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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er Juin 2021
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux outre-MER
sur l’enseignement
dans les Outre-mer dans les territoires en dépression démographique
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PAR
MM. David LORION et Max MATHIASIN
Mmes Danièle OBONO et Cécile RILHAC
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
I. un contexte éducatif difficile
A. Des conditions d’enseignement défavorables
a. Une géographie handicapante
b. Des conditions climatiques éprouvantes
c. Des conditions socio-économiques précaires
d. Des effectifs scolaires hétérogènes
e. Un fort nombre de jours d’enseignement perdus
f. Une scolarisation difficile des élèves en situation de handicap
i. La difficile détection des élèves en situation de handicap
ii. Le manque de dispositifs scolaires adaptés
iv. Les faibles perspectives d’avenir proposées par les classes spécialisées
2. Des moyens matériels déficients
a. Un bâti vétuste et dangereux
b. Un transport scolaire inadapté
c. Un nombre insuffisant d’internats
d. Une restauration de mauvaise qualité
e. Une fracture numérique persistante
B. Un taux de décrochage scolaire supérieur à la moyenne nationale
1. La persistance de difficultés scolaires
a. Des taux de réussite au baccalauréat très satisfaisants
b. Un échec scolaire persistant
c. Une inadéquation au marché local de l’emploi
2. La mise en place d’une politique volontariste pour contrer l’échec scolaire
a. La déclinaison de dispositifs nationaux
b. Des dispositifs nationaux adaptés
C. Une logique comptable inadaptée
1. Des départements en dépression démographique
a. Des départements privés de leurs forces vives
b. Une diminution continue des postes d’enseignants
2. Un taux d’encadrement en trompe l’œil
c. La difficulté à pourvoir aux remplacements
II. Des moyens pédagogiques et matériels adaptés aux réalités locales
A. Relever les défis pédagogiques
1. La nécessité de la maîtrise du français en milieu créolophone
a. Les langues créoles comme levier pour l’apprentissage du français
b. Un vecteur pour l’estime de soi
c. Un enseignement confronté à des difficultés
ii. Un enseignement concurrencé
d. Favoriser l’enseignement des langues régionales
2. Des outils innovants pour contrer l’échec scolaire
a. Une carte académique actualisée
b. Des solutions innovantes pour adapter le projet pédagogique
i. Éviter les ruptures pédagogiques
ii. Apprendre l’anglais dès le plus jeune âge
c. Une planification des besoins économiques
3. La mobilisation des équipes éducatives
a. La mobilisation de l’encadrement intermédiaire
b. Une vraie politique de formation continue des enseignants
B. garantir de meilleures conditions d’enseignement
1. De meilleures conditions scolaires d’apprentissage
a. Le maintien d’effectifs réduits par classe
b. Une adaptation des rythmes scolaires
c. La réduction de la fracture numérique
2. De meilleurs moyens matériels
a. Une plus grande flexibilité des transports scolaires
b. Un programme ambitieux d’ouverture d’internats
c. Une restauration scolaire adossée à la production locale
d. La poursuite de l’amélioration du bâti scolaire
III. LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES À L'éCOLE
A. La question de la pédocriminalité au sein de l’éducation nationale
2. Des dispositifs améliorés en cas de suspicion ou de faits avérés
a. Des règles claires en cas de suspicion
b. L’application de sanctions à visée dissuasive
3. Une absence de faits documentés s’agissant des mutations d’enseignants
B. La lutte contre les violences sexuelles et sexistes en milieu scolaire
1. L’école comme cadre de prévention
2. L’école comme cadre de repérage
a. Accroître la qualification et le nombre des personnels
b. Mieux adapter la prise en charge des victimes
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À la suite de l’annonce de suppressions conséquentes de postes d’enseignants pour la rentrée 2020-2021 couplée à celle d’une réforme des retraites, les Antilles connaissent à partir de décembre 2019 un mouvement social de grande ampleur, entraînant l’arrêt des cours dans les établissements scolaires publics. À cette occasion, la Délégation aux outre-mer décide de créer une mission d’information sur l’enseignement, chargée d’examiner la situation dans trois départements confrontés à un vieillissement de leur population, la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion. Par ailleurs, la mission a choisi également d’éclaircir les propos de l’ancienne ministre déléguée à l'enseignement scolaire, Mme Ségolène Royal, sur la question de la mutation des enseignants soupçonnés d’agissements pédocriminels notamment en outre-mer.
La mission a conduit une vingtaine d’auditions en visio-conférence, entendant notamment les recteurs, les syndicats d’enseignants nationaux et locaux, les fédérations de parents d’élèves ainsi que des associations. Les ministères par l’intermédiaire de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) pour l’Éducation nationale et la direction générale des outre-mer (DGOM) pour celui de l’outre-mer ont aussi été auditionnés.
Dans un premier temps, les Rapporteurs dressent le constat d’un contexte éducatif difficile marqué par de fortes contraintes. Les conditions climatiques éprouvantes, les risques naturels extrêmes ou l’environnement socio-économique précaire sont autant de facteurs pénalisants auxquels s’ajoutent des conditions matérielles d’enseignement défavorables, comme un bâti vétuste, voire dangereux, des transports scolaires inadaptés, une restauration scolaire de mauvaise qualité et insuffisante.
Ces conditions se traduisent par un fort taux de journées d’enseignement perdues et des difficultés à scolariser les enfants en situation de handicap.
Enfin, les Rapporteurs soulignent un échec scolaire persistant. Malgré la mise en œuvre de politiques pour contrer le décrochage scolaire, les résultats demeurent décevants au regard des moyens mis en œuvre. Le plus dommageable est la persistance d’un taux d’illettrisme de l’ordre de 30 % largement supérieur à la moyenne nationale.
Les Rapporteurs, dans un deuxième temps, proposent donc plusieurs pistes pour remédier à ces dysfonctionnements et formulent 56 recommandations.
Tout d’abord, ils insistent sur la nécessité de dépasser une logique comptable, qui va à l’encontre du contexte éducatif difficile que subissent ces académies. En effet, des effectifs réduits par classe permettent de meilleures conditions d’apprentissage.
Enfin, plutôt que de décliner des mesures nationales, il serait plus opportun de mettre en place des solutions innovantes adaptées aux réalités locales. En premier lieu, les Rapporteurs recommandent de favoriser l’enseignement des langues créoles comme vecteur d’apprentissage du français dans le premier degré pour parvenir enfin à éradiquer l’illettrisme. En deuxième lieu, ils encouragent la valorisation et la généralisation d’innovations pédagogiques mises en œuvre par les recteurs comme la transition entre les cycles scolaires ou l’apprentissage de l’anglais dès le plus jeune âge.
Pour assurer le succès de ces dispositifs innovants, la communauté éducative doit se mobiliser. Les Rapporteurs insistent sur l’implication de l’encadrement intermédiaire et la nécessité d’une remise à niveau de la formation continue des enseignants.
Par ailleurs, ils soulignent que les conditions matérielles d’enseignement doivent être améliorées, cette donnée souvent ignorée est pourtant primordiale. Les transports scolaires doivent être adaptés aux horaires des cours et plus flexibles, une restauration scolaire de qualité doit être offerte à chaque élève et la fracture numérique réduite.
Dans un troisième temps, les Rapporteurs se sont penchés sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein de l’école. En premier lieu, s’agissant des mutations d’enseignants soupçonnés d’actes pédocriminels en outre-mer, si elles avaient eu lieu, elles n’auraient pu se dérouler qu’avant les années 2000 mais aucune preuve n’a été apportée en ce sens.
En deuxième lieu, les Rapporteurs proposent des recommandations afin de renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein de l’école. Cette dernière a un rôle à jouer comme cadre de prévention et de repérage.
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I. un contexte éducatif difficile
Étudier et enseigner dans les académies des Antilles et de La Réunion s’effectuent dans des conditions très différentes de celles de l’Hexagone. Si les programmes scolaires et les examens sont similaires, l’environnement éducatif est marqué par de fortes contraintes. Les conditions climatiques éprouvantes, les risques naturels extrêmes ou l’environnement socio-économique précaire sont autant de facteurs défavorables auxquels s’ajoutent des moyens matériels déficients, comme un bâti vétuste, voire dangereux, des transports inadaptés ou une restauration scolaire de mauvaise qualité. Un fort taux d’échec scolaire et d’illettrisme persiste malgré des progrès notables.
Ces trois académies, en dépression démographique plus ou moins marquée, connaissent depuis une dizaine d’années une diminution de leurs effectifs scolaires qui va de pair avec des suppressions continues de postes d’enseignants. Cette logique purement comptable va à l’encontre du contexte éducatif difficile que subissent ces académies.
A. Des conditions d’enseignement défavorables
Les conditions d’enseignement dans ces trois académies s’effectuent dans un environnement difficile, marqué par une géographie handicapante, un climat extrême, une forte présence d’élèves allophones, des conditions socio-économiques précaires. Ces conditions se traduisent par un fort taux de journées d’enseignement perdues et des difficultés à scolariser les enfants en situation de handicap. De plus, les conditions matérielles dans lesquelles les élèves doivent étudier sont également insatisfaisantes : bâti vétuste, voire dangereux, transports scolaires inadaptés, voire inexistants, restauration scolaire de mauvaise qualité ou fracture numérique importante.
a. Une géographie handicapante
Territoires insulaires comprenant des régions montagneuses ou des zones rurales isolées difficiles d’accès, ces académies doivent faire face à des contraintes de transport scolaire. De nombreux élèves sont soumis à de longs trajets avant d’accéder à leur établissement, voire sont contraints de loger dans un internat. En Guadeloupe, le caractère archipélagique du territoire (îles du Nord, les Saintes, Marie-Galante et la Désirade) accentue cette question.
Par ailleurs, ces académies sont aussi confrontées à de forts risques naturels aussi bien cycloniques que sismiques.
b. Des conditions climatiques éprouvantes
Bien que ces territoires bénéficient de climats tropicaux, la majorité des établissements scolaires ne sont pas climatisés et souvent mal ventilés. Ces conditions climatiques extrêmes affectent également l’entretien du bâti et des équipements qui se détériorent plus rapidement que dans l’Hexagone. Les établissements antillais subissent aussi des coupures d’eau potable qui s’avèrent particulièrement problématiques pour le respect des protocoles sanitaires durant la pandémie de COVID.
c. Des conditions socio-économiques précaires
L’environnement familial des élèves, que ce soit la forte proportion de familles monoparentales et de foyers en dessous du seuil de pauvreté ou des conditions d’habitation précaires, joue sur leurs résultats scolaires.
Dans ces académies, plus d’un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En 2017, à La Réunion, ce taux touchait 42 % des habitants et 47 % des mineurs, en Guadeloupe 34 % de la population et en Martinique 33 % de la population vivaient en dessous du seuil de pauvreté tandis que la moyenne dans l’Hexagone s’élevait à 14 %. ([1]) En Guadeloupe, un élève sur deux est boursier. Quant à Saint- Martin, il demeure un territoire oublié.
C’est ainsi que le prix des fournitures scolaires, trois fois plus élevé que dans l’Hexagone, est d’autant plus préjudiciable. Une enquête menée par l'UDAF (Union départementale des associations familiales) en Martinique sur le coût de la rentrée scolaire 2020-2021 a constaté que les prix des fournitures demandées par les établissements avaient enregistré une hausse de + 34 % dans la grande distribution cette année 2020 par rapport à 2019.
Lors de leurs auditions, le Syndicat national des enseignants de second degré (SNES-FSU) et le Syndicat national des collèges et des lycées affiliés à la Fédération autonome de l’éducation section de la Guadeloupe (SNCL-FAEN) se sont accordés à constater que les difficultés scolaires étaient liées aux situations sociales défavorisées dans lesquelles évoluaient les élèves. Ainsi, le Syndicat des personnels de l'éducation en Guadeloupe (SPEG) relève que 60 % des élèves scolarisés en REP+ en Guadeloupe sont issus de milieux précaires.
M. Pierre-Emmanuel Bartier chef de bureau par intérim à la direction générale des outre-mer (DGOM) a, de son côté, rappelé que le faible niveau d’instruction de certaines familles pénalise les élèves qui ne peuvent être accompagnés dans leur scolarité et conditionne la poursuite d’études supérieures. Or, la Cour des comptes ([2]) a relevé que la part des parents de référence sans diplôme ou possédant au plus le brevet des collèges atteignait 44 % à La Réunion, 35 % en Guadeloupe et 31 % en Martinique pour une moyenne nationale de 22 %.
d. Des effectifs scolaires hétérogènes
Ces trois académies doivent faire face à des flux migratoires non maîtrisés particulièrement dans les territoires antillais. La scolarisation d’élèves allophones provenant d’Haïti, de la Dominique, de la République dominicaine ou de Sainte Lucie est une source de difficulté supplémentaire. En Martinique, les chiffres recensés par les services de l’académie tournent autour de 250 élèves. Ils représentent 0,5 % des élèves du premier degré et 0,4 % de ceux du second degré. En Guadeloupe, ils seraient autour de 850 soit 1 % des élèves. Des classes dédiées, les Unités pédagogiques pour élèves allophones et arrivants (UPE2A) leur sont normalement réservées au collège afin de leur apprendre le français et de les intégrer progressivement au système scolaire. Dans les faits, tous ne bénéficient pas d’une telle prise en charge et viennent accroître les effectifs des classes. C’est pourquoi, les Rapporteurs préconisent de renforcer ce dispositif.
Par ailleurs, comme l’ont souligné les syndicats d’enseignants de Guadeloupe, le nombre de ces élèves n’est connu qu’au fur et à mesure de leur arrivée ce qui complique l’organisation des classes.
e. Un fort nombre de jours d’enseignement perdus
La Cour des comptes ([3]) souligne une particularité dans les départements antillais et réunionnais, à savoir un nombre de jours réels d’enseignement par élève présent inférieur à la moyenne nationale ; en cause des absences liées aux conflits sociaux récurrents, aux évènements climatiques extrêmes ou encore à l’existence d’une tolérance pendant la période du carnaval. La rectrice de Guadeloupe, Mme Christine Gangloff-Ziegler, s’est livrée au même constat. Depuis la rentrée, 20 % de jours de classe ont déjà été perdus, du fait de grèves, de coupures d’eau, d’échouages de sargasses ou d’opérations de dératisation.
L’Union des parents d’élèves de Martinique (UPEM) a abondé en ce sens, déplorant un fort nombre d’heures perdues dans l’académie de Martinique lors des grèves et du confinement en 2020. De plus, aucune information sur le rattrapage de ces heures perdues ne lui a été fournie. C’est pourquoi, les fédérations de parents d’élèves de Martinique souhaiteraient un audit afin de disposer d’informations fiables sur ces sujets.
f. Une scolarisation difficile des élèves en situation de handicap
Selon les services de l’Éducation nationale, à la rentrée 2019, 2,8 % des élèves des académies des Antilles et de La Réunion scolarisés en milieu ordinaire étaient en situation de handicap. Cette proportion est similaire à celle observée au niveau national, de l’ordre de 2,9 %. Si l’on affine, le taux d’élèves scolarisés dans le second degré en Martinique qui s’élève à 3,9 % est supérieur à la moyenne nationale de 2,9 %. Les trois académies comptent 438 Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) qui accueillent 41 % des élèves en situation de handicap.
Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) sont déployés sur la totalité des écoles et établissements de Martinique et de La Réunion. Le déploiement est en cours en Guadeloupe.
Lors des auditions, plusieurs difficultés ont été rapportées concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap dans les outre-mer.
Pour les fédérations de parents d’élèves, l’UPEM à la Martinique ou la Fédération des associations de parents d’élèves de Guadeloupe (FAPEG) pour les parents, la scolarisation de leurs enfants en situation de handicap s’apparente à un véritable combat.
i. La difficile détection des élèves en situation de handicap
Faute de structures médico-sociales et de personnels qualifiés suffisants, le repérage des situations de handicap chez les enfants est difficile. En effet, les dispositifs de prévention ne sont pas toujours mis en œuvre et les outils de diagnostic et d’orientation peuvent être inadaptés. Lorsque le diagnostic est posé, le traitement du dossier peut être long, les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) disposant de moyens limités. Ce délai implique d’importants retards dans la mise en œuvre du plan de scolarisation adaptée. À La Réunion, le syndicat SNES-FSU a déploré une attente d’au moins six mois avant toute notification par la MDPH ; quant aux consultations de spécialistes, les délais sont encore plus longs dans ce département, il faut compter un an avant toute première prise de contact avec un orthophoniste.
ii. Le manque de dispositifs scolaires adaptés
Malgré l’insuffisance des structures scolaires d’accueil des élèves en situation de handicap de nombreuses classes de type ULIS et sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) sont fermées quand bien même les élèves pouvant relever de ces dispositifs progressent. Comme l’a rappelé, lors de son audition, M. Jean-Marie Panazol inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, en Martinique en deux ans le nombre d’élèves en SEGPA a progressé de 10 % et de 14 % en ULIS. Une des conséquences de la fermeture de ces classes spécialisées est l’augmentation des effectifs scolaires en leur sein. Ainsi, comme l’ont relevé les syndicats alors que les classes ULIS du premier et second degré doivent contenir, au maximum 12 élèves, ce nombre atteint les 18 en Martinique et en Guadeloupe avec pour corollaire un accompagnement personnalisé de moindre qualité. Selon le syndicat SNES-FSU, la mise en valeur du recours à l’inclusion scolaire masque ce déficit de classes spécialisées.
Dans les trois académies, des ouvertures de classes de type ULIS dans le second degré sont donc nécessaires.
Le syndicat SPEG estime que, pour répondre aux besoins guadeloupéens croissants, 14 coordonnateurs, 10 ULIS collèges et 2 ULIS lycées supplémentaires seraient requis.
