N° 4026

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

portant observations sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, (n° 3875),

 

 

ET PRÉSENTÉ

par Mme Liliana TANGUY

Députée

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : UN PROJET DE LOI QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE L’AMBITION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENTALE EUROPÉENNE, RENOUVELÉE PAR LE PACTE VERT

I. Le CHANGEMENT climatique et la fragilisation de la biodiversité sont des constats partagés INCITANT À l’ACTION AU NIVEAU national et européen

A. La lutte contre le CHANGEMENT climatique

B. La protection de l’environnement et de la biodiversité

II. VERS UN RENFORCEMENT DES POLITIQUES EUROPÉENNES CLIMATIQUES ET ENVIRONNEMENTALES AVEC LA PRÉSENTATION DU PACTE VERT POUR l’EUROPE

A. Les politiques environnementales et climatiques existantes

B. La mise en cohérence DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE avec l’évolution des contextes environnementaux et économiques

1. Le Pacte Vert pour l’Europe propose de renforcer l’ambition du dispositif européen de protection de l’environnement et du climat

a. La « loi européenne sur le climat », clé de voûte du Pacte vert européen

b. La déclinaison du Pacte Vert en différentes stratégies

2. Les aides économiques du plan de relance conditionnées à des engagements environnementaux

Deuxième partie : Les enjeux de l’articulation entre le projet de loi et la politique européenne climatique et environnementale

I. Le projet de loi doit permettre la mise en cohérence du droit français avec le cadre européen

A. La convention citoyenne poUR le climat a émis des propositions liées au cadre européen et reprises dans le projet de loi

B. Le projet de loi trouve un équilibre entre l’atteinte des objectifs européens et la prise en compte des enjeux économiques des différents milieux concernés

1. La réduction des émissions polluantes dans le secteur du transport

a. L’objectif de fin de commercialisation de véhicules neufs très émetteurs en 2030

b. L’objectif de suppression de l’avantage fiscal sur le gazole routier

c. La création d’une compensation carbone pour le secteur aérien

2. La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement

3. La réduction des émissions polluantes dans le secteur de l’agriculture

II. Quelques points de vigilance peuvent être relevés concernant la compatibilité entre le projet de loi et le cadre européen en pleine évolution

A. Le projet de loi prévoit des mesures qui devront être notifiées à la Commission européenne, afin d’évaluer leur compatibilité avec le marché intérieur

1. L’articulation des dispositions du projet de loi avec la libre circulation des marchandises

a. L’affichage environnemental

b. L’obligation de mise à disposition de pièces détachées

c. L’interdiction de commercialisation des véhicules neufs émetteurs

2. L’articulation des dispositions avec les règles du marché intérieur en matière de services

a. L’interdiction de publicité pour les énergies fossiles

b. La limitation du trafic aérien sur les vols intérieurs

B. Le projet de loi intervient dans un cadre européen en pleine évolution, dont l’ensemble des objectifs et indicateurs N’est pas encore connu

1. Les enjeux de l’adoption de la « loi climat »

2. L’évolution des réglementations sectorielles

a. L’affichage environnemental

b. Les normes de régulation des émissions des véhicules

c. Taxation du gazole routier

d. L’artificialisation des sols

TROISIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI CONTRIBUE À L’ATTEINTE DES OBJECTIFS CLIMATIQUES ET APPELLE LA FRANCE À JOUER UN RÔLE MOTEUR DANS LA DÉFINITION DES PRIORITÉS EUROPÉENNES

I. Le projet de loi contribue à l’atteinte des objectifs européens de la France

A. Un projet de loi qui PREND les mêmes orientations que la politique climatique et environnementale EUROPÉENNE

B. Le projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large et ambitieuse pour atteindre les engagements européens de la France en matière climatique

1. Le Haut Conseil pour le Climat juge le projet de loi insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques de la France

2. L’objectif de diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre sera probablement réduit pour la France

3. Le projet de loi s’insère dans une stratégie environnementale et climatique plus globale au niveau national pour atteindre les objectifs européens

II. Le projet de loi permet de renforcer les positions de la France sur la scène européenne en matière climatique et environnementale

A. Le projet de loi renvoie au rôle de la France dans les négociations européennes

1. Plusieurs dispositions prévoient une action prioritaire au niveau européen

2. La création de dispositifs européens doit permettre de répondre à un double objectif

3. La France peut jouer un rôle moteur dans les négociations européennes, notamment pendant la présidence française de l’Union européenne

4. Le projet de loi renforce également le rôle d’influence de la France au sein de l’Union européenne

B. Au-delà des mesures prévues par le projet de loi, et pour garantir plus globalement l’atteinte de ses objectifs, des positions plus larges pourraient être défendues par la France au niveau européen

1. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne

2. L’extension des compétences du Parquet européen

3. La valorisation du rôle des régions dans le fléchage environnemental des fonds européens

4. La stratégie forestière

5. L’ouverture d’une réflexion sur une préférence locale pour les marchés publics dans la restauration collective

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets se situe dans le prolongement des cent quarante-neuf propositions émises par les citoyens de la Convention Citoyenne pour le climat au président de la République en juin 2020. Parmi les cent quarante-six propositions reprises par le Gouvernement, 32 % sont retranscrites dans le projet de loi.

Ce projet de loi traduit la volonté des citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat d'accélérer la transition du modèle de développement français vers une société neutre en carbone, conformément aux engagements européens et internationaux de notre pays. Les dispositions sont ainsi réparties en six titres correspondant aux grands domaines dans lesquels le projet de loi souhaite favoriser une transformation en faveur de la protection de l’environnement et du climat : consommer (titre 1er), produire et travailler (titre 2), se déplacer (titre 3), se loger (titre 4), se nourrir (titre 5) et renforcer la protection judiciaire de l’environnement (titre 6).

La commission des affaires européennes, en application de l’article 151‑1‑1 de l’Assemblée nationale, a décidé de se saisir pour observation de ce texte.

La Commission européenne a fait de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique une de ses priorités fortes. Le Pacte vert pour l’Europe, présenté le 11 décembre 2019, donne une feuille de route destinée à rendre l’économie européenne durable : les enjeux d’adaptation aux défis climatiques et environnementaux offrent de nouvelles opportunités économiques garantissant une transition juste et inclusive pour tous. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/199 dit « loi européenne sur le climat » est la clé de voûte du programme environnemental et climatique de la nouvelle Commission et prévoit un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990, puis la neutralité carbone à l’horizon 2050.


La Commission a également proposé différentes stratégies sectorielles, constitutives du Pacte Vert. Parmi elles, les stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité » en matière agricole, la stratégie « Mobilité durable » en matière de transports, la stratégie « vague de rénovation » en matière de logement et la stratégie « Pour l’adaptation de l’Union au changement climatique » définissent les propositions d’évolution de la législation européenne dans les domaines qui intéressent le projet de loi.

Le projet de loi Climat et Résilience s’inscrit ainsi dans un cadre européen en pleine évolution et présente une double opportunité, à la fois de mise en conformité du droit français avec les objectifs européens, mais aussi d’affirmation de la France comme un État moteur et capable d’exercer une influence sur la politique climatique de l’Union. Les dispositions envisagées s’inscrivent en outre dans un équilibre entre le nécessaire renforcement des obligations environnementales des différents acteurs et l’accompagnement des milieux économiques dans leur transition écologique.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : UN PROJET DE LOI QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE L’AMBITION CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENTALE EUROPÉENNE, RENOUVELÉE PAR LE PACTE VERT

I.   Le CHANGEMENT climatique et la fragilisation de la biodiversité sont des constats partagés INCITANT À l’ACTION AU NIVEAU national et européen

A.   La lutte contre le CHANGEMENT climatique

L’augmentation des températures s’accélère : alors que la hausse la plus rapide des températures pendant les 800 000 dernières années était de 1°C en 1000 ans, les températures actuelles sont déjà au-delà de 1°C plus élevées par rapport à l’ère préindustrielle, du fait des activités humaines. Il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5°C entre 2030 et 2052 s’il continue d’augmenter au rythme actuel, et pourrait atteindre entre 3 et 5°C d’ici 2100 ([1]). La première partie du rapport d’information de la commission des affaires européennes de janvier 2021 sur l’objectif européen de neutralité climatique à l’horizon 2050 ([2]) fait ainsi une analyse détaillée des différents scénarios de réchauffement, qualifiés d’alarmants.

Afin de limiter les effets de ce réchauffement, notamment en termes de destruction des écosystèmes et d’augmentation du niveau de la mer, l’accord de Paris de 2015, pour lequel la France a joué un rôle important dans les négociations, vise à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.

L’Union européenne, qui est signataire de l’accord de Paris, a ainsi un rôle à jouer dans ce défi climatique, puisque ses États membres représentent 10 % des émissions mondiales aujourd’hui et sont à l’origine de 20 % des émissions cumulées depuis 1870 ([3]). Par ailleurs, l’empreinte carbone ([4]) par habitant de l’Union européenne est de 8,5 tonnes en 2017, soit un niveau plus élevé qu’en Chine (6 tonnes par habitant) ([5]). Ainsi, pour respecter l’objectif d’une augmentation maximale de 2°C, il faudrait diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union Européenne d’ici à 2050, ce qui équivaut à une réduction des émissions de 7,6 % par an. Le Pacte Vert, présenté par la Commission en décembre 2019, doit dès lors permettre de renforcer l’ambition climatique européenne.

La France a également, en lien avec le droit européen, des engagements à respecter pour l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si le volume de ces émissions est en baisse de 4 % en 2018 et de 1 % en 2019 à 441 mégatonnes de CO2 émis, l’effort doit se poursuivre dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui reprend les engagements européens et internationaux de la France. Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets s’inscrit dans ce cadre et l’étude de son articulation avec les engagements européens mérite d’être approfondie.

B.   La protection de l’environnement et de la biodiversité

Au-delà de la lutte contre le réchauffement climatique, l’urgence d’agir au niveau français et européen s’étend également la préservation de la biodiversité. Selon un rapport de WWF de novembre 2020 ([6]) la taille des populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons suivies entre 1970 et 2016 a diminué en moyenne de 68 %. Leurs habitats sont lourdement affectés par les conséquences directes et indirectes des activités anthropiques : l’ensemble des océans est pollué et les zones humides ont perdu plus de 85 % de leur superficie, tandis que 75 % de la surface terrestre libre de glace a déjà été altérée. En outre, un million d’espèces sont menacées d’extinction, provoquant des effets graves sur les populations du monde entier ([7]).

La perte de biodiversité a également des conséquences économiques : l’appauvrissement des rendements agricoles et des captures en mer, des pertes économiques dues aux inondations et à d’autres catastrophes naturelles, ainsi que la perte de nouvelles sources potentielles de médicaments ([8]). Plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et des services qu’elle fournit et trois secteurs clés de l’économie (la construction, l’agriculture et la production alimentaire) en sont fortement tributaires ([9]).

Face à ces constats, il en va dans l’intérêt de l’Union Européenne et de la France de se mobiliser pour répondre aux causes de l’appauvrissement de la biodiversité et notamment aux changements dans l’utilisation des terres et de la mer, à la surexploitation, aux changements climatiques et à la pollution.

II.   VERS UN RENFORCEMENT DES POLITIQUES EUROPÉENNES CLIMATIQUES ET ENVIRONNEMENTALES AVEC LA PRÉSENTATION DU PACTE VERT POUR l’EUROPE

A.   Les politiques environnementales et climatiques existantes

La politique environnementale et climatique a occupé, au fil des décennies, une place croissante dans l’architecture juridique de l’Union européenne. Elle est aujourd’hui principalement fondée sur les articles 11 et 191 à 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Son architecture repose sur des principes propres au droit de l’environnement, complétée par des orientations plus générales des traités européens.

-         La politique environnementale et climatique repose sur quatre principes spécifiques au droit de l’environnement : le principe de précaution, le principe de prévention, le principe de correction de la pollution à la source et enfin le principe « pollueur-payeur ».

-         Cette politique est par ailleurs complétée par d’autres principes généraux du droit européen, influant sur le droit de l’environnement. Il en va ainsi du principe d’intégration, inscrit à l’article 11 du TFUE et à l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux, qui prévoit la prise en compte de l’environnement dans toutes les politiques de l’Union. De même, le principe d’information et de participation du public est prévu par la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998, approuvée par l’Union Européenne.

En matière environnementale et de protection de la biodiversité au sens large, le champ d’action de l’Union européenne est large et protéiforme : ainsi, les politiques communes ont permis des actions dans le domaine de la gestion des déchets, de la protection de la qualité des eaux, de la protection de la nature et des espèces ou de la lutte contre les polluants atmosphériques. Ainsi, différents textes ont été adoptés par l’Union européenne pour atteindre ces objectifs.

En matière climatique plus spécifiquement, le sujet de la lutte contre le réchauffement climatique a pris de plus en plus d’importance au sein des politiques communes de l’Union européenne. Le premier paquet énergie-climat du Parlement européen et du Conseil a été adopté en 2008 ([10]) et fixe des objectifs pour 2020 : une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport aux niveaux de 1990, faire passer la part des énergies renouvelables à 20 % et améliorer l’efficacité énergétique de 20 %. En 2018, les émissions de gaz à effet de serre avaient été réduites de 23 %, permettant ainsi d’atteindre l’objectif fixé.

Le paquet énergie climat a été révisé en 2014 afin de porter des objectifs plus ambitieux pour l’horizon 2030. Cette révision impose ainsi une baisse des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, une augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale de l’Union européenne à 27 % et une réduction de la consommation énergétique de 27 % par rapport aux scénarios de consommation estimée.

Pour atteindre ses objectifs, l’Union européenne s’est dotée de différents instruments, et notamment du système d’échange de quotas d’émission (SEQE‑UE)  ([11]). Entré en vigueur en 2005, ce système vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre des industries grandes consommatrices d’énergie et des centrales électriques, en leur fixant un plafond total pour le rejet de ces gaz. Cet instrument couvre près de 45 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne et le système s’applique à plus de 11 000 installations fixes. Le SEQE-UE n’est toutefois pas applicable à certains secteurs, comme le transport (pour l’aviation, le SEQE-UE ne couvre que couvre les vols entre aéroports situés dans l’Espace économique européen), l’agriculture, le bâtiment.

Le fonctionnement du SEQE-UE

Le SEQE-UE, ou marché du carbone européen, repose sur un principe de plafonnement et d’échange des droits d’émission. Un plafond est fixé pour limiter le niveau total de gaz à effet de serre pouvant être émis par les installations couvertes par le système : le niveau de ce plafond diminue progressivement, pour faire baisser le niveau total des émissions. Les gaz concernés sont le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et les hydrocarbures perfluorés (PFC). Les entreprises, dans la limite du plafond, reçoivent des quotas d’émission qu’elles peuvent échanger avec d’autres entreprises en fonction de leurs besoins. À la fin de l’année, chaque société doit restituer un nombre suffisant de quotas pour couvrir toutes ses émissions, sous peine d’amende. Une entreprise qui a épuisé ses droits à polluer doit ainsi acheter le nombre de quotas manquants pour couvrir les émissions supplémentaires.

Toutefois, les politiques environnementales et climatiques européennes doivent être renforcées. Le rapport de la Commission d’octobre 2020 sur l’état de conservation de la nature dans l’Union Européenne ([12]) relève que si des progrès ont été accomplis par rapport au niveau de référence de 2010 dans la réalisation des objectifs à l’horizon 2020, ces avancées restent limitées : 81 % des habitats naturels sont considérés comme étant dans un état de conservation insuffisant ou médiocre et 63 % des espèces « d’intérêt communautaire » hors poissons sont dans un état de conservation insuffisant. En matière climatique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre prévue par le paquet climat révisé en 2014 ne permettait pas d’atteindre l’objectif de l’accord de Paris de limitation du réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Face à l’ampleur de ces défis, l’Union Européenne a ainsi prévu un renforcement des objectifs de la politique environnementale et climatique, avec la mise en œuvre du Pacte vert pour l’Europe

B.   La mise en cohérence DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE avec l’évolution des contextes environnementaux et économiques

1.   Le Pacte Vert pour l’Europe propose de renforcer l’ambition du dispositif européen de protection de l’environnement et du climat

Le Pacte Vert pour l’Europe est le programme écologique de la Commission européenne entrée en fonction le 1er décembre 2019. Présenté le 11 décembre 2019, il prévoit d’atteindre la neutralité climatique dans l’Union européenne à l’horizon 2050, et doit être financé à hauteur de 1 000 milliards d’euros sur dix ans. Le Pacte Vert se structure autour d’une proposition de règlement, la « loi européenne sur le climat » et de plusieurs stratégies sectorielles.

a.   La « loi européenne sur le climat », clé de voûte du Pacte vert européen

La Commission européenne a présenté, le 4 mars 2020, une proposition de « loi européenne sur le climat », prenant la forme d’une proposition de règlement, s’inscrivant dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe. Ce texte a pour objectif contraignant et irréversible de rendre l’Union européenne neutre en carbone à l’horizon 2050. Récemment, le Conseil européen du 10 et 11 décembre 2020, a approuvé l’objectif de rehaussement du niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l’horizon 2030, par rapport à leur niveau de 1990 : ce nouvel objectif sera rendu contraignant pour les États-membres par l’adoption de la « loi climat ». La proposition de règlement prévoit également une évaluation des mesures prises au niveau national pour atteindre l’objectif, et un réexamen régulier, tous les cinq ans, de la trajectoire empruntée par l’Union en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Ce texte fait par ailleurs l’objet d’une analyse détaillée dans le rapport d’information de la commission des affaires européennes de janvier 2021 sur l’objectif européen de neutralité climatique à l’horizon 2050, présenté par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Desflesselles ([13]).

