N° 4024

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mars 2021.

RAPPORT   D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-8 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur le suivi de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques
de la grande distribution et de ses groupements
dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs,

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Thierry BENOIT,

Député

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Des pratiques inacceptables qui subsistent et que la crise sanitaire accentue

A. Des nÉgociations commerciales 2021 qui se sont dÉroulÉes dans une atmosphÈre trÈs tendue

1. Certains secteurs apparaissent particulièrement fragilisés par la crise sanitaire et économique

2. Si la solidarité de l’ensemble de la chaîne alimentaire dans le cadre du premier confinement doit être saluée, les performances inégales des différentes enseignes ont relancé la « guerre des prix »

a. Une solidarité de l’amont à l’aval saluée par l’ensemble des acteurs

b. Si la grande distribution (GMS) fait partie des secteurs « gagnants » de la crise, celle-ci a inégalement bénéficié aux différentes enseignes, réactivant la « guerre des prix » dans un contexte de très forte concurrence

3. Des négociations 2021 particulièrement « dures », caractérisées par des demandes persistantes et systématiques de prix en déflation

a. Des demandes de déflation systématiques adressées aux fournisseurs alimentaires, notamment en invoquant les effets de la crise sur le pouvoir d’achat des Français

b. La GMS a mis en avant la conclusion rapide des contrats avec les PME mais la situation semble moins favorable dans les faits et ce traitement différencié pose la question des investissements des grands groupes

c. Des fournisseurs non alimentaires sous pression

B. Un cadre global des négociations qui favorise un climat de tension et de défiance

1. La date « butoir » du 1er mars et le caractère annuel des négociations : deux facteurs de crispation

2. Des négociations en « 5 net »: un facteur de complexité et d’opacité

C. Des pratiques inacceptables subsistent

1. Déréférencements et pénalités logistiques

a. Les déréférencements et les pénalités logistiques indues demeurent utilisés dans le cadre d’une stratégie de mise sous pression des fournisseurs

b. Certaines avancées ont néanmoins été permises par le législateur et les professionnels eux-mêmes

c. Votre Rapporteur estime qu’il est nécessaire d’aller plus loin

2. La puissance des centrales d’achat et de services internationales ne s’est pas démentie

a. La plupart des propositions de la commission d’enquête sont demeurées lettre morte

b. La loi « ASAP » a permis de poser la première pierre d’un encadrement des centrales d’achat et de services qui devra être européen

3. Une destruction de la valeur qui, malgré les efforts du législateur, continue à refléter un rapport de force favorable aux distributeurs

a. Des indicateurs de coût de production insuffisamment utilisés dans le cadre des négociations

b. Un « ruissellement » inexistant

4. Les fournisseurs de produits non alimentaires, grands oubliés des efforts d’encadrement et d’apaisement des relations commerciales

a. Étendre le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de celui de l’encadrement des promotions aux produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH)

b. Inclure les fournisseurs non alimentaires dans les dispositifs de médiation et au sein de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC)

5. L’encadrement des pratiques commerciales dans le cadre du ecommerce demeure lacunaire et difficile à mettre en œuvre

II. Une prise de conscience et des avancÉes favorisÉes par les travaux de la commission d’enquÊte

A. Si les nÉgociations commerciales demeurent trÈs dures sur le fond, elles revÊtent nÉanmoins une forme, en apparence, plus « prÉsentable »

1. Une prise de conscience des acteurs que les « boxes » de négociations ne pouvaient demeurer des « zones de non-droit »

a. Des démarches destinées à favoriser un « changement de culture » des négociateurs

b. Des effets positifs inattendus résultant de la crise sanitaire

2. Une reconnaissance par l’ensemble des acteurs de la qualité des démarches de médiation, qui doit être accompagnée par un renforcement des moyens de celles-ci

a. Le médiateur des relations commerciales agricoles

b. Le médiateur des entreprises

c. Un nouveau médiateur, nommé auprès du ministre de l’agriculture, pour préserver l’esprit des États généraux de l’alimentation (EGA) et ouvrir de nouvelles perspectives dans le cadre des relations commerciales

3. Des avancées en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD) qui doivent être poursuivies

B. Des poursuites plus frÉquentes et des sanctions plus dissuasives en cas de pratiques illÉgales

1. L’Autorité de la concurrence (AdlC) a su s’approprier les nouveaux pouvoirs qui lui ont été confiés

a. Le dispositif spécifique aux centrales d’achat introduit par la loi dite « Egalim » a permis un renforcement de la capacité d’intervention de l’Autorité de la concurrence

b. La transposition de la directive ECN +

c. À ce stade, l’Autorité de la concurrence ne juge pas nécessaire un nouveau renforcement des outils et procédures auxquels elle peut recourir

2. Les ministres concernés font preuve de volontarisme

a. Les ministres ont fait preuve de volontarisme, notamment dans le cadre des comités de suivi des négociations commerciales et des assignations en cas de pratiques déloyales

b. Une grande vigilance de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

3. Des progrès en matière d’étiquetage mais des exigences attachées à la mention « Origine France » et « Fabriqué en France » qui doivent être renforcées

a. Des efforts au niveau européen et national en matière d’étiquetage

b. La réflexion sur les mentions « Origine France » et « Fabriqué en France » doit être poursuivie

c. Des sanctions à renforcer et une lisibilité pour le consommateur à améliorer

4. Suspendre les extensions des surfaces de vente de la grande distribution

a. La crise sanitaire a révélé les failles du modèle de l’hypermarché

b. Le projet de loi sur le réchauffement climatique et la résilience est susceptible de permettre des avancées en matière de limitation de l’artificialisation des sols

c. Un moratoire strict d’au moins trois ans

Liste des conclusions du rapporteur, M. thierry benoit

Liste des personnes auditionnées

ANNEXE : tableau de suivi de la mise en œuvre des propositions du rapport d’enquête


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   INTRODUCTION

C’est dans un contexte très particulier, celui de la pandémie de la Covid‑19, que votre Rapporteur a été amené à conduire cette mission de suivi des conclusions du rapport de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, présenté par le rapporteur M. Grégory Besson-Moreau (député LaREM de la 1ère circonscription de l’Aube) le 26 septembre 2019 ([1]). Conformément à l’article 145-8 du Règlement de l’Assemblée nationale, « à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information, le membre de la commission permanente compétente désigné par celle‑ci à cet effet lui présente un rapport sur la mise en œuvre des conclusions de ladite commission d’enquête ou mission d’information ».

Nommé le 16 décembre 2020 par la commission des affaires économiques, votre Rapporteur, M. Thierry Benoit (député UDI et indépendants de la 6ème circonscription d’Ille-et-Vilaine), a évalué la mise en œuvre des 41 propositions de la commission d’enquête – une synthèse de cette évaluation, sous forme de tableau, figure en annexe du présent rapport.

L’année 2020, marquée par la pandémie de la Covid-19, a rappelé le caractère stratégique de la souveraineté alimentaire et le rôle crucial joué par l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire. La résilience et la capacité d’organisation des agriculteurs, des transformateurs et des distributeurs ont permis de garantir la continuité de l’approvisionnement alimentaire des Français. L’engagement de ces femmes et ces hommes doit être salué et faire l’objet, de la part de l’ensemble des citoyens, d’une véritable gratitude.

Le premier confinement a également marqué un renouveau des relations entre distributeurs et fournisseurs, fondé sur le dialogue et la nécessité d’agir collectivement. Malheureusement, dès le début des négociations commerciales annuelles, les mauvaises habitudes ont repris le dessus, les distributeurs exigeant d’emblée et sans contrepartie des prix en déflation, au risque de déstabiliser davantage des fournisseurs, pour certains très éprouvés par la crise, la fermeture de la restauration hors domicile (RHD) et les restrictions à l’importation.

Les négociations commerciales 2021 se sont révélées plus dures encore que celles des années précédentes. Votre Rapporteur s’élève fermement contre l’argument avancé par certains distributeurs de la nécessité d’abaisser les prix payés aux fournisseurs pour préserver le pouvoir d’achat des Français, fragilisé par la crise. L’agriculture, en particulier, ne peut être la variable d’ajustement des politiques sociales : ce n’est pas aux producteurs de l’amont de supporter seuls le coût de la crise. Il revient aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités en la matière et de soutenir, par tous les moyens nécessaires, le pouvoir d’achat des ménages.

Plus que jamais, pour garantir notre souveraineté alimentaire, nous avons besoin d’une agriculture française forte. Le maintien de celle-ci dépend d’une plus juste répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne et d’une responsabilisation accrue du consommateur. La crise ne doit pas aggraver une « guerre de prix » destructrice de valeur mais favoriser l’avènement d’un prix juste, c’est-à-dire d’un prix responsable payé par le consommateur et le distributeur, permettant de rémunérer correctement les producteurs agricoles et les transformateurs.

Votre Rapporteur propose, au terme de ses travaux, sept propositions destinées à permettre d’aller plus loin sur cette voie, dans le prolongement des travaux de la commission d’enquête. Elles visent à rénover en profondeur le cadre des négociations afin de garantir des relations commerciales plus collaboratives et plus apaisées.

 


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I.   Des pratiques inacceptables qui subsistent et que la crise sanitaire accentue

A.   Des nÉgociations commerciales 2021 qui se sont dÉroulÉes dans une atmosphÈre trÈs tendue

1.   Certains secteurs apparaissent particulièrement fragilisés par la crise sanitaire et économique

La crise sanitaire et économique a fortement accentué la pression pesant sur les entreprises alimentaires, bien que les commerces alimentaires et la grande distribution aient pu demeurer ouverts pendant les périodes de confinement. La fermeture de la restauration hors domicile (RHD) et les fortes restrictions à l’export, ainsi que, lors du premier confinement, la fermeture des marchés et des rayons à la coupe des supermarchés, ont placé certaines filières alimentaires dans une situation économique difficilement tenable.

Lors du premier confinement, les fournisseurs alimentaires de la RHD avaient perdu 54 % de leur activité en moyenne, ces pertes s’élevant jusqu’à 90 % pour certains secteurs, dont celui des boissons. L’été n’ayant permis qu’une reprise partielle, le deuxième confinement a de nouveau entraîné une forte réduction de l’activité, proche et parfois supérieure à 50 % pour les fournisseurs alimentaires de la RHD ([2]).

Certaines filières ont été plus particulièrement mises en difficulté : la filière laitière, en particulier sous signe de qualité et d’origine (SIQO), la filière ovine, la filière pêche et aquaculture, les filières proposant des produits dit « festifs », les filières viticoles, brassicoles et cidricoles, fortement dépendantes de la RHD ainsi que la filière pomme de terre industrielle, pour la même raison ([3]).

La crise sanitaire et les brusques changements de comportement des consommateurs dans l’acte d’achat ont, plus largement, bouleversé l’exécution des accords commerciaux conclus pour 2020 : certains industriels de l’agroalimentaire ont ainsi réduit leurs gammes pour se concentrer sur les « 20/80 » ([4]) quand d’autres ont subi les choix d’assortiments ou logistiques des enseignes, qui ont pu les déstabiliser.

2.   Si la solidarité de l’ensemble de la chaîne alimentaire dans le cadre du premier confinement doit être saluée, les performances inégales des différentes enseignes ont relancé la « guerre des prix »

a.   Une solidarité de l’amont à l’aval saluée par l’ensemble des acteurs

La solidarité de la chaîne alimentaire tout au long du premier confinement (mars à mai 2020) a été saluée par l’ensemble des acteurs entendus par votre Rapporteur. Elle a permis une organisation optimale de l’approvisionnement alimentaire des Français et a évité les ruptures qu’ont eues à subir d’autres pays.

Outre la mise en place de cellules de concertation et de dialogue réunissant, sous l’égide des ministères, l’ensemble des maillons de la chaîne, certaines décisions restent emblématiques de cette solidarité : ainsi, l’engagement de la grande distribution de mettre en avant, au mois de mars 2020, les fraises et asperges françaises ainsi que, lors des fêtes de Pâques, les agneaux et les chevreaux français.

b.   Si la grande distribution (GMS) fait partie des secteurs « gagnants » de la crise, celle-ci a inégalement bénéficié aux différentes enseignes, réactivant la « guerre des prix » dans un contexte de très forte concurrence

La grande distribution fait partie des secteurs qui ont bénéficié de la crise, du fait d’un report de la consommation résultant de la fermeture de la RHD et des marchés de plein vent lors du premier confinement, ainsi que des achats de précaution effectués par les Français.

La première phase de confinement au printemps a entraîné une forte hausse des ventes en grandes et moyennes surfaces (GMS) estimée par l’IRI à + 13,5 % pendant la première quinzaine de mai. Cette croissance, moins forte mais néanmoins soutenue, s’est maintenue pendant tout le confinement puis a connu une nouvelle accélération en mai (+ 14,2 %). La fin de la période s’est caractérisée par une croissance plus faible mais très supérieure à celle de la même période en 2019 : + 1,8 % en 2020 contre - 2,7 % en 2019. La croissance s’est ainsi révélée solide pour le secteur non alimentaire (+ 3 %) et dans les produits de grande consommation (+ 2,5 %), tandis que le secteur des produits frais traditionnels s’est contracté (1,5 % sur les cinq dernières semaines de 2020).

Le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, M. Jacques Creyssel, a néanmoins insisté ([5]) sur le fait la croissance des GMS a été négative (- 0,3 %) en 2020, du fait de l’impact négatif des ventes de produits nonalimentaires et, en particulier, de carburants.

Il faut néanmoins replacer cette situation dans un contexte économique exceptionnel et considérer, comme le fait FranceAgriMer dans une étude récente, qu’en ce qui concerne « l’alimentaire [vendu en GMS], les hausses enregistrées sont historiques, surtout si l’on prend en compte l’ensemble de la période, au-delà du confinement » ([6]).

Cette croissance bénéficie de manière différenciée aux différents types de magasins (voir graphique ci-dessous). Ainsi, les enseignes reposant sur un modèle caractérisé par l’hypermarché ont moins bénéficié de cette croissance et semblent adopter une attitude plus agressive, dans un contexte de très forte concurrence entre enseignes. De même, les difficultés auxquelles sont confrontés certains des groupes dits « intégrés » ([7]) les conduisent à adopter des comportements qui accentue la « guerre des prix » caractérisant le secteur depuis 2013.

Une croissance résultant des effets de la crise sanitaire qui bénéficie davantage aux supermarchés qu’aux hypermarchés

Source : INSEE, « Chiffre d’affaires des grandes surfaces », n° 032, 29 janvier 2021

3.   Des négociations 2021 particulièrement « dures », caractérisées par des demandes persistantes et systématiques de prix en déflation

Ces négociations 2021 se caractérisent par des demandes de déflation automatiques et non justifiées adressées par la grande distribution à ses fournisseurs. La crise économique et la contraction du pouvoir d’achat des consommateurs sont fréquemment utilisées par les distributeurs comme des arguments pour exiger une baisse des tarifs dans le cadre des négociations avec leurs fournisseurs. Votre Rapporteur s’inscrit vigoureusement en faux contre cette rhétorique, faisant siens les mots de M. Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, qui estimait « inadmissible qu’on dise aujourd’hui aux agriculteurs qu’il va falloir baisser les prix sous prétexte qu’il faut soutenir le pouvoir d’achat. Il revient au Gouvernement de jouer son rôle de prélèvement et de redistribution » ([8]).

a.   Des demandes de déflation systématiques adressées aux fournisseurs alimentaires, notamment en invoquant les effets de la crise sur le pouvoir d’achat des Français

L’Association nationale des industries alimentaires a conduit plusieurs sondages auprès des fournisseurs dans le cadre des négociations 2021 et elle souligne que les demandes de déflation par rapport au prix convenu en 2020 ont été systématiques, se caractérisant par une absence de prise en compte des coûts des entreprises alimentaires, en particulier des hausses des matières premières agricoles. Elle indique, en outre, que les fournisseurs font encore face à de nombreuses mauvaises pratiques dans le cadre des négociations, parmi lesquelles des demandes d’avantages sans contreparties ou des menaces de déréférencement en cours de négociation.

