N° 4095

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 avril 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur les méthodes de transposition des directives européennes,

 

 

ET PRÉSENTÉ

par MM. Jean-Louis BOURLANGES et André CHASSAIGNE

Députés

——

 

(1)               La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

Introduction

Première partie : Un processus de transposition qui peine à s’inscrire dans notre système normatif

I. Un parlement marginalisE

A. Des responsabilités parlementaires strictement bornées par la Constitution

1. Une marge de manœuvre parlementaire très limitée

2. Une intervention parlementaire qui tend à se réduire à une action d’information du parlement

3. Des outils d’information du parlement encore largement insuffisants

B. Un sequencage de la procedure euro-législative qui place le parlement en fin de processus

II. Une procédure qui se cherche

A. Une faiblesse structurelle : le défaut d’anticipation

B. Une dérive dangereuse : la complexification du processus

1. Les directives d’harmonisation maximale ou minimale

2. Les actes délégués : un défi supplémentaire pour la transposition

C. Une tentation permanente : la sur-transposition

III. UN déficit historique de transposition inacceptable

A. Un déficit devenu dysfonctionnel par son ampleur

B. Une instrumentalisation tactique de l’inertie : l’exemple de la directive « habitats »

Deuxième partie : Des difficultés partagées par nos partenaires

I. L’Allemagne : rigueur de la gestion, respect du Parlement, rôle essentiel des länder, au service d’une performance plutôt moyenne

II. L’Espagne : les freins de la fragmentation parlementaire et territoriale

III. L’Italie : les embarras de notre sœur latine

IV. La Pologne : la tentation permanente de la rupture

V. La Suède : l’acclimatation difficile de la norme venue du sud

Troisième partie : Un recadrage partiel mais réussi des procédures de transposition

I. Une exigence de redressement assumée simultanément par l’Union européenne et par la France

A. Une cohérence retrouvée de la politique de transposition conduite par l’État

B. Une rigueur accrue du contrôle par les institutions de l’Union

II. Une résorption spectaculaire des retards de transposition mais des difficultés qui persistent

A. Un déficit de transposition historiquement bas

B. Des difficultés qui persistent

Quatrième partie : Une réforme inachevée, des innovations nécessaires

I. Un triple équilibre a trouver

A. Un équilibre dans le temps : rétablir la continuité du processus législatif et réglementaire entre la France et l’union européenne

1. Continuer à améliorer l’organisation administrative des ministères en matière européenne

2. Le double enjeu de la « mémoire de la négociation »

B. Un équilibre institutionnel : replacer le parlement a sa place légitime dans le processus euro-législatif

1. Une information du parlement à renforcer significativement

2. Refonder le suivi des transpositions par le parlement

3. Une utilisation plus claire des différents outils juridiques

C. Un équilibre dans l’espace : garantir l’unité d’inspiration des mesures de transposition sur le territoire de l’union

II. Dix propositions pour réformer la procédure

A. La phase de proposition, de négociation et d’adoption de la directive

B. la phase d’élaboration et d’adoption des mesures de transposition

C. La phase de contrôle de l’adéquation juridique et de la cohérence territoriale des mesures de transposition

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

1. Administrations centrales françaises

2. Ambassades de France

3. Administration européenne

4. Universitaires et chercheurs

5. Entreprises

Annexe n° 2 : Liste des propositions

Annexe n° 3 : Liste des cas d’infraction ouverts en précontentieux par la Commission européenne à l’encontre de la France pour non-communication des mesures nationales de transposition de directives européennes

annexe  4 : listes des directives pour lesquelles une procedure pour non-conformite de la transposition a été ouverte À l’encontre de la france

annexe  5 :  Liste des lois portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne (ddadue) adoptées par la France depuis les années 2010


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

Les directives européennes constituent l’un des outils traditionnels d’action de l’Union européenne en matière normative. Définies à l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), les directives se distinguent des règlements européens par le fait qu’elles lient les États membres quant aux résultats à atteindre mais les laissent libres de déterminer les moyens propres à les atteindre. Ces moyens, qu’ils prennent la forme de dispositions législatives ou réglementaires, sont donc du ressort exclusif des États membres.  

Dès lors, en théorie, une directive doit, pour entrer en vigueur, faire l’objet d’un processus de transposition qui permet aux États d’adopter de toutes les mesures nécessaires à l’incorporation d’une directive dans l’ordre juridique national. Cet exercice de transposition est complexe. Il suppose une action méthodique et déterminée de l’État, soumise de surcroît à un contrôle précis et exigeant de la Commission européenne. La transposition ne saurait ordinairement se réduire à un simple « copier-coller » ou à un renvoi direct aux dispositions de la directive dans le droit interne ([1]). Les mesures de transposition sont en effet nécessaires pour assurer une bonne articulation de la directive avec le droit national.

Le processus de transposition est en réalité double. Il consiste, d’une part, à insérer correctement en droit national l’ensemble du contenu normatif de la directive et, d’autre part, à effectuer toutes les démarches nécessaires afin d’assurer la meilleure articulation possible entre la norme nationale de transposition et le droit interne préexistant. Cela peut passer par la suppression de mesures de droit national devenues incompatibles avec le droit de l’Union européenne ([2]). La Commission européenne, dans son contrôle étroit de la conformité des transpositions, est attentive à ce que les dispositions assurant cette transposition soient juridiquement contraignantes et aillent au-delà de simples pratiques administratives ([3]) ou de la seule mise en œuvre jurisprudentielle ([4]).

En principe, la directive ne prend effet qu’une fois transposée. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère qu’une directive qui n’est pas transposée peut produire certains effets directs lorsque :

-         la transposition dans le droit national n’a pas eu lieu ou a été effectuée de manière incorrecte ;

-         les termes de la directive sont inconditionnels et suffisamment clairs et précis ;

-         les termes de la directive confèrent des droits aux particuliers. Si ces conditions sont remplies, un particulier peut invoquer les dispositions de la directive à l’encontre d’un État membre devant les tribunaux. Il ne peut toutefois invoquer le texte à l’encontre d’un autre particulier si la directive n’a pas été transposée.

La transposition constitue, en France, une obligation constitutionnelle  ([5]) à laquelle la puissance publique ne peut se dérober, en application de l’article 88-1 de la Constitution. L’État doit ainsi transposer pleinement, fidèlement et dans les temps les directives européennes. Selon une jurisprudence désormais bien établie, cette obligation n’est soumise qu’à deux limites : elle ne saurait aller à l’encontre d’une « règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » et le Conseil constitutionnel ne saurait « déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer » ([6]).

Le présent rapport s’est attaché à l’examen des modalités et des méthodes choisies par la France pour transposer les directives européennes. Vos rapporteurs ont d’abord choisi d’analyser les difficultés rencontrées par un processus de transposition qui peine, selon eux, à s’inscrire dans notre système normatif : la transposition reste un défi malaisément relevé par les institutions nationales. Le parlement n’y joue qu’un rôle modeste pour ne pas dire marginal. L’exercice côtoie fréquemment le risque de sur-transposition ou de transposition inappropriée. Historiquement, les retards ont eu tendance à s’accumuler au risque de porter atteinte au respect effectif de la norme juridique commune (première partie).

L’examen de la situation chez certains de nos partenaires européens a révélé qu’ils rencontraient mutatis mutandis des difficultés comparables, à défaut d’être identiques, à celles qu’on a pu relever en France (deuxième partie).

Le rapport a toutefois mis en lumière qu’un recadrage partiel mais bienvenu des procédures en usage avait permis, ces dernières années, de faire cesser la plus importante des dérives constatées en résorbant l’essentiel du déficit de transposition progressivement accumulé (troisième partie).

Il n’en est pas moins apparu, à la lumière des travaux de vos rapporteurs, que la France n’était pas au bout des efforts nécessaires d’adaptation et qu’il importait d’introduire de nombreuses innovations pour que la procédure de transposition ne fasse pas obstacle à l’unité et à la continuité nécessaire du processus législatif européen, à l’établissement d’un équilibre institutionnel ménageant une juste place à l’autorité parlementaire, et enfin à l’égalité de situation des États membres dans la mise en œuvre effective des orientations voulues par le législateur européen. C’est dans cet esprit que vos rapporteurs formulent dix propositions qui leur paraissent de nature à atteindre pour l’essentiel les trois objectifs ainsi poursuivis (quatrième partie).

 


—  1  —

 

   Première partie :
Un processus de transposition qui peine à s’inscrire dans notre système normatif

 

Bien que la transposition soit une obligation constitutionnelle et qu’en France il appartienne aux assemblées de voter la loi, le processus de transposition reste marqué par une position marginale du parlement (I). Conduit dans le cadre d’une procédure artificiellement fragmentée, exagérément complexe et malaisément calibrée (II), ce processus déséquilibré conduit à des déficits de transposition massifs (III).

I.   Un parlement marginalisE

A.   Des responsabilités parlementaires strictement bornées par la Constitution

L’école constitutionnaliste française définit la loi soit par un critère formel (est qualifié de loi un texte voté par le Parlement) soit par un critère matériel (est qualifiée de loi une norme, quelles qu’en soient la forme et les modalités d’adoption, qui relève d’un domaine de compétences, réputées particulièrement éminentes mais limitativement énumérées par la Constitution). 

Rebelles à tout effort rigoureux de hiérarchie des normes, les traités européens ignorent ces distinguos et se contentent de prévoir deux catégories d’actes normatifs qu’on peut qualifier de « supérieurs » sans que le terme puisse être autrement précisé : les directives et les règlements. Les seconds, adoptés par les institutions communes, sont d’application directe et excluent donc toute forme de participation à leur élaboration des institutions parlementaires nationales. Les premières associent, comme on l’a dit, les États à l’exercice législatif, fût-ce en mode subordonné et dans le cadre d’une compétence étroitement liée.

En France, le Parlement voit de surcroît ses propres pouvoirs résiduels strictement encadrés par deux dispositions majeures de la Constitution : le strict partage de la loi et du règlement (articles 34 et 37) qui fait tomber dans l’escarcelle de l’exécutif une part très importante des mesures de transposition à prendre, et l’article 38 qui prévoit de conférer au gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnances.

En France, sur la période 2002-2018, 3 458 textes ont contribué à transposer des directives en droit interne. Parmi ces textes, on compte, par ordre d’importance quantitative, 1 791 arrêtés (51 %), 1 053 décrets (30 %) 460 lois (environ 14 %) et 154 ordonnances (5 %), selon la répartition annuelle indiquée par les tableaux ci‑dessous ([7]).

Ainsi, à peine 14 % des transpositions se font par la voie législative, conformément à la répartition prévue par les articles 34 et 37 de la Constitution.

REPARTITION ENTRE LES DIFFERENTS VEHICULES JURIDIQUES UTILISES PAR LA FRANCE POUR TRANSPOSER DES DIRECTIVES EUROPENNES (2002-2018)

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

lois

19

21

30

42

29

25

33

21

40

ordonnances

1

1

20

10

2

15

6

8

10

décrets

56

76

49

88

75

60

63

78

77

arrêtés

98

170

138

82

148

159

101

167

206

Total général

174

268

237

222

254

259

203

274

333

% lois

10,92

7,84

12,66

18,92

11,42

9,65

16,26

7,66

12,01

 

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Total

lois

50

12

28

32

33

28

4

13

460

ordonnances

19

7

3

5

13

23

9

2

154

décrets

87

40

66

41

62

68

45

22

1053

arrêtés

95

70

57

42

75

86

59

38

1791

Total général

251

129

154

120

183

205

117

75

3458

% lois

19,92

9,3

18,18

26,67

18,03

13,7

3,42

17,3

13,76

Source : Secrétariat général des affaires européennes

À ce titre, la transposition relève, en majorité (86 %), de la responsabilité du pouvoir exécutif.

1.   Une marge de manœuvre parlementaire très limitée

L’exercice de la transposition peut être source de difficultés non anticipées notamment lorsqu’il se déroule dans le cadre d’un débat parlementaire. En effet, la transposition en tant que telle consiste principalement à adapter le droit national à des objectifs normatifs qui ont, pour la plupart, déjà été arbitrés lors des discussions européennes. Le rôle du parlement en matière de transposition a ainsi pu être comparé à celui du « moine copiste », nécessitant de « transposer en droit interne, avec un enthousiasme mitigé, un nombre de plus en plus important de directives communautaires » ([8]).

Ainsi, la transposition des directives, lorsqu’elle nécessite un véhicule législatif, passe dans la majorité des cas par une initiative gouvernementale. L’exposé des motifs de certains projets de loi indiquent clairement le peu de place laissée au parlement dans ce processus ([9]). À ce titre, les parlementaires peuvent ressentir une forte frustration au moment de procéder à la transposition par voie législative, en lien avec un sentiment de dépossession, étant donné que le droit d’amendement est toujours limité par les exigences de la directive lorsqu’elles sont claires, précises et inconditionnelles.

En outre, il est impossible pour les parlementaires nationaux de changer fondamentalement l’économie générale d’une directive ni de rejeter le texte de transposition, sans quoi la CJUE serait fondée, sur proposition de la Commission européenne, à condamner la France pour défaut de transposition. Le parlement ne peut avoir une marge de manœuvre que si la directive concernée est peu prescriptive ou s’il souhaite explicitement aller plus loin que le prévoit la directive, au risque de créer alors des sur-transpositions ou de mauvaises transpositions ([10]).

Pour éviter que la transposition ne soit en réalité qu’une simple transcription et pour limiter la dépossession du parlement national, l’information et l’association de ce dernier aux discussions européennes sont donc des conditions indispensables. Or, vos rapporteurs constatent que cette information et cette association sont encore à la fois tardives et marginales.

2.   Une intervention parlementaire qui tend à se réduire à une action d’information du parlement

En France, l’article 88-4 de la Constitution prévoit, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’institution à l’Assemblée nationale et au Sénat d’une commission chargée des affaires européennes ([11]). Celles-ci ont pour mission de suivre les travaux menés par les institutions européennes et de contrôler l’action européenne du Gouvernement. Par ailleurs, les commissions des Affaires européennes reçoivent, conformément à l’article 88-4 de la Constitution, à la circulaire du 27 septembre 2004 et à celle du 21 juin 2010 ([12]), l’ensemble des projets d’actes de l’Union ainsi que les fiches d’impact simplifiées et stratégiques.

Sur cette base, les commissions des Affaires européennes peuvent voter des résolutions ou des conclusions sur des projets d’actes de l’Union européenne. Il s’agit là bien souvent du « seul rendez-vous sur la négociation d’une proposition de directive » ([13]) au sein du parlement, à l’exception des travaux de contrôle (auditions de ministres avant le Conseil ou de responsables des institutions européennes).

Toutefois, la révision constitutionnelle de 2008 n’a pas institué le système de « mandat », existant dans certains États membres, par lequel le gouvernement est mandaté en amont par son parlement pour défendre au Conseil une position préalablement débattue et définie en son sein. C’est pourquoi une grande partie de l’action parlementaire en matière européenne en France se limite de facto à un effort plus ou moins exigeant d’information en aval des parlementaires sur les questions européennes.

Cette information est d’abord assurée par la communication des fiches d’impact, imposées par la circulaire du 27 septembre 2004 ([14]). Issu de la concertation entre les assemblées parlementaires et le gouvernement, cet instrument, mis en œuvre à compter du 1er janvier 2012, devrait constituer une véritable analyse d’impact qui doit notamment préfigurer un tableau de concordance entre les exigences européennes et les dispositions nationales. Ces fiches sont de deux ordres. À l’heure actuelle, ces fiches sont envoyées aux rapporteurs thématiques de la commission des Affaires européennes lorsqu’ils sont concernés.

La fiche d’impact simplifiée (FIS 1) doit être produite, sur invitation du SGAE, par le ministère « chef de file », dans les trois semaines suivant la publication d’une proposition de directive. Transmise aux assemblées, cette fiche, d’après la circulaire de 2004, « dresse la liste des textes de droit interne dont l’élaboration ou la modification seront nécessaires en cas d’adoption de la directive ou de la décision-cadre. Elle indique quelles sont les difficultés de transposition déjà identifiées. » Cette fiche doit, dans la mesure du possible, interroger le choix du niveau de texte adéquat pour transposer la directive et mentionner d’éventuelles difficultés d’interprétations ou risques d’incohérence avec le droit interne.

La circulaire de 2004 précise également que cette fiche « est ensuite enrichie et adaptée lorsque des modifications notables sont apportées à la proposition du fait de la position commune adoptée au Conseil ou à la suite d’amendements proposés par le Parlement européen. » Ainsi, dans les trois mois suivant une proposition de directive, une fiche d’impact stratégique (FIS 2) doit déboucher sur la mise en place d’un tableau de concordance entre l’acte en cours de négociation et les dispositions de droit qu’il sera nécessaire de modifier. Elle doit également « permettre de mesurer les impacts techniques, budgétaires et administratifs de l’acte en cours de négociation. »

SCHEMA DES PROCEDURES DE MESURES D’IMPACT

Source : Secrétariat général des affaires européennes

3.   Des outils d’information du parlement encore largement insuffisants

Dans une étude de 2015 ([15]), le Conseil d’État portait déjà un regard sévère sur la mise en application concrète de ces obligations, en considérant que les FIS 1 interviennent « trop tôt » et sont « peu précises quant aux enjeux de la transposition ». Il demandait ainsi un enrichissement important des FIS 1, notamment avec des informations relatives à la nécessité ou non de faire intervenir le législateur pour transposer ainsi que le périmètre possible de cette intervention.

Le Conseil d’État notait également que les FIS 2 ne sont, la plupart du temps, pas produites ([16]) car elles interviennent trop tôt dans la négociation, à un moment où le texte n’est pas suffisamment stabilisé pour en fournir une nouvelle analyse approfondie. Le Conseil d’État propose donc de demander la publication de ces FIS 2 à « un stade, déterminé par le SGAE, où le texte européen est suffisamment stabilisé ».

Vos rapporteurs ont cherché à savoir si les constats formulés par le Conseil d’État étaient toujours d’actualité, plus de six ans après la publication du rapport, et si les préconisations formulées avaient pu trouver une application. Vos rapporteurs ont donc analysé, d’abord en terme purement quantitatif, la régularité avec laquelle l’État produit et transmet aux assemblées les FIS 1 et FIS 2, en les mettant en regard avec le nombre de directives publiées lors de la dernière mandature européenne.

D’abord, vos rapporteurs constatent que la plupart des propositions de directive font l’objet d’une FIS1 et qu’elles pourraient être considérées comme exagérément précoces dès lors qu’elles ne donnent pas lieu à actualisation et à enrichissement réguliers. Toutefois, il est clair que ces fiches d’impact simplifiées ne remplissent en aucun cas les critères posés par la circulaire de 2004. Elles restent en effet très sommaires, se contentant la plupart du temps de résumer les grands objectifs de la proposition de directive ainsi que sa base juridique, le(s) ministère(s) responsable(s) et la position de la France dans la négociation. L’enjeu de la transposition ne constitue qu’une partie très minime de la fiche, souvent en des termes très vagues, alors qu’il devrait s’agir du cœur de cette fiche.

À titre d’exemple, la FIS 1 transmise à la suite des directives portant sur l’économie circulaire en décembre 2015 ([17]) indique uniquement les éléments suivants :

« La partie législative du code de l’environnement (article L. 541-1 et suivants) devrait être modifiée si, à l’issue du processus d’élaboration des textes, les objectifs chiffrés de recyclage des déchets municipaux et emballages ou encore ceux relatifs à la réduction de la mise en décharge n’étaient pas cohérents avec ceux qui ont été adoptés dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte. Certains articles réglementaires, notamment liés à la prévention des déchets, pourraient également l’être. Il pourrait également être nécessaire de modifier les parties législatives et réglementaires du code général des collectivités territoriales se rapportant au service public de gestion des déchets (articles L. 2224-13 et suivants, R. 2224-23 et suivants). »

Toutefois, le constat le plus grave est lié à l’absence quasi-totale d’actualisation de ces fiches. Alors que les textes européens sont amenés, dans la négociation, à évoluer, ces fiches ne sont pas adaptées. Ainsi, l’information parlementaire, déjà très faible au moment de la publication de la directive, est nulle au cours de la négociation.

Selon les documents transmis à vos rapporteurs, l’État n’a produit et transmis aux assemblées, sur la période 2018-2020 ([18]), que 7 FIS 2 ([19]), alors que, sur la même période, la Commission européenne avait publié 49 propositions de directives. Ainsi, seulement 14 % des propositions de directives ont fait l’objet d’une FIS 2.

Alors que la circulaire de 2004 demande à que les fiches d’impact soient actualisées lorsque des « évolutions notables » sont apportées au texte au cours de la discussion, cette exigence n’est toujours pas remplie par l’État. L’information du parlement reste donc figée dans une fiche d’impact lacunaire produite au moment de la publication de la proposition de directive.

Au total, vos rapporteurs constatent qu’il existe au minimum deux « angles morts » dans l’information du parlement lors de la négociation de directives en France :

-         en amont de la publication d’une proposition de directive : la Commission européenne consulte les parties prenantes et les États membres, mais les parlements ne sont pas systématiquement sollicités ;

-         au cours de la négociation : une fois la fiche d’impact simplifiée publiée, les parlementaires ne sont pas suffisamment tenus informés de l’état de ces négociations et découvrent, la plupart du temps, les orientations générales du Conseil et la position du Parlement européen avant le début des trilogues, sans que le gouvernement n’informe le parlement des conséquences de ces positions en termes de transposition. Enfin, les parlementaires pourront prendre connaissance de la directive adoptée, avant de devoir la transposer ([20]).

B.   Un sequencage de la procedure euro-législative qui place le parlement en fin de processus

On a vu que dans la production des actes juridiques de transposition la contribution du parlement était particulièrement réduite (14 % de l’ensemble). Elle est également particulièrement tardive. Lorsqu’un véhicule législatif doit être employé, le choix de celui-ci est longtemps différé et reste de ce fait très illisible. Plusieurs possibilités s’offrent en effet au gouvernement et au parlement pour transposer les directives par voie législative. Le plus connu reste la loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne » (appelée « loi DDADUE »). Depuis le début des années 2000, neuf lois « DDADUE » ont été adoptées afin de transposer 35 directives et 6 décisions-cadres ([21]).

Outre qu’il permet de faire face à la rareté des vecteurs législatifs, le principal avantage de ce type de loi pour porter les mesures législatives nécessaires à la transposition des directives réside dans son examen rapide par le parlement. Si rapide, en vérité, qu’il prend souvent la forme d’un rituel purement formel de clôture du processus législatif. Surtout, la majorité des directives a une portée essentiellement technique. Les lois « DADDUE » permettent également d’adopter rapidement les mesures législatives qui s’avèrent nécessaires pour mettre fin à des précontentieux pour mauvaise ou non-application du droit de l’Union européenne. Leur portage relativement large permet à échéance régulière de traiter le cas des directives orphelines et de purger des précontentieux.

