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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 mars 2021
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 146 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
relatif au financement et à l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme
Rapporteure spéciale : Mme Véronique LOUWAGIE
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
A. UN FINANCEMENT PARTIELLEMENT IDENTIFIABLE
2. Le financement de la lutte contre la maladie de Lyme ne peut être que partiellement identifié
b. Les dépenses partiellement identifiables : le parcours de soins et la recherche publique
B. L’EFFORT DE RECHERCHE PUBLIQUE EST TRÈS MODESTE, DÉSÉQUILIBRÉ ET INSUFFISAMMENT COORDONNÉ
1. L’effort de recherche publique a été recensé tardivement et imparfaitement
a. Le récent établissement d’une liste de 45 projets de recherche en cours d’exécution
c. L’estimation de l’effort de recherche publique établie par la rapporteure spéciale
2. Un effort de recherche publique modeste, déséquilibré et insuffisamment coordonné
a. Un effort de recherche publique modeste
b. Un effort de recherche publique déséquilibré et insuffisamment coordonné
C. DES DÉPENSES DE RECHERCHE SOUTENUES AU NIVEAU EUROPÉEN ET PAR DES ACTEURS PRIVÉS
a. Des soutiens bénéficiant davantage à la recherche privée qu’à la recherche publique nationale
b. Des soutiens soulevant certaines interrogations
1. Des engagements largement tenus selon le ministère des solidarités et de la santé
a. Le bilan très favorable dressé par la direction générale de la santé
b. Le bilan très défavorable dressé par les associations et les personnes auditionnées
c. La permanence d’importants points de crispation
B. UNE RELANCE NÉCESSAIRE SUPPOSANT L’ENGAGEMENT D’UN DEUXIÈME PLAN NATIONAL
a. Poursuivre et renforcer les efforts de prévention
b. Pérenniser et élargir les efforts en matière de surveillance vectorielle
CONCLUSION DES MOYENS À DÉVELOPPER, UNE CONFIANCE À RETROUVER
Annexe III – liste des 45 projets de recherche en cours en 2020 recensés par l’INSERM
PERSONNES AUDITIONNÉES, DÉPLACEMENT ET RÉPONSES À DES QUESTIONNAIRES DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
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La maladie de Lyme, également appelée borréliose de Lyme, est une pathologie complexe consécutive à une piqûre de tique infectée par une bactérie. Cette maladie, qui touche l’homme et plusieurs espèces d’animaux domestiques et sauvages, atteint dans ses différentes formes un nombre élevé et croissant de personnes (50 133 nouveaux cas officiellement répertoriés en France métropolitaine en 2019 contre 29 072 en 2009) principalement dans le Grand Est, la Bourgogne-Franche Comté, l’Auvergne Rhône-Alpes et la Nouvelle Aquitaine.
Un premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques a été engagé en 2016 mais le financement de ses actions et son efficacité globale n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation publique. Des interrogations importantes concernent plus particulièrement les mesures prises en faveur de la recherche dont la nature et le montant ont fait l’objet de déclarations et d’appréciations disparates. D’autres questions et controverses portent sur la gouvernance du plan, l’épidémiologie ou le parcours de soins.
En sa qualité de rapporteure spéciale des crédits de la mission Santé, Mme Véronique Louwagie s’est attachée à répondre à ces différentes interrogations en excluant cependant du périmètre de son étude les questions relatives au parcours de soins qui relèveront des travaux d’une mission d’information récemment constituée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ([1]).
Au terme de ses travaux, la rapporteure spéciale considère que le financement de la politique publique de lutte contre la maladie de Lyme est partiellement identifiable et se caractérise par un effort de recherche très modeste (inférieur à 1,5 million d’euros par an) et insuffisamment coordonné. Sous-dotée, peu pilotée et déséquilibrée, la recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est en échec.
Le bilan de l’ensemble des actions du premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques s’avère décevant. Si d’incontestables progrès ont été accomplis en matière de surveillance vectorielle, de sensibilisation des professionnels et, plus encore, de prévention d’importants points de crispation demeurent en matière épidémiologique, de financement et d’organisation de la recherche et de gouvernance du plan.
Sans attendre l’achèvement de la crise sanitaire, l’engagement d’un deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles est proposé pour consolider les acquis et corriger les carences du premier plan dans le but d’améliorer durablement la situation des malades.
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UNE ORIENTATION, CINQ PROPOSITIONS
Une orientation : engager un second plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques
Proposition n° 1 – Consolider les acquis du premier plan en poursuivant et en renforçant les efforts de prévention
Relancer et étendre les campagnes d’information en accroissant le nombre de panneaux d’information aux entrées des forêts et en diffusant plus largement les spots de sensibilisation ;
D’avril à octobre, établir et diffuser une « météo des tiques » présentant un état hebdomadaire des risques de piqûre ;
Accorder une attention particulière au jeune public.
Proposition n° 2 – Consolider les acquis du premier plan en pérennisant et en élargissant les efforts en matière de surveillance vectorielle
Consolider et étendre le projet Citique visant à surveiller de manière participative, l’exposition de la population aux tiques ;
Poursuivre la cartographie de la présence des tiques sur le territoire.
Proposition n° 3 – Corriger les carences du premier plan en améliorant l’épidémiologie
Expérimenter une déclaration obligatoire de la maladie de Lyme dans certains territoires.
Proposition n° 4 – Corriger les carences du premier plan en renforçant le soutien à la recherche publique
Porter le montant annuel de la recherche publique de 1,5 million à 5 millions d’euros et maintenir cet effort dans la durée ;
Rééquilibrer la recherche en direction de la santé humaine et élargir les thèmes de recherche aux formes sévères de la maladie et aux sciences humaines et sociales ;
Désigner la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes comme cheffe de file de la recherche pour assurer son pilotage et améliorer la réponse aux projets européens.
Proposition n° 5 – Corriger les carences du premier plan en rénovant la gouvernance
Désigner un « référent national Lyme » (un « Monsieur Lyme » ou une « Madame Lyme ») ;
Donner tout son sens à la démocratie sanitaire en renforçant le rôle des associations ;
Intégrer les collectivités territoriales et le ministère de l’éducation nationale au comité de pilotage des actions ;
Prévoir des modalités d’évaluation des actions et établir un rapport public annuel sur la mise en œuvre du plan.
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La maladie de Lyme, également appelée borréliose de Lyme, est une pathologie complexe consécutive à une piqûre de tique infectée par une bactérie. Cette zoonose ([2]), qui touche l’homme et plusieurs espèces d’animaux domestiques et sauvages, emprunte des formes variées qui, prises à temps, peuvent être soignées efficacement par un traitement antibiotique. En revanche, en cas d’absence, d’erreur ou de retard de diagnostic et de traitement, la maladie de Lyme est susceptible d’altérer fortement et durablement la santé des personnes atteintes. De nombreux malades se plaignent ainsi d’une grande fatigue, de douleurs articulaires et musculaires ou de troubles neurologiques.
Cette affection non-contagieuse atteint dans ses différentes formes un nombre élevé de personnes. Le réseau Sentinelles, chargé de la veille en médecine générale et en pédiatrie, a répertorié 50 133 nouveaux cas de Borréliose de Lyme en France métropolitaine en 2019 ([3]) contre 29 072 en 2009 ; les principales régions concernées étant le Grand Est, la Bourgogne-Franche Comté, l’Auvergne Rhône-Alpes et la Nouvelle Aquitaine. En quelques années, le taux d’incidence de la maladie est passé de 41 nouveaux cas pour 100 000 habitants en 2014 à 76 cas en 2019. Par ailleurs, chaque année, environ 900 personnes (939 en 2018) sont hospitalisées pour des manifestations neurologiques associées à cette infection. Selon notre collègue Vincent Descoeur, « la maladie de Lyme fait désormais partie des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France » ([4]).
Les principaux lieux de contamination sont les forêts, les zones boisées et humides, les herbes hautes des prairies ainsi que les jardins publics et privés. Selon la Haute autorité de santé, « les cas humains surviennent durant la période d’activité des tiques, du mois d’avril au mois de novembre » et « globalement le risque de transmission à l’homme en cas de piqûre en zone d’endémie est de 1 à 5 % » ([5]).
La maladie de Lyme, comme les autres maladies transmissibles par les tiques (encéphalite à tique, méningo-encéphalite à tiques, tularémie, etc.), est largement répandue en Europe et ne constitue pas une préoccupation uniquement française. Dans une résolution adoptée le 15 novembre 2018, le Parlement européen a considéré que cette pathologie concernait « en Europe, environ 650 000 à 850 000 cas » et a exprimé « son inquiétude vis-à-vis de l’étendue alarmante de la propagation dans la population européenne » ([6]). Cette pathologie est également présente de manière importante aux États-Unis ([7]). L’aspect international du sujet explique que, dans le cadre de ses travaux, la rapporteure spéciale a sollicité le concours du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires en vue de disposer d’une approche comparative sur les politiques publiques engagées en ce domaine même si les différences de définition et d’approche ne permettent pas de comparer aisément les incidences entre les pays. Dix-neuf pays européens ainsi que le Canada et Israël ont répondu à un questionnaire. Une synthèse de ces 21 réponses, établie par le service des affaires européennes de l’Assemblée nationale, figure en annexe de ce rapport ([8]).
En France, la maladie de Lyme fait l’objet de nombreuses controverses entretenant selon Patrick Zylberman (professeur émérite d’histoire de la santé à l’École des hautes études en santé publique) « une ambiance électrique » et des « formes inaccoutumées de véhémence » entre et parmi les scientifiques, les autorités de santé et les associations de patients ([9]). Les estimations officielles du nombre de personnes atteintes sont ainsi contestées par des associations. Les associations ChroniLyme, Le droit de guérir et Lyme sans frontières estiment ainsi à 205 000 le nombre de nouveaux cas observés en 2018 et à 100 000 le nombre cumulé de patients atteints de formes sévères et persistantes ([10]). Cette controverse épidémiologique se double de controverses – parfois très vives – sur les modalités de diagnostic de la maladie, sur son caractère chronique, sur l’errance médicale des patients et sur les conditions de prise en compte par le corps médical et les sociétés savantes des recommandations formulées par la Haute autorité de santé ([11]).
En septembre 2016, l’ensemble des associations et des parties prenantes se sont cependant félicitées de l’engagement par le ministère des affaires sociales et de la santé d’un premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Cette initiative, effective depuis janvier 2017, doit être saluée et témoigne d’une réelle prise de conscience. Le déploiement de ce plan suscite néanmoins des interrogations notamment en matière financière.
En sa qualité de rapporteure spéciale des crédits de la mission Santé, Mme Véronique Louwagie entend ainsi, d’une part, mesurer les moyens financiers mobilisés en faveur de la lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques et, d’autre part, évaluer l’efficacité du plan national engagé en 2016.
Ce travail s’inscrit dans le prolongement des différentes initiatives engagées depuis plusieurs années par des députés de tous bords. Le 17 août 2014, l’Assemblée nationale a adopté une résolution européenne relative à la maladie de Lyme. Depuis l’engagement de la quinzième législature (juin 2017), plus de cent trente questions écrites ont été formulées ; six propositions de loi ont été déposées ([12]) ; des amendements visant à relever les crédits soutenant la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ont été discutés (et rejetés) ; un groupe d’étude se réunit régulièrement ; enfin la commission des affaires sociales a organisé des tables rondes à l’automne 2020 et vient de créer une mission d’information relative à l’amélioration de la prise en charge des patients ([13]). Les sénateurs se sont également mobilisés sur ce sujet ([14]).
Le présent rapport s’inscrit dans ce mouvement et entend contribuer au débat public en objectivant certaines données, notamment financières. À l’inverse, ce rapport ne traitera pas des questions relatives à l’amélioration de la prise en charge des patients afin de ne pas empiéter sur le champ de la mission d’information précitée.
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I. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE PUBLIQUE DE LUTTE CONTRE LA MALADIE DE LYME EST PARTIELLEMENT IDENTIFIABLE ET L’EFFORT DE RECHERCHE PUBLIQUE EST LIMITÉ
Si le financement de la politique publique de lutte contre la maladie de Lyme est partiellement identifiable (A), les dépenses de recherche publique nationale sont limitées (B) et ne sont que partiellement compensées par les dépenses de recherche engagées au niveau européen et par des acteurs privés (C).
A. UN FINANCEMENT PARTIELLEMENT IDENTIFIABLE
La lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques repose sur un plan national dépourvu d’engagement et d’indicateur financiers ce qui rend difficile l’identification du montant des dépenses publiques résultant de sa mise en œuvre.
1. La lutte contre la maladie de Lyme repose sur un plan national dépourvu d’engagement et d’indicateur financiers
Présenté le 12 septembre 2016, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ne comporte pas d’engagement et d’indicateur financiers spécifiques ce qui le différencie d’autres plans de santé publique.
La mobilisation des pouvoirs publics contre la maladie de Lyme a été progressive et le plan de 2016 témoigne de la volonté de structurer et de renforcer les actions engagées. Dès 2006 une « conférence de consensus » a été organisée. En 2012, le Haut conseil de la santé publique a été saisi « pour actualiser l’état des connaissances sur cette maladie, son épidémiologie, les techniques diagnostiques et les traitements ». En 2013, « le Centre national d’expertise sur les vecteurs a réalisé une cartographie précise de la progression géographique des tiques vectrices de cette maladie sur notre territoire » ([15]).
Le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques a pris la suite de ces premières initiatives et entendait les renforcer. Pour la première fois, les pouvoirs publics ont structuré leur action en ce domaine dans le but de « développer les connaissances sur les maladies transmissibles par les tiques » et de « mettre en œuvre des mesures immédiates et concrètes en matière de prévention, de diagnostic et de soins afin de répondre aux besoins des malades » ([16]). Favorablement accueilli par les associations de patients et des professionnels ([17]), ce plan est structuré autour de cinq axes stratégiques déclinés en quinze actions :
Organisation du plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques
Axe n° 1 - Améliorer la surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques dans une démarche One Health ([18]) - Une seule santé |
Action 1 - Renforcer la surveillance des différentes tiques sur le territoire |
Action 2 - Améliorer nos connaissances sur l’écologie de la tique et identifier les mesures de lutte les plus efficaces |
Action 3 - Tester l’efficacité des répulsifs contre les tiques et préciser les modalités de leur utilisation, notamment pour les travailleurs |
Axe n° 2 - Renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmissibles par les tiques |
Action 4 - Généraliser sur l’ensemble du territoire la surveillance des maladies transmissibles par les tiques |
Action 5 - Développer l’information sur les mesures de protection à l’orée des forêts et des sentiers de randonnée |
Action 6 - Intégrer un volet sur les maladies vectorielles dans les schémas régionaux de santé et les autres politiques de santé régionales ou locales |
Action 7 - Faire évoluer les messages et supports de prévention, en lien avec les associations et en prenant en compte les résultats des sciences participatives et comportementales |
Axe n° 3 - Améliorer et uniformiser la prise en charge des malades |
Action 8 - Élaborer un protocole national de diagnostics et de soins pour les maladies transmissibles par les tiques |
Action 9 - Désigner des centres spécialisés de prise en charge dans les régions |
Action 10 - Évaluer l’opportunité d’inscrire la maladie de Lyme dans la liste des affections de longue durée |
Axe n° 4 - Améliorer les tests diagnostiques |
Action 11 - Renforcer le contrôle qualité des laboratoires de biologie médicale et le contrôle de la qualité des notices des tests |
Action 12 - Évaluer la performance des tests actuellement commercialisés |
Axe n° 5 - Mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques |
Action 13 - Développer de nouveaux outils de diagnostic post-exposition vectorielle s’appuyant sur les nouvelles technologies, y compris en s’inspirant des méthodes diagnostiques vétérinaires |
Action 14 - Mener des études sur l’épidémiologie et la physiopathologie des maladies transmissibles par les tiques |
Action 15 - Mettre en place une cohorte de recherche prospective de suivi des patients suspects de maladie de Lyme |
Le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est cependant dépourvu d’engagement et d’indicateur financiers. Parmi les quinze actions projetées, seules les trois actions (nos 13, 14 et 15) composant l’axe stratégique n° 5 « Mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques » se réfèrent à de possibles financements sans cependant les chiffrer ([19]). Interrogée sur ce point par la rapporteure spéciale, la direction générale de la santé (DGS) a confirmé qu’« aucune budgétisation des coûts inhérents aux orientations stratégiques et actions n’a été établie en 2016 ».
Cette absence de moyens dédiés surprend et n’est pas compensée par des indicateurs de suivi des dépenses engagées. Le plan de 2016 ne fait ainsi état d’aucun dispositif d’évaluation financière de ses actions. Sur ces points, cette situation contraste avec celle d’autres plans de santé publique.
b. Une absence d’engagement et d’indicateur financiers contrastant avec d’autres plans de santé publique
La plupart des plans de santé publique comportent aujourd’hui des indications financières. Les plans sans moyens dédiés sont rares. Sur les neuf autres plans consultés par la rapporteure spéciale, sept incluaient au moment de leur lancement, des indications financières précises :
indications financières figurant dans d’autres plans de santé publique
Plan de santé publique |
Année |
Coût prévisionnel |
Plans dénués d’indications financières |
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Programme national 2013-2017 pour la sécurité des patients |
2013 |
Non précisé |
Plan France médecine génomique 2016-2025 |
2016 |
Non précisé |
Plans comportant un coût prévisionnel |
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Troisième plan cancer (2014-2019) |
2014 |
1,5 milliard d’euros ([20]) |
Plan Maladies neuro-dégénératives (2014-2019) |
2014 |
450 millions d’euros (coût de la recherche publique en neurosciences fondamentales) ([21]) |
Feuille de route interministérielle de maîtrise de l’antibiorésistance (2016-2020) |
2016 |
330 millions d’euros ([22]) |
Troisième plan national maladies rares (2018-2023) |
2018 |
777 millions d’euros ([23]) |
Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement (2018-2022) |
2018 |
344 millions d’euros ([24]) |
Stratégie nationale décennale de lutte contre les cancers (2021-2031) |
2021 |
1,7 milliard d’euros sur la période 2021-2026 avec « 50 % du budget global de la stratégie décennale […] consacré au volet recherche » ([25]) |
Plan comportant un engagement en termes de moyens |
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Plan national de mobilisation contre les addictions (2018-2022) |
2018 |
Engagement de « donner les moyens à la prévention des addictions » en transformant « le Fonds tabac en un Fonds addictions » ([26]). |
Les informations financières figurant dans ces plans sont parfois très détaillées. Ainsi, la feuille de route interministérielle de maîtrise de l’antibiorésistance, le troisième plan national Maladies rares et la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement comportent une décomposition, parfois action par action, de leur coût global.
