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N° 4243

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2021.

 

 

RAPPORT D’INFORMATION

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

en conclusion des travaux du Printemps social de l’évaluation

 

Présenté par M. Marc Delatte, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Monique Limon, M. Thomas Mesnier, Mme Annie VIDAL
et M. Stéphane Viry,

 

 

Députés.

 

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SOMMAIRE

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 Pages

avant-propos du rapporteur général de la commission des affaires sociales

avant-propos des co-présidents de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

ÉVALUATIONS DES RAPPORTEURS

Travaux de la commission

1. Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18 heures

2. Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9 heures 30

3. Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 15 heures

annexe : bilan des rapports demandés au gouvernement dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale


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   avant-propos du rapporteur général
de la commission des affaires sociales

La commission des affaires sociales a inauguré en 2019 un nouveau « rendez-vous » dédié à la mise en œuvre des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), le « Printemps social de l’évaluation ». Son principe est simple : organiser annuellement une discussion à la fois dense et approfondie sur les dispositions les plus emblématiques votées par le Parlement dans le cadre des LFSS, en présence des directeurs d’administrations centrales et des branches de la sécurité sociale chargées de l’application de ces dispositions.

Après un exercice 2020 profondément renouvelé à l’initiative de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), l’exercice 2021 a été celui de la consolidation.

Consolidation par le nombre d’évaluations menées, dans la mesure où après cinq évaluations menées en 2020, sept ont été réalisées à l’initiative des rapporteurs de la MECSS, dont deux par votre rapporteur général, que l’on retrouvera dans la suite de ce rapport. L’ensemble de ces travaux a permis de balayer de nombreux sujets dans les champs des recettes et de l’affiliation, de la santé, de l’autonomie ou encore de la famille.

Consolidation dans le contenu, dans la mesure où le Printemps social de l’évaluation a été, conformément à sa vocation, le lieu d’échanges nombreux, souvent contradictoires et toujours riches, nourris à la fois des travaux des rapporteurs de la MECSS mais aussi des questions de l’ensemble des commissaires qui portaient sur d’autres dispositions votées ou sur des enjeux d’actualité.

Consolidation par le calendrier, puisque les auditions « 2021 » ont pu avoir lieu à la saison idoine, contrairement à l’année dernière, dont le calendrier avait été fortement perturbé par la crise sanitaire.

Consolidation dans la solennité enfin, puisque pour la première fois, les conclusions du Printemps social de l’évaluation, telles qu’elles sont retracées dans ce rapport, donneront lieu à un débat en séance publique, comme le permet notre Règlement depuis 2019.

Cette consolidation multiple était d’autant plus bienvenue que l’année 2022 sera sans doute moins propice à un exercice aussi bien préparé, l’Assemblée ayant vraisemblablement vocation à suspendre ces travaux pendant une partie du printemps pour laisser place aux échéances électorales nationales.

Il restera néanmoins un exercice déjà « solide sur ses appuis », souple, adapté aux spécificités des lois de financement et dont le rapporteur général espère qu’il inspirera les prochaines législatures, pour faire perdurer un travail d’évaluation réactif et de qualité.

Le rapporteur général souhaite d’ailleurs apporter sa pierre à cet ancrage au moyen d’une initiative organique qui consacrerait ce Printemps social de l’évaluation, dont le contenu serait structurellement enrichi :

– par une véritable loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS), permettant aux parlementaires de se prononcer sur les comptes de l’exercice clos ;

– ainsi que par une abondante documentation portant à la fois sur les objectifs et l’efficacité des politiques de sécurité sociale, les « niches sociales », l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), la situation patrimoniale des régimes, l’application des mesures contenues dans la LFSS portant sur le dernier exercice clos, ou encore les travaux de la Cour des comptes sur les tableaux d’équilibre et la certification des comptes du régime général.

La discussion prochaine de cette proposition de loi sera l’occasion d’acter la nécessité d’un débat nourri tout au long de l’année sur les politiques de sécurité sociale et les comptes des régimes.

Ces évolutions viendraient ainsi mettre en œuvre et renforcer la mission constitutionnelle de contrôle et d’évaluation du Parlement, d’autant plus cruciale en matière sociale que s’y rencontrent systématiquement des enjeux massifs financièrement et une certaine conception de l’égalité et de la solidarité.

 

 


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   avant-propos des co-présidents de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement
de la sécurité sociale

La tenue de la troisième édition du Printemps social de l’évaluation, en mai dernier, montre que celui-ci est désormais devenu un rendez-vous incontournable des activités de contrôle et d’évaluation de la commission des affaires sociales. Le Printemps social permet des échanges approfondis et exigeants des députés avec les directeurs d’administration centrale et des branches de sécurité sociale chargés de l’application des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), sur les différentes dispositions de celles-ci et sur leur mise en œuvre, autour des grandes thématiques que sont les recettes et le financement de la sécurité sociale, l’assurance maladie, l’autonomie et la famille.

Comme l’année dernière, la mission d’information et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), en étroite concertation avec le rapporteur général, a préparé en amont le Printemps, en retenant dès le début de l’année plusieurs articles de LFSS pouvant faire l’objet de travaux préalables par des rapporteurs de la MECSS, puis d’échanges et de débats lors du Printemps. L’édition de 2021 a d’ailleurs été enrichie par rapport à l’année précédente, avec sept évaluations retenues, contre cinq précédemment, et elle a pu se tenir dans un calendrier plus conforme à son titre, dès le mois de mai, alors que le calendrier des travaux en 2020 avait été fortement perturbé par la crise sanitaire. Enfin, ces travaux trouveront pour la première fois un prolongement en séance publique, puisque leurs conclusions donneront lieu à un débat dans l’hémicycle, conjointement avec celui sur les travaux du Printemps de l’évaluation conduit par la commission des finances.

Les articles retenus par les rapporteurs de la MECSS permettent d’embrasser les différentes thématiques abordées dans le cadre du Printemps social. Pour les enjeux de financement de la sécurité sociale, M. Thomas Mesnier, rapporteur général, a réalisé une évaluation de l’article 23 de la LFSS pour 2018 portant sur le régime social des artistes‑auteurs. S’agissant de l’assurance maladie, trois articles ont donné lieu à des travaux, le premier portant sur le « reste à charge zéro » (article 51 de la LFSS pour 2019), dans le prolongement de l’évaluation engagée l’an passé et à nouveau prise en charge par M. Cyrille Isaac-Sibille ; le deuxième sur la vaccination obligatoire des enfants (article 49 de la LFSS pour 2018), confié à M. Thomas Mesnier, rapporteur général, et le dernier sur les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé (article 51 de la LFSS pour 2018), confié à M. Marc Delatte.

Pour le volet de l’autonomie, l’évaluation de l’article 47 de la LFSS pour 2021, relatif à la revalorisation des salaires des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées, a été confiée à Mme Annie Vidal, co‑présidente de la MECSS, tandis que sur le volet de la famille, Mme Monique Limon a effectué des travaux sur les dispositions des LFSS relatives au congé parental et M. Stéphane Viry a évalué l’article 72 de la LFSS pour 2020, relatif à l’intermédiation financière pour les pensions alimentaires.

Enfin, les co-présidents de la MECSS ont souhaité compléter les activités de contrôle conduites dans le cadre du Printemps social de 2021, en procédant à un recensement des rapports demandés au Gouvernement en application des LFSS, afin de s’assurer que ces rapports sont remis au Parlement dans les délais prévus, et d’identifier le cas échéant ceux qui n’auraient pas été transmis.

Un décompte de l’ensemble des rapports demandés dans le cadre des quatre dernières LFSS a été réalisé, permettant de parvenir à un total de quarante-deux rapports. Figure en annexe du présent rapport un bilan exhaustif de ces derniers, avec pour chacun d’entre eux les groupes à l’origine de la demande, leur champ, le délai fixé et l’état de leur remise en mai dernier.

Pour plus de la moitié de ces rapports, soit vingt-six, le délai de remise n’est pas encore passé, soit parce que la date est fixée au-delà de mai 2021, soit parce qu’il s’agit de rapports portant sur diverses expérimentations qui ne sont pas encore achevées. Sur les seize rapports dont le délai de remise n’est pas passé, seulement six ont été reçus, et dix n’ont pas encore été transmis. On peut d’ailleurs craindre que certains d’entre eux, tel celui portant sur les dépenses d’indemnités journalières pour maladie, qui devait être déposé en juin 2018, ou celui relatif à la fraude patronale aux cotisations sociales, prévu en juin 2019, ne le seront pas du tout. D’autres, qui devaient être remis en 2020 ou début 2021, pourraient l’être avec retard, notamment du fait de l’impact de la crise sanitaire. Le directeur de la sécurité sociale a ainsi indiqué en commission que le rapport sur l’utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), dont la date de transmission avait été fixée en septembre 2020, devrait être remis au Parlement cet été.

Ce travail de suivi a permis de constater que les députés ne sont pas nécessairement informés lorsque les rapports demandés dans le cadre des lois qu’ils votent sont remis au Parlement, ce qui plaide pour une amélioration du suivi et de l’information des commissaires sur les rapports qu’ils demandent.

 


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     ÉVALUATIONS
DES RAPPORTEURS

 

 

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

 

Notre Assemblée a adopté, au sein de la LFSS 2018, un dispositif visant à réformer le régime social des artistes-auteurs et à simplifier le recouvrement de leurs cotisations. Dans la perspective de mesurer les résultats de cette réforme, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié à M. Thomas Mesnier (groupe La République en Marche), l’évaluation de l’article 23 de la LFSS 2018, portant cette réforme.

 

En amont de l’audition des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation, le rapporteur général a entendu des administrations en charge de la gestion des artistes-auteurs (direction générale de la création artistique, Agence centrale des organismes de sécurité sociale), les organismes spécifiques en charge de l’action sociale et du recouvrement (Maison des artistes(MDA)/AGESSA, URSSAF Limousin) comme les principales organisations représentatives des artistes-auteurs.

 

LE DISPOSITIF ADOPTÉ

 

L’article 23 de la LFSS 2018 comprend plusieurs dispositifs, qui concernent tant les modalités d’affiliation que celles du recouvrement, et permettait, à ce titre la modernisation bienvenue d’un régime atypique

  1. Une affiliation progressive des artistes-auteurs au régime général

L’atypie des revenus des artistes-auteurs a longtemps différé leur intégration au régime général de sécurité sociale. C’est en 1964, sous l’impulsion d’André Malraux, que les artistes-auteurs ont intégré le régime général, selon des modalités de cotisation et de prestations particulières. Dès lors, si l’on parle de régime social des artistes-auteurs, il convient de garder à l’esprit que ces derniers ne procèdent pas d’un régime en propre.

La loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975 ([1]) a achevé de les intégrer dans le régime général, en permettant aux caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de prononcer leur affiliation dans la circonscription de laquelle se trouve le domicile des artistes-auteurs, après consultation d’une commission lorsque l’artiste ne peut justifier de ressources au cours des trois années précédant sa demande ou lorsqu’il ne ressort pas avec évidence de son dossier que l’ensemble des conditions requises pour l’affiliation se trouvent remplies.

En décembre 1977, deux organisations distinctes ont été agréées par le ministère de la culture pour gérer le même régime : la Maisons des artistes (MDA) et l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa).

Les modalités de cette affiliation reposaient sur les principes suivants :

 l’assimilation fictive des artistes-auteurs à des salariés, en dépit de la nature spécifique de leurs revenus, qui peuvent comprendre des bénéfices liés à la vente d’œuvres produites par leurs soins ou, évidemment, des droits d’auteurs ;

 l’assujettissement, qui en découle, de ces revenus aux mêmes cotisations que celles qui sont dues par les salariés, inférieur ([2]), par construction, à celui des travailleurs indépendants dont l’activité des artistes-auteurs pourrait se rapprocher ;

 un taux de cotisation des employeurs à hauteur de 1,1 %. Ce taux particulièrement bas s’applique en réalité aux diffuseurs, qui ne peuvent pas être qualifiés d’employeurs stricto sensu ;

 une couverture des risques, enfin, qui correspond à celle de l’ensemble des branches de la sécurité sociale, à l’exception des accidents du travail-maladies professionnelles.

Ces modalités d’affiliation s’adressaient d’abord aux artistes-auteurs dont les revenus dépassaient 900 fois le SMIC horaire, qui étaient alors considérés comme « affiliés », à la différence des « assujettis » au même régime, disposant d’un revenu inférieur à ce seuil.

 

  1. L’article 23 de la LFSS pour 2018 : une réforme nécessaire pour sécuriser les droits et simplifier l’accès à la sécurité sociale des artistes-auteurs

Plusieurs facteurs justifient la réforme inscrite en LFSS 2018 :

 un facteur conjoncturel, d’abord. Les artistes-auteurs affiliés à l’Agessa, soit l’ensemble des artistes à l’exception des plasticiens et graphistes, dont les droits étaient gérés par la MDA, ont dû faire face à un dysfonctionnement majeur. Alors que les artistes-auteurs n’en étaient pas nécessairement informés, ceux qui n’en ont pas fait la demande ne cotisaient pas pour leur retraite, y compris ceux dont il s’agissait des seuls revenus, pendant une durée de près de quarante ans. Qu’il s’agisse d’un défaut d’information imputable à la caisse ou d’un défaut de système informatique, la situation justifiait une sécurisation des droits ;

 un facteur structurel. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ([3]) a engagé une première modernisation du recouvrement des cotisations des artistes-auteurs, en permettant la mise en place, au plus tard le 1er janvier 2019, d’un système de « précompte » par lequel les diffuseurs versent directement les contributions et les cotisations aux organismes de recouvrement.

La réforme du recouvrement visait donc une meilleure identification du public des artistes-auteurs et une offre de service « garantissant une amélioration significative de la qualité de service et un traitement plus efficace du recouvrement » ([4]). Pour ce faire, la LFSS a prévu que le recouvrement devenait une compétence des URSSAF, et, plus précisément, de l’URSSAF du Limousin, déjà en charge du contentieux de ce même recouvrement.

Le transfert du recouvrement à une URSSAF présentait en effet l’avantage de s’appuyer, a minima, sur sa connaissance du régime général, appréciable pour des assujettis qui exercent souvent de multiples activités. La MDA et l’Agessa ont toutefois pu conserver des missions directement liées à leurs liens historiques avec le public des artistes-auteurs, à savoir l’affiliation au régime, l’accompagnement des cotisants et, surtout, la mise en œuvre de l’action sociale.

L’amélioration du recouvrement et, partant, de la capacité des artistes-auteurs à faire valoir leurs droits sociaux s’est enfin doublée d’une suppression de la distinction entre assujettis et affiliés, jugée inéquitable, au profit d’une cotisation au premier euro pour l’ensemble des personnes reconnues comme artistes-auteurs. Cette ouverture des droits aux artistes et aux auteurs disposant d’un faible revenu s’est accompagnée d’un encouragement à ce que l’action sociale des caisses puisse permettre à ceux qui le souhaitaient de « surcotiser » pour atteindre le seuil de 900 SMIC horaires, à partir duquel les cotisants peuvent bénéficier de l’ensemble de leurs droits auprès de l’assurance maladie – parmi lesquels on compte notamment les indemnités journalières maladie et maternité.

 

LES DIFFICULTÉS D’APPLICATION

 

  1. Les décrets d’application ont été pris à temps pour l’application d’une majeure partie des nouvelles modalités de cotisation au 1er janvier 2019

Les modalités d’application réglementaires ont été satisfaites un an après l’entrée en vigueur de la loi. Ainsi, le principal décret d’application, pris le 19 décembre 2018 ([5]), a permis, dès le 1er janvier 2019 :

 le recensement complet des personnes affiliées au régime général, autour des mêmes cinq branches déjà prévues :

 les modalités concrètes de transmission à l’ACOSS ou, le cas échéant, à l’URSSAF, des précomptes ainsi que des déclarations de droits d’auteurs et de la rémunération versés aux artistes-auteurs par les diffuseurs, ainsi que les sanctions prises en cas de manquement à ces obligations ;

 l’obligation pour l’URSSAF de faire parvenir aux artistes-auteurs une déclaration de revenus pré-remplie à partir des éléments dont elle dispose, inscrits sur le précompte de l’année précédente.

Par ailleurs, le décret du 30 mai 2018 ([6]) prévoit la mise en place d’une pénalité pouvant être déclarée par la MDA et l’Agessa, puis par l’URSSAF, à l’encontre des diffuseurs qui ne satisfont pas à leurs obligations déclaratives, par oubli ou par inexactitude : cette sanction peut aller jusqu’à 4,5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, dans les conditions applicables aux déclarations sociales nominatives pour les salariés.

  1. De nombreuses difficultés d’ordre technique ont heurté la transition du recouvrement
    1. Des soucis techniques en voie de résolution

Ainsi que de nombreuses organisations d’artistes-auteurs l’ont manifesté, parfois par voie de presse, le transfert du recouvrement à l’ACOSS s’est accompagné de nombreuses failles informatiques, aboutissant à rendre parfois impossible la déclaration des droits sociaux par les artistes-auteurs. Ceux-ci ont notamment rencontré des problèmes d’accès au portail de l’URSSAF, d’identification, de connexion ou d’accès à des services spécifiques comme celui de la modulation des revenus pris en compte.

Ainsi, selon les données fournies au rapporteur général par l’URSSAF, 75 incidents concernant les fichiers fournis par les auteurs et 162 incidents concernant les fichiers fournis par le diffuseurs ont été recensés.

Le rapporteur général ne peut que regretter ces dysfonctionnements, alors même que la réforme devait faciliter l’accès des artistes-auteurs à leurs droits et améliorer la lisibilité du recouvrement. Cette situation semble également entraîner de fortes iniquités au détriment des artistes-auteurs, au moment même où leurs revenus sont fortement fragilisés par les conséquences de la crise sanitaire. Ainsi, le remboursement du « trop-perçu » des cotisations, qui incombe à l’URSSAF en application de l’article R. 382-26 du code de la sécurité sociale, n’a été que très partiellement effectué, selon les organisations auditionnées par le rapporteur général, entraînant parfois de lourds problèmes de trésorerie pour les affiliés.

La mise en œuvre d’un audit interne à l’ACOSS, en mars 2021, constitue une première étape appréciable pour identifier les problèmes auxquels la branche « recouvrement » est confrontée.

Le rapporteur général note toutefois un ensemble de progrès accomplis et reconnus par les organisations d’artistes-auteurs auditionnées.

En premier lieu, il lui a été communiqué l’information selon laquelle le transfert à l’ACOSS avait permis d’identifier de l’ordre de 75 % des auteurs, contre 25 % auparavant.

Par ailleurs, le transfert du recouvrement vers l’ACOSS, en dépit des problèmes informatiques susmentionnés, a permis d’accélérer sensiblement le part des déclarations dématérialisées. L’année 2020 s’est ainsi traduite par une progression de 7,5 % de cette proportion, pour aboutir à un niveau total de 73 %.

  1. Des problèmes d’identification de la population d’artistes-auteurs

L’exemple des déclarations annuelles est typique de problèmes liés à la transition, qui doivent rapidement être résolus. Selon les chiffres fournis par l’ACOSS, sur les 212 000 déclarations annuelles attendues pour l’année 2019 :

 124 000 ont fait une déclaration ;

 62 000 disposaient d’une assiette sociale inférieure à 150 SMIC, pour voir leur déclaration automatiquement validée ;

 26 500, enfin, n’ont pas fait de déclaration. S’agissant de ces derniers, 20 500 déclarent leurs revenus en « traitements et salaires » et 6 000 en bénéfices non commerciaux.

Ce manque dans les déclarations rejoint une préoccupation plus générale du rapporteur général quant au recensement des artistes-auteurs. Au cours de ses auditions, il n’a pas pu obtenir de données précises quant au nombre d’artistes-auteurs dont les revenus n’ont pas été pris en compte pour leur retraite. Cette préoccupation rejoint celle qui a été exprimée par Bruno Racine, dans son rapport précité, qui estimait essentiel que les politiques publiques adressées aux auteurs puissent, a minima, apprécier la part des auteurs qui tirent de leurs œuvres leur principal revenu. Pour ce faire, la onzième recommandation du rapport visait la création d’un observatoire afin de mettre en œuvre un suivi statistique et qualitatif affiné et fiable permettant notamment de distinguer les affiliés en situation de polyactivité des artistes-auteurs dont c’est l’unique métier.

  1. Une insuffisante appropriation du dispositif de « rachat » des trimestres de retraite

S’agissant des artistes-auteurs qui n’ont pas cotisé, faute d’information, auprès de l’Agessa, le Gouvernement a mis en place, par circulaire ([7]), un dispositif de « rachat » des trimestres de retraite a posteriori par la régularisation des cotisations prescrites.

Le champ des revenus concernés comprend l’ensemble des périodes postérieures au 31 décembre 1975 pendant lesquelles ces rémunérations n’ont pas fait l’objet d’appels à cotisation, à l’exception des revenus accessoires.

Cette procédure de régularisation supposait toutefois la capacité pour l’intéressé d’établir le montant des revenus artistiques correspondant à chacune des années non cotisées et de produire, pour ce faire, les pièces susceptibles d’attester la véracité des informations transmises (relevés de carrière établis par les diffuseurs ou, a minima, avis d’imposition sur le revenu des années sur lesquelles porte la régularisation).

Surtout, le calcul du montant des cotisations dues se fait selon les modalités de droit commun prévues à l’article L. 351-11 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, il a pu être demandé à des artistes-auteurs de « régulariser » une période correspondant parfois à plusieurs dizaines d’années. La circulaire prévoit, certes, la possibilité de mettre en place un échéancier allant jusqu’à cinq ans, sur appréciation des services de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) en charge de ce dispositif. Il n’en demeure pas moins que seuls 300 dossiers, selon la direction générale de la création artistique, ont été reçus à ce jour, ce qui témoigne de la grande difficulté dans laquelle se trouvent les artistes-auteurs pour régler ces cotisations.

 

LES PISTES D’AMÉLIORATION

 

Le rapporteur général se félicite du fait que les problèmes techniques, mais aussi de bonne reconnaissance des droits sociaux des artistes-auteurs, ne se soient pas traduits en outre par des sanctions à l’égard de ces derniers lorsqu’ils ne parvenaient pas à se déclarer correctement en ligne, ainsi que l’ont confirmé les représentants de l’ACOSS et de l’URSSAF du Limousin lors de leur audition.

Il paraît toutefois nécessaire et souvent urgent de poursuivre les pistes d’amélioration exposées ci-dessous, qui visent à la fois l’amélioration du recouvrement des cotisations à court terme, la reconnaissance des lésions dont les artistes-auteurs ont pu souffrir à moyen terme ainsi que la mise en place d’un statut « professionnel » à plus long terme.

  1. À court terme : achever la mise en œuvre simple et lisible du dispositif de recouvrement des cotisations des artistes-auteurs

Le portail unique

Alors qu’il est en cours de développement, dans le cadre du plan « artistes-auteurs » précité, l’existence d’un portail unique avec l’ensemble des informations nécessaires aux artistes-auteurs constitue une demande récurrente des organisations, relayées notamment par le rapport de Bruno Racine. Celui-ci faisait le constat selon lequel la meilleure formation des interlocuteurs des artistes-auteurs, laquelle est déjà utilement unifiée autour de la délégation aux artistes-auteurs, devrait s’accompagner d’un « portail d’information » permettant aux affiliés d’accéder rapidement à des réponses sur l’ensemble des questions qu’ils se posent, notamment en matière de droits sociaux.

Plus généralement, les interlocuteurs du rapporteur général lui ont fait part de leurs difficultés à repérer un interlocuteur unique au sein des administrations centrales, au point parfois de se sentir comme « un angle mort des politiques publiques ». À ce titre, le rapporteur général se réjouit de la création récente de la délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi, qui constituera, au sein du ministère de la culture, un interlocuteur dédié aux questions relatives aux conditions d’exercice des artistes-auteurs, à leur installation et à la protection sociale qui leur est applicable.

La délivrance automatique du précompte

Les personnes auditionnées par le rapporteur général lui ont régulièrement fait part de la nécessité de mener la réforme issue du précompte à son terme en limitant au maximum les formalités qui incombent aux artistes-auteurs. Le rapporteur général estime, à ce titre, que la délivrance automatique du « précompte » pour les artistes-auteurs qui en font le choix constitue une priorité. Les auteurs doivent encore aujourd’hui fournir un certificat de précompte à l’URSSAF et donc en faire la demande auprès des diffuseurs. Sur le modèle des déclarations automatiquement validées sauf changement pour les auteurs dont les revenus sont inférieurs à 150 fois le SMIC horaire, cette délivrance automatique constituerait une démarche bienvenue de simplification.

Le remboursement du trop-perçu

Une attention spécifique doit être apportée à ce que le traitement des demandes des artistes-auteurs n’entraîne pas une fragilisation de leur situation économique. À ce titre, le rapporteur général souhaite encourager l’ACOSS à traiter en priorité les demandes de remboursement du « trop-perçu ». En-dehors du fait que cette créance se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle les cotisations ont été effectivement acquittées cette situation crée un préjudice injustifié au détriment des cotisants.

Les mécanismes de « surcotisation »

La LFSS 2018 a permis de mettre fin à l’iniquité qui consistait, pour certains des auteurs, à cotiser sans pouvoir bénéficier de droits sociaux pour autant. Par ailleurs, la « surcotisation » devait permettre aux personnes affiliées de prétendre à leurs droits sociaux, y compris lorsqu’elles ne bénéficiaient pas d’un revenu équivalent à 900 SMIC. Ce dispositif s’adresse donc en priorité aux artistes-auteurs dont c’est la seule activité, qui ne peuvent valider en conséquence leurs trimestres par d’autres biais et reposent fortement sur cette possibilité de « surcotisation ».

Le rapporteur général note toutefois le faible nombre de personnes qui ont pu bénéficier de ce mécanisme, à savoir 2 000 demandes selon l’ACOSS, depuis le 1er janvier 2019, date initiale de son entrée en vigueur, pour une assiette globale de 18 millions d’euros.

En application des articles L. 382-7 et R. 382-30-1du code de la sécurité sociale, l’action sociale des caisses, financée par 2 % du montant des cotisations versées par les diffuseurs l’année précédente, peut déjà aider les artistes-auteurs à « surcotiser », à condition de ne pas avoir déjà bénéficié de ce type de prise en charge pour les trois derniers exercices civils consécutifs.

Le rapporteur général estime qu’une plus grande souplesse dans l’attribution de cette aide sociale comme une plus grande information relative à l’aide proposée seraient de nature à permettre aux artistes-auteurs les plus précaires de bénéficier d’une aide appréciable pour leur permettre de valider leurs trimestres de retraite, et notamment en ce qui concerne les personnes n’ayant pas cotisé pendant une longue période.

Il pourrait être envisagé en outre de faire évoluer le montant de l’action sociale en étendant le champ auquel la fraction de 2 % s’applique aux cotisations salariales en sus des cotisations des diffuseurs, sur le modèle du régime général au sein duquel les caisses puisent indifféremment dans leurs ressources pour mener à bien les actions sociales à destination de leurs affiliés.

Il pourrait enfin être envisagé une harmonisation de l’action de l’ensemble des gestionnaires de l’action sociale, et donc notamment des organismes de gestion collective (OGC) pour garantir à l’ensemble des affiliés de leurs branches qui pourraient avoir besoin de ce dispositif son plein bénéfice. Cette action d’harmonisation pourrait utilement être supervisée par les ministères de tutelle.

Régularisation des cotisations

La possibilité pour les artistes-auteurs qui le souhaitent de pouvoir bénéficier de la validation de leurs droits à la retraite contre le paiement de leurs cotisations constitue un chantier prioritaire pour le rapporteur général. Or, le montant de ces rachats peut être particulièrement dissuasif.

À ce titre, il pourrait être envisagé de faciliter ce rachat par diverses mesures :

 la réorientation d’une partie des aides de la commission d’action sociale vers le soutien à la régularisation des cotisations, sous réserve de l’appréciation de la situation sociale du demandeur, et notamment du demandeur retraité ;

 l’ouverture de la possibilité d’un rachat partiel et non de l’ensemble des périodes déclarées par l’artiste-auteur auprès de la caisse.

A minima, le rapporteur général estime que la procédure de régularisation, dont le terme échoit au 31 décembre 2021, doit être reconduite à l’aune des nouvelles relations entre les URSSAF et les artistes-auteurs. La mise en place d’un portail automatique comme l’affichage d’informations lisibles pourront permettre à un certain nombre de personnes éligibles de solliciter la régularisation de leurs cotisations.

  1. À moyen terme, la facilitation de l’accès des artistes-auteurs à leurs droits sociaux

Le régime social des artistes-auteurs se distingue du régime général, dans les modalités de cotisation et d’éligibilité aux droits sociaux. Alors qu’il est décrit ci-dessus, l’éligibilité aux droits sociaux suppose, en ce qui concerne les indemnités journalières « maladie » et « maternité », la cotisation sur une assiette sociale équivalente à 900 SMIC horaires, contre 600 SMIC horaires pour la validation de quatre trimestres de retraite par an.

Cette distinction, qui est à l’origine de nombreuses frustrations pour les artistes-auteurs, pourrait être amenée à évoluer, selon le rapporteur général, sous deux influences :

 en premier lieu, l’assiette sociale ouvrant droit aux indemnités journalières a été abaissée à 600 SMIC au cours de la crise sanitaire, puis économique, accompagnant ce faisant l’ensemble des mesures mises en place par le législateur comme par le pouvoir réglementaire pour accompagner les artistes-auteurs ;

 en second lieu, l’abaissement récent du même seuil pour des professions comparables, comme les journalistes professionnels rémunérés à la pige ([8]). Ces professionnels sont exposés à des problèmes comparables en matière de continuité de cotisation ; un abaissement comparable pourrait donc être envisagé.

Sous réserve de l’engagement d’une évaluation concrète de l’impact d’une telle mesure, le rapporteur général considère que cet abaissement, cohérent avec les spécificités professionnelles des artistes-auteurs, serait de nature à sécuriser leurs droits sociaux.

  1. À long terme : l’enjeu de la « professionnalité » des artistes-auteurs

Les propositions techniques et immédiates exposées ci-dessus pourraient s’accompagner d’une réforme de plus long terme, concernant en particulier le périmètre des revenus des artistes-auteurs éligibles à cotisation sociale. Ce périmètre a certes fait l’objet d’une modification sensible récente ([9]), permettant désormais d’inscrire dans le code de la sécurité sociale la définition des revenus principaux des artistes-auteurs, par le biais de neuf catégories distinctes, ainsi que leurs revenus accessoires ([10]). Le rehaussement de la norme – d’une circulaire simple à un décret – tout comme la codification de ce périmètre sont des évolutions bienvenues ([11]).

Le rapporteur général estime toutefois que ce périmètre pourrait utilement évoluer, sous deux influences.

En premier lieu, la numérisation progressive des œuvres tout comme la désintermédiation des relations entre l’artisteauteur et son public conduisent parfois à l’absence de tout diffuseur.

Plus globalement, la définition de l’affiliation par le biais de cinq branches professionnelles ([12]) peut conduire à l’absence de prise en compte de nouvelles pratiques artistiques, en particulier au moment où les nouveaux supports technologiques peuvent parfois brouiller les frontières entre ce qui relève ou non d’une activité artistique.

En ligne avec la proposition du rapport « Racine » à ce sujet, le rapporteur général estime donc que, outre les critères actuels de revenu, les commissions professionnelles de l’Agessa et de la MDA pourraient s’appuyer sur un faisceau d’indices et le périmètre élargi des activités principales ou accessoires pour reconnaître, le cas échéant, aux demandeurs, la qualité d’artistes-auteurs. Ce système plus souple permettrait de prendre en compte l’apparition de nouvelles formes innovantes de création, qui ne sont pas encore prises en compte dans le champ législatif et réglementaire encadrant le régime.

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

 

 

Afin d’améliorer l’accès aux soins, l’article 51 de la LFSS 2019 permet à tous les assurés d’accéder à un panier de soins et d’équipements sans reste à charge dans trois domaines : l’optique, les aides auditives et les soins prothétiques dentaires, trois secteurs traditionnellement caractérisés par des restes à charge particulièrement élevés, après intervention de l’assurance maladie complémentaire.

Comme l’année dernière, la MECSS a confié le soin à M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés) de faire le point sur la mise en œuvre de cette réforme essentielle, dite « 100 % Santé ». Une nouvelle évaluation, cette année, se justifie à plusieurs titres. D’une part, le rapport élaboré l’an dernier faisait état d’un certain nombre de difficultés à lever. D’autre part, si la réforme est entrée en vigueur au 1er janvier 2020 pour le secteur de l’optique et pour une large partie des soins dentaires, elle n’est pleinement effective que depuis 1er janvier 2021 en ce qui concerne les aides auditives et certaines prothèses dentaires.

Une série de tables rondes et d’auditions ont été menées préalablement à celle des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation. Le rapporteur a ainsi rencontré les différents syndicats d’opticiens, de chirurgiens-dentistes et d’audioprothésistes, les principaux représentants des industriels, la Caisse nationale de l’assurance maladie, les organismes d’assurance complémentaire (la Mutualité française, la Fédération française de l’assurance et le Centre technique des institutions de prévoyance), deux réseaux de soins (Santéclair et Carte Blanche) ainsi que l’association France Assos Santé.

  1. Une réforme essentielle pour améliorer l’accès aux soins

L’article 51 de la LFSS 2019 permet à tous les assurés bénéficiant de contrats de complémentaire santé responsables et solidaires d’accéder à un panier de soins sans reste à charge (RAC), dit « 100 % Santé » dans trois domaines : l’optique, les aides auditives et les soins prothétiques dentaires. Un triple mécanisme a été progressivement mis en place :

-          le relèvement des bases de remboursement de la sécurité sociale ;

-          la fixation de prix limites de vente ;

-          la couverture obligatoire du reste à charge par les contrats de complémentaires santé responsables.

 

 


Les apports de la réforme 100 % Santé

 

Situation avant la réforme
« 100 % Santé »

Réforme « 100 % Santé »

Prothèses dentaires

Assurance maladie obligatoire (AMO) : 14 %

Assurance maladie complémentaire (AMC) : 45 %

Reste à charge (RAC) : 41 % environ d’une dépense moyenne de 550 € pour une couronne céramique

Convention dentaire signée le 21 juin 2018.

 

Trois paniers désormais : un panier sans reste à charge, un panier à tarifs maîtrisés avec plafonds tarifaires et un panier à tarifs libres.

 

1er avril 2019 : plafonds tarifaires sur certains actes (couronnes, bridges) permettant un RAC maîtrisé

1er janvier 2020 : RAC zéro sur les couronnes et bridges du panier

1er janvier 2021 : RAC zéro sur les autres actes concernés (prothèses amovibles en résine)

Optique médicale

AMO : 4 %

AMC : 73 %

RAC : 22 % d’un tarif médian de 290 

Protocole d’accord signé le 13 juin 2018.

 

Deux paniers désormais : le panier sans reste à charge et le marché libre.

 

 

1er janvier 2020 : RAC zéro sur des offres de lunettes (monture à 30 € avec choix d’au moins dixsept modèles différents, verres durcis, amincis selon la correction et antireflets)

Aides auditives

AMO : 15 %

AMC : 31 %

RAC : 55 % d’un coût moyen de 1 500 € par oreille

Protocole d’accord signé le 13 juin 2018.

 

Deux paniers désormais : le panier sans reste à charge et le marché libre.

 

1er avril 2019 : baisse du RAC

1er janvier 2020 : baisse du RAC

1er janvier 2021 : RAC zéro. 13 % des aides auditives appartiennent au panier sans RAC sur un total de 2 192 aides auditives référencées.

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, à partir du rapport du Sénat n° 111 (20182019) et des données de la direction de la sécurité sociale.

  1. Des résultats très encourageants

 

Le contexte de crise sanitaire que nous traversons rend délicate l’évaluation de la réforme, entrée en vigueur quelques mois avant le premier confinement. Néanmoins, les données chiffrées dont nous disposons aujourd’hui permettent d’en dresser un bilan globalement très positif.

  1. Une réforme connue des Français

Selon un récent sondage ([13]), un Français sur deux connaîtrait la réforme et près de 88 % la percevraient comme étant une bonne mesure. Ces chiffres sont encourageants, même s’ils soulignent le besoin de poursuivre la campagne de communication autour du 100 % Santé.

  1. Une forte pénétration de l’offre « 100 % Santé », notamment en audiologie et en dentaire

Si la crise sanitaire a diminué le niveau de consommation de soins ([14]), en particulier lors du premier confinement, la crise n’a pas spécifiquement plus touché les équipements 100 % Santé que les autres équipements. Il est donc possible d’évaluer le succès de la réforme au regard du taux de pénétration des équipements 100 % Santé.

Malgré un certain nombre de difficultés techniques au premier trimestre 2020, causées par un retard dans la mise à jour des systèmes informatiques des assurances complémentaires et obligatoires, les objectifs de la réforme sont atteints pour deux des trois secteurs concernés.

      Les prothèses dentaires

Sur l’année 2020, le panier 100 % Santé a représenté 52 % des actes réalisés ([15]) et le panier avec reste à charge modéré 20 % ([16]). Ces chiffres, supérieurs à l’objectif initial de 40 %, sont d’autant plus prometteurs que les dentistes n’ont pas la même obligation que les opticiens ou les audioprothésistes, à savoir de réaliser l’offre 100 % Santé qu’ils proposent ([17]) à leur patient. Au dernier trimestre 2020, 96 % des cabinets dentaires ont facturé au moins un acte du panier 100 % Santé.

      Les aides auditives

En 2020 ([18]), 12 % des aides auditives vendues provenaient du panier 100 % Santé. Depuis le 1er janvier 2021, date à laquelle la réforme est pleinement entrée en vigueur, entre 30 et 35 % des aides auditives proviennent du panier 100 % Santé ([19]). Ces chiffres, encore à consolider, sont bien supérieurs à l’objectif initial de 20 %. Ils sont très prometteurs même s’il ne faut pas négliger l’« effet report », certaines personnes ayant attendu quelques mois la mise en œuvre de la réforme avant d’acheter les aides auditives dont elles avaient besoin.

      Les équipements optiques

Le bilan est en revanche plus mitigé dans ce secteur puisqu’en 2020, seuls 17 % des verres simples, 10 % des verres complexes et 13 % des montures provenaient du panier 100 % Santé.

Ces chiffres, en deçà de l’objectif initial de 20 %, ne doivent pas pour autant conduire à conclure à un échec de la réforme dans ce secteur. D’une part, il est difficile de savoir quelle aurait été la pénétration de l’offre « 100 % Santé » en l’absence de crise sanitaire, laquelle aurait engendré une baisse de 8 % ([20]) des ventes en optique entre 2019 et 2020. D’autre part, la moindre pénétration des produits 100 % Santé s’explique, en partie, par la préexistence de nombreuses offres sans reste à charge dans ce secteur.

  1. Un meilleur accès aux soins

      Un moindre renoncement aux soins pour raisons financières

Compte tenu du faible recul temporel, de la modification du périmètre des différents paniers de soins au 1er janvier 2020 et du caractère atypique de l’année 2020, il est extrêmement complexe d’estimer le nombre de personnes qui, alors qu’elles ne se soignaient pas auparavant, ont désormais accès à des soins dentaires, optiques et auditifs. Néanmoins, la réforme semble bien contribuer à lutter efficacement contre le non-recours aux soins. La CNAM note ainsi une diminution, entre 2019 et 2020, du nombre de renoncements aux soins dans les trois secteurs pour les assurés bénéficiant du dispositif « Mission d’accompagnement santé » ([21]).

Lors de son audition, la direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué qu’elle ne disposait pas de davantage de données pour l’instant mais que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) serait en mesure de calculer, d’ici un ou deux ans, des statistiques relatives aux effets du 100 % Santé sur le renoncement aux soinx pour l’ensemble des assurés. La DSS a également indiqué que l’augmentation des volumes, notamment d’audioprothèses vendues, lui laisse fortement penser que la réforme permet bien de lutter contre le non-recours aux soins.

      Une forte baisse du reste à charge

D’après les données dont dispose le rapporteur (à savoir principalement les données du réseau de soins Santéclair), les économies réalisées par les assurés grâce à la réforme sont particulièrement notables dans les secteurs où les restes à charge étaient très importants, à savoir l’audiologie et le dentaire. Lors de son audition, la DSS a indiqué qu’elle ne disposait pas de données consolidées relatives aux baisses de restes à charge engendrées par la réforme 100 % Santé.

L’impact de la réforme 100 % Santé sur les restes à charge (données de France Assos Santé et Santéclair)

En audiologie, le RAC était de plus de 780 € en 2016. Aujourd’hui, il est nul pour les appareils de classe I et est, selon les données de Santéclair de 2021 (hors réseau de soins), d’environ 784 euros pour les appareils de classe 2, c’estàdire les appareils hauts de gamme pour lesquels le reste à charge était sans doute bien supérieur en 2016.

En dentaire, le RAC moyen pour les couronnes céramo-métalliques était de 135 € en 2016. Aujourd’hui, il est nul pour le panier 100 % Santé ; il est de 160 € pour le panier modéré et de 178 € pour le panier libre (données 2020 de Santéclair au sein de son réseau de soins). Une comparaison exacte des RAC entre 2016 et 2020 n’est pas pertinente puisque, d’une part les données 2020 ne concernent que le réseau de soins Santéclair et que, d’autre part, les RAC moyens indiqués par Santéclair comprennent d’autres produits que les couronnes céramiques. Néanmoins, il paraît assez vraisemblable que les RAC, pour un équipement de même qualité, aient sensiblement baissé.

En optique, le RAC moyen de l’équipement global s’élevait à 95 € en 2016. En 2020, selon les données de Santéclair, il est de 46 euros pour les verres unifocaux, de 140 euros pour les verres multifocaux et de 90 euros pour les montures (hors 100 % Santé et hors réseau de soins). Il est donc compliqué, avec ces seules données, de savoir précisément comment les RAC ont évolué en optique.

 

Quant aux personnes qui ne peuvent pas bénéficier de l’offre 100 % Santé (parce qu’elles ne disposent pas d’une complémentaire santé ([22]) ou parce qu’elles sont bénéficiaires de l’aide médicale de l’État), elles bénéficient également d’une baisse du reste à charge sur les produits 100 % Santé, grâce à l’encadrement des tarifs de ces produits et à la hausse des bases de remboursement de l’assurance maladie obligatoire.

À noter, néanmoins, que les personnes n’ayant pas de complémentaire santé doivent désormais payer plus cher leurs soins conservateurs dentaires, revalorisés dans le cadre de la réforme. Lors de son audition, la DSS a indiqué qu’un certain nombre de mesures étaient en cours de déploiement pour améliorer le recours à la complémentaire santé solidaire.

Un accès à des produits de meilleure qualité pour les patients en situation de précarité

Les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS), qui pouvaient déjà prétendre à des tarifs et remboursements encadrés, peuvent désormais avoir accès à des produits de meilleure qualité sans reste à charge, qu’il s’agisse d’aides auditives de gamme supérieure, de prothèses dentaires jusqu’à la deuxième prémolaire fabriquées avec des matériaux plus qualitatifs ou de certains traitements des verres en optique.

 

  1. Quelques points d’attention méritent d’être soulignés

 

  1. L’accès aux produits et équipements 100 % Santé pourrait être encore amélioré 

      Étudier l’opportunité de faire évoluer les paniers « 100 % Santé » de manière à mieux couvrir certains besoins

Si l’offre 100 % Santé est de qualité, elle n’est pas toujours adaptée à certains besoins spécifiques, notamment aux troubles oro-faciaux, aux cas de surdité profonde, aux très fortes corrections optiques (ce qui concernerait environ 500 000 personnes) ou à certaines pathologies oculaires (au syndrome de Gougerot, par exemple).

      Évaluer le respect de la réforme par les professionnels

Le rôle joué par les professionnels dans la mise en œuvre de la réforme est crucial. La grande majorité d’entre eux respectent bien les dispositions relatives à la mise en place du panier « 100 % Santé ». Ainsi, les situations de dépassement des prix limites de vente sont de moins en moins nombreuses. Au quatrième trimestre 2020, ces situations concernaient, d’après la CNAM, seulement 0,3 % des patients ayant bénéficié d’une prothèse dentaire dans le panier sans reste à charge, 1 % des patients ayant bénéficié d’une aide auditive dans le panier à prix plafonnés et 0,3 % des patients ayant bénéficié d’un équipement optique dans le panier sans reste à charge.

Néanmoins, certaines remontées de terrain font état de devis non complets, d’offres non présentées voire parfois dénigrées par les professionnels, et ce particulièrement en optique. Une enquête est actuellement conduite par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans les secteurs de l’optique et de l’audioprothèse et devrait être achevée pour la fin de l’année. Les conclusions provisoires de cette enquête confirment les remontées de terrain : sur les 322 établissements contrôlés, au moins une anomalie ([23]) a été constatée dans 60 % des cas. Certains établissements ne remettent pas de devis, ou en remettent un qui ne contient pas l’offre « 100 % Santé ». D’autres ne proposent pas à la vente les équipements 100 % Santé ou les proposent mais en quantité très insuffisante, voire, parfois, en les dévalorisant. Le rapporteur sera attentif aux mesures que prendra le Gouvernement pour s’assurer que de telles anomalies ne perdurent pas.

Afin de s’assurer du respect de la réforme par les professionnels, le rapporteur préconise d’exiger des éditeurs de logiciels métiers que ces logiciels ne comportent que des maquettes de devis respectant les normes en vigueur.

Les acteurs auditionnés ont également fait part de leurs inquiétudes quant au comportement de certains audioprothésistes, lesquels ne réaliseraient pas les prestations de suivi qu’ils doivent pourtant obligatoirement effectuer. Pour rappel, dans l’audiologie, la tarification des aides auditives intègre désormais deux prestations de suivi annuelles pendant quatre ans, lesquelles sont nécessaires pour améliorer l’observance, à savoir le port régulier et effectif des audioprothèses. En 2020, les audioprothésistes n’ont télétransmis à l’assurance maladie que 20 000 suivis alors que près de 740 000 appareils ont été vendus. Le rapporteur prend acte des inquiétudes mais note qu’il est difficile de distinguer la part des prestations de suivi non réalisées des prestations effectuées mais non télétransmises par les audioprothésistes en raison du coût ([24]) de la télétransmission. L’accompagnement financier à la télétransmission, prévu dans le projet de convention conclu entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et la profession, devrait permettre de mieux évaluer le suivi effectué par les audioprothésistes.

  1. Le suivi de la réforme et de son financement gagnerait à être renforcé et plus transparent

      Améliorer le fonctionnement du comité de suivi de la réforme

Si les différents acteurs se sont effectivement réunis à plusieurs reprises pour suivre la réforme, en réunion plénière ou en formation spécifique, les modalités de suivi pourraient être améliorées sur plusieurs points. Tout d’abord, les représentants des industriels fabriquant les équipements gagneraient à être pleinement associés à ce suivi. Ensuite certains indicateurs mériteraient d’être davantage étudiés. Par exemple, il serait intéressant de disposer de données précises sur la contribution de la réforme à la lutte contre le non-recours aux soins ou à la politique de prévention, notamment dans le secteur dentaire ([25]).

      Mieux évaluer la satisfaction des assurés

La mise en place d’une évaluation de la satisfaction des assurés, prévue par l’article 51 de la LFSS 2019, a pris beaucoup de retard. Le dispositif de suivi devrait néanmoins être opérationnel pour la fin de l’année. Aujourd’hui uniquement envisagé comme un questionnaire dématérialisé, ce dispositif pourrait utilement être décliné en format papier, de manière à inclure la population la plus éloignée du numérique (personnes âgées ou en situation de précarité financière notamment).

      Fournir des informations complètes et transparentes sur le coût de la réforme pour l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires

Malgré l’ensemble des auditions menées, le rapporteur n’est pas en mesure de déterminer avec précision le coût de la réforme. Pour rappel, les prévisions de coût pour l’assurance maladie obligatoire, prévues par l’étude d’impact de la LFSS 2019, étaient respectivement de 480, 690 et 755 millions d’euros pour les années 2020, 2021 et 2022. Il est certain qu’il est très difficile d’établir un bilan chiffré précis sur l’année 2020, compte tenu de l’interruption quasitotale de l’activité de soins dans les trois secteurs au deuxième trimestre. Le rapporteur aurait néanmoins souhaité se voir communiquer ne serait-ce qu’une simple estimation du coût supporté par la CNAM.

Le rapporteur n’a pas réussi à obtenir beaucoup plus d’éléments de la part des organismes complémentaires. Les dépenses de remboursement de ces derniers ont baissé en raison de la crise sanitaire. La Fédération française de l’assurance (FFA) a néanmoins conduit un exercice intéressant, à savoir estimer le coût « hors covid » de la réforme 100 % Santé. Ce dernier s’élèverait, sur le périmètre de la FFA, à 150 millions d’euros. La crise sanitaire aurait, selon les organismes complémentaires, surtout eu pour conséquence de décaler dans le temps le coût de la réforme. La Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) estime ce coût à 144 millions d’euros pour 2021 (sur son périmètre).

Lors de son audition, la DSS a indiqué que le coût de la réforme pour les organismes complémentaires pourrait être supérieur au coût anticipé. En effet, l’hypothèse qui avait été faite à l’époque était que les économies réalisées par les complémentaires sur l’optique pourraient couvrir les surcoûts induits par la réforme en dentaire et en audiologie. Or, la pénétration des produits 100 % Santé est moins forte que prévue en optique et, à l’inverse, plus forte en dentaire et en audiologie.

Le rapporteur préconise vivement que l’impact de « réforme 100 % Santé » sur les dépenses des organismes complémentaires soit bien identifié et quantifié dans les « Comptes de la santé » publiés chaque année par la DREES. Il souhaiterait que l’impact de la réforme sur les cotisations payées par les assurés soit documenté.

Afin de disposer d’informations plus transparentes sur le 100 % Santé et, plus généralement, sur les dépenses de santé des Français, le rapporteur appelle de ses vœux l’élaboration d’une base statistique comportant à la fois les données de remboursement de la sécurité sociale et celles des organismes complémentaires.

 

  1. Comme l’année dernière, certains points restent à clarifier en ce qui concerne les complémentaires santé et les réseaux de soins

      Améliorer encore la lisibilité des contrats proposés par les complémentaires santé             

Des progrès importants ont été réalisés pour améliorer la lisibilité des contrats. Ainsi, par exemple, les libellés des principaux postes de garanties sont désormais harmonisés. D’après une récente étude menée par l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) ([26]), 83 % des personnes interrogées ont accès à des exemples de remboursement en euros, contre 70 % lors de la précédente enquête. Des marges d’amélioration sont encore néanmoins souhaitables, notamment en matière de pédagogie et d’accessibilité des exemples sur le site internet des complémentaires. Le groupe de travail du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) consacré à la lisibilité des garanties devrait prochainement remettre un avis sur le sujet. Le rapporteur souhaite que les organismes complémentaires prennent, ensuite, de nouveaux engagements en la matière.

      Évaluer l’évolution des niveaux de remboursement des produits et équipements n’appartenant pas au panier « 100 % Santé »

D’après les auditions conduites par le rapporteur, la grande majorité des organismes complémentaires santé n’auraient pas baissé leur niveau de remboursement sur les produits hors 100 % Santé. Néanmoins, il est vrai que quelques organismes ont supprimé ou réduit le remboursement de certaines prestations de leurs contrats « à ticket modérateur », également appelés « contrats d’entrée de gamme ». Cela était, selon eux, nécessaire pour maintenir un niveau de cotisation compatible avec l’équilibre économique des contrats et les capacités financières des adhérents ayant des ressources modestes.

Il est également vrai qu’aujourd’hui, les niveaux de remboursement sont parfois plus élevés pour les biens et équipements du panier 100 % Santé que pour les autres. Cela s’explique par le fait que certains organismes complémentaires ont renforcé leurs garanties sur le panier 100 % Santé tout en conservant un remboursement équivalent au niveau minimum réglementaire pour les équipements et actes en dehors du panier 100 % Santé.

Le rapporteur appelle de ses vœux un suivi plus fin et transparent de l’évolution des niveaux de remboursement des organismes complémentaires.

      Trancher, enfin, le litige autour de la transmission des « codes regroupés »

Comme l’année dernière, des refus de prise en charge des produits du panier « 100 % Santé » par les complémentaires ont été observés, celles-ci considérant que les informations transmises par l’assurance maladie obligatoire (les codes dits « regroupés ») ne sont pas toujours suffisamment détaillées. À l’inverse, les professionnels, et notamment les opticiens, considèrent que la transmission de codes « affinés » souhaitée par les complémentaires ne permettrait pas d’assurer la protection des données de santé des patients.

Dans un avis d’avril 2020, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a indiqué que la transmission des codes regroupés semblait « suffisante » pour permettre aux complémentaires santé de liquider les dépenses du panier « 100 % Santé ».

Cet avis n’a cependant pas mis fin aux litiges entre complémentaires et professionnels. Aussi, la DSS a lancé, fin 2020, des travaux pour trouver un compromis satisfaisant permettant à la fois un remboursement effectif des dépenses de santé par les complémentaires et une protection suffisante des données de santé des patients.

Il est d’autant plus nécessaire de trancher rapidement ces litiges qu’une bonne coopération entre professionnels et complémentaires est essentielle pour la mise en place du tiers payant intégral sur les produits 100 % Santé, prévue pour le 1er janvier 2022 par l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ([27]).

      Se donner les moyens de mettre en place, au 1er janvier 2022, le tiers payant intégral sur les produits 100 % Santé

Si le tiers payant intégral est très répandu en optique, il l’est beaucoup moins en audiologie et en dentaire. Ainsi, au quatrième trimestre 2020, la pratique du tiers payant intégral ([28]) concernait, au sein du panier « 100 % Santé », 29 % des prothèses dentaires, 51 % des aides auditives et 78 % des équipements optiques ([29]). Un travail important est en cours afin qu’un outil simple, sécurisant et fiable soit développé et permette à l’ensemble des professionnels de santé encore réticents de recourir au tiers payant. L’opportunité d’imposer aux professionnels le recours au tiers payant pourra, ensuite, être utilement examinée.

      Évaluer le rôle joué par les réseaux de soins et les plateformes de gestion

Les réseaux de soins occupent une place importante dans les secteurs de l’optique et des audioprothèses et, plus modeste, dans celui du dentaire. Comme le montre un récent rapport ([30]), ces réseaux ont pris leur essor au milieu des années 2000, avec la création des « plateformes de gestion » qui gèrent des réseaux de soins pour le compte d’organismes complémentaires.

Le rôle joué par les réseaux et plateformes dans l’amélioration de l’accès aux soins – et plus spécifiquement dans la mise en œuvre de la réforme 100 % Santé – ne fait pas consensus. Certains acteurs auditionnés considèrent que ces réseaux desservent la pénétration de l’offre 100 % Santé (le pourcentage d’équipements 100 % Santé vendu étant plus important hors réseaux qu’au sein des réseaux) et appellent de leurs vœux une révision de la loi dite « Le Roux » ([31]). D’autres estiment, à l’inverse, que ces réseaux ne sont pas suffisamment associés à la mise en œuvre de la réforme alors qu’ils pourraient en contrôler et en faciliter la bonne application. Ces différences d’appréciation appellent la mise en place d’un dispositif de suivi et d’évaluation des réseaux et plateformes, tel que le préconisait l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et tel que cela est prévu à l’article 3 de la loi « Le Roux ».

      Aller jusqu’au bout de la réforme en optique

Le rapporteur s’interroge sur le fait de savoir si la réforme est aujourd’hui réellement achevée en optique. Les remboursements par l’assurance maladie obligatoire sur le panier à prix libres, donc hors 100 % Santé, y sont très limités (9 centimes d’euros). Ils permettent principalement à l’assurance maladie de conserver un droit de regard sur les remboursements effectués par les organismes complémentaires. Cela engendre, aux yeux du rapporteur, une complexité administrative inutile à laquelle il conviendrait de remédier. Pourrait ainsi être expérimenté un système dans lequel une confiance plus grande serait accordée aux organismes complémentaires, lesquels prendraient en charge la part « sécurité sociale » sur le panier à prix libres et la géreraient. Cette gestion pourrait utilement passer par les réseaux de soins ([32]) lorsque ces derniers feront l’objet d’un suivi et d’une évaluation plus fine par les pouvoirs publics. Les réseaux de soins pourraient en effet avoir un rôle important à jouer dans l’encadrement et la régulation de l’offre des organismes complémentaires. Si une telle évolution était actée, l’opportunité de recourir à une convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’assurance maladie et les réseaux de soins mériterait alors sans doute d’être étudiée.

Lors de leur audition, la CNAM et la DSS ne se sont pas montrées favorables à une telle expérimentation, estimant qu’elle ne permettrait plus à la sécurité sociale de disposer de données pourtant importantes pour évaluer les dépenses de soins en optique.

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

 

Prenant acte d’une insuffisante couverture vaccinale ainsi que de l’émergence de foyers épidémiologiques, l’article 49 de la LFSS 2018 a étendu l’obligation vaccinale pour les enfants de moins de 24 mois aux huit vaccins qui n’étaient, auparavant, que recommandés.

La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié le soin au rapporteur général, M. Thomas Mesnier, de faire le point sur les trois premières années de mise en œuvre de cette réforme essentielle en matière de santé publique.

Une série de tables rondes et d’auditions a été menée préalablement à celle des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation. Le rapporteur général a ainsi rencontré Santé publique France, des professionnels en charge de la vaccination des jeunes enfants, des professionnels en charge de l’accueil individuel ou collectif de ces enfants (et donc du contrôle du respect des obligations vaccinales), l’association France Assos Santé représentant les usagers du système de santé ainsi que M. Jeremy Ward, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

  1. Une avancée majeure en matière de santé publique
  1. Une mesure souhaitée par les citoyens

En 2016, une large concertation citoyenne sur la vaccination, pilotée par un comité d’orientation pluridisciplinaire et présidée par le professeur Alain Fischer, a proposé, entre autres recommandations, l’extension des obligations vaccinales du nourrisson pour restaurer la confiance en la vaccination et renforcer la protection collective contre les maladies infectieuses à prévention vaccinale.

