N° 4076

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 avril 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE la défense nationale et des forces armées

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur les personnels civils de la Défense

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Alexis corbière et Jean-Charles larsonneur

Députés

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.


La mission d’information sur les personnels civils de la défense est composée de : MM. Alexis Corbière et Jean-Charles Larsonneur, rapporteurs, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, Mme Séverine Gipson et M. Bastien Lachaud, membres.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : Les personnels civils de la défense, une composante plurielle dont la gestion administrative est fondée sur la distinction entre gestionnaires et employeurs

I. Représentant 23,3 % des effectifs du ministère des Armées, les personnels civils se caractérisent par leur grande diversité, tant sur le plan statutaire que quant aux métiers exercés

A. Une composante représentant 23,3 % des effectifs du ministère et œuvrant en complémentarité étroite avec la composante militaire du ministère

1. Les personnels civils représentent 23,3 % des effectifs du ministère

2. Si les personnels civils et militaires ont des cadres d’emploi et de gestion distincts, ils contribuent, en complémentarité étroite, aux mêmes missions

a. Des différences de cadre d’emploi entre civils et militaires

i. Le cadre d’emploi des personnels civils est le statut général de la fonction publique défini par la loi du 13 juillet 1983

ii. Le cadre d’emploi des personnels militaires est défini par la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires

b. Gestion de stock des personnels civils contre gestion de flux des militaires

c. Une complémentarité étroite entre personnels civils et militaires du ministère des Armées, au service d’une même mission

B. Une diversité de catégories de personnels civils

1. Les fonctionnaires, élément de stabilité et de pérennité de la composante civile du ministère

2. Les ouvriers de l’État, une catégorie dont le champ a été resserré en 2016 et qui demeure indispensable dans certaines filières aux compétences rares

a. Un statut ad hoc

b. Le décret du 30 décembre 2016 a restreint le champ des professions ouvertes au recrutement en qualité d’ouvrier de l’État

c. Une rémunération attractive

d. Une revalorisation de la carrière des ouvriers par trois arrêtés ministériels

e. Des effectifs en diminution du fait du vieillissement et des effets du décret du 30 décembre 2016

f. Une catégorie indispensable dans les métiers industriels à forte technicité

3. Les agents contractuels à durée déterminée et indéterminée, un vivier important au ministère des Armées, surtout dans certaines spécialités très techniques

a. Un vivier important au ministère des Armées

b. Une catégorie particulière de contractuels : les ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) et les techniciens (TCT) sous contrat à la direction générale de l’armement

i. Des contractuels gérés par la direction générale de l’armement

ii. Un véritable atout pour la DGA, synonyme de souplesse de gestion et de montée en compétence

iii. Une catégorie de contractuels que la DGA peut mettre à disposition d’autres employeurs du ministère

4. Employés depuis des décennies par les forces armées françaises déployées à l’étranger, les personnels civils de recrutement local ont vu leur droit à la protection fonctionnelle reconnu par la jurisprudence et leur cadre d’emploi évoluer à la suite de la relocalisation d’anciens personnels de recrutement local afghans

a. Des personnels employés par les forces de présence à l’étranger et les forces déployées en opérations extérieures

i. Des personnels recrutés sur le territoire d’un État étranger où sont déployées les forces armées françaises

ii. Des personnels dont le recrutement doit être motivé à plusieurs égards

iii. Des missions de soutien des forces mais aussi parfois une assistance aux forces armées dans la conduite de leurs opérations

iv. Un recours aux personnels civils de recrutement local encadré par des principes de gestion et d’administration

b. Les conséquences de l’intervention de la France en Afghanistan sur le droit et le cadre d’emploi applicables aux personnels de recrutement local

i. La première phase de relocalisation en 2012-2013 : un dispositif d’exfiltration en urgence et dans la discrétion

ii. La deuxième phase de relocalisation, sous l’égide de l’ambassade de France

iii. La troisième vague de relocalisations en 2018

iv. Un revirement de jurisprudence du Conseil d’État ayant entraîné une extension du champ de la protection fonctionnelle

v. Les enseignements tirés par les forces armées françaises de l’expérience afghane : l’évolution de la politique d’emploi des personnels civils de recrutement local

c. La position des rapporteurs

i. Sur l’étendue du champ de la protection fonctionnelle

ii. Sur l’octroi de droits spécifiques au profit des personnels de recrutement local

iii. Sur l’information des personnels civils recrutés localement sur leur droit à la protection fonctionnelle

iv. Sur l’harmonisation des procédures

v. Sur le suivi administratif des demandes de protection fonctionnelle

vi. Sur la question des notes blanches

vii. Sur le recours à des contrats de droit local

viii. Sur la manière dont les grandes puissances ayant participé à l’intervention militaire en Afghanistan ont traité la question

C. Une grande diversité de métiers civils, reflet de la richesse des fonctions du ministère des Armées

1. Des métiers relevant des domaines technique, administratif et paramédical

2. Les exemples de métiers civils du service interarmées des munitions et du service de santé des armées, reflets de la multiplicité des champs d’intervention du ministère des Armées

a. Les métiers de la pyrotechnie du service interarmées des munitions : des métiers très techniques suscitant un défi de recrutement et de formation

i. Des métiers très techniques relevant du soutien des munitions et de la pyrotechnie

ii. Des métiers en tension qui soulèvent d’importantes difficultés de recrutement et de formation

b. Une très grande diversité de professions médicales exercées par les personnels civils du service de santé des armées

II. Une gestion administrative fondée sur la distinction entre gestionnaires et employeurs

A. Sous l’autorité de la DRH-MD, le service des ressources humaines civiles est l’opérateur chargé de la gestion de l’essentiel des personnels civils

1. La direction des ressources humaines du ministère, autorité fonctionnelle

2. Le service des ressources humaines civiles, gestionnaire de 82 % des personnels civils du ministère des Armées

3. Une gestion, par leur employeur, de certains personnels civils de la DGA et du SSA ainsi que de l’ensemble des personnels civils de la DGSE

a. Les ingénieurs cadres technico-commerciaux et les techniciens cadres technico-commerciaux sont gérés directement par de la direction générale de l’armement

b. Les personnels civils de la direction générale de la sécurité extérieure

c. Les personnels civils paramédicaux du service de santé des armées

B. Les employeurs du ministère des armées

1. L’EMA, le SGA et la DGA, grands employeurs de personnels civils, expriment des besoins en ressources humaines civiles

2. Les autorités centrales d’emploi

3. Les autorités territoriales d’emploi

4. Les autorités locales d’emploi

C. Une gestion dont certains outils pourraient être assouplis

1. Le référentiel en organisation, un outil à mieux adapter aux réalités de certains services

2. La sincérisation de la marge frictionnelle : une mesure technocratique ayant eu l’effet d’un coup de rabot dans certains services

Seconde partie : recruter, fidéliser, valoriser les parcours professionnels et garantir le maintien d’un dialogue social et de conditions de travail optimaux : des enjeux majeurs pour les personnels civils du ministère des Armées

I. Recruter des personnels civils qualifiés, un défi majeur à court et à moyen termes

A. Les conséquences de la politique de réduction des effectifs et du vieillissement de la population civile du ministère : des besoins de recrutement très importants à court et à moyen termes

1. Les effets négatifs de la politique de réduction des effectifs menée jusqu’en 2014

2. Le déséquilibre de la pyramide des âges et l’imminence de départs massifs à la retraite

3. D’importants besoins de recrutement de personnels civils très qualifiés destinés à occuper des métiers techniquement pointus et soumis à une forte concurrence sur le marché de l’emploi

a. Des enjeux quantitatifs mais aussi qualitatifs

i. Maintenir et transmettre les savoir-faire tout recrutant des personnels formés aux nouvelles techniques et technologies

ii. Recruter, dans le domaine de la maintenance, des agents formés dans le domaine des achats complexes et de la négociation contractuelle

iii. Dans un environnement en perpétuelle évolution, recruter aujourd’hui dans les métiers de demain

b. Une dynamique de recrutement ascendante pour les personnels civils depuis 2015

c. La nécessité pour le ministère des Armées d’être attractif dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé

B. Une diversification des voies de recrutement visant à répondre à ces besoins majeurs

1. Le concours, voie traditionnelle de recrutement qui garantit la stabilité et la préservation des compétences dans la durée

a. Le concours, voie traditionnelle de recrutement

b. La centralisation à Lyon de l’organisation des concours de recrutement de personnels civils

c. Le recrutement national à affectation locale, une voie à développer

d. L’expérimentation, encadrée par la loi de programmation militaire, du recrutement sans concours de techniciens supérieurs d’études et de fabrications

2. Un recours accru à la contractualisation, encadré par les évolutions du droit, pour répondre aux besoins d’agilité et de réactivité du ministère des Armées

a. La contractualisation, un élément d’agilité

i. Une sous-réalisation des concours

ii. Un facteur d’agilité et de réactivité indispensable

iii. Une réponse à des besoins spécifiques dans certaines filières

iv. Une certaine souplesse dans la fixation des rémunérations

b. Une extension progressive des possibilités de contractualisation

i. Le droit en vigueur avant la loi de programmation militaire

ii. La faculté offerte par la loi de programmation militaire de recruter dans des régions peu attractives des agents par contrat initial de trois ans renouvelable dans les secteurs sous tension

iii. Une nette extension, par les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique en matière de contractualisation, des possibilités de contractualisation

3. Le dispositif de reconversion d’anciens militaires, un atout pour les services du ministère des Armées

a. Le droit applicable depuis le 1er janvier 2020

b. Un dispositif ayant remporté un franc succès en 2020

c. Un atout pour les services du ministère des Armées

d. Les conditions de reprise de l’ancienneté de service

4. Le recrutement des apprentis au terme de leur apprentissage, une action à développer

a. Le ministère des Armées mène une politique dynamique en matière d’apprentissage

b. La nécessité d’obtenir un « retour sur investissement » en recrutant les apprentis au terme de leur contrat d’apprentissage

C. De la nécessité de renforcer la communication pour assurer la visibilité des métiers civils de la défense

1. Une communication structurée pour répondre au défi du recrutement

a. Une mission dévolue au SGA

b. Trois cibles de communication

c. Une communication adaptée à la grande diversité des métiers civils du ministère

2. De nombreux vecteurs de communication

a. La création d’une marque assortie d’une identité graphique

b. Les salons de recrutement, la communication audiovisuelle et la présence sur les réseaux sociaux

c. La création d’un portail internet dédié aux civils de la défense

3. Communiquer davantage à l’échelon local ?

a. Faut-il confier aux CIRFA une mission de communication sur les métiers civils de la défense ?

b. Renforcer les partenariats avec les établissements scolaires et d’enseignement supérieur ?

4. Lever les freins à la communication sur les réseaux sociaux

II. Fidéliser les personnels civils dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé : quels leviers d’attractivité ?

A. Le levier de la rémunération

1. La rémunération des fonctionnaires est fondée sur la distinction entre grille indiciaire et régime indemnitaire

a. La grille indiciaire

b. Le régime indemnitaire : la généralisation, pour les corps de fonctionnaires, du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel

i. L’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise, un outil visant à valoriser les compétences et la mobilité

ii. Le complément indemnitaire annuel, levier de reconnaissance de l’engagement individuel et de la manière de servir des agents.

2. La prime de rendement des ouvriers de l’État

3. La revalorisation de la rémunération des agents contractuels : vecteur majeur d’attractivité et de fidélisation des personnels aux compétences rares dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé

a. Le cas des métiers du renseignement

b. Le cas des métiers du cyber

c. La fidélisation des ICT, une politique volontariste de la DGA

4. La comparaison entre rémunérations des fonctionnaires et des agents sous contrat fait apparaître un mouvement de convergence progressif

a. La nécessité d’aligner la rémunération des agents contractuels de niveau III de la filière administrative sur celle des fonctionnaires de catégorie C

b. Des rémunérations comparables pour les fonctionnaires de catégorie A et les contractuels de niveau I, sauf dans les filières en tension

B. Le levier statutaire ?

C. Le levier de la formation : adapter continuellement les compétences aux évolutions des métiers et favoriser l’avancement des agents

1. Les droits à formation des personnels civils

2. Les centres de formation centraux de Bourges et d’Arcueil

3. La déconcentration des formations assurées par les centres ministériels de gestion

4. La rénovation en cours de l’organisation des formations

D. Le sens de la mission : plus qu’un vecteur d’attractivité, une vocation

III. Mettre en valeur les parcours de carrière

A. Des personnels aux parcours parfois morcelés du fait de la succession des restructurations au ministère des Armées

B. La règle de mobilité volontaire complique l’élaboration de parcours professionnels dynamiques au profit des personnels civils

C. Un équilibre à trouver entre construction de parcours professionnels et fidélisation

D. De l’importance de la reconnaissance immatérielle du mérite

IV. Maintenir un dialogue social soutenu à tous les échelons et garantir des conditions de travail optimales

A. Garantir un dialogue social soutenu à tous les niveaux de décision en valorisant le rôle des organisations syndicales

1. L’état du dialogue social

a. Le dialogue social s’organise à plusieurs niveaux

b. Le résultat des dernières élections professionnelles

c. Un dialogue social soutenu

2. Les effets de la loi de transformation de la fonction publique sur le rôle des organisations syndicales en matière d’avancement

B. Garantir les meilleures conditions de travaiL

1. L’accompagnement social des personnels civils dans le cadre du plan famille : un effort à poursuivre

2. Une politique active de réorientation professionnelle bénéficiant au personnel civil

3. Les conséquences de la crise sanitaire sur l’organisation du travail et du dialogue social dans un ministère régalien aux missions très spécifiques

a. Une réorganisation du ministère des Armées visant à protéger les agents tout en garantissant l’exécution des missions essentielles du ministère

b. Une mise en application du plan de continuité de l’activité qui a été adaptée à la spécificité de chaque service

c. Le déroulement du dialogue social pendant la crise sanitaire

Conclusion

Travaux de la commission

Synthèse des propositions

Annexes

Annexe  1 :  Auditions des rapporteurs, déplacements et contributions écrites

1. Auditions

2. Déplacement du 25 au 26 janvier 2021 à Brest, Landivisiau et Guipavas

3. Contributions écrites

Annexe  2 : La création du corps des ingénieurs civils de la défense

a. Renforcer la visibilité du corps

b. Améliorer les conditions de recrutement

Annexe  3 : Récapitulatif des quatre phases de relocalisation des personnels civils de recrutement local

 

 


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   Introduction

 

Le 28 octobre dernier, la commission de la défense nationale et des forces armées créait une mission d’information sur les personnels civils de la défense. Pourquoi une telle mission ?

Le 22 décembre 2015, le contrôle général des armées rendait au ministre de la défense Jean-Yves Le Drian un rapport sur la place du personnel civil au sein des armées et services, couramment désigné sous l’appellation de « rapport Hamel », du nom de l’un de ses quatre rédacteurs. Bien que ce rapport n’ait pas été rendu public, les organisations syndicales représentatives du ministère des Armées se sont publiquement exprimées sur ses grandes lignes([1]) et ont également évoqué sa substance lors des auditions de vos rapporteurs. La mission confiée par le ministre au contrôle général des armées consistait notamment à déterminer les conditions de relance de la politique de rééquilibrage entre personnels civils et militaires dans les différents métiers du soutien – politique annoncée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019. La doctrine d’emploi des personnels civils, contrainte par le resserrement des effectifs, consistait alors à spécialiser les personnels civils sur les fonctions de soutien, les personnels militaires étant appelés à se concentrer sur les missions opérationnelles. Cependant, ce postulat s’est avéré délicat à mettre en œuvre pour les tâches de soutien, ne serait-ce que parce qu’il est indispensable d’y conserver des effectifs militaires projetables.

L’arrêt complet des réductions d’effectifs au profit des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement – consécutif aux tragiques événements ayant endeuillé notre pays en 2015 – a entraîné une évolution majeure du cadre de réflexion global sur les personnels civils du ministère des Armées et sur cette doctrine d’emploi. Dans une période de relance progressive des recrutements et d’amélioration de l’attractivité, la question des ressources humaines du ministère des Armées s’appréhende désormais, plus que jamais, sous l’angle de la complémentarité civilo-militaire.

La loi de programmation militaire (LPM) pour 2019-2025 confirme et amplifie la dynamique de recrutement de personnels civils et militaires enclenchée en 2015 en fléchant ceux-ci : un schéma d’emploi ministériel a été arrêté à hauteur de 6 000 équivalents temps plein([2]) pour cette période, dans le périmètre des emplois civils et militaires financés sur les crédits de personnel du ministère([3]). Parmi ces 6 000 recrutements programmés, 3 000 sont prévus entre 2019 et 2023. Douze domaines d’emploi ont été identifiés pour ces recrutements : le renseignement, la cyberdéfense, la digitalisation et l’intelligence artificielle, la sécurité-protection, l’infrastructure, le soutien à l’export, les relations internationales, l’environnement des forces au sein des armées, les unités opérationnelles([4]), l’accompagnement de la transformation et le soutien interarmées.

Dans un tel contexte, l’enjeu majeur est moins de « civilianiser » les métiers du soutien du ministère des Armées que de relever les défis démographique et technologique. L’âge moyen des personnels civils du ministère est de 47 ans. En outre, 46 % des personnels civils ont 50 ans ou plus. Seuls 23 % des civils ont moins de 40 ans. En décembre 2019, 11 009 civils se trouvaient à moins de cinq ans de l’âge légal de la retraite et 2 152 avaient atteint ou dépassé l’âge de la retraite. Dans les six ans à venir, le volume des départs à la retraite est estimé à environ 12 000, dont 5 000 pour les ouvriers de l’État et 3 300 pour les civils de catégorie C.

Si le recrutement de personnels civils de haut niveau dans des spécialités pointues et dans des métiers rares sur le plan technique est un enjeu primordial pour le ministère des Armées, la fidélisation des personnels civils est également déterminante dans un contexte où la concurrence du secteur privé est rude. La crise sanitaire atténue quelque peu la vigueur de cette concurrence – en particulier dans un secteur aéronautique traversant une crise dont on ne peut par ailleurs que déplorer la gravité. Il reste que des personnels civils hautement qualifiés ayant engrangé une expérience professionnelle d’excellent niveau dans un ministère comme celui des Armées sont un vivier alléchant pour les entreprises privées – entreprises avec lesquelles les civils du ministère sont d’ailleurs au contact au quotidien dans l’exécution de leurs missions. La politique de fidélisation du ministère des Armées suppose d’actionner tous les leviers à la main des gestionnaires et employeurs. Il s’agit aussi d’offrir aux personnels de vrais parcours de carrière et de leur garantir le maintien de conditions de travail et de vie les meilleures.

Si le défi de recrutement est la première raison ayant motivé ce rapport, il en est une seconde : rendre hommage à l’engagement et au dévouement sans faille des personnels civils du ministère des Armées. S’il a beaucoup été fait allusion – à très juste titre – au rôle indispensable de nos militaires dans la gestion de la crise sanitaire, en particulier dans le cadre de l’opération Résilience, le rôle tout aussi indispensable des personnels civils, qui œuvrent chaque jour au soutien des forces, a sans doute moins été mis en lumière. Le fil rouge du présent rapport d’information – fruit d’un travail accompli dans des délais resserrés et dans les conditions délicates imposées par les circonstances de la crise sanitaire – est bien le caractère indispensable de la ressource humaine – « remise au cœur du ministère » par la ministre des Armées – et, en l’occurrence, de la ressource humaine civile au profit de la souveraineté et de la résilience de la Nation.

 

 


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   Première partie : Les personnels civils de la défense, une composante plurielle dont la gestion administrative est fondée sur la distinction entre gestionnaires et employeurs

La présence des personnels civils dans les armées n’est pas récente. Sous le règne de Louis XIII, le cardinal de Richelieu confia le recrutement et le ravitaillement à des intendants aux armées, à des commissaires et à des contrôleurs des guerres itinérants ou directement rattachés aux armées. Louis XIV fut le premier monarque européen à créer une administration civile de l’armée. Sous le Directoire, des commissaires aux armées eurent pour mission de veiller à l’administration des territoires occupés, de surveiller l’approvisionnement de l’armée et de dénoncer les généraux indisciplinés.

La coexistence entre personnels militaires et civils au ministère de la Défense connaît un tournant dans les années 1960-1970 avec la création, en 1961, de la délégation ministérielle pour l’armement, devenue depuis 2009 direction générale pour l’armement (DGA), et du secrétariat général pour l’administration (SGA).

Enfin, la transformation progressive des arsenaux (GIAT, SNPE et DCN) en sociétés anonymes pendant les années 1990 s’est traduite par le reclassement, dans des fonctions de soutien, d’un nombre important de personnels civils. La réduction du format des armées et les réorganisations fonctionnelles et territoriales ont également fait évoluer l’organisation du soutien.

Aujourd’hui, les personnels civils représentent environ 23,3 % des effectifs du ministère des Armées. Sous cette appellation générale, ils se caractérisent par leur grande diversité – tant sur le plan statutaire que quant aux métiers exercés (I).

Leur gestion est fondée sur la distinction entre gestionnaires et employeurs, (II).

I.   Représentant 23,3 % des effectifs du ministère des Armées, les personnels civils se caractérisent par leur grande diversité, tant sur le plan statutaire que quant aux métiers exercés

Représentant 23,3 % des effectifs, les personnels civils contribuent pleinement chaque jour à l’accomplissement des missions du ministère des Armées, en complémentarité étroite avec la composante militaire (A).

Ces personnels se caractérisent par leur grande diversité, à la fois sur le plan statutaire (B) et quant aux métiers exercés (C).

A.   Une composante représentant 23,3 % des effectifs du ministère et œuvrant en complémentarité étroite avec la composante militaire du ministère

1.   Les personnels civils représentent 23,3 % des effectifs du ministère

Selon le dernier([5]) bilan social des armées, en 2019, le ministère des Armées totalisait un effectif de 268 294 militaires et civils (en ETPT) sous plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA). Sa population progressait de 0,3 % par rapport à 2018.

 

Source : DRH-MD

Les effectifs civils du ministère des Armées s’élevaient à 63 568 équivalents temps plein employé (ETPE). La part des personnels civils au ministère des Armées est passée de 22,9 % en 2018 à une prévision de 23,5 % à la fin de l’année 2021, en hausse de 0,6 point. Les schémas d’emplois négatifs de personnels militaires constatés depuis 2018([6]) sont ainsi compensés par des créations d’emplois de personnels civils. Selon la direction des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MD), cette dynamique devrait à nouveau être observée cette année puisque la loi de finances initiales pour 2021 prévoit la suppression de 273 équivalents temps plein employé (ETPE) militaires et la
création de 573 ETPE civils.

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, le taux de féminisation des personnels civils est de 39,4 %, contre 16,1 % pour les militaires.

 

Taux de féminisation au sein du personnel du ministère des Armées en 2019

 

En %

Taux de féminisation

 

Parmi le personnel militaire

16,1

Parmi le personnel civil

39,4

Au sein de l’ensemble du personnel

21,6

Source : bilan social 2019.

Champ : ensemble du personnel militaire et civil sous PMEA du ministère des Armées en 2019.

La part des femmes parmi les personnels civils varie très fortement d’un service à l’autre. Elle est par exemple de 22 % à la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI), de 23 % au commandement de la cyberdéfense mais de 29 % à la DGA, de 31 % au service d’infrastructure de la défense (SID) ainsi qu’au sein de l’armée de Terre et de 38 % dans la Marine. Au service de soutien de la flotte (SSF), ce taux atteint les 42 %. Dans la Marine([7]), les femmes sont majoritairement présentes parmi les catégories C (53 %), surreprésentées dans les filières administratives et sous-représentées dans les filières plus techniques. De même, dans l’armée de Terre, la part des femmes est plus importante dans les corps de catégorie C, essentiellement dans le corps des adjoints administratifs – la part importante des hommes dans la composante civile de cette armée s’expliquant par la prédominance des métiers techniques.

En matière d’emploi de personnels en situation de handicap([8]), le ministère des Armées a indiqué aux rapporteurs que le nombre de personnels civils en situation de handicap détenteurs d’un document d’éligibilité à la position de travailleur handicapé s’élevait à 2 842 personnes, ce qui correspond à un taux d’emploi de 4,81 %. Le nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi est de 4 258 personnes([9]) au 31 décembre 2019. Le taux d’emploi des bénéficiaires de l’obligation d’emploi, calculé sur l’effectif de personnels civils en poste au ministère des armées, est de 7,17 %. Parmi les services interrogés par les rapporteurs, le service du commissariat aux armées a indiqué qu’il fournissait un effort particulier en faveur du recrutement de personnels en situation de handicap – ces personnels étant en constante augmentation au SCA depuis 2018. De même, la délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICoD) a indiqué que 5,8 % de ses personnels civils étaient en situation de handicap.

En 2019, 5 065 recrutements de personnels civils ont été effectués, dont 48,5 % relatifs au personnel de catégorie C ou de niveau III.

La moyenne d’âge des personnels civils s’élevait, en 2019, à 46,7 ans. Cette moyenne, plus élevée que dans le reste de la fonction publique, constitue un défi majeur pour le ministère des Armées – défi sur lequel les rapporteurs reviendront dans la seconde partie du rapport.

Les dépenses de personnel (titre 2) du ministère des Armées, pensions incluses, s’élèvent à 20,556 milliards d’euros, dont 4,776 milliards pour les personnels civils([10]).

2.   Si les personnels civils et militaires ont des cadres d’emploi et de gestion distincts, ils contribuent, en complémentarité étroite, aux mêmes missions

Le ministère des Armées présente la spécificité de gérer et d’employer des personnels aux statuts et conditions forts différents mais œuvrant, en complémentarité étroite, au service d’une même mission : assurer la protection du territoire, de la population et des intérêts français.

Compte tenu de cette spécificité – quasi unique au sein de l’État puisqu’on ne la retrouve, en dehors de la Défense, qu’au ministère de l’Intérieur – et bien que ce rapport d’information soit consacré aux personnels civils, les rapporteurs ont souhaité rappeler brièvement dans le présent rapport les principales différences statutaires entre personnels civils et militaires.

a.   Des différences de cadre d’emploi entre civils et militaires

i.   Le cadre d’emploi des personnels civils est le statut général de la fonction publique défini par la loi du 13 juillet 1983

Les fonctionnaires civils du ministère des Armées sont régis par les dispositions applicables à la fonction publique dont le statut général a été unifié par le titre I de la loi du 13 juillet 1983([11]), les autres titres de cette loi préservant, au sein de titres distincts, les spécificités de chaque secteur([12]). La loi de 1983 fixe ainsi les droits et obligations communes du statut général des fonctionnaires. Parmi ces droits figurent la liberté d’opinion politique, syndicale, philosophique ou religieuse, le droit de grève, le droit syndical, le droit à la formation permanente, le droit de participation, la rémunération après service fait, le droit à la protection. Les principales obligations des fonctionnaires sont le secret professionnel, l’obligation de discrétion professionnelle, d’information au public, d’effectuer les tâches confiées, d’obéissance hiérarchique, de réserve et la neutralité du service public.

Quant aux agents sous contrat([13]), régis par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, ils sont recrutés à durée déterminée ou indéterminée. Les rapporteurs reviennent plus en détail infra sur les dispositions qui leur sont applicables.

ii.   Le cadre d’emploi des personnels militaires est défini par la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires

Le cadre d’emploi des militaires est distinct à maints égards de celui des personnels civils du ministère des Armées. Il est défini par la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires([14]) qui s’applique aux militaires de toutes les armées et services. Cette loi définit l’état militaire, le régime particulier des libertés applicables au personnel servant sous ce statut, les droits et devoirs du militaire, ses garanties, l’organisation hiérarchique, le régime des sanctions, les règles de recrutement, les conditions d’avancement et de cessation de l’état militaire.

Les militaires de carrière font partie de corps de militaires qui relèvent de l’armée ou du service dans lequel ils servent, de leur niveau d’emploi (officier, sous-officier ou officier marinier) et, le cas échéant, de leur spécialité.

Au-delà du statut général des militaires, il existe pour chaque corps un statut particulier, fixé par décret en Conseil d’État. Une fois recrutés, les militaires de carrière bénéficient d’une sécurité de l’emploi. Ils se trouvent dans une situation comparable à celle des fonctionnaires titulaires.

Les militaires sous contrat sont rattachés à un corps et soumis au statut particulier correspondant, conformément au type de contrat qu’ils ont signé. Le premier contrat est souscrit au titre d’une armée ou d’une formation rattachée pour dix ans au maximum. À l’issue du contrat, un nouveau contrat peut leur être proposé.

La singularité militaire se caractérise par le pouvoir exorbitant qu’a le militaire de donner la mort au combat – sur ordre – et par l’acceptation, par le militaire, du risque de mourir pour son pays.

Article L. 4111-1 du code de la défense

L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

Le statut [militaire] assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées et formations rattachées. Il offre à ceux qui quittent l’état militaire les moyens d’un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l’institution.

La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d’emploi après l’exercice du métier militaire.

Les principales spécificités de la condition militaire sont définies aux articles L. 4121-3 à L. 4121-5 du code de la défense.

L’article L. 4121-3 prévoit l’interdiction aux militaires en activité d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. L’interdiction d’adhésion à de tels groupements est néanmoins suspendue pendant la durée de toute campagne électorale. En cas d’élection et d'acceptation du mandat, cette suspension est prolongée pour la durée du mandat([15]).

L’article L. 4121-4 dispose que l’exercice du droit de grève est incompatible avec l’état militaire. En outre, l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. Cependant, les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires (APNM), y adhérer et y exercer des responsabilités.

Enfin, l’article L. 4121-5 prévoit que les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu, que leur liberté de résidence peut être limitée dans l'intérêt du service et que lorsque les circonstances l'exigent, leur liberté de circulation peut être restreinte.

b.   Gestion de stock des personnels civils contre gestion de flux des militaires

Une autre différence majeure entre civils et militaires tient à la manière dont ces personnels sont gérés. La gestion des militaires est dite « de flux », du fait de l’impératif de jeunesse des armées. À l’inverse, la gestion des civils est une gestion « de stock ». En conséquence, le taux de contractualisation est beaucoup plus élevé chez les militaires que chez les civils. La durée de carrière est aussi beaucoup plus courte chez les militaires([16]). Par ailleurs, il y a huit grades dans le corps des officiers contre trois en moyenne dans un corps de catégorie A de la fonction publique. La pyramide des âges est également très différente entre civils et militaires, la moyenne d’âge étant de 46,7 ans chez les civils, contre 42,3 ans chez les militaires de carrière et de 28,5 ans chez les militaires sous contrat.

c.   Une complémentarité étroite entre personnels civils et militaires du ministère des Armées, au service d’une même mission

Si, dans un souci de contextualisation, les rapporteurs ont présenté les principales différences de statut et de gestion entre les personnels civils et militaires – différences qui emportent nombre de conséquences en matière de rémunération, de déroulement de carrière, d’obligations professionnelles etc. –, ils souhaitent insister, au terme de l’ensemble des auditions qu’ils ont menées ainsi que du déplacement qu’ils ont effectué([17]), sur la complémentarité étroite entre personnels civils et militaires du ministère des Armées. Ils l’ont souligné en introduction du I de la première partie de ce rapport, la présence de civils dans un ministère chargé de la défense nationale n’est pas récente. Il y a fort longtemps que civils et militaires œuvrent ensemble, chaque jour, à l’accomplissement des missions dévolues au ministère qui est le leur. Les rapporteurs l’ont perçu lors de leurs rencontres avec les personnels civils du Finistère – a fortiori alors que le pays traverse une crise inédite –, c’est avec un sens de l’engagement et un dévouement indéfectibles que les personnels civils contribuent, grâce à leurs compétences et à leur expertise, à la réussite des missions des forces armées et à la résilience de la Nation. Les interlocuteurs de la mission d’information l’ont souligné à maintes reprises, du travail des personnels civils – et ceux-ci en ont pleinement conscience – dépend la vie de leurs camarades projetés en opération. Civils et militaires travaillent ensemble dans les mêmes bureaux ou espaces et non pas chacun « dans son bataillon ». Le principe de mixité de nombreux emplois, pouvant être indifféremment tenus par des militaires ou des civils, est source d’enrichissement mutuel et d’efficacité.

Qui plus est, certains chefs de service auditionnés par la mission d’information mènent une politique active pour renforcer la cohésion de leurs équipes et assurer leur travail en symbiose. L’un d’entre eux a indiqué aux rapporteurs qu’il s’adressait une fois par mois à l’ensemble de ses personnels pour lui expliquer les opérations en cours et les grands objectifs dévolus au service et qu’il informait également ses cadres à tous niveaux hiérarchiques. Au sein des armées, les activités de cohésion qui rythment la vie des militaires mêlent civils et militaires. Les rapporteurs saluent de telles politiques volontaristes.

B.   Une diversité de catégories de personnels civils

À la multiplicité des missions – et par conséquent, des besoins en recrutement – du ministère des Armées répond une diversité de catégories de personnels civils, chaque catégorie présentant atouts et spécificités. On distingue ainsi :

– les fonctionnaires (1), élément de stabilité et de pérennité ;

– les ouvriers de l’État (2), catégorie spécifique répondant à la nécessité pour les armées et leurs soutiens de disposer d’agents aux compétences techniques pointues ;

– les personnels contractuels (3), élément de souplesse indispensable ;

– les personnels civils de recrutement local (4), qui assistent les forces pré-positionnées ainsi que les forces en opérations extérieures.

Hors personnels civils de recrutement local, la répartition des personnels civils par catégorie et par employeur était la suivante en 2019 :

Répartition du personnel civil par catégorie et par employeur

Le tableau ci-dessous retrace la répartition globale des personnels civils du ministère des Armées entre titulaires et contractuels :

 

EN ETPT

 

TOTAL

%

TITULAIRES

CAT. A (dont A+)

8 063

       12,9  

CAT. B

11 230

       18,0  

CAT. C

17 313

       27,7  

S/TOTAL

36 606

       58,6  

NON TITULAIRES

NIV. I

5 680

      9,1  

NIV. II

1 504

        2,4  

NIV. III

4 778

         7,6  

S/TOTAL

11 962

      19,1  

OUVRIERS DE L’ÉTAT

OUVRIER

10 610

      17,0  

CHEF D’ÉQUIPE

2 166

       3,4  

TSO

1 168

         1,9  

S/TOTAL

13 944

       22,3  

S/TOTAL CAT. A/NIV. I

13 743

      22,0  

S/TOTAL CAT. B/NIV. II

12 734

      20,4  

S/TOTAL CAT. C/NIV. III

22 091

      35,3  

S/TOTAL OUVRIERS DE L’ÉTAT

13 944

       22,3  

TOTAL

62 512

     100,0  

Source : bilan social 2019 du ministère des Armées

Sur le plan de la nomenclature budgétaire, les personnels civils se répartissent entre les budgets opérationnels de programme (BOP) du service des ressources humaines civiles([18]) – pour 82 % d’entre eux –, du service de santé des armées (SSA), de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction générale de l’armement (DGA).

 

 

CAT. A
/
NIV. I

CAT. B
/
NIV. II

CAT. C
/
NIV. III

OE

TOTAL CIVILS

BOP TERRE

      0

      0

      0

      0

      0

 BOP MARINE

      0

      0

      0

      0

      0

 BOP AIR et ESPACE

     0

      0

      0

      0

      0

 BOP SRHC

  8 216

 10 868

 19 899

 13 423

 52 406

 BOP SSA

    508

    316

  1 466

    166

  2 456

 BOP BCAC-AG

  2 190

  1 269

  1 111

      0

  4 570

 BOP DGA

  3 419

    703

      0

      0

  4 122

 BOP SEO

      0

      0

      0

      0

      0

 BOP SCA

      9

      0

      0

      0

      9

 BOP IMI

      5

      0

      0

      0

      5

 BOP AUTRES PM
(UO APM, UO CGA, UO GIE)

      0

      0

      0

      0

      0

TOTAL

 14 347

 13 156

 22 476

 13 589

 63 568

Entre 2015 et 2018, la composition statutaire de la population civile s’est caractérisée par la diminution du nombre des ouvriers de l’État et la progression des effectifs de catégorie A ou niveau I, de catégorie B ou niveau II et de catégorie Cou niveau III.

1.   Les fonctionnaires, élément de stabilité et de pérennité de la composante civile du ministère

Comme dans le reste de la fonction publique, les fonctionnaires civils du ministère des Armées([19]) appartiennent à des corps correspondant aux diverses filières de métiers. Ils comprennent un ou plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de recrutement, en trois catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C([20]). La répartition des personnels civils par catégorie varie énormément d’un service ou d’une direction à l’autre au sein du ministère des Armées.

À titre d’exemple, la catégorie A est nettement majoritaire à la direction générale de l’armement :

 

cat A Adm

cat A Tech

cat B Adm

cat B Tech

cat C Tech et Adm

Ouvriers d’État

295

4 380

403

1 022

597

1 588

Source : direction générale de l’armement

Au service d’infrastructure de la défense (SID), c’est la catégorie B qui est la plus représentée parmi les personnels civils, juste devant les personnels de catégorie C et les ouvriers de l’État :

Autre situation encore, la répartition des personnels civils employés par la Marine([21]) se caractérise par une majorité de personnels de catégorie C :

Source : Direction du personnel militaire de la marine

 

C’est également le cas dans l’armée de Terre qui compte essentiellement des personnels de catégorie C. Avec les ouvriers de l’État, les personnels de catégorie C y représentent 74 % des effectifs civils. De fait, l’essentiel de ces effectifs sont employés dans la filière technique, en particulier dans le maintien en condition opérationnelle et la logistique.

De même, au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace, la majeure partie des fonctionnaires sont aussi de catégorie C. Fonctionnaires de catégorie C et ouvriers de l’État représentent 58, 2 % des effectifs civils, hors contractuels.

Quant au service du commissariat des armées (SCA), premier employeur de personnels civils du ministère([22]), il compte près de 10 000 personnels de catégorie C et ouvriers parmi les quelque 11 000 civils qu’il emploie, notamment dans la restauration, l’hôtellerie et les loisirs mais aussi dans les ressources humaines et la logistique.

Le corps des ingénieurs civils de la défense

Parmi les nombreux corps de fonctionnaires du ministère des Armées, le corps des ingénieurs civils de la défense a appelé l’attention des rapporteurs du fait de sa création récente. En effet, ce corps a été créé par le décret n° 2020-531 du 6 mai 2020 modifiant la dénomination du corps des ingénieurs d’études et de fabrications (IEF) du ministère de la Défense et les conditions de recrutement dans ce corps. Le corps des ingénieurs civils de la défense, qui se substitue à celui des ingénieurs d’études et de fabrications, compte environ 3 500 agents. Le tableau en annexe 2 du rapport retrace les principales évolutions statutaires de ce corps d’ingénieurs civils.

2.   Les ouvriers de l’État, une catégorie dont le champ a été resserré en 2016 et qui demeure indispensable dans certaines filières aux compétences rares

Les ouvriers de l’État, que l’on retrouve dans quelques autres ministères([23]) que celui des Armées, jouissent d’un statut ad hoc ayant été réformé, s’agissant de ce ministère, à partir de la fin de l’année 2016. Le décret n° 2016-1993 du 30 décembre 2016 a restreint le champ des professions ouvertes, au ministère des Armées, au recrutement en qualité d’ouvrier de l’État. Les rapporteurs tiennent à souligner l’impérieuse nécessité de préserver l’existence de cette catégorie spécifique de personnels au sein d’un ministère régalien ayant des besoins techniques de pointe dans de nombreux domaines.

a.   Un statut ad hoc

Les ouvriers de l’État du ministère des Armées, agents publics n’ayant pas le statut de fonctionnaires, relèvent de textes statutaires([24]), d’un régime de rémunération et d’un régime de retraite propres. Ils sont recrutés localement et occupent des postes d’exécution très qualifiés.

Le ministère des Armées recrute des ouvriers de l’État par le biais d’essais d’embauche comprenant une épreuve théorique et une épreuve pratique relatives au domaine dans lequel le recrutement est opéré. Le niveau d’études requis pour pouvoir postuler dépend de la profession : pour certains postes, les candidats doivent être titulaires d’un BEP ou d’un CAP de la spécialité, voire parfois d’un bac professionnel ou d’une expérience professionnelle dûment attestée d’au moins trois ans dans la profession considérée.

b.   Le décret du 30 décembre 2016 a restreint le champ des professions ouvertes au recrutement en qualité d’ouvrier de l’État

L’article 1er du décret n° 2016-1993 du 30 décembre 2016, en fixant la liste des professions ouvertes au recrutement en qualité d’ouvrier de l’État au ministère des Armées, a considérablement restreint le champ des professions pouvant être occupées par cette catégorie de personnel. Ce décret n’ayant pas de portée rétroactive, continuent à coexister au ministère des Armées, pour quelques années encore, des ouvriers de l’État relevant et ne relevant pas de ces catégories.

 

Branche professionnelle
Ouvrier de l’État

Profession

Aéronautique

Agent d’essais aéronautique

Mécanicien d’aéronautique

Électromécanicien d’aéronautique

Pyrotechnie

Ouvrier de pyrotechnie

Mécanique

Frigoriste

Diéséliste

Mécanicien micromécanique

Mécanicien hydraulique

Chaudronnier

Conducteur de traitement des matériaux

Soudeur

Ouvrier de productique

Mécanicien en mécanique générale

Mécanicien de maintenance exploitation pétrolière

Modeleur/mouleur

Mécanicien d’armement

Ajusteur

Électrotechnique

Ouvriers des techniques de l’énergie

Techniques de l’optique et de l’image

Optronicien

Logistique

Conducteur d’embarcation fluviale (piroguier)

Sécurité

Fauconnier

Afin de garantir la qualité du recrutement – en tenant compte des spécificités de ce statut et de la technicité des professions ouvrières – et d’assurer le respect de l’égal accès à l’emploi public – en améliorant la publicité des opérations de recrutement et l’impartialité du mode de sélection des candidats –, l’arrêté du 30 décembre 2016 relatif aux règles de recrutement des ouvriers de l’État du ministère de la défense prévoit par ailleurs :

– la fixation, par arrêté ministériel publié chaque année au Journal officiel, du nombre de postes ouverts au recrutement ;

– l’instauration d’un quota de 25 % de postes réservés aux apprentis ;

– l’instauration d’une procédure de présélection sur dossier par une commission ;

– le maintien de la sélection finale des candidats par le passage d’un essai professionnel d’embauche au sein de l’établissement recruteur ;

– la modification de la composition du jury d’essai qui comprend deux ouvriers de l’État experts désignés non plus par les organisations syndicales mais par le directeur de l’établissement président du jury.

Enfin, l’arrêté du 10 décembre 2020 modifiant l’arrêté du 30 décembre 2016 prévoit une reprise d’ancienneté de services afin de valoriser l’expérience acquise dans le secteur privé([25]).

c.   Une rémunération attractive

La rémunération des ouvriers de l’État est attractive : les recrutements s’effectuent à un niveau de rémunération correspondant à un montant brut indicatif de 1 975,25 euros. L’évolution de cette rémunération est fonction de leur niveau de qualification et la progression d’un groupe de rémunération à un autre suppose que l’ouvrier de l’État acquière une qualification nouvelle, ce que l’employeur vérifie en lui faisant passer un essai professionnel.

Conformément au décret n° 2016-1995 du 30 décembre 2016, la revalorisation des bordereaux de salaire des ouvriers de l’État est désormais fondée sur la celle du point d’indice de la fonction publique et non plus sur celle des salaires de la métallurgie parisienne. Cette mesure s’est traduite par deux revalorisations de 0,6 %, l’une intervenant avec effet rétroactif au 1er juillet 2016, l’autre au 1er février 2017.

L’arrêté du 30 décembre 2016, d’application du décret précité, a créé de nouveaux groupes de rémunération sommitaux([26]), correspondant à des augmentations du salaire horaire de 6 à 7 %.

d.   Une revalorisation de la carrière des ouvriers par trois arrêtés ministériels

Les taux d’avancement de groupe des ouvriers de l’État sont, depuis l’arrêté de décembre 2016 précité, définis par arrêté du ministre de la défense et des ministres chargés de la fonction publique et du budget. La procédure d’avancement applicable aux personnels à statut ouvrier a été rénovée par un arrêté du 25 avril 2018 qui instaure de nouvelles instances consultatives, les commissions d’avancement des personnels à statut ouvrier (CAPSO).

L’arrêté du 10 décembre 2020 relatif aux dispositions applicables aux chefs d’équipe du ministère des Armées a fait beaucoup évoluer les dispositions applicables à la catégorie des chefs d’équipe qui comporte dorénavant trois professions spécifiques : la profession de chef d’équipe, la profession d’ouvrier de sécurité et de surveillance chef d’équipe et la profession de pompier chef d’équipe. La carrière de ces agents – assimilés à un personnel de maîtrise – a été revalorisée et les chefs d’équipe peuvent désormais également avancer par la voie de l’essai professionnel. Afin de diversifier les parcours professionnels, certains techniciens à statut ouvrier (TSO) peuvent devenir chefs d’équipe. L’instauration d’une formation plus professionnalisante entrera en vigueur en 2022.

Enfin, l’arrêté du 10 décembre 2020 relatif aux dispositions particulières applicables aux techniciens à statut ouvrier du ministère des Armées améliore la carrière des techniciens à statut ouvrier (TSO)([27])  et tend à fluidifier les carrières en créant des passerelles permettant des changements de catégorie entre ouvriers de l’État et TSO([28]).

e.   Des effectifs en diminution du fait du vieillissement et des effets du décret du 30 décembre 2016

Au 1er janvier 2020, les effectifs physiques d’ouvriers de l’État s’élèvent à 13 533 dont près de 10 300 relèvent du grand employeur EMA([29]). Comme pour les autres catégories de personnels civils, la situation et l’importance numérique des ouvriers de l’État diffèrent grandement d’une entité à l’autre au sein du ministère des Armées. Le tableau ci-dessous retrace la répartition des ouvriers de l’État par armée, direction ou service du ministère des Armées.

Source : ministère des Armées

Entre 2015 et 2020, les effectifs d’ouvriers de l’État relevant du budget opérationnel du service des ressources humaines civiles ont diminué de près de 4 100 équivalents temps plein (ETPE). En 2021, la déflation d’ouvriers de l’État est évaluée par la DRH-MD à 700 ETPE. Cette diminution des effectifs est liée à deux facteurs : d’une part, au vieillissement de la population et, d’autre part, à des recrutements intervenant dans les seules branches et professions autorisées au recrutement d’ouvriers par le décret n° 2016-1993 du 30 décembre 2016 qui a permis 300 recrutements en moyenne par an depuis 2015. Ces recrutements sont orientés vers les compétences prioritaires liées au maintien en condition opérationnelle des matériels militaires.

Dans la Marine, par exemple, seuls 23 % des 574 ouvriers de l’État employés relèvent des vingt-et-une professions désormais autorisées au recrutement par le décret de décembre 2016. Compte tenu de la moyenne d’âge de ces personnels, de 51 ans, leur nombre va considérablement diminuer dans les années à venir au sein de cette armée : ils seront remplacés par des fonctionnaires – agents techniques du ministère de la défense ou techniciens supérieurs d’études et de fabrications.

Source : direction du personnel militaire de la marine (DPMM)

 

Dans l’armée de Terre, qui compte 37 % d’ouvriers de l’État parmi ses personnels civils (soit 3 048 effectifs), le nombre de départs annuels à la retraite est estimé à 200 par an, jusqu’en 2023. 59 % des ouvriers de l’État employés dans l’armée de Terre le sont dans les 21 professions autorisées au recrutement, ce qui signifie que les 41 % restant seront remplacés par des fonctionnaires de catégorie C lors de leur départ à la retraite.

f.   Une catégorie indispensable dans les métiers industriels à forte technicité

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs en sont convaincus : si leur nombre est en diminution pour les raisons évoquées supra, les ouvriers de l’État demeurent une catégorie de personnels civils indispensable dans certains métiers techniquement pointus au ministère des Armées – indispensables car on ne peut pas remplacer ces personnels par des fonctionnaires de catégorie C. Le maintien en condition opérationnelle des armées, en particulier, suppose que le ministère des Armées dispose, dans certains secteurs, de personnels ouvriers maîtrisant des compétences spécialisées à forte technicité dans le domaine industriel. Le statut d’ouvrier de l’État garantit à l’ensemble des services du ministère des Armées le maintien d’un niveau de qualification tout au long de la vie professionnelle des agents. À la direction générale de l’armement, par exemple, les ouvriers de l’État – qui constituent 16 % des effectifs au 31 décembre 2020 – sont essentiellement employés dans des fonctions d’opérateurs d’essais. La majeure partie des ouvriers de l’État recrutés à la DGA au cours des cinq dernières années relèvent des filières de la pyrotechnie, des plateformes et systèmes aéronautiques, des matériaux, ateliers et bureaux d’études et, enfin, de la filière des armes et munitions. Quant à l’armée de Terre, elle recrute essentiellement des ouvriers de l’État dans les métiers de la mécanique au sein du maintien en condition opérationnelle terrestre. Dans ces métiers, les armées sont soumises à une concurrence forte avec le secteur privé – très attractif en matière de rémunération dans des domaines concurrentiels et dans des bassins d’emploi où il est difficile de recruter.

Face aux nombreuses mises en cause dont fait l’objet cette catégorie de personnels, les rapporteurs souhaitent exprimer leur attachement au maintien de celle-ci. Ils estiment que la liste de 21 métiers aujourd’hui en vigueur est assez complète, à l’exception peut-être du métier de technicien de la logistique et des chaînes d’approvisionnement qui, dans les secteurs non encore couverts par le décret de 2016 et requérant une compétence technique pointue, pourrait utilement être ajouté à cette liste.

