Logo2003modif

N° 4181

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2021.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-7 alinéa 3 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

sur l’évaluation de la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système LicenceMaster-Doctorat,

 

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

M. Philippe BERTA et Mme Karine LEBON,

 

Députés.

 

——

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. Aux origines de la loi de 2016 : l’application du dispositif LMD en France

A. L’intÉrÊt de resituer la rÉforme et son lancement

1. Bologne, un processus non contraignant

2. La mise en place du LMD en France

a. Un démarrage rapide et prometteur

b. Des insuffisances tôt repérées qui invitent à la vigilance

B. Des insuffisances du dispositif juridique À la nÉcessitÉ de la loi de 2016

1. La montée en puissance des contentieux oblige le gouvernement à réviser la loi

2. La concertation lancée par le gouvernement

C. L’alignement sur l’esprit de BOlogne : un deuxiÈme cycle de deux ans

1. Diverses dispositions intéressant les étudiants titulaires de la licence

a. Le principe d’accès à la première année de deuxième cycle

b. L’aide à la mobilité

c. L’information des étudiants interrompant leurs parcours après la licence

2. L’instauration du droit à la poursuite d’études

a. Le principe

b. Les précisions apportées par le décret

c. Les recours

3. Les règles d’accès en seconde année de master

II. L’application du dispositif quatre ans aprÈs : Éléments pour un bilan

A. l’accÈs des Étudiants au master

1. La fixation des capacités d’accueil et la sélection à l’admission

a. Le souhait des universités enfin exaucé

b. Les éléments servant à la détermination des capacités d’accueil

2. Les critères d’admission

a. La nature des critères

b. Une exigence de transparence

c. Des pratiques parfois sanctionnées, sans doute à améliorer

d. L’analyse convergente du HCERES

B. les inscriptions en master : Une gestion compliquÉe pour les Établissements

1. La pratique difficile de la sélection au niveau des établissements

2. Des questions complexes de calendriers

3. Le cas de l’admission des étudiants étrangers

C. Le droit À la poursuite d’Études, mythe ou rÉalitÉ ?

1. Les désillusions des syndicats d’étudiants

a. Un jeu de dupes ?...

b. … Ou de contradictions insolubles ?

2. Plusieurs lectures d’une réalité incontestable

a. Les données statistiques confirment le ressenti des étudiants

b. D’autres conclusions possibles ?

3. Le rôle des recteurs : mission impossible

a. Un dialogue établissements-recteurs qui manque de fluidité

() Voir supra, p. 21 : a. Le souhait des universités enfin exaucé

b. De fortes contraintes de délais

c. Des services rectoraux à la peine

d. Un dispositif d’une efficacité relative

III. Les recommandations

A. Les pistes de rÉflexion

1. L’accroissement des capacités d’accueil

2. Une révision du cadre réglementaire

3. Réfléchir aux calendriers

B. Revaloriser la licence comme diplÔme d’insertion professionnelle

Travaux de la commission

annexe : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs


—  1  —

   introduction

En application des dispositions de l’article 145-7, alinéa 3 du Règlement de l’Assemblée nationale, le bureau de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé, lors de sa réunion du 25 novembre 2020, de constituer une mission d’évaluation de la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat. Conformément au Règlement, la mission a été confiée à deux membres de la commission, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.

L’article 145-7 alinéa 3 du règlement détermine le mandat des rapporteurs de la mission d’évaluation dans les termes suivants : « (…) à l’issue d’un délai de trois ans suivant l’entrée en vigueur d’une loi, deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition, présentent à la commission compétente un rapport d’évaluation sur l’impact de cette loi. Ce rapport fait notamment état des conséquences juridiques, économiques, financières, sociales et environnementales de la loi, le cas échéant au regard des critères d’évaluation définis dans l’étude d’impact préalable, ainsi que des éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de ladite loi. (…) »

La loi du 23 décembre 2016 est issue d’une proposition de loi déposée au Sénat qui visait à résoudre une situation insatisfaisante pour les étudiants.

Le « système de Bologne », aux termes duquel, depuis le tournant des années 2000, l'enseignement supérieur est structuré au niveau européen en trois cycles – Licence-Master-Doctorat (LMD) – respectivement de trois ans, deux ans et trois ans, était en effet appliqué de manière incomplète, si ce n’est incohérente, dans notre pays dès lors qu’une procédure de sélection perdurait à la fin de la première année du deuxième cycle, contrairement à la logique selon laquelle la sélection, si sélection il doit y avoir, doit intervenir en fin de cycle, soit après l’obtention de son diplôme de licence par l'étudiant. L’indivisibilité des quatre semestres du master n’était donc pas respectée, ce que le Conseil d’État avait sanctionné en février 2016.

En outre, les dispositions réglementaires prévues par la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur, qui prévoyaient que l’admission en deuxième cycle peut être conditionnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat n’avaient jamais été prises, ce qui a conduit le Conseil d’État à juger, en février 2016, qu’aucune sélection n’était possible faute de décret fixant la liste des mentions de deuxième cycles concernées, tant pour l’accès en première année qu’en deuxième année.

La proposition de loi visait à répondre à ces difficultés. Elle a été profondément révisée lors de la discussion législative pour tenir compte de l’accord résultant de la négociation que le gouvernement avait lancée avec l’ensemble des parties prenantes, qui s’est concrétisé autour de deux axes : la généralisation de la possibilité pour les établissements universitaires d’instituer des procédures de sélection à l’accès en première année de master, dès lors que des capacités d'accueil limitées auraient été fixées ; l’instauration, en contrepartie, pour les étudiants non admis, d’un droit à la poursuite d'études, et d’un accompagnement de la part des recteurs pour en garantir l’effectivité.

Quatre ans après l’entrée en vigueur de ce dispositif, force est pour les rapporteurs de constater que les deux aspects de la loi ne semblent pas avoir progressé au même rythme. Si l’on constate que la sélection à l’entrée du master s’est généralisée, en revanche, le bilan en matière de droit à la poursuite d'études pour les étudiants semble plus mitigé.

Les rapporteurs présentent en conséquence le bilan de l’application du dispositif et formulent quelques pistes de recommandations qui rejoignent celles esquissées par le HCERES, qui vient de remettre au Parlement le rapport d'évaluation qu’il était chargé de faire. Ils tiennent à remercier pour leur témoignage l’ensemble des personnes qui ont participé aux auditions qu’ils ont organisées.

 

 


—  1  —

I.   Aux origines de la loi de 2016 : l’application du dispositif LMD en France

L’appel lancé en mai 1998 depuis la Sorbonne par la France, le Royaume‑Uni, l’Allemagne et l’Italie pour la « création d’un espace européen de l’enseignement supérieur, où puissent entrer en interaction nos identités nationales et nos intérêts communs, où nous nous renforcions les uns les autres pour le profit de l’Europe, de ses étudiants, et plus généralement de ses citoyens », rencontra un réel succès puisque, un an plus tard, le 19 juin 1999, la Déclaration de Bologne était signée par quelque vingt-neuf pays([1])

Déclaration de Bologne (extraits)

« L’espace européen de l’enseignement supérieur »

En affirmant notre adhésion aux principes généraux de la Déclaration de la Sorbonne, nous nous engageons à coordonner nos politiques pour atteindre, à court terme et en tout cas avant la fin de la première décennie du nouveau millénaire, les objectifs suivants, qui sont pour nous d’intérêt primordial pour la création de l’espace européen de l’enseignement supérieur et la promotion de ce système européen à l’échelon mondial :

-          Adoption d’un système de diplômes facilement lisibles et comparables, entre autres par le biais du « Supplément au diplôme », afin de favoriser l’intégration des citoyens européens sur le marché du travail et d’améliorer la compétitivité du système d’enseignement supérieur européen à l’échelon mondial ;

-          Adoption d’un système qui se fonde essentiellement sur deux cursus, avant et après la licence. L’accès au deuxième cursus nécessitera d’avoir achevé le premier cursus, d’une durée minimale de trois ans. Les diplômes délivrés au terme du premier cursus correspondront à un niveau de qualification appropriée pour l’insertion sur le marché du travail européen. Le second cursus devrait conduire au mastaire et / ou au doctorat comme dans beaucoup de pays européens ;

-          Mise en place d’un système de crédits – comme celui du système ECTS – comme moyen approprié pour promouvoir la mobilité des étudiants le plus largement possible. Les crédits pourraient également être acquis en dehors du système de l’enseignement supérieur, y compris par l’éducation tout au long de la vie, dans la mesure où ceux-ci sont reconnus par les établissements d’enseignement supérieur concernés.

En 2003, quarante-deux États signaient la Déclaration de Berlin, confirmant l’échéance de 2010 et fixant des objectifs intermédiaires, notamment l’engagement de supprimer les obstacles juridiques à la reconnaissance des diplômes conjoints.

Pour autant, la mise en œuvre concrète des principes posés à Bologne, et notamment la constitution de l’espace européen de l’enseignement supérieur, ne se sont pas faites sans difficultés. À l’heure de tirer le bilan de la loi de 2016, il est intéressant de revenir aux prémices pour éclairer le sujet.

A.   L’intÉrÊt de resituer la rÉforme et son lancement

1.   Bologne, un processus non contraignant

Plus de vingt ans plus tard, les principes affirmés dans la Déclaration de Bologne ne sont, aujourd’hui encore, pas uniformément appliqués dans tous les pays. ([2]) Plusieurs éléments expliquent cette hétérogénéité : en premier lieu, le fait que tous les pays qui y ont adhéré ne l’ont pas fait en même temps et que l’adhésion aux principes n’est pas contraignante. Elle résulte du libre choix de chacun des pays qui doivent composer avec leurs communautés universitaires et leurs pratiques, lesquelles ont pu entraîner des freins au processus d’adaptation. Il s’agit en effet d’un processus national et non l’adaptation par chaque pays d’une réforme générale.

Ainsi en Allemagne, le système était par exemple plus intégré qu’en France et le découpage entre licence et master a pu être incompris et de ce fait questionné en ce qu’il induisait une forme de rupture dans un cursus jusqu’alors continu. Par ailleurs, des craintes ont pu surgir, de la part des milieux enseignants ou des étudiants, notamment autour de la question de la disparition des anciens diplômes. À titre d’illustration des différences significatives, une chercheure relevait notamment que la durée des cursus de licence et de master pouvait varier, tant au niveau interne de chacun des pays – certaines licences, tant en France qu’en Allemagne, ayant par exemple des durées supérieures à trois ans – qu’entre les deux pays. ([3])

De même, les décisions prises en Espagne autour des années 2008-2010 quant au passage au système LMD ont mis plusieurs années à se mettre en place et ne sont d’ailleurs pas encore aujourd’hui totalement appliquées. D’autres différences persistent. Ainsi, si les pays de l’ouest de l’Europe se trouvent dans une situation assez homogène quant à la question des crédits ECTS, par rapport à d’autres régions du continent, nombre de cursus n’ont en revanche pas été harmonisés dans plusieurs pays de l’est européen et sont encore aujourd’hui d’une durée supérieure à celle du master. Il peut résulter de ces divergences de pratiques un certain manque d’harmonie et, consécutivement, de fluidité dans les coopérations ou dans la mise en place de partenariats ou de certains programmes, tel Erasmus.

En d’autres termes, si le processus de Bologne n’avance pas d’un seul pas et parfois lentement, c’est avant tout du fait de ses caractéristiques propres et de celles de chaque pays adhérent.

2.   La mise en place du LMD en France

S’agissant de notre pays, un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), publié en juin 2005, a pu saluer le fait que « c’est de manière très résolue que la France s’est inscrite dans ce mouvement qu’elle avait initié en fixant rapidement le cadre réglementaire qui permet aux universités de définir une nouvelle offre de formation, conforme aux principes adoptés à Bologne. » ([4])

a.   Un démarrage rapide et prometteur

De fait, après un premier décret créant le « grade de mastaire ([5]) » dès 1999 ([6]), un plan pour l’amélioration de la mobilité a été adopté en 2001 et divers textes réglementaires – notamment un décret n° 2002-482 du 8 avril 2002 « portant application au système français d’enseignement supérieur de la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur » – ont très vite défini une nouvelle organisation des enseignements supérieurs. Un second décret du 8 avril 2002, n° 2002-491, « relatif aux grades et titres universitaires et diplômes nationaux » définissait le baccalauréat, la licence, le master et le doctorat comme grades fixant « les principaux niveaux de référence de l’Espace européen de l’enseignement supérieur », cependant que les titres fixaient « les niveaux intermédiaires », non précisés. Un arrêté relatif au diplôme national de master était également pris le 25 avril 2002. Il précisait que ce diplôme sanctionnait l’acquisition de 120 crédits européens au-delà de la licence, distinguait une voie « à finalité professionnelle débouchant sur un master professionnel » et une voie « à finalité recherche, débouchant sur un master recherche organisée pour partie au sein des écoles doctorales » et prévoyait dans son article 5 que « pour être inscrits dans les formations conduisant au diplôme de master, les étudiants doivent justifier (…) d’un diplôme conférant le grade de licence dans un domaine compatible avec celui du diplôme national de master (…) ».

Pour l’IGAENR, le décret de 2002 était « fondateur » en ce qu’il définissait une architecture des études en trois grades – licence, master et doctorat (LMD) ; une organisation des formations en semestres et en unités d’enseignement ; la mise en place du « système européen de crédits-ECTS » ; et la délivrance d’une annexe descriptive aux diplômes dite « supplément au diplôme ». Le décret précisait en outre les objectifs poursuivis : l’organisation de l’offre de formation sous forme de parcours types ; l’intégration des approches pluridisciplinaires ; le développement de la professionnalisation des études supérieures ; l’encouragement de la mobilité ; l’intégration de l’apprentissage de compétences transversales (langues, informatique) ; l’aide à la création d’enseignements par les techniques de l’information et de la communication. Enfin, le décret organisait les parcours-types et fixait la référence de 180 crédits pour la licence et un total de 300 crédits pour le master.

L’inspection générale a considéré, avec le recul, que la phase de lancement a été une incontestable réussite : les établissements ont adhéré au nouveau système et ont fait preuve de volontarisme, comme en témoignait notamment « le calendrier de la réforme, particulièrement resserré ». De fait, après que trois établissements-pilote y ont travaillé dès 2002, les trois-quarts des universités ont adapté leur offre de formation au LMD dès 2004, et 90 % dès 2005, au point que l’on pouvait alors affirmer que la France était en avance. Les présidences d’universités – la Conférence des présidents d’université (CPU) en tête –, les enseignants-chercheurs et les étudiants se sont mobilisés avec succès. Le choix de la méthode, laissant aux universités une large autonomie pour construire leur offre de formation, a été aussi saluée comme un des points positifs ayant permis ces résultats rapides et prometteurs.

b.   Des insuffisances tôt repérées qui invitent à la vigilance

Pour autant, le rapport de l’IGAENR attirait l’attention sur un certain nombre « de points de fragilité » nécessitant « une vigilance particulière » qu’il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui, dans la mesure où ils ont été au cœur des questions qui ont conduit à l’élaboration de la loi de 2016.