À La Réunion, l’académie dispose de 235 ULIS mais constate des manques au collège et au lycée.
C’est pourquoi, les Rapporteurs recommandent l’ouverture de classes supplémentaires de type ULIS.
Tous les élèves en situation de handicap ne bénéficient pas des moyens auxquels ils ont droit. D’ailleurs, selon les services de l’Éducation nationale, 57 % des élèves en situation de handicap de ces trois académies bénéficient d’un accompagnement humain. Par exemple, en Martinique, la moitié des élèves en situation de handicap ne bénéficie pas d’un accompagnant d’enfant en situation d’handicap (AESH). En outre, aucun IME ([4]) ou SESSAD ([5]) n’est prévu pour prendre en charge les enfants en situation de handicap. Enfin, il n’existe qu’une seule unité d’enseignement externalisée maternelle.
À La Réunion, le nombre de notifications par les MDPH a augmenté pour représenter 6 000 élèves soit 3 % des effectifs scolaires de l’île. La rectrice Chantal Manès-Bonnisseau a reconnu qu’il était difficile de répondre à toutes les demandes, et même en mutualisant les AESH, 700 élèves resteraient sans accompagnement. Les syndicats de La Réunion sont opposés à la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) qui, selon eux, sous couvert de mutualisation des moyens humains, entraîne une offre dégradée.
En Guadeloupe, le syndicat SNCL-FAEN a regretté la mauvaise prise en charge des déficients visuels ou des autistes (sur les 43 ULIS au collège, seuls deux peuvent les accueillir).
Les AESH sont recrutés en tant qu’agents contractuels de droit public pour trois ans et peuvent être renouvelés une fois avant leur CDIsation. Selon le syndicat SGEN-CFDT de La Réunion, ces auxiliaires devraient bénéficier d’un contrat à temps plein et recevoir une formation spécialisée.
Les Rapporteurs suggèrent donc d’accroitre le nombre d’AESH, de favoriser les contrats à temps plein et de renforcer leur formation initiale et continue.
La fédération de parents d’élèves FAPEG a, quant à elle, déploré que le bâti scolaire ne soit pas adapté pour des enfants présentant un handicap moteur.
Outre le manque de personnels qualifiés, les acteurs du monde éducatif ne sont pas suffisamment formés à la gestion et à l’appréhension des élèves en situation de handicap. Par exemple, en Martinique, la scolarisation des enfants sourds est confiée à des associations. De plus la FAPEG a regretté le manque de formation de certains enseignants qui se détournent de ces enfants. L’ancien recteur de La Réunion M. Vêlayoudom Marimoutou s’est livré à la même analyse, regrettant le manque de formation des enseignants pour accompagner ces enfants et leurs parents. Ainsi, les Rapporteurs plaident pour une plus grande sensibilisation des enseignants à la détection et à la prise en charge des élèves en situation de handicap.
iv. Les faibles perspectives d’avenir proposées par les classes spécialisées
L’orientation proposée par les établissements de type ULIS est restreinte. Dès lors, les syndicats d’enseignants estiment que les élèves qui y sont scolarisés ne bénéficient d’aucune perspective pour l’après-lycée. Le syndicat SNCL-FAEN partage ce même constat s’agissant des SEGPA, qui n’offrent pas en 3ème des champs professionnels en adéquation avec l’offre en lycée professionnel.
2. Des moyens matériels déficients
a. Un bâti vétuste et dangereux
Les conditions climatiques vieillissent prématurément les locaux scolaires mais le plus préoccupant est le retard pris pour leur mise aux normes sismiques aux Antilles. Selon le syndicat SNES-FSU, peu d’établissements sont aux normes sismiques en Guadeloupe alors même que le rapport de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) sur la vulnérabilité sismique classe en zone rouge la majorité des écoles de ce département.
Le Plan séisme Antilles qui s’étale sur une trentaine d’année est loin d’avoir atteint ses objectifs. En Martinique selon les services de l’académie, 64 % des effectifs scolaires étudient dans un environnement vulnérable aux séismes.
En Guadeloupe, en 2019, 35 % des écoles, 34 % des collèges et 19 % des lycées sont aux normes sismiques selon la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler.
L’état des lieux dressé pour les objectifs de la troisième phase du Plan séisme Antilles ([6]) fait état de 58 écoles, 9 collèges et 3 lycées mis aux normes au 31 décembre 2019. Des travaux de mise en conformité ont eu lieu dans 25 écoles, 4 collèges et 4 lycées.
À La Réunion, le syndicat SNES-FSU a rappelé que la plupart des établissements scolaires avaient été construits dans les années 1970-1980 et nécessitaient d’être rénovés.
Une des difficultés tient aux finances dégradées des collectivités territoriales dont relèvent la construction et l’entretien des établissements scolaires. Ainsi, la forte progression du nombre des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) occasionne des dépenses incompressibles pour les départements dont relève l’entretien des collèges.
Lors de leur audition, les syndicats se sont accordés à déplorer la situation catastrophique du bâti scolaire, un lycée en Guadeloupe a même été fermé pour dératisation. Le matériel élémentaire comme les éponges et la craie manque. De plus, la plupart des établissements devraient été désamiantés. À ce titre, le syndicat UNSA plaide pour un audit général du bâti scolaire.
Comme l’a rappelé le recteur de Martinique M. Pascal Jan, le mauvais état de ces infrastructures (bruit permanent, pas de climatisation) contribue à des conditions d’enseignement difficiles, même avec des classes de 20 élèves.
b. Un transport scolaire inadapté
Sur les trois territoires, les conditions de transport scolaire sont pénalisantes et ne correspondent pas aux amplitudes horaires des cours notamment pour les filières professionnelles assurées que dans certains établissements. De manière générale, les conditions difficiles de circulation obligent de nombreux élèves à se lever dès 4 heures du matin, occasionnant de la fatigue et un déficit de concentration dans la journée.
Une autre difficulté en Martinique tient au faible nombre de rotations dans la région Nord (une le matin et une le soir) ce qui occasionne un ramassage groupé de plusieurs établissements dont les cours débutent à des horaires différents, d’où une amplitude horaire de la journée importante pour les élèves. Par ailleurs, le service n’est pas assuré le samedi matin.
Enfin, le mode de gestion de ces transports que ce soit en régie ou en délégation de service public, qui nécessite la conclusion de marchés, ne permet pas de souplesse si de nouveaux besoins apparaissent en cours d’année.
Une autre difficulté, le coût de ces transports, se pose avec acuité pour les élèves des îles de Guadeloupe. Ceux de Marie Galante, des Saintes ou de la Désirade doivent prendre le bateau pour poursuivre leur scolarité dans le second degré et s’acquitter d’une traversée dont le prix oscille entre 26 euros et 43 euros. Quant aux élèves de Saint-Martin et de Saint- Barthélemy ils doivent se rendre en avion pour poursuivre leur scolarité dans un lycée en Guadeloupe.
c. Un nombre insuffisant d’internats
En raison de ces difficultés de transports scolaires évoquées supra, l’accueil des élèves en internat est primordial.
De nouveau, plusieurs difficultés coexistent. La première est le nombre insuffisant de places proposées.
En Martinique, 65 demandes sont restées en attente à la rentrée 2020. De plus, seules 82 % des capacités sont occupées en raison de la vétusté des locaux.
Quant aux élèves des collèges, ils doivent occuper des places dans des internats destinés aux lycéens.
La deuxième contrainte tient aux conditions d’ouverture de ces internats. En Martinique, sur les 10 établissements, un seul est ouvert le week-end et durant les petites vacances. En Guadeloupe, aucun établissement n’offre cette possibilité, ce que regrette le syndicat UNSA car cette absence pénalise les élèves des îles, tributaires des rotations des navettes maritimes qui ne correspondent pas toujours aux horaires de cours et leur occasionnent ainsi des retards.
À La Réunion, cette question se pose moins, comme l’a rappelé la rectrice Mme Chantal Manès-Bonnisseau, car les familles sont peu enclines à la mobilité de leurs enfants au sein du département à l’exception des circonscriptions de Cilaos et de Salazie.
d. Une restauration de mauvaise qualité
La question de la restauration scolaire est également cruciale car pour beaucoup d’élèves, le déjeuner est l’unique repas chaud et équilibré de la journée.
Parmi les critiques récurrentes figure la qualité inégale des repas selon les communes. Selon le syndicat SNES-FSU, le secteur de la restauration scolaire pâtit d’une absence de concurrence en Martinique d’où sa piètre qualité, particulièrement dommageable alors que l’île fait face à des problèmes d’obésité et de diabète. L’étroitesse du marché entraîne un monopole de fait. Peu de prestataires privés sont en capacité de produire dans des volumes suffisants, et les opérateurs publics comme les caisses des écoles sont plus chères.
Dans le second degré, les établissements ne disposent pas tous de cuisines centrales et doivent recourir à des prestataires privés. Selon les services de l’académie de Martinique, 28 collèges sur 43 sont en production propre ou fournis par des cuisines centrales d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), 15 sont sous contrat avec une société privée. S’agissant des 23 lycées, 12 sont en production propre, 9 fournis par des cuisines centrales d’EPLE et 3 sont sous contrat avec une société privée. Il a d’ailleurs été observé que dans les établissements publics qui avaient sous-traité avec une société privée le nombre d’élèves en demi-pension chutait dès la fin septembre ; les jeunes préfèrent acheter leur repas dans des roulottes à l’extérieur.
Deuxième difficulté, le nombre insuffisant de cantines, ce qui rend leur accès inégal selon le territoire. Ainsi en Martinique et en Guadeloupe le nombre de places ne peut répondre à la demande, particulièrement au collège.
e. Une fracture numérique persistante
Les taux d’équipement numérique dans les établissements sont globalement inferieurs à la moyenne nationale.
En Martinique, 22 % des élèves ne bénéficient pas d’équipement numérique au sein de leur établissement. La situation est particulièrement tendue dans le premier degré où 26 % des écoliers ne disposent pas d’ordinateur.
De manière générale, le parc numérique est vieillissant et souffre d’un mauvais entretien rendu d’autant plus nécessaire par le climat et l’air salin qui l’endommagent. Les connexions sont hasardeuses, les territoires comportent des zones blanches ou grises notamment sur les îles de Guadeloupe. Par ailleurs, les forfaits internet restent onéreux.
Enfin, beaucoup de familles ne disposent pas d’équipement à la maison ou doivent se partager un ordinateur, ce qui rend l’enseignement à distance difficile.
Ce constat s’est révélé particulièrement criant lors de la crise sanitaire. Selon l’UPEM, au moins 25 % des élèves n’ont pu bénéficier de la continuité pédagogique contre 5 % dans l’Hexagone. La fédération observe que les inégalités entre élèves se sont accentuées, soit par manque de matériel informatique, soit par des conditions matérielles précaires.
B. Un taux de décrochage scolaire supérieur à la moyenne nationale
Ces conditions pénalisantes expliquent, en partie, les difficultés scolaires persistantes au sein de ces trois académies. Si de gros progrès ont été constatés dans l’évolution des taux de réussite au baccalauréat, le décrochage scolaire demeure important.
1. La persistance de difficultés scolaires
a. Des taux de réussite au baccalauréat très satisfaisants
Ce n’est pas le moindre des paradoxes du paysage éducatif antillais et réunionnais. Comme l’ont relevé les inspecteurs généraux de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) MM. Jean‑Marie Panazol et Guy Weiss, le taux de réussite au baccalauréat dans les académies de Martinique et de Guadeloupe est comparable à celui de Lille.
En effet, en 2018, le taux de réussite au baccalauréat général et technologique qui était de 90 % sur l’ensemble du territoire est similaire à celui de La Réunion qui affichait un taux de réussite de 89,4 % ; il s’en approchait en Guadeloupe avec un taux de 87,8 % et en Martinique avec un taux de 83,4 %. La Réunion est le territoire où cette progression a été la plus forte, le taux de réussite qui était de 66 % en 1997 est passé à 93 % en 2019.
Les parents et enseignants sont en demande d’un fort niveau d’exigence scolaire conduisant à une forme d’élitisme et aggravant le décrochage scolaire pour les plus fragiles. Cette déperdition d’élèves se constate à l’entrée au collège, au lycée ou en première année de BTS selon M. Jean‑Marie Panazol. La rectrice de Guadeloupe, Mme Christine Gangloff-Ziegler, s’est livrée à la même analyse : les résultats au baccalauréat sont bons car la partie des élèves en difficulté a délaissé le cursus scolaire avant de s’y présenter.
Le vrai défi consiste donc selon ces inspecteurs généraux à faire progresser l’ensemble des élèves et à accentuer les outils pédagogiques de lutte contre le décrochage scolaire. Ce point sera abordé dans la deuxième partie du rapport.
b. Un échec scolaire persistant
Le taux d’illettrisme dans ces trois académies est largement supérieur à la moyenne nationale.
Selon les dernières données de la journée défense et citoyenneté de 2019, le taux de jeunes âgés de 16 à 26 ans rencontrant des difficultés dans le domaine de la lecture sur le territoire national s’élève à 11,8 %. En Guadeloupe, Martinique et à La Réunion ce taux atteint 30 %. Si l’on affine les résultats, en Guadeloupe 30 % de jeunes présentent des difficultés de lecture, 16,5 % connaissent des difficultés sévères et 13,5 % possèdent de très faibles capacités dans ce domaine. En Martinique, ce sont 35 % de jeunes qui font face à des difficultés de lecture, 22,5 % à des difficultés sévères et 12,5 % montrent de très faibles capacités. Quant à Saint-Martin, 50 % des jeunes rencontrent des difficultés de lecture.
Cet écart avec l’Hexagone est d’autant plus inacceptable que le système éducatif dans les départements ultramarins y est similaire.
Corollaire de ces taux élevés d’illettrisme, un décrochage scolaire important continue de persister. Si l’on se réfère aux résultats des évaluations citées par la Cour des comptes, ([7]) le décrochage scolaire est supérieur à la moyenne nationale et ce, de façon importante.
Ainsi lors d’une évaluation menée en 2018 sur le français, il apparaît que pour l’entrée en 6ème, 21,5 % des élèves à La Réunion, 25 % en Martinique et 28,7 % en Guadeloupe manifestaient une maîtrise insuffisante du français contre 13,3 % en moyenne nationale, tout en sachant que l’académie hexagonale la moins bien notée affichait un taux de 16 %.
En Martinique, les élèves décrochent désormais de manière plus précoce autour de la 4ème ou de la 3ème. Le bassin Nord du pays est le plus touché par ce phénomène qui avec 22 % de la population d’élèves concentre 28 % de décrocheurs. En Guadeloupe, le profil du décrocheur est un jeune de 16 ans scolarisé en lycée professionnel ou au collège en SEGPA ou en ULIS comme l’a rappelé la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler.
La conséquence de ce décrochage se traduit par un taux de jeunes sortant sans diplôme du système éducatif légèrement supérieur à la moyenne nationale. Lors de son audition M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales au ministère de l’Éducation nationale, a rappelé que la part des décrocheurs en 2019 s’élevait à 5,5 % en Guadeloupe, 6,3 % en Martinique et atteignait même 7,5 % à La Réunion contre 5,5 % dans l’Hexagone. La rectrice de La Réunion, Mme Chantal Manès-Bonisseau, a souligné que, dans son académie, ce taux était plus marqué dans la filière professionnelle avec 14,2 % de décrocheurs contre 11,5 % en moyenne nationale.
Taux de décrochage scolaire de 2017 à 2019
|
Automne 2017 |
Automne 2018 |
Automne 2019 |
Évolution en points 2019/2017 |
|
Guadeloupe |
5,8 % |
5,9 % |
5,5 % |
-0,3 |
|
Martinique |
6 % |
6,8 % |
6,3 % |
+0,3 |
|
La Réunion |
8,1 % |
7,7 % |
7,5 % |
-0,6 |
|
FM+DROM |
5,6 % |
5,7 % |
5,5 % |
-0,1 |
|
Taux de décrochage : nombre de jeunes présumés en situation de décrochage à l’automne de l’année N / effectifs d’élèves scolarisés de 15 ans et plus de l’année scolaire (N-1) – N au 15 octobre N-1
Source : DGESCO
Cependant, comme l’a souligné M. Pierre-Emmanuel Bartier chef de bureau par intérim à la DGOM, il existe un hiatus entre ce taux de décrocheurs, relativement proche de la moyenne nationale, et celui du pourcentage de sorties précoces du système scolaire pour les 18-24 ans qui est lui très supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, en 2019, ce dernier taux s’élevait à 14,5 % en Guadeloupe, à 14,8 % en Martinique et même à 18,4 % à La Réunion contre 8,2 % dans l’Hexagone. ([8]) Quant à la part élevée de la population de plus de 15 ans non scolarisée ne possédant aucun diplôme ou seulement le brevet des collèges, elle atteint 50 % dans les outre-mer contre 32 % dans l’Hexagone ([9]). Selon le syndicat SPEG, en Guadeloupe chaque année environ 1 000 élèves quittent le système éducatif sans diplôme.
c. Une inadéquation au marché local de l’emploi
Tous ces facteurs sont autant d’obstacles à l’insertion des jeunes dans le milieu professionnel dans des contextes économiques difficiles et conduisent à la persistance d’un taux de chômage élevé. 41 % des jeunes de moins de 29 ans étaient au chômage en Guadeloupe, 39 % à La Réunion et 36 % en Martinique en 2019 ([10]).