3.   Les agents contractuels à durée déterminée et indéterminée, un vivier important au ministère des Armées, surtout dans certaines spécialités très techniques

a.   Un vivier important au ministère des Armées

Par exception au statut de fonctionnaire, le recrutement d’agents sous contrat permet de bénéficier d’un personnel hautement qualifié ou de spécialistes dans des branches où il n’existe pas de corps de fonctionnaires équivalents. Il permet également de combler certaines lacunes dans le recrutement des fonctionnaires. Les rapporteurs reviennent plus en détail au 2 du B du I de la seconde partie du rapport sur les évolutions législatives ayant favorisé le recours à la contractualisation au ministère des Armées.

Comme le précise le tableau ci-dessous, les agents contractuels, qui sont près de 12 000, représentent 19,1 % des effectifs civils du ministère, se répartissant de manière inégale entre les trois niveaux de qualification I, II et III. La catégorie la plus représentée est celle des contractuels très qualifiés (niveau I).

 

NON TITULAIRES

NIV. I

5 680

          9,1  

NIV. II

1 504

          2,4  

NIV. III

4 778

          7,6  

S/TOTAL

11 962

       19,1  

Source : bilan social 2019 du ministère des Armées

b.   Une catégorie particulière de contractuels : les ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) et les techniciens (TCT) sous contrat à la direction générale de l’armement

Les ingénieurs et cadres technico-commerciaux et les techniciens technico-commerciaux, désignés respectivement par les sigles ICT et TCT, constituent un ensemble d’agents contractuels de l’État dont l’existence visait, à l’origine, à satisfaire les besoins des services industriels et commerciaux du ministère des Armées. Le régime juridique qui leur est applicable est adossé à un corpus réglementaire composé du décret n° 88-541 du 4 mai 1988 relatif à certains agents sur contrat des services à caractère industriel ou commercial du ministère de la Défense et de deux arrêtés interministériels du 4 mai 1988. Ce régime s’écarte du droit commun des agents contractuels de l’État en ce qui concerne les modalités de leur recrutement, les références particulières sur la base desquelles leur rémunération est fixée et leur déroulement de carrière. Le ministère des Armées employait([30]) à la fin de l’année 2020 de l’ordre de 4 400 ICT/TCT, dont environ 80 % d’ICT.

i.   Des contractuels gérés par la direction générale de l’armement

Les ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) et les techniciens TCT sont des agents publics contractuels recrutés par et au profit de la direction générale de l’armement (DGA). Ils sont régis par des dispositions législatives et réglementaires et, pour partie, par les dispositions de leur contrat d’embauche à la différence des personnels fonctionnaires titulaires, recrutés par concours.

Le recrutement des ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) et des techniciens (TCT) s’effectue sur le fondement de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, qui autorise le recrutement de personnels contractuels à des emplois permanents de l’État, notamment lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaire susceptibles d’assurer ces fonctions ou lorsqu’il s’agit de fonctions nouvellement prises en charge par l’administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. Les ICT/TCT sont recrutés sous contrat de travail de droit public, pour une durée indéterminée. Leur période d’essai est de quatre mois et peut être renouvelée une fois.

Le recrutement des personnels sous statut ICT/TCT au sein de la DGA est régi par l’arrêté du 4 mai 1988 relatif aux modalités de recrutement et de rémunération des agents sur contrat du ministère de la défense dans les services de la direction générale de l’armement qui n’ont pas un caractère industriel ou commercial. La révision du décret 5 octobre 2009 fixant l’organisation et les attributions de la DGA est en cours d’examen pour formaliser la responsabilité ministérielle de cette direction dans le pilotage de la politique d’emploi et de la gestion des ICT et TCT employés au ministère des armées. Cette modification, rendue nécessaire par le rattachement du Service industriel de l’aéronautique (SIAé) à l’armée de l’Air et de l’Espace, conforte et sécurise les attributions de la DGA notamment dans les domaines du pilotage des emplois et crédits budgétaires associés ou du dialogue social.

Si près de 70 % des recrutements sont réalisés dans le domaine technique, 30 % des ICT exercent leurs activités dans le domaine des achats et du management des projets au profit des programmes d’armement et dans d’autres domaines fonctionnels (informatique, qualité, maintien en condition opérationnelle etc.). Les rémunérations en fonction de l’âge, de l’expérience et du poste à pourvoir tout en se basant sur la convention collective nationale (pour les ICT) et régionale (pour les TCT) de la métallurgie. Une actualisation de la politique salariale([31])   a été effectuée à la fin de l’année 2020.

ii.   Un véritable atout pour la DGA, synonyme de souplesse de gestion et de montée en compétence

En 2020, la direction générale de l’armement employait 3 180 ICT([32]), soit 31 % de ses effectifs, et 402([33]) TCT, soit 4 % de ses effectifs.

Si les ICT sont un véritable atout pour la DGA, c’est qu’ils répondent au besoin de ce service de disposer des compétences au bon niveau et au bon endroit dans des délais relativement courts. Selon le besoin, la DGA peut recruter des ingénieurs et cadres dès l’obtention du diplôme ou après une ou plusieurs expériences en fonction du niveau du poste et temps nécessaire pour être opérationnel.

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, la DGA emploie également des ingénieurs civils de la défense pour diversifier ses compétences mais le recrutement par concours des ICD ne présente pas la même agilité que le recrutement par contrat. À la fin de l’année 2020, la DGA employait 1 109 ICD. Elle employait aussi 618 techniciens d’études supérieures et de fabrications.

iii.   Une catégorie de contractuels que la DGA peut mettre à disposition d’autres employeurs du ministère

Compte tenu de la rareté des compétences et de la difficulté du ministère des Armées à recruter dans certains métiers d’expertise, notamment dans le domaine des systèmes d’information et de télécommunications, la DGA et le SGA ont adopté le 29 août dernier une convention portant élargissement de l’affectation opérationnelle des ICT dans les armées, directions et services autres que ceux de la DGA entre 2020 et 2025. Cette convention, qui définit le cadre juridique de la mobilité des ICT au sein du ministère des Armées, définit les responsabilités respectives de la DGA([34]) et du SGA([35]).

De plus en plus de services font appel aux compétences détenues par les ICT, notamment les services de soutien du ministère (ex : compétences dans le domaine des SIC recherchées par la DIRISI).

Un tel élargissement devrait notamment profiter à la direction de la maintenance aéronautique (DMAé)([36])  mais aussi aux services de soutien ayant des besoins spécifiques en compétence dans le domaine des systèmes d’information et de communication, comme la DIRISI.

Actuellement, sur plus de 3 300 ICT/TCT, experts de haut niveau, 97 % exercent au sein de la DGA et 3 %, au sein d’autres services du ministère des armées grâce à cette procédure de « mise à disposition ».

Les rapporteurs se félicitent de cette possibilité de mise à disposition tout comme de l’agilité dont bénéficie la DGA pour recruter dans des métiers de pointe.

4.   Employés depuis des décennies par les forces armées françaises déployées à l’étranger, les personnels civils de recrutement local ont vu leur droit à la protection fonctionnelle reconnu par la jurisprudence et leur cadre d’emploi évoluer à la suite de la relocalisation d’anciens personnels de recrutement local afghans

Les forces armées françaises déployées sur le territoire d’un État étranger peuvent être amenées à recourir à des ressources humaines civiles pour exercer des fonctions de soutien ou d’appui opérationnel nécessaires à leurs opérations. La mobilisation de ces ressources humaines peut prendre plusieurs formes : soit la forme de la passation de marchés publics avec des entreprises, soit celle de la conclusion de contrats avec des entreprises d’intérim, soit encore celle de la conclusion de contrats conclus directement auprès de personnels recrutés localement.

a.   Des personnels employés par les forces de présence à l’étranger et les forces déployées en opérations extérieures

i.   Des personnels recrutés sur le territoire d’un État étranger où sont déployées les forces armées françaises

L’État, représenté au sein des forces de présence à l’étranger([37]) ou des forces armées en opération extérieure, peut recruter et employer des personnels civils de recrutement local par le biais d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, de façon temporaire ou intermittente. En effet, en vertu du V de l’article 34 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, lorsque les nécessités de service le justifient, les services de l’État à l’étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales du travail, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services.

Un personnel civil recruté localement s’entend de toute personne civile recrutée sur le territoire d’un État étranger sur lequel sont déployées les forces armées françaises et qui s’engage à exécuter un travail à temps plein ou partiel, pour le compte et sous la direction d’une personne morale de droit public français appelé employeur, en contrepartie d’une rémunération. Ce personnel est recruté par le biais d’un contrat de travail soumis au droit local et conclu directement avec l’employeur afin d’exercer des fonctions concourant à l’exécution des missions des forces armées françaises. Il relève du statut d’employé régi par le droit du travail local et n’est donc pas assimilé à un agent de droit public français.

Localement, les personnels civils de recrutement local sont suivis et administrés par les directions du commissariat. Dans chacune de ces directions du commissariat existe une cellule chargée de la gestion des PCRL, avec à sa tête un sous-officier. En outre, pour chaque théâtre d’opération extérieure, un registre d’embauche est tenu et mis à jour. À la fermeture du théâtre d’opération extérieure, les dossiers sont reversés au centre des archives administratives du personnel civil, et ce pour la durée de conservation légale des archives qui dépend du service historique de la défense.

ii.   Des personnels dont le recrutement doit être motivé à plusieurs égards

Le recours aux personnels civils de recrutement local doit être motivé à plusieurs égards : quant à la satisfaction du besoin, par l’incapacité démontrée à satisfaire un besoin en recourant à un agent français notamment pour exercer une compétence rare comme l’interprétariat, par la difficulté de répondre au besoin en recourant à une société de prestation de service ou encore par l’intérêt économique à satisfaire un besoin par du personnel recruté localement plutôt que par du personnel militaire pour un métier ne nécessitant pas de compétence particulière.

iii.   Des missions de soutien des forces mais aussi parfois une assistance aux forces armées dans la conduite de leurs opérations

Les personnels civils de recrutement local sont généralement employés dans des missions de soutien des forces. Néanmoins, certains de ces personnels peuvent être recrutés pour assister les forces armées françaises dans la conduite de leurs opérations. Certaines fonctions pouvant leur être confiées – traduction, renseignement sur le terrain etc. – sont susceptibles de constituer, dans certaines circonstances, une participation directe aux hostilités au sens du droit international humanitaire. Cette participation emporte la perte de la protection que le droit international humanitaire confère aux civils dans les conflits armés.

En aucun cas les personnels civils de recrutement local ne peuvent être autorisés à recourir à la force. Ils ne peuvent davantage se voir confier un emploi impliquant la manipulation de documents sensibles ou classifiés ou l’administration d’un système d’information et de communication.

Typologie indicative des emplois exercés par les personnels civils de recrutement local

Niveau 1 : agent de service, jardinier, aide cuisinier, manutentionnaire, ouvrier.

Niveau 2 : ouvrier qualifié, cuisinier, employé de bureau, conducteur automobile.

Niveau 3 : chef de poste, technicien, chef de cuisine, maître d’hôtel.

Niveau 4 : chef de secrétariat, caissier, bibliothécaire.

Niveau 5 : traducteur, assistant, conseiller pédagogique.

Niveau 6 : comptable, chargé de mission, intendant, conseiller juridique.

Selon les informations fournies par la direction des affaires juridiques du ministère des Armées, le nombre de personnels civils recrutés localement sur les théâtres d’opération est actuellement le suivant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PCRL Forces

PCRL de l’Économat des Armes

 

 

 

 

 

 

 

TCHAD

NIGER

RCA

LIBAN

IRAK

TCHAD

NIGER

RCA

Entretien

6

1

0

3

0

69

0

7

Gardiennage

15

0

10

0

0

0

0

0

Infrastructure

1

0

0

5

0

21

0

11

Log/Magasinage

8

0

0

3

0

15

0

0

Mécanique

6

0

0

6

0

7

0

0

Restauration-loisirs

3

0

1

23

0

33

0

5

Santé

11

0

0

0

0

0

0

0

Traducteur-Interprète

1

0

0

3

2

0

0

0

Divers

7

0

0

2

0

7

0

0

 

58

1

11

45

2

152

0

23

Totaux

 

 

117

 

 

 

175

 

Source : direction des affaires juridiques du ministère des Armées

Le tableau ci-dessous retrace le nombre de personnels civils de recrutement local employés par les forces de souveraineté et les forces de présence :


 

 

2015

2021

2025

Nouvelle Calédonie

24

23

5

Polynésie française

264

174

174

Sénégal

182

179

180

Côte d’Ivoire

237

252

252

Gabon

159

152

152

Djibouti

419

314

331

Source : état-major des Armées

 

La DAJ a indiqué à la mission d’information que « peu de PCRL [étaient] actuellement employés au Mali », la force Barkhane passant des marchés avec des sociétés de recrutement qui emploient des personnes en CDD longs et en CDI. Le recours à des sociétés de placement maliennes répond à deux impératifs : s’inscrire dans le tissu économique local déjà existant et faciliter l’acceptation de la présence française dans la durée sur le théâtre malien. Selon la DAJ, il ne s’agit pas de contrats d’intérim comme on l’entend en droit français.

En tout état de cause, si le juge administratif n’a pas encore eu l’opportunité de se prononcer sur l’application de la protection fonctionnelle au personnel intérimaire employé sur un théâtre d’opération extérieure, les employés recrutés par la voie de l’intérim et mis à disposition d’une personne publique peuvent, en principe, bénéficier de cette protection, conformément à l’article L. 1251-61 du code du travail : « Les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d’une personne morale de droit public sont soumis aux règles d’organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s’imposant à tout agent public. Ils bénéficient de la protection prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il ne peut leur être confié de fonctions susceptibles de les exposer aux sanctions prévues aux articles 432-12 et 432-13 du code pénal ».

iv.   Un recours aux personnels civils de recrutement local encadré par des principes de gestion et d’administration

Le recrutement local est sensible en matière de sécurité, notamment du fait des risques d’ingérence. Les contrats de travail des personnels civils de recrutement local prennent donc en compte cette préoccupation essentielle par le biais de stipulations expresses et impératives destinées à compléter le droit local. Les personnels civils de recrutement local ne doivent pas avoir accès à des réseaux ou à des informations classifiées. L’employeur peut prendre des mesures d’interdiction d’accès aux emprises ou à l’environnement de la force.

L’attrait et la sélectivité des personnels civils de recrutement local doivent également être assurés grâce à une rémunération adaptée, sensiblement supérieure à celle pratiquée dans le pays d’accueil. Enfin, la politique de ressources humaines doit permettre d’assurer la fidélisation des personnels civils de recrutement local que les forces françaises souhaitent employer durablement.

b.   Les conséquences de l’intervention de la France en Afghanistan sur le droit et le cadre d’emploi applicables aux personnels de recrutement local

Lors des opérations militaires menées en soutien du gouvernement afghan, la France a eu recours à des personnels civils de recrutement local. Certains ont été employés en tant qu’interprètes dans les déploiements des forces sur le terrain, d’autres ont occupé des fonctions de soutien diverses et variées, comme la restauration ou le gardiennage dans les lieux de vie des emprises militaires françaises. À la diversité des emplois occupés par les personnels civils de recrutement local s’ajoute une hétérogénéité des durées des contrats souscrits, pouvant aller de quelques jours à plusieurs années. Les services interrogés par les rapporteurs n’ont pas communiqué de statistiques établissant la durée moyenne des contrats de PCRL au cours de la période 2001-2012, lors du déploiement des forces françaises en Afghanistan. Selon le ministère des Armées, 1 067 personnels civils de recrutement local ont servi les forces armées françaises en Afghanistan, dont 538 interprètes.

Si le retrait des forces françaises d’opérations extérieures([38]) n’avait jusqu’alors jamais suscité de requêtes notables d’anciens personnels de recrutement local employés dans ce cadre – dans la mesure où à l’issue de ce retrait, la situation du pays concerné s’était nettement améliorée –, tel n’a pas été le cas en Afghanistan, pays qui demeure aujourd’hui encore l’un des plus dangereux du monde. Ainsi le pays a-t-il connu en 2020 une hausse importante de la violence sur l’ensemble du territoire, dans un contexte de retrait progressif de l’OTAN : selon les informations transmises par le ministère des Armées, près de 600 événements sécuritaires y ont été répertoriés – contre 450 en 2019. Au cours des deux derniers mois de l’année, 133 personnes ont été tuées et 280 blessées dans la capitale. Plusieurs modes opératoires sont utilisés dans ce pays : des véhicules suicides, des kamikazes, des mines magnétiques, des engins explosifs improvisés, des tirs de roquette, des attaques à l’arme à feu, des attaques commandos, etc.

C’est dans ce contexte sécuritaire que le Gouvernement français a été saisi de demandes de relocalisation, en trois temps.

i.   La première phase de relocalisation en 2012-2013 : un dispositif d’exfiltration en urgence et dans la discrétion

Selon les informations fournies aux rapporteurs par le ministère des Armées, la première « vague » de relocalisations a commencé à l’été 2012, après l’annonce du retrait des troupes françaises des provinces de Kapisa et de Surobi. Le ministère indique que cette phase fut lancée à l’initiative des forces françaises présentes sur le théâtre. La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère des Armées énonce ainsi : « Dès le mois de juillet 2012, le commandant de la Task Force La Fayette (TFLF) a mis en place un groupe de travail pour appuyer les demandes d’asile formulées par les personnels civils de recrutement local. Afin de recenser le personnel volontaire, les personnels civils de recrutement local ont été reçus par leurs employeurs en entretien individuel. (…) À compter du mois de juin 2012, tous les volontaires au départ ont été invités à constituer un dossier individuel composé de plusieurs pièces administratives (formulaire de demande de visa long séjour, justificatif d’état civil y compris pour le conjoint et les enfants, acte de mariage, lettre de motivation, curriculum vitae, quatre photographies d’identité par personne). (…) Ce recensement a permis d’identifier, sur 164 PCRL dans le spectre de la TFLF, 126 dossiers qui ont nécessité l’organisation de plusieurs commissions consultatives ».

Ainsi que l’a indiqué le ministère des Armées le processus comportait plusieurs volets dont l’octroi aux anciens personnels civils de recrutement local d’une prime de licenciement ;              l’octroi à ces derniers, le cas échéant, d’une indemnité forfaitaire à la mobilité en Afghanistan ; pour les cas les plus sensibles, un accueil en France. Soixante-quatorze dossiers ont été identifiés pour cette catégorie, ce qui représentait 183 visas en comptant les familles. Le ministère des Armées indique qu’il a réservé les billets d’avion des personnes concernées entre Kaboul et Paris, qu’à leur arrivée en France, les personnels concernés ont été hébergés dans des logements du ministère et que leur acheminement entre l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et le site de leur hébergement a été assuré par le service du commissariat aux armées.

Selon la DAJ du ministère des Armées, « cette première phase constitu[ait] un dispositif d’urgence d’exfiltration dans la discrétion de 183 personnes ».

Le ministère des Armées a indiqué aux rapporteurs que l’élaboration du processus de sélection des personnels civils de recrutement local admissibles à l’obtention d’une protection fonctionnelle par la France avait soulevé la question des anciens personnels recrutés localement ayant été employés par les forces françaises. Ainsi, conjointement avec l’ambassade de France, la Force a institué une procédure de réception des dossiers de demande de visa d’anciens personnels recrutés localement qui se manifesteraient auprès de leurs anciens employeurs. Cette procédure a été placée sous la responsabilité du legad([39]) (conseiller juridique opérationnel) de l’opération Pamir([40]) dès le mois de novembre 2012. Cependant, d’après la DAJ du ministère des Armées, ni la Force, ni l’ambassade de France n’ont pu anticiper « l’engouement » provoqué par ce processus et le flot de demandes qui seraient déposées : « si peu d’anciens PCRL se sont manifestés en novembre 2012, la publication d’articles dans la presse française et afghane a accru les demandes de visas tant chez les anciens PCRL que chez des civils afghans qui n’étaient pas directement employés par les forces françaises ».

En avril 2013, près de 110 dossiers de demandes de visas avaient été écartés. Selon le ministère des Armées, ces demandes émanaient de civils afghans qui, certes, avaient travaillé aux côtes des Français, mais n’étaient pas, d’après lui, « directement employés par la Force » : des commerçants établis sur le marché du camp de Warehouse, Tora, Nirjab, des chefs d’entreprises et des salariés de sociétés ayant conclu des marchés avec la France et enfin, des stagiaires de l’armée nationale afghane formés dans le cadre du programme EPIDOTE.

La DAJ du ministère indique qu’il a d’ailleurs été « très difficile de faire comprendre cette distinction » aux Afghans persuadés qu’ils étaient éligibles à l’octroi d’un visa pour la France. Certains ne parlaient ni le français, ni l’anglais mais estimaient être en droit de formuler une demande en raison du simple contact avec les troupes françaises. La DAJ a indiqué aux rapporteurs que pour justifier ce contact, leurs dossiers « étaient souvent constitués de photographies prises avec des militaires français (souvent falsifiées) et de bon nombre d’attestations pour services rendus ». Toujours selon le ministère des Armées, les premiers départs d’anciens personnels locaux pour la France « n’ont fait qu’accentuer cet engouement pour les demandes de visa. L’information s’est répandue par les contacts entre personnels recrutés localement et les appels de PCRL arrivés en France auprès de leurs anciens collègues. Par conséquent, les demandes de personnels civils de recrutement local se sont accrues ». Enfin, le ministère des Armées indique que « si le critère de menaces à l’encontre des PCRL se justifiait pour ceux employés en Surobi / Kapisa, il était difficilement évaluable et justifiable pour d’anciens PCRL ayant quitté les forces françaises depuis plusieurs années. Néanmoins, certains d’entre eux n’avaient pas hésité à falsifier des lettres de menaces émanant d’insurgés ».

Le périmètre de ce premier dispositif a été contesté par un collectif d’avocats, créé par Mme Caroline Decroix, alors avocate au barreau de Paris, dans une lettre ouverte en date du 8 avril 2015 au Président de la République. Ce collectif souhaitait interpeller le chef de l’État sur la situation des personnels civils recrutés en Afghanistan par les forces armées françaises et sur ce que ce collectif considérait comme « les carences du dispositif ad hoc mis en place et visant en théorie à assurer la protection de ces personnels ».

Selon la vice-présidente de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française([41]), auditionnée par la mission d’information, l’administration avait « choisi depuis 2013 de procéder à la relocalisation de ses anciens auxiliaires en demande de protection en dehors de tout processus légal et sur la base de ses propres critères d’appréciation subjectifs ». Selon Mme Caroline Decroix, « cette procédure ad hoc s’est malheureusement révélée source d’arbitraire, n’a pas donné lieu à des décisions administratives motivées susceptibles de recours juridictionnels et n’a pas permis d’assurer la protection de tous les auxiliaires menacés ». Toujours selon la vice-présidente de l’association auditionnée par la mission d’information, « les refus ont été verbaux ou envoyés sous forme de SMS, non motivés. Aucune information sur une éventuelle voie de recours n’a été donnée ». L’association indique que le 5 mars 2015, d’anciens interprètes recherchant la protection de la France ont alors manifesté devant l’ambassade de France à Kaboul. « Confrontés au silence de l’administration française et ne sachant comment attirer l’attention des autorités alors même que les portes de l’ambassade leur étaient désormais fermées, ils n’ont trouvé comme moyen d’expression que cette manifestation qui, fort heureusement, a été relayée dans la presse française. »

ii.   La deuxième phase de relocalisation, sous l’égide de l’ambassade de France

La deuxième vague de relocalisations s’est déroulée sous l’égide de l’ambassade de France, les forces françaises n’étant plus présentes en Afghanistan à cette date. Des représentants du ministère des Armées étaient néanmoins présents dans les commissions d’examen.

Dans le cadre de cette deuxième phase, un préfet référent a été désigné pour diriger une cellule de coordination interministérielle ayant pour mission, d’une part, de définir un lieu et des modalités d’accueil en liaison avec les préfectures et collectivités locales et, d’autre part, de coordonner avec l’ambassade de France à Kaboul et les services de l’État le retour des bénéficiaires. Quant au ministère de la défense, il a notamment participé à la cellule de coordination interministérielle et à l’acheminement des bénéficiaires depuis Kaboul jusqu’aux lieux d’accueil définis par la cellule interministérielle.

Cette deuxième vague a conduit à l’arrivée en France de nombreux ex-PCRL et leurs familles en deux temps.

Selon les chiffres fournis par le Gouvernement aux rapporteurs, en août 2015, 11 ex-PCRL et leurs familles, soit 41 personnes au total, sont arrivés en France et ont été hébergés dans des logements du ministère de la défense situés dans huit villes distinctes (Louvroil, Saint-Denis, Valenciennes, Conflans-Sainte-Honorine, Rennes, Châteauroux, Noyon, Rueil-Malmaison).

Entre mars 2016 et novembre 2016, en neuf arrivées successives, 103 ex-PCRL et leurs familles, soit 377 personnes, sont arrivés en France, et ont été accueillis dans 35 villes. Le ministère des Armées indique que les logements étaient fournis par les préfectures ou les mairies sous la coordination de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement et avec la collaboration d’ADOMA([42]) et de COALLIA, association qui propose des solutions d’hébergement et un accompagnement social aux migrants.

En complément de ces actions et de celles prises par les autres acteurs ministériels, l’action sociale du ministère des Armées a assuré une complémentarité financière au profit des familles([43]) pour un montant total de 170 000 euros – 76 520 euros en 2013 et 93 480 euros en 2015-2016. En outre, les assistants de service social du ministère ont été sollicités à de nombreuses reprises pour des interventions complémentaires, soit directement par les associations accompagnant les personnes, soit par les PCRL eux-mêmes.

Au total, neuf pôles ministériels d’action sociale ont été concernés par l’accueil des PCRL, soit 32 assistants de service social qui ont effectué des visites aux domiciles des familles et évalué les besoins de premières nécessités.

Les personnes arrivées de manière isolée car rejoignant leur famille (épouse ou enfant arrivé plus tard), ont bénéficié également d’un accueil et d’une estimation de leurs besoins. En fonction de l’évolution des démarches administratives, il est arrivé qu’un secours complémentaire soit attribué à une même famille. En effet, selon les communes de repli, les démarches et ouvertures de droits n’ont pu être effectués avec la même fluidité.

La vice-présidente de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française estime que dans cette deuxième phase, « les auxiliaires afghans n’ont pu bénéficier que d’un délai extrêmement court pour déposer leurs demandes de relocalisation, une date butoir ayant été fixée au 15 juillet 2015 par le ministère des Affaires étrangères ». Mme Caroline Decroix indique « qu’à l’époque déjà, le collectif d’avocats s’était interrogé sur le choix du Gouvernement de mettre en place une procédure ad hoc ne faisant pas l’objet de mesures de publicité et donnant lieu à une sélection des dossiers non pas en considération de l’unique critère légitime, à savoir la menace pesant sur ces anciens personnels mais au vu de critères totalement hors du champ de la protection et pouvant donner lieu à une appréciation subjective comme celui de la capacité d’intégration en France de l’auxiliaire ». La vice-présidente a indiqué à la mission d’information que 252 anciens personnels afghans avaient pu déposer un dossier avant la date butoir précitée.

Mme Caroline Decroix a indiqué aux rapporteurs que contrairement à ce qui s’était produit lors de la première phase de relocalisations, « cette fois, des décisions de refus [avaient] été explicitement formulées par écrit, [prenant] la forme de décisions de refus de visa ». Cependant, elle a ajouté que ces décisions de refus, opposées à 149 personnes et intervenues entre l’automne 2015 et le printemps 2016, n’ont pas été motivées. L’association ayant cherché à comprendre les motifs de ces refus, elle a constaté que 90 % des dossiers rejetés concernaient des anciens personnels anglophones.

N’ayant pas pu, faute de moyens, introduire de recours contentieux concernant les 149 personnels ayant essuyé un refus de visa, le collectif d’avocats a introduit 39 contentieux devant le tribunal administratif de Nantes et 9 pourvois en cassation devant le Conseil d’État.

Dans deux décisions n° 408374([44]) et n° 408786([45]) du 16 octobre 2017 et dans une décision n° 406385 du 22 décembre de la même année, le Conseil d’État a rejeté la demande de délivrance d’un visa émanant d’un ancien personnel civil de recrutement local déclarant être en danger de mort en Afghanistan. Ayant considéré que la demande n’était pas motivée, le juge administratif a considéré que « si le droit constitutionnel d’asile [avait] pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emport[aient] aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France ou pour y demander le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, de même, l’invocation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à raison de menaces susceptibles d’être encourues à l’étranger ne saurait impliquer de droit à la délivrance d’un visa d’entrée en France ».

Néanmoins, dans deux décisions n° 408344 et n° 408748([46]) du même jour([47]), la haute juridiction administrative a considéré que l’urgence justifiait que soit prononcée la suspension d’un refus de visa lorsque l’exécution d’une telle décision de refus portait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation de deux interprètes afghans. Le Conseil d’État a également considéré que le moyen tiré de l’erreur manifeste dont serait entachée la décision de refus de visa contestée, eu égard aux risques encourus par les deux intéressés du fait des missions accomplies, était propre à créer un doute sérieux sur sa légalité. En conséquence, le Conseil d’État a enjoint au ministre de l’intérieur de réexaminer la demande de visa des deux requérants. Dans la décision n° 408750([48]), toujours du 16 octobre 2017, le juge administratif a prononcé la même injonction, constatant que « la situation en Afghanistan [s’était] dégradée avec une recrudescence des violences qui exposent à des risques élevés les ressortissants afghans qui ont accordé leur concours à des forces armées étrangères ». Le Conseil d’État a confirmé ses décisions dans trois arrêts([49]) du 22 décembre 2017.

La vice-présidente de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française a indiqué aux rapporteurs qu’à la suite de ces arrêts, le tribunal administratif de Nantes a annulé 14 refus de visa sur les 39 requêtes déposées.

Entre-temps, en août 2016, avait été créée l’Association précitée, ce afin de porter assistance aux personnels non assistés d’avocat ou n’ayant pu déposer de demande de visa dans le délai imparti.

iii.   La troisième vague de relocalisations en 2018

La troisième vague de relocalisations d’anciens personnels civils recrutés en Afghanistan, en 2018, a fait suite à la volonté du Président de la République de voir reconsidérée([50]) la situation des ex-PCRL dont les demandes de visa avaient été rejetées. À la fin de l’année 2018, l’État a envoyé une mission interministérielle ad hoc – comprenant des représentants des ministères de l’Europe et des affaires étrangères, des Armées et de l’Intérieur – pendant un mois à Islamabad pour auditionner les demandeurs. Selon les chiffres fournis par le Gouvernement, 160 anciens PCRL s’étaient manifestés et à l’issue d’un examen, 58 ont été convoqués pour un entretien. Le ministère des Armées indique qu’à l’issue de ce réexamen, 51 ex-PCRL et leurs familles, soit 218 personnes, se sont vu délivrer un visa de long séjour.

En France, la délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (DIAIR) a été chargée de l’accueil et de la prise en charge des PCRL accompagnés de leur famille à l’arrivée en France. Le ministère des Armées indique que certains enfants en manque de soins ont été médicalisés et que la DIAIR a œuvré dans le cadre d’une convention conclue entre l’État et l’opérateur France Horizon. Le coût de cette opération a été évalué à 684 196 euros, dont 50 % ont été pris en charge par le ministère des Armées. Selon ce dernier, cinq ex-PCRL avaient déjà trouvé un emploi ou étaient inscrits à une formation professionnelle qualifiante.

Le Gouvernement a donné des précisions quant au rôle de chacun des ministères impliqués. Ainsi, le ministère des affaires sociales a accordé, par dérogation au droit commun, les droits suivants :

– le droit au revenu de solidarité active et aux prestations familiales a été ouvert sur simple présentation du récépissé de demande de carte de résident, sans attendre la production de la carte de résident elle-même et dès le mois d’arrivée en France et non à compter du mois de la demande ;

– le droit à la couverture maladie universelle a été ouvert dès leur arrivée et non après 3 mois de résidence.

Le Gouvernement indique que le pilotage de l’accès aux droits sociaux a été assuré par le service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité des ministères sociaux, en lien avec les caisses nationales de sécurité sociale, lesquelles ont transmis des listes nominatives confidentielles aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses d’allocations familiales des départements d’accueil.

Localement, l’accueil des PCRL a été coordonné avec les préfectures, afin que les droits sociaux soient ouverts dès la remise du récépissé de la demande de titre de séjour par les préfectures.

S’agissant de l’accompagnement des personnes accueillies sur le territoire national, le Gouvernement a indiqué que des conventions avaient été conclues par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour un accompagnement des anciens PCRL et de leur famille d’une durée de dix-huit mois sur des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », dont le responsable est le directeur général de la cohésion sociale.

Typologie des demandes de protection fonctionnelle

Si l’on résume le récit, par la DAJ du ministère des Armées, des trois vagues de relocalisations précitées, il en ressort quatre types distincts de demandes de protection fonctionnelle.

Un premier type de demandes provenait de personnels civils de recrutement local ayant exercé directement auprès des forces françaises, par le biais d’un contrat de droit local ou de droit français, pour assumer des fonctions d’interprètes ou de soutien logistique (agents d’entretien, cuisiniers, magasiniers).

Un deuxième type de demandes émanait d’anciens salariés d’entreprises privées ayant soumissionné avec les forces françaises au cours de leur présence en Afghanistan. La directrice des affaires juridiques du ministère des Armées a insisté sur le fait que ces anciens salariés n’avaient jamais eu de lien de subordination directe avec une autorité publique française : ces personnes étaient des dirigeants ou des salariés de sociétés prestataires de services dans le domaine du soutien – manutention, électricité, logistique, interprétariat – mais certaines exerçaient également à leur propre compte des fonctions de vendeur ambulant. « Conformément à la jurisprudence, ces dernières ne pouvaient à l’évidence pas se voir reconnaître un droit à la protection fonctionnelle, sauf à considérer que l’ensemble des salariés d’entreprises ayant conclu des marchés publics avec des collectivités publiques devait rentrer dans le champ de la protection. C’est donc fort logiquement que le juge a, de manière constante, rejeté les requêtes formées par ces personnes pour ce seul motif ».

Un troisième type de demandes a été formulé par des personnes ayant travaillé non pas pour la France mais pour la coalition internationale, et qui ne produisent donc que des contrats de l’ISAF([51]) . Or, indique le ministère des Armées, « le quartier général des forces de l’OTAN en Afghanistan, constitué après la prise de commandement par l’OTAN de l’ISAF le 11 août 2003, opérait sous le commandement du grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE). Étant subordonné au SHAPE, il relevait juridiquement du Protocole de Paris sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord du 28 août 1952. Le SHAPE, qui dispose d’une personnalité juridique peut, entre autres, recruter directement des personnels civils, comme ce fut le cas en Afghanistan ».

Enfin, le quatrième et dernier type de demandes concerne les anciens salariés de l’Économat des armées, établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle du ministère des Armées, et qui exerce pour le compte de celui-ci des missions d’approvisionnement et de soutien logistique, notamment en opérations extérieures.

Outre le caractère protéiforme des statuts des personnes ayant sollicité la protection fonctionnelle, la DAJ a également « fait le constat de la très grande diversité des situations dans lesquelles se trouvaient ces dernières, tant au regard de la durée de leur activité au profit des forces françaises que de leur situation à la date à laquelle elles ont formulé leur demande de protection : les demandes pouvaient émaner de personnels civils de recrutement local ayant travaillé plusieurs années avec la France comme de personnes ayant souscrit un contrat d’un mois avec les forces. Le cas échéant, ces personnes avaient pu être employées par d’autres forces parfois pour des durées supérieures à celles pendant lesquelles elles avaient été employées par les forces françaises. De même, de nombreux demandeurs résidaient dans des États sûrs([52]) à la date à laquelle ils ont formé leur demande. C’est d’ailleurs pour cette raison, indique la DAJ, que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté par ordonnance de tri près d’une quinzaine de requêtes. Cette très grande diversité, alliée au fait que le contenu des demandes de protection fonctionnelle, à savoir la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour, ne ressortait pas de la compétence du ministère des Armées, montre bien à quel point cette problématique complexe peut trouver à se résoudre par le biais de solutions simplistes, comme l’ont laissé entendre à plusieurs reprises certains journalistes bien peu scrupuleux de l’éthique journalistique ».

Dans le cadre de son audition par la mission d’information, la directrice des affaires juridiques, Mme Claire Legras, a indiqué que tant ses équipes qu’elle-même avaient « fait l’objet de campagnes de dénigrement tant sur les réseaux sociaux que par voie de presse ou dans un certain nombre d’ouvrages publiés sur la question ». L’interlocutrice des rapporteurs a ainsi ajouté : « il est tout de même particulièrement regrettable que les auteurs de l’ouvrage Tarjuman aient notamment livré en pâture les noms de plusieurs membres de [son] équipe chargés de la défense de l’État dans plusieurs contentieux, qui plus est, en assortissant leurs propos d’assertions parfaitement déplacées à leur encontre ».

Selon la vice-présidente de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française, si 51 dossiers sur 181 ont été acceptés en 2018, l’examen des dossiers « n’a donné lieu à aucune décision explicite de rejet à l’exception de quatre personnels s’étant vu notifier un rejet de recours gracieux hors délai pour raisons d’atteinte potentielle à la sécurité nationale ». Pour l’association, « l’atteinte potentielle à la sécurité nationale n’a absolument pas été motivée ». Mme Caroline Decroix estime que « le réexamen humanitaire a été conçu de manière à ne permettre l’exercice d’aucune voie de recours contentieuse contre les [décisions de] rejet qui seraient [prises] » et que « seule l’initiative de l’association de faire déposer des demandes de protection fonctionnelle par les auxiliaires auprès du ministère des Armées a permis de contourner cette manœuvre déloyale de l’administration pour permettre un contrôle du juge administratif sur ces refus ».

iv.   Un revirement de jurisprudence du Conseil d’État ayant entraîné une extension du champ de la protection fonctionnelle

Dans deux décisions rendues à la fin de l’année 2018 et au début de l’année 2019, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que le principe général du droit de protection des agents publics s’étendait aux agents recrutés sous contrat de droit local et que la protection fonctionnelle pouvait dans certaines circonstances prendre la forme de la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour.

Ainsi, le 14 décembre 2018([53]), le Conseil d’État, saisi d’une requête en référé d’un ancien interprète afghan, a considéré en l’espèce que le refus de protection fonctionnelle qui avait été opposé à ce personnel civil de recrutement local – qui avait « fait l’objet de menaces de mort à plusieurs reprises en raison de sa qualité d’ancien auxiliaire de l’armée française, qui avait « été blessé par balles en juillet 2017 et puis lors d’un attentat le 22 novembre 2017 dans son village » et qui indiquait « avoir dû fuir le 21 septembre 2018 pour se réfugier à Kaboul à la suite de nouvelles menaces » – portait « une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de la vie et à celui de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants, garantis par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et à son droit à une vie privée et familiale normale en application de l’article 8 de cette convention. »

Le juge administratif a donc rendu une ordonnance enjoignant à la ministre des Armées « de mettre en œuvre dans un délai de huit jours à compter de la notification de [sa] décision toute mesure de nature à assurer la mise en sécurité immédiate [de l’ancien interprète afghan] et celle de sa famille, par tout moyen approprié, tel que le financement d’un logement dans un quartier sécurisé de Kaboul ».

Le Conseil d’État a également enjoint aux ministres des Armées, de l’Intérieur et de l’Europe et des affaires étrangères de réexaminer la situation de cet ancien interprète afghan dans un délai de deux mois.

Dans une décision du 1er février 2019([54]) faisant suite à celle du 14 décembre 2018 et concernant le même interprète, le Conseil d’État a procédé à une extension du champ des bénéficiaires de la protection fonctionnelle. Selon les termes de cette décision, « il résulte d’un principe général du droit que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend (…) de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. Ce principe général du droit s’étend aux agents non-titulaires de l’État recrutés à l’étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local. La juridiction administrative est compétente pour connaître des recours contre les décisions des autorités de l’État refusant aux intéressés le bénéfice de cette protection ».

Le Conseil d’État a également indiqué : « lorsqu’il s’agit, compte tenu de circonstances très particulières, du moyen le plus approprié pour assurer la sécurité d’un agent étranger employé par l’État, la protection fonctionnelle peut exceptionnellement conduire à la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour à l’intéressé et à sa famille ».

Les PCRL arrivés en France en exécution de décisions de justice en matière de visa, d’asile ou de protection fonctionnelle, titulaires d’un visa de long séjour, se voient délivrer, comme leurs conjointes, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dès leur entrée sur le territoire national et bénéficient d’un droit au séjour pérenne. Ils ont ainsi la possibilité d’accéder au marché du travail et de solliciter le bénéfice des mécanismes d’aide sociale de droit commun([55]) .

Le ministère des Armées a indiqué aux rapporteurs que depuis ces décisions, il avait reçu 75 requêtes en référé formées par d’anciens personnels civils de recrutement local employés par les forces françaises « mais aussi par beaucoup de personnes s’attribuant à tort » cette qualité. Selon la DAJ du ministère des Armées, il s’agissait, dans le second cas :

– dans quinze requêtes, de salariés d’entreprises de droit privé n’ayant jamais été salariés par la France pour lesquels le Conseil d’État a très clairement exclu le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

– d’agents n’ayant pas travaillé pour les forces armées françaises et sur la demande de protection fonctionnelle desquels le ministère des Armées ne pouvait statuer([56]).

La DAJ du ministère des Armées ajoute que, condition classique pour pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle, « le demandeur doit apporter la preuve qu’il est menacé en raison des fonctions qu’il a exercées au profit de la France » et non seulement prouver qu’il réside dans un État dont nul ne conteste le climat de violence exacerbée.

Pour le ministère des Armées, « les diverses associations, appuyées par quelques avocats ont, semble-t-il, confondu droit à la protection subsidiaire([57]) et droit à la protection fonctionnelle. Si dans le premier, la protection est accordée pour les civils qui encourent une menace grave et individuelle contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé ou interne, le second est défini strictement par le législateur et encadré par la jurisprudence. »

Lors de son audition par la mission d’information, la directrice des affaires juridiques du ministère des Armées a mentionné deux décisions de la Cour nationale du droit d’asile. La Cour, revenant sur une jurisprudence qui, selon la DAJ, accordait très souvent une protection aux demandeurs afghans, a jugé que « la seule invocation de la nationalité afghane d’un demandeur d’asile ne peut suffire à établir le bien-fondé de sa demande de protection internationale au regard de la protection subsidiaire en raison d’un conflit armé ». En outre la Cour a également précisé que « la violence aveugle prévalant actuellement dans la ville de Kaboul n’est pas telle qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court, du seul fait de sa présence dans cette ville, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne([58]) ».

Pour le ministère des Armées, « dans la très grande majorité des dossiers, aucun élément probant n’est joint afin de démontrer la réalité de la menace dont il ferait l’objet, ou alors des documents très grossièrement falsifiés au contenu extrêmement répétitif d’un dossier à l’autre, sur lesquels le juge administratif s’est prononcé sans équivoque. Si les avocats dénoncent le fait qu’ils doivent apporter la preuve impossible, la réalité semble être tout autre, les PCRL tentent, en voulant détourner le droit à la protection fonctionnelle, d’obtenir un visa pour la France. Dès lors, dans ces situations où aucune preuve d’une quelconque menace n’a été apportée, aucun droit à la protection fonctionnelle ne saurait pouvoir être accordé par l’État, agissant sous le contrôle du juge administratif, sauf à mettre en place un dévoiement de la protection fonctionnelle et des dispositions législatives et réglementaires sur l’accès et le séjour des étrangers sur le territoire français ».

La directrice des affaires juridiques du ministère des Armées a rappelé que dans les très rares dossiers où le juge avait enjoint à l’administration de délivrer un visa, le ministère des Armées « avait fortement appuyé pour que [ce visa] puisse être délivré très rapidement ».

Enfin, dans une décision du 26 février 2020([59]) , le juge administratif a, d’une part, rappelé le principe général du droit énoncé dans sa décision du 1er février 2019 et, d’autre part, précisé l’étendue de la protection fonctionnelle qui, selon lui, « peut exceptionnellement conduire à la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour à l’intéressé et à sa famille, comprenant son conjoint, son partenaire au titre d’une union civile, ses enfants et ses ascendants directs ».

Dans un souci de clarté, un tableau, présenté en annexe n° 3 du rapport, récapitule les actions menées par le Gouvernement lors des trois vagues de relocalisation puis lors de la phase contentieuse.

v.   Les enseignements tirés par les forces armées françaises de l’expérience afghane : l’évolution de la politique d’emploi des personnels civils de recrutement local

Interrogé le 18 octobre 2018 par notre collègue Bastien Lachaud lors d’une audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général François Lecointre, chef d’état-major des Armées, indiquait : « Lorsque j’étais en poste à Matignon, je me suis beaucoup occupé de la question des interprètes afghans, qui relevait de la plus grande complexité. Beaucoup a été fait, par l’ambassade de France en Afghanistan ainsi que par le préfet qui avait été désigné par décision interministérielle pour gérer ces PCRL ; ils ont accompli un travail considérable. Bien évidemment, nous continuons de recourir à ces personnels, parmi lesquels nous comptons d’ailleurs peu d’interprètes. Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent. Très clairement, le jour où nous quitterons le Mali, dont j’espère qu’il aura alors retrouvé la paix, nous devrons nous poser la question et anticiper le nécessaire digne traitement des PCRL. C’est à juste titre que vous posez la question ; nous allons mettre en place les moyens d’une anticipation, y compris d’un suivi de ces personnels dans la durée. Nous devons établir des bases de données afin de les recenser, car souvent des personnes indiquent avoir servi l’armée française alors que nous n’en avons aucune trace. Je veillerai à ce que ces moyens soient bien mis en œuvre. Par ailleurs, le Mali n’est pas l’Afghanistan, et vous savez que j’ai dit que cette opération sera nécessairement longue, car notre ambition est de ramener ce pays à la paix. Nous sommes très liés au Mali par une histoire commune et forte. ; je n’imagine pas que nous quittions ce pays un jour en laissant derrière nous un désordre tel que la France et l’Europe pourraient être menacées. »

Selon les informations fournies à la mission d’information, le bureau de la politique de soutien aux opérations de l’état-major des Armées a élaboré, sur le fondement de retours d’expérience, une note relative à la politique d’emploi du personnel recruté localement pour les besoins de l’armée française en date du 14 décembre 2020 – note dont les rapporteurs ont reçu copie de la part de l’état-major des Armées.

Dans cette note, l’état-major des Armées tire les enseignements issus du désengagement des forces armées des opérations récentes afin de mieux circonscrire les risques associés à la phase de désengagement d’une opération.

Cette note rappelle qu’outre le fait que les forces françaises respectent – cela va de soi – les règles d’hygiène et de sécurité en accord avec les législations locales, les personnels recrutés localement bénéficient de la protection fonctionnelle en cas de menaces graves après le retrait des forces françaises et que cette protection fonctionnelle a vu son champ étendu par la jurisprudence du Conseil d’État. Cette protection fonctionnelle désigne l’obligation faite à l’employeur d’assurer la protection de l’agent public, y compris après la cessation de ses fonctions, aux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Dans sa politique d’emploi, l’état-major des Armées souligne qu’« une évaluation du risque sécuritaire doit permettre d’identifier les personnels civils de recrutement local les plus exposés à ce risque. Au début de la phase de désengagement d’un théâtre d’opérations, le commandement des forces françaises charge la direction du commissariat du théâtre de recenser l’ensemble des personnels civils de recrutement local ayant servi sur le territoire en question durant la période de déploiement des forces françaises et établit une typologie de ces personnels en fonction du degré de leur exposition à un risque sécuritaire. Le risque doit s’entendre comme la possibilité, pour un personnel civil de recrutement local, d’être exposé à des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, de violences, d’agissements constitutifs de harcèlement, de menaces, d’injures, de diffamations ou d’outrages. »

Il est également précisé dans cette note : « Des mesures de sécurité peuvent être prises au profit des personnels civils de recrutement local les plus exposés au risque sécuritaire. Ces mesures doivent être coordonnées avec les ministères concernés – affaires étrangères et intérieur – puis leur économie générale, soumise à validation du cabinet militaire du Premier ministre et de l’état-major particulier du Président de la République. Ces mesures doivent être mises en application dès l’annonce du désengagement et dans un délai ne pouvant excéder six mois après le départ des forces françaises. La situation des personnels civils de recrutement local concernés doit faire l’objet d’un examen par une commission ad hoc. Les personnels civils de recrutement local peuvent notamment bénéficier de primes et d’une relocalisation dans une région de l’État concerné moins exposée à un risque de sécurité. Les PCRL exposés à un risque important (soit qu’ils aient déjà été la cible d’attaques avérées en lien avec leurs fonctions au profit des forces françaises, soit qu’ils exercent des fonctions principalement en dehors d’une emprise en vue de leur apporter un appui opérationnel – conducteur, traducteur-interprète, chef de poste, assistant d’une autorité militaire) peuvent se voir proposer des mesures de relocalisation en France, à la condition sine qua non qu’ils aient fait l’objet d’un avis sécuritaire favorable. »

Enfin, la note de l’état-major des Armées revient sur la notion d’assistance consulaire, précisant qu’en dehors de toute mise en application de la protection fonctionnelle, les personnels civils et anciens personnels civils de recrutement local peuvent solliciter l’assistance consulaire française en vue de la délivrance d’un visa de long séjour ou d’un visa d’asile. Ces demandes doivent être formulées auprès du consulat de France dans l’État concerné. Dans le cadre de la préparation du désengagement des forces et pendant une durée de cinq ans à l’issue de celui-ci, les services de l’attaché de défense de l’ambassade de France de l’État concerné élaborent tous les six mois un point de situation relatif à la sécurité intérieure de l’ancien théâtre d’opérations et au degré de menaces pesant sur les anciens personnels civils de recrutement local([60]).

c.   La position des rapporteurs

En préambule, le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur tient tout d’abord à saluer les efforts accomplis par l’administration française et par les gouvernements successifs pour relocaliser d’anciens personnels afghans sur le territoire national, dans un contexte marqué par de constantes évolutions sur les plans politique, sécuritaire et juridictionnel. Si le « livre noir » de la protection fonctionnelle a été régulièrement écrit par des commentateurs assumant leur orientation critique, voire à charge, rarement un travail visant à un réel effort d’objectivité a été conduit sur les actions déployées par l’État pour protéger ses personnels. Il estime que ce rapport en est l’occasion, au-delà de certaines postures et des échos parfois douteux à des mémoires douloureuses, comme celles des supplétifs engagés dans l’armée française durant la guerre d’Algérie. Ni le nombre de personnels concernés, ni le traitement réservé aux personnels ayant servi l’armée française en Afghanistan ne permettent une comparaison qui ne fasse injure tant à la mémoire des uns qu’à la situation des autres.