  1. Une réponse sanitaire indispensable

L’article 49 de la LFSS 2018 étend, pour les enfants de 0 à 24 mois nés à compter du 1er janvier 2018, l’obligation vaccinale — qui concernait déjà la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP) — à huit vaccins supplémentaires qui étaient auparavant simplement recommandés, à savoir les vaccins contre l’haemophilus influenzae B, la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, le méningocoque C et le pneumocoque.

L’objectif poursuivi par cette mesure est double :

     remédier à l’insuffisance de la couverture vaccinale des jeunes enfants qui peut, encore aujourd’hui, être à l’origine de la réémergence de certaines maladies infectieuses graves. Pour rappel, entre 2008 et 2012, la France a fait face à une forte épidémie de rougeole (plus de 23 000 cas). Entre 2011 et 2016, 298 cas d’infection grave à méningocoque C ont été déclarés chez des jeunes âgés de 1 à 24 ans, dont 29 sont décédés des suites de leurs infections ;

     clarifier le régime juridique des vaccinations pour les jeunes enfants. Il s’agissait de mettre fin à la dichotomie entre les vaccins uniquement « recommandés » et les vaccins « obligatoires », laquelle était source de confusion et affaiblissait l’adhésion des parents à la vaccination.

Afin de donner à cette mesure sa pleine effectivité, l’article 49 de la LFSS 2018 conditionne l’entrée des enfants en collectivité à la réalisation des huit nouveaux vaccins obligatoires ([33]), et ce à partir du 1er juillet 2018. L’article rend les parents personnellement responsables de l’exécution des obligations vaccinales de leurs enfants mais supprime les sanctions spécifiques jusqu’alors prévues par le code pénal ([34]) en cas de non-respect de ces obligations.

  1. Une application réglementaire rapide

Le décret d’application ([35]) et le calendrier des vaccinations ont été publiés dès le mois de janvier 2018.

  1. Des premiers résultats très encourageants

Une évaluation régulière de l’extension des obligations vaccinales est prévue par la loi. Elle doit être réalisée chaque année par le Gouvernement et être rendue publique. En juin 2020, le ministère des solidarités et de la santé a mis en ligne un bilan à un an ([36]). La publication d’un bilan actualisé a pris du retard en raison de la crise sanitaire mais elle devrait intervenir à la fin du mois de juin.

  1. Des progrès notables en matière de couverture vaccinale

      Le premier bilan annuel met en évidence une augmentation des couvertures vaccinales des enfants nés en 2018 par rapport à ceux nés en 2017.

L’augmentation est d’autant plus importante que la couverture vaccinale était faible en 2017 :

     la vaccination contre l’hépatite B est passée, pour la première dose, de 90,5 à 96,3 % et pour la troisième dose de 83,1 à 89,4 % ;

     la vaccination contre la rougeole est passée, pour la première dose, de 86,2 à 87,6 % ;

     la vaccination contre le méningocoque C est passée, pour la première dose, de 35,5 à 75,8 % et pour la seconde dose à 12 mois de 72,5 à 76,8 % ;

     la vaccination contre le pneumocoque est passée, pour la première dose, de 98,1 à 99,5 % et, pour la troisième dose, de 88,3 à 90,1 %.

L’extension des vaccinations obligatoires semble efficacement contribuer à l’éradication de certaines maladies infectieuses. Ainsi, par exemple, alors qu’entre 2012 et 2016, 17 cas d’infections à méningocoque C étaient observés en moyenne chaque année chez les nourrissons, seul un cas a été constaté en 2019 – et ce chez un enfant de moins d’un mois qui n’avait donc pas encore pu être vacciné ([37]).

Ces chiffres sont très prometteurs. Il est néanmoins difficile de faire la part, dans la dynamique croissante des couvertures vaccinales, entre ce qui est dû à la mise en œuvre de l’obligation vaccinale, au renforcement de la communication gouvernementale sur l’importance de vacciner les nourrissons ou au caractère récent de certains vaccins.

      Les mois à venir auront un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de la réforme

Le retard pris au début de la crise sanitaire dans la vaccination des nourrissons n’a pas encore été totalement rattrapé. Les retards de vaccination accumulés sur l’ensemble de l’année 2020 sont particulièrement marqués pour le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et pour le vaccin contre les méningites et septicémies à méningocoque C ([38]).

Si la crise sanitaire n’a pas causé de rupture de stock pour les onze vaccins concernés par l’obligation vaccinale ([39]), un risque de tension a été identifié à moyen terme, en raison de la mobilisation de certains filtres pour la fabrication des vaccins contre le covid19. Cette situation est suivie par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé en collaboration avec les ministères chargés de la santé, de l’économie et des finances et de l’Europe et des affaires étrangères.

      L’évaluation de la réforme mérite d’être activement poursuivie dans les années à venir

De nouveaux indicateurs de suivi pourraient utilement être mis en place. Il serait, par exemple, intéressant de vérifier si l’extension des obligations vaccinales a bien, ou non, pour effet d’homogénéiser la couverture vaccinale entre le Nord et le Sud de la France ([40]).

Le suivi de la réforme sera d’autant plus aisé que devraient être disponbles, en 2022, des analyses des certificats de santé à 24 mois pour les enfants nés en 2018. Ces analyses permettront de compléter les données de consommation interrégimes (DCIR), qui sont aujourd’hui utilisées pour évaluer l’évolution des couvertures vaccinales mais qui ne donnent pas toujours des estimations fiables, notamment dans les départements où la part des vaccinations effectuées par les services de protection maternelle et infantile (PMI) est importante ([41]).

  1. Une perception favorable de la réforme dans la population française

La perception favorable de l’extension des obligations vaccinales dans la population française a fortement progressé. Elle est passée de 49 % en 2017 à 63 % en 2019 et atteint 67 % chez les parents d’enfants de moins de 2 ans ([42]). Cela se ressent dans les faits. D’après les acteurs auditionnés, le nombre de parents réticents à faire vacciner leurs enfants s’est beaucoup réduit.

Il est plus difficile d’évaluer si l’extension des obligations vaccinales des enfants a eu un effet d’entraînement plus général sur l’adhésion des Français aux vaccins. Il semble y avoir une stabilité, et non une hausse, des opinions favorables à la vaccination entre 2018 et 2019 ([43]). Pourtant, force est de constater que la couverture vaccinale s’est renforcée, y compris chez des sujets non concernés par l’extension des obligations vaccinales. Ainsi, comme l’a indiqué Santé publique France lors de son audition, la couverture vaccinale des nourrissons nés en 2017 a augmenté depuis la mise en œuvre de la réforme. On observe également une dynamique plus importante de vaccination des enfants âgés de plus de 2 ans.

  1. Une forte mobilisation des différents acteurs concernés par la mesure

Tant les acteurs institutionnels, associatifs, que la très grande majorité des professionnels de santé ou de la petite enfance se sont fortement mobilisés pour assurer une mise en œuvre efficace de l’extension des obligations vaccinales.

Les acteurs auditionnés ont salué la campagne de communication et les dispositifs d’accompagnement mis en place par le Gouvernement ou par l’assurance maladie. Des supports d’information pédagogique sur la vaccination ont, en effet, été largement diffusés et une rubrique spécifique consacrée à l’extension des obligations vaccinales a été créée sur le site internet Vaccination Info Service.

Sur le terrain, les acteurs se sont organisés pour contrôler au mieux la réalisation des obligations vaccinales. Ainsi, par exemple, certains logiciels d’aide à la gestion des crèches et microcrèches ont mis en place des aides au contrôle de vaccination.

Quant aux professionnels de santé, ils semblent, très majoritairement, considérer l’extension des obligations vaccinales comme une bonne mesure. Certains acteurs auditionnés ont néanmoins fait état de quelques professionnels opposés à la vaccination allant jusqu’à élaborer de faux certificats de contre-indication à la vaccination.

  1. Des analyses de pharmacovigilance confirmant la sécurité d’emploi des vaccins

Les données de sécurité des vaccins obligatoires pour les enfants vaccinés avant l’âge de 2 ans pendant l’année 2019 ont fait l’objet d’un bilan au 30 juin 2020 et devraient être publiées prochainement par l’ANSM. Entre 2018 et 2019, le nombre de cas notifiés, toute gravité confondue, n’a augmenté que de 5 %. Cette augmentation reflète, en partie, l’augmentation de la couverture vaccinale et n’a concerné que les cas non graves (le nombre de cas graves ayant diminué de 9 %).

  1. Les freins à lever pour donner à la réforme sa pleine efficacité

Si des progrès notables en matière de couverture vaccinale peuvent être observés, l’objectif d’une couverture vaccinale égale à 95 % pour l’ensemble des vaccins obligatoires n’est pas encore atteint. Force est de constater qu’une méconnaissance, voire une certaine méfiance, persistent en matière de vaccination.

  1. Renforcer la communication et la formation en matière de vaccination

Il est essentiel de renforcer la communication des pouvoirs publics pour répondre aux fortes attentes des Français en matière d’information, tant sur la composition des vaccins, que sur leurs potentiels effets secondaires ou sur leurs bénéfices. Il faut, aujourd’hui, mieux communiquer sur les risques évités par les vaccins.

La direction générale de la santé (DGS) a confirmé, lors de son audition, travailler avec le ministère de l’éducation nationale et déployer de nouveaux efforts de communication, notamment en direction des collectivités territoriales, en vue de la rentrée scolaire de septembre 2021. Les premiers enfants concernés par la réforme entreront en effet alors à l’école maternelle.

Une meilleure communication et une plus grande transparence en matière de vaccination apparaissent d’autant plus cruciales qu’un nouveau débat sur l’opportunité et la nécessité de vacciner les jeunes enfants pourrait réémerger à l’occasion de l’accès de ces enfants aux vaccins contre le covid19.

La formation des professionnels de santé en matière de vaccination pourrait être renforcée. Un certain nombre de travaux sociologiques ([44]) montrent bien que les expériences et connaissances des professionnels de santé en matière de vaccination sont déterminantes dans les recommandations ou conseils qu’ils prodiguent à leurs patients.

  1. Renforcer l’accès de tous les enfants à la vaccination

Afin d’améliorer encore les couvertures vaccinales des jeunes enfants, les vaccinations doivent être proposées dans des lieux multiples, en particulier dans les lieux fréquentés par les populations les plus défavorisées et dans des conditions permettant l’absence d’avance de frais.

      S’assurer qu’il n’y a plus aucun frein financier à la vaccination

Lors des auditions, le reste à charge des patients n’est pas apparu comme un frein majeur à la vaccination. Un certain nombre de dispositifs permettent, en effet, aux personnes les plus défavorisées d’avoir accès gratuitement à la vaccination. Le taux de couverture vaccinal n’est d’ailleurs pas meilleur pour les vaccins remboursés en totalité par l’assurance maladie (grippe pour les populations ciblées, vaccin rougeoleoreillons-rubéole [ROR]) que pour les autres.

La prise en charge des onze vaccins obligatoires

S’agissant des vaccins à proprement parler, la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire est de 65 % (sauf pour le vaccin ROR, dont la prise en charge est intégrale). Le reste à charge est actuellement remboursé par les complémentaires (dont bénéficient plus de 95 % des Français).

Quant à l’acte de vaccination, sa prise en charge par l’assurance maladie obligatoire varie selon le professionnel de santé considéré. Elle est de 70 % si elle est réalisée par un médecin ou une sage-femme et de 60 % par un infirmier sur prescription médicale.

Un certain nombre de dispositifs permettent aux parents de faire vacciner gratuitement leurs enfants :

 les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l’aide médicale de l’État (AME) bénéficient d’une prise en charge du vaccin et de l’injection à 100 % sans avance de frais ;

 les vaccinations réalisées en PMI pour les enfants de moins de 6 ans ou dans les centres de vaccination sont gratuites.

Les publics les plus fragiles devraient être davantage informés de la possibilité de faire vacciner gratuitement leurs enfants en centres de vaccination ou de PMI.

      Renforcer, plus généralement, le suivi médical des jeunes enfants

Comme l’a rappelé M. Jeremy Ward, chercheur, lors de son audition, les actions ciblées sur la vaccination (campagnes de communication, mise à disposition facilitée des vaccins...) sont nécessaires mais non suffisantes pour atteindre une couverture vaccinale de 95 %. Certains parents sont encore malheureusement trop éloignés, de manière générale, du système de santé. Il faut donc renforcer les mesures visant à améliorer le suivi médical de tous les enfants.

Certains professionnels auditionnés préconisent, par exemple, de renforcer le suivi préventif des enfants. Ce suivi comprend actuellement vingt examens médicaux obligatoires ([45]) au cours des dix-huit premières années. Seuls les examens faits dans les huit jours qui suivent la naissance, au cours du neuvième mois et au cours du vingt-quatrième mois ou du vingtcinquième mois, donnent lieu à l’établissement d’un certificat de santé. L’opportunité d’étendre à d’autres consultations l’obligation d’établir un certificat mériterait d’être étudiée. Cela permettrait de contrôler que ces consultations sont bien réalisées et, notamment, que les vaccinations obligatoires sont bien effectuées.

      Reprendre dès que possible les travaux de la Haute Autorité de santé sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, et notamment des sages-femmes

La vaccination dans des lieux diversifiés par des professionnels de santé multiples est de nature à augmenter la couverture vaccinale des enfants et à réduire les inégalités socio-économiques.

La question de l’extension des compétences vaccinales pour l’ensemble des vaccinations, et notamment des vaccinations de l’enfance, a été inscrite au programme de travail de la Haute Autorité de santé (HAS). Néanmoins, cette étude a été suspendue en raison de la crise sanitaire. Le rapporteur général appelle à une reprise rapide de ce travail.

La HAS doit notamment, dans ce cadre, se prononcer sur les vaccinations des enfants susceptibles d’être réalisées par les sages-femmes. Il s’agit d’une mesure votée il y a déjà près de deux ans par le Parlement mais qui n’a toujours pas été mise en œuvre, dans l’attente de l’avis de la HAS. L’article 31 de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([46]) permet, en effet, aux sages-femmes de prescrire et pratiquer les vaccinations des enfants. Jusqu’alors, elles n’étaient compétentes que pour les vaccinations de la femme et du nouveau-né, ainsi que de l’entourage de l’enfant dès la grossesse de la mère et au cours de la période postnatale, soit huit semaines après l’accouchement.

  1. Faciliter le contrôle des obligations vaccinales

Les personnels non médicaux rencontrent encore un certain nombre de difficultés en matière de contrôle des vaccinations.

      Simplifier le carnet de santé et déployer aussi rapidement que possible le carnet de vaccination électronique

Les professionnels auditionnés regrettent qu’il faille être « bilingue en matière de vaccins » pour contrôler la bonne réalisation des obligations vaccinales. En d’autres termes, il n’est pas toujours facile pour eux de savoir avec certitude, en lisant le carnet de santé, si le vaccin qui a été réalisé permet de vacciner contre telle ou telle maladie, et ce d’autant plus lorsque l’enfant est né à l’étranger où les vaccins peuvent porter des noms différents. Les pages du carnet de santé relatives à la vaccination mériteraient d’être davantage conçues comme un outil de contrôle destiné aux professionnels en charge de l’accueil des enfants.

Le déploiement du carnet de vaccination électronique au sein du dossier médical partagé devrait permettre de répondre, en partie, aux préoccupations de ces professionnels.

      Diffuser un unique document d’aide au contrôle du statut vaccinal d’un enfant pour son entrée en collectivité

Les professionnels auditionnés souhaitent tous avoir accès à un document clair et lisible, réalisé par le Gouvernement, pour les aider à contrôler les obligations vaccinales. Ce document ([47]) semble avoir existé mais ne plus être accessible facilement sur internet. Il s’agissait d’un tableau très simple comportant le nom commercial des principaux vaccins, pour permettre aux professionnels de les retrouver plus facilement sur le carnet de santé, ainsi que le nombre de doses que l’enfant doit avoir reçu avant tel ou tel âge. Le Gouvernement gagnerait à rediffuser largement un tel document.

      Renforcer et homogénéiser le rôle joué par les PMI en matière de contrôle vaccinal

Les assistants maternels font partie des professionnels qui semblent les plus en difficultés en matière de contrôle vaccinal. Des réponses réglementaires ([48]) ont récemment été apportées pour permettre aux assistants maternels de refuser plus facilement l’accueil d’un enfant non vacciné. Au-delà de ces réponses réglementaires, les professionnels souhaiteraient que les services de PMI soient désormais en charge du contrôle vaccinal des enfants accueillis chez les assistants maternels. Cette proposition mériterait d’être attentivement étudiée. Certains services de PMI semblent d’ores et déjà exercer cette mission.

Plus généralement, les services de PMI pourraient être davantage mobilisés par l’ensemble des professionnels en charge de l’accueil des enfants lorsqu’une situation compliquée se présente (parents refusant de faire vacciner leurs enfants ou présentant un certificat de contre-indication à la vaccination paraissant dénué de fondement médical). Pour rappel, en cas de suspicion de faux certificat, les services de PMI peuvent aujourd’hui déjà en référer, s’ils le jugent opportun, au conseil départemental de l’ordre des médecins.

      Mettre en cohérence les dispositions réglementaires et les pratiques de contrôle sur le terrain

Alors que l’article R. 3111-8 du code de la santé publique prévoit un contrôle des obligations vaccinales tous les ans, pour le maintien en collectivité des enfants admis pour une durée supérieure à un an, les services de PMI demandent aux structures d’accueil d’effectuer des contrôles bien plus réguliers (tous les trimestres, voire tous les mois, selon certains acteurs auditionnés). Il paraît nécessaire de mettre en cohérence les obligations réglementaires et les pratiques sur le terrain, en prévoyant explicitement soit des contrôles annuels, soit des contrôles trimestriels.

      Clarifier les modalités de conservation données recueillies dans le cadre du contrôle vaccinal

Les professionnels en charge de l’accueil des enfants sont nombreux à s’interroger sur le statut juridique des documents sur lesquels figure la réalisation ou non des obligations vaccinales des enfants accueillis, documents qu’ils sont obligés de conserver en cas de contrôle par les services de PMI. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a confirmé au rapporteur général qu’il s’agissait bien de données de santé et non pas uniquement de données personnelles. Ainsi, elles ne doivent être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes que le temps strictement nécessaire au contrôle du respect de l’obligation légale de vaccination. Les professionnels pourraient être davantage accompagnés dans leur choix de modalités de conservation de ces données.

 

 

 

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

L’article 51 de la LFSS 2018 instaure un cadre général pour les expérimentations relatives à l’organisation de notre système de santé, et met en place un mécanisme de sélection, d’appui, de financement et d’évaluation dédié.

La MECSS a confié le soin à M. Marc Delatte (groupe La République en Marche) de faire le point sur cette réforme, trois ans après sa première évaluation par la commission des affaires sociales et alors que les premières expérimentations devraient prendre fin – ou être généralisées – en 2021.

En amont de l’audition du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales lors du Printemps de l’évaluation, le rapporteur a recueilli l’avis de nombreux porteurs de projets régionaux (unions régionales des professionnels de santé des HautsdeFrance ; projet de bus buccodentaire porté par la fondation Ildys ; projet « As du Cœur » porté par l’association « Azur Sport Santé » ; projets « Obepedia » et « Retrouve ton Cap » portés par le CHU de Lille) mais également nationaux (fédérations hospitalières, industriels, Mutualité française).

Il a également recueilli l’avis des agences régionales de santé (ARS) des HautsdeFrance et d’Auvergne-Rhône-Alpes ainsi que de la Haute Autorité de santé.

Les rapports annuels rendus au Parlement par le Gouvernement sur cet article 51, prévus par la loi et publiés en ligne, ainsi que « L’Atlas de l’article 51 » présentant tous les projets autorisés ont également permis au rapporteur de disposer d’une vision exhaustive de ces projets autorisés.

  1. Rappel du dispositif adopté
  1. L’objectif : favoriser l’innovation en santé

L’article 51 de la LFSS 2018 a instauré un cadre général étendu pour favoriser les expérimentations innovantes et dérogatoires au droit commun relatives à l’organisation du système de santé.

Il vise à mettre en place un dispositif souple et réactif – a contrario de nombre des dispositifs législatifs expérimentaux adoptés dans le domaine de la santé au cours des dernières années – tout en garantissant que ces expérimentations soient évaluées et, en cas de succès, diffusées à grande échelle, alors que les expérimentations locales financées par le Fonds d’intervention régional (FIR) deviennent trop souvent des expérimentations temporaires permanentes.

Il distingue deux grandes catégories d’expérimentations, qu’un décret est venu préciser : les expérimentations visant à favoriser l’innovation organisationnelle et celles devant améliorer la pertinence de la prise en charge des produits de santé.

En parallèle, il met en place le dispositif de sélection, d’appui et d’évaluation pour ces expérimentations qui faisait jusqu’alors cruellement défaut, et devrait faciliter la généralisation des expérimentations réussies.

  1. Une gouvernance originale

Une gouvernance spécifique a été prévue par le législateur puis précisée par voie réglementaire ([49]), avec :

 un comité technique (composé de l’ensemble des directeurs d’administration centrale du ministère de la santé ainsi que de son secrétariat général, d’un directeur général d’ARS et du directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie) chargé d’étudier les projets d’expérimentation, de suivre leur état d’avancement et de formuler un avis sur leur éventuelle généralisation ;

 un conseil stratégique (composé de soixantedeux membres représentant la diversité des acteurs du système de santé) informé de l’état d’avancement des expérimentations, destinataire des rapports d’étape et d’évaluation ainsi que des avis du comité technique ;

 un rapporteur général chargé de l’instruction des dossiers ainsi que de l’évaluation des expérimentations.

  1. Une procédure déconcentrée

Les porteurs de projets souhaitant proposer une expérimentation doivent transmettre un cahier des charges :

 à l’ARS compétente pour les expérimentations à portée régionale. Le projet est transmis au rapporteur général si l’ARS émet un avis favorable ;

 directement au rapporteur général pour les expérimentations à portée interrégionale ou nationale.

Les textes réglementaires prévoient que le comité technique doit émettre un avis sur le projet dans les trois mois, sauf dans le cas où l’avis de la Haute Autorité de santé est nécessaire – auquel cas ce délai est porté à quatre mois – ou si les éléments contenus dans le cahier des charges sont insuffisants.

  1. L’importance donnée à l’évaluation

La méthode d’évaluation de ces expérimentations, qui ne peuvent excéder cinq ans, est primordiale car l’objectif de l’article 51 est bien de permettre l’émergence de dispositifs généralisables.

La méthode d’évaluation est arrêtée par une cellule d’évaluation, composée des services de l’assurance maladie et de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), avant le lancement de l’expérimentation. Au plus tard dans les six mois après la fin de l’expérimentation, ces évaluations doivent être transmises au comité technique puis au conseil stratégique qui proposent ou non leur généralisation.

Dans la pratique, le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales a indiqué au rapporteur qu’un accord-cadre a été passé en 2019 par l’assurance maladie, qui a permis de constituer un vivier de dix équipes d’évaluateurs (sociétés spécialisées, cabinets de conseil et équipes de recherche). La désignation de l’évaluateur est faite à tour de rôle au moment de l’autorisation de chaque expérimentation. Les évaluations des expérimentations d’ampleur sont réalisées en dehors de ce marché avec un marché ad hoc ou par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) pour les projets issus d’appels à manifestation d’intérêt au niveau national. Cet évaluateur externe élabore la méthode d’évaluation, réalise un bilan à mi-parcours puis final.

  1. Trois ans après : une dynamique bien enclenchée
  1. Un engouement incontestable malgré la crise sanitaire

Si le développement de certains projets - en particulier dans le domaine de la e-santé ou directement liés au covid-19 - a pu être accéléré, la crise sanitaire a malgré tout porté un coup d’arrêt temporaire au dispositif, du fait tant de l’indisponibilité des porteurs de projets que de celle des ARS.

      Une mobilisation forte des porteurs de projet

893 projets ont été présentés dans le cadre l’article 51 depuis 2018, parmi lesquels 541 initiatives se sont révélées éligibles.

88 projets au total ont été autorisés. 224 projets sont actuellement en cours d’instruction.

Beaucoup de dossiers ont été déposés au cours du premier semestre de sa mise en œuvre (près de 400 projets déposés en un peu plus d’un semestre, puis 300 projets déposés en 2019 et près de 100 au premier semestre 2020 malgré la crise sanitaire), l’attractivité du dispositif montrant qu’il s’agissait d’une opportunité très attendue par nombre d’acteurs.

Au total, ces 71 expérimentations autorisées représentent un engagement pluriannuel sur le FISS (Fonds pour l’innovation du système de santé, qui accompagne l’article 51) de plus de 342 millions d’euros et de 19 millions d’euros sur le FIR (Fonds d’intervention régional, à la main des ARS).

      Les appels à manifestation d’intérêt national

Parallèlement à la procédure classique de dépôt des projets, l’assurance maladie et le ministère de la santé ont ouvert trois appels à manifestation d’intérêt (AMI) en 2018 relatifs :

 au paiement à l’épisode de soins : 46 établissements expérimentent un paiement au forfait global pour la colectomie pour cancer programmée ou la chirurgie orthopédique (prothèse totale de hanche programmée et prothèse totale de genou) ;

 à l’incitation à une prise en charge partagée (IPEP) : 29 groupements expérimentent un bonus collectif incitatif, afin d’améliorer l’accès, la coordination et la pertinence des soins ;

 au paiement forfaitaire en équipe de professionnels de santé en ville : 22 équipes pluriprofessionnelles expérimentent un paiement collectif forfaitaire (et non plus à l’acte) pour le suivi en ville de certains patients afin d’optimiser cette prise en change.

Ces travaux ont été financés par le FISS à hauteur de 3 millions d’euros.

Dans des éléments transmis au rapporteur, la Fédération hospitalière de France (FHF), qui contribue très largement à l’expérimentation IPEP sur le terrain, a souligné que « du point de vue des porteurs de projets au niveau du terrain, l’intégration dans une expérimentation nationale a été un facteur de crédibilité et leur a permis d’intégrer plus facilement de nouveaux partenaires. Par ailleurs, les groupements ont touché des crédits d’amorçage, ce qui leur a permis, dans une certaine mesure, de lancer la démarche. » Elle a en revanche noté « une déconnexion flagrante entre les ambitions d’IPEP et les moyens mis en œuvre » pour mener à bien cette expérimentation afin que celle-ci puisse véritablement produire ses effets.

En ce qui concerne le paiement à l’épisode de soins, la FHF a partagé ses craintes quant au calibrage du dispositif et au risque de favoriser la constitution de monopoles peu concurrentiels.

      Le profil des porteurs de projets

Les porteurs des expérimentations recevables sont principalement des établissements de santé (37 %), mais également des groupements d’acteurs (19 %), des acteurs de ville (12 %), des établissements ou services médico-sociaux (8 %) ou des industriels (9 %).

Une majorité des projets permettent le développement d’une prise en charge partagée intersectorielle ou une coordination ville-hôpital. Les expérimentations répondent donc bien à l’objectif qui leur a été assigné par le législateur de permettre d’enfin adopter une logique centrée sur le parcours de soins. Le rapporteur regrette toutefois que ces projets soient encore trop souvent des projets ville-hôpital, n’incluant que plus rarement le secteur médicosocial.

Les acteurs libéraux ont en revanche fait part au rapporteur de leurs difficultés à porter de telles expérimentations, du fait de la forte charge administrative et technique que la conception de tels projets implique.

      Les objectifs des projets autorisés

L’écrasante majorité des projets portent sur des innovations organisationnelles, et très peu portent sur la pertinence de la prise en charge des produits de santé.

 

Les expérimentations relatives aux produits de santé

Les produits de santé ont une place modeste au sein des projets article 51 puisque seul un projet sur neuf contient un produit de santé.

Comme le souligne le dernier rapport au Parlement sur l’article 51, cette faible part est vraisemblablement due « au fait que le cœur de l’expérimentation doit porter sur la mise en place d’une organisation innovante et non être centré sur un produit de santé dont les voies d’accès au marché sont déjà très délimitées ».

Le GEnérique Même Médicament (GEMME), dans une contribution transmise au rapporteur, a toutefois souligné les bons résultats obtenus par l’expérimentation nationale pour l’incitation à la prescription hospitalière de médicaments biologiques similaires.

Par ailleurs, la rapporteure générale de l’article 51, lors de son audition devant la commission, a souligné que davantage de projets portent en revanche sur les dispositifs médicaux, souvent associés à des projets organisationnels.

Presque la moitié des projets autorisés permettent le remboursement de prestations non prises en charge en application du droit commun (à titre d’exemple, un soutien psychologique, des séances de diététique ou d’activité physique).

Les expérimentations portent pour la plupart sur la prise en charge de pathologies chroniques (54 % des projets), au premier rang desquelles l’obésité et les pathologies cardio-vasculaires (7 projets chacun). 14 projets incluent une dimension de télésanté.

De nouveaux modèles de financement ont parallèlement pu être mis en œuvre, notamment :

 le financement à la séquence, qui instaure un forfait global à destination des différents acteurs prenant en charge un patient donné pour des soins spécifiques ;

 la part variable, qu’il s’agisse d’un intéressement aux économies générées ou d’un paiement à la qualité et/ou la performance ;

 le paiement à la capitation, qui octroie une somme forfaitaire pour la prise en charge globale d’un patient donné sur une période donnée.

  1. Un portage politique fort, un appui réel

La priorité politique donnée à l’article 51 est indéniable. Elle s’est accompagnée d’un véritable portage administratif. Les porteurs de projets ont unanimement souligné la disponibilité et la réactivité des équipes nationales en charge de l’accompagnement des projets, leur posture facilitatrice, et l’utilité des initiatives récemment mises en place par le secrétariat général (« accélérateur » et « café des porteurs »).

Au niveau régional, l’accompagnement et la mobilisation des porteurs de projets par les ARS grâce notamment à la désignation de référents identifiés a également été saluée. La FHF a toutefois souligné le caractère trop directif de certaines ARS dans le choix des thématiques des projets.

 

Un exemple d’organisation d’ARS : l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes

« Les lettres d’intention reçues font l’objet d’une analyse par l’équipe ARS et de l’assurance maladie (direction de la coordination de la gestion du risque). Un Copil « INNOV 51 » a été mis en mis en place. Ce COPIL se réunit tous les derniers vendredis du mois. Il est composé des directeurs métiers adjoints de l’ARS, du directeur de la coordination de la gestion du risque ou de son représentant. Les référents A51 rapportent les dossiers et le COPIL rend un avis sur l’opportunité en matière de politique de santé et sur le respect des critères de sélection. La qualité technique du dossier n’est pas un critère de décision. »

En ce qui concerne le financement, la majorité des acteurs locaux se sont félicités qu’il soit bien calibré et qu’une part importante des crédits d’amorçage soit versée rapidement après la signature de la convention.

  1. Des lourdeurs indéniables restant un obstacle

      Une procédure particulièrement complexe à raccourcir et alléger

Parmi les critiques formulées à l’égard de la procédure, sont régulièrement invoquées :

 la longueur de l’instruction des dossiers, qui peut atteindre plusieurs mois voire une année, cumulée avec un manque de visibilité quant aux échéances et aux délais, ainsi que l’existence de deux conventions (une pour l’amorçage, une pour le fonctionnement). Cette longueur a généré beaucoup de découragement chez les porteurs candidats. La rapporteure générale de l’article 51, lors de son audition en commission, a souligné que cette longueur est due à la nécessité de construire un modèle de financement nouveau, robuste et généralisable, méthode nouvelle à la fois pour les porteurs de projets (habitués à proposer des organisations innovantes mais pas forcément des financements innovants) et pour l’administration ;

 la lourdeur des cahiers des charges et de l’analyse médico-économique préalable, frein au portage de projets par des acteurs moins structurés (professionnels de ville par exemple) et qui rend souvent nécessaire le recours à des cabinets de conseils privés en amont du dépôt du projet. Si l’ampleur de ce recours n’est pas connue de l’administration, elle a plusieurs fois été mentionnée en audition ;

 une insuffisante motivation des décisions de rejet des projets, et un manque de clarté sur ce qui est éligible, notamment en ce qui concerne la télémédecine (l’articulation avec l’avenant n° 8) ou l’articulation avec le FIR. La très forte sélectivité de la procédure a causé une forte déception à de nombreux porteurs de projet.

Certains acteurs critiquent également le manque de communication sur les expérimentations, au-delà du nombre de projets autorisés ou éligibles, et la mauvaise compréhension du processus décisionnel durant l’instruction renforcée par des méthodes d’analyse parfois divergentes entre les ARS ;

 la lourdeur des systèmes d’information à mettre en place, conjuguée à un manque de clarté des exigences dans ce domaine. Ainsi, en ce qui concerne l’AMI « IPEP », la FHF a rapporté que les porteurs de projets « ont dû faire appel des infirmières de coordination, qui feront le suivi des parcours manuellement sur tableaux, et cela sur des populations potentielles de plusieurs dizaines de milliers de personnes, impliquant plusieurs dizaines de professionnels de santé ». D’autres acteurs ont souligné que les critères exigés pour ces systèmes d’information nécessaires à la mise en œuvre des projets devraient être précisés (exigences du statut de dispositifs médicaux ou non, critères, financement).

Une partie des lourdeurs de la procédure s’explique par une dimension parfois oubliée de l’article 51 : le projet doit déroger au financement de droit commun de l’assurance maladie mais également être généralisable.

Cela implique inéluctablement, en amont, une certaine complexité dans la conception du projet. La procédure d’instruction doit toutefois être davantage accélérée, et l’équipe nationale de la « cellule article 51 » doit veiller à donner davantage de visibilité aux porteurs de projets sur les différents étapes et délais.

Parallèlement à ce financement nécessairement dérogatoire, le FIR dont dispose les ARS peut contribuer à la mise en œuvre de ces mêmes projets en finançant du temps de coordination, du matériel, de l’adaptation de systèmes d’information et la formation des professionnels : il convient cependant de mieux communiquer auprès des acteurs du terrain sur la différence entre les projets  non nécessairement innovants ou dérogatoires au financement de droit commun  éligibles à un financement par le FISS et ceux qui pourraient être simplement financés par le FIR.

Enfin, les porteurs de projets devraient être accompagnés spécifiquement pendant la rédaction du cahier des charges sur les aspects relatifs aux systèmes d’information, et les prérequis en la matière devraient être précisés. Cette question de l’accompagnement en matière de systèmes d’information a très certainement été sous-estimée dans les premiers temps de l’article 51, et sera fondamentale dans la réussite concrète des projets.

      Une évaluation à simplifier

La question de l’évaluation des projets reste également source d’interrogations, alors que quatre premiers projets arriveront à leur terme en 2021.

Le processus d’évaluation, qui s’étend sur plusieurs mois, apparaît particulièrement long et nécessite de nombreux allers-retours avec le porteur de projet afin de mettre en place des indicateurs puis un protocole d’évaluation soumis au comité technique. En pratique, des expérimentations débutent souvent avant la fin de cette procédure.

L’équipe d’évaluation pourrait être désignée dès l’autorisation de l’expérimentation, et participer activement à la construction du cahier des charges sur les aspects liés à l’évaluation et permettre ainsi une meilleure intégration de celle-ci dans la conception des systèmes d’information. Les évaluations intermédiaires pourraient par ailleurs être mieux utilisées afin de préparer l’évaluation finale, notamment concernant la possibilité d’une généralisation du projet.

      Une portage politique à préserver

Si le portage politique de ces dispositions doit être salué, l’absence de réunion du comité stratégique depuis le 1er janvier 2019 doit être noté. Or, les changements induits par la crise sanitaire et, en particulier, les pratiques dérogatoires qui ont été développées, ainsi que les premières évaluations pourraient être l’occasion de nouvelles orientations de l’article 51.

Parallèlement, le rôle du comité technique pourrait utilement être recentré sur l’évaluation de l’opportunité du projet, le respect des critères de sélection et le volume de financement, et moins sur le cahier des charges, si besoin en modifiant l’article R. 162-50-7 du code de la sécurité sociale.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pourrait également utilement être intégrée au comité technique, afin de renforcer la place dévolue au secteur médico-social au sein de ce dispositif. Cela nécessiterait une évolution législative.

Enfin, tout le territoire ne bénéficie pas encore de façon comparable des expérimentations de l’article 51 : l’ensemble des ARS doivent continuer à être mobilisées sur le sujet.

      Une lisibilité à renforcer

Au fil de différentes lois de financement de la sécurité sociale, la liste des dispositions législatives auxquelles il est possible de déroger a progressivement augmenté, complexifiant l’analyse de la recevabilité des projets : ce sont aujourd’hui une centaine de dispositions qui sont concernées. Il devrait être envisagé de simplifier cette liste, par exemple en prévoyant des dérogations plus larges.

Le rapporteur constate par ailleurs que ces ajouts de dispositions dérogatoires ont davantage concerné l’organisation de l’offre de santé que les aspects financiers de l’article 51, car c’est bien là que la demande de souplesse est la plus forte : l’article 51 doit-il devenir un vecteur de dérogations uniquement organisationnelles, même si elles ne nécessitent pas de dérogation au financement de droit commun par l’assurance maladie ? Pour le rapporteur, l’opportunité de mettre en place un mécanisme dérogatoire similaire au sein du code de la santé publique doit être étudiée, et l’objectif de l’article 51 clarifié.

 

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

L’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu de revaloriser à hauteur de 200 millions d’euros par an les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), et en premier lieu les salaires de leurs personnels. Il s’agit d’un geste politique historique pour ce secteur !

Pour la deuxième année consécutive, la MECSS a fait le choix de consacrer l’un des volets du Printemps social de l’évaluation aux SAAD, témoignant ainsi son attachement à ce secteur qui connaît des difficultés structurelles depuis de trop longues années alors même que la très grande majorité des Français souhaite pouvoir vivre le plus longtemps possible chez eux. La rapporteure, Mme Annie Vidal (co-présidente de la MECSS, groupe La République en Marche), a poursuivi le travail engagé l’an dernier pour faire le point sur la situation des services à domicile.

En amont de l’audition des administrations centrales dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la rapporteure s’est entretenue avec plusieurs fédérations d’aide à domicile (ADEDOM, ADMR, FEDESAP, SYNERPA domicile, UNA, UNIOPSS), l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), l’Association des départements de France (ADF) et plusieurs conseils départementaux (Ain, Corse, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Morbihan, Paris) ainsi qu’avec M. Michel Laforcade, chargé par le Premier ministre d’une mission sur la revalorisation des métiers du secteur social et médico-social.

I-                    UN SECTEUR ESSENTIEL EN DIFFICULTÉ

Si la crise sanitaire a mis en lumière le rôle joué par les aides à domicile auprès des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, elle a aussi rappelé que cette profession constitue l’une des plus précaires du secteur médico-social. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a apporté une réponse aux attentes du secteur en sanctuarisant 200 millions d’euros chaque année à compter de 2022.

A-     Les difficultés structurelles du domicile...

Le secteur du domicile est confronté depuis longtemps à des difficultés structurelles. Le manque de moyens dont il souffre se traduit par la faiblesse des salaires. Ainsi, on dénombre 17 % de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile contre 6,5 % en moyenne pour l’ensemble des salariés. Cette situation s’explique notamment par la généralisation du recours au temps partiel (89 % des salariés de la branche de l’aide à domicile). Aussi ce secteur, très largement féminin – 96,4 % de femmes au sein de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD) –, est-il peu attractif : en 2016, 85 % des structures relevant de la BAD déclaraient avoir eu des difficultés de recrutement. Le manque d’effectifs rend les conditions d’exercice des aides à domicile très difficiles. Il n’est donc pas surprenant dans ces conditions que le secteur ait un taux de pénibilité très élevé : le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles y est trois fois supérieur à la moyenne nationale !

Ces difficultés se sont accrues avec la crise sanitaire. En effet, le « Ségur de la santé » a conduit à revaloriser de 183 euros par mois le salaire des personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) notamment, entraînant une fuite des personnels (aides-soignants, infirmiers...) vers ces établissements alors que la crise avait mis en avant leur rôle essentiel dans le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap.

Enfin, l’annonce tardive d’une prime covid pour les personnels des SAAD, plusieurs mois après la prime covid pour les personnes des établissements sanitaires et médico-sociaux, a pu accroître le malaise au sein de la profession. Si la quasi-totalité des départements a finalement décidé de cofinancer, avec l’État, une telle prime, les annonces en ordre dispersé et la disparité des montants ont alimenté un sentiment d’iniquité.

B-     ... en particulier dans la branche de l’aide à domicile (BAD)

La crise du secteur du domicile frappe particulièrement le secteur associatif et la BAD, qui concerne 226 000 salariés (SAAD et SSIAD), soit plus de 70 % du secteur du domicile.

Cette branche est marquée par des rémunérations conventionnelles d’entrée de grille très faibles, qui n’ont pas été revalorisées depuis plusieurs années. Les premiers niveaux des grilles de classification, s’appliquant aux salariés les moins qualifiés et ayant le moins d’ancienneté, sont en dessous du SMIC, ce qui s’explique par le décalage entre le mécanisme de revalorisation annuelle du SMIC en fonction de l’inflation et la revalorisation plus faible et non systématique de ces premiers niveaux. La convention de cette branche, qui date de 2010, apparaît aujourd’hui désuète puisque seulement 43 % des aides à domicile accèdent à une rémunération conventionnelle supérieure au SMIC après dix-sept ans d’ancienneté !

Les revalorisations de ces dernières années ont accru les écarts de rémunérations entre le secteur commercial et le secteur non lucratif. Entre 2016 et 2021, les accords salariaux de la branche des services à la personne commerciaux ont permis d’augmenter les rémunérations de 3,72 % - aucune hausse n’a été enregistrée en 2020 et en 2021 jusqu’à présent. La portée de ces hausses est toutefois limitée : l’un des derniers avenants négociés et signés en 2019 prévoit d’augmenter le salaire minimum conventionnel au niveau du SMIC.

Sur la même période, les salaires relevant de la BAD n’ont progressé que de 2,71 %. Si l’agrément de l’avenant 44 a notamment permis de porter la valeur du point de 5,38 euros à 5,50 euros (+ 2,23 %) en 2020, le refus d’agréer deux des quatre avenants salariaux conclus au cours de cette période explique cette faible évolution. Ce fut en particulier le cas de l’avenant 43 en novembre 2020, puisque son coût global brut chargé, qui était évalué à 572 millions d’euros initialement, avait été jugé incompatible avec les ressources financières des conseils départementaux.

Ce rejet a toutefois permis d’ouvrir un cycle de travail entre le ministère des solidarités et de la santé et les représentants de la branche de l’aide à domicile. Les échanges entre les fédérations d’employeurs ont permis d’affiner l’impact financier induit par la mise en œuvre de l’avenant 43.

 

Le secteur de l’aide à domicile

Au sein du secteur de l’aide à domicile, il est possible de distinguer :

 le secteur public, qui relève du statut de la fonction publique. La fonction publique territoriale compte environ 20 000 équivalents temps plein (ETP) dans le secteur du domicile ;

 le secteur privé commercial, dont les accords conventionnels ne sont pas soumis à un agrément et peuvent entrer en vigueur par leur simple conclusion et dépôt. Selon les données issues des déclarations sociales nominatives, ce secteur compterait environ 62 000 ETP ([50]) ;

 le secteur privé associatif, dont les accords conventionnels sont soumis à un agrément d’une commission nationale, composée de représentants de ministres, de présidents de conseils départementaux et de directeurs de caisses de sécurité sociale, en application de l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles, pour devenir opposables aux tarificateurs et aux employeurs. La branche de l’aide à domicile représente la majorité des SAAD du secteur privé non lucratif : elle compte environ 3 190 structures (données 2016) pour 135 000 ETP environ. On dénombre environ 5 000 ETP exerçant en SAAD dans les autres branches du secteur privé non lucratif.

Source : ministère des solidarités et de la santé.

II-                  UNE NÉCESSAIRE REVALORISATION DES SERVICES À DOMICILE

Face aux difficultés de financement rencontrées pour agréer l’avenant 43 à la convention de la branche de l’aide à domicile, le Gouvernement s’est engagé lors de l’examen du PLFSS 2021 à prendre en charge une partie des dépenses des départements. Il a ainsi introduit par voie d’amendement lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale ce qui est devenu l’article 47 de la LFSS 2021.

Cet article prévoit une aide de 200 millions d’euros par an – 150 millions d’euros en 2021 compte tenu de l’entrée en vigueur différée du dispositif, à compter du 1er avril – de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements afin de contribuer à l’attractivité, à la dignité et à l’amélioration des salaires des métiers des professionnels des services d’accompagnement et d’aide à domicile mentionnés.

Elle doit être répartie entre les départements en fonction des dernières données disponibles portant sur le volume total d’activité réalisée par les SAAD au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’aide à domicile. Les paramètres du dispositif et les modalités du versement de l’aide aux départements qui le financent doivent être prochainement fixés par décret.

Le dispositif de l’article 47 n’oriente pas l’aide de la CNSA vers une catégorie particulière de SAAD. Toutefois, au regard du niveau des salaires et du fonctionnement du secteur, il est apparu nécessaire de flécher ces nouveaux financements vers la branche de l’aide à domicile via un agrément de l’avenant 43 de la branche de l’aide à domicile.

A-     L’agrément de l’avenant 43 à la branche de l’aide à domicile

Les services relevant de la BAD représentent la majeure partie des services tarifés par les départements, c’est-à-dire habilités à l’aide sociale (APA, PCH) sans pouvoir facturer à leurs bénéficiaires un reste à charge extra-légal en plus de la participation financière prévue par la loi ([51]). Ces services ne peuvent donc pas augmenter librement leurs tarifs afin d’augmenter les salaires de leurs personnels car, dans la mesure où ils sont tarifiés, cela impliquerait une hausse des dépenses des conseils départementaux au titre de l’APA et de la PCH ([52]).

Aussi est-il nécessaire que soit agréé un avenant à la convention de la BAD pour rendre possible une augmentation des salaires relevant de cette convention collective en le rendant opposable aux conseils départementaux, mais aussi aux employeurs. Ainsi, le 1er avril dernier, la ministre déléguée chargée de l’autonomie a annoncé une refonte intégrale de la grille de la convention collective nationale de la BAD. La ministre s’est engagée par voie de communiqué de presse à ce que l’avenant 43 de la convention de la branche de l’aide à domicile puisse entrer en vigueur dès le 1er octobre 2021.

Cet avenant, signé par les organisations représentatives des employeurs (USB Domicile) et trois syndicats (FO, CFDT, CGT), a été validé par la commission nationale d’agrément le 4 juin 2021 ([53]). Il permettra une refonte intégrale du système de classification des emplois et des rémunérations.

D’une part, le nouveau système de rémunération sera constitué d’une rémunération de base définie en fonction de la catégorie, du degré et de l’échelon. Ceux-ci détermineront un coefficient multiplié par la valeur du point, fixé actuellement à 5,50 euros aux termes de l’avenant 44. Le niveau et la responsabilité d’un poste seront pris en compte pour déterminer la catégorie et le degré tandis que l’expérience et le niveau de maîtrise du salarié seront pris en compte pour déterminer l’échelon. Le passage d’un échelon à un autre sera conditionné au suivi de formations ou à plusieurs années de pratique définis dans l’avenant. L’ensemble du personnel sera reclassé dans cette nouvelle grille qui comprendra deux filières (« intervention » et « support »).

D’autre part, à ce salaire de base s’ajouteront des éléments complémentaires de rémunération (ECR) liés à la qualification et à l’ancienneté ou liés aux contraintes du poste occupé : travail du dimanche et jours fériés, astreintes, travail de nuit, tutorat et maître d’apprentissage, encadrement.

Nouvelle architecture de la classification des emplois

 

Lien entre la classification actuelle et la future classification

      Source : ministère des solidarités et de la santé.

L’agrément de cet avenant marquera un progrès considérable, avec une hausse moyenne des rémunérations de 16 % et des salaires d’entrée, portés à environ 1 800 euros bruts et 1 400 euros nets pour un équivalent temps plein. Afin de donner des perspectives d’évolution aux aides à domicile, ces augmentations seront plus importantes pour les salariés ayant quelques années d’expérience et dont les salaires restent aujourd’hui proches du SMIC.

Conformément à l’article 47 de la LFSS 2021, l’État apportera une aide aux départements via la CNSA. En 2021, l’État compensera 70 % des dépenses des conseils départementaux au titre de l’APA et de la PCH, soit 53 des 75 millions d’euros relevant des départements, puis 50 % de celles-ci en année pleine, soit 150 millions d’euros par an sur les 301 millions d’euros imputables aux départements. Le reste des dépenses liées à l’avenant 43 sera couvert par la CNSA, les assurés (reste à charge), l’État (crédit d’impôt) ou encore les caisses de sécurité sociale au titre de leur action sociale. Le coût global de l’avenant 43 est estimé à 631 millions d’euros par an.

B-     Un agrément qui suscite des interrogations

Les auditions menées par la rapporteure en avril et en mai derniers ont montré que l’annonce de l’agrément de l’avenant 43 à la convention de la BAD suscite de nombreuses questions.

Tout d’abord, un certain nombre de conseils départementaux semblent être dans l’expectative à l’approche des élections départementales. Plusieurs départements auditionnés s’interrogeaient sur les modalités de mise en œuvre de cet avenant. Lors de son audition, l’Association des départements de France (ADF) s’est montrée très réservée compte tenu de la contrainte budgétaire que pourrait représenter l’agrément de l’avenant 43 dans un contexte de hausse des dépenses sociales due à la crise sanitaire. La rapporteure estime toutefois que l’effort supplémentaire attendu de la part des départements (1,5 million d’euros en moyenne après déduction de l’aide de la CNSA) semble raisonnable au regard des enjeux liés à la prise en charge à domicile à court et à moyen termes et des très fortes attentes qu’elle peut constater sur le terrain.

D’ailleurs, plusieurs départements n’ont pas attendu les annonces du Gouvernement pour engager une revalorisation des services à domicile (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Morbihan...). À titre d’exemple, le département de Maine-et-Loire a d’ores et déjà proposé à plusieurs SAAD tarifés la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) afin de prévoir une hausse de 10 % de la masse salariale correspondant aux heures APA et PCH, un tarif opposable à l’usager limité à 22 euros (aide à domicile) et à 25 euros (auxiliaire de vie sociale) et des financements complémentaires et spécifiques pour moderniser les SAAD.

En outre, si les fédérations du secteur associatif (ADMR, UNA, ADEDOM, FNAAFP) ont salué l’annonce de l’agrément de l’avenant 43 de la BAD, les représentants du secteur privé lucratif (SYNERPA, FEDESAP, FESP) craignent une fuite de leurs personnels vers le secteur associatif dans la mesure où ils ne seront pas concernés par cette revalorisation. Ils ont insisté sur la nécessité d’instaurer un tarif national socle pour l’APA ainsi qu’un forfait qualité/coordination afin d’assurer la pérennité du secteur.

La rapporteure partage pleinement cette idée et appelle de ses vœux l’instauration d’un tarif plancher national pour l’APA et pour la PCH, accompagné d’un complément de financement variant en fonction du profil des personnes accompagnées, des caractéristiques du territoire couvert et de l’amplitude d’intervention – sur le modèle de la préfiguration engagée dans la LFSS 2019 ([54]) – pour mettre fin aux disparités territoriales en matière de tarification des services à domicile.

Outre l’indispensable revalorisation des salaires, il est également nécessaire d’améliorer les conditions de travail de ses professionnels (tournées, véhicules, équipements, formation...) pour développer l’attractivité de ces métiers.

 

 

 

 

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

Notre Assemblée a modifié, au sein de la LFSS 2006, les conditions relatives au bénéfice du complément de libre choix d’activité (CLCA), prestation à laquelle a été substituée la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), qui constitue la principale prestation versée aux parents qui décident d’avoir recours au congé parental ([55]). Dans la perspective de mesurer les résultats de cette dernière réforme, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié à Mme Monique Limon (groupe La République en Marche) l’évaluation des dispositions des LFSS relatives à l’indemnisation du congé parental.

En amont de l’audition des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation, la rapporteure a entendu les instances intéressées ou chargées de la mise en œuvre de la politique de la petite enfance – Association des départements de France (ADF), Union nationale des associations familiales (UNAF), Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – ainsi que les acteurs déconcentrés à l’échelle départementale, à savoir les caisses d’allocations familiales (CAF), les unions départementales d’associations familiales (UDAF) et les départements, pour l’Isère et la Seine-Saint-Denis. Elle a également rencontré des experts missionnés sur les sujets du congé parental et de l’accueil d’enfants dont les parents travaillent en horaires atypiques.

 

LE DISPOSITIF ADOPTÉ

 

L’indemnisation du congé parental a connu de nombreuses modifications en loi de financement. À cet égard, le complément de libre choix d’activité (CLCA) a été créé en remplacement de l’allocation parentale d’éducation (APE) dès la LFSS 2004 ([56]). La LFSS 2006 ([57]) a permis la mise en œuvre d’un complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA), défini comme une modalité dérogatoire du CLCA versé à taux plein qui se caractérise par une majoration de l’indemnisation et une durée plus courte que le régime de droit commun.

Les modalités actuelles de l’indemnisation des périodes postérieures aux congés maternité et paternité relèvent toutefois d’une nouvelle indemnité, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), mise en place par une loi ad hoc modifiant les dispositions auparavant adoptées en LFSS ([58]).

  1. Une réforme destinée à favoriser l’égale parentalité et le libre choix des parents

La transformation du CLCA en PreParE a eu lieu par le biais d’une loi de 2014 ([59]) visant deux principaux objectifs :

-          un meilleur partage de la prestation entre les deux membres du couple, lorsque celui-ci est composé d’un homme et d’une femme. Alors que le CLCA était jusqu’ici presque uniquement l’apanage des mères de jeunes enfants ([60]), l’étude d’impact de la loi précitée vise un objectif de 25 % de pères à l’issue de la montée en charge du niveau dispositif, soit 100 000 pères de plus ;

-          une facilitation du retour à l’emploi des mères de jeunes enfants, par le biais d’une incitation moindre à recourir à ce dispositif. Incidemment, cette plus grande difficulté à bénéficier de la PreParE à long terme visait également à limiter les dépenses de la branche famille. L’impact de la réforme sur l’ensemble de la branche, compte tenu des effets sur le recours à l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ([61]), était estimé à 200 millions d’euros d’économie annuelle à partir de 2018. La réforme devait en outre limiter le recours des mères de jeunes enfants aux prestations de l’assurance chômage ou aux mécanismes de solidarité, grâce à un retour à l’emploi facilité.

Pour mener à bien ces objectifs, les principes du versement de la PrePare étaient désormais les suivants :

-          pour un premier enfant, la durée maximale a été étendue de six mois à partager entre les deux parents à six mois pour chaque parent ;

-          à partir du deuxième enfant, la réforme a procédé à une réduction de la période d’indemnisation maximale pour un même parent à deux ans, pour encourager le recours à la troisième année par le second parent.

 

  1. Un échec global du partage de la prestation au sein du couple et une chute drastique du recours à la prestation

La mise en œuvre réglementaire des mesures issues de la loi de 2014 a été rapide, puisque trois décrets d’application ont été pris le 30 décembre 2014 :

-          le décret n° 2014-1708 du 30 décembre 2014 relatif à la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui a tiré les conséquences de la modification du nom de la prestation, mais surtout fixé les paramètres du nouveau dispositif, notamment les durées de versement de la prestation et les âges limites jusqu’auxquels le versement peut être prolongé lorsque les deux membres du couple font valoir chacun leur droit ;

-          le décret n° 2014-1707 du 30 décembre 2014 relatif aux dates d’effet des prestations familiales servies mensuellement, qui a modifié le point de départ du droit à l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant pour l’aligner sur la règle selon laquelle le point de départ est le premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel les conditions d’ouverture du droit sont réunies ;

-          le décret n° 2014-1705 du 30 décembre 2014 relatif à la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui modifie les taux applicables à la prestation.

  1. Des résultats particulièrement décevants en matière de partage de la prestation entre les femmes et les hommes

Selon les résultats les plus récents disponibles notamment en vertu d’une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ([62]), les résultats obtenus sont loin de correspondre aux objectifs fixés. Ainsi, la part des pères d’enfants de moins d’un an qui ont recours, après la réforme, à la PreParE à taux plein, est passé de 0,4 à 0,5 %. Pour ce qui est du deuxième enfant, le même taux, s’agissant des enfants de plus de 2 ans, est passé de 0,6 % à 0,8 %.

Le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) annexé au PLFSS 2021 indiquait lui-même que « des marges de progrès existent néanmoins au regard du recours quasi-exclusivement féminin » à la PreParE. Au total, en décembre 2018, les mères constituaient 94 % des bénéficiaires de la PreParE et les pères 5 %. De manière plus frappante encore, les couples n’ont eu recours conjointement à la prestation qu’à hauteur de 1 %, alors qu’il s’agissait du principe même de la réforme.

 

  1. Une chute drastique du nombre de bénéficiaires

Selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), entre 2014 et 2018, le nombre de bénéficiaires des compléments d’activité (CLCA et PreParE) a fortement chuté (– 43 %) pour atteindre 272 000 bénéficiaires en décembre 2018.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a consacré également un rapport au sujet du bilan du recours à la PreParE, a identifié quatre facteurs de baisse :

-          la limitation de la durée en l’absence de partage. Seuls 2,5 % des bénéficiaires entrés dans la PreParE en 2015 avaient partagé la prestation avec leur conjoint à la date du 1er janvier 2018. Entre 2014 et 2017 le nombre de familles dont le benjamin est âgé de plus de 2 ans diminue de 83 %, expliquant plus de la moitié de l’évolution totale des bénéficiaires ;

-          la dévalorisation du montant forfaitaire de la PreParE, d’environ 38 % depuis 1994 selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), l’a rendu toujours moins attractive, selon une tendance qui n’était certes pas nouvelle, mais s’est accentuée : le nombre de bénéficiaires dont l’enfant est âgé de moins de 2 ans a chuté de près de 25 % entre 2014 et 2018 ;

-          la diminution des personnes éligibles en raison de la crise financière de 2008 ;

-          la baisse de la natalité. Votre rapporteure ne peut que noter à ce sujet la chute particulièrement spectaculaire des naissances dont l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a fait état ([63]), à savoir 13 % de naissances de moins en janvier 2021 par rapport à janvier 2020. Si le début de la pandémie de covid-19 et de la mise en place de fortes restrictions administratives n’est pas étranger à cette chute et peut avoir entraîné un report des projets d’enfants de l’ordre de quelques mois, votre rapporteure estime qu’il faudra suivre de près les évolutions de la natalité pour en dégager la tendance structurelle, qui est à la baisse depuis déjà plusieurs années.

  1. Des effets paradoxaux et nuancés sur le retour des femmes à l’emploi

Les effets présentés ci-dessus ont entraîné de manière presque mécanique un retour accru des bénéficiaires de la PreParE à l’emploi, mais ces effets, principalement liés à la diminution de la durée de congé quand un seul des deux membres du couple bénéficie de la prestation, doivent être nuancés. Selon les données de la CNAF exploitées par l’étude de l’OFCE précitée, la réforme a permis d’augmenter substantiellement le revenu d’activité des mères, à hauteur de 14 % trois ans après la naissance de l’enfant. Ainsi, « avant la réforme, l’arrivée d’un enfant était associée à une baisse des revenus d’activité des mères de 800 euros l’année des trois ans de l’enfant par rapport à leur niveau deux ans avant la naissance, soit une baisse de 6 % de leurs revenus. Après la réforme, au contraire, les revenus des mères reviennent à leur niveau initial dès la troisième année de l’enfant. Si l’écart avec les pères reste important, il se réduit notablement : avant la réforme, les revenus du travail des pères durant la troisième année de l’enfant représentaient 1,9 fois ceux des mères, sous l’effet de la réforme, ils représentent 1,7 de celui des mères. »

Source : Hélène Périvier, Grégory Verdugo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », OFCE, Policy brief, n° 88, 6 avril 2021.

Ce constat positif en ce qui concerne à la fois les revenus disponibles des bénéficiaires de la PreParE et leur insertion professionnelle doit toutefois être nuancé par une augmentation du taux de chômage des mères d’enfants de moins de 3 ans. Selon des données congruentes du HCFEA, de l’OFCE et de l’UNAF, recueillies par votre rapporteure au cours de ses auditions, le taux de chômage de cette catégorie de population a augmenté de 40 % entre 2014 et 2018, atteignant un taux de 14 %, bien supérieur à celui de la population active.

  1. Une économie en dépenses plus importante qu’anticipé

La baisse du nombre de bénéficiaires, plus rapide que cela n’avait été anticipé au moment de la loi de 2014, a entraîné des économies supplémentaires pour la branche famille. Selon le rapport de l’IGAS précité, celles-ci sont estimées à 600 millions d’euros par an, indépendamment des effets de report sur d’autres prestations non contributives. Le « gain net », comprenant le report du public cible vers d’autres prestations versées par l’assurance chômage ou les prestations de solidarité, nuance là encore nécessairement ce constat à l’échelle des finances sociales.

Votre rapporteure estime par ailleurs que les effets sur l’évolution de la natalité doivent encore être évalués. S’il n’existe pas d’effet mécanique entre l’évolution des prestations familiales et cette évolution, force est de constater que la décrue de l’indice conjoncturel de fécondité qui était, en 2014, de 2 enfants par femme, s’établit en 2018 à 1,87, soit une chute de 6,5 % ([64]). La rapporteure fait sien le constat récent du hautcommissaire au plan ([65]), selon lequel « la France a sans doute plus besoin encore que ses voisins d’une démographie dynamique car son modèle social repose, pour beaucoup, sur la solidarité entre les générations. Il est nécessaire pour le préserver de disposer d’une pyramide de la population plus équilibrée. » Les économies relatives aux dépenses de la branche famille doivent donc être évaluées au regard du manque de recettes à long terme que représenterait un décrochage de la natalité.

 

FACILITER LE RECOURS À UN CONGÉ COURT, ÉGALITAIRE ET CORRECTEMENT RÉMUNÉRÉ

 

  1. Des adaptations nécessaires rapidement

Les conditions de recours au congé parental, tout comme, éventuellement, ses conditions d’indemnisation, vont devoir évoluer rapidement pour que la France soit en conformité avec le droit de l’Union européenne. La directive dite des « congés familiaux » ([66]) prévoit, en son article 20, une obligation de transposition au plus tard le 2 août 2022 des mesures qu’elle comporte, à l’exception des dispositions relatives à la rémunération ou l’allocation correspondant aux deux dernières semaines de congé parental.

Or, la condition préalable d’activité, évaluée aujourd’hui à huit trimestres, devra sensiblement évoluer. En effet, selon le point 4 de l’article 5 de la directive, « les États membres peuvent subordonner le droit au congé parental à une période de travail ou à une exigence d’ancienneté qui ne peut dépasser un an ». Cette disposition justifie, a minima, une modification prochaine des conditions encadrant l’éligibilité au congé.

Selon l’UNAF, auditionnée par votre rapporteure, le niveau d’indemnisation devra également être modifié. En effet, le considérant 31 de la même directive prévoit que « les États membres devraient établir la rémunération ou l’allocation pour la période minimale non transférable du congé parental garantie par la présente directive à un niveau adéquat. Lorsqu’ils fixent le niveau de la rémunération ou de l’allocation prévue pour la période minimale non transférable du congé parental, les États membres devraient tenir compte du fait que la prise du congé parental entraîne souvent une perte de revenu pour la famille et que le parent qui gagne le revenu principal de la famille n’est en mesure d’exercer son droit au congé parental que si ce dernier est suffisamment bien rémunéré pour permettre un niveau de vie décent. »

Bien qu’un considérant ait une portée moins évidente que le dispositif de la directive luimême, votre rapporteure estime également que l’adéquation à la directive suppose une mise en conformité prochaine et donc une évolution de l’indemnisation du congé parental. Pour ce faire, elle estime qu’une telle réforme devrait suivre les points d’horizon, à moyen terme, suivants.

 

  1. Pour une réforme ambitieuse de l’indemnisation du congé parental

La PreParE cumule donc aujourd’hui un échec dans l’un au moins de ses objectifs majeurs et un recours en diminution rapide.

Pourtant, l’intérêt du recours au congé parental, tant pour la santé de la mère que pour la santé de l’enfant, ne sont plus à démontrer. Dans le rapport issu de la commission dite des « 1 000 premiers jours » ([67]), il est ainsi démontré qu’une « littérature scientifique conséquente existe d’une part sur la curiosité cognitive et sociale des bébés dès la naissance et pendant toute la première année et d’autre part sur l’importance de continuité dans les relations sociales et affectives. La sensibilité parentale aux besoins de leur enfant, tant physiques que psychologiques, se construit progressivement et le rôle des proches pour les étapes fondamentales du développement cognitif est aujourd’hui bien connu. »

 

  1. L’Allemagne : une source d’inspiration potentielle

Nombre d’États membres de l’Union européenne ont opté pour un congé plus court, mais mieux rémunéré. À titre d’exemple, l’Allemagne a réformé en profondeur, ces dernières années, l’indemnisation du congé parental, l’Elterngeld.

La réforme de l’indemnisation du congé parental en Allemagne

L’Allemagne a réformé en deux temps, en 2007, puis 2014, l’indemnisation du congé parental. Alors que l’indemnisation était auparavant forfaitaire, d’un montant de 300 euros et versée pendant une durée de vingtquatre mois – soit des conditions très proches de celles qui s’appliquent en France à la PreParE – les principes de l’Elterngeld sont désormais les suivants :

 le champ est ouvert à tous les parents, sous réserve de travailler moins de 30 heures par semaine et de ne pas disposer plus de 500 000 euros de revenus ;

 depuis 2007, le congé court de douze mois après la naissance de l’enfant, avec une indemnisation à hauteur de 65 % du revenu des douze derniers mois. Il existe en outre une majoration pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à un montant de 1 240 euros par mois. Cette allocation ne peut être inférieure à 300 euros ou supérieure à 1 800 euros ;

 une possibilité est offerte aux parents de prolonger cette indemnisation jusqu’à vingtquatre mois après la naissance de l’enfant, mais à un niveau de rémunération deux fois moindre ;

 enfin, cette indemnité est accompagnée d’un droit opposable à un mode de garde, à partir du premier anniversaire de l’enfant, tandis que le taux de couverture en modes de garde formels a progressivement augmenté d’un niveau de 17 % en 2008 à un niveau de 33 % en 2015.

Le taux de recours a sensiblement augmenté parmi les hommes et s’est stabilisé parmi les femmes. Pour les premiers, il a augmenté de 3,3 % en 2006 à plus de 35 % en 2015. Ce constat positif doit toutefois être nuancé par le fait que l’écart de durée moyenne reste important : 13,8 mois pour les femmes tous dispositifs confondus, contre 3,7 mois pour les hommes.

Dans une étude de 2016 ([68]), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a établi trois critères qui ont été réunis pour que la réforme du congé parental soit réussie :

 réserver une fraction du congé parental indemnisé aux pères ;

 s’assurer que le congé parental est bien rémunéré, au moins 50 % du revenu précédent ;

 offrir des possibilités de départ en congé parental flexibles (fractionnement, temps partiel...)

  1. Des évaluations des modalités d’une réforme de l’indemnisation du congé parental ont été menées récemment

Les études récentes, tant de l’IGAS ([69]) que du HCFEA ([70]), prolongent ce constat par des propositions concrètes, sur lesquelles la rapporteure souhaite s’arrêter.

Le rapport de l’IGAS vise plusieurs objectifs relatifs à l’égalité entre les hommes et les femmes, la prise en compte de l’intérêt de l’enfant pendant les premiers mois de sa vie, la lutte contre la segmentation sociale du dispositif, tout en assurant la soutenabilité du dispositif pour les finances publiques. Compte tenu de ces différents critères, il est proposé de mettre en place un congé parental court de huit mois (durée qui peut être allongée en cas de temps partiel) et bien rémunéré, sur une base contributive (comme les indemnités journalières) pour les personnes en emploi ou assimilées, ou sous la forme d’une prestation forfaitaire pour les personnes non éligibles à la prestation contributive (personnes inactives en particulier).

Ce congé devrait être partagé pour atteindre la durée maximale de huit mois. Le coût impondérable de cette réforme serait compensé partiellement par un moindre recours aux modes de garde pour les enfants de 0 à 1 an et un effet positif sur l’emploi des femmes.

Cette réforme est évaluée par l’IGAS, à partir d’une évaluation faite par la direction générale du Trésor, à un coût net, une fois retranchés les impôts et les cotisations sociales, de 577 millions d’euros, soit un coût comparable à celui de la réforme du congé de paternité. Ce coût tient avant tout d’un effet volume lié à l’augmentation des bénéficiaires plutôt qu’à un effet valeur lié à l’augmentation du montant de la prestation.

Le Gouvernement a engagé à nouveau une mission relative à la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, dont la rapporteure a entendu les deux responsables, Mme Christel Heydemann et M. Julien Damon. Cette mission doit rendre ses conclusions en amont de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. La rapporteure souhaite vivement que les pistes exposées ci-dessus puissent inspirer, le cas échéant, la réforme de l’indemnisation du congé parental.

  1. Une réforme du congé parental devrait en toute hypothèse s’appuyer sur une couverture territoriale renforcée des modes de garde

La rapporteure a été conduite à explorer, au cours de ses auditions, différentes pistes pour améliorer la couverture territoriale en matière de modes de gardes formels, collectifs mais aussi individuels. Si ce sujet n’est pas au cœur de l’évaluation, il est connexe, puisque le raccourcissement du congé parental, même s’il s’accompagne d’une prolongation de l’indemnisation selon un format dégradé par rapport à la première année, suppose d’accompagner les parents d’enfants d’un an vers les modes de garde formels. Ce n’est qu’à cette condition que la réforme pourrait également garantir un retour à l’emploi des jeunes parents – et notamment des jeunes mères. L’UNAF, lors de son audition par la rapporteure, a ainsi insisté sur la nécessité d’accompagner une telle réforme par une garantie renforcée à une place d’accueil de l’enfant à l’issue de ce congé.

Le HCFEA, dans son rapport précité, partage également ce constat et suggère de développer, à droit constant, les modes d’accueil des enfants de deux ans (jardins d’enfants, jardins d’éveil, classes passerelles), date de fin d’indemnisation du congé pour les mères qui le prennent seules.

La rapporteure estime, quant à elle, que les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) tout comme les maisons d’assistantes maternelles (MAM) devraient nécessairement, en cas de raccourcissement du congé parental à un an, développer une politique d’accueil volontariste à destination des enfants qui fêtent leur premier anniversaire. Outre le « plan de rebond » du Gouvernement, que la rapporteure tient à saluer, et qui doit permettre de se rapprocher de l’objectif de création de 30 000 places nettes inscrit dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNAF pour la période 2018-2022, il conviendrait d’encourager des initiatives dont le succès a été prouvé localement, notamment dans la perspective d’accompagner les parents dans la réinsertion professionnelle.

À ce titre, deux exemples ont retenu l’attention de la rapporteure. Le premier, mis en place par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la CAF locale, a permis la mise en place d’une « plateforme » à destination des familles engagées dans des parcours d’insertion professionnelle.

Le dispositif « Fais-moi une place » en Seine-Saint-Denis

Fondée sur l’idée que les familles auraient besoin de places occasionnelles et de courte durée, l’expérimentation a également pu servir à « combler » les places dans des structures d’accueil dont l’occupation était de 56 % en moyenne. Or, la population concernée recourt majoritairement au congé parental ou à des modes de garde informels.

Sur les 600 familles accueillies par le dispositif, 55 % d’entre elles étaient des familles monoparentales, ce qui constitue un taux particulièrement élevé, non seulement au regard de la moyenne nationale, qui demeure autour de 25 %, mais aussi au regard de la jeunesse des enfants concernés, qui n’ont pas plus de 6 ans. Près de la moitié des familles reçues étaient bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), et près de 80 % de ces dernières étaient dans une situation de monoparentalité.

Sur les 284 propositions concrétisées :

 167 (58,80 %) ont bénéficié d’un accueil individuel auprès d’une assistante maternelle agréée ;

 99 (34,86 %) ont bénéficié d’un accueil collectif en EAJE ;

 5 (1,76 %) ont bénéficié d’un accueil en maison d’assistantes maternelles ;

 5 (1,76 %) ont bénéficié d’un accueil en hybridation des modes d’accueil ;

 8 (2,82%) ont bénéficié d’un accueil en garderie éphémère et relais parental.

L’expérimentation a notamment permis de faire apparaître une faible interconnaissance des acteurs de l’insertion et ceux de l’accueil de la petite enfance, mais aussi que les familles reçues cumulaient de nombreuses difficultés dans le remplissage des démarches administratives comme l’utilisation des ressources numériques.

Ces constats intuitifs plaident pour une meilleure articulation entre les acteurs de la petite enfance et ceux de l’insertion professionnelle sur le terrain.

Le second dispositif qui a convaincu la rapporteure, et qui ne relève pas de l’expérimentation mais d’un développement continu, bien que trop modeste encore, depuis une vingtaine d’années, est celui des crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP). On compte aujourd’hui 104 crèches AVIP, dans 24 départements, dont 13 en ÎledeFrance, soit 568 berceaux et un taux d’occupation de 50 %. Les personnes qui détiennent ces berceaux sont composées notamment de familles monoparentales dans un démarche d’insertion professionnelle. Ces crèches prennent compte, en outre, des horaires parfois élargis des parents en insertion professionnelle, en étant généralement ouvertes de 7 heures à 19 heures 30.

Or, au cours des années 2019 et 2020, parmi les parents d’enfants accueillis dans ces crèches, 30 % ont bénéficié d’une formation qualifiante et 50 % sont actuellement en insertion professionnelle.

Ces exemples plaident donc pour un développement des modes de garde hybrides, articulés avec l’ensemble des dispositifs d’insertion professionnelle à l’échelle locale, accompagnant une réforme ambitieuse de l’indemnisation du congé parental.

 

 

 

 

 

 


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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

 

La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié le soin à M. Stéphane Viry (groupe Les Républicains) de faire le point sur la mise en œuvre d’une réforme récente mais particulièrement emblématique : celle de l’intermédiation financière du versement des pensions alimentaires.

Mesure très forte de la LFSS 2020 (article 72), présentée souvent comme une des réponses à la crise des « gilets jaunes », cette mesure visait en réalité à prolonger l’initiative engagée en 2016 par la création de l’Agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (ARIPA), qui assurait dans certaines conditions le recouvrement des impayés de pension. Dans le nouveau dispositif retenu en 2020, il s’agissait cette fois non seulement de « guérir » en assurant le recouvrement, le cas échéant forcé, des pensions mais aussi de « prévenir » en permettant la mise en place de l’intermédiation financière avant que l’impayé (éventuel) ne survienne. Le rapporteur a souhaité dresser un premier bilan d’une mesure dont la pleine mise en place ne remonte qu’au 1er janvier 2020, notamment au regard des attentes qu’elle a pu susciter.

Préalablement à l’audition des administrations centrales lors du Printemps social de l’évaluation, le rapporteur a entendu notamment le vice-président du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, une avocate spécialisée, deux associations représentant les familles monoparentales, la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM) et Moi et mes enfants, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) ainsi que les services des caisses d’allocations familiales (CAF)et de la Mutualité sociale agricole (MSA) chargés de cette question dans le département des Vosges et en Lorraine.

  1. Un dispositif nouveau et complémentaire

La réforme introduite par la LFSS 2020 prenait la suite d’un long train de mesures visant à soutenir les familles monoparentales sous différentes majorités, depuis la création en 1970 d’une allocation pour les enfants de mères célibataires, jusqu’à celle de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (GIPA) en 2015. Cette dernière étape se situait à la fois dans un contexte de phénomène massif d’impayés (la mission IGAS-IGF-IGSJ préparatoire à la création de l’ARIPA identifiait un taux d’impayés de 35 %, correspondant à 315 000 créanciers) mais aussi et paradoxalement d’amélioration constante du taux de recouvrement des pensions non versées (+ 19 points entre 2015 et 2018).

Par rapport à cette dernière étape que constituait la GIPA, le dispositif voté en LFSS 2020 ([71]) allait plus loin sur deux principaux aspects :

 le volet « réparation », instauré dès 1984 et renforcé par la GIPA autour du recouvrement des impayés par les caisses d’allocations familiales (CAF), a été complété par un volet « prévention » permettant d’instaurer un mécanisme d’intermédiation financière entre les deux parents a priori comme a posteriori d’un incident. Cette intermédiation financière ne peut être mise en place que sur le fondement d’une pension fixée par le juge ou par une convention ayant force exécutoire ou, à défaut, par accord des deux parents. En cas d’impayé, l’intermédiation organisée par la CAF ou la MSA entraîne automatiquement le versement de l’allocation de soutien familial (ASF) – pour un montant de 116 euros par mois et par enfant ([72]) – au parent créancier et la mise en recouvrement forcé de la pension auprès du parent débiteur ;

 les outils d’information, de recouvrement forcé et de fixation de la pension par la CAF ou la MSA ont été renforcés dans le même mouvement afin de faciliter leur travail d’intermédiation et de récupération des sommes dues ; la mesure permettait notamment le recouvrement des pensions impayées sur les autres prestations versées par la CAF ou la MSA, comme c’était déjà le cas entre plusieurs prestations sociales.

Le dispositif est « opposable » au sens où l’intermédiation ne requiert pas l’accord des deux parents mais il n’est pas « exécutoire » par lui-même au sens où un titre préalable qui prévoit le montant de la pension (mais pas nécessairement l’intermédiation elle-même) est une condition préalable (décision de justice ou accord homologué entre les parents). La demande peut être faite de manière entièrement dématérialisée sur le site www.pension-alimentaire.caf.fr ([73]). De ce point de vue, le rôle des professionnels du droit (magistrats, greffes, avocats, notaires) est décisif puisqu’il leur revient d’informer, dans un délai de sept jours, la CAF ou la MSA de la mise en place du dispositif préventif.

La mesure est entrée en vigueur en deux temps : depuis le 1er octobre 2020, les parents déjà en situation d’impayés peuvent solliciter le dispositif, et le volet « préventif » est lui complètement en vigueur seulement depuis le 1er janvier 2021. Les nouvelles modalités de recouvrement sont quant à elles pleinement applicables depuis le 1er juin 2021.

Deux étapes techniques sont encore en attente : fin 2021, l’automatisation de la revalorisation des pensions alimentaires « intermédiées » – celles-ci sont en effet en principe indexées sur les prix à la consommation – et en 2022, un mécanisme de prélèvement automatique des arriérés pour les débiteurs.

  1. Un double objectif social et familial servi par des moyens très importants

Les objectifs de la réforme étaient doubles : protéger financièrement les familles, d’une part, « apaiser les tensions », d’autre part, comme le rappelle le dossier de presse du Gouvernement publié le 6 janvier 2021.

Pour ce faire, l’étude d’impact initiale indiquait d’importants moyens dégagés.

Pour la mise en œuvre de la réforme, 354 ETP supplémentaires étaient prévus en février 2020 et 100 supplémentaires au 1er septembre 2020, pour un coût évalué alors à 26,5 millions d’euros et à 4,1 millions d’euros pour les systèmes d’information, qu’il conviendrait d’actualiser ; les auditions ont permis de confirmer la mise en œuvre de ces importants moyens humains qui ont tous été recrutés au moment de la parution du présent rapport, malgré les difficultés de recrutement inhérentes à la période de crise sanitaire, avec des candidatures « de très bon niveau » selon M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), ce dont le rapporteur ne peut que se réjouir. Il s’agit en effet de moyens conséquents dont l’UNAF a rappelé lors de son audition qu’ils étaient du même ordre que ceux dédiés à la médiation familiale, sur l’ensemble du territoire (441 en 2019 d’après les annexes au PLFSS 2021). La plupart de ces personnels ont rejoint les vingtquatre « caisses pivots » qui constituent « l’armature » de l’ARIPA ([74]).

La hausse du recours à l’ASF corrélative au mécanisme d’intermédiation devait quant à elle se chiffrer à 15,6 millions d’euros en 2020 avant de monter progressivement en charge jusqu’à 122,5 millions d’euros en 2023, sur la base d’une population cible de 90 000 bénéficiaires. De ce point de vue, ni la direction de la sécurité sociale, ni la CNAF n’ont été en mesure de confirmer une hausse du nombre d’allocataire de l’ASF, directement corrélée à la mesure. Tout au plus, peut-on observer une forte en hausse des bénéficiaires de l’ASF entre fin 2019 (790 000 allocataires) et fin 2020 (840 000), qui peut s’expliquer par bien d’autres paramètres. Même avec des données plus précises, l’ASF ne serait en tout état de cause pas un « thermomètre » suffisant. En effet, toutes les familles qui recourent à l’intermédiation ne sont pas éligibles à cette allocation (soumise à une condition de célibat notamment) et que – heureusement – toutes n’ont pas besoin d’y recourir, une fois l’intermédiation mise en place.

En se plaçant sur le terrain des démarches réalisées plutôt que des prestations versées, les derniers chiffres fournis lors des auditions du Printemps social de l’évaluation montrent que 28 000 demandes ([75]) ont été effectuées entre octobre et avril. Une écrasante majorité de ces demandes (26 000) l’ont d’ailleurs été postérieurement à un incident d’impayés, ce qui montre à la fois l’effet d’entraînement créé par l’annonce de la réforme mais aussi les limites de la logique préventive, à ce stade (cf. le calendrier expliqué supra et les explications possibles du rapporteur infra). 8 000 familles seraient concernées par l’intermédiation en mai. Le rapporteur rappelle qu’avec « seulement » 37 000 familles touchées en 2018, soit à un stade évidemment plus avancé, la GIPA était considérée comme un échec.

Au regard de ces éléments, le rapporteur ne peut qu’appeler à ce qu’une « étude fine » ([76]), pour reprendre les termes du directeur de la sécurité sociale, soit conduite d’ici la fin de l’année, d’une part, et surtout à ce que de vrais objectifs à atteindre soient fixés à un niveau technique et politique pour pouvoir mieux piloter la réforme, tant en termes de bénéficiaires que de hausse du taux de recouvrement ([77]). À titre de comparaison, au Québec, la réforme a permis en un peu plus de vingt ans de relever à 96 % le taux de perception des pensions auprès des débiteurs et à presque 80 % les pensions payées en temps utile. Interpellé sur cette nécessité de se fixer un cap en commission, le directeur général de la CNAF a évoqué lors de son audition un premier palier à 230 000 bénéficiaires à fin 2022 ([78]), sur lequel il faudra que le Parlement exerce bien évidemment toute sa vigilance.

  1. Une bonne réforme au potentiel incertain

Pour le rapporteur, la réforme, inspirée du modèle québécois, est effectivement de nature à augmenter le taux de recouvrement des pensions : le mécanisme de l’intermédiation financière va par construction éviter les non-paiements, en favorisant un paiement régulier, et faciliter l’identification et le traitement des impayés lorsqu’ils surviennent, le tout appuyé sur des moyens conséquents pour appuyer le démarrage de la réforme. Le rapporteur a pu constater la forte mobilisation des équipes dans sa région (MSA, cellule ARIPA) et son département (CAF), dont il ne peut que se féliciter. D’après la CNAF, les agents de l’ARIPA contactent directement 500 à 600 parents dont les dossiers de recouvrement arrivent à échéance pour qu’ils sollicitent l’intermédiation financière.

Toutefois, les premiers résultats chiffrés de la « montée en charge » du dispositif restent encore modestes, et si la mesure fait partie du baromètre de l’action publique (qui fait encore apparaître à la date de publication du présent rapport un chiffre national de 5 903 familles bénéficiaires remontant à mars 2021), on ne sait à quelle cible les comparer. L’étude d’impact initiale n’avait en effet pas précisé l’objectif précis à atteindre en début de période et surtout pas retenu le nombre de familles bénéficiant de l’intermédiation comme critère.

Restent aussi quelques incertitudes que ces premiers mois de mise en place n’ont pas pu lever et qui rendent difficilement envisageable la « fin » des impayés, en l’état.

En tout premier lieu, le degré d’information des parents, qui dépend fortement des mesures de communication qui seront mises en œuvre, reste perfectible ; certaines associations, pourtant spécialisées, interrogées en mai dernier, soit huit mois après le premier amorçage de la réforme, estiment que leurs adhérents ignorent pour beaucoup encore l’existence de ce dispositif. Le rapporteur concède volontiers qu’il s’agit d’un dispositif encore très « neuf ». Toutefois, les campagnes de communication, pourtant conséquentes, engagées notamment depuis le début de l’année n’ont pas nécessairement atteint tous les publics, d’autant que la monoparentalité et les lourdes responsabilités qu’elles impliquent rendent des démarches administratives ou la prise d’information, même simples en apparence, à renoncer aux droits proposés. Il lui paraît donc inévitable, au-delà de l’utile site internet (https://www.pension-alimentaire.caf.fr/) et des démarches très « institutionnelles » ou « grands médias » de prolonger un effort d’information et de communication, condition d’une réforme qui « travaille » les représentations et les mentalités et de davantage l’adapter aux publics visés.

Une autre dimension tout à la fois culturelle, morale et psychologique réside dans la perception de l’intermédiation non comme un apaisement mais comme un signe de défiance envers l’ex-conjoint, qu’ont signalé au rapporteur des responsables de terrain des CAF et de la MSA. Cette approche – orthogonale avec la façon dont se présente la mesure – peut ainsi être un frein important à son développement. Sans nécessairement disposer d’une solution toute faite sur ce sujet complexe, et par ailleurs bien identifié par la DSS comme par la CNAF, le rapporteur estime que seule une « normalisation » pourrait permettre de dépasser cette réticence compréhensible. Si la piste d’une obligation de recourir à ce système avait été judicieusement écartée dans un premier temps, les moyens d’une « automatisation » ou une facilitation de sa mise en œuvre doivent être pensés à plus long terme. Les retours d’expérience devraient se multiplier dans les mois à venir et nourrir une amélioration continue du dispositif. Pour rappel, au Québec, l’intermédiation est obligatoire, sauf si les parents y renoncent d’un commun accord pour s’accorder entre eux, ce qui inverse le principe et l’exception par rapport à la situation retenue en France.

Autre difficulté identifiée, l’appropriation par les professionnels du droit reste décisive dans la réussite de la réforme. La clef d’une véritable logique préventive, comme l’ont d’ailleurs confirmé le directeur général de la CNAF et le directeur de la sécurité sociale, réside dans des intermédiations fixées « à froid » (M. Vincent Mazauric, CNAF) au moment de la séparation et donc devant les tribunaux. Or, la CNAF et la direction de la sécurité sociale (DSS) ont confirmé lors du Printemps social de l’évaluation une mobilisation encore limitée du monde judiciaire, qui n’appréhende pas encore totalement l’existence et les contours de ce dispositif : 90 % des juridictions ([79]) ont ouvert leur compte sur le portail dédié ouvert en janvier mais seules 220 demandes ([80]) sur les 28 000 précitées sont d’origine judiciaire et seuls 200 avocats ont ouvert leur compte ([81]). Fort d’une expérience prometteuse menée notamment par la CAF des Vosges, le rapporteur relève, parmi de nombreuses pistes d’amélioration possibles, que l’identification d’un magistrat référent au sein du tribunal judiciaire ([82]) sur ce sujet des pensions alimentaires est de nature à sensibiliser l’ensemble de la communauté professionnelle à cette mesure et à mieux diffuser les bonnes pratiques.

Comme l’a utilement rappelé au rapporteur M. Michel Villac, vice-président du Haut Conseil à la famille, à l’enfance et à l’âge et fin connaisseur des politiques familiales, pour certaines familles précaires, le recouvrement ne se fait pas toujours au bénéfice du parent allocataire du revenu de solidarité active (RSA) mais plutôt au profit des administrations. Ce résultat paradoxal tient à ce que la pension alimentaire fait partie des revenus pris en compte pour le calcul du RSA, qui augmente lorsque la pension n’est pas versée et diminue lorsqu’elle l’est à nouveau ; ce mécanisme limite d’autant l’intérêt du dispositif alors même qu’il avait été conçu et présenté comme un mécanisme de lutte contre la pauvreté. Cette situation pose bien sûr la question de l’incitation à recourir au dispositif – en supposant que ce mécanisme soit bien compris des acteurs qu’il concerne – mais aussi de possibles « mauvaises surprises » – dans les cas où il ne le serait pas.

Parmi les autres limites identifiées, avec ou sans intermédiation, le recouvrement demeure par construction tributaire de la capacité et de la volonté du débiteur à payer sa pension (insolvabilité, recouvrement difficile à l’étranger...). L’intermédiation financière, même si elle a été accompagnée de moyens renforcés en matière de recouvrement, n’est pas de nature par elle-même à résoudre ces difficultés de paiement – subies ou parfois organisées par un parent indélicat. Le rapporteur n’a pas pu, compte tenu du caractère récent de ces mesures, évaluer les progrès du recouvrement des pensions, liés directement à la réforme. Cette question appellera probablement un nouveau point d’étape une fois que celle-ci aura atteint sa « vitesse de croisière », et devrait même être inscrite comme un des instruments à mettre au « tableau de bord » de la réforme. Pire, le directeur général de la CNAF a semblé décrire en audition un possible sentiment renforcé d’« aléa moral » pour ces mauvais payeurs dès lors que l’ASF serait versée automatiquement, ce qui appelle à « frapper plus fort » avec l’intermédiation financière qu’auparavant, en vue de dissuader d’adopter de tels raisonnements. La capacité à saisir les autres prestations versées par les CAF pour ces « mauvais payeurs » constitue un élargissement utile de la panoplie de réponses disponibles mais le rapporteur n’est pas convaincu que cela suffise.

Enfin, sur un plan plus structurel, le modèle québécois, mis en place en 1995, repose sur beaucoup d’accompagnement des familles et des enfants au moment de la séparation, d’une part, et une procédure moins judiciarisée de fixation de la pension alimentaire qu’en France, d’autre part. Outre son caractère obligatoire qui en fait plus facilement la norme, l’intermédiation est donc là-bas l’un des nombreux dispositifs au sein d’un accompagnement plus approfondi. Le « parcours séparation » ([83]) développé par la CNAF n’emboîte que timidement les pas de cette démarche, sous la forme d’une expérimentation.

Au Québec, l’intermédiation est aussi plus facile à mettre en œuvre car l’organisme peut assurer la fixation de la pension lorsqu’il n’y en a pas, et mettre en œuvre « dans la foulée » l’intermédiation et, si besoin, le recouvrement.

Aussi, la duplication du dispositif sans ces « fondamentaux » – obligation, accompagnement, autonomie des caisses – interroge. Interrogées sur la philosophie même et du cadre institutionnel dans lequel s’inscrit cette mesure, la DSS comme la CNAF ont concédé que la réforme engagée n’avait pas entendu reproduire totalement et à l’identique le modèle québécois et qu’un modèle propre à la France était en train d’émerger progressivement.

Pour le rapporteur, cette réflexion doit aller bien au-delà des annonces gouvernementales, souvent sans lien avec les proportions réelles qu’a pu prendre et que prendra peut-être la mesure dans les années qui viennent, pour donner au mécanisme toute sa cohérence et son efficacité.

Aussi, pour lui, les évolutions qu’induit l’application de l’article 72 de la LFSS 2020 ne constituent pas une « révolution » mais apportent d’utiles pierres à un édifice qui reste encore à bâtir autour des fragilités liées à la monoparentalité, fragilités dont les pensions alimentaires ne constituent d’ailleurs qu’un des nombreux aspects.

 


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   Travaux de la commission

1.   Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18 heures

Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes, à l’affiliation et à l’équilibre général de la sécurité sociale réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Amélie Verdier, directrice du budget, et M. Yann-Gaël Amghar, directeur général d’Urssaf Caisse nationale ([84]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Le Printemps social de l’évaluation a été expérimenté pour la première fois en 2019. Cette démarche a été enrichie l’an dernier et le bureau de notre commission a décidé de poursuivre en ce sens. Le format demeure similaire mais nous commençons cette année nos travaux en mai, selon un calendrier qui correspond ainsi davantage à son titre printanier.

Le Printemps social de l’évaluation a cette année vocation à trouver un aboutissement en séance publique, et c’est une première, dans le cadre d’un débat conjoint avec la commission des finances durant la semaine du 14 juin.

Depuis 2020, le rapporteur général et les coprésidents de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ont proposé d’aménager les modalités de ce Printemps social dans le cadre d’un recentrage des activités de la MECSS sur la raison d’être de sa création : évaluer et contrôler l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Plusieurs collègues membres de la MECSS se sont donc consacrés à l’évaluation de certaines dispositions des lois de financement des années précédentes.

Nous aborderons successivement ces évaluations au cours de trois séances tout en les intégrant dans un ensemble thématique plus large : celui de l’équilibre général et des recettes cet après-midi, celui de l’offre de soins demain matin et enfin celui de l’autonomie et de la famille demain après-midi. Je remercie l’ensemble des rapporteurs et les administrations qui ont répondu à nos questions et travaillé avec nos collègues.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je me réjouis de la présence de la direction de la sécurité sociale, de la direction du budget et de l’Urssaf Caisse nationale, nouvelle dénomination de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour évoquer les enjeux du financement de la sécurité sociale. Nous ne dirons jamais assez combien ce sujet essentiel conditionne l’ensemble des ambitions que nous pouvons avoir dans les différentes politiques de sécurité sociale.

En ce qui concerne la situation financière de la sécurité sociale, le déficit 2020 a été moins élevé que prévu et c’est une bonne nouvelle. La direction de la sécurité sociale et la direction du budget pourront peut-être nous rappeler ce qui explique cette relativement bonne surprise. Elle semble tirée essentiellement par les recettes.

Je souhaite vous interroger principalement sur deux points assez différents. Le premier est un point d’actualité : comment expliquez-vous le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche recouvrement dans un rapport publié la semaine dernière ? Quelle est la tendance en matière de recettes pour l’année 2021 alors que les prévisions de croissance ont été révisées ? Sachant que les cotisations et autres prélèvements sociaux sont particulièrement sensibles à la masse salariale, devons-nous craindre de mauvaises surprises ou en espérer de bonnes ? Quel sera l’effet du maintien partiel des mesures d’accompagnement sur les recettes de la sécurité sociale ?

En prolongeant cette interrogation à plus long terme ce qui constitue un exercice plus difficile, à quel horizon voyez-vous une perspective de retour à l’équilibre des comptes sociaux ? Nous n’en étions pas si loin avant la crise, notamment au regard des dernières prévisions présentées dans le programme de stabilité.

Les mesures de soutien aux entreprises ayant un impact sur les prélèvements sociaux ont été mises en œuvre dès le début de la crise avec une grande efficacité comme nous l’avions évoqué lors de la précédente édition du Printemps social. Elles ont été continûment adaptées, complétées et renforcées en 2020 et 2021. Où en sommes-nous en ce qui concerne le report de cotisations, l’exonération et les aides au paiement dans les secteurs les plus touchés ainsi que les effets du chômage partiel sur les cotisations sociales ? De quelle façon pouvons-nous envisager une sortie en douceur de ces dispositifs ?

S’agissant des grandes mesures adoptées en recettes l’année dernière, je souhaite faire un point plus précis avec vous sur la taxe sur les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM), sur laquelle je m’étais engagé à revenir cette année. Avez-vous des éléments permettant de confirmer que la marge retenue était suffisante pour éviter de fragiliser la situation financière des OCAM en 2021 tout en respectant l’objectif de participation équitable de l’ensemble des acteurs de la protection sociale à l’effort collectif ? Sinon, faudra-t-il y revenir lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Cette contribution exceptionnelle s’est-elle traduite par une augmentation des primes à la charge des assurés ?

Enfin, cette fin de législature est propice à dresser le bilan de l’exercice « loi de financement de la sécurité sociale » (LFSS), de ses forces – comme rapporteur général, j’en vois beaucoup – et de ses faiblesses. Il existe des faiblesses mais je suis intimement persuadé que nous pourrons les corriger. J’ai moi-même fait une proposition de révision de la loi organique relative aux LFSS qui permettrait d’avancer sur des sujets maintes fois identifiés comme perfectibles : l’amélioration du calendrier d’examen, l’extension de l’information disponible à la fois sur le champ actuel des régimes obligatoires et sur des périmètres plus larges, le renforcement d’un cycle d’évaluation au premier semestre, la clarification des rôles respectifs de la LFSS et des autres textes sur les niches sociales... Vous avez probablement eu l’occasion de prendre connaissance de cette proposition de révision depuis son dépôt et je souhaite connaître votre réaction technique, éventuellement en lien avec l’initiative parallèle conduite par le président Woerth et mon homologue Laurent Saint-Martin sur les lois de finances ou avec les travaux très riches et assez concourants conduits sur ces sujets dans différents cénacles tels que le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), la Cour des comptes, la commission des affaires sociales du Sénat et d’autres.

Mme Annie Vidal, co-présidente de la MECSS. La tenue de cette troisième édition du Printemps social de l’évaluation montre que celui-ci est désormais bien installé dans notre programme de travail et est devenu un rendez-vous incontournable de nos activités de contrôle et d’évaluation. Ce Printemps se tient cette année dans un calendrier plus conforme à son titre ce qui permettra de donner à nos travaux un prolongement en séance publique au cours de la semaine du contrôle du 14 juin, dans le cadre d’un débat commun avec la commission de finances sur nos printemps de l’évaluation respectifs. Je rappelle que, depuis juin 2019, le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit très précisément dans son article 146-1-1 la possibilité d’organiser une semaine de séance prioritairement consacrée au contrôle de l’exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Comme l’année dernière, la MECSS a préparé en amont ce Printemps social de l’évaluation en étroite concertation avec le rapporteur général, en retenant dès le début de cette année plusieurs articles des LFSS pouvant faire l’objet de travaux d’évaluation. Sept articles des dernières LFSS ont ainsi été retenus et confiés à des rapporteurs.

Ce rendez-vous constitue l’occasion d’exercer le cœur de mission de la MECSS : le contrôle et l’évaluation des lois de financement. Ces travaux doivent permettre d’identifier les difficultés ou les retards dans la mise en œuvre des dispositions que nous votons, de mesurer précisément leur efficacité, leurs conséquences et, le cas échéant, leur coût qui n’est pas toujours bien estimé à l’origine ainsi que de formuler des propositions pour alimenter nos débats lors des prochaines lois de financement.

Comme l’an dernier, les rapporteurs de la MECSS ont auditionné différents acteurs et parties prenantes concernés par les articles choisis. Ils vous présenteront leurs premières conclusions et interrogeront les administrations présentes aujourd’hui et demain sur les enjeux et difficultés qu’ils ont identifiés lors de leurs travaux. Je vous remercie, mesdames et messieurs les directeurs, de vous présenter aujourd’hui devant nous.

Ces différentes évaluations viennent s’inscrire dans les trois thématiques du Printemps social de l’évaluation. S’agissant du financement de la sécurité sociale, le rapporteur général présentera une évaluation de l’article 23 sur le régime social des artistes‑auteurs. Demain matin, dans le cadre de la table ronde consacrée à l’offre de soins, les rapporteurs de la MECSS vous présenteront leurs travaux sur la vaccination obligatoire des enfants, sur les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé et sur le suivi du reste à charge zéro pour les soins dentaires, les aides auditives et l’optique. Enfin, demain après-midi, lors de la table ronde consacrée à l’autonomie et à la famille seront présentées les conclusions des évaluations menées sur la revalorisation prévue par la LFSS 2021 du salaire des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées, sur le congé parental et sur l’intermédiation financière pour les pensions alimentaires.

En sus de ces études précises sur des articles de LFSS, la MECSS a souhaité enrichir ses activités de contrôle en procédant à un recensement des rapports demandés au Gouvernement dans le cadre des LFSS, afin de s’assurer que ces rapports sont remis au Parlement dans les délais prévus et d’identifier le cas échéant ceux qui n’auraient pas été transmis. Nous avons donc décompté les rapports demandés dans le cadre des quatre dernières lois de financement de la sécurité sociale. Ils sont au nombre d’une dizaine par an, soit un total de quarante‑deux rapports demandés. Le délai de remise n’est pas encore passé pour plus de la moitié d’entre eux – vingt‑six –, soit parce que la date fixée se situe après mai 2021, soit parce qu’il s’agit de rapports portant sur des mesures expérimentales encore en cours.

Pour les seize rapports restants, seuls six ont été reçus. Dix n’ont pas encore été remis et nous pouvons penser que certains ne le seront pas du tout. C’est le cas du rapport sur les dépenses d’indemnités journalières, qui devait être déposé en juin 2018. C’est aussi le cas des rapports qui étaient prévus en juin 2019 sur les fraudes patronales aux cotisations sociales et sur les conséquences de la réforme du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu.

D’autres rapports, qui devaient être remis en 2020 ou au début de l’année 2021, pourraient l’être avec retard puisque nous pouvons penser que la crise sanitaire a eu un impact sur les travaux menés. Ainsi, le rapport sur le financement des hôpitaux en outre-mer et en Corse était prévu en janvier 2021. Le rapport sur les dépenses d’assurance maladie ayant trait aux remboursements de dispositifs médicaux devait être rendu en juin 2020, le rapport sur l’utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) en septembre 2020.

Avec moins de la moitié des rapports demandés effectivement reçus, ce premier bilan plaide en tout cas en faveur d’un meilleur respect par le Gouvernement des demandes de rapport pour le Parlement.

Par ailleurs, ce travail a permis de constater que les commissaires aux affaires sociales ne sont pas nécessairement informés de la remise au Parlement des rapports demandés dans le cadre des lois qu’ils votent. Ils n’ont pas forcément accès à ces rapports. En termes d’organisation interne, il me semblerait utile d’améliorer le suivi et l’information des députés sur les rapports qu’ils demandent.

J’ajoute que la MECSS a également souhaité assurer un suivi sur la mise en œuvre des propositions qu’elle a formulées depuis le début de la législature, qu’il s’agisse de ses travaux sur la démarche qualité dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sur la politique d’achat des hôpitaux, sur le dossier médical partagé ou sur la chirurgie ambulatoire. Je remercie les administrations concernées de nous avoir fait parvenir des éléments de réponse sur ces sujets mais ceux-ci nous sont arrivés trop tard et il nous en manque encore. Nous ne pourrons donc pas dresser ce bilan dans le cadre de ce Printemps de l’évaluation. Nous y reviendrons plus tard, le suivi des propositions faites dans le cadre des travaux de la MECSS me semblant essentiel pour que ces travaux ne restent pas lettre morte.

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. Le rapporteur général a qualifié de relativement bonne surprise la situation financière de la sécurité sociale en 2020. C’est une bonne surprise par rapport à la LFSS puisque, en effet, nous avons eu davantage de recettes et que la croissance 2020 a été supérieure à celle retenue en septembre lors de la préparation du texte. En dépit d’une amélioration d’environ 10 milliards d’euros par rapport à la LFSS, cela reste historiquement, avec 38 milliards d’euros, le pire déficit de la sécurité sociale, et très loin.

Ce déficit de 38,7 milliards d’euros s’explique par les pertes de recettes liées à la crise pour une trentaine de milliards d’euros et par un dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 14 milliards d’euros.

Votre deuxième question portait sur le refus de certification de la Cour des comptes pour les comptes de la branche recouvrement. Ce refus de certification a fait l’objet de nombreux échanges entre la Cour des comptes, la direction de la sécurité sociale et l’ACOSS. Nous avons une divergence d’appréciation. Il s’agit pour l’essentiel de savoir comment comptabiliser les cotisations qui n’ont pas été payées par les travailleurs indépendants en 2020.

Le Gouvernement a en effet fait le choix en 2020 d’abattre les cotisations des travailleurs indépendants. Elles n’ont pas été prélevées durant le premier confinement et, à partir de l’été, il a été décidé d’abaisser les cotisations de 50 %. Si nous ne l’avions pas fait, les cotisations non payées pendant le premier confinement auraient dû être payées à la fin de l’année par les travailleurs indépendants. Ils auraient dû payer en quatre ou cinq mois tout ce qu’ils n’avaient pas payé pendant le premier confinement. Ils auraient donc payé des cotisations bien supérieures à d’habitude puisque ce sont des cotisations mensuelles, payées tout au long de l’année et faisant l’objet d’une régularisation l’année suivante au moment de la déclaration de revenus.

Nous avons décidé que ces cotisations seraient uniquement de 50 %. La divergence avec la Cour des comptes provient de ce qu’elle a considéré qu’il aurait fallu passer les produits à recevoir dans les comptes de l’ACOSS au titre des cotisations non appelées. Nous n’avons pas voulu le faire parce que nous n’avons pas la visibilité sur les revenus des travailleurs indépendants en 2020. Ceux-ci les déclarent encore actuellement, jusqu’au mois de juin. Ce n’est qu’à l’issue de ces déclarations que nous connaîtrons réellement ces revenus. Nous avons donc préféré appliquer un principe de prudence, comme nous le faisons toujours dans ce cas, et considérer que les cotisations qui seront à payer à partir de 2021 seront rattachées à l’année 2021, au moment des régularisations. Nous avons ainsi appliqué la règle habituelle. La Cour des comptes avait une divergence sur ce point.

S’agissant de la tendance en matière de recettes, nous verrons dans la LFSS quelles seront les hypothèses du Gouvernement sur la croissance et les recettes. Il se produit un effet base du fait que les recettes 2020 ont été supérieures à ce qui était attendu dans la LFSS. Nous devrions donc avoir plutôt de bonnes surprises sur les recettes mais, par ailleurs, nous avons des dépenses supplémentaires sur l’ONDAM.

Il existait une provision pour l’ONDAM dans le budget 2021, provision qui est revue à la hausse. Il est donc encore trop tôt pour dire quel sera l’effet cumulé de ces différentes tendances sur les comptes 2021. Ce sera présenté lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale dans les prochaines semaines.

Les mesures d’accompagnement et d’exonération n’ont pas d’effet sur les recettes de la sécurité sociale puisqu’elles sont compensées par l’État à la sécurité sociale. Début mai, ces déclarations d’exonérations et d’aides au paiement pour les employeurs représentent 5,2 milliards d’euros. Ces 5,2 milliards d’euros d’aides et d’exonérations bénéficient aux employeurs et sont compensés par l’État à la sécurité sociale. 40 % de ces aides concernent des entreprises ayant moins de dix salariés ou relevant des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. Ce sont donc des aides très ciblées sur les entreprises qui en avaient le plus besoin.

Par ailleurs, il existe des exonérations pour les travailleurs indépendants mais, comme je le disais, nous ne connaissons pas encore les chiffres puisque nous n’avons pas les déclarations de revenus des travailleurs indépendants. Ces chiffres seront arrêtés dans les prochaines semaines ou cet été.

La contribution des OCAM se montait à 1 milliard d’euros en 2020 et 500 millions d’euros en 2021. Cette contribution de 1,5 milliard d’euros avait été ajustée de manière à être inférieure à ce que nous considérions comme la sous-exécution des dépenses de ces organismes complémentaires, que nous estimions à 2 milliards d’euros. Selon nos dernières estimations, cette sous-exécution des dépenses des complémentaires est même plus élevée, probablement plus proche de 2,5 milliards que de 2 milliards d’euros. Toutefois, nous ne disposons pas des comptes des complémentaires. Cette somme est ce que nous estimons sur la base du panier de soins remboursés par l’assurance maladie. Les organismes complémentaires ont par ailleurs d’autres dépenses que nous ne connaissons pas : des frais de gestion, les chambres particulières...

Les comptes des complémentaires ne seront connus que cet été ou en septembre. Nous considérons en tout cas que les marges apparues l’année dernière sont largement confirmées et que des augmentations de prime des complémentaires au titre de cette contribution ne seraient pas justifiées. Je crois d’ailleurs qu’aucun organisme complémentaire n’a annoncé avoir opéré des hausses de cotisation du fait de cette contribution. Ce chiffre de 2 milliards d’euros, sans doute même un peu plus, n’est pas discuté par les organismes complémentaires.

Enfin, les mesures figurant dans la proposition de loi organique que vous portez, monsieur le rapporteur, s’inscrivent effectivement dans les mesures portées par la sphère sociale, notamment par le HCFiPS et par la Cour des comptes. Elles nous semblent aller vraiment dans le bon sens, à la fois sur l’information du Parlement, sur le calendrier et sur l’évaluation.

Madame la co-présidente, nous entendons bien votre interpellation sur les rapports. Il est vrai que l’année 2020 a été chahutée. Nous faisons le maximum pour reprendre un rythme plus normal. Certains des rapports que vous avez cités ne relèvent pas de la direction de la sécurité sociale mais nous faisons le maximum pour ceux qui en relèvent, comme celui sur le RNCPS, qui sera bien remis cet été.

Mme Amélie Verdier, directrice du budget. Nous enregistrons en 2020 un déficit que je n’ose qualifier de « meilleur que prévu » mais plutôt de « moins mauvais ». L’activité économique n’a finalement reculé que de 8,3 % du produit intérieur brut (PIB) alors que nous avions craint pire. C’est une bonne chose et, peut-être aussi, une illustration de la prudence qui a toujours été la nôtre au milieu d’une crise qui reste marquée par beaucoup d’incertitudes. La situation de 2021 reste assez incertaine.

Franck Von Lennep a donné les grands éléments et souligné le fait que le déficit constaté en 2020 est moins élevé que prévu du fait des recettes. En revanche, pour ce qui est des dépenses, nous avons des surcoûts liés à la crise, de l’ordre de 13,5 milliards d’euros sur l’ONDAM. Je souligne devant votre commission que l’État a pris sa part, c’est‑à‑dire l’essentiel du coût de la crise et des mesures discrétionnaires mises en place pour y faire face. Chacun a pris sa perte sur le rendement des recettes et l’État a supporté une très large part des dépenses d’urgence. Je crois que la Cour des comptes devrait très prochainement confirmer notre estimation ou la préciser : l’État a pris en charge environ les deux tiers du coût des dépenses d’urgence et de soutien. Il a notamment pris en charge la compensation des exonérations et aides au paiement des charges sociales instaurées durant la crise sanitaire.

Nous sommes dans un environnement complètement inédit. Nous avons quasiment doublé le déficit de l’État par rapport à l’estimation de la loi de finances initiale en passant de 93 milliards à 178 milliards d’euros exécutés.

L’effet de l’effondrement du PIB devrait, nous l’espérons, être rattrapé rapidement. Nous serons attentifs en 2021 et pour la suite de la trajectoire à mettre en exergue ce qui est l’effet de la crise et ce qui provient de décisions de dépenses pérennes. Certaines dépenses concernent l’État et d’autres la sécurité sociale, notamment avec les accords du Ségur de la santé. Ces derniers éléments montent en puissance.

Je n’ai pas d’information supplémentaire sur 2021. Nous n’avons pas de raison d’être inquiets par rapport à la dernière prévision de croissance du Gouvernement, revue à 5 % au lieu des 6 % initialement envisagés pour tenir compte du troisième confinement. Comme l’a indiqué le directeur de la sécurité sociale, nous vérifions actuellement ce qu’il en sera mais nous n’avons pas d’inquiétude particulière compte tenu des encaissements de recettes, notamment les encaissements de taxe sur la valeur ajoutée que nous assurons avant de les reverser à la sécurité sociale.

Vous nous avez interpellés, monsieur le rapporteur général, sur l’horizon de la trajectoire d’ensemble. Le programme de stabilité est construit sur l’ensemble des finances publiques et sur l’objectif d’un retour à un niveau permettant de stabiliser la dette publique. Je souhaite insister sur le fait que les 3 % ne sont pas un chiffre qui nous obséderait en lui-même à Bercy. Ce qui a un sens économique est le point à partir duquel nous parvenons à infléchir le poids de la dette dans le PIB.

La stratégie proposée repose sur une maîtrise – déjà abondamment commentée – de l’évolution des dépenses publiques autour de 0,7 % en moyenne par an, en volume c’est‑à‑dire en neutralisant l’effet de l’inflation sur la période pluriannuelle. Pour fixer les idées, la croissance avait été de l’ordre de 1 % sur la période 2013-2017 et nous sommes donc sur un niveau un peu inférieur. C’est un effort et nous ne le présentons pas autrement.

J’insiste sur le fait que c’est une évolution moyenne, certains pans de la dépense publique allant plus vite que cette moyenne et d’autres moins vite. Dans le champ de la sécurité sociale, il faut souligner la dynamique des dépenses de retraite, tout simplement du fait d’un effet démographique et de la progression du nombre de retraités. Dans ce même champ de la sécurité sociale, les dépenses de gestion administrative des caisses de sécurité sociale par exemple sont moins dynamiques. Les assiettes ne sont évidemment pas les mêmes mais je veux bien montrer que cette affirmation d’une trajectoire moyenne ne signifie pas appliquer la même trajectoire à tout le monde. Il s’agit simplement d’un cap clair et c’est l’esprit dans lequel nous souhaitons appréhender les propositions faites par le rapporteur général et par la commission des finances.

Nous ne pouvons pas dire à partir de quand ce sera appliqué puisque la crise n’est pas encore derrière nous, même si nous commençons à en voir le bout. Vous avez examiné récemment le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Il nous donne un cap pour la sortie d’un certain nombre de mesures de soutien. Cette sortie aura lieu de manière progressive pour l’ensemble des secteurs suivis et, dès que nous le pourrons, nous souhaitons avoir un pilotage pluriannuel d’ensemble qui explicite la stratégie.

J’ajoute, comme vous nous y avez invités, quelques réactions un peu techniques sur votre proposition de loi organique. Je souligne d’abord tout ce qui nous semble aller dans le bon sens. L’alignement des dates de dépôt des deux textes nous semble parachever un mouvement déjà largement entamé les années précédentes, en donnant une grande cohérence sur les hypothèses prises, sur les flux financiers entre l’État et la sécurité sociale. Nous approuvons le fait d’avoir une différenciation plus forte des LFSS selon leur objet : loi de financement initiale, rectificative lorsque c’est nécessaire en cours d’année ou d’approbation à l’image de ce qui se fait pour l’État. Le Printemps social de l’évaluation illustre l’intérêt de prévoir un moment où nous revenons sur les comptes. Le renforcement de la présentation de trajectoires pluriannuelles en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale nous paraît également aller dans le bon sens. L’introduction du « compteur des écarts » permet de confronter une programmation à la réalité de son avancement. Cela nous paraît également porteur de sens et permet de décliner sur le champ social l’une des recommandations faites par la commission sur l’avenir des finances publiques, dite « commission Arthuis ». C’est bien dans la durée et en programmant les efforts que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats. L’introduction d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale permettrait aussi de revenir sur l’atteinte des objectifs fixés aux politiques publiques.

M. Yann-Gaël Amghar, directeur général d’Urssaf Caisse nationale. En ce qui concerne les tendances en matière de prélèvements, les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) disposent de deux capteurs avancés de la conjoncture : les montants déclarés et, surtout depuis la crise, les montants des cotisations de chaque échéance mensuelle qui ne sont pas payés, reportés par les employeurs.

Ce que nous constatons confirme le relatif optimisme du directeur de la sécurité sociale. Les restrictions sanitaires liées aux deuxième et troisième vagues ne sont absolument comparables à celles de la première vague en termes d’impact, que ce soit sur les montants déclarés ou sur les reports. L’assiette des cotisations sociales a beaucoup mieux résisté lors des deuxième et troisième vagues. Alors que, en avril 2020, 36 % des cotisations avaient été reportées par environ 46 % des établissements, moins de 4 % de cotisations ont été reportées en avril 2021 et cela concerne 15 % des établissements. L’impact des restrictions mises en place lors de la troisième vague est donc bien plus faible et plus concentré sur de très petites entreprises.

S’agissant de la position de la Cour des comptes sur nos comptes, je précise d’abord qu’il ne s’agit pas techniquement d’un refus de certifier mais d’une impossibilité de certifier. Le refus de certifier aurait signifié que la Cour des comptes considérait qu’il existait des défaillances dans le contrôle interne et dans la maîtrise des risques qui pouvaient affecter la sincérité des risques et leur capacité à donner une image fiable de la situation comptable de la sécurité sociale. L’impossibilité de certifier traduit par contre un niveau d’incertitude élevé, l’incertitude n’étant pas imputable aux mesures prises par les Urssaf mais au contexte économique.

Ainsi, nous provisionnons chaque année des pertes au titre des créances apparues au cours de l’année. Nous le faisons classiquement sur les constats statistiques de non‑recouvrement des créances nées au cours de l’année. Cette hypothèse historique n’était absolument pas applicable au montant des reports de cotisations apparus au cours de l’année 2020 et nous avons donc, de manière partagée avec la Cour des comptes, retenu des hypothèses différentes. La Cour des comptes considère qu’il existe des incertitudes pour savoir si, effectivement, les cotisations reportées en 2020 ne seront pas recouvrées à la hauteur que nous estimons. Il existe évidemment une incertitude et elle est intrinsèque au contexte exceptionnel que nous avons connu.

Concernant le point particulier des travailleurs indépendants évoqué par le directeur de la sécurité sociale, la Cour des comptes aurait souhaité que nous inscrivions dans nos comptes un produit à recevoir lié au fait que les cotisations pour 2020 des travailleurs indépendants, telles qu’elles seront connues après leurs déclarations, ne seront pas nécessairement égales à 50 % de leur valeur en 2019 et donc ne seront pas égales à ce qui a été appelé. Elle aurait aussi voulu que nous appliquions à ce produit à recevoir une dépréciation tenant compte des difficultés de paiement des indépendants.

Nous n’avons jamais procédé ainsi. En accord avec les normes comptables rendues par le Conseil de normalisation des comptes publics, il est acquis de n’inscrire chaque année dans les comptes que les montants certains, c’est-à-dire les montants appelés. Ce qui résulte l’année suivante de la régularisation se retrouve dans l’exercice suivant. Ce point a été acquis au cours de travaux qui ont montré que retenir les régularisations, très variables car très tributaires de l’évolution des revenus des indépendants, aurait créé davantage d’incertitudes dans les comptes. Cela est encore plus vrai pour une année comme 2020 pour laquelle il n’existe aucun moyen sérieux ni aucune source permettant de connaître ce qu’ont été les revenus des indépendants. Nous les connaîtrons à la fin du mois de juin, lorsque la campagne de déclaration des revenus sera terminée.

La position de la Cour des comptes nous surprend donc car elle nous semble ne respecter ni le principe important de permanence des méthodes comptables, ni le principe de prudence. Elle conduirait à introduire dans nos comptes un produit en dérogation flagrante avec tout ce qui a été fait depuis que les comptes de la sécurité sociale existent, sur des bases absolument impossibles à évaluer, tant sur la nature du produit lui-même que sur les risques de dépréciation du fait des difficultés des indépendants. Si nous avions fait ce choix, il aurait dû être considéré comme très hasardeux par la Cour des comptes. Nous maintenons donc cette divergence de position et nous considérons que notre position est la plus conforme aux principes de permanence et de prudence comptables.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je repasse la parole à notre rapporteur général, qui va présenter l’évaluation de l’article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 sur le régime social des artistes‑auteurs.

M. le rapporteur général. J’ai souhaité dans le cadre des travaux de cette année faire le point sur la réforme du régime social des artistes‑auteurs adoptée en LFSS 2018. Cette réforme venait répondre à deux enjeux : faciliter la cotisation effective des artistes‑auteurs en supprimant la distinction entre affiliés et assujettis : l’ensemble des assurés cotise désormais dès le premier euro de revenu perçu ; fiabiliser les opérations de recouvrement, celles-ci étant auparavant assurées par deux associations agréés par le ministère de la culture, l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et la Maison des artistes (MDA).

Pour des raisons liées notamment aux failles de son système informatique, la première n’a pas pu correctement recouvrer les cotisations des assujettis pour l’assurance vieillesse et ce sont des milliers d’artistes‑auteurs qui n’ont pas pu bénéficier de leurs droits à la retraite. Je dis « des milliers », bien conscient qu’il s’agit d’une approximation mais mes auditions m’ont confirmé qu’il n’a pas été possible de chiffrer précisément le nombre de personnes qui ont pâti de cette situation.

Pensez-vous qu’il soit impossible de recenser précisément cette population ? Le cas échéant, engagez-vous des actions coordonnées entre l’AGESSA, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et l’ACOSS pour identifier les personnes concernées ?

Pour remédier à cette situation, la LFSS 2018 a permis de transférer les opérations de recouvrement vers l’Urssaf Limousin qui était déjà compétente en matière de contentieux. Force est de reconnaître que ce transfert n’a, à ce stade, pas rempli sa mission de simplification et de sécurisation des droits des auteurs.

Les auditions que j’ai menées m’ont amené à identifier deux grands types de dysfonctionnements. Il semble d’abord exister des difficultés techniques, de l’ordre de l’accès des affiliés à leur espace numérique, du taux de réponse de l’Urssaf Limousin ou de compréhension par les auteurs des nouvelles modalités de déclaration. Où en êtes-vous à ce sujet ? Les artistes‑auteurs peuvent-ils aujourd’hui accéder dans de bonnes conditions aux services que leur offre l’Urssaf ?

Une seconde catégorie de dysfonctionnements, plus structurels, concerne la campagne d’appel des cotisations 2020 sur les revenus 2019. Les organisations m’ont sensibilisé à deux difficultés. La première porte sur la campagne elle-même. Où en est-elle ? Si elle n’a pas encore démarré, quand sera-t-elle amenée à débuter ? Il ne faut pas oublier que les cotisations 2020 font l’objet des mesures dérogatoires que nous avons votées et qui ne peuvent pas s’appliquer aux artistes‑auteurs tant que leurs cotisations n’ont pas été appelées. En outre, il semble qu’il demeure des difficultés dans le remboursement du trop-perçu, à la fois dans l’information des artistes‑auteurs sur leur situation et dans la diligence avec laquelle le remboursement est mené. Pouvez-vous nous éclairer sur ces difficultés ? Ce problème est-il en cours de résorption ?

Plus globalement, le décalage des campagnes et ces difficultés dans la transition auront-ils un impact sur les prochaines campagnes ? Quand pouvons-nous attendre une normalisation du recouvrement des cotisations des artistes‑auteurs ?

Ces questions m’amènent à envisager l’avenir du régime social des artistes‑auteurs. Il me semble que le législateur pourrait améliorer l’information des cotisants et la sécurisation de leurs droits sociaux. Je pense en premier lieu aux retraités, souvent précaires, auparavant assujettis à l’AGESSA et qui n’ont pas pu faire valoir leurs droits à la retraite. Une circulaire de 2016 a prévu un dispositif de rachat de leurs trimestres selon des conditions dérogatoires en vertu desquelles ils disposent notamment d’un étalement de cinq ans pour racheter les durées pour lesquelles ils n’ont pas cotisé.

Les informations sont lacunaires mais il semble que seulement quelques centaines de dossiers aient été traités à ce stade par la CNAV de Paris. Pouvez-vous le confirmer et avez‑vous des pistes d’amélioration ? Je pense en particulier à la modulation dans la prise en compte de l’inflation qui peut renchérir exagérément le coût du rachat et au fléchage de l’aide sociale des caisses des artistes‑auteurs vers l’aide au rachat.

La question de l’accès des artistes‑auteurs à leurs droits sociaux se pose de manière plus large. Le caractère aléatoire de leurs revenus comme la proportion conséquente d’entre eux qui sont dans une situation précaire sans cotiser par ailleurs au régime général doit nous faire collectivement réfléchir aux réponses à leur apporter.

Les échanges avec les organismes ont fait émerger la problématique de l’accès qui reste encore limité aux indemnités journalières maladie et maternité, malgré un plancher déjà dérogatoire par rapport aux conditions de droit commun fixé à 900 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Les organisations revendiquent un abaissement de ce seuil à 600 SMIC au motif d’ouvrir des droits fondamentaux à de nouveaux bénéficiaires et dans un souci de lisibilité par rapport au seuil d’ouverture des droits à la retraite, également fixé conformément au droit commun à 600 SMIC. Avez-vous évalué une telle piste ? Savez‑vous combien de nouveaux bénéficiaires cet abaissement pourrait concerner ? Par ailleurs, estimez-vous que le seuil actuel de 900 SMIC demeure justifié au regard de la composition socio-fiscale de la population des artistes‑auteurs ?

Un dernier point plus technique me semble également faire émerger un certain consensus. Les artistes‑auteurs qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires sont précomptés mais n’ont souvent pas accès à ce précompte, parfois faute de sa transmission par les diffuseurs. Il existe certes aujourd’hui au niveau réglementaire une sanction frappant le défaut de transmission des certificats de précompte mais pensez-vous que l’Urssaf puisse être techniquement armée pour délivrer automatiquement les certificats de précompte ?

M. le directeur de la sécurité sociale. Les assurés rencontrent un certain nombre de difficultés techniques avec cette réforme mais il faut se souvenir que la situation antérieure n’était pas satisfaisante. Cette disposition de la LFSS 2018 s’inscrivait dans un constat selon lequel plusieurs milliers de personnes n’acquéraient pas de droits à retraite en l’absence de déclaration et de paiement de cotisation. La qualité de service n’était pas non plus au rendez‑vous.

Ce transfert du recouvrement, qui s’inscrit d’ailleurs dans une politique plus générale de transfert du recouvrement vers l’ACOSS, n’est pas l’unique raison des difficultés rencontrées. Un certain nombre de difficultés qu’ont connues les artistes‑auteurs depuis deux ans s’expliquent par les difficultés de transfert du recouvrement lui-même, en particulier par le transfert de fichiers dont la qualité n’était pas toujours suffisante ou qui posaient des problèmes d’appariement à cause de mauvais identifiants... Nous rencontrons toujours de telles problématiques lors de transferts mais nous partions dans ce cas d’une situation déjà fragile. Il faut reconstruire les fichiers et cela prend un peu de temps même si nous entendons bien les difficultés des personnes. Il faut évidemment les résoudre au plus vite.

S’agissant du dispositif de rachat créé en 2016, seules quelques centaines de demandes ont été formulées à ce jour. Faut-il le rendre plus généreux ? Nous essayons lors de la création de dispositifs de rachat, y compris dans d’autres régimes, de faire en sorte que le dispositif soit neutre actuariellement, c’est-à-dire que la cotisation de rachat corresponde bien aux droits supplémentaires qu’elle permet d’acheter. C’est le cas notamment au régime général. Cela n’empêche pas d’une part d’avoir des facilités et des délais de paiement – qui existent déjà aujourd’hui – et d’autre part que le dispositif soit suffisamment souple, connu et lisible.

Vous mentionnez la possibilité d’actions communes entre l’ACOSS, la CNAV et l’AGESSA. Des plans d’action sont effectivement en cours d’instruction pour faciliter l’examen des dossiers les plus complexes, partager les informations sur les personnes et mettre en place une opération de communication.

Sur le seuil de revenu de 900 heures pour l’accès aux prestations, des dispositions spécifiques pour les artistes‑auteurs ont déjà été prises dans le cadre de la crise avec un abaissement de ce seuil à 600 heures de SMIC ainsi que des exonérations de cotisations pour tous au-dessus d’un certain niveau de revenu – afin d’exclure les activités les plus marginales – et avec une amplification en cas de perte de revenus entre 2019 et 2020. Des aides importantes ont donc déjà été apportées. Ce passage de 900 heures à 600 heures SMIC soulèvera à nouveau la question à laquelle il ne m’appartient pas de répondre du seuil qui a vocation à être pérenne. Je ne peux pas vous préciser aujourd’hui le coût de cette mesure mais nous pourrons essayer de vous répondre prochainement.

En ce qui concerne les difficultés de paiement et d’accès à leur compte des artistes‑auteurs, nous suivons un certain nombre d’indicateurs qui nous laissent penser que les difficultés constatées au moment de la bascule et du transfert s’estompent. Il s’agit plutôt de difficultés techniques liées à la bascule que de difficultés systémiques et pérennes. Les indicateurs s’améliorent globalement, même si c’est toujours difficile à percevoir pour l’assuré confronté à une difficulté.

Nous travaillons avec l’ACOSS à une objectivation encore plus fine de ces indicateurs et à la mise en place de comités de suivi avec les représentants des artistes‑auteurs. Nous avons conscience que cette réforme doit encore faire ses preuves vis-à-vis des artistes‑auteurs. Ils ont exprimé des interrogations auxquelles le Gouvernement est très attentif.

M. le directeur général d’Urssaf Caisse nationale. Ce transfert du recouvrement est en même temps une réforme d’ampleur du régime puisque la suppression de la distinction entre affiliés et assujettis conduit à un véritable changement d’échelle du régime. Précédemment, seuls 80 000 artistes‑auteurs faisaient une déclaration annuelle de revenus là où, l’an dernier, plus de 200 000 l’ont fait, ce qui a généré des droits et a permis de calculer correctement les cotisations sociales.

Les difficultés de connexion aux comptes en ligne sont en voie de résolution. Un motif important de difficulté de connexion était le cas des artistes‑auteurs connus par ailleurs de l’Urssaf pour un autre statut, comme auto‑entrepreneur ou comme travailleur frontalier en Suisse par exemple. Nous avons apporté des corrections qui ont permis de réduire la majorité des blocages. Il en reste quelques-uns que nous prévoyons de corriger en mai et en juin.

La téléphonie est un bon indicateur du degré de difficulté ou de non‑qualité du service. L’an dernier, nous avons réalisé 80 % de prise en charge des appels téléphoniques alors que nous souhaitons tendre vers les 90 %. C’était tout de même mieux que les 65 % à 69 % assurés précédemment par l’AGESSA et la MDA. Nous avons depuis le début de l’année eu un mauvais mois de janvier à 68 % parce que les diffuseurs avaient également des difficultés importantes. Depuis le mois de février, nous avons constamment été au-dessus des 90 % et, en moyenne depuis le début de l’année, nous sommes à 86 %. Nous nous rapprochons donc de standards plus acceptables.

La campagne de déclarations de revenus ouvre demain, le 26 mai, et elle sera l’occasion d’une importante simplification puisque nous procéderons désormais à la validation implicite des montants déclarés pour tous les artistes‑auteurs précomptés, c’est‑à‑dire ceux qui sont entièrement en précompte de leurs cotisations par les diffuseurs. Ils pourront vérifier si ce qui a été déclaré par le diffuseur est correctement déclaré. S’ils ne modifient pas la déclaration du diffuseur, nous considérerons qu’elle est correcte, ce qui signifiera moins de charges administratives pour ces artistes‑auteurs et nous éviterons des relances inutiles auprès d’artistes‑auteurs qui considèrent que les montants retenus sont corrects. C’est un gage de simplification de cette déclaration de revenus.

La campagne de déclaration de revenus permettra ensuite de mettre en œuvre les mesures dérogatoires votées l’an dernier sachant que, depuis le début de la crise sanitaire, nous avons assuré un important accompagnement au recouvrement. Nous avons suspendu pour les artistes‑auteurs l’ensemble des mesures de recouvrement, de pénalités ou de majorations de retard et nous avons aussi suspendu un certain nombre d’échéances. D’ores et déjà, les artistes‑auteurs en difficulté ont pu ne pas être pénalisés en trésorerie au titre de leurs cotisations sociales dans le cadre de l’accompagnement de la crise sanitaire.

Nous avons déjà procédé à des remboursements. Deux situations peuvent conduire à un remboursement : soit l’artiste‑auteur a avancé au titre de ses acomptes plus que ce qu’il doit in fine lorsque la déclaration de revenus est réalisée, soit il a au titre de ses précomptes de cotisation payé plus que la cotisation plafonnée, c’est-à-dire que ses droits d’auteurs ont dépassé le plafond de cotisations. Nous procédons alors à des remboursements et deux motifs peuvent expliquer des retards de remboursement. Le premier est que nous attendons parfois le retour du relevé d’identité bancaire de l’artiste‑auteur. Le second, plus complexe, est le cas où l’artiste‑auteur demande à bénéficier d’un remboursement parce qu’il dépasse le plafond de la sécurité sociale en cumulant salaires et droits d’auteur. En effet, beaucoup d’artistes‑auteurs ont plusieurs statuts et demandent à bénéficier du remboursement lorsqu’ils ont dépassé le plafond sur l’ensemble de leurs revenus. Cela nécessite des vérifications plus complexes des montants déclarés et payés du côté des salaires « classiques ». Ces sujets ont toujours existé, y compris dans le système antérieur.

S’agissant des perspectives d’évolution, vous avez mentionné la possibilité de remettre aux artistes‑auteurs des certificats de précompte. C’est effectivement un point que nous avons identifié dans le cadre de nos échanges avec les organisations professionnelles représentant les artistes‑auteurs. Nous y travaillons même si ce ne sera pas forcément pour cette année ; c’est bien inscrit à notre programme de travail pour améliorer le service rendu.

Nous sommes dans un travail pluriannuel. Il s’agit de résoudre les anomalies informatiques dont nous sommes responsables ; nous en aurons corrigé environ 40 % fin mai, pas au sens de 40 % des situations mais de 40 % des dysfonctionnements identifiés, et nous serons fin juin à 60 %. L’idée est d’avoir résolu les éléments prioritaires, les éléments les plus bloquants et de traiter au cours du second semestre les difficultés mineures. Nos travaux ne se limitent pas à résoudre les anomalies mais aussi à apporter des améliorations de service.

Je précise que le diffuseur a l’obligation de remettre ces certificats à l’artiste‑auteur. Nous pouvons bien porter cet élément de service supplémentaire consistant à le remettre à l’artiste‑auteur mais cela libérera-t-il le diffuseur d’une obligation qui date de vingt-cinq ans ? Nous pouvons aussi remettre aux salariés des éléments sur les droits acquis par les déclarations de l’employeur sans, pour autant, que cela dispense l’employeur de remettre un bulletin de salaire à son salarié. En tout cas, nous travaillons bien à cette amélioration ainsi qu’à d’autres.

Nous travaillons par exemple avec l’assurance maladie à la manière d’améliorer l’ouverture des droits aux indemnités journalières (IJ). C’est un sujet historique qui a toujours été source de difficultés. Nous avons d’ores et déjà mis à disposition de l’assurance maladie un portail permettant aux gestionnaires de l’assurance maladie d’accéder directement aux données déclarées, donc aux données servant à calculer les IJ alors que ce processus reposait jusqu’à présent sur des demandes de pièces justificatives auprès des artistes‑auteurs.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes et des autres commissaires.

Mme Stéphanie Rist. Depuis maintenant plus d’un an, la France connaît une épidémie d’une ampleur sans précédent depuis la création de la sécurité sociale. De nombreuses mesures ont été mises en place dès 2020 pour faire face à la crise, que ce soit dans le système de soins ou pour accompagner entreprises et salariés confrontés à des chutes brutales d’activité.

Dès le mois de mars 2020, nous avons fortement soutenu l’activité économique avec le report du paiement des échéances de cotisations pour toutes les entreprises qui le souhaitaient, le report d’office des prélèvements des travailleurs indépendants, le recours à l’activité partielle pour protéger les entreprises et les salariés ou l’exonération des cotisations et contributions sociales patronales par la troisième loi de finances rectificative.

La LFSS 2021 a par ailleurs mis en œuvre les engagements du Ségur de la santé en finançant notamment la revalorisation des salaires des professionnels hospitaliers des EHPAD, un plan massif d’investissement pour l’hôpital et le numérique en santé ainsi que la revalorisation de l’allocation supplémentaire d’invalidité. La sécurité sociale a donc indéniablement joué un rôle d’amortisseur économique et social permettant d’atténuer les effets de la crise sanitaire.

Ces mesures indispensables pour soutenir nos concitoyens ont eu des conséquences massives sur les finances publiques tandis que, de l’autre côté, la diminution de l’activité économique se traduit par une forte baisse des cotisations perçues par la sécurité sociale puisqu’elles proviennent des revenus d’activité qui ont beaucoup souffert de la crise. En conséquence, la crise sanitaire a engendré une importante dégradation du solde de la sécurité sociale, avec un déficit historiquement élevé de 38,6 milliards d’euros.

Aujourd’hui, les concitoyens que nous rencontrons sont conscients du soutien massif et nécessaire accordé par l’État durant cette période difficile mais ils s’inquiètent du remboursement de la dette. Pouvez-vous nous confirmer la nécessité de retrouver, en précisant à quelle échéance, une trajectoire de retour à l’équilibre de nos comptes sociaux ? Quelles sont les branches sur lesquelles l’effort pourrait particulièrement porter en priorité selon vous ?

M. Bernard Perrut. Je vous remercie pour vos propos, qui apportent déjà un grand nombre de réponses. Le Gouvernement a mis en œuvre dès le printemps des mesures de baisse des prélèvements sociaux en faveur des entreprises. Ces mesures ont eu des conséquences massives pour les finances publiques tandis que la diminution de l’activité économique se traduit par une baisse significative des cotisations perçues par la sécurité sociale pour l’année 2020 et pour les années suivantes. Nous connaissons aussi toutes les conséquences du recours massif à l’activité partielle puisque l’activité partielle est exonérée de cotisations sociales et soumise à un taux minoré de contribution sociale généralisée (CSG). Il en est donc résulté des pertes de recettes très conséquentes pour la sécurité sociale.

Mes chers collègues, comme lors de la crise économique et financière de 2008, nous voyons finalement que la sécurité sociale a joué un rôle d’amortisseur économique et social atténuant l’effet de la crise sanitaire. Nous avons voté l’été dernier l’allongement de la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Quelles perspectives dessinez-vous pour les années à venir ? Comment améliorer l’efficience de la gestion financière et du recouvrement ? Quelles préconisations formuleriez-vous pour construire une trajectoire de retour durable des comptes sociaux vers l’équilibre ?

J’ajoute un mot sur les créateurs et créatrices qui sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Nous constatons que, au lieu d’envisager un dispositif clair dédié aux artistes‑auteurs avec des critères communs connus de tous, le plan de soutien ministériel soutient les opérateurs publics ou privés, multiplie les guichets d’aide et, par conséquent, confond le secteur de la création avec les industries culturelles, l’économie de l’artiste‑auteur avec l’économie de l’œuvre, la création avec la diffusion.

Soutenir la création a un autre sens. Il faut soutenir les créateurs et créatrices et non les amalgamer avec les divers acteurs de l’aval qui, sans les artistes‑auteurs, n’existeraient pas. La population des artistes‑auteurs est mal identifiée et n’a pas toujours accès à des droits. Comment leur assurer, monsieur le rapporteur général, leurs droits légitimes ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. e thème de la table ronde qui nous réunit est au cœur des préoccupations de notre commission puisqu’il touche aux questions de recettes et d’équilibre de la protection sociale. Si nous avons parfois un intérêt trop marqué pour la partie relative aux dépenses, les recettes constituent néanmoins un point essentiel de la construction du budget, encore plus aujourd’hui dans le contexte des déficits exponentiels liés à la crise sanitaire et économique.

D’un point de vue conjoncturel, j’entends bien les prévisions que vous avez faites pour les cotisations mais, avec 25 milliards d’euros de reports de cotisations, ne pouvons-nous pas estimer, même avec prudence, si toutes ces cotisations seront recouvrées ?

D’un point de vue structurel, notre majorité s’est efforcée depuis le début de notre législature de procéder à des ajustements visant à simplifier un certain nombre de régimes d’affiliation et de cotisation. Je pense notamment au rattachement des indépendants au régime général et, maintenant, aux artistes‑auteurs.

Nous savons qu’engager un tel processus de basculement n’est pas chose aisée et que les difficultés sont nombreuses pour aboutir à un résultat satisfaisant. À la lumière des premières retombées concernant les indépendants après trois ans, quel bilan et quelles perspectives pouvez-vous tirer de cette procédure de regroupement des caisses spécifiques vers le régime général ? À l’avenir, voyez-vous d’autres catégories qui pourraient bénéficier de mécanismes de simplification similaires ou d’autres rapprochements vers le régime général ?

En tant que rapporteur du PLFSS sur la partie assurance vieillesse, je serais intéressé par votre avis sur les modalités techniques de regroupement des régimes spéciaux de retraite vers un régime général tel qu’envisagé par la réforme 2020 qui n’a pas vu le jour. Quels seraient les enseignements techniques à tirer des précédentes expériences pour d’autres types de cotisations ?

M. Paul Christophe. Lors de l’examen voici un an des projets de loi ordinaire et organique relatifs à la dette sociale et à l’autonomie dont j’étais co-rapporteur avec M. le rapporteur général, nous avons fait le constat qu’une crise largement exogène à la sécurité sociale était venue accentuer ses difficultés structurelles d’équilibre. Ce constat nous a amenés à repousser le terme de la CADES pour lui permettre de prendre à son compte un nouveau transfert de dette dans des conditions financières mouvantes, ce que sa solidité lui permettait d’affronter aussi sereinement que possible.

La dette de 130 milliards d’euros transférée à la CADES en 2010 a été complétée par 136 milliards d’euros lors de ce vote. Cela incluait 92 milliards d’euros permettant de couvrir les déficits prévisionnels des exercices 2020 à 2023 des branches du régime général, hors accidents du travail et maladies professionnelles, ainsi que la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Même si l’exercice reste délicat à ce stade, pouvez-vous nous donner plus d’informations sur la trajectoire de dette que nous avions alors anticipée ?

Dans le cadre de la création de la nouvelle branche autonomie de la sécurité sociale, le texte prévoyait le fléchage vers le soutien à l’autonomie, à partir du 1er janvier 2024, d’une fraction de contribution de dette sociale généralisée de 0,15 point actuellement attribuée à la CADES, soit environ 2,3 milliards d’euros. Ce texte prolonge également l’affectation des recettes de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale à la CADES au-delà de 2024. Ces évolutions ont évidemment entraîné le report de la date de fin de remboursement de la dette transférée à la CADES.

Au regard de vos relations et des données auxquelles vous avez accès, pouvez-vous nous faire un retour sur la situation actuelle et sur l’opportunité de ces choix qui visaient à sécuriser le financement de la sécurité sociale et à ne pas diminuer la capacité de la CADES à assumer sa charge ?

Mme Valérie Six. La sécurité sociale a vu ses comptes bouleversés par la crise sanitaire avec un déficit du régime général qui atteint le niveau record de 36,2 milliards d’euros. Elle a également dû faire face à une forte hausse des dépenses d’assurance maladie et à une baisse de ses produits et charges en raison de la chute de l’activité économique.

Dans ce contexte, la Cour des comptes a observé une dégradation de la fiabilité des comptes. Elle indique à ce propos que les organismes de sécurité sociale ont allégé leurs dispositifs de contrôle interne et que les enregistrements comptables liés aux mesures exceptionnelles font apparaître des incertitudes et des désaccords. S’agissant du régime général, la Cour des comptes se dit ainsi dans l’impossibilité de certifier les comptes de l’activité de recouvrement.

Par ailleurs, la Cour des comptes a formulé des réserves sur les comptes de l’assurance maladie. Ces réserves se sont accentuées en 2020, notamment sur la justification des droits aux prestations et le paiement à bon droit des frais de santé, élevant ainsi l’estimation du montant des erreurs sur les règlements de frais de santé à 1,9 milliard d’euros.

Les organismes de sécurité sociale jouent un rôle capital dans la crise sanitaire en assurant notamment la continuité de prestations et leur financement. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les perspectives de régularisation des opérations réalisées en 2020 ?

Par ailleurs, un texte très technique sera prochainement examiné par l’Assemblée afin de modifier l’organisation et le contenu des débats budgétaires au Parlement. Je souhaite connaître votre avis sur la proposition de création d’une loi d’approbation de la loi de financement de la sécurité sociale comme cela existe pour les lois de finances.

Mme Jeanine Dubié. Je voudrais revenir de manière plus générale sur l’impossibilité de la Cour des comptes de certifier la branche recouvrement suite aux confinements et aux mesures prises durant les confinements. Or, d’autres confinements ont eu lieu. Pensez-vous que cette impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche recouvrement se reproduira dans les années qui viennent ou trouverez-vous des solutions pour rapprocher les comptes selon les organismes ?

Ma seconde question porte sur l’évaluation de l’article 23 de la LFSS 2018. Dans le cadre des mesures prévues, les personnels de l’AGESSA et de la MDA devaient être transférés vers la branche recouvrement. Pourriez-vous nous dire comment s’est effectué ce transfert de personnels ? Le directeur régional de l’Urssaf Limousin semblait dire dans un article que, parmi le personnel de son service, aucun n’avait connaissance de ces dispositifs complexes et que les agents en poste dans son service avaient suivi seulement huit jours de formation. Il expliquait les difficultés par la méconnaissance du sujet par les agents. Le comité de suivi ne s’est plus réuni depuis octobre 2020. Est-il prévu de le réunir prochainement ? Où en sommes-nous dans la mise en place de la gouvernance du régime de sécurité sociale des artistes‑auteurs ?

M. Pierre Dharréville. Je fais miennes les dernières interrogations, particulièrement celles de Jeanine Dubié concernant les artistes‑auteurs, en précisant que le fait que nous soyons en difficulté pour obtenir des chiffres n’est tout de même pas un bon indicateur sur notre capacité à répondre à leurs problèmes concrets et à leurs problèmes quotidiens. Je continue à demander que vous nous donniez le maximum de données pour que nous puissions mieux comprendre ce qui est à l’œuvre, sachant que la période écoulée pose également la question d’un revenu de remplacement pour les artistes‑auteurs qui ont rencontré de grandes difficultés avec la crise sanitaire et ses conséquences.

Sur les autres questions, j’ai le sentiment que l’hôpital continue d’être sous pression. J’ai encore été interpellé voici quelques jours par des oubliés du « Ségur ». Je voudrais savoir de quelle manière vous envisagez que la situation puisse évoluer dans le futur. Comment les mesures du « Ségur » ont-elles pu être mises en place et dans quel délai ? Il faut savoir qu’elles sont insuffisantes et qu’un certain nombre de personnes en sont exclues. Avez-vous d’ailleurs des chiffres sur la possible intégration de ceux qui ont été exclus ? Combien cela pèserait-il dans le budget ? Nous devons aussi regarder le coût dans le budget de la crise covid, tant du côté des dépenses que des non-recettes. Ces données nous intéressent particulièrement.

Enfin, ne faut-il pas craindre de nouveaux transferts indus de dette vers la CADES, donc vers la sécurité sociale ? Quelles décisions sont en préparation ? Pour garantir les droits, quel plan d’amortissement du choc dans la durée avez-vous mis à l’étude si c’est le cas ?

M. le rapporteur général. Je reviens sur ma question sur le décalage des campagnes d’appel à cotisations des artistes‑auteurs et les difficultés des prochaines campagnes, question à laquelle je n’ai pas eu réponse mais je le comprends tout à fait vu le grand nombre de questions posées.

M. le directeur de la sécurité sociale. La question sur la CADES, la reprise de dette et la trajectoire est revenue plusieurs fois. Je rappelle que la reprise de dette que vous avez votée l’année dernière portait sur 136 milliards d’euros, correspondant à 31 milliards d’euros pour la dette constituée fin 2019 et 92 milliards pour la dette prévisionnelle 2020-2023 auxquels s’ajoutaient 13 milliards d’euros pour les hôpitaux.

La période 2020-2023 est évidemment encore très incertaine. D’après l’annexe B de la LFSS 2021, c’est-à-dire l’annexe pluriannuelle qui présente une prévision de solde du régime général et des régimes de base pour les quatre années à venir, les 92 milliards d’euros correspondaient au déficit de 2020 à 2022. Nous avons déjà enregistré 10 milliards d’euros d’amélioration dans les comptes 2020 par rapport à la LFSS et de nouvelles marges apparaîtront pour la CADES en 2021 et 2022. Pour simplifier, la reprise de dette que vous avez votée l’année dernière permet donc de financer les déficits du régime général jusqu’en 2023, pour tout ou partie pour 2023 selon la suite de la crise et la conjoncture.

Fin 2023, ces 136 milliards d’euros auront donc été totalement utilisés pour financer la dette et la sécurité sociale devra financer sa trajectoire, c’est-à-dire le retour à l’équilibre qui doit être engagé d’ici là ainsi que, éventuellement, des déficits supplémentaires au-delà de 2023 pendant le retour à l’équilibre selon la trajectoire qui aura alors été arrêtée.

Sur ces 136 milliards d’euros, 20 milliards d’euros ont été repris en 2020 et 40 milliards d’euros sont prévus en 2021, ce qui donne déjà un total de 60 milliards d’euros fin 2021. Nous aurons donc totalement repris le déficit accumulé fin 2019 et une bonne partie du déficit 2020. Cela signifie que nous n’avons pas de difficulté de financement de la CADES sur les marchés, pas d’alerte en tout cas. La loi telle qu’elle a été adoptée l’année derrière s’applique sans encombre. Les difficultés de financement que nous pouvions craindre l’an dernier ne se sont pas produites, en particulier grâce à cette reprise de dette. Le point bas en termes de trésorerie pour l’ACOSS ne devrait pas dépasser les 80 milliards d’euros, ce qui est très en dessous de la valeur de 95 milliards d’euros votée en LFSS.

L’avenir de cette trajectoire éventuelle de reprise de dette supplémentaire devra être articulée avec la trajectoire de retour à l’équilibre de la sécurité sociale. La sécurité sociale est un solde, réaffirmé dans la proposition de loi organique du rapporteur général. Ce sont des recettes et des dépenses. Les recettes doivent s’entendre dans une vision transversale des prélèvements obligatoires d’où l’intérêt de rapprocher les calendriers des projets de loi de finances et PLFSS pour avoir une vision générale et transversale. Quels choix les gouvernements feront-ils dans l’avenir sur les prélèvements obligatoires ? Seront-ils plutôt affectés à la sécurité sociale, à l’État ou à d’autres acteurs ?

Du côté des dépenses, nous savons que des dépenses supplémentaires dans la branche maladie ont été décidées l’année dernière à travers le « Ségur ». Elles se traduisent par un déficit de la branche maladie qui perdurera, au-delà du déficit conjoncturel lié au financement de la crise sanitaire. Je ne peux pas le préciser aujourd’hui ; nous en reparlerons lors du PLFSS lorsque nous aurons arrêté de nouvelles hypothèses macroéconomiques. Ce déficit sera très au-delà de 10 milliards d’euros en sortie de crise. Il faudra donc poser la question du financement de la branche maladie dans les prochaines années.

La branche vieillesse est en déficit, certes moindre que la branche maladie mais en déficit néanmoins. Ce déficit s’accroîtra comme cela a déjà été démontré dans les travaux effectués avant la crise. Sur la branche vieillesse, les outils de retour à l’équilibre sont bien connus.

Monsieur Isaac-Sibille, vous demandiez s’il faut d’autres rapprochements de caisses. Votre question comporte en fait deux volets : le rapprochement des caisses qui calculent et versent des prestations dans le système universel de retraite qui avait vocation à se substituer à l’ensemble du système actuel et la question d’aujourd’hui du recouvrement.

Le recouvrement retraite est encore assuré actuellement par un grand nombre d’acteurs différents mais vous avez voté des mesures dans les LFSS précédentes pour l’unification du recouvrement autour de l’ACOSS, pour la retraite notamment et pour d’autres questions qui ne concernent pas la retraite.

Certaines mesures concernant des régimes de taille limitée sont en cours de mise en œuvre. Vous avez aussi voté des dispositions sur des régimes de plus grande taille, en particulier la retraite complémentaire des salariés de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et des services (AGIRC-ARRCO) et de la Caisse des dépôts et consignations. L’enjeu de la mise en œuvre de ces dispositions reste devant nous, dans les deux ou trois ans qui viennent, l’objectif étant évidemment d’assurer des gains d’efficience et de normaliser le recouvrement autour d’un acteur ayant vocation à devenir l’acteur pivot du recouvrement en France. Cela peut se faire indépendamment de l’unification de tous les régimes de retraite.

Mme Six a posé une question sur la Cour des comptes. Au-delà de l’impossibilité de certifier les comptes de la branche recouvrement, la Cour a en effet aussi émis, comme elle le fait chaque année d’ailleurs, des réserves sur les branches de prestations. Elle a certifié ces branches mais en émettant des réserves, dont certaines ne sont pas nouvelles. C’est le travail de l’auditeur de dire que nous pouvons faire mieux sur tel ou tel processus de gestion et d’émettre des recommandations.

Elle a également signifié que le contrôle interne de certaines prestations avait été allégé par rapport au contrôle interne habituel. C’est vrai car les caisses de sécurité sociale se sont concentrées sur les actions à fort enjeu, sur le contrôle interne à fort impact, mais n’ont pas pu mener les mêmes actions en 2020 que les autres années. 2020 n’était pas une année comme les autres, pour aucune des caisses de sécurité sociale, du fait du télétravail et des mesures nouvelles à mettre en œuvre comme les continuités de droits à la Caisse nationale des allocations familiales puis à l’assurance maladie.

Par ailleurs, l’assurance maladie a dû déployer des milliers d’agents sur les plateformes dites de contact tracing. Ces activités ont nécessité un redéploiement interne et donc un recentrage du contrôle interne sur les dispositions à fort impact au sein de chaque caisse. Lorsque nous sortirons de la crise, nous reviendrons dans un schéma normal et dans des plans d’amélioration des process que la Cour des comptes appelle à renforcer ou à améliorer.

M. Dharréville nous a interrogés sur les oubliés du « Ségur ». Je propose que nous apportions la réponse demain matin avec mes collègues de la direction générale de l’offre de soins.

Mme la directrice du budget. Mme Rist et M. Perrut ainsi que d’autres nous ont interrogés sur les leviers à employer. De manière factuelle, la dynamique observée par le passé sur la croissance de la dépense publique montre que, dans une dépense publique plutôt dynamique, la part des dépenses de protection sociale au sens large – portées pour l’essentiel en LFSS mais aussi parfois sur le budget de l’État comme l’allocation aux adultes handicapés – a crû d’environ 10 %. Il s’agit donc de savoir quel « mix » nous souhaitons avoir entre des transferts, des prestations sociales et, en résumant, du financement de services publics allant de l’hôpital à l’école.

Pour l’avenir, le choix des efforts relatifs à faire entre branches vous appartient plus qu’à nous. C’est un choix politique. Nous pouvons insister sur le fait que la situation en sortie de crise amènera à un déficit récurrent de la branche maladie, notamment compte tenu des décisions de dépenses pérennes prises dans un contexte de crise sans identifier les financements correspondants. En matière de retraites, nous avons aussi de manière latente un déficit qui se reforme.

Les masses étant ce qu’elles sont, il ne s’agit pas d’imaginer que nous pouvons équilibrer les branches maladie et vieillesse par les seules autres branches. Il faut de mon point de vue une approche consolidée sur les efforts à faire globalement sur la sécurité sociale. La bonne démarche que nous essayons de promouvoir consiste en une évaluation des dispositifs et une programmation des efforts dans le temps plutôt que d’être contraints de faire des économies par à-coups. Cela peut arriver mais est toujours plus difficile et moins pérenne que des réformes de fond.

M. le directeur général de l’Urssaf Caisse centrale. Le rapporteur général, Mme Dubié et M. Dharréville ont posé des questions sur les artistes‑auteurs. Il me semblait avoir indiqué quand commence la campagne de déclarations de revenus pour les artistes‑auteurs, c’est‑à‑dire demain, le 26 mai. C’est certes un peu plus tardif que la campagne de déclaration d’impôts sur le revenu mais c’est nettement plus tôt que l’an dernier puisque la campagne avait eu lieu entre juillet et septembre. Cela permettra aux artistes‑auteurs d’avoir plus tôt une visibilité sur leurs cotisations sociales définitives au titre de 2020, avec notamment une régularisation prévue en octobre.

Sur la question des transferts de personnels, environ soixante‑dix salariés de l’AGESSA et de la MDA ont été transférés au réseau Urssaf dans le cadre du code du travail, c’est-à-dire sans mobilité géographique imposée. Ils ont donc été transférés principalement à l’Urssaf Île‑de-France et non à l’Urssaf Limousin. Toutefois, l’Urssaf Limousin avait déjà des collaborateurs consacrés à la gestion des artistes‑auteurs puisqu’elle exerçait déjà une fonction de recouvrement sur les créances non payées par les artistes‑auteurs au bout de trente jours. L’Urssaf Limousin ne partait donc pas de zéro en termes de maîtrise de la situation des artistes‑auteurs. Il a également fallu faire des recrutements puisque cette activité a vocation à être prise en charge entièrement par le Limousin. Cela ne s’est pas fait brutalement. Pendant plus d’un an, un accompagnement a été effectué par les anciens salariés de l’AGESSA et de la MDA intégrés au sein de l’Urssaf Île-de-France. Ils ont continué à apporter leur concours aux salariés de l’Urssaf Limousin précisément pour accompagner cette montée en compétences. Cet accompagnement s’est poursuivi jusqu’en avril 2021. Nous n’avons arrêté ce concours des anciens salariés qu’en avril 2021, considérant que nous avions désormais acquis une certaine expérience des nouveaux recrutés sur le sujet.

Nous sommes en mesure de fournir des données assez précises sur les artistes‑auteurs pour la gestion que nous prenons en charge depuis l’an dernier. Malheureusement, les données sont plus lacunaires et de qualité parfois plus difficile dans les fichiers que nous avons récupérés de l’AGESSA-MDA.

Un des premiers points de difficulté et d’étonnement des artistes‑auteurs en janvier 2020 a été lorsque nous leur avons écrit afin de leur adresser leur code d’activation pour ouvrir leur compte en ligne. Nous nous sommes rendu compte que de nombreuses adresses n’étaient plus exactes, que des numéros de sécurité sociale étaient incorrects, que des noms n’étaient pas les bons. Toute une série d’erreurs entachait les fichiers existants.

On nous demande parfois de comparer nos fichiers et de comprendre quels sont les écarts avec les fichiers antérieurs. Honnêtement, la qualité des fichiers antérieurs ne permet pas de réaliser ces comparaisons et nous ne sommes donc pas toujours en mesure d’apporter des réponses sur les sujets historiques tels que la situation des artistes‑auteurs qui n’avaient pas eu de cotisation précomptée précisément parce que, pour ceux qui n’avaient pas eu de précompte, il n’y avait pas forcément eu de déclaration des sommes précomptées par les diffuseurs.

S’agissant de la certification des comptes et de la situation 2021, les échanges n’ont pas encore commencé avec la Cour des comptes. Il devrait exister moins de créances liées à des reports en 2021 qu’en 2020 et donc moins d’incertitudes d’autant plus que, comme nous commençons à mettre en place des plans d’apurement, nous aurons une idée un peu plus fine de la capacité des entreprises à rembourser leurs dettes.

Pour les indépendants, nous appellerons en 2021 les cotisations provisionnelles sur la base de ce que les indépendants nous déclareront maintenant pour l’année 2020. Nous pouvons penser que, pour un grand nombre d’indépendants, les revenus 2021 seront meilleurs que 2020. Si la Cour des comptes souhaite réintroduire le même débat que celui sur les revenus 2020, elle le peut mais cela me semble être une sorte de course en avant vers l’incertitude.

Nous avons constaté que nous étions incapables de connaître les revenus 2020 sans avoir les déclarations de revenus. Nous ne saurons pas faire mieux pour 2021. Par définition, la réalité économique des entrepreneurs indépendants est que nous ne connaissons leurs revenus que lorsqu’ils les déclarent. Eux-mêmes ne les connaissent que lorsqu’ils font leur clôture comptable, c’est-à-dire autour du mois de mars de l’année suivante. Il n’existe aucun moyen de contourner cette incertitude radicale et c’est bien pour cela que, dans les travaux avec l’Institut national de la statistique et des études économiques, il a été reconnu qu’il n’était pas fiable d’intégrer une quelconque estimation de la déclaration de revenus de l’année suivante.

S’agissant de la régularisation des reports de cotisation, nous avons déjà commencé à faire des propositions de plans d’apurement aux employeurs au titre des cotisations dues sur les cotisations des salariés. Nous avons également constaté des paiements spontanés, notamment de la part des plus grandes entreprises qui avaient dû, à un moment, recourir au report. Depuis le mois de septembre 2020, le montant des cotisations reportées est stable. Nous enregistrons d’un côté des entreprises qui restent en difficulté et continuent à accumuler de la dette envers l’Urssaf – notamment dans les secteurs les plus touchés – mais, de l’autre côté, des entreprises remboursent la dette contractée pendant le premier confinement.

Un mouvement de régularisation se met donc en place. Nous avons proposé à un certain nombre d’entreprises des plans d’apurement en février et nous rentrerons à partir du mois de mai dans une phase de décroissance des montants de dette.

Nous avons proposé 240 000 plans d’apurement à des employeurs de moins de cent salariés. Nous avons commencé par ceux qui sont les moins fragilisés et nous attendrons la reprise d’une activité normale pour proposer des plans aux entreprises des secteurs les plus touchés. Une mécanique d’apurement progressif se met donc en place pour les employeurs.

Pour les travailleurs indépendants, le ministre des comptes publics a annoncé ce matin le calendrier des propositions de plans d’apurement : elles seront envoyées à partir de juillet, en commençant par les travailleurs indépendants les moins fragilisés, notamment par ceux qui ont eu des revenus 2020 suffisamment bons pour avoir une régularisation importante.

Nous mettons en place une logique d’accompagnement des entreprises pour la sortie de crise en faisant des propositions de plan de remboursement qui sont bien plus longues que d’habitude, jusqu’à trois ans comme le permet la loi de finances rectificative de juillet dernier. Ces dispositifs sont négociés : l’Urssaf envoie une proposition mais l’entrepreneur peut négocier la durée, la progressivité et même la date de début du plan. Lorsque nous clôturerons les comptes, nous aurons une moindre incertitude et une meilleure visibilité sur la capacité des entreprises à honorer leurs dettes.

Sur les regroupements de collectes ou de régimes et le bilan de l’intégration du Régime social des indépendants (RSI) au régime général, je pense que l’année 2020 a montré combien cette intégration a été utile. Il a fallu mettre en place des reports d’échéances pour les travailleurs indépendants de manière massive et inédite et des versements d’aides financières. Nous avons versé à plus de 1 200 000 travailleurs indépendants et commerçants une aide de 1 milliard d’euros votée par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants. Nous avons également versé environ 200 000 aides financières exceptionnelles d’action sociale pour le soutien aux travailleurs indépendants en difficulté lors des premier et deuxième confinements. Ce sont des opérations de grande ampleur qu’il n’aurait pas été possible de mettre en œuvre dans l’organisation antérieure du recouvrement, partagée entre Urssaf et RSI.

Je suis aujourd’hui en mesure de vous rendre compte de ce que nous réalisons dans l’accompagnement des entrepreneurs et des travailleurs indépendants pour les cotisations à la main de l’Urssaf mais je n’ai pas de visibilité sur la partie retraites complémentaires ou sur la partie régime de retraite des professions libérales. Il est plus difficile d’avoir une vision consolidée et synchronisée d’actions d’accompagnement de ces entrepreneurs dès lors que les collectes sont disparates.

Mme la directrice du budget. S’agissant des artistes‑auteurs, je rappelle que, depuis 2020, l’État prend à sa charge une partie des cotisations vieillesse pour une quinzaine de millions d’euros. L’État prend à sa charge la totalité des cotisations vieillesse déplafonnées. Le cas des trop-perçus de cotisations plafonnées a été évoqué. L’État prend aussi en charge 0,75 point du taux de la cotisation plafonnée. Nous suivrons le coût de ce dispositif.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie pour vos interventions et la qualité de vos réponses.

 

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2.   Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9 heures 30

Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’assurance maladie réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins, M. Maurice-Pierre Planel, directeur général adjoint à la direction générale de la santé, M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, et Mme Natacha Lemaire, rapporteure générale du Conseil stratégique de l’innovation en santé au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales ([85]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous poursuivons ce matin le Printemps social de l’évaluation commencé hier après-midi et nous abordons maintenant la thématique de l’assurance maladie. Je remercie les rapporteurs de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) pour leurs contributions ainsi que les administrations qui ont répondu à notre invitation et travaillé avec nos collègues.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je tiens d’abord à remercier les administrations d’avoir répondu favorablement à notre invitation dans un contexte qui demeure difficile sur le plan sanitaire. Nous saluons tous votre travail et, à travers vous, la mobilisation des administrations et des professionnels de santé depuis maintenant une très longue, trop longue année.

J’ai d’abord deux questions sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ; elles s’adressent prioritairement à la direction de la sécurité sociale.

Le mois dernier, le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a pointé du doigt un risque sérieux de dépassement de l’ONDAM de plus de 0,5 % en 2021. Les causes de ce dépassement sont connues et tiennent à l’intensité de la troisième vague épidémique, qui a entraîné de fortes tensions dans le système hospitalier et maintenu à un niveau élevé les dépenses de tests biologiques. Une dotation exceptionnelle de 3,8 milliards d’euros a de plus été accordée à Santé publique France, essentiellement pour faire face aux besoins d’achat de vaccins. Je souhaite que vous nous éclairiez sur les raisons pour lesquelles la provision établie à l’automne 2020 pour la vaccination se révèle bien inférieure aux besoins d’achat de vaccins et au financement de la campagne nationale de vaccination.

Je souhaite également vous interroger sur la refonte de l’ONDAM que vous avez engagée et qui devait intervenir pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Quelles sont, parmi les préconisations faites le mois dernier par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), celles qui vous paraissent pouvoir et devoir être mises en œuvre ? Serez-vous en mesure de nous présenter un ONDAM renouvelé dès cet automne ?

Concernant le Ségur de la santé, où en sommes-nous de sa mise en œuvre concrète en 2020 et en 2021, notamment sur les volets revalorisations, investissements et recrutements ?

Sur un autre sujet, qui relève plutôt de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), vous connaissez mon investissement personnel dans la réforme du financement des urgences. Quel premier bilan pouvez-vous dresser des quelques mois d’application des nouvelles dotations populationnelles ? En ce qui concerne la réforme des hôpitaux de proximité qui conjugue réforme du financement et réforme structurelle, quelles seront les prochaines étapes maintenant que l’ordonnance a été publiée ?

L’année dernière, le Printemps social de l’évaluation a permis l’évaluation de financements au forfait de deux pathologies chroniques, d’où deux interrogations qui concernent la DGOS et la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). Les négociations qui étaient à l’arrêt sur le forfait « diabète » ont-elles repris ? Les deux critiques principales adressées à la mise en œuvre sur le terrain du forfait « insuffisance rénale chronique » portaient sur l’inadaptation des systèmes d’information et sur la lourdeur du recueil des données. Des mesures ont-elles été mises en œuvre pour corriger le dispositif sur ces deux aspects ?

Le Printemps social de l’évaluation avait également donné lieu à l’évaluation du financement à la qualité. Quel regard portez-vous sur la montée en charge de ce dispositif ? Les indicateurs qualité doivent-ils encore évoluer ?

Enfin, je suis très attaché à l’application de la loi pour l’organisation et la transformation du système de santé. Un certain nombre d’ordonnances ont été récemment publiées. Pouvez-vous en quelques mots nous rappeler où nous en sommes de la publication de ces ordonnances ? Plus précisément, l’une d’elles autorise les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à assurer plusieurs missions de service public, dont la participation à la réponse aux crises sanitaires. Pouvez-vous d’ores et déjà nous indiquer quelles aides seront mises en place pour compenser la charge des missions de service public exercées par les CPTS, condition sine qua non de la réussite de cette mesure ?

M. Jean-Carles Grelier, co-président de la MECSS. Les co-présidents de la MECSS co‑organisent avec votre commission ce Printemps social de l’évaluation. Cela me donne l’occasion de vous remercier, madame la présidente, pour le soutien apporté tout au long de l’année aux travaux de la MECSS. Nombre de nos collègues s’investissent dans ce travail d’évaluation et c’est aussi l’occasion pour moi, au nom également de la co-présidente Annie Vidal, de remercier nos collègues investis ce matin : Cyrille Issac-Sibille rapportera notamment sur la réforme du « 100 % santé », notre rapporteur général Thomas Mesnier sur le renforcement des obligations vaccinales et notre collègue Marc Delatte sur la pertinence de la prise en charge des produits de santé. Je crois que jamais le Parlement n’est tant à sa place que lorsque, outre sa fonction purement législative, il contrôle et évalue.

Ma première question, mesdames et messieurs les directeurs, porte sur les derniers travaux du HCAAM. Ils font écho à des travaux de la Cour des comptes, notamment sur la programmation pluriannuelle et sur l’organisation de cette programmation. Où en sont à ce jour les réflexions sur le sujet ? Comment envisagez-vous les débats politiques qui devraient nourrir cette programmation pluriannuelle et l’évaluation qui pourrait en être faite par le Parlement chaque année ? Il s’agit de bien mesurer, comme le rappelle la Cour des comptes, les écarts entre la programmation pluriannuelle et l’exécution budgétaire annuelle.

Ma deuxième question porte sur l’ONDAM. Cet instrument de régulation est devenu depuis quelques années presque exclusivement budgétaire. C’est une sorte d’entonnoir dans lequel nous nous efforçons de faire entrer l’ensemble du système de santé. C’est aussi sans doute cet entonnoir qui a occasionné un certain nombre des difficultés rencontrées aujourd’hui par notre système de santé dans la plupart des territoires. Comment pourrions‑nous le faire évoluer, en conservant évidemment un instrument de régulation, pour aller vers une régulation autant qualitative qu’elle est aujourd’hui quantitative ?

Ma troisième question porte sur l’avenir. Lorsque nous avons voté la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, les recettes traditionnelles de la sécurité sociale que sont l’impôt, via la contribution sociale généralisée (CSG), et les cotisations sociales ne représentaient plus que 76 % des recettes de la sécurité sociale. Le reste vient d’expédients : un peu de dette, un peu de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un peu de transfert aux assureurs privés. Combien de temps pensez-vous que le système pourra tenir ainsi ?

Pour la première fois en 2021, les recettes de TVA qui demeureront dans le budget de l’État seront inférieures à 100 milliards d’euros puisque 20 % des recettes de la TVA sont distribués aux collectivités locales à titre de compensation et 28 % de la TVA vient financer la sécurité sociale. Une vraie question se pose donc sur le devenir du financement de la sécurité sociale et la pérennité de ce financement. Quelles sont les réflexions éventuellement en cours dans vos différents organismes et services sur ce financement ? Il s’agit que, à l’occasion du prochain mandat présidentiel, aucun Président de la République ne se présente un soir à 20 heures devant les Français pour annoncer la fin de la sécurité sociale et sa mise en cessation des paiements.

J’imagine que ces questions font l’objet de réflexions approfondies de la part de vos services. Il serait intéressant que la représentation nationale puisse en être informée puisque, in fine, c’est la représentation nationale qui vote les crédits qui sont alloués à la sécurité sociale chaque année.

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. En ce qui concerne l’ONDAM et la mission du HCAAM, l’ONDAM voté en LFSS 2021 comportait une provision au titre de la crise pour un peu plus de 4 milliards d’euros. Cette provision était destinée au financement de tests, de vaccins et d’autres dépenses de Santé publique France, notamment de masques. Nous savions lorsque cet ONDAM a été construit que cette provision était conventionnelle et aurait vocation à être revue à la hausse s’il devait se produire de nouvelles vagues. Il avait été dit clairement lors de la présentation du PLFSS l’année dernière que cette hypothèse avait été retenue, de la même façon que les hypothèses dans le cadre du projet de loi de finances sur les dépenses de l’État reposaient sur l’absence de nouvelle vague en 2021.

Nous avons enregistré de nouvelles vagues, fin 2020 puis début 2021, et cela conduit à des dépenses supplémentaires, notamment des dépenses en ville pour le financement des tests PCR et des tests antigéniques. Nous savions que les tests seraient nombreux au début de l’année 2021 ; ils le sont encore davantage que prévu et durant une période plus longue que ce que nous imaginions.

Par ailleurs, nous enregistrons des dépenses supplémentaires sur les vaccins, en particulier pour l’achat de vaccins par Santé publique France dans le cadre des marchés négociés par l’Union européenne. Chaque pays n’a pas, individuellement, la main sur le prix de ces vaccins mais nous nous inscrivons dans des marchés européens qui conduisent à acheter ou précommander un nombre de vaccins très élevé pour ne pas prendre de risque ensuite, si certains s’avèrent disponibles plus rapidement que d’autres ou plus efficaces que d’autres. L’enveloppe globale pour les vaccins a donc été revue à la hausse.

Nous avons également engagé des dépenses supplémentaires liées à des surcoûts, en particulier à l’hôpital, et d’autres dépenses liées aux indemnités journalières. En effet, la crise se poursuivant, la troisième vague se traduit par des hausses d’indemnités journalières même si tout cela est actuellement encore très prévisionnel.

Le chiffre retenu et présenté au comité d’alerte de l’ONDAM au mois d’avril est un chiffre proche de 9 milliards d’euros au lieu des 4,3 milliards d’euros votés en LFSS. C’est certainement l’ordre de grandeur qui sera retenu par le comité d’alerte lorsqu’il présentera la semaine prochaine l’avis qu’il doit remettre chaque année avant le 1er juin.