Elles présentent également un point positif en termes de communication : elles affichent clairement que la loi a pour objectif la transposition, même si le terme « d’adaptation » du droit national pourrait être légitimement interrogé.

 

Les lois DDADUE ont toutefois l’inconvénient de constituer une « voiture-balai législative » ([22]) ou encore une « loi fourre-tout », puisqu’elles transposent le plus souvent plusieurs textes européens, parfois sans liens thématiques entre eux ([23]), même si vos rapporteurs ont noté une attention accrue portée à la cohérence thématique ces dernières années.

L’autorité législative de transposition peut également introduire les mesures de transposition dans les diverses lois nationales qui traitent du même sujet qu’une directive et favorisent l’insertion des mesures envisagées de transposition dans une discussion législative cohérente ([24]). Ces lois diverses ont pour avantage de privilégier la cohérence thématique mais n’identifient pas la transposition. Elles doivent également, comme les lois DDADUE, être réservées aux transpositions de directives techniques qui ont les mêmes thématiques que des projets ou propositions de lois.

Il est également possible de transposer par la voie d’un projet ou d’une proposition de loi spécifiquement dédié à la transposition. Cette possibilité reste rarement utilisée (à sept reprises entre 1994 et 2014, dernière loi de ce type en date)  ([25]) mais présente plusieurs avantages majeurs. Elle permet d’abord, lorsque la transposition est clairement identifiée dans l’intitulé du projet ou de la proposition de loi, d’afficher clairement qu’il s’agit d’un tel exercice et donc d’éviter des sur‑transpositions accidentelles. Par ailleurs, une loi dédiée constitue un bon outil pour assurer une visibilité nationale à une directive identifiée comme ayant un fort enjeu politique.

Une loi spécifique ne permet toutefois pas de transposer rapidement un nombre important de directives et peut s’avérer être un outil trop lourd lorsque les dispositions concernées restent de nature très technique.

Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution constituent une dernière voie juridique pour transposer les dispositions d’une directive qui entrent, en France, dans le champ de la loi. Les ordonnances permettent une action normalement rapide et relativement encadrée par le parlement et peuvent se révéler utiles pour la transposition de directives de nature technique.

Toutefois, il faut que ces ordonnances soient adoptées avant l’échéance du délai de transposition. Ainsi, les ordonnances prévues pour transposer les directives 2018/851 et 2018/852 (« paquet déchets ») accusent des retards de publication entraînant un dépassement du délai de transposition. Il est donc possible que les ordonnances ne constituent pas un outil particulièrement efficace pour transposer dans les délais.

En outre, les articles d’habilitation à légiférer par ordonnances sont, dans la majorité des cas, suffisamment vagues pour laisser au gouvernement toute latitude pour transposer comme il le souhaite. La formule habituelle  Le gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive XXX ») ne laisse ainsi qu’une marge de décision très faible au parlement.

II.   Une procédure qui se cherche

A.   Une faiblesse structurelle : le défaut d’anticipation

 Le système français de transposition ne donne qu’une faible place à l’anticipation de la transposition, faisant de celle-ci une étape séparée de la discussion législative, alors qu’elle devrait être totalement intégrée dans le processus global qui commence avant même la publication de la proposition de directive. En 2015, le Conseil d’État appelait à cet effet à un « véritable changement de culture ([26]) en la matière. Vos rapporteurs ont eu pour objectif d’évaluer si ce changement avait eu lieu depuis six ans.

 Plusieurs constats, quelque peu contrastés, se dégagent de l’examen par étapes du processus législatif européen. D’abord, la France tente encore imparfaitement de mesurer l’impact des projets d’actes européens au moment de leur élaboration. Il est en effet demandé aux ministères d’adopter, selon le SGAE, une « attitude anticipative », en s’appuyant sur les documents programmatiques de la Commission européenne (orientations politiques à cinq ans et programme annuel).

Les autorités françaises doivent également suivre les différentes consultations effectuées par la Commission européenne et les documents rendus publics par la Commission (feuille de route, « inception report », livre vert, livre blanc, etc.).

Cette veille relève de la responsabilité de chaque ministère et doit être effectuée avec l’appui de la Représentation permanente (RP-UE) de la France auprès de l’Union européenne et du SGAE. Les propositions et initiatives les plus sensibles doivent faire l’objet d’une note de veille qui est adressée à la RP-UE et au SGAE.

Il apparaît toutefois que cette veille stratégique, si elle donne effectivement lieu à des notes de veille, reste totalement confidentielle et ne permet pas une communication interministérielle voire publique suffisamment large, notamment auprès du parlement.

La France cherche également à anticiper la transposition d’une directive durant les négociations. Lorsqu’une proposition de directive est publiée par la Commission, un ministère « chef de file » est désigné et une équipe projet constituée pour suivre les négociations. Quand bien même plusieurs ministères sont concernés par la proposition de directive, un seul demeure « chef de file ». Le SGAE demeure le seul lieu de coordination interministérielle d’élaboration et de validation des instructions de négociation adressées à la RP-UE.

L’équipe projet est responsable de la constitution d’un fond de dossier sur la directive en cours de négociation afin d’assurer la « mémoire » de la négociation pour la transposition de la directive et la continuité de la négociation et de la transposition en cas de mobilité des agents constituant l’équipe projet. Les fiches d’impact, décrites ci-après, font également partie du processus d’anticipation au stade de la négociation.

Tous ces éléments constituent des avancées importantes pour intégrer l’enjeu de la transposition dans les négociations des textes européens. Les outils mis en place, en particulier les fiches d’impact et les tableaux de concordance, ainsi que la publicisation qui est faite de ces veilles stratégiques apparaissent toutefois encore insuffisamment performants et feront l’objet de propositions de la part de vos rapporteurs.

Toutefois, l’anticipation ne doit pas conduire à transposer par avance une proposition de directive qui n’est, par définition, pas encore entrée en vigueur et qui reste en négociation. Il a, par exemple, été porté à la connaissance de vos rapporteurs le cas du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Celui-ci propose la création d’une « éco-taxe régionale » ([27]), alors que la révision de la directive « Euro-Vignette » ([28]) est en cours entre les institutions européennes, intégrant le principe de pollueur payeur à l’échelle européenne. Une bonne l’articulation entre droit national et droit européen implique donc également de ne pas tenter de brûler les étapes de la négociation européenne par des initiatives législatives ou réglementaires nationales prématurées et potentiellement redondantes.

B.   Une dérive dangereuse : la complexification du processus

Un double phénomène peut conduire à complexifier le processus de transposition et donc à en accroître les difficultés : la distinction entre les directives d’harmonisation maximale ou minimale et la naissance des « actes délégués ».

1.   Les directives d’harmonisation maximale ou minimale

Il est important de distinguer les exigences d’harmonisation minimale et maximale des directives. En cas d’harmonisation minimale, une directive définit des normes minimales, souvent en reconnaissance du fait que les systèmes juridiques de certains États membres disposent déjà de normes supérieures. Dans ce cas, les États membres ont le droit de fixer des normes plus élevées que celles définies dans la directive. Ainsi, la directive sur la vente de biens prévoit des recours disponibles pour les consommateurs en cas de défaut de conformité ainsi que les modalités d’exercice de ces recours.

En cas d’harmonisation maximale, les États membres ne peuvent pas introduire de règles plus strictes que celles définies dans la directive. Les directives d’harmonisation maximale pourraient ainsi aider à prévenir la sur-transposition dans des domaines où celle-ci pourrait avoir des répercussions négatives. Il est possible de citer à titre d’exemple le code des communications électroniques européen ([29]) ou encore la directive sur la vente de bien ([30]). L’harmonisation maximale est régulièrement utilisée dans le domaine de la protection des consommateurs.

En pratique, la situation est plus nuancée. En effet, certaines directives prévoient des normes minimales et précisent que les États membres peuvent prévoir des normes plus strictes. D’autres annoncent explicitement qu’il s’agit de directives d’harmonisation maximale. Mais il existe également des directives contenant à la fois des éléments liés aux deux standards ([31]).

Cette difficulté juridique peut entraîner d’importants retards de transposition. À titre d’exemple, les États membres avaient jusqu’au 21 décembre 2020 pour transposer la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen ([32]). Alors que la Commission européenne a fourni une aide importante aux États pour transposer, à ce jour seules la Grèce, la Hongrie et la Finlande ont déclaré à la Commission européenne avoir adopté toutes les mesures nécessaires pour transposer la directive, et avoir donc terminé cette transposition. En conséquence, la Commission a adressé, en février 2021, une mise en demeure à 24 États membres, dont la France, pour défaut de transposition.

Par ailleurs, vos rapporteurs constatent également une évolution, lors de la dernière mandature européenne, vers des directives parfois excessivement prescriptives. Cette tendance rend d’autant plus complexe le processus de transposition que la Commission européenne se donne un rôle très précis dans son contrôle. En parallèle, les directives sont de plus en plus transversales, couvrant de larges domaines, et impliquant donc un processus de transposition plus lourd. Les directives sont enfin, lorsque le domaine l’exige, publiées par « paquets » thématiques, pouvant associer directives et règlements, nécessitant de combiner transposition, application directe et suppression de normes devenues incompatibles avec le droit de l’Union.

Cette triple évolution vers des directives plus prescriptives, plus larges et combinées entre elles et avec d’autres types de textes européens pose d’importantes difficultés pour aboutir à une transposition lisible et dans les temps. Ce constat peut être combiné à un amoindrissement de la distinction entre directives et règlements. Ces derniers peuvent en effet nécessiter d’adapter le droit interne à certaines de ses dispositions, pratique qui peut s’apparenter à une forme de transposition. Cela a notamment été le cas pour le règlement européen relatif au parquet européen ([33]).

2.   Les actes délégués : un défi supplémentaire pour la transposition

En plus des directives adoptées par codécision et des directives prises directement par la Commission européenne en vertu d’une habilitation expresse, sous le contrôle d’un comité d’experts des États membres (comitologie), le traité de Lisbonne a enrichi la liste des actes juridiques de l’Union européenne en y ajoutant les « actes délégués ». Ceux-ci peuvent prendre la forme de directives prises par la Commission européenne qui se fonde sur une habilitation prévue par « l’acte de base ». L’objectif est de compléter ou de modifier certains « éléments non essentiels de l’acte législatif » (article 290 TFUE). 

Rendue déjà plus difficile par le système des directives adoptées en comitologie, la transposition se trouve une nouvelle fois complexifiée par ces « actes délégués », comme le soulignait le Conseil d’État en 2015 ([34]), pour deux raisons principales. D’abord, les délais de transposition commencent à courir à partir de la publication de l’acte de base, avant même que les actes délégués pris sur le fondement dudit acte de base ne soient connus. La transposition peut donc se faire en deux temps pour un même texte européen, ce qui éventuellement peut conduire à devoir utiliser plusieurs véhicules législatifs, en prenant en compte un ordre du jour parlementaire souvent chargé.

Ensuite, le contenu de l’acte délégué est difficile à anticiper pour les États membres. Contrairement à la procédure en vigueur dans le cadre de la comitologie, les États membres sont en effet peu associés à la formalisation de ces actes délégués, censés être d’ordre purement technique ([35]). Le Conseil d’État demande ainsi, dans son étude de 2015, une « association plus formalisée des États membres à l’élaboration des projets d’actes délégués » ([36]). Les actes délégués représentent donc un défi supplémentaire pour les États membres en matière de transposition.

Les « directives déléguées » contribuent à accroître l’activité législative européenne et sont donc susceptibles de rendre l’exercice de transposition plus lourd et plus complexe. Toutefois, les institutions européennes ont conclu en 2016 un accord visant à simplifier la législation européenne, intitulé « Mieux légiférer » ([37]). Celui-ci prévoit notamment de mieux et moins légiférer au niveau européen, en ne se concentrant que sur les questions les plus importantes. L’objectif est également de laisser aux États membres plus de temps pour mieux transposer les directives.

En moyenne, sur la période 2011-2020, 21 directives du Parlement européen et du Conseil ont été adoptées chaque année, ainsi que près de 7 directives du Conseil et autant de directives déléguées de la Commission européenne.


NOMBRE DE DIRECTIVES EUROPEENNES ADOPTEES (2011-2020)

Source : Rapporteurs, d’après les données de la Commission européenne ([38])

C.   Une tentation permanente : la sur-transposition

La « sur-transposition » de directives européennes a fait l’objet, en France, de multiples débats qui peuvent conduire à rendre encore plus difficile et contraint l’exercice de transposition.

Le Conseil d’État définit la sur-transposition comme « la création de normes de droit interne excédant les obligations résultant d’une directive. » Il s’agit plus précisément de « toute mesure nationale de transposition instaurant une norme plus contraignante que celle qui résulterait de la stricte application de la directive, sans que cela ne soit justifié par un objectif national identifié » ([39]). Les cas de « sur‑transpositions » ont ainsi été, depuis plusieurs années, largement documentés et étudiés, tout comme leurs impacts sur les entreprises ([40]).

Cette notion de « sur-transposition » peut en réalité refléter des situations très diverses. Elle peut résulter d’une norme interne dont le champ d’application est plus large que celui de la directive ou fixant un seuil/plafond plus bas ou plus élevé. Elle peut également consister à utiliser ou pas certaines options ou possibilités de dérogation ouvertes par une directive.

Toute sur-transposition n’est pas nuisible en elle-même et peut résulter d’un choix assumé par le Gouvernement ou par le Parlement de ne pas s’aligner sur le standard européen minimal eu égard aux priorités nationales dans certains domaines.

Des initiatives ont été prises, au niveau européen et national, pour mesurer et limiter les sur-transpositions. Avec son plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique ([41]) du 10 mars 2020, la Commission a donné une nouvelle impulsion politique afin de prévenir la création de nouveaux obstacles au marché unique. Dans cette perspective, la Commission a mis en place une taskforce chargée du respect des règles du marché unique (« Single Market Enforcement TaskForce », SMET), composée des États membres et de la Commission. La SMET, désormais établie, a pour missions d’évaluer régulièrement la situation en matière de respect, dans le droit national, des règles du marché unique, d’examiner les obstacles les plus pressants, de lutter contre toute surrèglementation injustifiée et d’examiner les questions horizontales relatives à l’application des dispositions et de suivre la mise en œuvre de ce plan d’action.

En France, le Premier ministre a publié, en juillet 2017, une circulaire ([42]) qui proscrit, par principe, toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive, sauf à ce que cela fasse l’objet d’un choix assumé et confirmé par le cabinet du Premier ministre. Cette même circulaire visait également le stock supposé des sur-transpositions en lançant un travail d’inventaire confié à une mission d’inspection avec pour principe que toutes les sur-transpositions identifiées dans les champs ministériels et qui n'auront pu être justifiées feront l’objet d'un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l'Union européenne.


LES EXEMPLES DE SUR-TRANSPOSITIONS IDENTIFIES
PAR LA MISSION INTERMINISTERIELLE EN 2017

La mission interministérielle demandée par le Premier ministre en 2017 a identifié, par secteur, les cas des sur-transpositions, sous-transpositions ou mauvaises transpositions. Le secteur agricole apparaît comme particulièrement marqué par le phénomène des sur-transpositions. À titre d’exemple, l’ordonnance n°2001-741 (article 17) prévoit des sanctions pénales lourdes (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d'amende) pour les établissements ayant procédé au traitement par ionisation des denrées sans être titulaire de l'agrément, ce qui n’est pas prévu par la directive 1999/2/CE.

En outre, la directive 2001/82 précise dans son article 95 que les denrées alimentaires issues d’animaux soumis à des essais de médicaments ne peuvent être destinées à la consommation humaine que si les autorités compétentes ont déterminé un temps d'attente approprié. Toutefois, le code rural ([43]) interdit la mise sur le marché de denrées alimentaires provenant d'animaux ayant été soumis à des essais de médicaments, sauf dans le cas d'essais cliniques. Selon le syndicat des industries du médicament vétérinaire, cet écart de transposition participe d’une complexité de l'environnement juridique français et peut conduire à la délocalisation d'essais précliniques dans d’autres États membres, de la part de sociétés pharmaceutiques internationales qui cherchent en permanence à optimiser leurs diverses contraintes réglementaires. L’ANSES a rendu un avis ([44]) qui ouvre des possibilités de remise dans le circuit commercial d'animaux destinés à la consommation participant à des études non cliniques de médicaments, lequel n'est pour l'instant pas suivi par les autorités françaises.

Enfin, la directive 2009/128 interdit les traitements aériens par les produits phytopharmaceutiques sauf lorsqu'ils présentent des avantages manifestes pour la santé publique ou l'environnement ou lorsqu'il n'existe pas d’autre solution viable. Le droit interne limite les dérogations aux seuls cas des dangers sanitaires graves qui ne peuvent être maîtrisés par une autre méthode. De plus, le droit français classant, pour des motifs de sécurité, les drones comme des aéronefs, leur usage ne représente pas une alternative. Cependant, il existe des situations (comme les vignobles à forte pente) où les travailleurs agricoles sont moins exposés en cas de traitement aérien, sans que pour autant les populations riveraines ne le soient, du fait de leur éloignement. Des traitements non-aériens peuvent être difficiles à mettre en œuvre et engendrer des surcoûts (rizières, bananeraies).

D’autres secteurs semblent également connaître des situations similaires de sur-transpositions, en particulier le domaine culturel. À titre d’exemple, les lois n°92-61 du 18 janvier 1992 et n°2000-719 du 1er août 2000 fixent volontairement des obligations nationales plus lourdes ([45]) que celles imposées par la directive 2010/13/UE (directive « Services de médias audiovisuels »). La réglementation audiovisuelle française a en réalité précédé l’adoption de la première directive TVSF de 1989. Cette dernière est le fruit de la volonté des autorités françaises qui souhaitait que l’Union européenne se dotât d’un instrument permettant de préserver l’exception culturelle dans le cadre des négociations commerciales internationales. Elle constitue un socle commun de règles minimales et autorise les États-membres à adopter des règles plus strictes (protection de langue, des téléspectateurs, etc.).

Enfin, le secteur industriel connaît les mêmes problématiques. Ainsi, l’étude de dangers exigée en droit français pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ([46]) doit présenter la probabilité et la cinétique des accidents potentiels, ainsi qu’une cartographie agrégée par type d'effet des zones de risques significatifs. Toutefois, la directive ne demande que la description des substances dangereuses concernées. Le code de l’environnement ([47]) s’écarte donc de la directive 2012/18/UE (« Seveso III »).


Sur la base de cet inventaire, le Gouvernement avait initialement présenté en août 2019 un projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ([48]), dont l’examen parlementaire n’a pas été conduit jusqu’à son terme. Toutefois, le Gouvernement a tenté de veiller à ce que les mesures que comportait ce projet de loi soient menées à leur terme dans le cadre d’autres vecteurs législatifs (loi « PACTE » ([49]), loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ([50]), loi « LOM » ([51]), loi « économie circulaire » ([52]) et loi « ASAP » ([53])).

Au niveau réglementaire, il n’a pas été possible d’adopter un texte unique interministériel qui aurait abrogé toutes les sur-transpositions réglementaires identifiées par la mission inter-inspections. À l’instar de ce qui a été fait au niveau législatif, les travaux de suppression des sur-transpostions menés par les ministères procèdent d’une analyse de la pertinence de celles-ci et d’arbitrages politiques pour les mesures maintenues. 

Deux types de sur-transpositions peuvent donc être identifiées :

- celles qui relèvent d’un choix politique, justifié comme tel au moment de l’adoption des normes concernées ;

- celles qui relèvent d’une insuffisante clarté du processus de transposition, conduisant le parlement ou le gouvernement à aller au-delà de ce qui est prescrit au niveau européen et de ce qui est appliqué par les autres États membres.

Le premier cas de sur-transposition doit bien entendu pouvoir être maintenu, tout en étant clair sur le libre choix qui y a conduit. Le second cas, en revanche, doit être évité. C’est pourquoi vos rapporteurs formulent, en quatrième partie du présent rapport, des propositions pour améliorer la lisibilité du processus de transposition et pour systématiser les comparaisons entre États membres en ce qui concerne les transpositions.

III.   UN déficit historique de transposition inacceptable

A.   Un déficit devenu dysfonctionnel par son ampleur

Le déficit de transposition se définit comme l’écart entre le nombre de directives adoptées par l’Union européenne et dont l’échéance de transposition est échue et celles dont les dispositions sont en vigueur dans l’État membre. Ce déficit peut être mesuré grâce au « tableau d’affichage du marché intérieur » établi par la Commission européenne ([54]).

La France a longtemps connu d’importants retards et déficits de transposition des directives européennes. La Commission européenne indique ainsi qu’en novembre 1997, ce déficit s’élevait à 7,4 %, alors que celui de l’ensemble de l’Union était de 6,3 %. Depuis lors, ce déficit n’a cessé de se réduire mais la France est restée jusqu’en 2004 fortement au-dessus de la moyenne européenne.

Ces retards s’expliquaient en partie par un processus administratif insuffisamment fondé sur l’anticipation mais également par des réticences politiques fortes. Cela a pu par exemple conduire la France à transposer avec des retards exceptionnels certaines directives relatives à l’environnement et à la biodiversité.

B.   Une instrumentalisation tactique de l’inertie : l’exemple de la directive « habitats »

Le cas de la directive 92/43/CEE relative à la conservation des habitats naturels (dite « directive habitats ») apparaît symptomatique des difficultés françaises liées à la transposition. La principale difficulté a consisté à recenser sites dits « d’intérêts communautaires », c’est-à-dire ceux qui participent à la préservation d’un ou plusieurs habitats naturels ou d’une ou plusieurs espèces de faune ou de flore considérés comme d’intérêt communautaire. Or, la France est particulièrement concernée par ces zones biogéographiques qui doivent permettre une préservation de la biodiversité. La transposition de la directive « habitats » revêtait donc une importance toute particulière.

L’article 4§1 de la directive prévoit que la liste établie devait être transmise à la Commission dans les trois ans suivant la notification de la directive, c'est-à-dire au plus tard le 5 juin 1995.

La deuxième étape, prévue à l’article 4§2 de la directive, devait permettre à la Commission européenne d’établir, en accord avec les États membres, un projet de liste des sites d’importance communautaire à partir des listes nationales. Cette liste communautaire devait être élaborée dans un délai de six ans à partir de la notification de la directive, c’est-à-dire entre juin 1995 et juin 1998.

Or, il apparaît que la France a commencé très tardivement le travail d’élaboration de cette liste de sites  ([55]), d’abord avec la circulaire du 21 janvier 1993 qui en régissait la procédure et surtout avec le décret n°95-631 du 5 mai 1995, qui fixait la procédure d’élaboration des propositions françaises de sites susceptibles d'être reconnus d’importance communautaire.