Recruter des personnels de qualité au service la France, les rémunérer et les protéger d’éventuelles menaces liées à leur emploi, c’est la fierté autant que l’intérêt de nos armées et de notre pays.  Attaché à une protection fonctionnelle clairement définie, efficace et de nature à promouvoir tant la sécurité des agents que le bon fonctionnement de nos armées sur des théâtres extérieurs, le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur tient à rappeler sa raison d’être et son utilité même : la sécurité d’agents ayant servi les armées françaises. Aussi ne doit-elle pas être indûment étendue ou confondue avec le droit d’asile. 

Favorable à toute proposition de nature à rendre encore plus effectif le droit à la protection fonctionnelle, il s’interroge ainsi sur le recours à la voie législative pour modifier la jurisprudence du Conseil d’État. À ses yeux, celle-ci paraît à ce stade suffisamment extensive et complète pour couvrir les situations présentes en Afghanistan et sur de futurs théâtres.

Le co-rapporteur Larsonneur note en outre que selon les informations fournies par le ministère des Armées, si l’Afghanistan demeure l’État le plus dangereux au monde, « aucun élément recueilli à ce jour auprès des différents contacts rencontrés par le poste et appartenant à pratiquement toutes les couches sociales représentatives de la population locale ne permet d’établir qu’un ciblage spécifique des agents ayant travaillé pour la France a été mis en place par les talibans, la plupart des contacts relevant d’emblée que l’engagement français dans leur pays relève désormais d’une réalité peu récente ».

Toujours selon le ministère des Armées, « les cibles des talibans demeurent principalement les forces armées — la coalition internationale et les forces de sécurité nationales sous toutes leurs formes — et les fonctionnaires de l’État afghan. L’insurrection déclare ne pas être à l’origine des assassinats de journalistes ou de militants des droits de l’Homme. De par la nature même des attentats, des dommages collatéraux civils sont toujours possibles, mais ils résultent rarement d’un ciblage initial. À cet égard, le seul ancien PCRL ayant travaillé pour les forces françaises tué dans un attentat n’était pas visé individuellement : il assumait les fonctions d’assesseur dans un bureau de vote ciblé par une attaque lors des élections générales de 2018. Depuis 2011, aucun PCRL n’a été assassiné par les talibans en raison de son passé au service de la France. Ce fait est également observable parmi les PCRL des contingents turcs et italiens interrogés ».

Selon la DAJ du ministère des Armées, « les dossiers constitués reposent, dans la très grande majorité des cas, sur des allégations fallacieuses ou des fraudes. Les talibans n’ont jamais officiellement exprimé de menaces à l’encontre de ceux ayant travaillé pour la coalition internationale et qui pour certains, ont travaillé ensuite ou travaillent encore au profit d’autres contingents étrangers. Ils ont pourtant une stratégie de communication très bien rodée et offensive mais ne s’en servent pas pour cibler ces anciens auxiliaires. Les messages reçus par lettres anonymes ou par téléphone sont généralement des faux, comme cela a été établi lors des enquêtes instruites à Kaboul entre 2012 et 2015 par des missions interministérielles chargées d’examiner les demandes des anciens PCRL, ou comme nous le confirment nos contacts les plus récents dans les services de sécurité afghans. Certains sont grossiers. Les lettres de menace portant un cachet ou un tampon taliban font même l’objet d’un marché dans un pays en crise où tout se monnaie, à l’instar de tous les documents officiels (taskera, carte d’identité, permis de conduire, diplômes divers...). Parmi les pratiques observées depuis 19 ans, les talibans n’envoient pas de lettres aux cibles qu’ils veulent éliminer pour les prévenir du danger qu’ils encourent ou les menacer sans fin : ils les assassinent directement. De plus, de hautes autorités des services de police judiciaire afghans ont clairement indiqué qu’il était d’usage courant en Afghanistan de s’adresser à des intermédiaires rétribués pour fabriquer de telles lettres, ainsi que des dépôts de plainte. Certains d’entre eux sont d’ailleurs réputés pour être des experts dans la production de fausses lettres de menaces, de dépôts de plaintes ou de lettres variées à des fins diverses. »

Il a semblé important au co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur de verser ces éléments au débat, en préambule de l’analyse.

Les deux co-rapporteurs de la mission d’information ont examiné, à la suite de l’audition de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française, de l’état-major des Armées et de la directrice des affaires juridiques du Ministère des Armées, les points suivants :

– l’étendue du champ de la protection fonctionnelle ;

– l’octroi de droits spécifiques au profit des PCRL ;

– l’information des PCRL sur le droit à la protection fonctionnelle ;

– l’harmonisation des procédures ;

– le suivi administratif des demandes de protection fonctionnelle ;

– les notes blanches ;

– le recours à des contrats de droit local ;

– la manière dont les grandes puissances ayant participé à l’intervention militaire en Afghanistan ont traité la question.

i.   Sur l’étendue du champ de la protection fonctionnelle

Comme on l’a vu supra, le Conseil d’État a d’ores et déjà étendu le champ de la protection fonctionnelle de tout personnel civil de recrutement local « à sa famille, comprenant son conjoint, son partenaire au titre d’une union civile, ses enfants et ses ascendants directs ». Selon Mme Caroline Decroix, « il s’agit d’une importante victoire jurisprudentielle pour l’association » mais « malheureusement, [la décision du Conseil d’État] ne traite pas des collatéraux. Or, il existe, selon l’association précitée, quelques situations où ce sont les frères ou sœurs d’anciens PCRL relocalisés en France qui font l’objet de menaces ». L’association estime donc qu’il serait utile de modifier l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, relatif à la protection fonctionnelle dont peuvent bénéficier les fonctionnaires et agents non titulaires, et le code de la défense, dont l’article L. 4123-10 prévoit le droit à la protection fonctionnelle des ascendants de militaires, pour étendre le champ de la protection fonctionnelle aux ascendants et aux collatéraux des personnels civils de recrutement local. Pour Mme Caroline Decroix, « c’est tout le noyau familial – parents, frères et sœurs – du PCRL qui doit être protégé ».

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur, tient à rappeler que les cas de menaces à l’encontre de collatéraux tels que des frères et sœurs d’un PCRL, en raison des activités de cet agent au service des armées françaises, sont en pratique difficiles à établir et très peu nombreux, comme l’association le précise. En tout état de cause, l’extension par la loi de la protection accordée aux PCRL à leurs collatéraux semble disproportionnée lors même que les personnels civils et militaires des armées françaises n’en bénéficient pas.

M. le co-rapporteur Alexis Corbière, préconise quant à lui l’adoption de dispositions législatives tendant à préciser que bénéficient de la protection fonctionnelle, d’une part, les personnels civils de recrutement local, que leur contrat soit en droit français ou en droit local, et, d’autre part, leurs ascendants et collatéraux.

ii.   Sur l’octroi de droits spécifiques au profit des personnels de recrutement local

Le co-rapporteur Alexis Corbière est satisfait des avancées jurisprudentielles de 2018 et 2019 ayant permis une protection plus étendue des personnels civils de recrutement local. S’il s’en félicite, il constate néanmoins qu’elles résultent des carences graves ayant caractérisé les procédures de relocalisation décrites plus haut. Il aura en effet fallu trois procédures de relocalisation, entre 2012 et 2018 pour traiter les demandes des anciens auxiliaires afghans s’étant engagés aux côtés de nos armées, parfois au péril de leur vie. Sur un théâtre d’opération où le Conseil d’État a reconnu lui-même des risques élevés pour ces personnels, certaines demandes n’ont pu aboutir que six ans après le départ des troupes françaises tandis que d’autres sont toujours en cours d’examen. Or, le co-rapporteur Alexis Corbière le rappelle avec force : pour de nombreux PCRL, leur coopération avec les forces françaises a été la cause d’un danger accru pour leurs personnes et celles de leur entourage. Une telle attente a donc été préjudiciable et périlleuse. Aux yeux du co-rapporteur Alexis Corbière, ces trois procédures successives témoignent de l’impréparation des gouvernements successifs quant au sort réservé à ces personnels et d’une certaine indifférence à leur égard. Les failles de ces trois procédures expérimentales et sans base légale, décrites supra, confirment ce diagnostic.

Le co-rapporteur Alexis Corbière rappelle aussi qu’en dépit de ces trois processus de relocalisation, d’autres PCRL – sans que le Gouvernement sache combien précisément – ont été contraints à l’exil pour échapper aux menaces qui planaient sur eux du fait de leur engagement aux côtés de nos forces. Cette problématique n’est donc pas dépassée. Bien au contraire, elle concerne aussi les théâtres d’opérations actuels et futurs – notamment celui de l’opération Barkhane – et doit être traitée de manière anticipée afin d’éviter toute répétition des erreurs passées. Il importe, en tenant compte de l’expérience acquise, de prévoir un dispositif clair, objectif et inscrit dans la durée afin de mieux protéger les PCRL. Le co-rapporteur juge nécessaire l’adoption d’un dispositif légal de relocalisation, entérinant les avancées jurisprudentielles ayant étendu le champ de la protection fonctionnelle aux personnels civils de recrutement local. Le dispositif serait adaptable par des modifications législatives ultérieures au gré de l’évolution des situations. L’adoption d’un tel dispositif évitera aux gouvernants d’agir dans la précipitation, la loi restant, selon le co-rapporteur Alexis Corbière, la meilleure garantie de sécurité juridique et d’égalité. Tout personnel de recrutement local doit connaître l’existence de la protection fonctionnelle. Il doit être pleinement rassuré quant aux garanties qui lui sont offertes si des menaces graves devaient peser sur lui ou ses proches du fait de son engagement auprès de nos forces armées. Il doit pouvoir compter sur un suivi permanent qui se poursuivra en cas de relocalisation en France.

Quant au risque invoqué de « comportements d’opportunité », le co-rapporteur Alexis Corbière ne croit pas que l’adoption d’un dispositif légal de relocalisation reprenant les avancées jurisprudentielles du Conseil d’État entraînerait un quelconque dévoiement de la protection fonctionnelle au vu des flux concernés. Les données chiffrées fournies par le ministère des Armées font apparaître que le recrutement des PCRL est cadré et limité, répondant à des besoins précis, identifiés par nos armées. Loin de constituer un effet d’aubaine, une protection garantie par la loi aux PCRL et à leurs ascendants et collatéraux constituerait la juste contrepartie des services rendus à la patrie et l’expression de la pleine reconnaissance de nos armées à leur égard.

Le co-rapporteur Alexis Corbière préconise la définition par la loi d’un dispositif de relocalisation assorti :

– soit du versement sur demande de l’intéressé d’une indemnité forfaitaire d’aide à la mobilité interne dans le pays d’intervention des forces armées françaises,

– soit, si le personnel civil en cause est susceptible d’être exposé à des menaces en raison de son recrutement par les forces armées françaises, d’un droit à l’attribution d’une prime de licenciement, d’un droit à obtention d’une carte de résident, d’un droit d’accès au logement social et de droits sociaux.

Le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur, pour les raisons de fond exposées supra, n’est guère favorable à une telle proposition. De manière générale, il juge inopportun de légiférer sur le fondement de cas tout à fait particuliers sur lesquels le juge administratif a la faculté – et a effectivement eu l’occasion, dans le cas afghan – de se prononcer. En outre, il rappelle que la protection fonctionnelle n’est pas la contrepartie de services rendus mais un droit ouvert en cas de menace avérée. Cette protection ne saurait donc être accordée à des personnels qui ne sont que « susceptibles » d’être exposés à des menaces.

iii.   Sur l’information des personnels civils recrutés localement sur leur droit à la protection fonctionnelle

La vice-présidente de l’association auditionnée par la mission d’information a souligné qu’à son sens, le ministère des Armées « n’avait jamais fourni aucune information sur le droit à la protection fonctionnelle à ses anciens auxiliaires ni procédé à l’examen d’aucune de ses demandes avant le dépôt de recours contentieux (…) ». Elle souligne qu’en dépit des évolutions de la jurisprudence, « l’administration n’a toujours mis en place aucun moyen d’accès à un formulaire de demande de protection fonctionnelle pour ses PCRL » et que « l’association assume toute seule l’information, la transmission du formulaire et l’assistance juridique ». Elle a enfin indiqué que l’association avait « préparé un modèle de demande de protection fonctionnelle basé sur l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qu’elle a diffusé par le moyen des réseaux sociaux aux auxiliaires en demande de protection ».

C’est pourquoi M. Alexis Corbière, co-rapporteur, préconise l’instauration d’un dispositif d’information sur la protection fonctionnelle et les voies de recours contentieuses y afférant. Cette information serait adressée à tout personnel civil de recrutement local lors de son recrutement.

L’état-major des armées a indiqué à la mission d’information que dans l’essentiel des cas – en opérations extérieures comme dans le cadre des forces de présence à l’étranger –, le recrutement de personnels locaux se faisait assez naturellement, les forces françaises étant le plus souvent installées depuis des décennies voire depuis plus d’un siècle dans les pays concernés – sur le continent africain, notamment – et donc connues des populations locales. Certains PCRL sont même embauchés de génération en génération. Pour l’état-major des armées, le recrutement de personnels locaux s’inscrit aussi dans l’idée que la présence des forces françaises ait des retombées positives sur l’économie locale.

iv.   Sur l’harmonisation des procédures

Lors de son audition par la mission d’information, la vice-présidente de l’association précitée a indiqué que les personnels ayant été relocalisés à la suite d’une procédure contentieuse n’avaient pas bénéficié des mêmes droits que les personnels relocalisés par voie administrative.

C’est pourquoi le co-rapporteur Alexis Corbière propose d’harmoniser par le haut les droits applicables aux deux catégories de personnels : ces droits devront comprendre l’obtention d’une carte de résident, l’accès à un logement social et l’ouverture immédiate de droits sociaux tels que le RSA.

v.   Sur le suivi administratif des demandes de protection fonctionnelle

Compte tenu du revirement de jurisprudence du Conseil d’État, le co-rapporteur Alexis Corbière estime qu’il conviendrait de créer, au sein du ministère des Armées, un comité de suivi chargé d’assurer l’examen des demandes de protection fonctionnelle et de veiller au recensement et au suivi des personnels civils de recrutement local. Ce comité assurerait notamment la réception et le suivi des courriers de demande d’obtention de la protection fonctionnelle. Le co-rapporteur Alexis Corbière propose également que ce comité mette à disposition des anciens PCRL des formulaires de demande de protection fonctionnelle, qu’il soit chargé de l’assistance juridique de ces anciens personnels et qu’il veille à l’examen de la situation des ascendants et collatéraux des PCRL restés dans le pays d’origine. Ce comité serait également chargé d’examiner la situation des personnels n’ayant pas conclu un contrat directement avec l’armée française mais ayant travaillé indirectement pour elle.

Le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur est extrêmement attentif à l’accès aux droits des personnes concernées. Il constate que l’ambassade de France à Kaboul a déjà été largement identifiée comme point d’entrée, tout comme la direction des affaires juridiques qui reçoit encore aujourd’hui courriers et courriels. Il tient aussi à rappeler que lors de la troisième vague de rapatriement, d’importantes capacités administratives ont été déployées. Il s’interroge en revanche quant à l’intérêt de créer un comité spécifique au regard des flux actuels. Comme le disait Georges Clemenceau, « si vous voulez enterrer un problème, créez une commission ». Il paraît prioritaire au co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur de veiller au recensement et au suivi des personnels civils de recrutement local afin de les accompagner au mieux lors du retrait d’un théâtre d’opération.

Les rapporteurs proposent de publier dans le bilan social des armées les données relatives au recensement et au suivi des PCRL employés par le ministère des armées, afin de rendre ces données plus accessibles au grand public comme aux parlementaires.

Proposition n° 1 : Publier dans le bilan social des armées les données relatives au recensement et au suivi des personnels civils de recrutement local employés par le ministère des Armées, en précisant la répartition de ces personnels par théâtre d’opération, par type d’emploi et par pays ainsi que l’évolution de ces données.

vi.   Sur la question des notes blanches

Lors de son audition par la mission d’information, Mme Caroline Decroix a indiqué que « dans le cadre du processus de réexamen de l’automne 2018 puis des recours juridictionnels intentés contre les refus implicites de protection fonctionnelle le Ministère des Armés a pu utiliser un argument de protection de la sécurité de l’État contre certains personnels ». Elle a dénoncé « une instrumentalisation de l’argument sécuritaire utilisé comme dernier ressort pour ne pas faire droit aux demandes de protection des PCRL, argument massue ne permettant aucune démonstration contradictoire ». Selon Mme Decroix, « le Conseil d’État ne permet pas d’apporter la démonstration du caractère infondé d’une « note blanche » dans le cadre du contentieux alors même que la note apportée par le Ministère n’est pas détaillée et ne repose pas sur des éléments objectifs démontrables ».

Sur ce point, le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur tient à rappeler que selon les informations fournies aux rapporteurs, la production de notes blanches n’a concerné que six dossiers sur soixante-quinze.

Selon les informations fournies par le ministère des Armées, afin de concilier au mieux défense du secret national et principe du contradictoire, des notes blanches sont produites afin d’éclairer le juge, quand cela est nécessaire, sur les raisons pour lesquelles des décisions de refus ont été édictées. Ces informations, qui ont été déclassifiées dans le cadre de ce contentieux, sont portées à la connaissance du juge, afin de lui permettre de porter une appréciation sur l’importance des intérêts publics en jeu.

Le Conseil d’État admet de longue date la valeur probante des « notes blanches » (CE, Ass., 11 octobre 1991, n° 128128). Dans ses conclusions sur cette affaire, la commissaire du Gouvernement, Maryvonne de Saint-Pulgent, relève que le recours à une note blanche « permet au ministre de préserver le secret de ses méthodes de surveillance et de renseignement dans des affaires intéressant la sûreté de l’État, tout en ne le dispensant pas de toute justification ». Les notes blanches sont versées au contradictoire, les intéressés en ont par conséquent connaissance et peuvent, le cas échéant apporter une argumentation permettant de contredire les dires de l’administration.

Ainsi que l’a indiqué la DAJ du ministère des Armées, comme l’ensemble des personnels recrutés par le ministère des Armées, les PCRL sont nécessairement suivis par la direction du renseignement de la sécurité et de la défense (DRSD). Qui plus est, la finalité des demandes de protection fonctionnelle étant l’arrivée sur le sol français, il paraît nécessaire que les services de l’État puissent s’assurer que la personne en question ne présente pas un risque potentiel pour la sécurité nationale.

vii.   Sur le recours à des contrats de droit local

Interrogée par la mission d’information concernant le recours à des contrats de droit local pour recruter des PCRL, la DAJ du ministère des Armées a tout d’abord rappelé que le législateur avait ouvert de longue date la possibilité de recruter des personnels locaux par contrat de droit local. Un contrat de droit local implique nécessairement que les contentieux relevant de l’exécution du contrat relèvent de la compétence de la juridiction locale.

Selon le ministère des Armées, « c’est à tort que certains modèles de contrats de PCRL ont comporté jusqu’en 2010 une clause au profit des juridictions françaises. Cette clause était défavorable aux PCRL puisqu’elle leur fermait de facto l’accès au prétoire ». C’est pourquoi elle a été supprimée.

Quant à savoir si une juridiction locale serait moins encline à condamner l’État français, selon la DAJ, « la réponse est clairement négative ». Elle a fourni aux rapporteurs l’exemple récent d’un tribunal djiboutien ayant condamné la France à verser plus de 11 000 euros à un ex-PCRL pour rupture de contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse.

viii.   Sur la manière dont les grandes puissances ayant participé à l’intervention militaire en Afghanistan ont traité la question

Enfin, les rapporteurs se sont intéressés à la manière dont les grandes puissances ayant participé à l’intervention militaire en Afghanistan avaient traité la question des PCRL.

Les États-Unis ont adopté des lois sur la protection des alliés afghans (Afghan Allies Protection Act) en 2009, 2014 et 2019, qui autorisent la délivrance annuelle de visas d’immigrant spécial aux ressortissants afghans ayant travaillé pour le compte du gouvernement américain sur ce théâtre d’opération. Près de 100 000 soldats américains ont été déployés simultanément en Afghanistan, soit une échelle sans commune mesure donc avec la présence militaire française, de l’ordre de 4 000 militaires maximum au plus fort de l’engagement français. Selon les informations issues de la presse, 22 500 visas auraient été délivrés aux anciens PCRL, bénéficiant à 7 000 anciens PCRL et à leurs familles. En revanche, très peu de moyens semblent avoir été mis en place pour favoriser l’intégration des bénéficiaires de visas, à la différence des mesures d’accueil prises par la France en matière d’accès au logement, à des formations, au marché du travail et à la culture.

Quant au Royaume-Uni, il a privilégié une approche interministérielle. Dans le cas afghan, la réinsertion au Royaume-Uni a été la dernière des options choisies, les Britanniques ayant privilégié une aide financière à l’installation en Afghanistan, dans une région moins exposée. 7 000 PCRL ont été employés par l’armée britannique en Afghanistan – soit presque 8 fois plus que la France – dont la moitié était constituée d’interprètes. Un programme a été initialement établi en juin 2013 par le gouvernement britannique, dans le cadre duquel les interprètes pouvaient choisir de déménager au Royaume-Uni, de suivre cinq ans de formation et recevoir soit une allocation mensuelle soit l’équivalent de dix-huit mois de salaire. Grâce à ce programme, 445 anciens membres du personnel et leurs familles ont choisi de déménager au Royaume-Uni, soit un total de 1 319 personnes en incluant les familles. De nouvelles mesures ont été annoncées en septembre 2020 pour étendre les critères d’éligibilité des anciens interprètes à postuler à l’offre de déménagement. Jusqu’alors, les anciens employés devaient avoir été licenciés après le 1er mai 2006 avec 12 mois ou plus de service en dehors du fil de première ligne. Depuis septembre 2020 une cohorte supplémentaire d’interprètes - ceux qui ont démissionné le 1er mai 2006 ou après avoir passé au moins 18 mois sur la ligne de front – peut demander sa réinstallation.

Pour le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur, il ressort des expériences américaine et britannique que, comme la France, ces États membres de la coalition internationale se sont adaptés au caractère protéiforme et évolutif des demandes formulées par des PCRL afghans, en élargissant leur dispositif au fil du temps. Les États-Unis ont privilégié une approche législative, le Royaume-Uni une approche interministérielle. Au-delà des singularités propres à chaque système politique, c’est la qualité du recensement, du suivi et de l’accompagnement des personnels ainsi que l’adaptabilité des dispositifs qui paraissent déterminantes dans la bonne prise en charge des PCRL.

Pour le co-rapporteur Alexis Corbière, l’expérience américaine témoigne que le recours à la loi n’est pas synonyme de rigidité mais bien d’adaptabilité. Si la succession des programmes de relocalisation adoptés par le Congrès américain en 2009, 2014 et 2019 témoigne d’un dispositif amélioré au fil du temps, ils révèlent aussi qu’un tel sujet intéresse la représentation nationale, et se nourrit de travaux parlementaires au-delà d’une simple mission d’information. Le recours à la loi est doublement bénéfique, par l’adaptabilité des dispositifs qu’elle permet, et le débat parlementaire qu’elle garantit. Le co-rapporteur reconnaît qu’au-delà de l’interrogation sur le bénéfice du recours à la loi, il convient de s’assurer du recensement et du suivi des personnels civils de recrutement local tant pour garantir la matérialisation de leurs droits que pour des raisons de sécurité.

C.   Une grande diversité de métiers civils, reflet de la richesse des fonctions du ministère des Armées

La singularité de la mission de défense nationale dévolue au ministère des Armées, définie en préambule du code de la défense, commande non seulement la coprésence de personnels militaires et civils, aux logiques statutaires différentes – on l’a vu –, mais aussi une très grande diversité de métiers au sein même de la composante civile du ministère. On parlera donc moins du personnel civil que des personnels civils. Cette grande diversité est à l’image des multiples facettes de la mission de ce ministère régalien, chargé de contribuer à la sécurité nationale en « assurant l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées, [en contribuant] à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale, [en pourvoyant] au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et [en participant], dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune([61]) ».

Qu’y a-t-il de commun entre un analyste du renseignement militaire, un optronicien, un diéséliste, un conservateur du patrimoine, un traducteur-interprète, un orthoptiste, un préparateur en pharmacie, un pyrotechnicien et un ingénieur chargé des achats ou du management de projet au profit de programmes d’armement, pour ne prendre que quelques exemples – si ce n’est leur contribution à la mission de défense nationale ? Dans l’exercice de cette mission, le ministère des Armées présente la singularité, au sein du Gouvernement, d’intervenir dans l’ensemble des champs des politiques de l’État.

S’il semble essentiel aux rapporteurs de souligner cette très grande diversité de métiers, il ne s’agit pas dans le présent rapport d’en présenter un inventaire à la Prévert. Les rapporteurs ont plutôt fait le choix, d’une part, de présenter les métiers civils du ministère par grands ensembles, et, d’autre part, de mettre en lumière quelques métiers civils très spécifiques au ministère des Armées.

1.   Des métiers relevant des domaines technique, administratif et paramédical

Les deux principaux secteurs d’activité des personnels civils du ministère des armées sont le domaine technique et l’administration générale et le soutien commun dont relève près d’un tiers des effectifs civils. Citons également le secteur paramédical, au service de santé des armées.

Au sein du budget opérationnel du service des ressources humaines civiles, qui, rappelons-le, regroupe 82 % des civils du ministère, les personnels civils relèvent :

– à 54 % de la filière technique, dont les métiers principaux suivants sont la logistique de chaîne d’approvisionnement, les systèmes d’information et de communication, l’infrastructure, le maintien en condition opérationnelle (MCO) et la maintenance des matériels ;

– à 39 % de la filière administrative, dont les métiers principaux sont l’administration et le management transverse, la gestion des ressources humaines et l’action sociale et, enfin, les finances ;

– à 5 % de métiers administratifs ou techniques, dans les domaines des achats et du renseignement ;

– à 2 %, de la filière médico-sociale ([62]) .

Le tableau ci-dessous fait un point plus précis sur les métiers représentés dans les directions et services relevant du budget opérationnel du service des ressources humaines civiles.

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Source : SRHC de la direction des ressources humaines du ministère de la défense([63])

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.   Les exemples de métiers civils du service interarmées des munitions et du service de santé des armées, reflets de la multiplicité des champs d’intervention du ministère des Armées

Les auditions et le déplacement effectués par les rapporteurs ont mis en lumière la grande richesse en ressources humaines civiles dont recèle le ministère des Armées. Comme il est impossible, dans les limites d’un rapport d’information, de présenter l’intégralité des métiers civils du ministère, les rapporteurs ont pris le parti de mettre en lumière des métiers civils très spécifiques de deux services du ministère aux activités très hétérogènes :

– quelques métiers pyrotechniques du service interarmées des munitions, service méconnu du grand public – bien qu’indispensable aux forces armées – aujourd’hui confronté à un défi de recrutement majeur ;

– les professions paramédicales du service de santé des armées, service au contraire très connu grâce à ses hôpitaux – et, plus récemment, à sa présence dans les médias lors de la crise sanitaire – et dont les personnels civils ont fait toute la preuve de leur résilience à cette occasion.

Les rapporteurs ont eu l’occasion de découvrir ces deux services in situ lors de leur déplacement dans le Finistère – déplacement au cours duquel ils se sont rendus à l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre de Brest ainsi qu’à la pyrotechnie Saint-Nicolas à Guipavas.

a.   Les métiers de la pyrotechnie du service interarmées des munitions : des métiers très techniques suscitant un défi de recrutement et de formation

Peu connu du grand public, le service interarmées des munitions (SIMu) est un service de soutien chargé de mettre à disposition des forces en tous lieux et en tout temps des munitions conventionnelles en quantité et en qualité, tout en assurant la sécurité d’emploi par les utilisateurs. Le SIMu participe à l’acquisition des munitions conventionnelles des armées, hors périmètre de la direction générale de l’armement (DGA). Il assure la gestion, le stockage, la maintenance, l’élimination des munitions et le ravitaillement des forces. Il assure aussi la maîtrise d’ouvrage déléguée de la fonction munitions au profit des armées, le pilotage des activités de maîtrise d’œuvre, ainsi que l’emploi opérationnel des pyrotechniciens militaires.

Les personnels civils du SIMu exercent essentiellement des métiers très techniques et la direction du service est confrontée à un véritable défi de recrutement et de formation dans ces filières.

i.   Des métiers très techniques relevant du soutien des munitions et de la pyrotechnie

La population des personnels civils du SIMu est essentiellement technique : il s’agit principalement d’ouvriers de l’État (65 %) et de fonctionnaires de l’ordre technique (22 %), parmi lesquels on trouve des ingénieurs civils de la défense et des techniciens supérieurs d’études et de fabrications. Les métiers et fonctions exercés au sein du SIMu relèvent principalement du soutien des munitions et de la pyrotechnie. Parmi ces nombreux métiers méconnus, les rapporteurs ont choisi de mettre en lumière les pyrotechniciens chargés du stockage des munitions ; des études de sécurité pyrotechnique ; de la maintenance des munitions ; de la gestion du ravitaillement en munitions.

Les ouvriers de l’État pyrotechniciens chargés du stockage des munitions occupent des postes de ravitailleurs et de responsables des mouvements logistiques. Leur mission consiste à assurer la délivrance et le reversement de munitions aux forces. Ils sont ainsi le point de contact des unités rattachées à un établissement. Ils assurent les mises en dépôt de munitions, ainsi que leur retrait de dépôt. Ils assurent aussi la gestion et le tri des éléments issus des tirs et la réception et l’expédition de munitions par voies ferrée, aérienne et routière. Ils sont aussi chargés de conduire des vecteurs routiers super poids lourds.

Certains ouvriers de l’État pyrotechniciens sont quant à eux chargés de rédiger des études de sécurité pyrotechnique.

D’autres encore sont chargés d’ordonner et de suivre les opérations de maintenance sur des munitions en service dans les ateliers de maintenance du SIMu. Ils doivent ainsi démonter, assembler et tester des éléments de munitions. Ils mettent en œuvre des bancs de tests complexes pour les missiles, les torpilles et les bombes pour aéronefs. Ils réalisent des opérations de mise en œuvre des explosifs lors de séances de destruction, de désobusage ou d’épreuves détaillées. Ils occupent la fonction de directeur ou de moniteur de mise en œuvre des explosifs, sur les polygones de tir ou dans les camps de manœuvre des armées. Ils pilotent aussi les enquêtes d’accident et d’incident.

Quant aux ouvriers de l’État chargés de la gestion du ravitaillement des munitions, ils assurent la gestion des stocks de munitions, qu’il s’agisse d’opérationnel, d’instruction, d’entraînement, d’emballages ou d’éléments issus du tir. Ils assurent la comptabilité des stocks de munitions.

Enfin, sans pouvoir citer de façon exhaustive tous les métiers civils du SIMu, citons, en dehors de la catégorie des ouvriers de l’État, les ingénieurs de sécurité pyrotechnique qui, sous statut d’ICD, s’assurent que la réglementation en matière de sécurité pyrotechnique et environnementale est respectée au sein de l’ensemble des sites d’un établissement de pyrotechnie.

Cette présentation sous forme d’échantillon illustre toute la technicité des métiers de la pyrotechnie et la nécessité de pouvoir disposer de personnels ayant des compétences rares et pointues.

ii.   Des métiers en tension qui soulèvent d’importantes difficultés de recrutement et de formation

Interrogé par les rapporteurs, le directeur du service interarmées des munitions a souligné qu’il était confronté à une difficulté majeure de recrutement et de formation des fonctionnaires cadres pyrotechniciens. En effet, leurs compétences n’existent pas dans le civil, du fait d’un déficit dans les écoles en ce domaine.

S’agissant des ouvriers de l’État, leur employabilité n’est effective qu’au terme d’une formation de dix mois, ce qui peut compliquer la transmission des savoir-faire lors des départs à la retraite de personnels – fort importants dans les années à venir.

Le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur est donc attaché :

– d’une part, à ce qu’un effort particulier soit porté sur les partenariats avec les écoles des bassins d’emplois concernés pour mieux faire connaître les métiers de la pyrotechnie ;

– et, d’autre part, à ce qu’une attention soutenue soit accordée au maintien d’un volume d’emplois suffisants pour assurer un « tuilage » et une transmission des savoirs adéquats au cours des années à venir.

b.   Une très grande diversité de professions médicales exercées par les personnels civils du service de santé des armées

À l’inverse du service interarmées des munitions, méconnu de la plupart de nos concitoyens, le service de santé des armées (SSA) est connu des Français par le biais des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) – qui accueillent des civils – et a, de surcroît, été très médiatisé en 2020 lors de la crise sanitaire. Chacun s’en souvient, le SSA a été mobilisé dans le cadre de l’opération Résilience pour mettre en place des lits de réanimation supplémentaires et assurer l’évacuation sanitaire de patients entre différentes structures hospitalières. À Mulhouse, le SSA a déployé un élément mobile de réanimation (EMR). Si les rapporteurs ont choisi d’en présenter les métiers civils, ce n’est donc pas tant pour mieux les faire connaître que pour en illustrer la très grande diversité.

Dans ce service, on ne recense pas moins de 111 métiers de santé et 430 métiers de soutien dans les domaines administratif, technique et logistique exercés par les personnels civils([64]). C’est dire si les métiers et professions civils au SSA sont diversifiés. Parmi les professions de santé, de nombreux civils exercent dans l’assistance aux soins, les soins médicotechniques, la recherche en santé de défense, les soins de rééducation, les soins infirmiers, la fabrication de produits de santé, l’ingénierie et la maintenance biomédicale, la pharmacie etc. Un peu plus de 80 % des personnels civils du SSA exerçant des professions de santé le font dans les hôpitaux d’instruction des armées.

Lors de leur déplacement dans le Finistère ainsi que de leurs auditions, les rapporteurs ont pu mesurer tout le professionnalisme des personnels civils – comme militaires, d’ailleurs – du service de santé des armées mais aussi leur contribution indispensable à la résilience de la Nation. Un professionnalisme qui mérite non seulement d’être salué mais aussi d’être reconnu, au même titre que celui des personnels de la fonction publique hospitalière, par la transposition des accords du Ségur de la santé au profit des personnels du service de santé des armées.

Les accords du Ségur de la santé

Pour mémoire, ces accords, signés le 13 juillet 2020 par le Premier ministre, le ministre des Solidarités et de la Santé et une majorité d’organisations syndicales([65]) , prévoient de consacrer :

– 7,6 milliards d’euros par an à la revalorisation de l’ensemble des métiers non-médicaux dans les établissements de santé et médico-sociaux des secteurs publics ou privés, et prévoyant également le recrutement de 15 000 personnels ;

 450 millions d’euros par an à l’attractivité de l’hôpital public pour les praticiens hospitaliers ;

 200 millions d’euros par an à la revalorisation des indemnités de stage et émolument d’internats, à la revalorisation des gardes pour les internes.

Interrogée le 6 octobre dernier par le rapporteur pour avis sur les crédits de soutien à la commission de la Défense, Claude de Ganay, la ministre des Armées a rappelé que les personnels du SSA avaient bénéficié de « primes Covid », que certaines mesures figurant dans les accords du Ségur de la santé devaient être transposées aux personnels des huit hôpitaux d’instruction des armées et que « le projet de loi de financement de la sécurité sociale en assurerait pour partie le financement, qui n’est pas entièrement arrêté et qui devrait donc être complété. »([66])

L’article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale prévoit d’appliquer le complément de traitement indiciaire, déjà prévu par le décret n° 2020-1152 du 19 septembre 2020 pour la fonction publique hospitalière, à l’ensemble des agents des établissements de santé publics, et notamment aux fonctionnaires et militaires des hôpitaux d’instruction des armées. Ce complément de traitement indiciaire, qui prend la forme d’une prime de 183 euros par mois, est versé, quels que soient la fonction et le grade, à compter du 1er septembre 2020. Une indemnité équivalente au complément de traitement indiciaire est versée aux agents contractuels exerçant leurs fonctions au sein de ces structures([67]). Ce nouveau complément de traitement indiciaire sera pris en compte dans le calcul des droits à la retraite des agents en bénéficiant. S’agissant des personnels civils comme militaires, 5 828 agents du service de santé des armées bénéficient de ce complément de traitement indiciaire. Le décret n° 2021-166 du 16 février 2021([68]) concrétise cette évolution législative.

Les rapporteurs saluent cette avancée notable et suggèrent que cette mesure s’applique non seulement aux personnels hospitaliers mais aussi à l’ensemble des personnels paramédicaux du SSA, qu’ils soient chargés du ravitaillement, de la médecine des forces ou encore qu’ils se trouvent dans les écoles, dans les instituts de recherche ou en administration centrale ou déconcentrée. Tous les personnels du SSA ont en effet été impliqués dans la gestion de la crise sanitaire et ont, dans ce cadre, fait pleinement la preuve de leur engagement et de leur contribution à la souveraineté et à la résilience de la Nation. Il ressort des travaux des rapporteurs que le décalage dans la transposition de cette mesure peut notamment s’expliquer par la nécessité pour le service des ressources humaines civiles de la DRH-MD de procéder à un travail complexe de clarification du champ des bénéficiaires de ces accords au sein du SSA.

Proposition n° 2 : Étendre le champ des bénéficiaires du décret n° 2020-1152 du 19 septembre 2020 à l’ensemble des personnels du service de santé des armées.

Par ailleurs, les rapporteurs se félicitent de la publication du décret n° 2020-1714 du 24 décembre 2020 relatif au régime indemnitaire de certains personnels paramédicaux civils du ministère de la défense qui, s’il n’est pas directement lié au Ségur de la santé, prévoit que dès lors qu’évolueront les primes et indemnités dans la fonction publique hospitalière, ces évolutions seront quasi automatiquement transposées au profit des personnels paramédicaux civils du service de santé des armées.

S’agissant de la refonte des grilles indiciaires des personnels paramédicaux, le ministère des Armées a indiqué aux rapporteurs qu’il était dans l’attente de la négociation actuellement en cours au ministère des Solidarités et de la Santé. Le service de santé des armées souhaiterait que ces nouvelles grilles s’appliquent à tous ses personnels paramédicaux, quelle que soit la composante concernée et quel que soit le statut des personnels – civils ou militaires.

D’autres mesures statutaires sont actuellement en négociation au ministère des Solidarités et de la Santé. Elles visent à requalifier certains corps de catégorie C – tels que les aides-soignants – en catégorie B et certains corps de catégorie B – tels que les techniciens de laboratoire, les diététiciens et les préparateurs en pharmacie – en catégorie A.

Citons enfin le cas particulier des infirmiers des services de prévention du SSA, personnels civils qui assurent la médecine du travail de l’ensemble des personnels civils du ministère des Armées. Leur statut étant calqué, pour de simples raisons historiques, sur celui d’un corps de l’Éducation nationale qui est resté en catégorie B, le ministère des Armées souhaiterait que ce corps de fonctionnaires puisse être requalifié en catégorie A.

II.   Une gestion administrative fondée sur la distinction entre gestionnaires et employeurs

Selon les termes de l’instruction n° 210214/ARM/SGA/DRH-MD relative à l’organisation, à la gouvernance et aux processus de la fonction ressources humaines du ministère des Armées du 18 juillet 2019, qui précise les conditions d’application du décret n° 2014-1537 du 19 décembre 2014, le secrétariat général pour l’administration (SGA) est responsable, devant le ministre des Armées, de la fonction RH ministérielle. Il propose ainsi au ministre la politique des ressources humaines du ministère. Le SGA est aussi l’interlocuteur des services du Premier ministre et, surtout, des ministères chargés du budget([69]) et de la fonction publique([70]).

Il est responsable de programme (RPROG) de l’ensemble des crédits de titre II (crédits de personnel) du budget de la défense – crédits regroupés au sein du programme 212 Soutien de la politique de défense de la mission Défense définie en loi de finances.

Le SGA est aussi, parallèlement, l’un des trois grands employeurs du ministère, au même titre que le chef d’état-major des armées (CEMA) et le délégué général pour l’armement (DGA).

Sous l’autorité du SGA, la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) est responsable ministériel des ressources humaines et autorité fonctionnelle. En son sein, le service des ressources humaines civiles est chargé de la gestion des personnels civils, à l’exception de quelques catégories([71]) (1).

On distingue l’autorité gestionnaire des autorités employeurs et parmi ces dernières, les « grands employeurs » – que sont l’état-major des armées, le SGA et la DGA – et les employeurs (2).

Source : direction des ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace

A.   Sous l’autorité de la DRH-MD, le service des ressources humaines civiles est l’opérateur chargé de la gestion de l’essentiel des personnels civils

1.   La direction des ressources humaines du ministère, autorité fonctionnelle

La direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) élabore la politique de ressources humaines du ministère, avec les employeurs et les directions et services gestionnaires de ressources humaines.

En vertu du décret et de l’instruction précités, le directeur des ressources humaines a pour fonction :

– de pourvoir aux besoins actuels et futurs des armées ;

– de garantir en permanence au niveau ministériel une cohérence entre l’organisation, les compétences, les effectifs et la soutenabilité budgétaires ;

– d’assurer une coordination étroite entre les principaux acteurs RH du ministère.

En tant qu’autorité fonctionnelle, le DRH-MD peut directement adresser des directives aux directions et services de son domaine de compétence sans qu’ils lui soient hiérarchiquement subordonnés.


 

La DGAFP, tête de réseau des directions des ressources humaines de tous les ministères

Les missions de la direction générale de l’administration et de la fonction publique sont définies par le décret n° 2016-1804 du 22 décembre 2016. La DGAFP définit les orientations générales des politiques RH des administrations publiques ; elle formule des propositions d’action en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de recrutement, de formation et d’accompagnement des parcours professionnels ; elle garantit la cohérence des règles applicables, elle participe à la définition de la politique salariale et des règles relatives à la rémunération et au temps de travail ; elle assure, en lien avec la direction du budget, la coordination des dispositions statutaires, indiciaires et indemnitaires de l’ensemble de la fonction publique ; elle conduit le dialogue social interministériel ; elle élabore les règles relatives à la santé et à la sécurité au travail ; elle développe le recours à l’apprentissage dans la fonction publique ; elle promeut l’égalité hommes-femmes ainsi que le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

La DGAFP assure les missions de direction des ressources humaines de l’État. Entre autres, elle élabore la stratégie RH interministérielle, coordonne les politiques RH des administrations de l’État. Elle travaille en lien avec la direction du budget pour définir la politique salariale de l’État et élabore les dispositions statutaires, indiciaires et indemnitaires communes à la fonction publique de l’État.

Elle travaille ainsi en lien constant avec la DRH-MD.

2.   Le service des ressources humaines civiles, gestionnaire de 82 % des personnels civils du ministère des Armées

Le service des ressources humaines civiles (SRHC), service à compétence nationale, opérateur et responsable de son propre budget opérationnel de programme, est gestionnaire de 82 % des personnels civils du ministère des Armées. À ce titre, il est en relation étroite avec les employeurs que sont les états-majors, directions et services du ministère. Ainsi que le précise l’article 1er de l’arrêté du 29 juin 2020, le SRHC est notamment chargé de la rémunération, de la formation et de la gestion des effectifs, carrières et compétences des personnels civils. Le SRHC assure aussi le suivi de la masse salariale civile. Il a pour mission de satisfaire les besoins en ressources civiles des employeurs du ministère. Il organise les concours de recrutement.

Au niveau déconcentré, le SRHC pilote les centres ministériels de gestion (CMG) chargés de la gestion administrative de la carrière et de la paie des agents. Ces centres de gestion, situés à Metz, Bordeaux, Rennes, Lyon, Toulon, Saint-Germain-en-Laye et à la sous-direction de la gestion du personnel civil d’administration centrale (SDGPAC([72])) sont les délégataires de pouvoir de la ministre en matière d’administration et de gestion des personnels civils. Les CMG gèrent les dossiers individuels des personnels civils, assurent des recrutements, animent le dialogue social local et gèrent la préliquidation de la paie. Ils ont également pour mission de gérer la notation, les entretiens professionnels, l’avancement et les primes et d’appliquer les politiques définies en matière de ressources humaines.

La carte ci-dessous présente la répartition des centres ministériels de gestion sur le territoire métropolitain, étant précisé que les personnels civils employés en outre-mer sont gérés par le CMG de Saint-Germain-en-Laye.

 

Source : direction des ressources humaines du ministère des Armées

La carte ci-dessous illustre le champ d’intervention des CMG au regard de l’implantation des bases de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Source : direction des ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace

Le SRHC a également sous son autorité :

– le centre expert des ressources humaines civiles([73]), chargé d’assurer, pour le personnel relevant de la compétence du service des ressources humaines civiles, l’exécution des dépenses et recettes de personnel ;

– le centre de formation de la défense([74]), chargé d’assurer les formations statutaires des filières techniques, administratives et sociales, et les formations continues des personnels mais aussi d’organiser et d’assurer les préparations aux concours et examens professionnels.

La gestion de proximité des personnels civils relevant du SRHC s’organise de la façon suivante :

– les personnels relevant de l’état-major des Armées relèvent de la division administrative de chaque groupement de soutien de base de défense ;

– les personnels relevant du SGA sont gérés par le bureau de la gestion administrative de proximité, au sein de la sous-direction du pilotage des ressources humaines et financières.

3.   Une gestion, par leur employeur, de certains personnels civils de la DGA et du SSA ainsi que de l’ensemble des personnels civils de la DGSE

a.   Les ingénieurs cadres technico-commerciaux et les techniciens cadres technico-commerciaux sont gérés directement par de la direction générale de l’armement

Comme on l’on a vu supra et comme le précise l’article 2 de l’arrêté du 29 janvier 2020 relatif aux missions et à l’organisation du service des ressources humaines civiles, les ingénieurs cadres technico-commerciaux (ICT) ainsi que les techniciens cadres technico-commerciaux (TCT), qu’ils soient employés par la direction générale de l’armement ou par d’autres services du ministère, sont directement gérés par la direction générale de l’armement.

En tant que gestionnaire et principal employeur des ICT et des TCT, la DGA définit sa propre politique de recrutement et de parcours professionnel pour ces personnels. Elle pilote également les travaux d’avancement et de revalorisation de leur rémunération.

b.   Les personnels civils de la direction générale de la sécurité extérieure

Ainsi que le précise l’appendice III à l’instruction n° 210214 précitée, les personnels civils recrutés par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sont également gérés par cette direction générale. On trouve parmi ces personnels des personnels de direction, des administrateurs, des attachés d’administration centrale, des inspecteurs des transmissions, des ingénieurs des mines, des ingénieurs des télécoms, des secrétaires administratifs spécialisés, des contrôleurs spécialisés, des adjoints administratifs, des agents des services techniques, des agents des transmissions, des surveillants et des agents non titulaires.

Effectifs civils au 31 décembre 2020

Catégorie

Effectif

 

A

2 244

48 %

B

1 294

28 %

C

1 103

24 %

Total général

4 641

 

100 %

Source : direction générale de la sécurité extérieure

Cette gestion directe – de l’avancement, de la mobilité, des carrières et du volet disciplinaire – s’explique par le fait que les agents civils de la DGSE disposent d’un statut autonome marqué par la privation de certains droits fondamentaux, en particulier du droit de grève et du droit syndical. Ce statut autonome et cette gestion indépendante permettent ainsi à ce service de renseignement d’administrer efficacement et au plus proche de ses besoins ses nombreux métiers ainsi que ses missions. Enfin, ce mode de gestion assure à la DGSE un meilleur niveau de protection du secret et de l’anonymat de certains de ses agents.

c.   Les personnels civils paramédicaux du service de santé des armées

Selon les termes de l’instruction précitée, sont également gérés directement par le service de santé des armées, certains de ses personnels civils : les cadres de santé, les infirmiers de la défense, les infirmiers de soins généraux et spécialisés, les techniciens paramédicaux civils, le personnel civil de rééducation et médico-technique, les aides-soignants et agents civils des services hospitaliers qualifiés, les contractuels civils, les apprentis et certains ouvriers de l’État.

Selon les informations fournies aux rapporteurs, une telle exception se justifie par la très grande spécificité des métiers paramédicaux du service de santé des Armées – orthoptistes, infirmiers, préparateurs en pharmacie etc. – métiers qu’on ne retrouve nulle part ailleurs au ministère (cf. supra la présentation des métiers civils du service de santé des armées).

B.   Les employeurs du ministère des armées

Si le SRHC est gestionnaire de l’essentiel de la ressource civile du ministère, les employeurs lui adressent quant à eux l’expression de leurs besoins. Ils accueillent les lauréats des concours organisés par le SRHC mais contribuent davantage au recrutement de leurs personnels contractuels ainsi qu’à celui des ouvriers de l’État.