Nous serons probablement entre 9 et 10 milliards d’euros. Nous considérons que c’est un chiffre médian au sein d’une fourchette sur laquelle il reste encore beaucoup d’incertitudes sur ce que seront les surcoûts liés à la crise au second semestre. Combien de tests seront-ils faits ? Quels seront les surcoûts éventuels à l’hôpital ou dans les établissements médicosociaux ? Je pense que le comité d’alerte relèvera l’incertitude attachée à cette prévision.

Tout le monde savait évidemment lors de la discussion sur le PLFSS que nous avions devant nous une très grande incertitude, raison pour laquelle vous avez voté une disposition selon laquelle le Gouvernement n’a pas présenté des mesures de rééquilibrage à la suite de la remise de l’avis du comité d’alerte au mois d’avril. La loi prévoit en effet, en cas de risque sérieux de dépassement en avril, que le Gouvernement doit présenter des mesures de rééquilibrage. Cette disposition a été levée cette année dans le contexte de la crise.

Le HCAAM a remis son avis et finalise actuellement son rapport. C’est un travail très riche que je ne résumerai pas ici mais, parmi les orientations proposées par le HCAAM se trouve celle de renforcer la dimension pluriannuelle de l’ONDAM. Il s’agit d’être capable de construire une trajectoire mieux éclairée par les effets d’offre et d’organisation des soins mais aussi par les effets de demande de prise en charge des pathologies. Il faut que cette trajectoire ne soit pas qu’une trajectoire budgétaire mais soit enrichie par une compréhension de la manière dont se forment les dépenses de santé, de la démographie médicale, des revenus...

Cette proposition est cohérente avec les recommandations de la « commission Arthuis », qui proposait également d’avoir une vision davantage pluriannuelle des dépenses publiques. Elle est aussi cohérente avec les deux propositions de loi organique évoquées lors de la séance d’hier après‑midi et qui visent à renforcer cette dimension pluriannuelle du pilotage des finances publiques.

Ce pilotage pluriannuel de l’ONDAM s’enrichirait dans la proposition du HCAAM d’une proposition qui reste à travailler et à préciser mais qui a retenu l’intérêt des membres du HCAAM. Celle-ci consiste à identifier une provision pluriannuelle au sein de cette trajectoire pluriannuelle afin de s’extraire d’une régulation purement infra-annuelle dès lors que nous resterions dans le cadre de la provision pluriannuelle. Ainsi, si nous dépassons un peu l’ONDAM une année, nous ne serions pas forcément obligés de réguler ex post – nous pensons évidemment au gel des tarifs hospitaliers – mais nous pourrions le réguler de façon pluriannuelle, c’est-à-dire prendre des mesures pour revenir ou rester dans le cadre de cette trajectoire enrichie de la provision. Cela reste à préciser techniquement mais a semblé vraiment intéressant aux membres du HCAAM. Si nous y parvenions, ce serait évidemment une évolution assez forte du pilotage annuel et pluriannuel de l’ONDAM.

Tout cela n’est pas pour cette année. Cela ne peut s’entendre que dans le cadre d’une trajectoire pluriannuelle et, plus largement, dans le cadre d’une trajectoire de pilotage des finances publiques. Nous voyons bien que cela renvoie à une prochaine loi de programmation des finances publiques et aux décisions politiques qui devront être prises lors du prochain quinquennat et de la prochaine législature.

Certaines recommandations pourraient être prises en compte dès cette année. Elles sont davantage techniques mais, en matière de construction de l’ONDAM, la technique a toujours un lien fort avec l’impact sur les acteurs. L’une des orientations portées par le HCAAM, partagée par la « commission Arthuis » et, je crois, par le rapporteur général, consiste à enrichir l’annexe 7 sur l’ONDAM pour disposer d’informations plus précises sur les dépenses des hôpitaux, l’investissement des hôpitaux et l’endettement des établissements publics.

Je crois que tout le monde reconnaît aujourd’hui que le pilotage de l’ONDAM hospitalier à travers les dotations de l’assurance maladie ne permet pas d’avoir une vision claire et exhaustive de ce qu’il se passe à l’hôpital. Ce sont des travaux techniques assez lourds qui concernent des milliers d’établissements et qui nécessitent de compiler et analyser beaucoup de données. Ce sera à introduire progressivement, la première étape ayant lieu dès cette année puis les autres dans les années suivantes. Ils permettront d’enrichir largement les débats au Parlement lors de l’examen du PLFSS.

Par ailleurs, d’autres évolutions sont possibles dans la présentation et la construction de l’ONDAM mais il est encore un peu tôt pour en parler. Les ministres n’ont pas encore pris leur décision et nous travaillons techniquement à savoir ce qui sera possible.

Mme Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins. Nous avons bien avancé sur l’ensemble des piliers du Ségur de la santé, notamment sur le premier pilier, qui concerne les revalorisations, les travaux sur les carrières et l’attractivité des professionnels, pour les personnels médicaux et les personnels non médicaux. Notre calendrier est très dense depuis septembre dernier ; sa mise en œuvre a été rapide et effective et se poursuit au moins jusqu’à la fin du premier semestre, voire durant l’ensemble de l’année 2021. Je ne sais pas si vous souhaitez que je détaille car les mesures sont nombreuses. Je pourrai vous transmettre le calendrier précis de ce qui a été fait et de ce qu’il reste à faire. Il s’agissait pour nous d’une priorité forte du fait des attentes des personnels de santé, notamment en termes de rémunérations mais aussi d’attractivité de leurs carrières.

Le premier volet du deuxième pilier était le plan d’investissement. Il s’agissait de substituer au critiqué comité interministériel de la performance et de l’offre de soins hospitaliers (Copermo) de nouvelles modalités de gouvernance. C’est chose faite : le Comité national de l’investissement en santé (CNIS) a été mis en place par le ministre voici quelques semaines. Nous avons installé les différents comités de pilotage qui doivent traiter des investissements et un certain nombre de décisions ont déjà été prises pour des investissements très attendus, à Tours et à Bordeaux par exemple. Nous sommes donc pleinement en ordre de marche pour que de nouvelles décisions d’investissement soient prises dans les prochains mois.

Ce pilier comportait également des mesures importantes sur les réformes du financement. Nous avons dû surseoir et décaler certaines de ces réformes. Je pense à la psychiatrie et aux soins de suite et de réadaptation (SSR), décalés à 2022. Néanmoins, les travaux sont déjà bien engagés puisque pour la psychiatrie, nous finalisons actuellement le projet de décret et souhaitons qu’il soit publié cette année, même si sa mise en œuvre est reportée à 2022. C’est également le cas pour les SSR.

Pour le financement des urgences, la mise en œuvre a déjà démarré en 2021. Une première tranche a été allouée lors de la première circulaire budgétaire pour une partie de la nouvelle dotation populationnelle et un complément sera octroyé en deuxième circulaire budgétaire. Cette réforme s’échelonnera tout au long de l’année. Je crois qu’elle est très attendue et très importante. Elle constitue une première marche dans la mise en œuvre de ces réformes de financement, même si nous avons dû en décaler quelques-unes du fait de l’impact de la crise sanitaire sur les agences régionales de santé (ARS) et les établissements. Cette réforme nécessite en effet leur engagement plein et entier.

Un certain nombre de travaux sont en cours pour le dispositif d’incitation financière à la qualité (IFAQ). Notre objectif est que les travaux se poursuivent à l’échelon national pendant la crise, même si la mise en œuvre a été décalée en 2022. Nous travaillons sur une extension et un enrichissement du périmètre du dispositif IFAQ, notamment pour la santé mentale, ainsi qu’au développement de nouvelles catégories d’indicateurs. Nous voulons aussi faciliter le recueil de ces indicateurs et recueillir des indicateurs avec un volet davantage médicalisé pour donner plus de sens. En effet, le dispositif IFAQ comporte des indicateurs très transversaux qui concernent tous les types d’établissements – dossiers patients, etc. – mais nous devons maintenant rattacher ces indicateurs à des secteurs d’activité puisqu’ils font partie de la réforme du financement. C’est le cas pour les urgences, les SSR ou la psychiatrie.

Nous devons enrichir deux branches d’indicateurs : des indicateurs transversaux et des indicateurs très corrélés à des catégories d’activité très spécifiques. Ce sont aussi des indicateurs qui « parlent » davantage aux établissements et aux professionnels de santé, ce qui en fait un enjeu très important. Ce sujet rejoint la question de l’enrichissement et de la médicalisation de nos bases et de nos indicateurs, avec un souci de simplification du recueil. Nous devons progresser collectivement sur cette simplification.

Il existe aussi un volet recherche, qui n’est pas le plus complexe à mettre en œuvre puisqu’il s’agit d’un abondement des dotations des crédits de financement de la recherche pour 50 millions d’euros par an. C’était très attendu et cela a démarré dès cette année.

Plusieurs ordonnances relatives à l’organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) ont été publiées le 12 mai : l’ordonnance et le décret sur les hôpitaux de proximité ; l’ordonnance portant réforme des autorisations, qui est une ordonnance transversale puisqu’il s’agit de décrets venant mettre en œuvre la refonte des conditions d’autorisation de chaque segment d’activité ; l’ordonnance sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), pour laquelle le décret est sorti du Conseil d’État et devrait être publié très prochainement ; l’ordonnance sur l’exercice coordonné, qui est également relative aux CPTS et aux maisons de santé.

Une dernière ordonnance concernant la recertification des professionnels de santé est en cours de concertation. Le délai qui nous est imposé est très court et nous nous concertons actuellement très activement avec l’ensemble des professionnels, des ordres, le conseil national de pilotage, les organisations syndicales et les fédérations. Ce sera finalisé cette semaine en espérant un accord global sur les grands principes retenus dans l’ordonnance qui pourrait vous être présentée. Nous saurons si c’est possible en fin de semaine ou au début de semaine prochaine ; je suis plutôt optimiste.

M. le rapporteur général. Je souhaite en savoir un peu plus sur la réforme des hôpitaux de proximité, autant d’un point de vue structurel que financier, et sur les forfaits « diabète » et « insuffisance rénale chronique » (IRC).

Mme la directrice générale de l’offre de soins. S’agissant des hôpitaux de proximité, nous avons concentré nos efforts sur la réforme de la gouvernance. Le texte vient d’être publié dans le cadre de l’ordonnance. La gouvernance mise en place est très particulière. Nous souhaitons, dans les mois qui viennent, nous assurer de la bonne mise en œuvre de ces textes qui doivent concrètement permettre de bien faire le lien avec le GHT auquel ces hôpitaux appartiennent tout en leur donnant des modalités de travail spécifiques pour qu’ils soient très proches des libéraux, notamment des CPTS et maisons de santé. L’enjeu est de réussir la mise en place concrète de cette gouvernance dans les prochains mois.

Nous n’avons pas repris les travaux sur les forfaits « diabète ». Nous redémarrons pour les forfaits « IRC ». Nous avons poursuivi leur mise en œuvre cette année. En 2021, nous versons l’intégralité du forfait si les trois consultations – néphrologue, infirmière et diététicien – sont réalisées, avec un abattement de 33 % pour une consultation non effectuée et aucun versement en l’absence de consultation d’un néphrologue. Nous régularisons les forfaits 2020 et nous poursuivons les travaux pour 2022. Il s’agit de construire la partie indicateurs de résultat et de qualité. Nous ne l’avions pas encore entamée et nous travaillons cette année en espérant une mise en œuvre en 2023 ou 2022. Notre priorité est de compléter ce modèle avec ce volet des indicateurs de qualité.

Les travaux de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation se poursuivent évidemment pour améliorer les modalités de recueil de ces outils. Il s’agit d’un sujet transversal qui concerne aussi ces forfaits.

M. Maurice-Pierre Planel, directeur général adjoint à la direction générale de la santé. Nous sommes associés aux travaux sur les questions qui nous concernent comme les questions de santé mentale, un sujet important en cette période. Nous contribuons avec la direction de la sécurité sociale, la DGOS et la CNAM à la mise en œuvre de ces mesures mais, sur les questions d’exécution budgétaire, je préfère laisser les directions compétentes répondre.

M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). L’exercice de prévision est particulièrement délicat cette année, notamment sur les tests et la campagne vaccinale pour lesquels les hypothèses de montée en charge et de coût sont difficiles à mesurer. Nous travaillons en lien étroit avec la direction de la sécurité sociale et avec les professionnels concernés pour partager ces hypothèses. Je souligne l’investissement de l’assurance maladie pour garantir le financement de ces tests et de cette campagne de vaccination.

La crise nous a montré l’intérêt de la structuration territoriale par les CPTS, qui permet aux professionnels de santé libéraux d’être mieux organisés et d’interagir avec les parties prenantes, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des ARS, des services de l’État ou des établissements de santé. Beaucoup de CPTS se sont investies dans les centres covid lors de la première vague et dans la campagne vaccinale depuis le début de cette année.

Afin de les soutenir, nous avons engagé à l’automne dernier des négociations sur l’avenant à l’accord interprofessionnel pour donner à ces CPTS une mission de préparation et de gestion des crises sanitaires. J’insiste sur ces deux volets : un volet d’anticipation pour accompagner les CPTS dans leur capacité à se préparer, à vérifier leurs circuits d’information, à anticiper d’éventuelles crises sanitaires ; un volet de soutien à ces communautés professionnelles en cas de crise sanitaire.

Nous avons fait des propositions de financement, à la fois sur le volet de la préparation et sur un financement qui se déclencherait en cas de crise. Ces négociations ont été gelées du fait des élections professionnelles au printemps. Ce volet n’était pas le plus compliqué et les propositions étaient largement consensuelles. Nous devrions pouvoir reprendre durant l’été cette discussion avec l’ensemble des syndicats. Nous attendons le résultat des enquêtes de représentativité suite aux élections pour avoir des partenaires représentatifs et réenclencher les négociations.

Je souligne l’importance que l’assurance maladie attache aux travaux du HCAAM sur l’ONDAM, ainsi que l’intérêt et la difficulté d’une programmation pluriannuelle. Elle devrait permettre de concilier les différents objectifs de l’ONDAM, de mieux le relier aux objectifs de transformation du système de santé, d’organisation des soins et aux priorités de santé publique.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’évaluation de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, relatif au « reste à charge zéro ».

M. Cyrille Isaac-Sibille, rapporteur. Comme l’année dernière, la MECSS m’a confié l’analyse de cette réforme essentielle pour un meilleur accès au soin. La réforme dite « 100 % santé » prévue à l’article 51 de la LFSS 2019, votée en 2018 et étalée sur les années 2019, 2020 et 2021, permet à tous les assurés bénéficiant d’un contrat de complémentaire santé responsable ou solidaire d’accéder à un panier de soins sans reste à charge dit « 100 % santé » dans trois domaines : l’optique, les aides auditives et les soins prothétiques.

Le suivi de cette réforme pourrait être aisé à réaliser puisque nous pouvons l’évaluer simplement par des chiffres. Néanmoins, trois éléments compliquent cette évaluation : il s’agit d’une réforme dont la mise en œuvre est progressive, étalée sur trois ans ; cette réforme a aussi été impactée sur le terrain par la crise sanitaire, notamment par le premier confinement ; enfin, son suivi requiert un grand nombre d’informations, souvent difficiles à obtenir et que je n’ai pas toutes en ma possession malgré les auditions que j’ai menées. Je vous remercie donc pour votre présence et pour l’ensemble des éléments que vous nous communiquerez. Ils nous permettront d’affiner ensemble ce suivi.

Les premières données chiffrées dont nous disposons permettent de dresser un bilan globalement très positif de la réforme. Ils montrent une forte pénétration de l’offre « 100 % santé », notamment en dentaire et en audiologie. En 2020, le panier « 100 % santé » a représenté 52 % des actes réalisés en dentaire, soit un pourcentage bien supérieur à l’objectif, qui était de 40 %. Depuis le 1er janvier 2021, date à laquelle la réforme est pleinement en vigueur concernant l’audiologie, 30 à 35 % des aides auditives proviennent du panier « 100 % santé ». Ces résultats, encore à consolider, sont également bien supérieurs à l’objectif initial de 20 %. Le bilan est donc très positif dans ces deux domaines.

En revanche, le bilan est plus mitigé pour l’optique. En 2020, seuls 17 % des verres simples, 10 % des verres complexes et 13 % des montures provenaient du panier « 100 % santé ». Ces chiffres en deçà de l’objectif initial de 20 % ne doivent pas pour autant nous faire conclure à un échec total de la réforme pour l’optique. Ils s’expliquent en partie par la préexistence de nombreuses offres sans reste à charge dans ce secteur.

La réforme « 100 % santé » devait permettre de répondre à une exigence sanitaire et sociale en contribuant à diminuer les restes à charge et à lutter contre le non-recours aux soins. Remplit-elle ces objectifs ?

Commençons par la lutte contre le renoncement aux soins. Les premiers éléments très parcellaires transmis par la CNAM concernent les assurés bénéficiant du dispositif « mission accompagnement santé ». Ces éléments nous laissent penser que la réforme pourrait avoir un impact important dans la lutte contre le non-recours aux soins. Disposez-vous d’autres données que celles de la mission accompagnement santé, qui ne représentent que quelques milliers de personnes ? Cela nous permettrait de savoir si cette réforme a diminué le non-recours aux soins à l’échelle de l’ensemble du territoire.

Disposez-vous de données en matière de prévention ? J’aimerais tout particulièrement connaître les effets de la réforme sur le recours aux soins conservateurs en dentaire. Il s’agissait d’une annexe au « 100 % santé ». La revalorisation des soins conservateurs dentaires était également importante pour la prévention et il serait intéressant de savoir si le recours à ces soins a augmenté.

Enfin, quelles sont les mesures que vous avez prises ou que vous envisagez de prendre pour assurer un accès à des soins optiques, dentaires ou d’audiologie de qualité pour les personnes les plus défavorisées qui ne bénéficient pas de la réforme « 100 % santé » ? Il s’agit des personnes qui n’ont pas de complémentaire santé solidaire ou responsable. Je rappelle que 5 % de la population n’a pas de complémentaire aujourd’hui et ces personnes sont donc exclues de cette réforme.

Au-delà du renoncement aux soins, qu’en est-il des autres restes à charge ? Ils sont aujourd’hui nuls pour les équipements du panier « 100 % santé » dans les trois secteurs, ce qui est un réel progrès dans la mesure où ils étaient particulièrement élevés avant la réforme. Nous pouvons donc dire que cette réforme est une belle réforme.

Sur les équipements hors « 100 % santé », l’évaluation des restes à charge est plus complexe à appréhender. Il faut noter que certains organismes complémentaires ont baissé leur niveau de garantie sur les produits hors « 100 % santé » dans leur contrat d’entrée de gamme. Malgré cela, les restes à charge sur le hors « 100 % santé » ne semblent pas avoir augmenté d’après les données dont nous disposons, essentiellement issues du réseau de soins Santéclair. Ils auraient même diminué en audiologie et en dentaire.

En audiologie, le reste à charge était de 780 euros en 2016 et il est aujourd’hui nul pour les appareils de classe 1. Selon les données de Santéclair, il serait de 784 euros pour les appareils de classe 2, c’est-à-dire les appareils haut de gamme pour lesquels le reste à charge était sans doute bien supérieur en 2016.

En dentaire, le reste à charge moyen pour les couronnes céramo-métalliques était de 135 euros en 2016 et est aujourd’hui nul pour le « 100 % santé ». Il est de 160 euros pour le panier modéré et de 170 euros pour le panier libre. Il est difficile de comparer puisque les données ne concernent que les réseaux « 100 % santé » et que les restes à charge moyens indiqués par Santéclair comprennent d’autres produits que les couronnes céramiques. Il paraît assez vraisemblable que le reste à charge pour un équipement de même qualité ait sensiblement baissé.

En optique, le reste à charge de l’équipement s’élevait à 95 euros en 2016. En 2020, il serait de 46 euros pour les verres unifocaux, 140 euros pour les verres multifocaux et 90 euros pour les montures, hors « 100 % santé » et hors offre sans reste à charge. Il est compliqué avec ces seules données de savoir précisément comment les restes à charge ont évolué en optique.

Nous n’avons pas réussi à obtenir de données consolidées sur le reste à charge. Disposez-vous d’autres données que celles du réseau Santéclair sur ce sujet ? Effectuez-vous un suivi des niveaux de remboursement par les complémentaires des produits n’appartenant pas au panier « 100 % santé » ? Savez-vous quelle est la part des assurés concernés par les baisses remboursement ?

Venons-en au financement de la réforme. Au moment de son adoption, le coût de la réforme était estimé à 755 millions d’euros par an pour l’assurance maladie d’après l’étude d’impact annexée au PLFSS. La Mutualité française évaluait quant à elle le coût de cette réforme pour les assurances complémentaires à 150 millions d’euros par an.

L’an dernier, vous aviez dit qu’il était encore trop tôt pour disposer des données relatives au coût de la réforme. Il est certain qu’il est également difficile cette année d’établir un bilan chiffré compte tenu de l’interruption quasi totale de l’activité pendant quelques mois.

La Fédération française de l’assurance (FFA) a néanmoins conduit un exercice intéressant en estimant le coût hors covid de la réforme. Il s’élèverait à 150 millions d’euros sur le périmètre des assurances. La crise sanitaire aurait surtout eu pour conséquence de décaler le coût de la réforme. La Mutualité française estime ce coût à 144 millions d’euros pour 2021 dans son périmètre.

Pourriez-vous nous fournir une estimation du coût de la réforme pour l’assurance maladie obligatoire ? Avez-vous fait le même exercice que les assureurs, à savoir estimer le coût hors covid de la réforme ?

L’hypothèse faite à l’époque était que les économies sur l’optique pouvaient, pour les complémentaires, couvrir les surcoûts en dentaire et en audiologie induits par les réformes. Cette hypothèse est-elle confirmée aujourd’hui ? Quel est l’effet de la réforme sur les cotisations demandées aux assurés ? J’ai bien entendu hier que nous avions voté 1,5 milliard d’euros. Le solde est sans doute de 2 milliards, voire 2,5 milliards d’euros. L’évolution de 3 % du coût des mutuelles est-elle vraiment justifiée ?

Enfin, sommes-nous allés jusqu’au bout de la réforme ? Est-elle réellement achevée ? Je pense en particulier au lien entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires pour l’optique. Les remboursements par l’assurance maladie obligatoire sur le panier à prix libre sont désormais très limités puisque l’assurance maladie rembourse 9 centimes d’euro, qui lui permettent principalement de conserver un droit de regard sur le remboursement effectué par les organismes complémentaires. Cela engendre une complexité administrative inutile.

Ne pourrions-nous pas envisager d’expérimenter, au moins dans une région, un système dans lequel nous ferions davantage confiance aux organismes complémentaires qui prendraient en charge et géreraient la part sécurité sociale sur le panier libre ?

M. le directeur de la sécurité sociale. Pour certaines questions, nous n’avons malheureusement pas plus de données que vous.

Nous partageons l’appréciation générale du rapporteur selon laquelle la réforme est encore en cours de mise en place mais atteint ses objectifs. Comme vous l’avez dit, c’est vrai en dentaire ainsi que pour les audioprothèses même si nous n’en sommes encore qu’au tout début, le « 100 % santé » ne datant que du mois de janvier dans ce domaine. Nous constatons toutefois que, depuis le début de l’année, nous sommes déjà largement dans les objectifs. Nous ne sommes un peu en deçà des objectifs que dans le cadre de l’optique et différentes actions sont mises en œuvre sur lesquelles nous pourrons revenir si vous le souhaitez.

Nous n’avons pas de données sur le renoncement aux soins : il est calculé à partir d’études par les services statistiques, notamment la direction de la recherche, des études et de l’évaluation et des statistiques (DREES). Cela ne peut pas être fait au fil de l’eau car ce sont des questionnaires assez lourds. Il faudrait voir avec la DREES quand auront lieu des publications sur les enquêtes 2020 mais ce ne sera probablement pas avant un ou deux ans.

Les données dont nous disposons proviennent souvent d’associations de terrain. Elles peuvent être éclairantes sur des situations locales mais ne donnent pas une vision générale.

Une autre manière de voir la baisse du renoncement aux soins consiste à regarder l’augmentation des volumes, en particulier pour les audioprothèses. Il nous faudra un peu de recul mais nous voyons en janvier et février que 40 % environ des audioprothèses vendues sont de classe 1 donc sans reste à charge. En outre, nous constatons une augmentation sensible des volumes, ce qui répond à l’objectif de la réforme de lutter contre le non‑recours. Nous estimions qu’un tiers environ des personnes ayant des problèmes auditifs s’équipaient et l’objectif était d’augmenter le taux d’équipement grâce à une offre sans reste à charge.

Nous ne pouvons pas tirer des enseignements précis sur le taux d’équipement des deux mois de début d’année mais, si le phénomène se confirme, la simple augmentation des volumes traduit une augmentation du recours. La situation est identique sur les prothèses dentaires mais nous aurons là encore besoin d’un peu de recul pour consolider les données.

Les personnes n’ayant pas de complémentaire, ce qui concerne, d’après les chiffres actualisés, 4 % de la population, ne sont pas uniquement des personnes défavorisées. Il existe une part de renoncement volontaire aux complémentaires et aussi, c’est vrai, une part de renoncement par des personnes à bas revenus qui n’ont pas recours à la complémentaire santé solidaire. Ce peuvent être des personnes en activité mais non couvertes par leur employeur car avec des temps partiels très courts ou des contrats à durée déterminée très courts, donc des salariés précaires. Ce sont aussi des personnes hors de l’activité, donc non couvertes de toute façon par leur employeur et qui ne prennent pas de contrat individuel en raison de son coût. Pour ces personnes, il faut améliorer le recours à la complémentaire santé solidaire, créée voici environ un an et demi.

Des actions sont en cours, notamment de l’assurance maladie, mais nous pouvons en imaginer d’autres. Des propositions seront peut-être formulées dans le cadre du PLFSS pour améliorer le recours dans le cas de personnes dont nous considérons qu’elles pourraient avoir accès à la complémentaire santé solidaire et ne le font pas.

La question des données sur les restes à charge hors « 100 % santé » est compliquée. Qui dispose des données du reste à charge après assurance maladie complémentaire ? Seules les assurances maladie complémentaires les ont. Le ministère de la santé ou l’assurance maladie ne connaissent pas le remboursement des complémentaires. Nous connaissons le remboursement de l’assurance maladie obligatoire et le reste à charge mais nous n’avons pas connaissance du niveau de prise en charge par la complémentaire. Nous savons qu’il n’existe pas de reste à charge sur le panier « 100 % santé » dès lors que les personnes ont une complémentaire mais nous ne connaissons pas le reste.

Dans le passé, alors que j’occupais de précédentes fonctions, j’avais essayé de lancer des projets avec les complémentaires pour créer une base statistique assez volumineuse, couvrant un grand nombre de complémentaires, afin de disposer de données individuelles mais ils n’ont pas abouti. Les complémentaires n’ont pas voulu s’engager dans ce processus. Nous ne disposons donc des données que complémentaire par complémentaire ou via des plateformes équivalentes à Santéclair. Chacun fournit ses propres données, qui ne sont évidemment pas des données concernant la France toute entière.

Ceci est certainement un manque dans notre système de santé et, d’ailleurs, renvoie à votre dernière question sur le remboursement de quelques centimes en optique hors « 100 % santé ». Comme vous l’avez dit, le Gouvernement a choisi de conserver un remboursement minime de l’assurance maladie non pas pour le remboursement en lui-même mais pour conserver l’information sur le coût de lunettes et l’identité de l’acheteur. Sans cette information, il faudra se tourner vers Santéclair et les plateformes équivalentes pour disposer d’informations puisque nous ne saurons plus qui achète des lunettes ni à quel prix hors du panier.

Nous avions eu cette discussion avec la FFA en 2018 lorsqu’elle regrettait le maintien de ce remboursement de quelques centimes au motif de sa complexité administrative. Il faut d’ailleurs relativiser cette complexité, puisque tout ceci est transmis de façon totalement numérique. Nous avions demandé à la FFA de nous faire une proposition au nom de l’ensemble des complémentaires pour créer un système d’information exhaustif. Nous n’avons malheureusement jamais reçu cette proposition mais cela reste peut-être possible dans l’avenir.

Nous ne disposons donc pas du reste à charge après assurance maladie complémentaire et il faudra faire des enquêtes sur la question. Nous disposons tout de même de données sur le reste à charge global et non individuel par poste de dépense. Ces données paraissent dans les comptes de la santé publiés chaque année en septembre par la DREES. J’espère que nous pourrons alors étudier l’évolution du reste à charge global, notamment sur le poste de l’optique.

Les audioprothésistes nous ont alertés en début d’année sur le fait que certaines complémentaires semblaient diminuer les remboursements sur le panier hors « 100 % santé ». Après avoir beaucoup échangé avec eux et avec les complémentaires au sein du comité de suivi de la réforme, il semble que cela ne concerne que quelques petites complémentaires. Les fédérations des organismes complémentaires n’ont pas constaté de mouvement général, massif, significatif de baisse des remboursements.

En revanche, l’écart est par définition accru entre la classe « 100 % santé » et les autres puisque l’achat d’une prothèse de la classe « 100 % santé » se fait sans reste à charge, même sans baisse du remboursement. Dans la plupart des garanties, il existe effectivement un reste à charge sur la classe 2. Les audioprothésistes ont regretté ce reste à charge en considérant que les complémentaires devaient également augmenter le remboursement sur la classe 2, ce qui n’était pas la logique de la réforme « 100 % santé ».

Le coût de la réforme était estimé à environ 1 milliard d’euros, dont trois quarts pour l’assurance maladie obligatoire et un quart pour les complémentaires. Nous ne sommes pas encore capables de l’évaluer ex post ; c’est un peu tôt, toujours pour les mêmes raisons. Nous avons besoin d’une vision stabilisée sur le comportement des assurés en ce qui concerne le recours à ces paniers. Il fallait donc attendre la mise en œuvre de l’ensemble du « 100 % santé », c’est-à-dire la dernière étape au mois de janvier pour disposer d’un peu de recul sur les comportements. Six mois, soit les six premiers mois de 2021, nous semblent nécessaires. Nous pouvons espérer qu’en septembre ou octobre, au moment des débats sur le PLFSS, nous serons capables d’évaluer les recours aux soins, y compris sur le dentaire et l’optique, qui ont été très chahutés en 2020.

L’année 2020 n’est pas représentative de ce que seront les comportements des assurés et il ne nous semble donc pas utile de reconstituer le coût du « 100 % santé » hors covid pour l’année 2020. Nous ne savons pas ce qu’auraient été les comportements hors covid en 2020. Le chiffrage de la FFA est fondé sur des hypothèses totalement conventionnelles. En 2020, les organismes complémentaires ont économisé 2,5 milliards d’euros ; dire avoir dépensé 150 millions d’euros au titre du « 100 % santé » n’a pas de sens. Il faut en réalité attendre d’être après le covid pour savoir quels sont les comportements hors covid. Nous espérons pouvoir le faire en 2021.

Le coût sera-t-il proche de ce qui était anticipé ? Dans le schéma général, des économies étaient effectivement prévues pour les financeurs côté optique et plutôt des surcoûts liés aux prothèses côté dentaire. Pour les prothèses dentaires, nous sommes plus haut que ce qui avait été fixé comme objectif et plutôt plus bas sur l’optique. Il est donc probable que cela ne s’équilibre pas globalement. Si les chiffres de recours dont nous disposons aujourd’hui étaient confirmés, le coût de la réforme pour l’assurance maladie obligatoire pourrait être un peu supérieur à ce qui était anticipé.

M. le directeur général de la CNAM. Cette réforme « 100 % santé » est une véritable avancée, au moins sur le dentaire et les audioprothèses. Au premier trimestre 2021, nous avons la confirmation que la part des actes concernés par ces paniers sans reste à charge augmente fortement, à 55 % sur le dentaire et 40 % sur les audioprothèses. Cette percée est significative et c’est très positif pour les assurés en termes d’accès aux soins. Le bilan est plus nuancé sur l’optique.

Nous avons beaucoup de difficultés à mesurer le renoncement aux soins. Ce qui remonte aux caisses provient des missions accompagnement santé, qui accompagnent les assurés pour l’accès aux soins et aux droits. Nous avons vu en 2020 une baisse des renoncements aux soins liés au dentaire de l’ordre de 6 points. C’est un premier élément à prendre avec beaucoup de prudence mais il est bien orienté.

Comprendre l’année 2020 pose, comme l’a dit Franck Von Lennep, d’énormes difficultés. Du fait de la crise sanitaire et notamment du premier confinement, les honoraires totaux des dentistes ont baissé de plus de 7 % en 2020. Les dépenses de remboursement de l’assurance maladie pour les honoraires en dentaire ont baissé de 13 %, hors mise en place du dispositif d’indemnisation de perte d’activité. L’activité de soins dentaires est donc extrêmement difficile à lire en 2020. Elle s’est quasiment arrêtée lors du premier confinement, a repris au mois de juin avec peut-être en partie un effet de rattrapage pendant l’été. Les comportements des assurés et des professionnels en termes de rattrapage de soins sont presque impossibles à lire. Il faut aussi essayer de mieux comprendre si les soins conservateurs ont commencé à progresser.

Pour tous ces sujets, nous devrons regarder de très près l’année 2021 et nous le ferons bien sûr avec les professionnels, les organismes complémentaires et la direction de la sécurité sociale. Les chiffres du premier trimestre 2021 sont intéressants. Ils confirment la montée du panier « 100 % santé ».

Je signale que le dispositif « 100 % santé » a un intérêt même pour les personnes qui n’ont pas de couverture complémentaire parce qu’il prévoit un plafonnement tarifaire. Cela signifie donc également pour ces personnes un reste à charge moins élevé, même sans complémentaire, que ce soit parce qu’elles ne veulent pas ou ne peuvent pas en avoir. Leur exposition au reste à charge est moins importante et c’est également un élément positif.

Je partage évidemment la frustration du directeur de la sécurité sociale sur le fait que nous ne disposions pas de données consolidées sur la couverture après l’assurance maladie complémentaire. Nous sommes disponibles pour reprendre les travaux avec les différentes familles de complémentaires pour progresser dans cette compréhension à laquelle nous ne sommes jusqu’à présent pas parvenus.

Faut-il changer le système de traçabilité des flux, y compris dans les champs pour lesquels l’assurance maladie n’intervient qu’à titre très subsidiaire pour avoir une traçabilité de ce qu’il se passe ? Je comprends la logique de cette proposition mais je crains qu’elle n’implique une machinerie administrative extrêmement lourde. Cela poserait des problèmes de gestion des données, puisque cela signifierait donner accès à toutes les complémentaires santé à des données d’identification des bénéficiaires de l’assurance maladie. Cela n’est pas neutre et nous avons déjà vu que ces sujets de transmission des données vers les complémentaires sont toujours compliqués, y compris sous le regard vigilant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Cela nécessiterait par ailleurs entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances maladie complémentaires une machinerie d’avance de frais qui nous semble disproportionnée. L’envoi d’un flux, même pour quelques centimes, est tout de même à la portée des offreurs de soins et des organismes complémentaires. Changer ce système nous paraît relativement délicat.

Pour conclure, il faut attendre les chiffres de 2021 mais la réforme semble très bien engagée, au moins sur le dentaire et sur les audioprothèses.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’évaluation de l’article 51 de la LFSS 2018, relatif aux innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé.

M. Marc Delatte, rapporteur. Si les professionnels de santé, dans leur richesse et leur diversité, se sont emparés d’un article, il s’agit bien de l’article 51 de la LFSS 2018. Cet article était très attendu au regard du succès qu’il rencontre. Il permet, dans une vision de santé publique bidimensionnelle, verticale et horizontale, le développement d’organisations innovantes de notre système de santé, décloisonnées et transverses.

Cet article dans l’esprit du Ségur de la santé est vécu comme une préfiguration d’un système de santé qui trouve souplesse et réactivité tout en s’inscrivant dans une relation de confiance entre l’administration et les professionnels de santé. Je souligne également la souplesse des financements.

C’est l’esprit qui a prédominé lors des auditions que j’ai menées, avec une richesse vraiment incroyable de projets tous dignes d’intérêt quand bien même ils n’étaient pas tous éligibles. Ces projets sont les témoins d’une mutation de ce système dans une perpétuelle dynamique, intégrant prévention et approche populationnelle ou médicosociale, prenant en compte les fragilités et les vulnérabilités tout en intégrant les nouvelles technologies.

Citons par exemple le projet de bus bucco-dentaire porté par la fondation ILDYS en Bretagne. Il s’agit d’un bus qui sillonnera la région en juillet prochain dans une stratégie « d’aller vers », notamment vers les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Citons aussi le projet « As du Cœur » d’Azur Sport Santé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le projet interrégional OBEPEDIA ou celui de prévention cardiovasculaire chez la femme dans les Hauts-de-France.

Saluons la mobilisation, la disponibilité et la qualité de l’accompagnement des administrations centrales et des ARS ainsi que l’évolutivité d’un dispositif encore jeune, avec la mise en place d’initiatives telles que l’Accélérateur 51 et les cafés porteurs, témoins d’une intelligence collective.

Nous recensons actuellement 810 projets, dont 528 éligibles, et 71 projets sont d’ores et déjà autorisés. La qualité des projets s’est affinée. Pourriez-vous nous le confirmer ?

Des questions subsistent. L’article 51 a grossi au fil des LFSS et de la « loi OTSS ». Ces évolutions législatives ont-elles eu une influence sur la lisibilité du dispositif ou sa mise en œuvre ? L’articulation avec les autres dispositifs – financement par les fonds d’intervention régionaux (FIR), avenant télémédecine – est-elle bien comprise par les acteurs ? Comment ces dispositifs doivent-ils selon vous s’articuler ? Comment expliquez‑vous que si peu de projets portent sur les produits de santé ? Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur le développement des projets ?

Madame la rapporteure générale, serez-vous surprise si je vous remonte quelques attentes voire critiques très constructives de terrain ? Elles portent d’abord sur la longueur de l’instruction des dossiers, cumulée avec un manque de visibilité quant aux échéances et aux délais ainsi que sur l’existence de deux conventions, l’une pour l’amorçage et l’autre pour le fonctionnement.

Ensuite, la lourdeur des cahiers des charges et de l’analyse médico-économique préalable sont un frein pour les acteurs moins structurés. Cela a par exemple été le cas lorsque j’ai auditionné l’union régionale des médecins libéraux (URML) de Picardie, les professionnels de ville ayant souvent recours aux cabinets de conseil. La troisième critique porte sur la lourdeur des systèmes d’information à mettre en place, conjuguée à un manque de clarté sur les exigences dans ce domaine. La quatrième est une insuffisante clarté des décisions à mettre en place conjuguée à un manque de clarté sur ce qui est éligible. Quel est votre sentiment sur ces quatre points ? Quelles pistes d’amélioration proposez-vous ?

Enfin, la Fédération de la mutualité française a souligné que les organismes complémentaires pourraient être mieux associés au financement de ces projets. Qu’en pensez‑vous ?

Mme Natacha Lemaire, rapporteure générale du Conseil stratégique de l’innovation en santé au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. Nous pouvons affirmer avoir trouvé notre public sur cet article 51 de la LFSS 2018, un peu comme pour le « 100 % santé », même si l’année 2020 a été bouleversée par la crise. Cela se traduit sur l’ensemble de la chaîne, depuis le moindre nombre de projets déposés jusqu’à la durée d’instruction.

Les chiffres que vous avez cités sont ceux du rapport qui faisait un état de la situation à la fin du mois d’octobre sur les projets déposés à la fin juin 2020. Nous avons maintenant la visibilité sur l’ensemble de l’année 2020. Nous avons donc un peu moins de 900 projets au lieu d’un peu plus de 800, ce qui montre bien le tassement dû à la crise. Au lieu de 71 projets autorisés, nous sommes quasiment à 90 ; d’autres seront autorisés dans les semaines qui viennent et cette année.

Ces projets couvrent un nombre considérable de thématiques. Nous retrouvons les priorités actuelles du Gouvernement, avec des projets concernant la prise en charge de l’obésité, de la santé mentale, du cancer, des troubles du neurodéveloppement, des personnes âgées ou handicapées et la santé sexuelle. Le spectre est vraiment très large.

Les projets couvrent également des modalités de financement diverses avec une prédominance pour le financement à la séquence de soins. Une des caractéristiques des projets « 51 » est de fédérer des acteurs pluriels, financés habituellement par des canaux différents et rendus solidaires par le modèle de financement. C’est typique du financement à l’épisode de soins.

Beaucoup de projets embarquent des outils numériques de tous ordres, avec de la télémédecine et des dispositifs médicaux qui m’amènent à nuancer le propos sur les produits de santé. Effectivement, très peu de projets déposés – et donc autorisés – traitent des médicaments mais, en revanche, nous avons bien des projets, déposés et autorisés, pour les dispositifs médicaux. Ils sont souvent associés à des projets organisationnels.

L’articulation avec les autres dispositifs, notamment avec le FIR des ARS, a lieu par le fait qu’un certain nombre de projets – pas tous – ont eu des versions pilotes par le FIR. Lorsqu’une initiative est financée par le FIR, elle reste dans les frontières régionales et a beaucoup de mal à percer et diffuser au-delà de la région. Le dispositif « 51 » permet ce saut et certaines initiatives probantes avec expérimentation par le FIR connaissent ainsi un nouveau développement et un passage à l’échelle. Je pense que ce point est important.

Un certain nombre de projets traitent de la télémédecine et en particulier de la télésurveillance. Les expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé (ETAPES) sont circonscrites avec cinq cahiers des charges et l’article 51 en est le prolongement permettant d’autres expérimentations.

La crise sanitaire a eu un impact sur le nombre de projets déposés et sur les durées d’instruction, qui étaient déjà vécues comme sensiblement trop longues. En effet, la construction d’un projet conforme à l’article 51 est une coconstruction qui nécessite de nombreuses itérations entre les services régionaux ou nationaux et le porteur. Cette boucle entre le porteur et les services a été allongée, à la fois parce que les porteurs avaient d’autres priorités et préoccupations et parce que les services en administration centrale ou en ARS ont été beaucoup mobilisés par la crise.

La crise a aussi eu un impact sur le lancement des projets. Les projets démarrés avant le premier confinement de mars 2020 ont connu un coup d’arrêt comme de nombreuses activités de santé. Certains de ces projets ne redémarrent que maintenant. Cela les a donc décalés de plusieurs mois voire presque d’un an. Par ailleurs, l’année 2020 a été l’année de première inclusion massive dans les expérimentations et ces montées en charge ont été perturbées par la crise du coronavirus.

Nous avons aussi vu des effets positifs. Certains projets qui développaient des prises en charge à distance, à domicile ou en utilisant des outils à distance, ont été accélérés par la crise et ont connu des montées en charge plutôt rapides. Quelques projets sont aussi nés de la crise du covid, notamment un projet autorisé récemment de microstructure post-covid pour la prise en charge des effets psychologiques et somatiques de la crise. Un second projet sera autorisé prochainement sur la participation des chirurgiens-dentistes à la permanence des soins. Ce projet a démarré pendant la crise avec un financement FIR et se développera dans le cadre de l’article 51.

Dans vos constats lors de la création du dispositif, vous faisiez trois critiques principales : l’absence à l’époque d’évaluation des initiatives lancées ; le délai entre l’habilitation législative et la mise en œuvre des projets ; le fait que les initiatives probantes en région n’étaient pas connues au niveau national. L’organisation que nous avons permet de répondre à ces trois critiques puisque, lors de l’instruction d’un projet se croisent les regards des services de l’État, des services de l’assurance maladie, des services en région et des services nationaux. Cet alignement prend un peu de temps mais, une fois qu’il est obtenu, il est extrêmement puissant.

Ce résultat est assez unique me semble-t-il dans notre système et constitue une sorte d’assurance pour la suite et la potentielle généralisation des expérimentations qui seraient probantes puisque l’ensemble des administrations concernées ont été associées en amont. Elles ont connaissance des projets et ont aussi approuvé ces expérimentations.

Ce qui prend le plus du temps est souvent l’élaboration du modèle de financement. Pour les acteurs, définir et proposer des organisations innovantes constitue leur métier quotidien, de routine et cela ne pose pas de difficulté particulière. En revanche, l’aspect financier est totalement nouveau et il se produit un important effet de courbe d’apprentissage. Partager ses modèles ou réflexions est aussi nouveau pour l’administration, tout comme le fait de les construire avec les parties prenantes. Pour le passage dans le droit commun, dans le cas où les évaluations seraient positives, nous aurons franchi une partie du chemin avec des modèles de financement déjà testés en vie réelle lors de l’expérimentation.

Sur l’éligibilité, nous sommes bien partis mais nous pouvons toujours nous améliorer. Parmi les améliorations envisageables se trouve la lisibilité du dispositif. La base légale nous permet aujourd’hui de mobiliser dans le dispositif plus de cent dérogations législatives dont beaucoup relèvent des modèles de financement et certaines sont des dérogations organisationnelles du code de la santé publique. Rendre simple cette multitude de dérogations n’est pas toujours évident, y compris pour les services spécialisés. Sur certains projets, l’analyse de recevabilité prend du temps pour répondre de façon claire et certaine au porteur de projet.

Il convient d’améliorer la lisibilité et l’accessibilité dans nos interactions avec les uns et les autres. Nous répondons tous les jours à des questions sur le dispositif. Nous avons aussi à cœur de nous améliorer sur la rapidité bien sûr.

Plusieurs projets sont proposés par les organismes d’assurance complémentaire, plutôt dans leur version opérateur de soins, mais nous n’avons à ma connaissance pas eu de projet concernant la dimension complémentaire santé. Comme pour le « 100 % santé », c’est probablement parce qu’il existe de nombreux acteurs et qu’il est compliqué à mettre en œuvre. Cependant, la base légale le permet et nous serions prêts à instruire de tels projets s’il s’en présentait.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en arrivons à l’évaluation de l’article 49 de la LFSS 2018, relatif à la vaccination obligatoire des enfants.

M. le rapporteur général. J’ai proposé à la MECSS de réaliser le suivi d’une réforme essentielle en matière de santé publique dans le cadre de ce Printemps social de l’évaluation, à savoir l’extension des obligations vaccinales aux jeunes enfants.

À l’heure où nous parlons beaucoup de vaccination contre le covid‑19, il m’a paru intéressant d’évaluer la mise en œuvre de cette mesure, qui visait en partie à restaurer la confiance des parents dans la vaccination de leurs enfants.

Cette mesure avait fait l’objet de longs débats au Parlement. L’article 49 de la LFSS 2018 que nous avons adopté étend pour les enfants de 0 à 24 mois nés à compter du 1er janvier 2018 l’obligation vaccinale qui concernait déjà les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à huit vaccins supplémentaires qui n’étaient auparavant que recommandés. La réalisation de ces huit nouveaux vaccins conditionne depuis le 1er juillet 2018 l’entrée de ces enfants en collectivité.

L’objectif de la mesure était de clarifier le régime juridique des vaccinations pour les jeunes enfants et, surtout, de remédier à l’insuffisance de la couverture vaccinale. Vous le savez, nous ne sommes pas encore aujourd’hui à l’abri de la réémergence de maladies infectieuses graves. Rappelons-nous la forte épidémie de rougeole à laquelle la France a dû faire face entre 2008 et 2012.

Une fois votée, cette mesure a été très rapidement appliquée et je tiens à saluer les administrations présentes pour la rapidité avec laquelle le décret d’application et le calendrier des vaccinations ont été publiés.

Le bilan que nous pouvons dresser de cette mesure, trois ans après son entrée en vigueur, est globalement très positif. Un certain nombre de sondages montrent que cette réforme est perçue favorablement par nos concitoyens. Tant les acteurs institutionnels, associatifs que la très grande majorité des professionnels de santé ou de la petite enfance se sont fortement mobilisés pour en assurer une mise en œuvre efficace.

Cette mobilisation a permis une augmentation des couvertures vaccinales des enfants nés en 2018 par rapport à ceux nés en 2017 comme le montre bien le premier bilan annuel de la réforme publié en juin 2020.

L’extension des vaccinations obligatoires semble également contribuer à l’éradication de certaines maladies infectieuses. Ainsi, alors que dix‑sept cas d’infection à méningocoque C étaient observés en moyenne chaque année chez les nourrissons entre 2012 et 2016, seul un cas a été constaté en 2019 et ce chez un enfant de moins d’un mois qui n’avait donc pas encore pu être vacciné.

Un bilan actualisé de la réforme devait être publié ce mois-ci. Savez-vous quand ce rapport sera disponible ? Pouvez-vous d’ores et déjà nous indiquer si les couvertures vaccinales ont continué leur progression ?

Les mois à venir seront essentiels dans la mise en œuvre de la réforme. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour rattraper totalement le retard pris au début de la crise sanitaire dans la vaccination des nourrissons ?

Si la crise sanitaire n’a pas causé de rupture de stock pour les onze vaccins concernés par l’obligation vaccinale, un risque de tension à moyen terme a été identifié par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en raison de la mobilisation de certains filtres pour la fabrication des vaccins contre le covid-19. Quelles mesures avez-vous mises en place pour prévenir ces potentielles difficultés d’approvisionnement ?

Au-delà des dispositions à prendre pour assurer la mise en œuvre de la réforme dans le contexte de crise sanitaire que nous traversons, d’autres mesures pourraient être envisagées pour faciliter l’accès à la vaccination et le contrôle des obligations vaccinales. Prévoyez-vous de renforcer la communication sur l’importance des huit nouveaux vaccins obligatoires, à l’heure où les premiers enfants concernés par la réforme entrent à l’école maternelle ? Il s’agit d’une demande assez forte d’un certain nombre d’acteurs de terrain.

Il ne semble pas exister aujourd’hui de véritable frein financier à la vaccination. Des dispositifs permettent aux personnes les plus défavorisées d’avoir accès gratuitement aux vaccins. Certains acteurs souhaiteraient néanmoins que soit supprimée toute avance de frais en matière de vaccination. Quel regard portez-vous sur cette proposition ?

La vaccination dans des lieux diversifiés est également de nature à augmenter la couverture vaccinale des enfants et à réduire les inégalités socio-économiques. Savez-vous où en sont les travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, notamment des sages-femmes ? Nous avions voté des dispositions en ce sens dans la « loi OTSS ». Or cette possibilité n’est toujours pas appliquée dans l’attente de l’avis de la HAS.

Enfin, je souhaite aborder la problématique du contrôle des vaccinations. Les personnels non médicaux rencontrent aujourd’hui encore un certain nombre de difficultés en la matière. Je pense que le carnet de vaccination électronique au sein du dossier médical partagé permettra de répondre en partie à leurs préoccupations. Pouvez-vous nous indiquer où en est le déploiement de ce carnet de vaccination électronique ? Selon vous, facilitera-t-il bien le contrôle des obligations vaccinales ?

Les assistantes maternelles font partie des professionnels qui semblent les plus démunis en matière de contrôle vaccinal d’après les auditions que j’ai menées. Elles souhaiteraient que les services de protection maternelle et infantile (PMI) soient désormais chargés du contrôle vaccinal des enfants accueillis chez elles. Que pensez-vous de cette proposition ? Il semble que certains services de PMI le réalisent déjà.

M. le directeur général adjoint à la direction générale de la santé. Le deuxième bilan devrait être publié au mois de juin. Comme vous l’avez dit, les équipes chargées de la vaccination ont été un peu occupées ces dernières semaines et ces derniers mois. La publication du bilan a pris du retard mais il est en cours en finalisation et devrait être rendu public avant la fin du mois de juin.

La réforme poursuivait deux objectifs. Le premier était évidemment d’améliorer la couverture vaccinale, de tendre vers l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé de 95 % de la population des enfants concernés.

Compte tenu de la perception de la vaccination au moment du vote de cette disposition ou durant les travaux de Mme Hurel qui avait déjà accompagné le professeur Fischer lors d’une concertation citoyenne sur la vaccination, le second objectif était d’améliorer le regard porté sur la vaccination et sur l’utilité de la vaccination.

Les chiffres que nous publierons en juin montrent une amélioration de la couverture vaccinale chez les enfants concernés. Cette évolution est plutôt bonne et nous tendons vers une population couverte à 90 % environ. Je rappelle que l’objectif était d’arriver à 95 % en 2022 et nous espérons y parvenir, avec de légers décalages suivant les vaccins considérés mais rien de significatif. En tout cas, aucun vaccin ne fait l’objet d’un décrochage manifeste ou d’un refus. Le fait que nous puissions pratiquer un vaccin hexavalent a un effet sur cette situation.

Vous avez cité l’effet de cette couverture sur le méningocoque. Je peux citer aussi le cas de la rougeole : nous avions en 2018-2019 environ cinq cents cas de rougeole par an et nous enregistrons moins de cinquante cas en 2020. Cette baisse tient aussi aux gestes barrières, à la compétition virale. Nous voyons également que la vaccination rougeole-oreillons-rubéole, qui était notre principal objectif, a eu des effets même s’ils sont difficiles à lire.

Les premiers enfants de la classe d’âge concernée entreront à l’école en septembre. C’est un rendez-vous important pour apprécier la couverture vaccinale au regard d’éléments tangibles puisque, actuellement, seule une partie de ces enfants sont gardés en établissement d’accueil de jeunes enfants ou par une assistante maternelle et font donc l’objet d’un contrôle par un tiers chargé de l’accueil.

Vous avez évoqué l’amélioration du regard porté par l’opinion sur l’extension de l’obligation vaccinale depuis 2017. Le total des opinions favorables exprimées en novembre 2017 était de 49 % et il est de 66 % aujourd’hui, ce qui constitue une amélioration notable. 50 % des personnes interrogées avaient une image négative de cette extension de l’obligation vaccinale en novembre 2017 et elles ne sont plus que 32 % maintenant. Les grandes masses ont évolué même s’il se pose une difficulté de lecture puisque nous ne connaissons pas l’effet de la vaccination spécifique dont nous parlons ce matin et de la vaccination covid dans ce résultat. Le baromètre de Santé publique France a été réalisé avec les mêmes paramètres méthodologiques, à la nuance près que nous avons bien précisé dans l’enquête de novembre 2020 que la réforme avait été décidée avant l’épidémie pour éviter que les personnes interrogées fassent un lien direct entre épidémie de covid et obligation vaccinale.

Les effets indésirables de cette vaccination sont néanmoins un sujet d’attention pour nous tous. L’analyse porte sur un peu plus de 1 400 000 enfants vaccinés durant cette période. Nous avons enregistré 235 déclarations de pharmacovigilance dont 151 ont été classées comme non graves – fièvre, réaction locale au site d’injection – et 84 ont été classées en cas grave avec une fièvre élevée et éventuellement des convulsions. Aucun décès lié à la vaccination n’est rapporté. La gravité est donc relative, liée à des épisodes de fièvre plus ou moins intense. Nous n’avons pas identifié de signal de sécurité et il me semble important de le souligner.

Pendant la crise, nous avons vu un décrochage très clairement lié au premier confinement. Dès le mois d’avril 2020, des mesures correctrices ont été prises, essentiellement des mesures de communication et de pédagogie. Pendant les conférences de presse du directeur général de la santé, plusieurs rappels ont été faits sur la nécessité de poursuivre les opérations de vaccination obligatoire des enfants. Le site du ministère a diffusé des fiches spécifiques sur la continuité des missions essentielles à garantir pendant le confinement, avec des messages spécifiques à destination des PMI et des centres de vaccination. La HAS elle-même a rappelé dans un avis d’avril 2020 l’importance de maintenir les vaccinations obligatoires. La CNAM a adressé un courrier aux assurés pour leur rappeler l’importance de la réalisation des vaccinations obligatoires. La direction générale de la santé a continué au-delà du 30 juin à communiquer sur le sujet. Pour mener ce travail de pédagogie, nous avons utilisé des outils de presse classiques et nous avons bénéficié de l’appui important de la CNAM pour nous adresser directement aux assurés et en particulier aux personnes concernées.

Les chiffres dont nous disposons montrent que nous sommes aujourd’hui revenus au niveau souhaité. Nous enregistrons un déficit d’environ 70 000 doses qui est à rapporter aux données démographiques, avec une légère baisse des naissances en 2020.

Nous avons continué, notamment en avril 2021, l’information en direction des professionnels de santé lors de la publication du calendrier vaccinal, avec un rappel des points clés et des recommandations. Nous avons aussi communiqué au début du mois, lors de la semaine européenne de la vaccination.

Par ailleurs, nous poursuivons la veille épidémiologique sur l’éventuelle émergence de foyers épidémiques de méningite, de rougeole, de coqueluche, etc., donc de toutes les maladies infectieuses évitables par cette vaccination.

Nous attendons les chiffres de remboursement de la CNAM, qui devraient être publiés au mois de juin.

Pour préparer la première rentrée des enfants concernés, des kits d’information ont déjà été diffusés à la direction des collectivités territoriales, surtout auprès des PMI. Nous avons entrepris depuis le début de l’année un travail important, avec le ministère de l’éducation nationale notamment, pour avoir avec lui l’équivalent des échanges que nous avions déjà eu avec les collectivités territoriales, pour lui expliquer les principes de la réforme et répondre aux questions qu’il était susceptible de nous poser. Ce travail est en cours ; nous lui avons transmis tous les éléments d’information à notre disposition et tous les éléments de communication qu’il nous a demandés. Il se poursuivra même si les agents du ministère sont occupés par d’autres politiques vaccinales et si les agents de l’éducation nationale sont engagés notamment dans la gestion des autotests. L’objectif est que le transfert d’information soit réalisé avant la rentrée. Sous réserve des chiffres de la CNAM, ce travail de pédagogie a permis de combler une grande partie du retard lié au premier confinement.

Vous m’avez interrogé sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, notamment des sages-femmes. Nous avions saisi de ce sujet dès février 2018 la HAS, qui n’a pas encore apporté de réponse, mais vous avez pu constater qu’elle a émis des recommandations relatives aux sages-femmes dans le cadre de la vaccination contre l’épidémie de covid. Nous attendons l’avis spécifique de la HAS sur la question de la vaccination obligatoire mais nous supposons qu’il sera instruit et rédigé à la lumière de cette expérience.