À La Réunion, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a mené une enquête qui a confirmé le rôle déterminant du diplôme dans l’obtention d’un emploi. Ainsi, les jeunes Réunionnais détenteurs d’un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou d’un brevet d'études professionnelles (BEP) ont deux fois plus de chances de décrocher un emploi que ceux sans diplôme. Quant aux bacheliers, ils bénéficieront de trois fois plus de chances et les diplômés du supérieur de cinq fois plus de chances de trouver un travail. ([11])
Par ailleurs, les formations proposées ne correspondent pas aux besoins économiques des territoires ou sont en nombre insuffisant d’où un départ des forces vives vers l’Hexagone ou l’étranger. Ce point sera développé infra dans la deuxième partie du rapport.
2. La mise en place d’une politique volontariste pour contrer l’échec scolaire
Depuis une dizaine d’années, la communauté éducative se mobilise contre le décrochage scolaire. C’est une des priorités affichée dans la loi pour une école de la confiance qui en a renforcé les dispositifs. ([12])
L’article L. 122-2 du code de l’éducation y affirme ainsi le droit à une formation qualifiante pour tout élève y compris celui en échec scolaire :
« Tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 du répertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des études afin d'acquérir ce diplôme ou ce titre. L'État prévoit les moyens nécessaires, dans l'exercice de ses compétences, à la prolongation de scolarité qui en découle.
Tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire. »
En outre-mer, cette politique volontariste se traduit à la fois par la déclinaison des dispositifs nationaux, mais aussi par des dispositifs adaptés aux spécificités ultramarines.
a. La déclinaison de dispositifs nationaux
Les dispositifs nationaux sont mis en œuvre dans ces académies depuis 2011 comme l’a rappelé M. Éric Mortelette inspecteur d’académie délégué de région à l’information et l’orientation en Martinique.
Les actions sont conduites autour de deux volets :
● Un volet prévention : l’objectif est de détecter de manière précoce les jeunes en difficulté. À l’échelle de chaque établissement du second degré les groupes de prévention de décrochage scolaire (GPDS), pilotés par un réfèrent, ont pour tâche principale d’identifier les jeunes en situation de décrochage et de leur proposer des parcours spécifiques. Ces groupes sont composés du professeur principal, du conseiller principal d’éducation, du psychologue, du médecin scolaire et de l’assistante sociale.
● Un volet remédiation : Les réseaux FOQUALE (formation qualification emploi) prennent en charge les jeunes de 16 à 25 ans qui s’inscrivent de nouveau dans une formation ainsi que les jeunes de 16 à 18 ans qui doivent acquérir une formation. Ces réseaux sont composés des plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD) ou des structures de retour à l’emploi de type micro-lycée ou internat d’excellence. Chaque académie ultra marine comporte au moins un tel établissement dont l’objectif est de redonner confiance aux jeunes qui avaient quitté le système scolaire afin de leur faire obtenir un diplôme ou une formation qualifiante. Ces jeunes bénéficient d’une prise en charge adaptée et sont suivis par un adulte réfèrent.
Selon la Cour des comptes ([13]), ces actions de remédiation sont rendues difficiles en outre-mer en raison de la faiblesse du tissu associatif dans les quartiers classés politique de la ville. L’étroitesse du marché de l’emploi minore également les possibilités de formation en alternance. Elle relève également qu’en Martinique, l’académie ne dispose pas du soutien de la collectivité territoriale.
Le syndicat Union syndicale des syndicats autonomes (UNSA) a également relevé le manque de place dans les filières professionnelles ou en apprentissage, ce qui rend d’autant plus difficile les possibilités de réorientation des élèves décrocheurs par les coordonnateurs des missions locales de lutte contre le décrochage scolaire. Les Rapporteurs recommandent donc d’accentuer l’implication du monde professionnel dans la lutte contre le décrochage scolaire.
Enfin, les plans de suivi sont inégaux selon les territoires. Selon M. Pierre-Emmanuel Bartier, chef de bureau par intérim à la DGOM, si aux Antilles 20 % des décrocheurs sont pris en charge au sein des réseaux FOQUALE, seulement 5 % sont suivis à La Réunion.
Les Rapporteurs suggèrent une mise en réseau de tous ces dispositifs favorisant une insertion professionnelle ou une rescolarisation afin d’inciter leurs acteurs à nouer des partenariats.
Par ailleurs, il n’en reste pas moins qu’un seuil incompressible de décrocheurs scolaires continuera de subsister lorsque ces situations sont liées à des questions sociales ou à des facteurs psychologiques. C’est pourquoi, le syndicat UNSA plaide pour un travail plus étroit avec les services sociaux des communes et les associations locales. Les Rapporteurs partagent cette analyse et recommandent d’articuler ces partenariats avec les GPDS.
Le dispositif des classes passerelles qui regroupe l’Éducation nationale, les caisses d’allocation familiales (CAF) et les mairies va dans ce sens. Il accompagne la scolarisation dès deux ans d’enfants de milieux précaires, identifiés par la CAF. Un contrat est signé avec les parents qui participent à la classe le matin et sont accompagnés par un éducateur l’après-midi pour les aider à la parentalité. À La Réunion, selon l’ancien recteur M. Vêlayoudoum Marimoutou, ce dispositif qui concernait 12 % à 13 % d’enfants en 2019 donne de bons résultats. Les Rapporteurs plaident donc pour un renforcement de ce dispositif.
En Martinique, environ 33 % des décrocheurs ne peuvent plus être suivis selon M. Éric Mortelette, inspecteur d’académie délégué de région à l’information et l’orientation. Les services de l’Éducation nationale ont des difficultés à les retrouver, confrontés à l’absence de réponse aux courriers ou aux lignes téléphoniques interrompues. Pour répondre à ces cas de figure, le retour en formation initiale sous statut scolaire ne s’avère donc pas la solution à privilégier.
b. Des dispositifs nationaux adaptés
Dans certains cas, le dispositif national est adapté. Ainsi, comme l’a indiqué M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales au ministère de l’Éducation nationale, le dispositif « devoirs faits » s’adresse en outre-mer non pas seulement aux collèges mais aussi aux écoles primaires depuis la rentrée 2019.
« Devoirs faits » Mis en place par M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, en 2017 « Devoirs faits » est un dispositif gratuit qui s’adresse aux collégiens volontaires afin de les aider, en dehors des heures de classe, dans la réalisation de leurs devoirs. Ce temps d’étude accompagnée adapté aux besoins des élèves permet, outre la réalisation des devoirs, de consolider leurs acquis scolaires, de pallier des difficultés potentielles et d’acquérir une autonomie. Ainsi, « Devoirs faits » a pour objectif de prévenir le décrochage scolaire et de réduire les inégalités. Les modalités de mise en œuvre de « Devoirs faits » (horaire, nombre d’élèves) sont définies par le collège, après avoir été discutées en conseil pédagogique et présentées par le chef d’établissement au conseil d’administration. Ce dispositif est assuré sur la base du volontariat par des conseillers principaux d'éducation (CPE), des assistants d’éducation, des professeurs, des professeurs-documentalistes, des associations agréées et des volontaires du service civique. |
À la rentrée 2020, en Guadeloupe, ce sont environ 1 000 élèves qui ont bénéficié de 8 heures par semaine d’étude accompagnée tandis qu’en Martinique, 980 élèves se voyaient proposer ce dispositif pour une durée de moins d’une heure. Cet écart s’explique selon le syndicat UNSA par la cessation de ce programme dès la mi-mars 2020 en Martinique, faute de moyens et d’heures supplémentaires effectives. Quant à La Réunion, 8 772 écoliers reçoivent 6 heures hebdomadaires d’aide.
Dispositif « devoirs faits » dans le premier degré
|
Nombre d’écoles |
Nombre d’élèves |
Nombres d’heures |
Guadeloupe |
60 |
1 003 |
8 |
|
|
|
|
La Réunion |
365 |
8 772 |
6 |
Martinique |
68 |
980 |
0,5 |
|
|
|
|
total |
493 |
10 755 |
|
Source : DGESCO
Depuis 2017, dans les collèges 50,7 % des élèves en Martinique, 43,7 % à La Réunion et 31,2 % en Guadeloupe profitent du dispositif pour une durée hebdomadaire oscillant entre une heure et demie et deux heures.
Dispositif « devoirs faits » dans le second degré
Proportion d’élèves bénéficiant du programme
Académies |
Total |
EP |
dont REP+ |
dont REP |
Hors EP |
Guadeloupe |
31,2% |
55,3 % |
65,6 % |
48,4 % |
20,9 % |
La Réunion |
43,7 % |
49,7 % |
60,6 % |
39,4 % |
36,0 % |
Martinique |
50,7 % |
61,0 % |
58,5 % |
62,3 % |
43,6 % |
FM+DROM |
27,7 % |
36,8 % |
43,6 % |
33,2% |
25,5% |
Durée hebdomadaire moyenne par élève bénéficiant du dispositif
Académies |
Volume horaire moyen tous secteurs |
Volume horaire moyen en REP+ |
Volume horaire moyen en REP |
Volume horaire moyen hors EP |
Guadeloupe |
2,12 |
1,90 |
2,11 |
2,22 |
La Réunion |
1,67 |
1,69 |
1,87 |
1,50 |
Martinique |
2,26 |
2,05 |
2,25 |
2,33 |
FM+DROM |
1,87 |
1,87 |
1,93 |
1,86 |
Source : DGESCO
Selon les syndicats d’enseignants, ce dispositif n’est pas sans rencontrer plusieurs difficultés.
En premier lieu, il repose sur le volontariat des enseignants. Or, en outre‑mer, leur mobilisation vis-à-vis de ce programme est inférieure à la moyenne nationale comme l’ont souligné la Cour des comptes ([14]) et les fédérations de parents d’élèves. Ainsi à La Réunion, à la rentrée 2020, 59 % des enseignants se chargeaient de ce programme contre 63 % au niveau national. Ce dispositif est donc majoritairement assuré par des AED (assistants d’éducation et d’enseignement). Il en résulte un manque de continuité pédagogique pour les élèves qui ne sont pas suivis par leur enseignant.
En deuxième lieu, le dispositif rencontre peu d’adhésion de la part des parents d’élèves. Les services de l’académie de Martinique ayant constaté la concurrence avec d’autres offres et la difficulté d’y associer les parents ont organisé avec eux des rencontres sur ce thème. En Guadeloupe, le dispositif a été articulé avec un autre programme « coup de pouce clé ». La question des transports, inadaptée aux horaires de ces cours, explique les réticences des familles qui craignent une fatigue supplémentaire de leurs enfants liée à l’allongement de l’amplitude horaire de la journée d’école. À La Réunion, la rectrice Mme Chantal Manès-Bonnisseau a indiqué qu’une expérimentation de ce dispositif en version numérique avec un accompagnement des parents allait être menée.
Enfin, l’assiduité des élèves est relative. Pour y remédier, certaines équipes éducatives inscrivent ce dispositif dans des créneaux de l’emploi du temps.
Ces politiques volontaristes ont permis des résultats : en Martinique on constate une diminution de 36 % des élèves en situation de décrochage depuis 5 ans. Le recteur M. Pascal Jan a relevé que cette diminution du nombre de décrocheurs était supérieure à la baisse démographique observée. L’internat d’excellence et le micro-lycée fonctionnent bien : ce dernier a obtenu 100 % de réussite aux examens dans des spécialités comme la vente ou la pâtisserie. Enfin, face à l’aggravation du décrochage liée à la crise sanitaire, une initiative dénommée « ribalanséy » a été mise en place qui a constitué une sorte de transition entre le confinement et le retour à l’école. En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a cité une diminution de 17 % de l’échec scolaire entre 2017 et 2019 et s’est félicitée des résultats du micro-lycée et des 7 classes relais. Enfin, à La Réunion, de 2016 à 2020, ce taux a diminué de 27 % grâce aux actions menées par deux micro-lycées et une école de la deuxième chance.
Il n’en reste pas moins que les résultats pourraient être meilleurs au regard des moyens mis en œuvre. Ce point sera abordé infra dans la seconde partie du rapport.
C. Une logique comptable inadaptée
Si les départements antillais connaissent un vieillissement de leur population, à La Réunion cette tendance est moins prononcée. Face à la diminution des effectifs scolaires qui en résulte, le ministère de l’Éducation nationale a suivi une logique comptable en diminuant les postes d’enseignants. Si l’on se réfère aux statistiques de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), ces académies continuent de disposer de moyens satisfaisants. Or ces moyennes sont trompeuses et ne doivent pas occulter les difficultés auxquelles elles doivent faire face, vacances de postes dans certaines zones géographiques, difficulté à pourvoir aux remplacements, nombre important d’enseignants affectés « hors la classe ».
1. Des départements en dépression démographique
a. Des départements privés de leurs forces vives
Les Antilles devraient connaître un vieillissement de leur population à l’horizon 2050.
En Guadeloupe, selon les projections de l’INSEE, la part des plus de 30 ans devrait passer de 54,4 % de la population en 2018 à 73,4 % en 2050 tandis que les moins de 15 ans composeraient 13,9 % de la population en 2050 contre 18,5 % en 2018.
Ce mouvement s’est amorcé si l’on se réfère aux chiffres de l’INSEE. En Martinique, la part des moins de 20 ans entre 2012 et 2018 a diminué de 2,6 % et la part des plus de 75 ans a augmenté de 1,6 %. En Guadeloupe, ces chiffres sont respectivement de – 2,6 % et de + 1,2 %.
Cette évolution résulte de la conjonction de deux facteurs, une diminution du solde naturel et un solde migratoire négatif.
Le taux de variation annuel de la population entre 2010 et 2018 en Martinique a diminué de ‑ 0,7 % dont ‑ 1 % lié au solde migratoire. En Guadeloupe, ce mouvement est moindre, le taux de variation est de ‑ 0,40 % dont ‑ 0,90 % imputable au solde migratoire. ([15])
La Réunion fait face à une situation plus contrastée.
Le vieillissement y est moins prononcé, car à l’horizon 2050 le nombre de Réunionnais âgés de 60 ans et plus doublerait mais le nombre de jeunes âgés de moins de 20 ans continuerait d’augmenter mais plus faiblement.
Le taux de variation de la population âgée de 15 ans à 29 ans a diminué de ‑ 0,1 % entre 1990 et 2015. ([16])
Cette évolution de la structure de la population se reflète dans les chiffres des effectifs scolaires.
Ainsi en Martinique, dans le premier degré la baisse des effectifs dans le secteur public a été de ‑ 30 % entre 2010 et 2020. À la rentrée 2020, les effectifs du premier degré dans le secteur public ont diminué de 2 642 élèves et de 918 élèves dans le second degré par rapport à la rentrée 2019.
En Guadeloupe, entre 2018 et 2019, les élèves scolarisés ont diminué de 1 611 effectifs dans le premier degré et de 277 dans le second degré. En six ans, l’académie a perdu 14 % de ses effectifs. ([17])
S’agissant de La Réunion, l’INSEE évalue une baisse modérée d’élèves scolarisés à l’horizon 2030, de l’ordre de ‑ 0,4 % par an. À la rentrée 2019, les effectifs du premier degré dans le secteur privé et public ont diminué de ‑ 1,1 %, tandis que les effectifs du second degré dans le secteur privé et public ont légèrement augmenté de + 0,1 %. ([18])
b. Une diminution continue des postes d’enseignants
Face à cette dépression démographique, le ministère de l’Éducation nationale a supprimé des postes d’enseignants de façon continue depuis 2013 dans les académies antillaises. Ainsi, dans le premier degré, de 2013 à 2020, 33 postes en Guadeloupe et 42 en Martinique ont été supprimés. Quant au second degré, ces chiffres sont de 297 postes en Guadeloupe et de 388 postes en Martinique. La Réunion est épargnée par ce mouvement avec un accroissement de ses moyens avec 814 postes supplémentaires pour le premier degré et 238 postes de plus pour le second degré.
Programme 140 – 1er degré public (en moyens d’enseignement)
|
GUADELOUPE |
LA RÉUNION |
MARTINIQUE |
2013 |
-10 |
+149 |
-23 |
2014 |
+0 |
+60 |
+0 |
2015 |
-29 |
+57 |
-27 |
2016 |
+5 |
+80 |
+0 |
2017 |
+0 |
+154 |
+0 |
2018 |
+0 |
+183 |
+8 |
2019 |
+0 |
+122 |
+0 |
2020 |
+1 |
+9 |
0 |
TOTAL |
-33 |
+814 |
-42 |
Source : DGESCO
Programme 141 – 2nd degré public (en moyens d’enseignement)
|
GUADELOUPE |
LA RÉUNION |
MARTINIQUE |
2013 |
-30 |
+98 |
-49 |
2014 |
-31 |
+10 |
-60 |
2015 |
-34 |
+86 |
-44 |
2016 |
-35 |
+20 |
-35 |
2017 |
+0 |
+85 |
-25 |
2018 |
-44 |
+0 |
-57 |
2019 |
-86 |
-13 |
-96 |
2020 |
-37 |
-48 |
-22 |
TOTAL |
-297 |
+238 |
-388 |
Source : DGESCO
Selon la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l’Éducation nationale, même si les moyens alloués à ces académies tendent à diminuer depuis deux ans particulièrement pour le second degré, cette baisse n’est pas proportionnelle à la diminution du nombre d’élèves subie par ces deux territoires : à la rentrée 2020, dans le premier degré, la Guadeloupe a profité d’un poste supplémentaire alors que16 emplois auraient dû être supprimés tandis que la Martinique n’a pas connu la réduction envisagée de 25 postes et a bénéficié d’un maintien de sa dotation. La Réunion, quant à elle, s’est vu attribuer 9 emplois supplémentaires alors qu’était initialement attendue la stabilité de sa dotation.
Pour la rentrée scolaire 2021, cette tendance à la suppression de postes dans le milieu scolaire pourrait s’atténuer. En effet, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création d’emplois dans le premier degré.