1.   L’EMA, le SGA et la DGA, grands employeurs de personnels civils, expriment des besoins en ressources humaines civiles

Le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration sont les trois grands employeurs du ministère des Armées. En qualité de grands employeurs :

– ils valident les besoins en organisation et en compétence des employeurs rattachés qui relèvent de leur périmètre de responsabilité ;

– ils portent l’évolution de ces besoins dans le cadre des travaux d’ajustement annuel de la programmation militaire ;

– ils participent à la définition de la politique et de la réglementation générale concernant le personnel du ministère.

Un grand employeur assure un rôle de synthèse et d’arbitrage dans le périmètre de ses employeurs rattachés.

S’agissant des personnels civils, les grands employeurs du ministère expriment des besoins auxquels le service des ressources humaines civiles de la DRH-MD a pour mission de répondre.

Les effectifs civils du ministère des armées relèvent principalement :

– du grand employeur EMA qui regroupe 67 % des ressources humaines civiles,

– du grand employeur SGA avec 21 % des effectifs ;

– du grand employeur DGA avec 9 %([75])  des effectifs.

2.   Les autorités centrales d’emploi

Les autorités centrales d’emploi sont, sous la tutelle de l’EMA, du SGA et de la DGA, essentiellement, les armées, directions et services dépendant de ces grands piliers du ministère des Armées. Elles sont responsables de la définition et de la mise en application de directives spécifiques à leur chaîne et à leurs personnels. Les autorités centrales d’emploi sont la tête de chaîne RH de chaque employeur et disposent, dans le périmètre géographique de chaque centre ministériel de gestion, d’autorités territoriales d’emploi.

Ainsi, s’agissant des trois armées, leurs directions des ressources humaines présentent la particularité d’être gestionnaires de leur personnel militaire mais employeurs de leur personnel civil.

Compte tenu de l’organisation en réseau de certaines directions du SGA, ce dernier dispose d’une organisation spécifique : c’est lui qui assure, dans certaines procédures de gestion des ressources humaines, les fonctions de tête de chaîne de ses directions à réseau.

La répartition des effectifs civils entre ces employeurs est présentée ci-dessous. Le premier employeur civil du ministère des Armées est le service du commissariat aux armées, qui est composé à parité de civils et de militaires. Il est suivi de très près par les directions du SGA (service d’infrastructure de la défense, direction des patrimoines, de la mémoire et des archives et directions généralistes et transverses telles que les directions des affaires juridiques et des affaires financières). Viennent ensuite le service de santé des armées – dont une partie des effectifs n’est pas retracée dans le tableau ci-dessus, pour les raisons évoquées supra – puis l’armée de Terre qui emploie de nombreux personnels civils, en particulier dans les métiers du maintien en condition opérationnelle.


 

 

TOTAL CIVILS

 TERRE

  8 272

 MARINE

  2 818

 AIR et ESPACE**

  5 343

 SSA

  4 718

 DIRISI

  2 649

 SEO

    662

 SCA

 11 248

 EMA autres

  1 796

 DGA

  8 220

 SGA

 11 240

 AUTRES SERVICES
EMPLOYEURS***

  6 602

TOTAL

 63 568

** Dont SIAé.

*** DGRIS, DGSIC, SDBC, CBCM, DRM, DRSD, DGSE, PR, CGA et DICoD.

Source : bilan social des armées 2019([76])

3.   Les autorités territoriales d’emploi

Les autorités territoriales d’emploi exercent le rôle([77]) de représentant de l’autorité centrale d’emploi et déclinent à leur niveau les directives de leurs chaînes d’emploi. Référents territoriaux, elles constituent un échelon de synthèse décisionnaire : elles apportent conseil et expertise aux chefs d’organismes ou aux commandants de formations administratives. Leur champ d’action recouvre trois domaines principaux :

– l’appui à la mise en place de la politique d’emploi de la chaîne « ressources humaines »,

– la coordination des travaux de gestion collective([78]) ;

– le suivi des effectifs, le recrutement des agents contractuels, le suivi des restructurations ;

– la synthèse des préoccupations syndicales de terrain.

4.   Les autorités locales d’emploi

Enfin, les autorités locales d’emploi sont les chefs d’établissements, tels que :

– les chefs de groupement de soutien de base de défense([79]) ;

– les directeurs d’hôpital d’instruction des armées ou de plateforme du commissariat des armées ;

– les commandants de régiment du matériel ou de base aérienne ;

– les directeurs d’établissement du service d’infrastructure de la défense (ESID) ;

– etc.

Le schéma ci-dessous illustre l’organisation de la gestion des ressources humaines civiles au sein de l’armée de Terre.

Source : direction des ressources humaines de l’armée de terre

 

C.   Une gestion dont certains outils pourraient être assouplis

Les rapporteurs considèrent la séparation entre gestionnaires et employeurs comme vertueuse : elle permet en effet d’offrir aux personnels civils une diversité de postes au sein de l’ensemble du ministère, le SHRC ayant la capacité critique pour pouvoir gérer la ressource humaine. Ils souhaitent néanmoins appeler l’attention sur deux aspects de la gestion des ressources humaines civiles ayant semblé poser difficulté à nombre d’employeurs auditionnés par la mission d’information.

En premier lieu, le référentiel en organisation s’avère parfois inadapté aux réalités locales (1).

En second lieu, la sincérisation de la marge frictionnelle a été vécue dans certains services du ministère comme un véritable coup de rabot, dans un contexte déjà fort tendu sur le plan des effectifs (2).

1.   Le référentiel en organisation, un outil à mieux adapter aux réalités de certains services

Le référentiel en organisation (REO) instauré en 2017 est un outil de gestion dans lequel chaque employeur exprime ses besoins en matière de ressources humaines. Ce REO est exprimé pour l’année N+1 (à court terme) et l’année N+6, au moyen d’emplois-types définis dans le référentiel des emplois ministériels([80]).

Le REO apparaît aux rapporteurs comme présentant une certaine rigidité dans la mesure où l’organisation de chaque service y est décrite avec une couleur d’uniforme (ou pas, si un poste est décrit comme destiné à un civil) et un grade. Cet outil a le mérite d’être efficace mais il semble parfois inadapté aux services employeurs. Comme l’indiquait un interlocuteur du ministère lors de son audition par la mission d’information, comment faire pour affecter à un poste un excellent civil disponible lorsque ce poste est décrit au REO comme étant destiné à un adjudant-chef ? De même, lors de son audition du 9 mars dernier devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire, après avoir indiqué que son REO était honoré à 90 %, a ajouté : « Les modes de gestion sont nécessaires, mais si un profil atypique se présente, je ne peux l’embaucher faute de ligne correspondante ».

Le REO présente l’organisation d’un établissement type sans toujours tenir compte des contingences de terrain, si bien que dès qu’un établissement est en restructuration ou se trouve dans une situation particulière, il se voit contraint de procéder à une distorsion en organisation. Il peut certes régulariser cette distorsion l’année suivante mais cette procédure de régularisation est assez lourde.

C’est pourquoi les rapporteurs estiment qu’il conviendrait d’assouplir ce dispositif.

Proposition n° 3 : Assouplir le dispositif du référentiel en organisation.

2.   La sincérisation de la marge frictionnelle : une mesure technocratique ayant eu l’effet d’un coup de rabot dans certains services

Ce qu’en matière de ressources humaines, on appelle « marge frictionnelle » correspond à une marge de gestion – ou volant d’emplois autorisé en gestion – allant au-delà des effectifs autorisés. Un tel mécanisme offre notamment la possibilité d’assurer un « tuilage » entre personnels sortants et entrants dans un service.

Selon les informations fournies aux rapporteurs, le ministère des Armées a demandé à l’ensemble de ses employeurs de supprimer cette marge frictionnelle dans un objectif de sincérisation, c’est-à-dire de mise en cohérence entre la description des postes en référentiel en organisation et les effectifs autorisés. Cette marge frictionnelle a été remplacée par une marge de gestion très nettement moins importante.

Si certains services employeurs auditionnés ont indiqué qu’une telle suppression ne soulevait pour eux aucune difficulté, d’autres, plus nombreux, ont au contraire appelé l’attention des rapporteurs sur les conséquences dommageables d’une telle mesure. Cette sincérisation contrecarre en effet l’effort de remontée en puissance du ministère et est très mal vécue par les personnels qui y voient le contrepied du discours officiel.

Ainsi, dans la Marine, le remplacement de la marge frictionnelle par une marge de gestion autorisée de 0,3 % ne permet pas de compenser les pertes consécutives à cette mesure : 81 postes civils vont devoir être supprimés, soit 3 % des effectifs civils de cet employeur. Dans la mesure où la marine ne disposait, contrairement à d’autres employeurs, que de très peu de postes durablement vacants([81]), des postes occupés par des agents vont être supprimés.

La suppression de cette marge frictionnelle soulève également des difficultés à la direction de la maintenance aéronautique.

De même, le directeur du renseignement militaire lors de son audition précitée, a indiqué : « Le maintien d’une marge frictionnelle est un outil flexible qui permet à l’employeur que je suis de pallier les difficultés du gestionnaire à pourvoir mes besoins. La suppression de cette marge complexifie la manœuvre RH au sein de la direction. »

Les rapporteurs s’interrogent quant à l’opportunité d’une telle mesure, qui s’apparente selon eux à un véritable coup de rabot dans certains services, dans un contexte de remontée en puissance et de forte sollicitation de l’ensemble des services du ministère des Armées. Cette mesure pénalise incontestablement les employeurs attractifs. Dans les trois armées, alors que les opérationnels se trouvent aujourd’hui confrontés à des risques accrus, impliquant de disposer de matériels et d’une logistique sans faille, la dégradation du soutien, conséquence inexorable de suppressions aussi significatives, constitue un facteur majeur de fragilisation. Rappelons-le, dans les services de soutien et de maintien en condition opérationnelle, les ressources humaines sont aujourd’hui le premier levier de gain de performance et du travail de ces services dépend la vie des personnels militaires en opération. La marge frictionnelle, qui devait servir à permettre un tuilage, est, par la force des choses, devenue indispensable.

Les rapporteurs proposent de rétablir cette marge frictionnelle.

Proposition n° 4 : Rétablir la marge frictionnelle.

 

 

 

 

 


—  1  —

 

 

   Seconde partie : recruter, fidéliser, valoriser les parcours professionnels et garantir le maintien d’un dialogue social et de conditions de travail optimaux : des enjeux majeurs pour les personnels civils du ministère des Armées

Les interlocuteurs auditionnés par les rapporteurs sont unanimes, le recrutement est un enjeu primordial des gestionnaires et employeurs de ressources civiles – comme des ressources militaires, d’ailleurs – du ministère des Armées. L’effet cumulé des politiques de réduction des effectifs, d’une part, et du vieillissement des personnels, d’autre part, entraîne la nécessité pour le ministère des Armées de recruter massivement des personnels de plus en plus qualifiés, notamment dans des spécialités rares et sujettes à une compétition féroce entre employeurs sur le marché du travail (I).

Si le ministère des Armées est un employeur attractif, le tout n’est pas de recruter des personnels – que ce soit par concours, par contrat ou autre. Encore faut-il les fidéliser et à cet égard, le ministère entend actionner tous les leviers à sa disposition (II).

Attractivité et fidélisation passent aussi, les rapporteurs en sont convaincus, par l’élaboration de parcours professionnels attractifs pour les personnels civils (III), de même que par le maintien de conditions de travail et d’un dialogue social optimaux au profit de tous les agents (IV).

I.   Recruter des personnels civils qualifiés, un défi majeur à court et à moyen termes

La politique de réduction des effectifs appliquée entre 2008 et 2015 et le vieillissement de la population civile du ministère ont eu pour effets conjugués de créer des besoins majeurs de recrutement de personnels civils – en particulier de personnels civils hautement qualifiés – à court et à moyen termes (A).

Pour surmonter cette difficulté, le ministère des Armées recourt à des voies de recrutement diversifiées (B), la contractualisation étant désormais le premier mode d’embauche au sein de cette administration.

Il a aussi développé des outils de communication qu’il est nécessaire de renforcer (C).

A.   Les conséquences de la politique de réduction des effectifs et du vieillissement de la population civile du ministère : des besoins de recrutement très importants à court et à moyen termes

1.   Les effets négatifs de la politique de réduction des effectifs menée jusqu’en 2014

Comme l’indiquait le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des Armées, lors de son audition du 12 juillet 2017 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, « le ministère de la Défense a été le plus important contributeur de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le modèle s’est alors contracté autour d’un cœur de métier minimaliste, fragilisant du même coup sa cohérence d’ensemble, au moment même où il était davantage sollicité. » Et son successeur, le général François Lecointre, de préciser dans le même cadre, le 4 octobre de la même année : « Les déflations massives d’effectifs imposées depuis une dizaine d’années par les réformes successives ont mis les armées, directions et services, sous forte tension, d’autant plus que nous avions consenti d’importantes déflations d’effectifs et d’importantes réductions de format qui devaient s’accompagner d’une réduction de l’engagement des armées. Dès lors que cet engagement n’a cessé d’augmenter, la tension s’est révélée difficile à soutenir. Je rappelle qu’entre 2008 et 2017, ces déflations ont représenté un volume de l’ordre de 50 000 militaires sur un total de 250 000 environ en 2008, soit une diminution de près de 20 %. Les soutiens sont particulièrement concernés par ce phénomène. Le cadrage à plus 1 500 équivalents temps plein de la LPFP([82]) marque un début de prise en compte de cette situation. Les armées sont conscientes de l’effort que cela représente au moment où la fonction publique doit supporter des déflations mais j’insiste sur le fait que les armées ont subi des déflations trop importantes lors des deux lois de programmation militaire précédentes au regard de l’engagement que la Nation leur demande de soutenir. »

Ces fortes réductions d’effectifs n’ont pas seulement concerné les militaires. Comme l’illustre la courbe ci-dessous, le nombre de civils employés au ministère des Armées est passé de 69 990 à 62 512 entre 2010 et 2019.

Source : bilan social 2019 du ministère des Armées

Pour ne prendre que quelques exemples, l’armée de Terre a perdu 64 % de ses effectifs civils entre 2008 et 2015 du fait des déflations, des restructurations et des transferts en organisation vers d’autres employeurs.

Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle terrestre, un tiers des effectifs de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a disparu au cours de la décennie 2010. S’agissant des personnels civils, le MCO terrestre a perdu 684 civils au cours de la LPM 2008-2013 et 526 personnels civils au cours des années 2014-2015. Ces déflations ont amoindri le maillage territorial et la capacité de production de la maintenance terrestre. Immanquablement, le vide créé s’est traduit par un décrochage de la production, une baisse de la disponibilité et a poussé le soutien au bord de la rupture. Pour faire face à cette baisse, le MCO terrestre recourt à l’industrie privée pour compléter ses moyens propres, ce qui suppose de renforcer ses capacités de conception de contrats. La crise sanitaire a précisément montré le besoin de conserver une capacité d’action étatique : les moyens de production étatiques, restés actifs pendant toute la durée de la crise, ont notamment permis de garantir la pérennité du soutien des opérations. Lorsque les ressources en régie n’ont plus suffi à absorber la charge de travail, le MCO a procédé à un délestage d’activités, adapté au risque opérationnel.

Autre exemple, le service interarmées des munitions a perdu, entre 2011 et 2016, 158 postes dans le cadre de la RGPP et de la loi de programmation militaire précédente. Cette politique de réduction des effectifs a nécessité une réorganisation majeure du service qui passé de 7 à 4 établissements et de 20 à 14 dépôts en 2018.

De même, au cours de la LPM 2008-2013, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les effectifs globaux([83]) de la DGA ont baissé de près de 2 800 ETP – soit près de 20 % des effectifs. C’est pourquoi, dès 2014, la DGA s’est engagée dans une nouvelle opération de transformation en profondeur afin d’accompagner la mise en place d’un modèle de fonctionnement compatible avec la trajectoire d’effectifs retenue au titre de la LPM 2014-2019 (- 868 ETP soit près de 8 % des effectifs). L’ensemble des missions de la DGA a été maintenu au prix d’allègements d’activités et d’évolutions de ses modes de fonctionnement.

À la politique de déflation d’effectifs se sont ajoutées différentes phases d’interarmisation, avec la création de la DIRISI, du service d’infrastructure de la défense et du service du commissariat aux armées qui ont entraîné la diminution des effectifs civils dans certains services du ministère des Armées.

2.   Le déséquilibre de la pyramide des âges et l’imminence de départs massifs à la retraite

Selon les informations fournies aux rapporteurs par le ministère des Armées, entre 2022 et 2027, les départs à la retraite de personnels civils sont estimés à près de 12 000, dont plus de 4 000 ouvriers de l’État([84]). En moyenne, les départs sont évalués à près de 2 000 par an sur la période 2022 à 2027, contre une prévision à 1 800 pour 2021, à 1 700 en 2020, 1 665 en 2019, 1 600 en 2018 et 1 730 en 2017.

Source : DRH-MD

Cette problématique de vieillissement se retrouve dans la quasi-totalité des directions et services du ministère des Armées – ainsi que dans les armées, pour ce qui est du personnel civil qu’elles emploient.

Ainsi, au service d’infrastructure de la défense (SID), la moitié du personnel civil a 50 ans ou plus : font partie de cette tranche d’âge 41 % des agents de catégorie A, 40 % des ingénieurs civils de la défense, 49 % des agents de catégorie A administratifs. La proportion de cette tranche d’âge est 43 % pour les agents de maîtrise (de catégorie B), 42 % pour les agents de catégorie C et de 75 % pour les ouvriers de l’État. Un tiers des agents du SID a plus de 54 ans. Dans cette tranche d’âge, figurent 27 % des catégorie A techniques et 41 % des catégories A administratifs, 26 % des catégorie B, 28 % des catégorie C et la moitié des ouvriers de l’État. En 2020, le SID a connu 186 départs à la retraite au sein de son personnel civil. Ainsi que l’a indiqué le général Bernard Fontan, directeur central du SID, « le renouvellement générationnel des effectifs du SID constitue donc un véritable enjeu ».

Source : service d’infrastructure de la défense

 

De même, au service du commissariat des armées, la moyenne d’âge du personnel civil est de cinquante ans. Les quelque 3 200 départs à la retraite de personnels civils prévus entre 2019 et 2025, à hauteur de 450 par an([85]), vont nécessiter des volumes de recrutements importants chaque année.

Source : service du commissariat des Armées

À la DGA, l’âge moyen des personnels civils est de 46,98 ans et leur âge médian, de 49 ans. La pyramide des âges de cette direction se caractérise par un vieillissement progressif du personnel et des volumes de départs à la retraite assez importants dans la catégorie des ouvriers de l’État. C’est pourquoi la DGA renouvelle depuis plusieurs années ses compétences techniques par un volume important de recrutement annuel.

Source : DGA

Au service de l’énergie opérationnelle également, la moyenne d’âge des personnels civils est de 47 ans et huit mois.

La situation est comparable dans l’armée de Terre où l’âge moyen des personnels civils est de 46,5 ans et l’âge médian, de 48 ans. L’armée de terre va ainsi connaître un pic de départs à la retraite prévisible en 2023 pour ses ouvriers de l’État.

Exceptions qui confirment la règle, les services de renseignement ne semblent pas concernés par cette problématique.

Ainsi, à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), le nombre de départs à la retraite de personnels civils est faible : la DRSD n’a compté pour ce motif que 4,2 départs par an en moyenne au cours des cinq dernières années. Dans les cinq prochaines années, le nombre de départs à la retraite ne devrait pas concerner plus d’une vingtaine d’agents. La population civile de la DRSD est jeune, la moyenne d’âge s’établissant à 40 ans et ce fait tend à s’accentuer puisqu’en 2020, la moyenne d’âge des recrues était de 32,5 ans.

Quant à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), elle ne semble pas, elle non plus, confrontée à un problème de vieillissement de sa population civile. L’âge moyen des agents civils titulaires de ce service est de 45,7 ans, un âge légèrement inférieur à celui du ministère des Armées. Cependant, l’âge moyen des agents civils contractuels de la DGSE est de 36,4 ans. La DGSE n’est pas à ce stade confrontée à un problème de vieillissement de sa population. Les cohortes de recrutement opérés de lauréats du concours ou de jeunes ingénieurs sortis d’école entraînent en effet un rajeunissement des personnels.

Il en va de même à la direction du renseignement militaire où la moyenne d’âge était de 41,7 ans en 2020, l’ensemble des personnels étant loin de la limite d’âge.

3.   D’importants besoins de recrutement de personnels civils très qualifiés destinés à occuper des métiers techniquement pointus et soumis à une forte concurrence sur le marché de l’emploi

a.   Des enjeux quantitatifs mais aussi qualitatifs

Les besoins de recrutement de personnels civils au ministère des Armées sont quantitatifs, on l’a vu, mais aussi qualitatifs. Sur le plan qualitatif, l’objectif est triple :

– maintenir et transmettre les savoir-faire tout en recrutant des personnels formés dans les nouvelles techniques et technologies ;

– dans le domaine de la maintenance, recruter des agents formés dans le domaine des achats complexes et de la négociation contractuelle à haute technicité ;

– dans un environnement en perpétuelle évolution, recruter aujourd’hui dans les métiers de demain.

i.   Maintenir et transmettre les savoir-faire tout recrutant des personnels formés aux nouvelles techniques et technologies

Ainsi que l’a souligné le commissaire général hors classe Stéphane Piat, alors directeur central du SCA, la pyramide des âges de ce service se caractérise par une population expérimentée aux solides compétences mais devant être formée afin de pouvoir s’adapter aux nouvelles techniques. Les départs à la retraite massifs qui vont intervenir dans les années à venir sont porteurs d’un risque de perte brutale de savoir-faire.

Dans le domaine du MCO terrestre, les départs à la retraite des personnels coïncident avec une transition générationnelle dans le domaine des matériels et de la technologie, avec l’arrivée du nouveau programme SCORPION([86]). Entre 2015 et 2025, plus de la moitié des civils du MCO terrestre partira à la retraite. Avec ces civils partiront des dizaines d’années d’expérience acquises dans les ateliers du MCO terrestre([87]), une richesse humaine qu’il s’agit de renouveler. Outre la question du recrutement se pose celle de la transmission de savoir-faire, parfois très spécifiques au milieu militaire – sur les blindages et l’armement, par exemple – et que seuls l’expérience et le compagnonnage permettent de maîtriser. Il s’agit également de la transmission des valeurs très fortes qui existent au sein du personnel civil du MCO-T. Parallèlement, l’armée de Terre change de visage avec l’arrivée de la génération SCORPION. Ce changement progressif, s’étalant lui aussi sur plus de dix ans, se traduit par un bond technologique majeur, compte tenu du remplacement des engins conçus dans les années 1970 par des matériels à la pointe de la technologie. Cette évolution suppose le développement de nouvelles compétences techniques et managériales. Cela étant, la phase de transition impose également de maintenir dans les compétences liées aux matériels de la génération passée, encore nécessaires à la tenue du contrat opérationnel. L’objectif du MCO terrestre est de gérer au mieux cet effet de ciseaux et de construire un outil pleinement adapté aux besoins. Il importe donc pour la SIMMT d’avoir une vision dynamique des ressources humaines du MCO terrestre.

ii.   Recruter, dans le domaine de la maintenance, des agents formés dans le domaine des achats complexes et de la négociation contractuelle

Dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage, qu’il s’agisse de maintenance aéronautique ou terrestre, l’enjeu est non seulement celui de la préservation et de l’acquisition de savoir-faire mais aussi de recruter des personnels civils formés dans le domaine des achats complexes et de la négociation contractuelle, sur des aspects très techniques, avec l’industrie. L’État devant être en mesure de dialoguer d’égal à égal avec ses cocontractants, s’établit un combat de compétences entre les maîtres d’ouvrage étatique et les industriels – combat dans lequel la partie étatique se doit de préserver un rapport de force favorable.

iii.   Dans un environnement en perpétuelle évolution, recruter aujourd’hui dans les métiers de demain

Si le ministère des Armées a besoin de recruter des personnels formés aux nouvelles technologies, il doit aussi recruter dans certains domaines en constante évolution.

Ainsi, les services de renseignement du ministère des Armées ont souligné que le niveau académique de recrutement exigé était chez eux en nette augmentation, fruit de l’évolution des métiers.

La DGSE, par exemple, recrute davantage d’analystes du renseignement, de scientifiques et d’ingénieurs pour assurer la montée en puissance des techniques de renseignement. Elle fait face à une transformation des profils recherchés exigeant un niveau de recrutement plus important de ses personnels, en particulier dans les domaines de l’informatique et du numérique. Les emplois de catégorie A sont ainsi en forte croissance, à l’inverse des emplois de catégorie C qui sont en baisse.

Lors de son audition du 9 mars dernier, le général Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire a indiqué : « L’évolution des emplois et des métiers est un vrai sujet. Un des défis à relever est de disposer des personnels dont nous avons besoin mais surtout de ceux dont nous aurons besoin demain. Les métiers évoluent, de nouveaux outils arrivent. Dans un environnement en perpétuelle évolution, il nous faut faire également évoluer les métiers. Par exemple, les interprétateurs photos, sont des spécialistes formés sur plusieurs années, capables de trouver et d’identifier des matériels sur une prise de vue. Ils connaissent tous les matériels militaires de nos compétiteurs stratégiques. En deux jours, ils peuvent « habiller » une photo de base aérienne en précisant jusqu’aux déclinaisons et standards des avions qui s’y trouvent. Or des logiciels, appuyés sur une banque de données d’images, font cela automatiquement. Plus la banque de données est fiabilisée et plus les logiciels sont performants. Demain les interprétateurs photos seront toujours utiles pour contrôler les conclusions du logiciel de lecture automatique d’image mais surtout pourront consacrer plus de temps à l’analyse et aux conclusions renseignement de l’exploitation des informations collectées. S’agissant de l’intelligence artificielle, des data scientists, des spécialistes de la donnée, nous devons rechercher des expertises duales très demandées dans le secteur privé. Tout le monde ayant besoin, à des fins différentes, de brasser de la donnée, le secteur est très concurrentiel. Il est difficile de capter et de fidéliser cette expertise. La DRM bénéficie néanmoins de l’intérêt de la matière brute sur laquelle nous travaillons. À travers des partenariats avec des grandes écoles ou des universités, nous contribuons à créer un vivier qui nous permet d’intéresser des jeunes talents à nos métiers, à l’instar de ce qui se fait pour la filière GEOINT (intelligence géospatiale) en partenariat avec La Sorbonne. »

 

b.   Une dynamique de recrutement ascendante pour les personnels civils depuis 2015

Pour répondre aux besoins tant quantitatifs que qualitatifs en personnels civils, le ministère a commencé à augmenter ses volumes de recrutement à compter de 2015. Il a donc relancé l’organisation de concours dans les filières techniques, administratives et sociales, commencé à augmenter son recrutement d’agents contractuels et a également relancé – on l’a vu en première partie – le recrutement de compétences ouvrières, principalement dans le domaine du maintien en condition opérationnelle.

La loi de programmation militaire pour 2019-2025 a confirmé et amplifié la dynamique des recrutements de personnels civils et militaires, enclenchée à la fin de l’année 2015, en fléchant ceux-ci. Douze domaines d’emploi ont été ciblés en priorité : le renseignement, la cyberdéfense, la digitalisation et l’intelligence artificielle, la sécurité-protection, l’infrastructure, le soutien à l’export, les relations internationales, l’environnement des forces au sein des armées, les unités opérationnelles (en dehors du renseignement d’armées, intégré dans le domaine renseignement), l’accompagnement de la transformation et le soutien interarmées.

Sur le plan catégoriel, depuis 2018, l’effort a été orienté prioritairement vers les catégories A et B dans les métiers du numérique, de la cyberdéfense, et de l’infrastructure. En 2019, les métiers des systèmes d’information et de communication sont devenus la deuxième famille professionnelle avec 335 recrutements réalisés, soit une augmentation de près 150 postes par rapport à 2018.

Dans le bilan social du ministère des Armées, le vice-amiral d’escadre Philippe Hello, directeur des ressources humaines (DRH-MD), souligne qu’en 2019, « des progrès considérables ont été réalisés en matière de recrutement du personnel civil dans des métiers en tension, permettant de satisfaire la plupart des besoins ». Les rapporteurs se félicitent de ces progrès. Afin d’anticiper au mieux les départs, le ministère maintient un niveau élevé de recrutement annuel, avec plus de 5 000 recrutements en 2019, contre environ 2 500 recrutements par an au cours de la période 2009-2015.

En 2020, le recrutement contractuel est devenu le premier mode de pourvoi du personnel civil avec un volume initial programmé à 979, devant les concours (876).

c.   La nécessité pour le ministère des Armées d’être attractif dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé

La plupart des interlocuteurs auditionnés par la mission d’information ont souligné que dans le cadre de leurs actions de recrutement, ils subissaient de plein fouet la concurrence du secteur privé.

Ainsi, dans le domaine de l’infrastructure, le ministère est en concurrence directe avec les grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP). Les grands chantiers de la région parisienne ont un effet d’éviction dont les effets se font ressentir en province. Les grandes entreprises privées appellent sur ces grands chantiers leurs ressources humaines provinciales, créant ainsi une offre d’emploi en province concurrente pour les recrutements dans les établissements du SID. Dans des domaines comme les infrastructures nucléaires ou les spécialistes en pyrotechnie, la concurrence vient de la rareté de la ressource sur le marché du travail, peu de personnes étant formées au regard de la demande.

Quant aux métiers du domaine cyber exercés au sein du commandement de la cyberdéfense, ils sont majoritairement techniques, nécessitant des compétences informatiques de pointe. Pour accomplir leurs missions, les armées ont aussi besoin de profils compétents en sciences humaines comme des spécialistes en relations internationales, en psychologie, en communication, ou en langues étrangères. Comme le soulignait le 4 mars 2020 le général de division aérienne Didier Tisseyre, commandant la cyberdéfense, lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, « les cybercombattants ne sont pas uniquement des Bac+5 en informatique – il en faut, bien évidemment, mais aussi des techniciens, des personnes ayant un esprit très analytique, géopolitique, pour comprendre ce cyberespace. Ce sont également des psychologues, des sociologues pour comprendre cette couche cognitive : j’évoquais précédemment les réseaux sociaux, c’est évidemment essentiel. En fait, la meilleure équipe de cybercombattants est une équipe mixte, polyvalente, bien évidemment féminisée. » La population civile cyber est composée à hauteur de 73 % d’agents de catégorie A, du fait du haut niveau de compétences recherché dans les différents domaines, et de 23 % d’agents de catégorie B. S’agissant du personnel du domaine informatique, le marché du travail est fortement concurrentiel et le ministère des Armées peine à s’aligner sur les conditions salariales du secteur privé. Notons toutefois que depuis la mise en application en 2019 de nouvelles dispositions en matière de rémunération([88]), l’écart s’est considérablement resserré surtout en début de carrière, ce qui augmente le nombre de candidats, ce dont les rapporteurs se félicitent.

B.   Une diversification des voies de recrutement visant à répondre à ces besoins majeurs

Si le recrutement par concours garantit la stabilité et la préservation des compétences dans la durée (1), le ministère des Armées recrute de plus en plus par contrat, notamment dans un souci d’agilité (2). Le recrutement d’anciens militaires en reconversion présente également des atouts pour les services du ministère (3). Enfin, le ministère cherche à recruter davantage d’apprentis au terme de leur contrat d’apprentissage (4).

Le tableau ci-dessous présente le taux de recrutement de fonctionnaires, d’agents contractuels et d’ouvriers de l’État inscrits au budget opérationnel de programme du SRHC.

Source : SRHC du ministère des Armées

1.   Le concours, voie traditionnelle de recrutement qui garantit la stabilité et la préservation des compétences dans la durée

a.   Le concours, voie traditionnelle de recrutement

« Tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

Le statut général des fonctionnaires pose, à l’article 3 de la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le principe de l’occupation des emplois permanents des administrations publiques par des fonctionnaires, ceux-ci étant soumis à des obligations professionnelles inhérentes au service public – égalité, neutralité, continuité – et par le statut – respect du secret professionnel, discrétion professionnelle, devoir d’information du public, responsabilité de l’exécution des tâches confiées et devoir d’obéissance hiérarchique. Conformément à l’article 16 de cette loi, les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par le législateur.

Le concours garantit la publicité des informations, la transparence des procédures, afin d’assurer aux candidats le maximum d’égalité, et au corps qui recrute, les meilleurs agents. Il permet que les personnes nommées à des emplois publics le soient en fonction de leurs capacités, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le concours est ainsi la voie traditionnelle de recrutement au sein de l’ensemble des services de l’État, comme des collectivités territoriales et des hôpitaux publics. Au ministère des Armées – instance en perpétuel mouvement de personnels militaires –, les fonctionnaires titulaires, lauréats de concours, représentent un élément de stabilité et de pérennité fondamental. En effet, si les personnels civils, moins mobiles que les militaires, constituent en eux-mêmes la mémoire de chaque service du ministère, c’est a fortiori le cas des personnels civils titulaires.

Cependant, le concours n’est pas une exigence constitutionnelle. Il constitue une garantie fondamentale de la fonction publique au sens de l’article 34 de la Constitution. Seule la loi peut donc l’écarter ou l’obérer. Le recrutement direct de fonctionnaires constitue une procédure dérogatoire. Le recours aux contractuels est quant à lui prévu et encadré par les lois qui régissent les trois versants de la fonction publique.

b.   La centralisation à Lyon de l’organisation des concours de recrutement de personnels civils

Tous les concours nationaux organisés pour le recrutement de personnels civils gérés par le service des ressources humaines du ministère des Armées, à quelques exceptions près, sont organisés par le centre ministériel de gestion (CMG) de Lyon([89]). Ce dernier organise également l’ensemble des examens professionnels, à l’exception de celui d’attaché principal, organisé par le CMG de Saint-Germain-en-Laye.

Les rapporteurs notent qu’en vertu de l’article 6 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, l’agent dont la résidence administrative se situe en métropole, outre-mer ou à l’étranger, appelé à se présenter aux épreuves d’admissibilité ou d’admission d’un concours, d’une sélection ou d’un examen professionnels organisé par l’administration hors de ses résidences administratives et familiales, peut prétendre à la prise en charge de ses frais de transport entre l’une de ses résidences et le lieu où se déroulent les épreuves. Ces frais ne peuvent être pris en charge que pour un aller-retour par année civile. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l’agent est appelé à se présenter aux épreuves d’admission d’un concours.

c.   Le recrutement national à affectation locale, une voie à développer

Lors de leur déplacement à Brest, les rapporteurs ont constaté un fort attachement des personnels civils à leur lieu d’affectation professionnelle et à leur cadre de vie, de même que leur forte réticence à être mutés dans une autre région, ne serait-ce que parce que leur vie de famille s’est établie et organisée dans le Finistère. La réticence la plus forte a été exprimée à l’égard d’un recrutement en administration centrale, en région parisienne, où le coût de la vie est bien supérieur qu’en province pour une qualité de vie bien moindre.

D’autre part, certaines armées, directions et services sont dispersés sur le territoire national si bien que peu de candidats se présentent aux concours, de peur d’être affectés dans des régions où ils ne souhaitent pas aller vivre. Ainsi, dans l’armée de Terre, les 8 546 personnels civils se répartissent entre 190 formations disséminées sur l’ensemble du territoire national. De même, le service du commissariat des armées a souligné la difficulté liée à la localisation de certains postes ouverts aux concours, notamment dans le centre de la France et le Grand Est, les candidats n’hésitant pas à renoncer au bénéfice du concours.

L’implantation géographique de certains sites, frein au recrutement et à la fidélisation des personnels civils : l’exemple du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres

La SIMMT se heurte à des difficultés de recrutement et de fidélisation de son personnel civil en raison d’un manque d’attractivité de ses implantations géographiques, notamment à Gien, Neuvy-Pailloux et Mourmelon. Les sites de ce service de maintien en condition opérationnelle sont éloignés des grandes villes, ce qui ne facilite pas le travail des conjoints de personnels civils. La SIMMT signale « l’évaporation des fonctionnaires recrutés par concours qui choisissent par défaut un poste qui ne correspondait pas à leurs attentes (notamment géographique) et qui demandent rapidement une mobilité ».

Le concours à affectation locale permet de contourner ces difficultés d’affectation.

En application de l’article 87([90]) de la loi de transformation de la fonction publique, le décret n° 2020-121 du 13 février 2020 relatif à l’organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l’État dispose que lorsque les dispositions des statuts particuliers ne le prévoient pas déjà, les concours peuvent être organisés au niveau national en vue de pourvoir des emplois offerts au titre d’une ou plusieurs circonscriptions administratives métropolitaines ou d’outre-mer dans l’un ou l’autre des cas suivants :

– lorsque l’autorité organisatrice du concours constate, dans ces circonscriptions, des difficultés particulières à pourvoir les emplois relevant du corps concerné ;

– lorsque l’intérêt du service justifie que l’organisation des concours dans le corps concerné ne soit pas déconcentrée, notamment en raison du faible volume de postes offerts dans ces circonscriptions.

Les candidats ont désormais une visibilité, dès l’ouverture du concours sur le périmètre d’affectation proposé. Cette mesure vise notamment à réduire le nombre de renonciations au bénéfice du concours liées au refus d’une mobilité géographique importante et à attirer les candidats désireux d’établir leur situation professionnelle dans une zone géographique déterminée.

L’arrêté du 11 septembre 2020 fixe la liste, par ministère, des corps de fonctionnaires pouvant être affectés localement. Pour le ministère des Armées, il s’agit des assistants de service social, des infirmiers civils en soins généraux et spécialisés, des ingénieurs civils de la défense et des techniciens supérieurs d’études et de fabrications.

Les centres ministériels de gestion de Saint-Germain-en-Laye, Rennes, Metz, Bordeaux, Lyon et Toulon organisent, pour leur zone de compétence, les concours de recrutement à affectation locale des personnels de catégorie C. Ces concours sont ciblés sur des départements, au sein des zones couvertes par chaque CMG.

S’agissant des autres personnels, les concours à affectation locale restent organisés par le CMG de Lyon. Par exemple, un arrêté du 16 décembre 2020([91]) autorise en 2021 l’ouverture de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de techniciens supérieurs d’études et de fabrications. L’arrêté précise le nombre total de postes offerts en les répartissant par spécialité et par région administrative([92]).

Les rapporteurs se félicitent de cette évolution législative et préconisent de compléter la liste des corps de fonctionnaires pouvant être recrutés par voie de concours national à affectation locale.

Proposition n° 5 : Modifier l’arrêté du 11 septembre 2020 fixant la liste des corps prévue à l’article 1er du décret n° 2020-121 du 13 février 2020 relatif à l’organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l’État, afin d’étendre cette liste à d’autres corps de fonctionnaires du ministère des Armées.

d.   L’expérimentation, encadrée par la loi de programmation militaire, du recrutement sans concours de techniciens supérieurs d’études et de fabrications

Afin de remédier aux problèmes de recrutement rencontrés par le ministère des Armées, le législateur a prévu, à l’article 31 de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 qu’à titre expérimental, à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2022, des fonctionnaires du premier grade du corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrications du ministère de la défense (fonctionnaires de catégorie B) peuvent être recrutés sans concours dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France.

Ces recrutements sont ouverts aux personnes détentrices, à la date de leur nomination, de l’un des diplômes ou titres requis pour être recrutées au sein du corps de fonctionnaires concerné ou d’une autre qualification garantissant un niveau de compétence équivalent.

La loi précise que les candidats sont sélectionnés de manière objective et impartiale par une commission comportant en son sein une majorité de personnes extérieures au ministère de la défense et dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret. La commission vérifie l’aptitude des candidats à assurer les missions qui leur seront confiées en tenant également compte des acquis de l’expérience professionnelle et, à aptitude égale, de leur motivation.

Le nombre de postes offerts, au titre d’une année, au recrutement par la voie prévue au présent I ne peut être supérieur à 30 %, arrondi à l’entier inférieur, du nombre total de postes à pourvoir par cette voie et par la voie des concours.

L’évaluation de cette expérimentation, prévue par la loi d’ici au 31 décembre 2021, n’a pas encore été effectuée, le dernier concours expérimental prévu dans ce cadre étant en cours. Cela étant, l’ensemble des chefs de service auditionnés par la mission d’information ont fait part de leur satisfaction à l’égard de ce dispositif. Si une telle possibilité était déjà ouverte pour le recrutement d’agents de catégorie C, c’est la première fois que le ministère peut recruter des agents techniques de catégorie B sans concours, par le biais d’entretiens.

Les rapporteurs jugent cette voie d’accès utile pour répondre aux besoins de recrutement du ministère, tout en notant qu’il s’agit d’une dérogation à la voie traditionnelle du concours et en rappelant leur attachement au respect du principe d’égalité d’accès à la fonction publique. Ils insistent donc sur la nécessité, pour le ministère des Armées, de se conformer au délai d’évaluation prévu par la loi, soit d’ici à la fin de l’année civile en cours.

2.   Un recours accru à la contractualisation, encadré par les évolutions du droit, pour répondre aux besoins d’agilité et de réactivité du ministère des Armées

a.   La contractualisation, un élément d’agilité

Le recours croissant au contrat au ministère des Armées s’explique par :

– par une sous-réalisation des concours et une moindre appétence des nouvelles générations pour le statut de fonctionnaire ;

– par la souplesse qu’offre le contrat à plusieurs égards ;

– et par la nécessité de répondre à des besoins spécifiques dans certaines filières.

i.   Une sous-réalisation des concours

Tout d’abord, le ministère des Armées constate, comme l’ensemble des administrations centrales et décentralisées, une sous-réalisation aux concours. Cette dernière peut notamment s’expliquer par une moindre appétence des jeunes générations à l’égard du statut de fonctionnaire – en rupture avec les générations précédentes qui recherchaient davantage la sécurité de l’emploi, garantie par le statut. L’insuccès de certains concours s’explique aussi, on l’a vu plus haut, par l’organisation des concours au niveau national et le refus de certains lauréats de concours de rejoindre leur lieu d’affectation.

ii.   Un facteur d’agilité et de réactivité indispensable

Plusieurs interlocuteurs auditionnés par la mission d’information ont souligné que les concours présentaient une difficulté majeure, liée au temps nécessaire à leur organisation. Ainsi, si un service a un besoin en recrutement à un instant T, il lui faut parfois attendre plus d’un an entre la survenue du besoin en recrutement et l’arrivée du personnel recruté par concours. À l’inverse, le recrutement par contrat offre aux directions et services du ministère une grande capacité de réaction. La souplesse du recrutement par contrat provient également du fait qu’il est entièrement à la main des employeurs.

iii.   Une réponse à des besoins spécifiques dans certaines filières

Le recrutement par contrat permet aussi aux directions et services du ministère des Armées, d’une part, d’honorer des postes qui ne peuvent l’être dans le cadre de mutations et, d’autre part, de répondre à des besoins spécifiques propres à certaines filières.

Par exemple, à la DGSE, le recrutement d’agents contractuels, initialement réservé à des profils extrêmement rares, est devenu une nécessité pour accompagner la montée en puissance, au cours de ces dernières années, de la direction technique : cette évolution a impliqué le recrutement de très nombreux ingénieurs qu’il était impossible de recruter par voies de concours, détachements ou encore, en faisant appel à des militaires. Par extension, le recrutement par voie contractuelle est devenu la règle pour recruter tous spécialistes dont les profils sont trop rares ou inexistants au sein de la fonction publique ou au sein des armées. Au regard de la technicité requise dans de nombreux domaines, le recrutement d’agents contractuels disposant de compétences dans les nouvelles technologies, dans l’analyse du renseignement dans des domaines spécifiques, dans des langues rares ou dans les domaines techniques du soutien est devenu un impératif pour assurer l’autonomie d’action de ce service de renseignement.

De même, à la DRSD, le nombre de contractuels a été multiplié par huit entre 2014 en 2020, passant de 30 (14 % des effectifs civils) à 240, soit 48,5 % des effectifs civils. Ce taux est supérieur de près de 20 points au taux ministériel (19 %). Cette tendance devrait également se pérenniser dans les dix prochaines années. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Jusqu’en 2018, la DRSD ne pouvait pas offrir les mêmes conditions de rémunération que d’autres services de renseignement du premier cercle. Elle peinait donc à recruter des fonctionnaires par nature moins mobiles que les personnels militaires. De plus, la complexité et les délais des procédures de mobilité, notamment à l’échelon interministériel, ajoutaient à ces difficultés. Surtout, la DRSD a recruté des contractuels pour faire face à des besoins en compétences rares nécessaires à l’exécution de ses missions dans un contexte de forte transformation de la menace et des technologies. Les agents contractuels recrutés par ce service sont essentiellement des analystes, des agents de contre-ingérence économique, des ingénieurs cyber et des techniciens dans les domaines de la recherche technique et du numérique.

La direction du renseignement militaire dresse un constat similaire : les fortes tensions pesant sur les viviers de personnel militaire et l’absence de vivier de personnel civil disposant de compétences « renseignement » au sein de la fonction publique ont conduit la DRM à recourir de façon conséquente aux agents contractuels. Ces derniers représentent ainsi 47 % des effectifs civils en 2020 contre 29 % en 2013.

Autre exemple, le service de santé des armées recrute des contractuels dans les métiers où le recrutement sous statut s’avère moins adapté ou carrément impossible, du fait de l’inexistence de corps de fonctionnaires d’accueil.

Citons enfin le cas du commandement de la cyberdéfense : le COM cyber emploie majoritairement des agents sous contrats car les métiers de la cyber sécurité sont pour la plupart émergents et la ressource en fonctionnaires est limitée dans ce domaine. Les délais administratifs de recrutement, de plusieurs mois, sont parfois en décalage avec la volatilité élevée du marché du numérique en général et de celui de la cybersécurité en particulier, où la demande dépasse largement l’offre. Les profils « pépites » sont recrutés en quelques semaines par le secteur privé.

Dans l’ensemble des services auditionnés, l’un des métiers les plus souvent cités en audition est celui de data scientist – ou expert en mégadonnées –, métier dont on ne trouve aucun équivalent dans la fonction publique.

iv.   Une certaine souplesse dans la fixation des rémunérations

Le régime de rémunération des fonctionnaires, sur lequel les rapports reviennent dans le A du II, n’est pas toujours adapté aux impératifs de recrutement dans certains secteurs en tension très concurrentiels sur le marché du travail. À l’inverse, le contrat offre une certaine souplesse dans la fixation des rémunérations.

Ainsi, à la DGSE, l’utilisation de la voie contractuelle permet de recruter des experts expérimentés ne se destinant nullement à passer des concours de la fonction publique ou à devenir militaires. Ces experts, qui bénéficient souvent de rémunérations conséquentes dans le secteur privé, peuvent être recrutés, pour des besoins parfaitement identifiés au sein du service grâce à la souplesse([93]) financière qu’offre le contrat. La plupart de ces cas de figure concerne des profils rares.

De même, dans la filière infrastructure, considérée depuis deux ans comme une profession en tension par la DRH-MD, les barèmes de rémunération des agents sous contrat ont été revalorisés et les conditions d’embauche revues pour mieux prendre en compte l’expérience déjà acquise par le postulant au contrat.

b.   Une extension progressive des possibilités de contractualisation

i.   Le droit en vigueur avant la loi de programmation militaire

Avant l’adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, le recrutement de contractuels dans la fonction publique était autorisé dans deux cas de figure :

– pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire (article 6 quinquies de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État). Dans ce cas précis, le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Ce contrat est renouvelable une fois si la procédure de recrutement pour pourvoir l’emploi par un fonctionnaire n’a toujours pas abouti ;

– pour recruter des contractuels de niveau I (équivalent de la catégorie A) à des postes permanents de l’État lorsque les besoins des services le justifient (2° de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 précitée) ou pour des fonctions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires (1° du même article).

ii.   La faculté offerte par la loi de programmation militaire de recruter dans des régions peu attractives des agents par contrat initial de trois ans renouvelable dans les secteurs sous tension

L’article 31 de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 a ouvert la possibilité, à titre expérimental, entre 2019 et 2022, de recruter des agents contractuels, afin de faire face à une vacance temporaire d’emploi qui s’est prolongée plus de six mois dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France, dans les spécialités du renseignement, du génie civil, des systèmes d’information et de communication, de la santé et de la sécurité au travail ainsi que dans les domaines de la gestion de la paie ou de la solde et du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres pour une durée qui ne peut au total excéder trois années, renouvelable une fois. Cette expérimentation concerne les agents de niveau II (équivalant à la catégorie B).

iii.   Une nette extension, par les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique en matière de contractualisation, des possibilités de contractualisation

L’article 18 de la loi de transformation de la fonction publique élargit la possibilité de recruter des agents contractuels dans la fonction publique de l’État sur la majorité des emplois permanents. Trois cas de recrutements sont désormais possibles pour recruter un agent contractuel en application du nouvel article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.

Le premier cas, qui préexistait et n’a pas été modifié, permet le recrutement lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes.

Le deuxième cas permet le recrutement sur des emplois permanents pour toutes catégories (niveaux I, II et III) lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, notamment lorsqu’il s’agit de 13 fonctions nécessitant des compétences spécialisées techniques ou nouvelles ou lorsque l’autorité de recrutement n’est pas en mesure de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée aux missions à accomplir.

Le troisième cas permet le recrutement sur des emplois qui ne nécessitent pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires.

En outre, la loi énonce clairement que les agents peuvent, dans un certain nombre de cas de figure, être recrutés sur un contrat à durée indéterminée.

Ainsi, en résumé, les services du ministère des Armées ont la possibilité de recruter des agents sous contrat – de niveaux I, II ou III – à durée déterminée (de trois ans), renouvelable une fois (soit pour six ans au total).

Ils ont aussi la possibilité de recruter immédiatement des agents sous contrat à durée indéterminée dans les métiers en tension.

Ils ont également la possibilité de recruter immédiatement des agents sous contrat à durée indéterminée au terme d’un premier contrat de trois ans.

Pour mémoire, c’est la DRH-MD qui détermine les secteurs en tension, après avis des experts « métiers » de ces secteurs quand ces derniers présentent pour le ministère des armées :

– un aspect stratégique, sensible ou transverse au regard des missions des employeurs, dans un contexte d’engagement soutenu notamment depuis 2015 ;

– un écart structurel ou conjoncturel entre la ressource disponible et le besoin exprimé par ces employeurs, pouvant conduire à manquer de compétences indispensables à la réalisation de ces missions.

Le suivi des secteurs en tension est assuré par une comitologie ministérielle dédiée qui rassemble les acteurs RH concernés (employeurs, gestionnaires, experts métiers) et est copilotée par la DRH-MD.

Les rapporteurs notent le bienfait du recours au contrat pour recruter les « profils pépites » si utiles au service de nos armées pour répondre à des besoins précis et faire face à la concurrence avec le secteur privé – profils relevant souvent de domaines technologiques ou très techniques.

Pour le rapporteur Alexis Corbière, la logique d’ensemble de la loi de transformation de la fonction publique s’inscrit dans la lignée régressive de la révision générale des politiques publiques, affaiblissant les bases du statut de la fonction publique – notamment du fait du recours au contrat.

3.   Le dispositif de reconversion d’anciens militaires, un atout pour les services du ministère des Armées

a.   Le droit applicable depuis le 1er janvier 2020

L’article L. 4139-2 du code de la défense, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020([94]), prévoit la possibilité pour les militaires remplissant certaines conditions de grade et d’ancienneté d’être détachés dans un corps ou un cadre d’emplois de fonctionnaire civil relevant de l’une des trois fonctions publiques. Les anciens militaires peuvent quant à eux être nommés en qualité de stagiaires puis titularisés à l’issue de leur stage dans un corps ou un cadre d’emplois de fonctionnaire civil relevant de l’une des trois fonctions publiques. Ainsi, les officiers peuvent se reconvertir et être reclassés dans les corps de fonctionnaires de catégorie A, les sous-officiers, dans les corps de catégorie B et les militaires du rang, dans les corps de catégorie C.

D’autre part, depuis le 1er janvier 2020, l’article L. 4139-3 du code de la défense permet aux militaires blessés en opération extérieure et titulaires d’une pension militaire d’invalidité ainsi qu’aux militaires blessés en service et dont la blessure est à l’origine de leur radiation de bénéficier d’emplois réservés.

b.   Un dispositif ayant remporté un franc succès en 2020

Selon les informations fournies aux rapporteurs par la DRH-MD, le dispositif a remporté un franc succès – 950 orientations ayant été enregistrées en 2020, contre 493 en 2019 – pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le dispositif semble plus fluide à appliquer pour les recruteurs, le nombre de sessions de recrutement ayant été porté d’un à quatre par an dans la fonction publique d’État. Ensuite, l’ouverture du dispositif aux militaires radiés a permis l’orientation de 16 % des 950 militaires orientés en 2020. Enfin, le volume de postes proposés par le ministère des Armées a progressé de 57 % par rapport à 2019. Depuis le début de l’année 2020, 60 % des militaires orientés dans les trois fonctions publiques ont été recrutés par le ministère des Armées.

La DRH-MD a informé les rapporteurs qu’elle menait plusieurs actions pour améliorer la performance du dispositif prévu par l’article L. 4139-2 : la dématérialisation totale de la procédure par le biais d’une application dédiée, nommée GERES, visant à améliorer la mise en adéquation des profils et des postes, d’une part, et, d’autre part, l’optimisation des reclassements dans la fonction publique territoriale.

c.   Un atout pour les services du ministère des Armées

Selon les chefs et directeurs de service auditionnés par les rapporteurs, les dispositions de l’article L. 4139-2 du code de la défense offrent un mode de recrutement particulièrement intéressant. Elles permettent en effet de recruter des personnels expérimentés, acculturés au milieu et connus du ministère. En outre, ce dispositif permet de conserver au sein du ministère des Armées les militaires qui souhaitent une stabilité géographique ou fonctionnelle. C’est ainsi un moyen de fidéliser les militaires en transition professionnelle et de conserver leur expertise, voire la mémoire de leurs dossiers. Cependant, dans une période de forte tension sur les ressources militaires, dans des domaines tels que l’informatique par exemple, les armées doivent conserver un nombre suffisant de spécialistes, ce qui limite le nombre d’agréments accordés au titre de ce dispositif. Les militaires ont alors la possibilité de quitter l’institution et d’essayer de se faire recruter en tant que personnels civils sur un poste comparable. En outre, les rapporteurs regrettent que les militaires du rang ayant les diplômes requis ne puissent pas être recrutés au ministère des Armées comme fonctionnaires de catégorie B, ce qui les conduit à se tourner vers d’autres ministères.

d.   Les conditions de reprise de l’ancienneté de service

Lorsque les militaires sont reclassés comme fonctionnaires civils, ils conservent leur ancienneté. En effet, les militaires d’active recourant au dispositif de l’article L. 4139-2 sont placés en position de détachement pendant douze mois et perçoivent une rémunération au moins égale à celle qu’ils auraient perçue s’ils étaient restés en position d’activité. Lors de leur intégration, ils sont classés à un grade et à un échelon dotés d’un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient en qualité de militaires. Quant aux militaires radiés, leur classement se fait selon les règles de droit commun fixé par le statut du corps d’accueil.

Certaines organisations syndicales auditionnées ont fait part de leur crainte que les chefs de corps ne privilégient d’anciens militaires reclassés, au détriment des civils, pour l’avancement de grade. Cela étant, il semble que les chefs de corps s’appliquent un code de bonne conduite consistant à attendre un an avant de faire avancer en grade des « primo-conditionnants », c’est-à-dire les anciens militaires devenus civils qui remplissent pour la première année les conditions statutaires leur permettant de monter en grade. Il importe, en tout état de cause, d’assurer un traitement équitable, en matière d’avancement, entre fonctionnaires et anciens militaires reconvertis dans le civil.

Par ailleurs, certaines organisations syndicales ont indiqué qu’il était parfois fait recours à la réserve opérationnelle pour « combler des trous » dans les services du ministère. Cela étant, ce phénomène est fort marginal. Les rapporteurs soulignent que cette pratique doit être considérée comme une solution de dernier recours et non comme une facilité de gestion.

4.   Le recrutement des apprentis au terme de leur apprentissage, une action à développer

a.   Le ministère des Armées mène une politique dynamique en matière d’apprentissage

Le ministère des Armées dispose d’une offre variée de postes d’apprentis sur l’ensemble du territoire national. La multitude de ses spécialités lui permet de proposer des postes à tous les niveaux de formation, du certificat d’aptitude professionnelle au master 2, l’essentiel des postes étant concentrés aux niveaux III et IV. Les contrats d’apprentissage sont prioritairement ciblés sur les métiers et familles professionnelles sous tension au ministère, c’est-à-dire dans les domaines des systèmes d’information et de communication, de l’infrastructure, du maintien en condition opérationnelle aéronautique, de la maintenance des matériels terrestres, des systèmes de forces, et systèmes d’armes, de l’équipement, des achats, de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Au 30 septembre 2020, ces secteurs regroupaient 53,97 % des apprentis employés au ministère. Les principaux employeurs d’apprentis sont le SGA, le commissariat des armées, l’armée de Terre, la DIRISI, le SIAé, la Marine et la direction générale de l’armement.

Au 30 septembre 2020, le ministère des Armées comptait 1 584 apprentis. Le ministère des Armées a augmenté de plus de 25 % le nombre de contrats d’apprentissage conclus l’année dernière, portant ainsi la cible de 1 600 à 2 079 apprentis en 2020, après le recensement des besoins des employeurs, qui ont répondu très favorablement à l’offre de la DRH-MD. Cette augmentation du nombre de contrats d’apprentissage fait du ministère des Armées l’un des premiers employeurs de jeunes en apprentissage de l’État.

Le développement de l’apprentissage s’accompagne d’un effort financier, tant pour rémunérer les apprentis que pour couvrir les frais pédagogiques.

À titre d’illustration, l’apprentissage est très répandu dans les unités du commandement de la cyberdéfense pour qui l’apprentissage est un puissant vecteur de recrutement : ainsi, la totalité des apprentis du Centre d’analyse en lutte informatique de la défense arrivés à la fin de leur scolarité en 2020 souhaitent poursuivre leur engagement au COMCYBER.

De même, le SID s’est engagé depuis six ans dans une politique d’apprentissage ambitieuse qui s’est concrétisée par le recrutement de 186 jeunes sous contrat d’apprentissage. Le ministère des Armées a pris en charge les frais pédagogiques de leur formation et le coût salarial de chaque apprenti, selon un barème réglementé par le code du travail. Le SID a gratifié les maîtres d’apprentissage pour leur investissement dans la formation et le suivi des apprentis, ce qui a représenté un investissement de plusieurs millions d’euros pour le service d’infrastructure.

Tout comme le SID, la SIMMT mène une politique volontariste en matière d’apprentissage et contribue activement à l’atteinte des objectifs ambitieux fixés à l’armée de Terre par la DRH-MD([95]). La difficulté à trouver des maîtres d’apprentissage et le temps consacré à la formation des jeunes apprentis sont désormais bien considérés comme un investissement à consentir pour assurer la montée en compétence des générations à venir. Il s’intègre bien dans l’esprit de compagnonnage qui a longtemps assuré la formation des ouvriers dans les ateliers. Ainsi, près de 90 nouveaux contrats([96]) ont été signés en 2020, le MCO terrestre atteignant à lui seul les deux tiers de la cible fixée à l’armée de Terre, principalement dans des emplois de « cœur de métier » du MCO terrestre tels que la maintenance et la logistique.

b.   La nécessité d’obtenir un « retour sur investissement » en recrutant les apprentis au terme de leur contrat d’apprentissage

Au 31 décembre 2019, 123 apprentis – contre 66 en 2017 et 115 en 2018 – ont intégré le ministère des Armées à l’issue de leur contrat d’apprentissage, soit en passant un concours, soit par la voie contractuelle, soit après essais.

Déjà acculturés aux spécificités du ministère, les apprentis représentent une véritable opportunité de recrutement grâce aux compétences acquises au cours de leur formation. C’est donc un vivier de recrutement tant pour le personnel civil que pour le personnel militaire. Cependant, alors que la formation d’apprentis constitue un investissement important pour les services qui les emploient, ces derniers ne parviennent qu’à recruter très peu de ces apprentis au terme de leur contrat d’apprentissage.

Ainsi, si l’armée de Terre comptait 334 apprentis au 31 décembre 2020([97]), elle n’en a recruté que 23 l’année dernière au terme de leur contrat d’apprentissage. C’est pourquoi la direction des ressources humaines de l’armée de Terre fournit un effort de communication sur les carrières tant civiles que militaires et a pour intention d’instaurer un dispositif de recrutement spécifique pour les apprentis.

De même, sur les 186 apprentis formés au SID entre 2015 et 2019, 19 ont été recrutés après obtention de leur diplôme et à l’issue de leur contrat d’apprentissage, soit moins de 5 % des apprentis accueillis au sein du réseau de ce service. Le directeur central du SID a indiqué que l’une des difficultés à conserver des apprentis venait du fait que seuls les ouvriers d’État pouvaient être recrutés après essais. Pour accroître le nombre d’apprentis embauchés au terme de leur parcours de formation et d’apprentissage, le SID a défini un plan d’action visant à :

– consolider le lien entre sa politique d’apprentissage et les possibilités immédiates ou prévisionnelles de recrutement,

– à renforcer l’attractivité de son offre contractuelle, qu’il s’agisse du type de contrat, de la durée ou du niveau de rémunération proposés ;

– à appliquer un dispositif privilégié d’embauche des apprentis comparable à celui des essais professionnels réservés aux apprentis en fin de formation pour le recrutement des ouvriers de l’État.

Au-delà des opportunités de recrutement, les bénéfices de cette politique d’apprentissage, pour le réseau du SID, sont le développement d’une organisation apprenante, la valorisation et la reconnaissance des savoir-faire des maîtres d’apprentissage. Le SID entend développer et poursuivre cette politique d’apprentissage et de stages afin de nouer des relations fortes avec les écoles qui doivent permettre de sécuriser et de pérenniser ses recrutements dans le cœur de métier.

Comme dans les autres services cités, l’une des difficultés rencontrées par le MCO terrestre est de recruter des apprentis au terme de leur scolarité. S’il est possible de réserver des places aux apprentis pour le recrutement d’ouvriers de l’État – ce recrutement étant local et fondé sur des essais –, ce n’est pas le cas des apprentis que le ministère souhaite recruter comme fonctionnaires. Ces apprentis doivent passer par la voie du concours, sans garantie de succès et avec le risque de ne pas être affectés là où ils ont fait leur apprentissage.

La voie du « troisième concours », prenant en compte l’expérience professionnelle acquise, pourrait contribuer au recrutement d’apprentis mais ne garantit en rien le recrutement sur le site ayant fait accueilli l’apprenti.

Recruter des apprentis sans concours permettrait de rentabiliser l’investissement consenti par l’institution et de recruter plus facilement certaines compétences intéressantes et prometteuses pour les services du ministère. Comme on l’a vu en première partie du rapport, les ouvriers de l’État sont recrutés par essais professionnels. Ce mode de recrutement peut s’avérer intéressant dans les domaines techniques où le concours écrit n’est pas forcément en lien avec le poste à pourvoir. Si les services employant des apprentis ont déjà la possibilité de réserver à ces derniers 25 % de leurs postes d’ouvriers de l’État, les rapporteurs estiment que le ministère des Armées pourrait étudier la possibilité de procéder au recrutement d’apprentis comme fonctionnaires titulaires par la voie d’essais et entretiens. Les rapporteurs insistent cependant sur le fait qu’un tel mécanisme devrait rester circonscrit aux domaines techniques. L’enjeu du recrutement étant de mettre à disposition des personnels qualifiés, la maîtrise des savoirs fondamentaux évaluée par des épreuves écrites est un préalable sans lequel nul agent public ne peut exercer ses fonctions au service de l’intérêt collectif dans des conditions satisfaisantes.

Proposition n° 6 : Procéder à une évaluation de la possibilité d’étendre, dans certains métiers ou certaines filières techniques clairement identifiés, le recrutement après essais d’apprentis.

C.   De la nécessité de renforcer la communication pour assurer la visibilité des métiers civils de la défense

Depuis 2018, le ministère recrute quelque 5 000 civils par an. La forte hausse des besoins de recrutement s’est accompagnée d’un recours accru aux moyens de communication visant à garantir l’attractivité des métiers civils d’un ministère encore souvent perçu comme employeur de militaires, à l’exclusion d’autres profils.

1.   Une communication structurée pour répondre au défi du recrutement

a.   Une mission dévolue au SGA

Au sein du SGA, la mission communication du SGA, couramment appelée SGA-com([98]), est chargée de la communication sur les recrutements du ministère, à la différence de la communication sur les recrutements de militaires, directement assurée par les états-majors([99]).

b.   Trois cibles de communication

Le SGA vise trois cibles dans sa communication sur les métiers civils de la défense : les personnels civils du ministère et leurs proches ; les personnels faisant déjà partie de la fonction publique ou du secteur public et les personnes en école de formation ; enfin, le grand public – et en particulier les jeunes qui sont en période d’orientation scolaire, diplômés ou en école, les jeunes en recherche de stage ou de contrat d’apprentissage et les actifs ayant des compétences spécifiques.

c.   Une communication adaptée à la grande diversité des métiers civils du ministère

Comme nous l’avons souligné en première partie du présent rapport, les personnels civils du ministère des Armées présentent une grande diversité, tant de statuts que de profils et métiers. La communication du SGA-com doit donc s’adapter à cette diversité. Qui plus est, le recrutement dans certaines spécialités rares suppose de rechercher et d’attirer des profils particuliers. Dans certaines filières, le recrutement donne lieu à une rude concurrence entre la sphère publique et le secteur privé, voire au sein même de la sphère publique. C’est particulièrement le cas dans l’informatique, le maintien en condition opérationnelle aéronautique et terrestre, la cyberdéfense et l’infrastructure.

On l’a vu, le ministère des Armées recrute aussi bien par concours que par la voie contractuelle. Or, ces modalités de recrutement distinctes nécessitent des modes de communication différents. La nécessité pour le ministère d’être attractif sur le marché de l’emploi concerne aussi les apprentis, dont le volume ne cesse de croître puisqu’il est compris entre 1 500 et 2 000 postes.

2.   De nombreux vecteurs de communication

Il ne saute pas aux yeux du grand public que le ministère des armées emploie du personnel civil, parmi lequel exercent des infirmiers, des aides-soignants, des pyrotechniciens, des logisticiens, des ingénieurs et des techniciens supérieurs spécialisés dans le génie civil, le bâtiment et les travaux publics, l’eau ou l’énergie renouvelable. Les campagnes de recrutement du ministère sont en effet très axées sur les armées. C’est la raison pour laquelle la marque « Civils de défense » a été créée par le service des ressources humaines civiles de la DRH-MD.

a.   La création d’une marque assortie d’une identité graphique

La création de cette marque en 2019, en lien avec l’Agence du patrimoine immatériel de l’État, vise à dynamiser et à professionnaliser la communication du ministère. La marque est assortie d’une identité graphique, d’un logo et de deux accroches : « Contribuer à un monde plus sûr » et « Notre mission a besoin de vos talents ».

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Cette marque employeur est déclinée sur l’ensemble des supports de communication utilisés par le ministère : affiches, bâches autoportantes, dépliants, bandeaux de sites internet et réseaux sociaux.

b.   Les salons de recrutement, la communication audiovisuelle et la présence sur les réseaux sociaux

Parallèlement à la création de cette marque, le ministère des Armées a accru sa participation aux salons de recrutement([100]) en Île-de-France, à Toulon, à Lyon et à Bordeaux – à raison d’une vingtaine de salons par an([101]).

En complément de cette stratégie de marque, le ministère développe une stratégie de communication audiovisuelle, s’appuyant sur une série de courts témoignages. L’objectif pour le ministère est de disposer d’« ambassadeurs » de la diversité des métiers civils de la défense : la mission de communication du SGA, le SGA-com, propose six portraits par an, ciblés selon les besoins annuels en recrutement et les secteurs professionnels sous tension. Ces portraits vidéo sont diffusés sur Youtube et le compte LinkedIn « Civils de la défense ». En mars 2021, le compte LinkedIn « Civils de la défense » compte 22 000 abonnés. Depuis 2019, 77 campagnes ont été menées par le ministère, dont 48 ont été consacrées à des concours, 21 à des métiers ou thématiques spécifiques, 5 pour des offres d’emploi et 3 pour des vidéos ou pour susciter de nouveaux abonnements au compte.

En outre, l’organisation de séances photo de personnels du ministère permet de substituer progressivement de véritables portraits aux photos issues de banques de données d’images plus impersonnelles.

Enfin, en 2020, le ministère a recouru au service de Seekube qui organise des forums d’emploi dématérialisés, fondés sur le concept de « job dating » (pré-entretiens d’embauche). Ce service s’appuie sur un réseau d’écoles et organise un événement « en présentiel ».

c.   La création d’un portail internet dédié aux civils de la défense

Jusqu’en février dernier, la communication du ministère des Armées en matière de recrutement de personnels civils était « éclatée » entre différents sites internet. Cependant, depuis février, le ministère s’est doté d’un portail internet unique : www.civils.defense.gouv.fr, géré par la DRH-MD. Ce site fédère l’information destinée à tout civil de la défense, du jeune qui cherche un stage ou une alternance au candidat sortant d’école, à ceux qui cherchent les concours adaptés à leur formation ou encore aux civils déjà en poste qui examinent les perspectives de mobilité. Il présente l’ensemble des offres d’emploi ainsi qu’une base de données sur la variété des métiers civils. Le portail « Civils de la défense » propose à tout candidat un point unique d’accès aux informations permettant de rejoindre le ministère des Armées en tant que civil – par concours, en répondant à une offre d’emploi par mobilité proposée aux agents publics, par contrat, en tant qu’ouvrier de l’État ou dans le cadre d’un stage. Le site présente aussi les métiers civils, décrit les modalités de recrutement et délivre des informations régulières sur l’actualité des recrutements civils.


La communication de recrutement d’un service de renseignement : l’exemple de la direction du renseignement de la sécurité et de la défense

Dans le respect de la discrétion imposée par la qualité de service de renseignement, la publicité des offres d’emplois civils de la DRSD est assurée par plusieurs vecteurs de communication. Le service approche les candidats potentiels au recrutement par la publication d’offres d’emploi simplifiées, publiées sur la bourse nationale des emplois du ministère des Armées et le site « Place de l’emploi public ». Le recours à ces vecteurs de publication traditionnels est complété par un usage maîtrisé de réseaux sociaux professionnels (Indeed et LinkedIn). Le site internet de la DRSD a également été refondu dans un objectif de rayonnement à des fins de recrutement.

Pour renforcer sa visibilité, la DRSD a organisé, sur le site du fort de Vanves, plusieurs journées d’information sur ses missions et métiers. Les équipes de recrutement de la DRSD participent à des forums et des salons pour l’emploi ciblés qui leur permettent de constituer des viviers. C’est, par exemple, le cas du Forum international cyber (FIC) de Lille où la DRSD est représentée chaque année.

Enfin, dans le même objectif de recrutement, la DRSD entretient des relations avec des écoles et des universités d’intérêt. Des partenariats ont été conclus, par exemple avec l’école nationale d’ingénieurs de Bretagne Sud (ENSIBS) qui forme des ingénieurs cyberdéfense, pouvant être recrutés à l’issue de leur apprentissage. Une convention a été signée avec le lycée militaire de Saint-Cyr, ce qui permet au Service de recruter des diplômés de BTS cyber à un rythme annuel. De même, 20 % de la promotion formée par le CNAM au profit des services de renseignement est recrutée par la DRSD (formation de techniciens, de linguistes, …). Des présentations sont faites à Sciences Po Paris ou à l’EEIE de Versailles, dans le but d’attirer de futurs cadres du renseignement.

La DRSD estime que ses efforts ont porté leurs fruits : le nombre de candidatures reçues, de 2 934, est en hausse notable depuis plusieurs années. Il s’agit principalement de candidatures hors fonction publique. Les mobilités de fonctionnaires pourraient être en effet plus importantes, malgré les actions pour accroître ces flux et l’emploi de dispositifs incitatifs comme l’indemnité temporaire de mobilité (ITM).

3.   Communiquer davantage à l’échelon local ?

a.   Faut-il confier aux CIRFA une mission de communication sur les métiers civils de la défense ?

Les rapporteurs se sont interrogés quant à la pertinence de confier aux CIRFA, les centres d’information et de recrutement des forces armées, une mission de communication à l’échelon local sur les métiers civils de la défense et sur les besoins de recrutement de personnels civils au ministère des Armées. En effet, ces centres d’information sont répartis sur l’ensemble du territoire national et présentent l’avantage de la proximité. Les rapporteurs notent que les CIRFA disposent déjà de prospectus d’information sur les modalités de recrutement ainsi que sur les métiers civils proposés par les armées et qu’ils réorientent vers ces métiers les personnes dont le projet de recrutement en tant que militaires ne s’est pas concrétisé, par exemple s’ils ne remplissent pas les conditions d’aptitude nécessaires à cet engagement. Sans méconnaître les besoins en recrutement de militaires dans les trois armées, le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur note l’intérêt qu’il y aurait à créer des lieux physiques pour faire mieux connaître au grand public les métiers civils de la Défense. Il estime que les CIRFA pourraient jouer un rôle plus actif dans la promotion de ces métiers, y compris en première intention, en ciblant l’offre en fonction des besoins du bassin d’emplois concerné.

b.   Renforcer les partenariats avec les établissements scolaires et d’enseignement supérieur ?

Plusieurs interlocuteurs de la mission d’information ont insisté sur la nécessité de renforcer les partenariats avec les établissements scolaires et d’enseignement supérieur.

En effet, la fin des arsenaux de l’État et les restructurations des années 2000 ont distendu le lien qui pouvait exister entre les établissements de formation des personnels civils et les services qui les recrutent. D’autre part, les formations académiques ne sont pas toujours adaptées aux besoins des employeurs du ministère.

Les rapporteurs notent que la DRH-MD souhaite retisser un lien avec ces établissements et que le SIAé fournit des efforts importants pour développer de véritables partenariats avec les lycées professionnels situés à proximité des établissements du service. Quant à la DRSD, on l’a vu plus haut, elle entretient des relations avec des écoles et universités d’intérêt. Toujours dans le domaine du renseignement, la DGSE a également développé des partenariats([102]) avec des écoles spécifiques afin d’être assurée de recruter de jeunes diplômés à l’issue de leur scolarité, dans certains domaines à profil recherché.

4.   Lever les freins à la communication sur les réseaux sociaux

Sur le réseau social professionnel LinkedIn, les trois armées disposent d’un compte institutionnel – via leurs SIRPA – doublé d’un compte spécifiquement dédié au recrutement. Plusieurs autres directions et services du ministère, tels que la DGA, la DGSE, la DRSD ou le SID, disposent également d’un compte sur ce réseau social.

S’appuyant sur ce vecteur de communication, le SRHC a lancé une campagne de communication digitale en faveur du SID pour le recrutement de conducteurs de travaux. Celle-ci sera reconduite en 2021 et l’expérience étendue à d’autres directions, telles que la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI) qui recrute dans les métiers en tension, ainsi qu’aux embauches des ouvriers de l’État du SIAé (Service industriel de l’aéronautique).

En revanche, le secrétariat général pour l’administration du ministère des Armées ne dispose sur ce réseau que d’un compte « Civils de la défense » et non pas d’un compte propre « SGA ». C’est pourquoi il ne peut ni communiquer sur une page institutionnelle – comme le font les armées et la DGA – ni avoir de comptes spécifiques pour ses directions juridique, financière ou encore du patrimoine et des archives. Il semble en effet que le ministère se heurte à certains blocages administratifs, le Gouvernement souhaitant rationnaliser la communication institutionnelle des ministères sur les réseaux sociaux. Si certaines initiatives individuelles ont conduit à la création de comptes institutionnels sur ce type de médias, une fois que les agents à l’initiative de la création de ces comptes changent d’affectation, ces comptes ne sont bien souvent pas repris et disparaissent. Il y a ainsi déperdition de l’effort de communication accompli.

Compte tenu du défi majeur que constitue le recrutement pour le ministère des Armées, les rapporteurs proposent de permettre la création et l’alimentation, sur le réseau social LinkedIn, d’un compte institutionnel du secrétariat général pour l’administration, compte qui profiterait à l’ensemble des directions et services de ce pilier du ministère.

Les rapporteurs suggèrent aussi que comme les Armées, la mission de communication du SGA (SGA-com) puisse lancer une véritable campagne publicitaire de recrutement, assortie d’un plan média, campagne s’appuyant sur des clips vidéo et sur l’achat d’espaces publicitaires en ligne.

Proposition n° 7 : Lever les blocages à la création d’un compte institutionnel sur le réseau social LinkedIn au profit du secrétariat général pour l’administration.

 

Proposition n° 8 : Sur le modèle des armées, lancer une véritable campagne de recrutement de personnels civils, assortie d’un plan média, de la réalisation de clips vidéo et de l’achat d’espaces publicitaires en ligne.

II.   Fidéliser les personnels civils dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé : quels leviers d’attractivité ?

Fidéliser les personnels recrutés, parfois au prix d’importants efforts, est un enjeu capital pour l’ensemble des services du ministère des Armées, surtout – on l’a vu – dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé. Ainsi, la direction du renseignement militaire a indiqué sa difficulté à fidéliser les personnels civils occupant des postes techniques dans les domaines du cyber, du big data et des systèmes d’information et de communication, domaines qui restent soumis à un fort taux de rotation. De même, la DGA a-t-elle souligné la nécessité pour elle d’être en mesure de fidéliser ses ICT et ses ouvriers de l’État. Elle a indiqué que la difficulté à fidéliser ces personnels dépendait en particulier de la vigueur locale du marché de l’emploi dans la spécialité de l’agent et des niveaux de salaires pratiqués dans le secteur privé. La fidélisation est aussi le principal enjeu, en matière de gestion des ressources humaines, du commandement de la cyberdéfense.

Afin de fidéliser ses personnels civils, le ministère des Armées peut actionner plusieurs leviers : la rémunération, le statut, la formation mais aussi la nature même de la mission exercée.

A.   Le levier de la rémunération

La rémunération est bien entendu un levier d’attractivité et donc de fidélisation des personnels – même s’il n’est pas le seul.

La gestion de la rémunération des fonctionnaires est, pour l’essentielle, régie par la DGAFP du ministère chargé de la fonction publique tandis que la rémunération des personnels contractuels est laissée à la main du ministère des Armées.

Le tableau ci-dessous présente la rémunération mensuelle nette médiane des personnels civils par statut, par catégorie et par sexe entre 2013 et 2019.

1.   La rémunération des fonctionnaires est fondée sur la distinction entre grille indiciaire et régime indemnitaire

 

 

 


—  1  —

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

 

 

a.   La grille indiciaire

La rémunération individuelle du fonctionnaire, appelée traitement, est déterminée par son appartenance à un corps. Suivant le grade de l’agent dans ce corps, un échelon, auquel est associé un indice brut, définit de manière précise sa position sur l’échelle indiciaire commune à tous les fonctionnaires. À chaque indice brut (indice classement) correspond un indice majoré (indice traitement) variant de 280 à 821. Le traitement annuel brut est calculé en multipliant l’indice majoré par la valeur du traitement afférent à l’indice 100, et en divisant le résultat par 100. L’indice majoré 100 est qualifié d’indice de base de la fonction publique.

Les grilles indiciaires des trois catégories de fonctionnaires sont régies par la DGAFP. Cette dernière a procédé à un travail d’harmonisation des grilles afin de favoriser la mobilité interministérielle. Ainsi, seuls les corps qui ne se trouvent qu’au ministère des Armées ne sont pas concernés par ces grilles interministérielles.

La valeur du point d’indice, qui permet de calculer le traitement brut([103]) des agents publics, reste fixée à 4,686 euros depuis 2017. Dans une note du 4 février dernier relative au lancement de la procédure budgétaire 2022, la direction du budget retient comme hypothèse de travail une valeur stable du point fonction publique. La valeur annuelle du traitement afférent à l’indice 100 majoré reste fixée à 5 623,23 euros.

La garantie individuelle du pouvoir d’achat

Lorsque le traitement d’un fonctionnaire évolue moins vite que l’inflation, une indemnité correspondant à sa perte de pouvoir d’achat lui est due. La garantie individuelle du pouvoir d’achat est attribuée sous certaines conditions aux fonctionnaires rémunérés sur un emploi public pendant au moins trois ans entre décembre 2015 et décembre 2019 ainsi qu’aux agents sous contrat rémunérés de manière expresse par référence à un indice et employés de manière continue par le même employeur public([104]) .

En 2020, les éléments retenus dans le calcul de la GIPA ont été le taux d’inflation (de 3,77 %), la valeur moyenne du point d’indice en 2015, soit 5 556,35 euros, et la valeur moyenne du point en 2019, soit 5 623,23 euros.

L’article 27 de la loi n° 91-73 du 17 janvier 1991 a institué, à compter du 1er août 1990, une nouvelle bonification indiciaire (NBI), au profit des fonctionnaires occupant des emplois à une responsabilité ou technicité particulière. Le bénéfice de cet avantage a également été étendu aux militaires et à l’encadrement supérieur. La NBI n’est pas une prime ou une indemnité liée à la qualité de l’exercice de certaines fonctions mais un complément indiciaire attribué au fonctionnaire (ou militaire) occupant un certain emploi. À ce titre, la NBI est prise en compte dans le calcul de la retraite. Elle n’est pas attachée à la personne, ni à son corps ou à son grade mais à l’emploi tenu. La NBI permet de prendre en compte, dans la rémunération de l’agent qui l’occupe, les responsabilités particulières de l’emploi ainsi que les sujétions qui en découlent. Au total, le ministère dispose en 2020 d’une enveloppe de 80 410 points de NBI pour le personnel civil (encadrement supérieur non compris) distribuée à environ 5 600 fonctionnaires pour un niveau moyen de 15 points.

Le co-rapporteur Alexis Corbière préconise un dégel du point d’indice dans le but de renforcer l’attractivité des emplois.

Le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur estime pour sa part qu’à moyen terme, la France ne pourra faire l’économie d’une réflexion d’ensemble sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires dans des domaines aussi essentiels que la défense, la sécurité intérieure, la justice, l’éducation nationale ou la santé.

b.   Le régime indemnitaire : la généralisation, pour les corps de fonctionnaires, du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel

Institué par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) est le nouvel outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l’État. Auparavant, le système de primes était très complexe et fragmenté, ce qui nuisait à sa lisibilité mais également à la mobilité des fonctionnaires. Le RIFSEEP substitue un régime unique à l’ensemble des indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir préexistantes.

En 2020, la totalité des corps de fonctionnaires du ministère des Armées, soit environ 35 000 agents relèvent de ce régime, qu’ils relèvent des filières administratives, des filières techniques ministérielles et interministérielles([105]), de la filière sociale ou d’emplois fonctionnels. Seuls les corps paramédicaux([106]) gardent pour l’instant le même régime indemnitaire que dans la fonction publique hospitalière.

Le RIFSEEP se compose d’une partie pérenne, liée au poste et à ses sujétions, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), et d’une partie individuelle non-reconductible liée à la manière de servir, le complément indemnitaire annuel (CIA).

i.   L’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise, un outil visant à valoriser les compétences et la mobilité

Le montant de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise est bâti sur une cartographie hiérarchisée des emplois de chaque corps en groupes (de 2 à 4 groupes selon les corps). Le ministère des Armées a fait le choix d’un régime indemnitaire accompagnant les parcours professionnels : par principe de construction l’IFSE ne baisse pas et son montant augmente de manière pérenne en cas d’avancement (de grade ou de corps) ou de mobilité sur un emploi d’un groupe équivalent ou plus élevé.

L’entrée progressive des corps de fonctionnaires dans le RIFSEEP a également permis de redynamiser la composante indemnitaire de leur rémunération, dont l’évolution était gelée depuis 2013. Une importante refonte de l’IFSE est ainsi intervenue en 2020 avec trois axes majeurs : la revalorisation du régime de la catégorie C, l’amélioration globale de l’attractivité indemnitaire du ministère et la fluidification des parcours professionnels. S’y ajoute une mesure spécifique de revalorisation de la filière sociale.

ii.   Le complément indemnitaire annuel, levier de reconnaissance de l’engagement individuel et de la manière de servir des agents.

Modulable et non-reconductible, le complément indemnitaire annuel se veut un levier de reconnaissance de l’engagement individuel et de la manière de servir des agents. Si le ministère des Armées se rapproche désormais de la moyenne interministérielle pour les catégories A+, B et C, il a pour objectif de consacrer à ce complément une enveloppe globale annuelle d’environ 45 millions d’euros afin d’améliorer l’attractivité de ses emplois et de dynamiser la politique de distribution, confiée à chaque employeur, avec de meilleures capacités de modulation individuelle.

Le CIA fait l’objet d’une enveloppe globale, allouée par la DRH-MD, en fonction du nombre de personnels, à chaque employeur qui distribue ainsi ces primes comme il le souhaite.

Par exemple, le service du commissariat des armées a indiqué à la mission d’information qu’il menait une véritable politique d’attribution de ce complément indemnitaire annuel afin de valoriser les meilleurs cadres A du service, en allouant des montants de prime significatifs aux meilleurs : ces primes ont atteint 2 900 euros en 2020, sachant que leur montant de référence est fixé à 1 500 euros. Le SCA a également indiqué que tous les emplois de direction d’organisme offerts aux civils étaient dotés de la NBI maximale, soit une NBI de 30 points.

2.   La prime de rendement des ouvriers de l’État

La principale indemnité perçue par les ouvriers de l’État est la prime de rendement ; cette prime est fixée en moyenne à 16 % de la rémunération horaire brute de l’agent. Dans le cadre du chantier de modernisation du statut des ouvriers de l’État, les dispositions relatives aux éléments de rémunération indemnitaires qui leur sont applicables ont été modifiées par le décret n° 2016-199 du 30 décembre 2016. Calculée jusqu’alors sur l’échelon le plus bas du groupe de rémunération, la prime de rendement est assise, depuis le 1er janvier 2017 sur l’échelon réellement détenu dans la limite du cinquième échelon.

3.   La revalorisation de la rémunération des agents contractuels : vecteur majeur d’attractivité et de fidélisation des personnels aux compétences rares dans un contexte de forte concurrence avec le secteur privé

Le recrutement par contrat, on l’a vu, offre de la souplesse dans la fixation de la rémunération des agents. La politique salariale menée par le ministère des Armées vise non seulement à recruter des agents dans des métiers de pointe et très concurrentiels sur le marché du travail mais aussi à fidéliser ces agents. C’est pourquoi le ministère a entrepris une démarche de revalorisation des grilles de rémunération des filières du renseignement et des systèmes d’information et de communication. En effet, les grilles existantes qui alignaient les rémunérations des contractuels sur celles des fonctionnaires du ministère dataient de 2009. Cette refonte devra être poursuivie en 2021 pour garantir la réalisation des recrutements.

a.   Le cas des métiers du renseignement

Dans le domaine du renseignement, la DGSE recrute principalement des agents contractuels depuis une dizaine d’années. L’un des domaines de recrutement les plus concurrentiels qui intéressent la DGSE est celui des ingénieurs et des techniciens dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Afin de rester concurrentielle et attractive, la DGSE réalise, depuis plusieurs années des études sur les salaires d’embauche des jeunes diplômés, notamment pour les ingénieurs. En croisant les données présentées par la presse spécialisée, trois niveaux de salaire d’embauche ont été identifiés. Ainsi, selon leur cursus universitaire et potentiellement leur spécialité, les jeunes candidats se voient proposer des rémunérations cohérentes avec celles proposées par le secteur privé, fondées sur un des trois niveaux définis.

Cependant, même si cette politique de révision des salaires d’embauche porte ses fruits lors du recrutement des jeunes ingénieurs, les salaires de ces agents, après plusieurs années de présence dans le service, ne suivent pas une évolution similaire à ceux de leurs homologues du secteur privé. La principale conséquence de cet écart de plus en plus important a été une augmentation sensible du nombre de démissions. Ainsi, afin de garantir une plus grande stabilité des ingénieurs au sein de la direction technique, une étude comparative a été effectuée en 2017 sur les salaires des ingénieurs informatiques du secteur privé. Cette étude a permis, dès 2018 et grâce à un budget exceptionnel obtenu auprès de la DRH-MD, d’effectuer un réalignement du salaire d’environ 300 ingénieurs de la DGSE afin de rapprocher leurs rémunérations de celles auxquelles ils pourraient prétendre dans le secteur privé. Le résultat de ce travail a permis de constater, dès 2019, une baisse significative des démissions concernant les ingénieurs appartenant à la direction technique.

La DGSE a néanmoins fait remarquer que la rémunération, si elle était un élément clef du recrutement, n’était pas le seul levier à utiliser s’agissant du recrutement de profils rares dans le domaine linguistique. En effet, pour cette catégorie particulière d’agents contractuels, l’enjeu majeur n’est pas tant la rémunération que la sécurité. Les compétences recherchées et leur niveau de maîtrise impliquent généralement que les candidats retenus possèdent des liens avec l’étranger. Pour chaque recrutement de ce type, le service met en balance son intérêt à recruter avec le risque qu’il encourt en recrutant.

b.   Le cas des métiers du cyber

La problématique de la fidélisation se pose de façon tout aussi importante dans le domaine cyber que dans celui du renseignement. Les experts du domaine de la cybersécurité sont difficiles à recruter et plus encore à conserver. À cet égard, l’effort accompli en 2019 pour revaloriser leur grille indiciaire permet aux services du ministère des Armes d’être plus compétitifs, surtout en début de carrière. Ainsi un jeune diplômé est aujourd’hui recruté entre 2 500 et 3 000 euros, ce qui est comparable aux offres du secteur privé. Pour les nouveaux contrats, les primes et parts variables sont désormais intégrées au salaire de base.

c.   La fidélisation des ICT, une politique volontariste de la DGA

Afin de fidéliser les ICT, la DGA mène une politique volontariste s’appuyant sur plusieurs axes. Des parcours professionnels attractifs sont proposés à ces cadres et la DGA mène aussi une politique de rémunération adaptée, reposant sur trois piliers principaux :

– accorder aux ICT les plus prometteurs des « coups de pouce », dans une logique de différenciation des rémunérations ;

– fidéliser les agents de valeur en corrigeant les éventuels écarts de rémunération trop importants entre leur rémunération et le salaire auquel ils pourraient prétendre dans le secteur privé en leur accordant des revalorisations exceptionnelles ;

– assurer la reconnaissance de la performance des ICT.

4.   La comparaison entre rémunérations des fonctionnaires et des agents sous contrat fait apparaître un mouvement de convergence progressif

a.   La nécessité d’aligner la rémunération des agents contractuels de niveau III de la filière administrative sur celle des fonctionnaires de catégorie C

Selon les informations fournies aux rapporteurs, dans la filière administrative, les agents sous contrat de niveau III sont moins bien rémunérés que les agents titulaires de catégorie C. En effet, leur grille de rémunération, datant de 2009, est obsolète. Le ministère des Armées a donc l’intention en 2022 d’aligner la rémunération de ces personnels contractuels administratifs sur celles des fonctionnaires. Les rapporteurs souscrivent à la volonté du ministère des Armées de procéder à un tel alignement.

En dehors de cette filière, les personnels de catégorie C et les agents sous contrat de niveau III ont des rémunérations comparables.

Il semble par ailleurs que les agents de catégorie C soient moins bien rémunérés au ministère des Armées que dans d’autres administrations de l’État, raison pour laquelle ce ministère cherche à augmenter leurs primes. Le ministère a par ailleurs engagé entre 2019 et 2021 un plan de requalification de certains fonctionnaires de catégorie C en catégorie B, s’étant aperçu que ces fonctionnaires occupaient en fait des postes de catégorie B – par exemple dans le domaine de la gestion administrative et de préliquidation de la paie. Lors de cette requalification, les personnels bénéficient d’une reprise de leur ancienneté. Le ministère des Armées souhaiterait proroger ce plan en 2022-2023 – pour un coût d’environ 410 000 euros par an.

Les rapporteurs proposent de revaloriser la rémunération des agents titulaires de catégorie C en alignant le niveau de leurs primes sur la moyenne haute de l’ensemble des ministères. Ils préconisent en outre une accélération du plan de requalification des fonctionnaires de catégorie C en catégorie B, avec reprise de l’ancienneté des personnels concernés.

b.   Des rémunérations comparables pour les fonctionnaires de catégorie A et les contractuels de niveau I, sauf dans les filières en tension

Les rapporteurs notent que la rémunération des fonctionnaires des catégories A et B est à peu près équivalente à celle des agents contractuels de niveaux I et II, sauf dans les métiers en tension – informatique, cyber, renseignement etc. – où les personnels contractuels sont mieux rémunérés que les fonctionnaires de catégorie A, pour les raisons de compétition avec le secteur privé évoquées plus haut. Ils constatent aussi des écarts de rémunération significatifs en début de carrière entre ingénieurs contractuels et ingénieurs statutaires. Ces écarts tendent à dissuader les jeunes agents de s’engager dans la fonction publique, jugée moins attractive en première partie de carrière, et incitent à des départs dans le secteur privé.

En dehors de ces métiers en tension, les rapporteurs notent un mouvement de convergence entre rémunération des fonctionnaires et des agents contractuels.

B.   Le levier statutaire ?

Le statut de fonctionnaire et, dans une moindre mesure, la contractualisation à durée indéterminée garantissent l’existence pérenne d’un vivier de personnels œuvrant au service de l’intérêt général. Cela étant, si le statut a pu naguère être attractif dans la mesure où il assurait la sécurité de l’emploi et où les agents avaient le service public « chevillé au corps », les évolutions sociétales sont telles que les rapporteurs s’interrogent quant à l’actualité d’un tel constat. Il semble en effet que les jeunes générations aient une moindre appétence pour la carrière de fonctionnaire, notamment du fait d’un intérêt plus marqué pour des parcours plus divers, plus mobiles, d’un rapport moins évident à la hiérarchie au sein d’organisations complexes, mais aussi d’une image parfois dégradée de la fonction publique. Outre des rémunérations en moyenne inférieures au secteur privé, sont parfois tournées en dérision, dans le débat public, sa supposée rigidité ou les garanties qui s’y attachent. Cependant, la notion de service public, spontanément associée au statut de fonctionnaire, est encore fortement mobilisatrice et porteuse de sens. Les conséquences économiques de la crise sanitaire pourraient conférer un avantage conjoncturel à embrasser carrière dans la fonction publique – ou à s’engager comme ouvrier de l’État voire à le redevenir – mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce point.

C.   Le levier de la formation : adapter continuellement les compétences aux évolutions des métiers et favoriser l’avancement des agents

Dans un ministère aux métiers en constante évolution, l’adaptation continue des compétences et des emplois est indispensable. L’offre de formation du ministère des Armées vise à faire en sorte que les personnels civils puissent mettre à jour leurs compétences pour s’adapter aux besoins de leurs employeurs et de leurs métiers. C’est aussi un outil d’avancement pour les agents souhaitant préparer les concours et les examens de la fonction publique.

1.   Les droits à formation des personnels civils

Les personnels civils du ministère des Armées peuvent demander([107]) jusqu’à deux formations lors de leur entretien annuel d’évaluation, en complément des formations demandées par leur employeur. Selon la nature de la demande, leur compte personnel de formation est utilisé ou la demande est traitée au titre de la formation continue ministérielle.

2.   Les centres de formation centraux de Bourges et d’Arcueil

Le service des ressources humaines civiles de la DRH-MD définit et pilote les formations des personnels civils du ministère, conformément aux directives de la DGAFP. Les formations proposent par le ministère des Armées, dans les filières techniques, administratives et sociales ainsi que dans le domaine managérial, sont dispensées dans les deux centres de formation du ministère : le centre de formation de la Défense à Bourges et à Arcueil et le centre de formation au management du ministère de la Défense([108]) (CFMD).

Le centre de la formation de la Défense (CFD) assure les formations statutaires des filières techniques, administratives et sociales, et les formations continues des personnels. Il pilote également les formations en ligne, permettant aux agents de se former sur leur propre site et répondant ainsi aux difficultés de mobilité et d’emploi du temps, freins à l’accès à la formation au sein du ministère. Enfin, le centre organise les préparations aux concours et examens professionnels.

Quant au centre de formation au management du ministère de la Défense (CFMD), il a pour mission de développer les pratiques de gestion des cadres civils et militaires. Le ministère souhaite faire de la formation des cadres un pilier de la transformation de la fonction publique.

3.   La déconcentration des formations assurées par les centres ministériels de gestion

Chaque centre ministériel de gestion propose des formations aux personnels qu’il gère. Il fait ainsi venir des formateurs sur place – par exemple, dans le domaine de la bureautique, très demandé par les personnels civils –, ce qui évite aux personnels d’avoir à se rendre dans les centres nationaux([109]).

4.   La rénovation en cours de l’organisation des formations

Dans le sillage des schémas directeurs de la formation professionnelle tout au long de la vie, pilotés par la DGAFP, la DRH-MD a engagé une rénovation du processus de formation de son personnel civil, tant dans son architecture que dans son contenu. Les axes stratégiques retenus par la DRH-MD visent l’instauration de parcours de formation en lien avec les parcours professionnels, une approche par compétences, des formations croisées, le recours accru aux bilans de compétences et aux outils de mentorat. La DRH-MD souhaite aussi faire en sorte que les employeurs soient plus étroitement associés à l’offre pédagogique du ministère et qu’ils puissent « commander » des parcours de formation.

En outre, le ministère s’est engagé à financer 1 500 parcours de validation des acquis de l’expérience([110]). Une quarantaine de nouveaux parcours sont ainsi pris en compte chaque année. À la demande conjointe des employeurs et des agents, des diplômes ou des certificats peuvent être financés sur le temps de travail. En outre, le centre de formation de la Défense (cf. supra) propose aux agents des formations de préparation à tous les concours et examens professionnels du ministère des Armées, qui ne sont jamais décomptées des comptes personnels de formation des agents, quelle que soit leur durée.

Enfin, selon les informations fournies à la mission d’information par la DRH-MD, en 2021 et 2022, des actions ciblées pour promouvoir les dispositifs personnels comme le compte personnel de formation, le congé de formation professionnelle et le bilan de compétences devraient être engagées.

D.   Le sens de la mission : plus qu’un vecteur d’attractivité, une vocation

Lors de leur déplacement à Brest, Landivisiau et Guipavas, de même que lors de leurs auditions, les rapporteurs ont pu mesurer à quel point les personnels civils étaient fiers de leur appartenance au ministère des Armées. Au cours de la visite des rapporteurs à l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre, plusieurs personnels civils ont fait part de leur attachement à cet hôpital et du fait qu’ils ne souhaitaient nullement le quitter pour aller travailler au centre hospitalier universitaire voisin. Il ne fait aucun doute qu’œuvrer aux côtés des militaires sans porter l’uniforme, c’est, pour les personnels civils, servir la défense du pays par d’autres moyens que celui des armes. Les personnels civils de défense ont le même esprit et les mêmes valeurs que leurs camarades militaires : contribuer à un monde plus sûr, à l’autonomie et à la souveraineté de la Nation, en appui des forces. Ce sens de la mission est indéniablement, pour de nombreux personnels civils, un vecteur d’attractivité – à tous les niveaux d’emploi et de responsabilité.

En outre, plusieurs chefs et directeurs de service ont insisté sur l’intérêt des postes offerts au ministère de la Défense ainsi que des projets uniques menés par ce dernier : des postes et des projets sans équivalent dans le secteur privé. C’est notamment le cas du COMCYBER qui a indiqué aux rapporteurs qu’au-delà des considérations techniques et financières, de nombreux personnels civils rejoignant cette entité soulignaient que les postes qui leur étaient proposés donnaient un véritable sens à leur action – sens que le secteur privé ne saurait leur offrir. C’est bien sûr également le cas des postes proposés par les services de renseignement mais pas seulement : l’ensemble des services du ministère des Armées – dans l’infrastructure, le maintien en condition opérationnelle… – présente cet attrait.

III.   Mettre en valeur les parcours de carrière

Les rapporteurs ont été alertés du fait que certains personnels civils avaient des parcours professionnels morcelés en raison de la succession des restructurations et des réformes intervenues au ministère des Armées (A).

Ils constatent également que la règle de la mobilité volontaire complique l’élaboration de parcours de carrière dynamiques (B).

Enfin, ils tiennent à rappeler l’importance de la reconnaissance immatérielle du mérite (C).

A.   Des personnels aux parcours parfois morcelés du fait de la succession des restructurations au ministère des Armées

Le ministère des Armées est en constante évolution depuis une vingtaine d’années. Après la fin des arsenaux et les restructurations du début des années 2000, il a connu – on l’a vu – une réduction majeure de ses effectifs. Parallèlement, l’organisation du soutien a été profondément modifiée avec la création des bases de défense et l’interarmisation de certains services comme ceux de l’infrastructure ou du commissariat des armées. Aujourd’hui, le ministère est en phase de réorganisation de son échelon central, dans le cadre de la politique dite « OCM » (organisation centrale du ministère).


La réforme de l’organisation centrale du ministère des Armées

Dans une circulaire du 5 juin 2019([111]), relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, le Premier ministre a décliné sept axes de réforme : renforcer l’efficacité des administrations centrales, simplifier le paysage administratif en réduisant le nombre d’instances et de commissions rattachées aux administrations centrales, rapprocher les administrations des citoyens et des territoires, aller le plus loin possible en matière de déconcentration, améliorer le fonctionnement du travail interministériel, encadrer et revoir l’usage des circulaires et, enfin, mieux suivre l’impact des réformes.

En conséquence, la ministre des Armées, Mme Florence Parly, a lancé en septembre 2019 la réforme de l’organisation centrale du ministère (OCM), c’est-à-dire des états-majors, des services([112]) et de l’administration. Cette réforme, qui vise à « dégager des marges de manœuvre en termes d’effectifs pour redonner du muscle sur le terrain([113])  » et à « renforcer les pôles d’expertise en région, le ministère restant trop centralisé en région parisienne », se décline selon plusieurs axes :

- le recentrage des missions et la concentration de l’organisation du SGA ;

- l’évolution de la DGA, avec la création de l’Agence de l’innovation de défense et la simplification de l’organigramme de la direction ;

- les fonctions transverses du ministère, telles que la communication, les ressources humaines, les finances, les achats et l’international sont réexaminées, afin de « libérer les énergies » et d’« encourager les échanges » ;

- la révision des parcours professionnels des cadres civils et militaires.

Le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur souligne l’intérêt de cette réforme à différents égards, qu’il s’agisse de ses apports au profit de l’innovation de défense – à laquelle contribuent pleinement les civils du ministère – ou de l’attention portée aux parcours professionnels des cadres civils – dont les auditions menées auprès des différentes directions et services démontrent toute la pertinence. Il considère que le renforcement des pôles d’expertise en région va dans le bon sens de même que le dispositif de suivi des réformes au sein du ministère. Il convient en effet de mieux évaluer les réformes passées et en cours afin de trouver un équilibre entre adaptations nécessaires et logique de « réforme permanente », parfois mal vécue par les services.

Pour le co-rapporteur Alexis Corbière, cette réforme affiche un objectif assumé que résument les propos de la ministre des Armées, celle-ci ayant indiqué que cette réorganisation visait à « dégager des marges de manœuvre en termes d’effectifs » et à « libérer les énergies » sous couvert de simplification administrative. Compte tenu de sa mise en application récente et des inquiétudes légitimes que cette réorganisation suscite – tant du fait des suppressions de postes que des problèmes de parcours professionnels qu’elle entraîne –, le co-rapporteur Alexis Corbière préconise l’évaluation de cette réforme afin de déterminer les conséquences de la circulaire du 5 juin 2019 sur le parcours, l’emploi et la rémunération des effectifs du ministère des Armées. In fine, la succession de ces « restructurations », présentées comme des avancées majeures, n’a pas fait la preuve de son efficacité ni de son efficience pour nos armées.

Les personnels civils comme militaires vivent au quotidien ces évolutions. Selon les organisations syndicales, certains d’entre eux ont, des parcours professionnels morcelés.

Les rapporteurs notent que le ministère des Armées, par le biais de sa direction des ressources humaines comme de ses chefs de service, fournit des efforts de reclassement de ses personnels, notamment dans le cadre de la mission d’accompagnement des réorganisations (MAR) et de la délégation à l’aménagement régional([114]).

Ils en veulent pour preuve l’opération RH menée par le directeur du service parisien de soutien de l’administration centrale (SPAC), à la suite de sa dissolution en décembre dernier. Dans ce cadre, le directeur du service a mis en application un plan d’accompagnement des restructurations (PAR). L’objectif de la mise en application de ce type de plan, en cas de restructuration, est de faire en sorte que les agents soient traités au mieux. Le plan distingue ainsi plusieurs cas de figure, lorsqu’un poste est transféré à un autre service, selon que le transfert entraîne un changement substantiel ou pas. En cas de transfert sans changement substantiel, le personnel civil doit rester en poste – sauf à demander une mutation pour convenance personnelle. En cas de changement substantiel, le personnel concerné est mis en attente de poste.

Autre exemple, le service du commissariat des armées a présenté les actions qu’il menait dans le cadre de sa manœuvre de ressources humaines, 3 050 agents dont 1 300 personnels civils – 770, en tenant compte des départs à la retraite – étant concernés par un changement substantiel de fonction, une mobilité géographique ou une suppression de poste entre 2019 et 2025. Le SCA vise à assurer à ses personnels de toutes les catégories un accompagnement le plus individualisé possible de cette restructuration.

Par ailleurs, les chefs et directeurs de service auditionnés par la mission d’information ont tous insisté sur la nécessité d’établir, autant que faire se peut, de véritables parcours professionnels pour les agents civils.

B.   La règle de mobilité volontaire complique l’élaboration de parcours professionnels dynamiques au profit des personnels civils

Les parcours professionnels des civils de la défense ne sont pas organisés mais laissés à l’initiative des agents, de sorte que les civils n’ont pas toujours une vision claire de leur parcours professionnel à cinq ans.

Si les militaires, mobiles de par leur statut, bénéficient d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, tel n’est pas le cas des personnels civils si ce n’est de façon parcellaire. Ainsi, le nouveau système d’information des ressources humaines (SIRH) du ministère des Armées, en application depuis le 1er octobre 2020, ne couvre pas encore l’intégralité des fonctions nécessaires à une véritable gestion prévisionnelle : il comporte des fonctionnalités en matière de gestion administrative et de préliquidation de la paie mais pas encore d’indications s’agissant de l’expérience professionnelle passée des agents ni des formations qu’ils ont suivies.

En matière de mobilité, l’article 30 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a instauré le principe d’édiction de lignes directrices de gestion relatives à la mobilité du personnel civil. Celles du ministère des Armées sont entrées en vigueur au 1er février 2020([115]) même si le ministère des Armées disposait déjà d’un document cadre de la mobilité des personnels civils. Elles prévoient :

- le principe d’une mobilité dans le cadre d’un changement de corps ou grade pour assurer la correspondance entre le niveau du poste occupé et le niveau de l’agent ;

- la recommandation d’une durée de deux ans minimum (hors année de stage avant titularisation) pour les primo-affectations ;

- enfin, l’instauration de durées d’occupation maximales à certains postes stratégiques ou en tension([116]).

Dans le cadre de ces lignes directrices de gestion, le ministère des Armées réaffirme que la DRH-MD souhaite « accompagner les agents dans l’accomplissement de leur parcours professionnel en fonction des potentiels de chacun ». À cet effet, les lignes directrices de gestion prévoient des créneaux d’avancement adaptés à des déroulements de carrière à durées rapide, moyenne et longue.

Cependant, malgré cette affirmation du principe d’obligation de mobilité lors d’un changement de grade ou de corps et de la possibilité d’assortir certains postes de durées minimales ou maximales d’affectation, la mobilité reste choisie par l’agent et aucun mécanisme à l’heure actuelle ne permet de l’imposer([117]). Les incitations à la mobilité fonctionnelle et géographique prévues par le régime indemnitaire des fonctionnaires ne sont pas suffisantes pour être efficaces. En outre, les contraintes personnelles et familiales sont un frein important à la mobilité géographique.

Cette situation de fait empêche d’ouvrir plus largement des postes à responsabilité aux agents civils. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le directeur central du SID a souligné la difficulté qu’il y avait à créer un vivier d’ingénieurs civils de la défense, très peu d’entre eux ayant pris la responsabilité d’un emploi fonctionnel de conseiller technique de défense ou une fonction managériale significative.

En outre, la mobilité étant à l’initiative de l’agent, elle ne peut pas toujours être anticipée, ce qui engendre des vacances de postes non maîtrisées. L’élaboration de parcours professionnels, qui s’accompagnent d’une gestion plus individualisée des carrières et des mobilités, doit permettre de mieux anticiper et maîtriser les mobilités.

Selon les informations fournies à la mission d’information par la DRH-MD, le taux de mobilité des personnels civils était de 11 % en 2019.

Il pourrait être envisagé :

– d’assortir les changements de grade d’une obligation de mobilité fonctionnelle – à bien distinguer de la mobilité géographique – pour le personnel des catégories techniques, comme cela se fait pour le personnel de catégorie administrative ;

– d’identifier des postes à durée limitée et de favoriser des dispositifs d’alternance de commandement entre personnels militaires et civils, sans être contraint à des montages compliqués en organisation. Cette évolution est prévue par la loi de transformation de la fonction publique mais n’a pas encore été mise en application par le ministère des Armées.

Il conviendrait également, là où c’est possible, de favoriser la mobilité géographique des personnels civils à l’intérieur d’un même bassin d’emplois.

Enfin, les rapporteurs suggèrent d’organiser, sur le modèle du plan annuel de mobilité des militaires, des périodes privilégiées de mobilité([118]) deux fois par an : l’une au printemps, l’autre à l’automne, afin que tant les personnels que les chefs de service gagnent en visibilité.

Proposition n° 9 : Organiser des périodes privilégiées de mobilité pour les personnels civils.

L’élaboration d’une véritable gestion prévisionnelle des emplois civils permettrait à l’ensemble des employeurs de personnels civils de mieux positionner une ressource humaine comptée et offrirait à chaque personnel des perspectives de carrière selon un parcours professionnel valorisant. L’objectif d’une telle gestion prévisionnelle doit reposer sur une logique de gains réciproques : pour le service employeur qui disposerait d’une ressource parfaitement positionnée comme pour l’individu qui aurait une réelle vision sur son déroulement de carrière.

Une telle gestion suppose qu’on puisse adapter les compétences par des formations adaptées aux besoins, faute de pouvoir se satisfaire de la formation initialement acquise par le personnel. Il faudrait, par exemple, pouvoir compléter les formations communes du monde civil par des briques de formations de spécialité ciblées, quitte à renforcer les capacités de formation pour absorber cette charge.

Les rapporteurs notent que le service de santé des armées a créé un groupe de travail relatif aux parcours professionnels de ses personnels paramédicaux. L’objectif de ce groupe de travail est de disposer, pour l’ensemble des professions paramédicales civiles, d’une fiche descriptive des parcours professionnels possibles. Ces fiches permettront de faire connaître ces professions à l’extérieur du SSA, notamment lors des salons professionnels ; de disposer d’un support régulièrement actualisé où apparaissent les missions, grades et indices de rémunération, les modalités de recrutement et d’avancement ; enfin, de présenter aux personnels du service les parcours professionnels possibles. Les rapporteurs se félicitent de cette initiative.


 

Les freins à la mobilité des fonctionnaires vers les services de renseignement

La question de la mobilité est particulièrement prégnante au sein des services de renseignement. Comme le soulignait déjà la délégation parlementaire au renseignement dans son rapport public d’activité pour l’année 2018, il existe des freins à la mobilité des fonctionnaires vers les services de renseignement, et en particulier vers les deux services du ministère des Armées qui ne recrutent, n’affectent ni ne gèrent leurs agents : la direction du renseignement militaire et la direction du renseignement de la sécurité et de la défense. Ces deux services sont ainsi tributaires d’autres directions du ministère des Armées – et des trois armées, s’agissant de leur vivier militaire – pour abonder leurs postes. Seule la DGSE, on l’a vu, dispose d’un statut autonome pour ses agents civils et échappe ainsi à cette difficulté s’agissant de ses personnels civils.

Lors de son audition du 9 mars dernier devant la commission de la défense, le général Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire a évoqué des pistes de réflexion intéressantes en matière de mobilité des agents du renseignement : « Comment mutualiser cette ressource rare entre services et organiser des parcours croisés ? L’un des intérêts de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme est de coordonner ces travaux interservices. Un groupe de travail était chargé de réfléchir sur la mobilité interservices, en vue de proposer à nos personnels civils des parcours de carrière qualifiants. Si nous n’avons pas toujours la taille critique pour offrir des parcours de carrière qualifiants, en revanche, dans la communauté nationale du renseignement, nous pourrions construire des parcours de carrière intéressants, d’autant que le croisement des cultures est bénéfique pour tous. Tous les services sont d’accord sur le principe, mais dans la pratique, la mobilité se heurte à des problèmes de statuts, de rémunération ou d’avantages ».

C.   Un équilibre à trouver entre construction de parcours professionnels et fidélisation

La construction de parcours professionnels est un enjeu majeur pour l’ensemble des chefs de service employeurs de personnels civils. Il convient toutefois de trouver un point d’équilibre entre la nécessaire mobilité permettant d’enrichir les parcours individuels et l’exigence de fidélisation des personnels leur permettant de capitaliser leur expérience au regard de la complexité croissante des métiers.

Les services employeurs à petits effectifs ne sont pas toujours en mesure d’offrir des parcours professionnels complets à leurs fonctionnaires, en particulier s’agissant des personnels de catégorie A. Si l’intérêt des postes et des responsabilités offertes à un jeune attaché ou ingénieur civil de la défense sont indéniablement reconnues de tous, il devra ensuite, s’il veut progresser, poursuivre sa carrière chez un autre employeur au sein du ministère ou ailleurs.

La mobilité répond à un souci légitime de construire un parcours professionnel valorisant en cherchant à acquérir de nouvelles compétences. Par ailleurs, au niveau du ministère, la mobilité a été également promue par la mise en place des « tickets mobilité » qui rehaussent le niveau de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) dès lors que l’agent effectue un mouvement latéral, après une durée de 3 ans sur son poste, ou ascendant.

Cependant, les services à petits effectifs, tels que le service de l’énergie opérationnelle par exemple, veillent aussi à fidéliser les compétences de leurs agents, et notamment de leurs ouvriers de l’État. Compte tenu du contrat opérationnel et de la projection régulière du personnel militaire en opérations extérieurs, le personnel civil de ces services assure une fonction d’expertise indispensable à leur bon fonctionnement. Son expérience est une réelle plus-value pour la mémoire des établissements.

D.   De l’importance de la reconnaissance immatérielle du mérite

En complément de la valorisation des parcours professionnels, les rapporteurs sont convaincus de l’importance des témoignages de reconnaissance immatérielle du mérite des agents. Cette reconnaissance peut prendre la forme de témoignages de satisfaction, de lettres de félicitations ou de la nomination aux ordres nationaux du mérite et de la légion d’honneur. Le ministère des Armées mène une politique active en la matière : par d’exemple, le service du commissariat des armées a indiqué aux rapporteurs qu’il fournissait un effort soutenu pour présenter de solides dossiers de récompense pour l’ordre national du mérite, notamment au profit de ses chefs d’organisme.

IV.   Maintenir un dialogue social soutenu à tous les échelons et garantir des conditions de travail optimales

Compte tenu de la contribution essentielle des personnels civils aux missions des armées ainsi qu’à la souveraineté et à la résilience de la nation, les rapporteurs jugent indispensable de garantir le maintien d’un dialogue social soutenu à tous les échelons (1) mais aussi de garantir aux agents des conditions de travail optimales (2).

A.   Garantir un dialogue social soutenu à tous les niveaux de décision en valorisant le rôle des organisations syndicales

1.   L’état du dialogue social

a.   Le dialogue social s’organise à plusieurs niveaux

Les représentants du personnel civil sont élus tous les quatre ans. Une organisation syndicale est considérée comme représentative dès lors qu’elle dispose d’au moins un siège au sein d’un comité technique obligatoire à l’issue des élections professionnelles. Au ministère des armées, les comités techniques obligatoires sont le comité technique ministériel([119]), les comités techniques d’administration centrale – qui, comme leur nom ne l’indique pas, sont des comités techniques de proximité – et les comités techniques de base de défense([120]). Ainsi, une organisation syndicale est représentative au niveau ministériel si elle a au moins un élu au comité technique ministériel. Elle est représentative localement si elle dispose d’au moins un siège à un comité technique de proximité – comité technique d’administration centrale ou comité technique de base de défense. Seules les organisations syndicales représentatives peuvent participer([121]) au dialogue social formel qui se déroule dans les instances :

– élues (comités techniques, commissions consultatives paritaires unifiées, les commissions administratives paritaires, commissions paritaires spécifiques aux ingénieurs et cadres technico-commerciaux, commissions d’avancement des personnels à statut ouvrier([122])),

– désignées (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, conseil central de l’action sociale([123])),

– ou encore dans les groupes de travail sur les thématiques relevant du champ de la compétence des comités techniques.

b.   Le résultat des dernières élections professionnelles

En 2019, les instances de dialogue social du personnel civil, élues à la suite du scrutin du 6 décembre 2018, se sont constituées. Le tableau ci-dessous présente la répartition des sièges par les organisations syndicales au comité technique ministériel.

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Quatre organisations syndicales sont désormais représentatives au niveau ministériel, contre six à l’issue du scrutin de 2014.

c.   Un dialogue social soutenu

Dans le bilan social du ministère des Armées pour 2019, le directeur des ressources humaines souligne que « le dialogue social et la concertation ont été entretenus dans une ambiance constructive malgré un climat social délicat et des chantiers complexes à porter comme la loi de transformation de la fonction publique, la réglementation sur les délégations syndicales à temps complet ou encore le dossier des retraites([124])». C’est également le constat que dressent les rapporteurs à l’issue de leurs auditions et de leur déplacement dans le Finistère et ce, à la suite d’une année complexe pour les personnels du ministère qui ont dû s’adapter aux circonstances de la crise sanitaire.

Les principaux thèmes de revendication des organisations syndicales, évoqués tout au long du présent rapport d’information, concernent :

– le ratio personnel militaire-personnel civil et la demande de recrutement massif de personnels civils afin de compenser les départs et de pérenniser ainsi les filières du soutien sous peine d’externaliser certaines fonctions ;

– les restructurations([125]) ;

– la mise en œuvre d’une véritable gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) – comme on l’a vu supra ;

– l’amélioration de la reconnaissance, du rôle et de la place des personnels civils, également évoquée plus haut ;

– la prise en compte des spécificités du dispositif de santé et de sécurité au travail du ministère des Armées([126]).

S’agissant plus particulièrement des ouvriers de l’État, les organisations syndicales se disent préoccupées :

– par la concurrence avec le secteur privé notamment dans le domaine aéronautique ;

– par les conséquences de la réforme des retraites sur ce statut([127]).

2.   Les effets de la loi de transformation de la fonction publique sur le rôle des organisations syndicales en matière d’avancement

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a fait évoluer le rôle des commissions administratives paritaires([128]). Ces commissions, instances de représentation des personnels titulaires de la fonction publique dans chaque administration, ont été restructurées par catégorie de fonctionnaires et recentrées sur les décisions individuelles défavorables. Désormais, elles n’examinent([129]) plus les décisions relatives aux avancements, aux promotions internes, aux mobilités et aux mutations.

Désormais, dans le cadre du comité technique ministériel([130]) – qui se réunit au printemps et à l’automne en présence de la ministre des Armées, de l’état-major des Armées et de la DGA –, la DRH-MD([131]) présente aux organisations syndicales représentatives les nouveaux textes réglementaires en matière de ressources humaines, une liste de sujets déterminée en accord avec les organisations syndicales mais aussi, en application de la loi du 6 août 2019, les lignes directrices de gestion. Dans ce cadre, les syndicats peuvent être forces de proposition sur certains grands principes sans plus pouvoir toutefois intervenir en matière de décisions individuelles.

À la suite du comité technique ministériel de l’automne dernier, un dialogue social informel s’est mis en place soit avec les centres ministériels de gestion (pour les personnels des catégories B et C), soit avec le SRHC (pour les personnels de catégorie A), ce dont le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur se félicite. Ce dialogue informel, qu’il se déroule dans un cadre bilatéral ou multilatéral, permet aussi d’associer les organisations syndicales juridiquement constituées et non représentatives.

Au service de l’énergie opérationnelle, par exemple, ce dialogue informel se concrétise par la tenue d’une réunion bilatérale entre la direction du service et chaque organisation syndicale une fois par an ; par l’évocation des dossiers qui appellent une attention particulière de la part des organisations syndicales pour tous les avancements de grade et promotion de corps pour l’année à venir ; enfin, par l’évocation de tous sujets en relation avec l’avancement et promotion.

Le co-rapporteur Alexis Corbière préconise de rétablir le rôle des commissions administratives paritaires en matière d’examen des décisions individuelles d’avancement, de promotion interne, de mobilité et de mutation.

B.   Garantir les meilleures conditions de travaiL

Les rapporteurs estiment qu’il est impératif de garantir au personnel civil du ministère des Armées les meilleures conditions de travail possible. Ils se félicitent donc que la ministre des Armées ait fait le choix de faire bénéficier aux personnels civils deux tiers des mesures du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, plus couramment appelé « plan famille » (1). Les rapporteurs notent également qu’en réponse à la crise sanitaire, le ministère a adapté l’organisation du travail des personnels civils afin de concilier sécurité sanitaire des personnels, sécurité des réseaux informatiques et continuité de l’activité des services (2).

1.   L’accompagnement social des personnels civils dans le cadre du plan famille : un effort à poursuivre

Selon les informations fournies par la DRH-MD, quelque deux tiers des actions du plan Famille bénéficient aux personnels civils du ministère des Armées([132]).

Ainsi, les mesures prises en charge par le service de l’action sociale des armées, bénéficient aux personnels civils, qu’il s’agisse de la prestation de soutien en cas d’absence prolongée ou de l’aide au parent divorcé ou des mesures d’aide en cas de mobilité du conjoint, prises en charge par Défense mobilité.

Certaines mesures tendant à favoriser la scolarité des enfants, dans le cadre d’actions d’information ou d’aide aux démarches, bénéficient également aux personnels civils.

Les mesures de rénovation des résidences de l’Institut de gestion sociale des Armées (IGESA), prévues dans le cadre du plan Famille, peuvent bénéficier aux civils de la Défense. De la même façon, la politique du logement([133]) de la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), les actions réalisées en matière d’infrastructure par le SID et les mesures d’amélioration de la condition du personnel – telles que l’accès au wifi en garnison – profitent aussi aux civils du ministère des Armées. Les personnels civils logés en enceinte militaire ou en bâtiment cadre célibataire, s’ils ne sont pas nombreux, bénéficient bien évidemment des mesures d’amélioration de ces hébergements.

Le tableau ci-dessous présente le nombre de personnels civils logés dans le parc domanial du ministère ou bénéficiant d’un logement réservé par convention, par le ministère :

 

Nombre de locataires CIVIL au 31/12/2020 en métropole

 

Réservé par convention

Domanial

Pris à bail

Total

Total général

4 731

1 195

1

5 927

 

Enfin, citons les mesures de soutien aux associations, l’accès aux services ATLAS, l’offre hôtelière([134]) et l’harmonisation des tarifs des cercles mess bénéficient aussi aux familles de personnels civils.

Compte tenu des remarques qu’ils ont formulées supra en matière de mobilité, les rapporteurs souhaitent présenter quelques observations en matière de célibat géographique, phénomène qui n’est pas propre aux personnels militaires. Si le célibat géographique pose un problème de logement à certains personnels civils, ces derniers ont théoriquement droit d’être hébergés dans les bâtiments cadres célibataires (BCC) mais ces bâtiments sont le plus souvent saturés. Les rapporteurs estiment donc qu’il conviendrait que le ministère crée de nouvelles places d’hébergement en BCC au profit de ses personnels civils. Une autre solution pour accompagner les célibataires géographiques consisterait à leur accorder une certaine souplesse dans leur emploi du temps et à leur garantir la possibilité de télétravailler([135]). Les rapporteurs considèrent aussi que l’aide au déménagement dont bénéficient actuellement les militaires – soumis à une obligation de mobilité – pourrait utilement être étendue aux personnels civils.

Des mesures d’accompagnement spécifiques pour répondre aux problématiques propres à certains services : l’exemple des personnels civils de la direction du renseignement de la sécurité et de la défense

Les agents civils de la direction du renseignement de la sécurité et de la défense, tout comme leurs homologues militaires, travaillent dans un environnement professionnel leur imposant nombre de contraintes, renforcées par le fait qu’ils sont tous forcément habilités au niveau « secret défense » au sein de la direction. Le strict respect de ces contraintes de sécurité n’est pas sans conséquences sur leur vie personnelle. Ainsi, une obligation de discrétion s’impose à eux pour l’ensemble des informations dont ils ont connaissance, vis-à-vis de leur entourage ainsi que sur les réseaux sociaux. Une vigilance de tous les instants est exigée de ces personnels dans leurs déplacements personnels et professionnels. Enfin, la discrétion qui pèse sur eux peut les pénaliser dans leurs démarches de recherche d’un nouvel emploi ou de logement. S’agissant plus particulièrement de la question du logement, la présence en Île-de-France de 72 % des emplois civils ouverts par la DRSD pénalise incontestablement les agents de catégorie B ou C, ou des contractuels de niveau équivalent pour lequel la DRH ministérielle impose parfois des contrats d’un an. Dans ce cas de figure, les agents concernés n’entrent pas dans les conditions d’attribution d’un logement par le bureau du logement ministériel ; ce qui a un effet dissuasif certain.

Conscient de ces difficultés, et pour parer à toutes difficultés d’ordre social, la DRSD a créé en 2019 une section « condition du personnel et environnement humain » ayant pour mission de faciliter et d’améliorer les conditions d’intégration du personnel nouvellement affecté et de sa famille. Le service mène également une politique en faveur de l’emploi des conjoints.

Si les rapporteurs ne s’étendent pas sur les mesures du plan Famille dans le présent rapport – une mission d’information([136]) venant d’être créée au sein de la commission de la Défense nationale et des forces armées pour traiter spécifiquement de ce plan –, ils tiennent cependant à saluer les efforts de politique sociale menés par le ministère des Armées en faveur de ses personnels civils. Les rapporteurs estiment que cette politique devra être poursuivie et renforcée dans les années à venir.

2.   Une politique active de réorientation professionnelle bénéficiant au personnel civil

Défense mobilité, service à compétence nationale créé en 2009 et rattaché à la DRH-MD, accompagne la manœuvre RH du ministère et contribue à son attractivité mais aussi à la fidélisation de ses compétences. Ce service propose au DRH-MD, compte tenu des impératifs de gestion, les orientations de la politique générale de reconversion du personnel militaire et de réorientation professionnelle du personnel civil hors des fonctions publiques. En outre, il assure l’accompagnement vers l’emploi des personnels civils de la défense en situation de réorientation professionnelle hors des fonctions publiques ainsi que des conjoints, partenaires d’un pacte civil de solidarité ou concubins des militaires et des personnels civils du ministère. Le service Défense mobilité([137]) propose l’organisation du dispositif de reconversion et d’accompagnement vers l’emploi et assure le financement, le contrôle et l’évaluation des actions engagées ; il pilote et met en application la politique du ministère en matière de certification professionnelle et de validation des acquis de l’expérience ; enfin, il s’assure de la conformité d’emploi des crédits d’indemnisation du chômage au profit des demandeurs d’emploi ressortissant du ministère.

Toutes les catégories du personnel civil du ministère des Armées justifiant d’au moins six mois d’ancienneté et souhaitant s’orienter vers le secteur privé sont éligibles à un accompagnement à l’emploi par Défense mobilité, à l’exception des apprentis, des volontaires du service militaire volontaire et des agents recrutés au titre du service civique.

Selon la DRH-MD, cet accompagnement proposé jusqu’à trois ans après le départ de l’institution, concourt à l’attractivité de la marque employeurs « civils de la défense ». En 2019-2020, 349 agents civils ont ainsi bénéficié d’un accompagnement de la part de Défense mobilité, dont 83 ont accédé à l’emploi dans le secteur privé. La différence entre ces deux chiffres s’explique de deux manières. D’une part, une partie des agents non titulaires débute un accompagnement mais ne le termine pas car leur contrat au sein du ministère est finalement renouvelé. D’autre part, une part significative des fonctionnaires et ouvriers de l’État qui s’adressent à Défense mobilité n’a, in fine, pas de réel projet de transition professionnelle vers le secteur privé, et cesse par conséquent son accompagnement.

L’offre de service proposée aux personnels civils est identique à celle proposée aux ayants droit militaires concernant les prestations d’information, de validation des acquis de l’expérience, d’orientation, de préparation et d’accompagnement dans la recherche d’emploi. Depuis 2019, Défense mobilité a également acté la prise en compte d’un éventuel besoin de formation nécessaire à la mise en application du projet professionnel des agents civils du ministère. La procédure définie en liaison avec les services du SRHC, permet ainsi le financement d’une formation à hauteur maximale de 6 000 euros dans le cadre ou en complément de la mobilisation du compte personnel de formation par l’agent demandeur. En 2020, 43 demandes de formations ont été validées, contre 27 en 2019, par Défense mobilité.

Quant aux conjoints de personnels civils demandeurs d’emploi, ils sont éligibles à l’offre de service de Défense mobilité qui a développé de nouvelles mesures dans le cadre du plan famille depuis 2018. Comme les conjoints de personnels militaires, ils peuvent, à chaque mobilité de leur conjoint, accéder à des prestations d’accompagnement - externalisées ou en régie - et accéder, si leur projet professionnel le justifie, à un financement de formation professionnelle à hauteur de 6 000 euros. Depuis 2018, 169 conjoints de personnels civils accompagnés par Défense mobilité ont accédé une première fois à l’emploi. Le flux annuel d’inscriptions dans le dispositif de Défense mobilité est d’une centaine de conjoints de personnels civils.

3.   Les conséquences de la crise sanitaire sur l’organisation du travail et du dialogue social dans un ministère régalien aux missions très spécifiques

a.   Une réorganisation du ministère des Armées visant à protéger les agents tout en garantissant l’exécution des missions essentielles du ministère

À partir du mois de mars 2020, le ministère des Armées, comme les autres ministères, a établi un plan de continuité de l’activité, dans le double objectif de protéger ses agents et de garantir l’exécution des missions essentielles des armées. Il a réorganisé ses services pour limiter la présence de ses personnels sur leur lieu de travail. L’application du plan de continuité d’activité a pu exiger que des agents se trouvent en activité sur leur poste de travail, en « présentiel » en permanence. Lorsque la présence des personnels n’était pas requise sur le lieu de travail pour satisfaire ce plan, le choix prioritaire recommandé depuis le début de la crise sanitaire a été le télétravail, celui-ci devant s’exercer soit avec les équipements requis (Smobi et clé Cryptosmart), soit en l’absence du matériel spécifiquement dédié. Lorsque le recours au télétravail était impossible, les personnels du ministère ont obtenu une autorisation spéciale d’absence de leur chef de service.

Pour favoriser cette réorganisation et répondre à la forte demande de télétravail, la DIRISI a consacré dès le premier semestre 2020([138]) près de 25 millions d’euros à l’acquisition en urgence de matériels et services pour faire face à la crise sanitaire.

b.   Une mise en application du plan de continuité de l’activité qui a été adaptée à la spécificité de chaque service

Si le ministère des Armées est, par essence, un ministère de la gestion de crise, c’est aussi un ministère régalien devant garantir la sécurité absolue de son réseau informatique. C’est en outre un ministère ayant une multiplicité d’activités ne pouvant s’exercer à domicile, pour les personnels civils comme pour les personnels militaires. C’est pourquoi la mise en application du plan de continuité de l’activité a été adaptée par chaque service.

Ainsi, au service du soutien de la flotte (SSF), le télétravail a été proposé à l’ensemble du personnel, en concertation avec leurs représentants. Le taux de présence a fluctué selon les mesures gouvernementales, passant de moins de 20 % en mars 2020 à 35 % en avril 2020 puis à 80 % à compter de mai 2020. La DIRISI a équipé les personnels en outils informatiques mais pas en nombre suffisant pour pouvoir équiper tout le personnel. Durant la première période de confinement le plan de continuité d’activité du service a été activé, permettant d’assurer les missions prioritaires et le maintien des opérations de maintien en condition opérationnelle des navires, essentielles pour la permanence opérationnelle dans le temps de la Marine. L’activité au sein du SSF s’est ainsi maintenue en prenant en compte le fait que le maintien en condition opérationnelle naval était une activité essentielle à la projection des forces et que l’organisation du SSF imposait des échanges permanents avec les chantiers, les industriels et les équipages ou autorités organiques, ainsi que des interactions entre sous-directions et opérations. En d’autres termes, l’activité du SSF nécessite le maintien en « présentiel » d’un nombre conséquent de personnels. Le maintien de l’activité des équipes administratives du SSF a permis à ce dernier de rester en 2020 un excellent payeur (14 000 factures réglées, une moyenne de 21 jours de paiement) et de soutenir ainsi le tissu industriel du maintien en condition opérationnelle naval, essentiellement local – ce que saluent les rapporteurs.

Quant à la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), elle a, elle aussi, adapté son activité pour garantir la continuité des missions majeures([139]) et limiter la dette fonctionnelle([140]). Le maintien en condition opérationnelle terrestre est parvenu à préserver les missions essentielles en mettant en application un dispositif de protection et de suivi différencié. La faible concentration du personnel en ateliers et magasins et le fonctionnement par bordées ont facilité l’application des mesures barrières et de distanciation sociale au sein du service. Parallèlement, la SIMMT a élaboré des plans de continuité de l’activité tenant compte des priorités fixées et des impératifs locaux, maintenu un dialogue social permanent et constructif([141]) et fait appliquer des mesures de protection adaptées. Le commandement a accordé au niveau local une attention particulière à la gestion des personnes fragiles, à la prise de congés estivaux et à l’accompagnement du personnel malade. Enfin, le télétravail s’est généralisé dans l’ensemble des états-majors et partout où cela était possible.

Autre exemple, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense a établi un plan de continuité de l’activité le 5 mars 2020, dans le cadre duquel un système de bordées a été appliqué au moment du pic de l’épidémie à la totalité des agents militaires et civils de la DRSD. Ce système a conduit à la présence physique de 50 % d’entre eux sur leur lieu de travail, relevés alternativement toutes les deux semaines sans tuilage. Adapté au caractère stratégique des missions du service, et devant l’impossibilité de recourir au télétravail compte tenu de la matière traitée, ce dispositif a permis d’assurer une continuité de service optimale, tout en garantissant un niveau élevé de sécurité sanitaire à ses agents, civils et militaires, dont l’investissement s’est avéré remarquable sur l’ensemble de la période. Le dispositif de bordées, qui avait débuté le lundi 16 mars 2020, a pris fin le lundi 11 mai 2020, date d’application du plan de remontée progressive de l’activité établi par le service par note du 30 avril 2020. Soumis à ce même régime de bordées, le soutien « ressources humaines » de la DRSD a été assuré de manière continue pendant la période. Ainsi, les activités liées au recrutement de personnels civils ont été maintenues au prix d’un certain nombre d’adaptations, telles qu’un réaménagement des locaux afin d’assurer l’espacement physique nécessaire au respect des consignes sanitaires et la conduite des entretiens de recrutement physiques dans le respect des consignes sanitaires. Ce dispositif a permis au service de dépasser ses objectifs de recrutement, 92 recrutements civils ayant été réalisés au lieu des 64 programmés.

Tenant compte de la diversité des métiers exercés, qui ne permet guère de formuler des recommandations d’ordre général sur la pratique du télétravail – de nombreux postes nécessitant la présence physique des agents sur leur lieu de travail –, les rapporteurs encouragent les réflexions en cours sur l’extension du télétravail, dans un triple objectif :

– améliorer le bien-être et la productivité des agents en offrant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ;

– contribuer à une mobilité du quotidien plus respectueuse de l’environnement et améliorer le bilan carbone du Ministère ;

– rendre l’organisation des services plus robuste et résiliente en cas de pandémie ou de menaces graves de type NRBC.

À cet égard, la réflexion menée par la DGA sur le télétravail et la mobilité fait figure d’exemple pertinent.

Comme les autres services du ministère, la direction générale de l’armement est passée en moins d’un an de moins de 2 000 à 5 600 clefs de travail à distance. Elle a renforcé son soutien informatique et a acquis des grands écrans pour permettre à ses personnels de disposer d’une configuration adaptée au travail à domicile. Elle a aussi installé un dispositif de connexion à distance pour le confidentiel défense. Surtout, et c’est là une véritable innovation plaçant ce service à la pointe de son ministère quant à son adéquation aux évolutions sociétales, la DGA a créé des « bureaux de passage », soit une centaine de places en périphérie parisienne, permettant à ses personnels de rester en banlieue et d’éviter les embouteillages à l’entrée de la capitale. À Saclay, à Vert-le-Petit et à Val-de-Reuil. La DGA a indiqué aux rapporteurs qu’elle avait diligenté une mission, devant rendre ses conclusions en juin prochain, pour revoir l’organisation de la direction en fonction des aspirations de ses personnels.

c.   Le déroulement du dialogue social pendant la crise sanitaire

Selon les informations fournies aux rapporteurs par la DRH-MD, la crise sanitaire ne semble pas avoir remis en cause la qualité du dialogue social, tant formel qu’informel, entre l’administration et les organisations syndicales. Ce dialogue a en effet été un relais indispensable à la gestion des ressources humaines en temps de crise sanitaire : l’organisation des services de l’administration a été repensée afin notamment de maintenir un contact constant avec les organisations syndicales au travers l’instauration de cellules de crise au sein du SGA et de la DRH-MD. Le dialogue social informel a été facilité et développé grâce à la tenue hebdomadaire de conférences téléphoniques ou audiovisuelles avec toutes les organisations syndicales du ministère.

De plus, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire, le ministère a souhaité que les instances de dialogue social puissent continuer, au quotidien et dans des délais raisonnables, à exercer leurs attributions en prenant appui sur les dispositions de l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020([142]).

Pendant la crise sanitaire, ce dialogue a eu pour objet trois thèmes principaux :

– la concertation et l’information des organisations syndicales quant à l’élaboration des plans de continuité de l’Activité puis des plans de reprise progressive de l’activité au sein des instances de dialogue social ministérielles([143]) et dans le cadre du dialogue social informel ;

– la santé des agents et les risques professionnels([144])  ;

– l’organisation du travail, la situation administrative des agents, la protection des personnes vulnérables, les congés et la durée du temps de travail avec l’élaboration de plusieurs notes ministérielles déclinées en lignes directrices de gestion par chaque employeur et soumises à la concertation des organisations syndicales.

 

 


1

 

   Conclusion

En guise de conclusion, les rapporteurs tiennent à remercier chaleureusement l’ensemble des services du ministère des Armées pour leur contribution essentielle à l’élaboration de ce rapport d’information – dans des délais extrêmement resserrés et dans le contexte contraint de la crise sanitaire. Si cette crise n’a pas simplifié le travail d’auditions des rapporteurs, l’ensemble des services sollicités a fait preuve d’une disponibilité et d’une réactivité exemplaires. Sans eux, un tel rapport n’aurait pu voir le jour.

 

 

 


1

 

   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 7 avril 2021, la commission de la Défense examine les conclusions de la mission d’information sur les personnels civils de la Défense.

M. la présidente Françoise Dumas. Nous sommes réunis ce matin pour entendre les co-rapporteurs Alexis Corbière et Jean-Charles Larsonneur présenter leur rapport sur les personnels civils de la Défense. Vous avez auditionné un très grand nombre de services relevant de l’état-major des armées, du secrétariat général pour l’administration et de la direction générale de l’armement. Vous avez également effectué en janvier dernier un déplacement dans le Finistère – à Brest, à Landivisiau et à Guipavas – où les personnels civils que vous avez rencontrés vous ont fait part de leurs préoccupations quotidiennes.

Les civils de la Défense sont environ 63 000, soit quelque 23 % des effectifs du ministère. Ils se caractérisent par leur grande diversité, tant du point de vue de leurs statuts que de leurs métiers. Si ces personnels sont nombreux, ils représentent un enjeu majeur de recrutement. La loi de programmation militaire a en effet fixé des objectifs de recrutement ambitieux, en particulier dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et des nouvelles technologies. La loi de programmation militaire se veut « à hauteur d’homme » et la ministre des Armées a affirmé sa volonté de « replacer l’humain au cœur du ministère » : cela concerne aussi bien les personnels civils que les personnels militaires du ministère des Armées. Aussi, il nous a semblé important de consacrer un rapport à ces personnels trop souvent méconnus et qui jouent un rôle complémentaire à celui des militaires.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Nous vous présentons ce matin le fruit de deux mois de travail intensif, mené dans les conditions particulières, bien que désormais usuelles, de la crise sanitaire. En dépit des circonstances, tous les services du ministère des Armées se sont mobilisés pour nous présenter leur organisation et leur fonctionnement et répondre à nos interrogations sur le sujet très vaste des personnels civils de la défense.

Pourquoi un tel rapport aujourd’hui ? La question se pose dans la mesure où en décembre 2015, le contrôle général des armées rendait au ministre de la défense Jean-Yves Le Drian un rapport sur la place du personnel civil au sein des armées et services, couramment désigné sous l’appellation de « rapport Hamel », du nom de l’un de ses quatre rédacteurs. Bien que ce rapport n’ait pas été rendu public, les organisations syndicales représentatives du ministère des Armées se sont publiquement exprimées sur ses grandes lignes et en ont également évoqué la substance lors de nos auditions. La mission confiée par le ministre au contrôle général des armées consistait notamment à déterminer les conditions de relance de la politique de rééquilibrage entre personnels civils et militaires dans les différents métiers du soutien – politique annoncée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019. La doctrine d’emploi des personnels civils, contrainte à l’époque par le resserrement des effectifs, consistait alors à spécialiser les personnels civils sur les fonctions de soutien, les personnels militaires étant appelés à se concentrer sur les missions opérationnelles. Cependant, ce postulat s’est avéré délicat à mettre en œuvre pour les tâches de soutien car il est indispensable de conserver des effectifs militaires projetables. L’arrêt des déflations d’effectifs au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement – consécutif aux tragiques événements qu’a connus le pays en 2015 – a entraîné une évolution majeure du cadre de réflexion sur les personnels civils du ministère des Armées et sur cette doctrine d’emploi. Dans une période de relance progressive des recrutements et d’amélioration de l’attractivité, la question des ressources humaines du ministère des Armées s’appréhende désormais sous l’angle d’une complémentarité civilo-militaire. La loi de programmation militaire pour 2019-2025 confirme et amplifie la dynamique de recrutement de personnels civils et militaires enclenchée en 2015. Dans un tel contexte, l’enjeu majeur est peut-être moins de « civilianiser » les métiers du soutien que de relever les défis démographique et technologique. L’âge moyen des personnels civils du ministère est de 47 ans. En décembre 2019, 11 000 civils se trouvaient à moins de cinq ans de l’âge légal de la retraite et plus de 2 000 avaient atteint ou dépassé l’âge de la retraite. Dans les six ans à venir, le volume des départs à la retraite est estimé à environ 12 000, dont 5 000 pour les ouvriers de l’État et 3 300 pour les civils de catégorie C.

Si le recrutement de personnels civils de haut niveau dans des spécialités pointues et dans des métiers rares sur le plan technique ou technologique est l’enjeu primordial pour les Armées, la fidélisation des personnels civils est également déterminante dans un contexte où la concurrence du secteur privé est grande. Les personnels civils hautement qualifiés ayant engrangé une expérience professionnelle d’excellent niveau dans un ministère comme celui des Armées sont un vivier alléchant pour les entreprises privées – entreprises avec lesquelles les civils du ministère sont d’ailleurs au contact au quotidien dans l’exécution de leurs missions. La politique de fidélisation du ministère des Armées suppose d’offrir aux personnels recrutés non seulement des niveaux de rémunération compétitifs mais aussi d’actionner tous les leviers à la main des gestionnaires et employeurs pour offrir à ces personnels de vrais parcours de carrière et de leur garantir le maintien de conditions de travail et de vie optimales.

Si le défi de recrutement est la première raison ayant motivé ce rapport, il en est une seconde : rendre hommage à l’engagement et au dévouement sans faille des personnels civils du ministère des Armées. Il a beaucoup été fait allusion – à très juste titre – au rôle indispensable de nos militaires dans la gestion de la crise sanitaire, en particulier dans le cadre de l’opération Résilience. Le rôle tout aussi indispensable des personnels civils, qui œuvrent chaque jour au soutien des forces, a sans doute été moins mis en lumière. Le fil rouge du présent rapport est bien le caractère indispensable de la ressource humaine – « remise au cœur du ministère » par la ministre des Armées – et, en l’occurrence, de la ressource humaine civile au profit de la souveraineté et de la résilience de la Nation.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Notre réflexion sur les personnels civils s’articule en deux temps. Nous souhaitons tout d’abord présenter les personnels civils en mettant l’accent à la fois sur leur singularité et sur leur très grande diversité. Nous présentons également la gestion de ces personnels qui diffère grandement de la gestion des personnels militaires. Dans un second temps, nous reviendrons sur les grands enjeux auxquels le ministère est confronté et que le co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur vient de vous citer brièvement : recruter pour répondre au défi démographique, fidéliser en actionnant tous les leviers à disposition, notamment la rémunération, valoriser ou ne serait-ce que construire de vrais parcours professionnels et enfin, garantir des conditions de travail dignes en associant les organisations syndicales.

Premier point, les personnels civils qui sont 23,3 % des effectifs, soit 63 000 personnes environ, du ministère des Armées, sont caractérisés par leur très grande diversité – tant sur le plan statutaire que sur le plan des métiers exercés.

Les personnels civils, qui travaillent chaque jour aux côtés des militaires, s’en distinguent à la fois sur le plan statutaire et sur le plan de la gestion puisque les civils font l’objet d’une gestion de stock quand les militaires font l’objet d’une gestion de flux. De même, le statut et la condition militaire soumettent les personnels militaires à de nombreuses sujétions, ce qui n’est pas le cas des personnels civils. En dépit de ces différences majeures de statut, personnels civils et militaires travaillent en complémentarité étroite. Cela a été souligné plusieurs fois et mis en lumière pendant la crise sanitaire : les personnels civils contribuent à la souveraineté de notre pays et à notre indépendance. Ils sont parfaitement conscients que de leur travail dépend la vie de leurs camarades militaires parfois projetés sur les théâtres d’opération.

Une fois rappelé ce point important, venons-en à la grande diversité des personnels civils. Cette diversité concerne tant le statut que les métiers. On distingue quatre statuts principaux : les personnels civils fonctionnaires, recrutés par concours ; les personnels contractuels ; les ouvriers de l’État ; enfin, les personnels civils de recrutement local, sur lesquels nous nous attarderons dans cette présentation. Compte tenu du temps imparti, je ne reviendrai pas sur le statut des fonctionnaires de l’État, bien connu de tous ici. Quant aux personnels contractuels, nous en reparlerons lorsque nous présenterons la seconde partie du rapport.

Avant d’évoquer plus en détail les personnels civils de recrutement local, je reviendrai quelques instants sur les ouvriers de l’État car le maintien de cette catégorie constitue un enjeu majeur pour les services du ministère des Armées. Ces personnels ouvriers bénéficient d’un statut ad hoc. Ce ne sont pas des fonctionnaires et en ce sens, ils bénéficient de leur propre grille de rémunération et de leur propre système de retraite. Ils ne sont pas recrutés par concours mais après essais. En décembre 2016, la liste des métiers ouverts au statut d’ouvrier de l’État a été resserrée puisque seuls vingt-et-un métiers peuvent désormais donner lieu à recrutement d’ouvriers de l’État. Leur population est aujourd’hui en baisse, ce d’autant plus que les plus âgés d’entre eux partiront à la retraire dans les deux ans qui viennent. Si ce statut d’ouvrier de l’État est régulièrement critiqué, nous tenons tous deux à insister sur son caractère indispensable dans des métiers de pointe : il n’est pas possible ni pertinent de recruter des fonctionnaires de catégorie C pour exercer l’un des vingt-et-un métiers – hautement techniques et nécessitant des savoir-faire de pointe – qui sont aujourd’hui identifiés par décret. Ce statut doit impérativement être maintenu pour permettre au ministère des Armées de disposer de la ressource humaine nécessaire à l’accomplissement de ses missions.

Nous en venons à présent aux personnels civils de recrutement local. Permettez-nous de nous attarder quelques instants sur cette catégorie de personnels. En effet, la question de leur sort lors du retrait des forces françaises a soulevé d’importantes questions depuis 2012, notamment concernant le conflit en Afghanistan.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Employés depuis des décennies par les forces armées françaises déployées à l’étranger, les personnels civils de recrutement local ont vu leur droit à la protection fonctionnelle reconnu par la jurisprudence et leur cadre d’emploi évoluer à la suite de la relocalisation d’anciens personnels de recrutement local afghans. Les personnels civils de recrutement local, ou PCRL, exercent des missions de soutien des forces mais aussi parfois une assistance aux forces armées dans la conduite de leurs opérations.

Lors des opérations militaires menées en soutien du gouvernement afghan, la France a eu recours à des personnels civils de recrutement local. Certains ont été employés en tant qu’interprètes dans les déploiements des forces sur le terrain, d’autres ont occupé des fonctions de soutien variées, comme la restauration ou le gardiennage dans les lieux de vie des emprises militaires françaises. À la diversité des emplois occupés par les personnels civils de recrutement local s’ajoute une hétérogénéité des durées des contrats souscrits, pouvant aller de quelques jours à plusieurs années. Au total, 1 067 personnels civils de recrutement local ont servi les forces armées françaises en Afghanistan, dont 538 interprètes.

Si le retrait des forces françaises d’opérations extérieures n’avait jusqu’alors jamais suscité de requêtes notables d’anciens personnels de recrutement local – dans la mesure où à l’issue de ce retrait, la situation du pays concerné s’était nettement améliorée –, tel n’a pas été le cas en Afghanistan, pays qui demeure l’un des plus dangereux du monde. C’est dans ce contexte sécuritaire que le Gouvernement français a été saisi de demandes de relocalisation, en trois temps.

La première phase de relocalisation en 2012-2013 a consisté en un dispositif d’exfiltration en urgence et dans la discrétion. Cette phase fut lancée à l’initiative des forces françaises présentes sur le théâtre. Le processus a comporté l’octroi aux anciens personnels civils de recrutement local d’une prime de licenciement ; l’octroi à ces derniers, le cas échéant, d’une indemnité forfaitaire à la mobilité en Afghanistan ; pour les cas les plus sensibles, un accueil en France. Soixante-quatorze dossiers ont été examinés, ce qui représentait 183 visas en comptant les familles. L’élaboration du processus de sélection des personnels civils de recrutement local admissibles à l’obtention d’une protection diplomatique par la France a soulevé la question des anciens personnels recrutés localement ayant été employés par les forces françaises. En avril 2013, près de 110 dossiers de demandes de visas ont été écartés. Selon le ministère des Armées, ces demandes émanaient de civils afghans qui, certes, avaient travaillé aux côtes des Français, mais n’étaient pas, d’après lui, « directement employés par la Force ».

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Le périmètre de ce premier dispositif a été contesté par un collectif d’avocats, créé par Mme Caroline Decroix, alors avocate au barreau de Paris, dans une lettre ouverte en date du 8 avril 2015 au Président de la République. Ce collectif souhaitait interpeller le chef de l’État sur la situation des personnels civils recrutés en Afghanistan par les forces armées françaises et sur ce que ce collectif considérait comme « les carences du dispositif ad hoc mis en place et visant en théorie à assurer la protection de ces personnels ». Le 5 mars 2015, d’anciens interprètes recherchant la protection de la France ont alors manifesté devant l’ambassade de France à Kaboul. La deuxième vague de relocalisations s’est déroulée sous l’égide de l’ambassade de France, les forces françaises n’étant plus présentes en Afghanistan à cette date. Des représentants du ministère des Armées étaient néanmoins présents dans les commissions d’examen. Cette deuxième vague a conduit à l’arrivée en France de nombreux ex-PCRL et de leurs familles en deux temps.

En août 2015, 11 ex-PCRL et leurs familles, soit 41 personnes au total, sont arrivés en France et ont été hébergés dans des logements du ministère de la défense. Entre mars et novembre 2016, en neuf arrivées successives, 103 ex-PCRL et leurs familles, soit 377 personnes, sont arrivés en France et ont été accueillis dans 35 villes. La vice-présidente de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française, Mme Caroline Decroix, indique « qu’à l’époque déjà, le collectif d’avocats s’est interrogé sur le choix du Gouvernement de mettre en place une procédure ad hoc ne faisant pas l’objet de mesures de publicité ». N’ayant pas pu, faute de moyens, introduire de recours contentieux concernant les 149 personnels ayant essuyé un refus de visa, le collectif d’avocats a introduit 39 contentieux devant le tribunal administratif de Nantes et 9 pourvois en cassation devant le Conseil d’État. Dans deux décisions de décembre 2017, le juge administratif a considéré que l’urgence justifiait que soit prononcée la suspension d’un refus de visa lorsque l’exécution d’une telle décision de refus portait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à la situation de deux interprètes afghans.

 

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. La troisième vague de relocalisations d’anciens personnels civils recrutés en Afghanistan, en 2018, a fait suite à la volonté du Président de la République de voir reconsidérée la situation des ex-PCRL dont les demandes de visa avaient été rejetées. À la fin de l’année 2018, l’État a envoyé une mission interministérielle comprenant des représentants des ministères de l’Europe et des affaires étrangères, des Armées et de l’Intérieur pendant un mois à Islamabad pour auditionner les demandeurs. Cinquante-et-un ex-PCRL et leurs familles, soit 218 personnes, se sont vu délivrer un visa de long séjour.

Dans deux décisions rendues à la fin de l’année 2018 et au début de l’année 2019, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que le principe général du droit de protection des agents publics s’étendait aux agents recrutés sous contrat de droit local et que la protection fonctionnelle pouvait dans certaines circonstances prendre la forme de la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour. Les PCRL arrivés en France en exécution de décisions de justice en matière de visa, d’asile ou de protection fonctionnelle, titulaires d’un visa de long séjour, se voient délivrer, comme leurs conjointes, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dès leur entrée sur le territoire national et bénéficient d’un droit au séjour pérenne. Ils ont ainsi la possibilité d’accéder au marché du travail et de solliciter le bénéfice des mécanismes d’aide sociale de droit commun.

L’état-major des armées a tiré plusieurs enseignements du désengagement des forces armées des opérations récentes afin de mieux circonscrire les risques associés à la phase de désengagement d’une opération. Nous avons eu avec le co-rapporteur Alexis Corbière des échanges nourris sur les leçons à tirer de cette expérience.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Pour ma part, si je me félicite des avancées jurisprudentielles de 2018 et 2019 ayant permis de mieux protéger nos personnels civils de recrutement local, je tiens tout d’abord à souligner les carences graves des précédentes procédures de relocalisation. Il aura fallu trois procédures de relocalisation, entre 2012 et 2018, pour traiter les demandes de nos anciens auxiliaires afghans s’étant engagés aux côtés de nos armées, parfois au péril de leur vie. Sur un théâtre d’opération où le Conseil d’État a reconnu lui-même des risques élevés pour ces personnels, certaines demandes n’ont pu aboutir que six ans après le départ des troupes françaises, tandis que d’autres sont toujours en cours d’examen. Or, rappelons-le : pour de nombreux PCRL, leur coopération avec les forces françaises a été la cause d’un danger accru pour leurs personnes et celles de leur entourage : une telle attente a été préjudiciable et périlleuse. Ces trois procédures témoignent donc d’une impréparation des gouvernements successifs quant au sort réservé à ces personnels traduisant une certaine indifférence à leur égard. Je ne reviendrai pas sur les failles déjà évoquées de ces trois procédures expérimentales et sans base légale qui confirment ce diagnostic.

Aussi, en dépit de ces trois processus de relocalisation, d’autres PCRL – sans que le Gouvernement sache combien précisément – furent contraints à l’exil pour échapper aux menaces qui planaient sur eux du fait de leur engagement aux côtés de nos forces. Cette problématique n’appartient donc pas au passé. Au contraire, elle intéresse les théâtres d’opérations actuels et futurs, comme dans le cadre de l’opération Barkhane où les mêmes interrogations se poseront. Certaines réponses des autorités semblent parfois manquer d’esprit d’anticipation. Le 18 octobre 2018, en réponse à une question de mon collègue Bastien Lachaud, le Général Lecointre déclarait à propos des PCRL déployés en Afghanistan : « Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent ». Éviter de reproduire les écueils des précédentes relocalisations implique de prévoir des dispositifs clairs et objectifs, d’anticiper au regard de l’expérience acquise pour mieux protéger ces PCRL. C’est précisément la raison pour laquelle j’estime nécessaire l’adoption d’un dispositif légal de relocalisation, entérinant les avancées jurisprudentielles ayant étendu le champ de la protection fonctionnelle aux personnels civils de recrutement local. L’objectif n’est pas d’être généreux mais juste. Il n’est pas rigide mais adapté et serait adaptable par des modifications ultérieures. Il éviterait la précipitation car garanti par la loi, qui reste selon moi la plus grande source de sécurité et d’égalité. Un tel dispositif permettra aux PCRL, que leur contrat soit en droit français ou en droit local, de bénéficier de droits spécifiques : soit du versement d’une indemnité forfaitaire dans le pays d’intervention, soit d’une relocalisation par l’obtention d’une carte de résident, d’un droit d’accès au logement social et de droits sociaux si le PCRL est exposé à des menaces en raison de son recrutement par nos forces armées. Les mêmes droits devront être ouverts aux PCRL arrivés la suite d’une procédure contentieuse, par suite d’une décision de justice. Ainsi, je préconise l’extension du champ de la protection fonctionnelle au noyau familial des PCRL, c’est-à-dire aux descendants et collatéraux tels que les frères et sœurs. Pour ma part, considérant que le recrutement des PCRL est cadré et limité – leur recrutement n’est pas infini et répond à des besoins précis – je ne crois pas que cette mesure risquerait de créer un effet d’opportunité ou de conduire à de faux espoirs. Elle serait au contraire une mesure de bon sens, en assurant protection et suivi pour chaque personnel menacé, tout en exprimant la pleine reconnaissance de nos Armées et de la France à leur égard.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Comme Alexis Corbière, je tiens à rappeler combien je suis attaché à une protection fonctionnelle clairement définie, efficace et de nature à promouvoir tant la sécurité des agents que le bon fonctionnement de nos armées sur les théâtres extérieurs. Si le « livre noir » de la protection des PCRL a été régulièrement écrit par des commentateurs assumant leur orientation critique, voire à charge, rarement un travail visant à un réel effort d’objectivité a été conduit. Ce rapport en est l’occasion. Il présente des éléments inédits et j’espère qu’il sera lu par ceux qui s’intéressent à ce sujet. Je constate que, malgré l’urgence initiale et le caractère protéiforme, irrégulier dans le temps et souvent sensible des demandes effectuées, des efforts importants ont été accomplis par l'administration française pour s’adapter à la situation et relocaliser ces anciens personnels sur le territoire national.

Je voudrais remettre en perspective la citation du général François Lecointre qu’a faite à l'instant Alexis Corbière – citation issue d’une audition devant cette même commission en octobre 2018, car elle est un peu plus complète. Le chef d’état-major des Armées indiquait : « Lorsque j’étais en poste à Matignon, je me suis beaucoup occupé de la question des interprètes afghans, qui relevait de la plus grande complexité. Beaucoup a été fait, par l’ambassade de France en Afghanistan ainsi que par le préfet qui avait été désigné par décision interministérielle pour gérer ces PCRL ; ils ont accompli un travail considérable. Bien évidemment, nous continuons de recourir à ces personnels, parmi lesquels nous comptons d’ailleurs peu d’interprètes. Je ne crois pas que nous ayons prévu de dispositif particulier pour éviter que certaines situations ne se reproduisent. Très clairement, le jour où nous quitterons le Mali, dont j’espère qu’il aura alors retrouvé la paix, nous devrons nous poser la question et anticiper le nécessaire digne traitement des PCRL. C’est à juste titre que vous posez la question ; nous allons mettre en place les moyens d’une anticipation, y compris d’un suivi de ces personnels dans la durée. Nous devons établir des bases de données afin de les recenser, car souvent des personnes indiquent avoir servi l’armée française alors que nous n’en avons aucune trace. Je veillerai à ce que ces moyens soient bien mis en œuvre. Par ailleurs, le Mali n’est pas l’Afghanistan, et vous savez que j’ai dit que cette opération sera nécessairement longue, car notre ambition est de ramener ce pays à la paix. » C’est aussi un point important et on y reviendra peut-être dans les questions : le Mali n’est pas l’Afghanistan. Nous avons des relations anciennes avec ce pays, parfois des PCRL travaillent depuis des générations au service de l’armée française. Par conséquent, il est évident que les conditions de suivi et d’accompagnement de ces personnels ne sont et ne seront pas les mêmes en Afrique que celles connues en Afghanistan. Je tiens également à rappeler ce qu’est la protection fonctionnelle, sa raison d’être, son utilité même. Il s’agit de la sécurité d’agents ayant servi l’armée française. À ce titre, je ne pense pas qu’elle doit être indûment étendue, confondue avec le droit d’asile ou encore galvaudée par l’octroi de droits exorbitants a priori. Recruter des personnels de qualité au service de la France, les rémunérer et les protéger d’éventuelles menaces liées à leur emploi, c’est autant l’intérêt de nos armées que la fierté de notre pays. Mais instituer, dès la signature d’un contrat avec un PCRL, un droit automatique à l’installation en France avec sa famille et ses collatéraux, assorti de l’ensemble des droits sociaux offerts par la France à ses ressortissants, c’est trahir l’esprit et la lettre de la protection fonctionnelle. Je rappelle que les collatéraux de nos propres militaires ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle. Ce serait aussi, possiblement, inciter à des comportements opportunistes qui ne seraient pas forcément bénéfiques à nos armées et, en outre, contraire à l’objectif que la France s’est donnée de manière générale à l’étranger : promouvoir des partenariats bénéfiques à l’activité locale plutôt que de susciter des espoirs d’expatriation.

Sur l’idée d’un dispositif légal de relocalisation, je dois confesser une forme de scepticisme. Parmi les différents pays de la coalition internationale intervenue en Afghanistan, l’ISAF, certains ont privilégié cette voie légale, par exemple les États-Unis, d’autres non, par exemple le Royaume-Uni, mais tous ont adapté leur dispositif au fil de l’eau. Je constate que l’inscription dans la loi de ce dispositif n’est pas la garantie en soi d’une meilleure protection. À ce jour, la jurisprudence du Conseil d’État paraît suffisamment extensive et complète pour couvrir l’ensemble des situations présentes en Afghanistan, sur de futurs théâtres, et répondre à une grande diversité de situations. D’ailleurs, même si le cas ne s’est pas encore présenté au contentieux, cette jurisprudence paraît aussi suffisante concernant des personnels recrutés par des sociétés d'intérim. À mon avis, il vaut mieux travailler sur l’information, le recensement, le suivi et, le cas échéant, l’accompagnement des personnels.

Voilà nos quelques remarques sur les PCRL. Nous allons à présent élargir notre propos à l’ensemble du champ de notre rapport.

Si nous avons présenté la grande diversité des statuts des personnels civils du ministère des Armées, nous voudrions également insister sur la richesse des métiers qu’ils exercent. Dans les limites physiques de notre rapport, nous ne pouvons pas présenter tous ces métiers oralement aujourd’hui. Nous avons fait le choix d’en présenter les grands ensembles et de mettre en lumière la diversité des métiers exercés dans deux services du ministère des Armées, que nous avons retenus pour des raisons opposées :

– l’un, parce qu’il est peu connu : le service interarmées des munitions, avec les métiers de la pyrotechnie ;

– l’autre, parce qu’il est au contraire très connu par ses hôpitaux et qu’il a très médiatisé pendant la crise sanitaire : le service de santé des armées.

Nous n’avons pas le temps, dans le cadre de cette présentation orale, de revenir sur tous les métiers de ces deux services. Nous vous renvoyons à notre rapport pour en découvrir la richesse. Nous nous contenterons ce matin de rendre hommage au rôle indispensable de l’ensemble des personnels civils – comme des personnels militaires, d’ailleurs – du service de santé des armées dans la crise sanitaire et d’insister sur l’urgence de transposer à leur profit les mesures du Ségur de la santé.

Je dirai maintenant quelques mots de la gestion des personnels civils au ministère des Armées. Cette gestion est très différente de celle des personnels militaires qui, elle, est directement assurée par chacune des trois armées. La gestion des civils fait apparaître une distinction entre autorités gestionnaires et autorités employeurs. Une entité gestionnaire est chargée de l’administration de 82 % des personnels civils du ministère : le service des ressources humaines civiles (SRHC), opérateur placé au sein de la direction des ressources humaines. Les 18 % restant sont directement gérés, pour des raisons sur lesquelles nous revenons en détail dans le rapport, par le service de santé des armées (SSA), par la direction générale de l’armement (DGA) et par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Face au service des ressources humaines civiles de la DRH-MD, on trouve trois grands employeurs : l’état-major des armées, le secrétariat général pour l’administration et la direction générale de l’armement. Cette organisation duale entre gestionnaires et employeurs se retrouve aux échelons national, régional et local.

Pour synthétiser notre sentiment à l’égard de cette gestion, nous pouvons dire au terme de nos auditions qu’elle est cohérente mais qu’elle pourrait, sur certains points, gagner en souplesse. Nous en prendrons deux exemples. Le premier est celui du référentiel en organisation, outil de gestion instauré en 2017, dans lequel chaque employeur exprime ses besoins en matière de ressources humaines. Cet outil est exprimé pour l’année N+1 et l’année N+6, au moyen d’emplois-types définis dans le référentiel des emplois ministériels. L’organisation de chaque service y est décrite de manière très précise avec une couleur d’uniforme – ou pas, si un poste est décrit comme destiné à un civil – et un grade. Cet outil paraît en première approche d’une grande simplicité et a le mérite de l’efficacité. Cependant, il semble poser des difficultés à plusieurs directions et services.

Un autre aspect technique qui a été pointé par les directions et services est la sincérisation des marges frictionnelles. La marge frictionnelle correspond à une marge de gestion allant au-delà des effectifs autorisés. Ce mécanisme offre notamment la possibilité d’assurer un tuilage entre personnels sortants et entrants dans un service. Le ministère des Armées a demandé à l’ensemble de ses employeurs de supprimer cette marge frictionnelle dans un objectif de mise en cohérence entre la description des postes en référentiel en organisation et les effectifs autorisés. Cette marge frictionnelle a été supprimée et remplacée par une marge de gestion très nettement moins importante. Si cette suppression ne pose pas problème à tous les services, dans certains d’entre eux, pour des raisons historiques, cette marge frictionnelle correspondait à un besoin essentiel. Pour eux, la suppression brutale de cette marge de manière ponctuelle a posé des problèmes d’organisation.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Nous en venons maintenant à la seconde partie du rapport qui décrit les enjeux identifiés par la mission d’information. Ces enjeux sont de quatre ordres : recruter, fidéliser, valoriser les parcours professionnels des agents et, enfin, leur garantir des conditions de travail dignes et un dialogue social de qualité.

Le recrutement est évidemment le défi numéro un du ministère des Armées, pour les civils comme pour les militaires. S’agissant des civils, ce défi de recrutement s’explique par deux phénomènes cumulatifs. D’une part, les suppressions de postes massives ayant été imposées au ministère dans le cadre de la revue générale des politiques publiques – entre 2009 et 2015. Ces suppressions sont venues s’ajouter aux restructurations des années 2000, avec la fin des arsenaux qui fut un coup assez dur porté à notre souveraineté industrielle en matière de Défense. D’autre part, le deuxième phénomène est démographique. L’âge moyen des personnels civils du ministère est de 47 ans et 46 % des personnels civils ont 50 ans ou plus. En décembre 2019, 11 009 civils se trouvaient à moins de cinq ans de l’âge légal de la retraite et 2 152 avaient atteint ou dépassé l’âge de la retraite. Les départs à la retraite représentent 45 % des sorties définitives enregistrées chaque année – 69,5 % de ces sorties définitives chez les ouvriers de l’État. Dans les six ans à venir, le volume des départs à la retraite est estimé à environ 12 000, dont 5 000 pour les ouvriers de l’État et 3 300 pour les civils de catégorie C.

Dans ce contexte, le ministère recourt à toutes les voies possibles de recrutement.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Le recrutement par concours, bien sûr, mais aussi le recrutement par contrat qui est devenu en 2020 le premier mode de recrutement des nouveaux arrivants. Si le recours au contrat se développe, c’est notamment parce que l’organisation de concours présente des rigidités – il faut jusqu’à onze mois avant l’arrivée des lauréats – et parce que, parfois, les nouvelles générations ont une moindre appétence que les précédentes pour les carrières très linéaires. C’est aussi parce que le contrat est le seul moyen d’offrir des rémunérations compétitives dans les secteurs soumis à une forte concurrence avec le secteur privé – qu’il s’agisse des ingénieurs, des data scientists, des traducteurs interprètes de langue rare ou des spécialistes des métiers des nouvelles technologies et du cyber, pour ne citer que quelques exemples. Le législateur, dans la loi de programmation militaire puis la loi de transformation de la fonction publique, a progressivement étendu la possibilité pour le ministère des Armées de recourir au contrat pour recruter.

En dehors du concours et du contrat, les services du ministère peuvent aussi recruter des militaires souhaitant se reconvertir dans le civil, ce qui présente pour ces services l’avantage de recruter des personnels acculturés au milieu et expérimentés. Enfin, le ministère des Armées mène une politique très active en matière d’apprentissage. S’il signe désormais 2 000 contrats d’apprentissage par an, il poursuit aussi ses efforts pour garder les apprentis qu’il a formés, une fois leur contrat terminé.

Compte tenu de l’enjeu majeur que constitue la nécessité de recruter 5 000 civils par an, la cellule de communication du SGA mène une politique de communication très active et vient tout juste de créer la marque « Civils de la défense » pour donner plus de visibilité à ces métiers. Cette communication passe par de multiples relais, tels que les réseaux sociaux et les salons de recrutement.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Le deuxième enjeu pour le ministère, une fois les personnels recrutés, est de les fidéliser. Cette fidélisation passe par plusieurs vecteurs. On en citera quatre : le statut, tout d’abord, la rémunération, bien sûr, la formation et, enfin, la nature des missions exercées. S’agissant de la rémunération, le ministère des Armées tend à définir les grilles les plus attractives possible pour éviter à ses personnels contractuels d’être tentés d’aller dans le secteur privé, souvent à proximité des lieux de production. Certains formateurs regrettent que sitôt formés, des jeunes s’en aillent travailler pour des entreprises privées, en particulier dans les domaines concurrentiels dont on a parlé tout à l’heure. S’agissant des fonctionnaires, le ministère actionne le levier indemnitaire pour valoriser l’effort accompli par ses agents. En matière de formation, le ministère vise aussi à développer une politique active mais on constate que les personnels ont parfois des difficultés à suivre les formations proposées, non seulement parce qu’ils n’ont pas de temps réservé à la formation dans leur parcours professionnel mais aussi parce que les formations ne sont pas toujours proposées en nombre suffisant : les personnels se heurtent alors à des phénomènes d’engorgement. Enfin, les centres de formation du ministère des Armées sont localisés à Bourges et à Arcueil, ce qui – pardonnez-moi l’expression – n’est pas toujours la porte à côté pour un personnel civil employé à Brest, à Canjuers ou ailleurs. La question des formations nous paraît cruciale pour les personnels civils du ministère des Armées car ceux-ci voient que leurs camarades des armées sont, eux, perpétuellement en entraînement lorsqu’ils ne sont pas projetés en opération.

Le quatrième levier est bien sûr celui de la nature et du sens de la mission exercée. Plusieurs chefs de service du ministère des Armées l’ont souligné : les missions proposées aux personnels civils de la défense sont uniques, elles n’ont bien souvent aucun équivalent dans le secteur privé. En travaillant pour la défense nationale, les personnels civils du ministère des Armées contribuent à la souveraineté de l’outil militaire.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Après le recrutement et la fidélisation, j’en viens à présent au troisième enjeu que nous avons identifié pour les personnels civils : celui de la valorisation des parcours professionnels civils. Cette question n’est pas simple d’autant que les personnels civils du ministère des Armées côtoient des militaires qui, eux, ont un parcours de carrière bien défini. Pourquoi cette question est-elle complexe ? Parce que les personnels civils, contrairement aux personnels militaires, ne se voient pas imposer d’obligations de mobilité. Malgré l’affirmation du principe d’obligation de mobilité lors d’un changement de grade ou de corps et de la possibilité d’assortir certains postes de durées minimales ou maximales d’affectation, la mobilité reste choisie par les personnels civils. Selon les chefs de service auditionnés, cela empêche ou limite la possibilité d’ouvrir plus largement des postes à responsabilité aux agents civils. En outre, il convient de trouver un point d’équilibre entre la nécessaire mobilité permettant d’enrichir les parcours individuels et l’exigence de fidélisation des personnels leur permettant de capitaliser leur expérience au regard de la complexité croissante des métiers.

 

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Quatrième et dernier point abordé dans la seconde partie du rapport : l’importance de garantir aux personnels civils un dialogue social et des conditions de travail dignes.

Premier point, le dialogue social a connu des évolutions aux dernières élections professionnelles de décembre 2018. Désormais, quatre organisations syndicales sont représentatives : la CFDT, FO, la CGT et l’UNSA. Ce dialogue social est globalement constructif et apaisé, c’est pourquoi il importe de le préserver. À cet égard, on peut s’interroger quant à la pertinence de la réforme des commissions administratives paritaires qui, désormais, ne se prononcent plus sur les décisions individuelles en matière d’avancement.

Second point, s’agissant des conditions de travail, nous revenons dans le rapport sur deux aspects. D’une part, sur les mesures du plan famille dont bénéficient les personnels et, d’autre part, sur la gestion de la crise sanitaire au ministère des Armées. Pendant cette crise, comme le reste de l’administration de l’État, le ministère des Armées a mis en application un plan de continuité de l’activité et s’est réorganisé dans un double objectif : protéger ses agents tout en garantissant l’exécution de ses missions essentielles. La mise en application du plan de continuité de l’activité a ainsi été adaptée à chaque service. La DIRISI a distribué des clefs de travail à distance et du matériel permettant la mise en télétravail des personnels. Il reste que le fonctionnement de bon nombre de services du ministère nécessite le maintien d’un travail en présentiel. Dans les services concernés, un système de travail en bordées a été instauré afin d’éviter au maximum le contact entre les personnels. Enfin, certains services, tels que la DGA, ont été particulièrement innovants, voyant dans la crise sanitaire l’occasion de réétudier son organisation du travail.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. En conclusion, nous souhaiterions évoquer à nouveau l’impression générale qui s’est dégagée de l’ensemble de nos travaux, tant lors de notre déplacement à Brest que lors de nos auditions. Celle de personnels dévoués, pleinement impliqués dans leur mission – au service de la souveraineté de la France et de la résilience de la Nation. Ce sens du service public, cet engagement, ce dévouement : voilà ce qu’il nous importait de mettre en valeur dans ce rapport – par-delà la multiplicité et la richesse des profils des personnels civils dont nous avons voulu rendre compte.

M. Fabien Gouttefarde. Ce rapport me touche particulièrement, moi qui étais, qui suis encore statutairement et qui redeviendrai peut-être un personnel civil de la défense. L’exercice est un peu difficile puisque l’on n’a pas eu la chance d’avoir votre rapport quelques jours avant l’audition. Plusieurs de mes questions ont trouvé réponse dans votre présentation, notamment celle de savoir si les problématiques rencontrées en Afghanistan risquaient de se retrouver au Mali ou lors d’opérations futures. Je comprends du propos d’Alexis Corbière que c’est possible. Le temps que vous avez consacré à la question des personnels civils de recrutement local (PCRL) m’a interrogé sur la problématique de votre rapport. Je me suis demandé si le thème des personnels civils n’était pas une excuse, voire un prétexte, pour aborder en réalité le problème des PCRL et mettre de côté l’ensemble des personnels civils. Je comprends que votre rapport est plus équilibré. Les personnels civils sont un objet conséquent et on peut donc s’interroger sur la manière dont vous avez trouvé la problématique sur un sujet aussi large.

Il y a un peu plus d’une dizaine d’années, lorsque j’ai choisi la voie du concours pour entrer dans cette administration, un de mes camarades de promotion, sorti également au ministère de la Défense, a reçu la mission de mettre fin au corps des ouvriers d’État du ministère de la Défense, corps dont vous avez un peu parlé. Avez-vous pu évaluer la dynamique de ce corps ? Considérez-vous que son existence est toujours pertinente, puisqu’on a considéré qu’il coûtait cher aux finances publiques ? Je crois que cette spécificité existe aussi dans d’autres ministères, de manière assez minoritaire.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Les ouvriers d’État exercent des tâches très spécifiques qu’il serait impossible de transposer dans un concours. Ces tâches nécessitant une compétence particulière, il faut garder ce statut qui nous permet de recruter des gens compétents présentant une adaptabilité aux situations.

Nous sommes conscients que la partie consacrée aux PCRL dans notre présentation était peut-être trop longue et disproportionnée du point de vue des effectifs. Toutefois, ce sujet a suscité une certaine mobilisation, des articles dans la presse et il est bon pour l’honneur de notre pays que nous ayons la possibilité de réfléchir sur le sujet afin que la situation ne se reproduise pas. J’espère que les personnels qui nous ont écoutés ne croient pas qu’il y a un désintérêt à leur égard dans le rapport, lequel n’est évidemment pas seulement consacré à cette question. Malgré une sensibilité différente, Jean-Charles Larsonneur et moi-même avons essayé de vous présenter notre angle d’analyse sur le sujet, par loyauté et par respect pour la commission. Nous aurions aimé que nos préconisations et notre réflexion permettent d’éviter que la question soulevée ne se pose à nouveau à l’avenir.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Sur les ouvriers de l’État, comme vous l’avez dit, monsieur Fabien Gouttefarde, nous revenons de loin. La dynamique historique est bien connue : arsenaux, politique de déflation, privatisations… Point essentiel, en 2015 et 2016, on a sanctuarisé 21 métiers rares, considérés comme des métiers de pointe où des compétences sont difficiles à trouver et parfois faciles à perdre. On a conforté l’idée que des filières particulières avec un système d’essais, de formation et de garantie de progression dans la carrière devaient exister pour ces métiers afin de les rendre attractifs. Sans cela, nous ne trouverions pas de personnel pour remplir ces missions, pourtant absolument essentielles à nos armées. Nous nous accordons sur ce point avec Alexis Corbière : il faut conforter ce dispositif. Lors de nos échanges avec différents services, a été évoquée l’opportunité de l’étendre, parfois, à quelques catégories supplémentaires de métiers. Je pense notamment à la logistique, revenue très régulièrement dans les discours des services et aux chaînes d’approvisionnement qui sont en effet un secteur stratégique, sur lequel il n’est pas toujours aisé de trouver des personnels formés à des métiers beaucoup plus techniques qu’il n’y paraît.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Samedi dernier, la ministre des Armées a demandé à ce que sept des huit hôpitaux militaires implantés en métropole s’emploient à contribuer à l’accélération de la vaccination des personnes recensées comme prioritaires. Dans cette lignée, la ministre a également émis le souhait qu’en cas de nécessité, les armées se concertent avec les préfets et les agences régionales de santé pour que des centres de vaccination mobiles soient parallèlement déployés sur le territoire. Bien sûr, ce n’est pas la première fois que le service de santé des armées (SSA) apporte sa contribution depuis le début de la crise sanitaire, celui-ci ayant notamment permis la mise en place d’un établissement militaire de réanimation à Mulhouse ainsi que son récent aménagement à Mayotte. Néanmoins, les militaires eux-mêmes sont susceptibles de contracter le virus et, pour cette raison, doivent également pouvoir bénéficier d’une vaccination rapide. Cela représente donc une charge de travail conséquente pour les personnels civils qui œuvrent de manière journalière au sein du SSA, d’autant plus qu’un plan de recrutement d’une centaine de médecins généralistes a été lancé par ce même service. Dès lors, sur la base de ces différents éléments, doit-on craindre que l’épidémie que nous traversons ait un impact sur la capacité opérationnelle de nos armées, dont les personnels médicaux sont réquisitionnés à cet effet ?

M. Thomas Gassilloud. Permettez-moi de saluer l’engagement des 63 000 personnels civils du ministère des Armées qui contribuent pleinement à la souveraineté de notre pays. Dans la continuité de notre collègue, M. Jean-Pierre Cubertafon, ma question portera sur le rôle des personnels civils du SSA dans la crise sanitaire que nous traversons. Cette semaine, le ministère des Armées a en effet annoncé son objectif de vacciner 50 000 Français par semaine, dans le cadre de la stratégie nationale au travers de sept hôpitaux militaires. Comment vont être employés les personnels civils du SSA dans cette crise ? En outre, l’avenir stratégique est incertain et les armées doivent avoir la capacité de gérer des pics d’activité dans une logique de stocks et pas uniquement de flux. Cela concerne bien sûr les ressources humaines, y compris les personnels civils opérant parfois des missions critiques, notamment le service interarmées des munitions (SIMu), que vous avez mentionné. Existe-t-il une réflexion sur le renforcement des personnels civils en cas de crise majeure ? Serait-il par exemple possible de davantage les mobiliser au-delà du cadre des heures supplémentaires ? Souvent, lorsqu’on parle des réservistes, on ne pense qu’aux réservistes de statut militaire. Or, il existe de nombreuses réserves civiles, de police, d’éducation ou de santé. Une telle réserve existe-t-elle pour les personnels civils du ministère des Armées ?

M. André Chassaigne. Comme notre collègue Fabien Gouttefarde, j’étais au début surpris par le développement sur les PCRL mais en définitive, je trouve bien que l’on puisse se concentrer sur des situations un peu particulières dans nos rapports, d’autant plus qu’on touche ici à des problèmes pétris d’humanité.

Concernant les ouvriers d’État, je voudrais vous interroger sur la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC). Je sais que les organisations syndicales parviennent quelquefois à signer des accords, comme cela a été le cas l’an dernier à Naval Group, avec cependant des insuffisances constatées sur l’absence d’engagement annuel chiffré pour rééquilibrer les effectifs. D’ailleurs, la demande des organisations syndicales se fait en lien avec le plan de charge qui, si l’on prend l’exemple de Naval Group, est extrêmement important et doit conduire à augmenter les capacités de production, à augmenter le nombre de salariés et à s’attacher à la qualité des formations. Au vu des rencontres que vous avez pu avoir en la matière, avez-vous des précisions à apporter ?

Ma deuxième question porte plus particulièrement sur les conséquences de l’évolution du maintien en condition opérationnelle (MCO) du matériel. Nous allons vers une implication beaucoup plus forte de l’industrie privée, notamment dans la maintenance terrestre au profit du ministère des Armées. Il y a deux ans, on relevait 15 % d’appels aux entreprises privées, tandis que l’objectif est aujourd’hui de monter à 40 %. Cela a-t-il des conséquences sur le personnel civil du ministère des Armées ? Cela ne risque-t-il pas de poser un problème de souveraineté et d’indépendance vis-à-vis des industriels privés ? Ne risque-t-on pas d’avoir une forme de perte de compétences qui pourrait s’avérer préjudiciable par la suite ?

M. Jean Lassalle. Messieurs les rapporteurs, j’ai le sentiment qu’une l’évolution est en cours en faveur d’une plus grande implication du peuple dans l’armée, et réciproquement. Cette évolution ne peut qu’entraîner une meilleure compréhension de l’ensemble de notre pays.

Avez-vous pu prendre connaissance des préoccupations ou des revendications des personnels civils du ministère des Armées concernant l’amélioration du suivi de leurs carrières, l’anticipation de leur avenir professionnel et de leur métier, ainsi que l’accès aux formations continues ?

De nouveaux métiers sont-ils proposés aux personnels civils du ministère des Armées ?

Enfin, qu’entreprend le service des ressources humaines du ministère pour permettre aux jeunes issus des quartiers défavorisés d’accéder à des postes au sein du ministère ?

M. Jacques Marilossian. Ma question porte sur le recrutement et la fidélisation. Vous avez évoqué la nécessité de fidéliser les personnels civils mais quelle est l’attractivité des métiers civils du ministère des Armées face à la concurrence, lors du recrutement des agents ? En quoi les métiers civils du ministère peuvent-ils attirer les jeunes ?

En complément de salaires compétitifs, pouvons-nous envisager, pour améliorer cette attractivité, un partenariat contractuel avec des entreprises ? Un jeune pourrait être recruté par le ministère des Armées pour une période contractuelle, de cinq ans par exemple, pour ensuite être accueilli par une entreprise. Cela permettrait d’accueillir des compétences, soit au niveau apprenti, soit au niveau ingénieur, pendant au moins cinq ans, sans avoir à affronter la concurrence des entreprises.

M. Jean-Philippe Ardouin. Au sein des armées, que le personnel soit civil ou militaire, reviennent régulièrement les questions de la fidélisation et de l’attractivité des postes. Ces enjeux ont notamment été mis en lumière dans le domaine sanitaire avec la crise de la Covid-19, s’agissant en particulier du recrutement de professionnels au service de santé des armées, et ce, dans plusieurs spécialités. Vous l’avez d’ailleurs évoqué, la comparaison, en termes de revenus, avec le secteur libéral ou privé, est souvent avancée. Au cours de vos auditions, avez-vous ressenti chez les responsables du ministère, le besoin, d’une part, de donner du sens et de valoriser les différentes missions pour mieux fidéliser les personnels civils, et d’autre part, de valoriser les grilles indiciaires du traitement des personnels civils du ministère ?

Mme Françoise Ballet-Blu. Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de l’exhaustivité et de la précision de votre rapport qui a permis de mettre en valeur l’apport essentiel de milliers de femmes et d’hommes engagés pour notre pays aux côtés des militaires. Comme vous avez pu le montrer de manière exhaustive, le personnel de santé du ministère des Armées, même s’il ne représente qu’un pourcent de l’offre de soins en France, a constitué un renfort essentiel pour lutter contre le virus. Le 13 juillet dernier, les accords du Ségur ont été signés, mobilisant près de 19 milliards d’euros afin de permettre des investissements fondamentaux en termes de personnels et de lits pour répondre à la crise. Ces accords, rappelons-le, ont été signés par trois des syndicats majoritaires. Dans ce contexte, quelle transposition concrète du Ségur de la santé concerne-t-elle directement les personnels civils des Armées ?

Mme Natalia Pouzyreff. J’aimerais revenir à la question des interprètes afghans. En 2018, j’avais participé à une audition de l’Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française, qui représente les intérêts de ces PCRL. À ce moment-là, il y avait encore plusieurs cas en suspens, et je comprends, d’après vos interventions, que le ministère des Armées a vraiment porté une grande attention à ces cas-là. Mais je pense néanmoins que le Parlement doit s’assurer que les enseignements ont bien été tirés de cette situation. Il y a certainement aussi des aspects de sécurité qu’il ne faut pas négliger, quant à l’arrivée de certains ex-PCRL sur notre territoire national.

M’étaient apparues à cette époque-là des difficultés de transmission des dossiers d’un ministère à l’autre. Plusieurs ministères se sont investis dans le traitement de cette question, le ministère des Armées, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l’Intérieur pour la question des visas. Avez-vous pu constater une évolution qui aille dans le sens d’une action plus concertée entre les différents ministères ?

 

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. En réponse à M. Jean-Pierre Cubertafon et à plusieurs autres collègues, le rôle des hôpitaux d’instruction des armées (HIA), du SSA et des personnels civils du ministère des Armées intervenant dans le domaine de la santé est évidemment essentiel. On a beaucoup parlé de l’opération Résilience et de ce qui a été accompli à Mulhouse. On a mis en avant l’action des militaires, un peu moins parfois celle des personnels civils qui ont aussi été extrêmement mobilisés et impliqués dans des métiers très divers : des aides-soignants aux infirmiers. Ces métiers sont variés et sous tension. Nos hôpitaux militaires jouent un rôle essentiel dans la résilience sanitaire du pays. Nous avons donc souhaité regarder ce sujet de près.

Cela a déjà été dit, les HIA vont jouer un rôle particulier dans la vaccination. Cependant, et c’est un point que j’avais soutenu, ils vont le faire en tant qu’HIA. Certes ils participeront à l’effort de guerre, puisque c’est le vocabulaire employé contre le virus, en lien avec les hôpitaux publics et avec le dispositif sanitaire global mais ils vont le faire en tant qu’hôpitaux des Armées. C’est un point important qui met en lumière tout leur savoir-faire, toute leur compétence ainsi que leur emprise et leur empreinte sur le territoire. Cette empreinte doit être préservée si l’on veut garder un maillage important et efficace de médecine militaire sur le territoire national.

Nous avons regardé comment se déroulait le parcours de ces personnels qui ont tant contribué à l’effort de guerre sanitaire, comment simplifier certains statuts et résoudre certaines difficultés liées au passage des concours ou liées à certaines catégories. Nombre de personnels sont passés de catégorie C en B au cours de ces dernières années. Nous avons également regardé quelles mesures prendre en faveur du service de santé des armées.

Nous insistons dans le rapport sur des mesures qui nous semblent importantes. S’agissant du traitement indiciaire, un décret du 19 septembre 2020 s’applique au personnel hospitalier du ministère des Armées mais nous souhaiterions qu’il s’applique également à tous les personnels du SSA, notamment à ceux qui sont chargés du ravitaillement et de la médecine des forces, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je l’ai évoqué brièvement, on constate en effet que pour des raisons administratives, les mesures du Ségur de la santé sont appliquées avec retard au SSA. Nous appelons de nos vœux une transposition rapide de ces mesures pour tous les personnels de ce service.

Toujours concernant le SSA, Thomas Gassilloud nous a demandé si l’on pouvait mobiliser les personnels civils en cas de crise majeure. Tout d’abord, nous tenons à le dire, lorsque nous nous sommes rendus en déplacement dans des services, nous avons pu constater l’extrême mobilisation de ces personnels et leur enthousiasme à contribuer à la mission, leur sens de la mission, mais aussi la frustration de ne pas pouvoir en faire autant que les personnels militaires dans certaines missions. Nous avons ressenti une vraie complémentarité entre civils et militaires et le sentiment de participer à une mission commune. Peut-on mobiliser les personnels civils en cas de crise ? Ils le sont déjà et c’est notamment le cas dans le cadre de la crise sanitaire. Ce qu’on ne peut pas faire – et c’est là la ligne de départage – c’est les projeter en opération, la projection étant l’apanage des militaires. Il reste que les civils ont été extrêmement sollicités, qu’ils ont répondu à l’appel et qu’ils souhaiteraient parfois en faire plus.

S’agissant des ouvriers de l’État, qui intéressent tout particulièrement André Chassaigne, je crois que nous avons déjà dit l’essentiel.

Concernant le dialogue social et les engagements chiffrés en termes d’effectifs, je voudrais distinguer ce qui se fait au sein de Naval group, et qui relève du dialogue social de l’entreprise, de ce qui se fait au sein du ministère des Armées. Le dialogue social au ministère est plutôt de bon niveau au sens où celui-ci est dense. Les syndicats ont exprimé le regret d’être moins impliqués que par le passé dans le traitement des questions d’avancement.

Aujourd’hui, on peut sans doute aller un peu plus loin pour élaborer une véritable gestion prévisionnelle des emplois civils, qui permettrait à l’ensemble des employeurs des personnels civils de mieux positionner la ressource humaine, parce qu’elle est comptée, et de mieux offrir à chaque personne des perspectives de carrière, de manière plus valorisante, selon une logique de gains réciproques : pour les employeurs, il s’agit de disposer d’une ressource bien positionnée, et pour l’individu d’avoir une réelle vision sur le déroulement de sa carrière. Il faudrait par exemple pouvoir compléter les formations communes du monde civil par des briques de formation de spécialité plus ciblées, quitte à renforcer les capacités de formation pour absorber cette charge. Si la gestion prévisionnelle reste perfectible, elle fonctionne néanmoins.

Sur le maintien en condition opérationnelle, M. André Chassaigne se demandait comment se passe le dialogue entre le secteur privé et les civils de la Défense dans ce domaine. Le MCO a connu des évolutions nombreuses dans la période récente. Est ressortie de nos auditions la nécessité de réarmer les compétences du ministère, y compris par des personnels civils, pour être à niveau techniquement avec les industriels. Le mouvement de privatisation d’activités relevant auparavant des arsenaux est bien connu. Le MCO a évolué avec une gestion en plateformes. De nombreux services, tels que le MCO aéronautique, ont souligné l’importance de mieux armer les compétences et les savoir-faire étatiques pour permettre au ministère d’entretenir un dialogue d’égal à égal avec les industriels et être à niveau techniquement. Cela suppose le recrutement ciblé de personnes compétentes, ce qui nous ramène aux parcours de carrière et à la gestion prévisionnelle que j’évoquais à l’instant.

Ensuite, y a-t-il délestage vers le privé ou pas, en cas de hausse de charge urgente ? Les services de MCO du ministère sont les premiers sollicités en cas de hausse de charge. Lorsque la capacité du MCO est saturée, le secteur privé prend le relais. Il y a donc une certaine complémentarité entre le privé et le public, dans une logique de délestage. Je ne crois pas qu’il y ait une remise en cause fondamentale de la souveraineté ni des compétences avec ce MCO réformé mais plutôt une complémentarité, supposant, comme je le disais précédemment, que l’État dispose de personnels compétents. C’est là tout l'enjeu de recrutement et de fidélisation pour les années à venir.

M. Alexis Corbière, co-rapporteur. Quant à savoir si les personnels civils des armées vont être mobilisés face à la crise dans la période à venir, ils le sont déjà.

S’agissant, madame Ballet-Blu, de l’extension du bénéfice des accords du Ségur aux personnels civils du service de santé des armées, cette extension est en cours et nous sommes favorables à ce que les dispositions proposées pour les personnels hospitaliers soient généralisées à l’ensemble des personnels du service de santé des armées. Nous allons veiller à cette extension qui nous semble la nécessaire reconnaissance de la mobilisation particulière de ces personnels.

S’agissant, monsieur Jean-Philippe Ardouin, de la fidélisation, nous avons essayé dans ce rapport – évidemment plus complet que la présentation que nous vous en avons faite – de traiter à la fois de l’évolution des grilles indiciaires, de la formation et des concours à affectation régionale. L’objectif de ces derniers est de permettre aux personnels, ayant parfois quelques années de maison et étant attachés à leur région, notamment parce qu’ils y ont établi leur vie de famille, d’avoir une certaine visibilité sur leur futur lieu d’affectation avant de s’inscrire à un concours. La régionalisation de l’affectation des lauréats aux concours évite aux personnels d’être dissuadés de passer des concours au motif qu’ils ne connaîtraient pas leur futur lieu d’affectation.

Nous abordons aussi dans le rapport certaines questions concrètes, telles que celle des aides accordées aux personnels militaires souhaitant passer des concours, aides pouvant prendre la forme d’une prise en charge de leur déplacement et de leur hébergement. Cette dimension contribue à la fidélisation qui, on le sait, passe aussi par la rémunération. Il est difficile au ministère des Armées d’avoir la capacité de s’aligner sur les propositions de rémunération qui sont faites par des groupes privés. Cela étant, nous avons aussi l’impression que les personnels sont attachés à un certain « esprit maison ».

Monsieur Marilossian, tout partenariat avec les entreprises est utile, dans les métiers à haute compétence notamment, mais comment faire en sorte que cela n’amplifie pas les difficultés que nous avons ? En effet, au ministère des Armées, les tuteurs forment des jeunes qui, ensuite, partent dans le secteur privé, parce que la rémunération y est plus élevée ou parce qu’on est venu les débaucher.

Mme Natalia Pouzyreff a évoqué à juste raison les « femmes et les hommes », ce qui me conduit à penser que nous n’avons peut-être pas assez insisté dans notre rapport sur la place des femmes. Il y a 16,1 % de femmes chez les militaires et 32,4 % parmi les personnels civils. J’insiste sur ce point, même si les pourcentages diffèrent selon les services : on compte 22 % de femmes à la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) mais 31 % au service d’infrastructures de la Défense (SID). Les professions civiles sont évidemment plus féminines que celles de nos personnels militaires. Même si on n’atteint pas encore les 50 %, les femmes sont bien présentes au ministère.

S’agissant des PCRL, il est évident qu’un travail interministériel est mené. Bien que je sois apparu aux oreilles de certains comme plus laxiste que mon collègue co-rapporteur, il est évident que le Gouvernement, notamment le ministère des Affaires étrangères, procède à des vérifications visant à garantir la sécurité, et que les dossiers sont examinés dans le cadre d’un travail interministériel. Ce travail est fait et que je crois qu’il faut faire.

Monsieur Lassalle, je crains qu’il n’y ait pas de dispositif de recrutement particulièrement dédié aux jeunes des quartiers mais cela reste à vérifier.

Beaucoup des questions que vous avez posées relèvent de choix politiques dont j’ignore s’ils seront faits – ou pas – par le Gouvernement quant à l’utilisation de ces personnels.

Enfin, mon collègue et ami André Chassaigne nous a demandé si on n’était pas exposé à un risque de perte de compétences, voire de perte d’indépendance. Je pense comme vous, monsieur Chassaigne, qu’il faut veiller à éviter toute perte de compétences. C’est le sens de nos préconisations : éviter que toutes ces compétences, parfois très pointues, partent vers le secteur privé. Le ministère des Armées doit indiscutablement mener une réflexion à ce sujet, a fortiori dans un contexte de vieillissement et de fort renouvellement des personnels dans les prochaines années. Nous allons recruter dans tous les secteurs et il faudra veiller à ce que ce recrutement soit pertinent et efficace, et qu’il assure la stabilité des personnels recrutés.

Notre rapport est évidemment plus complet que la présentation que nous en faisons, et nous pourrons éventuellement apporter des réponses écrites plus précises aux collègues qui le souhaitent, compte tenu de l’importance de ces enjeux.