Le déploiement du carnet de vaccination électronique est en cours. Il pourra être un élément parmi d’autres permettant de suivre et de contrôler la vaccination. Nous pouvons toujours recourir au carnet de vaccination classique pour ceux d’entre nous qui l’ont encore et, surtout, à un certificat médical attestant du respect des obligations vaccinales. Cette mesure avait été prise pour faciliter le travail des assistantes maternelles dans ce contrôle de la vaccination. Nous avons essayé de donner plusieurs instruments pour vérifier le respect de ces obligations vaccinales.

Les assistantes maternelles étaient effectivement confrontées à une difficulté pour contrôler le respect des obligations. Avec les représentants de la profession, nous avons considéré que le contrôle par le carnet de vaccination pouvait être assez technique et difficile. C’est pourquoi la solution du certificat médical a été retenue pour simplifier la démarche et le contrôle.

La question de la sanction en cas de non-respect de l’obligation vaccinale se pose. Depuis juillet 2019 a été introduite la possibilité, pour une assistante maternelle, de démissionner en cas de non-respect des obligations vaccinales par les parents. C’est un cas de démission légitime ouvrant la possibilité d’une indemnisation de l’assistante maternelle.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes et des autres commissaires.

M. Jean-Louis Touraine. Il est clair que, depuis deux décennies, l’innovation thérapeutique a subi un relatif recul en France et la production de médicaments s’est effondrée en Europe. Divers problèmes sont identifiés depuis plusieurs années et la crise sanitaire les a mis sous le feu des projecteurs. Nous avons regretté l’absence de succès dans la mise au point de vaccins appropriés dans notre pays. Il est d’une importance cruciale que nous disposions d’une recherche et d’une industrie de santé innovantes, dynamiques et performantes. Nos patients doivent avoir accès très rapidement aux meilleures innovations scientifiques, médicales et soignantes. Notre pays doit y contribuer plus largement.

Le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) a apporté certaines réponses sectorielles en améliorant et en simplifiant l’accès au marché des produits de santé ainsi qu’en accélérant un peu la diffusion des nouveaux médicaments. Cependant, dans le cadre des travaux conduits avec mes collègues Audrey Dufeu et Pierre Dharréville sur les médicaments, nous constatons en permanence l’urgence de changer notre paradigme concernant la recherche, l’innovation, la production, la mise à disposition rapide et à tous, le prix et la prise en charge des nouveaux produits ainsi que la lutte contre les pénuries.

Quel bilan tirez-vous des réformes engagées sur ce sujet, en particulier lors des LFSS et du CSIS ? Quelles propositions retenez-vous pour relever le défi de la soutenabilité de notre modèle face à l’arrivée prochaine de nombreux traitements innovants extrêmement coûteux produits des biotechnologies ? Certains, comme les thérapies géniques, sont à administrer en une fois et se substituent à des traitements quotidiens, toute la vie durant, chez des malades chroniques. Le coût initial sera très élevé et notre modèle de prise en charge n’est pas adapté à ces nouvelles thérapeutiques.

M. Jean-Pierre Door. Ma première question est destinée à M. Fatome. Vous avez évoqué les travaux du HCAAM sur les problèmes de pilotage de l’ONDAM. Souvenons-nous que, lors d’un comité de l’ONDAM piloté par Raoul Briet en 2010, nous avions conclu à l’éventualité de réserves de plusieurs centaines de millions d’euros au cas où nous enregistrerions des excédents ou des déficits. Où est ce comité de pilotage ?

Madame Julienne, j’ai été interpellé par des pharmaciens salariés des établissements privés, situation que je ne connaissais pas. Je connaissais les pharmaciens libéraux indépendants mais pas les pharmaciens salariés des établissements privés. Ils n’ont pas bénéficié des revalorisations et des soutiens du Ségur de la santé et ont été oubliés. Ils ont écrit au ministre mais n’ont pas obtenu de réponse. Ils sont quand même plusieurs centaines en France.

Madame Lemaire, vous avez évoqué la télémédecine dans l’article 51. Elle a certes connu un développement exponentiel dans tous les territoires en France, ce qui est une bonne nouvelle. Toutefois, l’avenant 6 n’a pas été appliqué durant la crise. En région, certains disent toutefois que cet avenant sera à nouveau en vigueur ce qui signifie une éventuelle limitation des téléconsultations. Où en est cette évolution de l’avenant 6 ?

Je pense que vous avez associé au plan « 100 % santé » toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des industriels, des distributeurs, des professions de santé ou des financiers. Ces rencontres sont-elles régulières ? Est-il prévu de créer un observatoire des prix et du panier des soins nécessaires, qui peut évoluer dans les années à venir ? Faut-il créer les conditions d’une réelle transparence sur les besoins et sur le marché ?

La Mutualité française a annoncé une augmentation des cotisations des complémentaires santé, de 4 % en 2019 et de 5 % en 2020. L’augmentation proposée en 2021 est de 4,3 %. Nous serions donc loin de ce qui avait été annoncé par la ministre, selon laquelle les contrats solidaires santé des mutuelles n’augmenteraient pas dans les années à venir.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les travaux conduits par la MECSS nous amènent aujourd’hui à nous intéresser notamment à la mise en œuvre du « 100 % santé ». Cette réforme, indispensable pour lutter contre le non-recours aux soins, semble bien appropriée par les Français puisqu’un Français sur deux la connaît mais elle n’est pas appliquée par les professionnels. Comme le mentionne le rapport de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, l’offre n’est toujours pas présentée systématiquement par les opticiens. Pouvez-vous nous apporter des éléments sur l’enquête conduite par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le sujet ? Quelles mesures devraient selon vous être mises en œuvre pour que ces offres ne soient pas passées sous silence dès lors que le patient n’en fait pas la demande ?

Disposez-vous de données sur les conséquences positives de la réforme en matière d’accès aux soins ? Le relèvement des bases de remboursement, notamment en dentaire, a-t-il permis d’améliorer la prévention primaire et le développement des soins conservateurs ? Les enquêtes dématérialisées ne touchant pas tous les publics, quels leviers pensez-vous mobiliser pour mesurer l’effet de la réforme dans l’ensemble des assurés ?

Mme Gisèle Biémouret. Je souhaite interroger Mme Lemaire à propos de l’article 51. J’ai lu que les territoires urbains étaient les plus actifs en ce qui concerne cet article 51 et qu’ils avaient des projets innovants tandis que les territoires ruraux sont à la traîne. Comment intéresser ces territoires ruraux ? Comme à chaque fois, des territoires sont oubliés et je crains que les territoires les plus dynamiques ne soient ceux qui répondent le plus souvent à ces appels à projets. Il est difficile d’avoir des projets innovants dans des territoires où les soins de premier recours sont compliqués.

Mme Martine Wonner. Je rapporte en introduction l’inquiétude des citoyens sur l’avenir de la sécurité sociale. Elle est sans doute menacée vu les dépenses abyssales et extrêmement mal orientées faites depuis mars 2020. Je souhaite également aborder le problème incommensurable actuellement dans le champ de la santé mentale. J’espère que vous avez bien perçu l’ampleur des besoins à venir au regard de l’explosion des suicides et des effets à moyen et long termes de la crise sanitaire en matière de syndromes post‑traumatiques.

Mon propos porte sur l’article 49 de la LFSS 2018 et sur la vaccination des enfants. La question de cette vaccination des plus jeunes nécessite un contrôle et une attention des plus accrus. Cette catégorie de la population est vulnérable et l’éthique prend ici tout son sens.

Les mineurs sont particulièrement exposés à des maladies sans pour autant avoir la capacité de revendiquer leurs choix pour défendre leur santé. Il nous appartient de choisir au mieux, en fonction de leurs besoins et de leurs caractéristiques, la couverture vaccinale la plus adaptée. Je rappelle l’orientation prise par l’article 49 de la loi qui, devant la résurgence de foyers infectieux portant sur des maladies pour lesquelles la vaccination est recommandée, a étendu le champ des vaccinations obligatoires à onze vaccins pour les enfants de 0 à 24 mois.

Ma première question, à laquelle vous avez déjà en partie répondu, porte sur l’extension de l’obligation vaccinale. L’augmentation de la couverture vaccinale s’est-elle maintenue depuis 2019 ? L’année 2020 a été tout à fait particulière. Surtout, il était question que cette obligation des onze vaccins soit temporaire. Pouvez-vous nous dire quelque chose sur ce calendrier ?

Les informations allant dans le sens d’une vaccination prochaine contre la covid‑19 des mineurs m’interpellent. Le président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale serait favorable à une vaccination dans les écoles à la rentrée prochaine. Or les enfants présentant des risques de mortalité de la covid extrêmement réduits, une question majeure porte sur la balance entre bénéfice et risque du vaccin et sur son effet réel sur les enfants. Avez-vous prévu, dans le prochain exercice du financement de la sécurité sociale, ce budget pour la vaccination covid‑19 des enfants ?

M. Pierre Dharréville. Quelles sont les avancées sur le front du tiers payant ? Que pouvez-vous nous dire sur cette question ?

Vous avez expliqué les surcoûts liés aux tests. Le recours aux tests a-t-il été suffisant dans la lutte contre la pandémie ? Quel est votre regard sur ce sujet ?

J’ai également quelques inquiétudes sur le prix des vaccins. Certains fabricants auraient décidé d’augmenter le prix de leurs doses. La sécurité sociale en serait la première victime, ce qui m’amène à vous interroger sur la part de l’ONDAM qui sert à verser des dividendes.

Je m’interroge également sur le coût du numérique, notamment du recours à des opérateurs privés. Pouvez-vous nous donner des indications précises sur la façon dont ce recours est financé ? Pour moi, cela appelle à une offensive publique plus vigoureuse sur le champ du numérique. J’ai cru comprendre lors d’une audition qu’il existe dans le recours à ces différents opérateurs une petite divergence entre l’État et la sécurité sociale. Peut-être cela mériterait-il quelques explications.

Enfin, l’hôpital est toujours sous pression. Où en sommes-nous pour les oubliés du « Ségur », par exemple les contractuels, et le besoin de développement de l’emploi hospitalier ?

M. Alain Ramadier. Nous avons bien vu que la mesure concernant le reste à charge zéro était la bienvenue. Je souhaite toutefois attirer votre attention sur les progrès qui restent à opérer. Selon les premières évaluations dont nous disposons et même si les résultats sont très encourageants, force est de constater que les professionnels du secteur ne respectent pas assez ces mesures. Nous remarquons des devis non complets, des offres non présentées, voire parfois dénigrées par les professionnels, particulièrement en optique.

Par ailleurs, nous observons que des améliorations sont nécessaires sur les complémentaires santé, par exemple en matière de pédagogie et d’accessibilité des offres de remboursement sur les sites Internet des complémentaires.

Enfin, des complémentaires santé refusent parfois la prise en charge des produits « 100 % santé » en mettant en avant le manque de détails dans les informations transmises.

Mme Stéphanie Rist. Dans la « loi OTSS », nous avons porté une amélioration de l’accès aux soins au plus proche de nos concitoyens, notamment par l’intermédiaire des labellisations des hôpitaux. Dans ma circonscription, à Beaugency, les professionnels hospitaliers et libéraux se sont mobilisés pour construire un projet autour de leur hôpital mais surtout pour améliorer l’offre de soins de ce territoire.

Vous avez dit que les ordonnances étaient toutes parues. Pouvez-vous me confirmer la parution de l’ordonnance concernant le financement ? Quelles sont les étapes suivantes pour obtenir cette labellisation ?

M. Bernard Perrut. Je reviens sur les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé. Les attentes dans ce domaine sont fortes pour améliorer la pertinence de la prise en charge, assurer la souplesse du système et permettre enfin d’adopter une logique centrée sur le parcours de soins. Je préfèrerais même parler de parcours de santé.

Lors de cette crise, les directeurs d’hôpitaux ont montré leur capacité à changer en urgence l’organisation des établissements. Les circuits courts de décision ont aussi démontré leur efficacité et l’engagement remarquable de tous les personnels, particulièrement motivés, a permis de faire face. Les élus se sont également impliqués. La crise sanitaire que nous vivons a douloureusement révélé les insuffisances de notre système de santé et ses faiblesses mais aussi toutes ses forces, sur le terrain.

À l’aune de cette crise, ne faut-il pas aller encore plus loin et oser un effort de clarification ? Il attribuerait au ministère la direction des grandes politiques de santé publique et reconnaîtrait aux collectivités locales un rôle dans la régulation, le pilotage sanitaire et l’organisation des acteurs dans chaque territoire. Nos concitoyens seraient ainsi placés davantage au cœur des préoccupations et la médecine de ville ainsi que les établissements de santé retrouveraient des capacités d’initiative et de dialogue avec une tutelle plus proche.

Poser un cadre général garantissant aux Français leur égalité devant la loi tout en permettant la différenciation territoriale, tel doit être notre objectif à tous. Si la proposition de loi de Mme Rist a envoyé beaucoup de ces mesures à la loi relative à la décentralisation, la différenciation, la déconcentration et la décomplexification (« 4D »), celle-ci apparaît encore insuffisante sur le sujet. Quelle est votre position, mesdames et messieurs, sur les prochaines évolutions à prévoir pour promouvoir les innovations organisationnelles ?

Mme Monique Iborra. Je souhaite donner un exemple, sans contester, madame Lemaire, votre investissement sur le sujet de l’article 51 mais pour remettre en cause de manière constructive le dispositif de cet article.

L’innovation organisationnelle est la plus difficile à obtenir dans notre pays et c’est la raison pour laquelle nous avons du mal à mettre en place certaines réformes urgentes. Je pense en particulier au maintien à domicile des personnes âgées. Depuis un certain nombre d’années, nous savons que c’est le souhait de nos concitoyens. Toutefois, nous avons des difficultés à le réaliser. Une nouvelle expérimentation est en cours à Sartrouville, pour cinq ans, alors que deux ont déjà eu lieu sur le même sujet.

Pour le rapport que j’ai présenté en 2018, je suis allée voir cette expérimentation et je vous assure que nous pouvons parfaitement comprendre ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Nous n’avions pas besoin de deux expérimentations supplémentaires sur le sujet. L’une a lieu à Rennes et l’autre est mise en place avec un budget de 20 millions d’euros pour trois ans sans aucune évaluation des deux expérimentations précédentes.

Il s’agit d’avoir maintenant la volonté politique de le mettre en place mais encore faudrait-il que nous soyons au courant, comme nous le sommes aujourd’hui, du développement de ces expérimentations. Je pense qu’il faut revoir la multiplicité des expérimentations sur le même sujet.

M. Stéphane Viry. Je souhaite vous interroger sur un dispositif que nous avions voté avec espoir lors de la LFSS 2020 sur la base d’une expérimentation très probante. Le législateur avait choisi de généraliser la mise en place d’un bilan de santé obligatoire pour les entrants dans l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Alors que le Gouvernement visait une entrée en vigueur au 1er janvier 2021, le dispositif n’est toujours pas opérationnel à ma connaissance. Je pense que c’est un sujet important et j’avais cosigné avec les deux co-présidents de la MECSS un courrier en mars dernier pour interroger les directions de la sécurité sociale et de la CNAM ainsi que le cabinet du ministre.

Ce bilan de santé nécessite pour fonctionner une mesure de nature conventionnelle fixant le tarif de la prise en charge mais les négociations patinent depuis plusieurs mois. N’est-il pas possible, au regard de l’urgence pour les enfants concernés, de prévoir une mesure distincte de la négociation globale par un avenant par exemple ou de généraliser l’expérimentation ce qui nous permettrait de faire avancer cette mesure très ciblée ? Dans le cas contraire, à quel horizon pouvons-nous espérer voir naître cette mesure de justice et de bon sens que nous avions votée à l’unanimité ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je crois beaucoup en l’efficacité du numérique en santé pour la coordination entre les professionnels de santé. J’avais réalisé un rapport sur le dossier médical partagé (DMP) et votre prédécesseur, M. Fatome, m’avait dit que le carnet de vaccination électronique serait opérationnel en 2020. Dans la période actuelle, il est intéressant de savoir où en est le développement de ce carnet.

Nous voyons aussi que Doctolib nous a beaucoup aidés pour les prises de rendez‑vous. Doctolib lance maintenant pour partager et stocker des documents de santé une nouvelle application qui fait office de DMP. Nous ne pouvons qu’être admiratifs du secteur privé mais où en est l’assurance maladie pour le DMP et le stockage des données ?

Enfin, concernant le reste à charge zéro, il pourrait être intéressant d’imposer un format de devis réglementaire dans les logiciels métier des prescripteurs.

M. le directeur de la sécurité sociale. En ce qui concerne la question de M. Touraine sur l’innovation thérapeutique, vous avez voté des réformes de l’accès précoce aux dispositifs médicaux et aux médicaments. La mise en place de cette réforme pour le médicament fait l’objet d’un projet de décret qui est en ce moment même au Conseil d’État après une concertation de plusieurs mois avec l’ensemble des acteurs. C’est une réforme technique mais très importante pour rendre plus lisible l’accès précoce aux innovations médicamenteuses en particulier.

Par ailleurs, dans l’accord-cadre signé voici deux ou trois mois entre le Comité économique des produits de santé et le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) se trouve une dimension industrielle importante. Elle existait déjà dans l’accord-cadre précédent mais a été très renforcée dans ce nouvel accord.

Il faut toutefois rappeler que la politique de prix du médicament n’est pas le seul levier dans la politique plus globale d’attractivité du territoire français. La politique d’essais cliniques intervient aussi, ainsi que les aides au financement.

Le financement des innovations peut-être de rupture et très coûteuses qui sont devant nous renvoie aux réflexions pas forcément simples que nous avons avec le LEEM sur les modèles de financement de ces innovations et la manière de partager l’incertitude. Faut-il payer très cher tout de suite, avant de savoir si ces innovations sont vraiment des innovations de rupture et guériront réellement des gens ? Comment étaler dans la durée ces tarifications, de façon à ne pas payer seulement « pour voir » mais une fois que nous avons vu ?

Ces réflexions et ces débats sur le partage du risque entre le payeur et les industriels sont en cours dans l’ensemble des pays industrialisés. Personne n’a vraiment trouvé de modèle adéquat et stable jusqu’à présent. Il faut continuer à y réfléchir et à y travailler sinon, en effet, nous paierons très cher dans les prochaines années et cela s’imputera sur l’ONDAM.

Plusieurs questions portaient sur le « 100 % santé ». Cette réforme fait l’objet d’un comité de suivi présidé par le ministre des solidarités et de la santé ; il se réunit deux fois par an. Il s’est réuni pour la dernière fois début avril. Par ailleurs, des comités de suivi techniques sectoriels que je préside réunissent les professionnels et les organismes payeurs. Nous rencontrons de plus régulièrement les industriels.

Vous avez demandé, monsieur Door, s’il existe un observatoire sur les prix. Il existait avant la réforme « 100 % santé » et a été remplacé depuis par ce comité de suivi. Dans le cadre du comité de suivi, sont présentées ou commandées un grand nombre d’évaluations.

En ce qui concerne l’évaluation de la réforme pour les personnes les plus modestes, nous faisons avec l’ensemble des acteurs et les organismes payeurs ainsi qu’avec les associations un zoom à travers un second comité de suivi, le comité de suivi de la complémentaire santé solidaire. Nous regardons l’accès aux soins des personnes les plus modestes, pas uniquement pour le « 100 % santé » mais plus largement, que ces personnes bénéficient ou non de la sécurité sociale puisque, comme nous l’avons dit tout à l’heure, il peut exister du non-recours.

S’agissant de la manière dont les professionnels s’approprient la réforme et la présentent aux assurés, les opticiens et les audioprothésistes ont l’obligation d’avoir des produits du panier « 100 % santé ». Les dentistes ont l’obligation de présenter dans leur devis du « 100 % santé » même s’ils ne l’effectuent pas eux-mêmes.

Nous avons effectivement des remontées de terrain qui laissent penser que ce n’est pas toujours parfaitement présenté et mis en valeur par les professionnels. Comme le ministre l’a indiqué lors du dernier comité de suivi, la DGCCRF mène actuellement des contrôles. Plusieurs centaines de contrôles sont déployés depuis le mois d’octobre dernier et, aujourd’hui, un peu plus de la moitié ont été effectués. Nous en ferons le bilan après l’été lorsqu’ils auront tous été faits mais la première vague de ces contrôles montre bien un nombre élevé d’anomalies.

Nous constatons un peu tous les cas : l’offre n’est pas présentée du tout ou est mal présentée ou est dénigrée. Le cas où elle n’est pas du tout présentée est évidemment contraire aux engagements pris. Le cas où elle est dénigrée est plus compliqué. Bien que quelques contrôles peuvent donner lieu à des sanctions, l’objectif de ces contrôles est d’adopter une approche pédagogique et de faire que la profession s’approprie la réforme. À l’issue de ces contrôles, un bilan sera dressé avec la profession. Si nécessaire, il conviendra d’aller plus loin en proposant par exemple la normalisation de documents mais seulement après ce bilan.

En ce qui concerne le tiers payant, une disposition de la LFSS 2021 prévoit que, à partir de 2022, tous les organismes complémentaires doivent proposer le tiers payant sur le « 100 % santé ». Je pense que ce sera le cas mais l’objectif n’est pas seulement qu’ils proposent le tiers payant : c’est que les professionnels y recourent. Pour cela, nous animons actuellement avec la CNAM des groupes de travail avec les professionnels et les complémentaires, en espérant que ce sera suffisant.

Le tiers payant généralisé, sans aucune avance de frais sur le « 100 % santé », est aujourd’hui autour de 80 % sur l’optique, à 50 % sur les audioprothèses et plus bas sur le dentaire. L’objectif est de faire augmenter ces taux en agissant avec les acteurs et, le cas échéant, à moyen terme, d’envisager d’autres manières de faire si ces taux ne montent pas. Pour cette année, l’objectif est de progresser avec cette disposition de la LFSS.

Concernant l’ONDAM, monsieur Door, la mission de Raoul Briet en 2010 avait permis de formuler des recommandations pour revoir le pilotage, notamment le renforcement du rôle du comité d’alerte et les mises en réserve en début d’année à hauteur de 0,3 %. La mise en œuvre depuis 2010 de ces recommandations a participé au respect de l’ONDAM jusqu’en 2019. 600 ou 700 millions d’euros sont en réserve par construction dans l’ONDAM 2021.

Le rôle du comité d’alerte a été extrêmement utile. Ces mises en réserve ont permis de tenir l’ONDAM tout au long de la décennie, mais nous voyons bien que ce modèle finit aussi par atteindre certaines limites, en particulier avec le fait que ces mises en réserve qui passaient majoritairement par des gels de tarifs hospitaliers ont fini par déclencher une forme d’incompréhension à l’hôpital. C’est la raison pour laquelle les réflexions en cours portent sur une régulation, non par le gel infra‑annuel, mais plutôt pluriannuel.

Mme la directrice générale de l’offre de soins. La recherche a été évoquée. Pour ce qui concerne la DGOS, il me semble que trois évolutions sont importantes. La première, qui était très attendue porte sur l’augmentation des moyens de 50 millions d’euros par an, en particulier dans le cadre du « Ségur ».

Le deuxième sujet est un sujet d’organisation, qui se pose à deux niveaux. Au niveau national, nous y travaillons avec nos collègues de la direction générale de la santé, du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Nous menons en ce moment des discussions destinées à tirer les enseignements des évolutions de la première période de la crise du covid, durant laquelle nous avons constaté une accélération des financements des projets de recherche. Néanmoins, l’organisation n’est pas totalement stabilisée entre nous ; elle ne permet pas d’allier une priorisation partagée forte avec les remontées de projets de terrain qui serait la solution la plus efficace.

L’organisation régionale peut à notre avis être encore améliorée, avec un attachement fort pour l’investissement des hôpitaux. L’extension à d’autres champs est nécessaire car la recherche est encore très orientée sur la médecine, la chirurgie et l’obstétrique. Il est en effet important d’embarquer de plus en plus le financement de projets de recherche en psychiatrie, en soins de suite et de réadaptation, mais aussi en soins primaires. Ce sont des enjeux majeurs, à la fois au plan local et au plan national.

Le dernier volet est celui des ressources humaines, puisqu’il ne peut pas exister de recherche sans professionnels.

Les mesures du « Ségur » ont concerné de manière différente les professionnels publics et privés, les personnels médicaux et non médicaux. C’est la raison pour laquelle la question des pharmaciens du secteur privé n’est pas intégrée aux mesures. Cela fait partie des décisions sur le périmètre prises dans le cadre du protocole d’accord négocié et signé l’été dernier.

Vous avez évoqué le renforcement des professionnels dans la mesure dite « des 15 000 soignants ». Nous avons augmenté le nombre de places dans les instituts de formation en soins infirmiers dès la rentrée de septembre 2020 puisque c’est l’un des volets importants pour renforcer les professionnels de santé. Après 1 300 places en septembre 2020, nous poursuivrons en 2021.

Je signale aussi le succès de la mesure des lits à la demande, qui nous permet de renforcer selon les besoins de chaque établissement la capacité à prendre en charge des patients. Nous avions prévu pour cette mesure 50 millions d’euros. Selon les derniers chiffres disponibles qui datent de fin mars, 250 établissements y ont recouru et 88 % des crédits ont bien été délégués et dépensés.

L’ensemble des ordonnances et textes concernant les hôpitaux de proximité est sorti depuis le mois de mai, à la fois sur l’organisation et sur le fonctionnement des hôpitaux de proximité, mais aussi sur leur mode de financement. Nous disposons donc de toute la boîte à outils.

Vous avez évoqué les innovations organisationnelles et salué l’action des directeurs d’hôpitaux pendant les mois écoulés ; je m’y associe. Nous avions effectivement besoin de leur proposer des innovations dans l’organisation des établissements, à différents niveaux. Avec l’ordonnance sur les GHT, la proposition de loi portée par Mme Rist et le décret GHT que nous attendons dans les jours qui viennent, nous avons l’ensemble des outils qui permettront d’améliorer la gouvernance et le fonctionnement de nos établissements de santé. C’était très attendu, et cela a été concerté dans un délai remarquable au cours d’une période compliquée, ce qui montre que l’attente était forte.

Nous devons aussi mettre en œuvre l’ensemble des recommandations élaborées par le professeur Claris dans le cadre du « Ségur ». Nous y travaillerons avec lui d’ici l’été prochain.

En ce qui concerne le tiers payant pour l’hôpital, nous avons signé la semaine dernière avec la direction de la sécurité sociale, la direction générale des finances publiques, les assurances, les mutuelles et les fédérations hospitalières un protocole d’accord qui permettra de déployer le tiers payant à l’hôpital dans un délai de vingtquatre mois, sous réserve de la publication d’un décret qui interviendra avant l’été. Je crois que cet accord a été unanimement salué et nous en étions très satisfaits.

M. le directeur général adjoint à la direction générale de la santé. Sur les essais cliniques, la direction générale de la santé est essentiellement concernée par le fonctionnement des comités de protection des personnes (CPP). L’un des sujets soulevés par le CSIS en 2018 est la question des délais d’instruction des dossiers, notamment au regard de l’entrée en vigueur du nouveau règlement européen, qui impose un délai de soixante jours. Le Parlement a voté l’an dernier dans le cadre de la LFSS un texte additionnel qui permet de renforcer les financements des CPP, ce qui nous a permis de leur attribuer quelques moyens supplémentaires.

Il existe trente‑neuf CPP en France. Ce sont des structures qui fonctionnent sur le principe du bénévolat. Les rapporteurs sont rémunérés et, surtout, des moyens administratifs sont nécessaires pour faire fonctionner ces structures.

Les CPP ont été énormément sollicités durant la crise pour des essais cliniques liés à la lutte contre l’épidémie. Nous avons constaté que la durée moyenne d’instruction des dossiers par les CPP était de quinze jours durant cette période, ce qui était loin des durées habituelles d’instruction, plutôt supérieures à soixante jours.

Nous nous heurtons à une difficulté peut-être très française, en tout cas du domaine de l’enseignement et de la culture : nous avons besoin de trouver des membres capables de travailler directement en langue anglaise pour les CPP car, dans le cas des essais cliniques portés par les grands laboratoires sur la totalité du territoire de l’Union européenne, l’instruction du dossier en anglais permettrait évidemment de raccourcir le délai d’instruction. Nous avons fait un appel au volontariat. Sur les trente‑neuf CPP, une douzaine nous ont répondu positivement pour participer à une expérimentation et pour voir dans quelle mesure le travail en anglais permettrait de gagner du temps sur ces dossiers innovants ou supposés innovants.

Sur l’innovation se pose aussi la question de l’ANSM, qui s’est mise en ordre de bataille afin d’être en mesure de respecter les délais qui lui sont impartis. Nous y travaillons donc et nous avançons aux côtés des CPP puisque ce maillon, fondé sur le bénévolat, est celui qui nécessite le plus d’accompagnement de notre part.

Mme Wonner a posé une question sur la vaccination, d’abord pour savoir si la mesure de l’article 49 était temporaire. À ce stade, il s’agit d’une mesure pérenne, mais rien n’empêchera le législateur de lever l’obligation une fois que l’objectif sera atteint. Je rappelle simplement que la mesure de l’article 49 a consisté à étendre l’obligation vaccinale qui existait déjà pour certains vaccins.

Je rappelle également que nous avons maintenant une jurisprudence assez claire. L’obligation vaccinale ne peut être qu’une mesure législative. La seule dérogation concerne les forces militaires, c’est-à-dire une population différente qu’il peut être nécessaire de vacciner très rapidement. Le juge constitutionnel se prononce sur le bien-fondé d’une telle obligation, donc sur la balance entre bénéfice et risque, entre la protection de la santé individuelle et collective, la contrainte, le risque et le bénéfice attendu pour l’individu et la collectivité. Le contrôle du juge est bien établi et les contentieux déclenchés contre les décrets d’application de l’article 49 ont permis notamment au Conseil d’État de préciser sa position sur le sujet.

Le professeur Fischer s’est prononcé dans un communiqué sur la vaccination des enfants à partir de 12 ans dans le cadre de la lutte contre l’épidémie. Il est intervenu dans un contexte très particulier, celui de l’obtention d’une immunité collective. Si nous n’arrivons pas à vacciner suffisamment d’adultes, la vaccination des enfants est aussi un moyen d’atteindre une immunité collective. C’est donc une réflexion globale qui a des éclairages à l’étranger puisque, aux États-Unis et au Canada, les enfants de plus de 12 ans sont déjà vaccinés. En France, la HAS a été saisie de la question. Pour répondre plus précisément sur le plan éthique, nous avons également saisi le Comité consultatif national d’éthique, afin qu’il se prononce sur cette question.

M. le directeur général de la CNAM. Je souligne, sur la question de l’innovation thérapeutique, l’importance des deux évolutions récentes sur le dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) dans la LFSS 2021 et sur l’accord-cadre signé entre le CEPS et le LEEM. Cet accord fixe un cadre très ambitieux de soutien à l’investissement et à l’innovation avec un certain nombre de dispositifs d’accélération des délais et d’arbitrage qui participent de l’ambition que nous partageons de garantir aux assurés un accès rapide à l’innovation.

Il convient également de ne pas oublier le dispositif d’ATU dans les comparaisons européennes et internationales. Les comparaisons de délai d’accès au marché semblent souvent défavorables à notre pays, mais, en prenant en compte ce dispositif très performant d’accès rapide, nous constatons que la comparaison est beaucoup moins défavorable à notre pays, voire devient favorable. Il faut faire vivre cet accord-cadre et l’ATU, qui sont des piliers de cette stratégie.

En ce qui concerne les thérapies géniques, l’assurance maladie avait fait des propositions dans son rapport « Charges et produits » de l’année dernière, autour de la logique des contrats de performance et peut-être aussi d’un étalement des paiements. Nous continuons à soutenir ces innovations, mais l’évaluation de la performance est souvent un sujet sur lequel le CEPS et les industriels ont du mal à s’accorder, ce qui rend difficile la mise en œuvre. La soutenabilité de la dépense des produits de santé et de l’accès à l’innovation restera un important sujet de débat dans les prochaines années.

Je confirme que nous avons proposé au Syndicat des médecins libéraux des assouplissements de l’avenant 6 pour favoriser le développement de la téléconsultation, notamment la suppression de l’obligation d’une visite présentielle dans les douze derniers mois pour les médecins spécialistes et les médecins traitants. Malheureusement, ces discussions n’ont pas abouti à la fin de l’année, mais nous les relancerons à la mi-juin, dès que nous aurons les résultats de l’enquête de représentativité. Notre ambition est bien de définir un nouveau cadre conventionnel pour cette activité de téléconsultation, un cadre plus souple que le précédent, mais qui garantisse le respect du parcours de soin et la qualité des interventions.

L’assurance maladie est évidemment pleinement investie dans les expérimentations liées à l’article 51, à la fois dans leur pilotage, leur évaluation et les dispositifs de facturation. Il s’agit pour nous d’un élément important de respiration de notre système de santé et de contribution aux innovations organisationnelles. Il est vrai que nous pouvons parfois avoir le sentiment qu’existent de nombreuses innovations et projets. C’est la traduction du dynamisme des acteurs territoriaux, qui sont moteurs dans ces dispositifs et contribuent à faire évoluer les dispositifs conventionnels ou réglementaires. Nous y travaillons étroitement avec le ministère des solidarités et de la santé, notamment les équipes de Natacha Lemaire.

Sur le recours aux tests, je souligne que deux à trois millions d’assurés sociaux vont se faire tester chaque semaine, sans reste à charge et avec des délais de remise du résultat tout à fait maîtrisés puisque 90 % des résultats sont rendus en moins de vingt-quatre heures. Cela me fait dire que nous avons depuis plusieurs mois un système de tests extrêmement performant, sans doute l’un des plus performants d’Europe si ce n’est le plus performant. C’est un point fort de notre stratégie de lutte contre l’épidémie qui a vocation à se poursuivre.

Vous avez évoqué sur le numérique des divergences entre la sécurité sociale et le ministère. Je ne les identifie pas clairement. Nous sommes partie prenante de la feuille de route du numérique en santé définie par le ministre Olivier Véran, avec des ambitions fortes dont l’ouverture de « Mon espace santé » au 1er janvier 2022.

Ce dispositif doit permettre une interaction féconde entre acteurs publics et privés, puisqu’il est prévu de faire fonctionner autour du DMP un catalogue d’applications. Ce catalogue a vocation à être référencé par les pouvoirs publics et comportera justement des applications de prévention, des applications développées par des hôpitaux comme des portails de préadmission, des portails de rendez-vous... Les assurés trouveront ainsi des services dans des conditions de totale maîtrise de la sécurité des données de santé. Nous travaillons en ce sens avec le ministère de la santé grâce à un alignement stratégique et opérationnel remarquable.

Par définition, l’engagement de mon prédécesseur sur le carnet de vaccination a été tenu puisqu’une première brique du carnet de vaccination électronique est présente au sein du DMP. Nous ne sommes pourtant pas encore au bout de la démarche. Nous souhaitons au second semestre 2021 « muscler » ce carnet de vaccination, qui est encore un peu statique, de façon à avoir dans « Mon espace santé » un véritable carnet de vaccination indiquant les rappels et des conseils. Notre logique, plus généralement, est de disposer d’un DMP plus dynamique qu’aujourd’hui.

Monsieur Viry, la question de l’ASE est un sujet très important. Nous avions bien travaillé avec les médecins libéraux, puisque nous avions proposé une tarification de cette consultation pour les jeunes de l’ASE à hauteur de 46 euros qui faisait plutôt consensus, mais ce dispositif n’a pas encore vu le jour du fait de la suspension des négociations conventionnelles. Nous les relancerons à la mi-juin en espérant avancer rapidement. J’espère que nous aurons pu aboutir d’ici la fin de l’été. Si nous n’aboutissons pas, peut-être sera-t-il pertinent de réfléchir à d’autres modalités que la voie conventionnelle. Nous nous attellerons de toute façon à trouver une solution avec les médecins et je crois qu’il existe une bonne convergence de vues sur ce sujet.

Sur les innovations organisationnelles, nous avons fortement investi dans le déploiement des CPTS, d’un côté, et des différents modes d’exercices coordonnés tels que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ou les centres de santé, de l’autre. Des négociations sont ouvertes et vont être relancées pour soutenir toutes ces organisations territoriales de soin. Nous avons maintenant plus de cent CPTS et la dynamique pour mailler le territoire est assez forte. Nous pensons que cette brique est tout à fait significative dans cette organisation territoriale des soins de proximité, tout comme les MSP et centres de santé, et nous continuons à soutenir ces dispositifs.

Mme la rapporteure générale du CSIS. Mme Biémouret a posé une question sur l’équilibre entre les territoires urbains et ruraux au sein de l’article 51. Sous réserve d’une analyse plus fine qui reste encore à mener, nous avons des projets concernant l’accès aux soins pour des zones peu denses. C’est d’ailleurs l’une des finalités visées par l’article 51. Cela concerne particulièrement des projets dans les outre-mer ou en Corse, mais pas seulement. Nous comptons également des projets en France métropolitaine, dont certains qui développent le principe du « aller vers ».

Mme Iborra m’a interrogée sur la multiplicité des expérimentations sur un même sujet. Cela rejoint le fait que toutes les initiatives locales ne sont pas forcément évaluées ni identifiées alors que ce n’est pas le cas de celles autorisées dans le cadre de l’article 51. J’en profite pour évoquer le dispositif d’évaluation qui est tout à fait inédit, dans le champ de la santé et au-delà, puisque tous les projets font l’objet d’une évaluation particulière.

Dans le cas de ce projet en particulier, qui est l’expérimentation d’un dispositif de soutien renforcé au domicile pour les personnes âgées, si j’ai bien compris, trois porteurs différents se sont fédérés pour aboutir à un cahier des charges commun. Le modèle de financement est un forfait mensuel par personne prise en charge ce qui permet de préfigurer une entrée future dans le droit commun. Cette expérimentation a commencé à inclure des personnes et sera évaluée à l’issue du projet.

Il s’agit d’une expérimentation sur plusieurs sites. Une des difficultés propre aux innovations organisationnelles est leur liaison à un contexte particulier, notamment pour celles réalisées dans un site particulier. Ce n’est pas le cas de cette expérimentation, puisqu’une dizaine de régions sont concernées.

En ce qui concerne votre souhait d’être informés des différentes expérimentations, je rappelle qu’elles sont toutes mises en ligne sur le site du ministère. Des pages sont dédiées à l’article 51 et sont mises à jour très régulièrement. Vous y trouverez les près de quatre‑vingt‑dix expérimentations autorisées. Pour compléter le rapport annuel, nous avons en outre élaboré un atlas, dont la première édition a été mise en ligne en février et qui sera actualisé prochainement. Il indique région par région les expérimentations autorisées.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie pour la qualité et la clarté de vos réponses.

 

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3.   Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 15 heures

Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’autonomie et à la famille réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale, Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales ([86]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous poursuivons et terminons le Printemps social de l’évaluation commencé hier après-midi avec les thématiques de l’autonomie et de la famille.

Je remercie les rapporteurs de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) pour leurs contributions ainsi que les administrations qui ont répondu à notre invitation et travaillé avec nos collègues.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Nous abordons lors de cette table ronde les deux pans essentiels de notre protection sociale que recouvre l’attention portée par la solidarité nationale aux familles et aux personnes en situation de perte d’autonomie.

Je reviens tout d’abord sur la création voici un an de la cinquième branche dans le cadre de la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie. L’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a permis de clarifier les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et de préciser la gouvernance ainsi que le cadre de fonctionnement de cette branche, dont le budget atteint aujourd’hui 32 milliards d’euros. Il s’agit de renforcer l’accès de nos aînés et de nos concitoyens en situation de handicap à l’ensemble de leurs droits en faisant en sorte que ces derniers soient plus effectifs et plus équitables sur le territoire national.

Nous nous y efforçons en y consacrant de nouvelles sources de financement pérennes – 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à partir de 2024, soit environ 2,3 milliards d’euros par an – et des moyens financiers ambitieux puisque le Ségur de la santé prévoit un plan d’aide à l’investissement dans le secteur médico-social doté de 2,1 milliards d’euros pour la période 2021-2025. Nous consacrerons 1,5 milliard d’euros à la création ou la rénovation de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 600 millions d’euros sur trois ans pour développer le numérique.

Je le répète : notre majorité est fière et peut être fière d’avoir enfin donné naissance à cette nouvelle branche, dont la création était promise depuis tant d’années par différentes majorités. Il reste évidemment beaucoup de travail à accomplir pour les mois à venir et nous y travaillerons ensemble.

Mes questions seront assez simples. Comment se passe la mise en place de cette cinquième branche ? Quelles sont les prochaines échéances ? Comment envisagez-vous la prochaine convention d’objectifs et de gestion de la CNSA ?

Je souhaite également vous faire part de la nécessité d’effectuer un bilan des mesures structurantes engagées par notre majorité en matière de politique familiale. Si beaucoup ont en tête les dernières dispositions, notamment l’extension du congé de paternité, je voudrais revenir sur l’une des premières mesures qui me semble particulièrement importante, à savoir l’augmentation du complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales. Il a été voté dans le cadre de la LFSS 2018.

Cette majoration de 30 % poursuivait deux objectifs essentiels. Le premier consistait à aider les familles monoparentales à faire face aux frais de garde. Ceux-ci peuvent représenter un taux d’effort substantiel pour des familles dont le taux de pauvreté atteint 40 % lorsqu’elles comptent deux enfants, voire s’élève à 63 % au-delà de trois enfants. En outre, dans 80 % des cas, ce sont des femmes qui sont à la tête des familles monoparentales. Dès lors, il s’agissait de les aider à faire garder leurs enfants pour leur permettre d’engager des démarches d’insertion professionnelle, de se former et de combler la distance qui les éloigne du marché du travail. Cet aspect est évidemment essentiel.

Le second objectif visait à rapprocher les restes à charge entre les différents modes de garde. Le coût d’une garde chez une assistante maternelle peut être jusqu’à deux fois plus élevé qu’en crèche. De plus, les modes de garde ne sont pas uniformément répartis dans nos territoires et trop de familles peinent encore à trouver une solution. Cette harmonisation est donc évidemment la bienvenue.

Plus de deux ans après l’entrée en vigueur de cette mesure, quel premier bilan pouvons-nous en tirer ? Les familles monoparentales ont-elles davantage recours au complément de mode de garde et donc aux assistantes maternelles ? Cette solvabilisation de l’offre permet-elle un véritable rééquilibrage entre le coût de l’accueil collectif et celui de l’accueil individuel ? Cette augmentation est-elle correctement répartie dans les territoires ? Je pense en particulier à des départements où le taux de couverture est très bas, ce qui limite la possibilité, pour les mères célibataires, de trouver facilement un mode de garde adéquat.

Mme Annie Vidal, coprésidente de la MECSS. Après les tables rondes sur l’équilibre des comptes sociaux et sur l’assurance maladie, nous achevons notre cycle de réunions du Printemps social de l’évaluation avec les thématiques de l’autonomie et de la famille.

Nous mesurons d’ores et déjà les enjeux du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui devra traduire les engagements pris en termes de politiques sociales. L’autonomie constitue évidemment un sujet central. La crise sanitaire a mis en lumière certaines difficultés dans les EHPAD, notamment en termes de personnel.

Après l’adoption du texte sur la cinquième branche en juillet dernier, l’inscription à l’ordre du jour du projet de loi sur le grand âge et l’autonomie a été de nouveau évoquée par la ministre déléguée chargée de l’autonomie, Mme Bourguignon. La presse s’en fait d’ailleurs l’écho aujourd’hui même et je me fais l’interprète de l’ensemble des commissaires des affaires sociales en soulignant que ce texte est très attendu par tous.

Pour autant, des mesures ont déjà été prises en faveur des personnels du secteur médico-social dans le cadre de la LFSS 2021 et la MECSS a souhaité procéder à leur évaluation. Même si les délais s’avèrent courts, elle a décidé de travailler sur l’article 47, qui prévoit une revalorisation des salaires des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Les travaux sur ce sujet s’inscrivent dans la continuité de ceux engagés l’année dernière sur l’utilisation des 50 millions d’euros pour préfigurer la réforme du financement des SAAD.

Par ailleurs, la MECSS a retenu deux sujets sur le thème de la famille. Le premier, confié à Mme Monique Limon, a trait à l’indemnisation du congé parental, modifiée en 2014. Cette réforme qui devait favoriser un meilleur partage du congé entre les deux parents ne semble pas avoir obtenu les résultats escomptés. Alors que la dernière LFSS a procédé à un allongement important du congé paternité qui passe de onze à vingt‑cinq jours à compter du 1er juillet prochain, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur cet autre aspect de l’accompagnement de la parentalité.

Enfin, la MECSS a confié à M. Stéphane Viry le soin de dresser un premier bilan de l’intermédiation financière prévue à l’article 72 de la LFSS 2020 en matière de pensions alimentaires. Ce dispositif doit permettre de prévenir les impayés de pension par le déploiement de moyens et d’effectifs et ainsi améliorer la situation des parents isolés ayant la charge de leurs enfants, en pratique des femmes le plus souvent.

Je terminerai par une question adressée à la CNSA, qui est chargée de la gestion de la branche autonomie. Quelles sont à ce jour les perspectives de montée en charge de la gestion et des financements de cette cinquième branche, nécessaires à l’intégration de l’augmentation des besoins ?

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. Nous avions évoqué longuement la création de la cinquième branche lors du Printemps de l’évaluation de l’année dernière. Ce qui avait été annoncé a bien été réalisé : la cinquième branche a été créée par la loi du 7 août 2020 puis par la LFSS 2021.

Plusieurs avancées accompagnent la création de cette cinquième branche, dont une plus grande transparence financière, en particulier pour le Parlement, ce qui permet d’identifier des dépenses et des recettes. Ce n’était pas le cas auparavant, puisque la CNSA ne possédait que peu de recettes propres tandis que de telles recettes n’existaient pas à l’échelle de l’ensemble de la branche. Le Parlement dispose maintenant d’une vision transversale sur les 32 milliards d’euros de dépenses et de recettes de la branche et d’une visibilité sur le solde pluriannuel dans l’annexe B de la LFSS, comme sur l’ensemble des autres branches.

Par ailleurs, au-delà des aspects purement financiers, la création de cette cinquième branche visait à rapprocher le fonctionnement de la branche autonomie de celui des autres branches de la sécurité sociale en recherchant une plus grande équité sur l’ensemble du territoire. Évidemment, le « réseau » de cette branche n’est pas du tout comparable à celui de la sécurité sociale. Il s’appuie sur des acteurs différents et, pour une part, relevant des collectivités territoriales mais il s’agit tout de même d’animer ce réseau et de le faire avancer dans le sens d’une plus grande équité. La création de cette branche devra aussi s’accompagner dans les années futures d’un objectif d’efficience renforcée de la politique de l’autonomie.

Le rapporteur général nous a demandé comment se déroule la mise en place de cette branche. Du point de vue juridique, cette mise en place est largement réalisée avec la LFSS. Il reste à prendre un certain nombre de textes et d’ordonnances pour l’inscrire dans l’ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale. Nous ne sommes donc pas encore au bout du chemin mais une bonne partie de celui-ci a déjà été accomplie. Une échéance importante a été franchie voici un mois avec la signature d’un avenant à la convention d’objectifs de gestion (COG) de la CNSA. Il permet de commencer à décliner les objectifs de la COG avec des moyens supplémentaires pour la CNSA.

La future COG pour 2022-2026 est en cours de préparation. Les services de l’État et la CNSA y travaillent pour aboutir à une nouvelle convention dans les prochains mois. Cette future COG devra, de façon plus approfondie que l’avenant qui vient d’être signé, décliner les objectifs de la branche, en particulier les nouvelles missions de la CNSA et l’animation des acteurs territoriaux.

Comme vous le signaliez, le Parlement a en outre voté l’année dernière l’attribution de 0,15 point de CSG à la CNSA à partir de 2024. L’annexe B de la LFSS 2021, qui constitue une annexe pluriannuelle courant jusqu’en 2024, prévoit un excédent de 2 milliards d’euros de la branche à partir de 2024. Il existe donc bien des marges de manœuvre au sein de cette branche pour financer de nouveaux investissements.

Votre deuxième question portait sur la politique familiale, plus spécifiquement sur le CMG pour les familles monoparentales. Plusieurs dispositifs ont été adoptés ces dernières années en faveur des familles monoparentales, dont l’intermédiation des pensions alimentaires et, auparavant, dans la LFSS 2018, l’augmentation de 30 % du CMG.

Nous savons que, pour un parent seul – souvent une mère seule –, il est plus difficile que pour un couple de trouver des arrangements pour couvrir des horaires de garde tôt le matin ou en fin de journée. Les parents élevant seuls leurs enfants et effectuant des journées de travail qui peuvent être longues doivent faire appel soit à de la garde informelle soit à de la garde formelle. Or cette dernière peut être coûteuse. C’est la raison pour laquelle il avait semblé utile de faire en sorte que le CMG soit plus favorable pour les familles monoparentales. Cette aide porte sur la garde des enfants par une assistante maternelle, que les familles concernées en soient directement l’employeur ou qu’elles aient recours à ce mode de garde à travers une structure. L’objectif était de réduire le reste à charge des familles monoparentales.

D’après les données dont dispose la direction de la sécurité sociale, cette réforme s’est traduite par une augmentation de 6 % du nombre de familles monoparentales qui ont eu recours au CMG entre début 2018 et début 2020. Ensuite, avec les confinements et le télétravail, le recours à la garde d’enfants a évidemment été « chahuté » en 2020.

Durant cette même période 2018-2020, le recours au CMG pour les autres familles accuse une légère baisse, ce qui traduit la baisse de la natalité et, par conséquent, la diminution du nombre d’enfants âgés de 0 à 3 ans. Le coût global de l’augmentation du CMG pour les familles monoparentales est de 40 millions d’euros. Pour les activités à temps plein, ce dispositif permet de largement rapprocher, pour une famille monoparentale, le coût d’une assistante maternelle du coût d’une crèche, voire de le rendre parfois inférieur.

Je ne possède par ailleurs aucune donnée sur le recours territorial. Peut-être le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) en aura-t-il.

Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale. La création de la cinquième branche vise également à disposer d’une vision globale de la politique de l’autonomie. Nous avons pour ce faire élargi le champ d’intervention de la CNSA à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Je soulignerai aussi l’enjeu majeur que représente le renforcement de l’information du Parlement par l’introduction d’une nouvelle annexe au PLFSS, dédiée à la branche autonomie. Il s’agit d’une réforme qui amorce un changement dans la conception même de la politique d’autonomie. Elle sera dotée de ressources propres et fait désormais l’objet d’une discussion annuelle au Parlement.

Je précise, concernant la COG de la CNSA, qu’un avenant prorogeant à nouveau d’une année la COG de 2016-2019 a été conclu pour l’année 2021 entre l’État et la CNSA. Cet avenant amorce le changement des missions et de l’organisation de la CNSA, au travers de quatre chantiers prioritaires pour la mise en œuvre de cette nouvelle branche.

Le premier concerne la feuille de route sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour 2022, l’idée étant d’améliorer grâce à des financements amplifiés l’accès aux droits des personnes en situation de handicap.

Le deuxième chantier de cet avenant a trait à la mise en œuvre d’un conventionnement inédit entre la CNSA et les départements au titre de la période 2021-2024, avec une adaptation du programme de travail de la CNSA afin de tenir compte des ressources supplémentaires à mobiliser dans le cadre de ce chantier. Il permettra de nouer des conventions beaucoup plus individualisées avec les départements.

Le troisième point renvoie à la mise en œuvre du volet médico-social de l’investissement du Ségur de la santé. Il s’agit là d’un enjeu majeur.

Le quatrième chantier revêt, lui, une dimension structurelle pour la CNSA. Il concerne ses systèmes d’information et constitue un chantier essentiel en vue de davantage piloter cette politique publique au plus près des territoires.

Le rapport sur la COG entre l’État et la CNSA, en cours de finalisation par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances, permettra de préciser le contour de la nouvelle COG. À partir de 2022, celle-ci devrait intégrer les enjeux de la mise en œuvre de la cinquième branche avec la transformation de la CNSA en une véritable caisse nationale de sécurité sociale, capable de gérer une cinquième branche de la sécurité sociale et dotée de moyens renforcés dès 2024, grâce aux 2,3 milliards d’euros issus de 0,15 point de CSG à la CNSA jusqu’alors affectés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Cette COG renouvelée en 2022 permettra à la CNSA de piloter pleinement le réseau des MDPH et de mettre en œuvre le projet de loi nouvellement appelé « Générations solidaires ».

Ce projet de loi sur lequel nous sommes extrêmement mobilisés permettra également de décliner la feuille de route de l’autonomie au plus près des territoires avec une gouvernance territoriale renouvelée et le souci d’une plus grande équité dans la mise en œuvre des politiques publiques. L’objectif est de parvenir à une vision centrée sur le parcours de la personne. Nous attendons les conclusions de la mission de Dominique Libault, qui seront essentielles pour nourrir ce projet de loi.

Vous avez souligné l’importance de l’article 47 de la LFSS 2021. Cet article prévoit un dispositif de soutien versé par la CNSA aux professionnels tous statuts confondus, publics ou privés. Nous disposons à ce niveau de 150 millions d’euros mobilisables au titre de 2021 et de 200 millions au titre de 2022.

Cet article 47 est intimement lié à l’avenant 43 de la branche de l’aide à domicile (BAD) que nous sommes sur le point de signer. La ministre Brigitte Bourguignon l’a d’ailleurs annoncé. Cet avenant devrait permettre une revalorisation des salaires de 16 % en moyenne, ce qui est historique. L’agrément de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) devrait intervenir dans les prochains jours. Des concertations sont en cours sur les modalités pratiques de versement de cette aide aux départements, dans le cadre d’un groupe de travail associant la CNSA et ces départements. Le décret devrait paraître cet été.

Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La CNSA opère actuellement sa mue en caisse nationale de sécurité sociale dans un cadre général que Franck Von Lennep et Virginie Lasserre ont déjà présenté.

J’insisterai sur la transformation effective des organisations financières et comptables. C’est un sujet qui peut paraître technique et qui permet d’inscrire complètement le fonctionnement financier de la caisse dans l’univers général de la sécurité sociale. Cela permettra de répondre aux enjeux de transparence rappelés par Franck Von Lennep et de disposer d’une vision consolidée des chiffres de l’autonomie conjugués à ceux de l’ensemble de la protection sociale, suivant un plan comptable harmonisé.

Cette transformation et cette adaptation de nos fonctions financières et comptables sont prescrites par l’avenant 2021 de la COG entre l’État et la CNSA, adopté à l’unanimité par le conseil de la caisse le 22 avril dernier. Elles sont pratiquement achevées.

Notre architecture budgétaire a été simplifiée à l’occasion de la création de la branche, passant de sept fonds étanches fonctionnant en silos à cinq fonds de budget et trois fonds plus globaux qui doivent permettre plus de souplesse dans la gestion du budget de l’autonomie.

Ils sont articulés autour des grandes dépenses au cœur de la branche. Il s’agit d’abord du financement des établissements et services médico‑sociaux qui accompagnent les personnes âgées ou en situation de handicap. D’autres dépenses concernent la solvabilisation par le concours alloué aux départements de financements d’aides individuelles pour recourir à une aide à domicile, démarche indispensable pour conforter notamment le bien‑vieillir chez soi. Nous finançons également des dépenses de soutien à l’investissement.

Ce budget simplifié a été adopté en fin d’année dernière tandis que nos fonctions comptables ont été renouvelées. La trésorerie de la CNSA a été mutualisée au sein de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ce qui permet de soulager la caisse de cette fonction de gestion de trésorerie et de donner sens et vie à la solidarité entre les caisses comme le permet le fonctionnement d’une caisse nationale de sécurité sociale.

Les autres chantiers prioritaires consacrés par l’avenant 2021 de notre COG me semblent aussi emblématiques de la création de cette branche dans le sens où ils mettent l’accent sur la transformation d’une fonction traditionnelle de la CNSA : l’animation des réseaux territoriaux constitués par les agences régionales de santé (ARS), les services autonomie des départements et les MDPH.

La caisse évolue d’une fonction d’animation à une fonction de pilotage qui rapproche, d’une part, les objectifs d’articulation et d’alignement des politiques territoriales et, d’autre part, les politiques nationales, ceci malgré les spécificités de cette nouvelle branche et en particulier celle d’un « réseau » qui n’en est pas réellement un. La caisse dispose de moyens d’action renforcés, dont l’autorisation de recruter 11 équivalents temps plein (ETP) pour mieux piloter et mettre en place la feuille de route MDPH 2022, afin de » garantir une meilleure qualité de service dans ces maisons départementales avec, en particulier, la création d’une équipe d’appui aux MDPH en difficulté.

Cette création s’est d’ailleurs beaucoup inspirée d’un mécanisme qui fonctionne avec succès au sein de la branche famille depuis longtemps. Une task force de six personnes pourra intervenir en direct auprès des MDPH qui nous sembleront en avoir besoin, notamment à travers le suivi de leurs délais d’attribution.

Enfin, un pôle de soutien à l’investissement est créé. Il est destiné à piloter l’arrivée à bon port du programme d’investissement très substantiel de 1,5 milliard d’euros permis par le « Ségur ». Il s’agit d’un levier important pour la transformation de l’offre d’accompagnement. L’objectif est en particulier d’en finir avec l’existence de chambres doubles dans les EHPAD qui, en dehors des cas très rares d’hébergement d’un couple, n’est plus admissible aujourd’hui. Ces investissements permettront de moderniser les structures, puisque nous estimons que plus de 50 000 places dans les établissements ont plus de trente ans d’âge et n’ont pas connu de rénovation importante. Cette rénovation est destinée à améliorer la qualité de vie des résidents et l’accompagnement des professionnels.