Après une première salve de consultations ayant conduit à des premières propositions en mars 1996 et qui ont suscité des réactions hostiles de la part de certaines associations, le Premier ministre a pris la décision en juillet 1996 de geler l’application de la directive, la considérant trop imprécise et attendant des informations complémentaires. La Commission européenne a été interrogée par la France et sa réponse a été formalisée dans deux mémorandums des 14 et 24 janvier 1997. Deux années de retard se sont alors accumulées dans les délais exigés pour transposer la directive. Une procédure précontentieuse est entamée par la Commission européenne dès l’année 1995, ce qui conduira à deux arrêts prononcés par la Cour de justice des communautés européennes, en avril 2000 ([56]) et en septembre 2001 ([57]), tous deux pour manquement aux obligations de transposition de la directive « habitats ».

La procédure de recensement des sites est relancée en 1997, suscitant de nouvelles approximations juridiques sanctionnées par le Conseil d’État ([58]). Elle n’aboutit qu’en 2001 ([59]), soit neuf ans après la publication de la directive.

Vos rapporteurs constatent donc qu’entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, la France disposait d’un système très imparfait pour transposer les directives, en particulier celles qui revêtent un enjeu politique fort, conduisant à des difficultés non anticipées. En particulier, les obligations de consultation des parties prenantes en ce qui concerne les thématiques environnementales pouvaient être, dans leur mise en œuvre, incompatibles avec les délais imposés par l’Union européenne pour la transposition ([60]).

D’autres directives européennes, en particulier dans le domaine environnemental, ont également subi les mêmes difficultés de transposition. C’est le cas notamment de la directive relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés, transposée avec six années de retard ([61]). Plus récemment, directives européennes sur l'efficacité énergétique et sur les déchets radioactifs ([62]) ont également été transposées avec trois années de retard par la France ([63]).

À partir du milieu des années 2000, face à l’accumulation des retards, la France a donc été contrainte, comme une majorité de États membres, de rationaliser et améliorer son processus de transposition, conduisant à une réduction rapide du déficit de transposition. 


   Deuxième partie :
Des difficultés partagées par nos partenaires

Vos rapporteurs ont souhaité examiner le cas d’autres États membres, pour analyser à la fois leurs performances en matière de transposition des directives mais également le processus mis en place pour opérer ces transpositions. Cette comparaison peut être riche d’enseignements pour la France, en se fondant sur les exemples allemand (I), espagnol (II), italien (III), polonais (IV) et suédois (V).

I.   L’Allemagne : rigueur de la gestion, respect du Parlement, rôle essentiel des länder, au service d’une performance plutôt moyenne

L’Allemagne a réalisé des progrès, tant sur les vices de transpositions qu’en termes de retard, sur la période 2015-2019 ([64]). Avec un déficit de transposition de 0,6 % en 2020, en amélioration de 0,5 % par rapport à 2019, elle se situe en position plutôt favorable, en milieu du tableau des États membres ([65]).

Concernant les vices de transposition, 70 procédures d’infraction ([66]) étaient ouvertes contre l’Allemagne au 31 décembre 2019 par la Commission européenne, soit une baisse de 20 % par rapport à 2015. 25 nouvelles procédures ont été initiées en 2015, principalement dans le domaine du respect de l’État de droit et de la protection du consommateur et celui du marché intérieur. Concernant les retards de transposition, 17 procédures étaient en cours contre l’Allemagne fin 2019, soit une baisse de près de 30 % par rapport à 2019.

L’Allemagne affiche donc globalement des performances moyennes malgré une nette amélioration récente. Cette amélioration peut s’expliquer en partie par la mise en place de procédures d’examen des coûts et de l’efficacité des transpositions, menées dans le cadre de la politique du « mieux légiférer », initiée en Allemagne depuis 2006. Depuis 2016, le Gouvernement fédéral doit également assurer un suivi systématique du coût de mise en œuvre des réglementations européennes. Il est également tenu à la réalisation d’une étude d’impact en termes de coûts pour l’Allemagne concernant tout projet de réglementation européenne dont la mise en conformité des législations européennes entraînerait un coût annuel supérieur à 35 millions d’euros. 

Enfin, l’Allemagne a créé un « Conseil national de contrôle des normes » (Nationaler Normenkontrollrat), comité d’experts juridiques indépendants rattaché à la Chancellerie fédérale. Son rôle est de déterminer le coût des projets de réglementation émanant du Gouvernement fédéral (impact sur les citoyens, sur les acteurs économiques et sur l’administration), ce qui inclut les projets de transposition. De 2006 à 2020, il a ainsi contrôlé 77 transpositions de directives.

Le suivi de la transposition des directives est assuré de manière centralisée par le Ministère fédéral de l’Économie et de l’énergie (BMWi). Celui-ci a mis en place un outil de suivi spécifique, via une base de données sur laquelle chaque ministère ou institution responsable de la préparation du texte de transposition indique la procédure en décrivant les différentes étapes de la transposition. Les ministères restent responsables du bon déroulé de la préparation des textes dont ils ont la charge.

L’équipe chargée du suivi des transpositions au sein du BMWi informe une fois par trimestre au mois la Directrice générale des Affaires européennes et la Secrétaire d’État aux Affaires européennes du ministère. Un point sur l’état des procédures en manquement concernant l’Allemagne figure systématiquement à l’ordre du jour de cette réunion. Un bilan est enfin transmis au Bundestag chaque année. Le gouvernement est également contraint d’informer le Bundestag de manière précise et continue sur son activité européenne, avec en particulier l’obligation de « l’informer par écrit et oralement avant toute réunion du Conseil et du Conseil européen » ([67]).

Un système de fiche d’impact existe en Allemagne, par lequel le gouvernement doit mentionner les éléments qui pourraient aider le Bundestag dans la perspective de la transposition, en fonction notamment de « l’intérêt allemand ou des conséquences économiques » ([68]).

L’une des spécificités allemandes en matière de transposition est liée à la structure fédérale du pays. En effet, la transposition de certaines directives relève, en tout ou partie, de la compétence des Länder, comme par exemple les directives dans le domaine culturel, notamment certaines dispositions relatives au droit d’auteur. Dans ce cas, le Gouvernement fédéral ne peut intervenir dans le processus de transposition des Länder, tant sur la forme que sur le fond.

En revanche, les Länder sont tenus à une transposition correcte, détaillée et respectant les délais ([69]). S’ils contreviennent à leurs obligations, ils ne peuvent toutefois être visés directement par une procédure en manquement : c’est le Gouvernement fédéral qui reste l’interlocuteur des institutions européennes au nom du pays. Celui-ci se retourne ensuite contre les Länder, qui doivent l’indemniser pour les procédures d’infraction éventuelles et les sanctions financières qui peuvent en résulter.

II.   L’Espagne : les freins de la fragmentation parlementaire et territoriale

En Espagne ([70]), la méthode de transposition est proche de celle de la France : le ministère des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération (MAUC) et le Comité interministériel des affaires de l'Union européenne (CIAUE), organe interministériel, sont chargés de coordonner l’activité de transposition des directives. La CIAUE se réunit une fois par mois afin d’analyser l’état de transposition des directives ainsi que les questions préjudicielles, les procédures d’infraction et les éventuels recours en manquement.

Toutefois, le système juridique espagnol ne prévoit pas de procédure particulière pour transposer les directives. Les processus administratif et juridique ainsi que le processus législatif suivi pour transposer une directive sont les mêmes que pour adopter les règles juridiques, qu’il s’agisse de réglementations ou de lois, portant transposition de la directive en question.

Une seule exception est prévue ([71]) : le Conseil des ministres, sur proposition du ministère d’où est issue l’initiative réglementaire, peut convenir d’un traitement accéléré du processus d’élaboration et d’approbation d’avant-projets de loi, décrets législatifs royaux et décrets royaux, dans le cas suivant : lorsqu’il est nécessaire pour que la règle entre en vigueur dans le délai requis pour la transposition de directives communautaires ou celui fixé par d’autres lois ou règles du droit de l’Union européenne.

En outre, en 2013, un « Accord pour l’approbation du plan d’amélioration du processus interne de transposition de directives de l’Union européenne » a été conclu par le Conseil des ministres. Selon ce dernier, le ministère responsable doit remettre au Secrétariat d’État à l’Union européenne, dans un délai maximal de deux mois à compter de la publication de la directive au Journal officiel de l’Union européenne, un plan de transposition de celle-ci.

De plus, à partir du 1er septembre 2021, le ministère responsable devra réaliser, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la proposition normative, une étude d’impact de la proposition d’acte réglementaire de l’Union Européenne. L’objectif est notamment d’anticiper les impacts de la proposition sur l’ordre juridique interne, de sorte à pouvoir réduire les problèmes d’application du droit de l’Union dont souffre aujourd’hui l’Espagne.

En ce qui concerne l’implication du parlement espagnol, une « commission mixte Congrès-Sénat pour les affaires européennes » a pour rôle de recevoir les informations du gouvernement concernant les activités des institutions européennes. Cette commission mixte reçoit également des rapports du gouvernement concernant les projets d’actes européens et un rapport spécifique sur le principe de subsidiarité.

Si les méthodes de transposition de l’Espagne sont proches des nôtres, ses performances en matière de transposition sont indiscutablement plus médiocres L’Espagne, avec un déficit de transposition de 1,1 %, reste l’un des deux États membres présentant le déficit le plus élevé. Le pays est toutefois de plus en plus attentif à la transposition des directives dans les délais, bien que deux (contre cinq il y a un an) de ces directives soient attendues depuis plus de deux ans. Au total, l’Espagne connaît un retard de transposition pour 11 directives.

Par ailleurs, l’Espagne fait l’objet en 2020 de 57 procédures d’infraction, en augmentation par rapport à 2019. L’environnement est le secteur le plus concerné, avec 19 cas, suivi des transports et de la fiscalité indirecte. Comme rappelé plus haut, l’Espagne a fait l’objet, en février 2021, d’une condamnation inédite par la CJUE à une astreinte journalière et au paiement d’une somme forfaitaire pour défaut de transposition de la directive relative aux données personnelles.

Si l’Espagne affiche ainsi des performances très moyennes par rapport au reste des États membres, c’est pour l’essentiel parce qu’elle vit avec une intensité parfois dramatique deux difficultés majeures, au reste liées l’une à l’autre, sous la forme d’une double fragmentation institutionnelle d’ordre parlementaire d’un côté et territorial de l’autre qui, malgré l’exploitation d’éléments de parlementarisme rationalisé « à l’allemande », introduit une certaine viscosité dans le processus décisionnel.

III.   L’Italie : les embarras de notre sœur latine

En 2020, le déficit de transposition italien est de 0,7 %, chiffre désormais proche du déficit moyen de l'Union (0,6%). Le pays a ainsi atteint le meilleur résultat qu’elle n’ait jamais enregistré concernant le déficit de transposition. 14 directives n’ont pas encore été transposées (dont la moitié concernent l'environnement).

En 2020, l’Italie compte 49 procédures d’infractions en cours. En 2019, elle en comptait 47, mettant fin à la baisse impressionnante (-30 %) du nombre de procédures depuis novembre 2014.

Les secteurs problématiques en Italie sont l’environnement (17 procédures, dont 6 sur la protection et la gestion de l’eau, 5sur la pollution atmosphérique et 5 sur la gestion des déchets) ; la fiscalité indirecte (7) et transports (6). Ces trois domaines représentent 65 % de toutes les affaires en cours.

Au sein de la présidence du Conseil des ministres, le processus interne de transposition des directives européennes est coordonné en Italie par le bureau législatif du ministre des affaires européennes. Ce bureau coopère étroitement avec la Struttura di missione per le procedure di infrazione (unité chargée des procédures d'infraction). Créée en 2006 au sein du service de la politique européenne de la présidence du Conseil, elle est chargée de réduire le nombre élevé de procédures d'infraction en cours ([72]) en proposant des solutions.

Concrètement, la Struttura et le bureau législatif suivent chaque directive depuis sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, jusqu'à la publication de la mesure de transposition correspondante au Journal officiel italien. Dès qu’une mesure de transposition ou l’acte nécessaire pour clôturer une procédure d'infraction est prêt, la Struttura le transmet à l'unité au sein de la représentation permanente pour évaluation et, si besoin, dialogue avec la Commission. La Struttura vise à intervenir le plus tôt possible, avant même l'ouverture officielle des procédures d’infraction, en s’efforçant de garantir la transposition en temps voulu du droit communautaire ou sa bonne application, en contactant la Commission européenne dès le stade de la plainte.

D’un point de vue législatif, l’Italie se fonde sur un modèle alternatif, puisqu’elle a introduit, depuis la loi 234/2012 ([73]), un système fondé sur deux lois. La première, présentée chaque année avant le 28 février, est une loi de délégation européenne (legge di delegazione europea) qui permet au gouvernement d’adopter les décrets nécessaires à la mise en œuvre des directives européennes. La seconde loi (legge europea) permet l’adaptation du droit existant aux normes nationales en vigueur.

Comme d’autres parlements nationaux, le parlement italien a fortement amélioré, sur la période récente, son suivi des questions européennes, notamment depuis la loi Buttiglione de 2005. Un lien spécifique a en outre été créé entre la représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union et le parlement italien, permettant à ce dernier de bénéficier de son expertise « sans intermédiaire » ([74]).

Enfin, l’Italie a mis en place un système d’alerte au parlement, qui oblige le gouvernement à produire, pour les actes européens revêtant une importance particulière, un rapport au parlement sous vingt jours.

Ainsi, malgré ses tentatives d’amélioration et de rationalisation de son système de transposition, l’Italie reste en deçà des performances moyennes des autres États membres.

IV.   La Pologne : la tentation permanente de la rupture

Le taux de déficit de transposition en Pologne est globalement en baisse depuis une dizaine d’années, depuis un pic à 2,1 % en 2011 et a été établi par la Commission européenne à 0,8 % en 2019, restant supérieur à la moyenne européenne.

La Pologne n’en connaît pas moins de sérieux problèmes de conformité dans la transposition. Ainsi, en 2019, la Commission faisait état d’un stock de 40 procédures ouvertes contre la Pologne (contre 31 en 2018, à comparer à la moyenne européenne qui se situe à 29). 27,5 % de ces procédures concernent le domaine environnemental, 17,5 % les transports, 12,5 % la fiscalité indirecte et 12,5 % l’énergie. La Pologne a retrouvé son niveau élevé de procédures d’infraction qu’elle connaissait dans les années 2011-2015 ([75]). Au 1er septembre 2020, les travaux de transpositions étaient en cours pour 27 directives, dont 17 ont un délai de transposition qui a expiré en 2020, 5 en 2019, 3 en 2018, 1 en 2017 et 1 en 2015 ([76]).

À titre d’exemple, la Commission européenne a adressé un avis motivé à la Pologne en février 2021 ([77]), lui demandant de respecter les exigences de la directive 2008/50/CE concernant la qualité de l'air ambiant. En Pologne, les valeurs limites annuelles de dioxyde d'azote sont en effet dépassées dans quatre agglomérations ([78]). Les rapports indiquent que les mesures prises pour remédier aux dépassements de dioxyde d’azote ne suffisent pas pour maintenir les périodes de dépassement aussi courtes que possible. La Pologne dispose d’un délai de deux mois pour répondre et prendre les mesures nécessaires, faute de quoi la Commission pourrait saisir la CJUE.

En outre, il est possible de voir dans l’attitude polonaise l’expression d’une forte tentation, celle du refus de se conformer aux exigences du droit de l’Union européenne, pouvant conduire à un risque de rupture. À titre d’exemple, la Commission a ordonné en février 2021 à la Pologne de mettre en œuvre l'arrêt de la CJUE du 17 avril 2018 concernant le non-respect des obligations qui lui incombent en vertu des directives « Habitats » (directive 92/43/CEE) et « Oiseaux » (directive 2009/147/CE) en ce qui concerne la protection de la forêt de Białowieża. La CJUE a en effet condamné la Pologne, cette dernière ne s’étant pas assurée que le plan de gestion forestière du district forestier de Białowieża ne porterait pas atteinte à l'intégrité des sites Natura 2000. En février 2021, la Commission a estimé que la Pologne ne s’était toujours pas totalement conformée à l’arrêt.

En ce qui concerne le processus de transposition, le ministère des Affaires européennes supervise systématiquement le processus de transposition du droit communautaire, suit l'avancement des travaux menés par les ministères concernés sur les actes d'application, et rappelle aux ministères leurs responsabilités à cet égard. La responsabilité de la préparation et de la présentation des projets de lois et de règlements pertinents incombe aux différents ministères, compétents dans le champ d'application de la réglementation du droit de l'UE à mettre en œuvre.

Une fois par mois, le comité des affaires européennes discute de l'état de la mise en œuvre des directives et de l'état d'avancement des travaux législatifs visant à la mise en œuvre des différentes directives. En outre, une fois par mois, le ministre des Affaires européennes fournit au Premier ministre des informations sur les directives à l'égard desquelles la Commission européenne a engagé une procédure formelle pour non-communication des mesures adoptées pour transposer une directive.

Enfin, deux fois par an, le ministre des Affaires européennes présente à la Diète et au Sénat des informations sur les travaux législatifs liés à la transposition des actes relevant du droit de l'Union européenne dont le délai de mise en œuvre a expiré ou expire dans les trois mois suivant la date de présentation des informations ([79]).

V.   La Suède : l’acclimatation difficile de la norme venue du sud

Le déficit de transposition suédois est plutôt faible sur les dix dernières années ([80]). Les taux de déficit affichés pour les trois dernières années sont de 0,3 % (2017), 0,1 % (2018) et 0,7 % (2019). La Suède fait l’objet de 19 procédures d’infraction pour non-communication des mesures de transposition dans le délai prévu. Les directives en question concernent principalement les domaines des affaires intérieures et de la mobilité et des transports.

La Suède connaît également certains cas de sur-transpositions ([81]), notamment pour la directive 2014/95/UE qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes ou encore la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.

La procédure administrative et législative suédoise peut expliquer certains retards, mais, pour l’essentiel, ce qui s’apparente à une lenteur suédoise semble, selon vos rapporteurs, plutôt issue de la culture politique nationale. En matière de transposition, les autorités suédoises paraissent osciller entre indifférence, circonspection politique et respect du droit. La certitude répandue dans l’opinion suédoise d’avoir su concevoir et mettre en place un système politique, économique et social plutôt supérieur à celui de ses partenaires conduit le personnel politique du pays à accueillir les initiatives législatives venues d’une Europe lointaine et méridionale sans zèle ni curiosité particulière.

C’est le gouvernement qui engage la procédure avec un projet de loi mais la priorité au sein des ministères est parfois accordée à des missions plus visibles de l'agenda politique. Dans le cas où la transposition d’une directive exige une modification de la législation suédoise, le projet de loi est examiné par une commission du Parlement (Riksdag). Certains sujets sont plus susceptibles de faire l’objet de blocages, notamment des armes à feu. Le Riksdag a rejeté en 2018 puis à l’automne 2020 les projets de loi transposant en droit interne des directives intervenant dans cette matière ([82]).

La responsabilité du suivi des directives restant à transposer est partagée entre la Coordination européenne au sein des services du Premier ministre (Secrétariat aux affaires juridiques de l’Union européenne) et les ministères. Le Secrétariat aux affaires juridiques de l’Union européenne a la charge du suivi général du processus de transposition et les ministères sont responsables de la planification des étapes.

En amont de la transposition, une commission ou une personnalité est mandatée par le gouvernement pour réaliser une mission d’information. Celle-ci dispose de peu de temps pour rendre son rapport, afin de tenir les délais de transposition. À l’issue de cette mission, son rapport est ensuite transmis au Conseil de législation (Lagrådet) pour un examen des aspects juridiques, et aux parties concernées (agences gouvernementales, municipalités, etc.) qui soumettent un avis (procédure dite du « remiss »). Les propositions contenues dans le rapport peuvent être retenues ou écartées, selon les avis formulés. Le (ou les) ministère(s) compétent(s) rédigent alors un projet de loi qui sera ensuite transmis au Parlement pour être adopté.

La commission constitutionnelle du parlement suédois (Konstitutionsutskottet) a réalisé une évaluation du processus de transposition en 2009 ([83]). Dans son rapport, elle indique que ce processus pourrait être amélioré en renforçant le dialogue entre les administrations et en y intégrant les organes parlementaires, avant l'adoption des directives.

Pour améliorer la transposition des directives, la commission conseille également que certains actes de nature réglementaire soient soumis au Parlement. Cela permettrait que le parlement ait une vision complète de la mise en œuvre des directives et que le Conseil de législation puisse s’assurer de la transposition correcte de la législation européenne en droit national.

Toutefois, comme en France, les commissions du parlement sont intégrées tardivement dans le processus de transposition et ont, de ce fait, des difficultés à disposer de toutes les informations pertinentes, ce qui limite leur influence. La commission des affaires européennes (EU-nämden) est relativement avantagée puisque le règlement intérieur du Riksdag prévoit que le gouvernement doit faire valider auprès d’elle sa position, avant les réunions du Conseil de l’Union européenne. Elle a donc accès à davantage d’informations avant l’adoption des directives. Son travail de consultation peut toutefois également être handicapé par son accès restreint aux expertises et ressources techniques.

*

Au total, ces comparaisons montrent que certains éléments semblent communs entre les États membres analysés et la France, en particulier la centralisation du suivi de la procédure de transposition, la plupart du temps au sein du ministère en charge des affaires européennes. Généralement, le gouvernement est la principale autorité décisionnaire en matière de transposition, laissant une place sinon marginale du moins mineure au parlement dans ce processus. La France ne semble pas, au regard de ces comparaisons, être l’État membre dont le processus de transposition est le plus désorganisé ou le plus centralisé. 

En outre, comme pour la France, l’environnement reste le domaine dans lequel le plus grand nombre de procédures d’infraction a été déclenché dans les États membres analysés, avant les transports et la fiscalité.

Toutefois, vos rapporteurs remarquent que la plupart des gouvernements des États membres sont tenus de présenter régulièrement à leur parlement un rapport récapitulant les avancées en matière de transposition, les difficultés rencontrées et les prochaines échéances. Ces informations sont précieuses pour que les parlements soient pleinement en capacité d’anticiper les prochaines étapes de la transposition de chaque directive.

 


   Troisième partie :
Un recadrage partiel mais réussi des procédures de transposition

Les déficits massifs de transposition que connaissait la France l’ont conduit à entreprendre d’importants efforts pour endiguer ces difficultés, sous la pression renouvelée des institutions européennes (I). Ces réformes ont permis de résorber rapidement son déficit de transposition, sans pour autant résoudre l’ensemble des difficultés afférentes à la transposition (II).