Le communiqué de l’académie de Martinique précise que pour la rentrée 2021 les moyens seront maintenus dans le premier degré malgré une diminution de 1 400 écoliers tandis que le second degré perdra 29 postes. ([19]) En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a annoncé qu’aucune suppression de postes n’aurait lieu dans le premier degré malgré la perte de 977 élèves, néanmoins 17 postes seront supprimés dans le second degré qui enregistre une diminution de 827 élèves au collège.
Les Rapporteurs ne partagent pas cette analyse comptable et recommandent de suspendre toute réduction de postes dans le premier et second degré afin de garantir des effectifs réduits par classe.
2. Un taux d’encadrement en trompe l’œil
Si l’on se réfère aux critères habituels d’évaluation des moyens accordés à une académie, les territoires antillais bénéficient d’un taux d’encadrement correct. En effet, comme l’a rappelé M. Christophe Géhin chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales au ministère de l’Éducation nationale, les dotations dans ces territoires ne sont pas alignées sur la dépression démographique. Lors de son audition, le recteur de la Martinique M. Pascal Jan, a abondé en ce sens : selon lui, la question des moyens ne se pose pas, son académie bénéficie d’un très bon niveau d’encadrement dans le premier degré et d’un bon niveau dans le second degré. Ce constat est également celui de la Cour des comptes. ([20])
Ainsi, si l’on considère le nombre de postes d’enseignants pour 100 élèves, ce chiffre s’élève dans le premier degré à 8,56 en Martinique, 7,41 en Guadeloupe et 6,44 à La Réunion contre 5,70 pour la moyenne nationale. L’académie de la Martinique est ainsi la mieux dotée de France. ([21])
Taux d’encadrement dans les académies ultramarines à la rentrée scolaire 2020
|
1er degré |
2nd degré |
|||
|
P/E |
E/C |
E/D Collège |
E/D LEGT |
E/D LP |
Guadeloupe |
7,41 |
19,60 |
24,39 |
28,2 |
19,09 |
Guyane |
7,26 |
18,60 |
24,03 |
26,44 |
22,98 |
La Réunion |
6,44 |
20,50 |
24,85 |
30,99 |
19,99 |
Martinique |
8,56 |
17,90 |
23,35 |
27,22 |
19,14 |
Mayotte |
6,19 |
21,60 |
27,43 |
32,19 |
22,45 |
FM+DROM |
5,70 |
22,20 |
25,37 |
30,68 |
18,93 |
P/E : Nombre de postes d’enseignants (en ETP) pour 100 élèves dans le premier degré
E/C : Nombre d'élèves par classe dans le premier degré
E/D : Nombre moyens d'élèves par division (les E/S seront disponibles en mars 2021)
Source : DGESCO
Il en est de même pour le nombre moyen d’élèves par classe dans le premier degré qui atteint 17,90 en Martinique, 19,60 en Guadeloupe, et 20,50 à La Réunion contre 22,20 en moyenne nationale.
Dans le second degré, le nombre moyen d’élèves par division dans le collège est de 23,35 en Martinique 24,39 en Guadeloupe, et 24,85 à La Réunion contre 25,37 en moyenne nationale.
Selon les syndicats d’enseignants ces statistiques ne sont que des moyennes et ne reflètent pas des situations contrastées selon les zones géographiques de ces académies et les cycles scolaires.
En Guadeloupe, les syndicats UNSA et SPEG ont rappelé que sur les îles les classes comprenaient peu d’élèves à la différence du reste du territoire.
Quant aux cycles, le SNCL-FAEN, a constaté en Guadeloupe une disparité entre les cycles 3, où la moyenne est de 24 élèves, et ceux du cycle 4 avec des classes de 5ème, 4ème et 3ème tournant autour de 30 élèves.
Ce constat est particulièrement prononcé à La Réunion où le syndicat national unitaire des instituteurs (SNUIPP-FSU) a dénoncé, lors de son audition, des complexes scolaires du premier degré accueillant trop d’élèves sous la responsabilité d’un seul chef d’établissement qui de plus, ne bénéficie pas de décharge d’activité. Selon les Rapporteurs, il serait judicieux d’adapter ces décharges d’activité aux spécificités ultramarines.
Enfin, les syndicats UNSA et SNCL-FAEN ont alerté sur les informations parcellaires dont dispose le ministère et particulièrement sur le contexte socio-économique de l’académie de Guadeloupe dans le cadre du dialogue de gestion entre le rectorat et le ministère de l’Éducation nationale, ce qui nuit aux arbitrages pour calculer les dotations.
Ce manque de données est une question récurrente en outre-mer dans tous les domaines.
Les Rapporteurs préconisent que les services du ministère de l’Éducation nationale, avec le concours de l’INSEE, améliorent les outils statistiques afin que ce dialogue de gestion puisse se fonder sur des données actualisées et complètes.
Selon les services du ministère de l’Éducation nationale ces trois académies bénéficient d’une forte attractivité. En effet, les enseignants originaires de ces territoires désirent retourner exercer chez eux tandis que les enseignants hexagonaux sont attirés par la perspective d’un cadre de vie plus favorable.
On observe ainsi en Martinique et en Guadeloupe trois fois plus de demandes d’affectation que de sortie (en Martinique ce sont 52 demandes de sorties pour 169 demandes d’entrée et en Guadeloupe 53 demandes de sortie pour 157 demandes d’entrée). À La Réunion ce taux s’élève même à six fois plus de demandes d’entrée que de sortie, soit 64 demandes de sortie pour 396 demandes d’entrée.
C’est pourquoi, les vacances de postes seraient limitées. Ce constat est contesté par les syndicats. L’UNSA et le SPEG relèvent des manques, à la fois dans certaines matières, comme en Martinique en philosophie, histoire-géographie ou physique-chimie et également de manière plus globale dans les plafonds d’emplois. Ainsi, à La Réunion à la rentrée 2020 il aurait manqué 257 postes. Le SGEN-CFDT pointe, de son côté, des vacances de postes dans le premier degré dans les classes ULIS ou en réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) à La Réunion.
Ce même syndicat a également souligné que dans certaines disciplines, l’académie de La Réunion avait recours à des contractuels alors même que des demandes d’affectation avaient été formulées au niveau national, notamment de la part d’enseignants originaires du territoire, désireux de revenir.
LE DISPOSITIF DU CENTRE DES’INTÉRÊTS Confrontés à la règle qui impose que les postes à pourvoir, dans le cadre d’un concours de la fonction publique d’État au niveau national, soient ouverts sur tout le territoire, de nombreux ultramarins exercent leur profession à des milliers de kilomètres de leur lieu d’origine. Par la suite, dans le cadre de leur droit à la mobilité, ces derniers peuvent émettre le souhait d’être affectés dans leur territoire d’origine. Les textes prévoient pour la fonction publique d’État que l'affectation d'un fonctionnaire doit tenir compte des demandes qu'il a formulées et de sa situation de famille dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service. ([22]) Certains agents sont toutefois prioritaires : les fonctionnaires séparés de leur conjoint ou partenaire de PACS pour des raisons professionnelles, les fonctionnaires en situation de handicap et les fonctionnaires exerçant leurs fonctions dans un quartier urbain « difficile » depuis au moins 5 ans ou 7 ans pour les policiers. En 2016, l’inscription dans cette liste de critères, de la justification par un agent du centre de ses intérêts matériels et moraux outre-mer visait à faciliter ces retours. ([23]) L’article 85 de la loi du 28 février 2017 dite égalité réelle ([24]) a conforté ce dispositif et a rendu ce dernier critère applicable sans distinction pour tous les fonctionnaires d’État. Chaque administration définit les critères retenus et leur pondération au sein d’un barème servant au traitement des demandes. La mise en œuvre de ces dispositions est délicate et entraîne de nombreuses frustrations malgré une circulaire du 1er mars 2017 qui a rappelé aux ministères, dans un souci de prévention des actions contentieuses, que les critères du CIMM doivent faire l’objet d’une application « homogène et transparente ».
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Les Rapporteurs préconisent que le dispositif du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) soit appliqué de manière effective pour les personnels enseignants ou cadres originaires de ces académies qui souhaitent revenir exercer sur leur territoire.
En tout état de cause, ce constat doit être nuancé selon les zones géographiques de ces académies. Dans celle de Guadeloupe, les syndicats relèvent que ces statistiques ne tiennent pas compte de la situation à Saint-Martin dans le premier et second degré. À ce titre, la rectrice de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler a reconnu que des vacances de postes perduraient dans les îles du Nord et du Sud.
Enfin, la question des vacances de postes n’intègre pas une donnée spécifique à ces académies, la proportion importante d’enseignants affectés « hors la classe ». La Cour des comptes ([25]) note des pourcentages élevés dans le premier degré dans les territoires antillais : en 2018-2019, ils représentaient 24 % du total de l’effectif enseignant en Guadeloupe et 28 % de celui de la Martinique contre une moyenne nationale de 16 %.
M. Pierre-Emmanuel Bartier, chef de bureau par intérim à la DGOM, a également souligné la proportion importante en Martinique de professeurs affectés « hors la classe », citant le chiffre de 24 %.
Selon les syndicats SNCL-FAEN, SPEG ou UNSA, la mutation forcée des néo-titulaires dans les académies de Paris, Versailles ou Créteil entraîne la présence dans les effectifs de ces académies d’une forte proportion d’enseignants dont l’ancienneté les conduit à occuper des postes « hors la classe ».
c. La difficulté à pourvoir aux remplacements
La question des remplacements est également une source de difficulté particulièrement délicate sur des territoires insulaires. Le taux de demi-journées non suppléés dans le premier degré atteint 4,23 % en Guadeloupe, 3,73 % à La Réunion et 3,50 % en Martinique contre 1,49 % en moyenne nationale. ([26]) Selon la Cour des comptes, ces chiffres résultent d’une gestion des remplacements obsolète et d’une utilisation partielle d’un logiciel dénommé ARIA qui permet de recueillir des données de pilotage et de mesurer l’absentéisme. La Cour constate toutefois des améliorations avec le regroupement des zones de remplacement. La rectrice de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler a évoqué des points de difficulté particulièrement dans les îles, d’où le lancement d’une expérimentation avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED) pour assurer des cours à distance à Saint-Martin.
Quant au second degré, le taux de rendement net du remplacement et de la suppléance est inférieur à la moyenne nationale : en 2018 il s’élevait à 51,5 % en Martinique, à 82,4 % en Guadeloupe et à 87,8% à La Réunion pour une moyenne nationale de 91 %. ([27])
Selon le SNES-FSU de La Réunion, les absences de courte durée ne sont pas remplacées à La Réunion, ce qui nuit à la formation continue.
Les syndicats SNCL-FAEN et SNES-FSU reprochent aux rectorats leur manque d’anticipation et un mauvais calibrage des moyens, ce qui entraîne des vacances de postes en cas de maladie. Ils plaident donc pour la constitution d’un vivier de contractuels.
Les Rapporteurs suggèrent de mettre en place un vivier de professeurs remplaçants afin d’assurer les remplacements de courte durée.
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II. Des moyens pédagogiques et matériels adaptés aux réalités locales
Si l’on se fie aux données du ministère de l’Éducation nationale, les académies de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion sont plutôt bien dotées au niveau de l’encadrement. Paradoxalement les résultats obtenus face à l’échec scolaire et à l’illettrisme restent incertains, c’est pourquoi il convient de dépasser une logique comptable et de se poser la question de l’utilisation et de l’adaptation aux spécificités locales des moyens pédagogiques. Enfin, plutôt que de décliner des mesures nationales, il serait plus opportun de mettre en place des solutions innovantes adaptées aux réalités locales.
Les conditions dans lesquelles les élèves doivent se former sont non seulement différentes de celles de l’Hexagone mais aussi plus défavorables. Cette donnée, jusqu’à présent ignorée, doit faire l’objet d’efforts d’amélioration. Des effectifs réduits par classe, des emplois du temps adaptés ou un meilleur équipement numérique permettront des conditions d’apprentissage plus favorables. De même, un bâti scolaire amélioré, une restauration de qualité ou des transports scolaires plus flexibles contribueront à la réussite scolaire.
A. Relever les défis pédagogiques
Pour que les politiques de lutte contre l’échec scolaire donnent des résultats durables, des dispositifs innovants doivent être mis en place, plus adaptés aux réalités locales. Les langues premières parlées couramment par les enfants dans ces académies doivent être également utilisées comme un vecteur d’apprentissage du français et un atout pour contrer l’illettrisme. Il faut qu’elles soient étudiées et pratiquées pour une meilleure compréhension (développement de la communication et de la prise de parole, instauration de la grammaire comparée, étude de registre, de lexique), dès l’entrée en maternelle et tout au long du primaire. Différents dispositifs sont possibles : que ce soit la pratique bilingue en maternelle ou l’enseignement et la comparaison des langues en élémentaire.
1. La nécessité de la maîtrise du français en milieu créolophone
a. Les langues créoles comme levier pour l’apprentissage du français
Dans les académies de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion, la majorité des élèves pratiquent le créole à la maison. Ce bilinguisme de fait dès le plus jeune âge doit être vécu comme un atout et servir de levier dans les apprentissages notamment dans la maîtrise du langage et du français, a fortiori quand les enfants n’ont comme langue première que le créole (30 % des enfants à La Réunion ont uniquement comme langue première le créole réunionnais).
Comme le rappelaient Mmes Michèle Fay et Sarah Mouhoussoune rapporteures de l’avis sur l’accès aux services publics en outre-mer du Conseil économique social et environnemental (CESE) ([28]) : « c’est en faisant de bons bilingues que l’on fait de bons francophones. »
De plus, à la maternelle ou en primaire, lorsque l’élève peut s’exprimer en créole, il participe davantage et fait preuve de plus de motivation comme le remarquait M. Giovanni Prianon, président de l’Association Lantant LLKR. Il a observé qu’un enseignement qui s’appuie sur la langue créole permet un meilleur transfert de compétence et une plus grande assimilation des savoirs. C’est un constat fait par les linguistes dans le monde au sujet de l’apprentissage dans la langue de l’élève.
La mauvaise compréhension du français dès le plus jeune âge pourrait expliquer en partie les taux élevés d’illettrisme constatés à la sortie du collège dans ces académies. Les inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche dans leur rapport sur l’évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’outre-mer et à Wallis et Futuna ([29]) citent des travaux de chercheurs démontrant qu’il est illusoire de faire apprendre une langue et la lecture à un élève dans une langue qu’il ne parle pas. ([30]) Ce constat est partagé par le syndicat SNES-FSU qui regrette que le contexte sociolinguistique de La Réunion ne soit pas suffisamment pris en compte pour l’apprentissage du français.
b. Un vecteur pour l’estime de soi
Non seulement le bilinguisme équilibré permettrait une meilleure maîtrise du français mais aussi donnerait confiance aux enfants, en conférant un statut à leur langue d’origine, source de fierté. Comme le résument les inspecteurs généraux dans leur rapport précité, « ne pas reconnaître l’enfant dans sa communauté culturelle et dans sa différence, peut avoir de lourdes conséquences dans sa construction de l’estime de soi …. C’est aussi le placer dans une forme de conflit de loyauté entre désir d’intégration et de réussite, et peur d’une assimilation, synonyme de coupure avec ses racines ». Ainsi la valorisation du bilinguisme permet de participer à une plus grande cohésion sociale. C’est dans ce sens que Mme Corinne Gau inspectrice et adjointe au recteur de Martinique plaide pour une plus grande valorisation des langues régionales et notamment des langues créoles pour en faire un atout pour l’élève. De même, l’UPEM préconise de promouvoir le créole antillais comme un élément de développement personnel.
c. Un enseignement confronté à des difficultés
Malgré ces atouts, l’enseignement des langues créoles peine à s’imposer dans ces académies.
Plusieurs types d’enseignement sont proposés, heures de cours au titre d’un enseignement de langue et de culture régionale ou classes bilingues qui sont le dispositif le plus abouti. Dans ces classes, l’enseignement est dispensé dans les deux langues dans une pratique immersive, la langue créole étant l’instrument utilisé pour apprendre le programme scolaire, en concomitance avec le français, le médium d’enseignement.
L’enseignement des langues régionales
L’article L. 312-11 du code de l’éducation prévoit que « Les maîtres sont autorisés à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement notamment pour l’étude de la langue française ».
L’article L. 312-10 du Code de l’éducation dispose que cet enseignement prend deux formes à savoir :
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L’enseignement des langues créoles en tant que langue régionale diffère selon les académies. Cet enseignement est plus développé aux Antilles qu’à La Réunion. Dans ce dernier territoire, comme l’ont souligné M. Axel Gauvin président de la LOFIS de la langue créole de La Réunion et M. Giovanni Prianon président de l’Association Lantant LLKR, son développement est davantage lié à des démarches individuelles d’enseignants qu’à une volonté politique. Il n’existe pas, à ce titre, de convention entre l’État et la région de La Réunion sur des parcours scolaires bilingues. Les Rapporteurs suggèrent qu’une telle convention soit signée.
C’est en Guadeloupe que l’enseignement de la langue créole est le plus diffusé. Selon le rapport précité des inspecteurs généraux, il concerne environ 10 % des effectifs scolaires. En 2018, 17 % des élèves du primaire suivaient un enseignement de langue vivante régionale, le créole antillais.
ii. Un enseignement concurrencé
● des ruptures de parcours
En premier lieu, les syndicats et les fédérations de parents d’élèves ont regretté le manque de continuité de l’enseignement des langues créoles au cours du cursus scolaire.
