N° 4236

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Lise MAGNIER et M. Jean-Paul MATTEI

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

INTRODUCTION

I. MAINTENIR LA COHÉRENCE D’UN CONCEPT UTILE À LA CONSOLIDATION DES ENGAGEMENTS DE L’ÉTAT

A. UNE CATÉGORIE HÉTÉROGÈNE UNIE PAR LA DÉPENDANCE AU FINANCEMENT PUBLIC

1. Une définition reposant principalement sur l’existence d’une subvention de l’État

2. L’absence d’une véritable doctrine présidant à la création des opérateurs

3. Une tendance à la réduction du nombre des opérateurs

B. UNE CONTRIBUTION VARIABLE AUX POLITIQUES PUBLIQUES

1. Une grande diversité des secteurs d’activité

2. Une participation variable aux missions de service public

C. UN ÉLÉMENT IMPORTANT DE LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE

1. Une proportion substantielle des crédits et des emplois qui appelle des modalités adaptées de régulation

2. Des ressources diversifiées et parfois très dynamiques

3. Un recours à l’endettement assujetti à des règles différenciées

II. PROMOUVOIR UNE TUTELLE PRIVILÉGIANT L’ENCADREMENT PAR LA PERFORMANCE ET LA BONNE GOUVERNANCE

A. FIXER DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES PARTAGÉS ET MESURABLES

1. Aux dirigeants

a. L’acte fondateur de la nomination du dirigeant d’établissement

b. Des orientations annuelles à mieux formaliser

2. Aux opérateurs en privilégiant la forme contractuelle

a. Un recours aux contrats d’objectifs et de performance à généraliser

b. Le recours aux contrats d’objectifs et de moyens à renforcer

B. APPLIQUER LES RÈGLES DE LA BONNE GOUVERNANCE

1. Fluidifier le fonctionnement des organes délibérants

2. Renforcer la fiabilité de la fonction financière

C. PROFESSIONNALISER L’EXERCICE DE LA TUTELLE MÉTIER PAR LES MINISTÈRES

1. Le secrétariat général, centre de ressources et de synthèse de l’information

2. Le rôle clé des chargés de tutelle dans les directions techniques

III. ASSOUPLIR LE CONTRÔLE EN FONCTION DE LA SOLIDITÉ FINANCIÈRE DES OPÉRATEURS

A. SIMPLIFIER L’ORGANISATION DU CONTRÔLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

B. PROGRESSER VERS LA RESPONSABILISATION DES OPÉRATEURS

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES


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   SYNTHÈSE

 


 


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : stabiliser la doctrine de rattachement au périmètre des opérateurs et éviter toute dérogation aux critères en vigueur.

Proposition n° 2 : réduire les plafonds d’emplois des opérateurs lorsque les emplois vacants dépassent 1 % des emplois autorisés.

Proposition n° 3 : compléter la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution instituant un avis public des commissions permanentes du Parlement sur certaines nominations afin d’y ajouter les dirigeants de certains opérateurs comme les directeurs généraux de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et de l’Agence nationale de la recherche, le président-directeur du musée du Louvre et le président du Centre national du cinéma et de l’image animée.

Proposition n° 4 : veiller à ce que chaque dirigeant reçoive une lettre de mission en début de mandat et à ce que les lettres d’objectifs annuels soient envoyées avant le 30 juin de l’année concernée.

Proposition n° 5 : organiser un entretien annuel entre le ministre ou son représentant et les dirigeants de chacun des opérateurs sous tutelle, consacré à l’évaluation des objectifs de l’année N‑1 et à la détermination des objectifs de l’année N.

Proposition n° 6 : généraliser les contrats d’objectifs et de performance (COP) pour l’ensemble des opérateurs ou catégories d’opérateurs.

Proposition n° 7 : développer le recours aux contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs présentant les enjeux les plus importants pour la mise en œuvre des politiques publiques.

Proposition n° 8 : appliquer le cadre de référence pour la gouvernance des organismes du secteur public du 10 mars 2020 et notamment la réduction de la taille des conseils d’administration à 15 membres.

Proposition n° 9 : simplifier les modalités d’organisation du contrôle financier en fusionnant la direction du budget et le service du contrôle général économique et financier, ou à défaut, en rationalisant leur périmètre d’intervention.

Proposition n° 10 : substituer un contrôle financier a posteriori au contrôle a priori en supprimant le dispositif du visa préalable pour les actes de gestion des opérateurs qui y sont encore soumis.


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   INTRODUCTION

Lors de sa réunion du 31 octobre 2019, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs, demandée par le groupe UDI, Agir et Indépendants, et a désigné Mme Lise Magnier (Agir ensemble ([1])) et M. Jean‑Paul Mattei (MoDem) comme rapporteurs.

Le Comité a également décidé de solliciter, sur le fondement de l’article L. 132–6 du code des juridictions financières, l’assistance de la Cour des comptes. Les conclusions des travaux qu’elle a menés, et pour la qualité desquels nous la remercions, ont été présentées au comité le 27 janvier 2021 par M. Christian Charpy, président de la première chambre.

Les rapporteurs se sont ainsi appuyés sur le diagnostic de la Cour afin de mener leurs propres investigations au cours de 15 auditions par visioconférence auprès de 8 opérateurs, 4 ministères assurant la tutelle métier de nombreux opérateurs, les deux entités administratives (la direction du budget et le service du contrôle général économique et financier) assurant la tutelle financière (auxquelles il faut ajouter la direction générale des finances publiques questionnée par écrit), et l’autorité interministérielle (la délégation interministérielle à la transformation publique) définissant la doctrine du recours aux opérateurs.

Leurs analyses se sont orientées dans trois directions principales :

– l’approfondissement de la notion d’opérateurs et son importance relative, tant au titre des politiques publiques que de la soutenabilité budgétaire ;

– les modalités d’exercice de la tutelle et de la gouvernance des opérateurs ;

– et la diversité des contrôles financiers exercés sur les opérateurs.

 


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I.   MAINTENIR LA COHÉRENCE D’UN CONCEPT UTILE À LA CONSOLIDATION DES ENGAGEMENTS DE L’ÉTAT

La liste des opérateurs de l’État se caractérise par une extrême diversité, il est donc permis de s’interroger sur ce qui les unit. Par ailleurs, le concept d’opérateur, s’il relève bien de la nomenclature du droit budgétaire, ne figure pas dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et peine à se distinguer, en première approche, de ceux d’agence, d’établissement public, voire d’organisme divers d’administration centrale (ODAC).

Il semble donc nécessaire de commencer par tenter de définir cette catégorie particulière et d’en cerner son utilité.

Il apparaît en fait que c’est bien l’existence d’une subvention pour charge de service public versée par l’État que l’on trouve en facteur commun de ces différentes entités. La notion d’opérateur trouve donc sa légitimité dans la volonté louable de consolider les engagements de l’État et de contrôler les finances d’organismes à qui l’on a reconnu une autonomie fonctionnelle facilitant l’exercice de leurs missions de service public.

A.   UNE CATÉGORIE HÉTÉROGÈNE UNIE PAR LA DÉPENDANCE AU FINANCEMENT PUBLIC

1.   Une définition reposant principalement sur l’existence d’une subvention de l’État

Les critères régissant l’appartenance à la catégorie des opérateurs ont été définis par un groupe de travail interne à l’administration des finances en 2004 et le mot opérateur n’est apparu en droit positif que dans la loi de règlement pour 2005 imposant le dépôt chaque année d’une annexe au projet de loi de finances « récapitulant par mission et programme l’ensemble des opérateurs ou catégorie d’opérateurs, les crédits ou les impositions affectées qui leur sont destinés, ainsi qu’une présentation indicative du total des emplois rémunérés par eux ou mis à disposition par des tiers ». Il s’agit du « jaune opérateurs » qui est publié chaque année depuis la loi de finances pour 2007 et dont le contenu s’est progressivement enrichi.

Ce document définit les opérateurs comme des organismes dotés de la personnalité morale et disposant :

– d’une activité de service public qui puisse explicitement se rattacher à la mise en œuvre d’une politique définie par l’État et identifiée dans la nomenclature budgétaire selon la répartition mission-programme-action ;

– d’un financement assuré majoritairement par l’État, directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n’exclut pas la possibilité pour l’opérateur d’exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

– d’un contrôle direct par l’État qui ne se limite pas à un contrôle budgétaire ou économique et financier mais doit relever de l’exercice d’une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s’accompagne ou non de la participation au conseil d’administration.

Le critère de la personnalité morale concrétise la volonté de confier à ces entités une forte autonomie fonctionnelle, caractérisée par l’existence d’organes délibérants et de direction incarnant une gouvernance spécifique, d’un patrimoine propre et de collaborateurs placés en dehors de la chaîne hiérarchique de l’administration. En cela les opérateurs se distinguent des services à compétence nationale (SCN).

Le critère du contrôle direct de l’État et de l’exercice d’une tutelle distingue les opérateurs des autorités administratives indépendantes (AAI) qui bénéficient d’une totale liberté d’action vis‑à‑vis de l’État tout en devant publier chaque année des informations sur leur gestion et leur performance, depuis la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017. L’indépendance des AAI se traduit également par l’irrévocabilité de leurs membres, ce qui n’est pas le cas des dirigeants des opérateurs.

Si tous les opérateurs disposent de la personnalité morale, leur statut juridique est varié, quoique majoritairement composé d’établissements publics (52 % d’EPA et 7,5 % d’EPIC). Il faut noter aussi, avec 32 % du nombre total, l’importance des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) dont les universités qui disposent d’une grande autonomie vis‑à‑vis de l’État, ainsi que les six établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) qui pèsent lourd financièrement (CNRS, INSERM). La notion d’opérateur se rapproche donc plutôt d’une qualification ou d’une appellation que d’un statut juridique.

Dans leur grande majorité, les opérateurs de l’État appartiennent au champ des organismes divers d’administration centrale (ODAC) du secteur des administrations publiques (APU), au sens de la comptabilité nationale et de la réglementation européenne.

Les APU ont pour fonction principale de produire des services non marchands et leurs ressources principales proviennent des prélèvements obligatoires. En leur sein, les organismes divers d’administration centrale (ODAC) sont les entités auxquelles l’État a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national, contrôlées et financées majoritairement par l’État et ayant une activité principalement non marchande. La liste des ODAC est publiée chaque année par l’INSEE pour les besoins de la comptabilité nationale sous la supervision des autorités européennes et notamment d’Eurostat.

La liste publiée par l’INSEE en mai 2020 dénombrait 657 ODAC. Parmi les 483 opérateurs de l’État du PLF 2020, 387 étaient classés parmi les ODAC. Parmi les 96 opérateurs qui n’étaient pas un ODAC, certains sont classés dans d’autres catégories d’administrations publiques, comme Pôle emploi (administration de sécurité sociale) ou les agences de l’eau (organismes divers d’administration locale), d’autres ne sont pas considérés comme des administrations publiques (dont l’ONF, l’Afpa, l’Andra, Atout France).

La grande majorité des opérateurs sont des organismes soumis à la comptabilité publique au sens du décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (décret GBCP). Ce dernier périmètre est large puisqu’il englobe des organismes (de droit public ou privé) relevant du périmètre des administrations publiques (APU) et certains organismes de droit public qui ne sont pas des APU. Selon le décompte transmis aux rapporteurs par la direction du budget, 1 251 organismes sont soumis au décret GBCP en 2021 ; parmi les opérateurs de l’État, seuls 22 ne le sont pas, dont Pôle emploi, France compétences, le CEA ou l’Afpa.

2.   L’absence d’une véritable doctrine présidant à la création des opérateurs

On a parfois regroupé sous le vocable d’agences l’ensemble des entités chargées d’une mission de service public bénéficiant d’un statut d’autonomie vis‑à‑vis de l’État sans que cette appellation corresponde à une notion bien définie.

Dès 2012, le Conseil d’État constatait dans son étude annuelle le développement de ce phénomène de démembrement de l’État et appelait de ses vœux l’établissement de lignes directrices encadrant le processus. Il relevait le caractère insuffisant de la distinction traditionnelle entre la conception des politiques publiques relevant de l’administration centrale et leur mise en œuvre attribuée à des agences et se prononçait en faveur d’un faisceau d’indices autour de quatre critères reposant sur :

– l’utilité de la spécialisation dans des tâches de gestion à grande échelle (critère de l’efficience) ;

– la nécessité d’une expertise distincte de celle habituellement rencontrée dans les services de l’État (critère de l’expertise) ;

– le caractère prépondérant des partenariats avec les collectivités territoriales ou avec des acteurs de la société civile pour la mise en œuvre de la politique publique (critère du partenariat) ;

– la nécessité d’éviter l’intervention du pouvoir politique dans les processus récurrents de décision (critère de la neutralité).

La circulaire du Premier ministre n° 5647/SG du 9 avril 2013 est une première réponse à cette invite puisqu’elle énonce les conditions de recours aux agences, entendues comme « diverses formules d’individualisation des services de l’État », fortement inspirées des réflexions du Conseil d’État, car constituées de missions précisément définies, d’une efficience supérieure à celle des services de l’État, d’une expertise spécifique, de la nécessité de nouer des partenariats, et de la nécessité de disposer d’une autonomie.

Elle précise également que la préservation ou la sanctuarisation de moyens, la volonté d’accorder une plus grande visibilité à une politique publique ou la création d’un régime dérogatoire au droit commun des administrations ne justifient pas le recours à une agence.

Cette même circulaire propose un modèle-type d’étude d’opportunité et d’impact, préalable obligatoire à la création d’une agence. Selon la Cour des comptes, « Cette volonté de préciser les contours de l’action des nouveaux opérateurs et de la coordonner avec celle des services centraux et déconcentrés de l’État au moyen d’études d’impact n’a pas été suivie d’effet. Selon la direction du budget, seules les études d’impact prévues en cas de création d’organisme par la loi ont été réalisées, la seule exception étant celle produite à l’occasion de l’entrée de l’École de l’air dans le périmètre des opérateurs. »

S’agissant du rattachement au périmètre des opérateurs, la doctrine se caractérise également par un grand pragmatisme et quelques dérogations.

Le jaune opérateurs, après avoir évoqué les 4 critères résultant du groupe de travail de 2004, revendique une grande marge de manœuvre dans les termes suivants : « Il est également possible de qualifier d’opérateur de l’État un organisme ne répondant pas à tous les critères cidessus, mais considéré comme porteurs d’enjeux importants pour l’État. Ainsi, d’autres critères peuvent être pris en compte, tels que :

 le poids de l’organisme dans les crédits ou la réalisation des objectifs du ou des programmes qui le financent ;

 l’exploitation ou l’occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l’État ;

 l’appartenance au périmètre des organismes divers d’administration centrale (ODAC) ;

 la présence de la direction du budget au sein de l’organe délibérant prévue par les statuts de l’organisme.

C’est sur la base de l’ensemble de ces critères permettant de caractériser la proximité de l’établissement par rapport au budget et aux missions de l’État qu’un organisme est qualifié d’opérateur de l’État ».

On voit que l’État, et particulièrement la direction du budget (DB) qui tient la plume à cette occasion, se laisse les mains relativement libres dans cet exercice.

Plus précisément, la DB a conçu une fiche de qualification au périmètre des opérateurs qui doit être renseignée par les responsables de programme lors de la procédure d’élaboration du PLF. Cette fiche permet de vérifier à partir de cinq indices si les critères de qualification sont remplis. Ces indices complètent ou explicitent les critères du groupe de travail de 2004. Le financement public supérieur à 1 million d’euros, même minoritaire dans les ressources de l’entité, semble ainsi suffire à remplir le critère financier, les modalités du contrôle sont détaillées et prennent des formes très variées, un indice relatif au poids de l’entité au sein du programme de rattachement est ajouté ainsi qu’un indice patrimonial.

Cette fiche d’aide à la décision et à l’arbitrage en cas de divergence a le mérite de normaliser la démarche mais la Cour a constaté de nombreuses lacunes dans son utilisation et qu’elle n’empêchait pas des décisions de rattachement ou de non‑rattachement dérogatoires par rapport à la doctrine, pourtant déjà très souple.

On peut ainsi légitimement s’interroger sur l’absence de l’Agence française de développement (AFD). Interrogée sur ce point, la directrice du budget a répondu que son statut d’établissement financier ne correspondait pas aux critères de rattachement.

De même, la Cour estime que l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ne dispose d’aucune autonomie de fonctionnement par rapport à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer dont elle n’est que la caisse de financement, ce dont a convenu la directrice du budget.

Parfois c’est le législateur qui s’affranchit des règles, comme le montre la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, qui a dispensé l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) du plafond d’emplois et de la comptabilité publique, entraînant par là même sa sortie du périmètre des opérateurs alors qu’elle n’est financée que par des ressources publiques.

Le cas de Pôle emploi est lui aussi atypique.

Pôle emploi, un opérateur d’une nature très particulière

Pôle emploi est un opérateur d’une nature très particulière résultant d’une fusion entre un EPA (ANPE) et des organismes de droit privé paritaires (Assedic).

C’est indubitablement un EPA, même si cette qualité n’est pas expressément mentionnée dans la loi du 13 février 2008, elle ne fait plus de doute depuis l’arrêt du Conseil d’État du 23 juillet 2014, et elle est désormais inscrite dans le code du travail (décret du 22 mai 2014) mais de nature très particulière :

 - 93 % de ses effectifs sont sous statut de droit privé, régis par une convention collective nationale et de nombreux accords sociaux conclus selon les règles du code du travail ;

 - sa comptabilité est privée et ses comptes, qui ne sont pas tenus par un comptable public, font l’objet d’une certification annuelle par des commissaires aux comptes ;

 - l’exercice du contrôle économique et financier obéit à un régime ad hoc ;

 - l’essentiel de ses ressources courantes ne provient pas d’une subvention pour charges de service public mais de la contribution de l’Unédic (en 2021, respectivement 1 120 millions d’euros et 4 255 millions d’euros) ;

 - l’État n’est pas majoritaire au sein du conseil d’administration (5 membres sur 19) ;

 - la stratégie de l’opérateur est définie dans le cadre de conventions tripartites liant État, l’Unédic et Pôle emploi qui couvrent un horizon de 4 ans.

Pôle emploi appartient à la catégorie des opérateurs de l’État. En théorie, il pourrait y avoir débat car si Pôle emploi remplit incontestablement deux des trois critères habituellement utilisés (exercice d’une activité de service public, financement assuré majoritairement par l’État, directement ou via des prélèvements obligatoires), on pourrait avoir un doute sur le troisième à savoir le contrôle direct par l’État.

L’État n’est pas majoritaire au conseil d’administration mais le directeur général est nommé en conseil des ministres. Les statuts de Pôle emploi ne font mention d’aucun des pouvoirs qui caractérisent classiquement la tutelle, par exemple le pouvoir d’approbation des délibérations du conseil avant leur entrée en vigueur ou encore un pouvoir d’annulation ou de substitution. Or la règle en la matière est qu’il n’y a pas de tutelle sans texte.

Cette qualification d’opérateur de l’État semble toutefois logique au regard de la taille de Pôle emploi et de son rôle dans la mise en oeuvre de la politique publique de l’emploi.

Il apparaît au terme de cette réflexion sur la notion d’opérateur que ce qui fait son identité et son utilité par rapport à des concepts voisins, est bien la volonté de consolider les engagements financiers de l’État et plus particulièrement des flux budgétaires annuels constitués de subventions pour charges de services publics, ce qui distingue les opérateurs des entreprises publiques dont l’équilibre économique repose exclusivement sur la vente de produits et de services.