La Coopérative agricole a mis en évidence les conséquences de la crise sanitaire sur le climat des négociations, indiquant que certaines enseignes avaient demandé, dès le début des négociations, le paiement des factures liées à des prestations non réalisées dans leur entièreté ou non équivalentes aux prestations convenues à la signature des accords – dans le cas, par exemple, d’opérations commerciales écourtées ou de salons virtuels payés au prix de salons physiques ayant été annulés. Les conséquences de la crise sont fréquemment présentées comme des arguments d’autorité pour justifier une augmentation des budgets promotionnels pour 2021. Au nom de la lutte pour la préservation du pouvoir d’achat des Français, les acheteurs sollicitent des enveloppes promotionnelles et des taux de discount plus importants. Cela se traduit par des demandes visant à atteindre le plafond autorisé par le dispositif d’encadrement des promotions. À ces demandes supplémentaires sur le « 4 fois net » ([9]), se sont ajoutées des demandes de déflation sur le « 3 fois net » plus importantes que l’an passé et généralisées à l’ensemble des filières, y compris pour le lait et les produits laitiers.

Si les distributeurs ont indiqué que les négociations commerciales avaient été rapidement conclues dans le cas des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), les représentants de la Fédération des entreprises et des entrepreneurs de France (FEEF) ont déploré des négociations très dures tant sur les prix que sur les assortiments ([10]).

Certains secteurs alimentaires et agricoles se trouvent dans une situation particulièrement alarmante :

– Le secteur des boissons alcoolisées, qui pâtit de la fermeture de la restauration hors domicile. La viticulture a, par ailleurs, subi une perte de débouchés en France et à l’export, qui s’ajoute aux conséquences des taxes mise en place par les États-Unis sous la présidence de M. Donald Trump. Le secteur a dû faire l’objet de la mise en œuvre de mesures de marché (distillation et stockage privé). La grande distribution met fréquemment en avant, comme l’indiquait la FNSEA dans ses réponses écrites au Rapporteur, la baisse de la consommation de vins en GMS, justifiant ainsi des demandes de tarifs particulièrement bas, alors que les mesures de marché permettaient le maintien des cours ;

– Le secteur de la volaille, qui souffre de la fermeture de la RHD mais craint également de graves répercussions de l’influenza aviaire, tandis que l’augmentation du coût de l’alimentation animale entraîne un alourdissement des charges. Les tensions ont été également fortes dans les négociations sur les œufs et les ovoproduits où les enseignes et utilisateurs d’ovoproduits ne tiennent pas compte de la hausse des cours des aliments (plus de 35 €/tonne depuis le début de l’année 2020) ;

– Le secteur laitier dont la crise sanitaire a entraîné la chute des cours alors même que, dans le prolongement des États généraux de l’alimentation (EGA), la dynamique était favorable ;

– Le secteur du porc a subi le retournement de conjoncture lié à la reconstitution du cheptel chinois ainsi qu’à l’apparition de la fièvre porcine africaine en Allemagne. Cela fait craindre un effet ciseaux avec des conséquences financières importantes pour les éleveurs. Les négociations commerciales, plutôt que de profiter de la baisse des cours du porc, devraient tenir compte des hausses de charges à l’amont ;

– Le secteur de la viande bovine, dont la situation est caractérisée par des difficultés sur le jeune bovin et le broutard où les cours sont particulièrement bas. Les négociations commerciales revêtaient une importance particulière sur la question du steak haché ;

– Le secteur de la pomme a connu une très mauvaise récolte en 2020, les prix sont donc orientés à la hausse et les négociations commerciales se révèlent difficiles avec la grande distribution ;

– Enfin les produits à base de céréales et les huiles ont subi une augmentation des cours des matières premières.

b.   La GMS a mis en avant la conclusion rapide des contrats avec les PME mais la situation semble moins favorable dans les faits et ce traitement différencié pose la question des investissements des grands groupes

Le groupe Les Mousquetaires a indiqué à votre Rapporteur s’être engagé à adopter une posture différenciée lors des négociations commerciales en distinguant les PME des multinationales, ainsi que les produits à forte composante agricole française et ceux sans lien avec l’agriculture française ([11]). Les représentants de la FCD ont affiché les mêmes priorités, indiquant que nombreux contrats avaient été signés significativement en amont du 1er mars, en particulier avec les PME ([12]). M. Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l’Association des centres distributeurs E. Leclerc, a également affirmé lors de son audition que son enseigne mettait en œuvre des procédures préférentielles pour les PME, que ce soit en matière de signature des contrats, de promotion ou de pénalités logistiques ([13]).

Ce traitement plus favorable des PME semble cependant, dans les faits, moins généralisé qu’il n’est présenté et masque un traitement particulièrement dur des fournisseurs présentés comme des « multinationales », qui n’est pas sans conséquence sur les investissements et les emplois en France :

– Cette démarche semble, d’après les informations transmises par la Fédération des entreprises et des entrepreneurs de France (FEEF), davantage mise en œuvre par les distributeurs indépendants que les intégrés. La fédération, qui représente les PME du secteur, souligne par ailleurs que, de manière générale, les négociations 2020/2021 ont été difficiles pour les PME françaises avec des demandes de déflation, assorties de faibles contreparties, et peu de revalorisations tarifaires. Les demandes de hausse de tarif justifiées par la hausse des coûts de certaines matières premières et les surcoûts liées à la crise sanitaire n’ont pas été prises en compte, malgré la présence des indicateurs de coûts de production ([14]) ;

– La dureté des négociations de la GMS avec ses fournisseurs présentés comme des multinationales capables « d’absorber » des baisses de tarif n’est pas sans conséquence sur l’économie française. Ces groupes, en effet, arbitrent entre leurs différentes filiales, ce qui entraîne, du fait de la situation française avec les distributeurs, de moindres investissements et, potentiellement, une menace sur les emplois des sites de production industrielle.

c.   Des fournisseurs non alimentaires sous pression

Les fournisseurs de produits d’entretien et de désinfection, représentés par l’Association française des industries de la détergence (AFISE) ([15]), ont connu une hausse de la demande en 2020, leurs produits étant reconnus comme essentiels à la lutte contre la pandémie. Les demandes à l’occasion des négociations 2021 de réduction de prix et de promotions sont encore plus exacerbées que les années précédentes pour compenser l’encadrement des promotions en alimentaire et développer l’image de défense du pouvoir d’achat que les enseignes veulent s’attribuer. La pression est particulièrement forte sur le « 4 fois net » (enveloppes promotionnelles) et le « 5 fois net »(accords internationaux) ([16]).

Concernant les produits cosmétiques vendus en grande surface, les négociations pour 2021 se caractérisent par une déflation causée par la surenchère promotionnelle, tendance constatée depuis 2014, mais avec une pression accentuée dans le contexte de prolongation du dispositif EGALIM pour les produits alimentaires. Depuis 2019, la guerre des promotions semble, en effet, faire l’objet d’un report sur les produits des rayons « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH). En 2021, comme les années précédentes, de nombreuses opérations « beauté » sont programmées, avec des promotions fréquemment supérieures à - 50 % et allant régulièrement jusqu’à - 90 % sur certains produits d’appel. Ces opérations promotionnelles entraînent une baisse spectaculaire de la rentabilité des industriels représentés par la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), qui estime que cette rentabilité a baissé de 30 % environ depuis 2014, ce qui fait peser des risques importants sur leur capacité d’innovation, d’investissement et la pérennité des emplois du secteur.

B.   Un cadre global des négociations qui favorise un climat de tension et de défiance

1.   La date « butoir » du 1er mars et le caractère annuel des négociations : deux facteurs de crispation

Les travaux de la commission d’enquête conduits par M. Grégory Besson‑Moreau avait mis à jour deux éléments structurels des négociations commerciales contribuant à nourrir un climat de tension et de défiance :

La date « butoir » du 1er mars qui s’inscrit dans un calendrier de négociation très contraignant, résultant des délais fixés à l’article L. 441-4 du code de commerce, qui prévoit, par ailleurs, que les conditions générales de vente (CGV) des fournisseurs doivent être adressées au distributeur trois mois avant cette date butoir, soit le 1er décembre. Sur ce premier point, M. Grégory Besson-Moreau suggérait un resserrement du calendrier (voir ci-dessous le rappel de la proposition n° 38). Le caractère annuel des négociations accentue ces tensions, en créant une situation de perpétuelle incertitude pour l’amont de la filière et les maillons intermédiaires.

Rappel de la proposition du rapport d’enquête relative à l’aménagement du calendrier des négociations

Proposition n° 38 : Resserrer le calendrier des négociations commerciales annuelles qui devront s’achever au plus tard le 15 décembre avec obligation pour le fournisseur de communiquer ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard le 15 septembre.

Votre Rapporteur propose d’aller plus loin encore en supprimant cette date « butoir » qui cristallise et exacerbe les tensions entre fournisseurs et distributeurs.

Cette proposition va nécessairement de pair avec le développement de contrats pluriannuels et tripartites, qui doivent à terme devenir la norme.

Le caractère pluriannuel des contrats rend nécessaire la mise en œuvre d’un outil permettant d’ajuster, en cas de besoin, les termes du contrat et, notamment les prix. L’index dont M. Grégory Besson-Moreau suggérait la création dans le cadre de sa proposition n° 40 pourrait être utilement mis en œuvre dans ce cadre rénové des négociations (voir rappel de la proposition ci-dessous).

Rappel de la proposition du rapport d’enquête relative à la création d’un index permettant la renégociation entre distributeurs et fournisseurs

Proposition n° 40 : Créer un index, publié et actualisé mensuellement par l’Insee, permettant de modifier les prix parallèlement à son évolution et, en cas de variation importante, entraînant une renégociation obligatoire entre distributeurs et fournisseurs.

     Conclusion n° 1 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Repenser le cadre général des négociations commerciales en supprimant la date « butoir » du 1er mars, en mettant fin au caractère annuel des négociations pour favoriser des contrats pluriannuels, qui doivent à terme devenir la norme, et tripartites, lorsque cela est possible. Ce dispositif doit être complété par la mise en œuvre d’outils d’ajustement des contrats en cours, tels que l’index de l’évolution des cours de matière première proposé par M. Grégory Besson-Moreau (proposition n° 40 du rapport d’enquête).

2.   Des négociations en « 5 net »: un facteur de complexité et d’opacité

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau soulignait le mouvement constant de déplacement et de complexification du champ et de l’objet des négociations commerciales. Ainsi, les fournisseurs entendus par la commission d’enquête avaient-ils insisté sur le fait que les négociations ne portaient plus seulement sur un tarif, dit « triple net », correspondant au prix réellement payé par le distributeur, après remise sur facture d’achat, remise de ristournes différées et de la coopération commerciale. Lors de son audition par votre Rapporteur, M. Richard Panquiault, directeur général de l’Institut de liaisons des entreprises de consommation (ILEC) ([17]) a souligné que les autres éléments de la négociation échappaient aux observateurs et au contrôle des pouvoirs publics:

– le « 4 fois net », qui tient compte des enveloppes promotionnelles, peut changer considérablement la perception des négociations ;

– le « 5 fois net », qui tient compte des sommes consenties par les fournisseurs aux centrales d’achats et de services dans le cadre des accords internationaux qui peuvent désormais représenter, d’après les évaluations de M. Richard Panquiault, plus de 30 % des transferts totaux des fournisseurs vers les distributeurs ;

– les pénalités logistiques, enfin, peuvent représenter comme chacun des trois autres postes un coût correspondant à un pourcentage compris entre 0,3 % ou 0,5 % du chiffre d’affaires.

     Conclusion n° 2 de M. Thierry Benoit, rapporteur : les multiples niveaux de négociation rendent particulièrement difficile le suivi de ces négociations commerciales, devenues très opaques. Votre Rapporteur estime essentiel de dissocier les négociations portant sur le tarif – qui doit faire l’objet d’une protection plus effective – de celles portant sur les enveloppes promotionnelles (« 4 fois net ») ou les accords internationaux (« 5 fois net »), voire les pénalités logistiques qui sont parfois assimilées à un « 6 fois net ».

C.   Des pratiques inacceptables subsistent

1.   Déréférencements et pénalités logistiques

a.   Les déréférencements et les pénalités logistiques indues demeurent utilisés dans le cadre d’une stratégie de mise sous pression des fournisseurs

i.   Les déréférencements abusifs

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau soulignait une diminution tendancielle des déréférencements et arrêts de commande abusifs mais identifiait clairement leur rôle de levier dans le cadre des négociations commerciales, permettant à la GMS d’exercer un véritable chantage vis-à-vis de ses fournisseurs : « ces déréférencements interviennent souvent au moment du début des négociations, ce qui constitue un indice supplémentaire d’une totale absence de motivation économique, mais bel et bien de la mise en place d’une stratégie qui cherche à profiter du déséquilibre existant entre le pouvoir de négociation des fournisseurs et celui des acteurs de la grande distribution, au moyen de pratiques déloyales » ([18]).

Ces pratiques demeurent d’actualité, ce qui est particulièrement regrettable. Les éléments transmis à votre Rapporteur par l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) permettent d’affirmer que plus de 35 % des fournisseurs alimentaires de la grande distribution font l’objet de menaces de déréférencement en cours de la négociation – cette proportion étant très probablement sous-estimée puisqu’elle a fait l’objet d’une évaluation avant la clôture des négociations. L’ILEC a, de son côté, indiqué craindre une légère recrudescence de ces pratiques et la FEEF a confirmé qu’elles perduraient.

Rappel des propositions de la commission d’enquête relatives aux déréférencements et arrêts de commande abusifs

Proposition n° 24 : Créer une obligation de signalement à l’administration de déréférencements abusifs pour le fournisseur, à travers un portail internet qui garantirait l’anonymat de la procédure.

Proposition n° 25 : Mieux lutter contre les arrêts de commande et déréférencements abusifs

– Clarifier les notions de l’article L. 442-1 du code de commerce pour le rendre plus lisible et moins sujet à contentieux ;

– Rétablir notamment la référence aux « menaces » de rupture brutale des relations commerciales établies dans cet article ;

– Imposer notamment un délai minimal de six mois de préavis écrit, le droit actuel prévoyant un « préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels » ;

– Imposer une motivation écrite de toutes les ruptures de relations commerciales qui serait transmise au fournisseur ou à l’acheteur concerné ainsi qu’à la DGCCRF afin qu’elle dispose systématiquement des éléments constitutifs d’une éventuelle pratique commerciale déloyale dont elle pourrait se saisir.

ii.   Les pénalités logistiques

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau, caractérisait les pénalités logistiques de « prélèvements croissants assimilables à une source de revenus pour la grande distribution » ([19]) soulignant que leur application était « favorisée par les exigences disproportionnées de la grande distribution qui rendent quasiment automatique l’application de pénalités logistiques. C’est ainsi que certains distributeurs fixent dans les conditions générales d’achat des taux de service de 100 %, ce qui implique que toutes les commandes doivent être livrées sans aucune difficulté, aucune anomalie, même minime, et sans le moindre retard, quelle que soit la raison ».

Plusieurs propositions du rapport d’enquête portaient sur ces deux questions (voir encadré).

Rappel des propositions de la commission d’enquête relatives aux pénalités logistiques et aux taux de service

 

Proposition n° 26 : Interdire de définir contractuellement un taux de service supérieur à 97 %.

