en propre ou en partenariat (notamment avec l’Union européenne). Les forces armées françaises, britanniques et néerlandaises ont ainsi déployé trois navires dans les Caraïbes pour secourir les populations locales et soutenir leurs autorités. Une telle réponse militaire à l’appui des outils civils de gestion de crise avait d’ailleurs déjà été mise en place après le passage de l’ouragan Irma en 2017. « L’intérêt d’actions communes et coordonnées, à titre bilatéral, au sein de l’Union européenne, voire à l’OTAN, pour optimiser les contributions militaires nationales et fournir plus d’agilité et de flexibilité dans la réponse aux catastrophes, naturelles comme sanitaires, n’est plus à démontrer » a ainsi rappelé le chef de la délégation française.
Enfin, cette crise en rappelle évidemment une autre, la crise financière de 2008. Les dépenses de défense avaient alors été réduites, et l’effet en est encore sensible aujourd’hui même si la tendance est largement inversée comme le montre les dépenses de défense des pays membres en 2020, devenue la sixième année consécutive de hausse des dépenses militaires par les alliés européens et le Canada, avec une progression réelle de 4,3 %. Il convient naturellement de maintenir des dépenses de défense à la hauteur des défis et des surprises stratégiques d’aujourd’hui et de demain, mais aussi contribuer à la relance de l’industrie française et européenne.
b. Trois webinaires d’information et d’échanges sur la pandémie et ses conséquences pour l’OTAN, les forces armées, et l’économie
Les trois premiers séminaires en ligne organisés par l’AP OTAN, entre le 7 mai et le 19 juin, ont été consacrés à la pandémie et à ses conséquences pour le rôle de l’OTAN, le rôle des forces armées, et l’économie.
Le premier séminaire a permis aux délégations d’interroger James Appathurai, secrétaire général adjoint de l’OTAN pour les affaires politiques et la politique de sécurité. Pour ce dernier, si le soutien bilatéral entre Alliés s’est révélé capital, l’OTAN et les moyens fournis par celle-ci ont également joué un rôle clé, par exemple en coordonnant l’assistance, en fournissant un transport aérien stratégique pour le matériel médical, en accélérant les procédures pour les vols de secours militaires ou encore en coordonnant ses actions avec celles d’autres partenaires internationaux, notamment l’Union européenne. L’OTAN et ses membres ont également intensifié leurs campagnes de lutte contre la désinformation. À moyen et long terme, M. Appathurai a souligné la nécessité de maintenir les dépenses de défense à niveau pour faire face aux autres menaces en cours. Les Alliés doivent également rester attentifs à l’effet multiplicateur potentiel de cette pandémie dans les États fragiles et les régions instables du voisinage de l’OTAN, ainsi qu’aux tentatives de la Chine et de la Russie d’exploiter cette crise à leur avantage sur la scène internationale. La démonstration de l’efficacité des systèmes démocratiques dans la gestion de crises et la protection des ressources stratégiques constitueront autant de priorités clés, à ses yeux, pour l’avenir.
M. Philippe Michel-Kleisbauer a souligné à quel point cette crise était riche d’enseignements possibles en matière de préparation aux menaces bactériologiques et chimiques, rappelant l’importance des exercices de l’OTAN pour partager les meilleures pratiques et permettre aux forces alliées d’atteindre les normes d’interopérabilité élevées. M. Jean-Marie Bockel a d’une part présenté l’action des forces armées françaises dans la région Grand-Est et d’autre part s’est inquiété des atteintes aux capacités opérationnelles et en matière cyber et des modalités possibles d’une entraide entre Alliés dans le respect des souverainetés de chacun.
Le deuxième séminaire a permis aux membres de l’AP OTAN de s’informer sur le rôle des forces armées espagnoles dans la gestion de la crise de la Covid-19, en échangeant directement avec le général de corps d’armée Fernando Lopez del Pozo, commandant des opérations espagnoles. Les sénateurs Jean-Marie Bockel et Gilbert Roger ont pu ainsi mieux s’informer sur l’opération Balmis, la mission des forces armées espagnoles dans le cadre de la crise du coronavirus.
Quant au troisième, organisé en partenariat avec l’OCDE, il a permis aux participants d’évaluer les premières réponses internationales à la crise économique et sociale née de la pandémie.
c. Les rapports spéciaux des cinq commissions et du groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient
Dès la mi-avril, les bureaux des commissions et du groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) ont adapté leur programme de travail pour y inclure, en plus des seize rapports traitant d’autres grands thèmes ou priorités, des rapports spéciaux sur les aspects de la crise directement liés à leurs ordres du jour respectifs. Le tableau ci-après résume les thèmes de ces rapports et leurs auteurs.
rapports spéciaux sur les aspects de la pandémie de convid-19
Dimension civile
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L’impact de la crise de la covid-19 sur la dimension civile de la sécurité Joëlle Garriaud-Maylam (France) |
Économie
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Les conséquences économiques de la pandémie de covid-19 Christian Tybring-Gjedde (Norvège) |
Politique
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La covid-19 et la sécurité transatlantique Lord Campbell of Pittenweem (Royaume-Uni) |
Défense
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Pandémie de covid-19 : rôle des forces militaires de l’OTAN Attila Mesterhazy (Hongrie) |
Sciences et technologies
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Covid-19, sécurité internationale et importance du réseau scientifique et technologique de l’OTAN Kevan Jones (Royaume-Uni) |
GSM
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La pandémie de covid-19 et la région Moyen-Orient/Afrique du Nord Philippe Folliot (France) |
:
Le président du GSM, M. Philippe Folliot, a ainsi noté que, à l’automne 2020, l’impact sanitaire direct de la covid-19 sur les populations du Moyen Orient, de l’Afrique du Nord et du Sahel était relativement moindre qu’anticipé initialement au vu d’un terreau particulièrement propice à la propagation de l’épidémie, à l’exception de l’Iran. Les réactions des gouvernements semblant intégrer dans leurs politiques leurs expériences passées de gestion d’épidémies, une pyramide des âges plus favorable, des habitudes de mobilité différentes, des capacités de déclaration et de tests moindres, sont autant de raisons possibles à cette absence de vague générale au printemps 2020.
Il a néanmoins souligné la nécessité d’une action préventive, car une crise sanitaire frapperait des secteurs de santé déjà très fragiles et particulièrement vulnérables dans un contexte de coopération dégradée et de compétition mondiale aigüe pour l’accès aux équipements de santé et aux médicaments. Pour la région Afrique du Nord/Moyen-Orient, pour le Sahel, « la mobilisation contre le virus doit être mondiale, pour les financements comme pour l’acheminement du personnel médical et du matériel, et un éventuel vaccin être déclaré un bien public mondial ».
Les conséquences économiques et sociales de cette pandémie sont d’ores et déjà des sources de montée de tensions internes, en particulier dans les pays déjà fragilisés de cette vaste zone. Les perspectives économiques régionales sont particulièrement préoccupantes. La demande intérieure a chuté, les échanges commerciaux et les investissements étrangers se sont effondrés, tandis que la demande mondiale en énergie a plongé en même temps que les prix des énergies fossiles. Une guerre des prix entre l’Arabie saoudite et la Russie n’a fait qu’aggraver le problème.
Sur le plan géopolitique, la crise liée à la covid-19 illustre et accentue des réalités déjà existantes davantage qu’elle n’en crée de nouvelles. Au Sahel comme au Levant, les coalitions internationales se sont adaptées à cette contrainte opérationnelle supplémentaire. Mais des conséquences géopolitiques durables pourraient affecter cette région, dont les défis sont aussi ceux de l’Alliance, si l’Europe ne réinvestit pas dans cet espace de son voisinage et ne cherche pas à contrer des narratifs erronés.
Quant à l’impact de la covid-19 sur la dimension civile de la sécurité, la présidente de la commission concernée, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, a appelé l’OTAN et ses Alliés à jouer un rôle central dans une réponse « hors du commun, coordonnée et mondiale ». Elle a particulièrement insisté sur la nécessité de tirer les leçons des différentes réponses nationales apportées face à la propagation de la covid-19 et à ses conséquences. Une telle analyse sera en effet essentielle pour permettre aux Alliés et à l’OTAN en tant qu’organisation d’être mieux préparés face à d’autres menaces potentielles du même ordre et à faire en sorte que leurs sociétés deviennent plus résilientes. Les parlementaires, et par extension l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, devront également être pleinement impliqués. Les échanges entre les parlementaires ont notamment porté sur la pertinence des restrictions des libertés fondamentales, ainsi que sur l’inquiétante tendance à la hausse, dans le contexte de cette crise sanitaire, de la désinformation et de la propagande. Les parlementaires ont également examiné les incidences de la pandémie sur les femmes et les jeunes filles, mais aussi sur les enfants et adolescents, ainsi que sur les migrations.
Cette pandémie et ces conséquences ont eu ou auront aussi des répercussions sur les questions au centre de la majorité des rapports décidés lors de la plénière de Londres en octobre 2019. Les rapports consacrés à la Chine par les commissions Dimension civile de la sécurité, Économie et sécurité et Politique, certains rapports régionaux comme celui sur les Balkans occidentaux de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité de la commission Défense et sécurité, ceux sur le Golfe des sous-commissions sur les relations économiques transatlantiques (commission Économie et sécurité) et sur les relations transatlantiques (commission Politique), celui sur la région de la mer Noire de la sous-commission sur la transition et le développement de la commission Économie et sécurité, ainsi que celui du GSM sur les défis liés au développement et à la sécurité dans la région du Sahel, ont ainsi pris en compte les conséquences et les leçons à tirer de cette pandémie.
2. La contribution au processus de réflexion politique sur l’avenir de l’OTAN
À leur Réunion de Londres en décembre 2019, les dirigeants alliés sont convenus d’engager un processus de réflexion visant à renforcer le dialogue politique à l’intérieur de l’Alliance, et en ont chargé le secrétaire général de l’OTAN. Après les premières conséquences de la pandémie et les enseignements tirés de celle-ci au premier semestre 2020, l’AP OTAN fait de sa contribution à ce processus politique un thème majeur de ses travaux au second semestre en échangeant tant avec le groupe d’experts qu’avec le secrétaire général et le secrétaire général délégué de l’OTAN.