L’inspection générale soulignait ainsi que certains sujets et difficultés étaient inhérents à un processus de réforme de cette magnitude dans la phase de transition, telle la lenteur avec laquelle, pour diverses raisons, certaines formations s’intégraient, comme en santé, ou certaines formations professionnelles se réorganisaient. De même, les universités peinaient parfois à gérer le nouveau système, dont l’organisation se faisait dans la précipitation.

D’autres incertitudes persistaient s’agissant de la réorganisation des formations. L’inspection générale soulignait notamment que la réglementation définissant les trois cycles d’études supérieures  « premier cycle pour les deux premières années universitaires, deuxième cycle recouvrant la licence et la maîtrise, troisième cycle à partir des DEA et DESS » –  restait en vigueur, alors qu’elle était inadaptée au schéma LMD. Sur un autre plan, la mobilité des étudiants n’était pas facilitée, faute d’aide financière suffisante, et était pointé le fait que certaines formations entraient « à reculons dans la réforme », notamment le droit.

Le rapport estimait surtout que « la question la plus sensible reste celle de l’accès au master ». Pour l’IGAENR, en concevant des masters sur deux années après l’obtention de la licence, les établissements avaient bien interprété les dispositions de l’arrêté du 25 avril 2002, dont l’article 5, précité, amenait les inspecteurs généraux à conclure que « C’est donc bien à l’entrée en première année de master que se fait la vérification des compétences de l’étudiant et non à l’issue de la première année, sinon dans le cadre de sa progression au sein de la formation. L’annonce de l’absence de sélection à l’entrée en première année et celle d’une sélection possible à l’entrée en seconde année perturbe le fonctionnement et l’organisation des masters et trouble les étudiants. Dans certaines universités un sentiment d’angoisse est exprimé et certains comportements pervers sont signalés, tels que la recherche effrénée d’un M2, quelle qu’en soit la spécialité, ou le redoublement d’un M1 déjà acquis pour améliorer les chances d’accéder à une seconde année, car rares sont désormais les étudiants qui envisagent d’arrêter leurs études après une maîtrise. »

Ce sont précisément ces questions qui sont à l’origine de la situation qui a prévalu dix ans plus tard et a imposé, dans l’urgence, la réforme de 2016.

B.   Des insuffisances du dispositif juridique À la nÉcessitÉ de la loi de 2016

En quelque sorte, les recommandations formulées par l’IGAENR en 2005 n’ont peut-être pas été entendues comme elles l’auraient dû.

1.   La montée en puissance des contentieux oblige le gouvernement à réviser la loi

L’articulation des diverses dispositions en vigueur s’est en effet traduite par une situation juridiquement insatisfaisante que le Conseil d’État a sanctionnée en février 2016. De manière quelque peu surprenante, alors même que le gouvernement prenait les textes nécessaires à la mise en place du système issu de Bologne, une omission perdurait depuis plus de trente ans.

La loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, soit très en amont des décrets et arrêtés pris en 2002 dans le cadre de l’installation du système LMD, avait en effet fixé le principe selon lequel « l’admission dans les formations du deuxième cycle est ouverte à tous les titulaires des diplômes sanctionnant les études de premier cycle », étant entendu qu’un décret après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) devait par ailleurs établir « la liste limitative des formations dans lesquelles cette admission peut dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ».

Cette exigence, codifiée dans les mêmes termes par l’ordonnance n° 2000‑549 du 15 juin 2000 ([7]) en article L. 612-6 du code de l’éducation, n’a cependant jamais été suivie d’effet, le décret prévu n’ayant jamais été pris.

Cette situation a conduit de nombreux étudiants, dont l’accès en seconde année de deuxième cycle avait été refusé, à saisir, avec succès, les tribunaux administratifs. Jusqu’à ce que le Conseil d’État, dans une décision contentieuse du 10 février 2016 ([8]), précise qu’« il résulte des dispositions [articles L. 612-1 et L. 612-6 du code de l’éducation] que l’admission à une formation de deuxième cycle au terme de laquelle est délivré le grade de master, en première comme en deuxième année, ne peut dépendre des capacités d’accueil d’un établissement ou être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier des candidats que si cette formation figure sur la liste qu’elles mentionnent ; (…) ». En conséquence, dès lors que, aux termes de l’arrêté du 25 avril 2002, le master sanctionne un niveau correspondant à l’obtention de 120 ECTS (pour European Credit Transfer and Accumulation System), en l’absence de décret, « aucune limitation à l’admission des candidats du fait des capacités d’accueil d’un établissement ou par une condition de réussite à un concours ou d’examen du dossier des candidats ne peut être introduite après l’obtention des 60 premiers crédits européens, c’est-à-dire après la première année du deuxième cycle. »

Le 17 février 2016, lors d’un débat de contrôle sur la politique nationale en matière d’enseignement supérieur, immédiatement consécutif à la décision du Conseil d’État, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, avait indiqué à la représentation nationale que le Conseil d’État avait très clairement précisé la portée des dispositions législatives en rappelant que l’admission à une formation relevant du deuxième cycle ne pouvait faire l’objet d’une sélection, sauf à figurer sur une liste limitative et qu’elle-même s’attacherait à ce que cette liste soit très limitative « car la sélection, profondément rétrograde, s’oppose non seulement à la démocratisation et au nécessaire renouvellement de nos élites, mais aussi, frontalement, à ce qui fait la force de l’enseignement supérieur (…). » ([9])

Quelques semaines plus tard, le gouvernement prit le décret n° 2016-672 du 25 mai 2016, qui précisait notamment que les parcours types de formation pour le master étaient organisés sur deux ans pour l’obtention de 120 crédits ECTS et fixait la liste des mentions pour lesquelles l’admission en seconde année pouvait dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Cela étant, pour la ministre de l’enseignement supérieur, il s’agissait, se faisant, de faire face à l’urgence – à savoir sécuriser la sélection existante entre le M1 et le M2 pour la rentrée de septembre 2016 à venir – et la solution n’était que temporaire. Les rapporteurs remarqueront que, bien que l’ambition de la ministre ait été d’élaborer une liste « très limitative », ce sont en fait quelque 1 305 mentions de masters qui figuraient dans l’annexe de cette première édition du décret, actualisée chaque année depuis lors. ([10])

2.   La concertation lancée par le gouvernement

Afin de sortir définitivement de l’impasse, la ministre chargée de l’enseignement supérieur a choisi de lancer une concertation, à laquelle ont participé les représentants des étudiants, les universités et grandes écoles.

Dans un entretien accordé au quotidien Les Échos ([11]) Mme Vallaud‑Belkacem indiquait qu’il s’agissait de trouver des meilleures solutions, tant pour les étudiants que pour les universités. Elle précisait notamment que « C’est à l’entrée du master que le recrutement des étudiants doit pouvoir s’organiser de façon intelligente, car le paysage actuel n’est pas satisfaisant. Entamer un cursus pour se heurter à une barrière au milieu, c’est incohérent et ce n’est pas acceptable pour les étudiants », ajoutant qu’« on sait que la réalité de notre système actuel c’est aussi, à certains endroits, par des délais particuliers ou des calendriers de dépôt des dossiers peu clairs, une sélection de fait qui pénalise les étudiants les moins informés. Face à cette situation problématique, (…) je souhaite nous donner les moyens de construire des vrais masters de deux ans qui permettent aux étudiants d’acquérir les connaissances et les compétences qu’on est en droit d’attendre à bac+5, pas d’entretenir un système qui conduit à bricoler des parcours. » Les critères de sélection devaient en outre être « objectifs, transparents, fondés sur la motivation, le niveau pédagogique et le projet de l’étudiant. »

Un communiqué ([12]) annonçait le 4 octobre suivant qu’un accord avait été trouvé sur une « proposition de réforme du cursus conduisant au diplôme de master », dont le principal objectif « est de permettre la construction d’une offre de formation de master qui se déroule pleinement sur 2 années, conformément aux attendus de la réforme ‟LMD” (Licence-Master-Doctorat), et aux standards internationaux. » La réforme devait permettre aux universités de recruter les étudiants à l’entrée du master, selon leur niveau pédagogique et leur projet professionnel, inscrire dans la loi un droit à la poursuite d’études garanti par l’État, pour chaque titulaire du diplôme national de licence, et s’accompagner de la création d’un site internet pour faciliter l’accès à l’information des étudiants.

Approuvé par le CNESER le 17 octobre suivant, cet accord constitue le cœur de la loi du 23 décembre 2016.

C.   L’alignement sur l’esprit de BOlogne : un deuxiÈme cycle de deux ans

La loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 résulte d’une proposition de loi déposée au Sénat qui reprenait les points d’accord de la concertation. Elle introduit un changement important par rapport à la situation antérieure, notamment certaines innovations majeures, telle l’instauration d’un droit à la poursuite d’études au niveau de la première année, et entend rompre avec la sélection à l’entrée en seconde année de master.

1.   Diverses dispositions intéressant les étudiants titulaires de la licence

a.   Le principe d’accès à la première année de deuxième cycle

S’agissant de l’accès au deuxième cycle de l’enseignement supérieur, le principe général est posé à l’article 1er de la loi, qui récrit l’article L. 612-6 du code de l’éducation et précise que « les formations de deuxième cycles sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu’à ceux qui peuvent bénéficier de l’article L. 613-5 ([13]) ou des dérogations prévues par les textes réglementaires ».

Comme auparavant, cette ouverture du deuxième cycle aux titulaires du diplôme de licence peut être conditionnée lorsque les établissements fixent des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle, comme l’alinéa 2 de l’article leur en donne la possibilité. Dans ce cas, « l’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ».

Il est également précisé que les capacités d’accueil font l’objet d’un dialogue avec l’État (alinéa 5 de l’article L. 612-6).

b.   L’aide à la mobilité

Afin de contribuer au succès de la réforme, un décret  2017-969 du 10 mai 2017 a été pris, relatif à laide à la mobilité régionale qui peut être accordée aux étudiants inscrits en première année de master.

Il précise que cette aide est instituée au bénéfice des étudiants inscrits pour la première fois en première année de master et dans une région académique autre que celle dans laquelle ils ont obtenu leur licence. Elle est réservée aux étudiants titulaires d’une bourse attribuée sur critères sociaux ou d’une allocation annuelle accordée dans le cadre du dispositif d’aide spécifique versée par le ministère de l’enseignement supérieur. Le décret précise en outre les conditions de demande de l’aide, effectuée en ligne, et de versement. Il prévoit que le montant de l’aide est fixé par arrêté conjoint des ministres de l’enseignement supérieur et du budget.

Cet arrêté est intervenu en date du 21 août 2017 et a fixé le montant de cette aide à mille euros.

c.   L’information des étudiants interrompant leurs parcours après la licence

Enfin, la loi a prévu au dernier alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, que les étudiants titulaires d’une licence choisissant de ne pas poursuivre leurs études en deuxième cycle bénéficiaient d’une information sur les perspectives d’insertion professionnelle ou de poursuite de formation.

Les modalités de cette information sont régies par le décret n° 2017-851 du 6 mai 2017. Celui-ci ajoute un article R. 612-36-2 au code de l’éducation aux termes duquel cette information est dispensée au plus tard dans les six mois suivant la date d’obtention de la licence.

Les conditions de cette information sont définies par le président de l’université ayant délivré le diplôme. Elle peut être collective ou individuelle et être éventuellement assurée via des outils numériques. Elle a trait aux métiers et professions auxquels ces diplômés peuvent avoir accès en fonction des compétences et connaissances acquises ainsi qu’aux outils et techniques de recherche d’emploi. Elle porte également sur les formations que l’université ou d’autres établissements peuvent proposer.

Il est enfin précisé que cette information peut être assurée par les services universitaires chargés de l’information, de l’orientation et de l’insertion professionnelle des étudiants. Peuvent y être associées des institutions partenaires de l’établissement, compétentes en matière d’insertion professionnelle ou d’orientation.

2.   L’instauration du droit à la poursuite d’études

Les alinéas 3 et 4 du nouvel article L. 612-6 du code de l’éducation introduisent une nouveauté importante en instituant un droit à la poursuite d’études.

a.   Le principe

Ces dispositions prévoient que « s’ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d’une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette demande est faite par l’étudiant immédiatement après l’obtention de la licence sanctionnant des études du premier cycle ou de manière différée. »

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche à l’automne dernier, des amendements ont introduit des modifications à ce dispositif.

En premier lieu, un amendement adopté en séance publique en première lecture au Sénat a précisé que plusieurs demandes d’admission infructueuses devaient avoir été faites par l’étudiant avant qu’il puisse saisir le recteur. Selon les arguments des auteurs (Les Républicains) de l’amendement, il importait de s’assurer que l’étudiant soit effectivement dans une « candidature efficace » et active. Aux termes de l’article 39 de la loi de programmation, le troisième alinéa de l’article L. 612-6 est en conséquence désormais ainsi rédigé : « Cependant, s’ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d’une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master malgré plusieurs demandes d’admission se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. »

Aux yeux des rapporteurs cet ajout ne modifie pas substantiellement les choses dans la mesure où la pluralité des demandes de la part de l’étudiant était une exigence déjà exprimée dans différents textes, notamment l’article R. 61236-3, introduit par le décret du 25 janvier 2017.

En second lieu, une seconde modification est intervenue, sur proposition de la rapporteure de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, qui a conduit à insérer un nouvel alinéa renforçant les droits des étudiants handicapés souhaitant qu’il soit procédé au réexamen de leur dossier de candidature. Il dispose que « Lorsque la situation d’un candidat le justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé ou à son handicap, l’autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. En tenant compte de la situation particulière que l’intéressé fait valoir, de son projet professionnel, de l’établissement dans lequel il a obtenu son diplôme national de licence ainsi que des caractéristiques des formations, l’autorité académique prononce, avec son accord, son inscription dans une formation du deuxième cycle. » ([14])

b.   Les précisions apportées par le décret

Le décret n° 2017-83 du 25 janvier 2017 est « relatif aux conditions dans lesquelles les titulaires du diplôme national de licence non admis en première année d’une formation de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l’inscription dans une formation de deuxième cycle. » Il modifie un article du code de l’éducation, en ajoute deux et apporte des précisions sur plusieurs points.

La définition du diplôme national de licence

L’article 1er du décret introduit un article D. 612-32-5 dans le code de l’éducation précisant la nature de la licence, définie comme « diplôme national de l’enseignement supérieur sanctionnant des études de premier cycle et conférant à son titulaire le grade de licence. » Il est précisé que ce diplôme « sanctionne un niveau correspondant à l’obtention de 180 crédits européens au-delà du baccalauréat », et que les parcours types des formations menant à ce diplôme sont organisés sur trois ans, chaque licence se voyant attribuer un nom de mention.

La notification des refus d’admission

L’article 1er du décret récrit également l’article D. 612-36-2 existant et précise que les établissements habilités à délivrer un diplôme de master peuvent organiser un processus de recrutement, conformément aux dispositions de l’article L. 612-6, et donc subordonner l’admission à la réussite à un concours ou à l’examen du dossier du candidat.

Dans ce cas, les refus d’admission sont notifiés et, dans un délai d’un mois suivant cette notification, les motifs de refus doivent être communiqués aux intéressés qui le demandent ([15]).

c.   Les recours

L’article 2 du décret ajoute un article R. 612-36-3 au code de l’éducation qui organise le mécanisme de recours à disposition des étudiants dont les demandes d’inscription en master n’ont pas été satisfaites.