Ainsi, la pratique d’une langue régionale à l’école diminue en fonction des cycles. Par exemple, en Martinique, le créole est enseigné à 24,35 % des écoliers,10,2 % des collégiens et 3,54 % des lycéens. En 2020, sur les 14 724 candidats au baccalauréat, 180 ont présenté le créole à l’examen, soit 1,22 % des effectifs.
Plus l’élève progresse dans les cycles, plus la concurrence avec d’autres langues étrangères, et particulièrement l’anglais, est vive. Par ailleurs, dans le premier degré ? cet enseignement s’ajoute aux cours traditionnels et n’implique pas de coûts supplémentaires. Il est donc plus facile à mettre en place.
Dans le second degré, les langues vivantes étrangères sont considérées par nombre de parents et d’élèves comme plus « nobles » et utiles. En outre, certains établissements préfèrent enseigner l’anglais au détriment des langues régionales.
Le CESE alerte d’ailleurs, à ce titre, sur la réforme du baccalauréat qui risque d’avantager les langues étrangères. Ce constat est partagé par le syndicat SNES-FSU qui anticipe une régression du choix d’une langue régionale par les élèves au profit d’une langue étrangère. La réforme permet désormais de choisir la langue régionale au titre de deuxième langue vivante, ce qui, de fait, implique de renoncer à une deuxième langue vivante étrangère comme l’espagnol. Une autre possibilité est de choisir la langue régionale comme troisième langue vivante à titre d’option mais son coefficient est marginal et peu incitatif.
Mme Corinne Gau, inspectrice et adjointe au recteur de Martinique, ne partage pas cette analyse. En effet, auparavant, la langue régionale avait le statut de langue vivante étrangère et seuls les élèves relevant de la série littéraire étaient autorisés à la présenter au baccalauréat. Désormais, la langue vivante régionale n’est plus considérée comme une option et tous les élèves peuvent la choisir ; cet enseignement est proposé dans l’ensemble des filières et même dans les BTS. C’est pourquoi, selon le syndicat SPEG, l’information des parents doit être renforcée en ce sens.
● Un déficit d’enseignants qualifiés et de matériel
En deuxième lieu, la pratique à l’école d’une langue première pâtit d’un manque d’enseignants qualifiés et de matériel pédagogique adapté. Selon les Rapporteurs, il convient d’accroître les moyens budgétaires et humains.
Dans le premier degré, les professeurs des écoles doivent être habilités pour enseigner et évaluer en LVR ; un concours spécifique langue régionale a même été mis en place en Guadeloupe. Dans le second degré, l’enseignement des langues vivantes régionales est assuré par des professeurs certifiés titulaires du CAPES. Selon M. Axel Gauvin président de la LOFIS, l’habilitation demandée dans le premier degré n’est pas assez rigoureuse, seules dix heures de formation sont dispensées après un test. M. Giovanni Prianon président de l’Association Lantant LLKR souhaite qu’une formation continue et un accompagnement dans le temps soient mis en place pour ces enseignants.
Le vivier de ces enseignants est limité, ce qui les obligent à se partager sur plusieurs établissements. Sur les 2 804 professeurs que compte l’académie de Martinique, 742 sont autorisés à enseigner la langue vivante régionale créole. Autrement dit, en Martinique dans le premier degré 28 % seulement des professeurs sont habilités. Dans le second degré, vingt enseignants sont certifiés en double valence, la majorité assurant un service partagé.
À La Réunion, dans le premier degré, 430 enseignants étaient habilités dans le premier degré et 31 professeurs étaient certifiés dans le second degré en 2019-2020. La rectrice de La Réunion, Mme Chantal Manès-Bonnisseau, propose de s’appuyer sur le vivier des professeurs déjà formés pour initier leurs pairs dans le premier degré. Elle suggère également d’étoffer les effectifs de professeurs certifiés en formant plus d’experts en langue créole.
Par ailleurs, ces enseignants ne sont pas dotés de matériel comme des manuels bilingues, comme l’ont relevé le syndicat SPEG en Guadeloupe ou M. Giovanni Prianon président de l’Association Lantant LLKR à La Réunion. Les Rapporteurs plaident pour que les enseignants puissent disposer d’un matériel adapté.
d. Favoriser l’enseignement des langues régionales
L’enseignement des langues régionales et principalement dans ces trois académies l’enseignement des langues créoles demeure limité.
Le déploiement de classes bilingues reste timide. En Guadeloupe, 13 classes proposent ce type de parcours dans le premier degré. En Martinique, si elles n’existent pas dans le second degré, une expérimentation, créole +, a mis en place 5 classes bilingues dans le premier degré (3 dans le Nord, une à Fort-de France et une dans le Sud) où étudient 106 élèves. Leur extension dépendra des résultats obtenus. À La Réunion, une trentaine de classes existent dans le premier degré et 35 dans le second degré, mais avec seulement option.
La frilosité des parents est avancée pour expliquer le faible nombre de ce type de classes. Comme le rappelaient les rectrices de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler et de La Réunion Mme Chantal Manès-Bonnisseau les parents ne manifestent pas particulièrement d’attrait pour inscrire leurs enfants dans des classes bilingues. Même si l’enseignement des langues régionales est facilité dans les textes depuis 2013 ([31]), la défiance vis-à-vis de l’apprentissage dans une langue première perdure alors même que les enfants qui ont suivi une telle scolarité affichent de meilleurs résultats. Il est regrettable que le français reste opposé aux langues régionales. Les sondages réalisés par l’association LOFIS le montrent, malgré un fort attachement des Réunionnais à leur langue et à leur culture qui se manifeste par une augmentation des personnes interrogées favorables au créole à l’école qui passe de 47 % en 2000 à 70 % en 2020. Ce résultat ne se traduit pas par une plus grande inscription de la langue créole dans les cursus d’enseignement sans doute par une absence d’offre et d’information.
Dans leur rapport précité, les inspecteurs généraux expliquent cette méfiance de la part des parents vis-à-vis de l’enseignement d’une langue première à l’école par une volonté d’émancipation et de promotion sociale pour leurs enfants ainsi que par l’appréhension d’une surcharge de travail voire d’une confusion des langues.
Le syndicat SNES-FSU observe même une forme de discrimination : les élèves de la filière professionnelle ou ceux présentant des difficultés seraient davantage orientés vers cet enseignement.
Il n’en reste pas moins que l’utilisation des langues créoles doit être généralisé à la maternelle et en primaire, comme vecteur de l’apprentissage du français dans un souci de complémentarité.
M. Axel Gauvin, président de la LOFIS, plaide pour une généralisation du dispositif « enseignement du français en milieu créolophone » (EFMC) qui ne nécessite pas d’habilitation particulière mais une vraie formation de plusieurs heures. Ce dernier permet à l’enseignant d’utiliser les connaissances en langue créole de ses élèves pour apprendre le français dans le respect de la langue première des enfants. Dans leur rapport précité, les inspecteurs généraux préconisent également que l’utilisation d’une langue première par les enseignants serve à engager « un travail de structuration de cette langue et de comparaison utile à l’apprentissage de la langue française. » Les Rapporteurs partagent ces recommandations et appellent à généraliser le dispositif « enseignement du français en milieu créolophone » dès la maternelle et dans le premier degré pour favoriser l’apprentissage du français.
Par ailleurs, pour contribuer à la lutte contre l’échec scolaire, la mise en place de classes bilingues de la maternelle à la 6ème doit être accrue.
Ces classes bilingues ne concernent pas seulement les langues créoles mais aussi d’autres langues étrangères, comme à Saint-Martin où l’anglais et l’espagnol y sont couramment parlés davantage que le français. C’est pourquoi, le syndicat SPEG recommande d’y généraliser des classes bilingues français-anglais et français-espagnol.
Dans le second degré, afin d’inciter plus d’élèves à poursuivre cet apprentissage, le syndicat SNCL-FAEN suggère que les langues créoles soient obligatoirement un enseignement de spécialité dans tous les lycées. La Guadeloupe et La Réunion proposent des enseignements de spécialité.
L’ancien recteur de La Réunion M. Vêlayoudom Marimoutou plaide, de son côté, pour une filière d’excellence dans le second degré.
En tout état de cause, l’encouragement à l’enseignement des langues régionales dans les cursus scolaires doit être décliné au niveau de l’académie, présenté dans le projet académique et soutenu par les inspecteurs et le personnel de direction. Les Rapporteurs soutiennent la recommandation n° 2 du rapport précité des inspecteurs généraux d’« élaborer une feuille de route nationale pour le développement de l’enseignement des langues régionales et premières, en déclinant précisément les politiques à mettre en œuvre en termes pédagogiques de formation de certification d’organisation, de gestion des ressources humaines, de gouvernance et d’évaluation des différents dispositifs. »
De plus, les Rapporteurs soutiennent la définition au sein du conseil local académique d’un projet global de maîtrise du français en encourageant l’apprentissage des langues régionales et de le décliner dans le projet académique.
Par ailleurs, M. Giovanni Prianon président de l’Association Lantant LLKR, suggère de créer à La Réunion, comme cela existe déjà dans d’autres régions, un office relatif à l’enseignement du créole pour gérer de manière concertée la politique linguistique de ce territoire dans les domaines de la langue, de l’éducation, de la culture ou du patrimoine. Les Rapporteurs partagent cette suggestion.
Selon les Rapporteurs, il est également important d’accroître l’information des parents. En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a indiqué que les inspecteurs et les chefs d’établissement sensibilisaient les parents aux atouts du bilinguisme.
2. Des outils innovants pour contrer l’échec scolaire
a. Une carte académique actualisée
Des disparités de moyens existent entre territoires qui pourtant présentent les mêmes difficultés éducatives et sociales, résultant souvent d’héritages du passé et d’arbitrages politiques. Pour prétendre à un classement en zone d’éducation prioritaire, des critères socio-économiques sont pris en compte. La labellisation d’une zone se fonde sur l’indice de positionnement social (IPS) qui comprend le pourcentage de professions et de catégories sociales défavorisées des parents, le taux de boursiers, les évaluations à l’entrée en 6ème et le classement en zone de politique de la ville. Ces critères sont par essence évolutifs, c’est pourquoi une actualisation des zones paraît nécessaire.
Ainsi, lors des auditions, il est apparu que l’éducation prioritaire en Guadeloupe souffrait d’un mauvais calibrage en comparaison des autres académies ultramarines.
En effet, en 2019, si à La Réunion 55 % des élèves et en Martinique 45 % étudiaient en zone prioritaire, ils n’étaient que 28 % en Guadeloupe alors que les difficultés rencontrées sont similaires. Sur les 364 collèges nationaux dits REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcée), 3 sont en Guadeloupe, 9 en Martinique et 21 à La Réunion. Sur les 721 collèges nationaux dits REP (réseau d’éducation prioritaire), 12 sont en Guadeloupe,13 en Martinique et 24 à La Réunion.
La Cour des comptes s’est livrée aux mêmes conclusions : « la structure socio-économique… n’explique pas les différences de périmètre de l’éducation prioritaire ». ([32]) En 2018, la Guadeloupe comptait 5 % de ses collégiens en zone REP+ tandis qu’ils étaient 16 % à la Martinique et 27 % à La Réunion.
Carte de l’éducation prioritaire en Martinique, Guadeloupe et La Réunion en 2019/2020 :
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réseaux d'éducation prioritaire |
réseaux d'éducation prioritaire renforcée |
Total éducation prioritaire |
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Écoles |
Collèges |
Écoles |
Collèges |
Écoles |
Collèges |
Guadeloupe |
71 |
12 |
17 |
3 |
88 |
15 |
La Réunion |
137 |
24 |
147 |
21 |
284 |
45 |
Martinique |
66 |
13 |
50 |
9 |
116 |
22 |
Source : DGESCO
M. Guy Waiss inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche a reconnu que cet écart entre les deux départements antillais était lié à une absence d’évolution de la délimitation de la carte de l’éducation prioritaire et qu’au moins 7 collèges REP+ supplémentaires y seraient nécessaires.
8 collèges seraient préfigurés en REP+ pour la rentrée 2021. Selon le syndicat SNCL-FAEN, des zones rurales telles que Petit-Canal ou Morne à l’Eau devraient également être incluses dans cette carte.
Les Rapporteurs soutiennent ces préconisations et plaident pour un rééquilibrage des moyens de l’éducation prioritaire en faveur de la Guadeloupe.
Cette actualisation gagnerait à être effectuée également au sein de la Martinique en tenant compte des évolutions des critères de l’IPS qui dans ce territoire doit être compris entre 61,4 et 86,7 pour les REP+ et entre 76,6 et 90 pour les REP.
Le dernier zonage de l’éducation prioritaire y a été effectué en 2015.
Selon les services de l’académie, la carte actuelle exclut certains établissements situés dans des quartiers prioritaires de la ville comme les collèges Julia Nicola et la Grosiliere ou en quartier de politique de la ville comme le collège Édouard Glissant. De plus, ces trois établissements pâtissent d’un IPS inférieur ou égal à 90. La circonscription de Rivière-Salée ne comprend aucun établissement classé en éducation prioritaire alors que le collège Élisabeth de Rivière-Salée présente un IPS de 81 et celui de Rivière- Pilote un indice de 83.
Quant à La Réunion, mieux pourvue en moyens de l’éducation prioritaire, la rectrice Mme Chantal Manès-Bonnisseau a néanmoins identifié 10 collèges qui pourraient y prétendre en se fondant sur les critères de l’IPS des familles et les évaluations en 6ème ; elle a proposé de mettre en place avec ces derniers établissements un projet pour une affectation de moyens supplémentaires. Les syndicats SNES-FSU et SNUIPP-FSU, SGEN-CFDT et SAIPER de La Réunion recommandent de mieux prendre en compte ces écoles orphelines, situées à la marge de l’éducation prioritaire.
C’est pourquoi, les Rapporteurs suggèrent d’actualiser les cartes académiques de l’éducation prioritaire de ces trois académies en tenant compte de l’indice de positionnement social des parents et des zones situées en politique de la ville et en milieu rural.
Enfin, les syndicats SNES-FSU et SNUIPP-FSU demandent même que les trois îles soient intégralement placées en éducation prioritaire.
Pour d’autres syndicats comme l’UNSA et le SNES-FSU, le périmètre même de l’éducation prioritaire doit être adapté aux spécificités ultramarines et étendu aux lycées.
b. Des solutions innovantes pour adapter le projet pédagogique
Il n’en reste pas moins que ce classement en zone d’éducation prioritaire a montré ses limites pour lutter contre l’échec scolaire. Les recteurs de Martinique et de Guadeloupe ont constaté que les résultats n’étaient pas aussi bons qu’espérés, au vu des moyens investis et que le lien entre le classement d’un établissement en éducation prioritaire et ses résultats n’était pas démontré. De plus, les établissements classés dans ces zones sont délaissés ce qui nuit à la mixité sociale et au niveau scolaire des classes. Il convient donc de réfléchir à un autre modèle axé sur un projet pédagogique adapté.
Ce constat est partagé au niveau national d’où le lancement d’une expérimentation. Les Rapporteurs appellent à inclure les académies ultramarines dans cette expérimentation qui vise à développer des politiques territoriales adaptées à la diversité des besoins régionaux et locaux.
La réforme de l’éducation prioritaire
Mme Nathalie Elimas, Secrétaire d’État de l'éducation prioritaire, a annoncé la mise en œuvre d’une expérimentation à la rentrée 2021 au sein de trois académies (Aix-Marseille, Lille et Nantes) pour initier la réforme de l'éducation prioritaire.
À travers ces expérimentations, il s'agit de mettre en œuvre les préconisations du rapport Azéma-Mathiot publié en novembre 2019. ([33]) Ce rapport vise à « conforter l’éducation prioritaire tout en développant des politiques territoriales adaptées à la diversité des besoins régionaux et locaux ». Ses préconisations soulignent une adéquation relative de la carte d’éducation prioritaire à la réalité des difficultés sociales et scolaires : « 70 % des élèves défavorisés ne sont pas scolarisés en ZEP ». Le zonage de l’éducation prioritaire ne prendrait pas dans les faits suffisamment en compte l’évolution de la dispersion des difficultés sociales. Le rapport préconise de maintenir les REP+ et de mettre fin au zonage des REP piloté par le ministère pour le confier aux rectorats, en concertation avec les collectivités territoriales. La Secrétaire d’État propose donc d’introduire plus de progressivité dans l’allocation des moyens dédiés à l'éducation prioritaire en créant des contrats locaux d’accompagnement (CLA). Les bénéficiaires seraient les écoles et établissements « qui peuvent être socialement proches de l’éducation prioritaire, ou situés dans des territoires confrontés à des chocs conjoncturels, ou bien ayant des besoins d’accompagnement particuliers identifiés » Les établissements classés REP+ seraient maintenus, ainsi que leurs moyens. Ce sont donc les REP sous leur forme actuelle qui seraient amenés à disparaître.
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La Cour des comptes se livre à la même analyse, l’éducation prioritaire ne semble plus constituer l’outil approprié pour vaincre l’échec scolaire, « la délimitation du périmètre et l’intensité de l’effort dans les Antilles et à La Réunion semblent davantage un produit de l’histoire qu’une adaptation au contexte. » ([34]) Elle plaide donc pour plus de souplesse laissée à l’encadrement et aux recteurs afin d’adapter le projet pédagogique aux réalités locales. De même, le syndicat SPEG insiste sur la nécessité d’encourager les expérimentations et l’innovation pour remédier au décrochage.
À ce titre, un appel à projets a été lancé avec l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) dans le cadre du fonds d’expérimentation jeunesse (FEJ) doté de trois millions d’euros pour sélectionner des expérimentations innovantes autour des thématiques de l’illettrisme et du décrochage scolaire en outre-mer qui donneront lieu à une évaluation, ainsi que l’a indiqué M. Pierre-Emmanuel Bartier, chef de bureau par intérim à la DGOM.