La délégation française accorde une grande importance à ce processus de réflexion. Dans un contexte international et stratégique en profonde mutation, marqué par une imprévisibilité accrue, catalysé par la crise sanitaire mondiale – même si la composition géographique de l’OTAN la concentre de fait sur la zone euro-atlantique – l’Alliance doit aujourd’hui clairement se pencher à nouveau sur son fonctionnement et ses missions. La délégation a donc activement participé à cette conversation.
a. Des échanges avec les co-présidents du groupe d’experts
Outre un rapport du Président en exercice de l’AP OTAN, M. Attila Mesterhazy (Hongrie), élaboré à partir des réponses des délégations à un questionnaire sur leurs priorités nationales eu égard à ce processus de réflexion politique et remis au groupe d’experts, les membres de la Commission permanente ont pu directement échanger avec les deux co-présidents – MM. Thomas de Maizière, député au Bundestag (Allemagne) et Aaron Wess Mitchell, vice-président du conseil d’administration du Center for European Policy Analysis (États-Unis) –lors d’une réunion en ligne organisée le 7 octobre.
M. Jean-Jacques Bridey, alors président par intérim de la délégation française, a exposé la vision française des enjeux auxquels est confrontée l’OTAN aujourd’hui et dans un proche avenir.
L’un des défis majeurs, pour l’Alliance, est celui de la cohésion et de l’unité des Alliés, dans un temps d’affirmation d’intérêts nationaux au détriment d’Alliés – notamment en Méditerranée orientale, mais pas uniquement. Pour rétablir la confiance lorsque les Alliés divergent, voire lorsque les engagements pris collectivement ne sont pas respectés par un Allié, pour redonner sens et vigueur à la défense collective, la direction politique par le Conseil de l’Atlantique Nord de toute opération et communication stratégique lui apparaît comme incontournable, surtout si elle comprend des mécanismes de médiation et de règlement des différends en cas de désaccords profonds entre Alliés.
La responsabilisation accrue des Européens est non seulement souhaitable mais indispensable à la vitalité de la relation transatlantique. C’est tout particulièrement vrai pour l’analyse et la réponse à la montée en puissance de la Chine : si l’OTAN est un forum pertinent de consultation permettant une meilleure appréhension des défis sécuritaires posés par la Chine dans l’espace euro-atlantique pour le domaine de la défense, l’Union européenne joue un rôle clé dans des domaines qui restent hors du champ de compétence traditionnel de l’OTAN, comme l’économie, les infrastructures, l’influence, etc.
Enfin, l’analyse des menaces et défis actuels et futurs pour la sécurité de l’Alliance devra prendre en compte l’évolution et la persistance de la menace terroriste, alors que le terrorisme est, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le seul acteur ayant effectivement percé les défenses de pays de l’Alliance.
b. Une discussion avec le secrétaire général et le secrétaire général délégué de l’OTAN
Lors d’un webinaire le 26 octobre, les parlementaires ont pu discuter avec M. Mircea Geoană, secrétaire général délégué de l’OTAN, de trois thèmes en lien direct avec le processus de réflexion, les partenariats, les technologies de rupture et la résilience. Mmes Françoise Dumas et Sonia Krimi et M. Jean-Charles Larsonneur se sont inscrits à ce webinaire.
Mme Sonia Krimi – chargée dans le cadre de la commission Politique d’un rapport sur la coopération entre l’Union européenne et l’OTAN – a interrogé le secrétaire général délégué sur la non-participation de l’Union européenne, de la Suède et de la Finlande, à la ministérielle Défense des 22‑23 octobre, pour la première fois depuis 2016 – date importante s’il en est dans le partenariat Union européenne/OTAN –. La politique de partenariat de l’OTAN est une politique ancienne, bien structurée en divers cercles, des partenaires officiels les plus proches aux partenaires mondiaux. Mais elle semble aujourd’hui connaître une période de creux. Pourtant la résilience, le partage du fardeau, la mise en œuvre de la résolution 1325 des Nations Unies étaient autant de sujets à l’ordre du jour pour lesquels l’Union européenne est complémentaire de l’OTAN et aurait pu, par sa présence autour de la table, beaucoup lui apporter.
La traditionnelle allocution suivie d’une séquence de questions-réponses avec le secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, le dernier jour de la session plénière annuelle, a permis à M. Philippe Michel-Kleisbaueur, président de la délégation française, d’interroger directement ce dernier sur sa vision du rôle du Conseil de l’Atlantique Nord (CAN), à l’issue de cette réforme, sur les mécanismes de déconfliction envisageables, et enfin sur les moyens de permettre à des Alliés qui le souhaiteraient d’avancer – dans le cadre du consensus, auquel la délégation française est très attachée et qui doit rester le mode de décision du CAN – sur des questions précises, et ainsi renforcer la défense collective de l’Alliance. M. Philippe Folliot, intervenant en sa qualité de vice-président de l’AP OTAN, s’est inquiété pour sa part de la réalité de la hausse des dépenses de défense des pays membres de l’Alliance, compte tenu de l’impact de la pandémie sur les PIB des Alliés.
c. La Déclaration « OTAN 2030 : une Alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale » adoptée en plénière
Présentée par le Président en exercice de l’AP OTAN, M. Attila Mesterhazy (Hongrie), la Déclaration OTAN 2030 : Une Alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale adoptée lors de la session plénière en ligne les 18-23 novembre 2020 s’articule autour des trois thèmes principaux retenus par le secrétaire général de l’OTAN, à savoir une Alliance plus unie sur le plan politique, encore plus forte sur le plan militaire et à l’approche mondiale.
M. Attila Mesterhazy a fondé ses recommandations sur les positions arrêtées préalablement dans le cadre de l’Assemblée, sur les priorités de longue date de cette dernière et sur les suggestions concrètes formulées dans les contributions à l’enquête, notant que l’Assemblée était particulièrement bien placée pour en soutenir les éléments fondamentaux : renforcement de la consultation politique, recentrage de l’Alliance autour de ses valeurs communes et fondatrices, maintien du soutien du public en faveur de l’OTAN, poursuite des efforts en matière de dépenses de défense et d’innovation ou encore élargissement du réseau des partenaires de l’OTAN.
La délégation française a activement participé aux discussions sur ce texte, portant en particulier les thèmes de l’unité de l’Alliance, de la complémentarité entre Union européenne et OTAN et de la prise en compte adéquate des défis présents et émergents.
Sur la toile de fond dessinée en 2020 par la pandémie de coronavirus, les défis identifiés en matière de sécurité, de paix et de stabilité ne se sont pas pour autant atténués. Alors que les réflexions se poursuivent sur l’avenir de l’Alliance, son adversaire désigné demeure le même, la Russie, mais la Chine devient de plus en plus le sujet de conversations intenses. Les coopérations avec les partenaires doivent être mieux valorisées, tout comme le rôle de l’OTAN elle-même. Les nouveaux défis technologiques susceptibles de changer la conduite et le sort des guerres ne doivent pas être sous-estimés.
a. La Russie, un adversaire désigné qui le demeure
La commission Défense et sécurité a consacré son rapport général à la persistance de la menace russe et aux moyens d’y répondre de manière efficace. M. Cédric Perrin a ainsi, dans son rapport sur La modernisation des forces armées russes, source de défis pour les membres de l’OTAN, souligné les efforts de modernisation rapide des forces armées russes, menés depuis 2008 et appuyés sur une vision russe des menaces à l’encontre de ses intérêts vitaux caractérisée par un sentiment d’enfermement.
Les niveaux de dépenses de défense de la Russie sont souvent sous-estimés. Or la Russie est largement parvenue à atteindre l’objectif des 70 % d’équipements modernes qu’elle s’était fixé dans son premier plan décennal d’armement de l’État (SAP 2020). Elle a dépassé ses objectifs en matière de forces nucléaires stratégiques et d’aérospatiale de défense, même si elle n’a pas obtenu d’aussi bons résultats pour ses forces maritimes et terrestres.
Les dépenses de défense de la Russie ont cependant souffert des effets des sanctions internationales prises à son encontre, de la baisse significative des revenus énergétiques, de la perte de l’Ukraine comme partenaire commercial dans le secteur de l’industrie de la défense, ainsi que de l’impact significatif de la pandémie de covid-19 sur l’économie russe.
Les dépenses prévues dans le cadre de son prochain SAP d’ici 2027 se concentreront sur les forces armées russes, et notamment sur les forces d’élite de réaction rapide. Mais dès à présent, les progrès réalisés en matière de mobilité, de discrétion, de vitesse et dans l’élaboration de munitions puissantes et précises ont radicalement transformé les capacités des forces armées russes, renforçant de façon significative la capacité de la Russie à étayer son attitude assertive sur la scène internationale et sa volonté de plus en plus marquée de contourner le droit international, y compris auprès de partenaires essentiels de l’OTAN tels que l’Ukraine et la Géorgie. L’utilisation que la Russie fait désormais de la guerre hybride par le biais de campagnes de propagande, ses guerres menées par procuration et ses liens avec des sociétés militaires privées sont particulièrement inquiétantes pour le rapporteur général. Il note également l’utilisation par la Russie d’autres capacités non militaires, telles que les approvisionnements en pétrole et en gaz, les centrales nucléaires, les exportations d’armes ou les denrées alimentaires. Ces leviers économiques sont utilisés en Asie du Sud-Est, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais également en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne.
Face à une Russie qui continuera à faire feu de tout bois pour s’efforcer de remodeler le système international à la faveur de ses intérêts, les Alliés doivent a minima maintenir leurs niveaux actuels d’investissement dans la défense et tenir leurs engagements de 2014, alors même que la pandémie affecte leurs économies. Mais s’il faut être conscient de l’efficacité des capacités russes, il faut aussi, pour le rapporteur général, être prudent sur leurs réelles intentions, et préférer une approche ouverte à l’enfermement dans une obsession paralysante, qui de surcroit empêcherait les Alliés de traiter à leur juste valeur d’autres enjeux : la menace terroriste, la rivalité systémique chinoise ou les ambitions turques.
b. La valorisation de l’OTAN et de ses partenariats de sécurité
La coopération avec les partenaires stratégiques de l’Alliance dans le monde, et au premier chef avec l’Union européenne, a fait l’objet de discussions nourries dans les commissions Politique et Défense et sécurité. La sous-commission sur la gouvernance démocratique de la commission Dimension civile de la sécurité a, elle, mis l’accent sur la nécessité de mieux informer le public sur l’OTAN elle-même et ses missions.
L’OTAN et l’Union européenne (UE) sont des partenaires naturels qui affrontent les mêmes défis stratégiques et menaces globales. Leur coopération est plus que jamais cruciale face aux enjeux géopolitiques partagés, tels que l’instabilité au sud, le changement climatique, la guerre hybride ou les technologies émergentes.