 

Proposition n° 27 : Conditionner l’application de pénalités à l’existence de preuve d’un manquement et favoriser des applications justes de pénalités

– Obliger le distributeur à apporter la preuve du manquement du fournisseur pour lui appliquer une pénalité ;

– Demander à la CEPC une réflexion sur les meilleures manières de pénaliser « les ruptures rayons »;

– Réfléchir aux outils rendant possible cette nouvelle exigence (photographie, bordereau signé par le livreur avec mention de l’heure, outils technologiques fiables sur les horaires dont seraient dotés les transporteurs, etc.).

 

Proposition n° 28 : Renforcer l’importance du guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques de la commission d’examen des pratiques commerciales

– Diffuser et vulgariser les recommandations du guide des bonnes pratiques ;

– Enjoindre à la DGCCRF de se baser sur les recommandations de ce guide pour assurer son contrôle et cerner les pratiques manifestement déloyales ou suspectées de l’être.

 

Proposition n° 29 : Encadrer les pénalités logistiques

– Limiter le montant des pénalités logistiques à un pourcentage défini du prix d’achat des produits concernés ;

– Limiter l’application de pénalités logistiques aux situations causant des ruptures de stock en magasin ;

– Engager une réflexion sur les éléments du guide qui auraient leur place dans la loi.

Si la période du premier confinement a été marquée par un moratoire sur les pénalités logistiques respecté par l’ensemble des enseignes – après contestation néanmoins pour certaines d’entre elles –, l’ensemble des organisations entendues par votre Rapporteur dans le cadre de ses auditions ont confirmé que ces dérives perduraient, soulignant la difficulté à négocier des conditions logistiques plus équitables, le niveau très élevé des pénalités et l’extrême opacité du processus les entourant, qui rend impossible leur contestation – utilisation de portails automatisés complexes, absence d’interlocuteurs, envoi de fichiers extrêmement compliqués voire impossibles à traiter, etc. Ces pénalités constituent un sujet particulièrement crucial pour les PME qui ne disposent pas des ressources humaines nécessaires pour organiser leur contestation.

Les organisations auditionnées par votre Rapporteur ont, par ailleurs, confirmé qu’aucune évolution n’avait été constatée sur la question des taux de service. Ceux-ci ne semblent pas faire l’objet d’une négociation entre les parties mais sont imposés unilatéralement par les enseignes. Ces taux demeurent généralement compris entre 98,5 % et 100 % en fonction des produits.

b.   Certaines avancées ont néanmoins été permises par le législateur et les professionnels eux-mêmes

i.   Le guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques est salué par l’ensemble des acteurs

La commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) avait fait l’objet, en juillet 2018, d’une saisine conjointe du ministre de l’agriculture et de l’alimentation, M. Didier Guillaume, et de la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Mme Agnès Pannier-Runacher, lui soumettant la question de la légalité de certaines pratiques relatives aux clauses de pénalités logistiques. La CEPC a ainsi établi, en concertation avec les acteurs, un guide de bonnes pratiques rendu public le 6 février 2019 et identifiant une liste de quinze recommandations de bonnes pratiques.

Cette démarche, que le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau encourageait à élargir, est saluée par l’ensemble des acteurs entendus par votre Rapporteur dans le cadre de ses auditions, qu’il s’agisse de distributeurs ou de fournisseurs.

ii.   La loi dite « ASAP » prohibe les pénalités logistiques « disproportionnées »

L’article 139 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « ASAP », adopté à l’initiative de votre Rapporteur et de M. Grégory Besson-Moreau, prohibe le fait « d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ».

Cette nouvelle disposition est perçue comme une avancée importante par les fournisseurs de la grande distribution qui espèrent qu’elle permettra un contrôle plus rigoureux des abus.

c.   Votre Rapporteur estime qu’il est nécessaire d’aller plus loin

Votre Rapporteur propose la suppression des pénalités logistiques, qui sont devenues une source de profit à longueur d’année et qui mobilise inutilement des équipes administratives, techniques et juridiques. Elles créent, en outre, des inégalités inacceptables entre petites et grandes entreprises, les premières ne disposant pas des moyens humains et financiers de les contester.

     Conclusion n° 3 de M. Thierry Benoit, rapporteur : supprimer les pénalités logistiques qui s’apparentent à une source de profits non justifiés pour le distributeur, mobilisant inutilement des ressources humaines, administratives et juridiques, dont les PME ne disposent pas.

2.   La puissance des centrales d’achat et de services internationales ne s’est pas démentie

a.   La plupart des propositions de la commission d’enquête sont demeurées lettre morte

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau mettait en lumière un phénomène préoccupant : le développement, au niveau international, de centrales d’achat et de services au fonctionnement opaque échappant totalement à la législation française.

Ces centrales internationales d’achat et de services se présentent comme une galaxie complexe d’organisations internationales relevant, pour certaines, de rapprochements à l’achat entre distributeurs européens (Eurelec Trading, commune à Leclerc et Rewe, par exemple) ou constituant des centrales artificiellement localisées dans des pays tiers et destinées à proposer des services aux fournisseurs (AgeCore, située en Suisse, et dont Intermarché est partie, dont le directeur général, M. Gianluigi Ferrari avait refusé de se présenter devant la commission d’enquête). Certaines structures cumulent ces deux fonctions. Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau propose une description minutieuse de ces centrales, à laquelle le lecteur pourra utilement se référer ([20]).

La commission d’enquête identifiait plusieurs pratiques déloyales permises par cette organisation internationale des négociations :

– signature d’un contrat avec une centrale de services européenne devenue un préalable à l’ouverture des négociations au niveau national ;

– pressions exercées au niveau international dans le cadre des négociations nationales, caractérisées notamment par des menaces de déréférencements ;

– diffusion d’informations confidentielles permettant à plusieurs distributeurs de demander à leurs fournisseurs des alignements de conditions dans le cadre des négociations ;

– absence de proportionnalité entre les services rendus par les centrales et le montant de leur facturation aux industriels avec des services qualifiés fréquemment d’inutiles, voire de fictifs ;

– difficulté, voire impossibilité, de refuser ces services internationaux, y compris dans le cas de fournisseurs effectuant leur chiffre d’affaires presque exclusivement en France ;

– facturation desdits services sur le fondement d’un pourcentage du chiffre d’affaires du fournisseur ;

– pénalisation de l’entrée en relation contractuelle d’un fournisseur avec une autre centrale par un alourdissement de sa contribution – on a ainsi pu parler d’une « taxe Eurelec » pour désigner l’augmentation très significative de la contribution des fournisseurs à AgeCore après avoir contractualisé avec Eurelec ;

– imprécision des facturations rendant difficile l’identification des services rémunérés ;

– possibles optimisations fiscales – les représentants des différentes enseignes s’en sont néanmoins défendus sous serment devant les membres de la commission d’enquête ;

– contournement du cadre juridique national et de certaines obligations en découlant, notamment en matière de calendrier des négociations ;

– Ces structures, enfin, permettent d’échapper au cadre juridique national, en particulier en ce qui concerne le calendrier des négociations.

La commission d’enquête considérant cet enjeu comme prioritaire avançait donc plusieurs propositions relatives à l’encadrement des centrales d’achat et de services internationales (voir encadré ci-après).

Rappel des propositions de la commission d’enquête relatives aux centrales d’achats et de services internationales

Proposition n° 33 : Répertorier les services de coopération commerciale proposés aux fournisseurs par les distributeurs – au niveau français comme international – et établir un barème des prix exigés pour ces services.

Proposition n° 34 : Rendre obligatoire que chaque service délivré à un industriel fasse l’objet d’une facturation distincte indiquant clairement l’objet de la rémunération.

Proposition n° 35 : Faire obligations aux distributeurs et aux fournisseurs de déclarer aux services fiscaux tout contrat conclu et/ou toute prestation souscrite auprès d’une centrale d’achat ou de services établie hors du territoire national ; de tenir à leur disposition les contrats et pièces justificatives des prestations facturées par ces structures.

Proposition n° 36 : Ne pas fonder la détermination des prix des services internationaux délivrés au fournisseur par un distributeur sur le chiffre d’affaires du fournisseur, mais bien le rendre proportionnel au développement à l’international de l’entreprise permise par ledit contrat.

Proposition n° 37 : Encadrer la création et l’activité des centrales d’achat et/ou de services par une directive européenne.

Votre Rapporteur a pu constater, dans le cadre de ces auditions, que cette problématique demeurait d’actualité. Il a pu identifier, par ailleurs, les effets indirects sur les PME françaises de la « négociation à deux étages » induite par les centrales internationales auxquelles les PME ne sont pas soumises mais qui influent sur les négociations nationales en permettant la signature d’accord, entre distributeurs et fournisseurs favorables sur les volumes, ce qui réduit d’autant les linéaires disponibles pour les produits issus des PME françaises. Les distorsions de concurrence et les pratiques déloyales permises par ces structures ne pénalisent pas les seuls groupes soumis à ces négociations internationales mais ont donc également des effets indirects préjudiciables sur leurs concurrents de taille plus modeste.

L’ensemble des fournisseurs entendus en audition ont confirmé que les pratiques dénoncées dans le cadre du rapport de la commission d’enquête perduraient.

b.   La loi « ASAP » a permis de poser la première pierre d’un encadrement des centrales d’achat et de services qui devra être européen

L’article 138 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite ASAP), adopté à l’initiative de votre Rapporteur et de M. Grégory Besson-Moreau, a permis une première avancée en imposant de faire figurer dans la convention unique conclue entre le fournisseur et le distributeur « l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié ».

L’ensemble des fournisseurs entendus par votre Rapporteur se sont félicités de l’adoption de cette disposition qui doit permettre d’accroître la transparence et de renforcer la protection du fournisseur dans ses relations avec la grande distribution, en encadrant les sommes versées par les fournisseurs en dehors du territoire national. Tout l’enjeu réside désormais dans l’application exigeante de cette nouvelle disposition, dont la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doit s’emparer pleinement pour en faire une de ses priorités d’enquête et de contrôle en 2021.

L’encadrement des centrales d’achat et de services internationales ne saurait cependant être pleinement effectif que s’il fait l’objet d’une initiative européenne.

3.   Une destruction de la valeur qui, malgré les efforts du législateur, continue à refléter un rapport de force favorable aux distributeurs

a.   Des indicateurs de coût de production insuffisamment utilisés dans le cadre des négociations

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM » a introduit dans le code rural et de la pêche maritime deux évolutions majeures :

 l’inversion de la construction du prix : la proposition de contrat écrit doit désormais émaner du producteur agricole et celui-ci peut donner mandat à une organisation interprofessionnelle pour ce faire ;

 la compétence donnée aux organisations interprofessionnelles d’élaborer et de diffuser des « indicateurs de référence » des coûts de production et des indicateurs de marché qui doivent être pris en compte dans les contrats et accords-cadres conclus avec les producteurs agricoles pour la revente de leurs produits.

La commission d’enquête proposait de rendre obligatoire l’établissement des indicateurs de coût de production prévus par la loi dite « EGALIM » (proposition n° 39).

Votre Rapporteur a donc tenu à faire le point sur l’établissement de ces indicateurs et les éventuelles difficultés subsistant en la matière.

Ces investigations l’ont conduit aux conclusions suivantes :

– La construction des indicateurs de coût de production ne semble plus poser de difficultés techniques, les instituts techniques étant désormais en mesure de produire ces éléments ;

– En revanche, la publication et la transmission à tous les opérateurs des indicateurs continue à poser des difficultés : certaines interprofessions n’ont pas eu la validation de l’ensemble des familles les composant pour diffuser les indicateurs, d’après les informations transmises par la FNSEA à votre Rapporteur ;

 Concernant l’utilisation des indicateurs de coût de production dans le cadre des négociations entre les transformateurs agricoles et leurs fournisseurs, l’ordonnance du 24 avril 2019 (art. L.443-4 nouveau) prévoit une reprise de ces indicateurs dans les conditions générales de vente (CGV) et les contrats conclus à l’aval (convention écrite entre le fournisseur et le distributeur et contrat MDD). Le dispositif est présenté par les transformateurs concernés comme complexe et difficile à mettre en œuvre. La DGCCRF a publié le 27 juillet 2020 des lignes directrices afin d’expliciter les conditions dans lesquelles les nouvelles règles peuvent être mises en œuvre par les opérateurs économiques, apportant ainsi des précisions utiles sur les modalités de prise en compte des indicateurs ;

L’intégration des indicateurs dans les CGV : quelques repères

Le taux de présence des indicateurs dans les CGV est disparate en fonction des filières :

o Lait et produits laitiers : 90 %

o Viandes / abats / charcuterie-salaison : 90 %

o Boissons alcoolisées : 55 %

o Fruits et légumes : 40 %

o Autres (boissons non alcoolisées, huiles…) : 50 %

Certains opérateurs n’ont pas inséré d’indicateurs dans leurs CGV pour les raisons suivantes :

o indicateurs ne prenant pas en compte la valorisation des produits (ex : produits laitiers sous SIQO).

o produits soumis à un marché de prix journaliers ou hebdomadaires ;

o produits transformés comprenant plusieurs matières premières agricoles.

Source : la Coopérative agricole


 En outre, ces indicateurs semblent peu utilisés par les transformateurs dans le cadre des négociations commerciales avec les fournisseurs. Certains transformateurs ont d’ailleurs indiqué que l’utilisation des indicateurs ne pouvait avoir qu’un usage très limité et convenait principalement aux produits non ou peu transformés. Une réflexion doit être menée sur ce point afin de permettre une meilleure intégration de cette dimension dans le cadre des négociations commerciales, ce qui contribuerait à une prise en compte plus complète des fluctuations du prix des matières premières agricoles auxquelles les transformateurs font face.

b.   Un « ruissellement » inexistant

i.   La prolongation de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP)

L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « ASAP », prolonge l’expérimentation du seuil de revente à perte jusqu’au 15 avril 2023.

Le seuil de revente à perte, instauré en 1996, interdit de vendre tout produit en dessous du prix auquel il a été acheté au fournisseur. Constatant que le seuil actuel de revente à perte ne permettait pas de couvrir les coûts incontournables pour le distributeur (logistique, personnel, casse, transport), le législateur a souhaité, dans le cadre de la loi dite « EGALIM » de relever ce seuil de 10 %. Cette mesure a été adoptée à titre expérimental pour une durée de deux ans par l’ordonnance n° 20181128 du 12 décembre 2018.

Le mécanisme de « ruissellement » identifié comme susceptible de permettre une revalorisation des prix payés aux producteurs reposait sur deux leviers :

 un mécanisme de « péréquation », au travers d’une hausse des marges des distributeurs sur les produits directement concernés par le dispositif devant se traduire par une élévation des prix d’achat des autres produits achetés par les distributeurs à leurs fournisseurs ;

 un mécanisme de « report de consommation », via la hausse des prix de revente des produits directement concernés entraînant un report des consommateurs vers les autres produits vendus par les distributeurs.

Pour l’heure, l’évaluation de l’expérimentation, bien qu’incomplète, met en évidence une absence de retombées positives pour le secteur agricole.

Le rapport confié par le Gouvernement à deux experts indépendants, Mme Céline Bonnet et M. François Gardes, publié le 30 septembre 2020 ([21]), souligne que l’inflation sur les produits alimentaires, redoutée par les associations de consommateurs au moment du vote de la loi « EGALIM », avait été très inférieure à celle anticipée. En revanche, l’analyse de l’impact de ces mesures sur les revenus des agriculteurs, n’a pas encore pu être analysée par les experts, du fait notamment de l’indisponibilité des données comptables publiques relatives à la période d’expérimentation.