C’est dans ce sens que les recteurs de ces académies misent sur des projets pédagogiques adaptés à leurs territoires. La rectrice de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler a annoncé la mise en place d’une expérimentation « les IDEAS » ou unités éducatives identifiées pour réduire les écarts de résultats entre établissements.
En Martinique, le recteur M. Pascal Jan a, de son côté, mis en place plusieurs dispositifs innovants qu’il a présentés lors de son audition.
i. Éviter les ruptures pédagogiques
Deux expérimentations sont menées afin d’effectuer une transition progressive entre les cycles scolaires.
La première, dénommée le CMM, cours moyen modulaire, vise à éviter la rupture pédagogique entre le CM2 et la 6ème en zone d’éducation prioritaire afin de familiariser l’élève à des cours avec des professeurs différents en fonction des matières. Ainsi, en CM1 et CM2, les élèves se partagent 4 professeurs et l’après-midi des modules de thématiques différentes leur sont proposés. Les résultats sont encourageants, les élèves sont plus concentrés, les enseignants ont redécouvert leur métier et les signes de pré-décrochage ont disparu.
Une des contraintes est la nécessité de se coordonner avec la collectivité territoriale de Martinique (CTM) et les élus pour trouver des locaux disponibles.
La seconde, Pré-sup, doit permettre d’éviter le décrochage à l’entrée en université. En effet, environ 30 % des échecs dans la poursuite des études supérieures sont liés au manque d’adaptation.
Pour y remédier, l’expérimentation Pré-sup alterne au lycée des cours magistraux et des travaux dirigés (TD), soit 50 minutes de cours magistral et 3 heures de TD pour familiariser les futurs étudiants à ce nouveau rythme.
ii. Apprendre l’anglais dès le plus jeune âge
On estime à 33 % aux Antilles les élèves entrant en sixième ayant une maîtrise de l’anglais.
L’expérimentation anglais + vise à permettre le maniement correct de l’anglais à la sortie du premier degré, matière d’autant plus importante aux Antilles qui sont situées dans un bassin géographique anglophone. Les cours se déroulent en anglais au moins 45 minutes par jour ou à hauteur de 3 heures par semaine. Le tiers de l’académie en bénéficie. Le recteur a souligné deux avantages retirés par ce dispositif : en premier lieu, l’expérimentation attire des parents en zone d’éducation prioritaire ce qui diminue la stigmatisation de ces établissements et en second lieu, elle contribue à mettre en valeur les élèves allophones étrangers.
Les Rapporteurs préconisent de valoriser et de généraliser ces expérimentations adaptées aux réalités locales menées par les recteurs.
c. Une planification des besoins économiques
Faute de métiers accessibles ou de postes en adéquation avec leurs compétences, les jeunes qualifiés désertent ces trois académies, accélérant le vieillissement démographique.
Dans un premier temps, nombre d’étudiants sont contraints de se former en dehors de l’académie.
Selon les services de l’académie de Martinique, 26 % des candidats admis dans le supérieur s’orientent vers une formation hors académie. Ils sont 17 % en Guadeloupe. La rectrice de La Réunion, Mme Chantal Manès-Bonnisseau, a, de son côté, remarqué l’envie forte de mobilité des lycéens réunionnais.
L’offre de formations techniques reste insuffisante, comme le souligne le syndicat UNSA de La Réunion qui relève un déficit de places en brevets de techniciens supérieurs (BTS) et en instituts universitaires de technologie (IUT) dans l’île. La rectrice de La Réunion a nuancé ce constat en observant plutôt que l’académie présentait une offre inadaptée aux demandes car certaines filières en BTS n’étaient pas remplies. En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler tente d’y remédier en augmentant les places en BTS pour l’année prochaine.
Les Rapporteurs préconisent donc d’augmenter l’offre de bac pro, de BTS et d’apprentissage.
Dans un deuxième temps, les formations proposées ne correspondent pas aux besoins économiques des territoires, d’où des perspectives d’emploi plus qu’incertaines pour les futurs diplômés. Lors de leurs auditions, les syndicats d’enseignants ont été unanimes pour dénoncer l’inadaptation de l’offre de formation supérieure. Ils ont ainsi argué en faveur de métiers autour de l’économie bleue ou de l’accompagnement des personnes âgées ; à ce titre, la représentation de l’UNSA Guadeloupe a tenu à rappeler que le lycée de la mer annoncé en 2018 dans ce territoire n’était toujours pas finalisé.
Selon les Rapporteurs, un véritable partenariat entre les régions et l’Éducation nationale doit être mis en œuvre afin d’anticiper ces besoins économiques.
C’est dans ce sens que le recteur de la Martinique M. Pascal Jan s’est fixé deux objectifs :
– l’employabilité des jeunes ;
– l’éducation comme acteur du développement du territoire.
Enfin, l’orientation des élèves se fait plus par défaut que par choix. En Guadeloupe, le syndicat SPEG souligne que le choix d’une filière par un étudiant est souvent pris en fonction du nombre de places disponibles et de ses implications financières. Pour les fédérations de parents d’élèves, peu de jeunes obtiennent leurs premiers choix indiqués dans Parcoursup. La FAPEG constate même un système favorisant la reproduction sociale. Les Rapporteurs souhaitent rappeler l’importance d’une orientation choisie et la nécessité d’inciter les élèves à s’inscrire dans des filières générales et d’excellence afin d’éviter une forme d’autocensure.
Les fédérations de parents d’élèves de Martinique ont créé un groupe de travail centré sur la réussite éducative. Ils plaident notamment pour une revalorisation de l’apprentissage et mettent en avant qu’il serait judicieux de détecter en amont les élèves qui ne sont pas faits pour l’école. Ils ont à ce titre alerté sur le fort taux d’exclusion des conseils de discipline, ce qui accroît le décrochage scolaire. Ces derniers devraient être assortis de sanctions à portée éducative.
Il n’est donc pas étonnant que la poursuite de ces études supérieures soit rendue difficile.
Comme le souligne le syndicat UNSA, 33 % des étudiants se réorientent à l’issue de la seconde année. En Guadeloupe, selon le syndicat SPEG, l’université enregistre un taux d’échec en première année de licence de 75 % et d’abandon en cours d’année de 41 %. À La Réunion, 36 % des étudiants passent le cap de la première année et 17 % des étudiants se réorientent.
3. La mobilisation des équipes éducatives
Pour assurer le succès de ces dispositifs innovants, la communauté éducative doit se mobiliser.
a. La mobilisation de l’encadrement intermédiaire
L’encadrement intermédiaire et particulièrement les inspecteurs jouent un rôle clé pour l’application des programmes et servent de relais pour l’appropriation des réformes. Selon le recteur de la Martinique M. Pascal Jan un encadrement intermédiaire de qualité, bénéficiant d’une culture de l’évaluation, permettrait d’accroître les résultats des dispositifs innovants mis en place. La rectrice de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler partage cette analyse et plaide pour une plus grande implication des inspecteurs dans les projets pédagogiques. Ce constat est particulièrement important pour la promotion du bilinguisme. Lors de son audition, l’ancien recteur de La Réunion M. Vêlayoudom Marimoutou a souligné un déficit d’inspecteurs à La Réunion dans le second degré et d’autant plus spécifiquement en littérature, ce qui nuit à un travail pédagogique sur l’apprentissage des langues régionales.
Les Rapporteurs plaident pour une augmentation du nombre d’inspecteurs, particulièrement dans le premier degré et leur mobilisation pour l’application des expérimentations.
b. Une vraie politique de formation continue des enseignants
Comme le souligne la Cour des comptes ([35]), la formation continue des enseignants doit être remise à niveau. Elle note un manque d’appétence des enseignants, mais aussi relève que les sessions de formation sont délicates à organiser notamment en raison de la dispersion des enseignants sur les territoires ce qui nécessite de longs déplacements et leurs remplacements.
Cette question est particulièrement complexe en Guadeloupe pour les enseignants qui exercent dans les îles.
Le vivier de professeurs remplaçants, suggéré supra pourrait permettre aux enseignants d’accéder à cette formation. Une meilleure prise en charge faciliterait également ce droit.
M. Éric Cayol inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche a indiqué, lors de son audition, qu’en Martinique, les enseignants ont monté des groupes de travail de manière autonome. Selon les Rapporteurs, ce type d’initiative devrait être encouragé.
S’agissant du contenu, M. Jean-Marie Panazol inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche a regretté que l’université des Antilles ne dispose pas d’un pôle unité recherche en sciences de l’éducation. Les Rapporteurs le déplorent également et suggèrent que ce type d’unité soit mise en place dans les académies ultramarines.
De son côté, le syndicat UNSA a mis en avant le manque de formation aux langues étrangères des enseignants notamment en anglais, pourtant fort utile à Saint-Martin où de nombreux enfants sont anglophones. Il en est de même pour la formation aux autres langues étrangères parlées dans le bassin géographique antillais comme l’espagnol. Ce constat est partagé par le syndicat SPEG qui préconise d’exiger le niveau B2 pour enseigner en classe bilingue français-anglais et non le niveau C1.
Enfin, nombre d’enseignants hexagonaux sont affectés dans le premier degré et dans des zones défavorisées sans aucune connaissance des codes culturels de ces territoires et sans maîtrise des langues créoles. Les syndicats SNCL-FAEN et SPEG préconisent à l’instar de la Cour des comptes qu’une formation adaptée aux conditions culturelles du bassin caribéen et notamment à la connaissance du créole antillais sous forme de modules obligatoires leur soit délivrée. Ce constat est partagé par les fédérations de parents d’élèves. Il en est de même à La Réunion où les syndicats recommandent d’initier les enseignants au contexte plurilingue de l’île.
B. garantir de meilleures conditions d’enseignement
L’environnement dans lequel étudie l’élève participe à sa réussite scolaire. Les fédérations de parents d’élèves l’ont souligné, un enfant qui doit se lever aux aurores et rentrer tard du fait de transports scolaires inadaptés subira une fatigue toute la journée et sera moins réceptif aux cours. Quant au repas de midi, parfois le seul de la journée pour des enfants de milieux précaires, il joue sur la concentration des enfants. Enfin, des classes surchargées, mal ventilées, rendent difficile l’assimilation des cours.
La question du masque à l’école
Le port du masque à l’école par tous les enfants est une des illustrations de la méconnaissance des réalités locales. Cette obligation est particulièrement inadaptée dans des climats tropicaux. Le plus dommageable pour les enfants du primaire réside dans leur incapacité à voir le mouvement des lèvres des professeurs pour l’apprentissage des sons et de la lecture. Les syndicats de La Réunion ont relevé que les masques transparents promis qui auraient permis d’éviter cet écueil n’avaient pas été fournis.
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1. De meilleures conditions scolaires d’apprentissage
a. Le maintien d’effectifs réduits par classe
Des classes surchargées semblent difficilement conciliables avec le profil des élèves de ces académies en difficulté scolaire.
C’est pourquoi, la FAPEG plaide pour un renforcement de l’encadrement des élèves dans le premier degré et le travail en petit groupe.
Les résultats encourageants du dispositif de dédoublement des classes de CP et de CE1 vont dans ce sens. En Martinique, 290 classes en réseau d’éducation prioritaire (REP) et réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) sont concernées depuis 2017. Les évaluations y ont confirmé de bons résultats particulièrement au niveau des classes de CP situées en REP+ : les résultats en français sont supérieurs aux résultats nationaux pour 7 compétences sur 8. À titre d’exemple, 76 % des élèves de CP en REP+ possèdent une maîtrise satisfaisante de la compétence « comprendre un texte lu par l’enseignant » contre environ 67 % au niveau national.
De même, à La Réunion, les résultats des évaluations montrent une amélioration dans les secteurs de l’éducation prioritaire. Le nombre réduit d’élèves permet à l’enseignant un accompagnement plus personnalisé.
C’est pourquoi, les Rapporteurs suggèrent de généraliser au moins le dédoublement de toutes les classes de CP et CE1 en éducation prioritaire, particulièrement à La Réunion et de garantir une moyenne de 24 à 26 élèves par classe. En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a annoncé qu’à la rentrée 2021 toutes les classes de grande section, de CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire seraient dédoublées.
La seule contrainte soulignée par les syndicats réside dans la nécessité de disposer de locaux supplémentaires. Selon les services de l’académie de Martinique et de Guadeloupe, il n’existe pas de difficulté majeure pour trouver des espaces disponibles supplémentaires en raison de la baisse des effectifs scolaires. Dans le cas contraire, des travaux ont été réalisés comme dans la circonscription du Lamentin en Martinique. La situation est plus tendue à La Réunion. Lors de leur audition, les syndicats ont cité le cas de classes se tenant dans des préfabriqués. Ils insistent, par ailleurs, sur le refus d’un saupoudrage des postes et leurs redéploiements pour assurer ces dédoublements.
Des classes aux effectifs réduits dans le second degré sont également primordiales. C’est pourquoi, le syndicat SNCL-FAEN préconise de limiter à 20 le nombre d’élèves pour les classes scientifiques au collège et à 26 dans le cycle 4 dans les zones REP+. La rectrice de La Réunion Mme Chantal Manès-Bonnisseau partage cette analyse. Dans son académie, les effectifs par classe sont maîtrisés en éducation prioritaire, de l’ordre de 24 élèves en REP+ et de 26 en REP contre 28 hors éducation prioritaire. Elle préconise même de favoriser des classes aux effectifs réduits dans les collèges qui ne sont pas classés en zone d’éducation prioritaire mais qui présentent des profils fragiles.
La logique comptable qui lie baisse des effectifs scolaires et suppression des postes d’enseignants ne permettrait pas de conserver des classes aux effectifs réduits. C’est pourquoi les Rapporteurs insistent, de nouveau, sur le refus de ces suppressions de postes.
b. Une adaptation des rythmes scolaires
Selon les Rapporteurs, les contraintes propres à ces académies plaident pour plus de souplesse dans l’organisation des emplois du temps.
Pour remédier aux difficultés des transports scolaires, une évolution des emplois du temps peut être tentée. C’est le sens d’une expérimentation menée en Martinique où l’heure d’entrée en classe le matin a été décalée. Au Lamentin, les cours débutent à 7 heures 30 au lieu de 7 heures. Cette initiative est encourageante : les élèves présentent moins de signes de fatigue et affichent de meilleurs résultats. Par ailleurs, les enseignants arrivent également moins en retard. La rectrice de Guadeloupe Mme Christine Gangloff-Ziegler s’est également interrogée sur l’opportunité de faire débuter les cours à 7 heures.
S’agissant du dispositif « devoirs faits », des établissements ont choisi de les intégrer dans les emplois du temps ou sur la pause méridienne afin à la fois d’éviter l’écueil des horaires de transports et d’améliore l’assiduité des élèves. Les Rapporteurs recommandent donc de revoir ce dispositif dans ces académies, en l’inscrivant dans l’emploi du temps et en incitant les enseignants et les élèves à y participer.
Enfin, pour s’adapter aux conditions climatiques à La Réunion, les syndicats préconisent la mise en place d’un calendrier scolaire adapté à l’hémisphère Sud, d’autant plus que le bâti scolaire est mal ventilé. Les Rapporteurs partagent cette analyse.
c. La réduction de la fracture numérique
Le dernier confinement l’a démontré, l’équipement numérique est devenu primordial pour maintenir la continuité pédagogique. Pour accroître le taux d’équipement numérique des établissements, les Rapporteurs recommandent d’amplifier les initiatives des collectivités territoriales pour doter les élèves en matériel.
En Martinique, la collectivité territoriale de Martinique (CTM) a lancé un plan d’équipement pour réduire la fracture numérique qui prévoit la distribution de tablettes dans tous les collèges de l’académie et d’ordinateurs portables aux lycéens de seconde. En Guadeloupe, le conseil départemental a lancé des classes mobiles dans les collèges et plusieurs communes ont initié un plan pluriannuel d’équipement.
L’État peut également accompagner les collectivités en difficulté et particulièrement les communes dont dépend l’équipement dans le premier degré.
Comme ces dernières ne disposent pas toutes des mêmes moyens d’investissement, afin d’éviter une trop grande disparité territoriale, l’État a lancé une initiative « label écoles numériques ». Cette dernière va permettre à 22 écoles primaires en Guadeloupe, 56 en Martinique et 94 à La Réunion de recevoir une subvention comprise entre 3 000 euros et 7 000 euros prise en charge à 50 % par l’État pour s’équiper en matériel numérique.
Par ailleurs, selon les Rapporteurs la formation aux nouvelles technologies, notamment pour les parents, est essentielle dans ces trois académies. Ainsi, 12 % de la population martiniquaise souffre d’illectronisme. Les fédérations de parents d’élèves de Martinique et de Guadeloupe défendent donc un plan global d’équipement et de formation pour le numérique à l’égard des enfants et des parents qui seraient en difficulté. De même, en Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a plaidé pour que les parents d’élèves puissent être formés aux outils informatiques « Pronote » ou « ENT » pour suivre la scolarité de leur enfant.
Une expérimentation menée à la rentrée 2020 dans deux départements, l’Aisne et le Val d’Oise, intitulée « territoires numériques éducatifs » vise à déployer du matériel numérique auprès des élèves et des professeurs, couplé à une formation. Ce dispositif vise à la fois à équiper les classes, les professeurs et à prêter du matériel aux élèves mais aussi à former les enseignants et les parents aux enjeux du numérique éducatif.
Les Rapporteurs suggèrent d’étendre cette expérimentation aux départements ultramarins.