I.   Une exigence de redressement assumée simultanément par l’Union européenne et par la France

A.   Une cohérence retrouvée de la politique de transposition conduite par l’État

Au début des années 2000, confrontée à l’important déficit de transposition mentionné ci-avant, la France a mis en place, en plusieurs étapes, des mesures destinées à corriger cette situation.

Un nouveau dispositif a été initié aux termes de la circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition des directives et des décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes. Le Premier ministre annonçait par ce texte, toujours en vigueur, une véritable « méthode de travail » en matière de transposition, en ciblant prioritairement la réduction du déficit de transposition. Cette nouvelle méthode se fondait sur quatre étapes :

-         accroître l’anticipation de l’impact de l’acte en préparation sur le droit interne ;

-         accomplir un effort de programmation afin de prévenir les retards et difficultés ; 

-         constituer un « réseau interministériel de correspondants de la transposition » ;

-         assurer un suivi interministériel des travaux de transposition.

Le décret du 17 octobre 2005 ([84]) donne un rôle central au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) ([85]), puisque celui-ci doit veiller à la « mise en œuvre, par l’ensemble des départements ministériels, des engagements souscrits par le Gouvernement dans le cadre des institutions européennes ». En outre, le SGAE est chargé d’assurer, « en lien avec le secrétariat général du Gouvernement (SGG), le suivi interministériel des directives et décisions-cadre ».

Ce nouvel arsenal a enfin été complété par la circulaire du 19 février 2007 sur la gestion des procédures d’infraction et prévention du contentieux lié à l’application du droit communautaire. Le SGAE assure, dans cette matière, un rôle central de coordination et d’appui aux ministères. Ces fonctions sont assurées par le service juridique du SGAE, composé d’environ douze personnes, et en étroite association avec les départements ministériels ainsi qu’avec le SGG.

La procédure de suivi de la transposition comporte plusieurs étapes majeures. D’abord, la publication de la directive au Journal officiel de l’Union européenne constitue l’élément déclencheur du suivi opéré par le SGAE en lien avec les ministères et se traduit concrètement par l’inscription de la directive dans l’outil informatique géré par le SGAE (« base transposition »), modernisé en 2019. Le délai de transposition constitue l’un des points fondamentaux inscrits dans cet outil.

La directive est ensuite diffusée au ministère dit « chef de file », c’est‑à‑dire celui qui a suivi la négociation de la directive. Il lui est demandé, sous un délai fixé par le SGAE (en général de trois mois pour les directives ayant un délai habituel de transposition de 24 mois), de fournir deux éléments essentiels : la composition de l’équipe-projet en charge de la transposition et le « tableau de concordance » présentant le droit interne existant et celui à adopter pour assurer la transposition.

Des réunions de suivi de la transposition sont régulièrement organisées au SGAE avec les correspondants de la transposition dans chaque ministère. Ces réunions sont l’occasion de passer en revue le bon établissement des tableaux de concordance, l’avancée des textes et la cohérence des calendriers.

À la suite de ce travail essentiellement technique, sont organisées les réunions des groupes à haut niveau (GHN) de la transposition sous la co-présidence de la secrétaire générale du gouvernement et de la secrétaire générale des affaires européennes, à un rythme de trois à quatre GHN par an. Ceux-ci réunissent le SGAE, le SGG, les correspondants de la transposition au niveau des services et des cabinets ministériels ainsi que le ministère des relations avec le parlement. Elles se concentrent principalement sur la préparation des tableaux d’affichage du marché intérieur qui établit le déficit de transposition ainsi que sur l’identification des vecteurs législatifs pour porter la transposition des directives et sur tout problème nécessitant un arbitrage du cabinet du Premier ministre.

En cas de nécessité, en dehors des GHN, des réunions interministérielles peuvent être organisées pour une directive particulière dont la transposition rencontre des difficultés. Pour les textes les plus sensibles ou nécessitant une coordination étroite avec le parlement, le comité de liaison peut être réuni, soit au niveau technique (services), soit au niveau politique (cabinets ministériels). Le comité de liaison réunit le SGAE, le SGG, les services et/ou les cabinets des ministères concernés et des représentants du Parlement.


SCHEMA DES PROCÉDURES DE TRANSPOSITION DES DIRECTIVES

 

Source : Secrétariat général des affaires européennes

En 2007, une étude du Conseil d’État ([86]) a salué l’engagement de l’État pour améliorer le processus de transposition des directives, mais émettait des mises en garde claires. Cette étude expliquait notamment que « la France éprouve quelques difficultés à adapter ses processus d’élaboration des normes et ses traditions légistiques à l’exercice de transposition auquel s’attachent des contraintes juridiques complexes. La situation de la France demeure largement perfectible, dès lors qu’elle dispose tout à la fois d’une administration importante, puissante et structurée et d’une forte tradition juridique en matière d’élaboration de la norme et de sa codification, à condition, toutefois, que se manifeste une forte détermination politique. » Il formule alors de nouvelles recommandations pour simplifier les textes de transposition. Ces recommandations seront majoritairement mises en œuvre ([87]).

En 2011, le SGAE a également publié un « guide des bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes » ([88]), dont la troisième version a été élaborée en 2017. Ce guide traite des questions légistiques relatives à la transposition et apporte des conseils rédactionnels aux ministères, en lien avec les recommandations formulées en 2007 par le Conseil d’État.

B.   Une rigueur accrue du contrôle par les institutions de l’Union

Les États membres peuvent manquer à leurs obligations concernant la transposition de trois manières ([89]) :

- en ne notifiant pas à la Commission européenne les mesures prises pour transposer ;

- en ne transposant pas dans les délais requis ;

- en ne transposant pas d’une manière adéquate.

Pour opérer le contrôle de ces différents risques, la Commission européenne s’est saisie, à partir du traité de Lisbonne, des nouveaux outils qui lui ont été conférés pour assurer un contrôle étroit des transpositions par les États membres. En effet, la procédure d’infraction prévue à l’article 258 TFUE ([90]) est beaucoup plus stricte que celle qui était en vigueur jusqu’alors. Auparavant, l’État membre fautif était menacé de sanctions financières uniquement s’il persistait à ne pas remplir ses obligations à la suite d’une décision en ce sens de la Cour de justice des communautés européennes.

Désormais, sous l’empire de l’article 258 TFUE, l’article 260 TFUE différencie les cas de transposition inadéquate de ceux d’absence de notification de l’adoption de mesures de transposition. Dans le second cas, l’article 260§3 TFUE ([91]) donne désormais la possibilité à la Commission européenne de proposer des sanctions financières dès le recours en manquement porté auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Auparavant, le montant des sanctions n’était défini qu’à partir du moment où les États n’avaient pas mis en application une décision de la CJUE. Plus précisément, l’article 260§3 TFUE fait une distinction entre une somme forfaire et le paiement d’une astreinte, les deux pouvant être proposées par la Commission européenne.

Dans cet esprit, la Commission demande systématiquement, depuis 2017 ([92]), à la Cour de justice de l’Union européenne de prononcer une amende forfaitaire ainsi qu’une astreinte pour les cas d’infractions relatives à la non-communication des mesures nationales de transposition. En outre, la Commission européenne a décidé de ne plus se désister lorsque la transposition est effectuée postérieurement à la signification de la requête en manquement.

Ces nouveaux outils ne sont pas restés inappliqués. En 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a, pour la première fois, fait application du régime de sanction de l’article 260§3 TFUE, en imposant une astreinte journalière à la Belgique ([93]) pour défaut d’adoption et de notification de l’ensemble des mesures nécessaires à la transposition de la directive relative aux mesures visant à réduire le coût du déploiement des réseaux de communication électroniques à haut débit.

Par cet arrêt, la Cour de justice a également jugé que les États membres ont l’obligation non seulement de notifier les mesures de transposition qu’ils ont prises, mais également de fournir des informations suffisamment claires et précises sur la mesure nationale qui assure la transposition de chaque disposition de la directive. Cela signifie que chaque transposition doit désormais être assortie de documents explicatifs répondant aux critères de qualité posés par la Cour de justice, sans quoi les États membres s’exposent à une procédure au titre de l’article 260§2 TFUE et donc à des sanctions pécuniaires.

Par ailleurs, la CJUE a également condamné l’Espagne, en février 2021 ([94]), à payer une somme forfaitaire de 15 millions d’euros pour ne pas avoir transposé la directive 2016/680 protégeant les données à caractère personnel dans le cadre de la prévention et de la détection des infractions pénales. Elle impose également une astreinte journalière de 89 000 euros « jusqu’à ce qu’il soit mis fin au manquement constaté » ([95]). Ainsi, « eu égard à la gravité et à la durée de l’infraction », la Cour a donc décidé, pour la première fois, d’imposer à la fois une somme forfaitaire et une astreinte journalière, en application de l’article 260§3 TFUE.

Pour éviter ces procédures, les États membres doivent obligatoirement notifier leurs mesures nationales de transposition à la Commission européenne, à travers un outil informatique nommé « THEMIS/Infractions ». Seule la notification électronique fait foi et peut mettre les États membres à l’abri d’une procédure d’infraction.

Au terme du délai de transposition d’une directive, la Commission européenne examine sa transposition par l’ensemble des États membres. Lorsque l’un d’entre eux n’a pas notifié une transposition complète, il se voit adressé une lettre de mise en demeure. Cette procédure est lancée de manière automatique par le Secrétariat général de la Commission européenne.

En revanche, lorsque l’État membre a notifié une transposition complète, les services de la Commission peuvent engager leur contrôle. Celui-ci est divisé en deux phases : d’abord un contrôle de l’exhaustivité de la transposition (sur une durée d’environ 6 mois) puis un contrôle de la conformité de la transposition (d’une durée indicative de 24 mois). Parfois avec l’aide de consultants spécialisés, les services de la Commission procèdent à une analyse détaillée de la transposition de l’ensemble des États membres. En cas de questions ultérieures sur la transposition ou le cadre juridique des États membres, les services de la Commission peuvent échanger directement avec eux, notamment dans le cadre d’échanges informels dans le système THEMIS/EU Pilot ([96]).

Enfin, dans le but de piloter de manière transparente le contrôle des mesures de transposition, la Commission européenne se fonde sur cinq critères pour bâtir son « tableau d’affichage du marché intérieur » : le déficit de transposition, son évolution sur les douze derniers mois, l’évolution du nombre de directives dont la transposition est attendue depuis plus de deux ans, le retard total de transposition pour les directives en retard et le « déficit de conformité ».

Les échanges que vos rapporteurs ont pu avoir avec différents ministères français ont permis de relever que ces derniers considèrent souvent le contrôle de la Commission européenne comme trop pointilleux, conduisant parfois à « réduire l’exercice de la transposition à un copier-coller » ([97]). Ainsi, alors que la transposition des directives ne devrait pas être une réécriture littérale des dispositions de la directive, il s’avère que les cabinets d’experts auxquels la Commission sous-traite une partie de l’évaluation de la transposition puis le service juridique de la Commission lui-même exige souvent une reprise exacte des termes des directives par le droit national. Ils se soucient ainsi trop peu des concepts juridiques nationaux et semblent ignorer le rappel par l’article 67 TFUE du « respect des différents systèmes juridiques des États membres. »

À titre d’exemple, des discussions sont en cours entre la France et la Commission européenne concernant la transposition de la directive 2017/541 relative à la lutte contre le terrorisme. L’un des griefs de la Commission concerne la manière dont la France a transposé le mot « sollicitation » de l’article 6 de la directive, article qui concerne le recrutement de terroristes. La France a en effet fait le choix de transposer ce mot par les termes suivants « le fait d’adresser à une personne des offres ou des promesses, de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, de la menacer ou d’exercer sur elle des pressions », cherchant ainsi à définir le terme de sollicitation.

Des griefs similaires ont été formulés par la Commission pour la transposition de la directive 2014/62/UE relative à la protection pénale de l’euro et des autres monnaies contre la contrefaçon. La Commission a relevé qu’une terminologie différente que celle prévue par la directive était employée pour réprimer l’importation et l’exportation de fausse monnaie, alors même que la législation nationale permet de réprimer l’ensemble des comportements prévus par la directive en renvoyant aux notions de transport, mise en circulation et détention de fausse monnaie. 

II.   Une résorption spectaculaire des retards de transposition mais des difficultés qui persistent

A.   Un déficit de transposition historiquement bas

Grâce à ses efforts considérables et au contrôle accru des institutions européennes, la France est parvenue, comme une majorité de États membres, à réduire considérablement son déficit de transposition, passant de 7,4 % en novembre 1997 à 0,3 % en décembre 2019 (à comparer à la moyenne européenne qui est de 0,6 %), soit trois directives en retard de transposition ([98]).

Cela a conduit le Conseil d’État en 2015 à considérer que désormais « la France répond de façon satisfaisante à son obligation de transposition des directives » ([99]). Dans le même sens, la Commission européenne a indiqué à vos rapporteurs que « la France se positionne parmi les États membres affichant les meilleures performances » en la matière. Il faut souligner qu’en décembre 2017 la France a présenté, avec un déficit de transposition de 0,2 %, son meilleur résultat jamais atteint. En 2018, elle a été parmi les cinq États membres ayant eu les délais de transposition les plus courts.

 


EVOLUTION DU DEFICIT DE TRANSPOSITION EN FRANCE
(NOVEMBRE 1997-DECEMBRE 2019)

 

Source : Commission européenne

 

Au niveau européen, le déficit de transposition suit la même évolution que celle de la France. Le déficit de transposition moyen de l’Union a en effet constamment diminué de 1997 à 2009 et s’est désormais stabilisé depuis une dizaine d’années autour de 0,6 % ([100]). Cette moyenne se situe en dessous de l’objectif de 1 % fixé par le Conseil européen en mars 2007 ([101]) et est très proche du nouvel objectif de 0,5 % fixé en 2011 par la Commission européenne.

EVOLUTION DU DEFICIT DE TRANSPOSITION AU SEIN DE L’UNION EUROPENNE (NOVEMBRE 1997-DECEMBRE 2019)

Source : Commission européenne

La France se classe ainsi parmi les six États membres les plus performants de l’Union en la matière, après la Finlande (0,1 %), le Danemark (0,2 %), la Croatie (0,2 %), la Lituanie (0,2 %) et la Slovaquie (0,2 %). Douze États membres (contre 10 en 2018) ont atteint l’objectif de 0,5 % proposé par la Commission européenne et cinq en sont très proches.

DEFICIT DE TRANSPOSITION AU SEIN DE L’UNION EUROPEENNE
(DECEMBRE 2019)

Source : Commission européenne

Seuls deux États membres dépassent encore l’objectif de 1 % de déficit de transposition fixé par le Conseil européen (contre 7 en 2018) : il s’agit de l’Espagne et de la Roumanie (tous les deux à 1,1 %).

Par ailleurs, il n’y a actuellement pas de procédure contentieuse ouverte à l’encontre de la France pour défaut de transposition des directives par la France, sous l’empire des articles 258 et 260§3 TFUE ([102]). D’autres États membres font l’objet de telles procédures, dont le nombre le plus important est concentré en Espagne, en Italie et en Grèce.

B.   Des difficultés qui persistent

Toutefois, la Commission européenne indique que la France connaît des difficultés pour améliorer ce « déficit de conformité », c’est-à-dire le taux de transposition correcte des directives. Ce déficit est allégué par la Commission européenne car seule la CJUE est habilitée à prononcer officiellement un tel défaut de conformité. En effet, avec 1,4 %, la performance de la France en matière de transposition correcte est légèrement moins bonne que la moyenne européenne, qui s’élève à 1,2 %.

Il faut toutefois rappeler que le déficit de conformité concerne de nombreux États membres. Plus encore, ce déficit n’a jamais été aussi élevé que sur la période récente. Les cas de mauvaises transpositions de directives prennent une part importante des infractions actuellement en cours ([103]).


EVOLUTION DU DEFICIT DE CONFORMITE DE LA FRANCE
(NOVEMBRE 2011-DECEMBRE 2019)

Source : Commission européenne

La CJUE s’est ainsi prononcée à plusieurs reprises pour rappeler que la transposition des directives implique que la situation juridique qui en découle soit suffisamment claire, précise et transparente, devant permettre aux particuliers de se prévaloir de leurs droits tirés de cette directive ([104]). Il ne faut laisser persister aucune incertitude en ce qui concerne les droits et obligations conférés par les directives aux particuliers ([105]).

À titre d’exemple, la France continue à connaître des difficultés importantes en ce qui concerne certaines directives dans le domaine environnemental. La Commission européenne demande notamment à la France de renforcer la protection de la tourterelle des bois (Streptopelia turtur), comme l’exige la directive dite « oiseaux » (directive 2009/147/CE). En effet, conformément à cette directive, les États membres sont tenus de veiller à ce que les tourterelles des bois disposent d'habitats suffisants, à ce que ces habitats soient protégés par des garanties juridiques adéquates et gérés selon les besoins écologiques de l'espèce, et à ce que la chasse n’ait lieu que lorsqu’elle est durable.

La France accueillant 10 % de la population reproductrice de tourterelles des bois dans l’Union européenne, le territoire français est très important pour la conservation de cette espèce. Entre 1996 et 2016, la population de tourterelles des bois a diminué de 44 % en France. L’espèce est considérée comme « vulnérable », étant à la fois sur la liste rouge mondiale des oiseaux et sur la liste rouge européenne des oiseaux.

La France n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour assurer la protection des habitats et la chasse durable de cette espèce, la Commission lui a adressé une lettre de mise en demeure en 2019. Les autorités françaises n’y ont pas répondu de manière satisfaisante. Dès lors, la Commission a décidé d'adresser un avis motivé à la France, qui dispose à présent d'un délai de deux mois pour réagir, faute de quoi la Commission pourrait saisir la CJUE.

Ainsi, si elle n’est pas concernée à ce stade par des procédures contentieuses concernant la transposition, la France fait toutefois l’objet, comme la totalité des États membres, de procédures d’infractions lancées par la Commission européenne pour retard de transposition, transposition incorrecte ou mauvaise transposition, au titre de l’article 258 TFUE.

PROCEDURES D’INFRACTION EN COURS AU 31 DECEMBRE 2019

Source : Commission européenne

Au niveau européen, l’environnement reste le domaine d’action le plus concerné par les procédures d’infraction en cours à la fin de l’année 2019 (20,9 %), suivi du marché intérieur (15,4 %) et de la mobilité (13 %).

Les chiffres couvrant l’année 2020 ([106]) donnent un total de 1 343 procédures d’infraction ouvertes au titre de la transposition ou de la mise en œuvre de directives européennes. 719 procédures concernent la non-communication des mesures nationales de transposition, 624 portent sur la non-conformité ou visent la mauvaise application d’une directive.


PROCEDURES D’INFRACTION OUVERTES AU 31 DECEMBRE 2020

Source : Commission européenne

Ces données montrent que la France se situe encore en 2020, avec 45 procédures, légèrement en dessous de la moyenne européenne de procédures d’infraction ouvertes (48). Il faut souligner que la France a amélioré sa situation entre 2019 et 2020, puisque 14 procédures ont été closes sur cette période.

Sur ces 45 procédures ouvertes à l’encontre de la France, 19 concernent la non-communication des mesures nationales de transposition, au sein desquelles environ 26 % ont trait au domaine de l’environnement et environ 16 % à la mobilité et aux transports ([107]). Parmi ces 19 procédures pour non-communication, deux sont au stade de l’avis motivé de la Commission européenne.

Par ailleurs, 18 procédures sont également engagées contre la France pour non-conformité de la transposition ([108]). Il faut souligner que ces procédures peuvent être ouvertes pour des motifs techniques, la Commission européenne ayant un regard très précis sur la qualité de la transposition. Toutefois, la persistance de ces procédures à l’encontre de la France, loin d’être exceptionnelle au sein de l’Union, témoigne tout de même d’une marge de perfectibilité qu’il importe de mesurer et combler.

Enfin, la France ne distingue pas par une célérité particulièrement importante pour transposer les directives, même si ce critère ne garantit pas la qualité de la transposition. En effet, en moyenne au sein de l’Union européenne, 11 mois et demi sont nécessaires pour opérer une transposition. En France, la durée est supérieure, avec 16,7 mois nécessaires, quand la Croatie transpose en moyenne en moins de deux mois et la Finlande en moins de trois mois. Le Danemark est désormais l’État membre qui transpose le plus lentement (32,2 mois), avant la Hongrie (21,7 mois) et Malte (18,1 mois).

Entre décembre 2018 et décembre 2019, 19 États membres ont vu leurs délais de transposition s’allonger, quand seulement 9 sont parvenus à les réduire. Le Danemark, la France, la Hongrie et la Lituanie sont les plus concernés par cette augmentation de délais.

 

 

 


   Quatrième partie :
Une réforme inachevée, des innovations nécessaires

Forts de ces constats, vos rapporteurs considèrent que, malgré l’amélioration importante et rapide du déficit de transposition en France, le processus par lequel l’État transpose reste très perfectible.

Pour continuer à clarifier et à renforcer ce processus, un triple équilibre doit être trouvé, à la fois dans le temps en ce qui concerne le lien entre la négociation européenne et la transposition nationale, dans les institutions en replaçant le parlement au cœur du processus de transposition et dans l’espace en garantissant une transposition plus conforme et plus éclairée des actions entreprises dans ce cadre par les autres États membres (I).

Vos rapporteurs formulent donc dix propositions pour trouver ce triple équilibre, en considérant que les marges d’amélioration du processus de transposition en France concernent principalement l’anticipation des enjeux de la transposition par l’État, l’association et l’information du parlement et l’exigence de comparaison internationale en matière de transposition (II).

I.   Un triple équilibre a trouver

A.   Un équilibre dans le temps : rétablir la continuité du processus législatif et réglementaire entre la France et l’union européenne 

1.   Continuer à améliorer l’organisation administrative des ministères en matière européenne

Le Conseil d’État regrettait en 2015 que « les services comme les personnes ayant participé, au sein d’un ministère donné, à la négociation des directives n’interviennent pas ou peu dans la transposition de ces mêmes directives et, symétriquement, les services et les personnes chargés de sa transposition n’ont été que peu ou pas associés à sa négociation ».

Bien que l’étude de vos rapporteurs ne puisse prétendre à l’exhaustivité, ils ne sauraient contester que ce « cloisonnement », dénoncé par le Conseil d’État comme une source de faible anticipation et de mauvaise transposition, ait été au moins partiellement endigué dans les ministères les plus concernés par l’activité législative européenne.

Deux modèles se sont progressivement fait jour et cohabitent ainsi au sein des administrations centrales pour suivre les négociations et assurer la transposition. Le premier passe par la mise en place d’une sous-direction spécifiquement dédiée à la négociation et à la transposition, comme cela est le cas au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice. Le second modèle consiste à donner ces compétences aux différentes directions techniques qui ont pour charge de négocier et de transposer, avec l’appui de la direction des affaires juridiques. Ce second modèle semble être le plus répandu, puisqu’il concerne par exemple la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, mais aussi le ministère de la transition écologique ou encore le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Le ministère de la justice constitue un bon exemple des deux modalités d’organisation administrative pour assurer la transposition des directives. Deux des principales directions générales du ministère de la justice ont opté chacune pour un modèle différent d’organisation, en fonction de la nature de leurs activités, pour assurer une transposition efficace des directives qui les concernent.