Si les distributeurs soulignent que le relèvement du SRP est une mesure qui remporte leur adhésion et leur a permis de soutenir le monde agricole, le « son de cloche » est bien différent du côté de l’amont agricole de la filière.

Le ministère de l’agriculture a indiqué à votre Rapporteur que les dernières estimations, fondées sur les données de l’IRI permettaient d’évaluer à 600 millions d’euros (M€) le surplus généré par le relèvement du seuil de revente à perte. Ce chiffre apparaît cohérent avec ceux avancés par l’ANIA, l’ILEC, la FNSEA et la Coopération agricole qui varient entre 600 millions d’euros et 800 millions d’euros. M. Serge Papin, médiateur après du ministre de l’agriculture, confirme le chiffre de 600 millions d’euros, estimant qu’une faible partie avait pu être orientée vers les produits grande consommation du secteur laitier, une partie dans les marques de distributeurs et, très certainement, une partie dans les avantages dans le cadre de programme de fidélité.

Un consensus semble exister sur la non-effectivité du ruissellement, qui aurait dû permettre une revalorisation des prix payés aux producteurs agricoles. De nombreux acteurs entendus par votre Rapporteur considèrent que la revalorisation du SRP a surtout profité aux distributeurs qui ont conservé une part significative du surplus généré via des prix d’achat en déflation et une augmentation des ventes de produits marque de distributeur (MDD).

Il apparaît donc nécessaire à votre Rapporteur de poursuivre l’évaluation de cette expérimentation en déterminant avec certitude la destination du surplus généré par le relèvement du SRP. La mise en œuvre d’un mécanisme contraignant de « ruissellement » vers l’amont agricole de ces sommes pourrait être nécessaire.

 

     Conclusion n° 4 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Envisager la mise en œuvre d’un mécanisme contraignant de ruissellement des surplus générés par le relèvement du SRP vers l’amont agricole de la filière.

ii.   L’encadrement des promotions en volume et en valeur continue de faire l’objet de contournements

L’ordonnance du 12 décembre 2018 précitée prévoit également que les opérations promotionnelles sur les produits alimentaires ne sont autorisées que dans la limite d’un double plafond :

en valeur, avec l’interdiction de promotions dépassant 34 % du prix de vente au consommateur ou correspondant à une augmentation de la quantité vendue équivalente ;

en volume, l’ordonnance prescrivant que les avantages promotionnels accordés par le fournisseur ou le distributeur ne peuvent dépasser un seuil de 25 % applicable à trois agrégats convenus entre fournisseurs et distributeurs : soit le chiffre d’affaires prévisionnel ; soit le volume prévisionnel énoncé par un contrat prévisionnel portant sur la conception ou la production de produits alimentaires, soit encore des engagements de volume portant sur des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.

L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique prolonge également cette expérimentation jusqu’au 15 avril 2023. Elle prévoit néanmoins des dérogations fixées par arrêté pour une liste de denrées ou catégories de denrées alimentaires dans les conditions suivantes :

1° Plus de la moitié des ventes de l’année civile aux consommateurs des denrées ou catégories de denrées alimentaires concernées est, de façon habituelle, concentrée sur une durée n’excédant pas douze semaines au total ;

2° La dérogation prévue fait l’objet d’une demande, motivée et accompagnée de toutes données utiles pour l’appréciation de la saisonnalité des ventes au regard du critère prévu au 1°, par l’interprofession représentative des denrées ou catégories de denrées concernées ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de denrées ou de catégorie de denrées, par une organisation professionnelle représentant des producteurs ou des fournisseurs des denrées ou catégories de denrées concernées.

L’arrêté du 29 janvier 2021 relatif à la liste des denrées ou catégories de denrées alimentaires pour lesquelles ces dérogations peuvent être accordées fixe cette liste qui comprend notamment les produits qui, du fait de leurs caractéristiques, y compris leur conditionnement ou leur emballage, peuvent se rattacher à la catégorie des confiseries de chocolat saisonnières et correspondent aux périodes de commercialisation de Noël et de Pâques ; les produits issus des palmipèdes à foie gras ; les champignons sylvestres, en conserve, surgelés ou déshydratés et les escargots préparés en conserve, surgelés ou frais.

Si le principe de l’encadrement des promotions est salué par l’ensemble des fournisseurs qui soulignent le caractère destructeur de valeur de ces opérations promotionnelles, les acteurs entendus par votre Rapporteur dans le cadre de ses auditions soulignent que la grande distribution a su mettre en œuvre de nombreux moyens de contournement de cet encadrement. La commission d’enquête soulignait dans son rapport le recours à la pratique du cagnottage, jugée particulièrement préoccupante.

Au terme de ses auditions, votre Rapporteur, a entendu de nombreux fournisseurs souligner que les acteurs de la grande distribution avaient adapté leur politique promotionnelle au regard du nouveau cadre en vigueur, avec l’émergence de nouveaux outils promotionnels. Outre les cartes de fidélité, sont identifiées des promotions de lots constitués de produits différents, des réductions de prix non chiffrées dits « prix chocs » ou « prix ronds », qui constituent des dispositifs promotionnels tolérés par les lignes directrices de la DGCCRF. En outre, le seuil de l’encadrement en valeur fixé à 34 % semble être désormais une norme, entraînant une hausse des promotions pour les filières qui étaient jusqu’alors au-dessous de ce seuil.

4.   Les fournisseurs de produits non alimentaires, grands oubliés des efforts d’encadrement et d’apaisement des relations commerciales

a.   Étendre le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de celui de l’encadrement des promotions aux produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH)

Les fournisseurs non alimentaires de la grande distribution, qui ne sont pas inclus dans le cadre de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de l’encadrement des promotions tendent à servir de variable d’ajustement aux distributeurs.

Ces produits font ainsi l’objet de campagnes promotionnelles particulièrement massives, avec des réductions pouvant dépasser, dans le secteur des cosmétiques, par exemple, les 50 % ou même les 90 % (voir supra). Ces opérations, destructrices de valeur, mettent en péril la rentabilité des entreprises qu’elles concernent.

Votre Rapporteur insiste donc sur la nécessité de mettre en œuvre la proposition n° 12 du rapport de la commission d’enquête consistant en l’inclusion des produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH) dans le champ de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et de l’encadrement des promotions.

Rappel de la proposition de la commission d’enquête spécifique au rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH)

Proposition n° 12 : Envisager d’inclure dans le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et dans l’encadrement des promotions les produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH).

b.   Inclure les fournisseurs non alimentaires dans les dispositifs de médiation et au sein de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC)

Votre Rapporteur a constaté que les fournisseurs non‑alimentaires n’étaient pas représentés au sein de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) dont le rôle est pourtant devenu crucial (voir infra).

Il a également noté que ces entreprises n’avaient accès à aucun des dispositifs de médiation auxquels les fournisseurs alimentaires ont recours, en particulier ceux proposés par le médiateur des relations commerciales agricoles.

Il suggère donc de les inclure dans le cadre de ces instances de concertation et de médiation.

     Conclusion n° 5 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Garantir l’accès des fournisseurs non alimentaires de la GMS aux dispositifs de médiation et leur participation aux travaux de la CEPC. Inclure dans le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et dans l’encadrement des promotions les produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH).

5.   L’encadrement des pratiques commerciales dans le cadre du e‑commerce demeure lacunaire et difficile à mettre en œuvre

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau soulignait la digitalisation croissante de l’offre des distributeurs français, au moyen de drives et de livraisons à domicile, que la crise sanitaire est venue accentuer. Le panéliste Nielsen estime ainsi que le e-commerce a connu une croissance moyenne de 7,8 % en 2020, en hausse de 2 % par rapport à 2019, ce qui représente quatre à cinq années de parts de marché gagnées en tenant compte de la croissance moyenne de la période précédente.

Le rapport d’enquête soulignait, en outre, l’émergence d’une offre alternative susceptible de créer une nouvelle concurrence. Si les ventes de produits alimentaires ne représentent qu’une part infime de l’activité d’Amazon (estimée par le rapport d’enquête à 1 % environ) et que les produits grande consommation et frais libre-service (PGS-FLS) n’excéderaient pas 10 % des ventes, avec une part prééminente des produits de droguerie, parfumerie, hygiène (DPH), il n’en reste pas moins essentiel de demeurer attentif au développement de ces distributeurs d’un genre nouveau qui échappent potentiellement à l’encadrement national des relations commerciales.

La Présidente de l’Autorité de la concurrence (AdlC), Mme Isabelle de Silva, a rappelé lors de son audition par votre Rapporteur, la publication en 2020 par l’AdlC d’une étude intitulée « Concurrence et commerce en ligne ». Elle a également souligné que la Commission européenne avait publié, le 15 décembre 2020, les projets de règlement « Digital Services Act » (DSA) et « Digital Markets Act » (DMA), qui ont pour objectif de permettre la mise en œuvre d’un nouveau cadre de régulation destiné à mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique. L’adoption de ces deux règlements pourrait être effective début 2022.

II.   Une prise de conscience et des avancÉes favorisÉes par les travaux de la commission d’enquÊte

A.   Si les nÉgociations commerciales demeurent trÈs dures sur le fond, elles revÊtent nÉanmoins une forme, en apparence, plus « prÉsentable »

1.   Une prise de conscience des acteurs que les « boxes » de négociations ne pouvaient demeurer des « zones de non-droit »

a.   Des démarches destinées à favoriser un « changement de culture » des négociateurs

Au terme des auditions qu’il a mené, votre Rapporteur a le sentiment que les négociations commerciales ont eu tendance à connaître, du moins en ce qui concerne leur forme, une évolution positive. Les réponses écrites de l’ANIA confirment ce sentiment et souligne le rôle joué par les travaux de la commission d’enquête dans cette évolution : « Lors du sondage de bilan des négociations 2020, on a pu constater un climat et une qualité de négociations en nette progression, ce qui est selon nous un effet de la commission d’enquête. Toutefois, cette amélioration sur la forme n’a pas aidé à améliorer la situation sur le fond, puisque les demandes de déflation déconnectées de la situation du fournisseur et de l’amont de la filière persistent ».

La Fédération du commerce et de la distribution a indiqué que des formations des acheteurs existaient au sein de chaque enseigne, mais qu’elle était prête à travailler à l’élaboration d’une formation commune.

L’ILEC a également souligné la mise en place, par certaines enseignes, d’« observatoires », de « comités de suivi » ou de « comités de bonnes pratiques », notamment par les alliances Horizon ([22]) et Envergure au niveau national, ou par Carrefour au niveau international. Ces lieux de dialogue permettent des échanges plus sereins et de porter à la connaissance des parties des problèmes de nature générale, contribuant ainsi à un apaisement des relations.

b.   Des effets positifs inattendus résultant de la crise sanitaire

Votre Rapporteur a également constaté que la crise sanitaire avait eu, de manière inattendue, des effets vertueux sur l’atmosphère des négociations commerciales :

– La solidarité de la chaîne alimentaire démontrée lors du premier confinement a permis de créer une certaine habitude du dialogue et de la coopération qui a fait régresser la tendance à la défiance caractérisant les relations entre les différents maillons de la filière (voir supra) ;

– L’obligation de mener les négociations par visioconférence, avec une possibilité d’enregistrement de ces échanges par les parties, ont contribué à l’adoption d’un ton plus courtois.

2.   Une reconnaissance par l’ensemble des acteurs de la qualité des démarches de médiation, qui doit être accompagnée par un renforcement des moyens de celles-ci

a.   Le médiateur des relations commerciales agricoles

La médiation des relations commerciales agricoles trouve son origine chez le médiateur des contrats institué, en 2010, par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) ([23]). Le champ d’activités de la médiation des relations commerciales agricoles a ensuite considérablement crû à mesure que des besoins de régulation nouveaux sont apparus. Le médiateur des contrats est ainsi devenu le « médiateur des relations commerciales agricoles » avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) ([24]) de 2014, intitulé matérialisant l’extension de sa compétence de l’amont à l’aval de la chaîne agroalimentaire et le fait qu’il peut désormais être saisi par tous les acteurs de la chaîne alimentaire. La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite loi « EGALIM » de 2018 l’a doté de nouveaux outils, pour certains très novateurs, comme la possibilité pour toute partie au litige, en cas d’échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales agricoles, de saisir le président du tribunal compétent pour qu’il statue selon la procédure accélérée au fond, sur la base des recommandations de ce dernier.

La médiation des relations commerciales, conduite par M. Francis Amand, est ainsi chargée

– d’intervenir en amont pour finaliser les contrats de vente relatifs aux produits agricoles et alimentaires

– d’aider les parties à fixer un prix pour un produit sur lequel il n’y a pas d’accord ;

– d’intervenir dans les différends impliquant un agriculteur. Il a, par ailleurs, le monopole des médiations relatives à la renégociation des conventions conclues entre fournisseurs de produits alimentaires et distributeurs en cas de variations importantes du cours des matières premières agricoles.

La médiation des relations commerciales agricoles, investie de fortes attentes, n’a cessé d’étendre son action et de développer son organisation. Pour développer son activité à l’aval dans le cadre des relations entre fournisseurs et distributeurs, la médiation des relations commerciales agricoles a souhaité développer un réseau de médiateurs internes au sein des enseignes de la grande distribution. Auchan France, Système U et Carrefour France ont, dès le 26 février 2015, nommé un médiateur interne pour traiter les différends commerciaux avec leurs fournisseurs selon un mode opératoire convenu avec la médiation des relations commerciales agricoles. Ce réseau a ensuite été étendu à quasiment toutes les enseignes de la distribution.

Ce dispositif, vertueux et reconnu comme tel par l’ensemble des acteurs de l’amont comme de l’aval, nécessite aujourd’hui d’être renforcé :

– Lors de son audition, M. Francis Amand, a indiqué que les moyens, notamment humains, dont il disposait avaient été tendanciellement réduits au cours des dernières années, alors même que les sollicitations étaient en constante progression ;

– Il a exprimé le vœu, que votre Rapporteur estime justifié, d’envisager une exception pour les contrats signés sous l’égide de la Médiation, permettant de conclure ces derniers après la date du 1er mars ;

– Il a rappelé, en cohérence avec la proposition n° 17 du rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau et les annonces du Président de la République, dans son discours du 11 octobre 2017, qu’il était favorable à la mise en place d’un dispositif d’arbitrage en complément de la médiation. Celui-ci pourrait se révéler pertinent dans un certain nombre de situations clairement identifiées par le médiateur :

Votre Rapporteur est convaincu des effets bénéfiques que de telles évolutions pourraient avoir. Le renforcement des moyens de la médiation lui paraît indispensable, compte tenu du rôle croissant que ces interventions sont appelées à jouer. Par ailleurs, la mise en place d’un dispositif d’arbitrage permettrait de résoudre les situations les plus difficiles et donnerait, par la seule possibilité de cette issue, davantage de poids à la médiation. Les propositions du médiateur, qui suggère la création d’un dispositif expérimental de trois ans complétant la médiation par de l’arbitrage dans une filière déterminée, lui paraissent particulièrement pertinentes.

Rappel de la proposition du rapport d’enquête relative à la médiation des relations commerciales agricoles

Proposition n° 17 : Renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales agricoles et mettre en place un dispositif d’arbitrage par la création d’une commission d’arbitrage distincte.

b.   Le médiateur des entreprises

Le médiateur des entreprises, M. Pierre Pelouzet, est à la tête d’un service placé auprès du ministre de l’économie, chargé d’offrir un dispositif de médiation à toute entreprise qui rencontre des difficultés dans ses relations commerciales.

La médiation des entreprises assume, depuis 2016, les missions précédemment confiées au médiateur des relations interentreprises et au médiateur des marchés publics.