2. De meilleurs moyens matériels
a. Une plus grande flexibilité des transports scolaires
L’exemple le plus significatif de la nécessité d’améliorer les conditions dans lesquelles les élèves étudient est celui des transports scolaires. Comme cela a été évoqué supra, plusieurs difficultés se posent.
La première est celle des rotations. Elles ne sont pas suffisantes ni adaptées aux emplois du temps et depuis peu obèrent l’exécution du « dispositif devoirs faits ». L’ancien recteur de La Réunion M. Vêlayoudom Marimoutou a d’ailleurs remarqué que les horaires des cours étaient tributaires de ceux des transporteurs.
Les transports relèvent de la compétence des collectivités territoriales, c’est pourquoi les Rapporteurs appellent à une plus grande coordination entre les élus et la communauté éducative pour opérer les adaptations nécessaires. Les rotations se doivent d’être ajustées aux créneaux horaires des cours, y compris le samedi.
La deuxième difficulté réside dans la longueur des trajets, un même bus desservant plusieurs établissements et des localités éloignées. Des moyens de transport de plus petite capacité permettaient de diversifier l’offre sans faire subir de longs trajets à tous les élèves comme pour la région Nord en Martinique.
b. Un programme ambitieux d’ouverture d’internats
Selon les Rapporteurs, un programme ambitieux d’ouverture d’internats permettrait d’éviter la problématique de ces transports. En Martinique, la rénovation de ces structures permettrait d’accroître le nombre de places, tandis qu’en Guadeloupe, l’accueil d’élèves dans ces structures même s’ils sont scolarisés en dehors de l’établissement offrirait plus de souplesse.
c. Une restauration scolaire adossée à la production locale
Corollaire des transports, la question de la restauration scolaire joue également un rôle sur la concentration et la santé des élèves.
En premier lieu, selon les Rapporteurs toutes les écoles devraient pouvoir bénéficier d’un réfectoire.
En deuxième lieu, la qualité des repas doit être assurée. L’article L.230‑5‑1 du code rural et de la pêche maritime issu de la loi dite EGALIM ([36]) oblige la restauration scolaire à proposer dans ses menus une part égale à 50 % de produits répondant à au moins un critère de qualité au plus tard en 2022. Cet article représente une opportunité pour les producteurs locaux et permettrait un double bénéfice, des repas plus sains et la possibilité pour la filière locale de s’accroître. À ce titre, le syndicat UNSA souligne que la restauration scolaire n’est pas assez adossée à l’agriculture locale, ce qui permettrait des repas plus sains. Les fédérations de parents d’élèves abondent dans ce sens. Les projets alimentaires territoriaux issus de la loi de 2014 ([37]) qui ont pour objectif d’encourager une production agricole locale avec pour corollaire de favoriser une éducation alimentaire et une plus grande solidarité pourraient être sollicités, à l’image de ceux mis en place à La Réunion.
Enfin, il conviendrait de prévoir une collation le matin, avant le début des cours, pour les élèves qui se sont levés tôt en raison des contraintes de transport.
d. La poursuite de l’amélioration du bâti scolaire
Le plan de relance comporte un volet construction. Les Rapporteurs recommandent de le flécher pour renforcer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales pour terminer la mise aux normes des établissements scolaires prévus par le Plan séisme aux Antilles et la rénovation de bâtiments vétustes.
À La Réunion, l’ancien recteur M. Vêlayoudom Marimoutou préconise d’étoffer le maillage des établissements sur le territoire et pour ce faire de privilégier des bâtiments de plus petite capacité.
Les Rapporteurs suggèrent de mener un état des lieux du bâti scolaire dans ces trois académies.
La question climatique doit être prise en compte. Les fédérations de parents d’élèves et les syndicats se sont indignés, à juste titre, de ce que les établissements scolaires soient parmi les rares bâtiments collectifs à ne pas disposer de la climatisation.
De plus, les établissements devraient bénéficier de travaux de rénovation permettant la mise en place de solutions permettant une meilleure ventilation.
Enfin, les Rapporteurs tiennent à souligner la nécessité d’assurer à tous les élèves un accès à l’eau, au savon et aux toilettes dans tous les établissements.
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III. LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES À L'éCOLE
La troisième partie du rapport est consacrée à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein de l’école. En premier lieu, la mission d’information a choisi d’éclaircir la question de la mutation des enseignants soupçonnés d’agissements pédocriminels notamment en outre-mer. En deuxième lieu, elle s’est penchée sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein de l’école et les moyens de renforcer cette dernière comme cadre de prévention et de repérage.
A. La question de la pédocriminalité au sein de l’éducation nationale
Le 3 janvier 2020, questionnée sur l’affaire Gabriel Matzneff, l’ancienne ministre déléguée à l'enseignement scolaire, Mme Ségolène Royal, a déclaré dans une émission télévisée : « Quand j’étais ministre de l’éducation, ça m’a rappelé cette période de souffrance parce que j’ai fait les premières instructions contre la pédophilie dans le milieu scolaire. C’était un tabou. Avant, on mutait discrètement les pédophiles, si possible en outre-mer, comme ça c’était loin, on n’en entendait plus parler. »
Interrogé sur ces propos lors des questions d’actualité par le député de la Guyane M. Gabriel Serville ([38]), le ministre de l’Éducation nationale M. Jean‑Michel Blanquer a répondu : « Je ne dispose d'aucun élément qui vienne appuyer ses déclarations de manière probante. Avant d'envisager quoi que ce soit, il nous faut savoir ce qui lui permet d'affirmer une chose pareille. Pour ma part, je le répète, je ne dispose d'aucun élément corroborant des faits antérieurs à ses fonctions, assez anciennes, de ministre déléguée à l'enseignement scolaire. »
Le bureau de la Délégation aux outre-mer a donc décidé d’auditionner Mme Ségolène Royal. Cette dernière n’a pu apporter de preuves à l’appui de ses propos, évoquant des rumeurs.
C’est dans ce contexte que la Délégation a choisi de se pencher sur cette question dans le cadre de cette mission.
À rebours d’une politique marquée pendant longtemps par une certaine passivité, depuis les années 2000 l’Éducation nationale a commencé à faire preuve à la fois de plus de transparence et de fermeté pour traiter la grave question de la pédocriminalité au sein de ses personnels. Lors de son audition, Mme Ségolène Royal a témoigné de son volontarisme précurseur pour lutter contre les violences sexuelles au sein de l’école et notamment pour réprimer les agissements pédocriminels des personnels de l’Éducation nationale. Une circulaire en date du 26 août 1997 ([39]) détaille les obligations légales et les procédures à suivre. Elle sera suivie par une autre circulaire en date du 15 mars 2001 ([40]) et d’une instruction le 20 avril 2016 ([41]).
Les personnels de l’Éducation nationale sont tenus à un devoir d’exemplarité, leur recrutement est donc particulièrement encadré et le contrôle de leurs antécédents judiciaires a été renforcé.
Avant tout recrutement, sont donc consultés le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) et le bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Enfin, ce contrôle ne concerne pas que les enseignants. En effet, l’ensemble des personnels ayant un contact régulier avec des mineurs est concerné comme les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), les adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement (ATTEE) et les intervenants extérieurs qui participent à l’enseignement de l’éducation physique et sportive. Par ailleurs, afin de lutter efficacement contre les pédocriminels, tout individu définitivement condamné par le juge pénal pour un crime ou un délit contraire à la probité et aux mœurs ne peut diriger un établissement d’enseignement de premier ou second degré. ([42])
Toutefois, il demeure des failles dans ce contrôle. Par exemple, au sein des établissements scolaires hors contrat, la responsabilité du contrôle des antécédents judiciaires du personnel scolaire revient à l’établissement.
Ce contrôle continue à s’opérer après le recrutement. Une des lacunes tenait à l’absence de croisement des informations entre les autorités administratives et judiciaires.
La loi du 14 avril 2016 ([43]) élabore un régime d’information obligatoire en cas d’infractions, crimes ou délits incompatibles avec l’exercice d’une fonction auprès de mineurs ([44]). Si un individu est frappé d’incapacité d’exercer auprès de mineurs à la suite d’une condamnation pour crime ou délit incompatible avec une activité auprès d’élèves mineurs, l’autorité judiciaire devra en alerter l’administration scolaire. Pour faciliter la coopération et l’échange d’informations entre l’administration scolaire et l’autorité judiciaire, des référents au sein des parquets et des rectorats sont mis en place.
En 2016 une opération de vérification des antécédents des personnels déjà en poste avant la mise en œuvre des nouvelles mesures a été menée. Elle a permis de révéler 122 inscriptions au FIJAISV inconnues par les services de l’Éducation nationale dont 38 relevaient d’infractions sexuelles à l’encontre de mineurs.
2. Des dispositifs améliorés en cas de suspicion ou de faits avérés
a. Des règles claires en cas de suspicion
En cas de suspicion, la circulaire de mars 2001précitée résume la conduite à tenir.
Toute suspicion de faute grave doit donner lieu à un signalement à l’inspection académique qui décidera de la suite à donner en liaison avec le rectorat. Une enquête administrative sera conduite.
En cas de connaissance des faits, l’article 40 du code de procédure pénale qui impose à « tout fonctionnaire qui dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, doit en donner avis sans délai au Procureur de la République » doit être appliqué. En parallèle, il devra saisir les autorités académiques et le président du Conseil départemental.
Par ailleurs, des mesures conservatoires peuvent être prises.
En vertu de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ([45]) qui prévoit qu’« en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline », une mesure de suspension conservatoire peut être prononcée par l’inspecteur d’académie, le recteur ou le ministère de l’Éducation nationale à l’égard de l’individu travaillant dans un établissement scolaire soupçonné de faits pédocriminels.
b. L’application de sanctions à visée dissuasive
Lorsque les faits sont établis, deux types de sanctions, indépendantes l’une de l’autre, sont prononcées, des sanctions administratives par l’autorité hiérarchique de l’enseignant et des sanctions pénales par l’autorité judiciaire.
Les circulaires insistent sur un point particulier, la poursuite disciplinaire est indépendante des poursuites judiciaires. L’instruction d’avril 2016 précitée dispose : « Il appartient, en effet, à l’autorité disciplinaire de définir le degré de la sanction résultant de sa propre appréciation des faits au regard des obligations professionnelles de l’agent ».
Dans le cadre d’une procédure disciplinaire, plusieurs sanctions peuvent être prises :
- avertissement ou blâme ;
- radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon ;
- déplacement d’office ou exclusion temporaire des fonctions de 3 mois à 2 ans ;
- retraite d’office ou révocation.
En cas de condamnation pénale, en vertu des lois du 30 octobre 1886 ([46]) et du 25 juillet 1919 ([47]), la radiation des cadres de la fonction publique est automatique pour les personnels de l’enseignement primaire et technique condamnés pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs. Dans les autres situations et notamment pour les enseignants du secondaire, une procédure disciplinaire doit être engagée.
3. Une absence de faits documentés s’agissant des mutations d’enseignants
En 1998, une mission relative à la gestion par l’administration et la justice de comportements délictueux ou criminels parmi les personnels enseignants est confiée à l’Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN). Elle fait suite à la publication de la circulaire de 1997 précitée et cherche à enquêter sur de possibles mutations des personnels enseignants en cas d’actes pédocriminels. Il convient de noter que cette mission s’applique à tout le territoire, y compris les départements d’outre-mer. Ses résultats ne sont pas rendus publics mais, dans le rapport de l’IGAEN de 1999, il est mentionné que certaines mutations douteuses ont probablement permis de régler des affaires de pédophilie. Sur 140 cas répertoriés, 22 font état de mutation dont une en outre-mer en 1983-1984.
Interrogé lors de son audition, M. Christophe Géhin chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales du ministère de l’Éducation nationale, a déclaré que les propos de Mme Ségolène Royal n’engageaient qu’elle et n’étaient pas étayés. En pratique, l’Éducation nationale applique la tolérance zéro et les mutations n’ont pas cours.
Quant à M. Pierre-Emmanuel Bartier chef de bureau par intérim à la DGOM, il a abondé en ce sens en soulignant que les affirmations de Mme Ségolène Royal n’étaient pas documentées mais que la DGOM avait peine à imaginer de telles mutations dans un système encadré et surveillé par les syndicats. Les mutations en outre-mer reposent de plus sur le volontariat et les académies antillaises et réunionnaises sont très attractives, comme cela été rappelé supra.
Ce constat est partagé par les syndicats qui ne disposent d’aucun élément sur ce sujet.
En conclusion, deux points semblent se détacher des auditions : si de possibles mutations avaient eu lieu, elles n’auraient pu se dérouler qu’avant les années 2000 mais aucune preuve n’a été apportée en ce sens.
Depuis 1997, les statistiques sur des cas de pédocriminalité au sein du corps enseignant restent éparses. À La Réunion, la rectrice Mme Chantal Manès- Bonisseau a signalé un cas de pédocriminalité dans le corps enseignant en 2020. En Martinique, selon les services de l’académie, depuis 2018, deux cas ont été constatés commis par un agent de propreté et un surveillant.
Quant aux mutations, la circulaire de 1997 est explicite, elle affirme : « chacun doit comprendre que les mutations destinées à étouffer les affaires ou à faire taire les familles constituent des délits sévèrement réprimés par la loi. »
B. La lutte contre les violences sexuelles et sexistes en milieu scolaire
Parallèlement, l’école est également le lieu de violences sexuelles et sexistes entre les élèves eux-mêmes. Un guide a été édicté en novembre 2020 ([48]) afin de fournir des éléments à la communauté éducative. Il s’articule autour de deux volets, la prévention et le repérage.
Mme Stéphanie Mulot, professeur de sociologie à l’université Jean Jaurès de Toulouse, a constaté que la violence en milieu scolaire s’était banalisée et que la pédopornographie entraînait une construction violente de la sexualité.
De nouveau, les statistiques restent parcellaires. Une enquête réalisée en 2015 créditait de 12 % le milieu scolaire comme cadre des violences sexuelles subies en tant que mineur ([49]).
Les services de l’académie de Martinique ont comptabilisé depuis 2018, 23 situations de violences sexuelles en milieu scolaire, 10 en 2018, 4 en 2019 et 9 en 2020. Les agresseurs étaient majoritairement des élèves et 87 % des victimes étaient des filles. Le type d’agression concernait des faits d’attouchements commis avec violence, contrainte, menace ou surprise.
L’enquête CAPSEX (connaissances, attitudes et pratiques en matière de santé affective et sexuelle parmi les adolescents scolarisés en classe de seconde aux Antilles françaises) menée en 2017-2018 par M. Philippe Carrère auprès d’environ 2 200 élèves âgés de 15 à 16 ans en Martinique et en Guadeloupe a permis de mieux connaître les attitudes et pratiques en matière de santé sexuelle parmi les adolescents. Elle a révélé que pour 5 % à 8 % des participantes, être enceinte à l’âge adolescent serait une chose positive, ce taux s’élevant même à 10 % en lycée professionnel. Elle a permis également de montrer que 20 % des filles et 10 % des garçons interrogés avaient subi des violences sexuelles. Si l’on affine ces resultats,10 % à 12 % des élèves ont subi un viol dont 16 % de filles et 5 % de garçons et 9 % à 14 % ont déclaré avoir été victimes d’attouchements.
1. L’école comme cadre de prévention
Une circulaire en date du 3 septembre 2019 ([50]) donne pour mission à l’école de promouvoir l’égalité entre les sexes et de lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Pour ce faire, plusieurs dispositifs de prévention et d’information sont mis en œuvre par la communauté éducative.
● L’éducation à la sexualité : prévue par l’article L. 312-16 du Code de l’éducation cette politique vise, à hauteur d’au moins trois séances annuelles, à prévenir et à informer les élèves quant aux questions de santé publique (grossesses non désirées, maladies sexuellement transmissibles), de violences sexuelles, de prostitution, de pornographie et de lutte contre les préjugés. Elle promeut également l’égalité entre les hommes et les femmes et recommande aux élèves des structures d’accueil, d’aide et de soutien.
● La promotion de la santé : en vertu de l’article L. 541-1 du Code de l’éducation cette politique vise à prévenir, éduquer et protéger les élèves en matière de santé. Elle prévient les conduites à risques, répond aux problèmes de santé et informe quant aux violences sexistes et sexuelles.
Mme Elixabet Alfaro, infirmière scolaire à La Réunion, a indiqué que des séances de prévention et d’information peuvent être menées dès le cours préparatoire. Dans les premières classes, on aborde l’estime de soi, le respect de l’autre, la question du changement de son corps, tandis qu’au collège des cours d’éducation à la sexualité peuvent être proposés en lien avec les professeurs de SVT.
Mme Viviane de Voissagne présidente de l’association Cœur d’enfants, de son côté, recommande même de débuter ces séances dès la maternelle. Elle préconise également que ces interventions fassent appel à des témoignages de victimes, ce qui permet de délier plus facilement la parole.
Cependant en Guadeloupe, M. Philippe Carrère, coordonnateur de l’enquête CAPSEX a indiqué qu’en 2014 ces séances n’étaient déployées que dans 33 % des établissements.
Parmi les facteurs explicatifs, le déficit d’infirmières scolaires, le manque de formation des personnels éducatifs sur ces thématiques et les réticences des chefs d’établissement. M. Philippe Carrère a insisté sur le poids du chef d’établissement qui autorise ou non ce type de séances qui se déroulent sur les heures de cours. Or sous la pression des parents d’élèves, beaucoup préfèrent temporiser. De plus, ces formations entrent en concurrence avec un programme déjà chargé.
De même lors de son audition, le syndicat SNES-FSU a relevé la difficulté en Guadeloupe à aborder ces thématiques dans l’enceinte scolaire.