Certains opérateurs relèvent de catégories homogènes comme les agences régionales de santé (ARS) qui comptent 18 unités, les écoles d’architecture (20 unités), les écoles d’ingénieurs (33 unités), les parcs nationaux (11 unités), les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) (27 unités) ou les universités (69 unités) mais la grande majorité d’entre eux sont des entités uniques sui generis.

Ce concept permet en définitive d’assujettir ces entités à des obligations de gestion proches de celles de l’État (plafonds d’emplois, norme de dépense) et de transparence de l’information, notamment à destination du Parlement.

Il apparaît donc particulièrement souhaitable aux rapporteurs, comme à la Cour des comptes, de stabiliser la doctrine de rattachement au périmètre des opérateurs en évitant les dérogations, fussent‑elles le résultat de dispositions législatives.

Proposition n° 1 : stabiliser la doctrine de rattachement au périmètre des opérateurs et éviter toute dérogation aux critères en vigueur.

3.   Une tendance à la réduction du nombre des opérateurs

Depuis 2008, le nombre des opérateurs a diminué d’un tiers, passant de 649 en LFI 2008 à 437 au PLF 2021.

Évolution du nombre d’opérateurs

Source : Direction du budget.

Cette évolution tendancielle a connu une accélération au PLF 2021 avec une baisse de l’ordre de 10 % par rapport au PLF 2020, de 483 à 437 opérateurs.

Ce mouvement est la conséquence des efforts de rationalisation de l’action publique, figurant notamment dans la circulaire du premier ministre en date du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales qui prévoit que « les administrations centrales ne pourront constituer de nouvelles entités administratives qui leur soient rattachées autrement qu’en supprimant, transformant ou fusionnant des structures déjà existantes, qu’il s’agisse d’opérateurs, d’agences ou de toutes autres formes juridiques d’organismes ».

La circulaire précise également qu’« afin de réduire substantiellement le nombre d’organismes n’ayant pas la taille critique, les administrations devront justifier le maintien des structures dont la taille n’excède pas 100 ETP ».

Pour mémoire, on compte encore une quarantaine d’opérateurs comptant moins de 100 ETP, soit 10 % du total.

Cette trajectoire est un solde de mesures de créations et suppressions, mais aussi de regroupements ou d’entrées et de sorties du périmètre des opérateurs d’entités toujours en activité.

Évolution du nombre d’opérateurs depuis 2008

Source : Annexe « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2021.

La Cour a procédé à l’analyse de ces mouvements sur la période 2010‑2020 et a estimé que « la baisse du nombre des opérateurs résulte principalement de regroupements d’opérateurs existants. Les suppressions d’opérateurs ont été relativement peu nombreuses et plus que compensées par les créations ». Elle estime toutefois que « les regroupements contribuent à améliorer l’efficacité de l’action publique et à promouvoir les mutualisations de compétences et de moyens, permettant notamment pour les plus petits d’entre eux d’atteindre une taille critique suffisante ».

Avec la suppression nette de 37 entités dont 29 chancelleries d’universités, le PLF 2021 a représenté une nette avancée dans le processus de rationalisation. Le jaune opérateurs justifie cette mesure en ces termes : « Les chancelleries d’universités, vieille survivance du passé, sont, à l’exception de celle de Paris, supprimées en raison de la réduction du champ de leur mission et du budget afférent. On constate également que l’évaluation de l’efficacité de certaines structures peut être rapidement mise à l’épreuve et que les responsables n’hésitent pas à supprimer une structure jugée inutile. Ainsi les communautés d’universités et d’établissements (COMUE) créées en 2013, sont majoritairement supprimées en 2020 ».

Le processus de création de nouveaux organismes rattachés au périmètre des opérateurs semble actuellement maîtrisé, on notera simplement l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre‑Dame de Paris (EPRNDP), créé par la loi du 29 juillet 2019 et rattaché au titre du PLF 2021, et l’établissement public du Mont-Saint-Michel, créé par le décret n° 2019‑1338 du 11 décembre 2019, dont le rattachement est annoncé dans le PLF 2022 après l’accord intervenu en mars 2021 sur son financement et le montant de la contribution de l’État.

B.   UNE CONTRIBUTION VARIABLE AUX POLITIQUES PUBLIQUES

Les opérateurs interviennent dans une multitude de secteurs d’activité et certaines politiques publiques reposent largement, voire exclusivement, sur ce type d’acteurs alors que d’autres, notamment dans le domaine régalien, n’y recourent quasiment pas.

1.   Une grande diversité des secteurs d’activité

On trouve des opérateurs dans la plupart des missions de l’État même si certaines missions y recourent plus que d’autres. En pourcentage du nombre d’opérateurs, la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur occupe de loin la première place, notamment en raison de l’appartenance des universités à cette catégorie, avec plus de la moitié du total, suivie des missions Culture et Écologie. À elles seules ces trois missions regroupent 75 % des opérateurs.

Nombre d’opÉrateurs par mission budgÉtaire au plf 2021

(en pourcentage du nombre total des opérateurs)

Source : CEC et annexe « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2021.

Le tableau ci‑dessous récapitule les principaux opérateurs rattachés aux différentes missions : la mission Recherche et Enseignement supérieur regroupe les universités et les CROUS, mais aussi le CNRS et le CEA. La mission Culture rassemble 70 opérateurs : théâtres, opéras, musées, conservatoires de musique et de danse, écoles d’architecture. La mission Écologie fait appel à des opérateurs aussi divers que les agences de l’eau, l’Office national des forêts, Voies navigables de France et la Société du Grand Paris.

Rattachement des opÉrateurs aux missions du budget gÉnÉral de l’État
en 2021

Mission

Nombre d’opérateurs

% du nombre total

Exemples d’opérateurs

Recherche et enseignement supérieur

223

51 %

Universités, établissements d’enseignement supérieur, organismes de recherche…

Culture

70

16 %

Théâtres, Opéra de Paris, musées, conservatoires…

Écologie, développement et mobilité durables

36

8,2 %

ADEME, ANDRA, SGP, VNF…

Solidarité, insertion, égalité des chances

19

4,3 %

Agences régionales de santé

Défense

13

3 %

École de l’air, École navale, musées…

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

10

2,3 %

ANSES, FranceAgriMer, ONF, Agence de services et de paiement

Sport, jeunesse et vie associative

7

1,6 %

INSEP, Agence du service civique…

Travail et emploi

7

1,6 %

ANACT, Pôle emploi, France compétences…

Transformation et fonction publiques

6

1,4 %

ENA, IRA

Médias, livre et industries culturelles

6

1,4 %

Centre national du cinéma, Centre national du livre…

Autres missions

40

9,2 %

ANSC, CGLLS, CNED, Business France, AEFE…

Source : CEC et annexe « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2021.

2.   Une participation variable aux missions de service public

La contribution relative des opérateurs aux politiques publiques diffère fortement d’une mission budgétaire à l’autre. En détaillant la part des crédits du programme budgétaire de rattachement consommée par les opérateurs, le tableau ci‑après permet de mieux comprendre la relation entre les ministères et leurs opérateurs.

pourcentage des financements aux opÉrateurs
dans les crÉdits des programmes budgÉtaires

Source : CEC et annexe « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2021.

La prépondérance du recours aux opérateurs se confirme pour les trois programmes 193 de la Recherche spatiale, 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, et 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, pour lesquels des opérateurs comme le CNES, Météo France, le CEA, le CNRS totalisent entre 90 et 100 % des crédits.

Il en va de même pour le programme 102 Accès et retour à l’emploi, où Pôle emploi et l’Agence de services et de paiement (95 % des crédits) jouent le rôle de bras exécutif du ministère.

Source : ministères de l’agriculture, de la culture et de la transition écologique.

L’action du ministère de l’agriculture est également fortement déléguée à ses opérateurs (entre 85 et 79 % des crédits selon les programmes), soit que les opérateurs exécutent une politique sectorielle (FranceAgriMer, Office national des forêts), soit qu’ils versent les aides aux agriculteurs, soit qu’ils effectuent des activités de recherche (Ifremer, Cirad, Inrae), soit que l’opérateur remplisse une mission d’agrément et de contrôle des produits phytosanitaires, parallèlement à des activités d’expertise, comme l’Anses. Ils représentent 15 000 ETPT, soit la moitié du plafond ministériel d’emplois.

Il en va de même au ministère de la transition écologique, où les 43 opérateurs sous tutelle représentent 15 milliards d’euros de financement public et plus de 80 % (30 000 sur 37 000 ETPT) des emplois du plafond ministériel.

Au ministère de la culture, les opérateurs constituent un levier d’action puissant au service des politiques publiques dans leur ensemble et un enjeu financier structurant, puisqu’ils mobilisent 37 % des crédits et, avec plus de 23 000 ETPT, 79 % des emplois du ministère.

Ainsi sur les 70 opérateurs de la mission Culture, on dénombre :

– 38 opérateurs dans le champ de la transmission des savoirs, principalement les établissements de formation et d’enseignement supérieur (écoles nationales supérieures d’art et écoles nationales supérieures d’architecture) mais aussi Universcience ou l’Académie de France à Rome ;

– 17 opérateurs, dans les domaines du patrimoine, de l’architecture et de l’archéologie préventive, dont les musées nationaux ;

– 13 opérateurs dans le champ de la création, des arts visuels et du spectacle vivant dont l’Opéra et les théâtres nationaux ;

– un opérateur chargé de la maîtrise d’ouvrage déléguée des projets immobiliers du ministère de la culture (OPPIC).

Les 6 opérateurs de la mission Médias, livre et industries culturelles sont la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d’information (BPI), le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le Centre national du livre (CNL), le Centre national de la musique (CNM) et la Cinémathèque française. Il est à noter que les organismes de l’audiovisuel public n’ont pas le statut d’opérateur, compte tenu notamment de leur structure de financement et de leur mode de relation avec l’État.

Un opérateur atypique : le Centre national du cinéma

Parmi les opérateurs culturels, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est un des opérateurs stratégiques de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Il est très atypique car sa mission englobe la conception et la règlementation de la politique publique du cinéma, il est de fait à la fois opérateur et administration centrale de l’État. Cette particularité s’explique par des raisons historiques car l’établissement est plus ancien que le ministère de la culture, puisque celui‑ci a été créé par le décret n° 59‑889 du 24 juillet 1959 alors que le Centre est né immédiatement après la Libération, dans un contexte marqué par la volonté d’affirmer la place de la culture française face au rouleau compresseur d’Hollywood et aux conséquences de l’accord Blum‑Byrnes du 28 mai 1946 sur les quotas de films américains.

Le CNC définit et met en œuvre avec une grande autonomie la politique du cinéma, pour laquelle son président détient des pouvoirs propres de police et de réglementation, sous l’autorité directe et par délégation du ministre chargé de la culture, en application de l’article L. 111‑3 du code du cinéma : « Le Président du Centre national du cinéma dispose en propre, au nom de l’État, des prérogatives suivantes :

 Il étudie et participe à l’élaboration des projets de textes législatifs et règlementaires relatifs au cinéma et aux autres arts et industries de l’image animée ;

 Il fixe, lorsque ceuxci le prévoient, les modalités réglementaires d’application des textes relatifs au cinéma et autres arts et industries de l’image animée ;

 Il propose toute mesure susceptible de contribuer au développement et à la modernisation des secteurs concernés ;

 Il participe à la préparation de la réglementation et au suivi des négociations professionnelles relatives aux obligations de production et de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles auxquelles sont soumis les éditeurs de services de médias audiovisuels et, plus généralement, à toute question concernant la diffusion audiovisuelle, à la propriété littéraire et artistique et au régime social et fiscal des professions et activités du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée ;

 Il participe à la négociation des accords internationaux relatifs aux coproductions et aux échanges dans les domaines du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et est associé à la préparation de la position française dans les négociations internationales intéressant ces domaines ».

L’intérêt du modèle est de rassembler, au sein du même organe de l’État, l’ensemble des outils d’une politique publique. Lorsque le CNC propose au ministre des projets de textes réglementaires, il sait qu’il sera également chargé d’appliquer ces textes. De cette façon, le cadre général législatif et réglementaire et sa mise en œuvre se répondent de façon étroite et cohérente.

On note donc la relative concentration du recours aux opérateurs sur quelques missions et corrélativement leur quasiabsence dans de nombreux secteurs d’action de l’État notamment dans le domaine régalien.

Dans le secteur de la défense par exemple, le recours à des opérateurs est cantonné à des missions périphériques (musées ou certaines écoles) et n’est par exemple pas utilisé pour la politique d’acquisition des systèmes d’armes qui relève d’un service du ministère (la délégation à l’armement), contrairement à certains partenaires étrangers qui recourent à des agences (Royaume‑Uni et États‑Unis).

En juin 2018, le comité Action publique 2022, avait préconisé un nouvel élan dans le recours aux opérateurs dans les termes suivants : « nous avons identifié cinq ministères où la grande majorité des missions pourrait être confiée à des opérateurs. Par défaut, seule la conception des politiques publiques continuerait à relever des administrations centrales dans ces ministères et les autres activités seraient assurées par des agences.

 dans les ministères économiques et financiers, la politique règlementaire de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF), la législation fiscale, la politique industrielle, la politique économique et financière, le budget, continueraient à être exercés par l’administration centrale. Toutes les autres missions pourraient être conduites dans des agences : par exemple, le recouvrement de l’impôt et le contrôle, aujourd’hui exercés par la direction générale des finances publiques, le conseil aux entreprises exercé par la direction générale des entreprises, les statistiques ou les études économiques de l’Insee, les missions de la direction générale des douanes et des droits indirects… ;

 concernant le ministère de la transition écologique et solidaire, la politique de l’énergie et de la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique, les politiques de l’urbanisme, de la construction, du logement, des paysages, de la biodiversité, de l’eau, des substances minérales non énergétiques, seraient exercées par l’administration centrale. Toutes les autres missions pourraient être prises en charge par une agence et par exemple, la régulation du trafic aérien, la mise en œuvre des mesures de contrôle et de répartition des produits et matières premières énergétiques, la mise en œuvre de la politique d’aménagement sur le territoire… ;

 pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la politique des formations supérieures, la stratégie nationale de recherche et la tutelle des organismes de recherche continueraient à être assurées par l’administration centrale alors que l’ensemble des autres missions seraient prises en charge par des agences ;

 dans le domaine de la culture, nous appelons à une refonte de l’organisation administrative des musées pour leur laisser davantage d’autonomie. Nous proposons de faciliter la gestion des établissements publics en leur confiant de nouvelles responsabilités (notamment en matière de gestion de leurs personnels), de donner de nouvelles perspectives aux musées nationaux constitués sous forme de service à compétence nationale (SCN), afin d’assurer leur autonomie et de centrer le rôle de l’administration centrale vers ses missions fondamentales de conception, de normalisation et de tutelle ;

 dans le domaine des sports, nous proposons de créer une agence nationale du sport, établissement public cogéré avec le mouvement sportif, en charge du sport de haut niveau et de la préparation sportive pour les grandes compétitions. Le soutien au mouvement sportif serait redéfini à travers la remise en cause du soutien financier aux fédérations les mieux dotées, la mise en extinction progressive du corps des conseillers techniques sportifs (CTS) et l’attribution d’une subvention aux fédérations les moins dotées pour le recrutement de leurs cadres techniques. La création d’une telle agence pourra d’ailleurs conduire à s’interroger sur l’opportunité du maintien d’un ministère de plein exercice. »

Trois ans plus tard, certaines de ces préconisations ont été suivies (sports, aménagement du territoire) mais pas celles relevant notamment du secteur économique et financier qui s’apparente dans certaines fonctions, comme le recouvrement des impôts, au domaine régalien.

Face à cette diversité des opérateurs, les rapporteurs ont choisi de privilégier une analyse globale et transversale, et de n’auditionner directement que 8 d’entre eux, choisis en fonction de leur taille ou de leur participation systémique à une politique publique, en excluant les universités dont les caractéristiques sont très spécifiques et appellent une évaluation particulière.

Ils ont naturellement compensé la faiblesse statistique de cet échantillon en auditionnant l’ensemble des administrations de l’État qui interviennent dans la tutelle ou la régulation des opérateurs en tant que catégorie d’acteur public.

C.   UN ÉLÉMENT IMPORTANT DE LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE

Les opérateurs représentent une proportion importante des emplois et des crédits de l’État. Ils ont d’abord échappé au processus de régulation de la dépense publique avant d’être progressivement soumis à des normes comparables à celle des services administratifs de l’État.

La diversité de leurs financements complique néanmoins l’exercice concret de la régulation et appelle un effort de transparence en amélioration régulière, grâce notamment à l’information contenue dans les annexes au projet de loi de finances.

Enfin la légitimité de leur recours à l’endettement dépend fortement de leur équilibre économique et de la prévisibilité de leurs ressources.

1.   Une proportion substantielle des crédits et des emplois qui appelle des modalités adaptées de régulation

S’agissant des crédits, l’ensemble des financements attribués aux opérateurs par l’État s’est élevé à 63,2 milliards d’euros dans le PLF 2021, soit un peu moins de 15 % des dépenses nettes du budget général (431 milliards d’euros).

S’agissant des emplois, ils se sont élevés à un peu plus de 405 000 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2021, soit de l’ordre de 21 % des emplois de l’État (1 930 000 ETPT). Les opérateurs ont toutefois disposé également de 57 000 emplois supplémentaires financés sur leurs ressources propres.

Les crédits budgétaires des opérateurs sont soumis aux mêmes normes de régulation (réserve de précaution) que les services de l’État, sous réserve de dispositions contraires peu fréquentes, notamment au titre des contrats d’objectifs et de moyens (COM).

Les opérateurs sont également associés aux différents plans transversaux de maîtrise de la dépense publique ou aux efforts de rationalisation de la gestion notamment en matière de fonctions support. Par exemple, dans le plan achats lancé à l’automne 2020 par les pouvoirs publics, portant sur un périmètre de 23 milliards d’euros et ayant vocation à générer 1 milliard d’économie à l’horizon 2022, les opérateurs représentent 9 milliards d’euros dont 5 milliards pour 31 opérateurs prioritaires.

Les emplois font l’objet depuis la LFI pour 2009 d’un plafonnement par programme pour l’ensemble des opérateurs qui lui sont rattachés, premier dispositif de régulation des opérateurs ad hoc, initié par le Sénat.

La Cour a toutefois constaté que ces plafonds étaient globalement trop élevés car les effectifs réels étaient inférieurs de plus de 22 000 ETPT (5,7 %) au plafond. Elle appelle de ses vœux l’adoption d’un dispositif identique à celui prévu pour les ministères depuis 2019, c’est‑à‑dire l’impossibilité de fixer un plafond dépassant de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement.

Les rapporteurs ne sont pas hostiles à cette proposition, d’autant que la Cour a également montré que les schémas d’emplois des opérateurs suivaient depuis 2016 une trajectoire assez similaire à celle des schémas d’emplois des ministères. À compter de 2018, un effort significatif de réductions de postes a été demandé aux opérateurs. Ces efforts ont été concentrés sur des opérateurs rattachés à un petit nombre de ministères, notamment les ministères du travail, de la transition écologique et solidaire, de l’économie et de l’action et des comptes publics.

Proposition n° 2 : réduire les plafonds d’emplois des opérateurs lorsque les emplois vacants dépassent 1 % des emplois autorisés.