Le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est donc en décalage par rapport à ces autres plans de santé publique ce qui étonne dans la mesure où les montants en jeu sur les maladies transmissibles par les tiques sont très inférieurs à ceux mobilisés pour les autres pathologies faisant l’objet d’un plan spécifique.
Cette absence d’engagement et d’indicateur financiers limite les possibilités d’identification des sommes mobilisées depuis 2016 en ce domaine.
2. Le financement de la lutte contre la maladie de Lyme ne peut être que partiellement identifié
Seule une partie des moyens mobilisés contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques peut être isolée. Si les dépenses d’information, de prévention, de surveillance épidémiologique et de sécurité sanitaire ne peuvent être évaluées avec précision, les dépenses liées au parcours de soins et à la recherche peuvent être estimées, au moins partiellement.
a. Les dépenses peu identifiables : l’information, la prévention, la surveillance épidémiologique et la sécurité sanitaire
Les dépenses d’information, de prévention, de surveillance épidémiologique et de sécurité sanitaire sont intégrées dans le budget général de fonctionnement des opérateurs les mettant en œuvre et ne peuvent, pour ce motif, être isolées. Seule une fraction des sommes engagées peut être identifiée.
Les actions d’information et de prévention visent à améliorer la connaissance de la maladie par le grand public et les professionnels ainsi qu’à faire connaître les premiers réflexes à observer en cas de piqûre de tique. En l’absence de vaccins contre la maladie de Lyme, leur importance est essentielle.
Maladie de Lyme, les gestes de prévention à respecter pour bien se protéger
– Avant et pendant une activité nature : je couvre mes bras et mes jambes avec des vêtements longs. Je reste sur les chemins, j’évite les broussailles, les fougères et les hautes herbes. Je pense à prendre avec moi un tire-tique ;
– Après une activité dans la nature : j’inspecte soigneusement mon corps ;
– Après avoir été piqué par une tique : je surveille la zone piquée pendant un mois. Si une plaque rouge et ronde s’étend en cercle à partir de la zone de piqûre, je dois consulter un médecin rapidement. Je consulte également en cas de symptômes grippaux, de paralysie faciale ou de fatigue inhabituelle.
Source : Santé publique France (dépliant).
Seule une partie des dépenses engagées depuis 2016 peut être identifiée. En 2017, la DGS a financé à hauteur de 40 000 euros le développement d’une application pour smartphone (« signalement tiques ») et à hauteur de 3 000 euros une vidéo de sensibilisation. Depuis 2016, Santé publique France ([27]) a indiqué avoir dépensé 365 000 euros en campagnes et supports de communication (conception, édition, diffusion de dépliants, d’affiches et d’un dossier de presse sonore).
Les actions de surveillance épidémiologique relèvent également de Santé publique France qui pilote un système de veille et de surveillance de la borréliose de Lyme en lien avec le réseau Sentinelles et le Centre national de référence des Borrelia (CNR) rattaché aux hôpitaux universitaires de Strasbourg ([28]). Si le coût du réseau Sentinelles s’élève, dans sa globalité, à 513 000 euros en 2019, son activité ne se résume pas à la surveillance de la maladie de Lyme et les dépenses engagées pour surveiller cette pathologie ne peuvent être isolées.
Les actions de sécurité sanitaire relèvent de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Dans le cadre du plan de 2016, l’ANSES a notamment produit une note d’appui scientifique et technique relative à l’efficacité des biocides répulsifs contre les tiques, réalisé un audit de la qualité des tests sérologiques, participé à une étude de séroprévalence d’agents pathogènes transmis par les tiques chez des forestiers et assuré la tutelle d’une unité mixte de recherche en biologie moléculaire et immunologie parasitaire (BIPAR). Cependant, cet établissement a indiqué à la rapporteure spéciale que « la part du budget se rapportant aux actions relatives à la maladie de Lyme, qui couvrent notamment les coûts de fonctionnement, les infrastructures et les équipes, ne peut être isolé ».
Dans le cadre du plan de 2016, l’ANSM a assuré une surveillance des incidents au titre de la réacto-vigilance et a réalisé en 2018 une campagne de contrôle national de qualité des dispositifs médicaux. Le coût de ces mesures relève également des dépenses de fonctionnement courant de l’établissement et ne peut être évalué.
b. Les dépenses partiellement identifiables : le parcours de soins et la recherche publique
Certaines des dépenses relatives au parcours de soins et à la recherche publique peuvent être isolées.
Une instruction du ministère des solidarités et de la santé du 26 novembre 2018 ([29]) organise le parcours de soins des patients autour de trois niveaux de prise en charge : un niveau de proximité assuré par la médecine de ville, un niveau de recours régional assuré par des centres de compétence hospitaliers pour les « cas complexes » et un niveau de recours interrégional assuré par cinq centres de référence hospitaliers labellisés pour une période de cinq ans par un arrêté du 22 juillet 2019. Si l’organisation de ce parcours de soins est controversée ([30]), une partie de son coût est connue puisqu’un crédit annuel de 1,5 million d’euros est dédié au financement des centres de référence. Cette dépense fait l’objet d’une « mission d’intérêt général » gérée par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des solidarités et de la santé (MIG H16 Lutte contre les maladies transmissibles par les tiques).
Les dépenses engagées en matière de recherche publique font en revanche l’objet d’évaluations très disparates.
Dans le compte rendu du sixième comité de pilotage du plan de 2016, la DGS indique que « quarante-cinq projets [de recherche] sont en cours, pour un financement, par la France, d’un peu plus de 6 millions d’euros » ([31]). Dans deux réponses apportées le 30 janvier et le 4 février 2020 à des questions écrites posées par M. Yves Détraigne (sénateur de la Marne) et M. Jacques Marilossian (député des Hauts-de-Seine) ([32]), la ministre des solidarités et de la santé estime que « l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, recensent plusieurs dizaines de projets en cours financés pour un total de plus de 8 millions d’euros ». Enfin, à l’Assemblée nationale, lors de la deuxième séance du lundi 21 septembre 2020 consacrée à l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a évalué l’effort de recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques à 15 millions d’euros ([33]).
Ces estimations disparates sont contestées par des parlementaires. Dans une récente question écrite, M. Christophe Naegelen (député des Vosges) considère que « la dotation pour la recherche sur les maladies à tiques, volet santé humaine, est de 430 000 euros pour l’année en cours (555 000 euros étant dédiés aux aspects vétérinaires et environnementaux) » ([34]). Dans une autre question écrite, M. Stéphane Demilly (ancien député de la Somme) déplore « l’absence de crédits significatifs » et « la quasi-inexistence des budgets alloués à la recherche » ([35]). Dans son récent avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2021 dédiés à la recherche, M. Vincent Descoeur (député du Cantal) observe que « les projets en cours, recensés au 1er janvier 2020, s’élèvent à environ 6,1 millions d’euros répartis sur 45 projets » et que « cette somme correspond à un calcul théorique des coûts complets (avec ajout des coûts de structure des laboratoires et des salaires des personnels permanents, par exemple) des projets financés par l’ANR entre 2005 et 2018 sur ce sujet » ([36]).
Les estimations officielles sont également contestées par des associations. En réponse à la rapporteure spéciale, la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) estime que le montant du budget de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques s’est élevé à 927 000 euros en 2020 dont 362 000 euros pour les recherches sur l’homme et 565 000 euros pour les recherches en éco-environnement. L’association ChroniLyme considère pour sa part que l’ensemble des « crédits engagés depuis le démarrage du plan et jusqu’à fin 2019 sont de l’ordre de 2 millions d’euros » mais la rareté des données disponibles ne permet pas de reconstituer finement les montants de crédits engagés ([37]).
L’absence d’indicateur et d’instrument de suivi financier dans le plan de 2016 favorise ces évaluations disparates dont la permanence contribue à entretenir les controverses sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.
Compte tenu de l’importance de ce sujet et de la nécessité d’objectiver certaines données, la rapporteure spéciale a souhaité approfondir cette question afin de déterminer le montant exact de l’effort de recherche publique engagé en ce domaine.
B. L’EFFORT DE RECHERCHE PUBLIQUE EST TRÈS MODESTE, DÉSÉQUILIBRÉ ET INSUFFISAMMENT COORDONNÉ
La recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques n’a pas débuté en 2016 ([38]) mais l’axe stratégique n° 5 du plan entendait « mobiliser la recherche » ([39]) sur ce sujet. Néanmoins, il apparaît que, depuis 2016, l’effort de recherche publique a été tardivement recensé et se caractérise par sa modestie, ses déséquilibres et un pilotage peu satisfaisant.
1. L’effort de recherche publique a été recensé tardivement et imparfaitement
Le recensement de l’effort de recherche publique n’est intervenu qu’à partir de 2019 et le résultat obtenu est imparfait ce qui a conduit la rapporteure spéciale à établir une estimation corrigée.
a. Le récent établissement d’une liste de 45 projets de recherche en cours d’exécution
De manière surprenante, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques n’a pas prévu de recenser l’ensemble des projets de recherche publique engagés contre les maladies transmissibles par les tiques. L’axe stratégique n° 5 de ce plan était décliné en trois actions ([40]) dont aucune ne prévoyait d’établir un bilan des recherches en cours et un état des recherches projetées.
La principale action prévue en matière de recherche visait à soutenir la mise en place d’« une cohorte de recherche prospective de suivi des patients suspects de maladie de Lyme » (action n° 15). Ce dernier projet, connu sous le nom de PIQTIQ, entendait améliorer la connaissance de l’évolution clinique de 4 000 patients piqués par une tique en la comparant durant plusieurs années à celle d’une population témoin également composée de 4 000 personnes. D’un coût global significatif, estimé entre 4 et 5 millions d’euros, ce projet n’a pas encore débuté faute de financement par un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) ou par l’ANR. Seule une étude préparatoire (Quali-Explo-PIQTIQ) a été réalisée pour un montant de 20 000 euros pris en charge par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
Si, selon la DGS, « la recherche de financements se poursuit », l’échec (au moins temporaire) du projet PIQTIQ a coïncidé avec la volonté des autorités de recenser les projets de recherche publique portant sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Lors de son audition, l’INSERM a indiqué avoir été chargé en juillet 2019 (à la suite du cinquième comité de pilotage du plan) d’organiser et d’animer une réunion spécifique au volet recherche, pour réunir les différents ministères, organismes et acteurs concernés. Trois réunions se sont tenues en ce sens le 18 novembre 2019, le 23 janvier 2020 et le 18 janvier 2021 ([41]) et ont permis l’établissement d’une liste de 45 projets de recherche en cours qui, en janvier 2020, représentaient un montant de 5,425 millions d’euros sur la durée de ces programmes, c’est-à-dire sur une période allant de 2016 (pour l’action en cours la plus ancienne) à 2025 (pour l’action en cours dont la date d’expiration est la plus éloignée). L’état ainsi dressé « ne relève […] pas les projets issus du domaine privé et européen », ne propose pas de bilan des programmes de recherche achevés et agrège, dans une approche One health, des projets en santé animale et des projets en santé humaine.
La rapporteure spéciale s’étonne du retard pris dans le recensement des projets de recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Trois ans ont été nécessaires pour établir un premier état des recherches publiques en cours. Ce délai peu compréhensible interpelle alors même que l’amélioration de la connaissance et du traitement de la maladie suppose un renforcement de l’effort de recherche. Par ailleurs, la rapporteure spéciale observe que le recensement effectué à partir des informations communiquées à l’INSERM présente plusieurs faiblesses.
Le recensement établi comporte trois faiblesses : il intègre des programmes qui ne devraient pas figurer dans cette liste ; il n’évalue pas le coût de certains projets et il omet de prendre en compte plusieurs programmes qui devraient pourtant figurer dans cette liste.
En premier lieu, ce recensement intègre plusieurs programmes qui ne répondent pas aux critères énoncés. Ainsi, parmi les 45 programmes identifiés, cinq (le Baromètre Santé, la surveillance de la Borréliose de Lyme en médecine générale, la surveillance des hospitalisations pour Borréliose de Lyme, l’étude de validation de la définition de cas hospitalisés pour Borréliose de Lyme et la campagne annuelle de prévention contre les piqûres de tiques) ne constituent manifestement pas des projets de recherche et ne devraient donc pas figurer dans ce document.
Par ailleurs, la FFMVT conteste la présence de deux autres projets (Arbonet et Piroplasmose équine) en raison de leur éloignement avec la problématique traitée ([42]). Enfin, cet état est censé ne pas inclure les « projets issus du domaine privé et européen » mais comporte pourtant quatre projets de recherche soutenus (ou cofinancés ?) par des industriels (laboratoire pharmaceutique vétérinaire Ceva Santé animale, laboratoires Cerba, laboratoire Virbac santé animale et Sanofi) et deux projets (Arbonet et RT-Lamp) financés au niveau européen.
En deuxième lieu, le recensement établi par l’INSERM n’évalue pas le coût de 12 des 45 projets dont des programmes conduits en partenariat avec des industriels et un projet financé par l’ANR (Leptomove). Interrogé sur ce point, l’INSERM a indiqué ne pas disposer d’éléments complémentaires.
Enfin, ce recensement omet de prendre en compte plusieurs programmes qui devraient pourtant figurer dans cette liste. Le document établi n’inclut effectivement pas 8 programmes de recherche identifiés par la rapporteure spéciale dans le cadre de ses travaux et dont le montant cumulé s’élève, jusqu’en 2023, à 706 000 euros. Ces projets complémentaires, qui intéressent des recherches en santé animale et humaine sur les maladies transmissibles par les tiques, sont financés par des collectivités territoriales (3 projets), un fonds professionnel (1 projet), une organisation internationale associée à des universités (1 projet), l’ANSES (1 projet), l’INRAE (1 projet) et une unité mixte coordonnée par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (1 projet) ([43]).
Les compétences des collectivités territoriales
en matière de promotion de la santé et de la recherche
Deux dispositions législatives déterminent les compétences des collectivités territoriales en matière de promotion de la santé et de la recherche.
L’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l’article 17 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dispose que : « les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence » et, à ce titre, « concourent avec l’État […] à la promotion de la santé ».
L’article L. 4252-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que « la région est associée à l’élaboration de la politique nationale de la recherche et de la technologie ; elle participe à sa mise en œuvre ».
En définitive, si le recensement établi par l’INSERM est utile, il manque néanmoins de cohérence et d’exhaustivité ce qui a conduit la rapporteure spéciale à effectuer un recensement et une estimation financière complémentaires.
c. L’estimation de l’effort de recherche publique établie par la rapporteure spéciale
Selon la rapporteure spéciale, 46 projets de recherche intéressant, au sens large, la lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques étaient en cours en 2020 pour un montant estimé à 6,54 millions d’euros sur la période 2015-2023 ([44]) ; ce coût s’entendant hors charges de personnels assumées par les établissements dont des agents participent à ces programmes.
La dépense annuelle est inférieure à 1,5 million d’euros.
L’état ainsi établi repose sur :
– 38 des 45 projets recensés par l’INSERM ([45]). Le coût de ces 38 projets s’établit à 5,83 millions d’euros, soit l’addition du montant estimé par l’INSERM (5,42 millions d’euros) majoré du coût du programme Leptomove (414 000 euros) précisé à la rapporteure spéciale par l’ANR ;
– 8 projets, d’un montant de 706 000 euros, identifiés par la rapporteure spéciale dans le cadre de ses travaux.
Ce recensement complémentaire comporte toujours certaines faiblesses tenant notamment à l’absence de chiffrage de certains projets. Cependant, si cette évaluation alternative n’est pas exhaustive, elle propose un chiffrage et un recensement des projets de recherche en cours en 2020 plus complets que l’état établi par l’INSERM.
Ainsi reconstitué, l’effort de recherche publique se distingue par sa modestie, par ses déséquilibres et par une coordination peu satisfaisante.
2. Un effort de recherche publique modeste, déséquilibré et insuffisamment coordonné
a. Un effort de recherche publique modeste
La faiblesse des montants mobilisés en faveur de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est largement reconnue mais pas encore corrigée.
Les différents acteurs associatifs et institutionnels interrogés partagent ce constat. L’INRAE considère par exemple que « les moyens actuels ne permettent pas d’être à la hauteur [des] attentes » et l’institut Pasteur a indiqué que « les financements publics en matière de recherche dédiés spécifiquement à la maladie de Lyme et plus largement aux maladies transmissibles par les tiques sont peu nombreux ».
Ce point de vue est partagé par les institutions réunies en novembre 2019 et en janvier 2020 par l’INSERM. Les relevés de conclusions de ces réunions indiquent ainsi que « le groupe constate que les financements nationaux sur les maladies vectorielles transmissibles par les tiques (MVT) sont limités, et d’autant plus sur la maladie de Lyme » (18 novembre 2019) et que « les projets financés sont peu nombreux et les montants sont faibles » (23 janvier 2020) ([46]).
Des dépenses fiscales soutiennent-elles la recherche contre la maladie de Lyme ?
Trois dépenses fiscales sont susceptibles de soutenir la recherche : le crédit d’impôt recherche, les dépenses de mécénat d’entreprise et les dons aux œuvres ([47]).