Mme Sonia Krimi, rapporteure pour la sous-commission des partenariats de l’OTAN de la commission Politique, s’est félicitée dans son rapport sur Le partenariat OTAN-UE dans un contexte mondial en mutation des progrès réalisés depuis la signature de la déclaration conjointe OTAN-UE en 2016. La complémentarité dont ont fait preuve l’OTAN et l’UE dans leur réponse à la pandémie a été manifeste, les deux organisations se sont fortement mobilisées pour fournir un important soutien militaire et logistique, apporter une réponse politique, lutter contre la désinformation et les menaces hybrides, l’Union mobilisant de surcroit une réponse socio-économique.
Mais dans un contexte où les forces géopolitiques et centrifuges au sein de la communauté euro-atlantique mettent à l’épreuve les fondements même du partenariat OTAN-Union européenne, il n’est pas possible à ses yeux de se contenter du statu quo. Les Européens sont aujourd’hui conscients qu’ils doivent faire plus pour leur propre sécurité et défense. La première étape est de respecter les trois volets de la promesse d’investissement dans la défense : liquidités, capacités et engagements. Un « pilier européen », constitué d’une Union européenne renforcée reposant sur la politique commune de sécurité et de défense, contribuera à renforcer l’OTAN, notamment car les ambitions de modernisation en matière de défense de l’Union européenne complètent les initiatives de développement des capacités de l’OTAN. C’est pourquoi le développement du partenariat stratégique OTAN-UE doit être au cœur du processus de réflexion politique sur l’avenir de l’OTAN pour la rapporteure.
Outre la nécessité de développer davantage de synergies entre les responsables de l’OTAN et ceux de l’UE, Mme Sonia Krimi a souligné qu’il importait de renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté à travers un dialogue politique régulier au plus haut niveau ainsi que le nombre de déclarations, exercices et projets conjoints. Un tel « dialogue structuré » serait en particulier pertinent pour mieux comprendre les défis inhérents à la montée en puissance de la Chine. Elle a donc instamment invité les dirigeants alliés à surmonter les obstacles politiques qui s’opposent à une formalisation des relations entre l’OTAN et l’UE.
Intervenant au cours de la session de la commission Politique, le ministre des affaires étrangères grec, M. Níkos Déndias, a lui aussi insisté sur la nécessité d’une coopération plus étroite entre les deux entités. Au cours du débat, les parlementaires des pays alliés – y compris les représentants de la Grèce et de la Turquie – ont discuté, de façon franche et ouverte, de la situation en Méditerranée orientale, ainsi que des façons, pour l’UE et l’OTAN, de tenir compte des intérêts des États membres de l’OTAN qui n’appartiennent pas à l’UE et vice-versa.
Ce sujet avait également été abordé en commission Défense et sécurité lors de l’échange avec le ministre grec de la défense, Nikolaos Panagiotopoulos, par MM. Jean-Charles Larsonneur et Cédric Perrin, qui ont interrogé ce dernier sur l’amélioration de l’interopérabilité de l’OTAN et de l’UE en Méditerranée et la contribution particulière de la Grèce au processus d’adaptation de l’OTAN « OTAN 2030 », soulignant aussi dans ce cadre l’importance d’adhérer aux valeurs communes de l’OTAN et la nécessité d’éviter les doubles emplois et de dégager des synergies.
Le rapport de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense de la commission Défense et sécurité a été consacré en 2020 à « l’Initiative de renforcement des capacités de défense » (initiative DCB).
La fin de la Guerre Froide a donné lieu, de la part de l’OTAN, à la mise sur pied d’un large éventail de programmes de sensibilisation en matière de sécurité coopérative avec nombre de pays partenaires. La coopération renforce la confiance et élargit la zone de stabilité et de prospérité pour toutes les parties concernées. Or les chocs sécuritaires dans le voisinage de l’OTAN, en Ukraine et dans l’espace syro-irakien en particulier, ont démontré que les défis croissants à l’extérieur des frontières de l’OTAN pouvaient avoir un impact direct sur la sécurité de l’Alliance.
La rapporteure, Mme Lara Martinho (Portugal), a présenté l’Initiative DCB élaborée par l’OTAN à la suite de ce double choc, et dont cinq pays bénéficient aujourd’hui : la Géorgie, la Jordanie, la République de Moldavie, l’Irak et la Tunisie. Ces programmes comprennent la fourniture de conseils stratégiques, l’entraînement des forces armées et l’octroi d’une assistance spécifique dans des domaines tels que l’entretien et le déploiement de matériels militaires. Appelant les parlementaires de l’OTAN à apporter un soutien politique fort à ces initiatives, Mme Lara Martinho recommande aussi une intensification de la coopération sécuritaire avec la Géorgie et avec l’Ukraine – en octroyant à cette dernière un programme DCB –, et une consolidation du partenariat avec la Jordanie.
L’année 2020 a vu l’OTAN en butte à des campagnes de désinformation portant notamment sur la pandémie de covid-19. Pour M. Angel Tîlvăr (Roumanie), rapporteur de la sous-commission sur la gouvernance démocratique de la commission sur la Dimension civile de la sécurité, la Russie, la Chine et d’autres acteurs tentent de semer la division au sein de l’Alliance et de saper la confiance des populations dans les institutions démocratiques et dans l’aptitude de celles-ci à répondre aux crises.
Il a donc suggéré que l’OTAN intensifie ses efforts pour communiquer sur son rôle et ses objectifs. L’AP OTAN elle-même devrait s’employer à mieux mettre en valeur l’Alliance, et singulièrement auprès des jeunes, qui formeront la prochaine génération de citoyens et de dirigeants.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a préconisé la création d’une journée dédiée à la liberté, à la paix et à la fin de la guerre froide. De son point de vue, cette journée pourrait contribuer à susciter la curiosité de la jeune génération, qui souvent considère que la paix va de soi.
c. Les opportunités et défis nés du rôle mondial croissant de la Chine
Deux des cinq commissions ont dédié en 2020 leur rapport général à la Chine, une troisième en faisant le sujet d’un rapport spécial. D’une façon générale la question chinoise a irrigué l’ensemble, ou presque, des rapports de l’AP OTAN en 2020.
● La commission sur la Dimension civile de la sécurité a examiné le rôle de la Chine et l’ordre libéral mondial.
Le rapporteur spécial, Lord Jopling (Royaume-Uni), a décrit les efforts de Pékin visant à ses yeux à rompre l’ordre libéral existant et à altérer les normes et les institutions mondiales. Tandis que l’attention de la plupart des pays du monde est tournée vers la réponse à la pandémie de covid-19, la Chine exploite l’incertitude mondiale créée par cette crise pour mieux exporter son modèle de gouvernance autoritaire et pour promouvoir ses intérêts dans son voisinage immédiat et au-delà, notamment en pratiquant une désinformation massive, y compris en Europe et en Amérique du Nord.
Face à cette assertivité chinoise, le rapporteur a mis en exergue la nécessité, pour les États membres de l’OTAN, de réagir collectivement pour contrebalancer l’influence croissante de la Chine sur la définition et la portée de l’ordre mondial. À défaut, l’unité de l’Alliance, sa garantie de sécurité collective et la suprématie des valeurs libérales pourraient s’en trouver affaiblies. Selon lui, « malgré certains différends occasionnels, nos nations devraient parler d’une seule voix pour pointer du doigt les mesures prises par Pékin, à l’échelle nationale ou internationale, qui sont inacceptables et vont à l’encontre des normes libérales mondiales ». Il a toutefois ajouté que « l’Alliance et ses membres devraient s’abstenir de traiter la Chine en paria et engager avec elle un dialogue constructif, en encourageant la compréhension mutuelle et la tolérance ».
Un sujet en particulier a retenu l’attention du rapporteur et des parlementaires, le non-respect des droits humains de la part des autorités chinoises, principalement la répression des minorités religieuses et ethniques du pays, la volonté d’étouffer les aspirations démocratiques de Hong Kong et le développement d’un système de surveillance répressif de masse.
Mme Anissa Khedher – elle-même extrêmement mobilisée et attentive à la situation au Xinjiang – a rappelé qu’en 2019, pour la première fois, la déclaration officielle d’un Sommet de l’OTAN mentionnait une Chine qui présente aujourd’hui « à la fois des opportunités et des défis ». Les premières sont nombreuses : sur les sujets globaux, tels que la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, l’allègement de la dette des pays en développement notamment, la Chine représente un partenaire incontournable. Il convient d’en prendre en acte, mais avec vigilance, fermeté et solidarité lorsque des Alliés sont la cible de menaces inacceptables. Elles n’occultent pas les seconds, réels : avec ses partenaires européens et internationaux, la France a fait connaître sa grave préoccupation quant à la dégradation de la situation des droits de l’Homme en Chine, en particulier à Hong Kong et au Xinjiang.
Sur ce dernier point, l’ensemble des témoignages, des documents relayés par la presse ou fournis par les organisations de défense des droits de l’Homme, etc. fait état de pratiques injustifiables allant à l’encontre des principes universels inscrits dans les grandes conventions internationales des droits de l’Homme. La France s’exprime régulièrement sur ce sujet auprès de ses partenaires chinois, avec beaucoup de fermeté à chaque fois : le Président de la République, lors de la visite du Président XI Jinping en France en mars 2019, à l’occasion de son propre déplacement en Chine en novembre de la même année et encore au tout début septembre 2020 ; le ministre des affaires étrangères en juillet puis en août dernier. Les autorités chinoises jugent cette évaluation de la situation dans la région du Xinjiang infondée. Face à cette divergence, il y a, d’une certaine manière, une solution simple : que la Chine permette l’accès sur place des observateurs internationaux indépendants sous la houlette des Nations Unies, pour faire toute la lumière, compte tenu de l’extrême gravité des faits rapportés.
D’une façon plus générale, l’Alliance a un rôle à jouer dans la sensibilisation de ses membres et leur meilleure compréhension de la portée stratégique de l’émergence de la Chine – afin de faire passer à cette dernière des messages constructifs et convergents –.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a déploré l’impact négatif pour la coopération internationale en matière de lutte contre la covid-19 de l’absence de Taïwan à l’Organisation mondiale de la santé. Elle a rappelé les subventions publiques massives des entreprises nationales en Chine, qui entravent la capacité des entreprises des pays membres de l’Alliance à leur faire concurrence. Enfin, elle a engagé l’OTAN à renforcer ses partenariats avec des pays comme l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud, et à en créer de nouveaux avec les pays qui partagent ses valeurs dans la région Asie-Pacifique.
● La commission Économie et sécurité a étudié en profondeur l’initiative chinoise des nouvelles Routes de la Soie avec son rapport général L’initiative La ceinture et la route de la Chine : une évaluation stratégique et économique.