Certains opérateurs disposent également de la possibilité de financer des emplois hors plafond sur leurs ressources propres. Selon la Cour, « en 2019, les emplois hors plafond représentaient environ 13 % des emplois des opérateurs et ont connu une croissance dynamique. À périmètre constant de 2015, les emplois hors plafond ont augmenté de 1 711 ETPT (+ 3 %) entre 2015 et 2019, ce qui correspond au tiers de la baisse des emplois sous plafond constatée sur la même période ».

Source : Annexes aux PLF « Opérateurs de l’État ».

La plupart des emplois hors plafond sont concentrés dans les secteurs de la recherche-enseignement supérieur et de la diplomatie culturelle et d’influence.

Il faut signaler une relative maîtrise de la masse salariale des opérateurs sur la période récente puisqu’elle a augmenté près de quatre fois moins vite que celle des ministères à périmètre courant : + 2 % contre + 7,7 % entre 2015 et 2019 pour un montant moyen de 28,2 milliards d’euros par an. Toutefois, la Cour observe que « les données disponibles ne permettent pas d’analyser les composantes de l’évolution de la masse salariale. En effet, le suivi des dépenses à périmètre constant n’est pas effectué par le ministère du budget et les informations publiées ne permettent pas de quantifier l’impact des différents facteurs d’évolution de la masse salariale (mesures de périmètre, schémas d’emplois, GVT, mesures catégorielles…) ».

La masse salariale est un réel enjeu de soutenabilité puisqu’elle représente la moitié des charges d’exploitation et consomme l’essentiel de la subvention publique.

Chaque année, le ministre chargé du budget détermine donc un cadrage transversal de l’évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP), applicable à l’ensemble des EPA et aux EPIC du secteur non concurrentiel et qui intègre toutes les mesures salariales : mesures générales, catégorielles et individuelles (GVT), hors primes d’intéressement ou de participation. Ce cadrage fait l’objet d’une déclinaison pour chaque organisme, éventuellement dérogatoire en fonction de ses caractéristiques propres et de son secteur d’activité. La procédure de cadrage salarial permet au ministre chargé du budget de donner une orientation générale à l’évolution des salaires dans les secteurs où la faible pression concurrentielle ne permet pas une régulation suffisante.

La commission interministérielle d’audit salarial du secteur public (CIASSP), rattachée au Contrôle général économique et financier, rend un avis sur le respect du cadrage à partir des informations fournies par les établissements. À ce jour, 66 organismes (dont 33 opérateurs) sont audités par la CIASSP (soit près de 444 000 agents), et parmi eux, 54 se voient notifier un cadrage (soit près de 415 000 agents).

Entendu par les rapporteurs, son président a estimé que de manière générale, les organismes respectaient les cadrages de RMPP : les effectifs se sont réduits de 1 % à 1,5 % et la masse salariale s’est stabilisée. Les contrats d’objectifs et de performance (COP) comptent de plus en plus d’objectifs en matière de ressources humaines : la maîtrise des effectifs et de la masse salariale, la qualité du dialogue social, le respect de la parité. Il a toutefois ajouté que la Cour avait raison de s’interroger sur les voies empruntées pour respecter les objectifs en termes de politique salariale puisque les outils, tel le COP, sont difficilement auditables et que leur non‑respect n’est pas toujours sanctionné. Il a de plus estimé que l’orientation prochaine à la baisse des flux de départs en retraite et la maturité de certaines réformes structurelles allaient menacer la maîtrise des effectifs et donc celle de la masse salariale à terme.

2.   Des ressources diversifiées et parfois très dynamiques

Les concours de l’État aux opérateurs ont augmenté de 2 % par an en moyenne à périmètre constant selon la Cour entre 2015 et 2019 mais cette moyenne est le résultat d’évolutions contrastées selon les catégories de financement.

Source : Annexes aux PLF « Opérateurs de l’État ».

Les subventions pour charges de service public (SCSP) sont destinées à couvrir les dépenses d’exploitation courante (personnels rémunérés par l’opérateur et fonctionnement). Elles représentent 47 % des concours de l’État aux opérateurs en 2021 et quatre opérateurs ou catégories d’opérateurs concentrent plus de la moitié de leur montant : les universités, le CNRS, le CEA et Pôle emploi. Les SCSP ont progressé de 2,8 % par an en moyenne sur la période 2015‑2019 (+ 3,1 milliards d’euros).

Les transferts sont définis comme des dépenses d’intervention, qui sont reversées par les opérateurs à leurs bénéficiaires finaux et représentent en moyenne 24 % des concours de l’État aux opérateurs, soit 15,4 milliards d’euros en 2021. Ils ne font que transiter par les opérateurs. L’Agence de services et de paiement (ASP) représente à elle seule près de la moitié du total des transferts. Les autres principaux opérateurs concernés sont Pôle emploi, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le Centre national d’études spatiales (CNES). Les transferts ont connu une augmentation rapide, à hauteur de 3,8 % par an en moyenne (+ 2,1 milliards d’euros) sur la période 2015‑2019. Les augmentations de transferts sont concentrées sur un petit nombre d’opérateurs : organismes (notamment ANR et CNES) rattachés à la mission Recherche et enseignement supérieur, dans le cadre du déploiement des programmes d’investissements d’avenir (PIA) et du grand plan d’investissement (GPI), et Pôle emploi, pour le financement de mesures en faveur de l’emploi (notamment le plan « 500 000 formations ») et de l’allocation de solidarité spécifique.

Les dotations en fonds propres représentent la part la plus faible des ressources des opérateurs. Elles ont progressé de 0,13 milliard d’euros entre 2015 et 2019, soit une croissance moyenne annuelle de 4,5 %. Leur évolution annuelle est toutefois plus irrégulière que celle des autres ressources.

Le montant des taxes affectées à des opérateurs varie d’une année sur l’autre en fonction des mesures de périmètre ou de réforme du financement d’une politique publique donnée. Par exemple, le transfert du financement de la formation professionnelle, des opérateurs de compétences (OPCO en dehors du champ des opérateurs) au nouvel opérateur France compétences, a eu un impact majeur sur les exercices 2020 et 2021. Cette mesure a contribué au doublement de leur montant de 8,5 milliards d’euros en 2019 à 17,6 milliards d’euros en 2020.

En 2019, 23 opérateurs ou catégories d’opérateurs bénéficiaient de taxes affectées (soit environ un opérateur sur 8). Cinq opérateurs (Agence de financement des infrastructures de transport de France, agences de l’eau, Caisse de garantie du logement locatif social, Centre national du cinéma et de l’image animée, Société du Grand Paris) concentraient plus de 70 % des recettes issues des taxes affectées.

Le nombre d’opérateurs bénéficiaires est en diminution sur la période étudiée, du fait notamment de la suppression de taxes à faible rendement (26 d’entre elles ont ainsi été supprimées en LFI pour 2019) ou de la suppression de certaines affectations de taxes, qui ont alors été rebudgétisées.

L’affectation d’une recette fiscale à un opérateur se justifie principalement lorsqu’elle répond à une logique de redistribution interne à un secteur économique donné (des recettes de la publicité diffusée à la télévision vers la production audiovisuelle ou cinématographique par exemple) ou en vertu du principe pollueur‑payeur. L’article 18 de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 fixe trois critères légitimant cette affectation :

– la ressource résulte d’un service rendu par l’affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s’apprécier sur des bases objectives ;

– la ressource finance, au sein d’un secteur d’activité ou d’une profession, des activités d’intérêt commun ;

– la ressource finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières.

Dans leur proposition de loi organique n° 4110 rectifiée du 4 mai 2021, nos collègues Laurent Saint‑Martin et Éric Woerth proposent d’inscrire cette doctrine dans la LOLF afin de lui donner un caractère plus contraignant.

Si le principe de l’affectation peut être légitime, les modalités ont suscité le débat : il n’y a en effet aucune raison pour que le rendement d’une taxe affectée corresponde aux besoins de financement d’une politique publique ou d’un opérateur, l’ajustement passe donc par un complément par d’autres sources de financement ou par un plafonnement en cas de surfinancement afin d’éviter les effets d’aubaine ou les rentes de situation.

L’instauration progressive d’un plafonnement des taxes affectées résulte de la LFI pour 2012. L’article 18 précité opte pour un principe général de plafonnement mais admet des dérogations et dispose que le niveau du plafond, fixé dans la loi de finances initiale, ne peut excéder de plus de 5 % le rendement de l’imposition prévu à l’annexe des voies et moyens du PLF afin d’éviter de définir des plafonds inopérants car trop élevés. La directrice du budget a évoqué sa préférence devant les rapporteurs pour des plafonds « mordants », c’est‑à‑dire définis au bon niveau afin de limiter des affectations de recettes trop généreuses.

Lors de sa première mise en œuvre en 2012, le plafonnement a concerné 36 des 70 taxes affectées aux opérateurs. Cela représentait 2,8 milliards d’euros de taxes plafonnées sur un total de 9,7 milliards d’euros affectés aux opérateurs. Depuis 2012, le nombre de taxes affectées aux opérateurs a sensiblement décru, avec 54 taxes selon le PLF 2020, quand celui des taxes plafonnées est resté relativement stable. Si la proportion de taxes affectées aux opérateurs soumises au plafonnement a bien augmenté depuis 2012, celle‑ci semble stagner à environ 70 % depuis 2018 malgré la volonté affichée dans la dernière LPFP.

La Cour estime que toutes les taxes affectées devraient être plafonnées et que le montant du plafond devrait s’adapter aux missions confiées aux opérateurs affectataires.

Il apparaît aux rapporteurs que l’essentiel est bien d’adapter les ressources aux missions de l’opérateur, et ce quelle que soit leur origine. Il importe donc davantage de piloter les dépenses au niveau requis par les missions et les objectifs, notamment à l’aide d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM), que de soumettre l’intégralité des opérateurs bénéficiant de l’affectation de taxes au principe du plafonnement qui n’est pas en soi un but à atteindre.

Il n’en reste pas moins nécessaire de réaffirmer que les opérateurs ne sont pas propriétaires de leurs taxes affectées et que ce financement public légitime l’intervention de l’État et son contrôle. Ils n’ont pas non plus un droit à bénéficier des effets d’une conjoncture favorable sans contrepartie alors qu’ils savent très bien se retourner vers l’État en cas de crise et de réduction de l’assiette de leur taxe, comme le montre l’exemple du CNC en 2020 et 2021.

Taxes affectées et financement du CNC

Le CNC ne bénéficie pas de crédits budgétaires, mais il est financé par quatre taxes affectées qui lui ont longtemps permis de disposer d’une véritable aisance financière.

Après avoir essayé le plafonnement des taxes affectées au CNC en 2011, les pouvoirs publics l’ont remplacé par un dialogue de gestion tripartite associant le Parlement et le Gouvernement sur la trajectoire des recettes. Se sont ainsi substitués à ce plafonnement des prélèvements sur le fonds de roulement du CNC pour un total de 372 millions d’euros entre 2011 et 2017. De plus, le CNC a assumé des transferts de charges pérennes (financement de la Fémis et de la Cinémathèque notamment) pour un montant annuel de 58 millions d’euros.

Il y a plus de 10 ans, le rendement annuel des taxes du CNC dépassait 800 millions d’euros, ces dernières années, il s’établissait autour de 680 millions… jusqu’à la crise sanitaire de 2020.

La ressource prélevée sur les salles de cinéma a fondu du fait de la fermeture pendant le confinement et des exonérations pour les mois durant lesquels les salles étaient ouvertes à jauge restreinte en 2020.

Face à cette situation, le Gouvernement a versé 165 millions d’euros au CNC en septembre 2020 dans le cadre du Plan de relance : 105 millions étaient fléchés sur de véritables mesures de relance destinées à encourager les investissements et 60 millions étaient destinés à compenser les moins‑values fiscales.

3.   Un recours à l’endettement assujetti à des règles différenciées

L’article 12 de la loi n° 2010‑1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a institué l’interdiction faite aux organismes divers d’administration centrale (ODAC) de recourir aux emprunts de plus de 12 mois auprès des établissements de crédits. Cette liste vise 387 opérateurs sur les 483 figurant au PLF 2020.

Pratiquement, échappent à cette interdiction les EPIC dont l’activité est par construction marchande ou les rares EPA pratiquant une activité marchande.

C’est par exemple le cas du Centre des monuments nationaux (CMN) ou de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN‑GP) dont la mission est de gérer des sites parmi les plus importants du patrimoine national. Le CMN a ainsi été autorisé à souscrire un emprunt pour le financement du projet de l’Hôtel de la Marine à hauteur de 80 millions d’euros, tout comme la RMN‑GP dans le cadre du schéma directeur de réhabilitation et d’aménagement du Grand Palais, pour un montant de 150 millions d’euros. Dans les deux cas, le recours à l’emprunt est intégré dans le modèle économique de la gestion des monuments à leur réouverture, afin de s’assurer que les établissements publics emprunteurs pourront assurer sans difficulté le remboursement de leur dette, notamment grâce à des recettes nouvelles (location de bureaux et concessions pour l’Hôtel de la Marine, grands événements et concessions pour le Grand Palais).

Afin de financer leurs investissements, les opérateurs ODAC doivent donc recourir à leur capacité d’autofinancement ou, notamment pour les organismes de recherche, à une dotation en capital ou en fonds propres de l’État.

Ils ont aussi la possibilité, à titre exceptionnel, de recourir à une avance du Trésor, en application de l’article 24 de la LOLF.

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) a exposé aux rapporteurs les difficultés dans lesquelles ces règles la plaçaient. Elle a estimé que l’interdiction d’emprunter compliquait la réalisation de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) car elle lui imposait d’augmenter les droits de scolarité des établissements devant faire l’objet d’une rénovation ou d’une extension en prévision des travaux, quitte à les réduire ensuite, ce qui ne paraissait ni logique ni équitable alors que le patrimoine reste la propriété de l’État.

La formule des avances du Trésor ne lui paraît pas non plus la mieux adaptée compte tenu de sa durée maximale de remboursement de 8 ans alors qu’un investissement immobilier peut se rembourser sur une durée de 15 ans. Le caractère dérogatoire du recours à ce dispositif pour ce type de besoin, qui n’est pas souhaité par l’agence France Trésor, introduit une grande incertitude sur sa pérennité et ne permet pas de construire des plans de financement solides reposant sur une durée de remboursement plus longue, et donc plus facilement finançable par les familles via les droits de scolarité.

Les rapporteurs ne souhaitent pas proposer la suppression de la règle de l’interdiction d’emprunt bancaire des ODAC car il leur semble que ceux‑ci, dans leur immense majorité, ne disposent pas des ressources propres permettant un remboursement rapide alors que la signature de l’État sur les marchés financiers lui garantit un meilleur taux.

Une solution pour l’AEFE pourrait être que l’INSEE la radie de la liste des ODAC. Alors qu’en 2010 l’AEFE était encore financée majoritairement par une subvention publique, ce n’est désormais plus le cas depuis 2012. Aujourd’hui, son budget de plus de 1,1 milliard d’euros est financé à plus de 60 % par des recettes propres.

On peut également plaider que l’enseignement à l’international est une activité marquée par un contexte concurrentiel exacerbé. Au‑delà de leur mission de service public au bénéfice de la communauté française expatriée, les établissements en gestion directe de l’AEFE sont aussi des acteurs économiques positionnés sur un marché local de l’enseignement privé, fortement concurrentiel.

La visibilité de la dette des opérateurs ou d’écritures comptables qui s’apparentent plus à des avances de trésorerie qu’à de véritables dettes, est acquise pour les organismes sous comptabilité publique, parmi lesquels de nombreux EPIC, grâce à l’infocentre de la DGFiP. Une vingtaine d’opérateurs sous comptabilité privée échappe à cette source d’information mais la grande majorité d’entre eux et la totalité des plus importants financièrement sont soumis au contrôle général économique et financier. L’endettement des opérateurs est donc bien connu des instances de contrôle et notamment de la direction du budget.

L’information présentée au Parlement souffre en revanche d’un manque de consolidation car le jaune opérateurs détaille les dettes inscrites au bilan et les engagements hors bilan d’un certain nombre d’opérateurs mais sans analyse globale de l’ensemble du périmètre sur une perspective de moyen terme.

Dans son rapport la Cour a évoqué la part importante prise par la Société du Grand Paris (SGP) depuis 2016 et sa qualification par l’INSEE d’organisme divers d’administration locale (ODAL) au sein du sous‑secteur des administrations publiques locales en comptabilité nationale, ce qui lui permet de contracter des emprunts de plus d’un an : en 2019 la SGP représentait 98 % des 5,1 milliards d’euros de dettes inscrites au compte « autres emprunts obligataires » et 42 % des 2,36 milliards d’euros de dettes inscrites au compte « emprunts auprès des établissements de crédit ». Cette proportion n’a fait que croître depuis, au vu des émissions de dette de la SGP en 2020 et 2021, et a conduit les rapporteurs à auditionner cet opérateur afin de faire le point sur son endettement.

La stratégie d’endettement de la Société du Grand Paris

La SGP, qui n’est pas une société mais un EPIC, est une structure de financement et de réalisation d’un projet, le Grand Paris Express, qui rassemble 200 kilomètres de lignes de métro automatique autour de Paris, correspondant au doublement du linéaire du réseau existant et dont le coût global est estimé à 35,6 milliards d’euros, en valeur 2012.

Le modèle économique de la SGP repose sur le recours à l’emprunt et son activité se divise en deux phases :

– la première, jusque vers 2030, de construction, dans laquelle l’établissement dépense plus (entre quatre et cinq milliards d’euros par an) qu’il ne perçoit (750 millions d’euros de fiscalité affectée sur une assiette francilienne) et accumule de la dette ;

– dans la seconde, l’établissement arrête de payer les travaux mais continue à percevoir de la fiscalité affectée pour rembourser la dette.

La politique de financement passe par un contrôle en plusieurs étapes : elle est expertisée par un comité de financement, soumise au comité d’audit et des engagements, soumise pour avis au CGefi des transports, approuvée par le conseil de surveillance et les ministres de tutelle, reportée aux différentes instances et validée par l’AMF et la Banque de France.

Les programmes de financement sont articulés avec les émissions de l’agence France Trésor.

La SGP a adopté une stratégie consistant à « dérisquer » le financement du projet en anticipant les appels d’emprunt par rapport aux décaissements opérationnels, ce dans un environnement de taux très favorable. En 2020, onze milliards d’euros d’émissions obligataires ont été émis, à une maturité moyenne de 34 ans, ce qui a porté le stock de dette à 17 milliards d’euros à une maturité allongée à 28 ans. Les conditions de taux historiquement basses ramènent le coût moyen de la dette à 0,94 %.

Elle a l’autorisation pour 2021 de poursuivre cette stratégie par l’émission de dix milliards d’euros d’emprunts supplémentaires, portant le stock de la dette à 27 milliards d’euros, ce qui représentera 80 % de la dette cible. Le recours à l’emprunt excédant les dépenses de l’année, l’établissement a constitué une trésorerie importante de 9,3 milliards d’euros, déposée sur son compte au Trésor.

La Cour a également appelé l’attention sur l’endettement d’un autre EPIC, l’Office national des forêts (ONF) qui s’apparente davantage à un expédient, subi du fait d’un modèle économique dégradé.

Au 31 décembre 2020, l’ONF affiche une dette de 348 millions d’euros à laquelle s’ajoute une trésorerie négative de 58 millions d’euros. Ce passif est le résultat d’une activité déséquilibrée (la vente de bois ne suffisant plus à financer les autres activités) dont le déficit structurel est estimé à une cinquantaine de millions d’euros par an.