Toutefois, l’objectif de réduction de 55 % ne sera pas absolu, ni apprécié à l’échelle de chaque État membre.

Le calcul de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre

La neutralité carbone doit être comprise comme un objectif « net » : doivent ainsi être déduites de la somme des émissions, les captations par les puits de carbone naturels (forêts, océans…), selon la méthodologie mise en œuvre par le GIEC et l’Organisation des Nations Unies. En outre, la neutralité est appréciée à un niveau agrégé, ce qui signifie que la somme des émissions totales émises par tous les pays membres devra être compensée au niveau européen : certains pays devront sans doute aller plus loin que cette neutralité, notamment par le développement de capacités d’absorption nette, là où d’autres États membres demeureront émetteurs nets de gaz à effet de serre.

b.   La déclinaison du Pacte Vert en différentes stratégies

Le Pacte Vert pour l’Europe est une feuille de route pour rendre l’économie de l’Union Européenne durable. Dans ce cadre, la Commission Européenne a publié plusieurs stratégies, qui donnent un cadre et des orientations aux divers domaines d’intervention du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

La Commission, lors de la présentation du Pacte Vert le 11 décembre 2019, a annoncé sa volonté d’agir dans le domaine de l’industrie durable et a publié en mars 2020 une nouvelle stratégie industrielle pour une Europe verte, numérique, compétitive à l’échelle mondiale.

Cette stratégie est fondée sur un plan d’action pour une économie circulaire ([14]) qui poursuit plusieurs objectifs. En premier lieu, le plan prévoit de faire en sorte que les produits durables deviennent la norme dans l’Union : la Commission proposera ainsi un texte législatif sur la politique durable, afin notamment de faciliter leur réparation et leur recyclage. En deuxième lieu, le plan vise donner aux consommateurs les moyens de choisir, avec un accès à des informations sur la durabilité des produits et la création d’un « droit à la réparation ». En troisième lieu, le plan prévoit mettre l’accent sur les secteurs utilisant le plus de ressources et dont le potentiel de contribution à l’économie circulaire est élevé : le secteur du numérique est notamment visé. Enfin, le plan doit permettre la réduction des déchets, avec la mise en place d’un modèle harmonisé pour la collecte sélective des déchets et l’étiquetage. Ce plan devrait se concrétiser par des propositions législatives et révisions de directives entre 2021 et 2023.

Le titre 1er du projet de loi « Consommer », qui a pour objectif de faire évoluer les habitudes de consommation, est donc en lien avec ce plan d’action de la Commission, dont l’objectif est de garantir des cycles de production plus durables et plus respectueux de l’environnement.

 

Le titre 2 du projet de loi qui vise à faire évoluer les modes de production et la façon de travailler en France est également en lien avec plusieurs stratégies de la Commission européenne publiées dans le cadre du Pacte Vert.

Ainsi, le nouveau plan d’actions pour l’économie circulaire susmentionné trouve son application dans le domaine de la production, notamment avec l’objectif d’allongement de la durée de vie des produits. Par ailleurs, la récente stratégie d’adaptation au changement climatique de la Commission, publiée le 24 février 2021 ([15]), prévoit un accompagnement des travailleurs pour une meilleure adaptation aux conséquences d’une transition vers une économie durable, notamment en termes de compétences. Les mesures envisagées doivent dès lors permettre le développement de modes de production soutenables et de techniques de travail durables.

En outre, la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 ([16]) a un lien double avec la question de la production et du travail. D’une part, la Commission prévoit de favoriser le recours à des modes de production plus respectueux des écosystèmes. D’autre part, la stratégie relève que la protection de la biodiversité doit permettre de favoriser la productivité dans trois secteurs clés de l’économie, qui sont fortement tributaires de la nature et des services qu’elle fournit : la construction, l’agriculture et la production alimentaire.

Le Pacte Vert a également prévu une facilitation et un accompagnement de la transition verte dans le domaine des transports.

La stratégie « Mobilité durable » de la Commission ([17]) prévoit de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici 2050. Plusieurs moyens d’action sont prévus, comme l’incitation à utiliser des modes de transport peu émetteurs, la fixation de prix qui reflètent les incidences sur l’environnement (par exemple, la suppression des subventions pour les combustibles fossiles et la réduction des quotas gratuits pour les compagnies aériennes dans le cadre du système d’échange des droits d’émission) et la stimulation de l’offre de carburants de substitution durables.

Le titre 3 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets reprend ainsi des éléments de cette stratégie.

Le Pacte Vert prévoit également une action européenne en matière de logement et d’occupation des sols.

En matière de logement, la stratégie de la Commission européenne « vague de rénovation » a pour objectif de doubler le taux de rénovation des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans l’Union Européenne au cours des dix prochaines années et de s’assurer que les rénovations conduisent à une meilleure efficacité énergétique ([18]). D’ici 2030, 35 millions de bâtiments pourraient être rénovés et jusqu’à 160 000 emplois verts supplémentaires créés dans le domaine de la construction. La stratégie fixe trois priorités : la décarbonation du chauffage et du refroidissement, la lutte contre la pauvreté énergétique et la rénovation des bâtiments publics comme les écoles, les hôpitaux et les bâtiments administratifs. La Commission estime les besoins de financement de cette stratégie à 275 milliards d’euros d’investissement supplémentaires chaque année jusqu’à 2030. Même si la définition des plans nationaux de résilience dépend de chaque État membre, la Commission a indiqué que la rénovation des bâtiments fait partie des investissements finançables et même encouragés dans le cadre du plan de relance européen pour atteindre la cible de 37 % de dépenses en faveur du climat.

La stratégie d’adaptation au changement climatique de la Commission du 24 février 2021 reprend ces grandes orientations en matière de rénovation des bâtiments et prévoit deux grands axes prioritaires : l’amélioration de la performance énergétique et le développement de solutions pour rendre les bâtiments plus résilients au climat.

En matière d’occupation des sols, le plan d’action de la Commission « Vers une ambition zéro pollution pour l’air, l’eau et les sols – Construire une planète plus saine pour des populations plus saines » a fait l’objet d’une consultation publique qui s’est achevée le 10 février 2021. Sa publication est prévue pour le deuxième trimestre 2021 et devrait notamment faire évoluer les positions européennes sur la question de l’artificialisation des sols.

Le titre 4 « Se loger » du projet de loi, qui prévoit une action dans le domaine du logement, de l’habitat et plus généralement de l’occupation de l’espace, s’insère ainsi dans ce cadre européen.

Le Pacte Vert prévoit, en articulation avec la révision de la politique agricole commune (PAC), une évolution du modèle alimentaire et agricole dans un sens plus respectueux de l’environnement.

La stratégie de la Commission européenne « De la ferme à la table » du 20 mai 2020 ([19]) fixe plusieurs objectifs environnementaux, comme la garantie d’une production alimentaire durable, abordable et nutritive dans les limites planétaires, ou la réduction des pertes et du gaspillage alimentaire. Dans ses conclusions du 20 octobre 2020 sur cette stratégie, le Conseil rappelle que « les mesures envisagées dans la stratégie F2F [Farm to fork] devraient contribuer à ce que l’Union parvienne à la neutralité climatique d’ici 2050, à la réalisation des objectifs et cibles en matière de biodiversité, à la préservation des ressources naturelles et du paysage culturel, à la réduction de la vulnérabilité au changement climatique et à une plus grande résilience face à ce phénomène ».

En complément, la stratégie biodiversité de la Commission européenne, publiée le même jour, prévoit également d’accompagner la filière alimentaire vers une incidence environnementale neutre ou positive, tout en préservant les ressources terrestres, marines et d’eau douce. La stratégie prévoit notamment un soutien à l’agriculture biologique, qui devra représenter 25 % de la surface agricole totale de l’Union européenne d’ici 2030.

La concrétisation de ces stratégies pourra se décliner dans la nouvelle PAC, pour la période 2023-2027. Certains outils nouveaux sont ainsi prévus dans ce cadre, avec la conditionnalité plus forte des aides liées aux exigences de respect de l’environnement, de nouveaux « éco-régimes », comme des systèmes de paiement pour promouvoir la protection de l’environnement et du climat.

Le titre 5 du projet de loi sur lequel porte ce rapport pour observations, intitulé « Se nourrir », peut ainsi prendre en compte les orientations européennes autour du modèle agricole et alimentaire.

2.   Les aides économiques du plan de relance conditionnées à des engagements environnementaux

Sur l’impulsion du couple franco-allemand, le plan de relance européen, NextGenerationEU, a été proposé par la Commission européenne le 27 mai 2020 et a fait l’objet d’un accord en Conseil européen le 21 juillet 2020.

NextGenerationEU est un instrument temporaire de relance de 750 milliards d’euros, pour limiter les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie de Covid-19. La facilité pour la reprise et la résilience, qui représente 672,5 milliards d’euros, est le fonds principal de ce plan de relance. Chaque État‑membre, pour en bénéficier, doit élaborer un plan de reprise et de résilience : ces plans doivent contribuer aux quatre dimensions décrites dans la stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable ([20]), parmi lesquelles figure la durabilité environnementale. La Commission européenne évaluera ainsi les plans nationaux au regard de l’objectif fixé d’un minimum de 37 % de dépenses en faveur des investissements et réformes climatiques

De plus, l’ensemble des dépenses de ce fonds devra respecter le principe de « ne pas nuire » : la facilité n’apportera aucun soutien financier aux activités qui ont un impact négatif sur l’environnement. Les États-membres devront ainsi établir une étude d’impact pour chacun de leurs projets, afin de déterminer si cette condition est remplie.  La Commission, lors de son évaluation, ne pourra donner qu’un avis favorable ou défavorable sur les plans de relance nationaux au regard de ces critères, sans possibilité de les amender. Il est donc essentiel que les plans nationaux de résilience respectent les conditions environnementales, pour que les États puissent toucher les fonds.

En outre, le plan NextGenerationEU intervient en parallèle du cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui représente 1 074,3 milliards d’euros et dont 30 % des fonds seront consacrés aux ressources naturelles et à l’environnement dans chaque programme ([21]), soit la part du budget de l’Union la plus élevée jamais enregistrée.

 

 

 

 

 


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   Deuxième partie : Les enjeux de l’articulation entre le projet de loi et la politique européenne climatique et environnementale

I.   Le projet de loi doit permettre la mise en cohérence du droit français avec le cadre européen

A.   La convention citoyenne poUR le climat a émis des propositions liées au cadre européen et reprises dans le projet de loi

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, n’est pas un projet de loi de transposition. Son objectif n’est pas de mettre en conformité le droit français avec le droit de l’Union européenne. Il reprend dans la loi les propositions émises par la Convention Citoyenne pour le Climat ([22]) et permet ainsi de mettre en œuvre 46 des 149 propositions formulées par la Convention.

Les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat peuvent être classées en trois grandes catégories au regard de leur lien avec le droit de l’Union européenne.

La première catégorie de propositions concerne les initiatives qui ne peuvent être mises en œuvre qu’au niveau européen, et n’ont pas vocation à être reprises dans ce projet de loi. Il en va par exemple ainsi de la proposition de mise en place d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union, du verdissement de la politique commerciale et de la politique agricole commune (PAC).

La seconde catégorie concerne les propositions des citoyens, reprises dans le projet de loi et dont l’articulation avec le droit européen doit être précisée. Une trentaine d’articles du projet de loi s’insèrent en effet dans un champ de réglementation défini par le droit de l’Union Européenne. Certaines dispositions ne soulèvent aucune difficulté de cohérence avec les normes européennes : l’article 12 du projet de loi par exemple, qui prévoit la mise en place d’un système de consigne pour le verre, correspond aux objectifs des textes européens en matière de recyclage et de réduction des déchets d’emballage ([23]). À l’inverse, certaines mesures peuvent faire l’objet de remarques quant à leur articulation avec le droit européen, notamment au regard de leur compatibilité avec les règles du marché intérieur : il en va ainsi de l’article 1 sur l’affichage environnemental et de l’article 25 sur l’objectif d’interdiction de la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs en 2030.

Enfin, la troisième catégorie de propositions des citoyens, également reprise dans le projet de loi, concerne les dispositions dont l’utilité serait accrue si elles étaient mises en œuvre au niveau européen, par rapport à une solution purement nationale. Cette catégorie concerne par exemple l’article 30 du projet de loi sur l’objectif de suppression progressive jusqu’en 2030 du remboursement de taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) au secteur du transport routier de marchandises, ou l’article 62 sur la création d’une redevance sur les engrais minéraux.

B.   Le projet de loi trouve un équilibre entre l’atteinte des objectifs européens et la prise en compte des enjeux économiques des différents milieux concernés

Votre rapporteure a fait le choix de concentrer ses observations sur des dispositions qui, en application du droit de l’Union Européenne et des objectifs environnementaux renouvelés par le Pacte Vert, impliquent un changement concret pour les citoyens et les secteurs économiques. Dès lors, l’analyse aborde également l’accompagnement, en particulier européen, des différents acteurs dans la transition écologique et environnementale de leurs secteurs. Les dispositions plus approfondies concernent ainsi les transports, le logement et l’agriculture.

1.   La réduction des émissions polluantes dans le secteur du transport

a.   L’objectif de fin de commercialisation de véhicules neufs très émetteurs en 2030

L’article 25 du projet de loi prévoit l’interdiction de la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs en 2030. Cette disposition doit contribuer à l’atteinte de l’objectif fixé par l’Union Européenne d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Le transport est en effet l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre de la France, à hauteur de 30 % des émissions totales, en augmentation de 13 % depuis 1990. Les émissions liées à la circulation incombent à 56 % aux véhicules particuliers, à 23 % aux poids lourds et à 21 % aux véhicules utilitaires légers ([24]) .

Le projet de loi prévoit ainsi un objectif de fin de vente en 2030 des voitures particulières neuves émettant au moins 95gCO2/km selon la norme NEDC (Nouveau cycle européen de conduite) ou 123gCO2/km selon la norme WLTP (Procédure d’essai mondiale harmonisée pour les véhicules légers). Selon l’étude d’impact, cet objectif concernerait 95 % des ventes annuelles de voitures particulières neuves, afin de prendre en compte les spécificités de certains véhicules.

Cette disposition s’inscrit par ailleurs dans le champ du règlement 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019, qui établit des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves. Ce règlement prévoit ainsi des objectifs de réduction des émissions de CO2 des voitures neuves, de 15 % en 2025 pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers neufs par rapport à leur niveau de 2021. En 2030, les émissions de CO2 devront être réduites de 37,5 % pour les voitures particulières neuves et de 31 % pour les véhicules utilitaires légers neufs.

La mesure permet ainsi de répondre aux orientations européennes sur ce point : la fixation d’un objectif d’interdiction de commercialisation de véhicules neufs émetteurs doit contribuer à la réduction des émissions de CO2 des voitures particulières neuves. Toutefois, si l’objectif d’interdiction de commercialisation de véhicules neufs très émetteurs est fixé à l’horizon 2030, aucune disposition nationale ne reprend l’objectif européen de réduction des émissions de CO2 des voitures particulières à l’horizon 2025.

Votre rapporteure considère que la fixation de l’objectif national d’interdiction de commercialisation des véhicules nets émetteurs à l’horizon 2030 permet au secteur de l’automobile d’anticiper cette interdiction et ses conséquences économiques. Néanmoins, afin de répondre à l’objectif européen de réduction des émissions des voitures particulières de 15 % en 2025 par rapport à leur niveau de 2021, des mesures complémentaires pourraient être envisagées, dans ce projet de loi ou dans un autre texte.