S’agissant du crédit d’impôt recherche, l’administration fiscale a indiqué à la rapporteure spéciale ne pas pouvoir estimer le montant des dépenses éligibles intéressant la maladie de Lyme. Les différents organismes de recherche publics contactés ont précisé n’avoir fait bénéficier aucune entreprise de ce dispositif. Par ailleurs, la société franco‑autrichienneValneva qui travaille sur un projet de vaccin contre la maladie de Lyme et le chikungunya, a précisé avoir bénéficié d’un crédit d’impôt recherche de 1,8 million d’euros en 2018 mais uniquement au titre des recherches engagées sur le chikungunya ([48]).
S’agissant des dépenses de mécénat d’entreprise, les établissements interrogés ont indiqué n’avoir fait bénéficier aucune entreprise de ce dispositif pour des recherches engagées contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Cependant, en 2018, l’Institut Pasteur a reçu près de 7 millions d’euros au titre du mécénat d’entreprise dont une part – non identifiable – a pu soutenir des activités en ce domaine.
S’agissant des « dons aux œuvres », les dons des particuliers en faveur de la recherche contre la maladie sont limités (cf. infra).
En définitive, les dépenses fiscales ne soutiennent que de manière marginale la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.
La faiblesse des montants mobilisés en France en matière de recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques contraste avec l’importance des moyens réunis aux États-Unis. Le relevé de conclusions de la réunion du 23 janvier 2020 précitée note ainsi que « les taux de financement aux USA sont bien plus élevés qu’en France » et se fondent sur un « budget prévisionnel (public+ privé) [de] 55,6 millions $/an à partir de 2021 (hors soins et coûts sociaux) » ([49]) ; ce budget ayant été arrêté dans le prolongement d’un texte spécifique (le Tick act) couvrant la période 2021-2025.
Peu élevé, l’effort de recherche publique français en faveur de la lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est également dépourvu d’élan. Le plan national de 2016 n’a eu ainsi aucun effet d’entraînement sur la recherche et son exécution coïncide même avec un ralentissement des financements accordés par l’ANR dans le cadre de son appel à projets générique. Ainsi, si, sur la période 2013-2016, six projets de recherche intéressant la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ont été financés par l’ANR pour un montant de 1,8 million d’euros, seuls deux projets (d’un montant agrégé de 0,6 million d’euros) ont été financés par cette agence sur ce même appel à projets générique sur la période 2017-2020. Les derniers projets financés datent de 2018 et un seul programme (Leptomove) est en cours d’exécution ([50]).
À l’heure où le nombre de patients de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques progresse, les moyens consacrés à la recherche dans le cadre de l’appel à projets générique de l’ANR régressent. La rapporteure spéciale s’étonne de cette contradiction et déplore que les propositions de revalorisation des crédits de la recherche en ce domaine présentées à plusieurs reprises par des parlementaires aient été rejetées ([51]).
b. Un effort de recherche publique déséquilibré et insuffisamment coordonné
Limité dans son montant, l’effort de recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est également déséquilibré, et insuffisamment coordonné, ce qui, au final, contribue à sa faible efficacité.
i. Une recherche publique déséquilibrée
La recherche publique est déséquilibrée dans son financement et dans sa nature. L’organisation de la recherche se distingue ainsi par la multiplicité des financeurs et par la faiblesse des soutiens accordés. Les projets dont le financement est mesuré par l’INSERM réunissent 24 financeurs différents et leur montant moyen s’établit à 226 000 euros ([52]). Les projets dont le financement est mesuré par la rapporteure spéciale réunissent 31 financeurs différents et leur montant moyen s’établit à 159 600 euros ([53]). Dans le recensement établi par l’INSERM, 14 projets sont d’un montant inférieur ou égal à 50 000 euros et seuls deux projets sont d’un montant supérieur à 500 000 euros. Dans le recensement établi par la rapporteure spéciale, 16 projets sont d’un montant inférieur ou égal à 50 000 euros et seuls deux projets sont d’un montant supérieur à 500 000 euros.
Les projets de recherche conduits s’appuient peu sur des partenariats avec des industriels et aucun projet d’envergure n’est cofinancé par l’Union européenne.
La nature des programmes financés est également déséquilibrée. La très grande majorité des projets en cours concerne la biologie et l’écologie des tiques et non la santé humaine. Par ailleurs, aucune recherche d’ampleur n’est conduite sur les formes sévères de la maladie ou sur les co-infections ni en sciences humaines et sociales. Seul un projet doté de 140 000 euros (et financé très majoritairement par la FFMVT) s’intéresse à la forme potentiellement chronique de la maladie de Lyme. Sur ce point, la rapporteure spéciale observe que le relevé de décisions de la réunion INSERM du 18 novembre 2019 mentionne une situation différente aux Pays-Bas où « les projets de recherche […] abordent toutes les disciplines des MVT : symptômes persistants après Borréliose de Lyme (LymeProspect (kids)) […] effets à long terme du « Lyme chronique » sur la qualité de vie ».
Le déséquilibre des recherches tient également à leur concentration autour de l’université de Strasbourg et du CNR Borrelia dans des conditions suscitant les réserves de certaines associations. À l’inverse, plusieurs « grands noms » de la recherche française sont peu ou pas représentés parmi les organismes conduisant des projets.
ii. Une recherche publique insuffisamment coordonnée et peu efficace
Ces différents déséquilibres s’expliquent notamment par une coordination insuffisante. Si le plan national de 2016 indiquait que « la recherche française est pleinement mobilisée sur les maladies transmissibles par les tiques dans le cadre des Alliances AVIESAN et ALLEnvi » et que le ministère de la santé « a saisi AVIESAN afin qu’il coordonne les différentes équipes de recherche » ([54]), le pilotage de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques demeure incertain.
L’effort de recherche ne semble pas obéir à une ligne directrice claire et aucune institution ne paraît en assurer la coordination. Si l’INSERM a recensé tardivement (mais utilement) une partie de l’effort de recherche, il ne paraît pas en assurer la direction et commence à peine à s’engager dans une forme de coordination.
Interrogé sur ce sujet, l’INSERM a indiqué à la rapporteure spéciale, qu’il « serait souhaitable de convenir d’une stratégie collective pour répondre aux besoins de financement des projets de recherche dans le domaine de la maladie de Lyme et MVT ».
Sans surprise, la structuration inachevée de la recherche publique aboutit à des résultats décevants en termes de publications scientifiques et de dépôt de brevets.
En 2020, les programmes de recherche (terminés ou en cours) soutenus par l’ANR ont été à l’origine de six publications dans des revues scientifiques. Tous financeurs confondus, et selon la FFMVT, 26 publications scientifiques françaises portant sur la maladie de Lyme ont été dénombrées en 2020 contre 35 sur le virus West Nile, 65 sur le Chikungunya, 88 sur le virus Zika et 133 sur la dengue alors même que ces pathologies affectent un nombre bien plus restreint de patients.
Le nombre de brevets déposés sur la maladie de Lyme est également faible : seuls neuf brevets (déposés ou en cours de dépôt) ont été signalés à la rapporteure spéciale.
Brevets déposés / en cours de dépôt dans le cadre de recherches sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques
Déposant |
Nature du brevet |
INSB PROFI |
Diagnostic précoce |
Centre national de référence des Borrelia |
Diagnostic tardif de la borréliose de Lyme (en collaboration avec la Satt-Conectus) |
Projet de vaccin vétérinaire sur le chien (projet collaboratif avec la société VIRBAC et la Satt-Conectus) |
|
École nationale vétérinaire d’Alfort |
Deux brevets relatifs à des vaccins vis-à-vis des tiques ou des agents pathogènes qu’ils transmettent |
Deux brevets relatifs à des cellules permettant la croissance d’agents pathogènes in vitro |
|
UMR CNRS 6290 - INSERM (co-financement FFMVT) |
Mise en évidence d’une signature immunitaire spécifique des formes complexes de la maladie montrant un léger déficit immunitaire |
Deuxième brevet en cours « restant pour l’instant en phase confidentielle ». |
Source : commission des finances.
Cinq ans après l’engagement du plan national, la recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est en échec ; cet échec étant partiellement compensé par l’appui apporté à la recherche par des institutions européennes et par des acteurs privés.
C. DES DÉPENSES DE RECHERCHE SOUTENUES AU NIVEAU EUROPÉEN ET PAR DES ACTEURS PRIVÉS
Le financement de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ne repose pas exclusivement sur des budgets publics nationaux mais peut bénéficier du concours de fonds européens ou de fonds privés. En pratique, les soutiens européens bénéficient peu à la recherche publique française mais ont joué un rôle important dans le développement de la recherche privée nationale. Les soutiens apportés par des acteurs privés sont pour leur part limités.
Les soutiens européens bénéficient davantage à la recherche privée française qu’à la recherche publique nationale et soulèvent certaines interrogations.
a. Des soutiens bénéficiant davantage à la recherche privée qu’à la recherche publique nationale
L’Union européenne possède une compétence limitée en matière de santé publique. L’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose ainsi que « l’action de l’Union, qui complète les politiques nationales, porte sur l’amélioration de la santé publique et la prévention des maladies et des affections humaines et des causes de danger pour la santé physique et mentale » (paragraphe 1), que l’Union « encourage la coopération entre les États membres » (paragraphe 2) mais que cette politique « est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l’organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux » (paragraphe 7). Dans le cadre de ces compétences, l’Union européenne a pris différentes initiatives en matière de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Depuis 2007, la liste des maladies transmissibles suivies par le réseau de surveillance épidémiologique européen inclut les maladies vectorielles ([55]) et cette liste a été complétée en 2012 par l’encéphalite à tiques ([56]) et par la neuroborréliose de Lyme en 2018 ([57]).
L’Union européenne accorde également un soutien direct ou indirect à la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.
Les soutiens directs prennent la forme de subventions accordées au niveau européen et au niveau local. Au niveau européen, et selon l’INSERM, « les projets européens ANTIDotE, ID-Lyme et Lymediatex ont reçu 16 millions d’euros » ([58]) mais ne semblent pas avoir bénéficié à des organismes français de recherche publique. Au niveau local, d’autres programmes européens ont soutenu des recherches contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Ainsi, le programme Citique a été soutenu à hauteur de 300 000 euros pour la période 2016-2021 par le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen gérés par la région Grand Est. Les crédits du FEDER gérés par la région Auvergne Rhône-Alpes ont pour leur part participé au financement du programme DAPPEM (Développement d’une application d’identification des érythèmes migrants) à hauteur de 223 000 euros.
Le soutien européen indirect prend la forme d’une facilité de crédit accordée par la Banque européenne d’investissement dans le cadre du programme InnovFin MidCap Growth Finance (financement européen de l’innovation) à la biotech franco-autrichienne Valneva. En 2019, cette société a obtenu un prêt d’un montant maximum de 25 millions d’euros pour soutenir la recherche d’un vaccin contre la maladie de Lyme et le virus Zyka. Cette ligne de crédit a été utilisée à hauteur de 20 millions d’euros et a servi au dépôt d’un nombre important de brevets et au développement d’un candidat vaccin contre la maladie de Lyme (cf. infra) ([59]).
Les perspectives d’un vaccin contre la maladie de Lyme
Après l’échec de la commercialisation d’un premier vaccin aux États-Unis, les perspectives de commercialisation d’un nouveau vaccin contre la maladie de Lyme sont favorables.
Un premier vaccin contre la maladie de Lyme (le LYMErix) a été commercialisé aux États-Unis entre 1999 et 2002 mais sa diffusion a été interrompue à l’initiative du fabricant (SmithKlineBeecham) à la suite d’interrogations sur ses effets secondaires et de ventes déclinantes ([60]). À la même période, le développement d’un deuxième candidat vaccin (Imulyme) a été engagé mais interrompu par Pasteur Mérieux Connaught.
Les perspectives de commercialisation d’un nouveau vaccin contre la maladie de Lyme sont cependant favorables. La société Valneva développe ainsi un candidat-vaccin (le VLA15) contre la maladie de Lyme qui est le seul projet de ce type en phase 2. En octobre 2020, Valneva a annoncé des résultats initiaux positifs pour la seconde phase 2 de ce candidat vaccin puis a indiqué en décembre 2020 qu’il accélérait le développement pédiatrique de ce produit. Le lancement de l’étude pivot d’efficacité de phase 3 est prévu en 2022. L’INRAE travaille également sur un projet de vaccin (Vactix visions) qui, à l’inverse du candidat vaccin de Valneva, ne se limiterait pas à la maladie de Lyme mais concernerait toutes les maladies transmissibles par les tiques puisqu’il ciblerait la tique et non l’agent pathogène. Ce projet est cependant moins avancé que celui de Valneva.
La rapporteure spéciale se félicite de ces travaux et, plus particulièrement, de l’avancement des recherches de Valneva mais conserve à l’esprit que, si la commercialisation d’un vaccin représenterait une avancée majeure, elle ne répondrait cependant pas aux besoins des personnes déjà malades.
b. Des soutiens soulevant certaines interrogations
Les soutiens européens contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques soulèvent des interrogations sur leur attribution et sur leur devenir.
L’attribution des fonds européens a peu bénéficié à la recherche publique française en raison notamment d’un défaut de coordination. Aucun pilote n’a permis la constitution de consortium conduisant des projets d’ampleur ou s’associant à des projets de ce type. La France n’a par exemple pas participé au projet North-ticks soutenu par l’Union européenne et qui, entre 2014 et 2020, a rassemblé 11 bénéficiaires provenant de 7 pays ([61]). Notre pays participe simplement à des échanges entre chercheurs et praticiens au sein de l’European society of clinical microbiology and infectious diseases (Escmid).
Cette situation contraste avec le rôle de coordination européenne dévolu entre 2011 et 2015 au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) dans la conduite du programme Eden next portant sur la compréhension de l’effet des changements climatiques et environnementaux sur la transmission des maladies inoculées par des vecteurs (moustiques, tiques, etc.). Cette situation contraste également avec le bilan favorable de la participation de la France (tous secteurs de recherche confondus) au programme européen de recherche et d’innovation Horizon 2020 ([62]).
L’attribution des fonds européens suscite également d’autres interrogations au regard des difficultés rencontrées par la société Valneva pour prétendre à un soutien financier direct prenant la suite de la facilité de crédit accordée par la Banque européenne d’investissement. Interrogée par la rapporteure spéciale, cette entreprise a fait observer qu’en dépit du caractère novateur et prometteur de ses travaux, elle n’a bénéficié d’aucune subvention, ce qui l’a conduit, pour répondre à son besoin de financement, à rembourser en mars 2020 la BEI et à conclure un accord de financement avec deux fonds américains (Deerfield et OrbiMed) lui permettant de bénéficier d’un concours maximum de 85 millions de dollars ([63]). Valneva a ensuite conclu un accord avec le laboratoire Pfizer et envisage une introduction en bourse aux États-Unis. Cette situation illustre les difficultés de financement des biotechs de moyenne capitalisation en phase de développement.
Le devenir des fonds européens suscite d’autres interrogations. La récente adoption du cadre financier européen pluriannuel pour les années 2021-2027 a doté le programme Horizon Europe (successeur du programme Horizon 2020) d’un budget de 86 milliards d’euros mais le règlement portant établissement de ce programme-cadre n’est pas encore connu. Les modalités du prochain soutien européen à la recherche et à l’innovation, notamment en santé, ne sont donc pas encore déterminées.
Les soutiens apportés par des acteurs privés nationaux apparaissent pour leur part intéressants mais limités.
Plusieurs fondations et associations soutiennent des formes innovantes de recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. En 2020, une fondation relevant de la Fondation de France a financé à hauteur de 30 000 euros un projet de recherche visant au développement de tests bactériologiques d’une sensibilité supérieure à celles des tests PCR (projet Or-Lymite, recensé par l’INSERM). Le programme Citique a pour sa part bénéficié du concours de la fondation Groupama (55 000 euros) et de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (14 000 euros) pour lancer une nouvelle version de l’application pour smartphone « Signalement tiques ».
La FFMVT a pour sa part créé en 2018 un fonds de recherche (intitulé Biotique) destiné à lancer « des appels d’offres en direction des laboratoires de recherche […] et des services hospitaliers pour faire avancer les connaissances sur la maladie et permettre le développement de nouveaux outils diagnostiques et de nouveaux traitements » avec des financements « recueillis au travers de dons, sans attendre le jour où des financements publics prendront le relais » ([64]). Le produit de ce fonds est cependant modeste (moins de 10 000 euros à ce jour) et le principal programme de recherche financé (à hauteur de 110 000 euros) par la FFMVT (réponse immunitaire dans la maladie de Lyme chronique) résulte d’un legs fait par une patiente décédée de la maladie de Lyme.
Les recherches ainsi financées sont intéressantes et innovantes mais le soutien apporté par des fondations, par des associations ou par des particuliers à la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques demeure modeste. En France, les recherches sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ne bénéficient pas d’un concours équivalent au Téléthon ou au Sidaction. Les montants recueillis sont très inférieurs à ceux observés aux États-Unis où, selon la FFMVT, le soutien des « charities » et des philanthropes est significatif (environ 40 millions de dollars, cf. infra) ([65]).
Les montants consacrés par des industriels (laboratoires Ceva Santé animale, Cerba, Virbac et Sanofi) au co-financement de projets de recherche publique ou au financement de recherches propres (Valneva) ne sont en revanche pas connus.
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Le bilan du financement de la lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est décevant. Partiellement identifiable, ce financement se distingue surtout par une recherche publique en situation d’échec. Peu dotée, déséquilibrée, insuffisamment coordonnée et peu efficace, la recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques n’a pas encore permis d’avancées importantes dans la connaissance de la maladie, dans les diagnostics, dans les traitements et dans l’amélioration de la situation des patients. Cet échec de la recherche publique pèse sur le bilan du plan engagé en 2016.
II. LE PLAN NATIONAL DE LUTTE CONTRE LA MALADIE DE LYME ET LES MALADIES TRANSMISSIBLES PAR LES TIQUES : UN BILAN DÉCEVANT, UNE RELANCE NÉCESSAIRE
En dépit de réelles avancées, le bilan du plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est décevant. Si des premiers pas favorables ont été accomplis, la persistance d’importants points de crispation compromet les avancées enregistrées et rend nécessaire une adaptation du contenu et, plus encore, des moyens et de la gouvernance de cette politique publique.
Le bilan de l’application du plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est jugé très favorablement par le ministère des solidarités et de la santé et très défavorablement par les associations. La rapporteure spéciale considère pour sa part que si des avancées réelles ont été observées, ces dernières demeurent insuffisantes.
1. Des engagements largement tenus selon le ministère des solidarités et de la santé
Le contraste existant entre l’appréciation de la DGS et celle des associations et des personnes auditionnées sur le bilan du plan national est saisissant. Si, en réponse à la rapporteure spéciale, la DGS juge que « la mise en œuvre du plan est l’exemple d’une coopération interservices et interdisciplinaire réussie », les interlocuteurs interrogés dressent un bilan très sévère de la mise en œuvre des engagements pris en 2016.
a. Le bilan très favorable dressé par la direction générale de la santé
La DGS porte un regard très positif sur l’exécution du plan de 2016 et considère que sur les quinze actions prévues, dix ont été mises en œuvre, deux sont en cours d’exécution et trois ne font pas l’objet d’une appréciation. Le tableau suivant décompose cette analyse (le détail de la réponse de la DGS figurant en annexe VI).
État de la mise en œuvre du plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques selon la direction générale de la santé (bilan au 27/01/2021)
Description des axes stratégiques et des actions |
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Axe n° 1 - Améliorer la surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques dans une démarche One Health - Une seule santé |
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Action 1 - Renforcer la surveillance des différentes tiques sur le territoire |
Action réalisée |
Action 2 - Améliorer nos connaissances sur l’écologie de la tique et identifier les mesures de lutte les plus efficaces |
Action réalisée |
Action 3 - Tester l’efficacité des répulsifs contre les tiques et préciser les modalités de leur utilisation, notamment pour les travailleurs |
Action réalisée |
Axe n° 2 - Renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmissibles par les tiques |
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Action 4 - Généraliser sur l’ensemble du territoire la surveillance des maladies transmissibles par les tiques |
Action réalisée |
Action 5 - Développer l’information sur les mesures de protection à l’orée des forêts et des sentiers de randonnée |
Action réalisée |
Action 6 - Intégrer un volet sur les maladies vectorielles dans les schémas régionaux de santé et les autres politiques de santé régionales ou locales |
Action réalisée |
Action 7 - Faire évoluer les messages et supports de prévention, en lien avec les associations et en prenant en compte les résultats des sciences participatives et comportementales |
En cours |
Axe n° 3 - Améliorer et uniformiser la prise en charge des malades |
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Action 8 - Élaborer un protocole national de diagnostics et de soins pour les maladies transmissibles par les tiques |
Action réalisée |
Action 9 - Désigner des centres spécialisés de prise en charge dans les régions |
Action réalisée |
Action 10 - Évaluer l’opportunité d’inscrire la maladie de Lyme dans la liste des affections de longue durée |
Action réalisée |
Axe n° 4 - Améliorer les tests diagnostiques |
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Action 11 - Renforcer le contrôle qualité des laboratoires de biologie médicale et le contrôle de la qualité des notices des tests |
Action réalisée |
Action 12 - Évaluer la performance des tests actuellement commercialisés |
En cours |
Axe n° 5 - Mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques |
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Action 13 - Développer de nouveaux outils de diagnostic post-exposition vectorielle s’appuyant sur les nouvelles technologies, y compris en s’inspirant des méthodes diagnostiques vétérinaires |
Statut non renseigné |
Action 14 - Mener des études sur l’épidémiologie et la physiopathologie des maladies transmissibles par les tiques |
Statut non renseigné |
Action 15 - Mettre en place une cohorte de recherche prospective de suivi des patients suspects de maladie de Lyme |
Statut non renseigné |
Cette appréciation très favorable contraste avec le regard très sévère porté sur la mise en œuvre de ce plan par les associations et les personnes interrogées par la rapporteure spéciale.
b. Le bilan très défavorable dressé par les associations et les personnes auditionnées
Le jugement porté par l’ensemble des associations et des intervenants auditionnés est très négatif. La FFMVT mentionne une « vive déception » et une « perte massive de confiance » ([66]), son secrétaire (le docteur Hugues Gascan) considérant qu’« on est resté à la case départ » ([67]), ChroniLyme évoque un « échec » ([68]), France Lyme partage un sentiment d’« amertume » et de « colère » ([69]), Lympact regrette un « gâchis financier » ([70]), le professeur Christian Perronne fait le constat d’un « grand désarroi » ([71]) et le Relais de Lyme déplore « une perte massive de confiance quant à la capacité du Plan à mettre fin à l’errance et à la souffrance des malades » ([72]).
Cette appréciation très négative se cristallise sur différents points : l’absence d’avancée scientifique en matière de diagnostic et de traitement, la controverse sur les conditions de mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques formulées par la Haute autorité de santé, la structuration du parcours de soins, la nature du pilotage du plan, le manque de concertation et de transparence dans la mise en œuvre de cette politique publique et, hors du plan, les difficultés auxquelles seraient confrontés certains praticiens soutenant des patients souffrant de formes durables de la maladie. Parmi les actions du plan, seules celles relatives à la connaissance générale de la maladie et à la prévention sont jugées favorablement.
2. Le bilan du plan établi par la rapporteure spéciale : des premiers pas positifs ne masquent pas la permanence d’importants points de crispation
Le bilan du plan établi par la rapporteure spéciale souligne la réalité de certaines avancées mais également la persistance de difficultés importantes sur certains points essentiels.
Sur les quinze actions du plan, la rapporteure spéciale considère que huit ont été mises en œuvre, cinq ont été partiellement (voire peu) exécutées et deux n’ont pas été déployées. Quantitativement, ce décompte peut paraître satisfaisant mais cette impression est trompeuse puisque, d’une part, certaines actions mises en œuvre prêtent à discussion (comme la structuration du parcours de soins, effective dans les faits mais très controversée) et, d’autre part, plusieurs points essentiels du plan ont été peu mis en œuvre ou n’ont pas été déployés.
État de la mise en œuvre du plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques selon la rapporteure spéciale
Description des axes stratégiques et des actions |
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Axe n° 1 - Améliorer la surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques dans une démarche One Health - Une seule santé |
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Action 1 - Renforcer la surveillance des différentes tiques sur le territoire |
Action réalisée |
Action 2 - Améliorer nos connaissances sur l’écologie de la tique et identifier les mesures de lutte les plus efficaces |
Action réalisée |
Action 3 - Tester l’efficacité des répulsifs contre les tiques et préciser les modalités de leur utilisation, notamment pour les travailleurs |
Action réalisée |
Axe n° 2 - Renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmissibles par les tiques |
|
Action 4 - Généraliser sur l’ensemble du territoire la surveillance des maladies transmissibles par les tiques |
Action réalisée |
Action 5 - Développer l’information sur les mesures de protection à l’orée des forêts et des sentiers de randonnée |
Action partiellement réalisée |
Action 6 - Intégrer un volet sur les maladies vectorielles dans les schémas régionaux de santé et les autres politiques de santé régionales ou locales |
Action peu réalisée |
Action 7 - Faire évoluer les messages et supports de prévention, en lien avec les associations et en prenant en compte les résultats des sciences participatives et comportementales |
Action peu réalisée |
Axe n° 3 - Améliorer et uniformiser la prise en charge des malades |
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Action 8 - Élaborer un protocole national de diagnostics et de soins pour les maladies transmissibles par les tiques |
Action non réalisée |
Action 9 - Désigner des centres spécialisés de prise en charge dans les régions |
Action réalisée mais mise en œuvre de manière controversée |
Action 10 - Évaluer l’opportunité d’inscrire la maladie de Lyme dans la liste des affections de longue durée |
Action réalisée |
Axe n° 4 - Améliorer les tests diagnostiques |
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Action 11 - Renforcer le contrôle qualité des laboratoires de biologie médicale et le contrôle de la qualité des notices des tests |
Action réalisée |
Action 12 - Évaluer la performance des tests actuellement commercialisés |
Action partiellement réalisée |
Axe n° 5 - Mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques |
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Action 13 - Développer de nouveaux outils de diagnostic post-exposition vectorielle s’appuyant sur les nouvelles technologies, y compris en s’inspirant des méthodes diagnostiques vétérinaires |
Action partiellement réalisée |
Action 14 - Mener des études sur l’épidémiologie et la physiopathologie des maladies transmissibles par les tiques |
Action réalisée |
Action 15 - Mettre en place une cohorte de recherche prospective de suivi des patients suspects de maladie de Lyme |
Action non réalisée |
L’analyse des grandes lignes de ces actions conduit à distinguer certaines avancées et à regretter plusieurs carences.
La rapporteure spéciale considère que la mise en œuvre du plan a permis d’accomplir d’incontestables progrès en matière de surveillance vectorielle, de connaissance générale et de prévention.
i. Les progrès en matière de surveillance vectorielle
Le plan de 2016 a permis d’améliorer la surveillance vectorielle et entomologique du territoire grâce notamment à la réussite du projet Citique.
La surveillance de la présence des tiques sur le territoire repose largement sur le CNR Borrelia de Strasbourg qui travaille de concert avec d’autres organismes (dont le CIRAD-IRD, l’université de Rennes, l’INRAE et l’école vétérinaire de Lyon). Si ce réseau ne couvre pas encore tout le territoire, des travaux sont en cours, sous l’égide de la DGS, pour compléter la cartographie des tiques.
En complément, le plan de 2016 a permis d’accompagner le développement du projet Citique qui vise à surveiller de manière participative l’exposition de la population aux tiques et pathogènes. Prévue à l’action n° 1 du plan, une application mobile (« Signalements tiques ») a été créée et recueille les signalements de piqûres de tiques effectués par le public (jardiniers, randonneurs, promeneurs, forestiers, agriculteurs, vétérinaires, médecins, etc.). Plus de 50 000 téléchargements de l’application sont intervenus depuis son lancement en juillet 2017. Les résultats de ce projet sont probants : 50 000 signalements de piqûres ont été effectués ([73]), 35 000 tiques ont été transmises aux porteurs du projet et archivées dans une « tiquothèque » et près de 2 000 tiques ont été analysées.
La réussite de Citique est à souligner mais la consolidation de ce programme supposerait une simplification de son financement (aujourd’hui principalement assuré par douze organismes différents) ainsi que la création d’une plateforme, également participative, de surveillance et de prévention du risque lié aux tiques.
ii. Les avancées en matière de sensibilisation du grand public
La connaissance de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques a progressé et cet effort ancien ([74]) a été soutenu efficacement par le plan de 2016 même si certains points de vigilance demeurent.
L’évolution récente des réponses apportées au Baromètre santé de Santé publique France témoigne de ces avancées en termes de connaissance de la maladie et des mesures de protection.
Extraits du Baromètre santé
Évolution de la connaissance de la maladie de Lyme (2016 – 2019)
Baromètre santé |
Baromètre 2016 |
Baromètre 2019 |
Vous êtes-vous déjà fait piquer par une tique ? |
||
Oui |
25 % |
30 % |
Il y a moins de 12 mois |
4 % |
6 % |
Vous sentez-vous exposé aux piqûres de tiques ? |
||
Oui |
22 % |
25 % |
Non |
78 % |
75 % |
Parmi ceux se déclarant exposés, fréquence de : |
||
Utilisation de répulsifs |
16 % |
18 % |
Port de vêtements longs |
66 % |
74 % |
Chercher et enlever les tiques |
48 % |
53 % |
Considérez-vous être bien informé sur la maladie de Lyme ? |
||
Oui |
28 % |
42 % |
Non |
36 % |
37 % |
Jamais entendu parler |
36 % |
21 % |
Source : Santé publique France.
En quelques années, la proportion des personnes interrogées considérant être bien informées sur la maladie de Lyme a crû de manière importante (passant de 28 à 42 %, + 14 points). Cette évolution favorable s’explique en premier lieu par la mobilisation des institutions (Santé publique France, le CNR ([75]) la Mutualité sociale agricole (MSA), la CNAM, l’Office national des forêts, etc.) dans le cadre du plan de 2016. Deux mille panneaux d’information ont par exemple été installés aux entrées de forêts domaniales et les réseaux sociaux ont été utilisés efficacement.
Les réseaux sociaux de l’Office national des forêts (ONF), un outil performant
L’ONF utilise les réseaux sociaux pour sensibiliser le grand public sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques et pour promouvoir le développement de « bonnes pratiques ». Un dossier d’information spécifique a été créé et, en 2020, celui-ci a été largement imprimé et téléchargé sur les supports suivants :
– Facebook ONF : 114 585 impressions / téléchargements ;
– Twitter ONF : 5 000 impressions / téléchargements ;
– Instagram ONF : 4 157 impressions / téléchargements ;
– LinkedIn ONF : 11 685 impressions / téléchargements.
En termes de référencement, la publication de ces « bonnes pratiques » sur le site de l’ONF se classe au deuxième rang des recherches google et leur temps de lecture moyen est satisfaisant (3 minutes environ).
Source : ONF.
L’amélioration de la connaissance de la maladie de Lyme et des gestes de prévention tient également à l’action prépondérante des associations dont les ressources sont pourtant limitées. Dans le cadre du plan national, Lympact et Santé publique France ont réalisé une utile vidéo de présentation ([76]). Au niveau local, Orne Lyme a organisé de nombreuses réunions d’information. France Lyme informe le public grâce à ses 20 sections locales réparties sur le territoire, implante des panneaux d’information aux entrées des forêts et organise régulièrement des rencontres, permanences et cafés Lyme. Lympact a indiqué avoir distribué près de 500 000 plaquettes d’information depuis sa création en 2012.
Si la rapporteure spéciale se félicite des actions engagées, plusieurs points de vigilance doivent être soulignés.
Une part importante de la population demeure encore à informer. En dépit des progrès accomplis, le Baromètre santé fait apparaître que seuls 42 % des répondants considèrent être suffisamment informés sur la maladie de Lyme. La mobilisation de certaines institutions est également variable. À ce titre, la rapporteure spéciale regrette la timidité avec laquelle les agences régionales de santé se sont impliquées dans la mise en œuvre du plan de 2016. Si, d’un point de vue législatif, et en application de l’article L. 1434-3 (5°) du code de la santé publique, le schéma régional de santé comporte, « le cas échéant, un volet consacré à la mise en œuvre d’actions de sensibilisation de la population et de formation des professionnels de santé visant à limiter d’éventuelles contaminations par des maladies vectorielles », la rapporteure spéciale a eu peu d’échos d’actions en ce sens ([77]).
L’amélioration de la prévention suppose également un effort dans la durée. Si, à ce titre, la rapporteure spéciale soutient l’installation de panneaux d’information aux entrées des forêts domaniales, elle déplore le nombre limité de panneaux implantés et leur défaut d’entretien. L’ONF gère ainsi 11 millions d’hectares de forêts (dont 4,6 millions en métropole) et 1 300 forêts domaniales : l’installation de 2 000 panneaux représente donc un panneau tous les 5 500 hectares, ce qui est peu. L’accroissement du nombre de ces supports et leur bon entretien sont indispensables. À ce titre, il est regrettable que la DGS n’ait pas donné suite à un devis établi par l’ONF en juin 2019 prévoyant la fourniture et la pose de 300 panneaux supplémentaires et la maintenance de 804 panneaux existants pour un montant de 250 926 euros.
En matière de prévention, une attention particulière doit être accordée aux enfants. Si Santé publique France a réalisé un utile dépliant à destination du jeune public, la rapporteure spéciale observe que les mots « enfant », « élève » ou « école » sont absents du plan national de 2016 alors même que parmi les 893 hospitalisations en rapport avec la maladie de Lyme observées en 2019, les groupes d’âge les plus touchés étaient « les enfants de 5 à 9 ans et les adultes de 70 à 79 ans » ([78]). Sur ce point, la rapporteure spéciale rappelle qu’aux États-Unis, plus de la moitié des cas concerne des enfants ([79]). Si les contextes diffèrent, la préoccupation d’une bonne information des jeunes publics doit être partagée.
iii. Les progrès en matière de sensibilisation des professionnels
Le plan de 2016 a également favorisé une plus grande sensibilisation des professionnels forestiers, agricoles et médicaux.
La maladie de Lyme représente une importante problématique de santé au travail. À ce titre, la rapporteure spéciale note avec satisfaction que la MSA et l’ONF se sont saisis du sujet. Les premières campagnes d’information auprès des personnels de l’Office ont ainsi débuté en 1988 et se sont accentuées à partir de 1998. Des brochures sont diffusées aux personnels de terrain, des tire-tiques sont mis à disposition dans les trousses de premiers secours et des équipements de protection individuels (notamment des pantalons de travail adaptés) sont fournis au personnel. Le plan de 2016 a encouragé la conduite de l’étude de séroprévalence SMARTIQ en partenariat avec l’ANSES, le CNR des Borrelia, la MSA et Santé publique France ([80]).
Des progrès ont également été accomplis en matière de formation professionnelle continue des médecins. En réponse aux interrogations de la rapporteure spéciale, l’agence nationale du développement professionnel continu des professionnels de santé ([81]) a indiqué que sur la période 2017-2019, 121 actions de formation portant sur la maladie de Lyme ont été organisées en faveur de 6 300 praticiens pour un montant de 4,9 millions d’euros. Cette plus grande sensibilisation des professionnels de santé contribue probablement à expliquer la progression du nombre d’affections de longue durée reconnues au titre de la maladie de Lyme.
L’évolution du nombre d’affections de longue durée La rapporteure spéciale a interrogé la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) pour connaître les conditions dans lesquelles une personne souffrant de la maladie de Lyme peut bénéficier d’une prise en charge spécifique au titre des affections de longue durée ainsi que le nombre d’affections de longue durée reconnues dans ce cadre. En réponse, la CNAM a précisé que « la maladie de Lyme peut relever d’une exonération du ticket modérateur au titre des affections dites « hors liste ». Ainsi tout patient atteint d’une forme grave ou d’une forme évolutive ou invalidante de la maladie de Lyme, comportant un traitement prolongé d’une durée prévisible supérieure à six mois et une thérapeutique particulièrement coûteuse, peut bénéficier d’une ALD dite hors liste ». L’évolution récente du nombre d’assurés en ALD « hors liste » au titre de la maladie de Lyme se caractérise par une croissance régulière :
Source : Caisse nationale de l’Assurance Maladie. Les associations auditionnées ont cependant fait état de difficultés et de disparités importantes dans l’instruction des demandes d’ALD au titre de la maladie de Lyme ce qui inciterait certains patients à présenter des demandes pour d’autres motifs (fibromyalgie, etc.). Les chiffres présentés doivent donc être appréciés avec prudence. |
Si de réels progrès ont été accomplis en termes de connaissance générale et de prévention de la maladie, plusieurs points de vigilance demeurent.
En premier lieu, la rapporteure spéciale observe que les actions engagées par l’ONF ne suffisent pas à limiter la progression du nombre de maladies professionnelles reconnues au titre de la maladie de Lyme au sein de cet établissement : 154 reconnaissances sont intervenues depuis 2014 dont la moitié au cours des deux derniers exercices connus.
Évolution du nombre de maladies professionnelles reconnues au titre de la maladie de Lyme au sein de l’Onf
Année |
Nombre de reconnaissances de maladies professionnelles |
2019 |
43 |
2018 |
29 |
2017 |
28 |
2016 |
19 |
2015 |
15 |
2014 |
20 |
Source : ONF.
La rapporteure spéciale observe également que la répartition géographique des actions de formation continue des professionnels de santé manque de cohérence. Ainsi, la région Grand Est, très concernée par la maladie de Lyme, n’est que la septième région bénéficiant de ces formations. Entre 2017 et 2019, seules 22 sessions ont été organisées dans ce territoire. Par ailleurs, la bonne connaissance de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques par les personnels de santé suppose une réelle réflexion sur l’enseignement de cette maladie dans la formation initiale (et pas seulement continue) des professions de santé.
c. La permanence d’importants points de crispation
Si la mise en œuvre du plan de 2016 a favorisé de réelles avancées, d’importants points de crispation demeurent. En sus de l’échec observé en matière de recherche (cf. infra), des difficultés sont à relever en matière d’épidémiologie et de gouvernance du plan.
i. Uné épidémiologie en question
Santé publique France pilote la surveillance épidémiologique de la borréliose de Lyme au moyen de deux indicateurs : le réseau Sentinelles et la surveillance hospitalière.
Le réseau Sentinelles est un système de surveillance épidémiologique reposant sur les signalements effectués par des médecins généralistes et des pédiatres volontaires. Au 1er janvier 2018, ce réseau était composé de 1 314 médecins généralistes libéraux (soit 2,1 % des médecins généralistes libéraux en France métropolitaine) et de 116 pédiatres libéraux (soit 4,3 % des pédiatres libéraux en France métropolitains) répartis sur l’ensemble du territoire ([82]). Cet outil permet de recueillir des données portant sur dix indicateurs de santé dont, depuis 2009, la maladie de Lyme. Les cas déclarés par les médecins Sentinelles sont ensuite validés par un groupe d’experts composé de cliniciens, de microbiologistes et d’épidémiologistes puis sont extrapolés pour obtenir des données nationales assorties d’intervalles de confiance. En complément, Santé publique France exploite les données hospitalières extraites du programme de médicalisation des systèmes d’information afin de connaître le nombre de patients hospitalisés pour des cas de forme disséminée ou complexe de la maladie de Lyme.
Sur la base de ces différentes données, 50 133 nouveaux cas de Borréliose de Lyme ont été estimés en France métropolitaine en 2019 (contre 68 530 en 2018) et 893 hospitalisations ont été dénombrées la même année (contre 930 en 2018).
Le soudain recul du nombre de cas et d’hospitalisation étonne et certains éléments laissent craindre un sous-diagnostic de la maladie de Lyme.
Les évaluations épidémiologiques établies sur la base du réseau Sentinelles posent en effet question en raison du faible nombre de cas déclarés et de l’imparfaite répartition géographique des correspondants médicaux.
L’estimation globale repose sur un nombre restreint de cas déclarés. En 2018 et 2019, moins de 300 cas ont servi à la détermination des évaluations nationales (230 cas en 2018 et 288 en 2019). En un an, le recul de 58 cas déclarés auprès du réseau Sentinelles (288-230) a conduit à une estimation nationale 2019 (68 530 cas) inférieure de 18 000 unités à l’estimation 2018 (50 133 cas).
La qualité de ces estimations repose grandement sur la répartition géographique des correspondants médicaux. Or, sur ce sujet, la rapporteure spéciale fait part de son scepticisme. Lors de son déplacement dans l’Orne, l’Agence régionale de santé de Normandie lui a indiqué qu’en 2018, un seul médecin ornais avait transmis des données à Santé publique France. Les estimations épidémiologiques établies pour ce département ont donc reposé sur les déclarations d’un seul praticien, ce qui, dans le cas d’une pathologie émergente comme la maladie de Lyme, interroge alors même que l’Orne est un département très exposé à cette maladie puisque 17 % de sa superficie est occupée par des forêts. Lors de ce même déplacement, le docteur Jean-Michel Gal, président du Conseil de l’ordre des médecins ornais, a dénoncé un « sous-diagnostic chronique » de cette pathologie.
Les réserves formulées sur la perception épidémiologique de la maladie de Lyme ne se limitent pas au département de l’Orne. Selon le bilan annuel du réseau Sentinelles, en 2018, 29 des 96 départements métropolitains ne comptaient qu’un ou deux médecins généralistes participant à la surveillance épidémiologique (contre 8 départements sur 96 en 2013), ce qui est peu.
réseau Sentinelles - évolution du nombre de départements dans lesquels deux médecins généralistes au plus ont participé à la surveillance épidémiologique
|
2013 |
2018 |
Nombre de départements où aucun médecin généraliste n’a participé à la surveillance continue |
0 |
4 (Ariège, Cher, Lot et Deux-Sèvres) |
Nombre de départements où un seul médecin généraliste a participé à la surveillance continue |
3 |
15 |
Nombre de départements où deux médecins généralistes ont participé à la surveillance continue |
5 |
10 |
Total : |
8 |
29 |
Source : réseau Sentinelles, bilans annuels 2013 et 2018.
Les interrogations sur la fiabilité de l’épidémiologie sont partagées par les associations mais également par certaines institutions. Dans sa réponse au questionnaire préalable à son audition, le CNR des Borrelia a ainsi souligné, qu’au niveau national, le « réseau Sentinelles gagnerait à être renforcé afin d’avoir une estimation avec un intervalle de confiance plus resserré ». La rapporteure spéciale souscrit à ce point de vue et craint que la structuration actuelle de ce réseau ne conduise à sous-estimer le nombre et l’évolution du nombre de personnes atteintes de la maladie de Lyme ou d’une maladie transmissible par les tiques. La maladie de Lyme est, pour l’essentiel, une maladie des territoires ruraux et le maillage imparfait du réseau Sentinelles en zone rurale nuit à la qualité de l’épidémiologie.
La surveillance hospitalière effectuée par Santé publique France appelle également certaines réserves au regard des difficultés (remontées par les associations) rencontrées par certains patients pour être hospitalisés pour ce motif. Lors de son audition, Santé publique France a indiqué qu’une étude destinée à évaluer la performance de l’algorithme d’identification des cas de Borréliose de Lyme hospitalisés était envisagée en raison d’interrogations sur la pertinence des résultats obtenus.
ii. Une gouvernance décriée
Les modalités de pilotage du plan définies en 2016 ont été partiellement respectées et la confiance entre les institutions, les associations de patients et certains professionnels s’est profondément érodée.
Le plan de 2016 prévoyait une gouvernance à deux niveaux. Un comité de pilotage présidé par le directeur général de la santé devait se réunir une fois par trimestre et réunir les pilotes des actions, notamment la direction de la sécurité sociale, la DGOS, l’ANSES, Santé publique France, l’ANSM, la Haute autorité de santé, la Société de pathologie infectieuse de langue française, AVIESAN et un représentant des ARS. Deux fois par an, un comité de pilotage élargi devait accueillir les associations de patients et la FFMVT.
La rapporteure spéciale n’a pas eu connaissance du nombre de réunions du premier comité de pilotage. En revanche, le comité de pilotage élargi s’est réuni à six reprises entre janvier 2017 et février 2020 ([83]) avant d’être interrompu par la crise sanitaire. Cette fréquence de réunion est conforme aux engagements pour les années 2017 et 2018 mais non conforme en 2019 et, de manière plus compréhensible, en 2020.
Le pilotage de cette politique publique est fortement critiqué par les associations. Alors que le plan de 2016 indiquait que « les associations de patients et la FFMVT seront étroitement associées à la réalisation de certaines actions, notamment dans les axes 2 (i.e : renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmissibles par les tiques) et 3 (i.e : améliorer et uniformiser la prise en charge des malades) » ([84]), les associations ont le sentiment d’avoir été ignorées, voire contournées.
En dehors d’un réel travail en commun en matière d’information et de prévention, les associations critiquent durement leur mise à l’écart dans la structuration du parcours de soins et dénoncent les conditions dans lesquelles la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques formulées par la Haute l’autorité de santé aurait été contrariée.
Si le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques a posé en 2016 les bases d’une démocratie sanitaire effective, sa pratique s’en est éloignée et un profond fossé s’est creusé à partir notamment, selon plusieurs interlocuteurs, du changement intervenu en 2018 à la tête de la DGS.
Le pilotage de ce plan se caractérise également par l’absence de désignation d’un « référent Lyme », par l’absence de publication d’un rapport d’activité annuel et par l’absence de toute évaluation publique des actions du plan. Sur ces points, la rapporteure spéciale note que cette situation contraste avec la pratique observée sur d’autres plans de santé publique. Les premiers plans Autisme se sont appuyés sur des chefs de projet identifiés avant la désignation, en 2019, d’une déléguée interministérielle. Le plan Maladies rares fait l’objet d’un volumineux rapport annuel remis au Premier ministre ([85]) et, aux États-Unis, le Congrès est destinataire tous les deux ans d’un rapport complet sur les actions mises en œuvre contre les maladies transmissibles par les tiques ([86]). L’inspection générale des affaires sociales a évalué le plan national de développement des soins palliatifs, le plan autisme et le plan cancer. Il est regrettable qu’aucune de ces bonnes pratiques n’ait inspiré le plan de 2016.
*
* *
En définitive, et en dépit de quelques réelles avancées, le premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques présente un bilan décevant : la recherche est atone et insuffisamment coordonnée ; l’épidémiologie suscite un certain scepticisme ; la démocratie sanitaire est contestée ; le parcours de soins ne fait pas consensus ; la confiance entre les acteurs s’est étiolée ; enfin les controverses sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques sont plus vives que jamais et, surtout, la situation des patients ne s’est pas améliorée.
Cinq ans après le lancement de ce premier plan, l’engagement d’un deuxième plan est nécessaire pour consolider les acquis et corriger les carences observées depuis 2016.
B. UNE RELANCE NÉCESSAIRE SUPPOSANT L’ENGAGEMENT D’UN DEUXIÈME PLAN NATIONAL
L’engagement d’un deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est souhaitable dès 2021 ou, au plus tard, en 2022. La crise sanitaire actuelle ne doit pas mettre durablement entre parenthèses la nécessité de poursuivre les efforts engagés contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. À ce titre, la rapporteure spéciale note avec satisfaction que l’INSERM a tenu le 18 janvier 2021 une réunion sur le financement des programmes de recherche en ce domaine. Cette initiative en appelle d’autres en vue de relancer cette politique publique.
La consolidation des acquis du premier plan suppose de poursuivre et de renforcer les efforts de prévention (en direction notamment des jeunes publics) et la surveillance vectorielle.
a. Poursuivre et renforcer les efforts de prévention
Le développement de la connaissance générale et des gestes de prévention constitue le point fort du premier plan. Trois points de vigilance ont cependant été identifiés : une part importante de la population demeure encore à informer, l’amélioration de la prévention suppose un effort dans la durée et une attention particulière doit être accordée au jeune public.
La rapporteure spéciale suggère de relancer et d’étendre les campagnes d’information générale. L’installation de 2 000 panneaux à l’orée des forêts ne saurait suffire. Un nombre bien plus important de panneaux doit être installé et leur entretien assuré. Les spots de sensibilisation préparés par Lympact, Santé publique France ou le CNR méritent une diffusion plus importante en étant par exemple proposés plus largement aux pharmacies, jardineries, enseignes vendant des articles de randonnée ou associations sportives d’extérieur. À l’image de ce que fait l’Office fédéral de la santé publique suisse, Santé publique France pourrait également rendre compte chaque semaine, d’avril à octobre, de l’activité des tiques sous la forme d’une « météo des tiques » participant à la vigilance de la population. Cet instrument serait utile puisque le risque de piqûre varie selon le climat (en s’accroissant durant les périodes chaudes et humides). Pour être efficace, cette « météo des tiques » supposerait une cartographie fine du territoire (articulée avec le projet Citique) et devrait s’accompagner de la présentation de conseils de prévention.
Un effort particulier mériterait d’être effectué en direction des jeunes publics notamment dans les territoires où les tiques sont très présentes. Sur ce point, la rapporteure spéciale rejoint la Haute autorité de santé qui, en 2018, avait proposé « qu’une information sur le niveau de risque et les modes de transmission de la Borréliose de Lyme et autres MVT, ainsi que sur l’efficacité des moyens de prévention, soit réalisée auprès de la population, notamment dès le plus jeune âge (activités scolaires et périscolaires, loisirs, randonnées, etc.) » ([87]). La remise de tire-tiques aux écoliers de certains territoires, la systématisation des expositions itinérantes ([88]), la sensibilisation des personnels médicaux scolaires et la participation du ministère de l’éducation nationale à la gouvernance du plan méritent d’être étudiés.
b. Pérenniser et élargir les efforts en matière de surveillance vectorielle
Le plan de 2016 a permis d’améliorer la surveillance vectorielle et entomologique du territoire grâce notamment aux avancées autorisées par le programme Citique.
Le deuxième plan national devrait consolider ces premiers résultats favorables en complétant la couverture territoriale de la surveillance vectorielle afin de mesurer notamment l’incidence des changements climatiques sur la présence des tiques. Dans ce cadre, la pérennisation et l’extension du projet Citique doivent être assurées. Comme l’INRAE, la rapporteure spéciale considère que « dans la perspective de la mise en place d’un service de prévention du risque de piqûre de tiques à l’échelle du territoire national, basé sur une cartographie participative de ce risque, il est important de monter en puissance afin que les résultats scientifiques produits grâce à Citique aient une fiabilité suffisante pour être exploités en vue d’améliorer la prévention, notamment dans les lieux très fréquentés où le risque est sous-estimé /méconnu par les usagers qui se mettent donc en danger sans le savoir (ex : les jardins et les parcs publics). Il est aussi nécessaire de développer un outil de cartographie des données » ([89]).
L’établissement d’un deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques devrait s’attacher à affiner l’épidémiologie, à soutenir davantage la recherche publique et à rénover la gouvernance du plan.
Des craintes existent sur une possible sous-estimation du nombre de patients souffrant de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques notamment dans les territoires ruraux concernés par une faible présence médicale. Dans ce cadre, et afin de répondre aux difficultés du réseau Sentinelles, une déclaration obligatoire de la maladie de Lyme pourrait être expérimentée dans un nombre limité de départements. Cette expérience pourrait être menée conjointement avec une déclaration obligatoire des cas d’encéphalites à tiques recommandée en juin 2020 par le Haut conseil de la santé publique ([90]).
Les données ainsi réunies permettraient de confirmer ou d’infirmer les estimations établies par Santé publique France.
b. Soutenir la recherche publique en renforçant ses moyens, rééquilibrant ses orientations et en désignant un pilote chargé de sa coordination
L’absence d’impulsion donnée à la recherche constitue une des principales carences du plan de 2016. Tardivement recensée, financièrement sous-dotée, déséquilibrée dans sa nature et insuffisamment coordonnée dans sa mise en œuvre, la recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est en situation d’échec. La recherche est pourtant la clé de voûte de toute solution et doit occuper une place centrale pour sortir des controverses. Comme le docteur Alain Trautmann l’a souligné lors de l’audition de la FFMVT, « notre ignorance est la cause du dissensus entre scientifiques ».
Trois priorités méritent d’être définies : renforcer le soutien à la recherche publique, rééquilibrer ses orientations et désigner un pilote chargé de la coordination de cet effort.
i. Renforcer le soutien à la recherche publique
La recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques bénéficie actuellement d’un concours inférieur à 1,5 million d’euros par an (cf. infra). Si un relèvement de ce montant a été envisagé récemment, les perspectives de financement complémentaire demeurent imprécises alors que le besoin de financement à satisfaire est évalué aux environs de 5 millions d’euros par an étant entendu que ce montant limité ne constitue pas un coût net puisque les avancées permises par la recherche doivent permettre d’améliorer la santé des patients et donc de réduire le coût de leur prise en charge pour la collectivité.
Le nécessaire accroissement des crédits soutenant la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques fait l’objet d’un relatif consensus. Le 7 novembre 2019, Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, a déclaré à l’Assemblée nationale que « le ministère de la santé, en lien avec le ministre de la recherche, les agences sanitaires et tous les autres organismes de recherche vont augmenter leur contribution aux projets de recherche dédiés aux maladies transmissibles par les tiques. […] En conséquence, les financements de ces acteurs vont être augmentés dans le cadre du plan de lutte contre la maladie de Lyme ». Le relevé de décisions de la réunion INSERM du 18 novembre 2019 confirme cette analyse et mentionne la nécessité d’identifier une ou deux « thématiques phares […] afin de mettre en place 1-2 appels à projets » durant le premier trimestre 2020. À cet effet, « des moyens de financement pour cet / ces AAPs seront mobilisés par un groupe d’organismes financeurs (dans l’ordre de 4 organismes), et s’ajouteront aux moyens dégagés par la DGS (200 000 euros) » ([91]). Les relevés de décisions des réunions INSERM du 23 janvier 2020 et du 18 janvier 2021 évoquent ces mêmes perspectives sans toutefois préciser le montant du financement complémentaire envisagé. Le rapport annexé à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur confirme cette préoccupation puisqu’il prévoit qu’« une attention spécifique sera […] apportée à l’étude des maladies transmissibles par les tiques, véritable enjeu de santé publique nécessitant une réelle concertation entre les acteurs de la recherche en santé » ([92]).
La rapporteure spéciale invite les pouvoirs publics à porter durablement la capacité de financement de la recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques aux environs de 5 millions d’euros par an, soit un montant correspondant au besoin de financement évalué par la plupart des personnes auditionnées. L’inscription de cet engagement sur plusieurs années est nécessaire pour structurer une communauté de chercheurs et créer l’effet d’entraînement que le plan de 2016 n’a pas su initier.
Ce financement complémentaire pourrait s’appuyer sur les moyens dégagés par le Ségur de la Santé dont la mesure n° 16 prévoit de « soutenir et dynamiser la recherche en santé […] en renforçant l’effort financier sur les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) à hauteur de 50 M€ par an (400 M€ sur la période 2021-2028), afin notamment de relancer une dynamique forte pour la recherche appliquée en santé » ([93]). Une autre possible source de financement réside dans l’accroissement attendu du budget de la recherche consécutif à la promulgation de la loi du 24 décembre 2020 précitée. Le ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation a ainsi indiqué qu’au moins « 1 milliard d’euros supplémentaire par an sera consacré à l’ensemble du secteur de la recherche autour des grands enjeux de la santé globale et du vivant : infrastructures, revalorisation des rémunérations, moyens pour les laboratoires, projets financés, etc. » ([94]).
Dans l’hypothèse où aucun effort financier complémentaire ne serait consenti par le pouvoir exécutif, il appartiendrait aux parlementaires de déposer, et d’adopter, un amendement en ce sens lors des prochaines discussions budgétaires comme ils ont su le faire en 2018 pour relever les crédits de la recherche sur les cancers pédiatriques.
La mobilisation réussie des parlementaires en faveur de l’accroissement des moyens de la recherche contre les cancers pédiatriques
Le 13 novembre 2018, lors de l’examen à l’Assemblée nationale des crédits de la mission Recherche associés au projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement a déposé un amendement n° 2513 relevant de 5 millions d’euros les crédits affectés à l’Institut national du cancer au titre du financement de la recherche contre les cancers pédiatriques ([95]).
Le dépôt et l’adoption de cet amendement résultent d’une forte mobilisation transpartisane des parlementaires. Ainsi, un amendement adopté par la commission des finances avait proposé de relever ces crédits de 18 millions d’euros et sept autres amendements déposés par des députés de tous bords proposaient de relever ce montant à hauteur de 20 millions d’euros. Le 13 novembre 2018, quatre demandes de scrutin public furent déposées par les groupes UDI, Agir et Indépendants, Les Républicains, Socialistes et apparentés et La République en marche ([96]) lors de l’examen de ces amendements. Cette forte mobilisation a contribué au dépôt de l’amendement du Gouvernement dont l’adoption a conduit au rejet des amendements déposés par les députés.
En pratique, cette dotation de 5 millions d’euros est gérée depuis 2019 par l’Institut national du cancer. Lors de son audition préparatoire à l’examen du projet de loi de finances pour 2021, cet établissement a indiqué à la rapporteure spéciale que ces crédits complémentaires ont notamment permis de financer la mise en place d’un outil de recensement des connaissances relatives aux cancers pédiatriques, des appels à candidatures sur des projets innovants et des projets de partage de données.
L’accroissement des moyens de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques devrait s’accompagner d’une modification de la répartition de ces crédits.
ii. Rééquilibrer les moyens affectés
L’affectation actuelle des modestes moyens accordés à la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques se caractérise par le faible montant des projets soutenus (dont la moyenne s’établit à 159 600 ou à 226 000 euros), par un faible financement des projets en santé humaine, par l’absence de recherche d’ampleur sur les formes sévères de la maladie et les co‑infections, par l’absence de recherche en sciences humaines et sociales et par la concentration des financements sur nombre réduit d’établissements.
Un relèvement des moyens permettrait de répondre à ces différentes faiblesses. Un effort marqué en faveur de la recherche en santé humaine portant sur les diagnostics, les formes sévères de la maladie et les traitements, est indispensable tout comme une politique soutenant la recherche en sciences humaines et sociales ([97]). Sur ce dernier point, il importe notamment de conduire une étude sur le coût de la maladie pour la société et sur le nombre de décès, notamment par suicides, imputables à ces pathologies ([98]). Les modalités de cette offre de recherche renouvelée (appels d’offres thématiques et appels d’offres ouverts) devraient permettre l’examen de ces différents champs.
Cet effort financier doit également s’accompagner de la désignation d’un pilote chargé d’assurer la structuration de la communauté scientifique, la définition des lignes directrices de la recherche, la coordination des recherches et l’implication des chercheurs dans des projets européens.
iii. La nécessaire désignation d’un pilote
L’organisation actuelle de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques se distingue par un pilotage déficient en l’absence notamment d’un chef de file clairement identifié.
Le cadre actuel n’ayant pas donné satisfaction, trois solutions paraissent envisageables : la désignation d’un pilote identifié sans changement des structures existantes, la création d’une agence de recherche dédiée à la maladie de Lyme et aux maladies transmissibles par les tiques et la désignation de la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes comme cheffe de file de la recherche.
La désignation d’un pilote identifié (en l’espèce l’INSERM) sans changement des structures existantes aurait l’avantage de la simplicité mais présenterait l’inconvénient de ne pas garantir la bonne affectation des ressources. Le 13 novembre 2018, lors de l’examen de l’amendement relatif à l’accroissement des moyens en faveur de la recherche contre les cancers pédiatriques, Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, rappelait ainsi que ces crédits supplémentaires devaient nécessairement être affectés à l’Institut national contre le cancer afin de garantir que leur emploi corresponde à la volonté du législateur. Elle déclarait ainsi : « Nous avons la chance d’avoir l’INCa, qui centralise tous les financements dédiés à la recherche sur le cancer, ce qui permettra d’ailleurs de garantir le fléchage de l’argent ainsi qu’un suivi de son utilisation. […] moi, je ne sais pas flécher vers les cancers pédiatriques les sommes dévolues à la « recherche en général » ! » ([99]).
La création d’une agence dédiée aux maladies transmissibles par les tiques (proposée récemment par notre collègue Vincent Descoeur ([100])) répondrait à cette objection et s’inspirerait de la création en 1989 de l’agence française de recherche sur le sida devenue ensuite l’agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. Le bilan de cette agence de recherche spécialisée dressé par la Cour des comptes en 2019 ([101]) est très favorable, en termes de recherche comme en termes de démocratie sanitaire. Néanmoins, plusieurs arguments ont été opposés à cette proposition (il ne peut être créé une agence spécialisée par type de maladie et la surface financière de ce nouvel établissement serait réduite).
La désignation de la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes (l’ANRS Maladies infectieuses émergentes) comme cheffe de file de la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques présenterait l’avantage de s’appuyer sur une structure existante dont les missions sont en cours de définition. Créée par une délibération du 3 décembre 2020 du conseil d’administration de l’INSERM et entrée en fonction le 1er janvier 2021, cette agence de recherche autonome au sein de l’INSERM a pour objet l’animation, l’évaluation, la coordination et le financement de la recherche sur le VIH-Sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles et les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes. Le budget de cet établissement est en discussion ([102]).
Sous réserve d’adapter les moyens de cette agence, il serait intéressant de confier à cette structure le pilotage et la coordination des projets de recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques en vue notamment d’assurer une plus grande participation aux programmes européens. Interrogée sur ce point, la direction générale de la recherche et de l’innovation considère que la maladie de Lyme n’est pas une maladie émergente et n’entre donc pas dans le périmètre de la nouvelle agence. Également interrogé sur cette perspective, le professeur Yazdan Yazdanpanah (qui assure la direction de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes) s’est montré plus ouvert.
La rapporteure spéciale considère que le maintien de l’organisation actuelle n’est pas envisageable Si les trois hypothèses présentées comportent toutes leurs avantages et leurs inconvénients, chacune – et plus particulièrement celle envisageant le rattachement de ce sujet à l’ANRS Maladies infectieuses émergentes – permettrait de sortir la recherche publique sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques de son atonie.
La rénovation de la gouvernance de la politique publique de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est nécessaire pour recréer un lien de confiance aujourd’hui très érodé.
La gouvernance du plan doit être élargie afin de favoriser la participation des collectivités territoriales (en tant que financeurs de la recherche) et de l’éducation nationale (au titre du renforcement de la prévention en direction des jeunes publics). Le rôle des associations doit également être modifié afin de donner tout son sens à la notion de démocratie sanitaire. L’Institut national du cancer a par exemple créé « une Task Force animée par l’Institut et composée des trois collectifs : Grandir sans cancer, Gravir, UNAPECLE » ([103]) pour déterminer l’affectation des 5 millions d’euros supplémentaires dédiés à la recherche contre les cancers pédiatriques. Le plan Maladies rares sollicite des « patients experts ». Ces différentes pratiques pourraient inspirer le deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.
Le renouvellement de la gouvernance doit également s’attacher à combler les carences du plan actuel en termes d’identification, de transparence et d’évaluation. Quelle que soit la structure chargée de la mise en œuvre des nouveaux engagements, il importe qu’un « référent Lyme » (un « Monsieur Lyme » ou une « Madame Lyme ») soit désigné et serve de point d’entrée sur ce sujet. La présentation d’un rapport annuel d’activité s’impose également tout comme la détermination des modalités d’évaluation des actions engagées.
Ces standards minimum doivent être respectés afin de contribuer à la relance d’une politique publique dont le bilan est décevant.
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CONCLUSION
DES MOYENS À DÉVELOPPER, UNE CONFIANCE À RETROUVER
L’établissement en 2016 d’un premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques a représenté une avancée importante en termes de politique de santé publique.
Le bilan des cinq années de mise en œuvre de ce plan est cependant décevant. Si de réelles avancées ont été enregistrées en matière de surveillance vectorielle et, plus encore, de connaissance générale et de prévention de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques, de nombreuses carences existent en matière d’épidémiologie, de gouvernance et, plus encore, de recherche. Le satisfecit que la direction générale de la santé s’accorde n’a pas lieu d’être et un nouvel élan doit être donné à cette politique en en renforçant les moyens et en recréant une confiance aujourd’hui érodée.
L’engagement d’un deuxième plan de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques marquerait symboliquement le passage à une nouvelle phase marquée par la consolidation des premiers acquis et la correction des carences observées dans le but de sortir des controverses et d’améliorer la situation des malades.
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Lors de sa réunion du 3 mars 2021, la commission a examiné, en application de l’article 146 du Règlement, le rapport d’information sur le financement et l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme (Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale).
M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général, président. Chers collègues, nous sommes réunis pour entendre, en sa qualité de rapporteure spéciale de la mission Santé, notre collègue Véronique Louwagie nous présenter un rapport d’information sur la maladie de Lyme en application de l’article 146 du Règlement de l’Assemblée nationale. Non seulement le sujet nous intéresse, mais il fait écho à des préoccupations de santé publique toujours plus vives.
La commission des affaires sociales y a consacré un cycle d’auditions, qui s’est conclu, le 23 septembre dernier, par une table ronde sur la prise en charge des patients par le système de santé ; la commission des affaires sociales a également créé une mission d’information, qui mène actuellement ses travaux et dont la présidente, Mme Jeanine Dubié, et les rapporteurs, M. Vincent Descœur et Mme Nicole Trisse, se sont joints à nous ce matin. Cette mission d’information porte sur la prise en charge des patients. Dans une perspective d’évaluation des politiques publiques financées par des crédits budgétaires et conformément au rôle de chaque rapporteur spécial, nous apprécierons pour notre part le financement de la lutte contre cette maladie afin d’évaluer son efficacité.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur général, les travaux dont je vais rendre compte portent sur le financement et l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme.
Dans notre entourage ou dans nos permanences, nous avons probablement tous déjà rencontré une ou plusieurs personnes souffrant de la maladie de Lyme – cette maladie causée par une piqûre de tique infectée et qui est à l’origine de nombreuses situations de détresse et d’intenses controverses.
En 2019, un peu plus de 50 000 nouveaux cas de borréliose de Lyme ont été répertoriés en France métropolitaine, essentiellement dans les territoires ruraux des régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine. Dix ans plus tôt, moins de 30 000 cas étaient répertoriés dans notre pays.
Si toutes les personnes atteintes ne souffrent pas d’une forme sévère de la maladie, de nombreux patients se plaignent des difficultés rencontrées pour mettre un nom sur cette maladie et pour bénéficier d’une prise en charge adaptée.
C’est en conservant ces éléments à l’esprit qu’il y a un an j’avais choisi d’étudier le financement et l’efficacité de la politique publique de lutte contre la maladie de Lyme dans le cadre du Printemps de l’évaluation. L’actualité sanitaire m’avait cependant conduit à reporter la conclusion de cette étude et, avec l’accord du bureau de notre commission, j’ai pu reprendre ces travaux en janvier de cette année sur le fondement de l’article 146 du Règlement de l’Assemblée nationale.
Nous avons, disais-je, probablement tous entendu parler de la maladie de Lyme dans notre entourage ou dans nos permanences. Certains d’entre nous ont également entendu parler de ce sujet lors des débats budgétaires. À deux reprises, à l’automne 2019 puis à l’automne 2020, plusieurs de nos collègues, dont Vincent Descoeur, ont déposé et défendu des amendements visant à augmenter les crédits soutenant la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques. Ces amendements n’ont pas été adoptés mais des amendements comparables ont été adoptés par le Sénat… avant d’être rejetés en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ce qui a suscité l’incompréhension, pour ne pas dire l’amertume, de nombreux malades. Les sommes en jeu se limitaient effectivement à quelques millions d’euros.
Lors de ces débats, ce qui m’a le plus surpris, c’était l’incertitude des chiffres. Les montants les plus disparates étaient évoqués. Au mois de février 2020, les pouvoirs publics ont indiqué que l’effort de recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques s’établissait à 8 millions d’euros. Quelques mois plus tard, au mois de septembre dernier, Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a évalué cet effort à … 15 millions d’euros. Cette incertitude sur les chiffres se double d’une incertitude sur les résultats du premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques engagé en 2016 et dont aucune évaluation ne semble avoir été faite.
Le rapport que je vous présente vise donc à lever ces deux incertitudes et à répondre à deux interrogations simples. Premièrement, quel est le coût des actions engagées, notamment en matière de recherche, contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ? Deuxièmement, quels sont les résultats du plan engagé en 2016 ?
Dans un contexte où la maladie de Lyme se caractérise par de fortes polémiques, ce rapport entend objectiver certaines données, notamment financières.
Je me suis donc attachée à réunir ces éléments en mettant cependant de côté les questions relatives à la prise en charge des patients. La commission des affaires sociales de notre Assemblé conduit effectivement en ce moment une mission d’information sur ce sujet. Présidée par Jeanine Dubié, cette mission, dont les rapporteurs sont Nicole Trisse et Vincent Descœur, devrait rendre ses conclusions avant l’été.
Quel est donc le coût des actions engagées contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques, notamment en matière de recherche ?
Le coût global n’est pas identifiable puisque les dépenses d’information, de prévention, de surveillance épidémiologique et de sécurité sanitaire sont intégrées dans le budget général de fonctionnement des opérateurs les mettant en œuvre. Ces dépenses ne peuvent pas, à ce stade, être isolées.
En revanche, le montant de l’effort annuel de recherche a pu être déterminé : il s’établit à moins de 1,5 million d’euros par an. Le chiffrage de cet effort de recherche n’a pas été simple. Curieusement, le plan de 2016 n’était assorti d’aucun coût prévisionnel et ne comportait aucun objectif de dépenses en matière de recherche. Ce n’est qu’en 2019, trois ans après l’engagement du plan, qu’un travail de recensement des dépenses a été confié à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
Au terme de ce travail, l’INSERM a recensé 45 projets de recherche en cours pour un montant de 5,4 millions d’euros sur la durée des projets de recherche. Cependant, j’ai regardé ce recensement de plus près et le compte n’y est pas. Plusieurs de ces 45 projets ne sont pas des projets de recherche, tandis qu’à l’inverse des projets de recherche existants ne sont pas recensés. J’ai donc pris le parti de compléter le travail de l’INSERM en interrogeant un grand nombre d’organismes de recherche et de collectivités territoriales. En définitive, je suis parvenue à établir une liste alternative qui comprend, au total, 46 projets de recherche pour un montant estimé à 6,5 millions d’euros sur la durée des projets. Cela correspond à une dépense annuelle inférieure à 1,5 million d’euros. Si les chiffres que j’ai établis sont assez proches de ceux de l’INSERM, les deux recensements ne se recoupent pas, puisque 15 projets distinguent ces deux listes dont le détail figure en annexe du rapport.
Quoi qu’il en soit, la conclusion s’impose d’elle-même : le budget annuel de la recherche publique consacrée à la lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques est très modeste. Un crédit de recherche de 1,5 million d’euros par an pour une maladie qui touche plus de 50 000 nouvelles personnes par an, c’est peu, c’est très peu et c’est même trop peu.
La nature de ces projets de recherche est également peu satisfaisante. Sur les 46 projets recensés, seuls deux d’entre eux sont d’un montant supérieur à 500 000 euros. À l’inverse, un tiers des projets sont d’un montant inférieur ou égal à 50 000 euros. Cette fragmentation de la recherche s’accompagne d’une fragmentation de son financement. Les 46 projets recensés réunissent 31 financeurs différents.
Éclatée et sous-dotée, la recherche contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques se concentre par ailleurs essentiellement sur la santé animale, c’est-à-dire sur la biologie et l’écologie des tiques. Si ces axes de recherche sont utiles, je regrette le faible nombre de recherches engagées en santé humaine. Aucun projet d’ampleur ne porte par exemple sur les formes sévères de la maladie, pourtant au cœur du débat. Le seul projet qui s’intéresse aux formes sévères de la maladie repose sur un financement de 140 000 euros réuni par une association à la suite du legs d’une patiente.
Le plan engagé en 2016 n’a pas su créer d’effet d’entraînement sur la recherche. L’Agence nationale de la recherche (ANR) m’a indiqué qu’aucun nouveau projet sur la maladie de Lyme n’avait été financé depuis 2018. Paradoxalement, cette agence a financé plus de projets de recherche sur cette thématique avant le plan de 2016 qu’après celui-ci.
Le constat est donc sans appel : la recherche sur la maladie de Lyme est en situation d’échec. Cela pèse sur le bilan, globalement décevant, du premier plan national engagé en 2016.
Ce plan comportait quinze actions réparties entre cinq axes stratégiques visant à améliorer la surveillance vectorielle, à renforcer la prévention, à améliorer la prise en charge des malades, à améliorer les tests diagnostiques et à mobiliser la recherche.
Le ministère des solidarités et de la santé dresse, pour sa part, un bilan très positif de ce plan. Sur les quinze actions prévues, douze auraient été mises en œuvre ou seraient en cours d’exécution. En revanche, les associations dressent, elles, un bilan très négatif de ce plan dont très peu d’actions trouvent grâce à leurs yeux.
À mon sens, si le bilan global du plan est décevant, le tableau comporte cependant des points positifs. La mise en œuvre de ce plan s’est caractérisée par des avancées, certes insuffisantes, mais réelles.
La première tient au principe même de ce plan. Pour la première fois, la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ont été reconnues comme un véritable enjeu de santé publique, et cela est positif.
La deuxième avancée concerne la connaissance générale de la maladie et la prévention. Selon le baromètre de Santé Publique France, la maladie de Lyme et les gestes de prévention que nous devons respecter, par exemple au retour d’une promenade en forêt, sont bien mieux connus aujourd’hui que précédemment. Plus de quatre Français sur dix se disent aujourd’hui bien informés sur cette maladie, contre deux sur dix il y a quelques années.
Le plan de 2016 a contribué à cette avancée en permettant notamment l’installation de 2 000 panneaux d’information aux entrées des forêts domaniales ou en finançant la diffusion de vidéos d’information ou de spots radiophoniques. Beaucoup a été fait et nous devons nous en féliciter même si quelques points de vigilance demeurent.
Des progrès ont également été accomplis en matière de surveillance vectorielle, c’est-à-dire en matière de surveillance de la présence des tiques sur le territoire. Une application pour smartphone, appelée Signalement Tiques, a trouvé son public et prouvé son efficacité. Des progrès ont également été réalisés dans la formation des forestiers et dans l’information des professions médicales même si beaucoup reste encore à faire.
Dans ces différents domaines, les progrès réalisés sont importants et doivent être consolidés. La réalité de ces avancées n’estompe cependant pas le bilan globalement décevant du plan.
Il y a bien sûr le bilan très décevant de la recherche, dont j’ai déjà parlé.
Il y a aussi le bilan de l’épidémiologie qui suscite beaucoup de scepticisme. Les modalités d’établissement des données officielles me laissent effectivement perplexe. Une grande part d’entre elles repose sur le réseau Sentinelles, réseau de médecins et de pédiatres volontaires dont la présence dans nos territoires suscite des interrogations. Par exemple, en 2018, dans mon département de l’Orne, un seul médecin généraliste appartenant au réseau Sentinelles était en fonction et a « remonté » les cas de maladie de Lyme qu’il a observés – cet exemple n’est pas isolé. Selon le bilan annuel du réseau Sentinelles, en 2018, 29 des 96 départements métropolitains ne comptaient qu’un ou deux médecins généralistes participant à la surveillance épidémiologique.
Autrement dit, en zone rurale, là où la densité du corps médical est faible, les estimations sont établies à partir d’un nombre très restreint de médecins. Cela pose problème en soi, et cela pose encore plus problème en ce qui concerne une maladie émergente encore mal connue des médecins.
Un autre motif d’insatisfaction est la gouvernance du plan de 2016. Cette gouvernance ne marche pas : aucun chef de projet n’a été désigné, aucun rapport d’activité n’a été établi, aucun corps d’inspection n’a évalué les résultats du plan. Les associations de patients ont le sentiment d’être tenues à l’écart, notamment dans la définition du parcours médical et dans la détermination des orientations de recherche.
Cette gouvernance très éloignée des standards contemporains a contribué à éroder la confiance entre les représentants des patients, une partie des scientifiques et les institutions. Entre ces différents interlocuteurs, la confiance n’existe pratiquement plus.
À l’issue des cinq premières années d’exécution du plan de 2016, j’ai le sentiment qu’il faut désormais tourner la page en posant les bases d’un deuxième plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.
Ce deuxième plan, qui serait mis en œuvre sans attendre la fin de la crise sanitaire, viserait à consolider le premier et à corriger ses carences dans le but d’améliorer la situation des malades.
Je formule cinq recommandations en ce sens, dont les deux premières visent à consolider les acquis du premier plan en renforçant les efforts en matière de prévention et de surveillance vectorielle.
En matière de prévention, un effort particulier doit être accompli en direction des jeunes publics. Curieusement, les mots « enfant » et « école » sont absents du plan de 2016, alors même que, selon Santé Publique France, les enfants âgés de cinq à neuf ans figurent parmi les groupes d’âge les plus touchés par des hospitalisations au titre de la maladie de Lyme.
En matière de prévention, je crois que nous devrions nous inspirer d’autres pays, notamment le Canada, qui organise la sensibilisation précoce des enfants, et la Suisse qui propose, d’avril à octobre, une « météo des tiques » présentant un état hebdomadaire des risques de piqûre. Le renforcement de la surveillance vectorielle passerait pour sa part par la poursuite de la cartographie de la présence des tiques sur le territoire.
Les trois dernières recommandations s’attachent à corriger les carences du premier plan.
Pour améliorer l’épidémiologie, je propose d’expérimenter une déclaration obligatoire de la maladie de Lyme dans certains de nos territoires, notamment les territoires ruraux. Les données ainsi réunies permettraient de confirmer ou d’infirmer les estimations établies par Santé Publique France. Il est nécessaire de lever le doute sur ce sujet afin d’objectiver et de fiabiliser les données épidémiologiques.
Pour améliorer la gouvernance, je recommande plusieurs mesures simples : désigner un « référent national Lyme » ; donner tout son sens à la démocratie sanitaire en renforçant le rôle des associations ; intégrer les collectivités territoriales et l’éducation nationale au comité de pilotage ; prévoir des modalités d’évaluation des actions et établir un rapport public annuel sur la mise en œuvre du plan.
La principale recommandation que je formule tient cependant au nécessaire renforcement de la recherche. Sans un effort important en la matière, nous ne sortirons pas des controverses sans fin, et le sort des malades ne s’améliorera pas. L’ignorance nourrit les controverses et alimente la défiance.
À ce titre, il est donc important d’investir dans la recherche en santé humaine et d’étudier les formes sévères de la maladie, comme cela se fait aux Pays-Bas. Il est important de désigner un pilote chargé de coordonner la recherche. Il est important que nos chercheurs se regroupent et participent aux projets européens. Il est également important que le nombre de projets de recherche disposant d’un financement supérieur à 500 000 euros ne soit pas limité à deux. Il est aussi important de réaliser cet effort dans la durée pour structurer une communauté de chercheurs et créer un effet d’entraînement.
J’évalue à 5 millions d’euros par an cet effort de recherche.
Je souhaite bien sûr que le Gouvernement entende mon appel à renforcer les crédits de la recherche. À défaut, je crois que notre commission aura un rôle à jouer au moment de la prochaine discussion budgétaire. En 2018, notre commission avait d’ailleurs joué un rôle décisif dans le relèvement des crédits soutenant la recherche contre les cancers pédiatriques. Notre commission avait adopté un amendement visant à augmenter ces crédits et ainsi permis un débat utile en séance, qui a conduit le Gouvernement à relever durablement de 5 millions d’euros les crédits de la recherche sur les cancers pédiatriques. Pour la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques, le besoin de financement de la recherche s’élève également à 5 millions d’euros, soit un montant limité.
De la même façon que des parlementaires de sensibilités différentes ont su se réunir en 2018 pour soutenir la recherche contre les cancers pédiatriques, j’espère que, dans l’hypothèse où le Gouvernement ne prendrait pas une initiative en ce sens, des parlementaires de sensibilités différentes sauront à l’automne prochain s’unir à nouveau pour soutenir la recherche sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques dans l’hypothèse où le Gouvernement ne prendrait pas une initiative en ce sens.
Comme le disait justement notre ancien collègue François Vannson au mois de février 2015 à la tribune de l’Assemblée nationale, « la maladie de Lyme n’a pas de couleur politique ». Et, si la maladie de Lyme n’a pas de couleur politique, les politiques que nous sommes doivent financer la recherche pour combattre cette maladie des territoires ruraux.
M. Laurent Saint Martin, rapporteur général, président. Merci beaucoup, chère collègue Véronique Louwagie, pour ce travail et cette communication étayés.
Vous avez évoqué les besoins de dépenses complémentaires pour le budget de l’État, mais avez-vous évalué le coût, pour la société, de la maladie de Lyme et des maladies transmissibles par les tiques ? En outre, pouvez-vous nous préciser quels programmes du budget général de l’État seraient concernés ? Le savoir nous serait utile dans la perspective de nos travaux budgétaires à l’automne prochain. Enfin, quels organismes de recherche bénéficieraient d’un abondement de leurs crédits ?
Mme Jeanine Dubié. Je remercie Mme Louwagie de nous avoir conviés à la restitution de ses travaux. Ils seront très utiles à nos propres travaux sur le parcours des patients. Il est en effet nécessaire que la maladie et notamment sa forme chronique soient pleinement reconnues : pour ce faire, la recherche est indispensable.
Mme Nicole Trisse. Bravo, chère collègue Louwagie, pour ce rapport riche et utile.
Des amendements avaient effectivement été déposés dans le sens d’un plus grand soutien de la recherche, j’en ai présenté également, avec Jeanine Dubié et Vincent Descoeur. Alors qu’ils émanaient de plusieurs groupes politiques, cette démarche n’a pas été couronnée de succès.
La question est celle de la recherche fondamentale, mais également de la recherche clinique. Que se passe-t-il lorsque le médecin ne parvient pas à dépister la maladie ? Il convient de développer la recherche sur la manière dont on dépiste la maladie. En outre, peut-être faudrait-il soutenir davantage la recherche portant sur la thérapeutique car la cause de cette maladie reste nébuleuse.
Par ailleurs, d’après les témoignages que j’ai recueillis, un effort de recherche à l’échelle européenne semble nécessaire car une recherche uniquement française serait insuffisante. Qu’en pense Mme Louwagie ? Existe-t-il un projet européen suffisamment financé ?
M. Michel Lauzzana. Je voudrais témoigner du désarroi du praticien de terrain devant cette maladie. Il peine souvent en l’absence de démarche validée, qu’il s’agisse du diagnostic ou du traitement. La recherche aboutit souvent à des positions antagonistes, et les échanges des sociétés savantes et de la Haute autorité de santé (HAS) n’aboutissent pas à un consensus. Cela contribue à faire que la discussion soit parfois difficile, notamment avec les associations. Cette maladie est l’objet d’une bataille, qui appelle effectivement l’intervention du Parlement.
Chère collègue Louwagie, quel pourrait être le rôle du référent national que vous proposez de créer ? Doit-il faire aboutir les conférences de consensus ?
Par ailleurs, notre collègue Nicole Trisse a parlé de la recherche européenne, effectivement indispensable, mais il existe aussi une recherche de pointe aux États-Unis. Entretenons-nous des liens structurels avec la recherche dans ce pays ?
Enfin, pensez-vous que les associations, qui ont parfois ardemment participé aux controverses, puissent nous apporter des éléments importants dans le cadre du comité de pilotage ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Plus nombreux seront les parlementaires à se saisir de cette préoccupation, plus nous aurons de chances d’avancer. En 2007 et 2008, j’étais la seule à parler de ce sujet. Ce qui me semble fondamental, c’est qu’aujourd’hui nous en parlons beaucoup plus.
Le plan de 2016 a permis de faire plus de prévention, aspect dont on ne parlait pas auparavant. Il reste toutefois deux aspects non traités : le diagnostic de la maladie de Lyme et son traitement. Concernant le diagnostic, le désarroi des patients est grand, et leur parcours est fait d’errance ; il n’y a ainsi pas de protocole établi, c’est un véritable problème. En matière de traitement, les écoles sont nombreuses, et les sommes investies dans la recherche leur ont permis de voir le jour, sans grande cohérence toutefois.
J’en viens, chère Véronique Louwagie, à vos recommandations, notamment à ce qui concerne la déclaration des cas avérés. Comme le diagnostic n’est pas forcément bien posé, le nombre de cas non déclarés est très important, et nous connaissons mal le flux annuel et le stock des malades. Il y a quinze ans, nous parlions de 30 000 malades par an. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Il serait par ailleurs intéressant de s’intéresser au coût des traitements entrepris et il conviendrait également que les borrélioses de Lyme ne soient plus considérées seulement comme des maladies rares.
M. Brahim Hammouche. Cette maladie n’est pas nouvelle : elle a presque cinquante ans et a été décrite en 1977 dans la ville de Lyme, située dans l’État américain du Connecticut, mais, en termes de biologie évolutionniste, elle existe depuis 60 000 ans.
En ce qui concerne les parcours, il ne me paraît pas possible de dissocier la prise en charge et l’évaluation du financement. Une grande ambition est annoncée, notamment quant aux soins gradués avec la médecine générale, puis les centres de compétences spécialisés et enfin les centres de référence nationaux chargés notamment des formes complexes et de la recherche. Avez-vous évalué ce maillage, par rapport à la prise en charge de la souffrance des patients, de leur errance diagnostique et de l’homogénéisation des pratiques, en particulier des tests ? Les dispositifs sérologiques ou encore les Western blot font l’objet de beaucoup de débats. Le réseau vous semble-t-il opérationnel sur l’ensemble du territoire ?
S’agissant de la nouvelle agence nationale de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes, je m’étonne de découvrir sur le site de la HAS des recommandations datant de juin 2018, assorties d’un engagement à réunir des groupes de travail tous les six mois et à émettre des recommandations tous les deux ans. Or nous sommes en 2021 et je n’ai pas vu de recommandations. Avez-vous auditionné la HAS pour voir où nous en étions de ce point de vue ?
Ne pensez-vous pas que la recherche sur les maladies infectieuses et émergentes se concentre, dans le contexte actuel de pandémie virale, sur les virus et singulièrement sur le nouveau coronavirus ?
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est très attaché à la prévention. Avez-vous estimé le surcoût nécessaire à des campagnes de sensibilisation ? Elles restent un maillon faible : j’habite en Moselle, où l’incidence de la maladie de Lyme est élevée, et rien n’est affiché chez mon pharmacien.
M. Jean-Louis Bricout. Je félicite la rapporteure pour ses travaux. Je m’exprime en mon nom mais également au nom de Mme Pires Beaune, membre du groupe d’études sur la maladie de Lyme.
Cette maladie est aujourd’hui l’une des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France : l’agence nationale de santé publique – Santé Publique France – recensait plus de 67 000 cas en 2018, soit un doublement de leur nombre en à peine dix ans.
Nous sommes nombreux à recevoir dans nos permanences en circonscription des personnes malades et, quelquefois, désemparées par leur errance diagnostique et thérapeutique. Les symptômes sont en effet multiples : certaines guérissent très bien avec un traitement antibiotique de quelques semaines tandis que d’autres souffrent d’importantes douleurs ou de troubles de la mémoire et de la concentration.
À cela s’ajoutent l’absence de reconnaissance de cette maladie chronique, les difficultés de sa prise en charge et l’insuffisante sensibilisation des professionnels à son dépistage. La représentation nationale se mobilise sur ce sujet à travers les travaux du groupe d’études ou le dépôt d’une proposition de loi par M. Vincent Descœur.
Alors que le plan national de 2016 n’a pas porté les fruits escomptés – c’est le moins que l’on puisse dire –, nous devons impérativement relancer une politique publique ambitieuse, assortie des moyens nécessaires et adéquats. Il s’agit d’une urgence car le nombre de malades ne cesse de croître d’année en année, tandis que leur prise en charge demeure notoirement insuffisante.
Vous faites état, madame Louwagie, d’un financement insuffisant en matière de recherche avec 1,5 million d’euros par an pour quarante-six projets recensés qui, malheureusement, ne prennent pas en compte les conséquences graves de la maladie. Que pensez-vous de l’idée de notre collègue Descœur – à laquelle je souscris – de créer une agence nationale sur le modèle de celle dédiée à la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) : un tel dispositif serait-il à la hauteur des enjeux ? À quel niveau le financement de la recherche publique doit-il être porté afin de répondre à la détresse des malades et pouvez-vous préciser la technique budgétaire que vous associez au montant de 5 millions d’euros que vous proposez ?
En matière de prévention et de surveillance du plan vectoriel, à combien estimez-vous les coûts d’un module opérationnel géré en lien avec l’éducation nationale ?
Mme Lise Magnier. Je remercie à mon tour la rapporteure pour la constance de son travail sur le sujet.
Vous proposez, chère collègue, de relever le budget annuel de la recherche contre cette maladie en le faisant passer de 1,5 million d’euros à 5 millions d’euros. Pouvez-vous préciser comment seraient utilisés ces crédits nouveaux ? Faut-il doubler, voire tripler, le nombre de projets de recherche ou bien mieux financer les quarante-six projets qui existent déjà ? Quels seraient, dans ce premier cas, les organismes bénéficiaires ?
Vous proposez de consolider les acquis du premier plan en pérennisant et en élargissant les efforts en matière de surveillance vectorielle – élue dans le Grand Est, je suis particulièrement sensible à cette question –, notamment par une consolidation et une extension du programme participatif CITIQUE, relatif à l’exposition de la population aux tiques. Pourriez-vous en faire un bilan rapide et indiquer les pistes que vous envisagez ?
Mme Sabine Rubin. J’ai entendu parler de cette maladie il y a dix ans et suis donc ravie de lire des études précises, qui apportent des réponses. Les propositions de la rapporteure vont dans le bon sens et l’on ne peut qu’y souscrire.
Ma remarque dépasse peut-être notre débat financier. Je constate que l’on a toujours tendance à chercher comment réparer les symptômes de la maladie de Lyme, en l’occurrence, sans s’interroger à nouveau sur ses causes.
Vous avez auditionné MM. Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de l’association Canopée, et Philippe Grandcolas, entomologiste, qui informent de l’effet de l’élimination des renards dans la prolifération des rongeurs, eux-mêmes parasités par des tiques porteuses de zoonoses, qui affectent la santé humaine. Est-ce que votre étude a mesuré les conséquences de la perturbation des écosystèmes sur la propagation des maladies ? Quelles mesures structurelles faudrait-il prendre non pour se soigner mais simplement pour éviter de tomber malade ?
M. Jean-Paul Dufrègne. Je trouve cette étude très intéressante et opportune qui porte sur un sujet dont on parle beaucoup sans qu’il se passe rien. Nous voyons combien cette maladie fait des dégâts et laisse des séquelles parfois durables, perturbant la vie de ceux qui en sont atteints.
Je formule le souhait que les moyens nécessaires à la recherche et au combat à l’encontre de cette maladie soient mobilisés – son ampleur en prouve la nécessité – et rejoins le propos de Mme Rubin quant à la prévention.
M. Michel Castellani. Je remercie la rapporteure et salue le groupe d’études.
La question essentielle est évidemment celle de l’accentuation de la recherche. Votre rapport préconise de passer de 1,5 million d’euros à 5 millions d’euros par an : c’est souhaitable mais l’effort resterait dix ou onze fois moindre qu’aux États-Unis. Je n’y ai en revanche pas vu de mention d’un fléchage des crédits : pensez-vous plutôt à l’INSERM ou à une agence spécifique ? Sans doute faudrait-il recommander une meilleure articulation. Avez-vous l’impression que les différentes équipes travaillent de façon complémentaire ou qu’elles se marchent sur les pieds les unes des autres, au détriment de l’efficacité ?
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. La première de vos questions, monsieur le rapporteur général, était de savoir si j’avais pu mener une évaluation de l’ensemble des dépenses engagées contre cette maladie. Non. J’ai tenté de le faire, mais certaines dépenses de prévention et de surveillance vectorielle relèvent d’opérateurs et sont fondues dans celles afférentes à l’ensemble de leurs missions. À ce jour, je n’ai pas de données isolées et fiables. Concernant le coût de la maladie pour la société, une association a effectué un travail en ce sens et avancé le chiffre d’un milliard d’euros par an, mais je ne peux le valider à ce stade, parce que la méthodologie sous-jacente me paraît incertaine. Le deuxième plan doit à mon sens permettre de montrer que le coût de la maladie de Lyme est probablement très supérieur à l’effort de recherche de 5 millions d’euros supplémentaires par an que je recommande.
Deux programmes budgétaires sont concernés à titre principal : le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé, dont je suis rapporteure spéciale et qui est placé sous la responsabilité du directeur général de la santé (DGS), et le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de la mission Recherche et enseignement supérieur, lequel finance l’Agence nationale de la recherche, l’INSERM et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. D’autres le sont probablement à raison du fonctionnement général de certains établissements, sans que ces charges soient individualisées : c’est par exemple le cas de l’Office national des forêts (ONF), financé par le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.
D’autres organismes pourraient-ils être concernés ? Tout dépendrait des orientations prises. Un aspect décevant du plan national de 2016 tient au fait qu’il a manqué un chef de file. Je vois trois possibilités : l’INSERM, une nouvelle agence ad hoc ou la nouvelle agence nationale de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes. Personnellement, étant peu favorable à la création de structures, je privilégie plutôt cette dernière.
Chère collègue Dubié, effectivement, le débat sur le sujet existe, et il est clivant. Il y a aujourd’hui des incertitudes, et, surtout, de véritables controverses qui créent une véritable défiance entre une partie des scientifiques, les associations de patients et les institutions. Pour y mettre fin, il nous faut mieux connaître cette maladie ; c’est pour cela que je propose un effort en faveur de la recherche. Je le dis et je le répète car je trouve que cela exprime bien la situation : l’ignorance nourrit les controverses et alimente la défiance.
Au-delà de la recherche, il faudra une amélioration de la gouvernance. Il n’est pas normal d’avoir attendu trois ans après le début du plan pour faire un état des lieux des projets de recherche effectués. Cet état des lieux a été demandé à l’INSERM, mais il a fallu attendre trois ans, ce qui est trop long.
Effectivement, chère collègue Nicole Trisse, c’est sur la santé animale plutôt qu’humaine que se sont concentrées les recherches ; il faut que cela évolue. Et nous avons effectivement très peu de recherche clinique sur les diagnostics.
La France ne participe pas aux projets européens. J’en fais état dans mon rapport, car des projets ont été lancés au niveau européen, notamment un programme-cadre Horizon. La France, si elle s’est inscrite dans ce programme, ne l’a pas fait pour la maladie de Lyme, ce qui confirme un problème de pilotage. Elle n’a par exemple pas participé au programme North-ticks, soutenu par l’Union européenne, qui, entre 2014 et 2020, a rassemblé onze bénéficiaires provenant de sept pays : l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Au-delà de la mobilisation de moyens supplémentaires, il faut créer un véritable effet d’entraînement pour que la France soit active au niveau européen.
Cher collègue Lauzzana, vous témoignez d’un véritable désarroi face au diagnostic. Je le disais, nous avons très peu de recherche clinique sur les diagnostics. Vous évoquiez la situation de la recherche. Je rappellerai que les 46 projets de recherche que j’ai pu identifier sur la période sont financés par 31 opérateurs, ce qui est considérable. Seuls deux dossiers présentent des montants supérieurs à 500 000 euros, et un tiers des dossiers présentent des montants inférieurs à 50 000 euros. La recherche est donc éclatée et fragmentée, ce qui ne participe pas à un effet d’entraînement, une optimisation et une efficacité. C’est pour cette raison que je propose qu’il y ait un véritable chef de file. Un référent national permettra de faire en sorte que cette maladie de Lyme soit reconnue comme un enjeu de santé publique. En outre, il pourra jouer un rôle transversal d’animation utile, compte tenu du nombre de sujets à prendre en compte – difficultés relatives au diagnostic, sujets de prévention…
Quant aux associations, la défiance et le désarroi sont tels qu’il faut que la démocratie sanitaire s’applique et que les associations soient intégrées dans les comités de pilotage, tout comme l’éducation nationale et les collectivités territoriales. Pour renforcer la démocratie sanitaire, il faut permettre aux associations de patients de jouer leur rôle.
Je salue l’engagement de Mme Dalloz dans la lutte contre la maladie de Lyme. Nous ne pouvons que nous réjouir que le sujet soit aujourd’hui amplement évoqué. Vous évoquiez, chère collègue, le désarroi des patients et des médecins face au diagnostic, avec la coexistence de plusieurs écoles. Pour avancer, comme dans d’autres domaines, il faut, j’y reviens, améliorer nos connaissances, ce qui ne peut passer que par la recherche. Et, au-delà de la mobilisation de fonds pour la recherche, il faut une animation de la recherche par un pilote pour créer un véritable effet d’entraînement, un mécanisme de cohorte, et permettre à la France de se saisir de projets européens de recherche et d’y participer.
Je fais état dans mes recommandations de la mise en place d’une déclaration obligatoire à titre expérimental. Aujourd’hui, le dispositif Sentinelles est dénué d’intérêt dans un certain nombre de départements. En effet, un référent seulement dans un département pour déclarer les cas de maladie de Lyme constatés, c’est insuffisant. Sur 96 départements métropolitains, 29 n’ont qu’un ou deux médecins pour faire remonter les données, lesquelles sont par ailleurs l’objet de controverses. Chaque année, il y a 50 000 nouveaux cas, contre 30 000 il y a quelques années, mais ces chiffres méritent d’être confortés. C’est pourquoi, à titre expérimental, la déclaration obligatoire pourrait être mise en place dans quelques territoires.
La question du coût pour la sécurité sociale n’entrait pas dans le périmètre de ma mission. La mission d’information de la commission des affaires sociales pourra en revanche y répondre.
Cher collègue Hammouche, s’agissant d’abord du coût de la prévention, le coût des campagnes d’information depuis 2016, communiqué par Santé Publique France, s’élève à 365 000 euros. Quant à l’actuelle crise sanitaire, elle ne doit pas détourner l’attention de ce véritable enjeu de santé publique qu’est la maladie de Lyme ; je plaide donc pour la mise en œuvre d’un second plan sans attendre la fin de la crise sanitaire. En ce qui concerne la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes, je crois avoir déjà répondu. Enfin, je n’ai pu faire une évaluation en termes de financement que sur la question de la recherche.
Je partage le constat de notre collègue Jean-Louis Bricout : il est urgent d’intervenir compte tenu de l’augmentation du nombre de cas. J’ai déjà répondu sur l’agence pouvant être le pilote. Dans le cadre de mes auditions, j’ai eu l’occasion de poser la question sur la répartition des 5 millions d’euros supplémentaires. Aujourd’hui, la communauté des chercheurs qui étudient cette maladie est réduite, et le plan de 2016 n’a pas su créer d’effet d’entraînement. Plusieurs établissements m’ont cependant indiqué que le potentiel existait, que les chercheurs étaient intéressés. La création d’un programme pluriannuel permettrait de mobiliser ce potentiel. Pour cela, il faut un pilote et une déclinaison pluriannuelle pour donner de la visibilité à cette communauté et l’inciter à s’engager.
En matière de surveillance vectorielle, il faut que l’éducation nationale sensibilise de manière plus précoce nos enfants, qui sont également touchés, comme le fait par exemple le Canada.
Chère collègue Magnier, au-delà d’un effort financier en faveur de la recherche, il faut un pilote, comme je l’ai déjà dit. Les chercheurs sont prêts, mais il faut un programme pluriannuel pour déclencher des projets d’envergure. Les chiffres que j’ai déjà mentionnés témoignent de l’éclatement de la recherche, ce qui ne va pas dans le sens de l’efficacité des deniers publics, dont nous sommes les garants.
Le plan de 2016 a permis d’accompagner le développement du projet CITIQUE, qui a pour vocation de surveiller de manière participative l’exposition de la population aux tiques. Une application mobile Signalement Tiques a été créée et recueille un certain nombre de signalements de piqûres de tiques faits par des agriculteurs, des vétérinaires, des médecins, des randonneurs… Depuis son lancement au mois de juillet 2017, elle a été téléchargée plus de 50 000 fois. Les résultats de ce projet sont probants : 50 000 signalements de piqûres, 35 000 tiques ont été transmises aux porteurs de projet et archivées dans une « tiquothèque », et près de 2 000 tiques ont été analysées. Cela participe à la recherche.
Chère collègue Rubin, l’analyse de l’impact de la propagation de la maladie sur l’écosystème aurait dépassé le périmètre de ma mission, je n’ai donc pas d’éléments à vous apporter.
M. Dufrègne soulignait la nécessité de se mobiliser. J’espère que, dans la lignée de ce que nous avons fait sur les cancers pédiatriques, nous pourrons effectivement nous mobiliser au-delà des différentes sensibilités politiques sur ce sujet.
M. Castellani évoquait l’articulation de la recherche. Il n’y avait pas de collectif, et il a déjà fallu attendre trois ans pour faire le recensement de ces projets par l’INSERM. Pendant trois ans, chacun a travaillé de son côté. C’est pour cela qu’il nous faut une gouvernance bien établie. Il faut également que ce deuxième plan soit l’objet d’un rapport public annuel.
Il est important de souligner que la plupart des plans de santé publique comportent aujourd’hui des indications financières, ce qui n’était pas le cas du plan engagé en 2016. Les plans sans moyens dédiés sont relativement rares. Ainsi, le troisième plan national des maladies rares a été engagé en 2018 avec 777 millions d’euros. De même, la stratégie nationale pour l’autisme de 2018 présentait un engagement de 344 millions d’euros. En 2016, nous avions un plan sans moyens financiers, sans évaluation et sans rapport public annuel…
M. le président Éric Woerth. Deux commissaires souhaitent encore s’exprimer.
M. Patrick Hetzel. Je souhaite d’abord remercier notre collègue pour le travail réalisé et saluer le travail qu’effectue le groupe d’étude sur cette question cruciale.
Le plan de 2016 n’a pas, c’est important, produit tous les effets attendus. Se pose le problème de la gouvernance publique du plan. Nous constatons aussi, lors de nos échanges avec les patients et les associations de patients, une absence de consensus sur les recommandations médicales. Il y a aussi cette problématique de crédits insuffisants. Que ce soit la recherche fondamentale, la recherche clinique ou la recherche appliquée, peu importe, il faut avancer. Il n’y a pas de consensus sur les tests par exemple, et c’est un vrai sujet. La question de la forme chronique ou non de la maladie demeure. Lorsque des controverses persistent, la seule manière d’avancer, c’est de mobiliser les moyens en matière de recherche. Il faut pouvoir doter de manière efficace l’INSERM, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) mais aussi des équipes dans les centres hospitalo-universitaires (CHU). Le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de la mission Recherche et enseignement supérieur peut parfaitement y contribuer.
Comment peut-on impliquer de manière efficace les associations de patients et les patients dans le plan et dans ce qui sera mis en œuvre ? Ils ne peuvent être extérieurs à ce processus.
Ma deuxième question, c’est celle de la vaccination. Un laboratoire français, Valneva, dont on parle actuellement dans le cadre de la covid-19 car il livre des vaccins en Grande-Bretagne, travaille sur un vaccin contre la maladie de Lyme. Que pouvons-nous faire pour être certains d’assurer une large diffusion d’un éventuel vaccin dans un délai raisonnable ?
Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je félicite à mon tour Mme Véronique Louwagie pour son travail de long cours, qui nourrira, je l’imagine, les futurs travaux de nos collègues Jeanine Dubié et Nicole Trisse, dans le cadre de la mission d’information de la commission des affaires sociales relative à la maladie de Lyme.
Je souhaiterais des précisions sur le rôle du médecin référent. Les médecins généralistes n’ayant pas la qualité de référent peuvent-ils faire remonter des données relatives au nombre de cas identifiés, et s’ils n’en ont pas la possibilité, pourquoi existe-t-il une obligation de référencement pour assurer cette mission ?
Par ailleurs, de qui dépendrait le référent national évoqué précédemment, et sur quel budget ses dépenses de fonctionnement seraient-elles imputées ?
Enfin, je constate l’absence d’annonces de mesures de prévention concernant les animaux. Dans la mesure où les animaux peuvent également être porteurs de tiques, il me semble important de traiter cette question en parallèle, en proposant de rendre obligatoire certains traitements pour les animaux atteints par la maladie de Lyme.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. M. Hetzel évoque le problème de la gouvernance et l’absence de consensus, qui crée une vraie difficulté et est source de désarroi pour les personnes atteintes par des formes sévères de la maladie, pour lesquelles nous disposons de peu de travaux de recherche.
Aujourd’hui nous sommes confrontés à une forte situation de défiance, qui doit nous conduire à impliquer les associations de patients dans le comité de pilotage. Il faudra notamment réfléchir à la manière dont ces dernières, nombreuses, et dont les orientations peuvent diverger, peuvent intervenir. Nous ne pouvons envisager de construire un nouveau plan national sans les faire participer. De la même manière, d’autres acteurs doivent être, selon moi, parties prenantes de ce comité. J’ai cité auparavant l’éducation nationale, je rappelle que le plan national de lutte contre la maladie de Lyme de 2016 ne comportait pas les mots « école » et « enfant », alors que des mesures de prévention doivent être mises en œuvre durant la scolarité. Il nous faut également impliquer les collectivités territoriales, certaines d’entre elles s’engageant d’ores et déjà sur le sujet, notamment dans l’est de la France.
La question du vaccin est importante et nous savons que la société Valneva en développe un. C’est à ce stade le seul projet de vaccin portant sur la maladie de Lyme en phase II. En octobre dernier, l’entreprise a présenté des résultats intéressants, et a annoncé en décembre une accélération du développement pédiatrique du produit. Si l’on peut se féliciter de ces travaux, ils ne sont toutefois pas financés par la France, ce que l’on peut regretter. À cet égard, la France devra être vigilante pour que le vaccin puisse être commercialisé en France, et j’estime que l’effort de recherche en matière de vaccination doit être accru dans notre pays.
Mme Verdier-Jouclas, vous vous étonnez que les médecins généralistes n’aient pas à déclarer les cas de maladie de Lyme. Je le confirme : les seules personnes tenues de recenser les cas sont les référents, nommés sur la base du volontariat. Dans vingt-neuf départements, nous ne comptabilisons pas plus de deux médecins référents. En d’autres termes, la maladie de Lyme est peu référencée, et les chiffres produits par les départements ne reflètent pas la réalité. À titre d’exemple, dans le département de l’Orne, il n’y a qu’un seul médecin référent. C’est pourquoi, pour lever les incertitudes entourant la maladie de Lyme, qui nourrissent elles-mêmes des controverses, je propose d’expérimenter une déclaration obligatoire.
Le principe d’un référent national serait celui d’un référent interministériel, disposant d’une vision transversale, car les sujets concernent plusieurs ministères : le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère de l’éducation nationale, le ministère de la jeunesse et des sports ainsi que le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. En outre, la création d’un référent national permettra également de tenir compte de la question des animaux.
M. le président Éric Woerth. Je vous remercie, madame la rapporteure.
En application de l’article 146 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information sur le financement et l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme.
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Annexe I – Synthèse de l’étude du centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) réalisée par le service des affaires européennes de l’Assemblée nationale
Avertissement - Des différences méthodologiques importantes existent entre les pays interrogés. Pour ce motif, la rapporteure spéciale invite à apprécier avec prudence les données d’incidence figurant dans les réponses apportées au questionnaire.