La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), en charge du droit pénal, apparaît comme un bon exemple de réorganisation récente pour faire face au constat selon lequel que l’Union européenne est devenue pour les États membres une source croissante du droit pénal. À ce titre, la DACG a vu son activité de transposition se développer considérablement.

Une mission de négociation et de transposition des normes pénales internationales avait été mise en place à la DACG à la suite du décret n° 2005-1015 du 24 août 2005 qui a confié à la DACG la conduite des négociations européennes et internationales intéressant la matière pénale. Constatant la faiblesse de cette organisation pour la gestion des transpositions, cette mission a donc été intégrée, par arrêté du 17 juillet 2015, dans une sous-direction de la négociation et de la législation pénale.

Cette nouvelle sous-direction de la négociation et de la législation pénales, compétente pour l’ensemble de l’activité normative de la direction (nationale, européenne et internationale, générale et spécialisée) est composée des trois bureaux suivants :

- le bureau de la négociation pénale européenne et internationale, (BNPEI), en charge de la négociation de l’ensemble des textes européens et internationaux en matière pénale ;

- le bureau de la législation pénale générale (BLPG) et celui de la législation pénale spécialisée (BLPS), compétents, en différentes matières pénales, de la transposition des textes européens.

Le BNPEI est ainsi particulièrement en charge du suivi des négociations des directives européennes relevant de sa compétence. Ce bureau est ainsi l’interlocuteur exclusif du SGAE et la Représentation Permanente de la France auprès de l’union européenne (RPUE). Le BNPEI assure également un dialogue le plus en amont possible avec les bureaux législatifs, qui ont vocation ensuite à assurer le suivi des dispositions nationales de transposition.

Cette organisation a été explicitement pensée pour réduire le risque de rupture de continuité entre la discussion d’un texte européen et de sa transposition. Le continuum que la sous-direction réalise entre négociation et législation vise à créer une culture de la norme au sein de la sous-direction : la transposition est ainsi une étape supplémentaire d’un dispositif qui est considéré comme un tout.

La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice n’a pas fait le choix d’une sous-direction dédiée mais a opté pour un second modèle. Comme dans de nombreux autres ministères, chaque bureau est à la fois acteur de la négociation des textes européens qui entrent dans son champ de compétence, et auteur de sa transposition ([109]).

Une fois le projet de texte de transposition arrêté et les demandes d’arbitrages éventuels effectuées, il est procédé, si cela n’a pas été fait au préalable ou si le texte a évolué, à la consultation inter-service. À l’issue, les parties prenantes sont consultées sur les projets de textes, puis ont lieu les derniers arbitrages et dernières modifications des projets de textes. C’est alors le bureau compétent de la DACS qui est en lien direct avec le SGAE. Dans ce second modèle d’organisation, la césure est limitée voire évitée par le fait que les négociations sont conduites par les bureaux compétents au fond.

Ces deux modèles sont à même d’éviter la coupure entre la négociation et la transposition, sans pour autant garantir qu’un parfait continuum existera entre les deux. S’il n’est pas pertinent, selon vos rapporteurs, de promouvoir l’un ou l’autre de ces modèles, certaines garanties doivent toutefois exister pour permettre une anticipation maximale des enjeux de la transposition au moment de la négociation.

Toutefois, il importe encore de clarifier la doctrine d’organisation des ministères français, en particulier ceux qui sont le plus touchés par l’activité législative européenne. Deux organisations spécifiques doivent être mises en place afin d’assurer une anticipation la plus forte possible. D’abord, une interface européenne dans les ministères, qui doit servir de point de contact au SGAE et de tour de contrôle permanente des actualités européennes, doit être systématiquement créée. Cette interface, qui peut prendre la forme d’une sous-direction ou d’un bureau dédiés, doit également servir à alerter les « directions-métiers », spécialisées dans les différentes thématiques techniques, lorsqu’une action normative européenne est en passe d’être entreprise.

Ensuite, dès qu’une actualité législative est confirmée, les responsables de la transposition doivent être désignés en parallèle de ceux en charge de la négociation, s’il n’est pas possible qu’il s’agisse des mêmes personnes. Cette pratique, suggérée par le guide de bonnes pratiques du SGAE sous l’appellation « d’équipes projets », tend à être de plus en plus systématisée pour les directives les plus importantes.

2.   Le double enjeu de la « mémoire de la négociation »

Même si les équipes qui négocient et qui transposent sont les mêmes, leurs rotations internes peuvent être importantes et sont susceptibles d’entraîner une perte d’information. La difficulté pourrait à la fois résider dans le délai qui s’écoule entre la période de négociation d’un texte et la période consacrée à sa transposition et dans le fait que les acteurs de la négociation et de la transposition, fonctionnaires pour l’une et parlementaires pour l’autre, ont un accès très inégal à la connaissance de ces enjeux.

En effet, la négociation d’une directive peut parfois durer plusieurs années et sa transposition s’effectue, en tout état de cause, dans un cadre et avec des acteurs nouveaux. Il faut donc constituer une « mémoire » de la négociation dans les archives, ce qui semble encore être insuffisamment le cas ([110]), l’archivage étant régulièrement qualifié « d’irrégulier » ([111]). Une politique spécifique d’archivage des notes et informations relatives à l’élaboration de chaque directive doit donc être mise en place, coordonnée par le SGAE et la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, afin de s’assurer de la communication systématique de ces « mémoires de la négociation » tant aux services administratifs concernés qu’aux parlementaires des deux assemblées en charge du suivi de la directive en cause. En matière européenne, les services de l’État et la représentation nationale constituent les deux branches de l’autorité législative et doivent donc bénéficier d’une même qualité d’information.

B.   Un équilibre institutionnel : replacer le parlement a sa place légitime dans le processus euro-législatif

1.   Une information du parlement à renforcer significativement

Vos rapporteurs veulent alerter sur l’association toujours insuffisante et tardive du Parlement au processus de transposition, malgré les nombreux constats déjà formulés sur ce sujet. Or, une association beaucoup plus étroite et précoce du parlement national permettrait de réduire les risques juridiques et politiques de la transposition, en évitant notamment les sur-transpositions ou mauvaises transposition par accident.

Le présent rapport a ainsi souligné plus haut les lacunes importantes en matière d’information du Parlement tout au long de la négociation. En effet, les exigences posées par la circulaire du 27 septembre 2004 ne sont pas intégralement respectées par le gouvernement, en particulier en ce qui concerne les fiches d’impact simplifiées (FIS 1), trop lacunaires, et les fiches d’impact stratégiques (FIS 2), presque jamais réalisées. Ces fiches constituant le minimum d’information auquel le parlement a droit et il est donc urgent que l’État remédie à ces manques.

Il importe donc d’abord, dans la lignée de ce que demandait déjà le Conseil d’État en 2015 ([112]), d’enrichir considérablement les informations fournies par la FIS 1, en proposant rapidement :

- le partage entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement, éléments qui ne seront amenés à évoluer qu’à la marge lors de la négociation. Cela permettra au parlement de mesurer l’importance des dispositions qui relèveront de sa responsabilité directe au moment de la transposition ;

- le tableau de concordance de l’ensemble des dispositions de la directive, qu’elles relèvent du domaine législatif ou réglementaire. Cela doit permettre au parlement de disposer d’une vision d’ensemble de la transposition, qu’elle soit législative ou réglementaire.

Ensuite, ces fiches doivent être régulièrement actualisées, en fonction des évolutions apportées par la négociation européenne. A minima, l’actualisation doit se faire au moment où les orientations générales du Conseil et du Parlement européen sont connues.

Le tableau de concordance doit également être mis à jour dans ces FIS 2 actualisées et, comme le proposait déjà le Conseil d’État en 2015 ([113]), les dispositions laissant une marge d’appréciation aux États membres et celles n’en laissant aucune. Ces deux dernières informations seront indispensables pour minimiser le risque de sur-transpositions accidentelles.

Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces propositions, une actualisation plus générale de la circulaire du 27 septembre 2004 apparaît indispensable, celle-ci mentionnant encore par exemple le secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), ancienne dénomination du secrétariat général des Affaires européennes. Le renforcement et l’enrichissement de ces fiches d’impact serviront non seulement à informer plus précisément et plus précocement le parlement mais aussi, pour le gouvernement, à anticiper le plus possible la transposition et les éventuelles difficultés qui pourraient naître de cet exercice.

La comparaison avec d’autres États membres a permis à vos rapporteurs de constater que, si le gouvernement reste dans la majorité des cas l’acteur central de la transposition, celui-ci peut être obligé de présenter régulièrement au parlement un rapport faisant un bilan des transpositions en cours et à venir et des procédures d’infraction ouvertes à l’encontre du pays et des réponses que le gouvernement entend apporter à ces critiques.

Le tableau de concordance doit permettre d’alerter le gouvernement, les parlementaires nationaux et surtout la Commission européenne et le Parlement européen, à toutes les étapes de la négociation, des enjeux propres à la transposition d’une proposition de directive déjà connue ou à l’état de projet. Ce tableau permet également de disposer d’un même niveau d’information et de préparation pour l’ensemble des transpositions, qu’elles soient de nature réglementaire ou législative, ce qui constitue une exigence clairement posée par le Conseil d’État ([114]).

Il apparaît que ce tableau n’est pas régulièrement communiqué, dans ses différentes versions actualisées, aux différents acteurs et tout particulièrement au parlement. Or, le tableau de concordance devrait être outil principal du pilotage juridique de la transposition, ce qui n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui.

L’information du parlement doit également passer par une action plus déterminée et claire du gouvernement en matière d’information du parlement. Pour cela, vos rapporteurs proposent que le gouvernement doive remettre au parlement deux rapports :

- l’un, au plus tard trois mois après l’adoption d’une directive, précisant les modalités juridiques qu’il envisage pour la transposition de celle-ci, qu’elle passe ou non par la voie législative. Ce rapport devra être assorti d’une étude d’impact ;

- l’autre, sur une base annuelle, visant à faire le bilan de l’activité législative des institutions européennes, avec d’une part les enjeux et l’état des négociations européennes en cours en particulier en ce qui concerne les directives en cours d’adoption, et d’autre part une présentation des directives adoptées et des mesures de transpositions déjà prises ou encore de définition.

2.   Refonder le suivi des transpositions par le parlement

Vos rapporteurs considèrent que, même si les exigences d’information du parlement par le gouvernement étaient pleinement remplies, elles ne seraient pas entièrement satisfaisantes pour réaliser l’objectif d’une meilleure association du parlement au processus de transposition. Une rénovation plus générale du suivi interne des transpositions au sein de l’Assemblée nationale ([115]) apparaît désormais comme une nécessité.

Le suivi et l’information des parlementaires tout au long des négociations européennes des directives (et pas seulement au moment où le gouvernement propose un texte législatif de transposition) doivent être considérablement renforcés. Pour cela, il est nécessaire que le parlement s’organise pour trouver les mécanismes appropriés dans le but d’assurer ce suivi.

Vos rapporteurs proposent donc de créer deux types de suivi, le premier sur le long cours et le second en fonction des exigences du calendrier législatif européen. Le premier suivi consisterait en une communication régulière faite en commission des Affaires européennes sur les travaux européens en cours, sur une base trimestrielle. Cela permettrait aux parlementaires de disposer d’une vision des transpositions à la fois en matière législative (ce qui constituerait leur sujet prioritaire) mais aussi réglementaire.

Le second groupe serait constitué, l’Assemblée nationale et au Sénat, d’un membre de la commission permanente compétente et d’un membre de la commission des Affaires européennes Ce binôme doit également permettre un équilibre entre la majorité et l’opposition.

Ces binômes seraient chargés de suivre les discussions européennes relatives à une proposition de directive en particulier et de se réunir régulièrement avec le gouvernement pour évaluer la position prise par la France dans cette négociation et d’en informer régulièrement la commission permanente qui sera concernée par la transposition ainsi que la commission des Affaires européennes. Les parlementaires concernés pourraient ensuite logiquement être nommés rapporteurs du texte législatif qui transposera la directive concernée.

Vos rapporteurs considèrent que cette évolution organisationnelle pourrait permettre d’améliorer considérablement la transposition des directives, par une anticipation maximale des enjeux de la transposition par les parlementaires.

3.   Une utilisation plus claire des différents outils juridiques

Comme mentionné en première partie, la transposition ne passe pas majoritairement par la loi. Toutefois, lorsque c’est le cas, l’emploi des différents outils juridiques gagnerait à être rendu plus lisible.  

À ce titre, les lois « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne » (DDADUE) devraient être réservées à deux cas très spécifiques : les cas d’urgence de transposition, en lien avec un retard important voire un précontentieux ou un contentieux déjà formé devant la CJUE ; les cas de transposition de directives techniques, identifiées comme ne posant pas de difficultés politiques particulières. Il faut également veiller à conserver une cohérence thématique au sein de ces lois DDADUE.

Ensuite, il importe d’utiliser plus régulièrement le véhicule législatif unique et dédié à la transposition, en la mentionnant dans l’intitulé du projet ou de la proposition de loi, lorsque les directives sont identifiées comme ayant un fort enjeu politique.

Enfin, vos rapporteurs veulent souligner la réticence toujours forte et légitime avec laquelle les parlementaires accueillent la plupart du temps la perspective des ordonnances de l’article 38 de la Constitution, outil régulièrement utilisé par le gouvernement pour transposer. Ainsi, le Conseil d’État considère que cette réticence s’explique par une information insuffisante du parlement lors de la négociation de la directive concernée et indique qu’une « meilleure information du parlement sur la négociation des directives pourrait permettre de recourir de manière plus apaisée aux ordonnances pour la transposition des directives de nature technique » ([116]).

Le Conseil d’État indique également qu’il serait possible d’enrichir la loi d’habilitation par deux moyens :

-         en permettant au parlement de prendre parti sur les principaux choix qu’implique la transposition ;

-         en transposant directement, lorsqu’il l’estime nécessaire, les éléments sur lesquels le Parlement souhaite se prononcer lui-même.

L’habilitation devrait être plus complète et précise que la simple habilitation à transposer, comme c’est le plus souvent le cas ([117]). Une formulation plus restrictive que celle couramment employée pourrait être retenue, selon laquelle le parlement préciserait les dispositions de la directive nécessitant une transposition ainsi que les moyens pour y parvenir.

C.   Un équilibre dans l’espace : garantir l’unité d’inspiration des mesures de transposition sur le territoire de l’union

Si l’objet même de la directive est de permettre aux États membres de prendre les mesures les plus adaptées et opportunes pour effectuer une transposition adéquate, la comparaison internationale des transpositions revêt une utilité évidente. En effet, elle permet aux États de savoir si d’autres sont restés au niveau minimum des exigences des directives concernées ou si, au contraire, ils ont choisi une option plus ambitieuse. Les écarts résultant de transpositions très différentes peuvent notamment créer des différentiels de compétitivité entre les États, alors même que l’objectif de la directive reste d’harmoniser une norme au niveau européen.

Ainsi, sans remettre en cause les marges de manœuvre dont disposent les États membres, et en particulier la France, pour transposer, il apparaît clair qu’un travail de comparaisons internationales, même uniquement à titre informatif, pourrait permettre de réaliser une transposition plus éclairée.

Or, à l’heure actuelle, l’échange de pratiques en matière de transposition entre les États membres se résume à la tenue semestrielle de réunions du « EU law network » ([118]), sous l’égide du Secrétariat général de la Commission européenne, et qui permet de réunir régulièrement les représentants des États membres en charge de la transposition. Durant ces réunions, les États membres peuvent présenter leurs méthodes de travail ([119]).

Vos rapporteurs ont trouvé peu d’exemples pouvant témoigner, en France, d’une volonté de comparer les transpositions prévues ou déjà effectuées par les autres États membres. La transposition de la directive 2018/822 (« DAC 6 ») relative à la divulgation obligatoire des montages d’optimisation fiscale transfrontalière par les intermédiaires présentait des risques importants de sur-transposition et d'interprétations divergentes entre les États membres. Ces risques étaient liés notamment au recours à des notions aux contours juridiques flous (notions de « dispositif », critère de l'avantage principal). Ce constat a conduit la direction générale des finances publiques du ministère de l’économie, des finances et de la relance à mener des travaux techniques ses homologues des principaux États membres pour parvenir à une application aussi homogène que possible de ces notions dans les mesures de transposition adoptées.

Le Ministère de la justice dispose également de certains outils pour tenter d’opérer des comparaisons internationales. En effet, le réseau de coopération législative des ministères de la justice de l’Union européenne (RECL-UE), institué par une résolution du Conseil de l’UE du 20 décembre 2008, est administré par le bureau du droit comparé et de la diffusion du droit de la Délégation aux affaires européennes et internationales du ministère de la justice depuis 2010. Ce réseau constitue un outil institutionnel de diffusion du droit national des États membres, par lequel les ministères de la Justice échangent quotidiennement des informations sur leurs législations et leurs jurisprudences ([120]).

La Commission européenne publie chaque année un rapport sur l’application du droit de l’Union européenne par les États membres, dont le dernier se rapporte à l’année 2019 ([121]). Ce document annuel a vocation à mesurer si les États membres ont correctement appliqué le droit de l’Union ainsi que les normes qui restent encore mal ou non appliquées.

Ce rapport général ne permet toutefois pas de disposer d’une vision globale de la transposition par les États membres, pour plusieurs raisons. Il concerne d’abord l’ensemble du droit de l’Union, quel que soit le véhicule juridique, et donc pas uniquement les directives. Il n’est pas ciblé sur les transpositions, même s’il peut mentionner les retards accusés par certains États membres dans la transposition ([122]). Il ne donne enfin aucune idée de la manière dont les États membres ont transposé chaque directive.

La Commission européenne serait donc fondée à publier régulièrement un autre document, qui lui permettrait, pour chaque directive importante, de faire un bilan, avant et après l’échéance du délai de transposition, de la manière dont les États membres ont transposé.

En outre, l’article 2 du traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019, stipule que « la France et l’Allemagne se coordonnent sur la transposition du droit européen dans leur droit national ». Or, cet article n’a donné lieu qu’à une mise en œuvre très parcellaire et insuffisante.

Le seul exemple connu concerne la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises. Celle-ci encadre les obligations des entreprises en matière de production d’états financiers (bilan, compte de résultat et annexe) mais permet des allègements pour certaines petites et moyennes entreprises. La France avait fait le choix d’utiliser l’allègement offert par la directive pour les petites entreprises ([123]) mais pas pour les moyennes entreprises, alors que l’Allemagne avait choisi d’offrir tous les allègements permis ([124]). Le cadre juridique français pénalisait ainsi la compétitivité des sociétés françaises relevant de la catégorie des moyennes entreprises. Une fois cette comparaison effectuée, la loi « PACTE » ([125]) a permis un alignement des transpositions dans les deux États. Cette comparaison est toutefois intervenue après une première transposition et ne constitue donc pas un exemple de coordination ex ante.

Des échanges plus informels peuvent également avoir lieu, comme cela a par exemple été le cas dans le cadre du règlement instituant le parquet européen, la France et l’Allemagne ayant régulièrement échangé de manière informelle au sein du groupe d’experts se réunissant régulièrement pour évoquer les points relatifs à la mise en œuvre de ce règlement. Des réunions ont également été tenues entre les ministères de la justice français et allemand pour préparer la transposition de la directive (UE) 2019/1023 sur la restructuration et l’insolvabilité ([126]).

Toutefois, ces initiatives n’ont jamais abouti à un véritable mécanisme de coordination des transpositions, comme le traité d’Aix-la-Chapelle l’exige. Celui-ci impliquerait de dépasser certaines différences structurelles ([127]).

D’une manière plus générale, la coordination franco-allemande en matière de transposition des directives tend à se heurter en pratique aux différences entre les processus législatifs en France et en Allemagne. Les autorités allemandes sont par exemple contraintes, en raison des spécificités de leur système (consultation des Länder et des parties prenantes) d’anticiper la préparation des textes de transpositions, de sorte que les calendriers de travail ne sont souvent pas les mêmes ([128]).

Étant donnés les obstacles importants à la réalisation rapide des objectifs fixés par le traité d’Aix-la-Chapelle, il apparaît nécessaire, dans un premier temps, de rapprocher les administrations nationales françaises et allemandes en charge des transpositions. Pour cela, la création, pour chaque transposition, d’un groupe de travail entre chaque administration chargée d’une même transposition pourrait constituer une bonne option pour progresser en ce sens.

II.   Dix propositions pour réformer la procédure

Pour parvenir à trouver ce triple équilibre, vos rapporteurs formulent dix propositions, qui touchent à la fois à l’amont de la transposition, c’est-à-dire au moment de la négociation européenne, et à la transposition elle-même.

A.   La phase de proposition, de négociation et d’adoption de la directive

Proposition 1. Une communication régulière, précise et détaillée de l’état d’avancement des travaux législatifs européens est faite aux membres de la commission des Affaires européennes, sur une base trimestrielle.

Proposition 2. Dès le dépôt par la Commission européenne d’une proposition de directive, sont désignés, par la commission des Affaires européennes et par la commission compétente au fond de leurs assemblées respectives, deux députés et deux sénateurs chargés de suivre le développement de la négociation européenne et d’examiner les modalités juridiques de la transposition de la directive en droit interne.

Proposition 3. La circulaire du 27 septembre 2004 doit être modifiée en vue d’accompagner toute proposition de directive de l’établissement d’une fiche d’impact de la directive proposée. La fiche, qui sera destinée aussi bien au Parlement qu’au Gouvernement, devra scrupuleusement distinguer les impacts politiques et juridiques de l’adoption éventuelle de la proposition, en se fondant notamment sur un tableau de concordance évolutif entre le droit national en vigueur et les impacts potentiels de la directive sur celui-ci.

Proposition 4. Le SGAE devrait coordonner avec la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne la mise en place d’une politique d’archivage des négociations entre les institutions et au sein de chacune d’elles. Ces archives seraient à la disposition tant des services de l’État que du Parlement et permettraient d’éclairer les autorités de transposition sur les intentions exactes du législateur européen.

B.   la phase d’élaboration et d’adoption des mesures de transposition

Proposition 5. Le gouvernement devrait remettre au parlement un rapport annuel sur l’activité législative des institutions européennes. Ce rapport devrait comprendre deux parties distinctes : d’abord une analyse précise et exhaustive des enjeux et de l’état des négociations euro-institutionnelles sur les directives en cours d’adoption, ensuite une présentation des directives adoptées et des mesures de transposition prises ou en voie de l’être en vue d’adapter le droit interne aux exigences posées par ces directives.