Le principe

Il prévoit qu’un étudiant, titulaire d’une licence, n’ayant « reçu aucune réponse positive à ses demandes d’admission en première année d’une formation conduisant au diplôme national de master », peut saisir le recteur de la région académique dans laquelle il a obtenu son diplôme, à charge pour le recteur de lui présenter en retour, après accord des chefs d’établissements concernés et pour cette même année universitaire, au moins trois propositions d’admission dans une formation menant au master. Les propositions formulées par le recteur tiennent compte de l’offre de formations existantes, des capacités d’accueil mentionnées à l’article L. 612-6 du code, du projet professionnel de l’étudiant et de la compatibilité de la mention de la licence dont il est titulaire avec celles de masters existants. Il est précisé que le recteur veille à ce qu’au moins une de ces trois propositions soit dans l’établissement dans lequel l’étudiant a obtenu sa licence, si l’offre de formation de cet établissement le permet ou, à défaut, dans un établissement de la même région académique.

La procédure

L’article détaille également la procédure.

On relève en premier lieu que les délais sont contraints, puisque l’étudiant dispose de quinze jours à partir de la date d’obtention de sa licence, dans le cas où il a déjà reçu notification de l’ensemble des décisions de refus opposées à ses candidatures ou à compter de la dernière notification de refus, lorsqu’elle intervient postérieurement à la date d’obtention de sa licence.

En second lieu, il est précisé que l’étudiant formule sa saisine par l’intermédiaire d’un « téléservice national créé à cet effet ». Un arrêté du 16 juin 2017, modifié le 22 octobre 2020, a autorisé la « mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé ‟Trouver mon master” ». L’arrêté précise que ce site a « pour finalité de permettre aux étudiants titulaires du diplôme national de licence n’ayant reçu aucune réponse positive à leurs candidatures en première année du master de leur choix de saisir le recteur de la région académique dans laquelle ils ont obtenu ce diplôme, par le biais d’un téléservice, afin de se voir présenter au moins trois propositions d’admission dans une formation conduisant au diplôme national de master, conformément à l’article R. 612-36-3 du code susvisé. » L’arrêté précise également que le site « Trouver mon master » a en outre une finalité statistique, et il définit notamment les catégories de données à caractère personnel et leurs destinataires, aspects sur lesquels la Commission nationale de l’informatique et des libertés a rendu un avis conforme. ([16])

Il est enfin précisé que l’étudiant n’ayant pas donné de réponse aux propositions du recteur dans un délai de quinze jours suivant leur notification, est réputé les avoir refusées.

3.   Les règles d’accès en seconde année de master

La disposition principale qui permet d’adapter concrètement le deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système LMD a été introduite dans le code de l’éducation par le nouvel article L. 612-6-1, dont le premier alinéa pose désormais le principe selon lequel « L’accès en deuxième année d’une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation. »

En conséquence, la sélection à mi-parcours qui prévalait auparavant en France disparaît. À la différence du système antérieur, la progression des apprentissages peut désormais être réellement conçue sur quatre semestres et cette réforme permet dès lors aux étudiants de tirer parti de la cohérence pédagogique du master, comme le soulignait Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, lors de son audition ([17]).

Toutefois, si l’accès en deuxième année de master est « de droit » ([18]), une disposition en matière de sélection subsiste néanmoins.

Le texte prévoit en effet la possibilité pour un certain nombre de filières de conserver l’ancien système : dans celles-ci, aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 612-6-1, l’admission à poursuivre le parcours en seconde année du master pourra « dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. » La liste des formations concernées est fixée par décret pris après avis du CNESER.

Comme les rapporteurs l’ont indiqué, la première liste n’a toutefois été publiée qu’en 2016, en annexe du décret n° 2016-672 du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master, suite aux décisions contentieuses du Conseil d’État de février 2016. Elle est depuis lors actualisée chaque année. Anne-Sophie Barthez a confirmé aux rapporteurs que le nombre de formations concernées par ce régime dérogatoire était en diminution constante, comme le montre le tableau ci-dessous.

Année universitaire

Nombre de mentions dérogatoires

à l’échelle nationale

2016-2017

1 305

(1 304 dans décret du 25 mai 2016 et 1 dans décret du 13 juillet 2016)

2017-2018

1 507

(décret du 11 septembre 2017)

2018-2019

457

(décret du 20 juillet 2018)

(Forte réduction due à la limitation du périmètre aux seules mentions de droit)

2019-2020

223

(décret du 8 juillet 2019)

(139 mentions complémentaires devaient être publiées par décret en octobre 2019, ce qui a été jugé trop tardif par le SGG)

2020-2021

267

(265 dans le décret du 28 février 2020 et 2 dans le décret du 22 juillet 2020)

Source : DGESIP

Cette évolution traduit le fait que les disciplines intègrent peu à peu le système LMD et quittent le régime dérogatoire qui n’est plus aujourd’hui que résiduel : il ne concerne désormais qu’un peu plus de 8 % des 3 234 mentions existant dans notre pays et devrait avoir définitivement disparu à compter de l’année universitaire 2022-2023.

En d’autres termes, les risques d’interruption en milieu de parcours de deuxième cycle qui plaçaient autrefois les étudiants de notre pays en situation d’insécurité n’existeront plus, toutes les filières se conformant au principe d’un cycle de deux ans. À ce jour, trente-huit universités sont encore concernées et l’examen de l’annexe au décret montre que, à de très rares exceptions près, ne subsistent comme mentions dérogatoires que des masters relevant de la filière juridique, aucune ne relevant plus de la filière psychologie, qui a longtemps été bâtie sur ce schéma.

Ainsi, si la sélection au niveau « Bac + 4 » prévalait encore en 2016, la loi et ses textes d’applications auront permis à notre pays de se conformer au processus de Bologne et à son objectif d’harmonisation des systèmes nationaux européens autour d’une division en trois cycles universitaires.

 

 

 


—  1  —

II.   L’application du dispositif quatre ans aprÈs : Éléments pour un bilan

Sur la base des informations et perceptions recueillies par les rapporteurs ([19]), un premier bilan de l’application de la loi quatre ans après son entrée en vigueur peut être établi par rapport aux objectifs poursuivis, afin de mettre en évidence les constats, pour certains positifs, mais aussi la persistance de quelques questions encore très sensibles.

Les problématiques sont en relation avec les deux objets de cette réforme : la mise en œuvre d’un master de deux ans dans lequel la sélection entre le M1 et le M2 disparaît ; l’instauration du droit à la poursuite d’études créé par la loi de 2016 pour les étudiants non admis en M1.

A.   l’accÈs des Étudiants au master

Aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès des titulaires du diplôme de licence à la première année de master. Dans ce cas, l’admission est subordonnée à une procédure de sélection, notamment basée sur l’examen du dossier du candidat ou sa réussite à un concours d’entrée.

1.   La fixation des capacités d’accueil et la sélection à l’admission

a.   Le souhait des universités enfin exaucé

Selon les indications qui ont été données aux rapporteurs, la possibilité pour les établissements de fixer des capacités d’accueil limitées (CAL) pour l’accès à la première année de deuxième cycle, leur permettant de définir des modalités d’admission – succès à un concours d’entrée ou examen du dossier du candidat – s’est systématisée et est aujourd’hui la règle.

Plus précisément, à la rentrée universitaire 2020, parmi les 3 234 mentions de master susceptibles de faire l’objet de capacités d’accueil limitées en première année, 2 895 – soit 89,5 % – en ont effectivement défini. Les autres formations relèvent presque toutes du régime dit dérogatoire – à savoir les 267 masters figurant dans la dernière version du décret permettant encore de mettre en place des capacités d’accueil en seconde année de master. Les rares exceptions concernent des formations atypiques, dont l’enseignement est par exemple exclusivement dispensé à distance, ou à destination d’un public en formation continue.

En d’autres termes, la quasi-totalité des formations conduisant au diplôme national de master fait aujourd’hui l’objet de capacités d’accueil limitées.

En conséquence, les procédures d’admission sont désormais la règle. Cette réalité ne saurait surprendre dans la mesure où l’instauration d’une sélection dès l’entrée en première année de master était depuis longtemps une exigence forte que les présidents d’universités ne cessaient d’exprimer de manière unanime.

Comme l’avait par exemple indiqué Jean-Loup Salzmann, alors président de la CPU, « La position officielle de la CPU est en effet de dire que, s’il faut une sélection, elle ne peut être qu’entre la troisième année de licence et la première année de master. Mais ce qu’on dit aussi, c’est qu’il faut sécuriser la situation de toutes les universités. » ([20]) En ces années précédant la réforme de 2016, les prises de positions de chefs d’établissement en ce sens étaient très nombreuses : « Il faut absolument établir une sélection en début de master 1 » ([21]) défendait Jean-Robert Pitte, alors délégué interministériel à l’information et à l’orientation et ancien président de l’université Paris-IV ; « L’accès des étudiants au master ne peut pas reposer sur un système automatique du type de l’admission post-baccalauréat (APB). » ([22]) argumentaient dans une tribune collective Jean Chambaz président de l’université Pierre-et-Marie-Curie, Christine Clérici (Paris-Diderot), Barthélémy Jobert (Paris-Sorbonne) et Bruno Sire (Toulouse-Capitole) ; « Il faut en finir avec le tabou de la sélection à l’université : ne pas sélectionner, c’est vivre dans un monde irréel » ([23]), déclarait encore Jean Chambaz, cependant que Jean-Luc Vayssière, président de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, déclarait de son côté ne penser « que du bien des filières sélectives. » ([24]) Pour d’autres enfin, comme à Montpellier III, la sélection permettra notamment aux équipes enseignantes d’assurer un meilleur encadrement des étudiants. ([25])

Dans ces conditions, il aurait été surprenant que la possibilité conditionnelle d’une sélection, offerte aux universités par l’accord d’octobre 2016, ne soit pas largement utilisée. Gilles Roussel, alors président de la CPU, estimait d’ailleurs dès l’été 2017 qu’une régulation un peu plus forte au niveau des établissements et dans certaines disciplines n’aurait sans doute pas été de trop, en constatant qu’il y avait parfois eu « un ‟emballement” pour la mise en place d’une sélection en master 1 », certains établissements l’instaurant dès la première année parce que l’université voisine l’avait fait et qu’ils craignaient de ce fait d’avoir à accueillir de nouveaux étudiants. ([26]) On peut supposer qu’ils l’ont sans doute décidée d’autant plus facilement qu’elle était équilibrée par l’instauration du droit à la poursuite d’études que les syndicats d’étudiants avaient obtenu en échange.

Cela étant, il y a peut-être une forme de paradoxe dans la situation induite par la loi, compte tenu des intentions affichées par le gouvernement de l’époque, Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche déclarant par exemple que « (…) s’il s’agit de mettre en place une sélection généralisée à l’entrée du master, cette option ne nous semble pas souhaitable au regard des objectifs que la nation doit se fixer en matière de qualification de ses jeunes. (…) Nous disons non à la sélection mais oui à une orientation en master 1 plus outillée qu’elle ne l’est actuellement. » ([27]).

b.   Les éléments servant à la détermination des capacités d’accueil

S’agissant du dialogue avec l’État dans le cadre duquel les capacités d’accueil des établissements – adoptées par leurs conseils d’administration ([28]) sur proposition des conseils de faculté – doivent être fixées, Anne-Sophie Barthez a précisé aux rapporteurs qu’elles sont, logiquement, définies en premier lieu en fonction des moyens humains et matériels, notamment les locaux, dont ils disposent. C’est un sujet qui ne fait aujourd’hui pas débat. Interviennent en outre dans la détermination des capacités d’accueil des aspects tels que le vivier disponible de stages ([29]) ou les attentes du marché de l’emploi ([30]). C’est ce que les responsables universitaires auditionnés ont d’ailleurs explicité.

Dans le domaine scientifique, les expériences et travaux pratiques en laboratoires requièrent par exemple un certain degré d’encadrement et d’espace pour des raisons de sécurité ou d’hygiène. De ce fait, l’« élasticité » des capacités d’accueil peut être inférieure à celle que peuvent avoir d’autres disciplines, telles les sciences humaines, indiquait Jacques Moscovici, doyen de la faculté des sciences et technologie de l’université Paris-Est Créteil Val de Marne ([31]), membre du bureau de la Conférence des doyens et directeurs d’UFR scientifiques (CDUS). À ces aspects logistiques concrets relatifs aux conditions d’accueil matériel des étudiants, Laurence Mouret, doyenne de la faculté des sciences de Marseille et vice-présidente de la CDUS, ajoutait que l’on devait aussi tenir compte des possibilités de débouchés au sein même du cursus, à savoir de l’offre disponible de stages de qualité, mais aussi ultérieurement, professionnels, afin de diplômer un nombre d’étudiants en adéquation avec les possibilités d’emploi du marché du travail. Ce souci du devenir des futurs diplômés est évidemment partagé par l’ensemble des responsables de masters et d’établissements, et c’est précisément ce qui justifie la sélection, selon Jean-Loup Salzmann([32])

Selon les chiffres les plus récents, ce dispositif permet un taux d’insertion professionnelle important : concernant les étudiants diplômés de master en 2017, après trente mois de vie active, il s’élève au 1er décembre 2019 à 92 %, en hausse de 0,5 point par rapport à la promotion 2016. En termes disciplinaires, les diplômés en Lettres‑Langues-Arts (88 %) et en Sciences humaines et sociales (90 %) bénéficient d’un taux d’insertion en retrait par rapport à ceux de Droit-Économie-Gestion et de Sciences-Technologies-Santé. En outre, plus des trois-quarts (79 %) des diplômés de master considèrent que leur emploi est en adéquation avec un niveau d’études et/ou avec le domaine de spécialité du diplôme obtenu (81 %). Le niveau de satisfaction à l’égard des missions ou des responsabilités qui leur sont confiées est même supérieur. ([33])

C’est la raison pour laquelle, à Strasbourg, la faculté de droit a lancé une réflexion collective sur l’application de la réforme qui a duré plus de dix-huit mois, à laquelle ont été associés tous les intéressés, dont les étudiants, selon les indications données aux rapporteurs par Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu, doyenne de la faculté de droit ([34]). En ce sens, la loi est positive, estimait Jean-Christophe SaintPau, président de la conférence des doyens des facultés de droit, car elle aura permis une rénovation sans précédent de l’offre de formation et une ouverture vers de nouveaux métiers. ([35])

2.   Les critères d’admission

Pour l’essentiel, les modalités de recrutement se répartissent entre la constitution d’un dossier de candidature – dans 53,7 % des cas – suivi d’un examen dans 44,5 % de cas. Le concours n’est une procédure utilisée que dans 1,8 % des cas.

a.   La nature des critères

Les critères retenus pour la sélection des dossiers sont des plus classiques, au premier rang desquels la maîtrise suffisante des compétences disciplinaires nécessaires pour réussir dans la formation. Selon la mention ou le parcours concerné, certaines disciplines peuvent ainsi avoir plus de poids que d’autres et la validation d’un diplôme de licence au sein d’une mention ne constitue pas forcément une condition suffisante, point auquel s’opposent les syndicats d’étudiants, comme on le verra ultérieurement.