Les Rapporteurs recommandent donc de rendre obligatoire ces séances d’éducation à la santé et à la sexualité dans les collèges et lycées et de sensibiliser les parents afin de susciter leur adhésion.
Enfin, une forme de culture du silence perdure. Jusqu’à ces quelques mois, les violences sexuelles et notamment les cas d’inceste restaient des sujets tabous. Ces académies sont des territoires insulaires ou la peur du qu’en-dira‑t‑on reste vivace. À ce titre, les violences homophobes à l’école sont ignorées. Mme Viviane Melyon, présidente de l’association Amalgame Humanis, a relaté la difficulté pour son association à intervenir en milieu scolaire dans ce domaine.
2. L’école comme cadre de repérage
● Concernant les comportements et actes sexistes
Afin de repérer les comportements et actes sexistes, la politique de l’établissement doit notamment :
- identifier les incidents et prévoir une cellule de veille et d’alerte en cas de faits graves ;
- instaurer un référent égalité ;
- intégrer les notions de comportement et d’acte sexistes dans le règlement intérieur et de sexisme dans le plan de prévention des violences ;
- sensibiliser les élèves aux inégalités entre les femmes et les hommes, aux stéréotypes de genre et aux conséquences des violences sexistes ;
- dialoguer avec les élèves en mettant en œuvre des entretiens individuels, en offrant des espaces sécuritaires.
Lors de son audition Mme Viviane Melyon, présidente de l’association Amalgame Humanis, a indiqué qu’aux Antilles, les personnels communaux perpétuaient une différenciation sexiste entre les enfants. Mme Elixabet Alfaro infirmière scolaire à La Réunion a constaté une augmentation de la violence verbale entre les sexes.
Selon Mme Viviane de Voissagne, présidente de l’association Cœur d’enfants, la sensibilisation au respect entre les sexes permet d’éviter également les violences sexuelles. Dans beaucoup de cas, les violences conjugales s’accompagnent de violences sexuelles.
Si les faits reprochés n’engagent pas de poursuites disciplinaires, une mesure éducative personnalisée comme la retenue peut être adoptée par la commission éducative. ([51])
Si les faits reprochés présentent une gravité, une mesure de responsabilisation prononcée par le chef d’établissement ou le conseil de discipline prévoit que l’élève peut être exclu temporairement ou définitivement de l’établissement. ([52])
● Concernant les violences sexuelles
Lors de son audition, Mme Elixabet Alfaro infirmière scolaire à La Réunion a rappelé le rôle important que peut jouer l’école dans le repérage des violences sexuelles. Lorsque des relations de confiance se sont établies, l’élève lui-même se confie au personnel de santé scolaire ou à son enseignant. Dans d’autres cas, les infirmiers détectent d’éventuelles violences au vu de comportements significatifs comme la chute des notes, la découverte de scarifications, l’apparition de troubles alimentaires ou une attitude violente.
Cependant, l’enquête CAPSEX a démontré que 65 % des élèves préféraient en référer à un membre de leur famille pour évoquer des questions de sexualité plutôt qu’à un professionnel de l’Éducation nationale qui n’était choisi que par 23 % des personnes interrogées.
Les infirmiers peuvent opérer un signalement au Procureur. Ce repérage peut bien sûr être effectué par tout le personnel éducatif.
La circulaire de septembre 2019 précitée pose la règle à suivre. L’adulte qui soupçonne qu’un élève est victime de violences sexuelles en informe son chef d’établissement, en discute avec les personnels sociaux et de santé de l’établissement et confie les informations à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes du conseil départemental. Cette dernière, en fonction de la gravité de la situation, peut réaliser une évaluation locale ou un signalement sans délai au Procureur de la République. ([53]) Sauf si cela est contraire à l’intérêt de l’enfant ou que les violences ont lieu au sein de la cellule familiale, les familles sont informées des démarches entreprises.
Les services de l’académie de Martinique ont indiqué que sur les 23 situations de violences sexuelles au sein de l’école, 21 avaient fait l’objet d’un signalement au Procureur. 8 cas l’ont été par les assistantes sociales, 5 cas par le principal, 3 cas chacun par le conseiller principal d’éducation (CPE), le proviseur et les infirmières et un cas par un professeur. En Guadeloupe, la rectrice Mme Christine Gangloff-Ziegler a indiqué que depuis la rentrée scolaire 2020, 9 signalements avaient été effectués.
S’agissant de la prise en charge, le personnel de santé scolaire travaille avec les assistants sociaux, les services de pédiatrie de l’hôpital ou les associations et suivra l’élève le temps de sa prise en charge par un service spécialisé comme le groupement d’unité territoriale. La situation peut s’avérer délicate car bien souvent les faits de violence remontent à plusieurs années et la procédure judiciaire est longue.
a. Accroître la qualification et le nombre des personnels
Comme l’a rappelé Mme Elixabet Alfaro, infirmière scolaire à La Réunion, la médecine scolaire est sinistrée. À l’échelle de La Réunion, seuls 153 infirmiers couvrent tout le territoire. Tous les établissements du premier degré ne peuvent en disposer et dans les collèges, ils exercent à mi-temps. Il manque 30 postes. Il convient donc selon les Rapporteurs, de réaliser un état des lieux des différentes catégories de personnels selon les différentes tutelles dans ces trois académies et d’augmenter le nombre de personnels de santé scolaire.
Pour exercer en tant qu’infirmière scolaire, un concours spécifique est demandé après avoir passé le diplôme d’État d’infirmier.
La formation gagnerait à être approfondie en lien avec les instituts de victimologie et les associations locales. Ces formations nécessitent de s’absenter plusieurs jours, c’est pourquoi les supérieurs hiérarchiques sont souvent réticents à accorder leur autorisation.
Mme Elixabet Alfaro préconise la validation d’un MASTER formant à la prévention et au traitement des violences qui dispenserait des connaissances de sociologie, de psychologie et de victimologie. Cette formation continue devrait s’adresser également aux enseignants. Mme Viviane de Voissagne, présidente de l’association Cœur d’enfants, préconise qu’ils reçoivent de façon systématique un module de formation à ces thématiques. Les Rapporteurs soutiennent ces propositions.
Seuls trois établissements à La Réunion ont proposé ce type de formation, dans le cadre de la formation continue. Selon les services de l’académie de La Réunion, 10 formateurs en éducation à la sexualité interviennent sur l’île : tous les chefs d’établissements ont été sensibilisés en amont de leur prise de fonction.
M. Philippe Carrère a insisté sur la nécessaire vérification des compétences des personnes intervenantes sur ces sujets, malgré la procédure préalable d’agrément par le rectorat.
b. Mieux adapter la prise en charge des victimes
M. Albert Montbrun, responsable de l’unité de pédiatrie médico-légale au centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion a préconisé un accueil systématique des enfants victimes de violences sexuelles dans des unités d’accueil pédiatriques enfance en danger. Seule une véritable prise en charge multidisciplinaire incluant les forces de police ou de gendarmerie, les psychologues, les travailleurs sociaux et les soignants permettra un suivi efficace et un accompagnement global avec la famille. Il a insisté sur la nécessaire coopération entre les officiers de police judiciaire et les soignants notamment par le biais des auditions filmées.
Les Rapporteurs soutiennent cette prise en charge multidisciplinaire. Ils préconisent également un suivi et un accompagnement global avec la famille.
Mme Viviane de Voissagne, présidente de l’association Cœur d’enfants, a également souligné la nécessité d’une plus grande coordination entre tous les acteurs que ce soit les forces de police ou la justice mais aussi le rectorat et les associations. Elle a surtout insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte la parole des enfants et d’entendre les victimes.
Ce constat est partagé par les Rapporteurs.
— 1 —
DÉPASSER UNE LOGIQUE COMPTABLE
Garantir le maintien de postes d’enseignants malgré la dépression démographique
ADAPTER LES MOYENS PÉDAGOGIQUES AUX RÉALITÉS LOCALES
Rénover l’éducation prioritaire
Actualiser les cartes académiques
Mettre en place des solutions innovantes
Faire de l’enseignement des langues régionales un atout
Mobiliser les équipes éducatives
Renforcer la formation continue
Mobiliser l’encadrement intermédiaire
Garder les forces vives en améliorant l’adéquation des formations aux besoins économiques des territoires
ADAPTER LES MOYENS MATÉRIELS AUX RÉALITÉS LOCALES
Améliorer les conditions d’apprentissage
Garantir des effectifs réduits par classe
Renforcer l’intégration des élèves allophones
Adapter les rythmes scolaires
Réduire la fracture numérique
Améliorer la scolarisation des enfants en situation de handicap
Améliorer le bâti
Accroître la flexibilité des transports scolaires
Promouvoir une restauration scolaire dans chaque établissement et veiller à sa qualité
MIEUX PRÉVENIR ET REPÉRER LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES AU SEIN DE L’ÉCOLE
Faire de l’école un cadre de repérage
Faire de l’école un cadre de prévention
Mieux adapter la prise en charge des victimes
— 1 —
Lors de sa réunion du 1er juin 2021, la Délégation aux Outre-mer a procédé à la présentation du rapport d’information sur l’enseignement dans les Outre-mer.
La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :
Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.
— 1 —
Mardi 10 novembre 2020
— M. Éric CAYOL, Inspecteur général ;
— M. Pierre LUSSIANA, Inspecteur général ;
— M. Jean-Marie PANAZOL, Inspecteur général ;
— M. Guy WAISS, Inspecteur général.
Jeudi 12 novembre 2020
— M. Christophe GÉHIN, Chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales.
Lundi 16 novembre 2020
— Mme Michèle CHAY, Rapporteure de l’avis sur l’accès aux services publics en outre-mer ;
— Mme Sarah MOUHOUSSOUNE, Co-rapporteure de l’avis sur l’accès aux services publics en outre-mer.
Mercredi 25 novembre 2020
— M. Pierre-Emmanuel BARTIER, Chef de bureau par intérim à la DGOM ;
— M. Mikael QUIMBERT, Adjoint à la sous-directrice ;
Vendredi 27 novembre 2020
— Le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC – SNUipp‑FSU :
— M. Jean-Pierre CLAVIER ;
— M. Rivo RAKOTONDRAVELO.
— Le Syndicat des enseignants Union nationale des syndicats autonomes - SE UNSA :
— Mme Laurence NAUMOT ;
— M. Yann CHANDIVERT, Secrétaire national.
— Le Syndicat SNES-FSU - Syndicat national des enseignements de second degré :
— Mme Sophie VÉNÉTITAY, Secrétaire générale adjointe ;
— Mme Valérie VERTALE-LORIOT, Secrétaire générale académique en Martinique ;
— M. Guillaume MARSAULT, Secrétaire général académique en Guadeloupe.
Lundi 7 décembre 2020
— M. Pascal JAN, Recteur de l’académie de Martinique.
Mercredi 9 décembre 2020
— Mme Corinne GAU, Inspectrice d'académie - Adjointe au recteur de région académique Martinique ;
— M. Éric MORTELETTE, Inspecteur d’académie délégué de région à l’information et l’orientation.
Jeudi 17 décembre 2020
— L’Union des parents d’élèves Martinique (UPEM) :
— M. Gérard LAGUERRE ;
— M. Yves ROSÉE ;
— M. Claude NICOLE ;
— M. Joe ARNETON.
— La Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) conseil départemental de Martinique :
— M. Claude BERTRAC.
Mercredi 3 février 2021
— M. Marie-Emile MIRVAL, Secrétaire général ;
— M. Steew ANAÏS, Secrétaire général adjoint en charge du 1er degré ;
— Mme Marie-Laure ERAMBERT, Secrétaire générale adjointe en charge du second degré ;
— M. Frédéric GERARDIN, Secrétaire général adjoint en charge de l'enseignement supérieur et la recherche ;
— Mme Eliane SIOUSSARAM, membre du Bureau syndical ;
— Mme Sarita PORTECOP, membre du Bureau syndical ;
— M. Jérémie TAVARS, membre du Conseil syndical.
— M. Gustave BYRAM, Secrétaire général ;
— M. Joël JACOBSON, Secrétaire général académique.
— Mme Corinne LUCINA professeure certifiée d'histoire-géographie, membre du conseil académique du SNCL ;
— Mme Marie Line GROEVIUS, membre du conseil académique du SNCL ;
— M. Teddy TANCONS, Secrétaire académique du SNCL - section de Guadeloupe, Commissaire Paritaire.
Jeudi 4 février 2021
— M. Michel GÉDÉON, Président ;
— M. Philippe GENDREY, Secrétaire général.
Mardi 9 février 2021
Jeudi 11 février 2021
— Mme Elixabet ALFARO, Infirmière de l'Éducation nationale à La Réunion– représentante du Syndicat national des infirmières conseillères de santé (SNICS/FSU) ;
— M. le Docteur Albert MONTBRUN, pédiatre, responsable du service de pédiatrie médico-légale de La Réunion, pôle de référence régional des victimes de violences sexuelles et de maltraitance.
Mardi 16 février 2021
— Mme Chantal MANÈS-BONNISSEAU, Rectrice de l’Académie de La Réunion ;
— M. Francis FONDERFLICK, Secrétaire général ;
— M. Jean-François SALLES, inspecteur d’académie -DAASEN ;
— Mme Marie-Claude BOYER, Directrice de cabinet.
Mercredi 17 février 2021
— M. Axel GAUVIN, Président.
— M Giovanni PRIANON, Président.
Jeudi 18 février 2021
— Mme Stéphanie MULOT, Professeure de sociologie, Université de Toulouse Jean Jaurès ;
— M. Philippe CARRÈRE, Coordinateur de Enquête CAPSEX, attitudes et pratiques en matière de santé sexuelle parmi les adolescents aux Antilles ;
— Mme la Docteure Viviane MELYON DE FRANCE, Présidente de l'association Amalgame Humanis en Guadeloupe.
Mercredi 3 mars 2021
Mardi 16 mars 2021
— Table ronde syndicats de La Réunion
— M. Didier HOARAU, Secrétaire général ;
— M. Fabrice GROSSET, Secrétaire général adjoint AESH ;
— M. Alexandre THEBAULT, Secrétaire général adjoint 1er degré.
— M. Cédric LENFANT.
Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC -SNUipp-FSU de La Réunion :
— M. Guillaume ARIBAUD, Cosecrétaire de la FSU Réunion représente l'ensemble des syndicats des personnels de l’Éducation nationale représentés à la FSU Réunion (dont le SNUipp et le SNES).
Mercredi 17 mars 2021
— Mme Viviane de VASSOIGNE, Présidente.
******************
([1]) INSEE première n° 1804, juillet 2020
([2]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([3]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([4]) Institut médico-éducatif.
([5]) Service d’éducation spéciale et de soins à domicile.
([6]) Plan séisme Antilles Objectifs de la troisième phase document de travail, juillet 2020.
([7]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([8]) Eurostat
([9]) Loi de finances pour 2018.
([10]) Loi de finances pour 2021.
([11]) INSEE Le diplôme, accélérateur de l’insertion professionnelle, décembre 2018.
([12]) Article 15 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
([13]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([14]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([15]) Direction de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale Chiffres clés de la jeunesse en Martinique et en Guadeloupe, septembre 2018.
([16]) Insee Analyses La population réunionnaise à l’horizon 2050, novembre 2017.
([17]) DGESCO 2020
([18]) DEPP 2020
([19]) 18 décembre 2020.
([20]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([21]) Chiffres RERS 2020.
([22]) Article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.
([23]) Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
([24])Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
([25]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([26]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([27]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([28]) Conseil économique social et environnemental Mmes Michèle Faye et Sarah Mouhoussoune Accès aux services publics en outre-mer, janvier 2020.
([29]) M. Laurent Brisset, Mme Antonella Durand, M. Yves Bernabé, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche Rapport à M. le directeur général de l’enseignement scolaire, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’outre-mer et à Wallis et Futuna, décembre 2020.
([30]) Professeur Bentolila, colloque Enseigner l’outre-mer, Enseigner en outre-mer, mai 2011.
([31]) Article 40 codifié à l’article L.312-10 du code de l’éducation de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
([32]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([33]) Ariane Azema, Pierre Mathiot Mission , Territoires et réussite, décembre 2019.
([34]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([35]) Cour des comptes Le système éducatif dans les académies ultramarines, décembre 2020.
([36]) Article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
([37]) Article premier de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
([38]) Question du 4 février 2020.
([39]) Circulaire n°97-175 du 26 août 1997.
([40]) Circulaire n°2001-044 du 15 mars 2001 Lutte contre les violences sexuelles.
([41]) Instruction n°2016-071 du 20 avril 2016 Instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique et morale des mineurs.
([42]) Article L.911-5 du Code de l’éducation.
([43]) Loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs.
([44]) Articles 11-2 et 706-47 du Code de procédure pénale.
([45]) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
([46]) Loi du 30 octobre 1886 portant sur l'organisation de l'enseignement primaire.
([47]) Loi relative à l'organisation de l'enseignement technique industriel et commercial.
([48]) Secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations et ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Guide ressources pour les équipes éducatives des collèges et lycées, comportements sexistes et violences sexuelles, prévenir, repérer et agir, novembre 2020.
([49]) Association mémoire traumatique et victimologie Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, mars 2015.
([50]) Circulaire n° 2019-122 du 3 septembre-2019 : Prévention et prise en charge des violences en milieu scolaire.
([51]) Article R.511-12 du Code de l’éducation.
([52]) Article R.511-13 du Code de l’éducation).
([53]) Article L.226-4 du code de l’action sociale et des familles Le président du conseil départemental saisit l’autorité judiciaire lorsque :
- La situation de danger n’a pas été réglée.
- La famille refuse de collaborer avec l’ASE.
- Le mineur est présumé être en danger et qu’aucune évaluation de la situation n’est possible.