Proposition 6. Le gouvernement remet au parlement, au plus tard trois mois après l’adoption d’une directive, un rapport précisant les modalités juridiques qu’il envisage pour la transposition de celle-ci. Le rapport devra comporter une étude d’impact, portant en particulier sur les contraintes qui résulteraient pour les entreprises tant de la directive elle-même que des mesures de transposition envisagées. Ce rapport devrait donner lieu à un débat devant les commissions parlementaires compétentes, voire pour les directives les plus importantes, en séance publique.

Le rapport examinera en particulier les précautions prises ou à prendre pour parer au risque de sur-transposition ou de mauvaise transposition. Il s’attachera de surcroît à débusquer les chevauchements éventuels entre les ordres juridiques interne et européen et à déterminer les moyens propres à y mettre bon ordre.

Proposition 7. Dans le cadre de transpositions passant par voie législative, il paraît nécessaire de :

-           réserver les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) aux directives les plus techniques ;

-           utiliser un véhicule législatif dédié pour transposer les directives à fort enjeu politique, en indiquant dans l’intitulé de la loi qu’il s’agit d’une transposition,

-           rappeler précisément dans les lois d’habilitation autorisant le gouvernement à transposer par la voie d’ordonnances de l’article 38 de la Constitution les éléments constitutifs de la directive ou, le cas échéant, des directives à transposer.

Proposition 8. Il faut, conformément au traité d’Aix-La-Chapelle, organiser, sur chaque directive affectant significativement les échanges et la coopération entre l’Allemagne et la France, une concertation systématique entre les autorités gouvernementales compétentes en matière de transposition en vue de favoriser les rapprochements nécessaires entre les options choisies par les deux gouvernements.

C.   La phase de contrôle de l’adéquation juridique et de la cohérence territoriale des mesures de transposition

Proposition 9. La Commission européenne devrait publier un rapport annuel destiné à analyser les mesures de transposition prises par les différents États membres au cours de l’année écoulée, à relever le cas échéant les retards injustifiés dans l’adoption et la mise en œuvre de celles-ci et à relever les pratiques des États membres qui lui semblent les plus appropriées.

Proposition 10. Un État membre doit pouvoir, sur la base du rapport de la Commission européenne, saisir le COREPER des distorsions juridiques éventuelles entraînées par des divergences abusives entre les mesures de transposition des États membres.


Conclusion

En France, la transposition des directives a fait l’objet, au début des années 2000, d’un effort méthodologique considérable qui a conduit à réduire significativement et rapidement le déficit de transposition que le pays connaissait depuis plusieurs années. Aujourd’hui, la France fait partie des États membres les plus performants au regard de l’objectif quantitatif de limitation du nombre de directives non transposées. La plupart des États membres ont suivi la même trajectoire, conduisant à des déficits de transposition largement réduits par rapport à la fin des années 1990.

Toutefois, vos rapporteurs veulent souligner que le travail n’est pas terminé. Il ne faut pas se contenter d’un strict constat quantitatif. Certaines difficultés en ce qui concerne la qualité de la transposition sont matérialisées par le déficit de conformité de la transposition mesuré par la Commission européenne. En outre, des procédures d’infraction pour mauvaises transpositions ou défaut de communication des mesures nationales de transposition continuent à être ouvertes par la Commission européenne à l’encontre de l’ensemble des États membres, la France ne faisant donc pas exception.

C’est pourquoi vos rapporteurs formulent dix propositions qui paraissent de nature à emporter une triple amélioration du système actuel en :

-           contribuant à l’unité d’élaboration et à la cohérence intellectuelle et politique de la norme législative européenne et de ses mesures d’application ;

-           remettant l’église parlementaire au milieu du village législatif dont elle est aujourd’hui quasiment bannie ;

-           épargnant à l’Union européenne des divergences politiques et juridiques propres à accroître l’inégalité entre les États et à générer des distorsions de concurrence entre les acteurs économiques et sociaux.

Pour cela, de nouveaux efforts doivent être entrepris, dès le moment de la négociation européenne puis au moment de la transposition. Pour cela, le parlement doit s’organiser pour suivre plus étroitement les négociations de directives et le gouvernement doit informer plus régulièrement et précisément le parlement des avancées en matière de négociation et des réflexions qu’il mène en ce qui concerne la transposition.

Plus spécifiquement, vos rapporteurs notent que, malgré d’importants efforts, la France anticipe encore insuffisamment la transposition, celle-ci ne constituant toujours pas un enjeu à part entière lors de la négociation. En outre, le parlement national reste très tardivement et marginalement associé, avec des outils d’information parlementaire qui existent dans le droit mais ne sont pas pleinement mis en œuvre par le gouvernement.

Enfin, les sur-transpositions et mauvaises transpositions pourraient être limitées en entamant un véritable processus de comparaison des transpositions telles qu’effectuées dans d’autres États membres. Il s’agit d’un rôle qui pourrait notamment être dévolu à la Commission européenne. Le traité d’Aix-la-Chapelle, qui prévoit l’obligation de coordonner la transposition du droit européen en France et en Allemagne, doit également commencer à être appliqué, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Ces recommandations doivent conduire la France à faire de la transposition une étape totalement intégrée à la négociation européenne et non plus un enjeu qui lui est postérieur. En disposant de tous les outils pour anticiper la transposition, une meilleure articulation en droit national et droit de l’Union européenne sera possible, ce qui limitera considérablement les risques de sur-transposition ou de mauvaises transpositions, nuisibles aux entreprises comme aux citoyens.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 14 avril 2021, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous examinons aujourd’hui le rapport intitulé « Les méthodes de transposition des directives », présenté par nos collègues, M. Jean‑Louis Bourlanges et M. André Chassaigne. C’est un sujet qui intéresse toutes les commissions. Votre rapport offre une comparaison très éclairante des conditions de transposition entre la France et d’autres États membres, tels que l’Italie, l’Espagne, la Pologne et l’Allemagne.

Surtout, il invite à renforcer la place du Parlement dans le processus de transposition. Partout ailleurs, le Parlement dispose d’un pouvoir plus important qu’en France. L’information parlementaire semble notamment plus rigoureuse et régulière. Si la France a considérablement amélioré son dispositif de transposition depuis le milieu des années 2000, un tel renforcement du contrôle parlementaire demeure d’autant plus nécessaire que votre rapport montre des difficultés persistantes. C’est l’objet de vos dix propositions d’y répondre.

Le domaine environnemental semble demeurer celui qui pose le plus de problèmes de transposition. Il serait intéressant de connaître les raisons à cela et de savoir si la France a encore des difficultés de transposition dans ce domaine.

M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur. Pour ce rapport, nous avons travaillé, André Chassaigne et moi-même, en bonne intelligence, animés par la volonté d’améliorer la production législative européenne.

Je crois qu’il faut partir d’un exercice de définition. Qu’est-ce qu’une transposition ? Il s’agit de l’effet d’une originalité constitutionnelle. En effet, cela repose sur l’idée que la norme législative est produite à la faveur d’une « dualisation » complète des acteurs, c’est-à-dire d’un côté les acteurs européens (la Commission européenne qui fait la proposition, le Conseil et le Parlement via la procédure de codécision) et, de l’autre, les États nationaux. Après avoir été adoptée, la directive doit ensuite être transposée dans la mesure où elle se contente de fixer les objectifs à atteindre et laisse aux États membres le soin de déterminer les moyens nécessaires pour parvenir à ces objectifs.

Il existe une dichotomie fondatrice qui rend l’exercice très compliqué à gérer. Le partage des responsabilités entre l’autorité européenne et l’autorité qui vote la loi, c’est-à-dire, dans un pays comme la France, le Parlement (l’Assemblée Nationale et le Sénat), est difficile à réaliser. Derrière cette dualité, il y a une obligation constitutionnelle de transposition. Lorsque nous ne transposons pas ou lorsque nous transposons avec retard, nous méconnaissons non seulement les traités européens, mais aussi la Constitution française et son article 88-1. Le Conseil constitutionnel a confirmé l’interprétation de cet article dans une décision de 2004.

Ce rapport s’est fixé deux objectifs. Il vise d’abord à analyser le processus de transposition et de mesurer la performance de la France, et des autres États membres. En effet, il n’est pas possible d’apprécier la performance de la France sans faire référence aussi à la performance des autres États membres. La performance se mesure à la fois en terme qualificatif et en terme quantitatif. En terme qualitatif, cela signifie : est-ce que l’on transpose correctement ? Est-ce qu’on ne sur‑transpose pas ? Est-ce qu’on ne sous-transpose pas ? En terme quantitatif, cela implique de se poser la question des délais : transpose-t-on les directives dans les délais impartis ? Nous verrons que les objectifs, en termes de performance, sont difficiles à atteindre, même si des progrès ont été réalisés. L’objet de ce rapport est, d’autre part, de proposer des mesures pour améliorer le processus.

Il faut partir de l’idée que la fonction normative est subordonnée. Le Parlement transpose de façon très minoritaire puisqu’il n’intervient que dans 13 % des cas. C’est l’ensemble donc de la puissance publique française, à travers des décrets, des lois, des ordonnances qui transpose. La transposition demeure toutefois une fonction normative subordonnée. Il est, pour nous en tant que parlementaire, étrange de travailler en compétences liées. On pourrait imaginer que l’on dispose d’une compétence totalement discrétionnaire. Toutefois, ce n’est pas le cas, nous sommes obligés de suivre les instructions qui nous sont données. Dans un précédent rapport, un de nos anciens collègues, M. Michel Pezet, avait fait un rapport sur le même sujet. Il avait observé que la fonction du Parlement en matière de transposition était équivalente à celle d’un « moine copiste ».

Il me semble que ce constat est assez juste. Il nous est demandé de réaliser des exercices de calligraphie, plus que des exercices d’imagination intellectuels. Enfin, il faut garder à l’esprit qu’une directive est une norme qui est dissociée. Cela signifie que c’est un processus qui est rompu en son milieu, comme l’a montré le Conseil d’Etat dans une étude de 2015, puisqu’une autorité définit la norme et une autre définit la transposition, avec un problème très complexe de cohérence et de transmission de l’information entre les deux autorités. Le Conseil d’État a identifié un réel problème de connexion entre le législateur national et le législateur européen.

Cela nous conduit à mettre l’accent sur l’information parlementaire dans notre rapport. Il faut souligner l’existence de fiches d’impact qui sont transmises au Parlement, par le gouvernement, dès la publication d’une proposition de directive. Les fiches d’impact sont de deux natures : les fiches d’impact simplifiées (ou FIS 1) et les fiches d’impact stratégiques (ou FIS 2). Les fiches d’impact simplifiées doivent être produites dans les trois semaines qui suivent la proposition de directive. Le problème réside dans le fait que la transposition n’est pas au cœur de ces fiches. Une proposition de directive qui arrive au Conseil de l’Union européenne ou du Parlement européen désigne un contenu, alors que ce que nous désirons savoir, ce sont les délais d’adoption, la forme de celle-ci, et l’identité de celui qui détiendra le pouvoir de transposer. La fiche d’impact qui accompagne la proposition est excessivement imprécise. Le tableau de concordance, expliquant les modalités de transposition, n’apparaît qu’à la toute fin du processus. La procédure ne possède ainsi une dimension parlementaire qu’en fin de processus alors que presque tout est décidé antérieurement. Il est évident qu’il y a là un problème. Nous devrions être présents en amont du travail législatif, non pas pour le rendre plus compliqué, mais pour y être associés, pour comprendre les solutions retenues.

Enfin, il faut souligner que la distinction entre la loi et le règlement, prévue aux articles 34 et 37 de la Constitution, n’existe pas dans le droit européen. Celui-ci ne reconnaît que la directive ou le règlement alors qu’en France le règlement et la loi ne recouvrent pas les mêmes réalités. De même, la directive, dans notre vocabulaire, ce n’est pas une loi : c’est une instruction qu’un chef donne à ses subordonnés. À cet égard, j’avais proposé et cela avait été retenu dans le projet constitutionnel, d’appeler les actes législatifs européens « lois ». Le projet de traité constitutionnel ayant été refusé, cette proposition a été écartée et nous sommes revenus à la terminologie antérieure qui ne permet pas une clarté suffisante dans les débats.

Ainsi, notre rapport montre que la transposition est passée, entre 2002 et 2018, à 13 % par des lois et à 87 % par des actes réglementaires. Au sein de ce domaine législatif, il existe trois divisions importantes.

En premier, il faut se demander si le gouvernement procède par une loi ou par ordonnance. Or, celui-ci a tendance à procéder par ordonnance. Dans ce cas, nous ne votons pas les lois de transposition puisque nous habilitons le gouvernement à les prendre par ordonnance. Nous demandons donc dans ce cas que les articles d'habilitation soient complétés afin que le Parlement puisse encadrer plus précisément la matière à partir de laquelle le gouvernement va procéder.

Ensuite, il existe également pour transposer les lois dites DDADUE (« portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne »), qui sont comparables à des « voitures-balais ». Par ce biais, le gouvernement transmet au Parlement un grand nombre de directives. Le Parlement vote en réalité sans vraiment regarder, le tampon parlementaire est extrêmement formel. Cette situation nous préoccupe et nous souhaitons que les lois « DDADUE » soient réservées à un domaine très limité, soit qu'il s'agisse de directives techniques, soit qu'il y ait urgence en cas de retard. Pour les autres cas, il existe de véritables lois de transposition, qui amènent un débat précis. Nous souhaitons qu'elles soient toujours choisies en cas de transposition de directives d'importance.

M. André Chassaigne, rapporteur. Au-delà de la place du parlement, nous avons également analysé la façon dont l’État anticipe et gère les transpositions. Nous avons constaté une insuffisante anticipation du processus de transposition, malgré les préconisations très claires du Conseil d’État formulées dès 2015. La France tente d’anticiper l’enjeu de la transposition dès la publication d’une directive, mais il apparaît que la transposition ne constitue toujours pas un des paramètres déterminants de la position de la France dans les négociations.

Ce manque d’anticipation ne doit pas pour autant conduire à transposer avant même que la directive ne soit définitive. Or, c’est un travers de plus en plus répandu, en particulier en France. La loi « climat et résilience » ne fait pas exception, comme l’a notamment montré le rapport d’information portant observations sur ce projet de loi, présenté par notre collègue Liliana Tanguy. Des acteurs économiques nous interpellent sur ce sujet et nous pensons qu’il s’agit d’un enjeu majeur auquel notre commission doit être particulièrement attentive.

Notre rapport s’est également attardé sur la question récurrente des sur‑transpositions, définies comme la création de normes internes excédant les obligations résultant d’une directive. Une mission interministérielle demandée par le premier ministre en juillet 2017 avait conduit à identifier de nombreuses sur-transpositions, dont nous donnons quelques exemples dans le rapport. Nous avons analysé que deux types de sur-transposition existent : celles qui relèvent d’un choix politique -et celles qui résultent d’une insuffisante clarté du processus de transposition, conduisant le parlement ou le gouvernement à aller au-delà de ce qui est prescrit au niveau européen.

Toutes ces difficultés ont conduit la France à afficher, jusqu’au milieu des années 2000, un déficit massif de transposition. Celui-ci est défini comme l’écart entre le nombre de directives adoptées et dont l’échéance de transposition est échue et le nombre de directives dont les dispositions sont en vigueur dans l’État membre.

En France, ce déficit s’élevait à 7,4 % en 1997 et la moyenne européenne se situait à 6,3 %, ce qui est tout à fait considérable. Les raisons sont connues : il s’agit de difficultés structurelles dans le processus de transposition. Notre rapport prend notamment l’exemple très évocateur de la directive dite « habitats » de 1992, pour laquelle la France a connu un retard de transposition de neuf ans ainsi que deux condamnations de la Cour de justice de l’Union européenne suite à ce retard. Nous évoquons également d’autres directives comme celle sur la dissémination des OGM, transposée avec six années de retard, ou celle sur l’efficacité énergétique, qui affichait trois ans de retard. On peut comprendre d'ailleurs pourquoi il y avait des retards dans la transposition de ces directives.

Dans une seconde partie, nous avons examiné le cas d’autres Etats membres afin d’analyser la manière dont ils opèrent leurs transpositions. Les cas allemand, polonais, espagnol, italien ou suédois que nous avons analysés témoignent de difficultés spécifiques et de particularités mais peuvent aussi être source d’enseignements précieux pour la France. Nous avons notamment remarqué que les parlements de ces Etats étaient plus régulièrement et plus rigoureusement informés par leurs gouvernements respectifs des transpositions à venir et des négociations européennes en cours.

M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur. Nous avons analysé dans une première partie les défauts du système, et dans une seconde partie la différence et les problèmes qui se posent avec les autres pays, c'est-à-dire à la fois la communauté des difficultés et la spécificité des difficultés rencontrées par chacun. La troisième partie sera plus optimiste car il faut reconnaître que l'État a fait des efforts considérables, au cours des quinze dernières années, pour mettre un terme aux abus les plus criants, notamment dans le retard des transpositions.

Ces réformes ont été entreprises à deux niveaux. Elles ont été d'une part le fait de l'État qui a amélioré son système, et d'autre part le fait de la Commission européenne qui a amélioré sa vigilance. La France a en effet rationalisé son processus de transposition, sous l'effet des critiques très vives adressées par les institutions européennes. Cette rationalisation est notamment passée par la circulaire du 27 septembre 2004. Celle-ci prévoit un important effort d'anticipation. Le principal défaut de ce travail rationalisation réside dans le fait qu’il a été largement réservé au pouvoir exécutif alors que l'autorité de transposition est le Parlement. Il faudrait donc que nous soyons informés dès que nous devons voter une loi de transposition.

Une de nos propositions consiste à associer les parlementaires dès le début du processus, pour qu'ils suivent l'élaboration des directives. L'idée n'est pas de contester les pouvoirs du Parlement européen puisque nous nous agissons sur le gouvernement de la République, c'est-à-dire sur le Conseil. Nous ne contestons pas le principe de la codécision et le fait que le Parlement européen participe pleinement à tout cela, mais nous avons développé d'une façon assez générale ce système de fiches et de tableau de concordance.

Sur ce point, quand nous nous comparons aux autres pays nous constatons de nombreuses différences. En Allemagne, au niveau de la République fédérale, il y a un ministère chef de file qui s'occupe principalement de la transposition. Nous avons aussi ce système de chef de file, mais il est en quelque sorte sous la tutelle du Secrétariat Général aux Affaires européennes (SGAE), qui dépend du Premier ministre.

Que le SGAE assure la coordination est logique puisque la transposition des directives est un travail interministériel, même si un ministère est, le plus souvent, principalement concerné.

La Commission européenne joue également un rôle décisif en ce qu’elle met en œuvre les deux procédures d’infraction prévues par le traité de Lisbonne. La première concerne les cas d’absence de transposition et l’autre les cas d’absence de notification de la transposition, laquelle empêche la Commission de veiller à ce que la transposition soit bien faite. La Commission européenne peut agir brutalement, lançant au moindre retard la procédure précontentieuse puis la procédure contentieuse. Mais cette brutalité a pour corollaire l’efficacité car le déficit de transposition s’est considérablement réduit, notamment en France où il s’élève à 0,3 %, contre une moyenne européenne de 0,6 %, notre pays ne faisant par ailleurs l’objet d’aucune procédure de recours en manquement. En revanche, nous avons un déficit de conformité – c’est-à-dire de bonne transposition – de 1,4 %, contre une moyenne européenne de 1,2 %.

En conclusion, la France a fait des efforts considérables depuis dix ans pour améliorer le processus de transposition au niveau gouvernemental mais sans réellement associer le Parlement à ce dernier.

M. André Chassaigne, rapporteur. Après ce travail complexe qu’a été l’analyse du processus de transposition des directives, notre rapport avance plusieurs recommandations visant à établir un triple équilibre : dans le temps, entre les institutions et dans l’espace.

Équilibre dans le temps, pour commencer. Il s’agit d’anticiper au maximum les transpositions. Nous avons en effet constaté que si les ministères sont de mieux en mieux organisés, il est possible d’améliorer encore cette organisation, notamment par la mise en place d’une interface européenne dans chaque ministère avec la désignation rapide d’un responsable de la transposition.

Équilibre entre les institutions, ensuite, à commencer par les Parlements nationaux dont le rôle est très insuffisant. Pour mieux les associer, il nous semble nécessaire de réviser la directive de 2004 dans le sens d’une réaffirmation de l’engagement du gouvernement d’informer le Parlement, notamment par des fiches d’impact axées sur la transposition et actualisée régulièrement, qui préfigurent le tableau de concordance. Nous préconisons ensuite la transmission de deux rapports par le gouvernement au Parlement : l’un, trois mois après l’adoption d’une directive, pour présenter les modalités juridiques envisagées pour la transposition et l’autre, annuel, faisant le bilan de l’activité législative de l’Union européenne.

Toutefois, ces rapports du gouvernement ne constituent que la moitié du chemin. L’autre doit être faite par le Parlement lui-même qui doit se réorganiser. Tout d’abord, une communication régulière devrait être faite en commission des Affaires européennes sur les travaux européens en cours, afin que les parlementaires disposent d’une vision globale des transpositions à venir. Ensuite, un binôme de parlementaires, l’un membre de la commission des Affaires européennes, l’autre de la commission permanente compétente au fond, respectant l’équilibre majorité/opposition, seraient constitués tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat afin de dialoguer avec le gouvernement et les institutions européennes en vue d’influer sur les arbitrages de la transposition. Ce binôme aurait vocation à être ensuite rapporteur du projet de loi de transposition.

M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur. Je voudrais insister sur la responsabilité essentielle qui repose sur le Parlement. Nous, parlementaires, ne nous saisissons pas suffisamment des problèmes de transposition et ces propositions devraient nous aider à mieux assurer le suivi global du processus de transposition tout en l’influençant le cas échéant. Plus précisément, je considère que c’est à la commission des Affaires européennes de faire ce travail.

Troisième élément, enfin, l’équilibre dans l’espace. Il est vrai qu’on ne peut qu’être frappé, à la suite d’un rapport du Conseil d’État, sur les différences de transposition entre les États-membres. Celles-ci sont parfois justifiées, notamment pour des raisons de cohérence interne mais toutes ne le sont pas et il est de notre responsabilité, en tant que législateur national, d’être très vigilants vis-à-vis des sur-transpositions afin de ne pas être dépossédés de nos compétences.

Enfin, j’insiste sur la nécessité de partager les bonnes pratiques. La responsabilité, cette fois, en incombe à la Commission européenne qui devrait faire ce travail de recensement des bonnes pratiques qui bénéficierait à l’ensemble des États-membres.

Nous pensons par ailleurs que le COREPER pourrait se saisir, à la demande d’un État membre, de défauts de transposition qu’il aurait repérés. Par exemple, sur la directive relative aux droits d’auteur, il existe une différence d’interprétation très importante entre Français et Allemands.

Les enjeux du traité d’Aix-la-Chapelle sont présents, même s’il est toujours délicat d’introduire une approche franco-allemande dans les sujets communautaires. C’est la tentation de nos collègues gaullistes ; en tant que vrai centriste, je pense qu’il faut combiner les deux. Le traité nous invite à un travail de réflexion commun, car les transpositions relèvent du domaine national, par définition. Il n’est pas inutile que, sur les sujets importants, ces deux grands États aient une vision convergente.

La question sous-jacente est celle du rôle de l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA) ; à cet égard, mon co-rapporteur et moi sommes prudents. L’Assemblée nationale, le Sénat et le Bundestag ont des commissions compétentes et n’ont aucune envie d’être démembrées par l’APFA. Un effort de rapprochement et de travail commun serait cependant très précieux et aurait un effet d’entraînement positif sur nos partenaires.

Il est essentiel d’avoir un binôme qui accompagne le négociateur français dès la proposition de la Commission, afin de ne pas manquer d’informations au moment de la transposition. En réalité, il faut être quatre, puisque nous avons un système bicaméral dans lequel le Sénat doit avoir le même accès que nous. Cette équipe, pour chaque grande directive, serait en contact régulier avec le SGA et le ministère chef de file, afin de suivre la transposition ; le contenu reste l’affaire du Conseil et du Parlement européen.

M. André Chassaigne, rapporteur. La France a fait beaucoup de progrès en matière de transposition. Nous sommes sortis de la situation catastrophique que nous connaissions jusqu’au milieu des années 2000, avec des déficits de transposition qui entravaient la bonne application du droit de l’Union.

Toutefois, il ne faut pas en rester là car nous pouvons encore nous améliorer. Anticiper toujours plus, associer plus largement et comparer les transpositions entre les États membres : ces trois axes restent des actions nécessaires pour améliorer le processus de transposition et réduire les difficultés liées à cet exercice.

Nous insistons en particulier sur le rôle beaucoup plus important que doit avoir le Parlement en la matière. Il est aujourd’hui inacceptable que le Parlement soit à ce point marginalisé dans le processus de transposition. Cette situation peut conduire à des sur‑transpositions ou à de mauvaises transpositions et alimente la frustration parlementaire, alors même que la transposition devrait être un moment important de lien entre l’échelon européen et l’échelon national.

Nos propositions visent donc à ce que le Gouvernement soit tenu d’informer plus étroitement et plus régulièrement le Parlement des transpositions à venir. Surtout, il faut que le Parlement se dote d’une organisation qui lui permette de suivre et d’influencer les négociations européennes lorsqu’elles ont une véritable portée politique. Il s’agit là d’un impératif pour assurer une bonne articulation entre le droit national et le droit de l’Union et pour raffermir le lien entre l’Europe et les parlementaires.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Merci d’avoir été si pédagogues sur un sujet éminemment technique. Je suis ravie que les travaux dans cette commission puissent être menés de manière transpartisane. Vos propositions numéro 1 et 2 pourraient rehausser l’image de la commission des affaires européennes. Il faut pouvoir faire le tri entre ce qui paraît important et ce qui est du détail technique parmi la masse de textes européens dont nous sommes destinataires.

Bien sûr, l’Assemblée parlementaire franco-allemande a aussi pour rôle de suivre l’harmonisation de la transposition des directives. Un groupe de travail sur le sujet pourrait être suggéré, même si nous avons un souci de divergence entre État central et État fédéral.

 

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme Aude Bono-Vandorme. Vos propositions sont novatrices et percutantes, notamment sur l’implication des parlementaires. J’aime cette idée de travailler en binômes, qui fonctionnent bien dans cette commission.

Concernant les améliorations des dispositifs législatifs, seriez-vous favorables à une insertion plus fréquente des transpositions dans des lois dont ce n’est pas l’objet principal, afin de tirer parti des projets de loi à l’ordre du jour afin de transposer des directives connexes ? Serait-il judicieux de réviser la Constitution afin d’y insérer le respect des délais de transposition ? On pourrait par exemple y inscrire la mise à l’ordre du jour des transpositions en cas de carence gouvernementale au-delà d’un délai de vingt-quatre mois.

M. Didier Quentin. Je partage l’essentiel de vos propos, notamment sur les retards et les délais. Des progrès considérables ont été réalisés pour réduire le stock et améliorer la qualité du travail gouvernemental, avec un travail d’anticipation et grâce au chef-de-filât du SGAE.

Bien évidemment, le Parlement demeure le parent pauvre de cette affaire. J’ai donc lu avec grande attention vos dix propositions, qui prévoient notamment une meilleure information de notre commission. Votre proposition numéro 6, qui sollicite un rapport du Gouvernement, me paraît pertinente.

Je souhaite revenir sur le respect de deux principes, la subsidiarité et la proportionnalité. Il serait opportun de réaffirmer notre attachement à leur application, auquel les pays du Nord de l’Europe sont très attachés, expliquant les longs délais de transposition au Danemark et en Suède, par exemple.

M. Vincent Bru. Les directives sont une part importante de la législation européenne. Vous avez insisté sur le rôle « modeste », voire « marginal », du Parlement. Seules 14 % des transpositions relèvent du domaine de la loi, le reste relevant du gouvernement.

J’ai trois questions. La première concerne votre proposition n° 2, à savoir la nécessité d’associer au plus tôt les parlementaires français au suivi des négociations, dès le dépôt par la Commission d’une proposition de directive. Comment mettre en œuvre cette idée ? Vous avez parlé de deux députés et de deux sénateurs appartenant à la commission des affaires européennes de l’Assemblée et du Sénat. Faut-il le faire pour toutes les directives, ou simplement pour les plus importantes ?

Deuxièmement, en ce qui concerne les fiches d’impact, vous proposez une modification de la circulaire de 2004. Est-ce que la circulaire est le bon vecteur juridique, alors même qu’elles touchent à l’information et donc aux pouvoirs du Parlement ?

Troisièmement, pensez-vous qu’il faille introduire en France, sur le modèle de ce qui se fait dans d’autres États membres, un mandat impératif du Parlement au Gouvernement en vue des négociations au Conseil ? Cela supposerait de modifier la Constitution.

M. Jean Lassalle. Je ne suis pas d’accord sur la perspective d’ensemble. Ce n’est pas tellement le Parlement qui a été « oublié » à l’occasion de ces directives, mais le peuple.

Le peuple a souvent été très oublié. Pourquoi la directive « Habitats » a-t-elle mis tant de temps à être transposée en droit français ? Pendant la première cohabitation, quand François Mitterrand était président de la République et Jacques Chirac Premier ministre, Jacques Chirac – qui avait alors oublié son « appel de Cochin » – défendait avec ferveur une transposition rapide des directives. Mitterrand et Chirac avaient ceci en commun qu’ils connaissaient la France, et ils savaient que cette directive allait poser des difficultés et, de fait, elle a détruit la petite agriculture française.

Le peuple a voté « non » au référendum de 2005, ce qui n’a pas empêché le Parlement de se réunir en congrès à Versailles et de voter « oui » à sa place. Votre travail est aussi l’occasion d’une mise en perspective historique et politique.

M. Thierry Michels. Comme vous le dites très bien, nous pouvons mieux faire en matière de transposition. Quelles sont les mesures qui, selon vous, doivent être mises en œuvre de manière prioritaire pour une meilleure transposition des directives européennes ? Est-ce qu’une comparaison internationale, comme vous le proposez, sera suffisante pour harmoniser les interprétations des textes par les différents États membres ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Je m’intéresse particulièrement à vos propositions qui touchent à la coopération franco-allemande en matière de transposition. Vous évoquez le traité d’Aix-la-Chapelle qui prévoit de renforcer cet aspect de la coordination franco-allemande, mais vous constatez que celle-ci est encore insuffisante. Pour y remédier, vous préconisez dans un premier temps de systématiser la concertation entre les autorités gouvernementales françaises et allemandes chargées du suivi de la transposition. Mais vous avez constaté la faible implication des parlementaires français dans ce processus. Ne faut-il pas que le Parlement soit mieux associé à cette coopération ? Quel rôle pourrait jouer l’Assemblée parlementaire franco-allemande à cet égard : ne peut-elle pas œuvrer à une convergence entre les droits français et allemand ?

M. Christophe Grudler, député européen. La transposition est un élément d’harmonisation du marché commun. Bien sûr, il n’est pas facile de transposer et les infractions sont nombreuses. Ces dernières concernent principalement trois secteurs sensibles : l’environnement, les transports et la taxation.

Comme vous le dites, il est important d’anticiper les transpositions le plus en amont possible. Il faut associer mieux les parlements nationaux, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen. En effet, pour répondre à Jean Lassalle, « l’Europe des peuples » existe, il s’agit du Parlement européen. La « France des peuples » existe, il s’agit de l’Assemblée nationale. D’où la nécessité de mieux s’impliquer dans le travail de transposition.

M. Jean-Louis Bourlanges, rapporteur. Beaucoup d’entre vous ont souligné le nombre élevé de directives. Lorsque nous avons évoqué le nombre de 1 000 textes européens transmis au parlement chaque année, il s’agissait de directives et règlements. Il serait absurde que nous nous investissions sur tous les textes, mais, une fois par an, le gouvernement pourrait nous présenter un rapport sur l’état de la législation européenne en cours, qui fournirait l’occasion de mettre en avant les directives importantes, sur lesquelles nous pourrions nous concentrer. Il nous paraît nécessaire d’avoir un vrai rendez-vous en séance publique sur l’action législative européenne du gouvernement pour avoir une vision globale.

Je suis personnellement convaincu qu’une implication directe de l’Assemblée parlementaire franco-allemande dans le travail de transposition serait source de difficultés considérables. Il appartient aux gouvernements français et allemand, s’ils désirent travailler ensemble, de s’entendre pour la partie réglementaire de la transposition. Pour ce qui concerne la transposition dans le domaine législatif, le double binôme de parlementaires que nous avons proposé pourrait participer à ce travail de coordination. Soyons pragmatiques pour mettre en commun des domaines de compétence nationale avec les Allemands sans créer une sorte sous-section à l’intérieur de l’Union européenne.

Le mécanisme de transposition fonctionne. La Constitution a été interprétée de façon rigoureuse par le Conseil constitutionnel. La transposition est une obligation et personne, en France, ne s’en affranchit. Même si nous pouvons avoir des retards, il n’y a aucune mauvaise volonté, ni sur les délais, ni sur la qualité.

Pour ce qui concerne les principes de subsidiarité et de proportionnalité, je rappelle que, selon le traité, la subsidiarité ne s’applique qu’aux compétences partagées. Les compétences exclusives sont définies selon un principe d’opportunité, et non de subsidiarité. La revendication de subsidiarité, en particulier de la part des Britanniques lorsqu’ils étaient encore membres de l’Union, m’amuse en ce que la subsidiarité constitue le principe fondamental du fédéralisme. Si on appliquait le principe de subsidiarité à l’ensemble du traité, on aboutirait à un transfert massif de compétences à l’échelon européen. Un grand juriste belge appartenant à la Cour de justice de l’Union européenne avait décrit le fonctionnement de l’Union européenne comme du fédéralisme à l’envers : on met en commun ce que chaque État estime pouvoir mettre en commun sans mettre en péril ses propres intérêts nationaux, c’est-à-dire soit ce qui compte assez peu, soit dans le cadre d’un « donnant-donnant ».

Pour la constitution des binômes, là encore, soyons pragmatiques. La question n’est pas celle de la base juridique, mais celle de la détermination dont nous pourrons faire preuve. Si nous exerçons des pressions assez fortes sur le Gouvernement, les choses peuvent se passer assez simplement. Lorsqu’une proposition importante est déposée par la Commission, le SGAE peut le signaler aux assemblées pour qu’elles désignent des parlementaires pour suivre le dossier et, de temps en temps, le Représentant permanent auprès de l’Union européenne ou la direction ministérielle compétente, les informe de l’état de la négociation et des positions des uns et des autres. Il ne faut pas faire une cathédrale juridique, mais s’inspirer du pragmatisme anglo-saxon.

Il est vrai que la circulaire constitue un véhicule un peu médiocre pour les fiches d’impact, mais l’essentiel serait que la qualité de ces fiches s’améliore.

La question du mandat renvoie à l’exemple du Danemark, où le Folketing enferme le gouvernement dans un mandat impératif extrêmement strict pour les négociations au Conseil. Sur le plan européen, si tous les gouvernements avaient un mandat impératif, plus rien n’avancerait. J’ai d’ailleurs remarqué que les États fédéraux comme l’Allemagne, avaient plus de mal à avoir une logique fédérale au niveau européen, parce que, lorsqu’ils ont trouvé un point d’équilibre entre tous les Länder, ils ont beaucoup de difficultés à faire évoluer leur position. Il faut que nous soyons plus présents et plus actifs sans pour autant tenir la bride trop courte au cheval gouvernemental. Il faut lui laisser des marges de négociation.

Nous avons mis en lumière l’exemple de la Suède. Les Suédois sont tellement pénétrés de la supériorité intrinsèque de leur système sur tous les autres, qu’ils procèdent au travail de transposition un peu tardivement et un peu négligemment. Une diplomate suédoise m’avait d’ailleurs indiqué que les suédois étaient très embêtés par le Brexit, parce que, au lieu de s’aligner sur les positions britanniques, ils allaient devoir travailler.

Le modèle suédois est exactement opposé à celui du Danemark. Le Danemark est un petit pays qui s’accroche et qui ne veut pas qu’on lui impose des règles dont il ne veut pas. Il est plus proche du modèle continental que la Suède, mais plus difficile comme négociateur.

Nous pouvons résumer nos recommandations en trois indicatifs : connaître, suivre, choisir. Pour l’instant, nous connaissons peu et mal les procédures, la faute nous en incombe puisque nous n’avons pas demandé quelles étaient les mesures communautaires applicables. Suivre, c’est-à-dire qu’il faut suivre du début jusqu’à la fin le processus. Choisir car nous devrions avoir la possibilité de choisir les méthodes à appliquer.

Concernant l’idée de Christophe Grudler d’intégrer les députés européens aux binômes : je crois que le Parlement européen est législateur de premier rang pour les directives et il me semble normal que de notre côté nous ayons des circuits d’information entre parlements nationaux pour comprendre la position de chacun.

Dans ce rapport, nous ne mettons pas en cause les directives. Nous acceptons cette logique communautaire. Cependant, il nous semble important de faire respecter les prérogatives des parlements nationaux.

M. André Chassaigne, rapporteur. D’abord, pour répondre à Jean Lassalle, je crois qu’il faut prendre conscience du fossé qui sépare l’Union européenne et le peuple. La directive « Habitats » par exemple, a mis neuf ans à être transposée parce qu’elle a sans doute été décidée avec peu de consultations alors qu’elle emportait des conséquences importantes. Dès 2003, Jean Lasalle et moi-même avons fait partie d’une commission d’enquête sur la réintroduction des loups. Lors des auditions que nous avons menées dans ce cadre, les conséquences de la directive « Habitats » étaient souvent mentionnées par nos interlocuteurs.

Ma deuxième observation porte sur la subsidiarité. J’avais présenté une proposition de résolution sur la mise en œuvre de la politique agricole commune, où je revenais sur l’excès du recours au principe de subsidiarité dans certains domaines. Nous devons rester attentifs aux conséquences de la mise en œuvre du principe de subsidiarité.

Que faire aujourd’hui ? Je vois plusieurs niveaux d’action. Au sein de cette commission des affaires européennes, nous pourrions assurer un suivi régulier de l’avancée des travaux législatifs européens. Pour cela, il faut une volonté politique des députés membres. Or, de nombreux membres ne participent pas activement aux travaux de la commission. Chaque semaine nous recevons des informations sur l’actualité des travaux législatifs européens, pourtant il y a peu de volonté politique des députés membres de réagir régulièrement. En outre, au niveau de l’État à travers le SGAE, une évolution est nécessaire. En ce qui concerne l’Union, il serait judicieux de faire une proposition de résolution européenne sur ce sujet.

Chacun d’entre nous devrait prendre le temps de lire ce rapport. Pour ma part, ce rapport m’a appris les difficultés que comportent les transpositions dont j’ignorais la complexité jusque-là. Nos propositions sont humbles mais je crois qu’elles permettraient une évolution positive.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je suis d’accord et je rappelle que vous avez un droit de suite concernant les rapports. Je vous suggère de passer à la phase d’action en contactant le SGAE par exemple. Vous devriez choisir dans vos propositions celles qui sont le plus facilement réalisables.

Effectivement, le statut de commission non permanente pour la commission des affaires européennes soulève la question de l’absentéisme de certains membres, alors que d’autres députés ont fait part de leur souhait de rejoindre la commission.

 

À l’issue de la discussion, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

 

 

 

 


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   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

1.   Administrations centrales françaises

Secrétariat général du gouvernement

-         M. David Sarthou, chef du service de la législation et de la qualité du droit

-         M. Gabor Arany, chef du département de la qualité du droit

Secrétariat général aux Affaires européennes

-         Mme Sandrine Gaudin, secrétaire générale

Conseil d’État

-         M. Jean-Luc Sauron, conseiller d’État, délégué au droit européen

-         M. Fabien Raynaud, conseiller d’État, rapporteur de l’étude du Conseil d’État sur la transposition des directives européennes

Secrétariat d’État chargé des Affaires européennes

-         M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes

Ministère de la transition écologique

-         Mme Aurélie Bretonneau, directrice des affaires juridiques

-         M. Vincent Coissard, sous-directeur général de la prévention des risques

Ministère de la justice

-         Mme Isabelle Jegouzo, conseillère aux affaires européennes et internationales du Garde des sceaux

-         M. Guillem Gervilla, conseiller parlementaire du Garde des sceaux

-         M. Manuel Rubio Gullon, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales à la Direction des affaires criminelles et des grâces

-         Mme Marie Charlotte Dalle, adjointe au directeur des affaires civiles et du sceau

-         M. Patrick Rossi, sous-directeur du droit économique à la direction des affaires civiles et du sceau

-         Mme Catherine Raynouard, sous directrice du droit civil à la direction des affaires civiles et du sceau

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

-         M. Frédéric Puigserver, directeur des affaires juridiques

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

-         M. Philippe Léglise Costa, représentant permanent

2.   Ambassades de France

Ambassade de France en Italie

-         M. Christophe Lemoine, Ministre-conseiller

Ambassade de France en Pologne

-         M. Mathieu Carmona, premier conseiller

-         M. Vincent Biret, conseiller politique

Ambassade de France en Suède

-         M. David Behar, premier conseiller

-         M. Jean Traband, correspondant européen

Ambassade de France en Espagne

-         M. Jean-Michel Casa, ambassadeur

Ambassade de France en Allemagne

-         M. Raphaël Métais, correspondant européen

-         M. Oudot de Dainville, chef du service économique


3.   Administration européenne

Commission européenne

-         M. Pascal Leardini, secrétaire général adjoint

4.   Universitaires et chercheurs

-         Mme Emmanuelle Saulnier-Cassia, Professeure de droit public

5.   Entreprises

Michelin

-         Mme Fabienne Goyeneche, chargé de représentation à Bruxelles

-         Mme Armelle Balvay, chargée d’affaires publiques France

-         M. Thierry Martin-Lassagne, directeur des affaires publiques


   Annexe n° 2 :
Liste des propositions

 

Proposition 1. Une communication régulière, précise et détaillée de l’état d’avancement des travaux législatifs européens est faite aux membres de la commission des Affaires européennes, sur une base trimestrielle.

Proposition 2. Dès le dépôt par la Commission européenne d’une proposition de directive, sont désignés, par la commission des Affaires européennes et par la commission compétente au fond de leurs assemblées respectives, deux députés et deux sénateurs chargés de suivre le développement de la négociation européenne et d’examiner les modalités juridiques de la transposition de la directive en droit interne.

Proposition 3. La circulaire du 27 septembre 2004 doit être modifiée en vue d’accompagner toute proposition de directive de l’établissement d’une fiche d’impact de la directive proposée. La fiche, qui sera destinée aussi bien au Parlement qu’au Gouvernement, devra scrupuleusement distinguer les impacts politiques et juridiques de l’adoption éventuelle de la proposition, en se fondant notamment sur un tableau de concordance évolutif entre le droit national en vigueur et les impacts potentiels de la directive sur celui-ci.

Proposition 4. Le SGAE devrait coordonner avec la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne la mise en place d’une politique d’archivage des négociations entre les institutions et au sein de chacune d’elles. Ces archives seraient à la disposition tant des services de l’État que du Parlement et permettraient d’éclairer les autorités de transposition sur les intentions exactes du législateur européen.

Proposition 5. Le gouvernement devrait remettre au parlement un rapport annuel sur l’activité législative des institutions européennes. Ce rapport devrait comprendre deux parties distinctes : d’abord une analyse précise et exhaustive des enjeux et de l’état des négociations euro-institutionnelles sur les directives en cours d’adoption, ensuite une présentation des directives adoptées et des mesures de transposition prises ou en voie de l’être en vue d’adapter le droit interne aux exigences posées par ces directives.

Proposition 6. Le gouvernement remet au parlement, au plus tard trois mois après l’adoption d’une directive, un rapport précisant les modalités juridiques qu’il envisage pour la transposition de celle-ci. Le rapport devra comporter une étude d’impact, portant en particulier sur les contraintes qui résulteraient pour les entreprises tant de la directive elle-même que des mesures de transposition envisagées. Ce rapport devrait donner lieu à un débat devant les commissions parlementaires compétentes, voire pour les directives les plus importantes, en séance publique.

Le rapport examinera en particulier les précautions prises ou à prendre pour parer au risque de sur-transposition ou de mauvaise transposition. Il s’attachera de surcroît à débusquer les chevauchements éventuels entre les ordres juridiques interne et européen et à déterminer les moyens propres à y mettre bon ordre.

Proposition 7. Dans le cadre de transpositions passant par voie législative, il paraît nécessaire de :

-         réserver les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) aux directives les plus techniques ;

-         utiliser un véhicule législatif dédié pour transposer les directives à fort enjeu politique, en indiquant dans l’intitulé de la loi qu’il s’agit d’une transposition,

-         rappeler précisément dans les lois d’habilitation autorisant le gouvernement à transposer par la voie d’ordonnances de l’article 38 de la Constitution les éléments constitutifs de la directive ou, le cas échéant, des directives à transposer.

Proposition 8. Il faut, conformément au traité d’Aix La Chapelle, organiser, sur chaque directive affectant significativement les échanges et la coopération entre l’Allemagne et la France, une concertation systématique entre les autorités gouvernementales compétentes en matière de transposition en vue de favoriser les rapprochements nécessaires entre les options choisies par les deux gouvernements.