Le projet personnel et professionnel présenté par l’étudiant est un critère également important. Les parcours proposés au sein d’une même mention peuvent être variés et déboucher sur des carrières professionnelles très différentes, argumente-t-on du côté des responsables de master, et il est de ce fait nécessaire de vérifier la motivation des candidats pour les spécificités du ou des parcours de l’établissement. Divers autres critères sont parfois utilisés, tels la présentation du projet de recherche envisagé, notamment en sciences humaines.

Enfin, dans la mesure où les parcours vont aussi nécessiter l’acquisition de compétences non académiques pour lesquels le candidat peut par exemple faire la preuve d’un intérêt au travers de ses stages, de son investissement dans la vie étudiante de son établissement d’origine, ou encore dans le cadre de la vie associative, une sensibilisation aux compétences transversales ou comportementales à acquérir peut aussi être prise en compte dans l’étude des dossiers. ([36])

Tous les responsables universitaires entendus ont confirmé aux rapporteurs que la question des critères de sélection n’était pas source de problèmes particuliers. Guillaume Gellé, président de l’Université Reims Champagne-Ardenne et viceprésident de la Conférence des présidents d’universités, a indiqué ([37]) que les critères étaient effectivement partout très classiques, les résultats académiques ([38]) obtenus en premier cycle, notamment dans les filières en tension, constituant le premier d’entre eux. Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu évoquait dans le même sens l’importance de la qualité du cursus antérieur, la motivation, l’adéquation du parcours avec les projets professionnels et, éventuellement, des stages antérieurs. Il en est de même dans les cursus scientifiques pour lesquels, selon ce que précisait Jean-Marc Planeix, président de la conférence des doyens ([39]), les pratiques existant antérieurement se sont généralisées, pratiques dans lesquelles l’entretien individuel tend à se développer dans le cadre de l’évaluation de la motivation des candidats. De ce point de vue, la réforme de 2016 aura introduit une certaine homogénéité quant à la manière d’accueillir les candidatures en M1.

Au‑delà des différences marginales qui peuvent être visibles, le niveau et la motivation restent les principaux critères de la sélection, étant entendu qu’une certaine souplesse doit être préservée : dans certaines disciplines en effet, quelque 25 % à 30 % des candidats ne sont pas licenciés ou ont effectué un parcours hors baccalauréat, tels les étudiants étrangers, et il n’est donc pas inutile que les jurys souverains gardent une certaine marge de manœuvre pour juger de manière globale.

b.   Une exigence de transparence

Ainsi que la ministre l’avait annoncé en 2016 et dans la logique des dispositions de l’article D. 612-36-2 du code de l’éducation, selon lesquelles les motifs de refus d’admission d’un étudiant doivent lui être communiqués s’il en fait la demande, les critères de recrutement, comme les capacités d’accueil, doivent être transparents. Ils font l’objet d’un vote obligatoire des conseils d’administration des universités qui doit bénéficier d’une publicité suffisante, sauf à encourir une sanction des tribunaux administratifs.

En pratique, les critères sont le plus souvent explicités sur les pages internet des formations ainsi que, plus généralement, au travers des salons et autres manifestations. Jacques Fayolle, président de la conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs, tenait à souligner ([40]) la totale transparence en la matière : outre les traditionnelles journées portes ouvertes des écoles, tout est depuis longtemps clairement exposé sur les sites, quant aux exigences académiques ou aux types d’épreuves. Jean-Michel Jolion, conseiller auprès de la ministre de l’enseignement supérieur, remarquait d’ailleurs ([41]) que le constat a été fait de la plus grande attractivité sur les étudiants des masters les plus transparents.

Si l’ensemble des observateurs jugent qu’il y a une relative homogénéité dans les critères d’admission et de sélection avec des logiques disciplinaires assez nettes, un certain nombre d’interlocuteurs – entre autres les représentants des syndicats d’enseignants ([42]) – estiment que dans beaucoup de cas, les informations concernent les exigences minimales et que des critères additionnels sont appliqués qui ne sont pas forcément connus des étudiants. La transparence pourrait de ce fait être encore renforcée. C’est aussi l’un des sujets sur lesquels les recours étudiants sont le plus souvent axés.

c.   Des pratiques parfois sanctionnées, sans doute à améliorer

Plusieurs décisions de tribunaux administratifs, par exemple à Rennes, en juillet 2020, ou à Toulouse, en septembre 2020, ont sanctionné le défaut d’adoption en conseil d’administration des « conditions restrictives d’admission en master », cependant que le tribunal administratif de Versailles sanctionnait en septembre 2020 un « défaut de publicité. »

De manière plus globale, maître Florent Verdier, avocat spécialisé dans les procédures intentées par les étudiants contre les universités, indiquait aux rapporteurs ([43]) que les procédures internes aux universités pour fixer les capacités d’accueil et définir les modalités d’admission sont en fait souvent confuses et même contra legem. En résultent de nombreux litiges qui pourraient être évités.

De fait, précisant que le juge administratif avait interprété les dispositions des articles L. 612-6 et D. 612-36-2 du code de l’éducation, ainsi que le décret du 25 mai 2016, comme obligeant les universités à définir les modalités d’examen des candidatures, et donc les critères de sélection, préalablement à l’instauration d’un processus de sélection, il faisait remarquer que, dans de nombreux cas, les universités se contentent d’indiquer la liste des pièces à joindre aux dossiers de candidatures, sans expliciter ce qu’il est attendu des étudiants. Or, dans la mesure où, selon diverses dispositions du code de l’éducation, « Le service public de l’enseignement supérieur contribue : 1° À la réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants (…) » ([44]), que « Les missions du service public de l’enseignement supérieur sont : (…)  L’orientation, la promotion sociale et l’insertion professionnelle ; » ([45]) et que « L’orientation des étudiants comporte une information sur le déroulement des études, sur les débouchés, sur les passages possibles d’une formation à une autre » ([46]), l’information donnée aux étudiants par les établissements devrait être exhaustive et dénuée d’ambiguïté. Pour l’avocat bordelais, c’est encore loin d’être le cas et un certain arbitraire prévaut qui nuit aux étudiants, qui se voient par exemple opposer des refus dus à leur « niveau insuffisant » sans avoir aucune connaissance du niveau suffisant : « Opposer une insuffisance de niveau à un étudiant qui vient de valider son diplôme de Licence (ce qui en application des textes du code de l’éducation signifie que l’étudiant a le niveau requis pour poursuivre à l’échelon supérieur) sans le définir préalablement méconnait la nécessaire définition de celui-ci », ajoute-t-il. Il en est de même, selon maître Verdier, des lettres de motivation dont le contenu attendu n’est pas explicite.

En d’autres termes, un certain nombre de recours contentieux pourraient être évités grâce à plus de transparence de la part des établissements, d’autant que, à aucun moment, indique-t-il, les étudiants de licence ne sont informés de la nécessité de porter une réflexion spécifique sur leur projet professionnel. Sans information pertinente sur la grille d’analyse de leur candidature, les candidats sont dans l’incapacité de rédiger une lettre de motivation pertinente et ciblée en fonction des attentes spécifiques du jury de formation, se limitent de ce fait à produire un document stéréotypé, inutile au jury pour lui permettre d’apprécier la valeur réelle du candidat, qui est finalement sélectionné sur ses résultats antérieurs. Situation d’autant plus problématique que, en pratique, « trop peu d’étudiants ont l’opportunité d’être convoqués en entretien, ce qui amplifie ce phénomène et fait naître un sentiment d’injustice. » ([47])

d.   L’analyse convergente du HCERES

Pour le Haut conseil de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche (HCERES), qui a remis récemment au Parlement le rapport d’évaluation qu’il était chargé de réaliser sur ces dispositions législatives ([48]), la précision des informations destinées aux candidats à un master pourrait effectivement être améliorée. Le site « trouvermonmaster.gouv.fr », créé en 2017, comme les rapporteurs l’ont indiqué, avait pour finalité première de permettre aux étudiants titulaires d’une licence ayant échoué à se faire admettre en master de saisir le recteur. Dans les faits, il est aussi devenu un outil d’information essentiel des étudiants qui y trouvent recensée la totalité de l’offre de master, actualisée annuellement. En ce sens, il s’agit, souligne le HCERES, d’« un outil particulièrement précieux et efficace au soutien de l’exercice du droit à la poursuite d’études », qui permet aux étudiants de consulter les masters, de faire des recherches, par domaines disciplinaires, établissements, zones géographiques, et d’avoir un accès direct à l’ensemble des informations relatives aux formations, notamment sur les capacités d’accueil, les calendriers de candidatures, modalités de recrutement, etc.

Les éléments statistiques communiqués aux rapporteurs par Anne-Sophie Barthez confirment indéniablement l’intérêt des étudiants pour ce nouvel outil qui a été visité en moyenne 4 278 fois par jour entre le 1er février et le 28 septembre 2020, période pendant laquelle plus d’un million de visites au total ont été enregistrées, à mettre en regard avec un effectif d’environ 180 000 étudiants en troisième année de licence. Par rapport à la même période sur 2019, l’augmentation de la fréquentation a été de 46,2 %.

Pour autant, ajoute le Haut conseil qui rejoint ici l’analyse de maître Verdier, « l’information disponible n’est pas toujours d’une parfaite clarté, précision ni complétude. Cependant la responsabilité de ces imperfections n’est pas à imputer au site ni à celles et ceux qui le gèrent mais en grande partie au fait que l’information est décentralisée et donc non coordonnée entre les établissements. »

Gilles Roussel, alors président de la CPU, portait déjà le même constat à l’été 2017 en précisant que « la plate-forme est perfectible. Toutes les universités n’ont pas intégré les informations nécessaires, l’offre de formation est encore parcellaire. » ([49]) Il mettait, à raison, ces insuffisances sur le compte de la nouveauté du système sorti à peu près dans les temps et peu après l’entrée en vigueur de la loi en précisant que « si elle reste telle quelle en 2018, je ne ferai pas le même bilan. » Cela étant, relèvent les auteurs de l’évaluation du HCERES, « font défaut sur le site les attentes et exigences relatives aux qualités académiques du dossier du candidat, comme si le caractère sélectif de l’entrée en DNM était gommé ainsi que le caractère national de la procédure de recrutement menée par les établissements. Il y a ici une forme de paradoxe qu’il conviendrait de dépasser. À cette fin, la voie à emprunter est peut-être celle qui consiste à insister auprès des candidats sur le fait que le droit à poursuite d’études en DNM s’exerce à une échelle nationale dans des conditions de recrutement local, c’est-à-dire que son caractère est variable d’un établissement à un autre. Ainsi, mieux informés sur l’offre de formation nationale relevant de leur champ et domaine disciplinaires, mieux éclairés sur les conditions exactes de recrutement au sein des établissements et de leur calendrier, les candidats pourraient alors mieux mesurer la nécessité qui s’impose aujourd’hui de construire une ‟stratégie” de candidatures multiples au sein de leur région académique de rattachement mais également en dehors de celleci. »

Les rapporteurs partagent ces conclusions, qui invitent à se pencher sur la question de la mobilité des étudiants, sur laquelle ils reviendront.

Dans le même ordre d’idées, le HCERES suggère opportunément la normalisation des informations consultables sur les formations proposées par les établissements, afin que les étudiants puissent réellement disposer d’une information « claire, précise et complète » sur le contenu de l’offre de formation dans les différents domaines, mentions ou parcours, au sein d’un établissement ou de plusieurs autres. L’évolution du site vers une telle fonction d’information générale et fiabilisée semble, tant au HCERES qu’aux rapporteurs, des plus opportune.

B.   les inscriptions en master : Une gestion compliquÉe pour les Établissements

Avant d’examiner ce qu’il en est de la réalité du droit à la poursuite d’études, il convient de présenter quelques remarques sur certains effets de la réforme ainsi que les difficultés de gestion que, tant les universités que les rectorats, rencontrent.

1.   La pratique difficile de la sélection au niveau des établissements

Les modalités de mise en œuvre de la réforme se traduisent par un certain nombre de difficultés, de natures diverses mais convergentes, signalées aussi bien par les responsables de masters que par les recteurs.

En premier lieu, le fait d’avoir avancé le processus de sélection du master conduit les universités à devoir traiter les candidatures un an plus tôt. Cela n’est pas sans conséquences, compte tenu du nombre très élevé de dossiers, dans la mesure où très nombreux sont les titulaires d’une licence qui souhaitent poursuivre leur parcours en deuxième cycle.

Certains avaient évoqué cette préoccupation dès la première année d’application de la réforme ([50]) et plusieurs responsables de master l’ont récemment confirmé. Ainsi le directeur du master de droit public de Rennes I indiquait il y a quelques mois : « Il est clair que la sélection constitue une révolution (…). Pour 600 candidatures, je n’ai que 80 places. », tandis que le doyen de la faculté de droit de Lyon-III déclarait être submergé par quelque 10 000 candidatures « pour les 54 masters proposés dans sa filière, soit un total de 1 000 places. » ([51]) De son côté, Jean-Christophe Saint-Pau faisait remarquer aux rapporteurs que la faculté de droit de l’université de Bordeaux proposait treize mentions différentes de masters et 51 parcours, dont certains extrêmement attractifs, tels le droit des affaires qui intéresse environ 2 800 candidats, le droit pénal (2 500 candidats) ou encore le droit privé (2 000) et le droit international. Alors que la sélection antérieure à l’entrée en M2 représentait un volume total de 6 000 dossiers, en 2020, pour la première application du système LMD par la filière juridique, ce sont quelque 15 000 candidatures qui ont été présentées, pour des promotions très réduites, le master de droit pénal n’accueillant par exemple que 120 étudiants.

Les responsables de master, de quelque filière que ce soit, insistent en conséquence sur le temps et la charge de travail considérables que requièrent l’analyse de milliers de candidatures, la gestion des réponses, des inscriptions sur listes complémentaires et des désistements, pour des établissements manquant de ressources humaines et techniques et insuffisamment accompagnés. Le traitement de l’ensemble des dossiers est devenu un véritable défi pour des services administratifs qui ne sont pas configurés pour cela, malgré des outils informatiques qui peuvent représenter un appui précieux, mais ne sont cependant pas disponibles partout, la procédure étant par exemple manuelle à la faculté de droit de Strasbourg, selon le témoignage de Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu. Jean-Christophe SaintPau indiquait ainsi que le bureau des inscriptions de la faculté de droit de Bordeaux, qui a dû traiter quelque 15 000 dossiers l’an dernier, ne dispose que de deux ETP.

D’une manière générale, ce travail de tri, qui doit être réalisé dans des délais très courts puisque, faute de réponse négative dans les deux mois, les étudiants sont juridiquement réputés admis, se fait à moyens constants, que ce soit au niveau des commissions pédagogiques ou des personnels BIATSS, qui sont également mobilisés. Sachant d’autre part que cela coïncide en grande partie avec la correction des copies de fin d’année, souvent de plusieurs milliers dans les établissements importants.