Par ailleurs, dans le cadre du Pacte Vert et à la suite du rehaussement de l’ambition européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, la Commission européenne a annoncé une révision du règlement 2019/631 d’ici juin 2021. Cette révision, qui irait dans le sens d’un renforcement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports, pourrait ainsi conduire à revoir les mesures nationales encadrant ce secteur d’ici 2022.

b.   L’objectif de suppression de l’avantage fiscal sur le gazole routier

L’article 30 du projet de loi fixe un objectif de suppression progressive jusqu’en 2030 du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises. Depuis la loi de finances pour 1999, le code des douanes prévoit en effet le remboursement partiel d’une fraction de la taxe due sur le gazole pour les véhicules lourds de transport routier.

L’article 30 prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement à l’issue de la présidence française de l’Union européenne, proposant une trajectoire permettant d’atteindre la suppression de l’avantage fiscal sur le gazole routier, notamment par l’accélération de la convergence de la fiscalité énergétique au niveau européen.

La fiscalité sur les carburants routiers fait en effet l’objet d’un encadrement européen. La directive sur la taxation de l’énergie ([25]), dite directive DTE, fixe des taux minimaux de taxation pour les produits énergétiques et autorise les États membres à choisir un taux de fiscalité différencié pour les véhicules de transport routier de marchandises de plus de 7,5 tonnes. La Commission a lancé, le 4 mars 2020, une consultation publique sur la révision de la directive DTE, dans le cadre du Pacte Vert. La proposition de la Commission devrait intervenir au deuxième trimestre 2021 ([26]) : l’objectif affiché est notamment de relever progressivement le niveau de fiscalité du gazole routier, de manière harmonisée au niveau européen  pour éviter les distorsions de concurrence.

Votre rapporteure estime que l’article 30 du projet de loi est ainsi conforme à la directive DTE, en respectant les taux minimaux de taxation. De plus, la mesure permet d’anticiper son éventuelle révision.

En outre, l’objectif visé par cette mesure de réduction des rejets de gaz à effet de serre semble compatible avec un soutien économique du secteur routier, en prévoyant une trajectoire progressive de réduction de l’avantage fiscal sur neuf ans, sur la période 2021-2030.

Par ailleurs, l’article 30 du projet de loi prévoit que cette évolution s’accompagne d’une aide à la transition énergétique du secteur du transport routier. Cette disposition, qui permet de préserver la compétitivité économique du secteur, est en cohérence avec le règlement général d’exemption par catégorie du 17 juin 2014 ([27]), qui permet des subventions à l’acquisition de nouveaux véhicules de transport s’ils augmentent le niveau de protection de l’environnement en l’absence de normes européennes. Dès lors, ce règlement autorise les aides à l’achat de véhicules à motorisation alternative, comme les véhicules électriques par exemple, permettant de favoriser l’évolution des entreprises du secteur routier vers des solutions durables.

Ce dispositif s’inscrit par ailleurs en complément d’autres mesures de soutien nationales. La déduction exceptionnelle adressée aux entreprises pour les véhicules lourds utilisant des énergies propres, prévue à l’article 39 decies A du code général des impôts, et la prime à la conversion pour les véhicules propres ([28]) permettent en effet de renforcer l’acceptabilité de la mesure prévue à l’article 30 pour le secteur du transport routier.

c.   La création d’une compensation carbone pour le secteur aérien

L’article 38 du projet de loi rend obligatoire pour les opérateurs aériens la compensation carbone des émissions des vols intérieurs métropolitains et, sur une base volontaire, pour les vols depuis et vers l’Outre-mer. En 2019, les émissions de CO2 pour le transport aérien en France se sont élevées à 23,4 millions de tonnes, dont 4,8 millions de tonnes représentant la part du transport aérien intérieur ([29]).

Il n’existe pas, en droit français, d’obligation de compensation des émissions de l’aviation civile commerciale. Au niveau européen cependant, la directive 2008/101 du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 inclut le secteur de l’aviation dans le système d’échange de quotas d’émission de l’Union Européenne (SEQE-UE) ([30]). Le SEQE-UE s’applique, jusqu’en 2023, aux vols situés entre aéroports situés dans l’Espace économique européen, notamment aux vols domestiques français.

L’article 38 du projet de loi a pour effet de soumettre ces vols intérieurs à une obligation de compensation, distincte du marché européen de quotas. La logique et les effets du dispositif prévu à l’article 38 du projet de loi sont néanmoins différents du SEQE-UE, qui ne prévoit aucune forme de compensation des émissions, mais seulement leur plafonnement et leur réduction.

La disposition paraît compatible avec l’encadrement européen en la matière et, selon l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi ([31]), ne nécessite pas d’être notifiée à la Commission européenne au titre de l’article 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). L’article 193 TFUE prévoit en effet que les mesures de protection renforcée, entrant dans le champ d’une directive européenne prise pour la protection de l’environnement ([32]), doivent être notifiées à l’Union Européenne. La mesure de l’article 38 n’entre pas dans le champ de la directive de 2003, mais prévoit un dispositif dont le contenu et les effets sont parallèles au SEQE‑UE : aucune notification à la Commission n’est donc nécessaire. Le Conseil d’État recommande néanmoins une notification, au regard de la finalité commune de protection de l’environnement du dispositif national et du dispositif européen, même si la conventionalité du dispositif n’est pas remise en cause.

Votre rapporteure estime que la mesure est efficace pour limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’aviation commerciale et doit contribuer à atteindre les objectifs européens en la matière. Si le Conseil d’État relève que la réaction d’une compensation des émissions pourrait pénaliser ce secteur, qui fait face à des difficultés du fait de l’effondrement du trafic aérien, votre rapporteure souligne que des engagements de compensation ont déjà été pris spontanément par certaines compagnies, comme Air France. Le Conseil d’État recommande également d’exclure du mécanisme de compensation toutes les émissions soumises au SEQE-UE. Or, avec la diminution envisagée du nombre de quotas gratuits alloués aux compagnies aériennes, la majeure partie des émissions du secteur aérien feront l’objet d’une tarification au titre du SEQE-UE : si la recommandation du Conseil d’État était suivie, le mécanisme de compensation aurait ainsi un champ d’application limité, qui se réduirait d’année en année.

En ce sens, la recommandation du Conseil d’État, consistant à exclure de l’obligation de compensation les quotas faisant déjà l’objet d’une restitution au titre du SEQEUE, ne doit pas être suivie, selon l’avis de votre rapporteure. Le système SEQE-UE (qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre), et le mécanisme de compensation (qui vise à les compenser ces émissions) sont complémentaires et peuvent être d’application simultanée pour le secteur de l’aviation.

2.   La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement

Les bâtiments sont, selon l’étude d’impact du projet de loi, responsables d’environ 40 % de la consommation d’énergie et de 36 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de l’Union Européenne. Dès lors, pour parvenir aux objectifs européens de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, des mesures spécifiques sont prévues par le projet de loi pour mieux réguler l’impact environnemental du secteur du bâtiment. L’article 41 crée une interdiction du renouvellement d’un bail et d’augmentation du loyer des logements catégorisés F et G. L’article 42 prévoit l’introduction d’un niveau de performance minimal dans les critères de décence d’un logement, à partir de 2025.

Ces dispositions doivent permettre d’atteindre les objectifs européens en matière de performance énergétique des logements, dont le cadre actuel est principalement défini par deux directives. La directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) de 2010 ([33]) prévoit ainsi que chaque État membre doit établir une stratégie à long terme pour soutenir la rénovation du parc national de bâtiments résidentiels et non résidentiels. La directive sur l’efficacité énergétique (DEE) de 2012 ([34]) prévoit un objectif d’efficacité énergétique pour en limiter la consommation : ce texte pose un objectif global de 32,5 % d’économies d’énergie en 2030 par rapport aux projections de 2007.

L’article 42 du projet de loi, en définissant le niveau de performance minimal énergétique d’un logement, répond ainsi aux objectifs de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, et concourt aux objectifs de réduction de la consommation d’énergie dans le secteur du bâtiment. En outre, l’article 41, en interdisant la location des « passoires énergétiques », permet également d’augmenter l’efficacité énergétique du parc du logement et de contribuer à l’atteinte de l’objectif d’économies fixé à l’horizon 2030 par la directive DEE.

Par ailleurs, la stratégie « Vague de rénovation » de la Commission européenne, publiée le 14 octobre 2020, vise à doubler le taux de bâtiments rénovés au cours des dix prochaines années et doit permettre de s’assurer que ces rénovations conduisent à une meilleure efficacité énergétique. Cette stratégie nouvelle fixe ainsi des objectifs ambitieux pour les secteurs du bâtiment et du logement, que le chapitre « Se loger » et en particulier les articles 41 et 42 du projet de loi, doivent permettre d’atteindre.

Votre rapporteure considère donc que les articles 41 et 42 du projet de loi permettent de participer à l’effort d’atteinte des objectifs européens dans le secteur du bâtiment en matière environnementale, mais constituent également des mesures de relance économique et de justice sociale. En effet, les dispositifs des articles précités doivent encourager les propriétaires à engager des travaux de rénovation de leurs biens immobiliers, participant ainsi à l’effort de relance économique dans le secteur du bâtiment. En outre, ces mesures doivent permettre de lutter contre la précarité énergétique dans les logements, facilitant dès lors leur acceptabilité sociale.

Afin de renforcer les obligations de rénovation et de les étendre aux propriétaires occupants, le rapport remis par le Gouvernement par Olivier Sichel le 17 mars 2021([35]) propose ainsi un accompagnement généralisé et obligatoire des propriétaires pour le lancement de travaux de rénovation performante. Cet accompagnement serait facilité par la création un interlocuteur unique, « mon accompagnateur rénov », qui aurait pour mission de sécuriser le parcours de rénovation. En contrepartie, le rapport propose que l’État subventionne le coût de l’accompagnement, en favorisant les ménages très modestes, modes tes et précaires. Au total, la dépense consacrée à la rénovation énergétique serait ainsi portée à 5,8 milliards d’euros annuels.

Votre rapporteure recommande ainsi de suivre les orientations de ce rapport, et la création d’un accompagnement généralisé et obligatoire des propriétaires pour le lancement de travaux de rénovation performante, afin d’atteindre les objectifs de la stratégie européenne « Vague de rénovations ». Cet accompagnement, qui concerne les propriétaires de logements, est complémentaire de la mesure d’interdiction de location des passoires thermiques prévue par le projet de loi.

3.   La réduction des émissions polluantes dans le secteur de l’agriculture

L’article 62 du projet de loi prévoit la création d’une redevance sur les engrais azotés minéraux, afin d’atteindre l’objectif de réduction de 13 % des émissions d’ammoniac en 2030 par rapport à 2005 et l’objectif de réduction de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015. L’article 63 prévoit qu’un décret définit une trajectoire annuelle de réduction de ces émissions.

L’ammoniac est en effet un composé chimique émis par les engrais azotés, et son dégagement excessif peut conduire à l’acidification des milieux et à une dégradation de la qualité de l’air. Aujourd’hui l’ammoniac est un polluant presque exclusivement d’origine agricole : 93 % des 592 kilotonnes d’émissions nationales d’ammoniac en 2018 sont issues de source agricole ([36]). Les émissions de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre, sont également dues à 88 % à l’agriculture en 2018.

La directive NEC (National Emission Ceilings) de 2016 ([37]) fixe des objectifs de réduction des émissions, en particulier d’ammoniac, à atteindre dès 2020 et renforcés pour 2030. La France a prévu pour la transposition de cette directive une réduction de 4 % des émissions d’ammoniac en 2020 et de 13 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2005. Ainsi, en 2020, la France doit atteindre le seuil de 582 kilotonnes d’ammoniac rejeté. Actuellement, selon l’étude d’impact du projet de loi, ces émissions ne sont pas sur la trajectoire pour respecter les objectifs de 2020, avec seulement une diminution de 2 % en 2018 par rapport à leur niveau de 2005.

Le cadre européen a, par ailleurs, été complété récemment par les stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité », publiées par la Commission européenne le 20 mai 2020. Ces stratégies fixent pour objectif de réduire de 50 % les pertes dans l’environnement induites par les apports de fertilisants en excès.

La création d’une redevance sur les engrais minéraux azotés, qui sont à l’origine des émissions d’ammoniac, doit ainsi permettre à la France d’atteindre ses engagements européens, afin de désinciter les agriculteurs à leur utilisation. Toutefois, la mesure s’inscrit dans un équilibre avec les enjeux économiques du secteur agricole, puisque la création de la redevance tient à une double condition : d’une part les objectifs annuels de réduction de ces émissions fixés par le décret prévu à l’article 63 ne doivent pas être atteints pendant deux années consécutives et d’autre part l’Union Européenne ne doit pas avoir adopté de dispositions équivalentes. Ainsi, dans l’hypothèse privilégiée d’une solution européenne, la compétitivité du secteur agricole français par rapport aux autres États membres serait préservée.

En outre, pour faciliter l’acceptabilité de la mesure, les agriculteurs peuvent bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC). En effet, les conclusions du Conseil Agriculture d’octobre 2020, prévoient la création du système des éco-régimes, au sein du premier pilier de la PAC (qui prévoit le soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles) : ce dispositif est un complément de revenu pour les agriculteurs qui choisissent d’avoir recours à des pratiques favorables à l’environnement et représentera une part importante des paiements directs. Les discussions sont actuellement en cours entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission, et devraient être finalisées avant la fin de la présidence portugaise de l’Union, soit en juin 2021. La Commission a annoncé sa volonté d’examiner les plans stratégiques nationaux, qui interviendront en déclinaison de la PAC dans chaque État membre, au regard des objectifs du Green Deal, notamment en matière d’apports en nutriments (et donc en engrais).

Le système d’éco-régime pourra ainsi être utilisé pour accompagner les agriculteurs dans l’objectif de diminution d’utilisation des engrais azotés. Votre rapporteure souligne l’importance de ce financement pour renforcer l’acceptabilité de la mesure.

II.   Quelques points de vigilance peuvent être relevés concernant la compatibilité entre le projet de loi et le cadre européen en pleine évolution

A.   Le projet de loi prévoit des mesures qui devront être notifiées à la Commission européenne, afin d’évaluer leur compatibilité avec le marché intérieur

1.   L’articulation des dispositions du projet de loi avec la libre circulation des marchandises

L’article 28 du TFUE prévoit la libre circulation des marchandises dans l’Union Européenne. Ainsi, les droits de douane, les taxes d’effet équivalent à un droit de douane (article 30 du TFUE), ainsi que l’adoption de restrictions quantitatives à l’importation et de toute mesure d’effet équivalent (articles 34 et 35 du TFUE) sont interdits.

Le marché intérieur repose ainsi, en matière de marchandises, sur le principe de la reconnaissance mutuelle : un État membre ne peut pas restreindre l’accès au marché à un produit légalement commercialisé dans un autre État membre, au seul motif que le produit n’est pas conforme aux normes techniques imposées sur le territoire. Par exception, cette restriction est possible, selon des conditions prévues par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) : la mesure doit d’une part poursuivre un but d’intérêt général et doit d’autre part être nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi. Plusieurs dispositions du projet de loi peuvent ainsi faire l’objet d’observations au regard de leur articulation avec la libre circulation des marchandises.

a.   L’affichage environnemental

L’article 1er du projet de loi prévoit un affichage environnemental obligatoire, non seulement pour informer les consommateurs sur les impacts environnementaux des produits ou services qu’ils consomment mais aussi pour inciter les fabricants et distributeurs à valoriser leurs démarches d’écoconception. Un tel dispositif est déjà prévu par l’article 15 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais sur une base volontaire. Le présent article vise ainsi à systématiser l’affichage environnemental en le rendant obligatoire.

Cet affichage pourrait cependant constituer une mesure d’effet équivalent à une restriction aux importations, en imposant une norme technique supplémentaire aux produits qui seront commercialisés sur le sol français. En ce sens, le dispositif devrait être notifié à la Commission européenne.

b.   L’obligation de mise à disposition de pièces détachées

L’article 13 du projet de loi prévoit d’obliger les producteurs à mettre à disposition des pièces détachées permettant la réparation de matériel dans plusieurs domaines (outils de bricolage, bicyclettes, engins de déplacement personnels motorisés…). Cette obligation existe déjà dans certains secteurs ([38]), notamment pour l’équipement électroménager ou informatique.

Toutefois, la création de cette nouvelle obligation, qui incomberait aux producteurs, constitue une règle technique nationale applicable aux marchandises. L’exigence de mise à disposition de pièces détachées pour certains produits pourrait ainsi créer un obstacle à la libre circulation des marchandises.

L’article 5 de la directive de 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques([39]) , impose à tout État membre de communiquer immédiatement à la Commission tout projet de règle technique et suspendre son application pour une période de trois mois. Lorsque le projet de règle technique vise la limitation de commercialisation pour des motifs de protection des consommateurs ou de l’environnement, les États membres communiquent également les données pertinentes au regard de ces enjeux. La mesure prévue à l’article 13 du projet de loi devra donc être notifiée à la Commission européenne qui peut émettre un avis circonstancié, comme tous les autres États membres. Cet avis a pour effet de prolonger la période de statu quo de trois mois et d’obliger l’État concerné à expliquer les mesures qu’il entend prendre en réponse de l’avis circonstancié.

Néanmoins, sa compatibilité avec le marché intérieur pourrait être validée par la Commission. D’une part, la mesure est justifiée par un motif d’intérêt général (la promotion de l’économie circulaire) et, selon la jurisprudence de la Cour de Justice, semble nécessaire, adaptée et proportionnée au but poursuivi : l’obligation de mise à disposition ne concerne que certains domaines. D’autre part, les orientations politiques et législatives prises par les institutions européennes semblent aller dans le même sens que le dispositif prévu à l’article 12. Ainsi, des règlements d’exécution ([40]) de la directive sur l’écoconception du 21 octobre 2009 ([41]), applicables à partir du 1er mars 2021, prévoient notamment une durée de disponibilité minimale de pièces détachées pour certains appareils, notamment électroménagers.

Si la mesure devait ainsi être notifiée, la Commission pourrait la considérer compatible avec le marché intérieur.

c.   L’interdiction de commercialisation des véhicules neufs émetteurs

L’article 25 du projet de loi fixe un objectif d’interdiction de commercialisation des véhicules neufs très émetteurs en 2030.

La proposition initiale de la Convention citoyenne pour le climat prévoyait une interdiction de commercialisation des véhicules neufs émettant au-delà d’un certain seuil de gaz à effet de serre. Toutefois, cette mesure était contraire au droit de l’Union Européenne qui ne permet pas aux États membres d’interdire sur leur territoire, la vente d’un véhicule ayant fait l’objet d’une réception communautaire. Le règlement 2018/858 du 30 mai 2018 ([42])  prévoit ainsi cette interdiction et fixe des lignes directrices harmonisées pour la réception des véhicules.

Le projet de loi, tout en reprenant l’ambition de la mesure, transforme l’interdiction stricte en un objectif d’interdiction à l’horizon 2030. En procédant à cette modification, la disposition est ainsi rendue compatible avec les règles du marché intérieur en matière de marchandises et notamment avec les dispositions du règlement 2018/858 du 30 mai 2018. Douze Etats de l’Union Européenne ont en effet intégré dans des documents officiels une date de fin de vente des voitures thermiques neuves. En France, un objectif de fin de vente des voitures particulières et véhicules utilitaires légers neufs utilisant des énergies fossiles à l’horizon 2050 est déjà inscrit à l’article 73 de la loi d’orientation des mobilités[43]. L’article 25 prévoit de compléter cet article dans ce même esprit, avec un objectif intermédiaire à l’horizon 2030. Au regard de ce précédent, le risque de non-conformité au droit de l’Union européenne est levé par la rédaction proposée.

2.   L’articulation des dispositions avec les règles du marché intérieur en matière de services

a.   L’interdiction de publicité pour les énergies fossiles

L’article 4 du projet de loi prévoit une interdiction de publicité pour les énergies fossiles. Or, l’article 56 du TFUE prévoit la libre prestation de services au sein du marché intérieur. La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt du 4 mai 2017([44]) a interprété cet article comme s’opposant à une législation nationale qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations, en l’espèce, de soins buccaux et dentaires.

Dès lors, le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([45]) souligne que la mesure prévue à l’article 4 encourt un risque d’inconventionnalité. Le droit des professionnels à faire de la publicité des biens et services qu’ils proposent peut en effet faire l’objet de restrictions, à condition que ces mesures soient justifiées par un objectif d’intérêt général et qu’elles soient adaptées à l’objectif. Or le Conseil d’État considère la mesure d’application large et générale : aucune précision n’est donnée sur son périmètre ni sur ses effets, rendant ainsi le dispositif disproportionné par rapport aux objectifs poursuivis.

Votre rapporteure souligne ainsi l’importance de l’amendement ([46]) adopté par la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi, qui vise à préciser le champ d’application de l’interdiction de publicité pour les énergies fossiles. Cet amendement doit permettre de garantir la compatibilité de l’article avec les règles du marché intérieur européen.

b.   La limitation du trafic aérien sur les vols intérieurs

L’article 36 du projet de loi prévoit la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs, là où il existe une alternative bas carbone en moins de 2 heures 30.

Au niveau européen, le règlement du 24 septembre 2008 ([47]) établit des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans les États membres. Ainsi, l’article 15 de ce règlement, prévoit que « Les États membres ne soumettent l’exploitation de services aériens intracommunautaires par un transporteur aérien communautaire à aucun permis ou autorisation ».

Toutefois, l’article 20 du règlement permet de déroger à ce principe de libre desserte, en cas de problèmes graves en matière d’environnement. Dans ce cas, l’État membre « peut limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres moyens de transport fournissent un service satisfaisant ». L’État doit alors informer les autres États membres et la Commission, en fournissant une justification à ces mesures, dont la nécessité est ensuite réévaluée tous les trois ans.

Le Gouvernement prévoit donc de notifier la mesure à la Commission européenne, en particulier à la direction générale de la mobilité et des transports (DG MOVE), trois mois avant la mise en œuvre de la loi. Tout État membre ou la Commission pourront objecter à cette dérogation pendant trois mois.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi ([48]), relève que l’article 20 du règlement n’a jamais reçu d’application. De plus, cette dérogation paraît être conçue pour répondre au besoin des États de faire face à des problèmes d’environnement présentant un caractère local et temporaire. Or la mesure prévue à l’article 36 du projet de loi présente un caractère national et durable, pour faire face aux défis posés par le réchauffement climatique. Le Conseil d’État relève toutefois que le renforcement de l’ambition climatique des politiques européennes, avec la présentation du Pacte Vert en décembre 2019 et sa concrétisation au cours des mois à venir, pourrait conduire la Commission européenne à accepter cette dérogation.

L’avis estime également nécessaire de préciser, lors de la notification à la Commission européenne, que la mesure fera l’objet d’une évolution au terme d’une période de trois ans, afin de rappeler le caractère temporaire de la dérogation. En outre, le Conseil d’État recommande d’indiquer que les dispositions entreront en vigueur le dernier dimanche d’octobre de l’année qui suit la promulgation de la loi, compte tenu des exigences de notification préalables.

Les recommandations du Conseil d’État doivent être suivies, afin de garantir la conformité de l’article 36 du projet de loi avec le droit de l’Union européenne.

B.   Le projet de loi intervient dans un cadre européen en pleine évolution, dont l’ensemble des objectifs et indicateurs N’est pas encore connu

Du fait de la présentation du Pacte Vert par la Commission européenne, plusieurs textes européens seront adoptés ou révisés dans les prochains mois, afin de renforcer l’ambition climatique européenne.

1.   Les enjeux de l’adoption de la « loi climat »

La proposition de règlement dite « loi européenne sur le climat », qui prévoit de rehausser l’objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l’horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990, doit encore faire l’objet d’un accord politique entre le Parlement européen et le Conseil. Le Conseil européen a validé le nouvel objectif de 55 % lors de sa réunion du 10 et 11 décembre 2020.

En lien avec cet objectif, plusieurs instruments devraient faire l’objet d’une révision. D’une part, le marché européen des quotas de carbone (SEQE-UE) va être revu : le 16 novembre 2020, la Commission a lancé une nouvelle consultation en vue de la révision de la directive dite ETS([49]), notamment pour diminuer l’allocation gratuite de quotas. La question de l’élargissement du marché du carbone à de nouveaux secteurs, comme le transport routier, est également à l’étude.

D’autre part, le « règlement européen sur la répartition de l’effort » ([50]), qui fixe des objectifs contraignants de réduction d’émission pour les États membres de l’Union européenne non couverts par le SEQE-UE (notamment le transport en dehors des vols entre aéroports situés dans l’Espace économique européen, les bâtiments, l’agriculture et la gestion des déchets), fera également l’objet d’une proposition de révision par la Commission. Cette révision permettra de définir les objectifs nationaux pour chacun de ces secteurs représentant 60 % des émissions totales de l’Union européenne.

Selon les paramètres définis dans ces différents textes, le niveau des efforts demandés aux différents États membres pourrait ainsi significativement varier. Les propositions législatives pour la révision du règlement sur le marché européen des quotas de carbone et pour le règlement « sur la répartition de l’effort » devraient être publiées par la Commission européenne en juin 2021.

2.   L’évolution des réglementations sectorielles

En parallèle, plusieurs dispositions du projet de loi s’inscrivent ainsi dans des législations sectorielles en pleine évolution. Même si ce n’est pas un texte de transposition, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, doit s’inscrire dans le respect du cadre européen. Or, du fait de ces évolutions sectorielles, l’étude de la cohérence du texte avec les dispositions européennes est rendue plus difficile, ce qui pourrait conduire à des ajustements législatifs et réglementaires futurs. Cette difficulté d’ajustement entre l’échelon national et l’échelon européen s’explique par les différences de calendrier et de temporalité entre le processus législatif français et le processus de négociations de l’Union européenne.

a.   L’affichage environnemental

L’article 1 du projet de loi prévoit ainsi la création d’un dispositif pour améliorer l’information du consommateur sur l’empreinte carbone des produits. Cet affichage sera rendu obligatoire, selon les catégories de biens ou services déterminés, après expérimentation.

En parallèle de cette initiative nationale, la Commission a lancé le 11 mars 2020 un nouveau plan d’action pour l’économie circulaire. Ce document prévoit d’une part d’améliorer l’information environnementale sur les produits, non seulement sur l’empreinte carbone, mais aussi sur la durée de vie ou sur la disponibilité de services de réparation. D’autre part, le nouveau plan d’action propose que les entreprises étayent leurs allégations environnementales, en les obligeant à se justifier selon une méthodologie harmonisée entre les États membres.

Les paramètres qui seront choisis, notamment par un renvoi de l’article premier du projet de loi au décret, devront ainsi s’articuler avec la solution mise en œuvre au niveau européen. Une attention particulière sera ainsi portée aux informations qui seront reprises dans le cadre européen de l’affichage environnemental : alors que le projet de loi ne prévoit à l’heure actuelle qu’une information concernant l’empreinte carbone des produits et services, la volonté de la Commission est de garantir une information plus globale du consommateur sur leur impact environnemental.

Votre rapporteure recommande ainsi de travailler en lien avec l’Union Européenne pour la création de normes en matière d’affichage environnemental. Ces normes pourraient ainsi être défendues par la France dans les négociations européennes pour la mise en œuvre du nouveau plan d’action sur l’économie circulaire.

b.   Les normes de régulation des émissions des véhicules

L’article 25 du projet de loi sur l’objectif d’interdiction de commercialisation de véhicules neufs très émetteurs, intervient dans le domaine du règlement du 17 avril 2019 qui établit des normes de performance pour les voitures particulières neuves ([51]). Ce texte fixe un objectif de réduction des émissions de CO2 des voitures neuves et des utilitaires légers de 15 % en 2025 pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers neufs par rapport à leur niveau de 2021. Dans la version actuelle du règlement, à l’horizon 2030, les émissions de CO2 devront être réduites de 37,5 % pour les voitures particulières neuves et de 31 % pour les véhicules utilitaires légers neufs. Le règlement repose sur une logique de flotte par constructeur et fixe ainsi un objectif de moyenne d’émissions au niveau de l’ensemble des voitures particulières ou des utilitaires légers commercialisés par chaque constructeur. La Commission a prévu de publier en juin 2021 une proposition de réexamen de ce règlement dans le cadre du Pacte vert, pour définir une trajectoire claire et plus ambitieuse vers une mobilité à émission nulle.

Le règlement Euro6 ([52]), qui prévoit les normes techniques des véhicules, fixe également des limites en matière d’émissions polluantes au sens large (soufre, plomb, gaz à effet de serre…). Ce règlement devrait également être révisé, avec un passage à une norme dite Euro7 pour laquelle une proposition de la Commission est prévue pour le dernier trimestre 2021.

Les révisions de ces deux règlements devraient ainsi conduire au niveau national et européen, à une obligation d’intensification de l’effort de réduction des émissions de gaz polluants dans le secteur de l’automobile.

c.   Taxation du gazole routier

L’article 30 du projet de loi prévoit l’objectif de suppression progressive jusqu’en 2030 du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises.

Cet article intervient dans le champ de réglementation européen prévu par la directive DTE ([53]). Or, cette directive qui fixe des taux minimaux de taxation pour les produits énergétiques dont les carburants, doit faire l’objet d’une proposition de révision de la Commission au second trimestre 2021. La directive intervenant dans le champ de la fiscalité, l’unanimité est néanmoins requise au Conseil pour parvenir à la révision.

Une autre piste de réforme de la taxation du gazole routier est de créer un marché carbone du transport. Cette proposition est notamment soutenue par l’Allemagne et fait l’objet d’une étude par la Commission européenne, même si aucun calendrier officiel n’a pour l’instant été communiqué.

d.   L’artificialisation des sols

Les articles 47 à 50 du projet de loi concernent l’artificialisation des sols. L’article 47 en particulier inscrit dans la loi l’objectif programmatique de réduction par deux du rythme d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années et l’article 48 fixe comme objectif général de tendre vers l’objectif « Zéro artificialisation des sols ».

Au niveau européen, dès sa « feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » de 2011 ([54]), la Commission a prévu un objectif de suppression de toute augmentation nette de la surface des terres occupées.

Plus récemment, la stratégie biodiversité « Ramener la nature dans nos vies » du 20 mai 2020 prévoit deux initiatives en matière de protection des sols. D’une part, la stratégie pour la protection des sols de l’Union européenne qui date de 2006, va être révisée : la Commission a lancé le 2 février 2021 une consultation publique en ligne sur l’élaboration de cette nouvelle stratégie européenne. L’objectif énoncé par le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, M. Virginijus Sinkevičius, est de « doter l’Union européenne d’une politique des sols solide qui nous permette d’atteindre nos objectifs en matière de climat, de biodiversité et de sécurité alimentaire ». D’autre part, le plan d’action « Vers une ambition zéro pollution pour l’air, l’eau et les sols – construire une planète plus saine pour des populations plus saines » a fait l’objet d’une consultation publique ouverte de la Commission jusqu’au 10 février 2021. Sa publication par la Commission est prévue pour le deuxième trimestre 2021.

Le contenu définitif de ces deux initiatives devrait conduire à des évolutions des textes européens, et ainsi nécessiter un ajustement des textes législatifs et réglementaires français.

 


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   TROISIÈME PARTIE :
LE PROJET DE LOI CONTRIBUE À L’ATTEINTE DES OBJECTIFS CLIMATIQUES ET APPELLE LA FRANCE À JOUER UN RÔLE MOTEUR DANS LA DÉFINITION DES PRIORITÉS EUROPÉENNES

I.   Le projet de loi contribue à l’atteinte des objectifs européens de la France

A.   Un projet de loi qui PREND les mêmes orientations que la politique climatique et environnementale EUROPÉENNE

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, prend des positions ambitieuses en matière environnementale et climatique. Les dispositions vont en effet dans le même sens que les différentes stratégies du Pacte Vert pour l’Europe, et doivent contribuer à l’atteinte des objectifs européens de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport à 1990, puis de neutralité climatique à l’horizon 2050. En outre, certaines dispositions doivent permettre de favoriser la protection de la biodiversité et des milieux naturels, en favorisant l’atteinte des objectifs définis par la Commission dans ses différentes stratégies : par exemple les articles 67 et suivants qui prévoient la création de délits de pollution des eaux, du sol et de l’air et de peines complémentaires pour les personnes morales. Le projet de loi et les politiques européennes, renforcées avec le Pacte Vert, vont dans le même sens et visent les mêmes objectifs.

Le projet de loi est également ambitieux par le nombre de secteurs dans lesquels il prévoit une action climatique et environnementale : la consommation (titre 1er), la production et du travail (titre 2), les déplacements (titre 3), le logement (titre 4), l’alimentation (titre 5) et la protection de la nature (titre 6).

La France, à travers ce projet de loi, procède même à une anticipation de la politique environnementale de l’Union Européenne. Il en va ainsi de l’article 1er sur l’affichage environnemental qui devrait également être institué au niveau européen dans le cadre du plan d’action sur l’économie circulaire ([55]), ou de l’article 25 avec la réduction de l’avantage de TICPE sur le gazole routier qui pourrait être repris dans la révision de la directive sur la taxation de l’énergie (DTE) ([56]).

Ce projet de loi permet donc à la France de s’affirmer comme l’un des États les plus actifs en matière environnementale et climatique au sein de l’Union européenne.

B.   Le projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large et ambitieuse pour atteindre les engagements européens de la France en matière climatique

1.   Le Haut Conseil pour le Climat juge le projet de loi insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques de la France

L’avis du Haut Conseil pour le climat sur le projet de loi ([57]) relève que ses dispositions pourraient se révéler insuffisantes, à elles seules, pour atteindre l’objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre à l’horizon 2030. La Convention Citoyenne pour le Climat a en effet travaillé sur la base d’un objectif de 40 %, qui a été rehaussé en décembre 2020 par le Conseil européen.

La première recommandation concerne ainsi le calendrier de mise en œuvre des mesures afin de tenir le rythme de baisse des émissions attendu à partir de 2024. À titre d’exemple, l’avis énonce que le délai de deux ans prévu à l’article 62 avant de prévoir la création d’une redevance sur les engrais azotés est trop long.

L’avis relève également que le périmètre des mesures est parfois trop réduit pour permettre d’atteindre les objectifs climatiques de la France. L’article 36 qui prévoit la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs là où il existe une alternative bas carbone en moins de 2 heures 30, ne porte que sur 8 liaisons qui ne représentaient en 2019 que 10% du trafic de passagers métropolitains. De même, en matière de logement, à propos de l’article 41 qui prévoit l’interdiction d’augmentation de loyer pour les passoires thermiques, le Haut Conseil pour le Climat relève qu’aucun dispositif n’est prévu pour les propriétaires occupants qui représentaient 58 % des occupants des logements à faible performance énergétique en 2018. Plus globalement, l’avis estime que l’action est insuffisante dans le secteur du bâtiment, alors même que ce secteur est le troisième plus émetteur de gaz à effet de serre.

Ces critiques doivent toutefois être nuancées : ce projet de loi s’inscrit dans un équilibre, entre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la nécessaire prise en compte des effets économiques des mesures. L’enjeu de l’acceptabilité des mesures par les différents acteurs concernés est en effet essentiel.

A l’image des travaux du Haut Conseil pour le Climat, l’évaluation des normes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit par ailleurs être poursuivie. Ainsi, le rapport d’information de la commission des affaires européennes de janvier 2021 sur l’objectif européen de neutralité climatique à l’horizon 2050([58]) soutient la proposition de la commission ENVI du Parlement européen d’instaurer un « panel européen sur le changement climatique ». Cette instance serait un groupe consultatif indépendant composé de scientifiques ayant une expertise sur le changement climatique et serait chargé de l’évaluation et de la formulation de recommandations, sur le modèle du Haut Conseil pour le Climat. Dans son rôle d’évaluation, la Commission européenne pourrait ainsi s’appuyer sur le rapport de ce nouveau panel, tout en tenant compte des réalités économiques et politiques, afin d’objectiver et de quantifier la participation des États membres aux objectifs européens.

Votre rapporteure recommande ainsi, à la suite des rapports précédents, la création d’un panel européen sur le changement climatique. Ce panel permettrait d’éclairer les travaux de la Commission européenne dans un but d’évaluation, d’objectivation et de quantification de la participation des États membres aux objectifs européens.

2.   L’objectif de diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre sera probablement réduit pour la France

L’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à leur niveau de 1990 est en effet un objectif qui prend en compte l’absorption des émissions par les puits de carbone et qui est exprimé de façon globale pour l’ensemble des États membres de l’Union Européenne.

D’une part, une partie des émissions de gaz à effet de serre est absorbée naturellement par les puits de carbone, soit principalement les forêts et les océans. L’objectif de diminution de 55 % retenu par le Conseil européen est un objectif net (contrairement à l’objectif de 40 % précédent) qui prend en compte ce phénomène, selon la méthodologie définie par le GIEC ([59]). L’objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre, en prenant en compte cette absorption, ne serait ainsi que de 53 %.

D’autre part, la répartition de la diminution entre les secteurs couverts par le marché de quota de carbone et les secteurs non couverts n’est pas encore déterminée. En effet, la concrétisation de l’objectif de –55 % passe par la révision de plusieurs textes européens : la Commission devrait publier ses propositions dans un paquet climat en juin 2021. La Commission va ainsi proposer la révision de deux outils distincts :

-         Une directive de 2003 ([60]) sur le marché européen du carbone (SEQE-UE) qui couvre notamment les secteurs de la production d’électricité, des réseaux de chaleur, de l’acier, du ciment, du raffinage, du verre, du papier. L’ensemble des secteurs couverts par ce marché représente 40 % des émissions européennes.

-         Un règlement de 2018 « de répartition de l’effort » ([61]) qui fixe des objectifs contraignants de réduction d’émissions dans les secteurs non couverts par le SEQE‑UE, soit les bâtiments, l’agriculture, les transports et la gestion des déchets. L’ensemble des secteurs couverts par ce règlement représente 60 % des émissions totales européennes.

Or, pour atteindre la cible de 55 %, des objectifs différenciés peuvent être attribués à chacune de ces grandes catégories. La tendance serait d’affecter un objectif de réduction plus élevé aux secteurs couverts par le SEQE-UE qu’aux secteurs non couverts, ce qui devrait contribuer à réduire l’objectif de diminution spécifique de la France. Selon les arbitrages finaux (notamment en matière agricole) retenus par la Commission, puis votés par le Parlement européen et le Conseil, l’objectif fixé à la France pourrait être sensiblement plus faible que la cible affichée de –55 %.

Au regard de ces éléments, le projet de loi paraît pouvoir contribuer, de façon importante et ambitieuse, aux objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

3.   Le projet de loi s’insère dans une stratégie environnementale et climatique plus globale au niveau national pour atteindre les objectifs européens

Le projet de loi, qui vise à mettre en œuvre les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, n’est qu’un levier dans la stratégie environnementale et climatique du Gouvernement.

Ainsi, pour la mise en œuvre des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, le Gouvernement a fait le choix de recourir à différents instruments. Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, met ainsi en œuvre 46 des 149 propositions des citoyens. Le plan de relance prévoit de mettre en œuvre 39 de ces propositions, comme la réduction de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 %. La loi de finances doit également reprendre certaines des propositions, comme le renforcement du malus sur les véhicules polluants ([62]).

En outre, d’autres textes de loi sont identifiés comme des leviers de mise en œuvre des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat et, plus globalement, de la politique environnementale et climatique. Il en va ainsi de la loi antigaspillage pour une économie circulaire ([63]) ou de la loi sur l’orientation des mobilités (LOM) ([64]).

Source : Ministère de la transition écologique

Dès lors, dans le cadre de l’évaluation de l’effort de la France pour atteindre ses objectifs européens, le projet de loi doit être lu en parallèle des différentes lois et du plan de relance. En ce sens, la politique environnementale et climatique du Gouvernement paraît ambitieuse et se donne les moyens d’atteindre les nouveaux objectifs européens, réévalués dans le cadre du pacte Vert. Néanmoins, des mesures supplémentaires devront sûrement être prises, au niveau législatif et réglementaire, pour permettre une mise en conformité avec les évolutions à venir, du fait de la concrétisation des différentes stratégies de la Commission européenne.


Il faut dès lors souligner l’ambition du projet de loi, qui doit permettre de contribuer à l’atteinte des objectifs européens fixés par le Pacte Vert. Votre rapporteure recommande néanmoins, après le vote de ce projet de loi par le Parlement, d’attendre l’adoption définitive des textes européens et de définir les objectifs nationaux en fonction du cadre ainsi tracé, afin d’éviter un changement trop fréquent de normes qui pourrait induire une confusion pour les acteurs économiques.

II.   Le projet de loi permet de renforcer les positions de la France sur la scène européenne en matière climatique et environnementale

A.   Le projet de loi renvoie au rôle de la France dans les négociations européennes

1.   Plusieurs dispositions prévoient une action prioritaire au niveau européen

Le projet de loi prévoit trois mesures, dont l’efficacité serait renforcée si elles intervenaient au niveau européen.

L’article 30 sur l’objectif de suppression progressive jusqu’en 2030 du remboursement de TICPE applicable au secteur du transport routier de marchandises prévoit, dans son paragraphe 2 que « À l’issue de la présidence française de l’Union européenne en 2022, le Gouvernement présente au Parlement un rapport proposant une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif […], notamment par l’accélération de la convergence de la fiscalité énergétique au niveau européen […] ». Le projet de loi incite ainsi à mettre en place les objectifs de renforcement de la fiscalité sur le gazole au niveau européen, afin de renforcer l’efficacité de l’action environnementale. La France soutient ainsi la révision de la directive sur la taxation de l’énergie (DTE) ([65]).

L’article 35 sur la trajectoire d’évolution du tarif de la taxe de solidarité sur les billets d’avion prévoit également une action en priorité au niveau européen et, seulement à défaut, une mesure nationale. Le premier paragraphe de l’article prévoit qu’« afin de contribuer efficacement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’État se fixe pour objectif que le transport aérien s’acquitte d’un prix du carbone suffisant à partir de 2025, au moins équivalent au prix moyen constaté sur le marché du carbone pertinent, en privilégiant la mise en place d’un dispositif européen ». Ainsi, un rapport du Gouvernement est remis au Parlement dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, étudiant les mesures nationales susceptibles d’être mises en place à défaut d’un dispositif européen. Le projet de loi prévoit ainsi une action prioritaire au niveau de l’Union et renvoie aux négociations européennes, en particulier de la directive incluant les activités aériennes dans le SEQE-UE ([66]).

Les articles 62 et 63 visent la création d’une redevance sur les engrais minéraux pour atteindre l’objectif de réduction de 13 % des émissions d’ammoniac en 2030 par rapport à 2005 et l’objectif de réduction de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015. Ces articles prévoient qu’une mesure nationale n’entrera en vigueur qu’à deux conditions cumulatives : d’une part, les objectifs annuels de réduction des émissions ne doivent pas avoir été atteints pendant deux années consécutives et d’autre part, l’Union Européenne ne doit pas avoir adopté de dispositions équivalentes. Dès lors, l’action à l’échelon européen est là aussi jugée prioritaire et le projet de loi incite les autorités nationales à mettre à l’agenda des négociations la révision de la directive sur la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques ([67]).

2.   La création de dispositifs européens doit permettre de répondre à un double objectif

La négociation d’une solution européenne sur ces différents points doit permettre d’atteindre un objectif environnemental et un objectif de compétitivité économique.

D’une part, l’inscription de normes ambitieuses et contraignantes au niveau européen en matière climatique et environnementale, renforce leur efficacité puisque l’ensemble des États membres devront s’y conformer. Par exemple, concernant l’article 30 qui prévoit la réduction de l’avantage fiscal sur le gazole routier, une action au niveau européen permettrait d’éviter une substitution des transporteurs nationaux par des transporteurs étrangers, sans réduction des émissions polluantes.

D’autre part, ces normes s’appliqueront à l’ensemble des acteurs économiques du marché européen et permettront dès lors de ne pas créer de différentiel de compétitivité entre les États. Par exemple, en matière agricole, l’institution d’une redevance sur les engrais minéraux pour l’ensemble des États membres permettrait de préserver la compétitivité de ce secteur en France.

3.   La France peut jouer un rôle moteur dans les négociations européennes, notamment pendant la présidence française de l’Union européenne

En prévoyant expressément un renvoi de plusieurs dispositions aux négociations européennes, la France s’affirme parmi les États les plus ambitieux en matière de politique environnementale et climatique.

Dès lors la France joue tout d’abord un rôle moteur dans les négociations européennes en cours, en lien avec les différents points sur lesquels le projet de loi renvoie à une action de l’Union. Concernant la sortie des avantages fiscaux sur le gazole, la Commission travaille à la révision de la directive DTE, dont la proposition devrait être publiée en juin 2021. L’une des priorités de la France est d’assurer un niveau minimal de taxation des produits émetteurs de CO2 partout en Europe, notamment pour le transport routier. Toutefois, la révision sera complexe car, en matière de fiscalité, l’unanimité au sein du Conseil est nécessaire.

S’agissant de l’évolution de la taxe de solidarité sur l’aviation, la proposition de révision du SEQE‑UE est également attendue pour juin 2021 afin d’améliorer le signal carbone, notamment par la baisse des quotas gratuits attribués aux compagnies aériennes.

Enfin, sur la taxation des engrais azotés au niveau européen, le Gouvernement porte ce sujet à l’agenda européen pour concrétiser l’ambition politique de la réduction d’utilisation de ces intrants. Cette initiative française peut s’articuler avec la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission qui fixe pour objectif de réduire de 50 % les pertes dans l’environnement induites par les apports de fertilisants en excès, même si les perspectives à court terme sont plus limitées.

La France dispose d’un levier d’influence important dans le cadre de la définition des priorités de la présidence française de l’Union européenne qui débutera le 1er janvier 2022.

L’initiative de la France de soutenir dans les négociations européennes la révision de la directive DTE, la révision du SEQE-UE notamment pour l’aviation, et la réduction de l’emploi des engrais azotés, doit être encouragée. Votre rapporteure recommande par ailleurs de profiter de la présidence française de l’Union Européenne pour mettre à l’agenda une révision des textes concernant la taxation des engrais azotés, dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table ».

4.   Le projet de loi renforce également le rôle d’influence de la France au sein de l’Union européenne

La France joue un rôle d’influence important au sein de l’Union, en mettant en œuvre des mesures ambitieuses en matière environnementale, parfois en avance par rapport au calendrier de négociation européen. Ainsi, l’article 1er du projet de loi sur l’affichage environnemental, anticipe la mise en œuvre du nouveau plan d’action sur l’économie circulaire de la Commission européenne du 11 mars 2020. La France devrait ainsi faire l’objet d’une attention particulière de la part des institutions et des autres États européens autour de la mise en œuvre de ce dispositif. Le sujet de l’affichage environnemental doit en effet être porté le plus vite possible au niveau européen, pour renforcer son efficacité.

De même, les articles 67 et suivants du projet de loi prévoient la création d’un délit de mise en danger de l’environnement : la Commission européenne a évalué la mise en œuvre d’une directive de 2008 sur la protection pénale de l’environnement ([68]) : la conclusion de l’évaluation est que cette directive n’a pas atteint ses objectifs, en ne donnant pas lieu « à davantage de poursuites et de condamnations pour des infractions au détriment de l’environnement ni à l’imposition de sanctions plus dissuasives dans les États membres ». La Commission entend ainsi faire une proposition sur la mise en cause pénale des personnes morales en matière d’atteinte à l’environnement : une consultation publique était ainsi ouverte jusqu’au 3 mars 2021 et une proposition devrait intervenir fin 2021. La mise en œuvre des dispositions sur la protection de l’environnement, prévue aux articles 67 et suivants du projet de loi, devrait ainsi être observée par les institutions européennes avant l’adoption d’un texte européen sur ce sujet.

La France pourrait être, dans le cadre de sa présidence de l’Union Européenne, s’impliquer dans la définition des atteintes pénales à l’environnement qui seront reprises dans la révision de la directive de 2008. Ainsi, les autorités françaises pourraient participer à la réflexion commune sur ces sujets, en organisant un cycle de conférences au premier semestre 2022 et en favorisant le partage d’informations entre les États membres.

B.   Au-delà des mesures prévues par le projet de loi, et pour garantir plus globalement l’atteinte de ses objectifs, des positions plus larges pourraient être défendues par la France au niveau européen

1.   La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne

La création de ce mécanisme paraît justifiée à l’échelle de l’Union européenne : le Haut Conseil pour le Climat, dans son avis, soulève le risque d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre importées, avec l’augmentation des exigences environnementales nationales et européennes applicables aux entreprises. Deux écueils risquent d’accompagner la mise en place d’une politique climatique ambitieuse dans l’Union européenne. D’un point de vue écologique, les entreprises européennes pourraient délocaliser leur production dans des pays qui ont des normes environnementales moins strictes, avant de les réimporter dans l’Union Européenne. D’un point de vue économique, les différences d’obligations environnementales entre les États membres de l’Union et d’autres territoires pourraient conduire à un différentiel de compétitivité défavorable aux entreprises européennes.

L’Union européenne a ainsi réalisé plus de 2 100 milliards d’euros d’importations en 2019 : ces échanges représentent 20 % des émissions de gaz à effet de serre européennes ([69]). Le mécanisme d’ajustement aux frontières doit ainsi permettre de limiter la part des émissions de gaz à effet de serre importées. En outre, ce mécanisme doit permettre de limiter les atteintes à l’environnement en dehors de l’Union Européenne, en encourageant les entreprises à réduire leurs émissions.

Encadré : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut prendre deux formes : soit la mise en place de droits tarifaires assis sur le contenu en carbone des produits importés, soit l’obligation d’achat de quotas d’émissions CO2 par les importateurs de ces biens, ce qui revient à une extension du marché du carbone SEQE-UE aux importations ([70]).

Pour être compatible avec les règles de l’OMC, ce mécanisme ne doit pas être de nature protectionniste ou discriminatoire, mais doit avoir pour seule finalité la protection de l’environnement et la limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Cette proposition, soutenue de longue date par la France, semble aujourd’hui faire davantage consensus au niveau européen. Le 10 mars, le Parlement européen a adopté une résolution ([71]) non contraignante en faveur de l’instauration d’un tel mécanisme, en retenant l’option de l’extension du marché du carbone SEQE-UE aux importations. Le Parlement européen « estime qu’afin de répondre au risque de fuite de carbone potentielle tout en respectant les règles de l’OMC, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières doit facturer la teneur en carbone des importations d’une manière qui reflète les coûts du carbone payés par les producteurs de l’Union ; souligne que la tarification du carbone dans le cadre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devrait refléter l’évolution dynamique du prix des quotas de l’Union dans le cadre du SEQE de l’UE tout en garantissant la prévisibilité et en réduisant la volatilité des prix du carbone ». Toutefois, l’efficacité de mise en œuvre de ce mécanisme relèvera de l’aptitude des entreprises à prouver le volume de carbone émis pour chacun des produits importés et de capacité la Commission à en assurer le contrôle.

Le Parlement européen rejette l’option d’une taxe à la frontière qui, selon la résolution, pourrait représenter une charge importante pour les consommateurs et conduire à des difficultés supplémentaires de compatibilité avec les règles de l’OMC. En outre, l’institution d’une taxe relève du domaine fiscal et nécessiterait l’unanimité au Conseil pour sa mise en œuvre. Votre rapporteure, pour ces mêmes raisons, considère que la mise en œuvre de l’ajustement carbone aux frontières doit passer par une obligation d’achat de quotas de CO2 par les entreprises, plutôt que de prendre la forme d’une taxe.

La Commission européenne doit faire une proposition législative en juin 2021 sur le mécanisme européen d’ajustement aux frontières. La feuille de route pour l’introduction de nouvelles ressources propres, qui a fait l’objet d’un accord de la présidence allemande du Conseil, du Parlement européen et de la Commission le 10 novembre 2020, prévoit que les négociations en trilogue doivent se tenir en 2022, pour une mise en œuvre au 1er janvier 2023. Les produits de ce mécanisme pourraient en effet constituer une nouvelle ressource propre du budget européen.

Votre rapporteure soutient ainsi l’action de la France concernant l’instauration d’un mécanisme d’ajustement aux frontières. Cet instrument apparaît nécessaire pour accompagner les mesures de ce projet de loi sur le renforcement des exigences environnementales pesant sur les opérateurs français.

Votre rapporteure recommande également de porter ce sujet comme une priorité à l’occasion de la présidence française de l’Union Européenne, pour tenir le calendrier prévisionnel, et permettre la mise en place de ce mécanisme au 1er janvier 2023.

2.   L’extension des compétences du Parquet européen

Le Parquet européen fait l’objet d’une procédure de coopération renforcée, fondée sur le règlement du 12 octobre 2017 ([72]), à la suite de l’accord politique obtenu à l’occasion du Conseil JAI des 8 et 9 juin 2017 entre vingt États membres. Son objectif est, avec des compétences judiciaires propres, de diriger des enquêtes et de mener des poursuites pénales contre des infractions portant atteinte au budget de l’UE. Pour remplir cette mission, l’organisme est compétent pour saisir les juridictions des États membres. Le Parquet européen devrait entrer en fonction en 2021, après plusieurs reports liés au retard pris par les États dans la nomination des procureurs européens délégués.

L’extension des compétences du Parquet européen au domaine de l’environnement a déjà été envisagée dans un rapport parlementaire précédent ([73]). Le rapport relève que le sujet pourrait faire consensus entre les États membres et que cette évolution enverrait un message positif aux citoyens européens.

En lien avec la mise en œuvre des articles 67 et suivants sur la protection judiciaire de l’environnement, la France pourrait dès lors s’imposer comme un État tête de file pour l’extension des compétences du Parquet européen aux sujets environnementaux. Si cette proposition n’a pas encore fait l’objet d’une mise à l’agenda dans le cadre de la coopération renforcée, elle peut être néanmoins défendue dès l’ouverture des négociations pour la révision à venir en 2022 de la directive 2008/99/CE relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

Votre rapporteure recommande ainsi, dans le cadre de la présidence française de l’Union Européenne d’organiser des cycles de conférences sur l’extension des compétences du Parquet européen aux délits environnementaux, afin de faciliter l’émergence d’un consensus sur ce sujet dans les années à venir.

3.   La valorisation du rôle des régions dans le fléchage environnemental des fonds européens

Le plan de relance européen NextGenerationEU prévoit deux conditions en matière environnementale pour l’accès au financement de la facilité pour la reprise et la résilience : le respect du principe de « ne pas nuire » à l’environnement, et l’atteinte de l’objectif d’un minimum de 37 % de dépenses en faveur des investissements et réformes climatiques. En outre, les fonds européens structurels et d’investissement (FESI) ont également pour rôle de financer des projets innovants, notamment pour la transition écologique et énergétique. De façon générale, l’ensemble des fonds européens, en incluant le plan de relance, ont ainsi fait l’objet d’un verdissement.

Or, il ressort des auditions menées dans le cadre de ce rapport, que l’objectif de 37 % de dépenses en faveur d’investissements climatiques, nécessite un accompagnement des porteurs de projets financés. En effet, la difficulté repose sur la possibilité pour eux, de remplir les exigences environnementales européennes indissociables de l’octroi de ces financements.

Votre rapporteure recommande ainsi une amélioration de l’accompagnement des porteurs de projet dans leurs procédures pour obtenir des subventions provenant des fonds européens ou du plan de relance. Cette démarche peut notamment passer par une amélioration de l’information, notamment au niveau des régions, qui ont la responsabilité de la planification et de la transition énergétique.

4.   La stratégie forestière

L’article 64 du projet de loi prévoit la communication des données douanières nécessaires à la mise en place d’un mécanisme d’alerte à destination des entreprises, lorsqu’elles importent depuis des zones déforestées. Cette disposition doit ainsi permettre de favoriser la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ([74]). Dans ce document, la France soutient l’élaboration d’un plan d’action européen, ambitieux pour lutter efficacement contre toutes les formes de déforestation et de dégradation des écosystèmes originels riches en carbone et en biodiversité. En outre, stratégie propose d’inclure l’enjeu de la déforestation dans les accords commerciaux, au niveau européen.

Or, la Commission prévoit de publier en 2021 une nouvelle stratégie forestière de l’Union Européenne. La France pourrait ainsi soutenir l’inclusion d’une véritable politique de lutte contre la déforestation importée dans cette stratégie.

Votre rapporteure recommande de se saisir de la publication de la stratégie forestière de la Commission à venir pour ouvrir une réflexion sur la déforestation importée au niveau européen.

5.   L’ouverture d’une réflexion sur une préférence locale pour les marchés publics dans la restauration collective

Le titre 5 « Se nourrir » du projet de loi prévoit le développement de nouvelles habitudes alimentaires et de pratiques agricoles moins émettrices de gaz à effet de serre. L’article 60 propose ainsi de renforcer la qualité des repas proposés dans les services de restauration des personnes publics, avec notamment la présence de 50 % de produits durables dans les plats à l’échéance du 1er janvier 2022. Cet article s’inscrit à la suite de l’article 24 de la loi Egalim ([75]) qui fixe un objectif de 50 % de produits locaux ou de qualités servis en restauration collective, dont 20 % de produits biologiques.

Votre rapporteure estime que ces dispositions pourraient être renforcées par la valorisation des circuits courts, qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre liés au transport, et d’avoir un meilleur contrôle sur la qualité des produits servis. La commande publique, régie par le droit européen, n’offre que peu de possibilités aux acheteurs publics pour faciliter l’accès des entreprises locales à leurs marchés, en particulier pour l’approvisionnement de la restauration collective.

Votre rapporteure recommande en ce sens l’ouverture d’une réflexion, au niveau européen, sur l’introduction d’une préférence locale dans les marchés publics d’approvisionnement des services de restauration collective. Cette réflexion doit avoir pour objectif de promouvoir les circuits courts afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au transport.


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   Conclusion

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et résilience face à ses effets permet non seulement de traduire dans la loi une partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, mais affirme aussi le rôle pionnier de la France au sein de l’Union Européenne sur les sujets climatiques et environnementaux.

Les mesures envisagées permettent en effet de rapprocher la France des objectifs fixés et des engagements pris par l’Union Européenne dans ces domaines. Ainsi, le projet de loi doit contribuer à l’atteinte de la nouvelle cible de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Ce nouvel objectif, qui doit être atteint globalement au niveau de l’Union et non par chacun des États membres, et en tenant compte des absorptions par les puits de carbone, sera fixé par le règlement dit « loi climat » d’ici la fin de l’année 2021. Même si l’objectif final attendu pour la France est sensiblement plus faible que 55 %, les dispositions du projet de loi visent à davantage réglementer les rejets des secteurs les plus polluants dans l’atmosphère (transports, bâtiment, agriculture), mais aussi à transformer durablement nos modes de consommation. En outre, ce projet prend en compte la préservation de la compétitivité économique des entreprises et l’acceptabilité des mesures par les citoyens : les dispositions s’articulent souvent avec des aides à la transition écologique, dont une part importante est d’origine européenne, à destination de l’ensemble des acteurs.

Le projet de loi permet dès lors à la France de s’affirmer comme l’un des États membres de l’Union les plus ambitieux sur des sujets environnementaux majeurs. La politique européenne est, sur ces sujets, à un moment charnière, avec la mise en œuvre dans les années à venir du Pacte Vert pour l’Europe de la Commission européenne, qui conduira à l’élaboration et à la révision de nombreux règlements et directives. Par conséquent, la France joue un rôle pionnier en Europe, en anticipant à plusieurs égards la législation européenne à venir. Cette volonté d’anticipation, guidée par le constat scientifique et citoyen de l’urgence d’agir en faveur de la protection du climat et des écosystèmes, se matérialise par des dispositions législatives innovantes, qui pourraient être reprises ou approfondies au niveau européen. Outre un rôle important d’influence sur les institutions et les autres États de l’Union, le projet de loi incite la France à porter au niveau européen des dispositions garantissant un niveau de protection élevé de l’environnement.

Ce rôle d’influence sera par ailleurs renforcé avec la présidence française de l’Union européenne qui débutera, pour une durée de six mois, à partir du 1er janvier 2022. La France aura alors l’opportunité de porter haut ses ambitions environnementales et de faire progresser le cadre européen en la matière.

 

Récapitulatif des recommandations

 

Recommandation n°1 : attendre, après le vote de ce projet de loi par le Parlement, l’adoption définitive des textes européens et définir les objectifs nationaux en fonction du cadre ainsi tracé, afin d’éviter un changement de normes trop fréquent, qui pourrait induire une confusion pour les acteurs économiques.

Recommandation n°2 : Suivre les orientations du rapport sur la réhabilitation énergétique des logements privés de mars 2021 et créer un accompagnement généralisé et obligatoire des propriétaires pour le lancement de travaux de rénovation performante, afin d’atteindre les objectifs de la stratégie de la Commission européenne « Vague de rénovations ».

Recommandation n°3 : créer un panel européen sur le changement climatique. Ce panel permettrait d’éclairer les travaux de la Commission européenne dans un but d’évaluation, d’objectivation et de quantification de la participation des États membres aux objectifs européens.

Recommandation n°4 : travailler en lien avec l’Union Européenne pour la création de normes en matière d’affichage environnemental et défendre ces normes dans les négociations pour la mise en œuvre du nouveau plan d’action sur l’économie circulaire.

Recommandation n°5 :  saisir l’opportunité de la présidence française de l’Union Européenne pour mettre à l’agenda une révision des textes concernant la taxation des engrais azotés, dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table ».

Recommandation n°6 :  porter le sujet du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières comme une priorité à l’occasion de la présidence française de l’Union Européenne, pour tenir le calendrier prévisionnel et permettre la mise en place de ce mécanisme au 1er janvier 2023.

Recommandation n°7 : organiser, dans le cadre de la présidence française de l’Union Européenne, des cycles de conférences sur l’extension des compétences du Parquet européen aux délits environnementaux, afin de faciliter l’émergence d’un consensus sur ce sujet dans les années à venir.

Recommandation n°8 : améliorer l’accompagnement, notamment au niveau régional, des porteurs de projet dans leurs procédures pour obtenir des subventions provenant des fonds européens ou du plan de relance.

Recommandation n°9 : Saisir l’occasion de la publication de la stratégie forestière de la Commission en 2021 pour ouvrir une réflexion sur la déforestation importée au niveau européen.

Recommandation n°10 : Ouvrir une réflexion, au niveau européen, sur l’introduction d’une préférence locale pour les marchés publics d’approvisionnement des services de restauration collective.

 


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TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 24 mars 2021, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Nous examinons le rapport pour observations de Mme Liliana Tanguy sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui sera examiné en séance à compter du 29 mars.

Mme Liliana Tanguy, rapporteure. Ce projet de loi a pour objectif de traduire sur le plan normatif 46 des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce n’est donc pas un texte de transposition ni d’adaptation au droit de l’Union européenne. Toutefois, de nombreuses dispositions du texte ont un lien avec le cadre européen et les ambitions environnementales de l’Union européenne, notamment le Pacte vert pour l’Europe, qui est le programme de la Commission Von der Leyen en matière climatique et environnementale.

L’environnement est un sujet auquel je porte un grand intérêt. Quotidiennement, dans ma circonscription du Finistère, je vois les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement et plus encore les conséquences du changement climatique qu’elle engendre. De l’érosion des côtes dans ma circonscription, en particulier dans le pays Bigouden Sud, à la pollution atmosphérique à Paris, en passant par l’érosion des sols et l’appauvrissement des eaux, chacun est affecté par ces changements.

Je voudrais également développer rapidement trois points liminaires.

D’une part, j’aimerais souligner que ce texte est issu d’une consultation publique inédite par son sujet et par son ampleur. Les propositions du projet de loi reposent sur le travail des citoyens la Convention pour le climat, et leur investissement qui a conduit à un rapport final très complet. Je tiens également à féliciter les différents ministères qui ont permis la transcription des propositions citoyennes dans le présent projet de loi et leur discussion. Je salue tout particulièrement notre ancienne collègue Barbara Pompili, désormais ministre de la transition écologique.

D’autre part, j’attire votre attention sur le fait que plusieurs mesures proposées par la Convention citoyenne pour le Climat ne relèvent pas de l’échelon national, mais de négociations européennes et internationales. En outre, certaines mesures, si elles peuvent être mises en œuvre au niveau national, auraient davantage de poids et de cohérence si elles s’appliquaient dans l’ensemble des États membres. Le travail sur les propositions de la Convention Citoyenne appelle donc, à plusieurs égards, une attention particulière pour son articulation avec le droit européen.

Enfin, je tiens à signaler que le rapport s’appuie sur les travaux précédents très complets menés par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, dans le cadre de leur rapport pour information de janvier 2021 sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050.

Concernant le contenu et les enjeux de ce texte, le projet de loi Climat et résilience part du constat des citoyens, partagé par le Gouvernement et moi-même, de la nécessité d’agir très rapidement pour la protection de la planète, tant au niveau national qu’au niveau européen. L’accord de Paris de 2015 fixe un objectif de limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à l’époque préindustrielle. Or, pour atteindre cette cible, il faut diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne d’ici à 2050 : sans une action rapide et efficace, le réchauffement pourrait atteindre entre 3 et 5°C d’ici 2100 selon les estimations du GIEC.

Pour répondre à ce défi, le projet de loi prévoit une action dans différents domaines, répartis en six titres : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l’environnement.

Ces dispositions interviennent dans le champ normatif des politiques climatiques et environnementales européennes, qui ont vocation à être rapidement renforcées, avec la mise en œuvre du Pacte Vert pour l’Europe. Le programme écologique de la nouvelle Commission européenne repose en effet sur une « loi climat », qui prévoit de rehausser l’objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l’horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990. La « loi climat » fixe pour objectif de long terme l’atteinte de la neutralité climatique au niveau européen pour 2050. Dans un objectif de verdissement systémique des politiques européennes, le Pacte Vert prévoit également différentes stratégies sectorielles, qui doivent aboutir dans les prochaines années à l’adoption ou à la révision de nombreux règlements ou directives, notamment dans le domaine de l’agriculture, du transport ou de l’économie circulaire.

Le projet de loi a donc un lien fort avec le droit européen. Ma première observation tient au caractère mouvant du droit européen en matière climatique et environnementale, en raison de la mise en œuvre à venir du Pacte Vert. Si les objectifs européens ont vocation à être prochainement renforcés, la question de leur niveau précis et de l’effort de participation de chaque État membre à leur atteinte est encore ouverte. La France, en adoptant un texte ambitieux, se pose ainsi parmi les États membres les plus exigeants en matière climatique.

Ma seconde observation tient au choix politique porté par ce projet de loi qui consiste à anticiper, à plusieurs égards, la réglementation européenne à venir. Par exemple, il en va ainsi des dispositions prévoyant la création d’un affichage environnemental ou de celles définissant des atteintes pénales à l’environnement. Par ailleurs, le projet de loi prévoit explicitement et à plusieurs reprises une action prioritaire au niveau européen et, seulement à défaut, la mise en œuvre d’une solution nationale : c’est le choix opéré par exemple en matière de redevance pour les engrais azotés ou de taxation du gazole routier.

Toutes ces dispositions incitent dès lors la France à jouer un rôle moteur dans les négociations à venir pour la concrétisation du Pacte Vert pour l’Europe, et à affirmer son rôle en matière climatique.

Ma dernière observation est liée au fait que le projet de loi s’inscrit dans un équilibre entre le respect des objectifs européens en matière écologique et la prise en compte des enjeux économiques des différents milieux concernés. Ma conviction est en effet que la transition écologique et climatique doit s’appuyer sur l’acceptabilité des nouvelles normes par les citoyens pour être efficace. Ainsi, le projet de loi prend en compte l’accompagnement nécessaire de l’ensemble des acteurs concernés par cette transition, qui repose par ailleurs souvent sur une aide européenne. Par exemple, dans le cadre du plan de relance « Next Generation EU », 37 % des dépenses doivent permettre de favoriser les investissements et réformes climatiques.

J’ai bien compris les inquiétudes du Haut Conseil pour le Climat, qui a souligné que le délai de mise en œuvre de certaines mesures paraissait long pour l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je tiens toutefois à souligner que la temporalité retenue par le projet de loi doit permettre de favoriser cet enjeu d’acceptabilité, tout en permettant à la France de respecter sa feuille de route européenne. En outre, il convient de souligner que ce projet de loi n’est pas le seul texte français qui doit permettre d’atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne. Par exemple, les propositions des citoyens en faveur du climat sont également traduites dans la loi de finances ou dans le plan de relance. Le projet de loi Climat et Résilience n’est ainsi qu’un jalon dans la stratégie climatique et environnementale du Gouvernement, qui est appelée à se poursuivre en lien avec les objectifs européens.

Le rapport formule dix recommandations. La première catégorie de recommandations concerne les articles qui renvoient aux négociations européennes pour étendre au niveau de l’Union les mesures prévues par le projet de loi. Trois dispositions prévoient en effet une action prioritaire au niveau européen, afin de renforcer l’efficacité des mesures et d’éviter la création de différentiels de compétitivité entre les Etats membres. Ces sujets doivent être considérés comme prioritaires dans les négociations.

Ainsi, l’article 30 encourage la taxation harmonisée dans toute l’Union du gazole routier, l’article 35 prévoit la définition d’une taxe de solidarité européenne sur les billets d’avion et l’article 62 prévoit la création d’une redevance commune sur les engrais minéraux azotés. Sur tous ces sujets, les négociations doivent s’articuler avec l’organisation de la présidence française de l’Union européenne, qui débutera pour six mois le 1er janvier 2022. Il s’agit d’une opportunité pour la France de mettre certaines de ses priorités à l’agenda des négociations européennes, pour renforcer l’ambition climatique et environnementale de l’Union.

La seconde catégorie de recommandations vise, dans le cadre d’une réflexion plus large, à soutenir et encourager la France dans la défense, au cours de sa présidence de l’Union, de positions qui paraissent complémentaires avec les dispositions du projet de loi. Le rapport recommande ainsi d’inscrire, en tant que priorité importante de la présidence française, les négociations autour de l’ajustement carbone aux frontières. Ce dispositif, qui fait l’objet d’une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, doit permettre d’encourager les États non-membres de l’Union à adopter des normes environnementales exigeantes, et à éviter de créer des différentiels de compétitivité avec les États membres. Le rapport recommande également à la France de saisir l’occasion de la publication de la stratégie forestière de la Commission en 2021 pour ouvrir une réflexion sur la déforestation importée au niveau européen au cours de sa présidence.

Pour conclure, je tiens à souligner l’importance de ce projet de loi, qui doit non seulement contribuer à l’atteinte par la France de ses objectifs européens de plus en plus élevés mais qui permet également à la France de s’affirmer comme un État membre pionnier et ambitieux en matière politique et environnementale.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Cet éclairage est nécessaire car nous avons besoin d’analyser l’articulation entre le droit national et le droit de l’Union européenne. Nous souhaitons tous faire partie des États membres les plus ambitieux en ce qui concerne les sujets environnementaux. Néanmoins, il existe des inquiétudes au sein des milieux économiques, notamment sur la mise en œuvre anticipée de certaines mesures au niveau national par rapport au calendrier européen.

Mme Aude Bono-Vandorme. Le Pacte vert pour l'Europe présenté par la Commission propose, à travers différentes stratégies, l'élaboration ou la révision de nombreux textes européens. Nombre de ces thématiques ont également fait l'objet de propositions de la part des membres de la Convention citoyenne pour le climat. D'après vos travaux, sur quels aspects le projet de loi permet-il de répondre aux propositions citoyennes tout en anticipant le Pacte vert pour l'Europe ? Des dispositions ont-elles été écartées ?

Mme Yolaine de Courson. Il convient de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi, c’est-à-dire que la France répond à un engagement pris au niveau européen. Elle se veut capable d’être un modèle d’anticipation pour nos partenaires européens sur les prescriptions qui seront contenues dans le futur règlement et ce faisant, jouer un rôle moteur auprès d’eux.

Pour autant, nous devons garder à l’esprit que le texte de la convention citoyenne pour le climat, qui est à l’origine de ce projet de loi, ne peut être comparé seul aux ambitions européennes. Ce projet de loi ne constitue pas l’entièreté de l’offre en termes de politiques publiques en faveur de la transition écologique au niveau national. De la même manière, il ne représente qu’une partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat. L’autre partie, plus vaste, est partagée entre initiatives gouvernementales qui feront l’objet de dispositions réglementaires, le plan de relance et d’autres dispositions législatives (dont la loi de finances, la loi orientation des mobilités et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire).

Cependant, pour satisfaire à l’ambition de la convention citoyenne, nous prévoyons déjà de nous en remettre à l’échelon européen et intergouvernemental pour vingt-quatre de ces mesures ; c’est-à-dire pour plus de la moitié de celles contenues dans la loi que nous étudions actuellement.

Or, la convention citoyenne pour le climat et le Haut Conseil pour le climat ont émis des réserves sur l’ambition du texte, plus exactement sur sa capacité à limiter nos émissions de GES. Sur le plan formel, compte tenu du fait que le texte ne représente que 32 % des leviers de mise en œuvre de l’ambition de la convention citoyenne, nous pouvons dire avec le Gouvernement que ce texte n’est pas l’élément majeur de cette politique. Il constitue un levier parmi d’autres.

Dans ce contexte, pensez-vous que le contrôle effectué par notre assemblée et à plus forte raison par notre commission, puisse être pleinement effectif compte tenu du poids de ces différents leviers et de celui du projet en particulier ? Cette question se pose en particulier pour le travail comparatif que vous avez présenté.

Je m’interroge également sur le poids institutionnel que joue la convention citoyenne telle qu’elle a été instituée. Un poids que nous pouvons considérer comme négatif étant donné que notre assemblée ne pourra pas examiner toutes les réalisations qui ont été faites pour satisfaire à l’ambition de la convention citoyenne. L’équilibre des pouvoirs ne pourrait-il pas s’en trouver potentiellement déséquilibré ?

Comment la France pourrait-elle mettre à profit l’opportunité qu’offre la présidence française de l’Union, pour accélérer l’ambition climat au niveau européen ?

M. Thierry Michels. À l’heure où nous examinons le projet de loi climat et résilience, ce rapport réaffirme la place de la France comme moteur de la transition écologique et climatique européenne.

En tant que membre de la commission spéciale, je suis pleinement investi dans ce travail, dont le chemin est tracé par le Pacte vert européen et la convention citoyenne pour le climat. Si je suis convaincu que de nombreux leviers sont aujourd’hui mobilisés et le resteront demain, je m’interroge toutefois sur les moyens de leur accompagnement social. Pensez-vous que la France, tout comme l’Union, se soit suffisamment penchée sur les modalités d’un accompagnement social juste et inclusif ? Comment pensez-vous que nous pourrions parvenir à une pleine harmonisation européenne des mesures d’accompagnement ?

Par ailleurs, la feuille de route environnementale du Pacte Vert proposé par la Commission démontre une réelle ambition de protéger l’environnement et d’agir pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette feuille de route est actuellement en discussion et son application impliquera un réajustement de la stratégie des États membres. Dès lors, considérant les futures révisions de l’Union, quelles sont les mesures du projet de loi les plus susceptibles d’être impactées, selon vous, par des changements prochains au niveau européen ?

Enfin, ce projet de loi renforce la protection de l’environnement au niveau national et incite les autres États de l’Union à adopter des standards élevés en matière écologique. Toutefois, les entreprises en France et dans l’Union ne risquent-elles pas de pâtir des différences de législation avec les pays qui auraient des exigences écologiques moins élevées ? Quels leviers voyez-vous pour y remédier ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Je souhaiterais connaître votre avis sur la question de l’écart entre les objectifs de réduction des GES fixés à au moins 55 % par l’Union et les objectifs de réduction de 40 % poursuivis par ce projet de loi. Compte tenu des bases de calcul différentes, l’écart réel est certes moins important. Avez-vous plus d’informations sur la mise en conformité du cadre législatif avec les objectifs européens ?

De plus, je m’interroge sur la convergence entre les efforts français et européens sur la déforestation qui a été évoquée, à l’article 64 du projet de loi. Ce dernier prévoit un mécanisme de partage de données sur la déforestation importée. Or, les produits à fort impact sur la déforestation comme l’huile de palme, n’arrivent souvent sur le territoire hexagonal qu’après des pérégrinations et avoir transité dans d’autres États membres, ce qui complique la traçabilité et l’efficacité réelle que pourront avoir ces dispositions. Au vu de ces difficultés, comment évaluez-vous la pertinence de ces dispositifs ?

Le Parlement européen a déjà voté en 2020 un rapport d’initiative législative qui demande à la Commission européenne de présenter une proposition législative contraignante en la matière. Par conséquent, ne serait-il pas plus pertinent de régler cette question au niveau européen, d’autant plus que Bruxelles dispose d’une compétence exclusive en matière de politique commerciale ?

Mme Liliana Tanguy, rapporteure. Je commence par répondre à la question de Mme la Présidente, sur la compatibilité des mesures nationales avec le cadre européen qui est mouvant ? Il faut travailler en lien avec l’Union pour s’assurer de la conformité des mesures en amont. Je recommande de pousser les positions françaises au niveau européen. Je prends l’exemple de l’affichage environnemental pour lequel nous ne sommes pas en retard en termes de propositions. Celles-ci pourraient avoir une répercussion au niveau de la réglementation européenne en la matière. L’article 1er du projet de loi prévoit la création d’un dispositif pour améliorer l’information du consommateur sur l’impact carbone du produit. Nous voulons rendre cette mesure obligatoire.

En parallèle de cette initiative, la Commission a également proposé un plan pour l’économie circulaire en 2020. C’est encore un exemple de politique pour laquelle nous souhaitons améliorer l’information des consommateurs, à la fois concernant l’impact carbone mais aussi sur la durée de vie du produit et les possibilités de réparation. Plusieurs paramètres seront choisis pour renvoyer cet article 1er à un décret, ils devront s’articuler avec la solution européenne.

Notre attention est constamment portée sur le fait que les mesures prises au niveau national doivent être cohérentes avec celles retenues au niveau européen.

Aujourd’hui, le projet de loi prévoit qu’une information sur l’impact carbone des biens et services soit mise en avant, mais la volonté de la Commission est de s’assurer que dans un premier temps, ce dispositif d’affichage environnemental soit compatible avec le droit européen. La France doit avoir la force de conviction pour exporter son dispositif au niveau européen. D’après mes informations, l’objectif serait bien d’avoir un affichage environnemental qui pourrait s’inspirer de la proposition française. Nous espérons être force de proposition pour que la cohérence entre droit européen et droit national soit assurée.

Concernant la question posée par Mme de Courson, il est vrai que de nombreux textes doivent permettre la mise en œuvre des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Effectivement, le projet de loi climat et résilience ne reprend que 46 des 149 propositions. Néanmoins, toutes les dispositions ne pouvaient pas être reprises dans la loi. Certaines mesures relèvent d’une mise en œuvre au niveau européen. Je prends par exemple le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, que la France pousse depuis dix ans : pour être compatible avec les règles de l’OMC, il ne doit pas être de nature protectionniste ou discriminatoire, c’est là la difficulté. Il ne doit pas fausser la concurrence. La Commission européenne doit faire une proposition sur ce point en juin 2021 pour une mise en œuvre en 2023.

La création de ce mécanisme est une proposition de la convention citoyenne pour le climat qui ne peut être mise en œuvre qu’au niveau européen. Ce mécanisme doit permettre de limiter la part des émissions de gaz à effet de serre importées. En 2019, elles représentaient 20 % des gaz à effet de serre au niveau européen. Ce projet de loi conduit à accroître les standards de protection du climat et de l’environnement en France. Pour éviter que les entreprises françaises ne soient victimes d’un dumping environnemental, ce mécanisme doit être complémentaire aux mesures du projet de loi. La position française à ce sujet existe de longue date et fait davantage consensus au niveau européen. Je préconise dans le rapport que ce mécanisme soit une priorité de la présidence française de l’Union européenne en 2022.

Concernant la question de Mme Bono-Vandorme, sur la conciliation que fait ce projet de loi entre le pacte vert européen et les attentes des citoyens : le pacte vert propose en effet la révision de nombreux textes européens, la législation sur l’environnement existe au niveau européen depuis les années 1970. Le pacte vert amène de nouvelles évolutions.

Je crois que le projet de loi permet à la fois de traduire fidèlement les propositions des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, tout en anticipant le Pacte Vert pour l’Europe.

Le projet de loi « Climat et résilience » a pour objectif, à travers plusieurs dispositions touchant divers secteurs d’activité (transport, bâtiment…) de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il doit permettre d’atteindre les objectifs de la « loi européenne sur le climat ». Cette proposition de règlement doit en effet être adoptée définitivement d’ici la fin de l’année 2021 et prévoit deux objectifs au niveau européen : la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % à l’horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990 (cet objectif a été validé par le Conseil européen le 11 décembre 2020), et la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi s’articule avec les différentes stratégies sectorielles prévues par le Pacte Vert. Il s’agit par exemple de la stratégie « De la ferme à la table », ou encore de la stratégie « Biodiversité » en matière agricole, « Mobilité durable » en matière de transports, ou « Vague de rénovation » en matière de logement. Celles-ci définissent les propositions d’évolution de la législation européenne dans les domaines qui intéressent le projet de loi.

Je pourrais citer quelques exemples. Ainsi, le titre III du projet de loi, intitulé « Se déplacer », intervient également dans un champ de réglementation susceptible d’évoluer, du fait de la mise en œuvre de la stratégie « Mobilité durable » de la Commission. Cette stratégie prévoit de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici 2050. Le titre III du projet de loi, en proposant une évolution vers des mobilités propres et durables (fin de commercialisation des véhicules neufs émetteurs à l’article 25, taxation du gazole routier à l’article 30 par exemple) adopte des objectifs alignés avec ceux présentés dans la stratégie européenne.

De plus, le titre IV du projet de loi, intitulé « Se loger », s’articule aussi avec les stratégies du Pacte Vert. En effet, la stratégie « Vague de rénovations » de la Commission européenne a non seulement pour objectif de doubler le taux de rénovation des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans l’Union Européenne au cours des dix prochaines années, mais aussi de s’assurer que ces rénovations conduisent à une meilleure efficacité énergétique. Dans le projet de loi « Climat et résilience », les articles 41 et 42 prévoient l’interdiction de location des passoires thermiques et la création d’un niveau de performance minimal des logements. Ces dispositions doivent ainsi contribuer à l’atteinte des objectifs de cette stratégie.

Le titre V du projet de loi, intitulé « Se nourrir », s’articule également avec la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission européenne, qui fixe plusieurs objectifs environnementaux, comme la garantie d’une production alimentaire durable. Ainsi, le projet de loi qui prévoit la taxation des engrais azotés, doit aussi permettre d’atteindre plusieurs objectifs environnementaux afin de garantir une production alimentaire durable.

Ainsi, je crois que le projet de loi permet de respecter un double objectif : respecter la transcription des souhaits des citoyens et dans le même temps anticiper la mise en œuvre du Pacte Vert.

Je souhaiterais répondre désormais à la question posée par M. Thierry Michels, concernant les modalités d’un accompagnement juste et inclusif, et relative aux leviers possibles pour obtenir une véritable harmonisation européenne concernant ces mesures d’accompagnement.

Le projet de loi propose en effet une transition énergétique et environnementale ambitieuse. Pour être efficace, j’ai la conviction que la transition écologique et climatique doit s’appuyer sur l’acceptabilité des nouvelles normes par les citoyens. Ainsi, comme vous le soulignez, un accompagnement juste et inclusif est nécessaire.

Plusieurs types d’aides sont prévus en ce sens pour permettre l’accompagnement de l’ensemble des acteurs économiques et des citoyens, secteur par secteur. Je pourrais citer deux exemples à partir des articles 62 et 30 du projet de loi.

L’article 62 prévoit la taxation des engrais azotés. Pour accompagner cette mesure, le système des éco-régimes, prévu par la nouvelle politique agricole commune (PAC) à partir de 2023, permettra aux agriculteurs qui utilisent moins d’intrants polluants de bénéficier de compléments de revenus.

L’article 30 prévoit quant à lui le renforcement de la taxation sur le gazole routier. Pour accompagner cette évolution, l’article prévoit également un renforcement des aides au développement de l’offre de véhicules lourds à motorisation alternative au gazole. Cette aide existe déjà, par ailleurs, avec une déduction exceptionnelle pour les entreprises utilisant des véhicules lourds peu polluants en France.

Il faut aussi souligner le rôle du plan de relance, dont 30 milliards sont consacrés à la transition énergétique au niveau national. Ces fonds doivent également permettre un accompagnement de nos concitoyens vers un modèle de société plus durable. L’objectif de ce projet, et madame la ministre Barbara Pompili l’a souligné à plusieurs reprises, c’est un changement des modes de vie, de consommation, et de mobilité. Il faut que ces mesures puissent s’inscrire dans la vie quotidienne. Par exemple, les aides du plan de relance pourront particulièrement concerner la rénovation énergétique des logements. Je veux d’ailleurs souligner que les mesures de rénovation énergétique des logements permettent à la fois d’atteindre des objectifs écologiques et de justice sociale, en luttant contre la précarité énergétique. La problématique des passoires énergétiques concerne en effet particulièrement les personnes ayant des faibles revenus. Nous avons récemment obtenu les conclusions du rapport « Sichel » qui avait été demandé par la ministre et qui prévoit justement une politique d’accompagnement modulée en fonction des revenus des ménages, de telle sorte que les personnes ayant le plus de difficultés n’aient pas un reste à charge trop important pour pouvoir rénover leur logement.

Enfin, de façon générale, je pense que la France doit exercer son influence de façon très diffuse en adoptant des normes ambitieuses en matière climatique et environnementale, mais en s’affirmant aussi comme un État membre de référence sur ces sujets, et donc en jouant ce rôle de laboratoire d’observation. Concernant l’affiche environnemental, la France pourrait inciter les autres États et les autres institutions européennes à reprendre des mesures qu’elle a inspirées. La France peut véritablement jouer un rôle et entretenir un dialogue avec le Parlement européen et la Commission autour de la mise en œuvre de ces normes qui sont en réalité des standards que nous espérons pouvoir faire adopter au niveau européen, mais aussi à l’échelle plus large de l’économie des échanges internationaux.

Je souhaiterais répondre désormais à la question de Mme Marguerite Deprez-Audebert, qui portait sur l’objectif européen de 55 % de réduction des gaz à effet de serre défini, et sur la problématique de la déforestation importée.

La Convention citoyenne pour le climat a travaillé sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Cet objectif a été revu à la hausse par le Conseil européen du 10 et 11 décembre 2020 : l’objectif de réduction est désormais de 55 % par rapport aux niveaux de 1990.

Toutefois, cet objectif n’est pas compris comme un objectif absolu pour chaque État membre. En réalité, l’objectif des 55 % constitue une moyenne. L’objectif tient compte de l’absorption des émissions par les puits de carbone. Il est exprimé de façon globale pour l’ensemble des États membres de l’Union Européenne, selon la méthodologie définie par le GIEC. En réalité, en prenant en compte ces puits de carbone, l’effort de diminution des émissions est plutôt de 53 % pour ce qui concerne la France.

L’objectif de 55 % est compris au niveau européen, et non comme un objectif absolu pour chaque Etat membre. Certains pays devront ainsi réaliser plus d’efforts que d’autres. Je pense notamment aux pays d’Europe centrale qui ont une économie très carbonée, parce qu’ils utilisent beaucoup de charbons. Ceux-là seront sûrement contraints à un effort plus conséquent.

La répartition de la diminution entre les secteurs couverts par le marché de quotas de carbone et les secteurs non couverts n’est pas encore déterminée. Selon les secteurs, l’objectif fixé à la France sera plus ou moins important. L’objectif qui sera assigné à la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est donc pas encore précisément chiffré.

Les mesures du projet de loi climat et résilience doivent permettre de contribuer à la réduction de ces émissions de gaz à effet de serre. Il faut ajouter à cela la question des émissions importées. Je voudrais désormais en venir à la question de la politique forestière et de la déforestation importée.

Effectivement, à l’article 64, des dispositions sont prévues en lien avec cette politique forestière, qui visent à lutter contre la déforestation importée. Cette question-là n’est pas présente dans le projet de loi, mais la Commission européenne et la France agissent contre le phénomène de déforestation importée. Ainsi, en 2021, la Commission européenne devrait publier une nouvelle stratégie forestière. En conséquence, la France devrait attendre que cette stratégie soit rendue publique afin de pouvoir s’inscrire dans le cadre défini par celle-ci.

Toutefois, la France ne reste pas en retrait dans ce domaine. Elle devrait selon moi, et c’est l’objet de l’une de mes recommandations, jouer un rôle moteur dans la définition de cette stratégie, notamment concernant la déforestation, qui fait en France l’objet d’une stratégie de lutte nationale. Pour être plus précise, cette stratégie nationale de lutte contre la déforestation a été engagée par la France en 2018. Elle devrait, conduire en 2030, à l’interdiction d’importation de produits forestiers non durables, et qui contribuent à la déforestation dans les filières du cacao, du soja, de l’huile de palme, ou encore du bois. La France souhaite véritablement jouer un rôle moteur dans ce domaine, en proposant une initiative de ce type. L’objectif serait d’aller au-delà de l’article 64 qui prévoit uniquement la communication de données douanières nécessaires pour la mise en place de mécanismes d’alerte auprès des ministères de l’environnement, et à destination des entreprises lorsqu’elles importent des denrées en provenance de zones déforestées.

Ce sont des mesures qui doivent permettre de lutter contre la déforestation importée. Toutefois, ce ne sont pas les seules, puisque nous disposons aussi d’une stratégie, qui va, en outre, être renforcée. Nous souhaitons, en effet, être force de proposition à l’échelle européenne.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

 

 


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   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées

I-                   Liste des auditions organisées par la rapporteure

Commission européenne

Mme Camilla Bursi, membre du cabinet du commissaire européen à l’environnement

Mme Églantine Cujo, membre du cabinet du commissaire européen à l’environnement

M. Ruben-Alexander Schuster, membre du cabinet du commissaire européen à l’environnement

M. Luca de Carli, direction générale de l’action pour le climat, unité affaires juridiques, relations interinstitutionnelles et communication

Mme Marion Perelle, direction générale de l’action pour le climat, Desk France

Mme Aurore Maillet, direction générale de l’environnement, unité développement durable mondial, objectifs de développement durable, finances vertes et analyse économique

Représentation permanente de la France auprès de l’Union Européenne

M. Fabrice Dubreuil, représentant permanent adjoint

M. Philippe Berdou, conseiller climat, biodiversité, eau, OGM et contentieux

M. Timothée Truelle, conseiller coordination politique interne et compétitivité

Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)

M. Jérôme Brouillet, secrétaire général adjoint, en charge des solidarités et de la transition écologique et agricole

Mme Gwenaëlle Baudet, adjointe au secteur énergie, environnement et climat

Ministère de la transition écologique

M. Philippe Deprédurand, conseiller Europe de la ministre

II-               Participation aux auditions de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Ministère de la transition écologique

Mme Barbara Pompili, ministre

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

M. Julien Denormandie, ministre

Ministère de l’économie, des finances et de la relance

M. Bruno Le Maire, ministre

Haut Conseil pour le Climat

Mme Corinne Le Quéré, Présidente

Table ronde réunissant des représentants de Réseau Action Climat, de Greenpeace France, de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), des Amis de la Terre, de France Nature Environnement (FNE), du WWF France et de l’Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement

Mme Meine Fink, responsable « Transition climatique juste » du Réseau Action Climat

M. Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE)

M. Samuel Léré, responsable plaidoyer de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (FNH)

Mme Alma Dufour, chargée de campagne « Surproduction et surconsommation » des Amis de la Terre

M. Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement (FNH)

Mme Juliette Kacprzak, chargée de plaidoyer et campagnes du WWF

Mme Brigitte Giraud, directrice de l’Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement (UNCPIE)


([1])  GIEC, Rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 degrés, 8 octobre 2018.

([2])  Rapport d’information n°3737 de la commission des affaires européennes sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050, présenté par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Desflesselles.

([3])  Chiffres clés du climat, France, Europe et Monde, Ministère de la transition écologique, édition 2020.

([4])  L’empreinte carbone est la quantité de gaz à effet de serre induite par la demande finale intérieure d’un pays, en tenant compte des biens produits sur le territoire national ou des biens importés.

([5])  Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), Rapport l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, 2019.

([6])  WWF, Rapport Planète vivante 2020 – Infléchir la courbe de la perte de biodiversité, 2020.

([7])  IPBES (2019), Résumé à l’intention des décideurs, point A4 p.4.

([8])  Commission européenne, Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 – Ramener la nature dans nos vies, 20 mai 2020.

([9]) Forum économique mondial (2020),, Nature Risk Rising : Why the Crisis Engulfing Nature Matters for Business and the Economy

([10])  Directives 2009/28/CE ; 2009/20/CE ; 2009/31/CE et décision 406/2009/CE du 23 avril 2009.

([11])  Ce système a été créé par la directive 2003/87/CE.

([12])  Commission Européenne, Rapport de la Commission au Parlement Européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l’état de conservation de la nature dans l’Union Européenne, 15 octobre 2020.

([13])  Rapport d’information n°3737 de la commission des affaires européennes sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050, présenté par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Desflesselles.

([14])  Commission européenne, 11 mars 2020, Nouveau plan d’action pour l’économie circulaire.

([15])  Commission européenne, Construire un avenir résilient face au changement climatique – Une nouvelle stratégie de l’Union européenne relative à l’adaptation au changement climatique, 24 février 2021.

([16])  Commission européenne, Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 – Ramener la nature dans nos vies, 20 mai 2020.

([17])  Commission européenne, Communication sur la stratégie mobilité durable et intelligente, 9 décembre 2020.

([18])  Commission européenne, Stratégie « Vague de rénovations » - Verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer nos vies, 14 octobre 2020.

([19])  Commission européenne, Stratégie « De la ferme à la table » pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement, 20 mai 2020.

([20])  Commission européenne, Stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable, 17 septembre 2020.

([21])  Communiqué de presse du Conseil, Adoption du cadre financier pluriannuel 2021-2027, 17 décembre 2020.

([22]) Rapport « Les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat », version corrigée 29 janvier 2021.

([23]) Directives 94/62 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballage et 2008/98 du 19 novembre 2009 relative aux déchets, modifiées par la directive 2018/851 du 30 mai 2018.

([24]) Ministère de la Transition écologique, Fiche thématique « Les émissions de gaz à effet de serre des transports », 4 juin 2019.

([25]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([26]) Communication de la Commission, Programme de travail de la Commission pour 2021 – Une Union pleine de vitalité dans un monde fragile.

([27]) Règlement 651/2014 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2014.

([28]) La prime à la conversion pour les véhicules propres est prévue par le décret n°2020-656 du 30 mai 2020 relatif à l’acquisition ou à la location des véhicules peu polluants.

([29]) Direction générale de l’aviation civile (DGAC), Les émissions gazeuses liées au trafic aérien en France en 2019.

([30]) Le SEQE-UE a été fondé par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003.

([31]) Conseil d’État, avis n°401933 sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets.

([32]) Sur le fondement de l’article 192 du TFUE.

([33]) Directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010.

([34]) Directive 2012/27 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012.

([35]) Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés, mars 2021

([36]) Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), Rapport SECTEN 2020, Bilan des émissions en France de 1990 à 2018, juin 2020.

([37]) Directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques.

([38]) Article 15 de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([39]) Directive 2015/1535 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.

([40]) Règlement 2019/2023 de la Commission du 1er octobre 2019 établissant des exigences en matière d’écoconception applicables aux lave-linge ménagers et aux lave-linge séchants.

([41]) Directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie.

([42]) Règlement 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules.

([43])  Article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 sur l’orientation des mobilités

([44]) Affaire C-339/15, Luc Vanderborght

([45]) Conseil d’État, avis n°401933 sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets, point 12.

([46])  Amendement n°3894, présenté par Mme Bergé, rapporteure thématique.

([47]) Règlement 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la communauté.

([48]) Conseil d’État, avis n°401933 sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets, point 44.

([49]) Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la communauté.

([50]) Règlement (UE) 2018/842 du Parlement Européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat, afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n°525/2013.

([51]) Règlement 2019/631 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs.

([52]) Règlement 2016/646 de la Commission du 20 avril 2016 portant modification du règlement 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6).

([53]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([54]) Communication COM(2011) 571 de la Commission, Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, 20 septembre 2011.

([55])  Plan d’action sur l’économie circulaire de la Commission européenne du 11 mars 2020.

([56])  Directive 2003/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([57])  Haut Conseil pour le Climat, Avis portant sur le projet de loi climat et résilience, février.

([58]) Rapport d’information n°3737 de la commission des affaires européennes sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050, présenté par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Desflesselles.

([59])  GIEC, Révision 2019 des Lignes directrices 2006 du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre.

([60])  Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté.

([61])  Règlement (UE) 2018/842 du Parlement Européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat, afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n°525/2013.

([62])  Article 55 de la loi de finances pour 2021.

([63])   Loi 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([64])  Loi 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([65])  Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

([66])  Directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

([67])  Directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques.

([68])  Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

([69])  Eurostat, Le commerce international de biens, développement du commerce international de biens, EU-28, 2009-2019, juin 2020.

([70])  Conseil économique pour le développement durable, Synthèse n°39, Mesures d’inclusion carbone – Des propositions à la mise en œuvre, juillet 2019.

([71])  Résolution du Parlement européen 2020/2043(INI) du 10 mars 2021 vers un mécanisme européen d’ajustement des émissions de carbone aux frontières compatible avec l’OMC.

([72])  Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen.

([73])  Rapport d’information n°3585 déposé par la commission des affaires européennes portant observations sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

([74]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée 2018-2030.

([75]) Loi n°2018-928 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.