Le rapporteur général de la commission, Christian Tybring-Gjedde (Norvège) a décrit cette initiative comme « l’expression parfaite des ambitions économiques, diplomatiques et stratégiques de la Chine dans le monde », ajoutant « qu’elle façonnerait le paysage géopolitique du XXIe siècle de façon significative, ce que la communauté transatlantique ne pouvait ignorer ».
Composée de trois initiatives – économique, maritime et numérique – étroitement liées, ce vaste programme d’infrastructures constitue la pierre angulaire des ambitions stratégiques de la Chine. Il lui permet de stimuler ses exportations et de se développer sur de nouveaux marchés, voire à terme de rivaliser avec les devises aujourd’hui dominantes, le dollar américain et l’euro.
Ce projet pose plusieurs risques spécifiques selon le rapporteur général : une expansion militaire de la Chine facilitée, de nouvelles possibilités d’espionnage, l’affaiblissement des efforts internationaux visant à améliorer la bonne gouvernance, une division des Alliés sur l’attitude à avoir. Le rapporteur s’est ainsi inquiété du risque, pour les pays qui participent à cette initiative, dont certains Alliés, de développer une dépendance financière, économique et stratégique croissante envers Pékin. La pandémie de covid-19 a mis davantage en exergue certaines de ces tensions.
La communauté transatlantique doit en réponse proposer un autre modèle de développement et d’investissements fondé sur les principes de transparence, de pérennité et de libéralisation des marchés, et de bonne gouvernance. Elle devrait également convenir d’une stratégie propre à répondre à ce défi chinois, y compris une position transatlantique coordonnée sur les transferts technologiques et sur la sécurité de secteurs d’importance névralgique comme les télécommunications de cinquième génération. Une surveillance plus étroite des ambitions nourries par la Chine dans des régions comme l’Arctique ou les Balkans occidentaux s’avère enfin nécessaire pour le rapporteur général.
M. Philippe Folliot a souligné que cette Initiative pourrait offrir à la Chine l’opportunité de renforcer sa position dans le domaine de l’espace, pour ce qui est des satellites notamment, et que ce point méritait d’être étudié avec attention.
Mme Françoise Dumas a enfin interrogé, lors de la session conjointe des commissions Politique et Dimension civile, le ministre des affaires étrangères grec, Níkos Déndias, sur la meilleure façon de rééquilibrer la relation avec ce « rival systémique » qu’est devenu en quelques années la Chine.
● Enfin, la commission Politique a focalisé son rapport général et sa recommandation de politique générale sur La montée en puissance de la Chine : répercussions sur la sécurité euro-atlantique et mondiale.
Le rapporteur général, M. Gerald E. Connolly (États-Unis) s’est inquiété fortement de l’expansion de l’influence mondiale d’une « Chine dictatoriale et menaçante envers l’ordre mondial libéral » à l’occasion de la pandémie de covid‑19, à travers notamment sa politique de la « corde raide » dans son voisinage, sa diplomatie du « loup combattant » et ses campagnes de cyberpiratage et de propagande dans les pays alliés et partenaires.
Ce positionnement qu’il qualifie « d’autoritaire » de la Chine apparait en particulier dans la façon dont le pays a géré la crise de covid-19 (réduction au silence des lanceurs d’alerte, dissimulation des informations sur la maladie, réécriture des évènements) mais également dans l’affirmation de sa présence en mer de Chine méridionale et orientale, et son mépris à l’égard du droit maritime international.
De plus, alors que les Alliés de l’OTAN encouragent les États-Unis à prolonger le traité sur la réduction des armes stratégiques New Start avec la Russie, le rapporteur américain souligne que la Chine s’est montrée réticente à engager toute négociation qui pourrait avoir pour effet de restreindre ses programmes militaires, alors même que son budget de défense se classe au deuxième rang à l’échelle mondiale et qu’elle a développé et déployé des armes de haute technologie, y compris des missiles balistiques intercontinentaux et des armes hypersoniques.
De son point de vue, « l’OTAN ne doit pas se contenter de prendre acte [de cette montée fulgurante] : elle doit se doter des moyens de surveiller les menaces qui émanent de ce pays, d’y parer et, au besoin, d’intervenir pour y faire pièce ». Gerald E. Connolly recommande donc d’adapter le concept stratégique de l’OTAN, qui fixe les priorités de l’Alliance, de manière à répondre aux préoccupations concernant la Chine. Il invite les Alliés à partager les informations relatives aux activités de ce pays, à entreprendre une évaluation conjointe des répercussions en matière de sécurité et à renforcer leurs mécanismes de défense contre les cyberattaques et les campagnes de désinformation chinoises ainsi qu’à surveiller étroitement investissements de la Chine dans les infrastructures telles que les ports, les autoroutes et les systèmes ferroviaires de certains pays membres de l’OTAN.
La délégation française s’est attachée à maintenir une vision équilibrée des défis mais aussi des opportunités qu’une relation à la fois éclairée, constructive et ambitieuse avec la Chine peut offrir à l’Alliance.
d. Le triple enjeu de l’inclusivité, du contrôle et de l’innovation des forces armées
Marquant ainsi le 20e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, la commission Dimension civile de l’AP OTAN a choisi de faire du rôle des femmes dans le secteur de la paix et de la sécurité et de l’importance de prendre des mesures concrètes pour faire avancer le programme « Femmes, paix et sécurité » le sujet de son rapport général en 2020.
Des progrès considérables ont été réalisés au cours des deux dernières décennies en ce qui concerne le rôle des femmes dans la paix et la sécurité, pour la rapporteure générale Ulla Schmidt (Allemagne) mais ils doivent être promus et défendus pour perdurer et s’accroitre. Promouvoir le programme d’action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité, et plus largement de l’égalité des genres et des droits des femmes, doit donc être une préoccupation permanente des décideurs politiques dans tous les aspects de leurs fonctions.
Outre la résolution annuelle proposée par cette commission (cf. infra), un webinaire spécialement dédié aux accomplissements et défis persistants dans la mise en œuvre du programme « Femmes, paix et sécurité » à l’occasion de ce 20e anniversaire a été organisé le 29 octobre, auquel Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Jean-Charles Larsonneur se sont inscrits.
Les questions respectives du contrôle des armements et d’une partie des forces armées ont fait l’objet d’un webinaire au second semestre.
● L’évolution rapide du paysage de la maîtrise des armements, avec la disparition des principaux accords de maîtrise des armements ces dernières années, oblige les Alliés à s’adapter aux nouvelles réalités. L’avenir de la maîtrise des armements a donc également fait l’objet d’un webinaire, le 3 décembre. L’OTAN s’emploie depuis longtemps à une politique active de maîtrise des armements, qu’elle considère comme une partie essentielle de la poursuite de ses objectifs de sécurité. Le webinaire a été l’occasion de discuter avec deux experts de l’approche actuelle de l’OTAN en matière de maîtrise des armements et des moyens dont elle dispose pour faire face aux défis à venir, tels que les technologies émergentes et l’évolution de ses concurrents stratégiques. Mmes Françoise Dumas et Sonia Krimi et MM. Philippe Michel-Kleisbauer et Jean-Charles Larsonneur étaient inscrits à ce webinaire.
● Le dernier webinaire de l’année, le 15 décembre, a lui été consacré au « contrôle parlementaire du renseignement militaire – leçons tirées du passé ». Mme Sonia Krimi et MM. Philippe Michel-Kleisbauer, Jean-Christophe Lagarde et Jean-Charles Larsonneur se sont inscrits à ce webinaire. Mme Sonia Krimi a plus particulièrement insisté sur la question de l’accès aux informations sensibles, par exemple en matière nucléaire, y compris de la part des parlementaires, et sur celle de la difficulté de judiciarisation des renseignements obtenus en matière de terrorisme. L’intervention de M. Jean-Christophe Lagarde a porté sur le degré de connaissance des échanges de renseignements entre services nationaux et étrangers, l’organisation de l’habilitation des parlementaires et l’existence d’un débat parlementaire périodique sur les moyens, méthodes et efficacité des services de renseignement nationaux.
La commission Sciences et technologies a débattu en 2020 de l’apparition de nouvelles technologies susceptibles de changer la conduite des guerres. Ses membres se sont plus spécialement intéressés aux armes hypersoniques et à l’emploi de l’intelligence artificielle et de systèmes d’armes autonomes dans le combat urbain.
● Le rapport général de Mme Susan Davis (États-Unis) a été consacré aux progrès accomplis par la Russie – qui a affirmé avoir déployé son système Avangard – la Chine et quelques autres pays dans une nouvelle catégorie de systèmes d’armes, les armes hypersoniques, et leurs implications pour la posture de dissuasion et l’architecture de défense de l’OTAN.
La combinaison de la vitesse et de la manœuvrabilité des missiles hypersoniques leur permet de contourner les défenses antimissiles existantes et de réduire considérablement les délais d’alerte pour tout acteur ciblé en raison de leurs trajectoires imprévisibles. C’est donc un défi considérable pour l’OTAN, dont le système de défense antiaérienne et antimissile intégré (IAMD) pourrait ainsi être rendu inopérant. Certains considèrent ainsi ces armes hypersoniques comme des facteurs de rupture.
Plusieurs Alliés de l’OTAN, dont les États-Unis en première ligne, développent également la technologie hypersonique. Certains Alliés travaillent également sur des technologies visant à contrer les armes hypersoniques, comme un réseau de capteurs en orbite terrestre basse qui pourrait détecter tout missile hypersonique en approche.
Mais la Russie et la Chine pourraient être apparemment plus rapides que les États-Unis et d’autres Alliés pour passer de la phase de recherche et développement (R&D) à celle du déploiement. Les Alliés doivent donc poursuivre la R&D sur les technologies hypersoniques et les moyens de s’en protéger, d’une part, et réfléchir aux possibilités d’empêcher leur prolifération, d’autre part.
● D’une façon générale, l’avance technologique de l’OTAN dans le domaine militaire s’effrite rapidement pour Mme Leona Alleslev (Canada), rapporteure spéciale sur L’innovation en matière de défense. Ce recul est en partie dû à la réduction du financement de l’innovation technologique militaire. Parallèlement, les concurrents directs rattrapent leur retard et la large disponibilité de technologies à visées commerciales offre aux acteurs non étatiques des capacités militaires significatives.
Certes, les capacités des pays membres de l’OTAN restent inégalées dans de nombreux domaines de la recherche et de la technologie mais les adversaires de l’OTAN sont de plus en plus agiles et utilisent des technologies peu coûteuses, avec un effet extrêmement perturbateur. Les Alliés se trouvent moins confrontés à une course à la technologie qu’à une course à l’adoption des nouvelles technologies.