Les représentants des syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche sont unanimes pour souligner que l’inflation des candidatures se heurte effectivement à l’embolie des équipes universitaires submergées de tâches administratives et de demandes de la part des étudiants le plus souvent en situation de stress. Il s’agit, selon les termes utilisés par le SNESUP-FSU, d’un « travail de traitement des dossiers très chronophage, même pendant la période estivale, pour très peu d’inscriptions au final. » ([52]) Dans un contexte d’évolution à la baisse continue des effectifs de l’ESR sur les dernières années, cette situation impacte par contrecoup leur activité de recherche.

2.   Des questions complexes de calendriers

La coïncidence calendaire du traitement de milliers de dossiers de candidatures avec la correction des copies de fin d’année évoquée ci-dessus est l’un des aspects qui rendent le processus de sélection ardu. Ce n’est pas le seul.

L’un des problèmes les plus notables tient à l’héritage, antérieur à la loi et sans doute en voie de résorption, des procédures d’inscription très différentes qui étaient alors mises en œuvre par les établissements. Rien n’était auparavant harmonisé entre les universités, voire même entre disciplines différentes au sein d’un même établissement, quant aux calendriers de dépôt et de traitement des candidatures ou aux prérequis pour la constitution des dossiers d’inscription. Les « cultures disciplinaires » en la matière étaient de ce point de vue très différentes, comme Jean-Michel Jolion le faisait remarquer.

À cet aspect s’ajoute celui des délais, parfois considérables, entre la réception par l’étudiant de sa réponse et son inscription. Si une réponse positive de la part de l’université ne pose évidemment pas de problème, l’inscription du candidat peut toutefois prendre un certain temps, jusqu’à deux mois, durant lesquels sa place au sein du master est réservée, entraînant de ce fait une mise en liste d’attente d’autres étudiants non immédiatement sélectionnés. Or, les cas de désistement, ou même de désinscription, pouvant intervenir fin septembre ou début octobre ne sont pas rares. Une volatilité importante des étudiants est en effet constatée, notamment soulignée par les doyens des facultés juridiques, qui s’avère très problématique en termes de gestion.

Cette situation a d’autre part des incidences non négligeables sur le sort des candidats en liste d’attente et de ceux qui pourraient avoir à entamer dans un second temps des procédures de recours auprès des recteurs, procédures qui ne peuvent être initiées que lorsque toutes les réponses négatives ont été notifiées à l’étudiant. Cela amène par voie de conséquence les facultés à être saisies par les recteurs entre juillet et octobre, voire même jusqu’à un mois après le début des cours de master. Une réflexion a pour cette raison été entreprise au sein de la conférence des doyens de la filière Droit pour un calendrier plus harmonisé. Selon ses responsables, un calendrier national serait opportun pour éviter pertes de temps et d’efforts, que ce soit pour les étudiants ou pour les équipes universitaires. Dès lors que le droit à la poursuite d’études est reconnu aux étudiants, ceux dont les dossiers ont été rejetés en première instance devraient pouvoir être en mesure de se retourner vers des alternatives en temps utile, c’est-à-dire le plus en amont possible avant la rentrée universitaire, via les modalités de recours prévues, mais cet impératif suppose une harmonisation indispensable entre établissements.

3.   Le cas de l’admission des étudiants étrangers

L’accueil des étudiants étrangers en première année de master est un autre sujet qui se révèle en pratique poser des problèmes concrets aux responsables de master. Il s’agit en effet, pour certaines filières, d’une pression extrêmement forte sur les équipes, également due au très grand nombre de candidatures reçues. Or, après traitement, comme le soulignait Laurence Mouret, le taux d’acceptation n’est que de quelque 10 %, sachant d’autre part que, au final, seuls 2 % en moyenne d’étudiants étrangers viendront effectivement en France.

De sorte que pour des cohortes parfois très peu nombreuses, de l’ordre de trente étudiants dans certains M1 scientifiques, telles les Sciences pour l’ingénieur (SPI), la quantité de travail requise pour la sélection de quelques étudiants – dont il n’est au final jamais certain qu’ils pourront réellement venir en France – paraît exorbitante. Sont en cause ici une fois de plus des questions de calendrier, mais aussi de lourdeur ou de lenteur des procédures : il n’est en effet pas rare que les réponses des établissements français soient nettement plus tardives que celles des universités d’autres pays auprès desquelles les étudiants étrangers ont aussi candidaté. La lenteur des procédures de visas ajoute à cet aspect, de sorte qu’il est fréquent que l’arrivée d’étudiants étrangers intervienne bien après que les cours ont commencé, voire même lorsque le reste de la promotion est d’ores et déjà partie en stage. Comme le soulignent plusieurs des responsables de masters entendus, cela n’est pas sans poser de sérieux problèmes de cohésion au sein des promotions.

C.   Le droit À la poursuite d’Études, mythe ou rÉalitÉ ?

L’instauration du droit à la poursuite d’études avait suscité un réel enthousiasme parmi les syndicats étudiants. Juste après l’adoption de la loi, le président de la FAGE ([53]) récusait fermement l’idée qu’elle consacrait la sélection, comme le disaient les médias, précisément parce que le droit à la poursuite d’études avait été obtenu. Le syndicat indiquait toutefois ([54]) rester vigilant, la concrétisation de ce nouveau droit requérant la création d’une plateforme numérique centralisant la gestion des candidatures dans tous les masters. Conscient du défi technique mais néanmoins optimiste, la FAGE estimait cependant que tous les ingrédients étaient réunis pour que le droit à la poursuite d’études se concrétise grâce à ce nouvel outil de simplification des démarches.

À l’heure du bilan cependant, tant les organisations syndicales que les recteurs, le ministère ou le HCERES, constatent que le dispositif institué en 2016 n’est pas sans défauts.

1.   Les désillusions des syndicats d’étudiants

a.   Un jeu de dupes ?...

Le constat douloureux des étudiants

Dès janvier 2018, les syndicats d’étudiants ne cachaient pas leur désenchantement : « 5 mois après la rentrée 2017, le constat est simple : certaines Universités ont bafoué le principe même de la loi et n’ont pas respecté la philosophie de la réforme ! » ([55]) clamait la FAGE. À la mauvaise ergonomie de la plateforme, sur laquelle la communication avait été défaillante, s’était ajoutée la mauvaise volonté de nombre d’universités faisant notamment « durer de manière très importante, voir indéfinie, l’étude des dossiers », la plupart des étudiants n’ayant pas encore reçu de réponses en ce début d’année. En outre, si beaucoup de masters avaient vu leur capacité d’accueil « baisser fortement », certaines candidatures étaient refusées alors même qu’il restait des places disponibles. Dans ces conditions, la FAGE n’hésitait pas à parler de sabordage de la réforme par des universités ne jouant pas le jeu.

Un an et demi plus tard, les choses ne s’étaient pas fondamentalement améliorées : en août 2019, le même syndicat considérait que « 2 ans après, l’application de cette loi est loin d’être satisfaisante » ([56]) : si elle avait été réduite, la liste dérogatoire annexée au décret de mai 2016 permettant d’opérer une sélection entre M1 et M2 dans certaines filières restait encore trop importante, et la diminution « drastique » des capacités d’accueil dans certains masters mettait à mal le droit à la poursuite d’études et renforçait la sélection, obligeant à une mobilité non souhaitée. Enfin, la standardisation des procédures sur « trouvermonmaster.gouv.fr » était loin d’être achevée, les périodes de candidatures et les délais de réponses trop disparates amenant « certains étudiants à s’inscrire dans un master et à recevoir a posteriori une acceptation plusieurs mois plus tard dans un autre master qu’ils auraient privilégié. » La FAGE regrettait enfin que les recteurs se trouvent soumis au bon vouloir des universités sans avoir la possibilité de les obliger à inscrire un étudiant en master. Plus récemment, certains titres dans la presse confirmaient encore l’amertume ressentie par les étudiants : « Sélection en master : des étudiants s’insurgent contre l’impossibilité de poursuivre leurs études » ([57]) ; « Ces étudiants qui attaquent leur université en justice pour avoir une place en master » ([58]).

Or, pour Mélanie Luce, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et Yann Carcel, vice-président en charge des affaires académiques de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) ([59]), si la poursuite des études est un droit comme l’affirme la loi, les établissements devraient être dans l’obligation d’accepter les étudiants qui demandent à être admis en master, dès lors que le niveau leur en a été reconnu par l’attribution du grade de licence. L’esprit de la loi voudrait même que les universités ne puissent examiner le niveau des étudiants pour les admettre. ([60])

En d’autres termes, les universités ne jouent pas le jeu et le gouvernement ne fait pas preuve de suffisamment de fermeté pour les y obliger et, pour les syndicats étudiants, il y a de réels dysfonctionnements dans la manière dont le dispositif institué en 2016 est appliqué. De leur point de vue, une logique aurait dû prévaloir : celle de l’augmentation des places en deuxième année de master pour qu’elles soient en nombre égal à celles de première année. Or c’est tout le contraire qui a été constaté, à savoir la diminution des places disponibles en M1. Cette situation se traduit en tout état de cause par un « embouteillage à l’entrée » ([61]) de la première année du deuxième cycle et induit consécutivement des frustrations fortes à la mesure de l’enthousiasme que l’inscription du droit à la poursuite d’études dans la loi avait suscité.

Aux yeux des rapporteurs, le nombre de places disponibles en M2 ne devrait effectivement jamais être inférieur à celui de M1, afin de respecter la logique du système LMD. En outre, il convient de tenir compte des caractéristiques de certains cursus : dans les filières de santé, par exemple, la détention d’un M2 peut être obligatoire pour la poursuite du cursus, ce qui amène certains étudiants à devoir être admis en M2 sans avoir effectué le M1 de la mention. Des places doivent en conséquence leur être réservées, qui se traduisent par des effectifs de M2 supérieurs à ceux de M1.

Chaque année, des étudiants « sur le carreau », mais combien ?

Chaque année, un certain nombre d’étudiants exerçant leur droit à la poursuite d’études auprès du recteur de leur académie n’obtiennent pas satisfaction.

Cette réalité existe depuis l’entrée en vigueur de la loi. Un article du journal Le Monde ([62]) indiquait que la procédure 2017 d’inscription avait vu 3 300 demandes être adressées aux rectorats. Sur les quelque 2 000 qui avaient été validées et transmises aux établissements, 1 155 étudiants avaient reçu au moins une réponse. Au total, en tenant compte de ceux qui avaient trouvé une solution par eux-mêmes, ce sont plus de 700 étudiants qui étaient restés sans aucune proposition d’affectation, alors même qu’ils remplissaient toutes les conditions pour cela.

Depuis lors, la situation ne s’est pas améliorée. Selon les données précises communiquées aux rapporteurs par la DGESIP, sur la dernière campagne, quelque 12 050 saisines ont été formulées par les étudiants auprès des recteurs, dont 7 148 ont finalement été déclarées recevables ([63]) et ont donc ensuite fait l’objet de demandes des recteurs auprès des universités. Le tableau ci-après montre la progression importante depuis la première année, où un peu plus de 4 000 saisines avaient été présentées, étant entendu que l’augmentation considérable en 2020 est due en grande partie à l’entrée de la filière juridique dans le système LMD. Selon le rapport d’évaluation du HCERES, peut-être joue aussi dans cette hausse continue et importante une meilleure diffusion, au sein de la communauté étudiante, de l’information sur l’existence de la procédure.

Cela étant, au final, en 2020, sur 7 148 dossiers, 3 527 demandes ([64]), concernant 1 598 étudiants, ont été acceptées par les universités et ont donc fait l’objet de propositions de leur part. Seuls 1 486 étudiants les ont acceptées ([65]). En d’autres termes, ce sont quelque 5 550 étudiants dont la saisine n’a pas été traitée avec succès. Ces données sont à comparer avec celles des années antérieures, communiquées aux rapporteurs par la DGESIP : la première année, en 2017, 1 234 étudiants étaient restés sans solution ; 1 793 en 2018 et 1 900 en 2019.

nombre de saisines des services rectoraux (par annÉe)

 

06/11/2017

05/11/2018

08/11/2019

06/11/2020

Nombre total de saisines

4 043

4 942

+22,2 % /2017

5 327

+7,8 % /2018

12 050

+126,2 % /2019

Dont : recevables

2 050

2 784

+35,8 % /2017

2 859

+2,7 % /2018

7 148

+150 % /2019

Demandes d’admission transmises aux Établissements

  

06/11/2017

05/11/2018

08/11/2019

06/11/2020

Nombre total de demandes d’admission

22 739

30 431

36 895

79 048

Dont : acceptées par les établissements

2 318

10,2 % des demandes

2 588

8,5 % des demandes

+11,6 % /2017

2 443

6,6 % des demandes

-5,6 % /2018

3 527

4,5 % des demandes

+44,4 % /2019

 Propositions d’admission transmises aux Étudiants

  

06/11/2017

05/11/2018

08/11/2019

06/11/2020

Saisines traitées selon les obligations règlementaires

816

39,8 % des saisines recevables

991

35,6 % des saisines recevables

+21,4 % /2017

959

33,5 % des saisines recevables

-3,2 % / 2018

1 598

22,3 % des saisines recevables

+66,6 % /2019

Dont : propositions acceptées par les étudiants

704

34,3 % des saisines recevables

879

31,6 % des saisines recevables

+24,9 % / 2017

851

29,8 % des saisines recevables

-3,2 % /2018

1 486

20,8 % des saisines recevables

+74,6 % /2019

 Source : MESRI/DGESIP

Il convient néanmoins de préciser que ces chiffres ne reflètent que l’activité observable sur « trouvermonmaster.gouv.fr », et ne prennent pas en compte les situations qui ont trouvé une issue en dehors du site. Comme le souligne le rapport du HCERES à ce propos, « Nombreux sont en effet les candidats à entreprendre parallèlement à la saisine des services rectoraux des démarches directes, notamment par le jeu d’un recours interne, auprès de leur ou des établissements au sein desquels ils ont candidaté. […] Dans les faits, ce démarchage personnel et direct des établissements suffit assez souvent à répondre aux attentes du candidat. Cependant, aucune étude statistique chiffrée ne permet de corroborer l’affirmation qui repose sur les témoignages des établissements auditionnés et des services rectoraux concernés. »

Quand bien même on ajouterait à ces chiffres quelque deux mille étudiants dont les dossiers sont déclarés irrecevables par les rectorats ([66]), le nombre total de cas concernés peut paraître modeste au regard du nombre d’étudiants diplômés de licence chaque année et d’inscrits en M1 – environ 170 000. Il n’en pose pas moins la question de l’effectivité du droit pour les intéressés.

Des saisines issues principalement de trois filières

Selon les données communiquées par la DGESIP, les saisines concernent essentiellement trois disciplines : psychologie (23 %), économie – mentions « Économie et gestion », « Administration économique et sociale », « Gestion », « Économie » – (22 %) et biologie – mentions « Sciences de la vie » et « Sciences de la vie et de la terre » – (17 %).