M. Jean-Charles Larsonneur, co-rapporteur. Je compléterai la réponse d’Alexis Corbière à la question de Natalia Pouzyreff sur la coordination interministérielle. Je vous remercie tout d’abord d’avoir noté que des efforts très substantiels ont en effet été menés pour faire évoluer le dispositif en faveur de ces PCRL. Comme nous l’avons décrit un peu brièvement précédemment, mais de manière bien plus complète dans le rapport, le dispositif interministériel a évolué au fil du temps. Ce dispositif concerne évidemment plusieurs ministères : celui des Armées, celui de l’Intérieur, s’agissant par exemple des demandes de visas, et celui des Affaires étrangères sur la situation du pays – sans compter la question d’utilisation de données sensibles : il est en effet des cas où des personnels ont été en contact avec des forces hostiles et il est bien légitime que nous cherchions à nous protéger de situations susceptibles de mettre en danger des Français sur le territoire national.

Eu égard à la coordination interministérielle, il y a eu plusieurs évolutions. Dans la deuxième phase que l’on a citée tout à l’heure, a été désigné un préfet référent, entouré d’une cellule de coordination. Ensuite, une mission interministérielle a été envoyée à Islamabad, impliquant non seulement les ministères régaliens dont j’ai parlé à l’instant mais aussi les ministères du Logement, pour reloger ces personnes, ou des Affaires sociales, ce qui montre que le sujet a été pris dans sa dimension la plus humaine possible. Il existe bien sûr une délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés qui joue pleinement son rôle, elle aussi. Faudrait-il avoir une instance permanente ? Pour ma part, je ne suis pas favorable à la création de comités Théodule. Il faut rester réactif. Je pense que le dispositif s’est adapté, de manière pertinente, au cours du temps, répondant à des besoins divers qui ont eux aussi évolué. Je suis donc favorable à la coordination interministérielle et aux formules ad hoc qui répondraient à des besoins éventuels, y compris sur des futurs théâtres d’opération.

Je remercie Jean Lassalle de ses propos. La formation continue, l’apprentissage et l’accompagnement des jeunes sont évidemment essentiels. Comme le disait Alexis Corbière, il importe de toucher ces publics et de leur montrer toute la richesse de ces carrières. Quand on pense aux armées, on pense surtout aux carrières militaires alors que les métiers civils sont nombreux, essentiels et parfois méconnus, alors même qu’ils offrent de belles carrières et de belles possibilités d’évolution. Nous avons beaucoup mis l’accent dans le rapport sur le fait que le ministère fait des efforts pour faire connaître ces métiers mais qu’il faudra aller encore plus loin, parce que le défi de recrutement est majeur. L’apprentissage a du succès mais il ne faut pas perdre les apprentis au terme de leur contrat. Certes, on peut toujours faire mieux et plus en matière de formation continue, tant elle est importante. La complémentarité entre le civil et le militaire est l’évidence même et est pleinement intégrée. Nous l’avons senti lors de nos différentes visites sur le terrain : le sens de la mission est partagé.

Mme Françoise Dumas, Présidente. Merci, chers collègues, pour ce travail important.

Je pense que ce rapport sera lu avec beaucoup d’attention par de nombreuses personnes, autant par les décideurs que par les employeurs, par l’ensemble des personnels civils de la Défense et bien au-delà. Vous l’avez démontré, et je tiens à le saluer, la grande diversité des métiers et des possibilités de carrière est au cœur des enjeux du ministère, tout comme l’est la question des nombreux départs à la retraite dans les prochaines années. Il faudra aussi envisager la possibilité de faire, de manière plus souple, des allers-retours entre les secteurs public et privé.

Je retiens, parmi la multitude de vos propositions, l’enjeu de recrutement des personnels civils d’ici à 2025, notamment dans les nombreux services de soutien essentiels à nos opérations tels que le service interarmées des munitions (SIMu), le service de santé des armées, le service du commissariat des armées ou encore le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer). Je retiens aussi l’émergence de la marque employeur « Civils de la défense ». Peut-être faudra-t-il encore davantage la diffuser auprès du monde civil, des jeunes et des missions locales. Son succès est une garantie indispensable à la valorisation des parcours professionnels civils, au service de nos opérations et de notre souveraineté.

Enfin, s’agissant des personnels civils de recrutement local, je relève l’ampleur des efforts qui ont été faits depuis quelques années et qui permettent de régler nombre de situations. Je pense que la France a réussi, malgré tout, à être à la hauteur des enjeux et du niveau d’implication de ces personnels que nous saluons.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur les personnels civils de la Défense en vue de sa publication.


   Synthèse des propositions

Proposition n° 1 : Publier dans le bilan social des armées les données relatives au recensement et au suivi des personnels civils de recrutement local employés par le ministère des Armées, en précisant la répartition de ces personnels par théâtre d’opération, par type d’emploi et par pays ainsi que l’évolution de ces données.

Proposition n° 2 : Étendre le champ des bénéficiaires du décret n° 2020-1152 du 19 septembre 2020 à l’ensemble des personnels du service de santé des armées.

Proposition n° 3 : Assouplir le dispositif du référentiel en organisation.

Proposition n° 4 : Rétablir la marge frictionnelle.

Proposition n° 5 : Modifier l’arrêté du 11 septembre 2020 fixant la liste des corps prévue à l’article 1er du décret n° 2020-121 du 13 février 2020 relatif à l’organisation de concours nationaux à affectation locale pour le recrutement de fonctionnaires de l’État, afin d’étendre cette liste à d’autres corps de fonctionnaires du ministère des Armées.

Proposition n° 6 : Procéder à une évaluation de la possibilité d’étendre, dans certains métiers ou certaines filières techniques clairement identifiés, le recrutement après essais d’apprentis.

Proposition n° 7 : Lever les blocages à la création d’un compte institutionnel sur le réseau social LinkedIn au profit du secrétariat général pour l’administration.

Proposition n° 8 : Sur le modèle des armées, lancer une véritable campagne de recrutement de personnels civils, assortie d’un plan média, de la réalisation de clips vidéo et de l’achat d’espaces publicitaires en ligne.

Proposition n° 9 : Organiser des périodes privilégiées de mobilité pour les personnels civils.

 

 

 

 

 


1

 

   Annexes

 

   Annexe n° 1 :

Auditions
des rapporteurs, déplacements et contributions écrites

(Par ordre chronologique)

 

1.   Auditions

  Service parisien de soutien de l’administration centrale ‒ M. l’administrateur général Laurent Dégez, chef du service ;

  Service d’infrastructure de la Défense ‒ M. le général de corps d’armée Bernard Fontan, directeur central, M. l’administrateur civil hors classe Hervé Caffet, sous-directeur des ressources humaines ;

  Direction des ressources humaines du ministère des Armées ‒ M. Marc Treglia, chef du service des ressources humaines civiles ;

  Service du commissariat des armées ‒ M. le commissaire général hors classe Stéphane Piat, directeur central ;

  Direction du personnel militaire de la Marine ‒ M. le capitaine de vaisseau Serge Bordarier, sous-directeur des études et de la politique des ressources humaines, Mme Isabelle Doucet-Martinage, chef du bureau « personnel civil » ;

  Direction des ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace ‒ M. Stéphane Brudy-Saintespes, conseiller personnel civil du général de corps d’armée Manuel Alvarez, directeur des ressources humaines, M. le colonel Fabrice Fayet, chef du bureau « organisation », M. le lieutenant-colonel Cédric Oger, sous-chef du bureau « organisation » ;

  Service de soutien de la flotte de l’état-major des armées ‒ M. l’ingénieur général de l’armement Guillaume de Garidel-Thoron, directeur central, Mme le capitaine de corvette Amandine Kubié, directrice de cabinet, Mme l’ingénieure cadre technico-commerciale Anne-Laure Viaud, chef des ressources humaines ;

  Service interarmées des munitions de l’état-major des armées ‒ M. le général de brigade Noël Olivier, directeur, Mme le commandant Aude Coussinoux, chef de la division « organisation des ressources humaines » ;

  Association des interprètes et auxiliaires afghans de l’armée française ‒ M. Abdul Raziq Adeel, président, Mme Caroline Decroix, vice-présidente ;

  Centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées ‒ M. le commissaire en chef de 1re classe Norbert Jeulin, chef du bureau « finances », M. le colonel Roberto Ramasco, chef de la division « soutien de l’activité » ;

  FO DéfenseM. Gilles Goulm, secrétaire général, M. Gilbert Faraci, secrétaire général adjoint ;

  Service industriel de l’aéronautique ‒ M. l’Ingénieur général de l’armement Tanguy Lestienne, directeur central, M. l’ingénieur principal des études et techniques de l’armement Jean-Rémy Prats, chef de cabinet du directeur central ;

  Direction générale des relations internationales et de la stratégie ‒ Mme Alice Guitton, directrice, M. Jean-Pierre Lagrange, chef du service « pilotage des ressources et de l’influence internationale » ;

  Délégation à l’information et à la communication de la défense ‒ Mme Yasmine-Eva Farès-Emery, directrice ;

  CFDT Défense ‒ Mme Sophie Morin, secrétaire générale, M. Albert Corbel, secrétaire national ;

  Direction de la maintenance aéronautique ‒ Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice ;

  Direction générale de l’Armement ‒ M. l’ingénieur général hors classe de l’armement Benoît Laurensou, adjoint du délégué général pour l’armement, M. l’ingénieur principal de l’armement Jean-Baptiste Descollonges, chef de cabinet du directeur DRH & SMQ ;

  Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense ‒ M. le général de corps d’armée Jean-Marc Latapy, directeur ;

  UNSA Défense ‒ M. Laurent Dutilleul, secrétaire général UNSA Défense, M. Laurent Tintignac, secrétaire général adjoint ;

  Direction des affaires juridiques du ministère des Armées ‒ Mme Claire Legras, directrice ;

  Fédération nationale des travailleurs de l’État ‒ CGT ‒Mme Virginie Parent, co-secrétaire générale, M. Yvon Velly, co-secrétaire général, M. Lucien Becue, membre du bureau fédéral ;

  Direction générale de l’administration et de la fonction publique ‒ M. Florian Blazy, directeur, adjoint à la directrice générale ;

  Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres ‒ M. le général de corps d’armée Christian Jouslin de Noray, directeur central ;

  Sous-direction des études et de la politique de la direction des ressources humaines de l’armée de Terre ‒ M. le général de brigade Guillaume Danès, sous-directeur ;

  Service de santé des armées ‒ M. le médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux, directeur central, M. le directeur des soins hors classe (COL) Cyrille Maugé, adjoint au chef du département de gestion des ressources humaines.

2.   Déplacement du 25 au 26 janvier 2021 à Brest, Landivisiau et Guipavas

  Entretien avec M. le vice-amiral Hervé Chenal, commandant de la base de défense de Brest-Lorient, M. Pascal-Hervé Daniel, directeur du centre ministériel de gestion de Rennes et M. Benoît Loquen, adjoint au chef de la division des ressources humaines du commandement en chef pour l’Atlantique (CECLANT) ;

  Entretien avec M. l’ingénieur en chef de l’armement Jean-Yves Bruxelle, directeur du service de soutien de la flotte et table ronde avec des personnels du service ;

  Entretien avec M. l’ingénieur général des travaux maritimes Roland Boutin, directeur de l’établissement du service d’infrastructure de la défense et table ronde avec des personnels de l’établissement ;

  Rencontre avec les organisations syndicales représentatives des personnels civils de la défense à la préfecture maritime de l’Atlantique ;

  Entretien avec M. le médecin général des armées Renaud Dulou, directeur de l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre puis table ronde avec des personnels civils de l’hôpital ;

  Entretien avec Mme Sylvie Roumier, conseillère administrative de la Défense au service du commissariat des armées (plateforme Ouest) ;

  Table ronde avec des personnels civils de la plateforme du service du commissariat des armées, du centre d’administration ministériel des indemnités de déplacement et du groupement de soutien ;

  Entretien avec M. le capitaine de vaisseau Laurent Machard de Gramont, commandant de la base d’aéronautique navale de Landivisiau puis table ronde avec des représentants de l’Atelier industriel de l’aéronautique de Bretagne ;

  Entretien avec M. l’ingénieur en chef de première classe des études et techniques de l’armement Jean-François Pierre, directeur de l’établissement principal des munitions de Bretagne (Pyrotechnie Saint-Nicolas)

  Entretien avec M. le vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, préfet maritime de l’Atlantique et commandant de la zone et de l’arrondissement maritimes Atlantique.

3.   Contributions écrites

● Commandement de la cyberdéfense

● Direction générale de la sécurité extérieure

● Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives

● Direction du renseignement et de la sécurité de la défense

● Direction du renseignement militaire

● Mission communication du Secrétariat général pour l’administration

● Service de l’énergie opérationnelle

 


   Annexe n° 2 : La création du corps des ingénieurs civils de la défense

Le corps des ingénieurs d’études et de fabrications du ministère de la défense a connu deux réformes statutaires en 2014 et 2017, visant à rapprocher ce corps de celui des autres ingénieurs de l’État – avec une structure de carrière en trois grades et le même échelonnement indiciaire – avant d’être à nouveau réformé en 2020 et rebaptisé corps des ingénieurs civils de la défense.

Le corps des ingénieurs civils de la défense (ICD) a été créé par le décret n° 2020-531 du 6 mai 2020 modifiant la dénomination du corps des ingénieurs d’études et de fabrications (IEF) du ministère de la défense. Il remplace le corps des IEF. Cette réforme poursuit un double objectif : renforcer la visibilité du corps et améliorer les conditions de recrutement dans celui-ci.

a.   Renforcer la visibilité du corps

Le changement de dénomination du corps des ingénieurs d’études et de fabrications vise à le rendre mieux identifiable et plus attractif, notamment auprès des étudiants susceptibles d’y être recrutés. Les missions du corps ont également été clarifiées afin de mieux rendre compte de la diversité des fonctions exercées par les ingénieurs civils du ministère.

b.   Améliorer les conditions de recrutement

Le niveau d’entrée dans le corps par la voie du concours externe a été rehaussé. Il est ainsi passé du niveau Bac+3 (Licence) au niveau Bac+5 (Master).

Les voies de recrutement dans le corps ont été élargies :

– d’une part, un troisième concours a été créé, pour des candidats justifiant d’au moins cinq ans d’expérience professionnelle, de mandats électifs locaux ou d’activités de responsable associatif ;

– d’autre part, une nouvelle modalité de promotion interne a été prévue : un examen professionnel a été créé, permettant le passage de la catégorie B à la catégorie A, afin d’améliorer le déroulement de carrière dans la filière technique. Les techniciens supérieurs d’études et de fabrications (TSEF) pourront se présenter à cet examen professionnel dès lors qu’ils justifient de huit ans de services publics dans un corps de catégorie B ayant vocation à exercer des fonctions techniques.

Enfin, la durée d’ancienneté de services publics exigée pour être candidat au concours interne a été réduite. Les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de l’État justifiant d’au moins trois ans de services publics ont désormais la possibilité de se présenter à ce concours, contre quatre ans auparavant.

Cette réforme statutaire vise à renforcer l’attractivité de la famille professionnelle « systèmes d’information et de communication » (SIC).

Au-delà du domaine statutaire, un second volet complétant cette réforme a également été engagé. Il porte sur les axes suivants :

– la révision des spécialités ouvertes au recrutement, afin de réduire leur nombre (27 actuellement) et de moderniser leur dénomination ;

– l’amélioration de la formation d’adaptation à l’emploi.

Enfin, la mise en place de la réforme statutaire en 2020 a été accompagnée d’une revalorisation indemnitaire.


 

   Annexe n° 3 : Récapitulatif des quatre phases de relocalisation des personnels civils de recrutement local

 

Phase

Avantages obtenus

1e vague de relocalisation

– l’octroi aux anciens PCRL d’une prime de licenciement ;

– l’octroi à ces derniers, le cas échéant, d’une indemnité forfaitaire à la mobilité en Afghanistan ;

– pour les cas les plus sensibles, un accueil en France. 74 dossiers ont été identifiés pour cette catégorie([145]), ce qui représentait 183 visas en comptant les familles.

 

Cette première phase constitue donc un dispositif d’urgence d’exfiltration dans la discrétion de 183 personnes.

 

Le ministère a commandé et avancé le prix des billets pour la France.

 

À leur arrivée en France, ils ont été hébergés dans des logements du ministère de la défense et leur acheminement entre CDG et le site d’hébergement a été assuré par les services du commissariat des armées.

 

2e vague

En août 2015, 11 ex-PCRL et leurs familles soit 41 personnes sont arrivés en France et ont été hébergés dans des logements du ministère de la défense situés dans 8 villes.

 

Entre mars 2016 et novembre 2016, en neuf arrivées successives, 103 ex-PCRL et leurs familles soit 377 personnes, sont arrivées en France, accueillies dans 35 villes. Les logements étaient fournis par les préfectures ou les mairies sous la coordination de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement et avec la collaboration d’ADOMA (ex SONACOTRA) et de COALLIA, association qui propose des solutions d’hébergement et un accompagnement social aux migrants.

En complément de ces actions et de celles prises par les autres acteurs ministériels, l’action sociale du ministère des armées a assuré une complémentarité financière au profit des familles (avec un plafond de 1 500 € par famille) pour un montant total de 170 000 € (76 520 € en 2013 et 93 480 € en 2015-2016). En outre, les assistants de service social du ministère ont été sollicités à de nombreuses reprises pour des interventions complémentaires, soit directement par les associations accompagnant les personnes, soit par les PCRL eux-mêmes

 

      9 pôles ministériels d’action sociale ont été concernés par l’accueil des PCRL, soit 32 assistants de service social qui ont effectué des visites aux domiciles des familles et évalué les besoins de premières nécessités.

 

      Les personnes arrivées de manière isolée car rejoignant leur famille (épouse ou enfant arrivé plus tard), ont bénéficié également d’un accueil et d’une estimation de leurs besoins. En fonction de l’évolution des démarches administratives, il est arrivé qu’un secours complémentaire soit attribué à une même famille. En effet, selon les communes de repli, les démarches et ouvertures de droits n’ont pu être effectués avec la même fluidité.

 

3e vague

51 ex-PCRL et leurs familles, soit 218 personnes, se sont vu délivrer un visa de long séjour.

 

En France, la délégation interministérielle pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (DIAIR) a été chargée de l’accueil et de la prise en charge des PCRL accompagnés de leur famille à l’arrivée en France. Certains enfants en manque de soin ont été médicalisés. Elle a œuvré dans le cadre d’une convention conclue entre l’État et l’opérateur France Horizon. Le coût de cette opération a été évalué à 684 196 €, dont 50 % ont été pris en charge par le ministère des armées.

 

Post-contentieux

Dans le cadre du réexamen de certaines demandes, suite à des contentieux portant sur des refus de visas ou de protection fonctionnelle, des ex-PCRL déboutés lors des trois phases de relocalisation, se sont vu délivrer, à l’initiative de l’administration ou en exécution de décisions de justice, des visas et sont arrivés en France au cours des derniers mois. Ils n’entrent pas dans le cadre du dispositif spécifique mis en place lors des trois phases de relocalisation. Étant titulaires d’un visa de long séjour portant la mention « carte de séjour à solliciter dans les trois mois suivant l’arrivée » ils se verront délivrer, comme leurs conjointes, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dès leur entrée sur le territoire national et bénéficieront donc d’un droit au séjour pérenne. Ils auront ainsi la possibilité d’accéder au marché du travail et de solliciter le bénéfice des mécanismes d’aide sociale de droit commun (source : Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 19/12/2019 - page 6278).

 

 

 

 

 

 

 

 


([1])  Par exemple, ici : http://www.cfdt-feae.com/cfdt-feae-tmp/images/190228_AnnexeDossierPresse_Analyse-CFDT-Hamel_comp.pdf

([2])  Dont 3 000 dans les domaines du renseignement, du cyber et du numérique.

([3])  Hors SIAé.

([4])  En dehors du renseignement d’armées, intégré dans le domaine du renseignement.

([5]) Publié en décembre 2020.

([6]) Ces schémas d’emploi négatifs parmi les personnels militaires s’expliquent par la difficulté à recruter des personnels militaires puis à les fidéliser.

([7]) La Marine a ainsi un taux de féminisation proche du taux moyen du ministère.

([8])  La DRH-MD met en application des plans triennaux en faveur du recrutement et du maintien dans l’emploi du personnel en situation de handicap. Le sixième plan handicap et inclusion 2019-2021 comprend plusieurs axes, notamment en matière de recrutement, d’aménagement des postes de travail, d’accompagnement des parcours professionnels et d’accessibilité au cadre bâti ainsi qu’au numérique. La politique menée par le ministère des armées lui a permis d’atteindre un taux d’emploi de personnes en situation de handicap de 4,88 % en 2017. L’objectif du ministère est de porter ce chiffre à 6 % à l’horizon de l’année 2024 dans un contexte de renouvellement rapide des générations, ce qui représente un flux annuel de 366 personnes disposant d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé au cours de la période 2019-2024.

([9])  Selon le bilan social des armées 2019.

([10])  Tous les crédits de personnel sont regroupés au sein du programme 212 « Soutien de la politique de défense », sous la responsabilité du Secrétariat général pour l’administration.

([11]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000504704/

([12])  Titre II pour les fonctionnaires de l’État, titre III pour les fonctionnaires territoriaux, titre IV pour les fonctionnaires hospitaliers.

([13])  Cf. Infra.

([14])  Codifiée en partie 4, livres 1 et 2 du code de la défense.

([15])  L’article L. 4121-3-1 du code de la défense, issu de l’article 33 de la loi de programmation militaire 2019-2025, prévoit en outre qu’en cas d’élection et d’acceptation de l'un des mandats compatibles avec l'exercice des fonctions de militaire en position d'activité, le dernier alinéa de l'article L. 4121-3 n'est pas applicable. En vertu de l’article 33 de la LPM, les fonctions de militaire en position d’activité sont compatibles avec le mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et avec le mandat de conseiller communautaire dans les intercommunalités de moins de 25 000 habitants. À l'exception du cas où ce militaire sollicite un détachement, qui lui est accordé de droit, la suspension mentionnée au deuxième alinéa du même article L. 4121-3 n'est pas prolongée.

([16])  Selon la DRH-MD, en 2016, la durée de carrière des militaires était de douze ans, contre vingt ans chez les civils.

([17])  À Brest, Landivisiau et Guipavas.

([18])  Cf. infra le II de la première partie du rapport concernant le service des ressources humaines civiles, opérateur de la DRH-MD.

([19])  Le ministère dispose de plusieurs écoles formant des civils et des militaires : les écoles nationales supérieures de techniques avancées (ENSTA) de Brest et Saclay, l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAé) de Toulouse et l’École polytechnique.

([20])  Les fonctionnaires de catégorie B sont recrutés au minimum au niveau du baccalauréat, lorsqu’ils exercent des missions d’application, voire du bac+2 s’agissant des filières techniques et hospitalières ;

Les fonctionnaires de catégorie C sont recrutés au niveau du CAP, du diplôme national du brevet ou sans diplôme. Ils exercent des missions d’exécution.

([21])  55 % des effectifs civils de la marine sont de catégorie C ou des ouvriers de l’État. Parmi les 387 personnels de catégorie A, 28 % sont des enseignants. Enfin, les contractuels ne représentent que 5 % des agents, 60 % d’entre eux étant des surveillants de lycée et de défense.

([22])  Pour remplir ses missions, le SCA emploie 22 700 personnes, à quasi parité de civils et de militaires.

([23])  Notamment aux ministères de la Transition écologique et de l’Intérieur.

([24])  Les textes statutaires précités, dont les rapporteurs se sont fait communiquer la liste, sont nombreux. On recense ainsi :

– des textes fondateurs ;

– des deux décrets et deux arrêtés relatifs aux rémunérations, datant du 30 décembre 2016 ;

– deux décrets du 5 octobre 2004 relatifs aux pensions ;

– de nombreux autres textes réglementaires relatifs à la protection sociale, à la discipline, au temps partiel, au temps de travail, aux congés, aux positions d’absence, à l’avancement, à la nomenclature des professions, aux restructurations, aux positions statutaires, à l’amiante et, enfin, au recrutement.

Parmi les textes fondateurs, on peut citer le décret du 26 février 1897 relatif à la situation du personnel civil des établissements militaires, le décret du 1er avril 1920 relatif au statut du personnel ouvrier des arsenaux et établissements de la marine, le décret du 8 janvier 1936 fixant le statut du personnel ouvrier des établissements et services extérieurs du ministère de l’air et l’arrêt du Conseil d’État du 10 janvier 1986.

 

([25])  Depuis le 1er janvier 2021, les nouveaux recrutés qui justifient antérieurement de l'exercice d'une profession similaire ou équivalente dans le privé, sont ainsi classés, au moment de leur affiliation au fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), dans le groupe VI à un échelon déterminé en prenant en compte la moitié de la durée totale d'activité professionnelle dans la limite de huit ans. Cet arrêté prévoit également, à compter du 1er janvier 2021 pour les agents ayant contracté un contrat d’apprentissage au ministère des Armées dans une profession similaire ou équivalente avant d'être recrutés comme ouvriers de l'État, leur classement au 2e échelon du groupe VI au moment de leur affiliation au fonds de pensions précité.

([26])  Le « hors-groupe nouveau (HGN) » et le « groupe hors catégorie D (HCD) » pour les ouvriers de l’État et les chefs d’équipe ainsi que le groupe T7 pour les techniciens à statut ouvrier (TSO). Ce même arrêté prévoit la création d’un 9e échelon dans tous les groupes de rémunération. Par ailleurs, l’arrêté du 30 décembre 2016 fixant les modalités de reclassement des ouvriers et chefs d’équipe groupes IVN et V au groupe VI prévoit la résorption des « petits groupes » de rémunération par le reclassement des personnels à statut ouvrier du groupe de rémunération IVN au groupe V à compter du 1er novembre 2017. Il prévoit également le reclassement des personnels se trouvant au groupe V à la date du 31 décembre 2017 au groupe VI, à partir du 1er janvier 2018.

([27])  Par la résorption des deux premiers groupes de cette catégorie. La carrière des TSO se répartit désormais en six groupes : T4, T5, T5 bis, T6, T6 bis et T7. Tout en élevant ainsi le niveau d’entrée dans la catégorie des TSO au niveau T4, ce texte entérine également la fin des recrutements externes en réservant l’accès à ce statut aux seuls ouvriers de l’État (chefs d’équipe et non chefs d’équipe). Plus précisément, seuls les ouvriers classés dans les groupes VI et VII, dont le recrutement en qualité d’agent à statut ouvrier est intervenu depuis au moins trois ans, peuvent désormais accéder au groupe T4, après réussite de l’essai complet sanctionnant le cours national de niveau correspondant.

([28])  L’accès au groupe T5 bis est ainsi dorénavant également ouvert, sous certaines conditions, à des chefs d’équipe (groupes hors catégorie A et hors groupe) et à des ouvriers non-chefs d’équipe (groupes hors catégorie A, hors groupe, hors groupe nouveau et hors catégorie B), par la voie, soit de l’essai direct T5 bis, soit de l’essai sanctionnant le cours national du même niveau.

([29])  Cf. infra quant à la notion de grand employeur.

([30])  Ces personnels sont gérés par la DGA et, pour partie, employés par elle.

([31])  Il s’agit à la fois de mieux identifier les déterminants de la masse salariale spécifique des ICT/TCT et de son évolution, d’améliorer la construction des mesures annuelles de revalorisation de la rémunération de ces agents et de permettre au ministère des Armées de conserver sa capacité d’attractivité et de fidélisation.

([32])  Soit 3 115 ETPE.

([33])  Soit 372 ETPE.

([34])  Dans le processus d’affectation opérationnelle des personnels ICT de la DGA hors DGA.

([35])  Dans l’allocation des droits à recrutement.

([36])  Selon les informations fournies aux rapporteurs, les mises à disposition d’ICT et de TCT à cette direction devraient être multipliées par trois entre 2020 et 2025 pour passer à 181 ICT et 11 TCT.

([37])  Ainsi, par exemple, le service d’infrastructure de la défense, qui n’emploie pas de PCRL en opération extérieure, recrute des agents travaillant pour le compte de forces de présence en Afrique de l’Ouest et de l’Est et des Français de Polynésie française - ce territoire ayant une compétence particulière en matière de législation du travail et les accords sur l’arrêt des essais nucléaires dans le Pacifique ayant eu pour corollaire l’engagement du ministère de la défense à employer de manière préférentielle des natifs de Polynésie pour compenser la fermeture du centre d’essais et des emplois qu’il offrait. Le point commun entre tous ces personnels est d’être soumis à la législation du travail locale et non aux règles régissant les agents publics français. Selon les informations fournies aux rapporteurs, Le SID emploie près d’une centaine de PCRL dans ses directions d’infrastructure soutenant les forces de présence et les forces armées de Polynésie française.

([38])  Au Tchad, en ex-Yougoslavie et en Côte d’Ivoire, par exemple.

([39])  Un legal advisor (legad) est un juriste opérationnel dont le rôle est de conseiller le commandement sur le cadre juridique d’une opération militaire, notamment l’application des principes du droit des conflits armés, tant dans la phase de planification que d’exécution des opérations

([40])  L’opération Pamir est le nom de la mission militaire des Forces françaises en Afghanistan chargée de mener pour la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS/ISAF), par mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, sous le commandement de l'OTAN, des patrouilles de sécurisation dans la province de Kaboul.

([41])  Déclarée le 27 août 2016, cette association a pour objet de « mettre en œuvre toute action utile à la reconnaissance des services rendus par les anciens interprètes afghans ayant servi l'Armée Française en Afghanistan, y compris promouvoir tout type de plaidoyer en faveur de la relocalisation en France des interprètes menacés dans leur pays du fait de leur collaboration avec l'Armée Française ; recevoir des dons afin de faciliter l'installation en France des interprètes relocalisés ou en demande d'asile. Source : https://www.journal-officiel.gouv.fr/associations/detail-annonce/associations_b/20160039/25

([42])  Ex-Sonacotra.

([43])  Avec un plafond de 1 500 euros par famille.

([44])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000035819002

([45])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000035841778/

([46])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000035841775

([47])  https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2017-10-16/408344

([48])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000035819003/

([49])  Décisions n° 408780, 408301 et 406382 du 22 décembre 2017.

([50])  https://fb.watch/4kgL9oW1Dx/

([51])  La Force internationale d’assistance et de sécurité.

([52])  Inde, Tadjikistan, Turquie.

([53])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000037816075

([54])  https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000038088246/

([55])  Cf. la réponse du ministre de l’intérieur du 19 décembre 2019 au Sénat, JO p. 6278.

([56])  Quatre relevaient de la Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF), force placée sous l’égide de l’OTAN et un, de l’ambassade de France.

([57])  Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves.

([58])  Cour nationale du droit d’asile, 19 novembre 2020, n° 18054661 et 19009476.

([59])  https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-02-26/436176

([60])  S’agissant du cas particulier des personnels civils de recrutement local de l’Économat des armées, établissement public à caractère commercial et prestataire de services du ministère des Armées, la note précise que cet établissement est responsable de la gestion de ses personnels civils de recrutement local et de la conservation de leur dossier aux termes du contrat. Il définit sa politique de ressources humaines locale, dans le respect des lois et règlements en vigueur sur le territoire concerné. Il s’assure de ne pas créer de différence de traitement majeure ou non justifiée avec le personnel qui serait éventuellement employé par la force sur un même théâtre. Les personnels civils de recrutement local de l’Économat des armées font l’objet d’une enquête de sécurité préalablement à l’embauche. L’Économat des armées adopte les mêmes standards de protection des personnels civils de recrutement local que les forces armées françaises (à emploi comparable). Dans le cas de menaces graves sur une emprise, les personnels civils de recrutement local de l’Économat des armées appliquent les directives des forces françaises et bénéficient de la protection de celles-ci sur ladite emprise.

([61])  Article L. 1 111-1 du code de la défense.

([62])  Les métiers médico-sociaux (791 agents) représentent moins de 2 % des effectifs du BOP « personnel civil de la Défense ».

- 618 agents relèvent de la famille professionnelle « environnement social et sciences humaines ». Pour la plus grande part, il s’agit d’assistants ou assistantes de service social.

- 173 relèvent de la famille professionnelle « santé », la quasi-totalité d’entre eux étant des agents du SSA (fonctionnaires non médicaux ou paramédicaux et certains ouvriers de l’État) n’appartenant pas aux populations relevant du BOP « SSA ».

([63])  L’effectif physique permet de dénombrer les effectifs à un instant donné, quelle que soit la quotité de temps de travail des agents. Ce tableau présente l’effectif physique des personnels dans un périmètre excluant les personnels civils de recrutement local, les apprentis, les vacataires et les stagiaires.

([64])  Certaines professions sont « mixtes » et peuvent être exercées aussi bien par des militaires que par des civils. D’autres professions, comme celles des agents de service hospitalier qualifiés, sont exclusivement civiles.

([65])  Représentant d’une part, les professions non médicales (FO, CFDT, UNSA) et d’autre part, les personnels médicaux de l’hôpital public (INPH, SNAM-HP, CMH).

([66])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2021002_compte-rendu#

([67])  Ces dispositions ne sont applicables ni aux personnes qui exercent la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de pharmacien, ni aux internes des hôpitaux des armées, ni aux élèves des écoles du service de santé des armées.

([68])  Il s’agit du décret n° 2021-166 du 16 février 2021 étendant le bénéfice du complément de traitement indiciaire à certains agents publics en application de l'article 48 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

([69])  Et en particulier, de la direction du budget de ce ministère.

([70])  Et en particulier, de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) de ce ministère.

([71])  Cf. infra.

([72])  Le SDGSPAC sera dissous au 1er juillet prochain et deviendra alors le centre ministériel de gestion d’Arcueil.

([73])  Cf. l’arrêté du 30 décembre 2019 relatif aux attributions et à l'organisation du centre expert pour les ressources humaines du personnel civil du ministère de la défense.

([74])  Situé à Bourges et à Arcueil.

([75])  Les 3 % restant étant employés par la présidence de la République ou par des employeurs autonomes ou encore participant à la défense dans des entités extérieures.

([76])  Le tableau retrace la répartition des personnels civils entre employeurs, en équivalents temps plein emploi (ETPE), telle qu’elle figure dans le bilan social des armées de décembre 2019. Le bilan social inclut notamment les vacataires, les apprentis etc.

([77])  Leurs missions et attributions sont définies par une instruction du SRHC du 2 septembre 2019.

([78])  Tels que la synthèse des propositions d’avancement, les travaux d’actualisation de la nouvelle bonification indiciaire, les propositions d’avancement dans les ordres nationaux etc.

([79])  Le GSBdD est prestataire de service au profit des responsables des formations d’emploi en termes d’aide et de conseil de proximité. Il est le correspondant local du CSMG.

([80])  Depuis 2017, le référentiel des emplois ministériels a pour objet d’harmoniser et de simplifier la description des emplois du ministère.

([81])  Sept postes civils vacants seulement.

([82])  Loi de programmation des finances publiques.

([83])  Les rapporteurs n’ont pu obtenir la répartition de ces baisses d’effectifs entre personnels civils et militaires.

([84])  Cette estimation statistique actualisée chaque année a été évaluée à partir des flux de départs constatés en 2019 par catégorie de population et par âge.

([85])  Avec un pic de 503 départs en 2023.

([86])  Le programme SCORPION (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) a pour objectif de renouveler et de moderniser les capacités de combat de l'armée de Terre grâce à l'arrivée de nouveaux véhicules blindés comme le GRIFFON et le JAGUAR. Lancé en 2014, le programme SCORPION aura un impact sur l'ensemble de l'armée de Terre dans les prochaines années, notamment du fait de l’entrée dans l'ère de l’infovalorisation, grâce à un nouveau système d'information.

([87])  Il s’agit, pour l’essentiel, des ateliers des trois bases de soutien du Matériel, des six régiments du Matériel et de la centaine de sections de maintenance régimentaires réparties dans les différentes formations de l’armée de Terre.

([88])  Cf. infra.

([89])  Le concours interne de recrutement de secrétaires administratifs, les concours de recrutement d’agents techniques principaux de deuxième classe du ministère de la défense (ATPMD2) et le recrutement sans concours d’adjoints administratifs et et d’agents techniques du ministère de la défense (ATMD) sont organisés de façon déconcentrée et ce sont l’ensemble des CMG qui en ont la responsabilité en matière d’organisation des épreuves.

([90])  Préalablement à cette modification, l’organisation de concours nationaux à affectation locale était possible soit entre deux sessions de concours nationaux à affectation nationale, soit lorsque le statut particulier du corps concerné avait prévu la faculté d’organiser, simultanément à un concours national à affectation nationale, de tels concours dans des circonscriptions administratives limitativement énumérées. La loi de transformation de la fonction publique fait entrer dans le droit commun ce mode d’organisation des concours, aux côtés des concours nationaux à affectation nationale et des concours déconcentrés.

([91])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042709057

([92])  Les rapporteurs notent cependant que les concours de recrutement des secrétaires administratifs sont assurés par les rectorats d’académie, avec affectation dans la zone de compétence de chaque CMG.

([93])  Cette souplesse est encadrée par le contrôle budgétaire et comptable ministériel.

([94])  En application de l’ordonnance du 4 janvier 2019 portant simplification des dispositifs de reconversion des militaires et des anciens militaires dans la fonction publique civile.

([95])  Ainsi, pour l’année 2020, la cible initiale de l’armée de Terre en recrutement d’apprentis était de 207, dont 100 nouveaux contrats à réaliser en 2020. Cette cible a été réévaluée en juin 2020 à 337 dont 130 nouveaux contrats, pour contribuer à l’effort national de soutien à l’économie dans le cadre de la crise sanitaire.

([96])  Ainsi, le MCO terrestre a conclu 84 contrats d’apprentissage pour l’année scolaire 2020-201, contre 60 en 2016-2017, 39 en 2017-2018, 50 en 2018-2019 et 68 en 2019-2020.

([97])  Contre 153 en 2017, 167 en 2018 et 197 en 2019.

([98])  Le rôle du SGA-com a été présenté en détail dans l’avis budgétaire de M. Claude de Ganay sur le budget 2021 du soutien et de la logistique interarmées : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b3465-tiii_rapport-avis

([99])  Et plus précisément par les services d’informations et de relations publiques des armées (SIRPA) des trois armées et la cellule de communication de l’état-major des armées (EMA-COM).

([100])  Un quizz sur tablette, développé en interne, sert de support aux participations du SRHC à certains forums et salons pour l’emploi (notamment les salons de l’éducation et européen de l’étudiant). Il permet de faire découvrir de manière ludique au grand public, la composante civile du ministère des Armées, ainsi que la diversité des métiers exercés et les opportunités de recrutements à venir pour ces classes d’âge qui représentent nos viviers de recrutements de demain. Présenté à la fin de l’année 2019 au Salon Européen de l’Éducation, il a fait l’objet d’une adaptation aux métiers du numérique suites aux travaux menés avec la DGNUM en 2020. Ces quizz pourront être proposés sur les différents salons de recrutement et événements de sensibilisation lorsque ces derniers auront de nouveau lieu en présentiel. Un jeu de société a été également créé pour présenter à nos jeunes publics les différents métiers offerts aux personnels civils du ministère des Armées.

([101])  Lors de son audition, le directeur central du SID a indiqué aux rapporteurs que son service participait à des salons spécialisés et désignait des « ambassadeurs » pour intervenir dans les organismes de formation – notamment dans les classes préparatoires aux grandes écoles – et y faire connaître les activités, les métiers et les compétences du service.

([102])  Ces partenariats avec des écoles sont conclus en association avec les Armées et d’autres services de renseignement du Ministère ou d’autres ministères.

([103])  La GIPA résulte des dispositions du décret n° 2008-539 du 6 juin 2008. Sont concernés par la GIPA les fonctionnaires et agents non titulaires mais pas les ouvriers de l’État. En prenant en compte la retenue pour pension (11,10 %) ainsi que la CSG (9,2 %) et la CRDS (0,5 %) appliqués sur 98,25 % du salaire brut, la valeur nette du point est de 3,719 euros.

([104])  Sont notamment exclus du dispositif les fonctionnaires ayant un grade dont l’indice terminal dépasse la hors échelle B, les agents en disponibilité, en congé parental ou de présence parentale, les agents de catégorie A nommés sur emploi fonctionnel, les agents contractuels dont le contrat ne fait pas expressément référence à un indice et les agents ayant subi une sanc­tion disciplinaire ayant entraîné une baisse de leur traitement indiciaire.

([105])  Filières spécialisées du patrimoine et des bibliothèques, chargés d’études documentaires.

([106])  Dans l’attente de l’adhésion de la fonction publique hospitalière au régime du RIFSEEP, ces fonctionnaires continuent à bénéficier du même régime indemnitaire que les agents de la FPH, soit pour l’essentiel une prime de service plafonnée à 17 % du salaire brut.

([107])  La formation professionnelle du personnel civil constitue un droit reconnu par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique et par le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007.

([108])  Situé à l’École militaire, à Paris.

([109])  Dans des domaines pointus comme la pyrotechnie, les impératifs de sécurité et de confidentialité sont tels que les formations restent centralisées dans le Cher.

([110])  La validation des acquis de l’expérience permet aux agents titulaires, non titulaires et ouvriers de l’État de faire reconnaître officiellement leurs compétences professionnelles et personnelles acquises par l’expérience, en vue de l’obtention de tout ou partie d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification professionnelle. Dans le cadre de leur VAE, les agents peuvent bénéficier, à leur demande, d’un congé pour suivre des formations.

([111])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038554562

([112])  Si la réforme s’effectue à effectifs constants, il a été signalé aux rapporteurs qu’elle allait transformer certaines directions en services extérieurs, créant ainsi un différentiel de primes. Les rapporteurs s’interrogent quant aux effets collatéraux de cette réforme sur la rémunération de certains personnels civils du ministère.

([113])  Selon les termes employés par la ministre des Armées le 26 septembre 2019 : https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/florence-parly-poursuit-la-transformation-du-ministere-des-armees

([114])  La DAR concourt à la préparation, au suivi et à l'accompagnement des décisions de restructuration des organismes du ministère des armées, en coordination étroite avec l’état-major des armées. En lien avec la Mission d’accompagnement des réorganisations (MAR) et la Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI), elle s’assure de la prise en compte globale des problématiques concernant les sites restructurés.

([115])  Elles abrogent et remplacent l’instruction n° 353563 relative à l’emploi, la mobilité et aux parcours professionnels du personnel civil du 26 novembre 2015.

([116])  Liste des postes à établir par arrêté ministériel contresigné DGAFP, environ 200 postes listés.

([117])  La mobilité des personnels civils n’est imposée que pour les attachés (corps administratif de catégorie A) ayant intégré le corps par la voie de la promotion interne ou ayant bénéficié d’un avancement de grade.

([118])  Les rapporteurs notent qu’ainsi que le précise le ministère dans le bilan social des armées pour 2019, des périodes privilégiées de mobilité sont expérimentées depuis 2016 pour les attachés principaux, les attachés hors classe et les attachés occupant l’emploi fonctionnel de conseiller d’administration de la défense « à travers l’organisation de revues des postes et des compétences ». Selon ce bilan social, ces périodes privilégiées de mobilité « permettent de fluidifier l’ensemble du processus en recensant les souhaits de mobilité des agents et en les croisant avec les postes vacants adaptés à leur profil de compétences. En 2019, 91 mobilités d’attachés principaux, conseillers d’administration de la défense et hors classe ont été réalisées grâce à ce dispositif. »

([119])  Le comité technique ministériel est compétent pour examiner les questions ou projets de texte intéressant les services du ministère, pour examiner les questions relatives à l’élaboration ou à la modification des statuts particuliers des corps relevant du ministère, des règles d’échelonnement indiciaire et des statuts d’emploi ; enfin, de débattre, au moins une fois par an, des orientations stratégiques du ministère en matière de politique des ressources humaines civiles.

([120])  Au nombre de cinquante, ils sont compétents pour l’ensemble des formations, organismes et détachements situés dans leur périmètre géographique. Existent également, sans être obligatoires, treize comités techniques de réseau, créés par chacun des réseaux, armées et chaînes d’emploi du ministère des Armées.

([121])  En ce qui concerne les instances spécifiques de concertation dédiées à l’accompagnement des restructurations, peuvent participer au dialogue social régional dans le cadre des commissions régionales de restructuration, et au dialogue social local dans le cadre des commissions locales de restructuration, les organisations syndicales représentatives au comité technique ministériel et les organisations syndicales représentatives aux comités techniques de proximité de la population concernée (CT de BdD ou CTAC) dans les conditions définies par l’instruction ministérielle relative au plan d’accompagnement des restructurations en vigueur.

([122])  En 2019, les commissions d’avancement compétentes pour les ouvriers de l’État ont été réformées et remplacées par les commissions d’avancement des personnels à statut ouvrier.

([123])  La loi de transformation de la fonction publique a prévu la fusion des CHSCT et des comités techniques au sein d’un comité social d’administration. Les dernières élections professionnelles ayant eu lieu en décembre 2018, cette fusion entrera en vigueur en 2023, après les élections professionnelles de décembre 2022.

([124])  Compte tenu du contexte de la crise sanitaire, le Gouvernement a pour l’heure retiré de l’ordre du jour du Parlement les projets de loi organique et ordinaire instaurant un système universel de retraite.

([125])  Notamment au service de santé des armées, au service d’infrastructure de la défense et dans le maintien en condition opérationnelle aéronautique

([126])  Dans le cadre de la rédaction du décret relatif aux comités sociaux d’administration dans les administrations de l’État (CSA). Les organisations syndicales sont attachées à la cartographie des 365 instances dans une logique de proximité et de prise en compte des risques particuliers.

([127])  À ce jour, le projet de loi instituant un système universel de retraite a été retiré de l’ordre du jour des deux assemblées.

([128])  Ces commissions se réunissent au niveau des centres ministériels de gestion pour les personnels de catégories B et C et au niveau du SRHC, pour les personnels de catégorie A.

([129])  Elles restent compétentes pour examiner les décisions relatives aux refus de titularisation, de licenciement en cas de refus de trois postes successifs pour le fonctionnaire mis en disponibilité en vue de sa réintégration et de refus de formation et de congé de formation professionnelle ou syndicale. Leurs prérogatives en matière disciplinaire sont maintenues ainsi que leur compétence pour connaître des recours formés à l’encontre des comptes rendus d’évaluation professionnelle.

([130])  Le comité technique est une instance de concertation chargée de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des services, les questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences et les projets de statuts particuliers. Le comité technique examine notamment les questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, aux règles statutaires, aux méthodes de travail, aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire, à la formation, à l'insertion professionnelle, à l'égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations.

([131])  Qui est présente à la fois en tant que responsable des ressources humaines du ministère et en tant que service du SGA.

([132])  Les mesures réservées au militaire et à sa famille sont majoritairement de deux ordres :

([133])  Cette politique comprend à la fois un volet de construction ou de rénovation mais aussi de réservation de logements. Elle a donné lieu au rapport d’information n° 2557 de MM. Laurent Furst et Fabien Lainé, en janvier 2020 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b2557_rapport-information#

([134])  Grâce aux conventionnements conclus par le service du commissariat aux Armées.

([135])  Les rapporteurs reviennent infra sur la question du télétravail.

([136])  https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-de-la-defense/missions-d-information/le-plan-famille-quel-bilan

([137])  Défense mobilité est organisé en réseau. Celui-ci est adapté à la cartographie des implantations d’unités militaires et permet de soutenir directement plus de 94 % des ressortissants du ministère (militaires et civils). Son personnel est réparti entre une direction, six pôles régionaux, une mission de reconversion des officiers, 80 antennes situées à proximité des unités militaires en métropole et outre-mer, un Centre militaire de formation professionnelle et un Centre expert de traitement et de l’indemnisation du chômage. Afin de permettre la mise en œuvre d’un accompagnement de « bout en bout » des candidats et de renforcer les relations avec les recruteurs et employeurs, Défense mobilité a organisé son accompagnement autour de deux principaux métiers :

- les conseillers en transition professionnelle (CTP) : au nombre de 300, ils accompagnent les candidats de la définition de leur projet professionnel jusqu’à leur accès à l’emploi ;

- les chargés de prospection et de relations employeurs (CPRE) : les 50 CPRE animent un réseau de 7 000 employeurs privés et publics dans leurs bassins d’emplois respectifs et recueillent leurs offres.

L’action de Défense mobilité s’exerce également au travers de 3 000 formations dispensées soit par des acteurs reconnus de la formation, dont l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), soit par le CMFP, qui permet aux militaires les plus éloignés de l’emploi de bénéficier d’une formation technique qualifiante, d’une remise à niveau scolaire, d’une aide à la recherche d’emploi, d’un accompagnement social et, plus généralement, d’une acculturation au monde de l’entreprise.

([138])  Selon les chiffres à disposition des rapporteurs.

([139])  Le soutien des opérations extérieures, le soutien de la contribution des armées à l’opération Résilience et la préservation de la préparation opérationnelle.

([140])  Correspondant au cumul de réparation ou de visites en retard, notamment.

([141])  Point sur lequel les rapporteurs reviennent plus en détail ci-dessous, concernant l’ensemble du ministère.

([142])  Il s’agit de l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire.

([143])  Les comités techniques de réseaux, les comités techniques de base de défense, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les comités techniques ministériels.

([144])  La commission centrale de prévention, équivalent ministériel du CHSCT s’est ainsi réunie à huit reprises depuis le début de la crise sanitaire. Un guide de la sécurité et de la santé au travail a également été élaboré. Enfin, des réunions de coordination sur la sécurité et la santé au travail ont été organisées tous les 15 jours, sous l’égide de la DHR-MD, en présence des trois grands employeurs, du service de santé des armées et de l’inspection du travail dans les armées.

([145]) Quota fixé par l’Elysée, cf TD ambassade du 21 février 2013.