Cette médiation est complémentaire de la médiation des relations commerciales agricoles, puisqu’elle intervient dans le cadre des litiges afférant à l’exécution des contrats.

c.   Un nouveau médiateur, nommé auprès du ministre de l’agriculture, pour préserver l’esprit des États généraux de l’alimentation (EGA) et ouvrir de nouvelles perspectives dans le cadre des relations commerciales

En parallèle de ce dispositif de médiation, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, M. Julien Denormandie, a souhaité nommer le 7 octobre 2020, M. Serge Papin, ancien président-directeur général de Système U, pour préserver l’esprit des États généraux de l’alimentation (EGA) et promouvoir les ambitions définies dans le cadre de l’atelier 5 des EGA (« rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs ») qu’il coprésidait.

Si cette nomination – informelle puisque sans fondement réglementaire ou législatif – paraît avoir d’abord surpris les acteurs de l’agroalimentaire, l’action de M. Serge Papin, qui pourrait être qualifiée de « diplomatique » d’une part, et de « prospective » d’autre part, semble avoir été appréciée par l’ensemble des acteurs.

Par-delà son rôle de « facilitateur » des négociations, en complémentarité avec les médiations préexistantes, M. Serge Papin a formulé plusieurs propositions destinées à favoriser des relations commerciales plus équilibrées. Son rapport devrait être présenté au ministre à la fin du mois de mars 2021. Lors de son audition par votre Rapporteur, M. Serge Papin a exposé les pistes d’amélioration envisagées qui s’inscrivent dans une grande cohérence avec les propositions de la commission d’enquête et les conclusions de la présente mission de suivi :

 il apparaît nécessaire de favoriser une sortie des négociations annuelles pour tendre vers des négociations pluriannuelles ;

– la mise en place d’un outil efficace permettant d’établir une plus grande transparence dans la répartition de la valeur tout au long de la chaîne alimentaire est également à l’étude ;

– il convient de renforcer l’utilisation des coûts de production qui doivent constituer le fondement des nouveaux contrats.

3.   Des avancées en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD) qui doivent être poursuivies

Le rapport d’enquête de Grégory Besson-Moreau s’interrogeait sur les relations commerciales potentiellement problématiques dans le cadre de la fabrication des produits à marque de distributeur et les effets parfois néfastes d’une concurrence entre produits à marque de distributeur et produits de marque ([25]).

La commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a achevé la rédaction, en décembre 2020, d’un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD) ([26]). Ces recommandations devraient permettre de rééquilibrer et sécuriser les relations commerciales dans le cadre des produits MDD, sous réserve que l’ensemble des acteurs s’en saisissent.

Certains sujets demeurent hors du champ des travaux menés par la CEPC, notamment celui des volumes, qui devraient faire l’objet de véritables engagements de la distribution et non avoir un simple caractère « prévisionnel ».

Rappel de la proposition du rapport d’enquête relative aux relations commerciales dans le cadre des produits sous marque de distributeur (MDD)

Proposition n° 14 : Assujettir les accords relatifs à la fourniture de produits de marque distributeur (MDD) au même formalisme contractuel que les produits de marque :

– Préciser les mentions de la convention unique prévues à l’article L. 441-4 du code de commerce à propos des engagements convenus entre la grande distribution et ses fournisseurs pour la fourniture de produits sous marque de distributeur en prévoyant l’insertion systématique de clauses relatives au chiffre d’affaires prévisionnel, aux volumes, à l’innovation ;

– Conformément à l’obligation consacrée à l’article L. 441-4 du code de commerce, rendre obligatoire la réponse du distributeur suite à la réception des conditions générales de vente ;

– Rendre obligatoire la mention des conditions générales de vente dans le contrat de fourniture.

B.   Des poursuites plus frÉquentes et des sanctions plus dissuasives en cas de pratiques illÉgales

1.   L’Autorité de la concurrence (AdlC) a su s’approprier les nouveaux pouvoirs qui lui ont été confiés

a.   Le dispositif spécifique aux centrales d’achat introduit par la loi dite « Egalim » a permis un renforcement de la capacité d’intervention de l’Autorité de la concurrence

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim » a doté l’Autorité de nouveaux outils juridiques lui permettant un meilleur contrôle de l’effet des rapprochements à l’achat, notamment la possibilité d’effectuer un bilan concurrentiel de ces accords et la possibilité de se saisir d’office pour examiner l’opportunité d’adopter des mesures conservatoires concernant un accord en vigueur.

Ce dernier dispositif permet ainsi à l’Autorité, sans saisine d’un tiers, si elle estime qu’un accord entraîne ou est susceptible d’entraîner une atteinte présentant un caractère suffisant de gravité, de s’autosaisir en vue de prendre des mesures conservatoires pouvant conduire à la modification d’un accord existant ou même à sa suspension temporaire, dans l’attente d’une décision au fond.

L’Autorité a ouvert des enquêtes sur trois rapprochements à l’achat, notifiés par les distributeurs concernés en application du dispositif spécifique prévu à l’article L. 462-10 du code de commerce, concernant les accords entre Auchan, Casino, Metro et Schiever, entre Carrefour et Système U, et entre Carrefour et Tesco. Ces enquêtes ont donné lieu à une instruction d’une grande ampleur et ont été l’occasion pour les services d’instruction de l’Autorité d’interroger, outre les distributeurs, près de 150 fournisseurs de toute taille de la grande distribution, concernés par ces rapprochements à l’achat.

L’instruction est toujours en cours sur le rapprochement entre Carrefour et Système U. Elle a abouti, en revanche, s’agissant des deux autres rapprochements à l’achat, à une saisine d’office de l’Autorité concernant le volet portant sur l’achat en commun de produits à marque de distributeur (« MDD »), en vue d’examiner l’opportunité d’imposer de mesures conservatoires.

À l’occasion de cette phase d’instruction, les distributeurs concernés ont proposé des engagements permettant de résoudre les préoccupations de concurrence identifiées. Ces engagements ayant été jugés, dans leur version finale, suffisamment substantiels, l’Autorité de la concurrence les a rendus contraignants, aux termes de deux décisions rendues le 22 octobre 2020 sur le rapprochement à l’achat entre Casino, Auchan, Metro et Schiever et le 17 décembre 2020 concernant le rapprochement entre Carrefour et Tesco.

En utilisant cette procédure, l’Autorité indique avoir obtenu une réduction significative de la puissance de marché des distributeurs s’agissant des achats en commun de produits MDD. Les distributeurs ont ainsi proposé de réduire le périmètre de leur accord initial, en excluant de leur accord certaines familles de produits, et en s’engageant, pour d’autres familles de produits, à limiter leurs achats en commun de produits à MDD. Plus précisément s’agissant du rapprochement à l’achat entre Carrefour et Tesco, les deux distributeurs se sont engagés à exclure de leur accord commun un ensemble de produits agricoles achetés principalement auprès des producteurs français et européens, et à limiter leur coopération pour plusieurs catégories de produits à un volume correspondant pour Carrefour à 15 % de parts de marché à l’achat par famille de produits. En outre, Carrefour et Tesco se sont engagés à rétablir la possibilité pour les plus petits fournisseurs de répondre aux appels d’offres organisés dans le cadre de la coopération, de telle sorte qu’aucun fournisseur ne se trouve dès l’origine exclu du champ d’application de l’alliance.

Ces engagements, pris pour cinq ans, seront vérifiés par un mandataire indépendant agréé par l’Autorité.

b.   La transposition de la directive ECN +

L’article 37 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière («loi DDADUE ’) prévoit, d’une part, l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (« directive ECN + »), et d’autre part, une douzaine de dispositions qui modifient directement plusieurs articles du livre IV du code de commerce.

La directive vise principalement à renforcer la coopération entre autorités nationales de concurrence et à étoffer leurs pouvoirs. Elle prévoit notamment des procédures rationalisées et modernisées, un cadre d’intervention complété, des pouvoirs d’enquête renforcés, des sanctions harmonisées en Europe, et une coopération plus étendue entre autorités nationales de la concurrence.

Plusieurs avancées méritent d’être soulignées :

– La procédure simplifiée permet aujourd’hui au rapporteur général de l’Autorité de décider qu’une affaire sera examinée avec un seul tour de contradictoire écrit, puis un tour à l’oral, sans établir de rapport (article L. 463-3 du code de commerce), le montant de l’amende encourue étant alors limité à 750 000 euros. L’extension du recours à cette procédure permise par la loi DDADUE entraîne la suppression de ce plafond de sanction ainsi qu’une extension du délai donné aux parties en cause en vue de répondre à la notification des griefs, laquelle comportera une indication des déterminants de la sanction. Ainsi, un choix procédural qui était dicté par le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue sera désormais effectué au vu de la complexité de l’affaire. Cette évolution présente l’avantage d’une plus grande rapidité dans la prise de décision, et d’un alignement de la procédure française avec celle de la plupart des ANC en Europe. Elle s’accompagne d’une entière préservation des droits de la défense, avec le maintien de deux tours de contradictoire, à l’écrit avec la réponse à la notification des griefs, et à l’oral lors de la séance systématiquement organisée devant le collège ;

– L’article 4 de la directive ECN + confère aux ANC la capacité de déterminer l’opportunité des poursuites, avec la faculté de fixer leurs priorités et de ne pas ouvrir d’instruction sur la base d’une plainte qui n’y correspondrait pas. Si la plupart des ANC, ainsi que la Commission européenne, disposaient déjà de cette faculté, tel n’était pas le cas pour l’Autorité. C’est un instrument important qui permettra à l’Autorité de mieux cibler ses choix d’investigation et de mieux gérer ses ressources en considération de ses priorités. Des garanties entourent cette nouvelle modalité, car le rejet d’une saisine comme n’entrant pas dans les priorités de l’Autorité fera nécessairement l’objet d’une décision motivée du collège ;

 La saisine d’office en vue de prononcer des mesures conservatoires est une autre illustration importante de cette modernisation. L’article 11 de la directive ECN + offre, en effet, la possibilité pour les ANC de se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires, alors que jusqu’à présent, l’Autorité ne pouvait agir sur ce terrain procédural qu’à la suite d’une demande présentée par une entreprise, accessoirement à une demande au fond. Elle pourra désormais s’autosaisir quand elle a connaissance d’agissements pouvant nuire à la concurrence et appelant une intervention urgente. De fait, l’Autorité est régulièrement alertée sur l’existence de pratiques par des acteurs qui renoncent à la saisir formellement, notamment par crainte de représailles de la part de l’acteur économique en cause. Cette mesure complétera le mécanisme introduit par la loi EGALIM (voir supra) ;

– La faculté élargie de prononcer des injonctions structurelles est une autre évolution notable. Jusqu’à présent, le code de commerce (article L. 464-2) se bornait à conférer à l’Autorité le pouvoir d’« imposer des conditions particulières » aux parties, ce qui pouvait se matérialiser par des injonctions comportementales ou structurelles. Désormais, l’Autorité comme ses homologues en Europe disposera d’un pouvoir général d’injonction structurelle, aligné sur celui dont dispose la Commission européenne. Il faut noter que l’Autorité disposait déjà d’un pouvoir similaire spécifique au secteur du commerce de détail en outremer. La loi DDADUE a étendu ce mécanisme au commerce de gros, et a redéfini le standard de preuve, remplaçant l’« atteinte effective à la concurrence » par la «préoccupation de concurrence », ce qui permettra de mieux traiter les questions liées aux prix et aux marges trop élevés observés en outre-mer ;

– Enfin, la transposition de la directive va permettre une harmonisation européenne en matière de sanctions. La directive ECN + requiert désormais que toutes les ANC aient le pouvoir d’infliger des sanctions administratives, et précise plusieurs points sur la détermination et le plafond de ces sanctions. Quant au recouvrement, des nouveaux mécanismes sont établis par la directive, permettant son effectivité. Plus largement, la directive procède à une unification des critères de détermination du montant des sanctions, en retenant ceux de la gravité et de la durée de l’infraction, ce qui emporte en France l’abandon de la référence au dommage à l’économie – notion intégrée à celle de gravité ;

 Enfin, la directive consacre et étend la coopération européenne, en ajoutant à la coopération informelle des mécanismes inscrits dans le droit positif.

c.   À ce stade, l’Autorité de la concurrence ne juge pas nécessaire un nouveau renforcement des outils et procédures auxquels elle peut recourir

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau proposait la création de nouvelles procédures destinées à renforcer le contrôle de l’Autorité de la concurrence.

La proposition n° 15 consistait en une obligation de soumettre les accords visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs à une autorisation de l’Autorité de la concurrence, au même titre que les opérations de concentration. Il était suggéré, en outre, que les modifications relatives à l’identité des parties prenantes à l’accord soient également soumises à l’Autorité de la concurrence et fassent l’objet d’un avis.

Mme Isabelle de Silva, lors de son audition par votre Rapporteur, a exprimé des réserves quant à l’instauration d’un mécanisme de contrôle des rapprochements à l’achat avant leur entrée en vigueur qui prendrait modèle sur les dispositions relatives au contrôle des concentrations, avec une autorisation préalable par l’Autorité. Elle estime que réforme porterait atteinte au principe d’une application cohérente du contrôle des concentrations entre la Commission européenne et la France, en entraînant une divergence quant à la définition de la notion d’entreprise commune de plein exercice. Une révision du cadre juridique français sur ce point particulier se heurterait en effet à la définition retenue par les textes européens, en particulier aux points 95 et 96 de la communication consolidée sur la compétence de la Commission européenne en vertu du règlement (CE) 139/2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises. Bien qu’en matière de concentrations, l’Autorité n’applique pas directement ce règlement, il lui appartient de mettre en œuvre une pratique cohérente et harmonisée avec le droit européen, en particulier quant à la définition d’une concentration, afin notamment de garantir la sécurité juridique des entreprises. Elle a également souligné que les problèmes de concurrence les plus sérieux posés par ces rapprochements à l’achat se matérialisaient au moment de leur mise en œuvre. Mme de Silva estime ainsi que c’est lors du contrôle ex post, après la mise en œuvre de ces accords, que l’intervention de l’Autorité sera la plus efficace et la plus utile. Un mécanisme de contrôle et d’autorisation en amont de l’entrée en vigueur de ces accords est perçu comme peu satisfaisant pour prévenir et circonscrire les problèmes de concurrence potentiels qu’ils sont susceptibles de générer. Mme de Silva estime que les lois n° 2015-990 du 6 août 2015 et n° 2018938 du 30 octobre 2018 ont doté l’Autorité de la concurrence des outils lui permettant de mener un contrôle durable, à la fois ex ante et ex post, des rapprochements à l’achat qui permet d’ores et déjà de répondre à cette nécessité de contrôle de ces accords.

Les instruments de contrôle comme les outils dont l’Autorité dispose pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles identifiées dans les relations commerciales (pratiques d’ententes ou abus de position dominante, ou restrictions de concurrence nées de la puissance d’achat des acteurs en question) ou pour faire évoluer les accords (procédures négociées, mesures conservatoires, bilan concurrentiel, etc.) en vue d’en supprimer toute préoccupation de concurrence, semblent à cet égard suffisants.

La proposition n° 31 du rapport d’enquête consistait en l’encadrement de la création des centrales d’achat et/ou de services et des alliances à l’achat dès lors que la part de marché cumulée de ses membres paraît de nature à porter atteinte à la libre concurrence et à l’équilibre des relations commerciales sur le marché des produits alimentaires et non alimentaires. Le dépassement de ce niveau d’activité sur le marché serait déterminé par l’Autorité de la concurrence sur la base d’une étude d’impact.