À ces filières traditionnellement en tension se sont ajoutées, au titre de la rentrée universitaire 2020, une partie des mentions de master de droit compte-tenu de la sortie de la plupart d’entre elles du régime dérogatoire permettant de mettre en place des capacités d’accueil en M2. Le nombre de saisine a de ce fait considérablement augmenté, à plus de 7 000, soit environ 4,1 % des effectifs en M1, un nombre important étant formé par des licenciés en droit. À titre d’illustration, Katia Béguin, rectrice de la région académique Centre-Val de Loire, faisait remarquer que sur les 364 saisines traitées l’an dernier, 156 relevaient de cette filière, ce qui était loin d’être le cas les années précédentes.

b.   … Ou de contradictions insolubles ?

D’une certaine manière, les syndicats étudiants rejoignent Guillaume Gellé qui soulignait tout l’ambigüité d’un système dans lequel un droit à la poursuite d’études au-delà de la licence est reconnu à tout étudiant alors que l’entrée en master est sélective. Ambiguïté qui amenait Daniel Lacroix, alors président de l’université Toulouse-Jean-Jaurès, à s’interroger dès 2017 en soulignant que « cette loi sur la sélection renferme de nombreuses contradictions : quel droit prévaut, celui de l’université à fixer la sélection ou celui de l’étudiant à poursuivre ses études ? » ([67])

Cet état de fait, qui rend évidemment la situation complexe à gérer, avait même conduit d’autres observateurs à qualifier l’accord d’octobre 2016 de « réforme tronquée », voire d’« imposture », dans laquelle « la sélection se transforme en admission pour tous » et dont le seul résultat sera la « démonétisation du seul diplôme universitaire valorisé aujourd’hui par les employeurs : le master ». ([68])

2.   Plusieurs lectures d’une réalité incontestable

De fait, les statistiques disponibles permettent d’illustrer les craintes des étudiants, dans la mesure où l’on assiste à une diminution nette des effectifs en M1 depuis l’entrée en vigueur de la loi.

a.   Les données statistiques confirment le ressenti des étudiants

Selon les données du ministère, il a effectivement été constaté « une baisse globale de 5 points du taux d’accès aux masters pour les diplômés de licence 2017, par rapport aux diplômés 2016, passant de 72 % à 67 % toutes disciplines confondues. La baisse du taux de poursuite des licenciés atteint 10 points en STAPS et Psychologie, disciplines dans lesquelles poursuivent en master respectivement 57 % et 68 % des licenciés de 2017. Le droit et les sciences politiques, bénéficiant d’une dérogation dans la mise en œuvre de cette réforme, font de nouveau exception : 85 % des licenciés de 2016, comme de 2017, poursuivent en master. » ([69]) L’entrée de la filière juridique dans le système LMD devrait logiquement conduire ces chiffres à rejoindre peu à peu ceux des autres filières.

Accessoirement, les rapporteurs souligneront aussi que la réforme intervient dans un contexte de démographie estudiantine défavorable : « En 2019-2020, le nombre d’étudiants inscrits progresse de 1,3 % par rapport à 2018-2019, à périmètre constant. Les effectifs augmentent en licence, en grande partie sous l’effet de la progression des nouveaux entrants les années précédentes, tout particulièrement en 2018-2019 du fait de la démographie. » ([70]) Le graphique ci‑dessous illustre cette tendance « lourde ».

 

https://raw.githubusercontent.com/cpesr/RFC/main/Selections/SelectionMaster_files/figure-gfm/L3M.univ.seule-1.png

Source : https://github.com/cpesr/RFC/blob/main/Selections/SelectionMaster_files/figure-gfm/L3M.univ.seule-1.png

Comme le précise en effet une note d’information du service statistique du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, « en cinq ans, à dispositif équivalent, l’enseignement supérieur a accueilli 234 700 étudiants supplémentaires (+ 1,8 % par an en moyenne) », et, en particulier, « on constate toujours davantage d’inscriptions en cursus licence (+ 2,0 %), après + 2,7 % en 2018 et + 1,4 % en 2017 ». ([71])

En conséquence – et indépendamment des taux de réussite exceptionnels en licence constatés à la rentrée 2020 à la suite des examens passés à distance pour cause de pandémie de Covid-19 – le goulot d’étranglement qu’évoquaient certains des experts auditionnés par les rapporteurs devrait perdurer. Il pourrait même s’aggraver pour diverses raisons dont, en premier lieu, le meilleur accompagnement des étudiants grâce à Parcoursup, qui va induire un moindre taux d’abandon en première année et un meilleur taux de succès en licence. Dès lors, les contraintes structurelles connues dans certaines filières très demandées, comme le droit, la psychologie ou l’économie, devraient apparaître prochainement ailleurs, comme en sciences de l’éducation ou encore dans des cursus très restreints, tels la musicologie, car les effectifs continueront aussi d’y augmenter.

Indépendamment de l’afflux des étudiants vers les masters les plus attractifs, la question centrale est en effet celle de l’augmentation globale du nombre d’étudiants que rappellent les données statistiques du MESRI : « Si les tendances en termes d’orientation et de poursuite d’études des bacheliers et des étudiants se prolongent, l’enseignement supérieur pourrait rassembler en 2023, 2,77 millions d’étudiants (hors inscriptions simultanées en licence et en CPGE) et en 2028, 2,81 millions d’étudiants, soit respectivement + 91 000 et + 133 000 étudiants qu’en 2018 ». ([72])

Pour Guillaume Gellé, la situation se pose avec d’autant plus d’acuité que, suite à la réforme de la licence et à la création de Parcoursup, des places en licences ont été créées qui, trois ans plus tard, vont logiquement induire à court terme un surcroît de demandes d’admission en master de la part des nouveaux diplômés qui y ont un droit légitime.

b.   D’autres conclusions possibles ?

C’est un constat identique à celui des syndicats d’étudiants que formulent certains syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), tel le SNESUP-FSU, pour lequel « Le problème d’affectation dans les masters réside surtout dans un écart trop important entre le nombre de licenciés et les capacités d’accueil en M1 qui ont été généralement réduites depuis la loi de 2016 pour s’aligner sur celles du M2 » ([73]), de sorte que les effectifs en M1 ont globalement diminué dans les universités, « contrairement aux grands établissements et aux COMUE où les effectifs de M2 sont supérieurs à ceux de M1 après 2017. » Pour le SNESUP, la comparaison des effectifs de M1 de l’année n à ceux de l’année n-1 en L3, permet de constater une sélection renforcée.

Les syndicats de l’ESR constatent avec les étudiants que cette situation est de fait aujourd’hui très anxiogène, la sélection étant en outre de plus en plus dure. Cette angoisse est d’autant plus forte que très peu d’étudiants veulent arrêter leurs parcours à la licence car il s’agit d’un diplôme insuffisamment professionnalisant.

Katia Béguin, rectrice de la région Centre-Val de Loire, présidente de la Conférence des recteurs ([74]), confirmait la systématisation de la diminution des capacités d’accueil, en soulignant que c’est encore ce qu’il s’est passé à la rentrée 2020 lorsque la filière Droit, en intégrant le système LMD, a aligné les capacités d’accueil en M1 sur celles du M2, suscitant une vive inquiétude chez les étudiants.

Pour autant, d’autres acteurs, en redonnant une perspective nationale à la question, font observer que cette réalité est sans doute plus complexe.

C’est par exemple le cas de Jean-Christophe Saint-Pau qui faisait remarquer, sur la base des informations recueillies auprès de doyens de facultés de droit, que l’effectif des étudiants inscrits en troisième année de licence dans une trentaine de facultés ([75]) était d’environ 13 000 cette année, pour 11 000 places en M1. Dès lors, en tenant compte d’un taux de réussite à la licence très inférieur à 80 %, les places en master sont en nombre largement suffisant au niveau national. En d’autres termes, pour le président de la conférence des doyens des facultés de droit, le problème résiderait plutôt dans le fait que les demandes des étudiants sont très concentrées sur un nombre restreint d’universités et de grandes villes. En ce sens, au niveau national, 146 041 diplômes de licence ont été délivrés pour l’année universitaire 2017-2018, alors qu’il y avait exactement 180 619 étudiants inscrits en troisième année de licence. Cette analyse n’est pas éloignée des conclusions d’Anne-Sophie Barthez selon laquelle l’immense majorité des étudiants souhaitant poursuivre leurs études dans une formation conduisant au diplôme national de master sont effectivement en mesure de le faire, puisque, depuis 2017, le nombre de licenciés n’y parvenant pas oscille entre 0,8 % et 3,4 % des effectifs en M1. Dans le même ordre d’idées, Gilles Roussel, alors président de la CPU, soulignait en août 2017 la concentration des demandes sur certaines universités, notamment de Paris intramuros.([76]) Aujourd’hui encore, la très grande majorité des saisines est formulée en Île-de-France, comme le reflète le diagramme ci-dessous.


C:\Users\dchampai\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\B1831289.tmp 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : DGESIP

3.   Le rôle des recteurs : mission impossible

Pour mémoire, la matérialisation du droit à la poursuite d’études a été mise en œuvre par l’article R. 612-36-3 : le recteur de la région académique dans laquelle la licence a été obtenue formule à l’étudiant qui a essuyé plusieurs refus au minimum trois propositions d’inscription en master, après accord des chefs d’établissements concernés, offres qui tiennent compte des capacités d’accueil, de l’offre de formation, du projet professionnel de l’intéressé et de la compatibilité de sa licence avec les mentions existantes des masters. Au moins une de ces propositions doit concerner l’établissement dans lequel la licence a été obtenue, ou, à défaut, un établissement de la même région académique. Les délais pendant lesquels l’étudiant doit agir sont relativement brefs : la saisine du recteur se fait obligatoirement dans les quinze jours suivants la date de la dernière notification de refus et exclusivement via le site « trouvermonmaster.gouv.fr ». L’étudiant doit ensuite donner sa réponse aux propositions du recteur dans un même délai de quinze jours après qu’elles lui ont été notifiées, sauf à être réputé les avoir refusées.

De l’avis unanime des parties prenantes auditionnées, l’objectif fixé par la loi et les décrets sur ce point n’est pas atteint. Notamment, la quasi-totalité des étudiants formant une saisine du recteur ne se voient pas adresser les trois propositions réglementaires. En pratique, comme l’indique le rapport du HCERES, en 2020, seuls 159 étudiants ont effectivement reçu trois propositions, 365 en ayant reçu deux. ([77])

Plusieurs facteurs concourent à expliquer cet échec, qui rejoignent très logiquement les raisons pour lesquelles les étudiants n’ont pas été admis lors de leur candidature initiale : dans la mesure où le processus de sélection conduit les établissements à écarter les dossiers les moins bons, ce qui est, de l’avis unanime, la raison principale du rejet des candidatures, leur « repêchage » apparaît d’autant plus difficile qu’il suppose que les capacités d’accueil des établissements ne soient pas encore atteintes, dans un contexte où les masters les plus sélectifs font leur choix très tôt.

Mais d’autres aspects entrent en ligne de compte, qui tiennent plus spécifiquement à l’organisation du dispositif, qui explique sans doute pour partie l’impasse dans laquelle il se trouve aujourd’hui.

a.   Un dialogue établissements-recteurs qui manque de fluidité

En premier lieu, le téléservice a été conçu pour que les établissements mettent à jour leurs places vacantes afin d’orienter les rectorats.

En pratique, peu d’entre eux le font réellement, laissant de facto les rectorats dans une ignorance des places disponibles qu’ils pourraient proposer. Cela ne saurait surprendre si l’on rappelle l’empressement de certaines universités à instaurer la sélection dès l’été 2017 pour ne pas risquer de devoir à accueillir des étudiants rejetés d’autres établissements, comme l’expliquait Gilles Roussel ([78]).

En conséquence, les recteurs, en manque de visibilité, sont contraints de multiplier les demandes pour espérer obtenir quelques réponses positives de la part des universités. Selon les informations recueillies, ils envoient en moyenne quarante demandes par étudiant, parfois jusqu’à cent ! Au total, ce sont exactement 79 048 demandes qui ont été adressées en 2020, sachant que, dans le même temps, plus de 207 000 demandes n’étaient pas transmises faute d’avoir reçu l’autorisation des recteurs de régions d’accueil envisagées : en effet, lorsqu’un recteur s’adresse à un établissement d’une autre région académique, le recteur de la région d’accueil doit avoir accepté la demande au préalable, ce qui n’est jamais le cas actuellement, chacun essayant de trouver des places pour les étudiants relevant de son académie ([79]). Sur les 79 048 demandes effectivement transmises, 56 737 ont de ce fait été rejetées, 3 527 acceptées et 18 784 n’ont pas reçu de réponse de la part des établissements.

En d’autres termes, faute de visibilité sur le stock de places disponibles en première année de master dans les différents établissements, les services rectoraux se trouvent dans les plus grandes difficultés pour exercer la mission qui leur est confiée par la loi au bénéfice des candidats.

Ce manque de visibilité impacte le dialogue des recteurs avec les établissements, comme le souligne aussi le rapport du HCERES. Or ce point, comme d’autres, avait été identifié depuis déjà longtemps puisqu’il figurait dans les pistes de la réflexion que le ministère avait engagée dès février 2018 avec les organisations syndicales et la CPU pour optimiser le droit à la poursuite d’études à la rentrée suivante : « Le recteur devrait par ailleurs avoir accès à plus d’informations, ‟pour avoir notamment une visibilité sur les masters où il reste de la place” et ne pas proposer un étudiant dans une formation déjà saturée. Enfin, les universités qui refusent une demande d’affectation du recteur devraient à l’avenir, ‟de manière plus automatique”, faire une contre-proposition pour l’étudiant. », indiquait alors le journal Le Monde à ce sujet. ([80])

b.   De fortes contraintes de délais

Comme il a été dit, les étudiants ne peuvent exercer leur recours auprès du recteur d’académie que dans les quinze jours suivant la réception de la dernière notification de refus qui leur a été faite, qui peut intervenir tardivement. Sachant que la durée de campagne de recrutement des masters par les établissements est en revanche longue – elle s’est par exemple étendue au-delà de la fin du mois d’octobre l’an dernier, selon ce que le HCERES rappelle dans son rapport – le moment où les services rectoraux pourront formuler leurs demandes est de facto extrêmement tardif pour les établissements, puisqu’il coïncide généralement avec la préparation de la rentrée ou la reprise des cours.

Le diagramme ci-après présente l’évolution quotidienne du nombre de saisines soumis aux services rectoraux par les étudiants en 2020. Il permet de visualiser la durée sur laquelle s’étend ce processus, et de constater que, si l’essentiel a été transmis avant la fin du mois de juillet, un nombre relativement important de demandes continue de parvenir aux services jusqu’à la fin septembre.