La CNSA est dotée de compétences et de moyens nouveaux pour piloter la qualité de service des réseaux intervenant en front office en direction des personnes. Elle est dotée de leviers nouveaux en faveur de la qualité des accompagnements.

Cet avenant insiste enfin sur le conventionnement renouvelé entre la caisse nationale et les conseils départementaux pour définir contractuellement des objectifs et une feuille de route à quatre ans sur l’ensemble de la politique de l’autonomie, tant en direction des personnes âgées que des personnes handicapées. Ces engagements seront assortis – c’est une première – d’indicateurs et de moyens qui nous permettront tout au long des quatre ans de vérifier la bonne mise en œuvre de cette feuille de route.

C’est un changement de paradigme dans la relation entre la caisse et les conseils départementaux. Tous ces changements sont déjà à l’œuvre et se poursuivront tout au long de l’année, notre objectif commun avec les directeurs et directrices qui se sont déjà exprimés étant de finaliser notre nouvelle COG qui sera la première de la branche.

Cette COG aura pour ambition de rendre possible ce que le conseil de la CNSA appelle les promesses de la branche, qui rejoignent tout d’abord les objectifs gouvernementaux, précisés notamment dans le dossier de presse sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et également les objectifs que le collectif des agents de la caisse a identifiés dans le cadre d’une démarche de transformation que j’ai souhaité initier pour disposer de ressources et d’un collectif aligné dans la perspective de la mise en œuvre de cette nouvelle COG. Nous travaillerons donc sur nos leviers pour construire un pilotage par la donnée et renouveler notre action de pilotage des réseaux de façon à garantir la bonne effectivité des promesses de la branche.

Nous voulons plus d’équité territoriale. Celle-ci est indispensable et ce point a été très souvent évoqué lors de l’ensemble des auditions sur la politique de l’autonomie. Nous voulons plus d’efficience à travers un accompagnement, des professionnels mieux formés, une attractivité de ces métiers soutenue en particulier par les conditions salariales et plus de transparence grâce à des outils nous permettant de rendre plus aisément compte des résultats de cette politique.

M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Franck Von Lennep a dit l’essentiel sur le CMG pour les familles monoparentales et, pour ma part, je ne dispose pas de chiffre plus récent que celui de février 2020. En effet, par précaution statistique, nous donnons des chiffres ayant six mois de maturité. Qui plus est, 2020 aura représenté une année très perturbée.

J’apporterai uniquement un complément sur une prestation au champ extrêmement réduit : le supplément mode de garde pour horaires atypiques qui concerne les parents effectuant au moins vingt‑cinq heures de travail de nuit par mois. Il ne concerne que 2 500 familles, mais dont 31 % de familles monoparentales alors que celles-ci ne représentent qu’une dizaine de pourcents des bénéficiaires du CMG.

Ce complément montre que, lorsque nous nous efforçons d’apporter un soutien spécifique face à une situation spécifique, de façon appropriée et bien ciblée, une telle mesure peut s’avérer efficace même si, comme nous le voyons souvent dans le travail de terrain des caisses d’allocations familiales (CAF), l’accompagnement est presque toujours nécessaire pour rapprocher la disposition et son bénéficiaire potentiel. L’intersection entre la monoparentalité et la fragilité sociale ou l’incertitude du lendemain, même sans parler de précarité, conduit certains parents seuls à vivre de manière « rétractée » et peut expliquer pourquoi ils hésitent à entreprendre un projet professionnel ou à confier à d’autres la garde de leur enfant afin de disposer de temps pour se former ou rechercher un emploi.

Notre travail de terrain consiste à mettre en œuvre cet accompagnement en complément des prestations. Je citerai deux exemples à ce sujet. Le premier a trait aux crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP). Environ 2 000 crèches bénéficient de ce label ; ces crèches ont passé des contrats avec les familles, souvent monoparentales, qui leur ménagent des horaires beaucoup moins réguliers et moins abondants que ceux dont aura besoin une famille dont la vie professionnelle est plus régulière, précisément pour leur donner le temps et la sûreté nécessaires.

De même, nous menons actuellement une expérience en Meurthe-et-Moselle dans le cadre de laquelle nous mettons en œuvre un accompagnement spécifique en faveur de parents seuls et bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cet accompagnement demande beaucoup d’investissement mais donne des résultats prouvés sur le plan scientifique et permet d’améliorer l’insertion de ces personnes. Je suis convaincu que la monoparentalité restera une priorité sociale et une priorité professionnelle de la branche famille.

Pour compléter les indications de Virginie Magnant, nous sommes chargés de verser l’AEEH, qui est le premier transfert vers la CNSA. La simple manipulation comptable était délicate, mais elle a été réalisée en temps et heure, sans aucune rupture. Cela concerne 320 000 bénéficiaires pour 1,2 milliard d’euros. La branche famille est ainsi heureuse de développer son interface de coopération avec la CNSA.

Il s’agit pour nous du renforcement de ce que nous faisons en matière d’action sociale en direction du handicap, notamment des enfants porteurs de handicap. Après son lancement en 2019 et malgré la crise, l’année 2020 a vu prendre son essor le bonus inclusion handicap, qui représente dès 2020 environ 16 millions d’euros. Il est destiné à faciliter l’inclusion dans les crèches des enfants porteurs de handicap.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’évaluation de l’article 47 de la LFSS 2021, relatif à la revalorisation des salaires des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées.

Mme Annie Vidal, coprésidente de la MECSS, rapporteure. L’État s’est engagé à verser aux départements, via la CNSA, une aide de 150 millions d’euros en 2021 et de 200 millions d’euros les années suivantes. Notre évaluation peut paraître précoce au regard de la date du vote de ce texte mais elle nous a semblé nécessaire car il s’agit d’une mesure phare de la LFSS 2021. En outre, la situation difficile du secteur du domicile, accentuée par la crise sanitaire, exige que nous suivions de très près les travaux sur le sujet. Les conséquences sont considérables sur l’approche domiciliaire, si nécessaire au maintien à domicile plébiscité par un grand nombre de personnes.

Au début du mois d’avril, la ministre déléguée chargée de l’autonomie a donné des précisions sur l’utilisation que le Gouvernement entend faire, du moins en partie, de cette enveloppe. Brigitte Bourguignon a annoncé une refonte intégrale de la grille de la convention collective de la BAD, qui recouvre 226 000 salariés en SAAD ou en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Cet effectif représente plus de 70 % du secteur du domicile. Elle s’est engagée à ce que l’avenant 43 de la convention de cette branche soit agréé d’ici la fin du mois de mai. Je voulais à cet égard vous interroger au sujet de cet agrément mais vous y avez déjà répondu et je vous en remercie.

Cet agrément rendra l’avenant opposable aux employeurs et aux tarificateurs, donc aux départements. Pourriez-vous nous dire où en sont les discussions sur le sujet, que ce soit avec les départements ou avec les fédérations ? Je rappelle que la refonte complète de la grille conventionnelle devrait entraîner des augmentations salariales pouvant atteindre plus de 15 %, notamment pour les professionnels comptant plus de dix ans d’ancienneté. Cette hausse est historique et nous nous en réjouissons.

Le coût global de cet avenant est estimé à 631 millions d’euros en année pleine. Il pourrait engendrer un surcoût annuel de 301 millions d’euros pour les départements, compensé à hauteur de 150 millions d’euros par l’État. Pour la clarté de nos échanges, pourriez-vous détailler le financement de cet avenant en précisant qui devra payer quoi ? Pourriez-vous également nous indiquer l’utilisation qui sera faite de la totalité de l’enveloppe annuelle de 200 millions d’euros, ramenée à 150 millions d’euros pour 2021 ? Selon quelles modalités seront versées ces sommes aux départements puis aux services d’aide à domicile ?

Au-delà des revalorisations salariales, cette enveloppe budgétaire servira-t-elle aussi à améliorer les conditions de travail des aides à domicile ? Selon la loi, cette enveloppe doit en effet contribuer à améliorer l’attractivité du secteur.

Par ailleurs, les auditions que j’ai conduites ont démontré qu’un certain nombre de questions restent en suspens. La participation des départements conditionne la réussite de l’avenant 43 à la convention de la branche de l’aide à domicile. Or l’association des départements de France s’est montrée très réservée. Les départements craignent en particulier que la part prise en charge par l’État diminue en valeur relative au fur et à mesure que les dépenses liées au domicile augmenteront comme nous pouvons le voir sur d’autres dépenses, notamment sur les concours pour l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

De leur côté, les fédérations des services à domicile émettent un avis très partagé sur les annonces effectuées. Le secteur associatif qui relève de la branche de l’aide à domicile se félicite de cet avenant, tant les revalorisations salariales étaient attendues. Mon attention a néanmoins été attirée sur la situation des services à domicile non lucratifs qui n’ont pas été tarifés, contre leur gré, par certains départements. Dans ces cas, l’agrément ne sera pas opposable aux départements ce qui pourrait conduire les employeurs à augmenter le prix de leurs interventions. Quelles solutions proposez-vous pour ce type de situation ?

Les représentants du secteur privé lucratif demandent quant à eux l’instauration d’un tarif national socle pour l’APA ainsi qu’un forfait qualité coordination. Je sais que des échanges ont eu lieu récemment entre le ministère et ces acteurs dans le cadre d’un groupe de travail. Pourriez-vous nous faire part de la teneur de ces échanges ? Une refonte de la tarification des SAAD est-elle toujours envisagée ?

La MECSS avait établi l’an dernier un premier bilan de l’utilisation des 50 millions d’euros votés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2019 pour la préfiguration de la tarification des SAAD. Nous n’avions cependant pas pu dresser de bilan exhaustif faute de données disponibles. Nous avons donc demandé au Gouvernement un rapport sur le sujet pour la fin de l’année ; il s’agit de l’article 5 de la LFSS 2021. Toutefois, si vous disposez à ce stade d’éléments consolidés sur ce sujet, notamment sur les primes covid versées par les départements aux SAAD en fin d’année dernière, nous serions intéressés par toutes ces informations.

Mme la directrice générale de la cohésion sociale. L’avenant 43 vise tout d’abord à revaloriser les rémunérations conventionnelles et à éviter que le salaire de base en fonction de l’ancienneté et du diplôme se situe sous le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Il a également pour objectifs de favoriser les parcours et l’évolution des salariés, de supprimer l’automaticité actuelle du lien entre le diplôme et l’emploi tout en maintenant évidemment la valorisation des diplômes, et de promouvoir les parcours professionnels via la reconnaissance des compétences.

Au total, 346 millions d’euros sont mobilisés à ce titre, dont 90 millions pour les départements, 28 millions pour les assurés et 28 millions concernant l’État. La part assumée par la CNSA correspond à 58 % de la revalorisation totale destinée aux bénéficiaires de l’APA et de la PCH.

Un accord avec les fédérations devrait, comme l’a assuré la ministre Brigitte Bourguignon, être agréé d’ici une dizaine de jours. Un projet de décret sera soumis très prochainement aux départements.

La réforme du financement des SAAD constitue un des enjeux du projet de loi « Générations solidaires » – nouveau nom du projet de loi « Grand âge et autonomie » – avec l’objectif notamment de parvenir à un tarif minimum national qui puisse assurer une qualité renforcée de prise en charge des personnes suivies. Des discussions auront lieu lors d’une concertation qui doit être prochainement organisée dans le cadre de ce projet de loi.

Mme la directrice de la CNSA. La LFSS 2021 comprend, pour le cofinancement par l’État et les départements de la prime destinée à valoriser l’intervention des professionnels de l’aide à domicile dans le contexte de la crise sanitaire, des dispositions qui ont permis à la CNSA de mobiliser, en faveur de l’ensemble des départements qui s’étaient engagés à verser cette prime, une enveloppe initialement calibrée à hauteur de 80 millions d’euros dans le budget de la caisse. L’accord sur ce dispositif entre l’État et les départements, représentés par l’Assemblée des départements de France, visait à permettre le financement d’une prime de 1 000 euros aux salariés au prorata temporis avec un dispositif de cofinancement par l’État à hauteur de 50 %. La CNSA avait pour objectif de s’assurer du respect des termes de cet accord, c’est-à-dire du cofinancement à parts égales par la CNSA et les départements, et de vérifier que ce financement tenait dans l’enveloppe de 80 millions d’euros.

Nous avons procédé à un bilan du dispositif, d’une part, par la collecte des données financières et comptables certifiées par les départements et, d’autre part, par une enquête auprès des départements et des services concernés pour comprendre si la manière assez rapide dont le dispositif avait été conçu a bien permis de mettre en œuvre le soutien destiné aux professionnels.

Nous nous sommes assurés que le soutien financier de l’État a eu un réel effet de levier sur les départements pour permettre leur intervention en appui à la gratification des professionnels des SAAD. Nous considérons que le principe du cofinancement a eu un effet de levier sur les trois quarts des collectivités puisque quatre‑vingt‑dix‑neuf départements ont voté le principe d’une prime covid aux professionnels des SAAD. Trente‑sept d’entre eux s’étaient déjà engagés dans ce sens avant l’annonce de l’accord entre l’État et les départements mais, pour quinze d’entre eux, cet engagement portait sur un niveau de prime inférieur à 1 000 euros qu’ils ont donc réévalué postérieurement à l’accord. Par ailleurs, soixante‑deux départements ne s’étaient pas prononcés avant l’accord sur le financement d’une prime de ce type et sont passés à l’acte après la mise en place du soutien de l’État au travers de la CNSA.

Ce dispositif a donc été très mobilisateur pour, finalement, quatre‑vingt‑dix‑neuf départements et a permis que soit allouée dans 77 % des territoires une prime de 1 000 euros pour un temps complet. Certains départements ont retenu un niveau de prime inférieur. À l’inverse, les territoires les plus concernés par la pandémie ont prévu un niveau de prime supérieur, fixé à 1 500 euros comme dans d’autres structures.

Nous estimons que 187 772 salariés ont ainsi bénéficié d’une prime, ceci parmi 5 315 services d’aide à domicile, soit un peu plus de 90 % des services d’aide à domicile éligibles. Une partie des SAAD a pu ne pas recourir à la prime soit parce qu’ils avaient déjà pris des dispositions ou parce que les modalités de soutien proposées par les départements ne leur convenaient pas. Le fait que tous les SAAD n’aient pas bénéficié de la prime ne signifie donc pas pour autant que leurs professionnels n’ont pas été gratifiés. En effet, le mécanisme d’une exonération fiscale et sociale de la prime avait été mis en place dès le printemps et il pouvait être adopté très simplement par les employeurs de tout secteur.

Nous avons colligé l’ensemble de ces renseignements pour le conseil de la CNSA qui était, comme vous, très attentif à suivre l’effectivité de cette mesure. Nous avons transmis ces éléments pour constituer les bases du rapport qui doit vous être remis. Vous pourrez donc vérifier que la prime a été également déclinée dans le secteur de l’aide à domicile ce qui constituait une forte attente des professionnels. Vous constaterez également dans le rapport que, malgré la satisfaction des professionnels et des services d’aide à domicile de voir se décliner ce type de gratification dans ce secteur, des remarques et des critiques ont parfois été formulées sur l’hétérogénéité des critères retenus pour procéder à cette gratification, notamment pour retenir certaines catégories de personnels et en exclure d’autres. Les règles fines qui ont été appliquées en la matière ont pu être disparates selon les territoires. Néanmoins, l’objectif principal a été largement atteint.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’évaluation de dispositions de diverses lois de financement de la sécurité sociale relatives au congé parental.

Mme Monique Limon, rapporteure. La MECSS m’a confié un sujet d’évaluation à la fois vaste et éminemment particulier : vaste comme l’est le champ du congé parental qui s’adresse à l’ensemble des salariés, du privé comme du public, mais éminemment particulier puisque la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) a été créée à l’été 2014 par un véhicule législatif consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes bien que cette réforme eût naturellement eu sa place en LFSS comme celles qui l’ont précédée.

Il n’en demeure pas moins que la PreParE, entièrement circonscrite au code de la sécurité sociale, mérite toute notre attention en raison de son échec à plusieurs égards. Les auditions que j’ai menées tout comme les rapports et études convergents de l’IGAS, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) attestent de cet échec au regard, en premier lieu, de l’objectif principal de la réforme de 2014, à savoir le partage de la prestation entre les deux membres du couple.

Le bénéfice entier de la PreParE suppose en effet que le père et la mère cessent au moins partiellement leur activité sans quoi la durée est limitée à six mois pour un premier enfant et à deux ans à partir du deuxième. Il était prévu que ce dispositif amène 100 000 pères supplémentaires à demander la PreParE mais il n’en a rien été. Au contraire, entre 2017 et 2018, selon les données des annexes du PLFSS 2021, le nombre de pères bénéficiaires a même diminué de 7,5 %. Leur part dans les bénéficiaires augmente à un rythme très lent et ils représentent aujourd’hui 6 % de l’ensemble.

Pire, le partage de la PreParE est résiduel. Parmi les bénéficiaires ayant eu au moins deux enfants à charge percevant la prestation en décembre 2017 et ayant au moins un enfant né en 2016, seuls 2,5 % la partageaient avec leur conjoint à l’issue des vingt-quatre mois de perception.

Les restrictions dans l’accès à cette prestation se sont donc traduites par une chute massive des bénéficiaires. Pour la seule période de juin 2017 à juin 2018, une diminution de 21,3 % a abouti à un seuil bas de 290 000 bénéficiaires, tous régimes confondus.

Certes, le taux d’emploi des mères de jeunes enfants s’est amélioré mais, comme l’a récemment démontré Hélène Périvier pour l’OFCE, ce constat doit être nuancé au vu d’une augmentation parallèle de 40 % du taux de chômage de ces mères, donnée confirmée par l’Union nationale des associations familiales (UNAF), que j’ai auditionnée.

Cette augmentation drastique du non-recours doit enfin se lire à la lumière des évolutions récentes de la natalité dont la chute de 13 % en janvier 2021 par rapport à janvier 2020 est l’épiphénomène qui sanctionne une tendance décroissante depuis plusieurs années.

Outre celles que j’ai avancées, d’autres raisons expliquent-elles selon vous la chute du taux de recours à la PreParE ? En particulier, les retours que j’ai reçus témoignent que la complexité des conditions d’éligibilité a conduit à ce que les bénéficiaires connaissent de moins en moins bien ce dispositif. Est-il prévu des campagnes d’information spécifiques ou de formation des agents des CAF pour limiter le non-recours ?

Dans ces conditions, je souhaite saluer les travaux lancés récemment par le Gouvernement puisqu’Élisabeth Borne et Adrien Taquet ont demandé à Mme Christel Heydemann et M. Julien Damon, que j’ai par ailleurs auditionnés, de proposer des solutions en faveur d’une meilleure conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Je souhaite insister à ce sujet sur le cas des bénéficiaires de la PreParE à temps partiel. Les personnes entendues dans le cadre de la table ronde que j’ai animée avec les parties prenantes du département de l’Isère m’ont fait part du plafonnement, qui empêche actuellement les deux membres du couple de bénéficier simultanément de la PreParE s’ils restent tous deux à temps partiel. Existe-t-il actuellement des réflexions à votre niveau pour supprimer cette condition ?

S’agissant de l’insertion professionnelle, nous avons voté dans le cadre de la proposition de loi de ma collègue Marie-Pierre Rixain des dispositions destinées à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires de la PreParE. À cette occasion, nous avons pu constater des défauts sur le terrain dans l’application de la convention entre les CAF et Pôle emploi pour orienter ces bénéficiaires en fin de droits vers des formations qualifiantes. Comment expliquez-vous cet échec ? Existe-t-il d’autres initiatives locales des CAF tournées vers les personnes inactives ou au chômage, pour permettre leur insertion professionnelle ?

En matière de mode de garde et d’insertion professionnelle, le dispositif que vous avez évoqué des crèches AVIP a été largement plébiscité ces derniers temps, permettant un retour à l’emploi de l’ordre de 90 %. Ce modèle peine pourtant à se développer, malgré l’inscription de ces crèches dans la COG 2018-2022. Nous n’en comptons que 104 dans vingt‑quatre départements. Comment développer ce mode de garde qui pourrait constituer une solution alternative efficace au congé parental subi ?

En effet, à l’inverse du non-recours, de nombreuses femmes se retrouvent parfois contraintes de garder leur enfant pour des durées de plusieurs années faute de mode de garde alternatif. Or, le bénéfice de la PreParE étant de deux ans quand il n’est pas partagé, il existe une problématique importante pour les enfants de 2 ans à 3 ans, voire de 1 an à 3 ans pour les aînés. Quelles sont les actions menées à l’échelon local pour identifier ces cas et permettre une transition douce de la PreParE vers les modes de garde formels ?

Mes auditions m’ont enfin conduite à aborder plus largement les questions de la politique de la petite enfance. Je me permets de relayer auprès de vous certaines inquiétudes. En particulier, qu’en est-il de l’objectif de la création nette de 30 000 places de crèche prévue dans la COG 2018-2022 de la CNAF ? Le « plan de rebond » permettra-t-il de combler le retard accumulé ?

Comment prendre en compte les familles qui travaillent à des horaires atypiques ? J’ai en tête le dispositif des modes d’accueil mutualisé en horaires atypiques (Mamhique) développé par la Mutualité française. Celui-ci pourrait-il avoir vocation à se développer, sur le modèle des crèches déjà existantes dans certains aéroports ou hôpitaux ? Les travailleurs en situation précaire sont en effet souvent ceux qui effectuent des horaires véritablement atypiques et ils pourraient bénéficier de ces dispositifs.

Comment, enfin, harmoniser le reste à charge entre les différents modes de garde formelle, à savoir concrètement les établissements d’accueil du jeune enfant et les assistantes maternelles ? Ce sujet rejoint plus largement celui de la répartition territoriale des modes de garde qui me tient particulièrement à cœur.

M. le directeur de la sécurité sociale. Mme Limon appelle finalement à une évaluation globale de l’ensemble de l’accueil du jeune enfant et il ne sera pas facile de répondre à toutes ses questions. Elles sont évidemment très importantes et font l’objet d’un certain nombre de publications ou de rapports réguliers du HCFEA.

La réforme de la PreParE date déjà de 2014-2015. Il ne s’agit donc pas directement de l’évaluation des LFSS récentes. En creux, la question posée consiste à savoir s’il convient de modifier la PreParE ou de la faire évoluer.

La PreParE avait pour objectif affiché de faire augmenter le partage du congé parental entre les deux parents et, donc, le taux de recours des pères. Or celui-ci reste très limité ; il augmente mais très légèrement. 6 % des enfants sont maintenant gardés par des pères.

Par ailleurs, l’objectif consistait aussi à inciter les mères à revenir plus vite sur le marché du travail, des études économiques ayant montré qu’un arrêt de trois ans, parfois plus lorsque la mère enchaîne les congés avec deux enfants successifs, pesait largement sur la trajectoire professionnelle ultérieure de la mère. En raccourcissant ce congé, nous espérions que les mères s’éloigneraient moins du marché du travail.

La réforme n’allait pas jusqu’au bout du modèle. Les modèles étrangers, comme l’indiquent les rapports du HCFEA et de l’IGAS, se caractérisent par des congés plus courts, souvent autour d’un an, mais mieux rémunérés avec l’idée d’une meilleure continuité entre congé maternité ou paternité et congé parental. La réforme de la PreParE raccourcit le congé sans augmenter sa rémunération.

Il est normal que la réforme se traduise par une baisse globale du nombre de bénéficiaires puisque les mères – essentiellement – n’en bénéficient plus à partir des 2 ans de l’enfant. Depuis 2018, les mères qui auraient auparavant pu bénéficier de ce congé jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant ne le peuvent plus, ce qui provoque forcément une baisse du taux de recours. Ce phénomène n’a pas été compensé par une augmentation du taux de recours à l’entrée compte tenu d’une meilleure attractivité du dispositif, puisque le montant est resté le même, actuellement autour de 400 euros par mois.

Ce montant ne peut pas être incitatif pour des personnes qui sont insérées, qui disposent d’un contrat à durée indéterminée et perçoivent un salaire légèrement supérieur au SMIC. Il ne peut être incitatif, à taux plein, que pour des personnes en situation précaire, en contrat à durée déterminée ou à temps partiel ou avec un salaire proche du SMIC.

Je relativiserai vos propos lorsque vous indiquez que cette réforme a provoqué une baisse du recours au dispositif. Elle a effectivement provoqué une telle baisse parce que nous avons réduit le nombre de bénéficiaires, le dispositif se terminant aux 2 ans de l’enfant, mais ce phénomène s’inscrit dans une trajectoire plus ancienne de baisse tendancielle qui précédait la mise en œuvre de la PreParE. Alors qu’en 2007, 580 000 personnes bénéficiaient de la PreParE, il n’en restait que 480 000 en 2014. Le nombre de bénéficiaires avait donc déjà diminué de 100 000 avant la réforme. Cette diminution tient au fait que la prestation est de moins en moins attractive au fil du temps puisqu’elle est indexée sur les prix alors que les salaires, indexés sur le SMIC, augmentent plus rapidement. Le taux de remplacement baisse donc. Par ailleurs, cette évolution s’inscrit dans un mouvement, qui n’est, certes, pas très rapide mais qui se révèle continu, d’augmentation du taux d’activité des mères, y compris lorsqu’elles ont des enfants en bas âge.

Il est donc difficile de parler de non-recours. Le non-recours à une prestation se produit lorsque vous ne demandez pas une prestation monétaire à laquelle vous avez droit. Par exemple, le non-recours au RSA ou à la prime d’activité correspond au cas où une personne dont les revenus lui permettraient pourtant de bénéficier de ces aides s’abstient de les demander. Ici, le non-recours correspond simplement à des personnes qui n’ont pas recours à cette prestation, peut-être simplement parce qu’elles font d’autres choix au motif que la prestation n’est pas assez attractive et qu’elles se reportent dès lors sur le marché du travail. Ne pas encourager de longs retraits d’activité est tout de même l’objectif initial de la mesure.

Le Gouvernement a missionné Mme Heydemann et M. Damon, qui remettront leur rapport cet été. Nous verrons si ce rapport aboutit à des propositions concrètes et, le cas échéant, à des mesures. Nous pouvons imaginer une grande réforme ou des mesures incrémentales. Vous en avez cité certaines : par exemple, dans le cas de deux parents travaillant à temps partiel, la PreParE à taux partiel qui se cumule à un temps partiel pourrait effectivement être mieux valorisée que celle à taux plein puisque nous ne pouvons pas lui reprocher de renforcer l’éloignement du monde du travail.

Vous observez très justement que, lorsque nous raccourcissons les congés parentaux rémunérés, il convient de prévoir en conséquence l’offre de garde. Si nous voulons que les parents se portent sur le marché du travail, leurs enfants doivent pouvoir être accueillis en crèche ou chez une assistante maternelle. À l’avenir, les actions sur le congé parental doivent donc s’inscrire dans une politique de développement des modes de garde.

L’objectif de 30 000 places de crèche dans la COG n’est pas atteint à ce stade et fait l’objet d’un plan de rebond. Dans le cadre de la COG, le Gouvernement ne cherche pas à réaliser le moindre euro d’économie sur la moindre ouverture de place de crèche et déploie à nouveau en 2021 toutes les aides exceptionnelles qui étaient prévues dans cette convention pour essayer de déclencher des décisions d’ouverture de crèches. Celles-ci ne relèvent pas uniquement de la branche famille mais souvent des collectivités locales ou des communes. Nous espérons que ce plan en cours de déploiement par la CNAF produira ses effets cette année.

Le HCFEA a bien montré que le reste à charge peut être différent pour une même famille selon qu’elle fait garder son enfant par une crèche ou une assistante maternelle. De même, le coût peut être relativement différent, avec des effets de seuil pour le CMG. Des réformes sont proposées par le HCFEA afin que ce complément soit plus linéaire et plus proche du coût de la crèche. C’est une possibilité pour l’avenir mais il faut se rendre compte qu’il ne sera pas simple de la mettre en œuvre à coût constant.

Si vous effectuez une réforme à coût constant pour supprimer des effets de seuil, vous créez des gagnants et des perdants. Si vous ne voulez pas faire de perdants, il s’avère nécessaire de payer plus cher, ce qui revient à entrer en concurrence avec les autres investissements dans toutes les politiques que nous voyons aujourd’hui.

M. le directeur général de la CNAF. Le lien est très fort entre le choix des parents de prendre ou non un congé parental et les relais par les modes d’accueil. La PreParE a été divisée par deux en dix ans et nous constatons en outre qu’après la fin du congé, la quotité de travail est moindre. Les parents réfléchissent à leur organisation avant de sortir de ce congé et sont donc sensibles à ce que nous offrons ou non, à ce que nous faisons ou non.

Vous avez dit, madame la députée, qu’il n’existe pas suffisamment de crèches AVIP. Je corrige mon propos sur ce point car j’ai cité tout à l’heure un nombre de places et non de crèches. Le manque est lié au fait que la création d’une crèche AVIP est exigeante et que notre cahier des charges en la matière, conçu en 2016, est probablement un peu trop sophistiqué. J’ai demandé à mes équipes de réduire quelque peu ces exigences tout en gardant le même objectif, non pas pour galvauder cette forme de crèche mais pour la développer.

Cette question est étroitement corrélée à la qualité du lien avec Pôle emploi, comme vous l’avez à raison souligné, madame la rapporteure. Dans un département donné, nous percevons nettement la différence que peut induire une relation fructueuse ou infructueuse, ou, à tout le moins, distante, entre Pôle emploi et la CAF. Je peux toutefois citer des exemples de relations positives.

Toutefois, ce sujet n’est pas seulement l’affaire des organismes de protection sociale pris au sens large, en y incluant Pôle emploi. Il renvoie également à la vie des entreprises et au dialogue social en leur sein. Dans les faits, la question familiale ne se situe pas souvent au cœur du dialogue social de l’entreprise ni des accords collectifs d’entreprise ou de branche. Or notre perception de la conciliation entre ces éléments parfaitement compatibles de la vie dépend des signaux que nous recevons et, notamment, de la bienveillance, de l’ouverture ou de disponibilité dont peut faire montre notre environnement professionnel.

Vous avez cité l’exemple du dispositif Mamhique, développé par la Mutualité française. C’est d’ailleurs au directeur de la Mutualité que M. Taquet a demandé de conduire une étude sur les horaires atypiques. Ce dispositif d’aide pour les travailleurs à horaires atypiques peut s’appliquer dans le cas d’une garde par une assistante maternelle ou à domicile mais repose fondamentalement sur le financement de l’employeur. Je dispose de plusieurs autres exemples très réussis qui reposent sur le financement de la CAF à plus de 50 %. Les CAF sont tout à fait disposées à financer ce genre d’initiatives et possèdent dans ce sens les ressources nécessaires par l’intermédiaire des dotations d’action sociale locale.

Le rapport entre ces perceptions, le message envoyé par l’environnement et la forme ou la quantité de l’offre d’accueil du jeune enfant recouvrent non seulement une dimension pratique mais également stratégique. Prenons le cas suédois, avec une première année très largement consacrée au congé parental. Il n’existe pas en Suède de crèche pour les tout-petits mais des crèches dites « pour marcheurs », ce qui ne correspond donc pas au même modèle. L’offre est différente et moins chère. En revanche, en France, l’investissement moyen pour une place de crèche représente 30 000 euros et le prix d’exploitation annuel moyen est 15 000 euros.

C’est une des explications de la situation. Notre COG 2018‑2022 comportait un objectif, qui pouvait paraître modeste, de création nette de 30 000 places. J’insiste sur l’adjectif « nette » car, chaque année, environ 5 000 places de crèche ferment temporairement ou définitivement pour diverses raisons. Il faut avant tout prévenir ces fermetures autant que possible. Après cette année quelque peu particulière qu’aura représentée 2020, nous nous inscrivons devant une trajectoire qui ne nous permettra d’atteindre au mieux que la moitié de l’objectif.

Dans ce domaine, la branche famille est présente pour financer et ne manque nullement de ressources. La création de places de crèche se construit toutefois à plusieurs, avec des porteurs de projet qui peuvent être des collectivités territoriales mais aussi des entreprises privées qui organisent des crèches sous prestation du service public de la branche. Les collectivités territoriales constituent toutefois un facteur important à travers leur rôle d’exemplarité. De ce point de vue, avec les élections municipales, l’année 2020 a été particulière.

Nous cherchons par notre travail de terrain à montrer aux porteurs de projet, et d’abord aux élus s’ils le souhaitent, qu’il est possible et réaliste de monter un projet de crèche. Ensuite viennent les concours financiers. À cet égard, le bonus territoire est un financement différencié en fonction des ressources fiscales de la collectivité. De son côté, le plan de rebond que nous venons de décider consacre 200 millions d’euros d’excédents non consommés de 2020 à la petite enfance. Parmi ce montant, 50 millions d’euros sont destinés plutôt aux mesures de réparation pour des établissements qui, malgré nos aides, auront souffert des fermetures de la crise. En outre, 50 millions d’euros sont consacrés à une aide flash à l’investissement en 2021 pour lancer les projets tandis que 100 millions d’euros sont consacrés à des dépenses plus orientées vers le soutien et plus durables.

Nous travaillons sur le terrain. C’est là la responsabilité des directrices et directeurs de caisses. Néanmoins, nous ne décidons pas directement de la création de places de crèche.

Je souhaite que, dans l’univers professionnel, ou à la porte de la sphère professionnelle dans la recherche d’emploi, et dans l’univers de la décision de création ou d’exploitation de structures d’accueil collectif, les visions convergent un peu mieux. La politique familiale irrigue de nombreux domaines des politiques publiques et mérite peut-être un peu plus de place dans l’entreprise.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’évaluation de l’article 72 de la LFSS 2020, relatif à l’intermédiation financière pour les pensions alimentaires.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je vous interrogerai cet après-midi sur une mesure emblématique de la LFSS 2020 : la mise en place de l’intermédiation financière en matière de pensions alimentaires. Sous ce vocable quelque peu technique se niche une promesse du Grand débat, celle visant à résoudre les importantes difficultés rencontrées par de nombreux parents dans le paiement des pensions alimentaires. Ce progrès avait été salué sur tous les bancs de notre assemblée et a été adopté à l’unanimité, en commission comme en séance publique. Un an et demi plus tard, où en est sa mise en œuvre ?

J’ai à ce sujet quelques observations et interrogations. Entré pleinement en vigueur au 1er janvier, le dispositif est encore très jeune et il ne peut donc s’agir que d’un premier point d’étape. Cependant, le mécanisme mis en place ne partait pas de rien. En réalité, la construction d’un filet de protection contre les impayés de pension remonte aux années 1970, avec de nombreuses étapes depuis. Il s’agit donc d’une nouvelle pierre apportée à l’édifice et non d’une révolution.

Le dispositif retenu voici un an et demi entend compléter la logique réparatrice par une logique préventive qui consiste à organiser en amont le versement de la pension alimentaire à la CAF ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) qui, elle-même, la reverse au parent créancier. En cas d’impayé, elle lui substitue l’allocation de soutien familial (ASF) et procède à la mise en recouvrement forcé des sommes dues. Ce mécanisme est évidemment très utile et complémentaire de la logique de recouvrement des impayés a posteriori qui prévalait jusqu’à maintenant.

Enfin, je souligne l’effet mobilisateur qu’ont créé la mise en place et la valorisation de ce dispositif au sein des équipes chargées de son déploiement comme chez les assurés susceptibles d’être concernés ce qui, à mes yeux, est une excellente chose.

Ces constats globalement positifs n’interdisent pas de se poser quelques questions inspirées par les auditions que j’ai conduites pour préparer cette évaluation. Pour évaluer un dispositif, il convient tout d’abord d’en confronter l’objectif avec ses résultats et les moyens qui lui sont alloués.

S’agissant de l’objectif, je constate qu’il était assez ambitieux puisque l’étude d’impact évoquait une montée en charge de 42 millions d’euros en 2020 à 122 millions en 2023 avec en parallèle une augmentation du nombre d’allocataires de l’ASF de 50 000 à 90 000. Nous estimons que 300 000 familles environ sont confrontées à des difficultés d’impayés.

Maintenez-vous ces estimations du coût et de la cible à atteindre ? Avez-vous un objectif de réduction des impayés de pension alimentaire plus précis, par exemple en termes de taux de pensions impayées ?

S’agissant des résultats, je me félicite que le nombre des bénéficiaires de l’intermédiation fasse partie des objectifs de la vie quotidienne. D’après le site Internet dédié, 5 903 familles percevaient une pension alimentaire intermédiée en mars 2021. Considérez‑vous ce chiffre comme satisfaisant ? Pourrons-nous disposer dans les mois à venir d’informations plus qualitatives sur les motifs de ces recours et les profils concernés ?

S’agissant enfin des moyens mis en œuvre, j’ai déjà évoqué le chiffrage budgétaire mais l’étude d’impact évoquait une importante campagne de recrutement de 450 ETP supplémentaires en 2020. Où en sommes-nous ? À quelles tâches ont précisément été affectés ces personnels ? Comment a été calibré ce chiffre pour un public encore relativement limité ? J’ai cru comprendre que l’UNAF avait établi une comparaison avec les faibles moyens dévolus à la médiation familiale, qui disposerait des mêmes effectifs pour une mission a priori plus large.

Ma deuxième série d’interrogations est davantage liée aux freins auxquels peut se heurter le développement de la mesure. J’ai noté un manque d’informations sur ce dispositif, qui demeure selon moi encore un obstacle aujourd’hui, comme l’ont rappelé certaines associations. Quelles sont les mesures de communication mises en œuvre, à l’égard du grand public mais aussi des professionnels du droit et sur quelle durée ?

Un autre frein possible est lié à la perception de la mesure. Elle a été construite pour apaiser les relations mais il nous a été signalé que l’intermédiation, au moment de sa mise en place, est au contraire parfois perçue comme un signe de défiance alors qu’aucun problème ne s’est encore présenté. Cela expliquerait que certaines personnes refusent d’y recourir en amont. N’est-ce pas une grande limite à cette démarche préventive ? Comment faire en sorte que cette démarche se banalise dans les perceptions ?

Les experts ont aussi souligné qu’avec l’ASF d’une part et le RSA d’autre part, le recouvrement de la pension impayée était pour certaines familles un jeu financier à somme nulle. Quel serait pour ces parents aux revenus modestes l’intérêt de recourir à ce dispositif ?

Enfin, l’intermédiation ne peut pas résoudre les difficultés liées à l’insolvabilité, réelle ou parfois organisée, du parent débiteur. De ce point de vue, le renforcement parallèle des moyens des CAF est-il envisagé et, le cas échéant, est-il suffisant ?

Je terminerai par une interrogation qui porte davantage sur la philosophie d’ensemble de cette mesure. Elle s’inspire du modèle québécois mais ce modèle, comme le rappelaient les personnes auditionnées, repose sur un accompagnement très fort des parents et des enfants au moment de la séparation, bien en amont, et sur une très grande latitude accordée aux caisses dans la fixation des pensions à la différence de ce qui prévaut en France avec une fixation judiciaire. Pensez-vous dans ces conditions que ces résultats québécois soient totalement reproductibles en France sans ces fondamentaux qui sous-tendent ce modèle ?

M. le directeur de la sécurité sociale. Il est difficile d’évaluer une telle réforme après si peu de temps. Elle est très importante et touche à des sujets culturels. Pouvons-nous changer la relation des parents séparés en considérant qu’il n’existe plus de lien financier direct entre eux et qu’un intermédiaire intervient aussi systématiquement que possible ?

La loi n’a pas prévu que cette intervention soit obligatoire mais l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu’elle soit la plus systématique possible, d’où les objectifs ambitieux de déploiement à deux ou trois ans. Tout cela demande évidemment beaucoup d’informations mais suppose aussi d’agir sur les représentations. Il faut que le parent créancier, le plus souvent la mère, ne soit pas confronté à une forme de crainte au moment de faire cette demande.

Nous ne pouvons pas imaginer que de telles évolutions soient immédiates et interviennent dès l’entrée en vigueur de la réforme. Celle-ci est entrée en application progressivement en octobre 2020 pour une première part puis en janvier 2021 pour une seconde part. Ainsi, nous n’en sommes encore qu’au tout début. Nous recensons actuellement 28 000 demandes d’intermédiation financière, dont 8 000 sont mises en place et cela augmente chaque mois.

Vous nous avez interrogés sur les répercussions sur l’ASF. Il conviendrait de mener des études fines pour établir un lien direct avec la réforme mais nous constatons une augmentation du nombre d’ASF versées ces derniers mois : celui-ci est en effet passé de 790 000 à 840 000 entre fin 2019 et fin 2020. Nous ne pouvons pas y voir directement l’impact de la réforme mais il n’en demeure pas moins que le nombre d’ASF augmente.

Sur le plan purement financier, nous prévoyons plus de recours à l’ASF ainsi qu’un meilleur taux de versement des pensions alimentaires, avec moins d’impayés. La pension sera plus souvent payée et, lorsqu’elle n’est pas payée, le recouvrement sera plus élevé avec cette réforme, après ce qui avait déjà été mis en place avec l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Le parent créancier sera plus aidé, que ce soit par un meilleur recours à l’ASF ou, à chaque fois que possible, par un meilleur paiement de la pension elle-même.

D’après les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, les pensions alimentaires représentent 18 % du revenu des parents créanciers. Il s’agit donc d’un montant important. D’où l’intérêt de la réforme pour les revenus des personnes concernées.

Comment pouvons-nous faire en sorte que cette démarche se banalise ? Nous disposons de plusieurs leviers. Le premier levier, du côté des CAF, est celui de la communication, avec en ce moment-même des campagnes de communication vers les parents. Un autre levier est celui de la justice. Il faut absolument que les juges s’en saisissent et, si nous y parvenons, que les avocats s’en saisissent. On ne constate pas vraiment de « frémissement » du côté des avocats mais, du côté des juges, la situation évolue et nous en attendons beaucoup. Si la décision est automatiquement prise de passer par l’intermédiation lorsque la pension est fixée dans le cadre du divorce, le parent créancier n’aura pas à y revenir et à faire lui-même ou elle-même la demande ultérieurement.

Vous posez la question philosophique de la reproductibilité du modèle québécois. Nous y croyons. Toutefois, nous n’appliquerons pas exactement ce modèle mais conserverons nos spécificités sur le mode de fixation du montant des pensions. Nous ne pourrons certainement faire la preuve de ce concept qu’au bout de deux ou trois ans mais nous y croyons.

Cette réforme a répondu à une attente très forte lors du Grand débat. Si les mères en particulier ont exprimé aussi fortement cette attente à cette occasion, il serait logique qu’elles fassent appel à cette nouvelle possibilité dans les années qui viennent.

M. le directeur général de la CNAF. Le passage de 40 à 120 millions d’euros n’est pas réellement un objectif mais une estimation du prix de revient du service. Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que nous disposons de la totalité des personnels chargés de mettre en place cette réforme, dans les CAF et à la MSA, selon le calendrier prévu et malgré les difficultés de l’année 2020, qui n’ont facilité ni les entretiens de recrutement ni, surtout, la formation. Au total, 450 personnes ont été recrutées, pour l’essentiel dans la branche famille. Nous avons reçu un grand nombre de candidatures, de très bon niveau, et nous en étions particulièrement heureux.

Notre objectif clé porte sur 230 000 intermédiations à la fin de l’année 2022. Nous avons reçu depuis octobre 28 000 demandes. Leur caractéristique particulière, assez logique au début, tient au fait que la grande majorité de ces personnes – 26 000 parmi les 28 000 – se trouvent déjà en situation d’impayés. Ce sont donc des demandes « à chaud », ce qui s’avère normal puisque nous nous situons au démarrage du dispositif. C’est aussi – cela me paraît assez positif – le révélateur d’un accès au droit par des personnes qui auraient déjà pu s’adresser à nous mais qui n’avaient pas compris ou pas trouvé le chemin pour ce faire.

En vitesse de croisière, le cœur de cible correspondra plutôt à des personnes qui décideront de demander l’intermédiation à froid, avant d’être confrontées à un impayé et à toutes les tensions et conflits que l’impayé accompagne souvent ou explique. L’un des moyens permettant de voir émerger ce phénomène consistera à ce que l’intermédiation soit davantage demandée et décidée en même temps que le prononcé d’une décision de divorce par les tribunaux.

Pour l’instant, 90 % des juridictions ont ouvert un compte sur le portail que nous avons mis en janvier à la disposition de tous les usagers, particuliers et institutionnels. Cependant, seules 220 demandes d’intermédiation ont été entrées dans le système par des juridictions, notamment leurs greffes. Je suis cependant conscient de la charge qui pèse sur les juridictions. Les affaires familiales constituent la principale charge de travail pour l’ensemble des juridictions et chacun connaît aussi la charge qui pèse sur les greffes. Nous pouvons espérer que les mesures de renfort décidées par le garde des sceaux au début du mois seront susceptibles d’accélérer le processus.

Il me semble qu’à tous égards, le prononcé de la décision de divorce constitue le moment opportun pour demander l’intermédiation, peut-être aussi grâce au soutien apporté par l’autorité du juge. Même si elle n’a pas à être demandée par les deux conjoints mais seulement un seul d’entre eux, le phénomène de frein, de crainte ou pire, que vous avez repéré, est réel. Il n’est guère facile de lutter contre ce frein. Cette démarche s’avère peut-être plus facile lors du volet judiciaire de la procédure, pour ceux qui sont allés devant le juge puisque ce n’est pas une obligation.

Il ne s’agit pas uniquement d’une mécanique mais cette réforme donne du travail à toutes les CAF même si cette mécanique est gérée par vingt‑quatre CAF spécialisées, sous l’autorité d’Aurélie Schaaf, directrice de l’Aripa. Toutes les CAF doivent savoir parler de ces questions à tous les allocataires qui en ont besoin. Toutes les CAF mettent en œuvre ce que nous appelons le « parcours séparation ». Il s’agit d’une offre de travail social et d’assistance, à un degré variable selon les besoins de la personne, pour faire le lien entre cette mécanique et la véritable prise en compte d’autres besoins d’une personne qui se retrouve dans de nombreux cas en situation monoparentale.

Vous avez mentionné l’exemple québécois. La réforme québécoise date de 1995 et a pris son temps pour décoller. Aujourd’hui, elle a valeur d’exemple avec une grande différence dans les choix faits. Au Québec, l’intermédiation est obligatoire ; en France, elle est de droit et il suffit qu’un des deux ex-conjoints la demande, mais elle n’est pas obligatoire. Le Gouvernement avait tranché dans ce sens en 2019. Je pense que c’est raisonnable et nous verrons comment cela évolue. Nous voyons naître un fait de société ; il faut le voir grandir un peu pour l’analyser.

Une autre caractéristique du dispositif québécois est le barème. Ce travail est en cours. Dans le cadre français, nous avons encore un barème appliqué par les juridictions et un autre pour les affaires non juridictionnelles puisque les CAF ont la possibilité, sur demande des ex-conjoints qui n’étaient pas mariés, de fixer un montant de pension alimentaire. Ces deux barèmes ne sont pas identiques. Un rapprochement est souhaitable même s’il n’est pas facile de définir le barycentre.

Il n’est facile ni d’arbitrer le montant d’une pension ni d’être pleinement incité à payer sa pension. Des personnes, c’est vrai, préfèrent ne pas la payer sachant que la CAF paiera l’ASF. Il s’agit de 116 euros, moins que le montant moyen de la pension qui est de 170 euros, mais le montant de 20 % des pensions se situe autour de 100 euros, donc inférieur au montant de l’ASF. Nous pouvons donc comprendre les raisons d’un comportement consistant à ne pas payer une pension de 100 euros sachant que l’ASF sera payée. Nous ne pouvons laisser cela en l’état.

Quelle est la bonne manière de faire ? Selon l’expérience que nous avons acquise depuis un certain temps, renforcée par les dispositions de la loi car nos capacités d’action en recouvrement ont été renforcées, il faut, comme en matière fiscale, ne pas laisser passer les impayés. Cela signifie agir plus vite, plus fortement. Une amende de 104 euros à chaque incident de paiement ou chaque comportement d’éviction du débiteur est prévue. Il est tout de même moins intéressant de devoir payer 104 euros d’amende que de laisse filer la pension en comptant que la collectivité paiera 116 euros. C’est une question d’équilibre des pressions et des résistances.

De la même manière, nous pourrons – c’est une des nouveautés du texte que vous avez voté – recouvrer des pensions alimentaires sur d’autres prestations sociales. Nous pouvons le faire d’une prestation à l’autre mais recouvrer une pension alimentaire impayée sur une prestation que la CAF verse par ailleurs n’était jusqu’à présent pas possible. Le but n’est évidemment pas que nous nous servions de toute cette panoplie mais de montrer un équilibre à ceux qui doivent, les débiteurs, et à ceux qui ont droit, les créanciers, dont 95 % de créancières.

Cela doit amener à penser plus tôt à l’intermédiation et nous devons aider à y penser en communiquant. Du 17 au 31 mars, nous avons entrepris une campagne de communication sur les réseaux sociaux et les médias électroniques, auprès de toute la presse quotidienne régionale électronique ainsi que sur un grand moteur de recherche et une grande application dont beaucoup de personnes, paraît-il, se servent. Nous en parlons aussi régulièrement dans Vies de famille, notre journal de branche. Nous lancerons une autre campagne en septembre.

Nous voulons inciter les personnes qui choisissent l’intermédiation à préférer de plus le prélèvement automatique. C’est pour moi le sommet du modèle, comme une sorte d’abonnement qui permet de se forcer un peu et de se libérer du souci. Très peu de gens choisissent le prélèvement automatique et cela fait sans doute également partie des craintes.

Il faut aussi parler davantage aux professionnels du droit. Les avocats sont concernés. Cependant, moins de cent ont ouvert un compte sur le portail qui leur est également destiné. Nous travaillons avec nos collègues de la chancellerie et avec le Conseil national des barreaux.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes et des autres commissaires.

Mme Caroline Janvier. La LFSS 2021 est venu concrétiser des avancées sociales majeures face à la transition démographique que connaît notre pays ainsi que l’évolution salutaire de la société en matière d’égalité entre femmes et hommes. Parmi ces avancées, nous trouvons la création de la cinquième branche de la sécurité sociale et le rôle conforté de la CNSA mais aussi l’allongement du congé de paternité pour un coût annuel de 550 millions d’euros.

Puisqu’il nous faut aujourd’hui aller plus loin dans la perspective du prochain exercice budgétaire, notamment s’agissant de cette avancée historique de la cinquième branche, je souhaiterais des précisions sur son périmètre. Nous avions largement évoqué dans cette commission des pistes de transferts que proposait Laurent Vachey. Je pense en particulier aux unités de soins de longue durée et au transfert de l’allocation aux adultes handicapés.

Le deuxième point concerne la gouvernance de la branche, notamment sa gouvernance territoriale. Vous avez évoqué la contractualisation avec les départements. J’aimerais en savoir plus sur la généralisation des maisons des adolescents et sur la coopération avec d’autres acteurs qui participent aux politiques territoriales. M. Luc Broussy a remis aujourd’hui son rapport sur les enjeux du vieillissement, dans lequel il cite parmi les acteurs concernés l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la Caisse des dépôts, et je pense également à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Se pose également la question du virage domiciliaire et des pistes proposées par le secteur privé lucratif comme le tarif socle APA et la participation des ARS, à la fois sur le plan financier et sur le plan de la gouvernance, avec par exemple les forfaits ARS.

M. Bernard Perrut. L’autonomie, le vieillissement et le maintien à domicile constituent un grand défi que nous devrons relever à bras-le-corps. Je voudrais revenir sur le secteur des aides à domicile et plus précisément l’exclusion de l’augmentation des salaires des aides à domicile du secteur privé. L’agrément par l’État de l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile n’assure pas la hausse des rémunérations des aides à domicile employés par les structures privées. Seules en bénéficient les structures associatives, tarifées par les conseils départementaux et habilitées à l’aide sociale.

Cette décision revient à mettre à l’écart du rattrapage salarial 160 000 salariés du secteur privé représentant 10 % du total des aides à domicile. Ils accomplissent pourtant les mêmes tâches ; ce sont les mêmes prestations, les mêmes personnes concernées. Cette décision créera une grave distorsion de concurrence puisque les salaires proposés par les associations seront d’environ 15 % supérieurs à ceux proposés par les opérateurs privés. Elle assurera un avantage concurrentiel à certaines associations et « tarira » ainsi les recrutements que pourront effectuer les entreprises. Il s’agit d’une double peine pour les employeurs privés, qui doivent déjà faire face à une fuite de main-d’œuvre au profit des EHPAD dont les personnels sont éligibles aux revalorisations salariales issues des accords du Ségur de la santé.

Nous voyons combien ces difficultés seront très palpables sur le terrain, d’autant plus que les interventions des services d’aide à domicile ne sont pas toujours possibles faute de trouver du personnel. Cette dynamique crée dans les territoires des déserts médico-sociaux de l’aide et de l’accompagnement à domicile. En oubliant le secteur du domicile dans le Ségur de la santé, le Gouvernement engendre une certaine forme de concurrence malsaine. J’aimerais avoir votre avis sur ces questions.

En outre, les SAAD relevant de la convention collective mais non tarifés par les départements et non habilités à l’aide sociale se retrouvent dans une situation très difficile.

Mesdames et messieurs, afin de réussir le virage domiciliaire, cette ambition proclamée depuis plusieurs années, comment organiser une revalorisation globale des salaires de toutes les aides à domicile, quels que soient les statuts de leurs employeurs ? Comment réduire l’écart salarial entre les EHPAD et les services d’aide et d’accompagnement ? Comment prendre en compte la situation particulière des services associatifs que je viens d’évoquer ?

Mme Perrine Goulet. La table ronde qui nous réunit cet après-midi aborde des sujets éminemment importants puisqu’ils ont trait à l’autonomie et à la famille. Il s’agit de deux marqueurs que nous considérons au Mouvement Démocrate comme essentiels dans la conduite de notre politique sociale et familiale et sur lesquels nous avons formulé de nombreuses propositions au cours de l’examen des divers PLFSS de cette législature.

En premier lieu, l’article 47 de la LFSS 2021 a dégagé un financement de 200 millions d’euros annuels pour augmenter la rémunération des personnels des SAAD. Il s’agit d’une mesure attendue, qui doit désormais se concrétiser en monnaie sonnante et trébuchante pour que ces rouages essentiels de notre politique d’autonomie soient enfin reconnus à leur juste valeur.

Dans la mesure où cette enveloppe sera répartie entre les départements, comment arrivera-t-elle réellement sur la fiche de paie de ces salariés et à quelle hauteur ? En outre, si cet effort est à saluer, tout le monde convient qu’il ne sera pas suffisant pour développer l’attractivité de ces métiers dans la perspective de la future réforme de notre écosystème du maintien à domicile, donc de l’autonomie. À la lumière de l’architecture et de la gestion du financement pour les départements de ce secteur, quelles sont les pistes envisagées pour permettre de poursuivre les efforts engagés dans les établissements publics et également pour les établissements privés ?

Sur la réforme relative au recouvrement des pensions alimentaires, nous partageons la nécessité de diffuser l’information afin qu’un maximum de personnes puisse en profiter. En revanche, je souhaiterais savoir si vous avez déjà, dans ce système récemment mis en place, trouvé des points bloquants ou si vous auriez déjà des propositions d’amélioration afin de faire de ce système un très important levier de la politique familiale.

Mme Gisèle Biémouret. En ce qui concerne les aides à domicile, il me semble qu’il manque un bilan précis et exhaustif du versement des primes et de la manière dont cette prime a profité aux salariés. Il me semble important que les revalorisations soient totalement financées pour ne pas grever les fonds de réserve des associations qui sont déjà en grande difficulté.

Il faut aussi s’intéresser au reste à charge des bénéficiaires concernant par exemple l’APA à domicile. Les plafonds de revenus ne sont pas les mêmes selon les départements et le reste à charge peut parfois être insupportable pour les personnes. En effet, nous ne prenons pas en compte dans les tarifs la complexité des prises en charge, qui deviennent de plus en plus difficiles du fait de l’augmentation de la dépendance des usagers du domicile. Lorsque les intéressés restent plus longtemps à domicile, la dépendance augmente et les prises en charge sont extrêmement difficiles pour des personnels qui ne sont pas toujours formés. Les infirmiers libéraux ne peuvent pas toujours prendre en charge les toilettes et certains soins car ils sont débordés, surtout en milieu rural.

Mme Annie Chapelier. Je vous remercie pour vos interventions mais votre présentation est restée profondément technique alors que nous avons affaire à de l’humain et strictement rien d’autre. L’évaluation consiste également en la mesure de l’efficience et de l’accessibilité aux populations des dispositifs qui leur sont proposés. À l’heure où les Français expriment de façon de plus en plus importante leur désarroi devant la charge mentale administrative, nos rapporteurs ont successivement souligné la complexité pour les administrés d’appréhender et d’accéder aux prestations sociales.

Je souhaite vous interroger sur la cinquième branche. D’après les dernières évaluations de l’Institut national de la statistique et des études économiques, la population des personnes en perte d’autonomie devrait passer de 2,5 millions à 4 millions d’ici l’horizon 2050. Forts de ce constat, les députés ont récemment modifié l’architecture de la sécurité sociale pour y adjoindre la cinquième branche, couvrant le risque de perte d’autonomie. Pour faire face à cette profonde transformation démographique de notre société, nous devons porter un autre regard sur la vieillesse comme l’ont souligné dans leurs rapports respectifs Dominique Libault et Audrey Dufeu.

Parallèlement, la crise sanitaire de la covid‑19 a profondément affecté nos équilibres. Dès lors, cette crise doit être considérée comme une opportunité de redonner un second souffle à ces secteurs en sortant des cadres et des modèles traditionnels, qui deviennent obsolètes. Elle constitue une opportunité d’innover, de réinventer, de nous réinterroger et de nous remettre en question.

