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N° 4337

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
relatif au débat d’orientation des finances publiques

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Laurent Saint-Martin

Rapporteur général,

Député

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   SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Les normes juridiques applicables

A. L’encadrement europÉen des stratÉgies budgÉtaires nationales

B. Le cadre pluriannuel des finances publiques en France

1. La loi de programmation des finances publiques

2. La fusion du débat d’orientation des finances publiques et du débat sur le programme de stabilité à partir du 1er janvier 2022

C. LA Réponse à la crise sanitaire : l’activation de la clause dérogatoire générale par la commission européenne jusque fin 2022

II. L’actualisation de la trajectoire des finances publiques

A. Le solde public

1. L’assainissement des finances publiques a été brutalement interrompu en 2020

2. La révision de la trajectoire pluriannuelle

B. Les dÉpenses publiques

1. L’amorce d’une maîtrise effective du niveau de dépenses publiques jusqu’en 2019

2. Le contexte de la crise sanitaire : après une forte augmentation, un rythme raisonnable et soutenable à retrouver pour se désendetter

C. La dette publique

III. Les perspectives : quelle stratÉgie de finances publiques adopter en sortie de crise ?

A. Quels objectifs de finances publiques rechercher ?

1. Les leçons à tirer d’une décennie de consolidation budgétaire

a. L’augmentation continue du taux de prélèvements obligatoires a bridé l’économie

b. L’augmentation de la dépense publique a été insuffisamment freinée

2. La croissance potentielle doit être soutenue

a. Le rebond de l’économie appuiera l’effort de consolidation budgétaire

b. Promouvoir la qualité des dépenses publiques en organisant leur revue

3. Se fixer l’objectif clair d’atteindre l’équilibre primaire des comptes publics ?

4. Les nouvelles règles européennes, sujet de la présidence française de l’UE

B. Comment encadrer la progression de la dÉpense publique ?

1. La maîtrise de la dépense, principal levier de retour à l’équilibre des comptes publics

2. Renforcer l’encadrement pluriannuel de la dépense

C. Une stratÉgie pour la dette

1. Assurer la soutenabilité de la dette publique

2. Améliorer l’information du Parlement sur la dette publique

3. Isoler la « dette covid »


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   INTRODUCTION

Le débat d’orientation des finances publiques (DOFP) s’inscrit cette année dans un contexte très particulier. Du fait de la crise sanitaire, l’encadrement européen, notamment le Pacte de stabilité et de croissance, demeure suspendu jusqu’au terme de l’année 2022 (règles relatives aux déficits excessifs, à l’équilibre des comptes publics et à l’objectif de moyen terme de déficit structurel). En outre, la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 n’est plus une référence, l’usage massif à compter de mars 2020 de la politique budgétaire pour préserver les salaires des Français, leurs emplois et les entreprises a rendu ce cadre national caduc.

Pour autant, le PLF 2022 devrait dessiner un début de retour à la normale du point de vue des finances publiques, avec un contexte macro-économique amélioré sur la base d’une croissance forte observée dès 2021 et du fait de l’extinction des principales mesures d’urgence face à la crise sanitaire. En revanche, 2022 sera une année pleine et entière pour le plan de relance.

Au total, 2022 devrait être une année charnière actant la fin du « quoi qu’il en coûte », tout en se situant en préalable de la mise en œuvre d’une politique budgétaire de croisière à compter de 2023 s’appuyant sur la maîtrise de la dépense publique afin de parvenir à faire décliner le ratio d’endettement public à compter de 2026.

Ainsi, le solde public devrait demeurer nettement dégradé en 2022 à – 5,3 % du PIB, en amélioration substantielle toutefois après – 9,4 %en 2021 ­ l’objectif étant de repasser sous 3 % de déficit public à compter de 2027. La dépense publique devrait progresser de 1,5 % en 2022, à un rythme conforme aux standards d’avant la crise, mais environ deux fois plus élevé que celui programmé à compter de 2023 jusqu’en 2027. C’est ce rythme modéré qui doit permettre de faire baisser le ratio d’endettement public dans la richesse nationale à compter de 2026 : en 2022, ce ratio atteindrait 115,7 % et augmenterait jusqu’en 2025 à 118,3 %, avant de se stabiliser à 118,2 % en 2026 puis de décliner en 2027 à 117,7 %.

Au-delà des chiffres de la programmation propre à l’exercice 2022 et à la période allant jusqu’à 2027, le DOFP peut être l’occasion de réfléchir à la stratégie des finances publiques, au sortir de la crise sans précédent entamée en mars 2020.

L’élaboration d’une telle stratégie est essentielle pour envoyer un signal fort, lisible et crédible à tous les créanciers présents et futurs de la France. Notre pays a pu s’endetter autant que nécessaire pour soutenir son économie et protéger les ménages. Tous les pays n’ont pas cette faculté et la confiance dans la signature de la France est un bien immatériel précieux pour tous les Français, mais toujours fragile.

Le présent rapport a vocation à contribuer à alimenter la réflexion pour la conception de cette stratégie. Il envisage une voie tout à la fois sérieuse et ambitieuse pour les prochaines années. Il ne s’agit pas de céder aux sirènes de la consolidation budgétaire qui déprimerait l’activité, en répétant certaines erreurs passées ayant conduit à lourdement augmenter les impôts, notamment des ménages, pour « rattraper » la dépense publique. Il ne s’agit pas non plus d’ouvrir grandes les vannes, dans le contexte de la suspension temporaire des règles européennes. À l’inverse, il s’agit d’allier le sérieux budgétaire par la progression contenue de la dépense publique – à travers par exemple l’adoption d’un objectif simple et clair de solde primaire nul à l’horizon 2027 – à un renforcement des investissements publics d’avenir pour rattraper la perte d’activité et même dépasser le rythme de croissance potentielle d’avant-crise de la France.

Tel qu’il est conçu, le plan de relance doit permettre de rattraper les pertes d’activités liées à la crise. Il convient de s’interroger sur un temps complémentaire de la relance, destiné à renforcer le potentiel de croissance de l’économie à l’horizon 2030 en augmentant les investissements d’avenir. Dans ce contexte, la maitrise de nos comptes publics par celle de la dépense publique nécessitera d’opérer des choix s’appuyant sur une revue des dépenses publiques. Les premiers travaux exploratoires ont été nombreux en 2021 pour contribuer à définir la bonne méthode en la matière. Il appartiendra aux Français de trancher les sujets politiques sous-jacents lors des prochaines échéances démocratiques nationales dans moins d’un an, avant d’en assurer la traduction dans un support législatif de programmation valable pour la prochaine législature.

Dans ce contexte, la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 sera un moment crucial pour envisager une réforme ambitieuse et adaptée des règles européennes encadrant les finances publiques nationales, avec le souci de chercher à garantir la soutenabilité de la dette publique de chacun des États membres. Si l’Union européenne a démontré depuis le début de la crise son apport décisif pour faire face à la crise par une politique monétaire ambitieuse et par la création historique d’une faculté collective d’endettement dont nous allons très prochainement bénéficier de façon concrète, il s’agit de revisiter les règles collectives européennes, pour mieux les adapter à la situation propre à chaque pays et pour garantir la puissance de l’apport communautaire aux politiques économiques nationales.

À très court terme, les propositions de lois organiques et ordinaires que notre assemblée examinera d’ici la fin du mois de juillet 2021 contribueront à renforcer nos outils internes consacrés à la gouvernance de nos finances publiques. On peut évoquer la définition, dans la loi de programmation des finances publiques, d’un objectif exprimé en volume d’évolution de la dépense des administrations publiques et d’une prévision exprimée en milliards d’euros courants de cette dépense en valeur. Il en va de même de la mise en place d’un débat annuel sur la dette, s’appuyant sur un nouveau rapport du Gouvernement remis au Parlement. Enfin, en terme calendaire, on note la remontée du débat d’orientation des finances publiques en avril, concomitamment à l’exercice programmatique européen autour du programme de stabilité. Si la réforme évoquée de la LOLF était adoptée avant la fin de l’année 2021, le présent exercice du DOFP au cours du mois de juillet serait ainsi le dernier du genre.

Le débat d’orientation des finances publiques

Depuis 1996, un débat d’orientation budgétaire (DOB) – devenu débat d’orientation des finances publiques (DOFP) – est organisé en juillet devant les deux Assemblées.

Ce débat est prévu par l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). La tenue de ce débat n’est toutefois pas obligatoire, il ne donne pas lieu à un vote.

Le débat est préparé en amont par la remise de deux rapports, le premier de la Cour des comptes, et le second du Gouvernement.

La Cour des comptes publie ainsi chacun année, à la fin du mois de juin, un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Le Gouvernement remet au Parlement, en principe avant le 30 juin, un rapport « sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques comportant :

«  Une analyse des évolutions économiques (…) ;

«  Une description des grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ;

« 3° Une évaluation à moyen terme des ressources de l’État ainsi que de ses charges ventilées par grandes fonctions ;

« 4° La liste des missions, des programmes et des indicateurs de performances associés à chacun de ces programmes, envisagés pour le projet de loi de finances de l’année suivante ».

Ces deux rapports sont traditionnellement complétés par un troisième rapport du Rapporteur général de la commission des finances.

 


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I.   Les normes juridiques applicables

A.   L’encadrement europÉen des stratÉgies budgÉtaires nationales

La stratégie française en matière de finances publiques s’inscrit d’abord dans un cadre européen. Trois grandes catégories de normes s’imposent classiquement aux États membres : la norme relative au déficit excessif, la norme relative à l’équilibre des comptes publics et la norme relative à l’ajustement structurel minimal.

En premier lieu, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les déviations budgétaires excessives, évaluées suivant deux critères cumulatifs : le déficit public et la dette publique. Le déficit public est excessif lorsqu’il dépasse 3 % du PIB. La dette publique est excessive lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB. À défaut de respecter ces deux critères, l’État membre s’expose à l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE).

Le pacte de stabilité et de croissance

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été adopté en 1997 et est entré en vigueur le 1er janvier 1999, jour de la création de l’euro. Il vise notamment à instaurer une surveillance des finances publiques nationales par l’Union européenne. Le but est d’éviter que des déficits excessifs d’un pays ne mettent en péril l’ensemble de l’économie européenne.

Le PSC est régi par deux règlements qui ont fait l’objet de plusieurs modifications :

– le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dit « volet préventif » ;

– et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dit « volet correctif ».

Le PSC a été réformé par le « six-pack », un ensemble de cinq règlements et une directive de novembre 2011, et par le « two-pack », un paquet de deux règlements adoptés en mai 2013. Ces deux réformes ont renforcé la coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres. 

Le critère de dette est considéré comme respecté si celle-ci diminue suffisamment ([1]), c’est-à-dire d’au moins un vingtième par an – en moyenne sur les trois dernières années – de la fraction qui excède 60 % du PIB ([2]). Le « six-pack » de novembre 2011 prévoit une règle transitoire pour les PDE qui étaient en cours à la date de son adoption, ce qui est le cas de la France ; en vertu de cette règle transitoire, durant les trois années suivant le retour sous les 3 %, le respect du critère de dette est apprécié jusqu’en 2020 selon la progression du solde structurel, lequel doit évoluer de façon positive.

En deuxième lieu, la norme relative à l’équilibre des comptes publics est prévue par l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui érige en principe l’équilibre ou l’excédent des budgets des administrations publiques. L’équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres.

Le solde structurel des administrations publiques

Le solde public effectif peut se décomposer en deux parties : une partie conjoncturelle, qui représente les effets du cycle économique sur les dépenses et les recettes publiques, et une partie structurelle, correspondant au niveau du solde effectif si la production de l’économie se situait à son niveau potentiel (c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services que l’économie produit lorsqu’elle utilise toutes ses capacités).

Le solde structurel s’établit en corrigeant le solde public effectif des effets de la conjoncture économique, ainsi que des situations ou mesures exceptionnelles ou temporaires (mesures « one-off » selon la terminologie de la Commission européenne), qui n’ont pas d’impact durable sur le solde. L’intérêt de cet outil d’analyse est d’identifier les mesures liées directement à une décision discrétionnaire de politique économique.

Toutes les dépenses sont supposées structurelles, c’est-à-dire indépendantes de la conjoncture économique, à l’exception des dépenses liées à l’indemnisation du chômage, qui sont intégrées au calcul du solde conjoncturel car leur évolution est cyclique.

Parmi les recettes, tous les prélèvements obligatoires sont supposés varier en fonction de la conjoncture et sont donc intégrés au calcul du solde conjoncturel. Seules les recettes non fiscales, comme les dividendes, sont considérées comme structurelles. L’ajustement structurel désigne l’évolution du solde structurel d’un exercice à l’autre.

Cependant, la variation du solde structurel ne repose pas que sur des éléments de nature discrétionnaire, c’est-à-dire qui résultent directement de décisions de politique publique. Il est donc possible, au sein de l’ajustement structurel, de distinguer :

– l’effort structurel, qui désigne les mesures discrétionnaires en dépenses, en rapportant le taux de croissance de la dépense publique en volume à la croissance potentielle de l’économie, et en recettes, en estimant le montant des mesures nouvelles en matière de prélèvements obligatoires (y compris les crédits d’impôt) ;

– les variations des élasticités des recettes par rapport à leur élasticité moyenne (dite élasticité conventionnelle), qui, elle, est intégrée au calcul du solde conjoncturel. Cet effet statistique est intégré au calcul du solde structurel alors qu’il n’a pas de lien direct avec la volonté des décideurs publics ;

– les recettes hors prélèvements obligatoires, qui contribuent au solde structurel mais qui sont supposées non discrétionnaires.

Source : Annexe méthodologique au programme de stabilité 2019-2022.

En dernier lieu, la norme relative à l’ajustement structurel minimal est une norme dynamique. Pour respecter les règles précitées, les États membres doivent déterminer un objectif à moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent, et définir une trajectoire d’ajustement en vue de l’atteindre. Le solde structurel doit alors converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

La France s’est donné comme objectif de moyen terme un solde structurel supérieur à – 0,4 point de PIB, depuis l’adoption de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. L’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission européenne. Enfin, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes ([3]).

Normes de finances publiques applicables aux États membres
dont la dette publique excÈde 60 % du PIB

Normes

Modalités de surveillance et de sanction

Traité source

Limite du déficit structurel

à 0,5 % du PIB

Volet préventif
du PSC

TSCG

Trajectoire d’ajustement structurel supérieure

à 0,5 point de PIB par an

TSCG

 

TFUE

Limitation de l’augmentation annuelle des dépenses au taux de croissance potentielle sauf compensation par des mesures discrétionnaires en matière de recettes

Compensation des réductions de recettes par des réductions de dépenses (règle applicable aux États n’ayant pas encore atteint leur objectif budgétaire de moyen terme)

Réduction de la dette publique qui excède 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an en moyenne sur trois ans

Volet correctif

du PSC

« Procédure pour déficit excessif »

Limite du déficit nominal

à 3 % du PIB

TFUE

Source : commission des finances.

B.   Le cadre pluriannuel des finances publiques en France

1.   La loi de programmation des finances publiques

En cohérence avec les règles fixées au niveau européen, le droit interne français prévoit un cadre financier qui prend la forme d’une programmation pluriannuelle, établie dans deux documents juridiques.

En premier lieu, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) est prévue par l’article 34 de la Constitution et s’inscrit « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elle détermine la trajectoire des soldes structurels et effectifs annuels pendant la durée de la programmation. Son contenu est précisé par la loi organique n° 2012‑1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Trajectoire des finances publiques de la loi de programmation
des finances publiques pour les annÉes 2018 À 2022 (janvier 2018)

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public effectif

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Solde structurel

– 2,2

– 2,1

– 1,9

– 1,6

– 1,2

– 0,8

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

Taux de prélèvements obligatoires

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

Dette publique

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

En second lieu, en application du droit de l’Union européenne, le programme de stabilité (Pstab), institué par le PSC, est élaboré par le Gouvernement sur un rythme annuel et transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne. Conçu comme un outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques, il est également un document d’information parlementaire qui permet de mettre à jour la trajectoire des finances publiques prévue par la LPFP.

Alors que le programme de stabilité présenté en avril 2020 ne présentait pas de trajectoire pluriannuelle en raison des difficultés de prévision liées à la conjoncture, le Pstab 2021-2027 détaille de nouveau une telle trajectoire, au terme de laquelle le déficit public français aurait retrouvé en 2027 un niveau inférieur à 3 % du produit intérieur brut ([4]).

2.   La fusion du débat d’orientation des finances publiques et du débat sur le programme de stabilité à partir du 1er janvier 2022

La proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([5]) qui sera examinée en séance en première lecture par l’Assemblée nationale au cours de la semaine du 19 juillet 2021, prévoit, à compter du 1er janvier 2022, la fusion du débat d’orientation des finances publiques (DOFP) et du débat portant sur le programme de stabilité.

Le rapport d’information relatif à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF) de septembre 2019 ([6]) avait mis en évidence le caractère redondant de ces deux débats. En effet, les débats ayant lieu en juillet pendant le DOFP portent aujourd’hui davantage sur la stratégie d’ensemble des finances publiques que sur les missions du budget de l’État ou sur la liste des indicateurs de performance que le Gouvernement présente dans son rapport préparatoire. Ils se rapprochent ainsi des débats sur les programmes de stabilité transmis à la Commission européenne présentent les orientations pluriannuelles des finances publiques sur une période d’au moins trois ans. Le rapport de la MILOLF concluait donc à la nécessité de fusionner ces deux temps au moment de la transmission du programme de stabilité, pour des raisons pratiques liées aux contraintes calendaires européennes.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi organique susmentionnée avance au 30 avril la date limite de transmission du rapport sur la base duquel peut se tenir le DOFP et lie ce rapport à la présentation du programme de stabilité. L’article 11 procède à la réécriture complète de l’article 48 de la LOLF. Il prévoirait d’une part, la consécration au rang organique de la pratique de la transmission du « tiré-à-part » dont le champ est précisément défini et, d’autre part, la présentation, par le Gouvernement, avant le début de la session ordinaire début octobre, d’un rapport portant sur la dette, qui peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il est envisagé que l’actuel tome 2 du rapport préparatoire au DOFP, comportant la liste des missions, programmes et indicateurs envisagés pour le prochain projet de loi de finances soit fourni avec le « tiré-à-part ». Ce document comporte les plafonds de crédits envisagés pour l’année à venir pour chaque mission du budget général, l’état de la prévision de l’objectif de croissance de la dépense des administrations publiques exprimée en volume et de la prévision de dépense de l’ensemble des administrations publiques exprimée en milliards d’euros courants, chacune déclinée par sous-secteur d’administration publique (selon la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, en cours d’examen à l’Assemblée nationale), ainsi que les concours aux collectivités territoriales.

Si la LOLF était effectivement modifiée en ce sens, le DOFP du mois de juillet dans son format actuel disparaîtrait donc. Lui serait substitué, le cas échéant, un débat portant sur les orientations pluriannuelles des finances publiques se tenant au mois d’avril.

C.   LA Réponse à la crise sanitaire : l’activation de la clause dérogatoire générale par la commission européenne jusque fin 2022

Dès le 20 mars 2020, la présidente de la Commission européenne a appelé les États membres à « utiliser au maximum la flexibilité autorisée par nos règles pour permettre à nos gouvernements nationaux d’apporter un soutien à tous les niveaux – au personnel et aux systèmes de santé ainsi qu’aux personnes si gravement touchées par la crise » ([7]). Cette annonce s’est traduite par l’activation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), décision approuvée par le Conseil de l’Union européenne le 23 mars 2020.

À cette occasion, les obligations pesant sur les États membres au titre de la transmission des programmes de stabilité ont été allégées. Ainsi, le Pstab français pour 2020 ne comportait pas d’actualisation de la trajectoire pluriannuelle au-delà de 2021, comme c’est habituellement le cas.

Le 3 mars 2021, la Commission européenne a précisé que la suspension de la clause dérogatoire générale était maintenue et que la décision de la désactiver serait prise à la suite d’une évaluation globale de l’état de l’économie fondée sur des critères quantitatifs, le retour du PIB européen à son niveau d’avant-crise constituant le principal critère. Aussi, la clause dérogatoire aura vocation à s’appliquer en 2022 et devrait être désactivée à partir de 2023 ([8]).

 


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II.   L’actualisation de la trajectoire des finances publiques

A.   Le solde public

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB et en comptabilité nationale, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL). Cette mesure en comptabilité nationale permet également de vérifier si la France respecte ses engagements européens et de pouvoir comparer sur une base comptable identique l’évolution des finances publiques françaises par rapport à celle de ses partenaires européens.

1.   L’assainissement des finances publiques a été brutalement interrompu en 2020

En 2017, le déficit public est repassé en dessous des 3 % du PIB, prolongeant ainsi une dynamique vertueuse initiée depuis la crise financière de 2009. Par la suite, et jusqu’en 2020, le déficit public continuait de décroître – une fois neutralisé l’effet de la bascule entre CICE et baisses de cotisations – en pourcentage de PIB comme en milliards d’euros, traduisant un effort de sérieux budgétaire continu souhaité et mis en œuvre par la majorité.

DÉficit public depuis 2008

(en % de PIB)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

En % du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

En milliards d’euros

65,0

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

81,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2017

2018

2019*

2020

 

 

 

 

 

En % du PIB

2,8

2,5

3,0

9,2

 

 

 

 

 

En milliards d’euros

68,0

54,1

74,7

212,0

 

 

 

 

 

*Hors mesures exceptionnelles (impact du CICE), le déficit public de 2019 s’établit à 2,2 % du PIB.

Source : Insee, comptes nationaux.

L’année 2020 a brutalement mis fin à cette trajectoire de retour vers l’équilibre des comptes publics. Avec un déficit public de 212 milliards d’euros représentant 9,2 % du PIB de l’année, l’exercice enregistre la plus importante dégradation des finances publiques depuis l’établissement des comptes nationaux par l’Insee en 1949. De 2019 à 2020, cela représente un quasi-triplement du déficit des administrations publiques.

Évolution du dÉficit public depuis 2008

Source : comptes nationaux de l’Insee.

Les effets de la crise continueraient à se faire sentir profondément en 2021, le déficit public restant dégradé. L’article liminaire du projet de loi de finances rectificatives pour 2021, dont l’examen par le Parlement vient de s’achever, fixe un objectif de déficit à 9,4 % du PIB, un niveau plus élevé encore que celui enregistré en 2020.

2.   La révision de la trajectoire pluriannuelle

La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 ([9]) constitue toujours, formellement, la référence juridique pour la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), appelé à juger du respect des lois de finances avec la programmation de la LPFP en vigueur, a pourtant reconnu qu’il s’agissait d’une référence dépassée et désormais caduque, s’agissant du scénario macroéconomique ou de celui de finances publiques, au regard de l’ampleur du choc subi en 2020 ([10]).

● Une première révision de la trajectoire pluriannuelle avait été présentée au sein du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Trajectoire pluriannuelle prÉSENTÉe au sein du RESF 2021

(en % de produit intérieur brut)

 

2021

2022

2023

2024

2025

Solde public

– 6,7

– 4,9

– 4,0

– 3,4

– 2,9

   dont solde structurel*

 3,6

 3,2

 2,7

 2,2

 1,8

   dont solde conjoncturel

 2,8

 1,6

 1,2

 1,2

 1,2

Dette publique

116,2

116,8

117,5

117,8

117,4

* En pourcentage de PIB potentiel.

Source : RESF 2021.

Cette trajectoire anticipait un retour du déficit sous les 3 % du PIB dès 2025. La composante conjoncturelle devait rester négative, signe que le Gouvernement anticipait alors un niveau d’activité durablement dégradé (1,2 % du PIB à horizon 2025). En parallèle, le ratio de dette continuait à augmenter jusqu’en 2024.

● Le programme de stabilité de la France pour les années 2021-2027, transmis par le Gouvernement fin avril 2021 aux autorités communautaires, infléchit sensiblement cette trajectoire.

Trajectoire pluriannuelle prÉSENTÉe
au sein du programme de stabilitÉ 2021-2027

(en % de produit intérieur brut)

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde public

– 9,0

– 5,3

– 4,4

– 3,9

– 3,5

– 3,2

– 2,8

   dont solde structurel*

 6,7

 4,4

 4,1

 3,8

 3,5

 3,1

 2,8

   dont solde conjoncturel

 2,2

 0,6

 0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

   dont mesures ponctuelles et temporaires

 0,2

 0,2

 0,2

0,0

0,0

0,0

0,0

Dette publique

117,8

116,3

117,2

118,0

118,3

118,2

117,7

* En pourcentage de PIB potentiel.

Source : Programme de stabilité 2021-2027.

L’horizon de retour du déficit public sous les 3 % de PIB est ainsi repoussé de deux ans, en 2027. Contrairement à ce qui était présenté au sein du RESF, la composante conjoncturelle du solde se résorberait rapidement et serait nulle en 2025, signe d’un retour de l’activité à son niveau potentiel anticipé dès 2023. La dynamique du ratio de dette serait, en revanche, similaire, avec un point haut plus élevé à 118,3 % du PIB et atteint une année plus tard en 2025.

Le HCFP a jugé, dans son avis sur le programme de stabilité 2021-2027 ([11]), que la réalisation des prévisions sur l’évolution de la dette publique supposait la matérialisation d’un scénario de croissance et d’inflation considéré comme « relativement favorable » supposant la poursuite d’un ajustement structurel non documenté dans le programme de stabilité.

● La trajectoire de solde public présentée par le programme de stabilité 2021-2027 est reprise, pour l’essentiel, par le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques (DOFP) remis au Parlement le 30 juin dernier en application de l’article 48 de la LOLF. Elle est actualisée pour l’exercice 2021 à – 9,4 % du PIB, contre – 9,0 % dans le programme de stabilité, conformément au PLFR 1. Le retour à l’équilibre des finances publiques s’appuierait à la fois sur la croissance du produit intérieur brut et sur la maîtrise de la dépense publique associée à une priorisation des dépenses favorables à la croissance.

B.   Les dÉpenses publiques

1.   L’amorce d’une maîtrise effective du niveau de dépenses publiques jusqu’en 2019

La dépense publique a été maîtrisée en 2018 et 2019, comme il ressort de l’analyse de son taux de croissance et du ratio de dépenses publiques rapporté au PIB.

● La croissance de la dépense publique depuis la crise de 2008-2009 est restée relativement modérée. Elle a crû de 2,2 % en moyenne entre 2000 et 2009 puis de 1 % entre 2010 et 2019.

Taux d’Évolution en volume de la dÉpense publique hors crÉdits d’impÔts

Source : Commission des finances, d’après les comptes de la nation 2019, mai 2020.

La modération de l’accroissement de la dépense publique et la croissance du PIB qui a accéléré à partir de 2017 ont permis de faire refluer le ratio de dépenses publiques à 55,4 % du PIB en 2019. Ce niveau demeure près de trois points plus élevé que celui de 2007 (52,6 %).

Ratio de dÉpenses publiques hors crÉdits d’impÔts

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d’après les comptes des administrations publiques de l’INSEE (mai 2021)

Malgré, le rétablissement opéré par le France fin 2019, l’écart avec le reste des pays européens reste important. Le niveau de la dépense publique dans la zone euro est passé de 46,5 % à 46,6 % entre 2010 et 2019.

DÉpenses publiques et dÉcomposition de leur Évolution

(en % PIB en haut et en milliers par habitant en bas)

 

Source : Cour des comptes, Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise : concilier soutien à l’activité et soutenabilité, juin 2021.

En 2020, le niveau de dépenses publiques atteint 61,8% selon l’INSEE ([12]). Il est en valeur de 1 423 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,4 % par rapport à 2019. Hors crédits d’impôt, le ratio de dépense publique 2020 s’établit à 61 %.

Le tableau suivant compile les prévisions du Gouvernement en la matière pour 2021-2027 qu’il a rendues publiques à l’occasion du PStab puis dans le rapport préparatoire au DOFP.

projection de la DÉpense publique prÉSENTÉe par le Gouvernement
jusqu’en 2027

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Ratio de dépense publique (% PIB)

DOFP

53,8

61

60,6

56

54,8

54,2

53,8

53,4

53,1

PStab

53,8

61,3

60,4

56

54,8

54,2

53,8

53,4

53,1

Écart

 

0,3

+ 0,2

 

 

 

 

 

 

Évolution de la dépense publique en volume (y compris mesures d’urgence et de relance)

DOFP

1,9

6,9

3,6

3,7

0,5

0,5

0,4

0,5

0,7

PStab

1,9

6,9

2,7

– 3,3

0

0,5

0,4

0,5

0,7

Ecart

 

 

0,9

 

 

 

 

 

 

Note : lire débat d’orientation des finances publiques (DOFP) et Programme de stabilité (PStab)

Source : commission des finances

La croissance de la dépense publique en 2021 serait plus importante que celle anticipée par le programme de stabilité remis en avril. Le rapport relatif au débat d’orientation des finances publiques prévoit une croissance de 3,6 % en volume pour l’année en cours, contre 2,7 % anticipés en avril. La nouvelle estimation tient compte des dépenses supplémentaires votées à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2021 qui a autorisé l’ouverture de 20 milliards d’euros de crédits.

Un retour à un niveau des dépenses publiques, relativement au PIB, comparable à celui de 2019 est prévu à partir de 2025. Il est permis par un rebond de la croissance et une maîtrise de la dépense publique dont la croissance en volume serait fortement contenue à partir de 2022.

2.   Le contexte de la crise sanitaire : après une forte augmentation, un rythme raisonnable et soutenable à retrouver pour se désendetter

● La croissance de la dépense publique en 2020 est largement liée à la mise en œuvre des mesures d’urgence sanitaire et de soutien économique (74 milliards d’euros). En 2021, les mesures en faveur de la relance s’y ajoutent pour mobiliser 108 milliards d’euros pour l’urgence et la relance. La France bénéficierait d’un financement européen de 17 milliards d’euros qui viendrait en déduction de cet effort.

Estimation des consÉquences des mesures en dÉpense de soutien
et de relance en 2020 et 2021 ayant un effet sur le solde public

(en milliards d’euros)

en Md€

Exécuté 2020

PLFR 2021

Mesures de soutien

72,7

72,9

Activité partielle (y compris part activité partielle du plan de relance en 2021 ([13]) )

27,4

14,7

Fonds de solidarité et aides annexes, y compris sport montagne culture

15,9

26

Dépenses de santé

14

13,9

Exonérations de cotisations sociales

7,9

2,6

Trésorerie de l’Agence de services et de paiement (ASP) et de Santé publique France (SPF)

– 2,6

2,6

Aides aux travailleurs indépendants et professions libérales 

1,8

-

Prolongation des revenus de remplacement et décalage de l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage

2,1

6

Report en arrière des déficits sur l’assiette fiscale de l’IS

0,1

0,9

Autres mesures de soutien (primes précaires/inclusion, plans sectoriels, masques, permittents, etc.)

6,4

2,5

Sinistralité PGE et BEI nette des primes

– 0,2

0,3

Dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles 

-

1,5

Autres

-

1

Mesures du plan de relance  ([14])

1

35,5

Total soutien et relance

73,8

107,5

Financement Union Européenne

 

– 17,3

Total net du financement européen

73,8

90,2

Source : Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, préparatoire au débat d’orientation des finances publiques - Juin 2021

● En 2022, le Gouvernement prévoit une extinction des mesures d’urgence dont le poids est largement supérieur à celui des dépenses de relance comme le montre le tableau qui précède. Les mesures de soutien et de relance deviendraient résiduelles après 2022.

● Hors mesures d’urgence et de relance, la croissance en volume des dépenses publiques (hors crédits d’impôts) a été de 1,3 % en 2020. Pour les années à suivre, le Gouvernement a présenté deux estimations de l’évolution des dépenses publiques en volume, hors mesures d’urgence et de relance, comme retracé par le tableau suivant.

Évolution de la dÉpense en volume hors mesures d’urgence et de relance

(en %)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

DOFP

1,9

1,3

2,1

1,5

0,5

0,6

0,7

0,7

0,7

PStab

1,9

1,3

2,1

1,1

0,9

0,6

0,7

0,7

0,7

Écart

– 

– 

– 

+ 0,4

– 0,4

 

 

 

 

Note : lire débat d’orientation des finances publiques (DOFP) et Programme de stabilité (PStab)

Source : commission des finances

Entre la présentation du programme de stabilité en avril et la publication du rapport préparatoire au DOFP en juin 2021, le Gouvernement a revu à la hausse de 0,4 point sa prévision de croissance de la dépense publique en volume pour l’année 2022, hors mesures d’urgence et de relance. Symétriquement, il a réduit d’autant la prévision de croissance de la dépense en volume pour l’année 2023. Sur la période 2022-2027, la moyenne de la croissance des dépenses hors urgence et relance reste stable à + 0,78 %.

Cet objectif de rythme de hausse de la dépense globale est égal à celui observé avant la crise sur la période 2018-2019. Il est inférieur à celui observé en moyenne sur 2007-2012 (+ 1,4%), et sur la période sur 2012-2017 (+ 1,0%).

Pour atteindre cet objectif de modération de la hausse de la dépense publique, le Gouvernement prévoit une « stratégie de soutien à la croissance et de maîtrise du rythme de progression de la dépense publique qui concernerait l’ensemble des sous-secteurs des administrations publiques ». Il met en avant un effort sur les effectifs de l’État et de ses opérateurs et la poursuite de la démarche de contractualisation avec les collectivités territoriales.

Le Gouvernement n’entend pour autant pas revenir sur les dépenses prioritaires dont les moyens ont été consolidés depuis le début du quinquennat et qui bénéficient aux ministères régaliens (défense, intérieur et justice), à l’enseignement scolaire et à la recherche publique. Par ailleurs, les revalorisations salariales du « Ségur de la santé », qui représentent près de 8 milliards d’euros annuels, resteraient pérennes.

C.   La dette publique

Conformément aux prévisions du programme de stabilité, le tome I du rapport préparatoire au DOFP présente une trajectoire d’endettement public qui décroît à partir de 2027, après une quasi-stabilisation en 2026.

Cet objectif de décrue de la dette publique suppose que le déficit repasse en dessous du déficit stabilisant la dette publique, dont le niveau est estimé autour de 3,5 % du PIB en sortie de crise. Cette trajectoire peut être atteinte par une action combinée de soutien à la croissance potentielle et de maîtrise du rythme de progression de la dépense publique de 0,7 % par an en volume de 2022 à 2027 (voir supra).

Trajectoire de la dette publique

 

Exécution 2019

Exécution 2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Programme de stabilité (chiffres avril 2021)

97,6

115,7

117,8

116,3

117,2

118,0

118,3

118,2

117,7

Rapport DOFP (chiffres fin juin 2021)

97,6

115,1

117,2

115,7

117,2

118,0

118,3

118,2

117,7

Source : commission des finances d’après le programme de stabilité 2021 et le rapport préparatoire au DOFP.

Quelques écarts entre les chiffres présentés dans le programme de stabilité et ceux inscrits dans le rapport préparatoire au DOFP peuvent être relevés et résultent d’une actualisation des prévisions du Gouvernement lors de la présentation du projet de loi de règlement 2020 et du PLFR 1 pour 2021 ([15]) :

– le niveau de la dette publique s’établit finalement à 115,1 % du PIB à la fin de l’année 2020 (– 0,6 point par rapport aux prévisions du programme de stabilité), soit une hausse de 17,5 points par rapport à 2019 ;

– par conséquent, la prévision du ratio d’endettement public a été revue à la baisse pour l’année 2021, du montant en point de l’écart constaté en 2020. Elle s’établirait ainsi à 117,2 % du PIB, en hausse de 1,5 point par rapport en 2020 (+ 190 milliards d’euros). Le ralentissement de la progression du ratio dette/PIB en 2021 par rapport à 2020 s’explique par l’anticipation d’une reprise forte de la croissance (+ 5 %) qui compenserait en partie le déficit primaire élevé attendu (– 8,2 %) ;

– la prévision du niveau de la dette publique en 2022 a également été ajustée à la baisse, de ce même montant d’écart constaté, sans autre explication.

De même, la prévision sur les années suivantes reste identique à celle présentée dans le programme de stabilité.

 


—  1  —

III.   Les perspectives : quelle stratÉgie de finances publiques adopter en sortie de crise ?

A.   Quels objectifs de finances publiques rechercher ?

1.   Les leçons à tirer d’une décennie de consolidation budgétaire

L’observation de l’évolution des finances publiques sur la décennie passée permet de tirer certains enseignements au moment de commencer à concevoir la stratégie de sortie de crise.

a.   L’augmentation continue du taux de prélèvements obligatoires a bridé l’économie

Il importe de constater, en premier lieu, la tendance haussière du taux des prélèvements obligatoires en part de la richesse nationale ainsi qu’en montant.

Évolution du taux de prÉlÈvements obligatoires

(en % de produit intérieur brut)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

42,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019*

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,1

44,7

43,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

44,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Insee, comptes nationaux 2020.

À la suite de la crise financière de 2009, un choix clair a été fait : le rétablissement des finances publiques passerait par une augmentation des prélèvements obligatoires. Ainsi, le taux de PO a augmenté de 3,9 points de PIB entre 2009 et 2017, alors qu’il avait diminué de 1,6 point entre 2001 et 2009.

L’augmentation des prélèvements obligatoires n’a pas été uniforme : elle a porté, de façon privilégiée, sur les ménages.

RÉpartition de l’effort sur les prÉlÈvements obligatoires

Source : OFCE.

On constate ainsi une dé-corrélation nette entre les évolutions des prélèvements obligatoires rapportés au PIB pesant respectivement sur les ménages et les entreprises, singulièrement à partir de 2013. Jusqu’à une rupture de tendance observée en 2018, les ménages étaient ainsi amenés à supporter une part toujours plus importante des prélèvements publics.

Un même chemin ne doit pas être suivi à la sortie de la crise actuelle. Depuis quatre ans, la majorité s’est attachée à rééquilibrer la situation en diminuant les prélèvements sur les ménages tout en améliorant, au bénéfice de nos entreprises, de l’activité et de l’emploi, la compétitivité de notre système fiscal. Ce choix de la modération et de la stabilité fiscale doit continuer de guider la stratégie de pour nos finances publiques.

b.   L’augmentation de la dépense publique a été insuffisamment freinée

Dans le même temps, la part des dépenses publiques dans le PIB a insuffisamment diminué depuis la crise de 2008. Ainsi, après un saut de 3,9 points entre 2008 et 2009, le ratio de dépenses publiques dans la richesse nationale a stagné, fluctuant autour d’un niveau durablement plus élevé que celui atteint en 2008.

La nouvelle rupture enregistrée en 2020 porte le taux de dépenses publiques à un nouveau maximum. Or, l’étude sur longue période de l’évolution des dépenses publiques par rapport au PIB montre que les périodes de consolidation budgétaire conduisant à une diminution sensible de ce taux sont peu nombreuses :

– entre 1985 et 1989, le taux de dépenses publiques par rapport au PIB a diminué de 2,8 points.

– entre 1993 et 2000, il a diminué de 3,5 points.

– entre 2010 et 2019, la dépense publique a baissé de seulement 1,5 point de PIB.

Au regard d’autres séquences de consolidation budgétaire, la dernière décennie n’a pas correspondu à un effort très important pour maîtriser la dépense publique. Le graphique ci-dessous montre que les hausses brutales du taux de dépense publique sont suivies, avec retard, d’une augmentation du taux des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale. 

Évolution de la dÉpense publique et des prÉlÈvements obligatoires

(en % de produit intérieur brut)

Source : Insee, comptes nationaux 2020.

Afin de neutraliser les effets de variation du PIB au dénominateur, le graphique suivant expose également le taux de couverture des dépenses publiques par les prélèvements obligatoires. Il permet de confirmer que, après chaque hausse brutale de la dépense, ce sont bien les prélèvements obligatoires qui s’ajustent avec retard. Aussi, l’évolution du taux de couverture de la dépense publique par les prélèvements obligatoires souligne l’effet cliquet des chocs haussiers sur la dépense publique, entraînant une « augmentation de rattrapage », en décalé, des prélèvements obligatoires.

Évolution de la couverture des dÉpenses publiques
par les prÉlÈvements obligatoires

(en % de produit intérieur brut)

Source : Insee, comptes nationaux 2020.

La maîtrise de la dépense publique constitue dès lors le véritable angle mort de la stratégie de finances publiques de la France sur la dernière décennie, voire au-delà. Dans un contexte où les prélèvements obligatoires sont déjà élevés et que toute augmentation supplémentaire de leur niveau risque de porter préjudice à la reprise de l’activité, la maîtrise effective de la progression de la dépense publique doit être recherchée et privilégiée pour l’avenir.

Limiter la hausse de la dépense publique de façon volontaire peut ainsi constituer le premier pilier de la stratégie de sortie de crise pour la France.

2.   La croissance potentielle doit être soutenue

a.   Le rebond de l’économie appuiera l’effort de consolidation budgétaire

Les projections de finances publiques précitées reposent sur un cadrage macroéconomique supposant un fort rebond de l’économie en 2021 et 2022.

 

PrÉvisions macroÉconomiques du programme de stabilitÉ

Variable

Indicateur

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Activité

Croissance réelle du PIB

5,0

4,0

2,3

1,5

1,4

1,4

1,4

Croissance du PIB en volume

5,3

5,1

3,5

3,0

3,0

3,0

3,0

Inflation

Déflateur du PIB

0,3

1,2

1,2

1,4

1,6

1,6

1,6

Indice des prix à la consommation

1,1

0,8

1,2

1,5

1,75

1,75

1,75

Source : Programme de stabilité 2021-2027

À cet égard, la trajectoire présentée au sein du programme de stabilité souligne un retour rapide à une croissance plus faible du PIB, similaire voire inférieure aux niveaux enregistrés avant crise. En réalité, les hypothèses du Pstab reposent sur un retour de la croissance à son niveau potentiel à partir de 2024 : à cette échéance, le cycle économique serait revenu à la normale, c’est-à-dire à un niveau correspondant à la pleine utilisation des capacités de production sans tensions inflationnistes. La croissance de l’activité serait ainsi soutenue en 2022 et 2023, notamment grâce aux effets du plan de relance, et sous l’impulsion de la reprise mondiale. Les incertitudes sanitaires restent fortes néanmoins, ce qui pourrait repousser la sortie de crise et amortir le rebond prévu dès 2021.

Si la progression de la dépense publique est maîtrisée, le rebond de l’activité contribuera à la diminution du ratio de déficit public, à la fois en raison de la hausse de l’activité et de l’augmentation des recettes fiscales. Aussi, une trajectoire de maîtrise des finances publiques faisant le pari de la stabilité fiscale devra favoriser, en plus du freinage de la dépense, l’accompagnement budgétaire de la reprise économique. La consolidation budgétaire ne doit pas peser sur la croissance.

Le deuxième pilier de la stratégie de finances publiques en sortie de crise doit donc être de favoriser le soutien à la croissance potentielle de l’économie française. Le plan de relance a été conçu dans cette optique afin d’apporter une réponse ciblée aux défis économiques de demain sur les terrains écologique et numérique, tout en améliorant la compétitivité des entreprises françaises et en renforçant la cohésion sociale et territoriale. Le Pstab évalue la contribution du plan de relance à 0,1 point de PIB supplémentaire à partir de 2021 et sur le reste de la période de programmation.

Pour autant, les données transmises avec le Pstab indiquent que la croissance supplémentaire apportée par le plan de relance ne ferait que compenser les conséquences de la crise, sans rattrapage du niveau de PIB potentiel.

Effets sur la croissance de la crise et du plan de relance

(en % de produit intérieur brut)

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Effet de la crise

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Effet du plan de relance

0,1/0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Source : Programme de stabilité 2021-2027.

Il est raisonnable de viser, à l’inverse, une accélération de la croissance, afin de dépasser à la fois le niveau d’activité pré-crise mais également la trajectoire de croissance potentielle. Pour cela, certains pays ont fait le choix de mettre leur économie sous pression afin de « crever le plafond » de PIB potentiel pour ne pas laisser s’installer une dégradation durable du niveau et du rythme potentiel d’activité. Cette politique de la surchauffe économique présenterait le mérite de créer les conditions nécessaires à l’accélération, et pas uniquement au rattrapage, de la croissance potentielle par rapport à la trajectoire d’avant-crise.

Cette politique est d’autant plus intéressante que l’hypothèse du Gouvernement de retour de la croissance potentielle à son rythme d’avant-crise peut être considérée comme fragile, dans la mesure où la crise économique aurait des effets durables sur le potentiel de croissance. Ainsi, selon le programme de stabilité, les pertes durables d’activité atteindraient 2,25 % du produit intérieur brut à partir de 2022. Le Haut Conseil des finances publiques a d’ailleurs reconnu que « l’hypothèse du Gouvernement selon laquelle la croissance potentielle reviendrait à son niveau d’avant crise à partir de 2023 est optimiste alors que les risques autour de cette prévision paraissent globalement plutôt orientés à la hausse » ([16]).

Le plan de relance pourrait, dès lors, être complété par un effort supplémentaire orienté vers l’investissement d’avenir, calibré de façon à effacer les effets de la crise sur le potentiel de croissance du pays.

b.   Promouvoir la qualité des dépenses publiques en organisant leur revue

La stratégie de finances publiques de sortie de crise doit trouver le bon endroit où poser le curseur entre maîtrise de la dépense publique et soutien à la croissance de long terme de l’économie française. Des travaux récents convergent pour poser la question de la qualité de la dépense publique et ne pas se contenter des prévisions actuelles de croissance potentielle de l’économie française.

Le rapport remis à la suite des travaux de la commission Arthuis souligne ainsi que tout effort pour freiner les dépenses publiques doit garantir de ne pas sacrifier les dépenses ou investissements d’avenir. Cette notion d’investissements d’avenir est appréciée de façon large et ne porte pas uniquement sur la formation brute de capital fixe (FBCF) ou les aides à l’investissement : en particulier, les dépenses de recherche, d’éducation, de formation professionnelle ainsi que les investissements publics pour soutenir la transition écologique et numérique sont susceptibles de favoriser la croissance potentielle à long terme ([17]).

De façon similaire, la Cour des comptes recommande une stratégie de finances publiques qui allie renforcement de la croissance et réduction progressive du déficit public ([18]). La Cour estime que l’effort d’investissement public doit être concentré sur des priorités ciblées comme l’innovation, la recherche, l’industrie et le développement des compétences. La consolidation budgétaire modérant la hausse des dépenses serait, quant à elle, engagée à partir de 2023 afin de permettre une décrue de l’endettement public au plus tard à compter de 2027. 

Les travaux présentés ci-dessus appellent donc à ne pas faire l’erreur de réduire la dépense d’investissement, au sens large, au moment de concevoir une stratégie de consolidation budgétaire. À l’inverse, il s’agirait plutôt d’augmenter l’effort d’investissement en maximisant son effet sur la croissance potentielle, en comprimant en retour, de façon volontaire et en tout état de cause en dessous de cette croissance potentielle, la progression du reste de la dépense publique.

3.   Se fixer l’objectif clair d’atteindre l’équilibre primaire des comptes publics ?

Les marchés financiers, dans leur appréciation de la soutenabilité des finances d’un État, sont réceptifs aux signaux forts et simples. C’est ce qui explique le succès, encore aujourd’hui, du critère des 3 % de déficit public rapporté au PIB, après les nombreuses réformes du Pacte de stabilité et de croissance qui en ont pourtant largement enrichi les critères.

La stratégie française de finances publique de sortie de crise pourrait s’appuyer sur un tel « totem », en proposant par exemple de revenir à l’équilibre primaire des comptes publics. Cela signifie que, hors la charge de la dette, les recettes et les dépenses publiques s’équilibrent et aucun nouvel endettement n’est souscrit afin de financer les politiques publiques.

À cet égard, le programme de stabilité 2021-2027 prévoit une diminution progressive du déficit primaire, passant de 7,9 % du PIB en 2020 à 1 % en 2027. Bien que cela représente un ajustement important, la France continuerait, en fin de période, à être en déséquilibre primaire. Or, avant crise, elle était déjà le seul pays de l’UE avec l’Espagne, à connaître un tel déséquilibre, ce qui matérialise la difficulté française à financer son modèle social, hors financement de l’endettement.

Aussi, les deux piliers exposés plus haut d’un freinage pérenne enfin réussi de la hausse de la dépense et d’un soutien accru à la croissance potentielle seraient mis au service d’un objectif lisible, politiquement clair et dont l’atteinte à l’horizon 2027 serait facilement mesurable. Une fois cet objectif atteint comme l’ont atteint un certain nombre de nos partenaires, il n’y aurait donc plus aucun endettement supplémentaire et la part de la dette dans le PIB régresserait en lien avec la progression de l’activité économique. Il constituerait à la fois un gage de sérieux budgétaire, sans être inatteignable à échéance, tout en ménageant des marges de manœuvre pour soutenir la croissance.

4.   Les nouvelles règles européennes, sujet de la présidence française de l’UE

La Commission européenne avait lancé, avant la crise, une réflexion sur l’évolution du cadre budgétaire européen. 

Le Conseil d’analyse économique a, par exemple, proposé des pistes d’évolutions ([19]). La soutenabilité de la dette serait la clef de voûte d’un pacte de stabilité rénové, écartant l’application de critères numériques uniformes au profit de standards qualitatifs. L’un des deux critères de Maastricht – une dette inférieure à 60 % du PIB – apparaît aujourd’hui peu opérationnel, avec l’abandon de facto de la norme de réduction d’un vingtième par an de l’écart du ratio de dette des pays à cet objectif de 60 %.

Chaque gouvernement retiendrait ainsi une cible de dette à cinq ans dont la pertinence serait évaluée au niveau national par une institution budgétaire indépendante, puis validée par le Conseil de l’Union européenne. L’adoption de cibles spécifiques à chaque pays serait justifiée par le fait que la soutenabilité de la dette publique dépend pour l’essentiel de la capacité à la stabiliser. Cette stabilisation est atteinte lorsque le solde primaire d’un État correspond à une évolution de la dette égale à l’évolution du PIB en valeur. Or, comme le souligne le CAE, ces trois paramètres (niveau du solde primaire, taux d’intérêt apparent de la dette et taux de croissance du PIB) sont spécifiques à chaque pays.

Cette cible de dette servirait de base à la programmation des finances publiques à moyen terme, en particulier avec la fixation d’une norme d’évolution de la dépense cohérente avec cette cible. Ainsi, le double objectif de déficit et de dette en part de PIB serait remplacé par le pilotage par une norme de dépense en lien clair avec une cible de dette.

La stratégie de finances publiques de sortie de crise ne peut s’exonérer des règles européennes, qui ont vocation à s’appliquer de nouveau après un assouplissement temporaire. Elle fournit néanmoins l’occasion de faire évoluer les règles d’encadrement des finances nationales, évolution à laquelle la France peut apporter une contribution décisive à l’occasion de sa présidence du Conseil de l’Union européenne au cours du premier semestre 2022.

B.   Comment encadrer la progression de la dÉpense publique ?

1.   La maîtrise de la dépense, principal levier de retour à l’équilibre des comptes publics

La dépense publique est aujourd’hui considérée comme le principal outil de retour à un équilibre des comptes nationaux. Deux stratégies sont proposées pour contribuer à la maîtrise des dépenses publiques : l’une consisterait à réaliser des réformes structurelles visant des dépenses ciblées, tandis que l’autre privilégierait un pilotage du solde public par les dépenses dont le niveau serait contenu.

● La Cour des comptes a proposé la première stratégie dans un rapport demandé par le Premier ministre et remis le 15 juin 2021 ([20]). Une baisse ciblée des dépenses est privilégiée par la Cour des comptes. Outre l’extinction prochaine des mesures d’urgence, elle incite à engager une revue des dépenses publiques. Les efforts du Gouvernement devraient porter, selon la Cour, sur :

– le système de retraite dont le financement n’est pas assuré à long terme ;

– l’assurance maladie pour laquelle une norme plus juste que l’ONDAM (qui n’est exécutée qu’au prix d’ajustements générant des déficits au sein des établissements de santé et médico-sociaux). Cette norme devrait permettre de mobiliser des marges d’efficience (facturation des soins pour les maladies chroniques, coordination entre la ville et l’hôpital, etc.), de mieux prévenir les cancers, les maladies cardiovasculaires et le diabète (qui coûtent 41 milliards d’euros par an) et de contenir la progression des indemnités journalières (supérieure à celle de la masse salariale, avec des arrêts plus fréquents et plus longs) ;

– la politique de l’emploi et l’indemnisation du chômage qui mobilisent entre 2,5 et 3 points de PIB par an alors que la France afficherait de moindres performances que ses partenaires européens.

– les minimas sociaux auxquels la France consacre 28 milliards d’euros par an et dont il faudrait, selon la Cour, harmoniser les règles de prise en compte des ressources dans le calcul des droits ;

– la politique du logement (38,5 milliards d’euros) qui n’a pas permis de ramener la dépense moyenne des ménages sur ce poste à la moyenne européenne. Le rapport de la Cour énumère cinq orientations : faire des intercommunalités l’acteur de référence ; recentrer le parc social et les aides sur les familles plus défavorisées ; mettre en extinction des dispositifs dont les effets sont faibles ou non chiffrés ; impliquer les intervenants des domaines de l’emploi, des transports, de la rénovation urbaine et de l’éducation ; simplifier pour mieux contrôler.

● La commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par M. Jean Arthuis, a elle préconisé un pilotage du solde public par la dépense afin de « faire en sorte que les dépenses publiques augmentent tendanciellement moins vite que nos recettes » ([21]). Elle appelle à « ne pas sacrifier les dépenses ou investissements d’avenir », qui soutiennent la croissance. À cette fin, serait créée une norme en dépense pluriannuelle qui engloberait l’ensemble des administrations publiques. Une trajectoire, déclinée par secteur d’administration publique (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales), serait suivie chaque année par un « compteur des écarts ». Définie dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, cette norme consisterait en un objectif de dépenses global sur un quinquennat. Elle comporterait également un plancher pluriannuel des dépenses d’avenir (définies comme les dépenses d’investissement, les dépenses vertes et les dépenses favorables au capital humain), afin de sanctuariser ces dépenses essentielles à la croissance économique. Le rapport recommande que le premier acte d’une législature soit le vote d’une loi de finances de programmation des finances publiques, dans laquelle cette trajectoire est fixée, avant le vote du premier budget.

2.   Renforcer l’encadrement pluriannuel de la dépense

La réforme des textes organiques relatifs aux finances publiques, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale ([22]), doit également fournir de nouveaux outils pour améliorer le pilotage pluriannuel de l’évolution de la dépense.

Pour cela, il est prévu que la loi de programmation des finances publiques fixe une norme d’évolution de la dépense des administrations publiques en volume, c’est-à-dire corrigée d’une hypothèse d’inflation, et une norme pour l’ensemble de la dépense des administrations publiques, exprimée en milliards d’euros courants.

L’importance de cette seconde norme serait renforcée par l’introduction d’un « compteur des écarts ». Les lois de finances annuelles comptabiliseraient ainsi les écarts positifs ou négatifs à la prévision votée en loi de programmation. Le Gouvernement serait tenu de justifier, au moment de la loi de finances de l’année, ces écarts.

C.   Une stratÉgie pour la dette

1.   Assurer la soutenabilité de la dette publique

La soutenabilité de la dette publique est un enjeu majeur des prochaines années pour nos finances publiques. L’endettement public atteindrait en effet un niveau record de 117,2 % du PIB à la fin de l’année 2021, en hausse de 19,6 points par rapport à 2019. Ce ratio d’endettement élevé accroît l’exposition de la France au risque de remontée des taux d’intérêt, ce qui peut avoir un impact sur la souveraineté de notre pays par la réduction significative des marges de manœuvre budgétaires.

La stabilisation et la réduction du ratio d’endettement public apparaissent donc aujourd’hui comme une nécessité et un objectif à atteindre lorsque les effets de la crise se seront dissipés. La stabilisation du ratio d’endettement public implique d’atteindre le solde stabilisant correspondant à une évolution de la dette égale à l’évolution du PIB en valeur. En 2027, le déficit prévu de 2,8 points s’établirait en dessous du déficit stabilisant la dette, permettant ainsi de respecter une trajectoire légèrement décroissante (– 0,5 point entre 2026 et 2027) du ratio d’endettement. Cette trajectoire est conforme aux recommandations de la Cour des comptes dans son récent rapport au Premier ministre sur les perspectives de nos finances publiques ([23]). Le respect de cette trajectoire repose d’une part sur le maintien du cap fixé en matière de progression des dépenses publiques et, d’autre part, sur la résilience de la croissance de l’économie en sortie de crise.

Le niveau de la charge d’intérêts de la dette a aussi un impact important sur ce solde stabilisant en pesant sur l’évolution des dépenses publiques. Dans son programme de stabilité, le Gouvernement prévoit un scénario de remontée des taux d’intérêt, avec un taux moyen de l’OAT à 10 ans à 2,7 % en 2027 contre 0,3 % en 2021, alourdissant ainsi significativement la charge annuelle de la dette qui passerait de 1,2 % du PIB en 2021 à 1,8 % du PIB en 2027.

Il est important de souligner que nos voisins européens ont présenté, dans leurs programmes de stabilité, des stratégies plus rapides de réduction de l’endettement public ([24]).

Écart de la dette publique À son niveau de 2020

 


Source : Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, 30 juin 2021.

2.   Améliorer l’information du Parlement sur la dette publique

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de renforcer et de consolider l’information à disposition du Parlement sur la dette publique, qui comprend l’ensemble des emprunts publics contractés par l’État, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Cette information existe aujourd’hui mais elle est plurielle et dispersée dans divers documents : dans les documents budgétaires sur la mission Engagements financiers de l’État qui ne portent que sur les caractéristiques de la dette de l’État, dans le programme de stabilité qui comporte une partie sur la trajectoire de la dette et une appréciation de sa soutenabilité, dans les divers rapports de la Cour des comptes, notamment celui sur la situation et les perspectives des finances publiques, dans les bulletins mensuels et les rapports d’activité annuels de l’Agence France Trésor pour la dette de l’État par exemple.

C’est pourquoi l’article 11 de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui sera examinée en séance en première lecture par l’Assemblée nationale au cours de la semaine du 19 juillet 2021 ([25]), prévoit qu’un temps spécifique puisse être consacré pour débattre, au sein du Parlement, de la trajectoire, des conditions de financement et de la soutenabilité de la dette de l’ensemble des administrations publiques, sur la base d’un rapport qui lui soit transmis par le Gouvernement avant le début de la session ordinaire en octobre. Ainsi, la tenue du débat sur ce rapport ouvrirait la séquence dédiée au projet de loi de finances.

Ce rapport, et la tenue possible d’un débat sur la dette, participe au renforcement de l’information du Parlement et des citoyens sur l’avenir de nos finances publiques, leur permettant de se saisir pleinement de ces enjeux.

3.   Isoler la « dette covid »

Le Gouvernement a annoncé sa volonté d’isoler la « dette covid » qu’il estime à 140 milliards d’euros afin de renforcer la lisibilité de l’information sur la dette et sur sa trajectoire. Le cantonnement de la dette covid est un signal clair à l’égard des investisseurs et constitue un engagement politique de la France à rembourser cette dette.

L’hypothèse de la création d’une caisse d’amortissement dédiée à laquelle seraient affectées des ressources publiques ne semble pas avoir été retenue, au profit d’une solution plus novatrice. Selon les informations contenues dans le programme de stabilité, l’isolement de cette dette serait assuré par la création, dans le projet de loi de finances pour 2022, d’un programme budgétaire sur la mission Engagements financiers de l’État. Ce programme serait doté dès 2022 des 140 milliards d’euros en autorisations d’engagement, en vue de l’abondement de la Caisse de la dette publique ([26]), et les crédits de paiements seraient fixés année après année en fonction de la dynamique de croissance.

Le cantonnement de la « dette covid » permettrait de distinguer la dette qui a relevé d’une situation sanitaire exceptionnelle sur laquelle le Gouvernement n’a pas eu d’influence quant à son apparition et la dette issue des déficits successifs antérieurs, le niveau de cette dernière ayant d’ailleurs diminué entre 2017 et 2019, passant de 98,3 % du PIB à 97,6 % grâce à la stratégie de maîtrise de la dépense engagée à partir de 2017. Cet effort de lisibilité de l’information serait accru par la création d’un programme spécifique, ce qui induit la production d’annexes budgétaires riches en information pour les parlementaires et les citoyens.


(1) Ces règles sont aujourd’hui codifiées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées par le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs.

(2) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.

([3]) Idem.

([4])  Programme de stabilité 2021-2027, avril 2021.

([5])  Laurent Saint-Martin et Éric Woerth, proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques n°4110, déposée le 4 mai 2021.

([6])  Laurent Saint-Martin et Éric Woerth, rapport d’information n°2210 relatif à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, 11 septembre 2019, pages 48 et suivantes.

([7]) Conférence de presse du 20 mars 2020.

([8])  Communication de la Commission au Conseil, « Un an après le début de la pandémie de Covid-19 : la réponse apportée en matière de politique budgétaire », COM(2021) 105 final, 3 mars 2021.

([9])  Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([10])  HCFP, avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, 21 septembre 2021.

([11])  HCFP, avis n° HCFP-2021-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2021 à 2027, 14 avril 2021. 

([12]) Insee, Comptes des administrations publiques, mai 2021  

([13]) L’activité partielle de longue durée était dotée de 4,4 milliards d’euros dans le programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance. Ces crédits ont permis de financer en partie depuis le début de l’année l’activité partielle d’urgence qui relève en principe du programme 356 Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire.

([14]) Retraité des chevauchements urgence/relance.

([15])  Projet de loi de finances rectificative pour 2021 n°4215, déposé le mercredi 2 juin 2021.

([16])  HCFP, avis n° HCFP-2021-2 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2021 à 2027, 14 avril 2021. 

([17])  Commission pour l’avenir des finances publiques, Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu, mars 2021.

([18]) Cour des comptes, Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise : concilier soutien à l’activité et soutenabilité, juin 2021.

([19])  Conseil d’analyse économique, Pour une refonte du cadre budgétaire européen, 12 avril 2021.

([20]) Cour des comptes, Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise : concilier soutien à l’activité et soutenabilité, juin 2021.

([21]) Commission pour l’avenir des finances publiques, Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu, mars 2021

([22])  MM. Laurent Saint-Martin et Éric Woerth, Proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, n° 4110, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021 et M. Thomas Mesnier, Proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, n° 4111, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.

([23])  Cour des comptes, Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise, 15 juin 2021.

([24])  Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, 30 juin 2021.

([25])  Laurent Saint-Martin et Éric Woerth, proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques n°4110, déposée le 4 mai 2021.

([26])  La Caisse de la dette publique est un établissement public administratif mis en place par la loi de finances pour 2003 qui a déjà été utilisé pour amortir des titres émis par l’État ou repris à un tiers. Son activité est toutefois restée marginale : depuis sa création, elle a procédé à des rachats d’un montant total de seulement 10 milliards d’euros.