La Cour tire de cet exemple des conclusions générales qui peuvent être discutées : « L’ONF, majoritairement financé par des ressources propres, n’est pas classé dans les Odac et n’est donc pas soumis à l’interdiction de recourir à l’emprunt sur une durée supérieure à douze mois. Sa dette n’est, pour la même raison, pas incluse dans la dette des administrations publiques. La situation de l’ONF témoigne de l’existence d’un “point de fuite” dans la régulation de l’endettement des opérateurs de l’État, résultant de l’écart entre ce périmètre et celui des Odac. C’est pourquoi il apparaît utile, pour la centaine d’opérateurs qui ne relèvent pas de la catégorie des Odac, d’encadrer leur endettement dans les contrats d’objectifs et de performance (COP) et dans les documents de stratégie financière, ou à défaut, comme pour les Odac, de leur interdire de s’endetter sur une durée supérieure à douze mois ».

S’agissant de la visibilité de la dette de l’ONF, elle est en fait acquise puisque tracée par l’infocentre de la DGFiP et figurant par ailleurs dans l’annexe jaune opérateurs au PLF.

Le point de fuite que la Cour évoque concerne davantage quelques opérateurs non‑ODAC et non soumis à la comptabilité budgétaire comme les 22 organismes sous comptabilité privée (Pôle emploi, France compétences, le CEA, l’Afpa ou l’Andra) qui représentent 15 % des crédits des opérateurs. Ceux‑ci doivent en effet faire l’objet d’une attention spécifique des pouvoirs publics au titre de la tutelle notamment via les contrats d’objectifs et de moyens. Cette option semble préférable aux rapporteurs et déjà largement acquise plutôt que l’édiction d’une nouvelle interdiction générale du recours à l’endettement qui présenterait des inconvénients au regard de l’activité de certains d’entre eux (financement d’équipements de recherche pour le CEA, d’infrastructure pour l’Andra, de rénovation immobilière pour le CMN).

L’impact important de la catégorie des opérateurs sur la soutenabilité budgétaire globale de l’État impose de progresser dans la consolidation de l’information financière les concernant. On ne peut donc que se féliciter de l’engagement pris par la DGFiP de développer une nouvelle application de centralisation des données budgétaires et comptables des opérateurs de l’État dénommée INFINOÉ. À compter du dernier trimestre 2023, cette application collectera en temps réel les écritures budgétaires et comptables de chaque opérateur de l’État pour restituer les tableaux budgétaires et comptables et les états financiers (bilan, compte de résultat et balance) quotidiennement et lors de la clôture de chaque exercice. Ces informations permettront également d’alimenter les projets annuels et rapports annuels de performance associés aux lois de finances.


II.   PROMOUVOIR UNE TUTELLE PRIVILÉGIANT L’ENCADREMENT PAR LA PERFORMANCE ET LA BONNE GOUVERNANCE

En déléguant la mise en œuvre de certaines politiques publiques aux opérateurs, l’État doit leur fixer des objectifs stratégiques et financiers clairs afin de garantir une cohérence d’ensemble à son action, et s’assurer de leur atteinte.

Il doit également veiller à l’application des règles de la bonne gouvernance au sein des organismes qu’il contrôle et professionnaliser l’exercice de la tutelle au sein de ses propres services ministériels.

A.   FIXER DES OBJECTIFS STRATÉGIQUES PARTAGÉS ET MESURABLES

L’élaboration des orientations stratégiques passe par une palette d’outils, définis dans la circulaire du Premier ministre en date du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l’État. Celle‑ci insiste sur la précision des objectifs fixés par la tutelle au moyen d’un contrat de performance autour duquel s’articulent d’autres documents de pilotage : une lettre de mission adressée au dirigeant de l’établissement en début de mandat, ainsi que des lettres annuelles d’objectifs dont l’atteinte conditionne une part de sa rémunération.

Cependant, plus de dix ans après sa publication, les ambitions de la circulaire n’ont pas été entièrement suivies d’effets. Bien qu’une grande partie des dirigeants disposent d’une lettre de mission et de lettres d’objectifs, tous n’en ont pas été destinataires. Et les contrats d’objectifs et de performance, pierres angulaires du pilotage stratégique des opérateurs, ne couvrent que la moitié du financement de l’État aux opérateurs.

Quant aux contrats d’objectifs et de moyens, c’est‑à‑dire les contrats de performance assortis d’engagements financiers, leur diffusion est anecdotique malgré l’appel à candidatures lancé par la direction du budget en 2019 dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Seuls deux opérateurs ont conclu de tels contrats et deux autres sont en cours de finalisation.

1.   Aux dirigeants

a.   L’acte fondateur de la nomination du dirigeant d’établissement

Dès lors que l’État confie la réalisation d’une mission de service public à un opérateur, le choix du dirigeant est déterminant et l’occasion privilégiée de préciser les attentes du ministère.

La nomination est un processus qui prend du temps, il est donc recommandé de l’anticiper. L’autorité politique doit trouver le juste équilibre entre la nécessité de ne pas perturber la fin du mandat en cours et celle de nommer un nouveau dirigeant dans les temps, afin d’éviter de recourir à des dirigeants intérimaires, solution qui ne peut que fragiliser les opérateurs lorsqu’elle s’éternise. De tels retards sont d’autant plus inacceptables que l’échéance des mandats est une donnée connue à l’avance. Un tableau de suivi rappelant les nominations à venir est d’ailleurs adressé aux directeurs de cabinet de certains ministres, document dont la fiabilité dépend d’outils comme l’application BRIO, au ministère de la culture, qui recensent toutes les informations sur la gouvernance des opérateurs.

La nomination est une prérogative discrétionnaire. Dès lors, aucune règle procédurale ne contraint le pouvoir politique et les nominations se font souvent dans le secret des cabinets. Or, certains opérateurs portent des politiques publiques majeures et mériteraient que la nomination de leur dirigeant se fasse dans des conditions plus transparentes.

Si le mandat ne peut pas être renouvelé (limite d’âge ou plafonnement des renouvellements) ou que le ministre estime ne pas devoir renouveler le titulaire en place, deux hypothèses s’offrent à lui : le lancement d’un appel à candidatures suivi d’un comité de sélection chargé de faire des propositions ou choix direct éclairé par les propositions de ses services.

La première procédure répond davantage à des exigences d’équité et de renouvellement du vivier des candidatures naturelles. Cependant, elle suppose que des candidats extérieurs se manifestent, en prenant le risque de fragiliser leur situation professionnelle actuelle, et qu’un comité, composé de personnalités dont la désignation est délicate, soit réuni. Pour qu’elle soit crédible, il faut également présupposer que l’autorité politique fasse son choix parmi la liste des noms proposés, ce qui n’est pas toujours le cas, d’autant que la plupart de ces nominations relèvent juridiquement du président de la République qui peut ne pas s’estimer lié par les propositions de ses ministres.

Ces procédures ont le mérite de professionnaliser le processus de nomination des dirigeants des opérateurs mais elles partagent un inconvénient majeur, à savoir leur relative opacité.

En revanche, l’article 13 de la Constitution soumet certains emplois et fonctions à l’avis des commissions permanentes du Parlement, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Ces avis garantissent une vraie transparence sur la personnalité choisie et les contours de son projet car ils sont donnés après des auditions publiques au cours desquelles les impétrants sont soumis à une série de questions, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. La valeur ajoutée de cette procédure est bien l’existence d’un débat public sur l’activité et l’avenir de l’organisme plutôt que l’association du Parlement au choix du dirigeant, puisque les règles constitutionnelles limitent considérablement la prise de risque de l’exécutif : il faut que l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions pour que le président de la République ne puisse procéder à la nomination.

La loi organique n° 2010‑837 du 23 juillet 2010 fixe la liste des postes dont la nomination nécessite l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Cette liste a été modifiée à plusieurs reprises depuis 2010, elle compte actuellement 55 postes dont la totalité des présidences des autorités administratives indépendantes et 18 dirigeants d’opérateurs, parmi les plus importants. Déjà dans son rapport de 2012 précité, le Conseil d’État avait proposé d’y inclure les emplois de directeur général de l’ANR et de l’ONF (pour lequel il a été entendu puisque cet emploi figure dans la liste en vigueur) et de président du CNC.

Compte tenu de leur importance dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils sont porteurs et des financements publics qu’ils reçoivent, les rapporteurs préconisent d’ajouter les postes de directeurs généraux de l’AEFE, de l’ANR, de président-directeur du musée du Louvre et de président du CNC au nombre des emplois pour lesquels l’avis des commissions permanentes du Parlement devrait être requis.

Proposition n° 3 : compléter la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution instituant un avis public des commissions permanentes du Parlement sur certaines nominations afin d’y ajouter les dirigeants de certains opérateurs comme les directeurs généraux de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et de l’Agence nationale de la recherche, le président-directeur du musée du Louvre et le président du Centre national du cinéma et de l’image animée.

b.   Des orientations annuelles à mieux formaliser

Plusieurs documents doivent encadrer la stratégie et l’activité des opérateurs. Le premier d’entre eux est le contrat d’objectifs et de performance, autour duquel s’articulent principalement la lettre de mission et la lettre d’objectifs annuels.

La lettre de mission, adressée par le ministre de tutelle, doit accompagner l’entrée en fonction de chaque dirigeant. Elle s’inscrit dans les objectifs retenus par le contrat de performance en mettant l’accent sur les actions attendues durant le mandat du dirigeant. Selon la circulaire du 26 mars 2010, elle comprend :

« – un rappel des orientations stratégiques et des priorités fixées par le ou les ministres ;

– la fixation d’objectifs principaux (cinq à dix au maximum) qui sont déclinés plus précisément en sous-objectifs associés à des résultats à atteindre et à des indicateurs de suivi et de mesure. »

Ainsi, la déclinaison des objectifs garantit un caractère opérationnel à la lettre de mission et sert de fondement au dispositif de suivi de la performance des dirigeants qui détermine la part variable de leur rémunération.

Il est donc souhaitable qu’elle soit adressée le plus rapidement possible après la prise de fonction, de préférence avant le premier conseil d’administration. Il semble que ce soit rarement le cas. Le directeur général de l’ONF a ainsi confié aux rapporteurs le 3 mars 2021 n’avoir encore reçu qu’un projet alors qu’il a été nommé le 18 décembre 2019. Les dirigeants des opérateurs de la Culture souffrent aussi d’une réception tardive de leur lettre, quand ils en reçoivent une. Le président du CNC n’a par exemple jamais reçu de lettre de mission.

La Cour des comptes estime ainsi, à partir des données du jaune opérateurs dont elle souligne la fragilité sur ce point, que seulement 128 dirigeants d’opérateur avaient effectivement été destinataires d’une lettre de mission au PLF 2020. Elle note également l’absence de corrélation entre la lettre de mission et le contrat de performance puisque « 45 COP ne s’accompagnent pas d’une lettre de mission quand 16 lettres de mission existent sans que les objectifs et éventuels indicateurs qui y figurent ne soient soutenus par un contrat ».

Pour garder un caractère opérationnel, la lettre de mission adressée à un dirigeant nouvellement nommé ou renouvelé ne doit pas viser à lui donner des orientations sur l’ensemble des sujets auxquels il sera confronté, mais privilégier un nombre restreint de priorités, bien articulées avec les objectifs du contrat de performance de l’établissement.

La lettre de mission est naturellement portée à la connaissance du conseil d’administration pour sa bonne information et elle peut nourrir un débat sur la stratégie de l’établissement et sa mise en œuvre mais elle reste un acte de tutelle et, à ce titre, n’est pas soumise à délibération. Les rapporteurs estiment également qu’il convient de lui donner une publicité maximale. Elle devrait par exemple également être transmise pour information aux instances représentatives du personnel ainsi qu’à l’ensemble des agents de l’établissement.

La déclinaison opérationnelle de la lettre de mission s’opère annuellement dans les lettres d’objectifs. Chaque année, le ou les ministères de tutelle doivent assigner aux dirigeants des objectifs qui conditionnent l’attribution d’une part variable de leur rémunération, normalement comprise entre 10 % et 20 % de la part fonctionnelle selon la circulaire du ministre du budget en date du 7 août 2017.

Ces objectifs se doivent d’être peu nombreux afin de garantir la dimension stratégique de la démarche et la lisibilité de la matrice de leur pondération, mais également ambitieux afin de constituer une réelle mesure de la performance.

Bien que les lettres d’objectifs soient plus répandues, les priorités qu’elles fixent sont encore trop nombreuses et, parfois, d’une portée peu stratégique.

De surcroît, ces lettres arrivent trop tard dans l’année, entre l’été et la fin décembre de l’année évaluée, alors que l’article 5 du décret n° 2017‑870 du 9 mai 2017 relatif à la rémunération de certains dirigeants d’établissements publics de l’État, précise utilement qu’elles doivent être notifiées avant le 30 juin. Interrogé par les rapporteurs sur ce point, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a reconnu que l’objectif était difficile à tenir, du fait de la multiplicité des intervenants dans la rédaction de ce document. De nombreux bureaux de plusieurs directions, relevant parfois de différents ministères, expriment leurs attentes quant aux orientations à donner à l’opérateur. Un réel travail de suivi du dossier puis de synthèse et de priorisation est alors à réaliser afin d’éviter une inflation contreproductive des objectifs et de tenir les délais.

Enfin la sanction de la lettre d’objectifs doit être effective si les indicateurs ne sont pas atteints : le directeur général de la mondialisation a ainsi spontanément mentionné aux rapporteurs avoir réduit la rémunération d’un dirigeant qui refusait de mettre en place un dispositif de comptabilité analytique dans son organisme.

Proposition n° 4 : veiller à ce que chaque dirigeant reçoive une lettre de mission en début de mandat et à ce que les lettres d’objectifs annuels soient envoyées avant le 30 juin de l’année concernée.

Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 préconise l’organisation d’un rendez‑vous stratégique réunissant les ministères de tutelle et les dirigeants de l’opérateur à la fin du premier semestre de chaque exercice afin d’examiner ensemble l’activité de l’organisme. Préparé par le chargé de tutelle, cet entretien est l’occasion d’un échange sur les objectifs de l’année écoulée et sur ceux envisagés pour l’année à venir.

Au ministère de la culture, aucun entretien annuel n’est systématiquement organisé avec les dirigeants d’établissement mais, depuis 2018, la procédure d’évaluation des résultats de l’année N‑1 est menée en parallèle de l’attribution de nouveaux objectifs pour l’année N, afin de créer un chaînage vertueux dans l’évaluation des dirigeants.

Au ministère de l’agriculture, des points de rencontre réguliers sont organisés avec les dirigeants des opérateurs. En début d’année, se tient la rencontre stratégique annuelle entre le dirigeant et ses tutelles, permettant de discuter des orientations annuelles et de préparer la lettre d’objectifs de l’année suivante.

Proposition n° 5 : organiser un entretien annuel entre le ministre ou son représentant et les dirigeants de chacun des opérateurs sous tutelle, consacré à l’évaluation des objectifs de l’année N‑1 et à la détermination des objectifs de l’année N.

2.   Aux opérateurs en privilégiant la forme contractuelle

En vertu de la circulaire du 26 mars 2010, le contrat d’objectifs et de performance (COP) constitue le document de référence par lequel s’exerce le pilotage stratégique de l’opérateur par le ministère de tutelle. Il est issu d’un échange entre la tutelle, l’opérateur et la direction du budget, associée à sa rédaction, et définit les priorités de l’activité de l’opérateur sur le moyen terme. Grâce à des indicateurs d’efficacité, d’efficience et de qualité du service, il permet le suivi des actions selon une fréquence annuelle. La circulaire du 23 juin 2015 réitère la généralisation des contrats d’objectifs et de performance pour les organismes à enjeux.

a.   Un recours aux contrats d’objectifs et de performance à généraliser

Malgré l’invitation des circulaires du 26 mars 2010 et du 23 juin 2015 à généraliser la conclusion de contrats d’objectifs et de performance, le taux de couverture des opérateurs est très faible : seulement 27 % seraient couverts par un COP selon le jaune opérateurs annexé au PLF 2021.

118 opérateurs sont actuellement sous contrat avec leur tutelle. Ceux‑ci représentent les plus gros enjeux financiers, mais la Cour des comptes note que pour l’année 2020, « la moitié des financements de l’État est versée à des opérateurs qui ne disposent pas de COP actuellement en vigueur ».

Cette situation s’explique de diverses manières. S’il n’existe théoriquement pas de lien entre le statut juridique et la contractualisation, force est de constater que les opérateurs disposant d’un COP sont principalement des établissements publics administratifs. Les GIP et les associations, rares parmi les opérateurs, n’en disposent pas. Le jaune opérateurs justifie d’ailleurs l’absence de COP de Génopole par son statut de GIP. Comme le relève la Cour, l’absence de COP est une constante pour l’ensemble des opérateurs liés au monde universitaire : universités, communautés d’universités, chancelleries, réseau régional des œuvres universitaires, soit 145 organismes ou 30 % des opérateurs du PLF 2020. Il s’agit d’une conséquence de l’autonomie reconnue aux universités en application notamment des articles 17 et 18 de la loi n° 2007‑1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU).

La couverture semble également varier en fonction de la mission de rattachement de l’opérateur, laissant suggérer que la volonté politique est la première explication.

Source : CEC et annexe « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2021.

La proportion d’opérateurs couverts par un COP est très inégale en fonction de la mission de rattachement. Les missions qui portent de petits opérateurs, en termes de taille, de financement ou d’importance pour la politique publique, n’en comptent aucun sous contrat, au motif que l’outil serait inadapté au regard des faibles enjeux. C’est le cas de la mission Outremer ou encore de la mission Contrôle et exploitation aériens.

La production d’un COP est chronophage, ce qui peut inciter les tutelles à le réserver aux opérateurs les plus importants.

Selon le ministère de la culture, une couverture exhaustive des opérateurs par les COP serait complexe et lourde à conduire du fait du nombre et de la diversité de ses opérateurs. Ainsi, il priorise le déploiement sur les opérateurs les plus significatifs en termes de soutenabilité budgétaire et de contribution aux politiques publiques culturelles : le Centre des monuments nationaux, l’établissement public du domaine de Versailles, le Musée d’Orsay ou encore l’Opéra de Paris sont couverts par un COP. Pour la mission Médias, livre et industries culturelles, seules la Bibliothèque nationale de France et la Bibliothèque publique d’information ont un COP.

Au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables, 25 opérateurs sur 36 disposent d’un COP. À l’inverse, aucun des 4 opérateurs du ministère de la transition écologique au sein de la mission Cohésion des territoires, n’est couvert. Cet exemple illustre la diversité de la qualité du pilotage au sein d’un même ministère.

Enfin, la mission Recherche et enseignement supérieur est particulière puisque seuls 3 % de ses opérateurs sont couverts par un COP. Cette absence de contrat s’explique en partie par l’autonomie accordée aux universités depuis la loi dite LRU.

Nombreux sont les opérateurs dont le COP est en cours de renouvellement, notamment à cause de la crise sanitaire qui a obligé la tutelle à repenser les objectifs des entités les plus impactées. Il faut noter que ces renouvellements prennent souvent beaucoup de temps car ils génèrent de fréquentes itérations entre les différentes parties prenantes pour qui il s’agit rarement d’une priorité véritable. Il est assez rare que le tuilage entre deux contrats soit parfait et beaucoup plus fréquent de constater plusieurs années sans contrat, faute d’achèvement du nouveau document dans les délais.