Pour combler le fossé entre les développements scientifiques et leur application et pour accélérer le processus d’adaptation de la technologie, Leona Alleslev appelle à une planification plus stratégique dans l’approche scientifique et technologique des Alliés, à un changement de mentalité favorisant l’innovation et la prise de risque, ainsi qu’à une meilleure coordination des efforts nationaux. Le réseau scientifique et technologique de l’OTAN – qui, entre autres, favorise la cohérence, la collaboration, les économies d’échelle et l’efficacité des efforts nationaux –, est à ses yeux un outil précieux à cet égard.
De plus, elle suggère une meilleure coordination des Alliés en matière de contrôle des exportations de technologies, de la sélection des investissements, du vol de propriété intellectuelle et des restrictions à la collaboration avec des institutions liées aux forces armées ou posant d’autres problèmes en Chine et en Russie.
M. Philippe Michel-Kleisbauer a porté l’attention des membres de la commission sur la question spatiale, relevant à la fois la complexité croissante des menaces spatiales et l’importance que prend la technologie spatiale au regard de la protection de l’environnement et de la problématique du changement climatique. Il a présenté les activités et méthodes de la France dans le domaine spatial, notamment la coopération avec ses partenaires européens et transatlantiques.
● Enfin, M. Philippe Michel-Kleisbauer, en sa qualité cette fois de rapporteur pour la sous-commission des tendances technologiques de la sécurité, s’est spécifiquement penché sur le sujet du Combat en milieu urbain.
Les théâtres d’opérations urbains revêtent une importance grandissante pour les planificateurs militaires. Les zones urbaines représentent l’environnement opérationnel le plus complexe pour les forces armées, avec trois éléments particulièrement problématiques pour les opérations : le terrain, les infrastructures et la population. La protection de la population civile et la prévention des dommages collatéraux sont des priorités pour les forces de l’OTAN et l’OTAN a d’ailleurs officiellement réaffirmé son engagement à respecter les règles et les principes du droit international humanitaire en décembre 2019.
La première réponse à cette complexité demeure l’entrainement et les exercices. Les membres de l’Alliance adaptent ainsi leurs sites d’entraînement existants à l’environnement urbain. Mais les nouvelles technologies qui améliorent la connaissance de la situation ainsi que la fonction commande et contrôle participent également de cette réponse. La robotique, les armes autonomes et la réalité augmentée ou virtuelle sont autant de moyens capables d’améliorer la protection des forces et leur efficacité au combat, tout en garantissant également la protection des civils. Il est donc essentiel que les forces armées de l’OTAN restent à la pointe des progrès réalisés dans un secteur technologique en mutation rapide, et la communauté scientifique et technologique de l’OTAN est un indéniable atout pour promouvoir le développement de nouvelles technologies qui permettront d’accroître la capacité à combattre dans les zones urbaines. Il est tout autant indispensable que les Alliés trouvent des solutions communes aux problèmes éthiques et juridiques inhérents à l’utilisation de l’intelligence artificielle et de systèmes autonomes à des fins militaires.
Les groupes armés non conventionnels bénéficient également des technologies disponibles sur le marché. Ils ont par ailleurs une certaine capacité à s’organiser, à se mobiliser, à communiquer et à recruter par le biais de réseaux sociaux. Le contrôle de la prolifération des technologies – y compris celles du secteur privé –, d’une part, et de l’information et du cyberespace, d’autre part, sont donc devenus deux réels enjeux.
4. Défis et enjeux dans le voisinage de l’Alliance
La région de la mer Noire, à la fois carrefour et point d’intersection crucial entre les couloirs estouest et sud-nord, est d’une importance capitale, car c’est un point de projection de puissance sur le continent européen, principalement dans les Balkans et en Europe centrale, mais aussi en Méditerranée orientale, ainsi que dans le Caucase du Sud et dans le nord du Moyen-Orient. Tous ces sujets ont été abordés par l’AP OTAN en 2020.
a. Flanc est : Ukraine, Mer Noire et Biélorussie
● La session de printemps 2020 aurait dû se tenir à Kiev, en Ukraine, à la mi-mai, mais la pandémie de covid-19 a conduit à un report, en 2022. Toutefois, les deux réunions annuelles du Conseil interparlementaire OTAN-Ukraine (UNIC) ([45]) – l’une à Bruxelles en janvier, l’autre en ligne en juillet, ont permis d’examiner de manière approfondie la situation en matière de sécurité, le programme de réformes de l’Ukraine, et les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’ensemble complet de mesures d’assistance en faveur de ce pays. M. Philippe Michel-Kleisbauer a participé à ces deux réunions.
Rappelant l’importance d’un partenariat solide avec l’Ukraine et le soutien continu apporté par l’Assemblée, les parlementaires des pays membres de l’OTAN et de l’Ukraine ont présenté leur évaluation respective de la situation depuis le sommet de Paris tenu en décembre 2019 en Format Normandie, qui reste le meilleur cadre pour trouver une solution diplomatique.
Les membres de l’AP OTAN ont exprimé leur soutien à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et ont fermement réitéré leur condamnation de l’occupation illégale de la Crimée par la Russie et la déstabilisation délibérée de l’Ukraine orientale – avec en particulier la tenue d’un vote organisé le 1er juillet en Crimée, à Donetsk et à Louhansk sur les amendements constitutionnels russes.
Les parlementaires des pays membres de l’OTAN et de l’Ukraine se sont ainsi félicités de la décision de l’OTAN d’octroyer à l’Ukraine en juin le statut de « partenaire “nouvelles opportunités” », un statut marquant la contribution significative aux opérations de l’OTAN.
Ils ont aussi rappelé que les progrès restent fragiles et incomplets, et ont examiné les violations quotidiennes du cessez-le-feu en Ukraine orientale, les progrès du désengagement sur les lignes de front, les échanges de prisonniers et les violations des droits humains commises dans les territoires occupés.
Ils ont enfin discuté des retombées de la crise de la covid-19 en Ukraine, évoquant notamment l’assistance entre l’OTAN et l’Ukraine, les conséquences de cette situation sur le travail parlementaire et les mesures prises par les Alliés et l’Ukraine pour combattre les campagnes de désinformation qui se sont amplifiées au cours de cette période.
● Dans le cadre de ses travaux en ligne, la commission de l’Économie et de la sécurité a traité en 2020 des dimensions économiques de l’instabilité autour de la Mer Noire.
Le rapport présenté au nom de la sous-commission sur la transition et le développement par Mme Ausrine Armonaite (Lituanie) décrit les graves incertitudes sur le plan stratégique dans cette région qui rendent l’intégration régionale plus complexe, l’épidémie de covid-19 n’ayant fait qu’accentuer les crises politiques et militaires régionales. Le principal litige en cours oppose la Russie et l’Ukraine, mais les autres tensions bilatérales et régionales sont nombreuses, et comprennent notamment l’occupation par la Russie des régions géorgiennes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Selon la rapporteure, des pays frontaliers paralysés par des tensions, des guerres civiles ou des conflits latents sont plus utiles à la Russie que des États autonomes, prospères et confiants, entretenant des relations de bon voisinage. Faute de relations pacifiques entre les États qui la composent, la région de la mer Noire n’a pas eu les retombées économiques positives qu’elle aurait pu espérer. Mme Ausrine Armonaite appelle en conséquence les États membres de l’OTAN à insister sur le respect du droit international dans la région de la mer Noire, notamment les principes d’indépendance, de souveraineté et d’intégrité territoriale, et à veiller au respect de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Elle demande aussi aux pays alliés de renforcer la sécurité dans la région, notamment en consolidant le dispositif de dissuasion dans la région afin de protéger les Alliés riverains de la mer Noire et d’apporter un soutien accru à leurs partenaires, en faisant pièce aux campagnes de désinformation russes, en s’opposant aux tentatives de Moscou de restreindre l’accès aux eaux internationales et en favorisant une connectivité accrue sur le double plan de l’énergie et des transports.
● Enfin, un webinaire, le 14 septembre, a été consacré à la crise politique en Biélorussie déclenchée par l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 9 août 2020.
Le parlement biélorusse a obtenu le statut de membre associé auprès de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN en 1992, mais ce statut est suspendu depuis 1997. Toutefois, outre les tentatives de désinformation insinuant que l’Alliance atlantique voulait s’ingérer dans les affaires internes et représentait une menace militaire pour la Biélorussie, la défense des valeurs démocratiques face à la répression violente de manifestants pacifiques en plein cœur de l’Europe a conduit l’AP OTAN à entendre deux experts sur la situation en cours, tout en rappelant qu’il n’y avait pas de renforcement militaire par l’Alliance dans la région et que la posture de celle-ci était uniquement défensive.
Mme Sonia Krimi et MM. Philippe Michel-Kleisbauer et Jean-Charles Larsonneur se sont inscrits à ce webinaire. Le débat a permis d’envisager des solutions constructives de sortie de crise, la communauté internationale devant éviter une aggravation des violences et nouer un dialogue avec tous les représentants de la société biélorusse afin de préserver la souveraineté et l’indépendance du pays.
b. Flanc sud-est : Balkans et Caucase du Sud
● Dans les Balkans, outre les pays déjà membres de l’Alliance, rejoints en 2020 par la Macédoine du Nord – devenue officiellement le trentième membre de l’Alliance en mars –, un solide partenariat lie l’Alliance aux autres pays de la région, y compris avec la Serbie qui a exprimé sa volonté de rester « militairement neutre ». En 2020, l’AP OTAN s’est donc à juste titre particulièrement intéressée à cette zone, avec le rapport de M. Jean-Charles Larsonneur, au nom de la sous‑commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité de la commission de la Défense et la sécurité, sur les Défis majeurs pour le maintien de la paix et de la sécurité dans les Balkans occidentaux, et un séminaire Rose-Roth, le 19 octobre, auquel se sont inscrits Mmes Françoise Dumas et Sonia Krimi et MM. Philippe Michel-Kleisbauer, Jean-Jacques Bridey, Jean-Christophe Lagarde, Jérôme Lambert et Jean-Charles Larsonneur.
Tous les pays des Balkans occidentaux voient leur avenir dans une intégration euro-atlantique plus étroite, leur objectif prioritaire. Toutefois, Jean‑Charles Larsonneur a souligné que la stagnation économique et la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns minaient les efforts de consolidation de la démocratie, et les retours en arrières constants en matière d’État de droit pourraient exacerber les risques pour la sécurité dans la région. Il a également rappelé les risques liés d’une part aux trafics illicites organisés par des réseaux criminels et d’autre part à l’extrémisme violent dû à des divisions ethniques et religieuses persistantes. Il a enfin fait deux focus, l’un sur l’accélération du dialogue entre Belgrade et Priština, l’autre sur une Bosnie-Herzégovine encore aux prises avec une combinaison de difficultés politiques, économiques et sociétales, vingt-cinq ans après la signature des Accords de paix de Dayton.
Si la Russie – qui tente en sous-main de restaurer un ancrage largement fragilisé dans la région – et la Chine – pour laquelle les Balkans occidentaux constituent une zone essentielle à l’expansion de son initiative « Une ceinture, Une route » – se tiennent prêtes à tirer parti des vulnérabilités existantes, la communauté euro-atlantique reste la présence la plus significative dans la région et les Alliés augmentent leurs investissements.
L’implication de l’OTAN et de l’Union européenne a indéniablement permis de jeter les bases solides indispensables à la paix et la prospérité futures dans les Balkans occidentaux. Chaque institution a joué un rôle décisif lorsqu’il s’est agi d’aider cette région à laisser derrière elle un passé récent déchiré par la guerre, et à construire des institutions nouvelles et inclusives. Cette complémentarité des deux organisations ne pouvait être mieux démontrée par les deux intervenants au séminaire organisé par l’AP OTAN, Olivér Vàrhely, commissaire européen pour le voisinage et l’élargissement, et James Appathurai, secrétaire général adjoint délégué de l’OTAN pour les affaires politiques et la politique de sécurité.
Les rapports consacrés spécialement à l’impact de la pandémie de covid‑19 ont également pris en compte ces pays partenaires.
● L’AP OTAN a dédié deux séminaires au Caucase du Sud, l’un sur Les hostilités militaires alors en cours dans la zone de conflit du Haut-Karabakh, le 15 octobre, l’autre sur Le Caucase du Sud après la pandémie, le 30 novembre –, auxquels se sont inscrits MM. Philippe Michel-Kleisbauer, Jean-Christophe Lagarde, Jérôme Lambert et Jean-Charles Larsonneur, et Mmes Marianne Dubois, Françoise Dumas et Sonia Krimi.
Ni l’OTAN ni l’AP OTAN n’ont un rôle à jouer dans la résolution du conflit dans le Haut-Karabakh. Néanmoins, l’Assemblée suit la situation dans la région et l’a régulièrement commentée. Les parlements de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan sont membres associés de l’AP OTAN depuis 2002. Leurs délégations participent ainsi à un large éventail d’activités de l’AP OTAN et les deux pays ont accueilli de nombreuses visites et séminaires de l’AP OTAN au cours de ces dernières années.
Depuis vingt-trois ans, la France s’est engagée auprès des États-Unis et de la Russie pour parvenir à un règlement négocié, équilibré, pacifique et durable du conflit. À plusieurs reprises, leurs efforts conjoints ont semblé aboutir. En 2020, le soutien militaire apporté par la Turquie à l’Azerbaïdjan, y compris l’envoi de combattants étrangers, ne peut que faire naître des interrogations supplémentaires sur l’attitude d’un Allié dont les actions déstabilisatrices minent les travaux du groupe de Minsk pourtant soutenus par l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La région a besoin d’une solution sur le long terme, facilitée par le groupe de Minsk, afin d’apporter une paix et une stabilité durable pour l’ensemble de sa population.
La réunion du Conseil interparlementaire Géorgie-OTAN (GNIC), qui devait normalement se tenir à Bruxelles en février, a été annulée, les membres de la délégation de la Géorgie ayant été confrontés à une évolution préoccupante de la situation politique dans leur pays. Mais une mission d’observation électorale s’est rendue en Géorgie à l’occasion des élections législatives qui se sont tenues le 31 octobre, à laquelle a participé, pour la délégation française, Mme Sonia Krimi.
c. Flanc sud : Golfe arabo-persique, Sahel, Libye
L’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique, y compris au Sahel, a cette année encore retenu l’attention des parlementaires membres de l’AP OTAN.
● Les rapports respectifs de M. Ahmet Yildiz (Turquie), au nom de la sous‑commission sur les relations transatlantiques de la commission Politique, sur les Dynamiques sécuritaires et politiques dans le Golfe, et de M. Jean-Marie Bockel, au nom de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques de la commission Économie et sécurité, sur La crise du Golfe et les marchés mondiaux de l’énergie, ont permis aux parlementaires d’étudier l’évolution de la situation politique et de sécurité dans le Golfe dans le double contexte de la pandémie de covid-19 et de la chute prononcée des prix des énergies fossiles.
Les États arabes du Golfe ont longtemps joué un rôle pivot dans le système énergétique mondial mais la région se trouve de plus en plus marquée par l’incertitude stratégique à mesure que diverses crises s’y superposent. Cette montée des tensions reste toutefois contrebalancée par des initiatives visant à les apaiser. Malgré une rhétorique parfois incendiaire, les acteurs régionaux auraient en effet tous beaucoup à perdre en cas de conflit généralisé dans la région, et ils continuent de dépendre des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni pour renforcer la stabilité régionale.
Les deux rapporteurs ont, chacun, rappelé les mesures telles que l’Initiative de coopération d’Istanbul de 2004, qui a permis de faciliter la compréhension mutuelle entre l’OTAN et les pays du Golfe. À travers ce partenariat, l’OTAN met en œuvre nombre de programmes d’éducation, de formation et de renforcement des capacités. En retour, l’OTAN bénéficie grandement de cette coopération dans le cadre de ses opérations en Bosnie-Herzégovine, en Libye et en Afghanistan.
Examinant les moyens pour l’OTAN de jouer un rôle plus actif dans la stabilisation du Moyen-Orient alors que des accords de normalisation entre Israël et quatre États arabes en modifient certains paramètres, l’implication de l’OTAN dans le Golfe doit, pour M. Ahmet Yildiz, être finement réfléchie et tenir compte des nombreuses sensibilités présentes dans la région. La question des droits humains ne pourra toutefois pas être éludée. Une attention particulière devrait être accordée à l’Irak, dans un contexte politique évolutif et alors que la mission de formation et de renforcement des capacités en Irak pourrait se voir confier certaines des tâches de la Coalition mondiale contre Daech.
M. Jean-Marie Bockel a indiqué que l’Europe et les États-Unis devraient travailler de concert pour diminuer les tensions dans le Golfe, y compris en favorisant la réconciliation entre les membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG) et en veillant à ce que les rivalités entre l’Iran et les membres du CCEAG ne déclenchent pas de conflits encore plus violents. La stabilité dans la région exigera également une réforme des économies nationales, davantage de tolérance et une répartition plus équitable des richesses.
● À l’initiative du président de la délégation française qui en assumait la présidence depuis 2018, le Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient a porté son attention sur les défis en matière de sécurité dans le Sahel.
M. Ahmet Conkar (Turquie) a mis en évidence le lien entre développement et sécurité, et les interactions entre les deux. La profonde crise de confiance entre des populations vulnérables et leurs gouvernements, née de l’instabilité politique et de la précarité des conditions de vie, génère un environnement fertile pour la propagande extrémiste et le recrutement de terroristes. Dans ces conditions, des réponses purement militaires à la montée de la crise sécuritaire pourraient plonger la région dans un cercle vicieux. Un cadre cohérent de coordination entre les différents acteurs internationaux opérant dans la région est nécessaire pour stabiliser cette dernière et relever des défis politiques, sociaux, économiques et sécuritaires d’ampleur. Mais in fine, c’est bien un nouveau contrat social qui est nécessaire entre les États du Sahel et leurs populations.
Mme Sonia Krimi a salué l’accent mis sur deux aspects essentiels qui caractérisent la crise au Sahel, la complexité du lien entre développement et sécurité, et les « risques de la faiblesse ». Elle a aussi rappelé que le but de l’intervention internationale – et notamment française – était de mettre les forces des pays du G5 en capacité de prendre à leur charge la protection de leurs populations et permettre le retour de l’État. En effet, la lutte directe contre le terrorisme et le renforcement des capacités militaires des forces conjointes du G5 Sahel n’ont de sens que si les deux autres piliers – le retour de l’État et de l’administration sur tous les territoires, et l’aide au développement – sont réellement mis en œuvre, car ce sont ces deux autres piliers qui portent et tiennent la solution. C’est bien là l’objectif de l’Alliance Sahel.
Patience et constance stratégique sont nécessaires pour arriver aux résultats souhaités. Aujourd’hui la détérioration de la situation en Libye joue un rôle important en démultipliant les facteurs de risques (risque djihadiste, combattants étrangers, prolifération des armes, trafics d’êtres humains, etc.) dont sont responsables toutes les parties en présence dans cette crise qui contreviennent aux engagements pris en janvier 2020 dans le cadre du processus dit de Berlin, en faveur d’une solution politique.
● La situation en Libye et le rôle de l’OTAN en soutien au processus mené sous l’égide des Nations Unies, à l’embargo sur les armes décrété par ces dernières et au processus de Berlin, a d’ailleurs fait l’objet d’une réunion spéciale le 8 juillet, à la suite du grave incident naval entre trois frégates turques et la frégate française Courbet – engagée dans l’opération Sea Guardian de l’OTAN, chargée du contrôle du respect de l’embargo sur les armes au large de la Libye qui résulte de résolutions du Conseil de Sécurité et dont la Turquie est solidaire depuis les accords de Berlin –, soit entre deux alliés de l’OTAN. Le Bureau de l’AP OTAN avait discuté de l’incident lors de sa réunion du 22 juin, une discussion à laquelle les vice-présidents Philippe Folliot – à l’initiative de cet échange – et Osman Askin Bak en particulier ont contribué de manière franche et ouverte.
Les président et vice-président de la délégation française en juillet 2020, MM. Philippe Folliot et Christian Cambon, ont rappelé que la réflexion lancée à Londres sur les fondamentaux de l’Alliance atlantique avait identifié trois enjeux clés dont deux, définir une vision partagée des risques et des menaces et mieux se coordonner – soit l’enjeu des droits et des devoirs des Alliés – concernaient directement la situation en Libye. Or la tendance inquiétante de la Turquie à faire des choix en solitaire qui heurte les intérêts de ses Alliés est porteuse de nombreuses incertitudes, tant sur le plan de la sécurité internationale que sur le plan de l’unité et la solidarité de l’Alliance.