Concernant cette proposition, Mme de Silva a également fait savoir à votre Rapporteur qu’une interdiction générale des accords, même limitée par un seuil de part de marché, ne semblait pas souhaitable. Elle constituerait une solution difficile, voire impossible, à mettre en œuvre et comporterait des effets négatifs importants pour le marché. Le caractère plus ou moins problématique de ces accords ne saurait ainsi être présumé ou déduit au regard d’un seuil en part de marché. Un seuil général applicable à tous les secteurs serait en outre très complexe à déterminer et périlleux à instaurer, car les difficultés peuvent ne concerner que certaines catégories de produits. À l’inverse, la détermination de seuils en part de marché pour chaque famille de produit serait une mission extrêmement complexe, dont la faisabilité est douteuse au regard du caractère dynamique et très évolutif de ces marchés. Enfin, des effets de seuil se feraient jour, et les possibilités de contournement par les entreprises seraient probablement importantes. Là encore, ce n’est pas tant l’existence même de ces accords qui est potentiellement problématique que leur contenu et la manière dont ils sont mis en œuvre.

La proposition n° 32 du rapport d’enquête, enfin, était la suivante : « Inscrire dans le code de commerce, au titre des pratiques restrictives de concurrence, une infraction consistant en l’abus de position d’achat caractérisée par une relation d’achat particulièrement favorable à l’acheteur, sans qu’elle puisse être qualifiée de dépendance économique, l’exploitation abusive de cette position et une affectation, réelle ou potentielle, du fonctionnement ou de la structure du marché ». M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence a indiqué lors de son audition que l’abus de puissance d’achat était une notion qui revenait régulièrement dans le débat public dans le but de sanctionner les pratiques commerciales, potentiellement abusives, imputables aux acteurs de la grande distribution. Cette notion existait avant la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (« loi LME ») dans le droit des pratiques restrictives de concurrence. Elle a été supprimée par le législateur en raison de son inefficacité, et remplacée par la notion de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Le développement de la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » dont la pratique décisionnelle s’est considérablement étendue ces dernières années permet d’appréhender de très nombreuses relations, entre un fournisseur et un distributeur, ou entre un franchisé et son franchiseur, et également de nombreux types d’abus, qu’il s’agisse d’avantages financiers liés au prix ou d’obligations contractuelles déséquilibrées. Après la publication de l’avis de l’Autorité en 2015, le Gouvernement a d’ailleurs choisi de renforcer le dispositif sanctionnant les pratiques commerciales déloyales, en augmentant le montant de l’amende civile en cas d’infraction, et ce sans modifier le dispositif sanctionnant les pratiques anticoncurrentielles, autrement qu’en introduisant une obligation de notification préalable des accords de rapprochement à l’achat. Dès lors, les représentants de l’Autorité de la concurrence estiment que réintroduire une notion similaire se heurterait aux mêmes écueils et n’est donc pas souhaitable, d’autant que la notion de déséquilibre significatif permet d’ores et déjà d’appréhender de nombreux types d’abus.

Rappel des propositions du rapport d’enquête relatives à l’Autorité de la concurrence

Proposition n° 15 : Soumettre les accords visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs à une obligation d’autorisation de l’Autorité de la concurrence, au même titre que les opérations de concentration. Les modifications relatives à l’identité des parties prenantes à l’accord devront également être soumises à l’Autorité de la concurrence et faire l’objet d’un avis.

Proposition n° 16 : Transposer au plus tard en mars 2020 la directive ECN + dans le droit français : cette directive vise à mettre en place un Réseau européen de la concurrence (REC), cadre de coopération renforcée entre autorités nationales de contrôle dont les pouvoirs seront accrus notamment sur les entités commerciales (notamment les centrales d’achat et de services) « délocalisées » avec un dispositif de sanctions plus dissuasif.

Proposition n° 31 : Encadrer la création de centrales d’achat et/ou de services et d’alliances à l’achat dès lors que la part de marché cumulée de ses membres paraît de nature à porter atteinte à la libre concurrence et à l’équilibre des relations commerciales sur le marché des produits alimentaires et non alimentaires. Le dépassement de ce niveau d’activité sur le marché sera déterminé par l’Autorité de la concurrence sur la base d’une étude d’impact.

Proposition n° 32 : Inscrire dans le code de commerce, au titre des pratiques restrictives de concurrence, une infraction consistant en l’abus de position d’achat caractérisée par une relation d’achat particulièrement favorable à l’acheteur, sans qu’elle puisse être qualifiée de dépendance économique, l’exploitation abusive de cette position et une affectation, réelle ou potentielle, du fonctionnement ou de la structure du marché.

2.   Les ministres concernés font preuve de volontarisme

a.   Les ministres ont fait preuve de volontarisme, notamment dans le cadre des comités de suivi des négociations commerciales et des assignations en cas de pratiques déloyales

Le rapport d’enquête de M. Grégory Besson-Moreau suggérait le renforcement des sanctions prévues à l’article L. 442-4 du code de commerce, qui réprime les pratiques commerciales déloyales restrictives de concurrence. L’amende civile prévue dans ce cadre ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants : 5 millions d’euros ; le triple du montant des avantages indûment perçus ou encore 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. D’autre part, la restitution des sommes indûment perçues est exigée.

Les acteurs rencontrés par votre Rapporteur ont estimé, dans leur majorité, qu’un renforcement des sanctions n’était pas nécessaire et que l’enjeu résidait davantage dans leur mise en œuvre effective par le juge.

Les ministères ont fait preuve d’un grand volontarisme pour sanctionner les pratiques déloyales, d’une part, et contribuer à restaurer l’équilibre des relations commerciales, dans le cadre des négociations annuelles, d’autre part.

i.   Des assignations qui constituent des gestes forts

Le volontarisme en matière de sanction des pratiques déloyales peut être illustré par les différentes assignations de distributeurs portées par le ministère de l’économie et des finances. Ainsi, le 19 juillet 2019, ce ministère a assigné quatre entités du mouvement E. Leclerc devant le tribunal de commerce de Paris. Outre le paiement d’une amende de 117,3 millions d’euros (M€), il est demandé à la justice de constater et de faire cesser des pratiques commerciales constitutives d’un « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des parties à un contrat de distribution. Sur la base d’une enquête conduite depuis février 2018 par la DGCCRF, l’État reproche aux établissements Leclerc d’utiliser leur centrale d’achat Eurelec Trading, implantée en Belgique, pour contourner la loi française et imposer des baisses de tarif très importantes aux fournisseurs sans contreparties.

Plus récemment, en février 2021, le ministère de l’économie et des finances a assigné l’enseigne Intermarché pour des pratiques commerciales abusives, dans le prolongement d’une enquête menée par la DGCCRF depuis 2018 sur les activités de deux centrales d’achat et de services d’Intermarché, AGECORE et ITM Belgique sur lesquelles la commission d’enquête avait d’ailleurs attiré l’attention. Cette enquête avait montré qu’Intermarché avait contraint ses fournisseurs, par divers moyens de pression – arrêts de commandes, déréférencements de marques, etc. – à la conclusion d’un contrat international avec centrales, comme préalable à la continuité de la distribution de leurs produits dans le cadre du réseau Intermarché France. Aux termes de ces « accords » internationaux, les deux centrales ont facturé tout au long de l’année à ces fournisseurs des sommes importantes en contrepartie de services de coopération commerciale, comme des opérations promotionnelles ou publicitaires ciblées, alors même que les fournisseurs n’étaient pas demandeurs de ces services, du fait de leur faible impact commercial et de leur superposition à d’autres services, dispensés au niveau national. Ces versements s’apparentent ainsi à un droit d’entrée en négociation sans contrepartie économique réelle. Le ministère a estimé que les montants obtenus indûment par l’enseigne Intermarché perturbaient la loyauté des relations commerciales. Il a, en conséquence, demandé au tribunal de commerce de prononcer une sanction de 150,75 M€, à la hauteur de la gravité des pratiques dénoncées et correspondant à 1 % du chiffre d’affaires réalisé par l’enseigne, ainsi que la cessation des pratiques dénoncées.

ii.   Des interventions ministérielles décisives dans le cadre du comité de suivi des négociations commerciales

Le volontarisme des ministères a également été démontré dans le cadre des réunions du comité de suivi des négociations commerciales. Lors de la réunion du 17 février 2021, en particulier, ils ont appelé avec fermeté à une prise de conscience collective, ainsi qu’à la mise en place de dialogues renforcés, notamment sur les secteurs soumis à de fortes hausses des coûts de production. Les acteurs entendus par votre Rapporteur dans le cadre de ses auditions ont souligné que cet engagement fort des ministres avait contribué à assainir la situation, à quelques semaines de la fin des négociations.

Enfin, plus largement, la crise sanitaire a fait émerger une conscience accrue du caractère stratégique de la souveraineté alimentaire, de l’amont à l’aval de la filière. C’est en ce sens que doit être interprété le refus exprimé, le 15 janvier 2021, par M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, du rapprochement entre l’enseigne Carrefour et l’entreprise canadienne Couche-Tard.

Rappel de la proposition du rapport d’enquête relative au renforcement des sanctions prévues à l’article L. 442-4 du code de commerce

Proposition n° 21 : Renforcer si nécessaire les sanctions prévues à l’article L. 442-4 du code de commerce sur la base d’un barème en pourcentage du chiffre d’affaires.

b.   Une grande vigilance de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Ce volontarisme est prolongé par les services des ministères, en particulier la DGCCRF, dont la directrice générale a affirmé lors de son audition par votre Rapporteur, le 21 janvier 2021, que « la mise en œuvre d’EGALIM était une priorité ».

La DGCCRF a ainsi renforcé son action de contrôle, tout au long de l’année 2019 et, plus particulièrement, à la fin du mois de janvier dernier. Plus précoces et plus ciblés cette année, plus de 200 contrôles ont été menés en six semaines au cours des négociations commerciales, portant notamment sur l’utilisation des indicateurs, sur les pénalités logistiques et sur des prix signalés comme abusivement bas.

3.   Des progrès en matière d’étiquetage mais des exigences attachées à la mention « Origine France » et « Fabriqué en France » qui doivent être renforcées

a.   Des efforts au niveau européen et national en matière d’étiquetage

La question de l’étiquetage des produits alimentaires est essentielle car elle constitue le lien entre la production, notamment agricole, et le choix de consommation. Elle a récemment fait l’objet de travaux parlementaires, notamment menés dans le cadre de la discussion et de l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires. Reprenant plusieurs dispositions adoptées dans le cadre de la loi EGALIM, mais déclarées non conformes à la Constitution (« cavaliers législatifs ») par le Conseil constitutionnel en octobre 2018, ce texte est venu renforcer la transparence et l’information du consommateur, notamment sur les points suivants :

– en rendant obligatoire l’étiquetage de l’origine des viandes de porc, de volaille, d’ovin, de caprin et de la viande hachée bovine dans la restauration hors foyer, obligation déjà effective pour la viande bovine ;

– en rendant obligatoire l’information du consommateur sur la provenance ou de la dénomination de l’AOP/IGP des vins vendus en bouteille, pichet ou verre par les restaurants, bars ou autres exploitants d’établissements titulaires d’une licence de débit de boissons ;

– de même, la mention du nom et l’adresse du producteur est devenue obligatoire sur l’étiquetage des bières ;

– enfin, l’étiquetage de l’origine des miels et de la gelée royale est obligatoire, par ordre pondéral décroissant.

Au niveau européen, le règlement d’exécution (UE) 2018/775, entré en vigueur depuis le 1er avril 2020, précise les modalités d’application de l’article 26 du règlement (UE) n°1169/2011 (règlement INCO) en ce qui concerne l’indication de l’origine de l’ingrédient primaire lorsque l’origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est mise évidence sur l’étiquetage.

En outre, la stratégie européenne « Farm to Fork » (« de la ferme à la table ») fixe un objectif de renforcement des moyens des consommateurs destinés à leur permettre de choisir des régimes alimentaires sains et durables grâce à l’étiquetage. La Commission proposera, dans ce cadre, un étiquetage nutritionnel harmonisé et préparera un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables couvrant les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires.

b.   La réflexion sur les mentions « Origine France » et « Fabriqué en France » doit être poursuivie

Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, plusieurs amendements relatifs à la définition des mentions « produits en France », « fabriqué en France », « élaboré en France » ou « transformé en France » ont été examinés, dont un défendu par votre Rapporteur dans le prolongement de la proposition n° 41 du rapport d’enquête.

Cette question paraît absolument centrale, à l’heure où l’origine française semble devenue l’un des critères d’achat privilégié par les consommateurs et où la crise a renforcé cette appétence pour la production locale.

Il paraît d’autant plus nécessaire de l’aborder dans le cadre de prochains travaux législatifs, que le Conseil d’État vient d’annuler, dans le prolongement d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’obligation d’étiquetage de l’origine du lait en l’absence de lien avéré avec ses propriétés ([27]) ce qui constitue un recul aux yeux de votre Rapporteur.

Proposition du rapport d’enquête relative à la mention « origine France »

Proposition n° 41 : Afin d’informer et de responsabiliser le consommateur dans son acte d’achat, réserver la mention d’origine France aux seuls produits dont une part significative des composants, représentant au moins 50 % de la matière première brute, a été produite en France et dont l’ensemble des transformations substantielles a également été réalisé sur le territoire français.

c.   Des sanctions à renforcer et une lisibilité pour le consommateur à améliorer

Votre Rapporteur recommande donc d’envisager une définition juridique stricte des mentions « origine France », « fabriqué en France » et mentions équivalentes pour les produits alimentaires.

Constatant que le « packaging » de nombreux produits alimentaires continue d’être susceptible de créer de la confusion, voire d’induire le consommateur en erreur – par exemple en affichant une carte de France aux couleurs nationales, la mention «Fabriqué dans notre atelier en Corrèze » et, en plus petit, avec une astérisque l’information : « Les ingrédients ne sont pas français » – votre Rapporteur recommande un renforcement du contrôle de la DGCCRF de ce type de pratiques sur le fondement de la répression des pratiques commerciales trompeuses (art. L. 121-2 à L. 121-5 du code de la consommation), voire de l’élargissement du champ de cette notion.

     Conclusion n° 6 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Définir juridiquement les mentions « origine France », « fabriqué en France » et mentions équivalentes figurant sur l’étiquetage des denrées alimentaires. À défaut, renforcer les contrôles de la DGCCRF en la matière, sur le fondement de la répression des pratiques commerciales trompeuses du consommateur.

4.   Suspendre les extensions des surfaces de vente de la grande distribution

a.   La crise sanitaire a révélé les failles du modèle de l’hypermarché

La fréquentation des hypermarchés a été perturbée par les périodes de confinement, leur éloignement des lieux d’habitation et d’autres facteurs résultant de la pandémie de la covid-19. Cette désaffection ne constitue pas un phénomène nouveau mais s’inscrit, au contraire, dans une tendance de fond.

La semaine du 17 au 22 mars 2020, première semaine de confinement, témoigne de cette désaffection des hypermarchés, en particulier ceux de plus de 7 500 mètres carré.

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De manière plus générale, depuis plusieurs années, les hypermarchés sont pénalisés par le goût croissant des consommateurs pour le commerce spécialisé, les magasins de proximité et les nouveaux distributeurs du ecommerce.

Les hypermarchés, plus de cinquante ans après la création en 1963 du premier magasin (Carrefour) de ce type à Sainte-Geneviève-des-Bois, semblent constituer un modèle en déclin, en cohérence avec les évolutions de fond des manières de consommer.

Établissant un lien avec les mesures gouvernementales « Action Cœur de Ville », la commission d’enquête proposait d’instaurer un moratoire de deux années au moins et concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente. Cette proposition soulignait l’intérêt pour les distributeurs eux-mêmes d’un tel moratoire, leur permettant de concentrer leurs investissements sur la nécessaire transformation du parc existant de magasins en l’adaptant plus rapidement aux besoins d’une nouvelle « relation-client », plutôt que de s’engager encore un peu plus sur la voie d’une croissance des surfaces susceptible d’accentuer, dans de nombreuses situations, l’érosion de leurs marges.