Comme la Cour, les rapporteurs recommandent de généraliser la contractualisation avec les opérateurs. Si l’intérêt de déployer le contrat d’objectifs et de performance peut prêter à débat pour les opérateurs à faibles enjeux financiers et stratégiques, l’absence de COP soulève la question de l’appartenance à la catégorie des opérateurs. En effet, la qualité d’opérateur est étroitement liée à la mise en œuvre d’une politique publique, appelant en toute logique la délimitation de son périmètre et la définition de ses objectifs.

Ce principe ne devrait tolérer que de rares exceptions. Les rapporteurs ne voient ainsi guère l’intérêt d’encadrer l’activité de la SGP par un COP car cette société de projet a une mission précise et délimitée dans le temps : construire le réseau de transport du Grand Paris. Ses objectifs et indicateurs sont connus, ils sont constitués des différentes lignes du nouveau réseau. L’absence de COP n’est donc pas choquante, elle ne dispense évidemment pas la tutelle d’assumer ses autres missions vis‑à‑vis de l’opérateur et notamment de contrôler les conditions de son endettement et la maîtrise du coût de ses chantiers.

Le COP est au fondement de la relation entre l’opérateur et sa tutelle. Il lui permet d’inscrire son action dans un cadre stratégique approuvé par la tutelle et de pouvoir suivre sa performance. Pour être vraiment efficace, le COP se doit de respecter un certain nombre de prérequis, notamment décrits dans la circulaire du 26 mars 2010 : un document synthétique et opérationnel structuré autour de 3 à 6 axes stratégiques, eux‑mêmes déclinés en objectifs peu nombreux et des indicateurs auxquels sont associées des cibles annuelles qui permettent d’objectiver la réalisation des objectifs.

Les indicateurs doivent véritablement mesurer la performance de l’organisme et porter sur l’efficacité socio‑économique de l’action, la qualité du service rendu au public et l’efficience de la gestion.

De nombreux contrats de première génération concentrent un grand nombre de critiques et donnent l’impression d’avoir satisfait à une obligation subie plutôt que reflétant une véritable adhésion : une procédure d’élaboration anormalement longue, une temporalité souvent trop courte, une appropriation insuffisante, des indicateurs excessivement nombreux, de niveau inégal et ne représentant pas toujours un intérêt stratégique.

Dans son rapport de 2020 sur les opérateurs de l’action extérieure de l’État ([2]), la Cour des comptes relève le manque de vision stratégique dans le contrat de l’AEFE. Pour la période 2016‑2018, l’agence était dotée de trois objectifs, dont les intitulés relèvent plus de la description tautologique que d’une véritable ambition : « le réseau concourt à la promotion du modèle éducatif français et à son excellence ». De plus, les sous‑objectifs étaient très généraux et n’étaient accompagnés d’aucun indicateur cible ou de mentions de priorités géographiques.

Promise pour 2021 mais sans cesse décalée, l’adoption du nouveau contrat de l’AEFE couvrant les années 2021‑2023 devrait constituer une avancée mais vos rapporteurs n’ont pu s’en assurer faute de transmission du document dans les délais.

Le contrat de l’ONF pour la période 2016‑2020 interroge sur les modalités de concertation avec la tutelle. L’inspection générale des finances, dans un rapport de 2019, note que « la crédibilité de plusieurs objectifs pose question : en particulier l’évolution des volumes de bois mis en vente prévue dans le COP ne reflète pas celle des prévisions de récolte restituées par les outils internes de l’ONF ». Seuls deux objectifs sur les seize concernent la gestion des ressources humaines de l’établissement, pourtant un des problèmes majeurs de l’office. Au contraire, d’autres indicateurs constituent de réelles contraintes pour le fonctionnement, telle l’obligation de maintenir la structure en 321 unités territoriales durant la durée d’exécution du contrat.

La genèse d’un COP, l’exemple méthodologique du ministère de l’agriculture

Ce sont aux directions métiers d’être à l’initiative de ces documents. À partir d’une analyse des bilans des précédents COP, elles doivent fixer les priorités pour les années à venir, en concertation avec les organismes. À juste titre, la note de service du 13 juin 2017 produite par le ministère de l’agriculture prévoit une année de conception. Une telle anticipation permettrait d’éviter les vides entre deux contrats, affaiblissant l’action des opérateurs concernés. Elle serait aussi l’occasion d’harmoniser l’action des différents opérateurs qui contribuent à la politique publique, comme cela a été fait pour les parcs nationaux.

La note a détaillé un calendrier précis à suivre pour l’élaboration d’un COP. L’année N‑2, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) est saisi par le secrétariat général pour effectuer une évaluation du COP arrivant à échéance. C’est sur cette base et à partir d’une lettre de cadrage fixant les attentes du ministre que de grandes orientations sont transmises à l’opérateur pour établir son prochain COP durant l’année N‑1. Le COP est alors élaboré par l’opérateur puis discuté avec les tutelles métiers et financières pour être validé et signé par toutes les parties.

Ainsi, en 2016, l’évolution du COP de l’Anses a été orientée par un rapport du CGAAER, du CGEDD, du CGefi et de l’IGAS. Un plan a alors été élaboré, un correspondant a été désigné pour animer les réunions avec les cinq tutelles, des groupes de travail ont été mis en place sur chacun des thèmes de travail retenus. Le COP s’est attaché à des actions précises et concrètes d’amélioration, mais il ne couvre pas tout ce que fait l’Agence, seulement les axes majeurs qui attendaient un renforcement de l’action.

Pour éviter un renouvellement trop fréquent, les opérateurs dont l’activité le justifie pourraient voir la durée de leur COP allongée de trois à cinq ans. C’est le cas notamment des opérateurs de la Culture, pour qui les contrats sur une période de trois ans paraissent peu adéquats, mais aussi les instituts de recherche. Le 10 mars 2021, au terme d’une très longue genèse puisqu’il était en cours de renouvellement depuis 2014, le conseil d’administration de VNF a validé le projet de COP pour la période 2020‑2029, traduisant la politique fluviale des dix prochaines années et les investissements consentis en termes numérique et d’infrastructures.

Le COP, pour être utile, doit intégrer des indicateurs précis et peu nombreux. Ces derniers doivent s’attarder, non sur les moyens et l’activité, mais plutôt sur les résultats, pour évaluer la performance de l’opérateur et éventuellement corriger la trajectoire. Dans cette optique, la circulaire du 26 mars 2010 prévoit la définition d’indicateurs pouvant être examinés annuellement. L’examen annuel en conseil d’administration, accompagné d’un commentaire détaillé portant sur chacun des indicateurs, comme le fait par exemple l’Anses, paraît constituer une bonne pratique aux yeux des rapporteurs. L’intégration d’un examen à mi‑parcours, comme le prévoit le COM de Business France, peut être l’occasion d’un bilan approfondi de l’activité de l’opérateur, aboutissant si nécessaire à des correctifs.

Le contrat de Business France est un bon exemple de mesure de la performance car il contient des indicateurs de déploiement d’activité mais aussi de mesure d’impact, voire même un ou deux d’efficience. En 2020, a été ajouté un premier calcul de l’apport de cette activité en chiffre d’affaires pour les entreprises, et en extrapolant pour la France.

La mesure de l’impact de l’action de Business France

Depuis 2012, Business France a mis en place une mesure de l’impact de ses actions sur le développement international des entreprises exportatrices qu’elle accompagne. Pour ce faire, l’agence fait appel à l’institut d’études IPSOS qui interroge chaque année plus d’un tiers des clients servis, soit 2 997 PME et ETI en 2019. Elles sont interrogées 6 mois à l’issue de la prestation dont elles ont bénéficié. Puis, une seconde enquête est faite à deux ans auprès de ceux ayant déclaré « être en cours de négociation » afin de connaître le taux de transformation effectif sur cette cible.

Les entreprises éligibles à l’enquête sont contactées par IPSOS au moyen d’un questionnaire en ligne et d’enquêtes téléphoniques. Celles‑ci permettent de déterminer un « taux d’impact » ou taux de transformation effectif, c’est‑à‑dire le pourcentage d’entreprises servies qui concrétisent un ou plusieurs courants d’affaires dans les deux ans : obtention d’une commande ou signature d’un accord de distribution, d’implantation ou d’acquisition.

Pour garantir la fiabilité des données de chiffre d’affaires et de création d’emplois, IPSOS a créé un modèle d’extrapolation des données d’enquête, permettant de détecter les valeurs extrêmes de chiffre d’affaires et d’emplois et les exclure ou non du calcul, d’exclure les entreprises incertaines des chiffres communiqués et celles ayant plus de 5 000 salariés.

Ainsi, 54 % des entreprises projetées à l’export par la Team France Export déclarent avoir conclu au moins un nouveau courant d’affaires lié à cet accompagnement et 42 % d’entre elles ont créé ou envisagent de créer des emplois en France suite à ces exportations. De plus, les entreprises accompagnées déclarent réaliser un chiffre d’affaires additionnel de 274 000 euros en moyenne à la suite de l’accompagnement et créer ou envisager de créer 1,52 emploi en moyenne. Au total, par extrapolation et à l’issue de la mise en œuvre des contrats signés, l’impact de l’action de la Team France Export est estimé à 2,19 milliards d’euros de chiffre d’affaires export additionnel de biens ou services et à 12 000 emplois supplémentaires en France.

Source : Bilan Export 2020 de Business France.

De même, Pôle emploi a progressivement fait de sa convention tripartite un véritable outil de management opérationnel, connu de l’ensemble du réseau de l’opérateur, ce qui est une bonne pratique.

La déclinaison opérationnelle des objectifs et indicateurs, l’exemple de Pôle emploi

Si Pôle emploi n’est pas, à proprement parler, doté d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, il bénéficie néanmoins d’une convention tripartite avec l’État et l’Unédic, qui se rapproche très sensiblement des attendus d’un COM.

En effet, il paraît difficile de prévoir une contractualisation uniquement avec l’État alors que plus des 3/4 des recettes récurrentes de Pôle emploi (hors financement de plans spécifiques par l’État) proviennent de l’Unédic.

Ainsi, la convention tripartite 2019‑2022 actuellement en cours comprend bien, dans la logique des COM, des objectifs de performance et d’efficience ainsi que des moyens associés dans une approche pluriannuelle. S’agissant des objectifs de performance, la convention tripartite définit une liste d’indicateurs avec des cibles à atteindre à horizon 2022 pour la plupart. Ces indicateurs portent sur l’impact des actions (retour à l’emploi et satisfaction des usagers) et sur la qualité des processus. La convention tripartite comprend 14 indicateurs stratégiques, avec des cibles à l’horizon 2022, et chaque année le conseil d’administration fixe la cible annuelle. Ces indicateurs sont ensuite déclinés dans chaque agence de Pôle emploi. Toutes les mesures de pilotage sont fondées sur ces indicateurs.

L’implication du Parlement est assez mineure dans le processus de mesure de la performance de la majorité des opérateurs notamment lorsque leurs indicateurs sont déconnectés de ceux de leur programme budgétaire de rattachement figurant dans le projet annuel de performance.

Il existe cependant quelques procédures particulières comme celle applicable aux opérateurs de la mission Action extérieure de l’État, en vertu de l’article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État qui prévoit que « le projet de convention pluriannuelle conclu entre l’État et l’établissement public est transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines. » Les contrats de performance de l’AEFE, d’Atout France, de Campus France et de l’Institut français sont donc systématiquement examinés par les commissions des affaires étrangères des deux assemblées. En dehors du champ des opérateurs, c’est également le cas de certains établissements de l’audiovisuel public financés par la redevance, selon l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Proposition n° 6 : généraliser les contrats d’objectifs et de performance (COP) pour l’ensemble des opérateurs ou catégories d’opérateurs.

b.   Le recours aux contrats d’objectifs et de moyens à renforcer

Le COP ne contient aucun engagement financier de la part de l’État, l’opérateur s’engageant sur des résultats sans que la tutelle soit amenée à faire de même sur les moyens nécessaires à l’atteinte desdits objectifs. Cependant, la circulaire du 26 mars 2010 prévoit la possibilité d’assortir le contrat d’engagements financiers dans trois hypothèses :

– lorsque l’opérateur vient d’être créé ou dont les missions, ou l’organisation, ont fait l’objet d’une modification substantielle ;

– lorsque l’opérateur exerce une activité comportant, à une échelle pluriannuelle, des enjeux budgétaires et financiers élevés ;

– lorsque la situation financière de l’opérateur est fragile.

La circulaire précise qu’« en pareilles hypothèses, le contrat devra être cosigné par le ministre du budget. L’engagement de l’État devra obligatoirement trouver sa contrepartie dans des engagements précis, souscrits par l’organisme, de maîtrise ou de réduction de ses dépenses et de ses emplois et, le cas échéant, d’amélioration de sa performance. » À la connaissance des rapporteurs, aucun COM n’a été conclu au titre d’une de ces hypothèses, malgré leur pertinence.

Au titre du mouvement de responsabilisation des gestionnaires engagé au début de la présente législature dans le cadre du processus de réforme de l’État, différentes tentatives de relance de ce dispositif sont intervenues.

Le premier comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 1er février 2018, a ainsi souhaité « expérimenter des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre le ministère chargé du budget et certains gestionnaires, pour donner une visibilité plus large sur les moyens financiers et sur les effectifs, une plus grande souplesse dans leur utilisation sur la période du contrat, en échange d’engagements précis sur des objectifs de performance, d’efficience et de transformation ».

Un an plus tard, la directrice du budget et le directeur de la transformation publique lançaient un appel à candidatures dans un courrier en date du 11 février 2019 à l’adresse des secrétaires généraux des ministères, sur la base du cahier des charges suivant :

– l’existence d’un projet stratégique clair et explicite ;

– une pratique budgétaire vertueuse sur la période récente, seuls les opérateurs financés sur le budget général étant éligibles ;

– une solide fonction financière.

Ces efforts n’ont pas abouti et la démarche s’est traduite par un échec puisque seuls deux opérateurs ont signé à ce jour un COM, à savoir Business France dès la fin 2018 et Météo France.

Ces deux opérateurs connaissaient une trajectoire financière en baisse du fait d’un processus de transformation en cours. C’est notamment le cas de Business France qui a conclu un COM, avec une trajectoire de financement passant de 95 millions d’euros en 2018 à 85 millions en 2022. Météo France avait par ailleurs besoin d’un financement exceptionnel pour un nouvel instrument.

En dehors de ces cas exceptionnels et de deux administrations centrales appartenant à la sphère financière (la direction générale des finances publiques et l’INSEE), la direction du budget n’a pas trouvé de partenaires pour s’engager avec elle sur cette voie, malgré les avantages présentés comme l’exonération de régulation financière en cours d’année.

Entendue par les rapporteurs, la directrice du budget a confirmé défendre le développement de la pluri-annualité afin de mieux piloter la transformation et de générer des économies à terminaison, le but n’étant pas de respecter la programmation à l’euro près, mais bien de fixer une trajectoire claire à l’opérateur.

De leur côté, les ministères et les opérateurs ne sont pas demandeurs de COM.

Le ministère de l’agriculture estime que cet outil n’est pas en adéquation avec les activités de ses opérateurs, par exemple l’Anses dont les sujets et le volume d’expertises varient très fortement en fonction de l’actualité et ne peuvent donner lieu à une programmation de trois ou cinq ans. Le ministère souhaite conserver une réactivité et une adaptabilité optimales à l’apparition de nouvelles missions.

Le ministère de la transition écologique craint également la réduction de ses marges de manœuvre au motif qu’une trajectoire fixe pour un opérateur transfère la régulation budgétaire sur les autres opérateurs du programme à partir d’une base réduite aboutissant à un effort plus douloureux pour eux.

Au ministère de la culture, aucun opérateur n’a conclu de COM. Un faible nombre présente une dimension budgétaire et financière suffisante pour justifier le recours à un tel outil. En revanche, le ministère l’utilise avec les acteurs de l’audiovisuel public, compte tenu de la visibilité de leurs ressources affectées (la redevance audiovisuelle) et de la nécessité de fixer une trajectoire pluriannuelle pour l’exercice de leurs missions. La question peut se poser pour les opérateurs les plus importants, comme l’Opéra de Paris.

Tous les ministères observent par ailleurs qu’un COM ne protège pas contre les coups de canif portés aux annuités théoriquement prévues, en fonction des exigences de maîtrise des finances publiques ou de nouvelles priorités dictées par la conjoncture.

Les rapporteurs, comme la Cour, pensent que cet instrument doit être développé car il permet d’inscrire dans la durée avec une visibilité satisfaisante sur les ressources la programmation des activités des opérateurs. Il est difficile de s’engager sur des objectifs de performance si l’on ne dispose pas de référentiel partagé avec la direction du budget sur les moyens. Dans la sphère publique, l’exemple des conventions d’objectifs et de gestion des régimes de sécurité sociale, créées par l’ordonnance n° 96‑344 du 24 avril 1996, montre que c’est possible et que cela fonctionne.

Cette démarche est compatible avec l’annualité budgétaire qui permet de traduire chaque année dans le PLF les montants prévus dans le COM en contrepartie d’une bonne visibilité sur la trajectoire de performance de l’opérateur. En cas de réduction de la trajectoire de crédits, l’opérateur serait également fondé à demander la révision de s12es objectifs.

Elle est également cohérente avec la proposition de loi organique n° 4110 rectifiée du 4 mai 2021 de nos collègues Laurent Saint‑Martin et Éric Woerth qui opte pour l’intégration dans les programmes annuels de performance d’une programmation budgétaire triennale par programme.

Proposition n° 7 : développer le recours aux contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour les opérateurs présentant les enjeux les plus importants pour la mise en œuvre des politiques publiques.

B.   APPLIQUER LES RÈGLES DE LA BONNE GOUVERNANCE

Reconnaître à une entité publique une autonomie fonctionnelle nécessaire au bon exercice de ses missions n’implique pas de se désintéresser de sa gouvernance, il est même du devoir de l’État de fixer des règles et de vérifier leur application.

Après de nombreuses études consacrées à ce sujet depuis une dizaine d’années, un progrès récent a été observé avec la publication en mars 2020 d’un cadre de référence pour la gouvernance des organismes publics, cosigné par le contrôle général économique et financier (CGefi), la direction du budget (DB) et l’Agence des participations de l’État (APE).

Ce cadre a vocation à s’appliquer à l’ensemble des entités publiques bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle et il est constitué de lignes directrices assez détaillées dont vos rapporteurs partagent l’esprit et la lettre.

Les 10 principes d’une bonne gouvernance

1. Améliorer la qualité de la gouvernance des conseils, en mettant en œuvre des lignes directrices en droit souple, assorties de l’obligation de les appliquer ou de s’expliquer.

2. Renforcer le rôle du conseil comme lieu de prise de décisions collégiales.

3. Inscrire au cœur des travaux du conseil, la stratégie, la performance, la maîtrise des risques, la RSE ainsi que le respect de la trajectoire budgétaire au travers de l’approbation des budgets et des comptes.

4. Réduire la taille des conseils à 15 administrateurs.

5. Désigner nominativement les représentants et administrateurs de l’État et assurer leur présence effective.

6. Développer la professionnalisation des administrateurs à travers leur sélection et leur formation.

7. Généraliser les comités d’audit lorsque la taille et les enjeux de l’organisme le justifient.

8. Consigner dans le règlement intérieur du conseil d’administration, les grands principes de gouvernance de l’organisme que chaque administrateur doit respecter.