Proposition 9. La Commission européenne devrait publier un rapport annuel destiné à analyser les mesures de transposition prises par les différents États membres au cours de l’année écoulée, à relever le cas échéant les retards injustifiés dans l’adoption et la mise en œuvre de celles-ci et à relever les pratiques des Etats membres qui lui semblent les plus appropriées.

Proposition 10. Un État membre doit pouvoir, sur la base du rapport de la Commission européenne, saisir le COREPER des distorsions juridiques éventuelles entraînées par des divergences abusives entre les mesures de transposition des États membres.

 

 


   Annexe n° 3 :
Liste des cas d’infraction ouverts en précontentieux par la Commission européenne à l’encontre de la France pour non-communication des mesures nationales de transposition de directives européennes

 

État du précontentieux

Domaine

Directive concernée

Avis motivé art. 258 du TFUE

Affaires intérieures

Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux

Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Affaires intérieures

Directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Mobilité et transports

Directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant la directive 2012/34/UE en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux

Directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP)

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Justice, droits fondamentaux et citoyenneté

Directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Emploi, affaires sociales et égalité des chances

Directive (UE) 2017/159 du Conseil du 19 décembre 2016 portant mise en œuvre de l'accord relatif à la mise en œuvre de la convention sur le travail dans la pêche, 2007, de l'Organisation internationale du travail, conclu le 21 mai 2012 entre la Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne (Cogeca), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et l'Association des organisations nationales d'entreprises de pêche de l'Union européenne (Europêche)

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Affaires intérieures

Directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Mobilité et transports

Directive (UE) 2017/2110 du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre 2017 relative à un système d'inspections pour l'exploitation en toute sécurité de services réguliers de navires rouliers à passagers et d'engins à passagers à grande vitesse, modifiant la directive 2009/16/CE et abrogeant la directive 1999/35/CE du Conseil

Avis motivé art. 258 du TFUE

Emploi, affaires sociales et égalité des chances

Directive (UE) 2017/2398 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Énergie

Directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Environnement

Directive déléguée (UE) 2020/362 de la Commission du 17 décembre 2019 modifiant l’annexe II de la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux véhicules hors d’usage en ce qui concerne l’exemption autorisant l’utilisation de chrome hexavalent comme agent anticorrosion pour les systèmes de refroidissement en acier au carbone dans les réfrigérateurs à absorption des autocaravanes

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Environnement

Directive déléguée (UE) 2020/363 de la Commission du 17 décembre 2019 modifiant l’annexe II de la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux véhicules hors d’usage en ce qui concerne certaines exemptions relatives à la présence de plomb et de composés de plomb

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Mobilité et transports

Directive (UE) 2018/645 du Parlement européen et du Conseil du 18 avril 2018 modifiant la directive 2003/59/CE relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs ainsi que la directive 2006/126/CE relative au permis de conduire

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Environnement

Directive (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Environnement

Directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Environnement

Directive (UE) 2018/852 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Réseaux de communication, contenu et technologies

Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), compte tenu de l'évolution des réalités du marché

Mise en demeure art. 258 du TFUE

Justice, droits fondamentaux et citoyenneté

Directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires

 


annexe n° 4 :
listes des directives pour lesquelles une procedure pour non-conformite de la transposition a été ouverte À l’encontre de la france


annexe n° 5 :
Liste des lois portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne (ddadue) adoptées par la France depuis les années 2010

 

 


([1])  Cour de justice des communautés européennes (CJCE), 20 mars 19978, Commission contre Allemagne, affaire C-96/95.

([2])  L’absence de mise en cohérence du droit national préexistant avec le droit issu de la directive est une pratique, appelée « double banking », qui a pu conduire, en France, le Conseil d’État à donner un avis défavorable à des projets de textes transposant des directives européennes. Cf. Conseil d’État, Assemblée générale (section des finances), 2 novembre 2006, n°373519 et Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 18).

([3])  CJCE, 10 mai 2007, Commission contre Autriche, affaire C-208-04.

([4])  CJUE, 10 juillet 2014, Commission contre Belgique, affaire C-421-12.

([5])  Par sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a déduit de l'article 88-1 de la Constitution « qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ».

([6])  Conseil constitutionnel, décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

([7]) Réponses du secrétariat général du gouvernement à vos rapporteurs.

([8])  Assemblée nationale, rapport d'information n° 3255 sur le suivi des affaires communautaires par la délégation : bilan de la neuvième législature et perspectives d'avenir, présenté par Michel Pezet, 24 février 1993.

([9])  Projet de loi (n° 949) relatif à l'application de certains traités internationaux, 1964 : « Le Parlement ayant déjà admis toutes les conséquences du traité instituant la Communauté économique européenne et notamment toutes les mesures de droit interne que la mise en œuvre de ce traité nécessitera, il ne paraît pas nécessaire qu'il étudie en détail chacune des mesures d'application ainsi prises. En matière de droit d'établissement et de prestations de services, les obligations de la France sont déjà déterminées par deux programmes généraux et un échéancier de libération très précis, que le Parlement ne saurait remettre en cause sans méconnaître nos engagements internationaux. ».

([10])  A titre d’exemple, à l’occasion de la discussion parlementaire du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 11 septembre 2019 relative au code de justice pénale des mineurs, le parlement a sur-transposé la directive 2016/800 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales du 11 mai 2016 en prévoyant l’assistance obligatoire et systématique d’un avocat commis d’office lors de l’audition libre d’un mineur, alors que la directive, comme le droit actuel, permettent de prévoir que, lorsque l'absence d'avocat ne porte pas atteinte au procès équitable et aux intérêts supérieurs de l'enfant, un magistrat peut décider de ne pas commettre un avocat d’office.

([11])  Cf. https://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commission-des-affaires-europeennes et http://www.senat.fr/europe/broch.html

([12])  Circulaire du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen.

([13])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 45).

([14])  Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000256457

([15])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015.

([16])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 36).

([17])  COM(2015) 593 final ; COM(2015) 594 final ; COM (2015) 595 final et COM(2015) 596 final.

([18])  Il n’a pas été possible, pour vos rapporteurs, d’effectuer une analyse sur une période plus vaste, étant donné que le SGAE ne distingue les FIS 1 et FIS 2 que depuis 2018 dans les « dossiers présidences » transmis aux assemblées et qui synthétisent les fiches d’impact transmises.

([19])  Une en 2019 et 6 en 2018.

([20])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 45).

([21])  Cf. annexe n°5.

([22])  L’expression a été employée par P. Lefebvre, au cours du débat au Sénat du 1er février 2000 sur la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports : « ‘voiture balai législative’ regroupant plusieurs textes européens en souffrance que le Parlement est chargé d’adopter en urgence pour éviter une condamnation de notre pays ». Cf. Saulnier-Cassia, Emmanuelle, « L’impact du ‘mieux légiférer’ sur l’intégration du droit de l’Union européenne dans les États membres : le mieux et le bien transposer » in Rubio Nathalie (dir.), La fabrication du droit de l’Union européenne dans le contexte du « Mieux légiférer », Confluence des droits. Aix-en-Provence : Droits International, Comparé et européen, 2017.

([23])  A ce titre, la loi n° 2015-1567 du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques transpose ainsi via la procédure accélérée (engagée par le gouvernement le 15 juillet 2015) cinq directives datant de 2012 à 2015 allant des accidents impliquant des substances dangereuses aux OGM en passant par les équipements marins et autres et qui adapte également le droit national à trois règlements. Cf. Saulnier-Cassia, Emmanuelle, « L’impact du ‘mieux légiférer’ sur l’intégration du droit de l’Union européenne dans les États membres : le mieux et le bien transposer » in Rubio Nathalie (dir.), La fabrication du droit de l’Union européenne dans le contexte du « Mieux légiférer », Confluence des droits. Aix-en-Provence : Droits International, Comparé et européen, 2017

([24])  Il est également possible d’opérer des transpositions par voie d’amendements, même si cette possibilité doit être limitée au maximum, étant donnée la faiblesse de l’anticipation et de la visibilité qu’elle suppose.

([25])  Loi n°2014-536 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales ; loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ; loi n° 98-536 du 1 juillet 1998 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données ; loi n° 98-566 du 8 juillet 1998 portant transposition de la directive 94/47/ CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers ; loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° s 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993 ; loi n°95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre ; loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes.

([26])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 29).

([27])  Article 32 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([28])  Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures.

([29])  Directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen.

([30])  Directive 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE.

([31])  Un exemple pourrait être la directive 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

([32])  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_2482

([33])  Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen.

([34])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (pages 14 à 16).

([35])  L’article 290 TFUE prévoit la possibilité d’un blocage par le Parlement européen ou le Conseil, mais seulement ex post.

([36])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 34).

([37])  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32016Q0512%2801%29

([38])  https://eur-lex.europa.eu/statistics/2021/legislative-acts-statistics.html

([39])  https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/projet-de-loi-relatif-a-la-suppression-des-surtranspositions-des-directives-europeennes-en-droit-francais

([40])  Sénat, étude de législation comparée n°277, « Les sur-transpositions de directives européennes », (février 2017) ; Sénat, rapport d’information relatif aux sur-transpositions préjudiciables aux entreprises d’actes législatifs européens en droit interne, par M. René DANESI (28 juin 2018) ; Ministère de l’économie, des finances et de la relance, inspection générale des finances, Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, « Les écarts règlementaires entre la France et les pays comparables » (mars 2016) ; Assemblée nationale, rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les moyens de lutter contre la sur-transposition des directives européennes dans le droit français, présenté par Mme Alice Thourot et M. Jean-Luc Warsmann (21 décembre 2017).

([41])  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, « Plan d’action à long terme visant à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique » du 10 mars 2020, COM(2020) 94 final.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0094&from=FR

([42])  Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035297602

([43])  Article L. 234-2-V.

([44])  https://www.anses.fr/fr/content/avis-et-rapport-de-lanses-sur-le-devenir-des-animaux-desp%C3%A8ces-destin%C3%A9es-%C3%A0-la-consommation

([45])  Investissement des chaînes dans la production cinématographique et audiovisuelle, quotas de diffusion d’œuvres françaises, restrictions en matière de programmation publicitaire, etc..

([46])  Notamment pour les établissements « Seveso seuil bas ».

([47])  III de l’article D. 181-15-2.

([48])  https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000037460424/

([49])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([50])  Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

([51])  Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

([52])  Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

([53])  Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

([54])  Ce tableau concerne les directives relatives au marché unique et englobant les quatre libertés fondamentales ainsi que les politiques ayant un impact direct sur le marché unique (fiscalité, emploi, politique sociale, éducation, culture, santé publique, protection des consommateurs, énergie, transport, environnement)

https://ec.europa.eu/internal_market/scoreboard/performance_by_governance_tool/transposition/index_en.htm

([55])  Les informations relatives à la transposition de la directive « habitats » par la France sont issues de : Sénat, rapport d’information n°309 de M. Jean-François Le Grand, sénateur, fait au nom de la commission des Affaires économiques, sur la mise en œuvre de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, déposé le 15 avril 1997.

([56])  Affaire C-256/98, recueil p. I 2487.

([57])  Affaire C-220/99, recueil p. I 05831.

([58])  Conseil d’État, 27 septembre 1999, décision n°194648 ; Conseil d’État, 22 juin 2001, décision n°219995.

([59])  Loi n°2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire ; décret n°2001-1031 du 8 novembre 2001 relatif à la procédure de désignation des sites Natura 2000 et modifiant le code rural ; Décret n°2001-1216 du 20 décembre 2001 relatif à la gestion des sites Natura 2000 et modifiant le code rural ; Ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

([60])  L'arrêt du Conseil d'État du 27 septembre 1999 a rappelé cette obligation de consultation, en annulant pour illégalité la circulaire du 11 août 1997 (ainsi que les trois décisions des 16 octobre, 3 décembre et 9 décembre 1997 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement), parce que celle-ci autorisait les préfets à s’affranchir de la procédure de consultation pour les sites, dont la transmission ne posait pas de problème. Cf. https://www.senat.fr/rap/a00-031/a00-0318.html

([61])  La directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 devait en effet être transposée avant le 17 octobre 2002, comme l’indique son article 34. La France ne l’a transposée qu’avec la loi n°2008-595 du 25 juin 2008.

([62])  Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.

([63])  Les directives devaient être transposées avant le 23 août 2013. La France n’a opéré ces transpositions qu’avec l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52019DC0632&from=EN

([64])  L’ensemble des informations relatives à la transposition des directives en Allemagne est issu des réponses de l’ambassade de France en Allemagne à vos rapporteurs.

([65])  Selon l’Ambassade de France en Allemagne, les autorités allemandes s’attendent à ce que le pays maintiennent sont déficit à 0,6% dans le prochain rapport de la Commission européenne (prévu pour l’été 2021).

([66])  Les modes de déclenchement de ces procédures sont détaillées en troisième partie de ce rapport.

([67])  Fromage, D., « La transposition des directives européennes et ses conséquences sur l’équilibre des pouvoirs nationaux », Revue de l’Union européenne, 2017

([68])  Fromage, D., « La transposition des directives européennes et ses conséquences sur l’équilibre des pouvoirs nationaux », Revue de l’Union européenne, 2017.

([69])  Article 20, par. 1 de la Loi fondamentale allemande.

([70])  Fromage, D., « La transposition des directives européennes et ses conséquences sur l’équilibre des pouvoirs nationaux », Revue de l’Union européenne, 2017.

([71])  Article 27.1 de la Loi 50/1997 du 27 novembre 1997.

([72])  Une unité parallèle a été établie à cet effet au sein de la représentation permanente italienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles.

([73])  La loi 234/2012 portant dispositions générales sur la participation de l’Italie à la formation et l’application des règles et des politiques de l’Union européenne a remplacé la loi dite « Buttiglione » du 4 février 2005 qui avait elle-même succédé à la loi dite « La Pergola » de 1989. Chacune de ses lois visait à rationaliser le système de transposition des directives européennes au parlement italien.

([74])  Fromage, D., « La transposition des directives européennes et ses conséquences sur l’équilibre des pouvoirs nationaux », Revue de l’Union européenne, 2017.

([75])  La Pologne avait même connu un pic à 50 procédures en 2014.

([76])  7 directives relèvent du ministère du Climat, 6 du ministère des Infrastructures (domaine des transports), 3 du ministère des Finances, 3 de l’Intérieur (réglementation des armes) et 3 de la Justice.

([77])  Ainsi qu’à la Belgique et à la République tchèque.

([78])  Varsovie, Cracovie, Wrocław et l’agglomération de Haute-Silésie.

([79])  Conformément à l’article 18, paragraphe 4, de la loi du 8 octobre 2010 sur la coopération du Conseil des ministres avec la Diète et le Sénat sur les questions liées à l'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne.

([80])  Les informations relatives à la situation suédoise au regard de la transposition ont été fournies par l’Ambassade de France en Suède à vos rapporteurs.

([81])  Selon le Regelnämnd (NNR), organisation à but non lucratif, politiquement indépendante et entièrement financée par ses membres qui comprennent 24 organisations commerciales et associations professionnelles suédoises représentant ensemble un peu plus de 300 000 entreprises.

([82])  L'association suédoise des chasseurs et l’association de tir sportif y bénéficient effectivement de forts relais d’influence.

([83])  Konstitutionsutskottets betänkande 2009/10:KU10.

([84])  Décret 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l’Europe et au Secrétariat général des affaires européennes.

([85])  https://sgae.gouv.fr/sites/SGAE/accueil.html

([86])  Étude du Conseil d’État, « Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national » (2007).

([87])  Étude du Conseil d’État, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer » (2015).

([88])  https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/textes_de_reference/GBP_transpo_directives.pdf

([89])  Fromage, D., « La transposition des directives européennes et ses conséquences sur l’équilibre des pouvoirs nationaux », Revue de l’Union européenne, 2017, p. 551.

([90])  « Si la Commission estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne. »

([91])  « Lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État, qu’elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission. L’obligation de paiement prend effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt. »

([92])  Communication de la Commission européenne, « Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats », C(2016)8600, adoptée le 13 décembre 2016 et publiée le 19 janvier 2017 au Journal officiel de l’Union européenne.

([93])  CJUE, 8 juillet 2019, Commission contre Belgique (affaire C-543/17).

([94])  CJUE, 25 février 2021, Commission contre Espagne (affaire C-658/19).

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=238164&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=6438645

([95])  La Commission européenne avait adressé à l’Espagne, en juillet 2018, une lettre de mise en demeure lui demandant de communiquer les mesures de transposition prises, à l’expiration du délai fixé, le 6 mai 2018. Cette lettre restée sans effet, elle avait adressé un avis motivé en janvier 2019, invitant le pays à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois. Dans leur réponse de mars 2019, les autorités espagnoles avaient expliqué leur retard par des circonstances institutionnelles très exceptionnelles et promis que la directive serait transposée d’ici mars 2020. Reconnaissant que ces circonstances ne permettaient pas de justifier le manquement reproché, l’Espagne estimait qu’elles étaient pertinentes pour apprécier la proportionnalité des sanctions proposées par la Commission.  La CJUE a finalement estimé qu’aucune mesure de transposition au sens de cette disposition n’a été communiquée à la Commission à l’expiration du délai imparti. Elle ajoute que l’Espagne a perduré dans son manquement, car, au moment de la clôture de la procédure écrite devant la Cour, le 6 mai 2020, le pays n’avait ni adopté ni communiqué les mesures nécessaires pour assurer la transposition de la directive.

([96])  https://ec.europa.eu/internal_market/scoreboard/performance_by_governance_tool/eu_pilot/index_en.htm#more-info

([97])  Réponses à vos rapporteurs de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

([98])  Il s’agit des directives n°2018/1808 (directive dite « SMA », qui devait initialement être transposée dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, avant d’être finalement intégré à la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière), n°2018/851 et 2018/852 (dit « parquet déchets », dont les deux ordonnances devant permettre la transposition accusent un retard de publication).

([99])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 8).

([100])  Une exception est à noter pour l’année 2016 en raison d'un nombre inhabituellement élevé de directives à transposer dans les mois précédant la date limite de calcul des performances des États membres.

([101])  https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-7224-2007-INIT/en/pdf

([102])  Commission européenne, « Monitoring the application of European Union law 2019 report. France », 2020.

([103])  https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/file_import/report-2019-commission-staff-working-document-monitoring-application-eu-law-general-statistical-overview-part1_en.pdf

([104])  CJCE, 23 avril 2009, Commission contre Belgique, affaire C-287/07.

([105])  CJUE, 27 octobre 2011, Commission contre Pologne, affaire C-311/10.

([106])  Ces chiffres, transmis directement à vos rapporteurs par le secrétariat général de la Commission européenne, seront communiqués officiellement en 2021 avec la publication du prochain rapport annuel sur la mise en œuvre du droit de l’Union au titre de l’année 2020.

([107])  La liste des directives concernées se trouve en annexe n°3.

([108])  La liste des directives concernées se trouve en annexe n°4.

([109])  Pour justifier ce choix, la DACS indique plusieurs raisons, notamment « la complexité technique et l’ample diversité du droit civil et du droit économique qui nécessitent une maîtrise ciblée par domaine de compétence » ainsi que « la volonté d’imprégner les négociations du droit français ou d’être en capacité de négocier des exceptions aux choix faits par la majorité des États membres. » Cette configuration spécifique est aussi liée au fait que la DACS n’est pas toujours pilote des directives concernées mais intervient en soutien d’autres ministères. Source : réponses de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice à vos rapporteurs

([110])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 41).

([111])  Réponses de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice à vos rapporteurs.

([112])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 37).

([113])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 38).

([114])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 42).

([115])  Concernant l’organisation précise du suivi parlementaire des transpositions, vos rapporteurs se sont bien entendu concentrés sur des propositions relatives à l’Assemblée nationale, tout en prenant soin de bien mentionner le Sénat dans ses propositions plus larges relatives à l’association du Parlement au processus de transposition.

([116])  Conseil d’État, étude, « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer », 2015 (page 25).

([117])  A titre d’exemple, l’article 125 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire indique que : « dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin : 1° De transposer les directives (UE) 2018/850 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, (UE) 2018/852 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages, (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement, et de prendre les mesures d'adaptation de la législation qui leur sont liées (…) ».

([118])  https://ec.europa.eu/transparency/regexpert/index.cfm?do=groupDetail.groupDetail&groupID=2770&NewSearch=1&NewSearch=1&Lang=FR

([119])  En 2016, le Conseil d’État avait ainsi présenté son étude « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer » au sein de ce forum.

([120])  En 2016, 120 questions ont été posées dans ce cadre, lesquelles ont suscité 820 échanges de droit comparé, coordonnés par le bureau du droit comparé et de la diffusion du droit.

([121])  https://ec.europa.eu/info/publications/2019-commission-report-monitoring-application-eu-law_fr

([122])  13 mentions de la transposition sont faites dans le rapport 2019, une pour le rapport 2018, 5 en 2017.

([123])  Article L. 232-25 alinéa 2 du code de commerce.

([124])  Cf. code de commerce allemand, « Handelsgesetzbuch » §276 et 327.

([125])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (article 47).

([126])  La Direction des Affaires civiles et du Sceau du Ministère de la Justice (bureau du droit de l’économie des entreprises) s’est déplacée le 5 novembre 2019 à Berlin pour une réunion de travail avec les services compétents du Ministère allemand (bureau du droit de l’insolvabilité). Cette rencontre a été suivie de deux colloques relatifs à la transposition de cette directive. Le premier a été organisé le 6 décembre 2019 à Berlin par l’association allemande des administrateurs judiciaires (Verband Insolvenzverwalter Deutschlands – VID). Le Directeur des Affaires civiles français et la Directrice de l’Administration de la justice (Rechtspflege) allemande y ont participé. Le second colloque a été organisé à Paris le 11 décembre 2019 par l’université Paris V- René Descartes sous le haut-patronage des deux Ministères de la justice. Sont intervenus conjointement le directeur des affaires civiles du MJ et le chef du bureau du droit de l’insolvabilité du BMJV.

([127])  La crise du Covid-19 a par ailleurs accentué les différences d’approche, l’Allemagne devant par exemple rapidement transposer les aspects de la directive relatifs aux procédures pré-contentieuses pour accompagner les entreprises fragilisées pendant la crise.

([128])  Ce point a d’ailleurs été relevé par certains députés allemands. Ainsi, le groupe parlementaire libéral (FDP) a interrogé en novembre 2019 le gouvernement fédéral sur l’absence de coordination avec la France pour la transposition des directives DSM et droit d’auteur. En réponse, le gouvernement fédéral a mis en avant les différences de nature politique, soulignant que la France voulait aller plus loin que l’Allemagne sur le droit d’auteur. Il a également pointé que le sujet relevait en partie de la compétence des Länder.