Ce changement de paradigme dans la prise en charge de nos aînés doit passer par la redéfinition du pacte intergénérationnel. Alors que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, toute une génération voit augmenter son espérance de vie et son espérance de vie en bonne santé, il est urgent, pour répondre au défi de la solidarité, de réfléchir à une nouvelle prise en charge de ces personnes âgées. Nous devons adopter une approche qui permettrait de nous remettre en lien les uns avec les autres et de prendre en considération les atouts indéniables que cette tranche d’âge peut apporter à la société. S’appuyer les uns sur les autres, c’est ce qui nous a tant manqué pendant cette crise. Nous devons nous en inspirer et également éviter, lors de la création de cette cinquième branche, les écueils de la complexité des autres branches.

J’aimerais savoir quelles leçons ont été tirées de la crise sanitaire et quels sont les nouveaux modes de fonctionnement innovants et inédits identifiés pour recréer ce lien délité entre les générations afin d’offrir, au travers de nos organismes et de la création de cette cinquième branche, la structure d’une véritable solidarité transgénérationnelle.

M. Pierre Dharréville. Je souhaite d’abord vous interroger sur les données dont vous disposez concernant les aidants, particulièrement le congé de proche aidant et la mobilisation de ce congé.

Ma deuxième question porte sur le renoncement aux droits, notamment en matière d’accompagnement et d’aide humaine de la part des bénéficiaires potentiels. Nous avons régulièrement des témoignages de familles qui renoncent compte tenu de l’importance du reste à charge. Elles préfèrent ne recourir à rien plutôt que de payer un reste à charge qu’elles ne peuvent pas assumer.

Pouvez-vous nous indiquer si des progrès ont eu lieu en ce qui concerne le ratio entre personnels et résidents dans les EHPAD ? Un plan de formation pour les personnels de l’accompagnement et de l’aide à l’autonomie a-t-il été mis en place ? Nous aurions grand besoin d’un plan massif de formation et de qualification de personnel.

Enfin, des hypothèses sont-elles à l’étude pour travailler à l’excellence de la réponse publique en la matière et ne pas s’en remettre au marché ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Sauf erreur de ma part, je n’ai pas eu de réponses à trois questions. La première concerne l’utilisation de l’enveloppe de 200 millions d’euros. Une compensation à hauteur de 150 millions est annoncée sur le surcoût de 301 millions. J’aimerais savoir comment sera orientée la différence de 50 millions. Sera-t-elle destinée à des actions liées à l’attractivité du secteur comme le prévoyait le texte de loi ?

Je n’ai pas entendu de réponse non plus sur la question des SAAD non lucratifs non tarifés qui restent en dehors du champ.

Enfin, je vous avais posé une question sur l’inquiétude des départements au regard du dynamisme de l’accompagnement en fonction de l’évolution des besoins. Cette question a‑t‑elle été abordée dans les réflexions ? Qu’en est-il ?

M. Thibault Bazin. Monsieur Mazauric, vous avez évoqué dans vos propos liminaires une expérimentation menée dans mon département de Meurthe-et-Moselle concernant l’insertion de parents bénéficiaires du RSA en situation monoparentale. Pourriez‑vous nous détailler les contours, les objectifs et les premiers résultats de cette expérimentation de manière que l’on puisse envisager de la dupliquer, voire de la généraliser ? Il est urgent que nous puissions aider sur l’ensemble du département toutes les personnes qui pourraient être concernées.

Mme Monique Iborra. J’ai auditionné voici quinze jours les départements et la situation dans le domaine de l’aide à domicile m’a paru toujours aussi bloquée qu’elle l’était auparavant. Je voudrais donc savoir où nous en sommes réellement. Ce qui est prévu par la ministre déléguée chargée de l’autonomie pourra-t-il être réalisé si les départements continuent à refuser de participer à la hauteur demandée ?

Ma deuxième question porte sur le tarif socle. J’en étais restée à un tarif socle autour de 23 euros, demandé par l’ensemble des organisations. J’ai entendu que de nouvelles négociations sur le sujet étaient en cours.

Concernant la préfiguration, la CNSA versera à nouveau 17 millions d’euros. Je voudrais savoir à quoi ils serviront. Qu’est-ce qui justifie que, après les 100 millions puis les 50 millions d’euros, nous versions à nouveau 17 millions d’euros ? Je voudrais savoir quels sont les critères qui interviendraient en cas de financement modulable.

Enfin, dans la COG 2021, il est question d’une gouvernance territoriale rénovée. Qu’est-il entendu précisément ? Comment et par qui la cinquième branche sera-t-elle représentée dans les territoires ?

M. Thierry Michels. L’article 47 de la LFSS 2021 prévoit une contribution à la CNSA à hauteur de 200 millions d’euros pour soutenir l’harmonisation des professionnels des SAAD. Ma première question porte sur la façon dont cet important soutien financier est injecté dans le « cadenas » des relations entre État, CNSA et conseil départemental. Les différentes contractualisations avec les conseils départementaux obéissent-elles à une architecture générale qui favorise un financement efficace et susceptible d’un suivi satisfaisant de la structuration du secteur ? Quel est en particulier le rôle de la CNSA pour favoriser les meilleures pratiques de contractualisation ?

Plus globalement, comment objectiver la participation des collectivités territoriales aux différentes politiques sociales pour lesquelles la sécurité sociale et ses branches mettent à disposition des outils et des financements ? Je crois que nos concitoyens peinent à distinguer qui fait quoi et qui fait bien quoi, surtout quand il s’agit de monter des projets et de répondre à des appels d’offres comme le relevait M. Mazauric. Il faut que les collectivités soient réactives, notamment sur les activités relevant de la branche famille.

M. le directeur de la sécurité sociale. Mme Janvier m’a interrogé sur le périmètre de la cinquième branche. Nous sommes plutôt dans la perspective de travailler sur une consolidation du périmètre en 2022. Les priorités pour le PLFSS portent davantage sur le financement, la trajectoire et des mesures nouvelles en lien avec les mesures à impact financier qui pourraient se trouver dans le PLFSS plutôt que sur des transferts de périmètre. Toutefois, toutes les analyses du rapport Vachey restent pertinentes et devront certainement être reprises dans un avenir relativement proche, mais ce n’est pas la priorité cette année.

Vous avez posé plusieurs questions sur la gouvernance territoriale, la contractualisation et la présence de la cinquième branche. Pour nous, à la sécurité sociale, il est vraiment prioritaire que la CNSA dispose de leviers nouveaux pour animer les politiques territoriales. Ces politiques ont évidemment par ailleurs leurs propres acteurs, totalement autonomes sur le plan territorial mais disposant de nouveaux outils de contractualisation, de systèmes d’information et de nouveaux outils financiers s’il le faut.

Des réflexions sont toujours en cours sur ce type de leviers et d’incitations et sur la gouvernance, c’est-à-dire la façon dont s’articulent le pilotage national de la CNSA et les différents acteurs locaux que sont les conseils départementaux, les MDPH, les ARS et les autres acteurs éventuellement. Il faut réussir à avoir des instances ou des cercles territoriaux dans lesquels les acteurs travaillent ensemble mais aussi disposer d’outils plus descendants comme la feuille de route MDPH de manière que les objectifs gouvernementaux puissent être effectivement déclinés dans les territoires.

Je complète la réponse de Virginie Lasserre à la question de Mme Vidal sur le coût de l’avenant. Une part est pour la PCH et une part est hors APA-PCH, puisque des heures sont effectuées hors APA et PCH avec un coût pour l’action sociale des caisses de sécurité sociale et un coût pour la CNSA dans le cadre de l’AEEH, par exemple. Cela représente environ 150 millions d’euros hors APA-PCH pour les caisses de sécurité sociale, CNSA et autres caisses. Ils seront financés dans le cadre de l’action sociale, notamment de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Ils commencent à l’être dès 2021 et le continueront à l’être à partir de 2022.

M. Dharréville a posé une question sur le congé de proche aidant. La réforme est entrée en vigueur en octobre dernier et, au mois de mai, la CNAF a déjà reçu 12 000 demandes, dont une partie provient de personnes qui ne sont en fait pas éligibles. Elles l’espèrent mais ne remplissent pas les conditions d’activité donnant droit au congé. Ce sont parfois des personnes inactives.

Actuellement, 3 000 demandes environ permettent d’ouvrir des droits. Les ministres suivent le dossier de près pour regarder avec quelques mois de recul quelles sont les dispositions pouvant être mises en œuvre pour faire mieux connaître ce dispositif et le faciliter. Ce n’est pas très facile pour les caisses, notamment pour les CAF, d’anticiper qui sont les personnes éligibles, du fait des conditions relatives à l’emploi et à l’activité. Ce congé répond en tout cas à un besoin pour les personnes concernées et nous considérons pouvoir aller plus loin.

Vous posiez aussi, monsieur Dharréville, la question du renoncement aux droits. En matière d’APA et de PCH, les restes à charge sont limités, du moins dans le cadre du plan d’aide et sans excéder le nombre d’heures du plan d’aide. L’un des apports de la réforme des allocations supplémentaires vieillesse (ASV) en 2007 est de réduire le reste à charge, en particulier à domicile pour l’APA, pour les personnes ayant un plan d’aide avec de nombreuses heures. Le ticket modérateur de l’APA est faible ou nul pour les bas revenus, plus important pour les revenus plus élevés mais compensé par le crédit d’impôt.

Les comparaisons internationales montrent que notre reste à charge à domicile est plutôt faible. C’est pourquoi les priorités des travaux actuels portent sur les conditions de travail et les salaires des personnels, avant de travailler sur le reste à charge même si des améliorations peuvent être étudiées. Dans l’avenant à la BAD, la part à la charge des ménages est très limitée puisque la plus grande partie de ces heures est financée par la CNSA, par les départements, par les caisses de sécurité sociale, etc. Les financeurs publics sont largement majoritaires.

Cela renvoie également à votre dernière question sur la réponse publique comparée à celle du marché en matière d’autonomie. Les assureurs privés sont présents sur le marché de l’autonomie et de la dépendance mais restent minoritaires. Il est clair que les travaux menés aujourd’hui par le Gouvernement concernent d’abord l’assurance publique, même s’ils peuvent conduire à améliorer le recours à l’assurance privée et à le rendre plus facile, plus sûr ou plus équitable. Lorsque nous discutons de la trajectoire de la CNSA et des milliards rendus disponibles par l’apport de CSG en 2024, ce sont bien sûr d’abord des financements publics.

M. Anatole Puiseux, sous-directeur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à la direction générale de la cohésion sociale. Renforcer et reconfigurer la gouvernance territoriale des politiques de l’autonomie sera évidemment l’un des axes forts de la réforme sur le grand âge que nous espérons porter au Parlement dans les mois à venir. Comme M. le directeur de la sécurité sociale l’a bien dit, nous avons trois axes de travail.

Le premier porte sur le renforcement des capacités d’action et de pilotage de la CNSA sur les politiques de l’autonomie dans le cadre de la cinquième branche.

Le deuxième consiste à améliorer la coordination des interventions entre les ARS et les conseils départementaux, notamment sur les objets de compétences partagées que sont les services à domicile. Ils sont un outil essentiel pour améliorer le parcours et la continuité du parcours des personnes âgées à domicile, d’où des travaux sur l’opportunité d’instruments contractuels entre les conseils départementaux et les ARS pour se mettre d’accord sur des objectifs partagés déclinés dans une offre médico-sociale renforcée. Ce sera également à articuler avec les conventions entre conseils départementaux et CNSA, dont la CNSA anime la rénovation.

Le troisième axe a trait à la nécessité d’animer de façon un peu plus globale l’ensemble des politiques qui participent aux conditions de vie et au soutien à l’autonomie des personnes âgées, dans la continuité de la « loi ASV » et du rapport de Mme Dufeu. M. Von Lennep a évoqué l’idée de réfléchir aux instances territoriales mises en place ou renforcées pour assurer cette animation interministérielle du soutien à l’autonomie. Nous disposons déjà aujourd’hui des centres de formation au rétablissement, qui jouent un rôle important dans le soutien aux aidants et dans l’habitat inclusif. Il me semble utile de capitaliser sur ces instances qui fonctionnent bien pour donner un nouveau cadre de pilotage des politiques de l’autonomie à l’échelon territorial.

Sur le champ de la revalorisation des services à domicile, le Gouvernement veut accompagner une revalorisation des salaires sur l’ensemble du champ de l’aide à domicile, aussi bien des services privés non lucratifs que des services privés commerciaux. Je ne serai pas beaucoup plus précis que ma directrice générale, dans la mesure où les travaux sont encore en cours. Les réponses sont de deux ordres, puisque la capacité d’action des autorités publiques est différente entre services tarifés et services non tarifés, sur lesquels les autorités publiques n’ont pas de levier direct de financement.

Sur le champ privé non lucratif, les travaux en cours pour décliner l’avenant 43 de la BAD ont déjà été évoqués, avec notamment les 200 millions d’euros de crédits sanctuarisés dans le cadre de la LFSS. Ces travaux sont en cours avec les départements, sous la houlette de la CNSA. Notre enjeu est de convenir avec les départements des modalités concrètes de délégation de ces crédits pour nous assurer que ces revalorisations s’incarnent bien dans la fiche de paie des aides à domicile.

S’agissant du secteur privé commercial qui, à part quelques exceptions, ne comporte pas de services tarifés par les conseils départementaux, le levier d’action est sans doute la mise en place d’un tarif plancher APA-PCH ce qui permettra indirectement de revaloriser le financement de ces services. Mme Bourguignon s’est engagée à ce que des discussions démarrent rapidement avec les fédérations du secteur privé.

Concernant cette refonte plus globale et plus pérenne des financements des services à domicile, il ne m’appartient pas de faire des annonces mais nous nous inscrivons dans le sillage des réflexions lancées avec vous voici quelques années dans le cadre de la concertation menée par M. Libault. Dans l’éventualité d’un projet de loi « Grand âge » ou « Générations solidaires » que nous espérons voir advenir très rapidement, ce sera certainement un axe de travail fort.

Sur le taux d’encadrement, nous avons engagé depuis plusieurs années un mouvement de convergence tarifaire des sections soins afin d’assurer une plus grande équité territoriale dans l’encadrement des personnes accueillies en établissement, quel qu’en soit le statut. Depuis 2017, près de 700 millions d’euros ont été consacrés à cette convergence tarifaire ce qui a concrètement permis d’augmenter le taux d’encadrement de 3 points. Nous sommes actuellement environ à 55 % de taux d’encadrement en moyenne dans les EHPAD.

En ce qui concerne les innovations et les enseignements à tirer de la crise covid, qui fut évidemment particulièrement intense dans le secteur médico-social, je peux citer quelques enseignements qui nous paraissent particulièrement riches à la direction générale de la cohésion sociale, sans prétendre être exhaustif.

Les acteurs de terrain ont réussi à structurer pendant la crise des dispositifs d’appui du sanitaire au secteur médico-social, ce qui a sans doute été un levier essentiel pour soutenir les EHPAD et les établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Nous avons mis en place des astreintes, gériatriques ou dédiées au handicap, pilotées par les ARS et ayant vocation à répondre aux besoins d’accompagnement des établissements médico‑sociaux. Nous avons mis en place ou amplifié des dispositifs comme les équipes mobiles de gériatrie, les équipes mobiles d’hygiène ou les équipes mobiles d’urgence médico‑psychologique. Elles ont pu être activées ces derniers mois.

L’enjeu est pour nous de capitaliser sur ce renforcement de l’articulation entre sanitaire et médico-social. Les premiers jalons ont été posés en LFSS pour mieux financer ces dispositifs d’appui et ce sera un fil rouge de nos travaux dans le futur.

Un autre enseignement est la nécessité de clarifier le parcours des personnes âgées et des personnes en situation de handicap pour qu’elles bénéficient, particulièrement en période de crise, d’un point de contact identifié sur les territoires. Vous avez évoqué à juste titre la mission conduite par M. Libault, qui nous fixe un cap pour aller vers une unification des dispositifs d’accueil et d’orientation des personnes sur les territoires.

Vous avez sans doute en tête les communautés 360 covid lancées sous l’égide de la ministre Sophie Cluzel pour répondre en période de crise aiguë aux besoins d’accompagnement des personnes en situation de handicap en matière d’accès aux soins de la vie. Plusieurs dizaines de communautés ont essaimé sur le territoire, avec la mise en place d’une plateforme téléphonique pour répondre aux besoins des personnes et de leurs aidants. L’enjeu est maintenant de poursuivre la dynamique engagée, notamment la dynamique de coopération renforcée entre les acteurs d’un même territoire pour concevoir des solutions d’accompagnement.

Une autre leçon renvoie à la nécessité de renforcer et d’amplifier les dispositifs de répit dans un contexte où l’épuisement des proches aidants a pris un relief particulier. Je pense notamment aux personnes en situation de handicap, dont un certain nombre ont vu leurs établissements médico‑sociaux fermés au cours de la première vague. Cela a bien sûr mis sur le devant de la scène les actions engagées depuis 2019 dans le cadre de la stratégie sur les aidants pour renforcer l’offre de répit. Des crédits importants ont été consacrés à ce renforcement et beaucoup d’initiatives intéressantes ont été mises en place par les ARS et les autres acteurs des territoires. Il s’agit de plateformes de répit, de dispositifs de relayage, du déploiement d’accueils temporaires en établissement médico-social. C’est un axe sur lequel il faudra continuer de travailler.

Mme la directrice de la CNSA. Plusieurs interventions ont porté sur l’effectivité des droits pour les personnes en situation de dépendance liée à l’âge. Cette effectivité des droits correspond tout simplement à la capacité à trouver une information sur ses droits et à la capacité à les exercer dans un contexte où plusieurs d’entre vous ont souligné la complexité du dispositif, son incomplète lisibilité, la nécessité d’une simplification attendue par nombre de nos concitoyens sur les procédures administratives. Il appartient à chacune de nos administrations de réaliser cette simplification et de concevoir des parcours simplifiés pour les usagers.

Je souhaite partager avec vous le fait que l’accès effectif aux droits est une question très importante pour la CNSA en tant que gestionnaire de la branche autonomie. Si les droits que nous ouvrons ne sont pas exercés, ils ne servent absolument à rien. Nous avons engagé un certain nombre de démarches pour conforter l’information des personnes qui est déterminante. Je vous remercie d’avoir préservé cette dimension d’information des personnes et de leurs aidants lors du travail de réécriture des missions de la CNSA que vous avez opéré à la faveur de l’adoption des dispositions de l’article 32 de la LFSS 2021. Cela nous semble crucial pour l’accès aux droits.

Nous effectuons cette information en mettant à disposition des personnes des informations fiables et de qualité sur deux sites que nous opérons ou « co-opérons » avec la Caisse des dépôts et consignations. Il s’agit d’une part du portail pour les personnes âgées et d’autre part du portail « Mon parcours handicap », en cours de constitution. À travers ces systèmes d’informations nationaux, l’enjeu est de conforter l’équité entre les personnes afin qu’en tout point du territoire et quelle que soit leur situation, les personnes puissent accéder à une information fiable sur leurs droits effectifs et les lieux où les mobiliser. C’est la raison pour laquelle, outre ce travail sur l’information numérique, nous soutenons aussi les départements, les MDPH et les acteurs de proximité dans l’organisation de relais d’information. Nous sommes partie prenante des travaux confiés à Dominique Libault sur la manière de conforter la dynamique des maisons départementales de l’autonomie, de façon que chacun puisse, en proximité, trouver l’information dont il a besoin.

J’insiste sur cette proximité. Elle est bien sûr facilitée d’une certaine façon par le numérique mais elle est aussi indispensable au plus près des territoires et des lieux de vie. J’évoque souvent sur cette question de l’accès aux droits une étude déjà un peu ancienne de 2017 que la CNSA avait commandée sur l’accès à l’APA et la PCH. Elle montrait que le facteur de l’information et de l’existence de services d’information de proximité était déterminant dans l’accès aux droits, au-delà des disparités sociodémographiques d’un territoire. Le fait qu’un territoire ayant des conditions équivalentes en termes de caractéristiques sociodémographiques de sa population ait un nombre plus important de bénéficiaires de l’APA ou de la PCH trouvait fréquemment une explication dans le maillage territorial organisé pour mettre de l’information à proximité.

À cet égard, il me paraît déterminant de pouvoir constater en effectuant la synthèse des bilans d’activité des MDPH année après année que les MDPH territorialisent de plus en plus leurs accueils puisque, aujourd’hui, plus des trois quarts disposent de relais ou d’antennes dans les territoires. La notion de « maison départementale » est un label qui ne correspond presque plus à une réalité. Nous voyons des relais dans les antennes polyvalentes des conseils départementaux, dans les maisons de services au public ou dans d’autres structures pour apporter de l’information aux personnes.

La simplification des parcours est effectuée aussi au travers de procédures d’accès à distance. Nous pouvons imaginer que les personnes âgées ou en situation de handicap ne sont pas nécessairement des publics qui auraient recours au numérique. Le bilan de l’année covid montre que ce n’est pas le cas. Les MDPH qui ont « profité » de ces circonstances pour développer les téléservices de demande en ligne ont vu croître fortement ces demandes. Les personnes en situation de handicap et les personnes âgées ou leurs aidants sont donc enclines à effectuer ces démarches en ligne. Elles permettent d’abolir les distances, les difficultés d’accès à un guichet, les horaires d’ouverture.

Il est pour nous déterminant d’accroître dans le champ de l’autonomie la possibilité d’effectuer des demandes en ligne. Nous le faisons en déployant un téléservice national gratuit pour permettre aux personnes en situation de handicap ou à leurs proches d’effectuer des demandes en ligne. À partir de 2021, ils pourront également suivre le traitement de leur demande via un téléservice connecté au système d’information des MDPH.

Nous travaillons aussi en étroite association avec la CNAV à la création d’un téléservice qui permettra de formuler une demande d’aide à domicile pour les personnes âgées, une demande unique qui sera traitée aussi bien par les services autonomie des départements que par les caisses de retraite ou de la MSA. Cette demande sera effectuée à partir d’un formulaire unique auquel la CNSA, la CNAV et la MSA ont conjointement travaillé, en lien avec les départements. La première version de ce téléservice devrait être opérationnelle cet été. Ce petit outil sera important pour que les personnes puissent aisément formuler une demande d’aide sans avoir à être des spécialistes des complexités administratives, sans savoir si cela ressort de l’action sociale des caisses ou des départements. Les acteurs seront ainsi alignés au service des personnes âgées pour faciliter l’accès aux services d’aide à domicile.

M. le directeur général de la CNAF. Mme Goulet a demandé, au sujet de l’intermédiation des pensions alimentaires, si nous avions déjà identifié des points bloquants. C’est l’occasion de dire que oui : il en existe un qui est à la fois simple et décisif. La CAF ne peut agir que si une pension alimentaire a été déterminée, que ce soit par une décision de justice ou par un titre exécutoire que la CAF a la compétence de délivrer. Dans de nombreux cas qui ne posent pas de difficulté, c’est un arrangement amiable entre les anciens conjoints qui prévoit que l’un accordera telle somme d’argent à l’autre. Dans cette situation, puisqu’il n’existe pas de décision ou de titre exécutoire, l’action en recouvrement ou l’intermédiation ne peuvent pas intervenir en cas d’incident. C’est un message très important, qui est bien sûr en tête de notre communication vers les allocataires mais que la question de Mme la députée me donne l’occasion, utile je l’espère, de vous dire.

L’expérimentation dont parle M. Bazin a lieu sur le territoire du Grand Nancy. Il s’agit d’une étude qui a été conçue en 2017, a démarré en 2018 et s’étend jusqu’en 2023 avec publication scientifique à la clef. Elle est portée par le conseil départemental et la CAF, appuyés par trois associations spécialisées dans l’insertion. Le public est choisi pour sa distance avec l’emploi, c’est-à-dire monoparental et depuis plus de deux ans dans le RSA. Un système de cohortes de quatre‑vingts personnes est suivi à différentes étapes. Trois cohortes sont observées en permanence selon le système classique d’accompagnement pour les uns et de groupe témoin où rien de particulier n’est fait pour les autres. Pour l’instant, avec des résultats de court terme, nous estimons qu’il existe une différence positive de 7 points entre la probabilité de rester dans le RSA ou de ne plus y être et de déclarer des revenus d’activité au profit des personnes qui ont fait l’objet de l’accompagnement et qui ont accepté de le faire jusqu’à la fin. Cet écart de 7 points peut sembler anodin. En réalité, parmi les mesures à court terme, cela situe ce dispositif parmi les plus efficaces en la matière.

Voilà ce que je peux vous dire aujourd’hui, monsieur le député. Nous ne conclurons pas encore demain ni ne l’étendrons mais c’est déjà une bonne preuve que nous pouvons faire quelque chose et que, comme nous le savions, ces publics demandent un soin très particulier.

En territoire rural, le supplément de difficulté sera de gérer les transports des personnes pour les faire participer. Je ne détaille pas mais le système comporte pas mal d’ateliers, de rendez-vous dans plusieurs domaines. Il n’existe aucune raison d’exclure un territoire rural.

Mme Catherine Fabre. Les 200 millions d’euros de financement sur l’article 47 de la LFSS 2021, qui permettent de revaloriser les professionnels des SAAD et des SSIAD ainsi que d’autres établissements sociaux et médico-sociaux, constituent une revalorisation très importante. Le Gouvernement a par ailleurs missionné Michel Laforcade pour élargir les dispositions du Ségur de la santé, notamment aux professionnels du handicap. J’ai été sollicitée par plusieurs associations girondines du secteur du handicap à ce sujet. C’est pourquoi je souhaite savoir ce qui est prévu concernant les revalorisations salariales pour les professionnels du handicap, selon qu’ils travaillent dans des établissements publics ou dans des établissements privés. Pouvez-vous nous faire un premier bilan de cette réflexion, de cette dynamique, de la manière dont ce sera mis en œuvre ?

M. le sous-directeur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à la direction générale de la cohésion sociale. M. Laforcade a engagé des discussions avec les partenaires sociaux pour définir les modalités d’une extension des revalorisations du « Ségur » à l’ensemble du secteur médico-social. Un premier jalon a été posé au mois de février avec un protocole d’accord qui a permis d’étendre le bénéfice de la revalorisation de 183 euros par mois à un certain nombre d’établissements médico‑sociaux. Ce sont les établissements médicosociaux rattachés à des établissements de santé ou à des EHPAD publics. S’agissant des personnes en situation de handicap, cela concerne donc une maison d’accueil spécialisée ou un foyer d’accueil médicalisé rattaché à un établissement de santé ; les professionnels de ces établissements sont ainsi déjà embarqués dans le train des revalorisations du « Ségur ».

Les discussions se poursuivent à l’heure actuelle pour définir les modalités d’une extension au reste du secteur des personnes en situation en handicap, en particulier des services de statut privé non lucratif qui accompagnent les personnes en situation de handicap. Les négociations avancent bien et nous espérons signer dans les dix jours à venir un protocole d’accord avec les partenaires sociaux. Je ne peux pas encore vous en dévoiler le contenu.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Les travaux dans le cadre du Printemps social de l’évaluation s’achèvent. Il ne me reste plus qu’à remercier mes collègues députés mais aussi nos intervenants pour la qualité de leurs réponses et leur disponibilité.

 

 


   annexe : bilan des rapports demandés au gouvernement dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale

ÉTAT DE TRANSMISSION DES RAPPORTS prÉvus par les lFSS et attendus À la date du prÉsent rapport

 

Rapports reçus

Rapports non reçus

Terme non échu/autres

Total

LFSS pour 2018

Cinq (dont un avec quatorze mois de retard, portant sur la télémédecine, prévu par l’article 54)

Deux (rapport intermédiaire sur une expérimentation portant sur les cotisations des travailleurs indépendants, article 15, prévu pour septembre 2020 ; rapport sur les dépenses d’indemnités journalières au titre de la maladie, notamment concernant les arrêts courts ou itératifs, afin de mieux prévenir ces arrêts ou d’en améliorer les contrôles, article 53, prévu pour juin 2018)

Deux (dont un sur une expérimentation non achevée)

Neuf

LFSS pour 2019

Un (remis avec quinze mois de retard, en septembre 2020, sur les dépenses de prévention des addictions, notamment concernant la prévention de l’alcoolisme, prévu par l’article 58)

Deux (rapport sur les conséquences de la modification du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les entreprises individuelles imposées sur le revenu, article 8, prévu pour juin 2019 ; rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales, article 24, prévu pour juin 2019)

Cinq (un dont le délai est fixé au 31 décembre 2021 ; quatre portant sur des expérimentations non achevées)

Deux devenus sans objet

Dix

LFSS pour 2020

 

Quatre (rapport sur le financement des établissements hospitaliers outre-mer et en Corse, article 33, prévu pour janvier 2021 ; financement des missions de recherche et d’innovation au sein des établissements publics de santé, article 37, prévu pour juin 2020 ; rapport sur les dépenses d’assurance maladie résultant du remboursement des dispositifs médicaux, article 41, prévu pour juin 2020 ; rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), article 80, prévu pour septembre 2020)

Huit (quatre dont le délai n’est pas passé ; quatre portant sur des expérimentations non achevées)

Un pour l’instant sans objet

Treize

LFSS pour 2021

Un (remis avec trois mois de retard, en juin 2021, sur le financement accordé par la CNSA aux départements pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile, article 4)

Un (rapport sur l’avancement du dispositif de financement des hôpitaux de proximité, article 56, prévu pour mars 2021)

Huit (sept dont le délai de remise n’est pas passé et un portant sur une expérimentation non achevée)

Dix

Total

Sept

Neuf

Vingt-six

Quarante-deux

Source : commission des affaires sociales.

 

SynthÈse des rapports non reçus

LFSS

Origine de la demande

Article

Objet de l’article

Expérimentation

Objet du rapport

Délai

État de transmission

LFSS pour 2018

Amendement du rapporteur général avec avis favorable du Gouvernement

Article 15

Modification du Régime social des indépendants (RSI) et des règles d’affiliation entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et le RSI

Expérimentation visant à proposer à des travailleurs indépendants d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle établie à partir des informations communiquées par ces travailleurs indépendants en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels

Rapport d’évaluation intermédiaire précisant les propositions retenues par le Gouvernement en matière de simplification du calcul de l’assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants

30 septembre 2020 (en application de l’article 19 de la LFSS pour 2020)

Non reçu

Amendement députés LaREM

Article 53

Rapport sur les dépenses d’indemnités journalières

N/A

Rapport relatif aux dépenses d’indemnités journalières au titre de la maladie, notamment concernant les arrêts courts ou itératifs

1er juin 2018

Non reçu

LFSS pour 2019

Amendement députés UDI

Article 8

Mise en œuvre de la transformation en 2019 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs

N/A

Rapport indiquant les conséquences de la modification du crédit d’impôt pour la compétitivité́ et l’emploi pour les entreprises individuelles imposées sur le revenu

30 juin 2019

Non reçu

Amendement sénateurs Groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Article 24

Rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales

N/A

Rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales

Juin 2019

(six mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

LFSS pour 2020

Amendement députée MoDem

Article 33

Réforme du financement : hôpitaux de proximité

N/A

Rapport sur le financement des établissements hospitaliers dans les collectivités territoriales d’outre-mer et dans la collectivité de Corse

Janvier 2021

(un an à compter de la promulgation de la présente loi)

Non reçu

Amendement députés LaREM

Article 37

Rapport sur le financement et l’évolution du financement des missions de recherche et d’innovation

N/A

Rapport sur le financement et l’évolution du financement des missions de recherche et d’innovation au sein des établissements publics de santé

Juin 2020

(six mois à compter de la promulgation de la présente loi)

Non reçu

Amendement députés GDR

Article 41

Rapport sur les dépenses d’assurance maladie résultant du remboursement des dispositifs médicaux

N/A

Rapport sur le montant consolidé de l’ensemble des dépenses d’assurance maladie résultant du remboursement des dispositifs médicaux

Juin 2020

(six mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

Amendement députés LaREM

Article 80

Rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) réalisé par une autorité indépendante

N/A

Rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du RNCPS

Septembre 2020

(neuf mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

LFSS pour 2021

Amendement députés MoDem

Article 56

Rapport sur l’application de l’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 relatif à la réforme du financement des hôpitaux de proximité

N/A

Rapport sur la réforme du financement des hôpitaux de proximité

Mars 2021

(trois mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

(un tableau de suivi des mesures d’application de la LFSS pour 2020 a cependant été reçu et transmis en format papier)

 


ÉTAT DE TRANSMISSION DES RAPPORTS DUS EN APPLICATION DE LA LFSS POUR 2018

Article

Objet de l’article

Expérimentation

Objet du rapport

Délai

État de transmission

Observation

Article 15

Modification du Régime social des indépendants (RSI) et modification des règles d’affiliation entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales et le RSI

Expérimentation visant à proposer à des travailleurs indépendants d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle établie à partir des informations communiquées par ces travailleurs indépendants en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation et de la mission de réflexion

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Rapport d’évaluation intermédiaire de l’expérimentation

30 septembre 2020

(en application de l’article 19 de la LFSS pour 2020)

 Non reçu

 

Article 53

Rapport sur les dépenses d’indemnités journalières

N/A

Rapport relatif aux dépenses des indemnités journalières au titre de la maladie, notamment concernant les arrêts courts ou itératifs

1er juin 2018

Non reçu

 

Article 51

Innovations organisationnelles pour la mise en place et la rémunération de parcours des patients

Expérimentations innovantes en matière de santé

État des lieux des expérimentations en cours

Chaque année

Reçu

 

Rapport du 7 octobre 2020 relatif aux expérimentations PARPA

Les rapports sont mentionnés dans le texte initial, mais ne figurent plus dans la version en vigueur au 25/01/2021 car l’article a été codifié (VII de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale).

Rapport d’évaluation de chaque expérimentation

Au plus tard un an après la fin de chaque expérimentation

Reçu

 

Rapport du 21 décembre 2020 sur les expérimentations innovantes en matière de santé

Article 54

Télémédecine

Organisation de la prise en charge de la téléconsultation par l’assurance maladie

Rapport d’évaluation intermédiaire sur l’expérimentation de la télémédecine

30 septembre 2019

Reçu

 

Publication en novembre 2020, réception le 5 janvier 2021

 

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation de la télémédecine

30 juin 2021

Délai non échu

 

Article 63

Suppression du tiers payant généralisé et remise d’un rapport sur le tiers payant généralisable

N/A

Rapport sur le calendrier de mise en œuvre opérationnelle du tiers payant généralisable

31 mars 2018

 

Reçu

 

Rapport du 24 avril 2018 au Parlement sur la mise en œuvre du tiers payant généralisable

 

 

Article 64

Rapport sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité

N/A

Rapport sur l’accès financier aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité́

Juin 2018

(six mois à compter de la promulgation de la présente loi)

 

Reçu

 

Rapport du 14/09/2018 sur l’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité

 

 

ÉTAT DE TRANSMISSION DES RAPPORTS DUS EN APPLICATION DE LA LFSS POUR 2019

Article

Objet de l’article

Expérimentation

Objet du rapport

Délai

État de transmission

Observations

Article 8

Mise en œuvre de la transformation en 2019 du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires en baisse pérenne de cotisations sociales pour les employeurs

N/A

Rapport sur les conséquences de la modification du crédit d’impôt pour la compétitivité́ et l’emploi pour les entreprises individuelles imposées sur le revenu

30 juin 2019

Non reçu 

 

Article 13

Rapport sur les effets des cotisations minimales pour les travailleurs indépendants applicables à une activité saisonnière de courte durée ou le paiement de cotisations par des personnes ayant déjà liquidé leur pension de retraite

N/A

Rapport sur les effets cotisations minimales pour les travailleurs indépendants applicables à une activité́ saisonnière de courte durée ou le paiement de cotisations par des personnes ayant déjà liquidé leur pension de retraite

1er juin 2019

Devenu sans objet

 

Article 24

Rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales

N/A

Rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales

Juin 2019

(6 mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

 

Article 48

Étendre l’objet des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires aux pratiques avancées

N/A

Rapport sur le déploiement des pratiques avancées sur le territoire, sur leur impact en termes d’accès aux soins et sur leur coût pour l’assurance maladie

31 décembre 2021

Délai non échu

 

Article 58

Rapport relatif aux dépenses de prévention des addictions

N/A

Rapport relatif aux dépenses de prévention des addictions, notamment concernant la prévention de l’alcoolisme

1er juin 2019

 

Reçu

 

Rapport du 09/09/2020 relatif aux dépenses de prévention des addictions

 

Article 60

Expérimentation de projets régionaux pour le développement de la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains chez les jeunes filles et garçons

Expérimentation pour une durée de trois ans dans deux régions volontaires du financement des frais occasionnés par l’amélioration des pratiques des professionnels et établissements de santé́ pour le développement de la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains chez les jeunes filles et les garçons

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation pour le développement de la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 61

Expérimentation pour l’amélioration de la couverture vaccinale des soignants

 

Expérimentation pour une durée de trois ans du financement des frais occasionnés par l’amélioration des pratiques des professionnels et établissements de santé́ pour le développement de la vaccination contre la grippe des professionnels de santé́ et du personnel soignant

 

Rapport d’évaluation réalisé au terme de l’expérimentation pour le développement de la vaccination contre la grippe des professionnels de santé́ et du personnel soignant

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 63

Permettre par expérimentation de déroger aux règles tarifaires pour les établissements et services médico-sociaux pour adultes handicapés

Expérimentation pour une durée de cinq ans de la délégation, entre les autorités compétentes en matière de tarification des établissements et services, de la compétence de détermination et de modification des tarifs attribués aux dits établissements et services

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation sur le délégation de compétences en matière de tarification pour les établissements et services médico-sociaux pour adultes handicapés

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 65

Renforcer l’accès précoce à certains médicaments innovants, tout en assurant la pérennité du système de prise en charge

N/A

 

Rapport évaluant la mise en œuvre de l’ouverture des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) à de nouvelles indications

 

Décembre 2020 (deux ans à compter de la promulgation de la présente loi)

Devenu sans objet

La réforme de la procédure des ATU n’est plus d’actualité

Article 75

Expérimentation d’une possibilité de reprise progressive d’activité des travailleuses indépendantes pendant leur congé maternité

Expérimentation, pendant une durée de trois ans, du versement indemnités journalières aux travailleuses indépendantes en cas de reprise partielle d’activité́

Rapport d’évaluation de l’expérimentation de la reprise progressive d’activité des travailleuses indépendantes pendant leur congé maternité

Trois mois avant la fin de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

 


ÉTAT DE TRANSMISSION DES RAPPORTS DUS EN APPLICATION DE LA LFSS POUR 2020

Article

Objet de l’article

Expérimentation

Objet du rapport

Délai

État de transmission

Observations

Article 18

Unification du recouvrement dans la sphère sociale

N/A

Rapport justifiant les décisions de report ou d’anticipation des dates d’entrée en vigueur des mesures

Préalablement à toute décision de report ou d’anticipation

Devenu sans objet

Pas de report ou d’anticipation des dates d’entrée en vigueur

Article 20

Cadre de prise en compte contemporaine des aides en faveur des particuliers dans le cadre des services à la personne

Expérimentation sur une période de deux ans d’une contemporanéisation du bénéfice des aides financières ouvertes, dans certains départements, pour les utilisateurs du dispositif « chèque emploi service universel » ou ayant recours à un service d’aide à domicile prestataire ou mandataire

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation sur les effets de la contemporanéité́ du crédit d’impôt

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 33

Réforme du financement : hôpitaux de proximité

N/A

Rapport sur le financement des établissements hospitaliers dans les collectivités territoriales d’outre-mer et dans la collectivité de Corse

Janvier 2021

(un an à compter de la promulgation de la présente loi)

Non reçu

 

Article 37

Rapport sur le financement et l’évolution du financement des missions de recherche et d’innovation

N/A

Rapport sur le financement et l’évolution du financement des missions de recherche et d’innovation au sein des établissements publics de santé

Juin 2020

(six mois à compter de la promulgation de la présente loi)

Non reçu

 

Article 41

Rapport sur les dépenses d’assurance maladie résultant du remboursement des dispositifs médicaux

N/A

 

Rapport sur le montant consolidé de l’ensemble des dépenses d’assurance maladie résultant du remboursement des dispositifs médicaux

 

Juin 2020

(six mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

 

Article 43

Expérimentation visant à autoriser l’usage médical du cannabis

Expérimentation pour une durée de deux ans de l’autorisation d’usage médical du cannabis pour les malades non soulagés par les thérapeutiques actuellement disponibles

Rapport relatif à l’expérimentation de l’usage médical du cannabis pour les malades

Délai de six mois avant le terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 54

 

Financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des établissements à l’étranger accueillant des adultes handicapés français

 

N/A

Rapport portant sur l’état de la prise en charge des enfants et des adultes handicapés français placés dans des établissements à l’étranger

31 décembre 2021

Délai non échu

 

Article 56

Expérimentation sur le panier de soins des établissements médico-sociaux pour les personnes handicapées

Expérimentation pour une durée de deux ans de la mise en place d’un forfait santé au sein de la dotation financée par l’assurance maladie pour des établissements médico-sociaux pour les personnes handicapées

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation sur le panier de soins des établissements médico-sociaux pour les personnes handicapées

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 59

Mise en place d’un forfait pour un parcours global post traitement aigu d’un cancer

N/A

Rapport dressant un bilan du forfait de prise en charge pour un parcours global post traitement aigu d’un cancer

Décembre 2021

(deux ans après la promulgation de la présente loi)

Délai non échu

 

Article 60

Expérimentation du suivi psychologique des patients atteints de sclérose en plaques

Expérimentation pour une durée de trois ans du financement d’un accompagnement psychologique dédié́ à des patients atteints de sclérose en plaques

Rapport d’évaluation au terme de l’expérimentation du suivi psychologique des patients atteints de sclérose en plaques

Au terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 68

Indemnisation du congé proche aidant

N/A

Rapport relatif à la mise en œuvre de l’allocation journalière du proche aidant

1er janvier 2022

Délai non échu

 

Article 70

Création d’un fonds d’indemnisation des victimes de produits pesticides

N/A

Rapport évaluant les conséquences du périmètre des personnes bénéficiaires du fonds d’indemnisation des victimes de produits pesticides

Août 2021

(au plus tard neuf mois après la parution du décret d’application du 27 novembre 2020)

Délai non échu

 

Article 80

Rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) réalisé par une autorité indépendante

N/A

Rapport sur les modalités de gestion et d’utilisation du RNCPS

Septembre 2020

(neuf mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

 

 

 

ÉTAT DE TRANSMISSION DES RAPPORTS DUS EN APPLICATION DE LA LFSS POUR 2021

Article

Objet de l’article

Expérimentation

Objet du rapport

Délai

État de transmission

Observations

Article 4

Contribution au financement de la prime covid pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD)

N/A

Rapport d’information sur l’attribution de l’aide accordée par la CNSA aux départements pour les personnels des SAAD

Mars 2021

Reçu

En juin 2021

 

Article 5

Bilan de l’expérimentation de la réforme du financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile

N/A

Rapport dressant le bilan de l’expérimentation de la réforme du financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile

Décembre 2021

(un an à compter de la promulgation de la présente loi)

Délai non échu

 

Article 38

Rapport sur l’avenir de la clause de sauvegarde et des mécanismes actuels de soutenabilité des dépenses de médicaments

N/A

Rapport sur l’avenir de la clause de sauvegarde et des mécanismes actuels de soutenabilité́ des dépenses de médicaments face au développement des biothérapies

1er septembre 2021

Délai non échu

 

Article 56

Rapport sur l’application de l’article 33 de la LFSS pour 2020 relatif à la réforme du financement des hôpitaux de proximité

N/A

Rapport sur la réforme du financement des hôpitaux de proximité

Mars 2021

(trois mois à compter de la publication de la présente loi)

Non reçu

 

Article 57

Télémédecine

Expérimentation portant sur un financement des activités de médecine des établissements de santé́

Rapport d’évaluation de l’expérimentation relative au financement des activités de médecine des établissements de santé́

30 juin 2026

Délai non échu

 

Article 59

Prise en charge des publics isolés, notamment dans le cadre de la chirurgie ambulatoire

N/A

Rapport d’évaluation sur la prise en charge des publics isolés, notamment dans le cadre de la chirurgie ambulatoire

31 décembre 2022

Délai non échu

 

Article 60

Rapport sur la mise en place de la nouvelle tarification des transports bariatriques

N/A

Rapport sur la mise en place de la nouvelle tarification des transports bariatriques

Un an à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification

Délai non échu

 

Article 66

Infirmier qualifié en santé au travail

Expérimentation de l’exercice d’infirmier qualifié en santé au travail

Rapport d’évaluation de l’expérimentation infirmier qualifié en santé au travail

Trois mois avant le terme de l’expérimentation

Délai non échu

Expérimentation non terminée

Article 78

Refonte des modalités d’accès et de prise en charge des nouveaux médicaments innovants

N/A

Rapport évaluant l’impact de la refonte des modalités d’accès et de prise en charge des nouveaux médicaments innovants

Décembre 2023

Délai non échu

 

Article 111

Capacité́ d’accueil dans le secteur médico-social

N/A

Rapport sur la capacité́ d’accueil dans le secteur médico-social pour les enfants et adultes en situation de handicap

Juin 2021

(six mois à compter de la promulgation de la présente loi)

Délai non échu

 

 


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([1]) Loi relative à la sécurité sociale des artistes-auteurs d’œuvre littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques.

([2]) Article L. 382-3 du code de la sécurité sociale.

([3]) Article 20 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([4]) Étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([5]) Décret n° 2018-1185 du 19 décembre 2018 relatif à l’affiliation, au recouvrement des cotisations sociales et à l’ouverture des droits aux prestations sociales des artistes-auteurs.

([6]) Décret n° 2018-417 du 30 mai 2018 fixant la pénalité en cas de défaut de production de la déclaration prévue au quatrième alinéa de l’article R. 382-20 du code de la sécurité sociale ou en cas d’omission ou d’inexactitude des données permettant l’identification de chaque artisteauteur.

([7]) Circulaire interministérielle n° DSS/5B/3A/2016/308 du 24 novembre 2016 relative à l’extension et à l’adaptation de la procédure de la régularisation de cotisations prescrites d’assurance vieillesse aux artistesauteurs.

([8]) Arrêté du 19 octobre 2020 précisant les conditions d’ouverture de droit des prestations maladie, maternité, invalidité, décès pour les journalistes professionnels rémunérés à la pige.

([9]) Décret n° 2020-1095 du 28 août 2020 relatif à la nature des activités et des revenus des artistes-auteurs et à la composition du conseil d’administration de tout organisme agréé prévu à l’article R. 382-2 du code de la sécurité sociale.

([10]) Articles R. 382-1-1 et R. 382-1-2 du code de la sécurité sociale.

([11]) À ce titre, la question de l’autoédition, par exemple, a été bien intégrée dans les revenus principaux d’un artisteauteur.

([12]) Article R. 382-1 du code de la sécurité sociale.

([13]) Sondage réalisé par BVA et commandé par le Syndicat des audioprothésistes (SDA).

([14]) En 2020, sur le champ des biens remboursables, le volume d’aides auditives vendues a augmenté de 6 % par rapport à 2019, le volume de montures et de verres a diminué de 8 % et les dépenses remboursées aux chirurgiensdentistes ont baissé d’environ 8 %.

([15]) Dont 3 % pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.

([16]) Hors bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.

([17]) Si les dentistes sont dans l’obligation de proposer une offre 100 % Santé dans leur devis lorsque cela est possible, ils ne sont pas tenus de la réaliser (auquel cas ils doivent réorienter le patient vers un confrère la pratiquant).

([18]) L’offre sans reste à charge a été mise en place à partir du 1er janvier 2021. Avant cette date, les équipements de du panier 100 % Santé bénéficiaient d’un prix plafonné mais n’étaient pas intégralement pris en charge.

([19]) D’après les chiffres communiqués par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM).

([20]) D’après les chiffres communiqués par la direction de la sécurité sociale.

([21]) Dans le cadre de la Mission accompagnement en santé (anciennement cellule Pfidass), les caisses primaires d’assurance maladie proposent aux assurés fragiles une offre de service d’accompagnement personnalisée intégrée portant sur l’accès aux droits, l’accès aux soins et également la prévention.

([22]) Environ 4 % de la population générale, mais 12 % parmi les populations les plus pauvres.

([23]) Offre « 100 % Santé » non présentée ou dénigrée.

([24]) Comme toute facturation sécurisée SESAM-Vitale, ce flux a un coût pour l’audioprothésiste s’il en délègue l’envoi à un organisme concentrateur technique (de 16 à 19 centimes).

([25]) Il est aujourd’hui difficile de savoir si la réforme, en revalorisant les soins conservateurs dentaires, a permis une hausse du recours à ces soins.

([26]) « Lisibilité des garanties : résultats de la 2ème enquête sur la mise en œuvre de l’Engagement de 2019 », Unocam.

([27]) Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([28]) Sur les parts relevant du régime général obligatoire et de la complémentaire santé.

([29]) Données fournies par la CNAM.

([30]) « Les réseaux de soins », Inspection générale des affaires sociales, juin 2017.

([31]) Loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.

([32]) Les principaux réseaux de soins se sont récemment unis pour créer l’Association de plateformes santé (APFS).

([33]) À noter qu’à défaut de vaccination, un enfant peut entrer en collectivité temporairement pendant trois mois, afin de laisser le temps aux parents de mettre à jour ses vaccinations.

([34]) Cette sanction était prévue à l’article L. 3116-4 du code de la santé publique.

([35]) Décret n° 2018-42 du 25 janvier 2018 relatif à la vaccination obligatoire.

([36]) Ce bilan est disponible au lien suivant : https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/vaccins-obligatoires/article/bilan-de-la-premiere-annee-de-l-extension-des-obligations-vaccinales

([37]) Données transmises par Santé publique France lors de son audition.

([38]) Données communiquées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

([39]) Le nombre de signalements de rupture ou de risque de rupture pour les onze vaccins concernés par l’obligation vaccinale est resté stable ces dernières années (2014 : 2 ; 2015 : 1 ; 2016 : 2 ; 2017 : 1 ; 2018 : 1 ; 2019 : 3 ; 2020 : 1).

([40]) Certaines études ont, par le passé, mis en évidence un écart Nord-Ouest et Sud-Est important, les couvertures vaccinales dans cette dernière partie du territoire étant significativement moins importante.

([41]) La base de données DCIR est une base de données exhaustives individuelles anonymisées qui rassemble les données de remboursements de soins. Elle ne permet donc pas de prendre en compte les vaccinations effectuées gratuitement dans les centres de PMI.

([42]) D’après les données du Baromètre santé 2019 de Santé publique France.

([43]) Ibid.

([44]) « L’hésitation vaccinale et les professionnels de santé : étude des attitudes et pratiques des médecins généralistes, des pédiatres et des pharmaciens vis-à-vis de la vaccination », thèse soutenue en février 2019 par Mme Fanny Collange.

([45]) Article R. 2132-1 du code de la santé publique.

([46]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([47]) « Document d’aide au contrôle du statut vaccinal d’un enfant pour son entrée en collectivité à partir du 1er juin 2018 ».

([48]) Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage prévoit pour les assistants maternels un cas de démission légitime (et donc indemnisé) suite au refus de l’employeur de faire vacciner son enfant en application des obligations légales.

([49]) Décret n° 2018-125 du 21 février 2018 relatif au cadre d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé prévu à l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

([50]) L’identification des ETP du secteur privé commercial s’avère toutefois complexe car, contrairement au secteur privé non lucratif, les conventions collectives du secteur privé commercial ne sont pas soumises à la procédure d’agrément. Qui plus est, les salariés peuvent avoir vocation à exercer leur activité dans d’autres secteurs que celui de l’aide à domicile, ce qui rend difficile d’isoler la part de l’aide à domicile.

([51]) Les SAAD privés non lucratifs ne sont pas nécessairement tarifés.

([52]) A contrario, les services à la personne commerciaux sont dans la quasi-totalité des cas des SAAD non tarifés, c’est-à-dire libres de fixer leurs propres tarifs et donc de facturer aux bénéficiaires de l’APA et de la PCH un reste à charge extra-légal, dans la limite d’un taux fixé annuellement par arrêté (3 % en 2020 et 3,8 % en 2021), ce qui peut leur permettre d’augmenter les salaires de leurs personnels. Cette liberté tarifaire n’est toutefois pas neutre pour les finances publiques puisque le coût induit par le recours à un service à domicile peut donner lieu à un crédit d’impôt à hauteur de 50 % des dépenses engagées (4,8 milliards d’euros en 2019 selon l’annexe Évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2021, p. 61).

([53]) Annonce de la ministre déléguée chargée de l’autonomie lors de la séance de questions au Gouvernement du 8 juin 2021 à l’Assemblée nationale.

([54]) Voir l’évaluation réalisée dans le cadre du Printemps social de l’évaluation 2020 par la MECSS.

([55]) La réforme de la prestation a été portée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([56]) Article 60 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

([57]) Article 86 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.

([58]) Les dispositions relatives aux prestations sociales ayant par définition, dès qu’on en modifie le champ, le périmètre ou le taux de remplacement, un impact sur l’équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, il est évident que leur place « naturelle » serait en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Les dispositions de la loi organique relatives aux LFSS ne s’opposent toutefois en rien à l’inscription de telles exonérations dans d’autres textes ordinaires.

([59]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes

([60]) 6,5 % des bénéficiaires du CLCA étaient alors des femmes, soit 522 000 bénéficiaire sur un total de 540 000.

([61]) L’AVPF constitue une affiliation effectuée par la CAF d’un parent au foyer à l’assurance vieillesse, sous conditions de ressources et d’absence de pleine activité.

([62]) Hélène Périvier, Grégory Verdugo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », OFCE, Policy brief, n° 88, 6 avril 2021.

([63]) INSEE, « Forte baisse des naissances en décembre 2020 et janvier 2021 », Communiqué de presse.

([64]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS) Famille, annexé au PLFSS 2021.

([65]) Haut-commissariat au plan, « Démographie : la clé pour préserver notre modèle social », 16 mai 2021.

([66]) Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.

([67]) Rapport de la commission des 1 000 premiers jours, septembre 2020.

([68]) OCDE (2016). OECD Family Database. Use of childbirth-related leave by mothers and fathers.

([69]) Geneviève Auzel, Érik Rance, Frédéric Remay, « Rapport de la mission d’évaluation du congé parental d’éducation et de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) », avril 2019.

([70]) Conseil de la famille, « Voies de réforme des congés parentaux dans une stratégie globale de la petite enfance », rapport adopté le 13 février 2019.

([71]) Dispositif législatif complété par deux décrets n° 2020-1201 et n° 2020-1202 du 30 septembre 2020 relatifs à l’intermédiation financière des pensions et une circulaire de présentation.

([72]) Pour rappel, la pension alimentaire moyenne est de 170 euros par mois (CNAF).

([73]) D’après les informations transmises au rapporteur par la CNAF, 87 % des demandes faites fin avril 2021 étaient dématérialisées.

([74]) Pour la Mutualité sociale agricole, l’ensemble est piloté depuis la caisse centrale même si, comme dans le réseau CAF, chaque caisse est évidemment capable de répondre aux demandes des assurés.

([75]) Le chiffre a été actualisé postérieurement à l’audition du directeur général pour intégrer le mois de mai complet (32 000 demandes). Le ratio entre démarche préventive/réparatrice est globalement resté le même par rapport à avril : 31 500 après des impayés, et 2 500 seulement sans impayés déjà constatés.

([76]) Une étude « qualitative » engagée depuis janvier auprès de 12 000 parents ayant déclaré leur séparation devrait permettre de refaire le point à l’automne sur la satisfaction au regard de l’offre de service.

([77]) Sollicitée sur ce point par le rapporteur, la CNAF a transmis une évolution du taux de recouvrement global de 65 % « fin 2019 » à 72 % « début 2021 », avec un taux moyen lorsque l’intermédiation est mise en place à 77 %. Il ne s’agit toutefois pas d’objectifs, mais bien de constats.

([78]) Les documents transmis par la CNAF au rapporteur font état d’un premier palier possible à 100 000 bénéficiaires fin 2021.

([79]) Chiffre cité lors de l’audition du directeur général. Les documents plus précis transmis par la caisse nationale font état d’un compte dans 88 % des tribunaux et 65 % des cours d’appel.

([80]) Chiffres cités lors de l’audition. En comptant le mois de mai, il s’agirait de 260 dossiers mais à comparer cette fois avec 32 500 demandes : la situation n’a donc pas fondamentalement évolué.

([81]) Chiffres évoqués par la DSS. Dans la documentation transmise par la CNAF, seuls 66 avocats et 2 notaires avaient créé leur compte dans les dernières statistiques disponibles, à comparer avec les 8 500 avocats identifiés par le Conseil national des barreaux comme exerçant dans la spécialité « droit de la famille ».

([82]) Dans l’expérience vosgienne, il s’agit par exemple de la vice-présidente du tribunal judiciaire, qui est aussi juge aux affaires familiales.

([83]) Le parcours séparation mis en place dans les CAF a pour objet d’accompagner et d’orienter les parents dans les différentes offres de la branche. Expérimentée depuis mai 2019 dans six départements, la démarche devait être généralisée en 2020 mais les difficultés de cette année très particulière ont ralenti cette généralisation. Dans le département des Vosges par exemple, il sera mis en œuvre début juillet. Un dispositif similaire a été mis en place au sein de la MSA.

([84]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10822093_60ad4d0a5155c.commission-des-affaires-sociales--table-ronde-sur-les-dispositions-des-lois-de-financement-de-la-se-25-mai-2021

([85]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10825783_60adf71574af1.commission-des-affaires-sociales--table-ronde-sur-les-dispositions-des-lois-de-financement-de-la-se-26-mai-2021  

([86]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10833172_60ae4478de9a8.commission-des-affaires-sociales--table-ronde-sur-les-dispositions-des-lois-de-financement-de-la-se-26-mai-2021