9. Prévenir les conflits d’intérêt et veiller aux questions de déontologie en désignant un administrateur référent.

10. Développer l’auto-évaluation périodique des conseils.

Il s’agit d’un droit souple mais qui doit constituer une référence opposable aux dirigeants des organismes publics et aux secrétaires généraux des ministères. Ces derniers devront justifier la non‑application de ces règles et démontrer qu’elles ne sont pas opportunes au regard des caractéristiques spécifiques des opérateurs dont ils ont la tutelle.

Les auditions menées par les rapporteurs ont montré que la situation actuelle de nombreux opérateurs présente un décalage important avec ce modèle de bonne gouvernance.

1.   Fluidifier le fonctionnement des organes délibérants

La composition des conseils d’administration des opérateurs est très diverse car elle reflète le secteur d’activité au sein duquel ils évoluent mais elle est souvent pléthorique et très éloignée de la référence de 15 membres permettant un échange approfondi.

Comme l’a relevé le cadre de référence précité, la réduction du nombre de sièges aux conseils d’administration est une orientation majeure : « Quinze membres est un grand maximum audelà duquel la capacité à réellement délibérer et à former des décisions collégiales est compromise. Il s’agit d’une orientation majeure, prioritaire, pour tous les organismes du secteur public. Trop nombreux, les membres d’un conseil d’administration ne sont plus en état de délibérer réellement ; il n’est pas rare de constater dans les conseils aux nombreux membres, que les administrateurs ne peuvent plus s’en tenir qu’à des postures préalablement élaborées dans leurs environnements professionnels respectifs ».

Les opérateurs de l’action extérieure de l’État présentent ainsi une moyenne de 34 membres avec un maximum de 48 membres pour Campus France. Parmi ceux‑ci, le conseil de l’AEFE compte « seulement » 27 membres mais les familles, qui ne comptent que deux membres, demandent une augmentation de leur représentation, au motif qu’elles apportent plus de 50 % des ressources de l’établissement.

Le conseil de l’Anses compte 36 membres, avec une représentation de chacun des 5 collèges du Grenelle de l’environnement, qui l’apparente plus à une convention citoyenne qu’à un conseil d’administration.

Une tentative de simplification ratée : l’exemple de l’Office national des forêts

Le conseil d’administration de l’ONF compte 30 membres dont la moitié de représentants des tutelles, des représentants du personnel, des usagers de la forêt comme la Fédération nationale des chasseurs, des associations de défense de l’environnement et des propriétaires des forêts avec les collectivités territoriales.

En 2020, le Gouvernement a souhaité modifier cette composition par ordonnance en demandant au Parlement une habilitation dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) rédigée ainsi : « modifier la composition du conseil d’administration afin de faciliter la prise de décision au sein de l’Office et de la mettre en cohérence avec les missions et le modèle économique de celuici, ainsi que prévoir les conditions dans lesquelles le conseil d’administration peut créer un comité d’audit ».

La commission spéciale du Sénat a modifié l’article comme suit : « modifier la composition du conseil d’administration en prévoyant la représentation de l’ensemble des collectivités territoriales, afin d’enrichir la prise de décision de l’Office face aux nouveaux enjeux de la Forêt ».

Les sénateurs ont critiqué la volonté de resserrement du conseil d’administration, ainsi que l’exclusion des collectivités territoriales et des divers acteurs intéressés par la gestion des forêts, et n’ont pas suivi le Gouvernement dans sa volonté réformatrice. Finalement, la loi d’habilitation n’a pas mentionné la modification du conseil dont la composition restera inchangée.

Prévoir la représentation des usagers ou des parties prenantes d’une politique publique au sein d’un conseil d’administration n’est sans doute pas la bonne méthode pour lui assurer sa vocation d’instance stratégique de direction. Les administrateurs auront tendance à défendre les intérêts de leurs mandants plutôt que celui de l’opérateur en tant que tel, faute de réel affectio societatis.

Il serait plus indiqué de les regrouper dans un conseil d’orientation distinct ou dans des commissions techniques, comme le fait le CNC dont le conseil d’administration ne compte que 16 membres mais dont la définition et la gestion des aides sont confiées à des commissions techniques constituées de professionnels des métiers du cinéma.

Un autre modèle consisterait à développer la formule de la société à directoire et conseil de surveillance qui permet de concilier diversité de la représentation au conseil de surveillance qui détient moins de compétences qu’un conseil d’administration classique, et concentration des pouvoirs dans une instance exécutive collégiale, le directoire. C’est la solution choisie pour la SGP qui repose sur un conseil de surveillance de 21 membres dont 10 représentant les collectivités territoriales franciliennes et un directoire de 3 membres.

Progresser vers la norme de 15 membres doit également conduire à réduire le nombre des représentants de l’État dont la place varie selon les organismes. Il est plus faiblement représenté au sein d’opérateurs dont l’ancrage territorial ou institutionnel implique une forte représentation des acteurs locaux et sociaux, comme pour les agences de l’eau, les parcs nationaux ou encore l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Selon la Cour, les situations dans lesquelles l’État détient la majorité au sein des organes délibérants apparaissent minoritaires sur le périmètre des opérateurs, notamment en raison des statuts de nombre d’opérateurs, incompatibles avec la prééminence de l’État, comme les universités qui relèvent de la catégorie des EPSCP, les associations ou les fondations.

Lorsqu’ils sont majoritaires, les représentants de l’État sont parfois absents notamment parce que les mêmes personnes cumulent les sièges d’administrateurs dans trop d’organismes du fait de leurs fonctions ou parce qu’ils ne sont qu’indirectement concernés par les activités de l’opérateur.

L’absentéisme des représentants de l’État : l’exemple de la Société du Grand Paris

La Cour a relevé dans sa communication à la commission des finances de notre assemblée en décembre 2017 que seuls trois représentants de l’État sur onze avaient siégé à plus de 75 % des conseils de surveillance de la SGP entre 2010 et fin 2016. Interrogé par vos rapporteurs sur cet absentéisme aux cinq à six réunions annuelles du conseil, l’un des membres du directoire a répondu que du fait de la grande diversité de ministères représentés au conseil, leur implication était très inégale dans la gouvernance de la SGP. Un sous‑ensemble est très présent dans la tutelle de l’établissement à travers un organisme dédié : le comité des tutelles, qui réunit les administrations actives.

Cependant, l’implication des ministères a pu évoluer au cours du temps. Par exemple, le ministre de l’économie était relativement peu impliqué dans la conduite opérationnelle du projet tant que la SGP ne recourait pas à l’emprunt. Dès lors que la société a commencé à recourir à l’emprunt, l’implication du ministère a été plus importante, ne serait‑ce qu’en raison de la nécessaire articulation avec les émissions des emprunts d’État gérées par l’agence France Trésor.

Il a ajouté que dans tous les cas, les représentants absents donnaient des pouvoirs à ceux présents pour assurer la majorité formelle de l’État dans les réunions.

Les rapporteurs souhaitent que l’on développe les droits de vote différenciés afin de garantir la majorité aux représentants de l’État sans pour autant imposer un nombre important de sièges aux conseils. Ce système serait plus simple et transparent que celui des pouvoirs actuellement en vigueur. La formule des commissaires du Gouvernement permet également au représentant de l’État de s’opposer à certaines délibérations sans disposer de la majorité des sièges.

Dans son étude de 2012 précitée, le Conseil d’État préconisait une limitation de principe des administrations de l’État à trois représentants au maximum dans les conseils d’administration, en précisant que cette limitation pouvait être prévue par décret pour les établissements publics car ne relevant pas des règles constitutives d’une catégorie d’établissement public imposant une loi en application de l’article 34 de la Constitution.

Cette réduction du nombre de sièges attribués à des fonctionnaires de l’État est aussi compatible avec le maintien de la cotutelle de plusieurs ministères car d’une part, l’exercice de la tutelle ne repose pas obligatoirement sur une représentation au conseil (on peut même plaider pour la séparation des fonctions) et d’autre part, la désignation d’un chef de file parmi les ministères concernés pourrait permettre de fédérer les positions des uns et des autres.

Cette rationalisation permettrait également d’alléger la comitologie consistant à préparer les réunions des conseils entre représentants de l’État afin d’harmoniser les positions sans témoins extérieurs et finalement à prendre toutes les décisions importantes.

Cette pratique est observée à peu près chez tous les opérateurs, dès lors qu’ils sont placés sous la tutelle de plusieurs ministères. À la SGP, elle a fait l’objet d’une institutionnalisation avec la création d’un comité des tutelles financières et techniques par un arrêté du 2 mai 2017. Présidé par le préfet de la région Île‑de‑France, il regroupe les représentants des ministères du développement durable, des transports, du budget ainsi que le CGefi. Il a vocation à coordonner les besoins de l’État et à approfondir les points cruciaux de maîtrise des coûts, des risques et des délais. Il se réunit avant tous les comités d’audit et les conseils de surveillance, et peut associer le directoire en deuxième partie de réunion.

Cette réforme devrait permettre de progressivement remettre le conseil d’administration au cœur de la gouvernance des opérateurs et de mieux centrer leur ordre du jour sur les points stratégiques, ce qui n’est pas le cas actuellement comme l’a relevé un bon connaisseur de ces instances entendu par les rapporteurs : « l’ordre du jour du CA est très largement occupé par les figures imposées que sont le budget, le compte financier, le rapport d’activité ainsi que les marchés et conventions indispensables à la bonne marche de l’établissement qui sont discutés en préCA et dont la présentation ne donne pas toujours lieu à des débats de fond. Depuis quelques années, l’ordre du jour fait également une place importante à des points techniques inscrits à la demande de la tutelle pour la bonne information des membres du conseil : politique achats, contrôle interne, dépenses des dirigeants... qui traduisent les priorités du moment et qui s’ajoutent les uns aux autres sans cohérence d’ensemble. Ce que certains appellent la “technicisation” de l’ordre du jour du CA laisse ainsi peu d’espace au débat proprement stratégique et les conseils ont tendance à se transformer en chambre d’enregistrement de décisions en réalité prises ailleurs, au sein du préCA notamment. La situation s’aggrave lorsque les représentants du personnel, tirant parti de la présence des responsables de la tutelle de l’opérateur, utilisent le CA comme une tribune pour exposer des questions relevant normalement d’autres instances, telle que le comité technique, le CHSCT ou le comité social et économique pour ce qui est des EPIC. »

Proposition n° 8 : appliquer le cadre de référence pour la gouvernance des organismes du secteur public du 10 mars 2020 et notamment la réduction de la taille des conseils d’administration à 15 membres.

2.   Renforcer la fiabilité de la fonction financière

La robustesse de la fonction financière au sein des opérateurs est une caractéristique majeure de la bonne gouvernance.

Elle dépend évidemment de leur taille et de leurs statuts mais plus encore de la prise de conscience de leurs dirigeants et du degré de priorité qu’ils y accordent.

L’État, dans ses nombreuses composantes, a vocation à stimuler et accompagner ce processus, notamment en mettant l’accent sur le contrôle interne et la qualité des comptes des organismes.

Tous les opérateurs soumis au titre III du décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dit décret GBCP, soit 414 opérateurs sur 437 en 2021, doivent mettre en place un dispositif de contrôle interne budgétaire et comptable.

Le contrôle interne budgétaire (CIB) a pour objet de maîtriser les risques afférents à la poursuite des objectifs de qualité de la comptabilité budgétaire et de soutenabilité de la programmation et de son exécution.

Le contrôle interne comptable (CIC) a pour objet la maîtrise des risques afférents à la poursuite des objectifs de qualité des comptes, depuis le fait générateur d’une opération jusqu’à son dénouement comptable.

L’article 216 du décret précise que « l’audit interne budgétaire et comptable, exercé de manière indépendante et objective, a pour objet de donner à chaque organisme une assurance raisonnable sur le degré de maîtrise des opérations budgétaires et comptables qu’il conduit, ainsi qu’une appréciation de la qualité du contrôle interne budgétaire et comptable.

L’organe délibérant arrête un programme d’audit. Le cas échéant, il met en place un comité d’audit, chargé de porter une appréciation sur la qualité du contrôle interne budgétaire et comptable et de faire toutes propositions tendant à l’amélioration de ce dernier ».

Les travaux de la Cour « font apparaître une prise en compte encore perfectible des opérateurs, et particulièrement de leur gestion du contrôle interne, au sein de la démarche globale portée par les ministères, malgré des avancées récentes. Si le sujet du pilotage des opérateurs est de plus en plus présent sur les cartes des processus ministérielles et souvent associé à des risques évalués comme significatifs, les actions correctrices les concernant sont très majoritairement absentes des plans d’action ».

La participation des opérateurs à la démarche de maîtrise des risques fait chaque année l’objet d’une enquête de la DGFiP. Alors que plus de 86 % des opérateurs ayant répondu disposent d’un ou plusieurs référents contrôle interne, ils sont à peine plus de la moitié à voir leur organe dirigeant s’impliquer dans la démarche, une proportion qui stagne depuis de nombreuses années et qui freine le déploiement des dispositifs de contrôle interne. Dans l’ensemble, le déploiement (ou développement) de la démarche de maîtrise des risques plafonne voire diminue au sein du périmètre des opérateurs, le défaut d’actualisation de la carte des processus affectant négativement à moyen et long terme celle des risques et des actions correctrices nécessaires. Au final, selon la Cour, « la plupart des opérateurs ne disposent pas d’un dispositif de contrôle interne suffisamment développé pour assurer son efficacité ».

Interrogée par les rapporteurs, la DGFiP est un peu moins sévère en observant que « le contrôle interne financier (CIF) n’est pas encore pleinement perçu comme un moyen d’atteindre les objectifs de l’organisme mais plus comme une fin en soi. La DGFiP œuvre donc, avec les ministères de tutelle des établissements publics nationaux, auprès des organes dirigeants des organismes publics nationaux afin qu’ils appréhendent mieux l’utilité du contrôle interne et que celuici joue un rôle clef dans la conduite et le pilotage des activités des organismes. Dans cette perspective, la DGFiP, en lien avec la direction du Budget, travaille à préciser les objectifs du CIF, à concevoir une documentation au plus proche des besoins des organismes publics nationaux, à former conjointement l’ensemble des acteurs de la chaîne financière afin que le contrôle interne financier soit pleinement intégré dans la maîtrise des risques métiers. Il s’agit là d’un travail d’acculturation dont les pleins effets ne pourront se ressentir qu’à moyen terme. »

L’existence d’un comité d’audit au sein du conseil d’administration est un bon signal de l’importance reconnue à cette fonction au sein de l’opérateur. Les rapporteurs ont par exemple été favorablement impressionnés par les propos tenus par le directeur général de l’Anses lors de son audition lorsqu’il a spontanément appelé leur attention sur les travaux de son comité d’audit mis en place il y a trois ans et se réunissant deux à trois fois par an. L’Agence, qui est certifiée ISO 9001, a un véritable plan d’actions d’audit, sur lequel le comité donne un avis et qu’il rapporte devant le conseil d’administration.

Inversement, il est regrettable que l’ONF ait attendu 2021 pour le mettre en place, compte tenu de sa situation financière très dégradée.

Comme le relève le cadre de référence du 10 mars 2020 précité, « Le principe est ici posé qu’un comité d’audit doit être constitué. Cependant, il peut être envisagé que les tâches du comité d’audit soient assumées directement par le conseil d’administration sans création d’un comité spécifique, dans certains cas où la taille ou les enjeux limités de l’organisme ne justifieraient pas un tel comité, et où le caractère suffisant de la surveillance serait déjà assuré par les dispositifs de contrôle spécifiques à la sphère publique (tutelles, agent comptable, contrôleur économique et financier ou budgétaire, corps d’inspection et de contrôle, Cour des comptes). Néanmoins, dans de tels cas, il conviendrait dans le même temps de s’interroger sur la réelle nécessité de préserver l’existence de l’organisme, ou bien d’organiser la prise en charge de ses activités par un autre organisme ou directement par les services de l’État ».

À titre d’exemple, parmi les opérateurs sous tutelle du ministère des affaires étrangères, les trois qui sont soumis au décret GBCP, à savoir l’AEFE, Campus France et l’Institut français sont dotés d’un comité de pilotage du contrôle interne budgétaire et comptable. En revanche, en matière d’audit interne, des marges de progrès demeurent tant à Campus France qu’à l’Institut français. Seule l’AEFE a déployé un véritable dispositif d’audit interne.

Sans obligation règlementaire, le dispositif de contrôle interne des quatre autres opérateurs (Atout France, CFI, Expertise France et France Volontaires) relève d’initiatives spécifiques selon les organisations. D’un point de vue qualitatif, la situation de ces opérateurs est contrastée : Expertise France et Atout France sont dotés d’un comité d’audit et des risques et sont plus avancés dans le déploiement du contrôle interne (cartographie des risques, plan d’actions, audit interne).

S’agissant de la qualité des comptes des opérateurs, la Cour est également plus sévère que la DGFiP.

La certification est obligatoire, en application de la loi, pour les universités et les grands ports maritimes. Elle est donc volontaire pour les autres organismes. Or, il s’agit là d’une démarche longue et onéreuse. Elle nécessite, en effet, un accord de l’assemblée délibérante, fait l’objet d’une mise en concurrence et est généralement précédée d’une certification à blanc. Elle engage les organismes sur une durée de six ans pour un coût de l’ordre de 200 à 300 000 euros. L’AEFE est en train par exemple d’entreprendre cette démarche avec une certification à blanc en 2021 en vue d’une certification réelle en 2022, ce qui paraît souhaitable, compte tenu de la complexité de ses comptes résultant de la diversité de ses établissements.

Il faut donc que l’organisme trouve un intérêt à cette démarche alors que d’autres sources d’information, telles que la revue de qualité comptable et financière (RQCF) ou les questionnaires de qualité comptable et de contrôle interne, contribuent à réduire les incertitudes, notamment sur les immobilisations physiques ou le parc immobilier.

La RQCF vise ainsi à garantir une assurance sur la qualité des écritures comptables grâce à un système d’alertes comptables intégré et automatisé. Ce dispositif permet, en fonction du nombre d’alertes identifiées ainsi que des enjeux financiers associés, de disposer d’une cotation chiffrée représentative de la qualité comptable de l’organisme.

La DGFiP observe ainsi que : « En 2020, 181 opérateurs ont fait certifier leurs comptes dont 176 ont transmis les rapports des commissaires aux comptes avant la fin du mois de mars. Sur ces 176 organismes, 82 % sont certifiés sans réserve, ce qui démontre la qualité des comptes de la grande majorité des organismes ».

Pour sa part, la Cour met l’accent sur le nombre des comptes certifiés avec réserves ou sur l’absence de transmission des rapports et estime que « finalement, en 2019, si la Cour a pu s’appuyer sur 145 rapports de commissaires aux comptes et 9 rapports d’audit financier, 330 opérateurs sur 484 n’ont pas fait certifier leurs comptes, n’ont pas remis à la Cour le rapport du commissaire aux comptes ou n’ont pas fait l’objet d’un audit interne récent. Ils font partie des 417 entités liées à l’État pour lesquelles la Cour fait état, dans son acte de certification, d’une assurance limitée sur la fiabilité des comptes ».

La DGFiP complète aussi son information par des audits menés par sa mission risques et audit (MRA) qui focalise son action sur des points à fort enjeu ou fort risque. Sa synthèse de 2017 consacrée à 11 établissements de formation était ainsi assez alarmante en relevant que la majorité de ces établissements (six sur onze) n’avaient pas mis en place de dispositif de contrôle interne opérationnel solide.