La baisse des tensions en Libye et plus généralement en Méditerranée orientale est donc, pour la délégation française, un premier impératif absolu. Le second est de voir le processus de réflexion sur l’avenir de l’OTAN déboucher sur des outils politiques adaptés pour réaffirmer l’unité et la solidarité des Alliés.
● Enfin, l’échange entre Mme Françoise Dumas et M. Nikos Dendias, ministre des affaires étrangères de la République hellénique, sur Le point de vue grec sur l’adaptation de l’Alliance à l’évolution de l’environnement stratégique lors de la réunion conjointe des commissions Dimension civile de la sécurité et Politique a permis de démontrer la convergence de vues entre les deux pays sur les trois sujets ainsi abordés.
Préoccupée par la situation sur le flanc sud-est et sur le flanc sud de l’OTAN, Mme Françoise Dumas a souligné l’impact positif potentiel de mécanismes de coopération UE-OTAN supplémentaires pour renforcer la sécurité dans la région. C’est un enjeu primordial pour s’attaquer aux problèmes qui découlent des conflits et des crises au Moyen-Orient, spécialement en Syrie, en Libye et au Liban.
D. Cinq rÉsolutions qui rÉsument les principales prÉoccupations des Parlementaires
1. Commission sur la Dimension civile de la sécurité : poursuivre la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et du programme « femmes, paix et sécurité »
Adoptée quelques jours après les célébrations mondiales du 20e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la résolution faisant suite au rapport général de la commission sur la Dimension civile de la sécurité invite les gouvernements et parlements alliés, ainsi que les institutions de l’OTAN, à promouvoir une participation égale des femmes et des hommes dans le domaine de la paix et de la sécurité.
Elle rappelle également la nécessité impérieuse de prévenir la violence sexuelle liée aux conflits et de protéger les femmes contre cette violence, et souligne l’importance d’inclure la dimension de genre dans les efforts de secours et de relèvement après un conflit.
2. Commission de la Défense et de la sécurité : maintenir la dynamique des investissements alliés en matière de défense après la covid-19
Face à des défis sécuritaires auxquels sont confrontés les Alliés qui se sont amplifiés – citant en exemple les provocations incessantes par lesquelles la Russie cherche à sonder l’état de préparation des forces de l’OTAN sur différents théâtres militaires – et rendent d’autant plus complexe un environnement sécuritaire international déjà volatil, les recommandations de politique générale adoptées par la commission de la Défense et de la sécurité (DSC) invite les pays alliés à réitérer leur engagement de tendre à consacrer au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense et d’en investir 20 % dans des équipements d’importance majeure.
Saluant le rôle joué pendant la pandémie par les forces armées alliées, qui ont, entre autres, assuré la coordination et la surveillance de très nombreuses missions d’assistance médicale, la commission DSC a en outre recommandé que les nouveaux investissements dans la défense servent à renforcer les infrastructures et les institutions nécessaires à l’édification d’une résilience contre de futures pandémies, tout en permettant aux forces armées de se concentrer sur d’éventuelles menaces extérieures. Une coopération accrue avec l’Union européenne, notamment dans le domaine de la mobilité militaire, peut garantir une circulation efficace des forces armées et des fournitures médicales, et ainsi permettre de réduire sur ce dernier point la dépendance excessive à l’égard d’un seul pays pour la fourniture de matériels médicaux, de produits pharmaceutiques et d’autres technologies pouvant s’avérer critiques au cours d’une crise future.
3. Commission de l’Économie et de la sécurité : résilience économique et pandémies
La principale recommandation générale de la commission Économie et sécurité concerne la nécessité de développer les capacités de résilience des pays alliés face à la menace de pandémies futures, notamment en investissant dans des mesures de protection de l’économie, en intensifiant la coopération internationale et en évitant de dépendre exagérément de « rivaux stratégiques » tels que la Chine.
Ne pas se prémunir contre l’éventualité d’une future pandémie pourrait s’avérer catastrophique, aussi la résolution souligne la nécessité d’investir dans les infrastructures, les institutions, le personnel, l’équipement, la formation, les procédures, les plans d’urgence et de disposer de procédures internationales soigneusement articulées pour ériger une résilience nationale et internationale face aux pandémies. La cybersécurité et la mobilité militaire, deux atouts essentiels en cas d’urgence sanitaire, méritent de se voir consacrer des efforts supplémentaires.
D’une façon plus générale, les pays alliés doivent s’en tenir aux objectifs fixés en matière de dépenses de défense, de manière à pouvoir parer à des menaces géopolitiques qui risquent d’être exacerbées par la pandémie et ses retombées économiques.
La résolution met également en garde les pays alliés contre leur « dépendance excessive envers des rivaux stratégiques comme la Chine dans plusieurs secteurs critiques des technologies de pointe et/ou liées à la santé » et souligne que « les investissements étrangers dans des entreprises occidentales représentent un des moyens par lequel ces pays peuvent potentiellement mettre en danger des chaînes d’approvisionnement vitales ». Cette dépendance excessive peut être contrée par une surveillance accrue des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques d’importance cruciale.
Les autres recommandations de politique économique adressées aux gouvernements alliés portent, entre autres, sur l’octroi d’une aide aux pays en voie de développement durement touchés, l’élaboration de stratégies à long terme visant à alléger le poids d’une dette en augmentation, l’intensification de la coopération européenne et transatlantique dans les secteurs fiscal et monétaire et la création de partenariats entre gouvernements, scientifiques et économistes pour se préparer aux risques à venir.
4. Commission Politique : une stratégie transatlantique vis-à-vis de la Chine
La résolution de la commission Politique vise à définir une « stratégie transatlantique » pour gérer les relations de plus en plus complexes entre l’Occident et Pékin, alors que la Chine semble rejeter les valeurs démocratiques libérales qui sous-tendent les démocraties de l’OTAN et affirmer d’une part sa volonté d’exporter son modèle autoritaire à la région voire au-delà et d’autre part son rôle géopolitique tout en se montrant réticente à engager toute négociation qui pourrait avoir pour effet de restreindre ses programmes militaires.
En conséquence, la résolution recommande d’adapter le concept stratégique de l’OTAN de manière à répondre à ces préoccupations concernant la Chine.
Elle invite les Alliés à partager les informations relatives aux activités de ce pays et à entreprendre une évaluation conjointe des répercussions en matière de sécurité, à renforcer leurs mécanismes de défense contre les cyberattaques et les campagnes de désinformation chinoises mais aussi à protéger leurs infrastructures stratégiques contre des investissements malintentionnés. Les Alliés sont également encouragés à donner la priorité aux droits humains dans leurs relations avec la Chine.
Elle encourage toutefois aussi la mise en œuvre d’une coopération constructive de l’OTAN avec la Chine et le renforcement du dialogue politique et militaire en cours pour y inclure des questions telles que la transparence militaire, la liberté de navigation, les interventions d’urgence et la gestion des catastrophes.
5. Commission des Sciences et technologies : l’innovation dans le domaine de la défense
L’avance technologique de l’OTAN a été déterminante pour le maintien de la paix et de la stabilité en Europe et en Amérique du Nord, et la pandémie de covid‑19, aussi grave soit-elle, ne doit pas empêcher l’Alliance de rester dans la course technologique.
Aujourd’hui, les populations sont prioritairement inquiétées par les questions de santé, d’emploi et d’économie. Mais céder à la tentation de réduire les dépenses de défense – comme ce fut le cas par le passé – serait une grave erreur pour les parlementaires de cette commission, dont la résolution adoptée en plénière le 23 novembre, exhorte les gouvernements de l’OTAN à respecter leurs engagements en consacrant au moins 2 % de leur PIB à leurs budgets militaires et en s’assurant que les plans de relance dans le cadre de la covid-19 ne réduiront pas le financement de l’innovation en matière de défense.
Ils soulignent que les recettes fiscales ne sont pas la seule voie à explorer, d’autres « mécanismes de financement créatifs », notamment des subventions à la défense du secteur public et des fonds de capital-risque, doivent être utilisés pour relancer le développement technologique. Les gouvernements sont également invités à développer les partenariats public-privé, notamment en réduisant les obstacles administratifs, et à exploiter au maximum leur capital intellectuel et leur capacité de recherche, en renforçant par exemple la présence des femmes et des jeunes au service de la science et de la technologie et de l’innovation de défense.
— 1 —
annexe n° 1 :
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE, MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES
ET ACTIVITÉS DE L’AP OTAN EN 2020
A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES
Commission permanente
M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER, Président de la délégation de l’Assemblée nationale
Commission sur la dimension civile de la sécurité ([46])
Mme Anissa KHEDHER ([47])
M. Jérôme LAMBERT
Commission de la défense et de la sécurité ([48])
M. Jean-Jacques BRIDEY
M. Jean-Charles LARSONNEUR ([49])
Commission politique ([50])
Mme Marianne DUBOIS
Mme Françoise DUMAS
Mme Sonia KRIMI ([51])
Commission de l’économie et de la sécurité ([52])
Mme Patricia MIRALLÈS
M. Jean-Luc REITZER ([53])
Commission des sciences et des technologies
M. Jean-Christophe LAGARDE ([54])
M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER ([55])
Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient
Mme Françoise DUMAS
Mme Sonia KRIMI ([56])
M. Jean-Luc REITZER
B. ACTIVITÉS DE L’AP OTAN EN 2020
Janvier
27 Bruxelles, Belgique Programme de formation parlementaire pour
l’Ukraine
28 Bruxelles, Belgique Réunion conjointe PCNP et UNIC
Février
5-6 Washington DC, États-Unis Visite présidentielle
11-12 Skopje, Macédoine du nord Visite présidentielle
17-19 Bruxelles, Belgique Réunions conjointes de commissions (DSC, ESC, PC et bureaux des CDS et STC)
19 Bruxelles, Belgique Exercice interactif de cyberdissuasion
24-26 OCDE, Paris, France Visite conjointe ESC et PC
Mars
9-11 Stockholm, Suède Visite de la STCTTS
Avril
29 En ligne Réunion du Bureau et des Président(e)s de
commission
Mai
7 En ligne Webinaire sur La réponse de l’OTAN au
COVID‑19
27 En ligne Réunion du Bureau
29 En ligne Réunion de la Commission permanente
Juin
2 En ligne Webinaire sur La contribution des forces armées
dans la lutte contre le coronavirus
19 En ligne Webinaire sur La crise économique mondiale et la
réponse internationale
22 En ligne Réunion du Bureau
Juillet
1 En ligne Réunion de la CDS
2 En ligne Réunion de l’ESC
6 En ligne Réunion de la STC
7 En ligne Réunion conjointe UNIC et PCNP
8 En ligne Réunion du GSM
8 En ligne Réunion spéciale : Libye, le rôle de l’OTAN et le
dialogue politique au sein de l’OTAN
15 En ligne Réunion de la PC
16 En ligne Réunion de la DSC
17 En ligne Réunion du Bureau
Août
31 En ligne Réunion de la PC
Septembre
2 En ligne Réunion de la DSC
9 En ligne Réunion de la CDS
14 En ligne Webinaire sur le Belarus
16 En ligne Réunion de l’ESC
17 En ligne Réunion de la STC
24 En ligne Réunion du Bureau
29 En ligne Réunion de la Commission permanente
Octobre
7 En ligne Réunion des co-présidents du Groupe d’experts
OTAN 2030 avec la Commission permanente
15 En ligne Programme d’information pour la délégation
du Royaume-Uni auprès de l’AP OTAN
15 En ligne Webinaire sur la crise du Haut-Karabakh
26 En ligne Webinaire avec le secrétaire général délégué de l’OTAN
29 En ligne Webinaire sur Les femmes, la paix et la sécurité
29-1/11 Géorgie Mission d’observation des élections législatives
Novembre
5 En ligne Réunion du Bureau
12 En ligne Webinaire Rose-Roth sur les Balkans occidentaux
18-23 En ligne 66e session annuelle
30 En ligne Webinaire Rose-Roth sur le Caucase du sud
Décembre
3 En ligne Webinaire sur L’avenir de la maîtrise des
armements
9 En ligne Réunion du Bureau
11 En ligne Réunion du GSM
15 En ligne Webinaire sur Le contrôle parlementaire du
renseignement militaire – les leçons du passé
— 1 —
Annexe n° 2 :
Recommandations de politique gÉnÉrale
adoptÉes par l’AP OTAN en 2020
Déclaration 460 : OTAN 2030 : une alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale ([57])
L’Assemblée,
Résolution 461 : Poursuivre la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et du programme « femmes, paix et sécurité » ([58])
***
Résolution 462 : Maintenir la dynamique des investissements alliés en matière de défense après la covid‑19 ([59])
L’Assemblée,
***
Résolution 463 : Résilience économique et pandémies ([60])
L’Assemblée,
***
Résolution 464 : Une stratégie transatlantique vis-à-vis de la Chine ([61])
L’Assemblée,
***
Résolution 465 : L’innovation dans le domaine de la défense ([62])
L’Assemblée,
([1]) OTAN 2030 : Unis pour une nouvelle ère, Analyse et recommandations du Groupe de réflexion constitué par le Secrétaire général de l’OTAN, 25 novembre 2020.
([2]) Remarks by President Biden on America’s Place in the World, 4 février 2021, https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2021/02/04/remarks-by-president-biden-on-americas-place-in-the-world/
([3]) Intervention du Président de la République, M. Emmanuel Macron dans le cadre de l’édition spéciale de la Conférence sur la sécurité de Munich 2021, 19 février 2021.
([4]) Actualisation stratégique 2021, Ministère des Armées.
([5]) OTAN 2030 : Unis pour une nouvelle ère, Analyse et recommandations du Groupe de réflexion constitué par le Secrétaire général de l’OTAN, 25 novembre 2020.
([6]) Intervention du Président de la République, M. Emmanuel Macron dans le cadre de l’édition spéciale de la Conférence sur la sécurité de Munich 2021, 19 février 2021.
([7]) Entretien du Président de la République, revue Le Grand Continent, 16 novembre 2020.
([8]) Entretien de M. Emmanuel Macron, Président de la République, avec le centre de réflexion américain Atlantic Council, 4 février 2021.
([9]) Actualisation stratégique 2021, Ministère des Armées.
([10]) Actualisation stratégique 2021, Ministère des Armées.
([11]) L’empreinte militaire russe en Méditerranée orientale à l’horizon 2035, Isabelle Facon, Philippe Gros, Vincent Tourret, Fondation pour la Recherche Stratégique, juin 2020.
([12]) Au Mali, les djihadistes « réfléchissent à des attaques en Europe », selon le patron de la DGSE, Elise Vincent, Le Monde, 2 février 2021.
([13]) Discours de Mme Florence Parly, ministre des Armées, lors du Comité exécutif du ministère des Armées consacré au contre-terrorisme, 1er février 2021.
([14]) Entretien du Président de la République, M. Emmanuel Macron, avec le centre de réflexion américain Atlantic Council, 4 février 2021.
([15]) Audition de Mme Florence Parly, ministre des Armées et de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, par la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, 12 janvier 2021.
([16]) Entretien du Président de la République, M. Emmanuel Macron, avec le centre de réflexion américain Atlantic Council, 4 février 2021.
([17]) Remarks by President Biden on America’s Place in the World, 4 février 2021. https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2021/02/04/remarks-by-president-biden-on-americas-place-in-the-world/
([18]) Actualisation stratégique 2021, Ministère des Armées.
([19]) Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos et Brunei.
([20]) La Chine reste encore loin derrière les États-Unis qui dispose d’une flotte de 11 porte-avions. Mais elle distancerait alors la France, le Royaume-Uni, l’Inde et la Russie qui n’en ont qu’un.
([21]) Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sur les relations UE Chine – Une vision stratégique, JOIN(2019) 5 final, 12 mars 2019.
([22]) Entretien de Mme Florance Parly, ministre des Armées, à l’AFP, le 31 octobre 2019.
([24]) Rapport d’information (n° 2726) déposé, au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), sur l’activité de la délégation française au cours des années 2018 et 2019, par M. Philippe Folliot, député, le 28 février 2020.
([25]) Conférence de presse du Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, à l’occasion de la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN, 1er et 2 décembre 2020.
([26]) Cité par : « 2021, année de tous les dangers pour Erdoğan », Marie Jego, Le Monde, 7 janvier 2021.
([27]) Jens Stoltenberg confronte l’OTAN à son « problème turc », Jean-Pierre Stroobants, Le Monde, 24 octobre 2020.
([28]) Lâchée par les États-Unis, la Turquie sur la sellette à l’OTAN, La Croix, mercredi 2 décembre 2020.
([29]) Cités par : « Quelles relations entre la Turquie et les USA sous l’ère de Joe Biden ? » étude sur les relations turco-américaines du Dr. Murat Yesiltas, directeur des études sécuritaires à la Fondation pour la recherche politique, économique et sociale (Seta) - réputée proche de l’AKP –, février 2021.
([30]) Le Congrès défie Trump pour adopter un énorme budget militaire, Le Point avec AFP, 11 décembre 2020.
([31]) Ibid.
([32]) La Turquie se dit prête à « normaliser » ses rapports avec la France, Le Figaro avec AFP, 7 janvier 2021.
([33]) Le groupe était composé des personnes suivantes : Mme Greta Bossenmaier (Canada), Mme Anja Dalgaard-Nielsen (Danemark), M. Hubert Védrine (France), M. Thomas de Maizière (Allemagne), Mme Marta Dassù (Italie), Mme Hema Verhagen (Pays-Bas), Mme Anna Fotyga (Pologne), M. Tacan Ildem (Turquie), M. John Bew (Royaume-Uni) et M. Wess Mitchell (États-Unis).
([34]) https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2020/12/pdf/201201-Reflection-Group-Final-Report-Fre.pdf
([35]) Outre les États-Unis – qui ont un budget militaire plus important que l’ensemble de ses 29 alliés de l’OTAN, l’Estonie, la France, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Norvège, la Roumanie et le Royaume-Uni.
([36]) L’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la France, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal.
([37]) https://www.defense.gov/Newsroom/Transcripts/Transcript/Article/2504994/nato-defense-ministerial-background-briefing/
([38]) Cité par : « Après Trump, les Européens doutent de la restauration du lien transatlantique avec Biden ». Philippe Ricard, Le Monde, 19 janvier 2021.
([39]) Angela Merkel : « Nous, les Européens, devons prendre en main notre propre destin », Cécile Boutelet, Le Monde, 29 mai 2017.
([40]) Joe Biden lors de son discours d’investiture : « La démocratie l’a emporté », extraits du discours d’investiture publiés par Le Monde, 21 janvier 2021.
([41]) Communiqué conjoint des ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis
([42]) Trump ou Biden : comment reconstruire la relation transatlantique ?, Michel Duclos, Institut Montaigne, octobre 2020.
([43]) Participants pour la délégation française : MM. Jean-Charles Larsonneur et Jean-Luc Reitzer, pour l’Assemblée nationale, et Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le Sénat.
([44]) Sur les premiers enseignements tirés de la crise et les retombées de celle-ci sur les politique, plans et budgets de défense nationaux.
([45]) L’UNIC a été fondé en 1998 dans le but d’apporter une plus grande transparence à la mise en œuvre de la Charte OTAN-Ukraine et afin de démontrer l’intérêt et l’implication des parlementaires dans la coopération entre l’OTAN et l’Ukraine. Il est depuis devenu un forum plus élargi où les membres peuvent discuter de toute question d’intérêt mutuel. L’UNIC se réunit deux fois par an : une fois à Bruxelles au siège de l’OTAN et une fois en Ukraine. Ses réunions sont également ouvertes aux membres de la sous-commission des partenariats de l’OTAN de la commission politique.
([46]) Sa rapporteure générale est Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice, Vice-Présidente du Bureau de l’AP OTAN, élue lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([47]) Élue rapporteure de la sous-commission sur la gouvernance démocratique lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([48]) Son rapporteur général est M. Cédric Perrin, sénateur, élu lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, réélu lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([49]) Désigné rapporteur de la sous-commission sur la coopération transatlantique en janvier 2020 puis élu lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([50]) M. Gilbert Roger, sénateur, a été élu vice-président de la commission lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, et réélu lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([51]) Élue rapporteure de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, et réélue lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([52]) M. Philippe Folliot, sénateur, a été élu président de la commission lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([53]) Élu vice-président de la commission lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, et réélu lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([54]) Élu vice-président de la commission à la 64e session annuelle à Halifax en novembre 2018, réélu lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, puis lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([55]) Élu président de la sous-commission tendances technologiques et sécurité lors de la 66e session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne).
([56]) Élue présidente du groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient le 11 décembre 2020 (réunion en ligne).
([57]) Présentée par la commission permanente et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020.
([58]) Présentée par la commission sur la dimension civile de la sécurité et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020.
([59]) Présentée par la commission de la défense et de la sécurité et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020.
([60]) Présentée par la commission de l’économie et de la sécurité et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020
([61]) Présentée par la commission politique et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020
([62]) Présentée par la commission des sciences et des technologies et adoptée en ligne par l’assemblée plénière le lundi 23 novembre 2020