C:\Users\dchampai\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\1E377283.tmp 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : DGESIP

Ce moment est en outre conditionné par l’information dont les rectorats doivent disposer quant au nombre de places vacantes. En conséquence, entre la rétention d’information par certains établissements et la réelle disponibilité d’information indispensable pour lancer les demandes, la marge de manœuvre des recteurs paraît singulièrement restreinte. D’autant que, comme le souligne le rapport du HCERES, les étudiants eux-mêmes tardent assez fréquemment à se positionner sur les premières propositions qui leur sont faites, préférant attendre de les avoir toutes en mains pour arrêter leur choix.

c.   Des services rectoraux à la peine

En second lieu, selon le HCERES – et de fait, de manière comparable à la situation dans laquelle se trouvent les administrations universitaires, comme les rapporteurs l’ont indiqué – les services rectoraux sont mal outillés pour gérer dans des délais très courts, des dossiers qui excèdent leur champ de compétence traditionnel, n’étant pas des services d’orientation. Cette question avait d’ailleurs été perçue par certains dès l’adoption de la réforme : Frédéric Dardel, alors président de l’université Paris-Descartes, s’en était par exemple inquiété, estimant « que ‟les recteurs ne sont pas armés” pour réorienter les étudiants recalés, et se tourneront vers les présidents d’université. » ([81]) Cette situation joue sur la perception négative des étudiants ([82]) quant à la qualité du service qui leur est rendu : pour eux, il n’y a pas vraiment de processus clairement défini à ce niveau et il manque notamment des référents qui seraient leurs interlocuteurs naturels sur ces questions. La FAGE considérait d’ailleurs dans un communiqué de presse du 14 janvier dernier que « les rectorats ne respectent pas la procédure, menant les étudiants et étudiantes face à un mur. » ([83])

Cela explique probablement le fait que, comme le souligne le HCERES, parallèlement à leur saisine, les étudiants engagent souvent des démarches complémentaires personnelles, ne serait-ce que par des recours gracieux directs auprès de leur établissement d’origine ou de ceux auprès desquels ils se sont portés candidats, démarches qui contribuent d’autant à affaiblir le rôle des recteurs. En d’autres termes, la rapidité de la réponse à leur demande est une exigence à la hauteur du stress dans lequel les refus plongent les candidats. Cela explique sans doute en partie le nombre assez important d’abandon de saisines qui est constaté – près de 2 500 en 2020.

d.   Un dispositif d’une efficacité relative

Ces différents aspects ne peuvent qu’interroger sur l’efficacité du système, comme le soulignent le HCERES ou le ministère. Celui-ci ne peut que constater une insatisfaction grandissante parmi les étudiants et une certaine lassitude tant dans les services rectoraux que dans les établissements du fait de la charge de travail considérable générée par ce dispositif. Pour sa part, le HCERES juge que, rapportée au nombre de propositions acceptées par rapport au nombre de dossiers recevables, tous paramètres confondus, cette efficacité existe mais demeure limitée puisqu’elle oscille entre 20 % et 35 %. Elle est toutefois en baisse constante depuis la mise en place du dispositif : elle était de 34,3 % en 2017, de 31,6 % en 2018, de 19,8 % en 2019 pour s’établir en 2020 à 20,8 %. D’un autre côté, on relève aussi que le taux de propositions a tendance à diminuer de manière régulière : à la rentrée 2017, 58 % des saisines avaient donné lieu à au moins une proposition, mais les chiffres pour les années suivantes sont de 54,6 % à la rentrée 2018, 48,7 % en 2019 et 39,5 % des saisines en 2020.

Dans le même ordre d’idées, d’autres observations peuvent être ajoutées au tableau, tel le nombre d’étudiants français n’ayant d’autres solutions que de poursuivre leurs études en Belgique, compte tenu d’une sélection à l’entrée en master drastique, comme le décrivait un article du journal Le Monde. Ou encore le fait que les contentieux administratifs, à l’origine de la crise de 2016, n’ont aujourd’hui pas disparu. S’ils ne sont pas encore très nombreux, ils attirent néanmoins l’attention, au point de susciter d’ores et déjà des articles dans la presse ([84]). Surtout, comme on l’a vu, ils entraînent parfois des condamnations de l’État pour préjudice envers les étudiants lésés par le mauvais fonctionnement du service « trouvermonmaster.gouv.fr ».


—  1  —

III.   Les recommandations

Comme les rapporteurs l’ont indiqué au long des développements précédents, les parties prenantes sont unanimement conscientes des difficultés d’application du dispositif institué par la loi de décembre 2016.

A.   Les pistes de rÉflexion

Selon les informations qui ont été communiquées aux rapporteurs, différentes réflexions ont suffisamment avancé pour que plusieurs axes d’amélioration se dessinent.

1.   L’accroissement des capacités d’accueil

Aux yeux des rapporteurs, la plus intéressante est relative à l’accroissement des capacités d’accueil en master, et spécifiquement dans les filières du droit, de l’économie-gestion, de la psychologie et de la biologie, qui sont actuellement les plus en tension. Selon les précisions qu’ont apportées Anne-Sophie Barthez et Katia Béguin, le Plan de relance lancé par le gouvernement permettra de financer de nouvelles places en M1 et d’aider les établissements qui en auraient besoin à en créer, à hauteur de 3 200 euros par nouvel étudiant. Il est toutefois encore prématuré d’indiquer le nombre de places qui pourraient être créées grâce à ces financements additionnels.

2.   Une révision du cadre réglementaire

Surtout, une modification très prochaine de l’article R. 612-36-3 apportera des changements concrets dans la mise en œuvre du droit à la poursuite d’études. La publication de ce décret est imminente, après qu’il a été discuté en CNESER en janvier dernier et soumis au Conseil d’État fin avril.

Cette révision du dispositif existant a vocation à préciser les conditions dans lesquelles les étudiants exercent la saisine. Ainsi que les rapporteurs l’ont indiqué, l’article L. 612-6 a lui-même été modifié par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Il est désormais expressément indiqué que l’étudiant doit avoir formulé plusieurs demandes d’admission infructueuses avant de pouvoir saisir le recteur. Il s’est agi, avec l’adoption de cet amendement, de renforcer l’efficacité de la recherche de master par les étudiants.

Aux termes de la nouvelle rédaction retenue pour l’article R. 612-36-3, lorsqu’il existe au moins deux universités dans sa région académique, l’étudiant devra justifier d’au moins cinq demandes d’admission dans des masters différents compatibles avec la mention de la licence qu’il a obtenue. Au moins deux de ces demandes devront concerner des mentions distinctes et avoir été adressées à deux établissements différents.

Comme on le voit, il s’agit d’une certaine manière de renforcer la « proactivité » des étudiants sur leur parcours, et de répondre ainsi au constat formulé par nombre d’observateurs selon lesquels les étudiants sont fréquemment attentistes et tardent parfois jusqu’aux dernières semaines avant de se positionner, voire même de se renseigner sur les possibilités de master auxquels il leur serait possible de postuler. En augmentant ces exigences, les possibilités de succès dans les démarches ainsi que de mobilité géographique s’en trouveront renforcées.

Tout en partageant l’idée que la diversification des choix et l’extension du champ de leurs possibilités étaient souhaitables, les syndicats d’étudiants ont regretté, lors du CNESER de janvier dernier, que la procédure soit désormais plus complexe et plus coercitive et ont plaidé pour que les établissements leur permettent d’être acteurs de leur propre orientation, en mettant à disposition les moyens nécessaires à leur accompagnement ([85]).

Dans les discussions préliminaires à cette modification du décret, il avait un temps été envisagé de ramener de trois à deux le nombre de propositions devant être faites à l’étudiant, compte tenu de l’extrême difficulté que cela représente pour les services rectoraux. Le projet de décret examiné en Conseil d’État le 20 avril dernier ne revient finalement pas sur cet aspect. En revanche, la priorité donnée jusqu’alors à l’établissement d’origine de l’étudiant disparaîtra : en d’autres termes, l’une des trois propositions devra simplement « concerner » cet établissement, à égalité avec deux autres.

Enfin, une commission « d’accès au deuxième cycle de l’enseignement supérieur » sera créée, afin d’examiner la situation des étudiants dont les démarches auprès du recteur ont été infructueuses. Cette commission sera réunie par le recteur de région académique et composée du recteur délégué à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation des régions académiques concernées, des représentants des services académiques, ainsi que des représentants de chacun des établissements de la région académique. Il est prévu qu’elle se réunisse selon un calendrier fixé par le ministre de l’enseignement supérieur. Il s’agira donc de donner des garanties aux étudiants afin de renforcer l’effectivité du droit à la poursuite d’études et d’éviter autant que faire se peut, grâce à un travail collectif des parties prenantes, de laisser un certain nombre d’étudiants « sur le carreau ». Selon les précisions qui ont été données aux rapporteurs, l’intérêt sera de la réunir suffisamment tôt, mi-septembre au plus tard, pour qu’elle puisse avoir un effet « accélérateur » et renforcer, voire forcer, le dialogue au niveau d’une région académique.

Il convient enfin de signaler que des dispositions du projet de décret étendent l’application de l’article R. 612-36-3 à la Nouvelle Calédonie et la Polynésie, qui n’étaient jusqu’alors pas concernées.

3.   Réfléchir aux calendriers

Comme on l’a vu, le temps est un facteur décisif dans les procédures qui se jouent pour les différentes parties prenantes à l’entrée des étudiants en master : temps des procédures d’inscription, temps d’étude des dossiers, de réception des réponses, de réaction, des saisines des instances rectorales, temps de la scolarité. Force est de constater que, à l’heure actuelle, ces divers calendriers coïncident mal.

C’est la raison pour laquelle l’une des suggestions formulées dans le rapport d’évaluation du HCERES porte sur la synchronisation des calendriers, à savoir celui des procédures d’accompagnement des rectorats avec celui de la procédure d’admission des établissements. Cela permettrait d’aplanir pour partie certains des obstacles à la fluidité du dialogue entre les différentes instances.

Dans cet ordre d’idées, pour le HCERES, la procédure pourrait être organisée en deux temps et en tout état de cause raccourcie, afin que plus aucune demande d’accompagnement rectoral ne soit possible au-delà du mois d’août sur le site « trouvermonmaster.gouv.fr ». Cela permettrait d’augmenter d’autant la période du dialogue entre rectorats et établissements afin de consacrer un temps plus long à la recherche des solutions pour les candidats. La sérénité et l’efficacité de ce dialogue, moins contraint et de fait plus constructif, en seraient renforcées.

Cela étant, les rapporteurs estiment également qu’il serait opportun que, d’une manière générale, une forme d’harmonisation des calendriers universitaires se dessine. Encore trop de disparités subsistent aujourd’hui entre établissements, voire au sein d’un même établissement, entre disciplines. L’une des évolutions à envisager pourrait consister à organiser la réflexion des étudiants sur leur projet de master dès le cinquième semestre de la licence, à savoir dès le début de la troisième année du premier cycle afin que, au plus tard au mois de mars, les choix soient faits.

Ce raccourcissement du calendrier de candidature permettrait un allègement de la charge de travail de jurys, dans la mesure où cela ne coïnciderait plus avec la période de correction des copies de fin d’année, et permettrait aussi aux étudiants, renforcés dans leur rôle d’acteur de leur propre parcours, de mûrir plus longuement, voire de diversifier leurs projets universitaires si ce n’est professionnel. L’ensemble des parties prenantes auditionnées par les rapporteurs partagent ce sentiment.

Cela étant, l’une des options actuellement à l’étude porte sur la transformation du téléservice en portail national et unique d’inscription, pour que les étudiants candidatent auprès des établissements. Cette solution permettrait de faciliter l’harmonisation des calendriers et de distinguer plus aisément deux phases identifiées : celle de la période initiale personnelle de candidature des étudiants et ensuite celle de la recherche de places par les recteurs pour ceux qui n’ont pas reçu de réponses positives. Cette évolution du portail permettra en outre de clarifier la question du point de départ à partir duquel court le délai de deux mois de réponse de l’administration. Si, lorsque la procédure est dématérialisée, la date de réception ne pose aucun problème, il peut en être différemment pour les envois postaux, dès lors que les envois recommandés avec accusé de réception ne sont pas exigés.

B.   Revaloriser la licence comme diplÔme d’insertion professionnelle

Enfin, l’un des aspects que les rapporteurs ont retrouvé tout au long de leurs auditions, sans doute exprimé par la totalité de leurs interlocuteurs, est celui de l’utilité respective des diplômes de licence et de master dans une perspective d’insertion professionnelle et, conséquemment, de la valeur supposément supérieure de celui-ci sur celle-là.

Cette question cruciale est tout sauf inconnue.

Les auteurs du rapport précité de l’IGAENR de 2005 s’y étaient intéressés et les rapporteurs ne voient aujourd’hui rien à retoucher à leur analyse : « La question touche également la place de la licence générale. Le cursus normal est désormais, dans l’esprit de tous, celui qui conduit au master. Cet allongement des études est-il, dans tous les cas, justifié ? Correspond-il à un besoin de l’économie ? Est-il accessible à tous les étudiants ? Il semble à la mission d’inspection que le souci de ‟l’employabilité” des diplômés de licence devrait exister et conduire, comme l’a souligné la commission de la pédagogie de la conférence des présidents d’université, ‟à doter les étudiants des compétences académiques et professionnelles nécessaires à leur insertion dans l’espace européen” et à reconnaître l’existence de finalités et de compétences propres à la licence”. La licence ne doit pas devenir un simple diplôme d’accès au master, comme le baccalauréat est le diplôme d’accès à l’enseignement supérieur, et se trouver ainsi dévalorisée. C’est aussi un diplôme terminal, susceptible d’apporter une qualification aux étudiants, et c’est dans ce but que son contenu devrait être conçu. » ([86])

Or, plus de quinze ans après, le constat reste identique. Les étudiants souhaitent poursuivre leur parcours par un master, considérant que la licence est une formation « de masse », qui ne répond pas aux besoins du marché du travail, comme l’ont indiqué notamment les syndicats de l’ESR auditionnés. Elle est pour eux très peu professionnalisante, et c’est la raison pour laquelle autant veulent poursuivre leurs études par un master. Les syndicats étudiants auditionnés appellent à cet effet à une grande réflexion sur la diversification du premier cycle et la professionnalisation des licences, l’enjeu majeur étant le niveau de qualification des jeunes et leur préparation aux différents métiers. Il s’agit donc d’accompagner les étudiants bien en amont de la fin de leurs études en licence, dès la première année. Or, en pratique, trop peu d’accompagnement est proposé, faute de conseillers d’orientation en université, et les étudiants sont laissés à eux-mêmes.

Dans ces conditions, se projeter sur une insertion professionnelle n’est pas aisé. Certes, des assouplissements ont été apportés avec l’arrêté relatif à la licence professionnelle adopté récemment ([87]) mais d’aucuns, tel Guillaume Gellé, estiment que plus de souplesse pourrait peut-être être introduite de manière à renforcer l’employabilité des licenciés, ce qui permettrait de régler pour partie la question de l’afflux des candidatures vers les masters. En d’autres termes, la revalorisation des diplômes de premier cycle auprès des étudiants comme des milieux économiques semble être une nécessité. Par ailleurs, cette approche permettrait de reposer la question du droit à la poursuite d’études dont l’articulation avec la formation tout au long de la vie n’a peut-être pas été suffisamment précisée. La valorisation des acquis de l’expérience n’est pas une perspective suffisamment perçue par les étudiants. Dans le domaine juridique, par exemple, de nombreux débouchés professionnels existent pour des diplômés de niveau licence, comme le soulignait Jean-Christophe Saint-Pau.

Tout se passe comme si, aujourd’hui, le refus d’admission à un master était vécu comme un échec par les intéressés, la mise sur une voie de garage. En conséquence, les rapporteurs considèrent que l’une des réflexions les plus importantes et urgentes à entreprendre, devrait être celle conduisant à la revalorisation de la licence.