Proposition du rapport d’enquête relative à un moratoire sur les créations et extensions de surfaces de vente

Proposition n° 3 : En cohérence avec les mesures gouvernementales « Action Cœur de Ville », instaurer un moratoire de deux années au moins et concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente. Il s’agit d’apprécier si une pause relative à l’extension des surfaces serait propice à l’adaptation de l’appareil commercial au moment où il apparaît que le modèle économique de certains formats de vente n’est plus en rapport avec les attentes des consommateurs. En outre, cette pause constituerait pour les distributeurs une opportunité de concentrer leurs investissements sur la nécessaire transformation du parc existant de magasins en l’adaptant plus rapidement aux besoins d’une nouvelle «relation-client ‘, désormais clairement perceptible, plutôt que de s’engager encore un peu plus sur la voie d’une croissance des surfaces susceptible d’accentuer, dans de nombreuses situations, l’érosion de leurs marges.

b.   Le projet de loi sur le réchauffement climatique et la résilience est susceptible de permettre des avancées en matière de limitation de l’artificialisation des sols

Le projet de loi nº 3875 rect. portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets comporte plusieurs articles destinés à lutter contre l’artificialisation, notamment l’article 52 qui fixe un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Le texte initial prévoit cependant une dérogation, la commission départementale d’aménagement commercial pouvant, à titre exceptionnel, et sous la réserve qu’aucun foncier déjà artificialisé ne soit disponible, autoriser un projet d’une surface de vente inférieure à 10 000 m², à condition que la dérogation soit justifiée au regard des caractéristiques du territoire et, notamment, de la vacance commerciale constatée. Votre Rapporteur sera particulièrement attentif à la poursuite des discussions sur cette disposition qui va dans le bon sens.

c.   Un moratoire strict d’au moins trois ans

Votre Rapporteur, conformément à la proposition du rapport d’enquête, estime absolument nécessaire d’aller plus loin et d’instaurer un moratoire d’au moins trois ans sur les extensions et construction de surface de vente, quelle que soit leur taille.

     Conclusion n° 7 de M. Thierry Benoit, rapporteur :  Conformément à la proposition n° 3 du rapport d’enquête, instaurer un moratoire d’au moins trois ans concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente.

 


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   Liste des conclusions du rapporteur, M. thierry benoit

Conclusion n° 1 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Repenser le cadre général des négociations commerciales en supprimant la date « butoir » du 1er mars, en mettant fin au caractère annuel des négociations pour favoriser des contrats pluriannuels, qui doivent à terme devenir la norme, et tripartites, lorsque cela est possible. Ce dispositif doit être complété par la mise en œuvre d’outils d’ajustement des contrats en cours, tels que l’index de l’évolution des cours de matière première proposé par M. Grégory Besson-Moreau (proposition n° 40 du rapport d’enquête).

 

Conclusion n° 2 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Les multiples niveaux de négociation rendent particulièrement difficile le suivi de ces négociations commerciales, devenues très opaques. Votre Rapporteur estime essentiel de dissocier les négociations portant sur le tarif – qui doit faire l’objet d’une protection plus effective – de celles sur les enveloppes promotionnelles (« 4 fois net ») ou les accords internationaux (« 5 fois net »), voire les pénalités logistiques qui sont parfois assimilées à un « 6 fois net ».

 

Conclusion n° 3 de M. Thierry Benoit, rapporteur : supprimer les pénalités logistiques qui s’apparentent à une source de profits non justifiés pour le distributeur, mobilisant inutilement des ressources humaines, administratives et juridiques, dont les PME ne disposent pas.

 

Conclusion n° 4 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Envisager la mise en œuvre d’un mécanisme contraignant de ruissellement des surplus générés par le relèvement du SRP vers l’amont agricole de la filière.

 

Conclusion n° 5 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Garantir l’accès des fournisseurs non alimentaires de la GMS aux dispositifs de médiation et leur participation aux travaux de la CEPC. Inclure dans le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et dans l’encadrement des promotions les produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH).

 

 

Conclusion n° 6 de M. Thierry Benoit, rapporteur : Définir juridiquement les mentions « origine France », « fabriqué en France » et mentions équivalentes figurant sur l’étiquetage des denrées alimentaires. À défaut, renforcer les contrôles de la DGCCRF en la matière, sur le fondement de la répression des pratiques commerciales trompeuses du consommateur.

 

Conclusion n° 7 de M. Thierry Benoit, rapporteur :  Conformément à la proposition n° 3 du rapport d’enquête, instaurer un moratoire d’au moins trois ans concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente.

 


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Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Table ronde Syndicats agricoles :

 Jeunes agriculteurs * : MM. Guillaume Cabot, vice-président en charge des affaires économiques et de l’environnement, Guillaume Defraiteur, conseiller en productions animales et en charge des EGALIM et Thomas Debrix, responsable du service affaires publiques et communication

 Coordination rurale * : M. Pascal Aubry, membre du comité directeur et responsable de la section porcs

 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) * : MM. Patrick Benezit, secrétaire général adjoint et Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques

 MODEF * : M. Raymond Girardi, vice-président, et Mme Sophie Bezeau, directrice

Association nationale des industries alimentaires (ANIA) * : M. Richard Girardot, président, Mme Valérie Weil-Lancry, directrice juridique en charge des relations commerciales et M. Antoine Quentin, directeur affaires publiques

Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) : M. Philippe Chalmin, président

M. Francis Amand, médiateur des relations commerciales agricoles et M. Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale

Les Mousquetaires * : M. Claude Genetay, directeur délégué d’Intermarché, et M. Frédéric Thuillier, directeur des affaires publiques du Groupement

Autorité de la concurrence (AdlC) : Mme Isabelle da Silva, présidente, M. Stanislas Martin, rapporteur général, M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, et M. Mathias Pigeat, directeur de cabinet

Fédération du commerce et de la distribution (FCD) * : M. Jacques Creyssel, délégué général, Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques, Mme Sophie Amoros, responsable affaires publiques et communication, MM. Hugues Beyler, directeur agriculture et Jacques Davy, directeur juridique

M. Serge Papin, médiateur auprès du ministre de l’agriculture

Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) : Mme Marie Thérèse Bonneau première vice-présidente, et M. Vincent Brack, directeur

Mouvement E. Leclerc * : M. Stéphane de Prunelé, secrétaire général, et M. Alexandre Tuaillon, chargé de mission auprès du Président

Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) * : M. Dominique Amirault, président, Mme Diane Aubert, directrice des affaires publiques et M. Alexis Vaillant, président d’Alterfood

ADEPALE * : M. Jérôme Foucault, président du conseil d’administration

L’Association française des industries de la détergence (AFISE) : Mme Virginie d’Enfert, déléguée générale

Fédération des entreprises de la beauté (Fébéa) * : Monsieur Patrick O’Quin, Président.

La coopération agricole : M. Dominique Chargé, président

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

Institut de liaisons des entreprises de consommation (ILEC)* : M. Richard Penquiault, président, Mme Karine Ticot, responsable des études, M. Daniel Diot, secrétaire général et M. Kevin Teixeira Pontes, consultant en affaires publiques (M&M Conseil)*

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


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ANNEXE : tableau de suivi de la mise en œuvre des propositions du rapport d’enquête

     En gris clair : propositions mises en œuvre ;

     En gris moyen : propositions partiellement mises en œuvre ;

     En gris foncé : propositions non mises en œuvre.

 

Intitulé de la proposition du rapport d’enquête

Mise en œuvre de la proposition

Commentaire de M. Thierry Benoit, rapporteur de la mission de suivi

Proposition n° 1 : Inscrire dans la loi l’obligation pour les groupes de la grande distribution sous forme de société coopérative, de publier les comptes consolidés à partir du moment où leurs chiffres d’affaires cumulés excèdent un certain montant que le pouvoir réglementaire aura à fixer.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 2 : Étudier l’opportunité de créer un fonds de soutien au développement des productions bio ou labélisées et à la transformation des exploitations. Ce fonds sera géré et financé à parité, d’une part, par les groupes de distribution et les opérateurs de e-commerce et, d’autre part, par les industriels transformateurs et les producteurs de boissons dès lors que les entreprises concernées réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 300 millions d’euros de produits alimentaires sur le marché français.

Pas de mise en œuvre mais de nombreuses actions et engagement des distributeurs concourent d’ores et déjà au développement de la bio

 


Proposition n° 3 : En cohérence avec les mesures gouvernementales « Action Cœur de Ville », instaurer un moratoire de deux années au moins et concernant toutes les créations et extensions de surfaces de vente. Il s’agit d’apprécier si une pause relative à l’extension des surfaces serait propice à l’adaptation de l’appareil commercial au moment où il apparaît que le modèle économique de certains formats de vente n’est plus en rapport avec les attentes des consommateurs. En outre, cette pause constituerait pour les distributeurs une opportunité de concentrer leurs investissements sur la nécessaire transformation du parc existant de magasins en l’adaptant plus rapidement aux besoins d’une nouvelle «relation-client ‘, désormais clairement perceptible, plutôt que de s’engager encore un peu plus sur la voie d’une croissance des surfaces susceptible d’accentuer, dans de nombreuses situations, l’érosion de leurs marges.

L’article 52 du projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en première lecture à l’Assemblée nationale à l’heure de la parution du présent rapport, fixe un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Par dérogation, la commission départementale d’aménagement commercial pourra, à titre exceptionnel, et sous la réserve qu’aucun foncier déjà artificialisé ne soit disponible, autoriser un projet d’une surface de vente inférieure à 10 000 m², à condition que la dérogation soit justifiée au regard des caractéristiques du territoire et en particulier de la vacance commerciale constatée, du type d’urbanisation du secteur et de la continuité du projet avec le tissu urbain existant, ou d’une éventuelle opération de revitalisation du territoire, ainsi que des qualités urbanistiques et environnementales du projet présenté, notamment si celui‑ci introduit de la mixité fonctionnelle. Cette exception est également possible dans le cas d’une compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé.

Votre Rapporteur sera particulièrement attentif aux débats portant sur cette disposition et à la mise en œuvre de la loi. Il estime néanmoins nécessaire d’instaurer un moratoire, tel que préconisé par le rapport d’enquête, d’au moins trois ans.


Proposition n° 4 :

– Veiller au respect par les opérateurs d’e-commerce des règles nationales en vigueur encadrant les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs qui leur sont applicables (notamment celles relatives à l’interdiction des marges arrières, au seuil de vente à perte, à l’encadrement des déréférencements et aux opérations promotionnelles).

– Examiner l’opportunité de nouvelles dispositions législatives ou d’une directive européenne susceptibles d’encadrer l’activité d’intermédiation des opérateurs d’e-commerce dans le secteur de la vente des produits de grande consommation.

Pas de mise en œuvre mais des règlements européens en préparation susceptibles d’avoir des effets sur cette question

La Présidente de l’Autorité de la concurrence (AdlC), Mme Isabelle de Silva, lors de son audition par votre Rapporteur, a rappelé la publication en 2020 par l’AdlC d’une étude intitulée « Concurrence et commerce en ligne ». Elle a également souligné que la Commission européenne avait publié, le 15 décembre 2020, les projets de règlements « Digital Services Act » (DSA) et « Digital Markets Act » (DMA), qui ont pour objectif de permettre la mise en œuvre d’un nouveau cadre de régulation destiné à mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique. L’adoption de ces deux règlements pourrait être effective début 2022.

Proposition n° 5 : Motiver par écrit la demande de tarif, puis, dans un délai de quinze jours, la réponse sur le tarif par le distributeur qui doit assortir cette première justification d’une contre-proposition également écrite.

L’ordonnance du 4 avril 2019 prévoit l’obligation pour le distributeur, dans un délai raisonnable à compter de la réception des conditions générales de vente (CGV), de notifier par écrit les dispositions des CGV qu’il souhaite soumettre à la négociation.

Certaines enseignes semblent néanmoins se contenter d’envoyer un courrier standard adressé aux fournisseurs, sans explications du motif de mise à la négociation.

Proposition n° 6 : Établir une charte relative au métier de négociateur des grandes surfaces incitant à réduire voire à supprimer les compléments de salaire dont le versement est conditionné par la réalisation d’objectifs relatifs aux tarifs d’achat. Le cas échéant, prévoir par la loi l’ouverture de négociations en vue d’une révision de l’accord de branche de la grande distribution ou de la conclusion d’un accord professionnel.

Pas de mise en œuvre

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) indique que des formations existent au sein de chaque enseigne.


Proposition n° 7 : Favoriser l’insertion systématique de clause de non-concurrence dans les contrats de travail des négociateurs de la grande distribution par le biais d’engagements pris dans le cadre des chartes destinées à établir des relations commerciales plus respectueuses avec les fournisseurs. Inscrire la possibilité de telles clauses dans le code de commerce.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 8 : Formaliser les engagements sur le plan d’affaire, les volumes et les innovations afin d’asseoir la négociation des tarifs d’achat sur une base rationnelle.

Depuis l’ordonnance du 4 avril 2019, l’article L 441‑4-1 du code de commerce précise que la convention écrite doit fixer le chiffre d’affaires prévisionnel, qui constitue, avec l’ensemble des obligations fixées par la convention le plan d’affaires de la relation commerciale.

La notion de plan d’affaire n’est cependant pas définie clairement, bien que cela ait été envisagé dans le cadre des travaux ayant abouti à l’adoption de la recommandation 20-1 de la CEPC concernant les contrats prévus aux articles L. 441-3 et L.441-4 du code de commerce et les effets de la crise sanitaire de la covid-19 dans la grande distribution à dominante alimentaire.

Proposition n° 9 : Mieux encadrer par la loi la possibilité de réviser ou renégocier les accords conclus entre distributeurs et fournisseurs dans le cadre des articles L. 441-4 et L. 441-8 du code de commerce en fonction de l’atteinte ou non des objectifs fixés contractuellement.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 10 : Veiller à l’application très stricte des dispositions de l’ordonnance du 12 décembre 2018 et à garantir l’actualisation de l’encadrement des promotions.

Les contrôles de la DGCCRF ont été particulièrement renforcés sur ce point. En outre, la DGCCRF a publié le 16 janvier 2020 de nouvelles lignes directrices pour l’encadrement des promotions pour les produits alimentaires et l’interdiction du terme « gratuit », complétant celles qui avaient été publiées le 8 juillet 2019.

 


Proposition n° 11 : Évaluer avant les prochaines négociations commerciales, l’impact du relèvement du seuil de revente à perte sur les relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs.

Le Gouvernement a remis au Parlement, le 30 septembre 2020, un rapport d’évaluation des mesures expérimentales de relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. Ce rapport, néanmoins ne fait pas l’analyse de l’effectivité du « ruissellement » de l’amont à l’aval de la filière, faute de données disponibles. L’expérimentation du relèvement du SRP ainsi que de l’encadrement des promotions a été prolongée jusqu’au 15 avril 2023 par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

 

Proposition n° 12 : Envisager d’inclure dans le champ d’application du dispositif relatif au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et dans l’encadrement des promotions les produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH).

Pas de mise en œuvre

Votre Rapporteur juge prioritaire la mise en œuvre de cette proposition.

Proposition n° 13 : Mesurer les effets de la pratique du « cagnottage » sur l’efficacité de l’encadrement des promotions portées par la loi EGALIM dans le cadre d’une mission d’information parlementaire ou confiée à la DGCCRF, dans un délai maximum d’une année.

Examiner l’utilité d’une réglementation de l’octroi de tels avoirs ou remises, soit en les conditionnant à l’achat de produits déterminés, soit en les limitant en volume ou en valeur.

Pas de mise en œuvre

 


Proposition n° 14 : Assujettir les accords relatifs à la fourniture de produits de marque distributeur (MDD) au même formalisme contractuel que les produits de marque :

– Préciser les mentions de la convention unique prévues à l’article L. 441-4 du code de commerce à propos des engagements convenus entre la grande distribution et ses fournisseurs pour la fourniture de produits sous marque de distributeur en prévoyant l’insertion systématique de clauses relatives au chiffre d’affaires prévisionnel, aux volumes, à l’innovation ;

– Conformément à l’obligation consacrée à l’article L. 441-4 du code de commerce, rendre obligatoire la réponse du distributeur suite à la réception des conditions générales de vente ;

– Rendre obligatoire la mention des conditions générales de vente dans le contrat de fourniture.

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a publié en décembre 2020 une recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits MDD.

Cette initiative est une avancée certaine. Son efficacité est conditionnée à la volonté des acteurs de s’emparer de ces recommandations. En outre, certaines questions n’ont pas été abordées, notamment celle de l’engagement des distributeurs sur des volumes.

Proposition n° 15 : Soumettre les accords visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs à une obligation d’autorisation de l’Autorité de la concurrence, au même titre que les opérations de concentration. Les modifications relatives à l’identité des parties prenantes à l’accord devront également être soumises à l’Autorité de la concurrence et faire l’objet d’un avis.

Pas de mise en œuvre

L’Autorité de la concurrence a exprimé des réserves sur cette proposition.


Proposition n° 16 : Transposer au plus tard en mars 2020 la directive ECN+ dans le droit français : cette directive vise à mettre en place un Réseau européen de la concurrence (REC), cadre de coopération renforcée entre autorités nationales de contrôle dont les pouvoirs seront accrus notamment sur les entités commerciales (notamment les centrales d’achat et de services) «délocalisées «avec un dispositif de sanctions plus dissuasif.

Mise en œuvre (article 37 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

 

Proposition n° 17 : Renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales agricoles et mettre en place un dispositif d’arbitrage par la création d’une commission d’arbitrage distincte.

Pas de mise en œuvre – la médiation a même connu une réduction tendancielle de ses moyens humains

La mise en œuvre de cette proposition est particulièrement importante alors que les attentes vis-à-vis de la médiation ne cessent de croître. Votre rapporteur suggère la mise en place d’un dispositif expérimental d’arbitrage, en complément de la médiation, pour une durée de trois ans, réservé à certaines situations de blocage limitativement identifiées.

Proposition n° 18 : Renforcer les moyens de la commission d’examen des pratiques commerciales.

Pas de mise en œuvre

La CEPC joue un rôle croissant de régulateur des relations commerciales et fonctionne, pour l’heure, avec des moyens limités. Ce renforcement demeure donc souhaitable.


Proposition n° 19 : Renforcer les moyens humains et financiers de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Notamment, un groupe de travail (cellule opérationnelle) devrait être créé, spécialisé dans les problématiques « concurrence et relations contractuelles ». Cette cellule opérationnelle serait l’interlocuteur privilégié des industriels et des services déconcentrés des DIRRECTEs et DIECCTEs. Une fois saisie, la cellule opérationnelle aurait à rendre un avis dans les six mois suivant la saisie.

Une partie du travail d’enquête menée par la DGCCRF pourrait être déléguée à un prestataire privé afin de permettre aux effectifs de cette direction de se consacrer aux tâches les plus sensibles.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 20 : Créer un ministère délégué aux questions de consommation et de relations commerciales, rattaché au Premier ministre ou aux ministres de l’Économie et de l’Agriculture.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 21 : Renforcer si nécessaire les sanctions prévues à l’article L. 442-4 du code de commerce sur la base d’un barème en pourcentage du chiffre d’affaires.

Pas de mise en œuvre

L’enjeu semble davantage l’effectivité de la réponse juridictionnelle que l’alourdissement des peines prévues dans le code de commerce.

Proposition n° 22 : Indemniser les lanceurs d’alerte qui signaleraient des dysfonctionnements dans les relations entre les distributeurs et leurs fournisseurs, au même titre que les lanceurs d’alerte fiscaux.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 23 : Instituer au ministère de l’Économie un portail garantissant l’anonymat des fournisseurs ou des distributeurs dénonçant des pratiques manifestement illégales dans les relations commerciales entre ces deux acteurs (supply ou managing compliance)

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 24 : Créer une obligation de signalement à l’administration de déréférencements abusifs pour le fournisseur, à travers un portail internet qui garantirait l’anonymat de la procédure.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 25 : Mieux lutter contre les arrêts de commande et déréférencements abusifs

– Clarifier les notions de l’article L 442-1 du code de commerce pour le rendre plus lisible et moins sujet à contentieux ;

– Rétablir notamment la référence aux « menaces » de rupture brutale des relations commerciales établies dans cet article ;

– Imposer notamment un délai minimal de six mois de préavis écrit, le droit actuel prévoyant un « préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels »;

– Imposer une motivation écrite de toutes les ruptures de relations commerciales qui serait transmise au fournisseur ou à l’acheteur concerné ainsi qu’à la DGCCRF afin qu’elle dispose systématiquement des éléments constitutifs d’une éventuelle pratique commerciale déloyale dont elle pourrait se saisir.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 26 : Interdire de définir contractuellement un taux de service supérieur à 97 %.

Pas de mise en œuvre

 


Proposition n° 27 : Conditionner l’application de pénalités à l’existence de preuve d’un manquement et favoriser des applications justes de pénalités

– Obliger le distributeur à apporter la preuve du manquement du fournisseur pour lui appliquer une pénalité ;

– Demander à la CEPC une réflexion sur les meilleures manières de pénaliser « les ruptures rayons »;

– Réfléchir aux outils rendant possible cette nouvelle exigence (photographie, bordereau signé par le livreur avec mention de l’heure, outils technologiques fiables sur les horaires dont seraient dotés les transporteurs, etc.).

L’article 139 de la n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, qui complète l’article L. 442-1 du code de commerce, prohibe le fait « d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ».

 

Proposition  28 : Renforcer l’importance du Guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques de la Commission d’examen des pratiques commerciales

– Diffuser et vulgariser les recommandations du guide des bonnes pratiques ;

– Enjoindre à la DGCCRF de se baser sur les recommandations de ce guide pour assurer son contrôle et cerner les pratiques manifestement déloyales ou suspectées de l’être.

Pas de mise en œuvre.

 


Proposition n° 29 : Encadrer les pénalités logistiques

– Limiter le montant des pénalités logistiques à un pourcentage défini du prix d’achat des produits concernés ;

– Limiter l’application de pénalités logistiques aux situations causant des ruptures de stock en magasin ;

– Engager une réflexion sur les éléments du Guide qui auraient leur place dans la loi.

L’article 139 de la n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, qui complète l’article L. 442-1 du code de commerce, prohibe le fait « d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ». (voir aussi la proposition n° 27).

 

Proposition n° 30 : Inscrire à l’article L 441-10 du code de commerce que la date de déclenchement des délais légaux de paiement correspond à la date de la première livraison à la sortie des locaux du fournisseur.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 31 : Encadrer la création de centrales d’achat et/ou de services et d’alliances à l’achat dès lors que la part de marché cumulée de ses membres paraît de nature à porter atteinte à la libre concurrence et à l’équilibre des relations commerciales sur le marché des produits alimentaires et non alimentaires. Le dépassement de ce niveau d’activité sur le marché sera déterminé par l’Autorité de la concurrence sur la base d’une étude d’impact.

Pas de mise en œuvre

L’Autorité de la concurrence a émis des réserves sur cette proposition.


Proposition n° 32 : Inscrire dans le code de commerce, au titre des pratiques restrictives de concurrence, une infraction consistant en l’abus de position d’achat caractérisée par une relation d’achat particulièrement favorable à l’acheteur, sans qu’elle puisse être qualifiée de dépendance économique, l’exploitation abusive de cette position et une affectation, réelle ou potentielle, du fonctionnement ou de la structure du marché.

Pas de mise en œuvre

L’Autorité de la concurrence a émis des réserves sur cette proposition.

Proposition n° 33 : Répertorier les services de coopération commerciale proposés aux fournisseurs par les distributeurs – au niveau français comme international – et établir un barème des prix exigés pour ces services.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 34 : Rendre obligatoire que chaque service délivré à un industriel fasse l’objet d’une facturation distincte indiquant clairement l’objet de la rémunération.

L’article 138 de la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite ASAP), adopté à l’initiative de votre Rapporteur et de M. Grégory Besson-Moreau, a permis une première avancée en imposant de faire figurer dans la convention unique conclue entre le fournisseur et le distributeur « l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié ».

 


Proposition n° 35 : Faire obligations aux distributeurs et aux fournisseurs de : déclarer aux services fiscaux tout contrat conclu et/ou toute prestation souscrite auprès d’une centrale d’achat ou de services établie hors du territoire national ; de tenir à leur disposition les contrats et pièces justificatives des prestations facturées par ces structures.

L’article 138 de la loi n° 2020‑1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite ASAP), adopté à l’initiative de votre Rapporteur et de M. Grégory Besson‑Moreau, a permis une première avancée en imposant de faire figurer dans la convention unique conclue entre le fournisseur et le distributeur « l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié » (voir aussi proposition n° 34)

 

Proposition n° 36 : Ne pas fonder la détermination des prix des services internationaux délivrés au fournisseur par un distributeur sur le chiffre d’affaires du fournisseur, mais bien le rendre proportionnel au développement à l’international de l’entreprise permise par ledit contrat.

Pas de mise en œuvre

 

Proposition n° 37 : Encadrer la création et l’activité des centrales d’achat et/ou de services par une directive européenne.

La transposition de la directive ENC + devrait permettre un meilleur contrôle de l’Autorité de la concurrence sur ces centrales d’achat et/ou de services

 


Proposition n° 38 : Resserrer le calendrier des négociations commerciales annuelles qui devront s’achever au plus tard le 15 décembre avec obligation pour le fournisseur de communiquer ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard le 15 septembre.

Pas de mise en œuvre

Votre Rapporteur estime qu’il serait préférable de supprimer toute date butoir des négociations, qui tendent à encadrer trop strictement celles-ci et à exacerbe les tensions. Des négociations pluriannuelles et la conclusion de contrats tripartites, assorties d’un mécanisme de renégociation en cas de forte variation des prix des matières premières agricoles, au travers de l’index proposé par M. Grégory Besson-Moreau (voir proposition n° 40) lui paraissent de nature à rénover profondément le cadre des négociations commerciales.

Proposition n° 39 : Dans l’intérêt des producteurs, imposer l’établissement des indicateurs de coût de production prévus par la loi dite « EGALIM ».

Pas de mise en œuvre

Votre Rapporteur estime que l’établissement des indicateurs de coût de production pose aujourd’hui moins de difficulté que leur utilisation. Un mécanisme rendant leur mention obligatoire dans le cadre des contrats entre distributeurs et transformateurs pourrait constituer une avancée majeure.

Proposition n° 40 : Créer un index, publié et actualisé mensuellement par l’Insee, permettant de modifier les prix parallèlement à son évolution et, en cas de variation importante, entraînant une renégociation obligatoire entre distributeurs et fournisseurs.

Pas de mise en œuvre

Dans le cadre d’une rénovation profonde du calendrier des négociations commerciales, que préconise votre Rapporteur, la suppression de la « date butoir » du 1er mars et le caractère pluriannuel des contrats rendraient nécessaires l’instauration d’un mécanisme de renégociation en cas de forte variation des prix des matières agricoles, tel que l’index présenté dans le cadre de la proposition n° 40 de M. Grégory Besson-Moreau.


Proposition n° 41 : Afin d’informer et de responsabiliser le consommateur dans son acte d’achat, réserver la mention d’origine France aux seuls produits dont une part significative des composants, représentant au moins 50 % de la matière première brute, a été produite en France et dont l’ensemble des transformations substantielles a également été réalisé sur le territoire français.

Pas de mise en œuvre

La mise en œuvre de cette proposition est une priorité pour votre Rapporteur. À défaut d’une définition plus limitative des conditions d’utilisation de la mention « origine France », « fabriqué en France » ou mentions équivalentes, que votre Rapporteur appelle de ses vœux, il lui paraît nécessaire de renforcer les contrôles exercés sur ces mentions afin de décourager les pratiques trompeuses du consommateur.

 


([1]) Ce rapport est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cegrdist/l15b2268-t1_rapport-enquete#  

([2]) Voir aussi le rapport n° 3830 de MM. Stéphane Travert et Julien Dive sur les propositions du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement, 4 février 2021

([3]) Voir aussi le rapport n° 3169 de MM. Stéphane Travert, Julien Dive, Sébastien Jumel, Dominique Potier et Richard Ramos sur les propositions du groupe de travail sur l’agriculture, l’alimentation et la pêche concernant la reprise et le plan de relance après l’épidémie de Covid-19, 1er juillet 2020

([4]) Cette expression désigne les 20 % de produits proposés à la vente représentant 80 % des ventes. La notion est issue des travaux de l’économiste italien Vilfredo Pareto.

([5]) Audition de M. Jacques Creyssel par votre Rapporteur, le 4 février 2021

([6]) FranceAgriMer, les études, « L’impact de la crise de la COVID-19 sur la consommation alimentaire en France : parenthèse, accélérateur ou élément de rupture de tendances ? », 2020

([7]) Les groupes dits « intégrés » sont les suivants : Carrefour, Casino, Auchan, Cora, le grossiste Métro.

([8]) Audition de M. Dominique Chargé par votre Rapporteur, le 4 mars 2021

([9]) Sur les notions de « triple net » et « 4 fois net », voir le 2 du B du présent I. Pour mémoire, le « triple net », correspond au prix réellement payé par le distributeur, après remise sur facture d’achat, remise de ristournes différées et de la coopération commerciale. Le « 4 fois net » tient compte des enveloppes promotionnelles.

([10]) Audition des représentants de la FEEF par votre Rapporteur, le 18 février 2021

([11]) Audition des représentants des Mousquetaires par votre Rapporteur, le 4 février 2021

([12]) Audition des représentants de la FCD par votre Rapporteur, le 4 février 2021

([13]) Audition des représentants de E. Leclerc par votre Rapporteur, le 18 février 2021

([14]) Réponses écrites de la FEEF adressées à votre Rapporteur

([15]) Auditions des représentants de l’AFISE par votre Rapporteur, le 3 mars 2021

([16]) Sur ces notions, voir le 2 du B du présent I

([17]) Audition des représentants de l’ILEC par votre Rapporteur, le 11 février 2021

([18]) Rapport d’enquête n° 2268 sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, 25 septembre 2019, page 101

([19]) Rapport d’enquête précité, p. 102 et suivantes

([20]) Rapport d’enquête précité, pages 116 et suivantes

([21]) Le rapport est consultable en ligne : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/concurrence/relations_commerciales/Rapport-du-gouvernement-sur-les-EGAlim.pdf

([22])  Horizon est une centrale d’achat commune à Auchan, Casino, Metro et Shiever. Envergure est une centrale d’achat commune à Carrefour et Système U.

([23]) Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et décret n° 2011-372 du 5 avril 2011 relatif au médiateur des contrats agricoles

([24]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt

([25]) Rapport d’enquête précité, pages

([26]) Recommandation de la CEPC 20-2, consultable en ligne :

https://www.economie.gouv.fr/cepc/recommandation-ndeg-20-2-relative-un-guide-de-bonnes-pratiques-en-matiere-de-contrats-portant

([27]) Décision CE n° 404651, 10 mars 2021, consultable en ligne : https://urlz.fr/f94K