La synthèse de 2019 portant sur 10 communautés d’universités et établissements (COMUE) n’était guère plus réjouissante alors que celle de 2018 portant sur 9 ARS était satisfaisante. En 2020, la MRA n’a pas émis de synthèse à cause de la crise sanitaire et elle consacrera son action à partir de 2021 aux organismes à réseaux présentant de forts enjeux (valeur d’équivalence supérieure à 100 millions d’euros) comme les CROUS, les agences de l’eau et les établissements publics fonciers.

C.   PROFESSIONNALISER L’EXERCICE DE LA TUTELLE MÉTIER PAR LES MINISTÈRES

Le concept de tutelle ne fait pas l’objet d’une définition très précise en droit administratif. La Cour la définit comme « le contrôle que l’État conserve sur les opérateurs dans la définition de leur champ de compétence, de leurs objectifs et de leur degré d’autonomie, il s’exerce par des pouvoirs d’annulation, d’approbation, d’autorisation, de nomination et de substitution. »

La tutelle financière relève du ministère du budget et fera l’objet d’une analyse spécifique infra, notamment sous l’angle des modalités d’exercice du contrôle budgétaire.

La tutelle métier est exercée par une direction du ministère responsable du programme budgétaire de rattachement de l’opérateur (il est rappelé que tous les opérateurs sont rattachés à un programme budgétaire) et dont relève la définition de la politique publique à laquelle participe l’opérateur.

La Cour indique que l’intensité de l’exercice de la tutelle métier est variable selon l’importance de la contribution des opérateurs à une politique donnée et croit identifier une difficulté majeure lorsqu’il existe une asymétrie d’information ou de technicité entre le service ministériel assurant la tutelle et l’opérateur.

Les rapporteurs quant à eux ne sont pas troublés par ce constat : il existe forcément une asymétrie puisqu’elle est à la base de la répartition des tâches entre ceux qui conçoivent et contrôlent et ceux qui exécutent. Il faut en revanche que les procédures de communication de données (reporting) soient opérationnelles et que les personnes exerçant la tutelle soient compétentes, même si elles ne sont pas très nombreuses. Deux exemples issus des auditions menées par les rapporteurs permettent de mieux cerner la subtilité de cette problématique.

Comment la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail, dont le département Pôle emploi compte 9 ETP, exerce‑t‑elle la tutelle de Pôle emploi qui, avec ses quelque 50 000 collaborateurs, assume la mission d’indemnisation du chômage et de conseil pour le retour à l’emploi ?

Dans son rapport public thématique de juillet 2020 consacré à la gestion de Pôle emploi, la Cour estime l’exercice difficile : « les relations entre la tutelle et l’opérateur apparaissent déséquilibrées au regard du dimensionnement du réseau et des moyens financiers de Pôle emploi, mais aussi de la dépendance, dans de nombreux domaines, de tous les acteurs du service public de l’emploi, dont la DGEFP ellemême, visàvis de ses systèmes d’information. Enfin, la place de la DGEFP en tant qu’autorité de tutelle est également limitée par les pouvoirs et le rôle propres du directeur général de Pôle emploi qui est en contact direct avec le ministre et son cabinet ».

La réponse du directeur général de Pôle emploi, qui a insisté sur la fréquence des contacts et des réunions à différents niveaux avec ses interlocuteurs de la DGEFP (échanges quotidiens au niveau des collaborateurs et entretiens bimensuels entre le délégué général et lui-même), ainsi que sur leur présence dans toutes les instances de direction de l’opérateur (conseil d’administration, comité d’audit et comité stratégique et d’évaluation), comme aux instances dédiées au suivi de la convention tripartite, ce qui leur garantit l’accès à l’ensemble des informations utiles à la gouvernance de l’opérateur, a paru convaincante aux rapporteurs.

Ces procédures efficientes de partage de l’information paraissent autoriser un exercice satisfaisant de la tutelle métier, relativisant la problématique du déséquilibre des effectifs. Quant à l’accès privilégié du directeur général de Pôle emploi à la ministre du travail, il s’agit plutôt d’une bonne pratique car l’implication personnelle des ministres dans la tutelle stratégique des opérateurs permet de mobiliser l’ensemble de leurs collaborateurs et de dynamiser les échanges réciproques. L’inverse, c’est‑à‑dire l’absence d’entretien, au moins annuel, entre le dirigeant d’un opérateur et son ministre de tutelle, semblerait davantage préoccupant à vos rapporteurs.

En revanche, les difficultés de la direction générale de la mondialisation du ministère des affaires étrangères à assumer la tutelle de l’Agence française de développement (AFD), qui n’est pas stricto sensu (voir infra) un opérateur mais dont l’activité doit néanmoins être contrôlée par le ministère, semblent plus avérées. Au‑delà de l’asymétrie des forces (4 ETPT doivent contrôler une activité complexe portant sur 12 milliards d’euros d’engagement en 2021), l’agence exerce, du fait des conditions favorables accordées à ses collaborateurs tant sur le plan des rémunérations que des avantages en nature, une véritable attraction sur les contractuels du ministère qui peine à les fidéliser. Le directeur général de la mondialisation a ainsi insisté lors de son audition sur l’insuffisance des moyens affectés à cette mission.

Conscients de la nécessité de rationaliser et de professionnaliser l’exercice de la tutelle métier, les pouvoirs publics ont progressivement défini des modèles d’organisation et de procédures, notamment dans la circulaire du Premier ministre n° 5798/SG du 23 juin 2015.

Cette circulaire définit sept grands principes directeurs d’organisation de la fonction de tutelle :

– un (des) point(s) d’entrée des organismes clairement identifié(s) au sein du ministère ;

– une fonction de synthèse et de coordination pour chaque organisme ;

– une responsabilisation du service métier dans le pilotage stratégique ;

– une fonction d’élaboration de doctrine et de coordination exercée par le secrétariat général ;

– une fonction d’animation des organismes ;

– une répartition claire des responsabilités entre les parties prenantes ;

– dans le cas des tutelles multiples, un service « chef de file » stable par organisme.

La déclinaison pratique de ces principes dans des modèles d’organisation est moins précise et laisse aux ministères une marge de manœuvre, notamment dans la répartition des tâches entre les directions métier et le secrétariat général.

Il a semblé utile aux rapporteurs d’essayer d’esquisser une typologie de référence après avoir entendu les responsables de la tutelle métier dans différents ministères.

1.   Le secrétariat général, centre de ressources et de synthèse de l’information

Le décret n° 2014‑834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères précise que « le secrétaire général exerce une mission de conseil et d’évaluation concernant le recours par le ministère à des agences et des opérateurs ainsi que pour l’exercice de la tutelle sur les établissements publics rattachés au ministère ». Ce texte précise également que, sauf dispositions contraires, le secrétariat général exerce la coordination de la tutelle des établissements relevant du ministère.

Les mots de conseil et coordination résument bien en effet le rôle assumé par les services des secrétaires généraux des ministères que les rapporteurs ont examinés (agriculture, culture et transition écologique), le ministère des affaires étrangères continuant à faire exception en confiant cette mission au directeur général de la mondialisation.

Dans le détail, les modèles varient cependant quelque peu d’un ministère à l’autre.

Le ministère de l’agriculture a formalisé sa doctrine de tutelle dans une note de service du 13 juin 2017. Ce document établit que le secrétariat général assure le pilotage des moyens confiés aux opérateurs alors que le pilotage des missions relève des directions techniques. Au sein du secrétariat général, le bureau de la coordination de la tutelle des opérateurs (BCTO) est chargé de la coordination des différents services pour les sujets relatifs aux opérateurs et il assure la synthèse des informations nécessaire au pilotage stratégique. Ce bureau a été scindé en deux avec d’un côté, un bureau de la synthèse budgétaire, qui coordonne les exercices budgétaires avec les responsables de programme, et de l’autre, le bureau de la coordination de la tutelle des opérateurs. Dans ce dernier bureau, les quatre chargés de mission suivent chacun deux ou trois opérateurs. Le but est d’avoir une équipe à temps plein et de professionnaliser cette fonction, en dégageant du temps pour la formation. L’importance est d’avoir un dialogue nourri avec les opérateurs, par une bonne compréhension de leurs missions et de leur fonctionnement interne. Il faut toutefois noter que ce modèle ne vaut pas pour tous les opérateurs de la mission Recherche et enseignement supérieur, pour lesquels l’ensemble de la tutelle est assuré par la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER).

À la suite d’un audit du Conseil général de l’environnement et du développement durable de février 2019, l’organisation de la tutelle a été modifiée au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Il en a résulté une réorganisation de la direction des affaires financières du secrétariat général et la création d’un bureau des financements, de la fiscalité et des opérateurs qui s’appuie notamment sur le développement d’un outil de suivi financier spécifique des opérateurs API’OP, fondé sur l’exploitation de leurs données comptables et budgétaires. Pour la Cour, « cette nouvelle organisation, proche de celle adoptée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, doit encore gagner en maturité, le lien et la coordination entre le secrétariat général et les directions techniques apparaissant encore perfectibles ».

Interrogée par les rapporteurs sur son rôle, la secrétaire générale du ministère a estimé que le secrétariat général constituait « la tutelle des tutelles » : il anime et coordonne, il harmonise les procédures sans assurer lui‑même la tutelle – néanmoins, la secrétaire générale siège, à titre personnel, en tant que commissaire du Gouvernement, dans deux organismes, l’ADEME et le CEREMA.

Le secrétariat général est un centre de ressources et propose une offre de services aux directions techniques, par exemple un guide méthodologique pour l’établissement des COP, des lettres de mission ou des fiches techniques sur les procédures administratives ou les points juridiques ou encore un outil de suivi sur les mandats d’administrateur pour surveiller les vacances.

De plus, le secrétariat général assume une fonction d’animation de réseau avec la mise en place d’un comité de pilotage des opérateurs qui réunit tous les opérateurs et qui permet d’échanger sur les bonnes pratiques en matière de fonctions support, telles que les ressources humaines ou les finances. Il assume la même fonction auprès de la soixantaine de chargés de tutelle des directions techniques.

La problématique est voisine au ministère de la culture. Au sein du secrétariat général, c’est le département des affaires budgétaires et de la synthèse (DABS) qui, au sein du service des affaires financières et générales (SAFiG), exerce les deux fonctions de coordination de la tutelle et de synthèse budgétaire. Les fonctions de centre de ressources et d’animation de réseau n’y sont cependant pas aussi développées que dans d’autres ministères et le renforcement de ces cellules d’appui est à l’étude.

2.   Le rôle clé des chargés de tutelle dans les directions techniques

L’exercice quotidien de la tutelle métier repose sur les chargés de tutelle dans les directions techniques.

Ils assurent de façon très opérationnelle une grande variété de tâches en liaison avec les établissements, les services experts de l’administration centrale, qu’ils sollicitent et dont ils recueillent les avis, et, le cas échéant, avec les autres ministères de tutelle :

– préparation et suivi des processus administratifs de nomination (dirigeants, membres des CA, des conseils d’orientation, des conseils scientifiques, des commissions d’acquisition...) en liaison avec les établissements et le secrétariat général ;

– élaboration et suivi des lettres de mission, contrats d’objectif et de performance, et des indicateurs attachés à la détermination de la part variable des dirigeants ;

– préparation et suivi des conseils d’administration (instruction des dossiers, en particulier des points budgétaires, organisation et suivi des pré‑CA, élaboration des positions de la tutelle) ;

– élaboration des réponses aux rapports des organes de contrôle (Cour des comptes le plus souvent), questions parlementaires, courriers divers...

Si le suivi des grands opérateurs est assurément enrichissant et valorisant, le métier de chargé de tutelle se caractérise par une lourde charge de travail avec des pics lors de la période des conseils d’administration, une responsabilité particulièrement importante à l’égard des petits établissements qui nécessitent un accompagnement spécifique et une diversité de sujets souvent techniques, difficiles à appréhender individuellement.

Leur positionnement et un mandat insuffisamment définis peuvent être source de difficulté au quotidien, les établissements jugeant parfois les demandes de la tutelle tatillonnes ou « hors sol » tandis que les services experts du ministère considèrent que le chargé de tutelle est trop accommodant avec les établissements. De fait, dans certains ministères les postes disponibles attirent peu de candidats et constituent régulièrement des premiers postes de sortie des instituts régionaux d’administration.

Ce rôle centralisateur, le chargé de tutelle ne peut le remplir efficacement que si sa fonction est reconnue et s’il dispose des moyens de l’exercer. Il faudra s’interroger sur le nombre des chargés de tutelle, leur niveau de qualification, leur positionnement hiérarchique, la cohérence de leur portefeuille, la durée souhaitable de leur mission.

Les rapporteurs estiment de ce fait particulièrement utile d’instaurer un parcours de formation permettant aux chargés de tutelle, lors de leur prise de fonction, d’appréhender non seulement les techniques (gestion de projet, exercice d’une fonction de coordination) et les processus (préparation des CA…) qu’il leur revient directement de mettre en œuvre, mais, plus largement, les questions qu’ils devront maîtriser pour remplir pleinement leur rôle de point d’entrée privilégié.

III.   ASSOUPLIR LE CONTRÔLE EN FONCTION DE LA SOLIDITÉ FINANCIÈRE DES OPÉRATEURS

L’autonomie fonctionnelle des opérateurs s’accompagne d’un cadrage stratégique et de l’exercice d’une tutelle métier mais aussi d’un contrôle financier qui poursuit plusieurs objectifs.

Lors de leurs auditions consacrées à cette problématique, les rapporteurs ont découvert la complexité de l’exercice de ce contrôle, tant du fait de la diversité des régimes applicables que de la pluralité des administrations compétentes, ils appellent donc de leur vœux une simplification du dispositif.

Par ailleurs, ils ont constaté les efforts entrepris depuis 2017 pour responsabiliser les opérateurs et alléger les contrôles et ne peuvent qu’encourager la poursuite de ce processus.

A.   SIMPLIFIER L’ORGANISATION DU CONTRÔLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

L’exercice du contrôle financier repose sur deux textes fondateurs dont les finalités, le périmètre et les modalités d’application sont différents.

Les organismes soumis à la comptabilité publique, caractérisée par la séparation de l’ordonnateur et du comptable, relèvent du décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) qui concernait, début 2021, un total de 1 251 organismes autres que l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, dont 414 opérateurs sur 437. Seulement une vingtaine d’opérateurs ne relèvent donc pas de la comptabilité publique dont certains très importants comme le CEA, Pôle emploi, Atout France, l’Afpa ou France compétences.

Parmi les organismes soumis à la comptabilité publique, les personnes morales de droit public relèvent du titre III du décret qui précise les modalités de leur gestion budgétaire et comptable, en instituant notamment une comptabilité budgétaire reposant sur les autorisations d’engagement et les crédits de paiement et un contrôle budgétaire permettant d’apprécier le caractère soutenable de la gestion de l’organisme et l’évaluation de sa performance au regard des moyens qui lui sont alloués.

La nouveauté du décret GBCP a été de considérer qu’un opérateur est en comptabilité budgétaire lorsqu’il a un financement majoritaire de l’État ce qui conduit à un pilotage limitatif, et non par la marge opérationnelle comme en comptabilité générale. Dès lors que le financement provient majoritairement de l’État, l’autonomie accordée au titre de l’efficacité de la politique publique n’autorise pas à se soustraire au caractère limitatif des crédits.

Parmi les 414 opérateurs en comptabilité publique relevant du décret GBCP, 408 sont dotés d’une comptabilité budgétaire mais seulement 270 sont placés sous contrôle budgétaire.

32 autres opérateurs relèvent du contrôle économique et financier, défini par l’article 5 du décret n° 55‑733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l’État, comme suit : « un contrôle externe portant sur l’activité économique et la gestion financière des entreprises et organismes qui en relèvent. Il a pour objet d’analyser les risques et d’évaluer les performances de ces entreprises et organismes en veillant aux intérêts patrimoniaux de l’État. »

La majorité des opérateurs est donc soumise au contrôle budgétaire, mais d’autres sont soumis au contrôle économique et financier, en raison notamment de la proportion de leurs ressources propres, ou de leur statut de GIP. Le contrôle économique et financier s’exerce sur les entreprises et organismes ayant une activité d’ordre économique mais bénéficiant du concours financier de l’État sous une forme quelconque : participation en capital, subvention, prêt, avance, garantie... Il dépasse donc de très loin le champ des opérateurs puisqu’il concerne 470 organismes dont de nombreuses entreprises publiques.

Une première complexité résulte de cette dualité de contrôles qui répondent à des situations différentes mais dont les modalités d’exécution se rapprochent, notamment du fait de l’allègement progressif des visas a priori.

Une deuxième complexité apparaît avec la diversité des acteurs administratifs intervenant dans le contrôle des opérateurs, qui relèvent de trois réseaux différents : les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) qui rendent compte à la direction du budget, les missions du contrôle général économique et financier (CGefi) qui appartiennent à un service autonome directement rattaché au ministre de l’économie et les directions départementales ou régionales des finances publiques qui relèvent de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Une troisième complexité surgit du fait de l’absence d’une spécialisation rigoureuse des tâches. Alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que les CBCM se consacrent au contrôle budgétaire du fait de leur activité principale dans les ministères, ils pratiquent aussi du contrôle économique et financier sur 31 organismes dont 12 opérateurs.

De même, le CGefi ne se cantonne pas à sa mission principale mais pratique également du contrôle budgétaire sur 66 organismes dont 32 opérateurs.

La DGFiP quant à elle pratique du contrôle budgétaire comme du contrôle économique et financier dès lors que les organismes ont une attache territoriale.

Cartographie des organismes en comptabilitÉ publique
(+ opÉrateurs en comptabilitÉ privÉe)
soumis au contrÔle par autoritÉ de contrÔle

Source : Direction du budget.

Ce fonctionnement matriciel qui résulte à la fois de raisons historiques et de mesures d’économie de moyens mériterait d’être revu car il n’est pas intelligible et qu’il favorise les divergences d’appréciation ou de doctrine du fait de la diversité des réseaux et des chaînes hiérarchiques.

Une mesure de simplification pourrait consister à fusionner le service du contrôle général économique et financier avec la direction du budget (DB).

Ce service contrôle 470 organismes et compte 204 agents dont 23 au sein du secrétariat général et de la direction. Une fusion avec la DB permettrait d’économiser une bonne proportion de ces emplois d’état‑major et surtout d’uniformiser les méthodes de travail entre les équipes de contrôle.

À défaut d’une fusion, une rationalisation des périmètres s’impose, en commençant par transférer à la DB les activités de contrôle budgétaire actuellement assumées par le CGefi.

Proposition n° 9 : simplifier les modalités d’organisation du contrôle financier en fusionnant la direction du budget et le service du contrôle général économique et financier, ou à défaut, en rationalisant leur périmètre d’intervention.

B.   PROGRESSER VERS LA RESPONSABILISATION DES OPÉRATEURS

La responsabilisation des gestionnaires publics est une orientation importante du processus de transformation amorcé au cours de cette législature.

La première proposition du rapport CAP 22 de juillet 2018 s’intitulait ainsi : « refonder l’administration autour de la confiance et de la responsabilisation ».

Parmi les caractéristiques de la gestion publique empêchant la transformation, les auteurs identifiaient « des dispositifs de contrôles a priori encore trop importants. Ainsi, à titre d’exemple, toute signature de marché ou de contrat, toute embauche, toute revalorisation salariale individuelle à l’occasion d’un renouvellement de contrat requiert un visa préalable. Cette culture du contrôle a priori est renforcée par la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public : il est responsable sur ses deniers personnels si l’ordre de payer n’était pas valide. Cela l’incite à multiplier les vérifications. »

Le comité préconisait donc de « passer d’une logique de contrôles a priori à une logique de contrôles a posteriori recentrés et plus efficaces. Cela évitera les lourdeurs liées à des contrôles a priori peu ciblés car systématiques. Bien sûr, ce changement doit être assorti de mécanismes de sanctions en cas de manquements. L’allègement des contrôles passe par la suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, au profit de dispositifs de contrôle et d’audit internes, mais aussi par la responsabilité financière des ordonnateurs en cas de présentation de comptes insincères, de dissimulation d’informations financières ou de manipulation de résultats, etc. Dans ce cadre, le rôle, les missions et le positionnement des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels doivent nécessairement évoluer vers un métier plus proche du contrôle de gestion et de l’appui aux gestionnaires ».

Ces orientations ont été répétées lors de différents comités interministériels de la transformation publique et précisées dans le rapport sur la responsabilisation des gestionnaires publics de M. Jean Bassères de juillet 2020.

Elles ont d’abord trouvé à s’appliquer aux ministères, à la recherche d’un nouvel équilibre dans la relation avec la direction du budget, comme en témoignent l’annonce d’un rapprochement progressif des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) d’une part, et des directeurs des affaires financières (DAF) d’autre part, lors du comité interministériel de la transformation publique du 5 février 2021, et les expérimentations menées à cet effet dans 5 ministères pilotes.

L’objectif est de faire du directeur financier des ministères « le garant de la régularité et de la soutenabilité budgétaire en lien avec le ministère du budget ».

Parallèlement un aménagement du régime de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics est envisagé, ce qui laisse présager un allègement de leurs contrôles systématiques et un transfert de responsabilité vers les ordonnateurs.

Il a paru souhaitable aux rapporteurs d’examiner les conditions dans lesquelles ces orientations avaient été transposées aux opérateurs de l’État.

La reconnaissance d’une autonomie fonctionnelle s’accompagne toujours d’une tutelle financière se traduisant par un dispositif de contrôle, qu’il soit économique ou financier ou budgétaire.

Les objectifs de la tutelle financière consistent à promouvoir la gestion par la performance, à prévenir les risques financiers (objectif prudentiel) et à maîtriser l’incidence sur les finances publiques (objectif budgétaire).

Les risques d’une mauvaise gestion sont de plusieurs natures (légalité, soutenabilité, réputationnel) et les différents contrôleurs mettent l’accent sur des aspects spécifiques : le comptable public s’attachera à la légalité de l’acte et à sa régularité externe, le contrôleur budgétaire veillera à la soutenabilité et au respect du caractère limitatif des crédits, le contrôleur financier adoptera une approche plus diversifiée fondée sur les risques.

Le fait que l’opérateur soit financé par une subvention versée par l’État et adoptée lors de la discussion de la loi de finances, conduira inévitablement les contrôleurs extérieurs à l’exécutif (Parlement, Cour des comptes) comme les observateurs de la vie publique (associations citoyennes, médias) à mettre en cause les responsables ministériels en cas de défaillance.

Dans ce registre, l’impact politique d’une crise n’est pas toujours proportionnel au montant des sommes en cause, et le symbolique compte beaucoup : les factures de taxis astronomiques de telle dirigeante, la condamnation de tel autre pour favoritisme dans un marché de prestations de communication ou les émoluments d’un dirigeant d’une grande école publique en rupture avec les usages universitaires français, marqueront davantage les esprits de nos concitoyens que le déficit chronique de tel ou tel opérateur.

C’est la raison pour laquelle la circulaire du Premier ministre du 23 juin 2015 insiste particulièrement sur l’exemplarité en matière de train de vie et de dépenses de fonctionnement et que la loi de programmation des finances publiques n° 2014‑1653 du 29 décembre 2014 impose la publication de la somme des dix plus importantes rémunérations brutes totales dans le jaune opérateurs, considérant que l’appartenance au secteur public et le financement par la ressource publique justifient une certaine modération salariale.

La lecture de ce document nous apprend ainsi que seuls trois opérateurs sur 437 ont dépassé la barre des deux millions d’euros pour cet indicateur en 2019, à savoir Business France avec 2,221 millions d’euros, l’Opéra national de Paris avec 2,102 millions et le Centre national d’études spatiales avec 2,058 millions, alors que la Société du Grand Paris s’en approchait beaucoup, avec un montant de 1,959 million.

Instruits par l’expérience, certains ministères sont particulièrement vigilants sur ce thème, comme le montre par exemple l’instruction pour « la maîtrise et la transparence des dépenses des dirigeants » du ministère de la culture en date de septembre 2020 qui vise à « assurer une maîtrise des risques en matière de dépenses des dirigeants et à réaffirmer la nécessité d’encadrer au plus près ce type de dépenses ». Cette instruction rappelle aux opérateurs et organismes sous sa tutelle les règles en vigueur, aussi bien en matière de dépenses de réception et de représentation, que de déplacement ou de véhicules de fonction, et établit l’obligation de les rassembler dans un document unique de cadrage soumis à l’approbation du conseil d’administration.

Dans ce contexte, l’allégement du contrôle a bien été constaté par les rapporteurs mais il ne se fait que progressivement, au sein d’une démarche très sophistiquée d’analyse des risques, opérateur par opérateur et catégorie d’actes par catégorie d’actes, qui se prête mal à une analyse quantitative globale.

Le service du contrôle général économique et financier a par exemple mis au point une cartographie des risques très élaborée, ne comptant pas moins d’une quarantaine d’entrées devant faire l’objet d’une cotation à quatre niveaux (de peu fiable à très fiable), selon le double critère de la maîtrise des risques ou des enjeux pour l’État.

MaÎtrise des risques, enjeux pour l’État

Détail des cotations

Source : CGefi.

En fonction de cette analyse, le CGefi va proposer au ministère assurant la tutelle métier un arrêté d’application de l’article 220 du décret GBCP, adaptant les modalités du contrôle budgétaire de chaque opérateur à son profil de risques.

L’arrêté du 10 juin 2020 a par exemple modifié l’arrêté du 7 mai 2015 relatif aux modalités d’exercice du contrôle budgétaire sur l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en reprofilant la maquette des actes de contrôle comme suit : certaines catégories d’actes parmi les plus importants, comme les actes relatifs au recrutement, à la rémunération et à l’avancement des cadres dirigeants, les acquisitions et aliénations immobilières, les contrats de recrutement en CDI ou les emprunts, seront soumis au visa préalable, d’autres, comme les mesures générales ou catégorielles, relatives notamment à la rémunération ou à la gestion du temps de travail et ayant un impact sur la masse salariale de l’organisme ou les accords-cadres en matière de marchés publics ou les baux, feront l’objet d’un avis préalable, et d’autres encore, de moindre importance, comme les recrutements en CDD, d’une simple information préalable.

Il est rappelé que le refus de visa préalable est bloquant et ne peut être surmonté que sur décision du ministre du budget en appel, alors qu’un avis défavorable ne suffit pas à empêcher la prise d’un acte.

Compte tenu du nombre de catégories d’actes de gestion d’un opérateur, et de la diversité de la cartographie des risques, les combinaisons de profils de contrôle définies par les arrêtés sont très variées et il est difficile d’en faire une typologie précise afin d’en tirer un enseignement d’ensemble.

La direction du budget a toutefois transmis aux rapporteurs un bilan des allègements du contrôle a priori pour la période 2019‑2020 en évoquant 2 arrêtés suspendant provisoirement le contrôle (visa ou avis) pour des natures d’acte au bénéfice de 69 organismes et 12 arrêtés allégeant de manière pérenne, par exemple en faisant passer des catégories d’acte du visa à l’avis ou de l’avis à l’information préalable, au bénéfice de 144 organismes. Elle évoque aussi des relèvements de seuil (sans plus de précisions) d’actes soumis au contrôle et la suppression des phases d’actualisation du document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel (DPGECP) pour 199 organismes.

S’agissant de la méthodologie encadrant l’allègement du contrôle, il semblerait qu’elle ne soit pas partagée entre le CGefi et la DB. Lors de son audition, la cheffe du service du CGefi a ainsi déclaré qu’elle n’était pas certaine que la DB utilisait les mêmes outils que son service. Les rapporteurs ne peuvent que souligner cette divergence qui milite pour leur proposition de rapprochement des deux autorités de contrôle.

De son côté, lors de son audition, la directrice du budget a réaffirmé son souhait de faire moins de contrôle a priori et de favoriser les analyses macroéconomiques et de soutenabilité globales.

Les deux instances de contrôle se sont retrouvées sur le rôle de conseil assuré par le contrôleur financier auprès des opérateurs. Cet aspect de son rôle a été confirmé par certains opérateurs comme Business France qui a souligné l’apport de la contrôleuse financière résultant notamment de son ancienneté dans le poste, précisant même qu’elle siégeait au comité de direction de l’opérateur, ce qui paraît constituer une bonne pratique aux yeux des rapporteurs. Si le contrôleur financier siège de droit au conseil d’administration avec voix consultative, il est en effet plus rare qu’il appartienne au comité de direction qui est l’instance collégiale de gouvernance quotidienne de l’opérateur.

Cette coexistence harmonieuse n’est pas toujours observée et la granularité du contrôle peut encore susciter des frictions, notamment dans des organismes non soumis à la comptabilité publique comme Pôle emploi, à propos duquel les avis divergent.

Quel niveau de contrôle pour Pôle emploi ?

L’arrêté du 9 avril 2009 fixe les principes généraux de l’exercice du contrôle économique et financier à Pôle emploi. Le contrôleur exerce une mission générale de surveillance de l’activité et de la gestion dont il analyse les risques et évalue la performance, en veillant aux intérêts patrimoniaux et financiers de l’État.

Outre le fait que le contrôleur participe aux instances de gouvernance institutionnelles de Pôle emploi (le conseil d’administration et ses comités), il siège également à la commission des marchés ainsi qu’au comité de suivi de la convention tripartite. Il reçoit dans les mêmes conditions que leurs membres les convocations, ordres du jour et tous les documents qui doivent être adressés à ces derniers avant chaque séance.

Il est informé de la préparation et de l’exécution du budget de Pôle emploi et de ses décisions modificatives. Les documents et les informations nécessaires lui sont adressés en temps utile, dans un délai préalable de quinze jours pour les documents soumis à l’adoption du conseil d’administration et au fur et à mesure de leur élaboration pour les autres documents.

Il a accès à tous les documents se rapportant à l’activité et à la gestion de Pôle emploi. À ce titre, il reçoit notamment, selon une périodicité et des modalités qu’il fixe après consultation du directeur général :

– les documents à caractère stratégique présentant l’évolution prévisionnelle de Pôle emploi, de ses objectifs, de ses moyens et de ses engagements financiers ;

– les tableaux de bord relatifs à l’activité, en continu et en prévision annuelle et pluriannuelle ;

– les documents, rétrospectifs et prévisionnels, permettant d’apprécier les conditions d’exécution du budget, en dépenses et en recettes ;

– la situation et les prévisions d’évolution de la trésorerie et l’état des placements ;

– les documents retraçant la stratégie de gestion des ressources humaines et notamment l’état des effectifs et de la masse salariale, l’évolution des rémunérations et la politique de promotions ;

– les documents permettant d’apprécier la politique immobilière, en particulier le projet de schéma pluriannuel de stratégie immobilière ;

– la liste des contrats, conventions, marchés, acquisitions, cessions et prises à bail ayant une incidence sur la situation financière de Pôle emploi ;

– les informations relatives à la contribution de Pôle emploi à la performance du programme dont il est opérateur ;

– les documents relatifs à l’organisation, aux procédures, au fonctionnement et au contrôle interne ;

– tout document permettant d’apprécier la cartographie des risques et leur maîtrise, la politique de qualité, y compris la qualité comptable.

Il donne son avis selon des seuils et des modalités qu’il fixe après consultation du directeur général sur :

– les actes de portée générale relatifs au recrutement, à la rémunération et à l’avancement du personnel ;

– les décisions individuelles concernant la rémunération des cadres dirigeants, en particulier en ce qui concerne la part variable de cette rémunération ;

– les opérations immobilières d’acquisition et d’aliénation ;

– les prises à bail dérogeant à des conditions-types ;

– les contrats, conventions et marchés et les transactions.

Il fait connaître son avis dans un délai de quinze jours à compter de la réception des projets d’acte ou de décision, accompagnés des pièces justificatives. Ce délai est interrompu par toute demande, formulée par écrit par le contrôleur, d’informations ou de documents complémentaires, jusqu’à réception. En l’absence de réponse de sa part à l’expiration de ce délai, son avis est réputé rendu.

Si le directeur général ne se conforme pas à l’avis du contrôleur, il lui en fait connaître les raisons par écrit.

Le contrôleur peut mettre en place et communiquer à Pôle emploi un programme annuel de vérifications thématiques a posteriori. Pôle emploi communique au contrôleur, à sa demande, les documents nécessaires. Ces vérifications peuvent être réalisées sous forme d’audit. Dans ce cas, le contrôleur fait connaître à Pôle emploi l’objet de l’audit et ses intervenants. Indépendamment de ce programme, il peut à tout moment procéder à la vérification a posteriori d’un acte particulier.

S’il apparaît au contrôleur que Pôle emploi est susceptible de ne pas assurer l’exécution de son budget ou la couverture de ses charges obligatoires ou inéluctables, il en informe le directeur général par écrit. Celui‑ci lui fait connaître dans la même forme les mesures qu’il envisage de prendre pour y remédier. Le contrôleur peut, en concertation avec le directeur général et le cas échéant sur proposition de celui‑ci, mettre en place un renforcement des contrôles pour une durée limitée. Il en rend compte aux ministres chargés de l’économie et du budget.

Ces règles paraissent garantir un contrôle étroit de l’opérateur mais ce n’est pas l’avis de la Cour des comptes qui, dans son rapport public thématique consacré à Pôle emploi publié en juillet 2020, écrivait ceci : « La direction du budget, membre du conseil d’administration de l’établissement, exerce différents types de contrôles. Elle examine notamment l’ensemble des décisions qui engagent financièrement l’État et contribue à l’élaboration des conventions tripartites. Elle assure également un contrôle spécifique sur tous les aspects immobiliers de sa gestion en apposant un contreseing sur les décisions prises. Son contrôle est cependant moins exigeant que celui réalisé visàvis d’autres organismes, comme l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). La direction reconnaît la difficulté particulière à contrôler cet opérateur, en raison de l’importance de ses moyens et de la complexité de son organisation.

Les prérogatives du contrôleur économique et financier de l’État (CGefi) sont relativement réduites. En effet, il exerce surtout une mission générale de surveillance de l’activité et de la gestion de l’établissement. S’il participe, avec voix consultative, aux principales instances délibérantes de Pôle emploi, il veille essentiellement au respect des plafonds d’emplois et des dépenses de personnel, et contrôle sa politique immobilière au regard des orientations de l’État. Il donne un avis consultatif sur les marchés, les conventions, les opérations immobilières et les transactions qui lui sont soumis. Son visa est requis seulement pour la détermination des primes variables octroyées au directeur général et aux agents publics. L’exercice effectif de ses missions dépend beaucoup de la qualité des informations fournies et du délai d’examen qui lui est accordé, souvent insuffisant, pour formuler des avis éclairés. »

De son côté, lors de son audition, le directeur général de Pôle emploi a réitéré son opposition au visa a priori en estimant que l’idée du pouvoir bloquant était absurde au motif que lorsque des contrôleurs extérieurs font du contrôle a priori, ce contrôle n’était pas internalisé par l’organisme et qu’il était déresponsabilisant.

Les rapporteurs souhaitent l’accélération du processus de responsabilisation des gestionnaires publics et la substitution d’un contrôle a posteriori au contrôle a priori, en supprimant le dispositif du visa préalable pour les actes de gestion des opérateurs qui y sont encore soumis.

Proposition n° 10 : substituer un contrôle financier a posteriori au contrôle a priori en supprimant le dispositif du visa préalable pour les actes de gestion des opérateurs qui y sont encore soumis.

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mercredi 9 juin 2021 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10907225_60c0b96e216bc.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--evaluation-des-relations-entre-l-etat--9-juin-2021

 


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   ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

        M. Jean-François Hebert, président par intérim de l’Établissement public du château de Fontainebleau (17 février 2021)

        M. Olivier Brochet, directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) (17 février 2021)

        M. Bertrand Munch, directeur général de l’Office national des forêts (ONF) (3 mars 2021)

        M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi (3 mars 2021)

        M. Frédéric Brédillot, membre du directoire de la Société du Grand Paris (SGP) ([3]) (10 mars 2021)

        Mme Hélène Crocquevieille, cheffe du service du contrôle général économique et financier (CGefi) au ministère de l’économie, des finances et de la relance, accompagnée de MM. Philippe Kearney, chef de la mission Gestion des RH et audit salarial du secteur public et président de la commission interministérielle d’audit salarial du secteur public (CIASSP), Daniel Métayer, chef de la mission Contrôle, et Pascal Chèvremont, contrôleur général (10 mars 2021)

        M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, accompagné de M. Pascal Lecamp, directeur des relations parlementaires et de la coopération internationale (17 mars 2021)

        M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique (17 mars 2021)

        MM. Olivier Henrard, directeur général délégué, et Maxime Boutron, directeur général délégué-adjoint et directeur financier et juridique, Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) (24 mars 2021)

        M. Roger Genet, directeur général, et Mme Agathe Denéchère, directrice générale adjointe chargée des affaires générales, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) (24 mars 2021)

        Mme Émilie Piette, secrétaire générale du ministère de la transition écologique, accompagnée de Mme Donatienne Brillant, conseillère, et de Mme Tatiana Petrova‑Lefilliatre, cheffe du bureau du pilotage de la tutelle des établissements publics au service du pilotage et de l’évolution des services (SPES) (31 mars 2021)

        Mme Flora Claquin, sous-directrice des affaires budgétaires et comptables au secrétariat général du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, accompagnée de M. Pierre Marie, son adjoint, de Mme Fanny Dufumier, cheffe du bureau de la coordination de la tutelle des opérateurs, et de M. Matthieu Le Hello, chef du bureau du budget et des établissements publics à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) (31 mars 2021)

        M. Luc Allaire, secrétaire général du ministère de la culture (7 avril 2021)

        M. Michel Miraillet, directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international, accompagné de M. Cyrille Pierre, directeur général adjoint, et de M. Bertrand Pous, délégué aux programmes et aux opérateurs (9 avril 2021)

        Mme Amélie Verdier, directrice du budget (21 avril 2021)

2. Contribution écrite :

        M. Olivier Touvenin, chef du service de la fonction financière et comptable de l’État à la direction générale des finances publiques (DGFiP)

 


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   CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES

 

Cette contribution peut être consultée sur le site de la Cour des comptes à l’adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-relations-entre-letat-et-ses-operateurs

 


([1]) Groupe formé le 27 mai 2020 lors de la scission du groupe UDI-Agir.

([2]) Cour des comptes, Le pilotage stratégique par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères des opérateurs de l’action extérieure de l’État, communication à la commission des finances du Sénat, février 2020.

([3]) Cet organisme a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.