Plusieurs axes sont à explorer de ce point de vue, qui permettraient entre autres de prendre en compte le fait que, comme Guillaume Gellé l’observait, à la différence des licences, les masters sont fortement adossés à la recherche et à la politique scientifique des universités. Il est difficilement envisageable pour cette raison qu’ils se développent de la même manière que les licences. Il ne peut y avoir autant de masters qu’il y a de licences et par conséquent, on ne peut créer des places en master de la même manière qu’en premier cycle, formaté pour l’accueil le plus large des bacheliers, comme l’a déterminé la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur.

Il y a donc une nécessité, d’une part, de travailler avec les étudiants sur leur projet professionnel en amont du master, dès la licence, et, d’autre part, d’accroître l’offre de licences professionnalisantes.

Ce dernier point suppose de progresser en ce sens avec l’ensemble des filières – alors que certaines, comme la psychologie, s’y sont toujours refusées –, ainsi qu’avec les milieux économiques, afin de trouver le bon équilibre, en adéquation avec les besoins.


—  1  —

   Travaux de la commission

La commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation a examiné le rapport d’évaluation de la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat lors de sa séance du mercredi 19 mai 2021.

À l’issue de sa présentation, en application de l’article 145 du Règlement, la commission a autorisé la publication du rapport d’information.

 

Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10789436_60a4bcb02fe82.commission-des-affaires-culturelles--adaptation-du-deuxieme-cycle-de-l-enseignement-superieur-franc-19-mai-2021

 

 


—  1  —

   annexe : Liste des personnes auditionnÉes par les rapporteurs

(par ordre chronologique)

 

            Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale, M. Pascal Gosselin, chef du département des formations des cycles master et doctorat, et M. Dimitri Champain, chargé de mission, chef de projet « trouvermonmaster.gouv.fr »

            M. Jean-Michel Jolion, conseiller en charge des politiques de site et des relations entre la science et la société au cabinet de la Ministre en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

            Table-ronde des syndicats des personnels de l’enseignement supérieur :

            Conférence des présidents d’université (CPU) (*)  M. Guillaume Gellé, vice-président, et M. Kevin Neuville, conseiller parlementaire

            Pr Jean-Christophe Saint-Pau, professeur de droit privé et sciences criminelles, doyen de la faculté de droit et science politique, président de la conférence des doyens et président de l'Association française de droit pénal, et Pr Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu, doyenne de la faculté de droit de l'Université de Strasbourg

            Me Florent Verdier, avocat au barreau de Bordeaux

            Table-ronde des syndicats étudiants :

            Mme Sandrine Crouzet, adjointe au chef de la délégation aux affaires européennes et internationales du MESRI

            Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) M. Thierry Coulhon, président, Mme Lynne Franjié, directrice du département d'évaluation des formations, et M. JeanMarc Geib, ancien directeur du département d’évaluation des formations

            Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) (*) M. Jacques Fayolle, président, M. Philippe Dépincé, président de la commission formation et société, et Mme Isabelle Schöninger, directrice exécutive

            Conférence des doyens et directeurs des UFR scientifiques (CDUS) – M. Jean-Marc Planeix, président, Mme Laurence Mouret, doyenne de la Faculté des sciences de Marseille et vice-présidente de la CDUS, et M. Jacques Moscovici, doyen de la Faculté des sciences et technologie, de l'Université Paris-Est Créteil Val de Marne, trésorier de la CDUS

            Mme Katia Béguin, rectrice de l’académie Orléans-Tours, présidente de la Conférence des recteurs

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


([1]) Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume- Uni, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

([2]) Audition de Sandrine Crouzet, déléguée adjointe pour l’enseignement supérieur à la Délégation aux affaires européennes et internationales du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, le 18 mars 2021.

([3]) « La mise en place du processus de Bologne en France et en Allemagne », Karin Serbanescu-Lestrade, thèse de doctorat en sciences de l’éducation, Paris X Nanterre, 2007, page 233 ; https://tel.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/358747/filename/BOLOGNE.PDF

([4])  « La mise en place du LMD (licence-master-doctorat) », IGAENR, rapport n° 2005-031, juin 2005.

([5]) Ainsi était-ce initialement orthographié

([6])  Décret n° 99-747 du 30 août 1999

([7]) Ratifiée par la loi n° 2003-339 du 14 avril 2003.

([8]) https://www.conseil-etat.fr/arianeweb/#/view-document/?storage=true  

([9])  Débat de contrôle sur la politique nationale en matière d’enseignement supérieur, Assemblée nationale, 17 février 2016 ; https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160131.asp#P728902

([10]) Voir infra : 3° : les règles d’accès en seconde année.

([11]) https://www.lesechos.fr/2016/09/najat-vallaud-belkacem-universites-une-loi-en-novembre-pour-un-master-reforme-a-la-rentree-2017-214241  

([12]) https://www.gouvernement.fr/argumentaire/reforme-du-master-un-droit-a-poursuite-d-etudes-pour-chaque-diplome-de-licence  

([13]) Article relatif à la validation des acquis de l’expérience : « Les études, les expériences professionnelles, les acquis personnels ou résultant de l'exercice d'un mandat électoral local ou d'une fonction élective peuvent être validés, dans des conditions définies par décret, en vue de l'accès aux différents niveaux de l'enseignement supérieur. »

([14]) Article 40 de la loi de programmation pluriannuelle.

([15]) Dans un avis du 21 janvier 2021, le Conseil d’État a précisé que cet article devait être « interprété comme s’appliquant aux refus d’admission tant en première qu’en deuxième année du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master. »

([16]) Délibération de la CNIL n° 2017-181 du 15 juin 2017.

([17]) Le 6 janvier 2021.

([18])  Sous réserve des règles relatives aux possibilités de redoublement arrêtées par chaque établissement après délibération de la CFVU.

([19]) Liste des auditions en annexe

([20])  Entretien au journal Les Échos, 14 août 2015.

([21])  Jean-Robert Pitte, ancien président de l'université Paris-IV (de 2003 à 2008), Le Figaro, 13 mars 2012.

([22])  Jean Chambaz, Christine Clérici, Barthélémy Jobert et Bruno Sire, « La sélection pour l'accès aux masters doit être plus forte dès l'entrée en licence », Le Monde, 26 août 2015

([23])  Jean Chambaz, président de l'université Pierre-et-Marie-Curie, Le Figaro, 25 février 2016.

([24])  Le Figaro, 8 août 2015.

([25]) Le Monde, 13 avril 2017, « Année ‟crash test” pour la sélection en master ».

([26]) Le Monde, 2 août 2017.

([27]) Débat de contrôle sur la politique nationale en matière d’enseignement supérieur, Assemblée nationale, 17 février 2016 ; https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160131.asp#P728902

([28])  Ce que la Cour administrative d’appel de Paris a précisé dans un arrêt du 5 février 2021.

([29])  Pour mémoire, faisant partie intégrante de la formation, les stages sont obligatoires et participent à la validation de l’année universitaire, via le rapport de stage soutenu à l’oral. À noter que dans le contexte de crise sanitaire actuelle, un calendrier particulier a été aménagé et prolongé jusqu’au 31 décembre 2021. Des modalités alternatives ont aussi été prévues : stage à distance ou remplacement du stage par une épreuve de mise en situation professionnelle au sein de l’université (circulaire ministérielle du 15 février 2021).

([30])  Marginalement, les responsables de master doivent aussi prévoir, dans leur capacité d’accueil, la situation des redoublants, qui, ayant été admis en M1, sont considérés comme ayant satisfait au processus de recrutement et ne pouvant y être de nouveau soumis.

([31]) Audition du 25 mars 2021.

([32])  « La sélection est justifiée principalement en raison d'un problème de débouchés. Les débouchés, c’est à la fois les places dans l'insertion professionnelle, et les places en stage. Il faut que les différentes professions soient capables d'absorber les étudiants diplômés. Ce n'est pas aux présidents d'université de pousser les murs ou pas. Si le master insère aujourd'hui les étudiants à des niveaux comparables à ceux des grandes écoles, avec des salaires similaires, c'est bien parce qu'on fait très attention aux flux et aux desiderata des professions. » Les Échos, 14 août 2015.

([33])  SIES, Note flash n° 24 ; décembre 2020 ; https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2020/23/2/NF_2020_24_IP_MASTER_num_1362232.pdf

([34]) Audition du 4 février 2021.

([35])  Audition du 4 février 2021.

([36]) « Dans l’enseignement supérieur, des activités extra-académiques de plus en plus stratégiques : dans un contexte de déclin des concours écrits et de la montée en puissance de la sélection sur dossier et oraux, les activités extra-académiques permettent aux candidats de se distinguer. Au risque d’accentuer les biais sociaux. » Alice Raybaud, Le Monde, 26 janvier 2020 ;

 https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/01/26/dans-l-enseignement-superieur-des-activites-extra-academiques-de-plus-en-plus-strategiques_6027250_4401467.html

([37]) Audition du 4 février 2021.

([38]) Sur ce point, la presse a pu rapporter les témoignages d’étudiants auxquels il a été indiqué qu’une moyenne inférieure à 12/20 était disqualifiante, tout comme un redoublement en cours de parcours en premier cycle, et que les étudiants extérieurs seraient préférés si leur dossier était meilleur ; Le Monde 28 septembre 2017, « Rentrée universitaire : les naufragés de la sélection en master. »

([39]) Audition du 25 mars 2021.

([40]) Audition du 25 mars 2021.

([41]) Audition du 6 janvier 2021.

([42]) Table ronde du 7 janvier 2021.

([43]) Audition du 4 février 2021.

([44])  Article L123-2

([45])  Article L123-3

([46])  Article L123-4

([47]) Contribution écrite remise aux rapporteurs.

([48])  Loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016, article 1er, II : « Au cours du dernier trimestre 2019, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur réalise une évaluation de l’application du troisième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation relatif à la poursuite d’études en deuxième cycle. Cette évaluation porte sur l’impact de ces dispositions sur la qualité de l’offre de formation en deuxième cycle ainsi que sur la sécurisation juridique des parcours. Elle est transmise au Parlement au plus tard le 1er mars 2020. »

([49]) Le Monde, 2 août 2017.

([50])  Par exemple Arielle Syssau, responsable du master psychologie de l’université Montpellier III, Le Monde, 13 avril 2017.

([51]) « Sélection en master : les étudiants s’insurgent contre l’impossibilité de poursuivre leurs études », Le Monde, 8 octobre 2020 ; https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/08/selection-en-master-des-etudiants-s-insurgent-contre-l-impossibilite-de-poursuivre-leurs-etudes_6055199_3224.html  

([52]) Contribution écrite remise aux rapporteurs

([53]) https://www.fage.org/news/blog-presidente-fage/fage-retrospective-2016-retour-sur-une-annee-riche-en-victoires.htm

([54]) https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2016-10-12,fage-reforme-du-master-garantie-de-poursuite-d-etude-une-victoire-par-le-dialogue-pour-les-etudiants.htm  

([55]) https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2018-01-31,fage-loi-master-la-fage-saisit-le-gouvernement-et-la-representation-nationale.htm  

([56])  https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2019-08-21,FAGE_Demandes_Masters.htm

([57]) Le Monde, 8 octobre 2020.

([58]) Le Monde, 27 janvier 2021.

([59]) Table ronde du 11 février 2021.

([60])  En ce sens, il convient de rappeler que le système de Bologne en lui-même ne prévoit rien en matière de sélection. Chaque pays détermine, le cas échéant, des règles d’accès aux cycles et certains pays, tel le Danemark, érigé en modèle par les syndicats étudiants, ne la pratiquent pas.

([61])  « Masters à l’université, embouteillages à l’entrée », Le Monde, 27 janvier 2021, https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/01/27/masters-a-l-universite-avis-d-embouteillages-a-l-entree_6067737_4401467.html

([62]) « Sélection en master : quel bilan du nouveau ‟droit à la poursuite d'études” », Le Monde, 16 février 2018.

([63]) Soit un taux de recevabilité progressant de 50 % à près de 60 % sur quatre ans. Les saisines non recevables se répartissent entre celles auxquelles les étudiants ne donnent eux-mêmes pas suite (2 948) et celles rejetées par les services rectoraux, environ 2 000.

([64])  Dans la mesure où plusieurs demandes d’admission peuvent concerner un même étudiant, le recteur étant tenu de faire au moins trois propositions aux étudiants qui le saisissent.

([65])  Comme le remarque le rapport du HCERES, il n’y a pas de visibilité sur les raisons pour lesquelles certains étudiants n’acceptent pas les propositions qui leur sont faites : certains peuvent avoir trouvé seuls une alternative dans ou hors master ; pour d’autres, la ou les propositions ne coïncidaient pas avec leur projet professionnel ; d’autres enfin, peuvent avoir reçu plusieurs réponses positives et n’en accepter qu’une.

([66]) Étudiants titulaires d’un autre diplôme qu’une licence alors que seul ce diplôme est éligible pour saisir le recteur, saisines hors délai, etc.

([67]) Le Monde, 26 octobre 2017.

([68])  Olivier Beaud, professeur de droit, Université de Paris II, Les Échos, 21 octobre 2016

([69])  Note flash du SIES, n° 4, février 2021.

([70]) Note flash SIES n° 7, juin 2020, « Les effectifs universitaires en 2019-2020. »

([71]) Note d’information du SIES, décembre 2020. https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2020/46/9/NI_2020_20effectif_superieur_1364469.pdf  

([72])  « Projections des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2019 à 2028 », note n° 20.05, SIES, https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2020/57/1/NI_05_1276571.pdf; avril 2020. (CPGE : Classes préparatoires aux grandes écoles)

([73]) Contribution écrite remise aux rapporteurs

([74]) Audition du 25 mars 2021.

([75]) Sur 62 au niveau national

([76]) Le Monde, 2 août 2017.

([77])  Cet aspect n’est pas anodin, dans la mesure où désormais ce ne sont plus seulement les universités qui sont poursuivies et condamnées, mais aussi l'État. Ainsi, certains tribunaux administratifs – Paris, en août et octobre 2018, Bordeaux, en septembre 2020 – ont-ils jugé que le fait pour le recteur de ne pas proposer trois choix de master devait être considéré comme une faute engageant la responsabilité de l'État justifiant l’indemnisation du préjudice subi par l'étudiant.

([78]) Voir supra, p. 21 : a. Le souhait des universités enfin exaucé

([79]) Selon les services du ministère, il s’agit d’un verrou technique qui disparaîtra avec l’instauration d’une règle permettant à chaque recteur de transmettre entre cinq et huit demandes hors de son académie sans filtre d’entrée.

([80]) Le Monde, 16 février 2018.

([81])  Le Figaro, 5 octobre 2016.

([82]) Audition de l’UNEF et de la FAGE, 11 février 2021.

([83])  https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2021-01-14,CDP-Poursuite-Etude-Master-Procedure-Complexifiee.htm

([84]) https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/01/27/les-recours-des-sans-master-se-jouent-devant-les-tribunaux_6067736_4401467.html

([85])  https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2021-01-14,CDP-Poursuite-Etude-Master-Procedure-Complexifiee.htm

([86]) Rapport IGAENR, page 29

([87]) Arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle