N° 4392

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la production laitière (hors AOP) en zone de montagne

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Pascale Boyer et M. Jean-Pierre Vigier,

 

Députés

 

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SOMMAIRE

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Pages

synthÈse

1. Une déprise laitière déjà engagée, en particulier dans certaines zones des Alpes, dans les Pyrénées et dans le Massif central

2. Une filière qui dispose d’atouts majeurs et qui joue un rôle essentiel dans les territoires de montagne

a. Un secteur essentiel à la vie économique et sociale des territoires de montagne

b. Un élevage vertueux et respectueux de l’environnement

c. Des produits qui répondent aux attentes des consommateurs

3. Une filière aujourd’hui menacée

4. Agir pour structurer la filière, valoriser les produits et les métiers et créer un cadre fiscal adapté

a. À court terme, créer un cadre fiscal et réglementaire adapté et renforcer les aides publiques aux investissements

b. Valoriser le lait de montagne

c. Renforcer l’attractivité des métiers de la filière laitière de montagne

INTRODUCTION

I. La filiÈre lait de montagne, qui dispose d’atouts majeurs, est aujourd’hui confrontÉe À des difficultÉs graves

A. État des lieux de la filiÈre laitiÈre en zone de montagne

1. L’amont agricole : une déprise amorcée dans la plupart des massifs

a. Le lait de vache : une situation inquiétante

b. Le lait de brebis : des contraintes fortes mais une segmentation et une valorisation réussies

c. Le lait de chèvre

2. Une dense filière aval composée d’un tissu de grands groupes et de petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que de très petites entreprises (TPE)

B. des surcoÛts et une moindre attractivitÉ des mÉtiers qui menacent la pÉrennitÉ de la filiÈre lait de montagne

1. Des surcoûts de production et de collecte qui pèsent lourdement sur la rentabilité de la filière

a. Des surcoûts de production insuffisamment compensés

b. D’importants surcoûts de collecte

2. Un manque d’attractivité des métiers de la production à la transformation, qui rend difficile le renouvellement des générations

a. Un difficile renouvellement des générations au stade de la production

b. Les entreprises de transformation peinent également à recruter

C. Une filiÈre lait de montagne indispensable À la vie de ces territoires

1. Création d’emplois directs et indirects

2. La filière laitière hors AOP et IGP est fortement liée aux autres secteurs économiques de la montagne

a. Des secteurs sous SIQO et hors SIQO qui s’inscrivent dans une relation de relative interdépendance

b. Une filière laitière liée aux autres secteurs économiques de montagne

3. Des paysages « ouverts » maintenus par l’activité de l’élevage laitier

4. Porter la voix des territoires de montagne : des politiques publiques nationales et européennes de moins en moins sensibles à la spécificité de la montagne

D. Le lait de montagne : une rÉponse aux attentes des consommateurs

1. Un élevage extensif fondé sur un modèle d’exploitations familiales

2. De nombreux services environnementaux

3. Une réponse aux attentes des consommateurs en matière de qualité, naturalité et respect du bien-être animal

II. structurer la filiÈre, valoriser les produits et les mÉtiers, crÉer un cadre fiscal adaptÉ

A. À moyen et long terme : Structurer et valoriser la filiÈre « lait de montagne »

1. Des AOP et IGP bien valorisées mais un lait dit « blanc » qui doit être davantage identifié et valorisé

a. Un lait de montagne non différencié en concurrence avec les productions de la plaine et étrangères

b. Un refus de la grande distribution de rémunérer le lait de montagne et les produits qui en sont issus à leur juste valeur

2. Valorisation du lait de montagne : exemples étrangers

a. Le Tyrol du Sud : une différenciation par la qualité et la structuration de la filière

b. Le lait de montagne en Bavière

3. Des initiatives à encourager et une mention valorisante « produits de montagne » à investir

a. Développer une marque ombrelle valorisant les produits de montagne fondée sur un cahier des charges et garantissant la juste rémunération des producteurs et le maintien en zone de montagne des collecteurs et transformateurs

b. Renforcer la mention valorisante « produit de montagne » et permettre l’inscription de ces produits dans la liste des 50 % de produits de qualité imposés dans la restauration collective par la loi dite « EGALIM » ou envisager la reconnaissance d’une spécialité traditionnelle garantie (STG)

B. Compenser les surcoÛts rÉsultant des handicaps naturels et envisager la rÉtribution des services environnementaux rendus par l’Élevage

1. État des négociations de la prochaine politique agricole commune (PAC)

a. L’importance du maintien de l’ICHN

b. Rémunérer les services écosystémiques rendus par l’élevage

2. Au niveau national

a. L’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés dans le cadre de la collecte du lait en zones de montagne : une mesure voulue par le législateur et demeurée inappliquée depuis 2016, faute de décret d’application

b. Renforcer les aides à l’investissement

C. CrÉer un dispositif complet et cohÉrent destinÉ À soutenir la revitalisation des zones de montagne sur le modÈle des zones de revitalisation rurale (ZRR)

D. Pour assurer la pÉrénnitÉ de la filiÈre sur le long terme : Renouvellement des gÉnÉrations, attractivitÉ des mÉtiers et prÉservation du foncier agricole

1. Créer un environnement favorable à l’emploi en zone de montagne, en accélérant notamment le déploiement des moyens de communication

2. Favoriser l’installation des jeunes et faciliter la transmission des exploitations agricoles

3. Accroître l’attractivité des métiers de l’aval de la filière

4. Garantir la préservation du foncier agricole

5. Faire le lien entre la recherche et le monde agricole

6. De l’importance de la constance des politiques publiques soutenant la filière lait de montagne

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des propositions

Liste des personnes auditionnÉes


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   synthÈse

1.   Une déprise laitière déjà engagée, en particulier dans certaines zones des Alpes, dans les Pyrénées et dans le Massif central

La collecte de lait en zone de montagne s’élevait en 2020 à 5 milliards de litres de lait toutes filières confondues, soit environ 20 % de la collecte de lait sur le territoire national. Comme sur le reste du territoire national, la filière lait de vache est prédominante avec 4,6 milliards de litres de lait collectés en zone de montagne. Les filières lait de brebis et lait de chèvre représentent respectivement 257 millions et 93 millions de litres collectés.

À la suite de la sortie des quotas laitiers (entre 2014 et 2020), la collecte en zone de montagne a diminué d’un peu moins de 5 % en lait de vache alors qu’elle a progressé en lait de brebis (+ 16 %) et lait de chèvre (+ 19 %).

Ce constat cache toutefois des évolutions contrastées selon les massifs. La zone de montagne comptabilisait, en 2020, 14 000 exploitations livrant du lait de vache (28 % des exploitations livrant du lait de vache au niveau national). Ce nombre est en baisse de 21 % depuis 2014. Si des inquiétudes se font jour partout, les massifs de l’est que sont les Vosges, le Jura et une partie des Alpes correspondant à la Savoie et à la Haute-Savoie se distinguent par des modèles de valorisation du lait efficaces, fondés sur la différentiation via des signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), en particulier des appellations d’origine contrôlées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP). Ainsi, environ 85 % du lait de Savoie et du Jura sont sous SIQO. En revanche, la déprise est à l’œuvre dans les Alpes dans les zones périphériques aux zones de production AOP. Le déclin est très marqué dans les Pyrénées, où la production laitière est traditionnellement faible et où les effectifs de vaches laitières sont en chute libre, avec une baisse entre 2008 et 2017 de 46,3 % du nombre de livreurs ainsi que de 22,5 % des livraisons totales. Enfin, la situation du Massif central, qui concentre 66 % des élevages de montagne et 64 % des volumes livrés, est particulièrement préoccupante. Le massif a connu une forte diminution du nombre de producteurs livrant du lait, de - 34,3 % sur la période 2008-2017. La valorisation du lait y est un problème majeur, puisque seuls 20 à 25 % du lait sont produits sous SIQO.

 

 

 

2.   Une filière qui dispose d’atouts majeurs et qui joue un rôle essentiel dans les territoires de montagne

a.   Un secteur essentiel à la vie économique et sociale des territoires de montagne

Le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) estime à environ 65 000, au total, le nombre d’emplois dépendant de l’activité de la filière laitière de montagne. Dans des zones rurales et parfois très isolées, elle est ainsi particulièrement pourvoyeuse d’emplois.

La filière « hors SIQO » est également inscrite dans une relation d’interdépendance avec la filière « sous SIQO », en particulier AOP, dont le maintien des tournées de collecte ainsi que des nombreux services à l’élevage dépendent de l’existence d’un maillage territorial suffisamment dense par les exploitations laitières. Elle est également très liée aux autres secteurs économiques des zones de montagne, notamment le secteur touristique.

L’élevage laitier, majoritairement pastoral, contribue, par ailleurs, à l’entretien des paysages de montagne.

b.   Un élevage vertueux et respectueux de l’environnement

L’agriculture de montagne se caractérise par des systèmes de productions extensifs, reposant sur une faible utilisation d’intrants et des exploitations plus petites que la moyenne nationale.

L’élevage laitier en montagne rend de nombreux services écosystémiques (SE) : les bêtes, en pâturant, contribuent notamment au maintien des prairies permanentes qui jouent un rôle important de captation du carbone, de régulation des flux d’eau, de réduction de l’érosion, d’enrichissement des sols en matières organiques (MO) et de maintien, voire d’accroissement de la biodiversité.

c.   Des produits qui répondent aux attentes des consommateurs

Les produits laitiers de montagne offrent une réponse aux attentes contemporaines des consommateurs en matière de qualité, d’authenticité, de typicité, de traçabilité et de respect du bien-être animal.

3.   Une filière aujourd’hui menacée

La pérennité de la filière est cependant menacée. Elle est notamment confrontée aux difficultés suivantes :

        L’insuffisante valorisation du lait « hors AOP » mis en concurrence avec le lait produit en plaine dans des conditions moins contraignantes ;

        Les coûts de production supérieurs en zones de montagne par rapport aux systèmes d’élevage laitier en plaine. Ces coûts de production, atteignent en moyenne 610 € les mille litres dans le Massif central et 778 € les mille litres dans les massifs de l’est, dépassant même, pour certaines exploitations du Beaufortin, 1 000 € les mille litres ;

        Les surcoûts de collecte sont également importants et pèsent sur les entreprises de transformation. Ces surcoûts sont estimés à 10 à 15 €/1 000 litres entre régions de plaine et de montagne. Dans certaines zones de montagne particulièrement difficiles, ces surcoûts peuvent atteindre 45 € à 50 €/1 000 litres ;

        Un manque d’attractivité des métiers, qui rend incertain le renouvellement des générations au stade de la production et difficile le recrutement de la main d’œuvre au stade de la transformation ;

4.   Agir pour structurer la filière, valoriser les produits et les métiers et créer un cadre fiscal adapté

a.   À court terme, créer un cadre fiscal et réglementaire adapté et renforcer les aides publiques aux investissements

Afin d’éviter une accélération de la déprise laitière, les rapporteurs préconisent la mise en œuvre sur le modèle des dispositions d’exonérations fiscales et sociales existant dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), d’un cadre fiscal et règlementaire spécifique à la filière laitière en zone de montagne. Ce dispositif devrait être complété par des aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne (proposition n° 6). Il semble également nécessaire, à plus long terme, d’envisager la rémunération des services écosystémiques rendus par l’élevage de montagne (proposition n° 4). Une réflexion européenne sur les règles encadrant les aides dites « de minimis » paraît, par ailleurs, nécessaire. En montagne, en effet, les grands groupes jouent un rôle important et complémentaire avec les transformateurs de plus petite taille (TPE ou PME). Il s’agit d’un véritable écosystème fondé sur l’interdépendance. Le risque est réel de voir certains grands groupes quitter les zones de montagne parce que le différentiel du coût de collecte avec la plaine est trop important (proposition n° 7). Les rapporteurs appellent, enfin, à la prise rapide du décret d’application permettant la mise en œuvre de l’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés pour la collecte de lait en montagne votée dans le cadre de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (proposition n° 5). Ils se réjouissent, enfin, du maintien du montant des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), annoncées par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Ce maintien était absolument indispensable et une revalorisation des ICHN pourrait être souhaitable (proposition n° 3).

b.   Valoriser le lait de montagne

À moyen et long terme, l’enjeu majeur est celui de la valorisation du lait de montagne hors AOP. Inspirés par les initiatives étrangères (Bavière, Tyrol du Sud, Roumanie) et les expériences françaises (marque Mont Lait, notamment), les rapporteurs préconisent d’accélérer et d’amplifier la démarche initiée en Auvergne-Rhône-Alpes pour la mise en place d’une « marque ombrelle » destinée à valoriser les produits laitiers issus des zones de montagne (proposition n° 1). Celle-ci pourrait s’inscrire dans le cadre de la mention valorisante européenne « produit de montagne », qu’il conviendrait d’intégrer au sein de la liste des produits durables et de qualité devant représenter 50 % des approvisionnements de la restauration collective à compter du 1er janvier 2022 aux termes de l’article 24 de la loi dite « EGALIM ». Les produits laitiers de montagne pourraient également faire l’objet d’une « spécialité traditionnelle garantie » (STG) reconnue au niveau européen (proposition n° 2).

c.   Renforcer l’attractivité des métiers de la filière laitière de montagne

 

Les rapporteurs estiment nécessaire de travailler à une amélioration globale des conditions de vie et de travail en zone de montagne, en accélérant le déploiement de la couverture numérique notamment (proposition n° 8).

La question du renouvellement des générations est intrinsèquement liée à celle de la transmission et de l’installation. Il pourrait être envisagée la réhabilitation d’un Observatoire national de l’installation et de la transmission (ONIT) qui permettrait d’avoir une connaissance plus fine de la situation au niveau local et national. La création d’un guichet unique qui garantirait une meilleure coordination des porteurs de projets en réunissant les parties prenantes à l’installation et à la transmission est également une proposition portée par les rapporteurs (proposition n° 9). Il est, en outre, nécessaire de mobiliser tous les leviers à la disposition des pouvoirs publics pour garantir la préservation du foncier agricole et de ne pas permettre l’accès des agriculteurs pouvant prétendre à une retraite à taux plein au dispositif de l’ICHN, afin de mettre fin à un phénomène de rétention du foncier (proposition n° 12).

Il paraît également urgent, au niveau national, de déployer une campagne nationale de communication sur les métiers de la filière laitière, de l’amont à l’aval, et sur les formations qui y conduisent (proposition n° 10). Parmi celles-ci, pour répondre au besoin de l’industrie mais aussi à la demande croissante des candidats, il serait opportun d’augmenter le nombre de places dans les écoles nationales d’industries laitières (ENIL), placées sous la tutelle du ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) (proposition n° 11)

Enfin les financements publics consacrés à la recherche sur l’élevage pastoral mais aussi les qualités intrinsèques des productions animales qui en sont issues doivent être renforcés afin d’asseoir une meilleure valorisation des produits (proposition n° 13).


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   INTRODUCTION

65 000 emplois directs et indirects dans des zones rurales parfois très isolées et 20 % de la collecte de lait sur le territoire national : la question de la pérennité de la filière lait de montagne n’est en aucun cas secondaire. Loin de se limiter aux seuls enjeux économiques, elle revêt également une forte dimension patrimoniale – avec des productions laitières, en particulier fromagères, emblématiques des régions de montagne – et contribue à l’entretien des paysages. Elle apporte, enfin, une réponse forte aux attentes des consommateurs, avec des élevages vertueux, extensifs, et respectueux du bien-être animal et rend de nombreux service écosystémiques. Entre tradition et modernité, elle fait ainsi partie inhérente de l’identité des territoires de montagne et en constitue une filière d’avenir.

Malgré ses atouts, la filière lait de montagne et, plus particulièrement la filière « hors AOP », est aujourd’hui menacée.

Les auditions menées par vos Rapporteurs au cours de quatre mois de travaux ont permis d’entendre plus d’une soixantaine de personnes et de dresser un état des lieux précis de la situation, ainsi que des solutions susceptibles de garantir la pérennité de la filière.

Les difficultés, d’une intensité variable, existent dans tous les massifs :

– Les massifs de l’est que sont les Vosges, le Jura et une partie des Alpes correspondant à la Savoie et à la Haute-Savoie se distinguent par des modèles de valorisation du lait efficaces, fondés sur la différentiation via des signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), en particulier des appellations d’origine contrôlées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP). Environ 85 % du lait de Savoie et du Jura sont ainsi sous SIQO ;

– En revanche, la déprise est à l’œuvre dans une autre partie des Alpes, dans les zones périphériques aux zones de production AOP;

– Le déclin est marqué dans les Pyrénées, où la production laitière est traditionnellement faible et où les effectifs de vaches laitières sont en chute libre, avec une baisse entre 2008 et 2017 de 46,3 % du nombre de livreurs ainsi que de 22,5 % des livraisons totales ;

– Enfin, la situation du Massif central, qui concentre 66 % des élevages de montagne et 64 % des volumes livrés, est particulièrement préoccupante. Le massif a connu une forte diminution du nombre de producteurs livrant du lait, de - 34,3 % sur la période 2008-2017. La valorisation du lait y est un problème majeur, puisque seuls 20 à 25 % du lait sont produits sous SIQO.

Ces difficultés s’expliquent par plusieurs facteurs : l’insuffisante valorisation du lait, mis en concurrence avec la production de plaine ; les surcoûts importants au stade de la production et de la collecte et la faible attractivité des métiers qui rend le renouvellement des générations très incertain.

Pour éviter un point de non-retour, il est essentiel, pour les pouvoirs publics, d’agir vite et d’apporter au secteur un soutien durable. Ce soutien doit permettre, à moyen et long terme, à la filière de s’organiser pour mieux valoriser le lait.

Il importe ainsi, à court terme, de compenser les surcoûts de la filière et de créer un cadre fiscal et réglementaire adapté, pour laisser le temps aux acteurs de s’organiser, en envisageant, par exemple, la mise en place d’un cadre inspiré des dispositifs existant dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).

L’enjeu le plus structurant à long terme, cependant, est celui de la valorisation du lait de montagne, en particulier du lait hors SIQO. Cette question appartient aux acteurs mais elle s’inscrit également dans le temps long : les expériences des AOP comme le Comté ou le Beaufort prouvent que la structuration d’une filière et la reconnaissance des produits par le consommateur, qui permet la création de valeur, exigent souvent un travail de plusieurs dizaines d’années. Vos Rapporteurs sont persuadés qu’il existe une place sur le marché français pour une différenciation du lait et des produits laitiers de montagne. Les expériences étrangères – allemandes, roumaines ou italiennes – ainsi que certaines initiatives françaises témoignent de la pertinence de ces démarches, qui répondent à des attentes fortes du consommateur et doivent être encouragées par les pouvoirs publics.

Plus largement, c’est l’environnement général en zone de montagne qui doit être rendu plus attractif, en poursuivant notamment l’amélioration de la couverture numérique et des infrastructures de transports.

La question du renouvellement des générations a également retenu toute l’attention de vos Rapporteurs : la transmission et l’installation aujourd’hui au cœur des enjeux agricoles nationaux, se heurtent à des difficultés accrues en zone de montagne. L’aval de la filière n’est pas épargné : une meilleure connaissance des métiers de la transformation ainsi qu’une augmentation du nombre de places dans les écoles nationales d’industries laitières (ENIL) paraissent aujourd’hui nécessaires.

Un renforcement des financements publics attribués à la recherche consacrée à l’élevage pastoral mais aussi à une meilleure connaissance des qualités intrinsèques des productions animales qui en sont issues permettrait également de mieux valoriser les produits laitiers de la filière de montagne.

Face à de tels enjeux, ce rapport se veut un cri d’alarme : à travers la question de la filière laitière, c’est une partie de la vie sociale, économique mais aussi patrimoniale de nos territoires qui se jouent. Sans l’élevage pastoral et sans la transformation industrielle et fermière, sans les fromages qui sont un élément de leur identité, sans les troupeaux qui permettent de conserver des paysages ouverts, c’est une part importante de l’âme de nos montagnes que nous allons perdre.

Vos Rapporteurs présenteront donc leurs conclusions au ministre de l’agriculture à la rentrée prochaine lors du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), qui alerte depuis des années sur cet enjeu.

Le temps est à l’action sur cet enjeu dont dépend de l’avenir de nos territoires.

 


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I.   La filiÈre lait de montagne, qui dispose d’atouts majeurs, est aujourd’hui confrontÉe À des difficultÉs graves

A.   État des lieux de la filiÈre laitiÈre en zone de montagne

1.   L’amont agricole : une déprise amorcée dans la plupart des massifs

a.   Le lait de vache : une situation inquiétante

La filière lait de montagne, qui se déploie sur cinq massifs (Alpes, Massif central, Jura, Pyrénées et Vosges), représentait, en 2020, près de 19,5 % de la collecte laitière totale en lait de vache sur le territoire national (contre 19,9 % en 2014), soit près de 4,66 milliards de litres de lait collectés ([1]). La collecte en lait de vache a ainsi baissé depuis 2014 de près de 4,6 % en zone de montagne
– contre - 1,9 % hors massifs montagneux.

Les exploitations bovines laitières localisées en montagne représentent près de 28 % des livreurs de lait de vache en France, ce qui correspond à près de 14 000 livreurs recensés en zone de montagne en 2020 sur les 49 300 livreurs que compte la France. En zone de montagne, le nombre d’exploitations est en baisse de 21,2 % par rapport à 2014, une dynamique comparable à celle constatée chez les livreurs hors massifs montagneux (- 22,7 %).

Production et nombre d’exploitations dans les cinq massifs français

 

Exploitations

Livraisons

Massif central

 8 700

2,1 milliards de litres

Jura

 1 900

560 millions de litres

Alpes

 1 900

410 millions de litres

Vosges

 360

80 millions de litres

Pyrénées

 360

80 millions de litres

Source : fichier quotas 2015, tableau transmis par l’Institut de l’élevage (IDELE)

La filière crée, selon les estimations transmises par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), 65 000 emplois directs et indirects sur l’ensemble des cinq massifs.

La situation et les dynamiques à l’œuvre doivent être distinguées en fonction des massifs : si les Pyrénées connaissent une activité en perte de vitesse avec une collecte en forte baisse au cours des quinze dernières années, dans les autres massifs, les volumes collectés tendent à se maintenir, voire à augmenter sur la même période (figure 1).

Figure 1

Le nombre d’exploitations, comme le cheptel laitier (voir figure 2), en revanche, sont en baisse en zone de montagne. Le cheptel laitier décroît particulièrement dans les Pyrénées, dans une moindre mesure dans le Massif central et dans les Vosges, tandis qu’il se maintient dans les Alpes et le Jura.

Figure 2

Dans le Massif central, en particulier, les troupeaux laitiers tendent à diminuer, tandis que les troupeaux allaitants sont en augmentation.

i.   Des modèles relativement efficaces, fondés sur la valorisation via des AOP dans les Vosges, le Jura et une partie des Alpes, notamment la Savoie et la Haute-Savoie

Les Vosges, le Jura et une partie des Alpes, correspondant à la Savoie et à la Haute-Savoie, se distinguent par des modèles de valorisation du lait efficaces, fondés sur la différentiation via des signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), en particulier des appellations d’origine contrôlées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP).

Environ 85 % du lait de Savoie et du Jura est ainsi sous SIQO. Les mesures de fermeture (restauration hors domicile et, lors du premier confinement du printemps 2020, des rayons de fromage à la coupe des supermarchés et des marchés de plein vent) ont eu de graves conséquences sur la filière AOP, privée de débouchés. Les organismes de gestion des AOP ont alors organisé une réduction des volumes mis en marché, ce qui a obligé les éleveurs à prendre des mesures fortes pour réduire les livraisons de lait en pleine période de « pic » de production. Dans un second temps, néanmoins, la consommation de fromages AOP est demeurée soutenue, confortant les prix de vente ([2]).

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Carte des AOP (source : CNAOL)

Les revenus des exploitations laitières dans les montagnes de l’est demeurent plus élevés que dans les autres massifs (voir graphique ci-dessous).

Le phénomène de « déprise laitière » y est aussi moins marqué, avec sur la période 2008-2017, une baisse du nombre de livreurs de lait de - 28,4 % dans les Alpes, de - 19,4 % dans le Jura et de - 29,6 % dans les Vosges contre une moyenne de - 31,7 % en zone de montagne. Le volume total des livraisons a aussi augmenté pour ces trois massifs avec une hausse de 8,6 % pour les Alpes, de 17,9 % pour le Jura et de 14,1 % pour les Vosges, contre une hausse moyenne en zone de montagne de 2,8 % (voir tableau ci-après).

 

 

Carte des AOP et des IGP en Savoie

Source : Association des fromages traditionnels des Alpes Savoyardes (2016)

ii.   Dans les Alpes, des zones périphériques aux zones AOP en difficulté

Les Hautes-Alpes et l’Isère, en revanche, qui se trouvent dans des zones périphériques aux zones AOP, se heurtent à des difficultés comparables à celles que rencontrent les massifs des Pyrénées et du Massif central, décrites ci-dessous.

Le cheptel de bovins laitiers s’élève à 4 700 têtes dans les Hautes-Alpes et 1 051 têtes dans les Alpes-de-Haute-Provence, pour une production de, respectivement, 195 050 et 33 211 hectolitres ([3]).

Focus : la filière laitière Haut-Alpine

Le département des Hautes-Alpes constitue le bassin laitier de la région Provence‑Alpes‑Côte-d’Azur (PACA) avec près de 35,5 millions de litres de lait de vache, brebis et chèvre en 2019, ce qui représente, pour le lait de vache, 73,6 % de la production régionale.

86 exploitations produisent du lait de vache, dont 12 transforment elles-mêmes leur production. L’aval de la filière se compose de grands groupes (Sodiaal, acteur prédominant ; Lactalis et Biolait) ; de laiteries produisant des desserts lactés (Sacré Willy et La Fermière) et de fromageries locales proposant une large gamme de produits (Champsaur ; Ebrard ; CLAS ; Col Bayard ; Château Queyras ; Durance).

La déprise laitière, très marquée depuis trente ans, tend à se stabiliser. Le nombre de producteurs a néanmoins fortement baissé, ainsi que les volumes collectés. L’arrivée de nouveaux opérateurs tend à confirmer la dynamique des autres laiteries présentes sur le territoire, qui souhaitent toutes augmenter les volumes produits. Une tension sur la production laitière est donc susceptible d’apparaître à court terme.

L’installation de nouveaux producteurs est ainsi un enjeu majeur : à l’horizon 2030, les transformateurs rechercheront près de 15 millions de litres de lait en plus à transformer.

Vos Rapporteurs soulignent, dans une telle situation, l’importance de garantir le maintien de plusieurs transformateurs afin d’éviter tout risque de monopole susceptible de créer à terme, pour les producteurs, une dépendance préjudiciable.

La totalité des ateliers interrogés envisagent des changements d’ici les cinq prochaines années, afin d’anticiper au moins cette évolution. Mais pour ce faire, il faut encourager l’installation des jeunes agriculteurs : 15 % des agriculteurs ayant répondu à une enquête menée en juin 2021 auprès des producteurs de lait de vache des Hautes-Alpes par la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes ont plus de 55 ans et seuls trois d’entre eux étaient parvenus à trouver un successeur.

Source : Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes


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iii.   De faibles productions dans les Pyrénées

Dans les Pyrénées, la production laitière, traditionnellement faible, connaît un déclin marqué. Les effectifs de vaches laitières y sont en chute libre et l’on constate, entre 2008 et 2017, une baisse de 46,3 % du nombre de livreurs ainsi qu’une baisse de - 22,5 % des livraisons totales ([4]).

Source : Idele et chambres d’agriculture, Système spécialisé bovin lait en zone de Piémont, résultats 2019-2020

iv.   Une situation problématique dans le Massif central, qui appelle des réponses fortes et rapides

La situation est, enfin, particulièrement dégradée dans le Massif central, qui demeure le plus gros producteur national en zone de montagne en volume. Il concentre 66 % des élevages de montagne (8 700) et 64 % des volumes livrés (2,1 milliards de litres).

La production laitière du Massif central représente ainsi 10 % de la production nationale. Elle est néanmoins confrontée à une difficulté de valorisation. Seuls 20 % à 25 % du lait est produit sous SIQO dans le Massif central, avec une concentration de cette valorisation dans les départements du Cantal, du nord de l’Aveyron et du Puy-de-Dôme essentiellement. Une étude de l’Institut de l’élevage (Idele) et de FranceAgriMer soulignait ainsi la faible part de lait commercialisée sous SIQO : « Les trois quarts du lait restant sont positionnés sur des marchés partagés avec d’autres régions aux coûts de production bien inférieurs et donc plus compétitives (lait de consommation par exemple) ou sur des créneaux qui ne génèrent aucune plus-value économique pour les éleveurs. Ainsi, la faiblesse des revenus et les crises successives semblent accentuer la restructuration des exploitations laitières même si jusqu’à présent la collecte n’a pas été affectée » ([5]). Un rapport du CGAAER publié en 2019 souligne la faible valorisation des productions fromagères : « Si 60 % de cette production est transformée en fromages, leur notoriété est variable et n’apporte globalement pas une valorisation considérable, malgré quelques cas particuliers (Laguiole, SaintNectaire fermier…). En 2018, mesurée sur un espace constitué de l’Auvergne et de la Lozère, la différence de prix payée au producteur de lait entre un lait conventionnel et un lait AOP ne dépassait pas 24 €/1 000 l, soit une différence de +7 % » ([6]).

Le Massif central a connu une forte diminution du nombre de producteurs livrant du lait, de - 34,3 % sur la période 2008-2017 ainsi qu’une légère contraction du volume total de lait livré de - 1,5 % sur la même période.

L’effectif de vaches laitières a été réduit de 9 % entre 2017 et 2020 ([7]).

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Les travaux de la mission sont prioritairement consacrés à la filière bovin lait de montagne, qui rencontre des difficultés de nature à mettre en péril sa pérennité. La mission a souhaité également étudier la situation des filières laitières ovines et caprines en zone de montagne. Celles-ci connaissent des difficultés comparables à celles qui affectent la compétitivité de la filière laitière bovine mais bénéficient d’un meilleur modèle de valorisation et d’un regain d’intérêt qui semble rendre moins incertain le renouvellement des générations.

b.   Le lait de brebis : des contraintes fortes mais une segmentation et une valorisation réussies

Ainsi que l’indiquait M. Laurent Réversat, vice-président de France Brebis Laitière ([8]), 90 % du lait de brebis est produit en zone de montagne. La filière s’est donc véritablement structurée autour de la montagne.

92 % des élevages de brebis laitières sont localisés dans trois bassins traditionnels : la zone Roquefort dans le sud du Massif central (44 % des exploitations), les Pyrénées-Atlantiques (40 % des exploitations) et la Corse (8 % des exploitations).

Au-delà de ces trois bassins, et de façon plus récente, l’élevage de brebis laitières se développe, le plus souvent en transformation fromagère fermière (près de trois exploitations sur quatre), mais également pour répondre à la demande d’entreprises laitières qui souhaitent diversifier leur gamme de fromages ([9]).

La filière dispose ainsi d’environ 90 sites de transformation principalement situés à proximité de la production. Il s’agit d’une filière en développement, malgré certaines contraintes.

La filière « lait de brebis » représenterait ainsi plus de 20 000 emplois directs et indirects (en équivalents temps plein [ETP]). Il est estimé que, dans les territoires de montagne, la filière crée 3,7 ETP pour 100 000 litres de lait produits ([10]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur les 295 millions de litres de lait collectés, 75 à 80 % sont produits sous AOP et 40 % des 59 600 tonnes de fromages pur brebis fabriquées en 2020 étaient valorisés sous AOP ([11]). Afin de s’adapter aux difficultés de ces territoires de montagne et à une productivité des brebis qui reste faible comparativement à celle des chèvres ou des vaches laitières, la filière s’est historiquement développée sur les produits à haute valeur ajoutée (tels que les AOP), ou encore les fromages traditionnels et d’estives, et plus récemment sur les produits ultrafrais. Un travail important de segmentation a été réalisé afin de valoriser au mieux la production, marquée par une très forte saisonnalité. Hormis la production et la transformation de lait sous cahier des charges SIQO, la filière du lait de brebis a connu une autre forme de valorisation grâce à un très fort développement de la production de lait de brebis certifié AB ces dernières années. Cette production est passée d’environ 7 millions de litres en 2010, à près de 30,7 millions de litres en 2020 et représente plus de 10 % de la collecte nationale de lait de brebis. La production bio est quasi exclusivement réalisée en zone de montagne puisque 95 % de la collecte est réalisée en Occitanie. Cette collecte est transformée en produits ultra-frais, fromages frais et fromages affinés au plus près de la production, permettant de renforcer le caractère territorial de la production et de la transformation.

La filière se trouve néanmoins confrontée à des difficultés de plusieurs ordres, notamment dues à la localisation des élevages. Les coûts de collecte et d’acheminement vers les zones de commercialisation sont plus importants (coût du matériel, camions de taille réduite, usure plus rapide des camions de collecte, routes difficiles, volumes par point de livraison faibles, rapport kilomètres/volumes défavorable). À titre d’exemple, les acteurs économiques de la filière lait de brebis s’accordent pour estimer le surcoût de collecte laitière en montagne à
28 € / 1 000 l collectés par rapport au lait de vache de montagne et
42 € / 1 000 litres par rapport au lait de vache en plaine. Selon les chiffres partagés par les collecteurs, le coût de collecte en zone de montagne est près de 87 % plus élevé en lait de brebis qu’en lait de vache. Ce différentiel s’explique par une production moyenne par exploitation quatre fois plus faible pour les élevages ovins lait (90 000 litres/expl. de lait de brebis contre 350 000 litres/expl. de lait de vache) et des contraintes de collecte journalière dans certaines régions, en lien notamment avec les signes officiels de qualité et la contrainte sanitaire du lait cru (55 % de la collecte de lait de brebis est journalière).

Certains surcoûts résultent également des contraintes spécifiques liées aux bâtiments, qui doivent être adaptés au relief et au contexte climatique ainsi que des investissements supplémentaires qui sont nécessaires pour les terrassements, les renforts destinés à résister aux conditions de vents et de neige, l’isolation, les salles de traites mobiles, notamment.

Les éleveurs en zone de montagne font aussi face aux contraintes pédoclimatiques de la montagne qui réduisent les possibilités de production de céréales et de protéines autres que l’herbe, rendant ainsi les exploitations dépendantes des achats extérieurs en fourrages et concentrés. Dans le contexte actuel de changement climatique, se pose toujours davantage la question de la disponibilité en ressources fourragères et en eau d’abreuvement.

Sur certaines zones de montagne où la production de lait de brebis constitue l’unique production agricole possible, les fortes pentes rendent la mécanisation difficile et nécessitent une main-d’œuvre importante à trouver pour les travaux de saison. Ce qui, par ailleurs, soulève la question de l’attractivité des zones de montagnes.

Enfin, la présence de grands prédateurs et les conséquences qui en découlent pour les troupeaux menacent l’élevage de montagne et la transhumance et contribuent à fragiliser la filière.

La filière lait de brebis représente, enfin, tout comme les autres filières laitières de montagne, un enjeu économique et social majeur pour les territoires dans lesquels elle est située. Ainsi que le soulignaient les représentants de France Brebis Laitière lors de leur audition ([12]), « Là où on élève des brebis, il n’est pas possible d’élever des vaches laitières. L’élevage de brebis est ainsi souvent le dernier rempart vers la désertification des territoires ».

Les caractéristiques « montagne » sont intégrées aux systèmes de production qui reposent sur l’élevage de brebis de races locales, sélectionnés dans leur bassin, et la valorisation de prairies et de surfaces pastorales (parcours individuels, estives collectives d’altitude, transhumance). Ces systèmes permettent, tout comme les élevages bovins et caprins, de maintenir les prairies permanentes, qui constituent des puits de carbone, et favorisent le maintien de milieux réservoirs de biodiversité. Enfin, la pratique du pâturage et de transhumance des ovins laitiers permet également la prévention des incendies et le maintien de paysages de montagne ouverts et attractifs.

c.   Le lait de chèvre

La production de lait de chèvre en France s’est élevée à 662 millions de litres en 2020. La part de cette production issue de zones de montagne est de 70 millions de litres environ, soit environ 10,5 % du total.

Les zones de production se concentrent dans les Massif central, PuydeDôme et Provence-Alpes-Côte d’Azur (50 % du lait de chèvre y est produit en zone de montagne) et en Occitanie – Ariège, Aveyron (40 millions de litres), une partie de la Lozère (3 millions de litres environ), Hautes-Pyrénées, Pyrénées‑Orientales (1,5 million de litres), Pyrénées-Atlantiques (1,5 million de litres) et Tarn.

Sur quinze AOP laitières de chèvre, cinq sont situées en zone de montagne : le Pélardon, le Chevrotin, le Picodon, le Banon et la Rigotte de Condrieu. Ces cinq AOP représentaient 1 028 tonnes en 2019 ([13]) sur un total de 7 000 tonnes d’AOP caprines (sur 120 000 tonnes de fromages produites annuellement). Parmi elles, le Chevrotin en Savoie est exclusivement produit par des producteurs fermiers.

Tout comme les autres filières laitières, la filière lait de chèvre fait face aux contraintes imposées par la localisation en zone de montagne. Les exploitations caprines se sont souvent installées sur des secteurs où les structures foncières sont assez limitées (par exemple : massif du Pilat, monts du Lyonnais). Leur développement les conduit à optimiser leurs possibilités en termes d’autonomie alimentaire, mais cela reste néanmoins un poste de charges important dans certains systèmes.

La densité de collecte est souvent plus faible qu’en lait de vache. En lait de chèvre, les entreprises de collecte et de transformation sont confrontées aux spécificités suivantes :

     Densité (nombre de litres collectés / km) plus faible ;

     Vitesse du temps de parcours moyen à 35 km / h, contre 60 km / h en plaine ;

     Impossibilité de collecter avec des citernes de 30 000 l comme dans l’Ouest de la France ;

     Utilisation de porteur de 9 000 l à 2 essieux ou de 15 000 l à 3 essieux. Possibilité d’atteler une remorque de 17 000 l, mais cela prend plus de temps pour la remplir, l’atteler, la dételer ;

     Usure supérieure des pneumatiques et des plaquettes de frein par rapport aux zones de plaine ;

     Consommation en gasoil supérieure.

En lait de vache, l’ensemble des territoires demeure, pour l’heure, couvert par des tournées de collecte. Ce n’est pas le cas en production caprine, où les installations doivent tenir compte des tournées existantes. Ces tournées de collecte constituent ainsi des outils d’aménagement du territoire, car elles conditionnent les possibilités de renouvellement ou de créations d’exploitations.

Comme pour le lait de vache, d’une manière générale, on note des coûts de production plus élevés qu’en plaine, avec pour conséquence un moindre revenu ou une moindre rentabilité pour les acteurs de la filière.

Ainsi, selon l’Idele, le surcoût pour les livreurs du Sud-Est, qui sont majoritairement en zone de montagne, est d’environ 320 €/1 000 litres en incluant le surcoût lié à la main-d’œuvre, et d’environ 180 €/1 000 litres hors main-d’œuvre.

Cela s’explique par :

– Des exploitations de petite dimension en raison d’une forte pression foncière ;

– Des sécheresses à répétition ;

– Des difficultés à être autonomes sur le plan de l’alimentation, ce qui entraîne des achats de fourrages et de paille réguliers.

Pour faire face à ces contraintes, la filière s’organise et recherche notamment des synergies avec la filière laitière bovine. Certains territoires montagneux conservent ainsi une bonne densité d’élevages bovins laitiers et caprins laitiers, ce qui permet de maintenir un tissu socio-économique lié à l’approvisionnement ou à l’accompagnement de ces élevages (entreprises d’agrofournitures, de conseils, coopératives d’utilisation de matériel agricole, chantier d’ensilage, etc.). Beaucoup de PME de collecte et transformation travaillent ainsi deux ou trois laits – bovin, caprin et parfois ovin. Ces entreprises mixtes valorisent leurs fonctions industrielles et surtout commerciales en s’appuyant sur plusieurs espèces animales. Elles participent à l’ancrage d’activités économiques dans les territoires les plus difficiles, où elles restent pourvoyeuses d’emplois. Enfin, il existe des tournées de collecte mixtes qui demeurent rares, car difficile à mettre en œuvre dans la mesure où la segmentation des laits au sein de chacune des espèces a déjà imposé de disposer de citernes compartimentées avec parfois double pompage (par exemple, bio et conventionnel).

La filière laitière caprine a effectué, au cours des dernières années, un travail d’ampleur sur l’amélioration continue de la valorisation du lait en améliorant la qualité, la gestion de l’équation laitière, en renforçant les SIQO, et en s’appuyant sur des marques d’entreprises qui font leurs preuves.

La filière laitière en zone de montagne (vaches, chèvres et brebis) : résumé

La collecte en zone de montagne s’élevait en 2020 à 5 milliards de litres de lait toutes filières confondues, soit environ 20 % de la collecte de lait sur le territoire national. Comme sur le reste du territoire national, la filière lait de vache est prédominante avec 4,66 milliards de litres de lait collectés en zone de montagne, suivent ensuite les filières lait de brebis et lait de chèvre avec respectivement 257 millions de litres et 93 millions de litres collectés. À la différence des filières lait de vache et lait de chèvre la production de lait de brebis est essentiellement concentrée en zone de montagne et représente 87 % de la collecte nationale, contre 20 % pour le lait de vache et 19 % pour le lait de chèvre.

À la suite de la sortie des quotas laitiers (entre 2014 et 2020), la collecte en zone de montagne a diminué d’un peu moins de 5 % en lait de vache alors qu’elle a progressé en lait de brebis (+ 16 %) et lait de chèvre (+ 19 %). Ce constat cache toutefois des évolutions contrastées selon les massifs. En zone de plaine, la collecte en lait de vache sur la même période est restée quasi stable (- 2 %) et a progressé dans une moindre mesure en lait de chèvre (+ 8 %) et lait de brebis (+ 14 %).

La zone de montagne comptabilisait, en 2020, 14 000 exploitations livrant du lait de vache (28 % des exploitations livrant du lait de vache au niveau national). Ce nombre est en baisse de 21 % depuis 2014 selon une dynamique comparable à la zone de plaine marquant la poursuite de la restructuration du secteur de l’élevage. En 2014, les exploitations produisant du lait de vache en zone de montagne représentaient 18 % de la surface agricole utilisée (SAU) des exploitations laitières et 4 % de la SAU nationale.

Source : MAA, réponses écrites du ministère au questionnaire des rapporteurs de la mission

2.   Une dense filière aval composée d’un tissu de grands groupes et de petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que de très petites entreprises (TPE)

Lors de leur audition, les représentants de la Fédération nationale de l’industrie laitière ([14]) ont souligné que les entreprises collectant ou transformant en zone de montagne se caractérisaient par leur diversité et leur complémentarité.

Le maillage industriel en zone de montagne est assuré par la présence de grands groupes nationaux (notamment Sodiaal, Lactalis, Danone et Savencia) ainsi que de petites et moyennes entreprises et de très petites entreprises (PME/TPE). L’ensemble forme un système cohérent et complémentaire qui assure des relations de proximité, souvent de longue date, entre industriels et livreurs.

Ce réseau important permet aussi, en évitant la désertification rurale, le maintien des services à l’élevage et aux entreprises.

La saisonnalité de la production laitière, plus marquée dans nos zones de montagne avec un déficit de juillet à septembre, oblige à collecter plus que le besoin des marchés à certaines périodes de l’année. Le maillage avec les grands groupes ou avec des PME importantes (pour les TPE) est capital pour permettre l’écoulement de ce lait.

Le maillage entre entreprises permet également à des TPE de produire en achetant leur apport en lait auprès de PME ou de grands groupes, alors même qu’elles ne seraient pas en mesure d’en assurer elles-mêmes la collecte.

Les accords de collecte, qui visent à permettre des échanges entre entreprises collectant dans des zones données les livreurs de différentes entreprises, aujourd’hui très nombreux et associant des entreprises de toutes tailles et statuts (coopératives et privées), témoignent de cette cohérence du tissu industriel. Ces accords de collecte qui permettent une optimisation de moyens matériels et humains, garantissent également des économies d’énergie.

B.   des surcoÛts et une moindre attractivitÉ des mÉtiers qui menacent la pÉrennitÉ de la filiÈre lait de montagne

1.   Des surcoûts de production et de collecte qui pèsent lourdement sur la rentabilité de la filière

a.   Des surcoûts de production insuffisamment compensés

Un amenuisement de la main-d’œuvre, qui résulte des handicaps naturels ainsi que les charges de production majorées – surcoûts des bâtiments, des approvisionnements, du matériel – entraînent des coûts de production supérieurs en montagne par rapport aux systèmes d’élevage laitier en plaine. Ces coûts de production, atteignent en moyenne 610 € les mille litres dans le Massif central et 778 € les mille litres dans les massifs de l’est, dépassant même, pour certaines exploitations du Beaufortin, 1 000 € les mille litres ([15]).

Le différentiel de coût est ainsi estimé à :

  + 130 € les mille litres dans le Massif central ;

  + 400 € pour les systèmes en AOP des massifs de l’est ;

  + 170 € les 1 000 litres en bio ([16]).

Ce différentiel n’est que partiellement compensé par les aides publiques :

–  selon le rapport de FranceAgriMer et de l’Idele publié en 2018, les aides totales représentent en moyenne sur cinq ans 110 € pour 1 000 litres dans le Massif central et 147 € pour 1 000 litres dans le Jura et les Alpes, tandis qu’elles atteignent 58 € pour 1 000 litres en plaine ;

–  les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) (voir encadré), auxquelles sont dévolues le rôle de compensation des handicaps naturels, représentent environ 50 € les mille litres dans les exploitations laitières du Massif central ([17]).

Idele, 2018, « La filière laitière de montagne en France et dans l’UE »

L’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN)

L’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a été créée en 1972, sous le nom d’ « indemnité spéciale montagne » ou de « prime à la vache tondeuse » et consacrée au niveau communautaire en 1975.

Elle est considérée depuis son origine comme la mesure essentielle de la politique de soutien à l’agriculture de montagne.

Elle poursuit l’objectif de compenser financièrement les surcoûts de production des exploitations liés aux handicaps naturels permanents qu’elles subissent par rapport aux régions de plaine.

Après avoir été exclusivement réservée aux zones de montagne, cette indemnité a été progressivement ouverte à d’autres zones, mais à taux réduit. Ainsi, les ovins à partir de 1980 et les bovins-viande à partir de 1987, ont-ils pu bénéficier de l’indemnité dans les zones défavorisées.

Jusqu’à la fin des années quatre-vingt, le montant des subventions perçues au titre de l’ICHN était, dans la limite des plafonds autorisés, directement corrélé au nombre d’unités de gros bétail (UGB) présentes dans l’exploitation, sans modulation selon la taille du cheptel. Ces conditions d’application de l’ICHN avaient pour effet de favoriser les exploitations les plus grandes, généralement situées dans les massifs humides. Afin de remédier à cette situation,diverses réformes ont été engagées : une majoration de l’ICHN pour l’élevage ovin en général, puis une majoration spécifique à l’élevage ovin en zone sèche, et enfin une revalorisation de la prime unitaire pour les 25 premières UGB.

L’ICHN dépend d’un classement par zonage. Ce zonage a été revu en 2019, se substituant au zonage en vigueur depuis 1976 (voir carte ci-dessous) pour intégrer notamment les zones défavorisées hors montagne (zones défavorisées simples et piémont).

La politique agricole commune consacre chaque année 1 Md€ à l’ICHN, qui est cofinancée à hauteur de 277 M€ par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation en 2021 ([18]). Le budget de l’ICHN a été fortement revalorisé, avec près de 80 % d’augmentation depuis 2014.

Les bénéficiaires de l’ICHN sont les exploitants qui exercent une activité agricole dans les zones défavorisées. L’aide est attribuée aux éleveurs et peut également être versée pour les productions végétales commercialisées dans les zones de montagne. Les conditions pour être éligibles et percevoir l’aide à taux plein sont les suivantes :

– être agriculteur actif au sens des aides de la PAC ;

– retirer au moins 50 % de ses revenus de l’activité agricole ;

– exploiter la surface minimale requise selon le type d’activité ;

– avoir au moins 80 % de la surface agricole en zone défavorisée ;

– respecter le taux de chargement pour les éleveurs (autrement dit, le rapport entre le nombre d’animaux et la surface fourragère).

Le montant de l’indemnité varie entre 35 et 450 euros par hectare, est dégressif et est limité par un plafond de 75 hectares pour les surfaces fourragères consacrées à l’élevage et de 50 hectares pour les cultures commercialisées. Le calcul du montant de l’indemnité tient compte du type de zone, de l’importance du handicap et du type d’exploitation (production animale ou végétale).

Dans certaines régions, cette aide peut représenter 30 à 60 % du revenu des agriculteurs, voire 80 % dans certaines zones se trouvant en haute altitude. Le montant annuel de l’aide peut varier, selon le type d’exploitation et la zone, de 1 700 à 21 500 euros, en fonction des types de territoire, de culture et d’élevage (source : Ministère de l’agriculture).

 

https://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/carte_simplifiee.jpg

b.   D’importants surcoûts de collecte

Des surcoûts résultant des contraintes naturelles inhérentes aux zones de montagne sont également notables au stade de la collecte.

Ils résultent :

–  d’une densité laitière plus faible au kilomètre ;

–  de conditions routières plus précaires du fait du relief et de la météo ;

–  de la nécessité, dans bien des cas, d’utiliser un matériel spécifique (ex : des camions de plus petite taille et de plus faible contenance).

Ces surcoûts sont estimés à 10 à 15 €/1 000 litres entre régions de plaine et de montagne. Dans certaines zones de montagne particulièrement difficiles, ces surcoûts peuvent atteindre 45 € à 50 €/1 000 litres ([19]).

Les représentants du CNIEL, lors de leur audition par vos Rapporteurs, ont affiné ces estimations, précisant que les surcoûts étaient évalués à 14 €/mille litres en moyenne en zone de montagne et, dans les Hautes-Alpes, par exemple, à 35 €/mille litres.

Surcoûts au stade de la collecte et de la transformation : l’exemple de Sodiaal

Sodiaal est un groupe coopératif laitier français, regroupant 17 000 producteurs de lait.

Lors de leur audition, le 17 juin 2021, MM. Damien Lacombe, président, et Jean-Paul Picquendar, directeur des laits segmentés, ont détaillé très concrètement la nature de ces surcoûts, indiquant que la productivité, au stade de la collecte, était deux fois plus basse en montagne qu’en plaine – ainsi un chauffeur-ramasseur collecte en une heure 2 805 litres de lait en montagne contre 5 547,8 litres à l’heure en plaine.

Cette moindre productivité s’explique par les facteurs suivants :

– la taille plus faible des exploitations (et les « temps morts » qui s’ajoutent entre deux collectes) : en moyenne, la production annuelle par exploitation en zone de montagne est de 301 000 litres de lait contre 560 000 litres en plaine ;

– la densité : on estime que 104 litres de lait sont collectés par kilomètre parcouru en zone de montagne contre 245 litres en zone de plaine ;

– la nécessité d’utiliser des matériels différents : ainsi, en zone de montagne, on utilise ainsi un châssis à remorque d’une contenance de 12 000 litres mais celle-ci est laissée sur les grands axes routiers le temps de la collecte.

– la vitesse moyenne des ensembles est moindre.

Ces surcoûts, qui pèsent sur les entreprises de transformation, peuvent décourager l’investissement et le maintien de l’activité de celles-ci en zone de montagne.

Pour toutes ces raisons, l’article 61 de la loi n° 2016-1888 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne du 28 décembre 2016, dite « loi montagne II », prévoit une exonération de la taxe intérieure de consommation sur les carburants (TICPE) pour les carburants utilisés par des véhicules porteurs de la catégorie N3 de moins de 26 tonnes de poids total autorisé en charge et qui sont utilisés pour la collecte du lait dans les exploitations agricoles situées en zone de montagne. Interrogé par vos Rapporteurs, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué, dans ses réponses écrites, que la « défiscalisation des carburants prévue par l’article 61 de la loi Montagne aurait effectivement pu être considérée comme un soutien à la collecte en zone de montagne. Il s’avère que les conditions de validation de ce dispositif au niveau européen ne sont pas réunies à ce jour et ne paraissent pas atteignables. Une telle exonération nécessiterait en effet d’obtenir une dérogation au titre de la directive énergie (2003/96, article 19). L’obtention de cette dérogation est conditionnée à un avis favorable à l’unanimité des ministres de l’économie (Conseil ECOFIN), après avis favorable préalable des services de la Commission ». Vos Rapporteurs conçoivent que la mise en œuvre de cette disposition puisse exiger de mener à bien une procédure relativement longue et complexe, et souhaitent une volonté politique afin que cette disposition soit effective rapidement. Il leur semble particulièrement important de tout faire pour hâter la mise en œuvre de cette disposition, voulue par le législateur, et essentielle au maintien d’une activité de transformation en zone de montagne (voir proposition n° 5)

2.   Un manque d’attractivité des métiers de la production à la transformation, qui rend difficile le renouvellement des générations

a.   Un difficile renouvellement des générations au stade de la production

Au niveau national, le difficile renouvellement des générations dans le secteur de l’élevage laitier se traduit par une tendance à la réduction du nombre d’exploitations laitières bovines, caprines et ovines (voir graphique cidessous) et un agrandissement des exploitations laitières, qui résulte d’une concentration de la production.

Source : FranceAgriMer

De 2008 à 2018, le nombre d’éleveurs livreurs de lait de vache a baissé de 19 % dans le Jura, de 28 % dans les Alpes, de 30 % dans les Vosges, de 34 % dans le Massif central et de 47 % dans les Pyrénées, selon les données publiées par l’Institut de l’élevage.

La difficulté ne se cantonne pas aux producteurs installés dans les zones de faible valorisation du lait : M. Damien Lacombe, vice-président du CNIEL, a cité lors de son audition ([20]), les difficultés rencontrées par la coopérative Jeune Montagne, qui fabrique des spécialités fromagères de l’Aubrac au lait cru et valorise très bien ces produits, mais qui peine à maintenir le nombre d’exploitations. Il en va de même, indiquait-il, dans le cadre du Saint-Nectaire, qui jouit d’une bonne valorisation depuis quelques années mais dont les quotas peinent à être remplis.

Signe de cette désaffection pour l’élevage laitier, M. Jacky Salingardes, président de l’association nationale interprofessionnelle caprine, soulignait que davantage de jeunes souhaitaient s’installer hors cadre familial que dans le cadre d’une transmission familiale.

Ces métiers pâtissent d’une réputation de difficulté, liée aux fortes contraintes attachées à l’élevage laitier, mais aussi de la situation d’enclavement qui caractérise les zones de montagne et du manque d’opportunités économiques résultant de l’absence de pôles urbains. Cet enjeu pose plusieurs questions, relatives non seulement aux méthodes de travail mais aussi à l’environnement global en montagne et aux politiques nécessaires pour inciter les jeunes à s’installer (voir encadré ci-dessous sur la question des technologies et le C du II du présent rapport).

L’élevage en montagne : entre tradition et nouvelles technologies

La question du déploiement et de l’utilisation des nouvelles technologies, susceptibles de faciliter le travail des éleveurs laitiers, et de lever certaines contraintes rebutant aujourd’hui les jeunes, a été débattue à plusieurs reprises dans le cadre des travaux de la mission d’information.

Certaines technologies semblent peu compatibles avec l’image des produits laitiers de montagne, qui est intimement liée au pâturage. C’est notamment le cas du robot de traite. Néanmoins, l’adaptation de ces technologies aux conditions d’élevage en montagne, sans dénaturer celui-ci, est envisageable, via par exemple les robots de traite mobiles.

Plus largement, M. Michel Lacoste, soulignait que de nombreux outils numériques étaient susceptibles de faciliter la vie des éleveurs et de favoriser l’attractivité des métiers de l’élevage. Il évoquait ainsi l’utilisation de colliers équipés de puce permettant à l’éleveur d’obtenir en temps réel de nombreuses informations relatives à la situation et à l’état de santé de ses bêtes.

L’attractivité de la montagne passe, plus largement, par l’amélioration rapide de la couverture numérique des territoires de montagne (voir infra).

b.   Les entreprises de transformation peinent également à recruter

Les zones de montagne jouissent aujourd’hui d’un tissu industriel laitier dense. 40 % des établissements de transformation laitière se situeraient ainsi dans les massifs montagneux ([21]).

Ce tissu industriel se caractérise par la grande diversité de taille de ses entreprises. De nombreux établissements de petite taille, souvent coopératifs, tels que les fruitières ([22]) jurassiennes et savoyardes sont présents sur le territoire, de même que des petites et moyennes entreprises (PME). La présence des grands groupes, coopératifs comme privés, est également importante. Ces derniers représentent, dans le Massif central, 27 % des entreprises de transformation (contre 33 % au niveau national) ([23]). Le rôle et l’importance de maintien de la présence de ces grands groupes en zone de montagne ont été évoqués par de nombreux acteurs lors des auditions menées par vos Rapporteurs. Il a ainsi été souligné que ces acteurs étaient souvent installés en zone de montagne sous forme de petits ateliers, pleinement intégrés à l’économie locale. Le retrait de certains groupes de ces zones pose de graves difficultés en matière de collecte et plusieurs acteurs entendus par vos Rapporteurs ont déploré que des règles européennes relatives aux aides de minimis ne permettent pas de fournir à ces groupes un soutien adéquat, alors même que leur présence en zone de montagne est une condition au maintien et à la vitalité de la filière laitière (voir proposition n° 7).

Les entreprises de transformation en zone de montagne sont confrontées, elles aussi, à des difficultés de recrutement.

La faible visibilité et attractivité des métiers de l’industrie laitière sont des difficultés communes aux entreprises présentes sur l’ensemble du territoire. Un sondage IFOP réalisé par le CNIEL et publié en février 2020 indique ainsi que 85 % des jeunes de 15 à 25 ans interrogés se considéraient personnellement comme mal informées sur les métiers liés à l’industrie laitière et la transformation des produits laitiers (ils étaient 88 % à se considérer mal informés sur les métiers liés à l’élevage laitier) ([24]). 87 % d’entre eux ne connaissaient pas les formations susceptibles de conduire à ces métiers.

Les acteurs entendus par vos Rapporteurs ont souligné les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises de l’industrie laitière, indiquant que les jeunes formés au sein des écoles nationales d’industrie laitière (ENIL) se voyaient fréquemment proposer des emplois avant même la fin de leurs études. Le CNIEL indique, par ailleurs, que, dans le secteur de l’industrie laitière, « 15 % des annonces en CDI ne sont pas pourvues et [qu’]il faut compter en moyenne 12 mois pour recruter un nouveau collaborateur ».

Les difficultés de recrutement sont accrues dans les zones de montagne, le caractère rural et reculé de certaines zones pouvant, en effet, limiter l’attractivité, tout en rendant plus difficile la recherche d’un emploi pour le conjoint. C’est donc l’ensemble de l’environnement dans lequel s’inscrit l’emploi en zone de montagne, ainsi qu’une politique publique incitative que vos Rapporteurs pensent nécessaires de mettre en œuvre.

Vos Rapporteurs souhaitent affirmer, par ailleurs, leur conviction que le maintien de ces entreprises de transformation en zone de montagne est crucial. L’idée de dissocier lieux de production laitière et lieux de transformation a pu être émise au cours des auditions menées par la mission. Vos Rapporteurs ont la conviction qu’une telle évolution contribuerait très rapidement à l’affaiblissement de la filière et, plus largement, de l’emploi en montagne. L’avenir des éleveurs et celui des entreprises de transformation sont indissociables.

C.   Une filiÈre lait de montagne indispensable À la vie de ces territoires

1.   Création d’emplois directs et indirects

La filière lait de montagne contribue fortement au maintien de l’emploi dans des zones rurales et reculées.

Les éléments transmis par le CNIEL et le ministère de l’agriculture et de l’alimentation à vos Rapporteurs soulignent combien la filière est pourvoyeuse d’emplois – davantage que d’autres systèmes de production – et permettent d’anticiper les risques économiques et sociaux que sa disparition ferait peser sur les massifs.

Il est ainsi estimé que les exploitations de lait de vache en zone de montagne représentent 28 000 équivalents temps plein (ETP) en emplois directs, non salariés et salariés ([25]). La production laitière en zone de montagne implique plus de travail par litre de lait produit, non seulement en raison des caractéristiques propres de la zone, mais aussi parce que ces exploitations sont plus souvent herbagères, facteur impliquant lui-même davantage d’emplois directs). Les travaux du GIS « Élevages demain » ont mis en évidence, pour 115 000 ETP directs en filière lait de vache, l’existence de 124 000 ETP indirects très dépendants de cette production ([26]) (dont 63 200 dans l’industrie laitière), soit 1,07 ETP indirect par ETP au stade de la production. En appliquant ce même ratio à la zone de montagne, on peut estimer que la production laitière en zone de montagne implique 30 000 emplois indirects ([27]). Il s’agit des emplois indirects liés à l’activité laitière dans les secteurs de l’approvisionnement, des services, de la collecte, de la transformation et de la commercialisation des produits laitiers. Au total, on peut estimer que la filière lait de vache en zone de montagne génère à elle seule près de 60 000 emplois directs et indirects. Cette estimation ne tient pas compte des emplois induits, liés à l’activité économique générée, qui sont particulièrement complexes à évaluer.

Cette estimation rejoint, en ordre de grandeur, celle réalisée par l’interprofession nationale (CNIEL) ([28]) qui estime à environ 39 200 les emplois directs et indirects (dont 24 000 emplois directs de chefs d’exploitation et salariés) générés par les exploitations laitières de montagne, soit 17 % des emplois du secteur laitier en France. L’interprofession prend en compte également 25 000 emplois induits générés par les dépenses des salariés directs et indirects. Elle estime ainsi à environ 65 000, au total, le nombre d’emplois dépendant de l’activité de la filière laitière de montagne.

La disparition ou l’affaiblissement de la filière laitière de montagne comporte donc un risque économique et social très lourd. Le CNIEL indique qu’une baisse annuelle constante d’environ 5 % du volume de lait collecté pendant cinq ans se traduirait par la perte d’environ 10 000 emplois et aurait des conséquences sur l’emploi de près de 29 000 personnes.

Deux scénarios ont été modélisés par le service économique du CNIEL à l’échelle du Massif central et des Alpes pour mesurer l’impact d’une baisse continuelle de la collecte de lait à l’horizon 2024 :

–  la continuité de la baisse annuelle observée depuis 2014 (- 2,4 %/an) sur cinq ans engagerait une suppression de 2 250 emplois, impactant environ 6 800 personnes (en comptant 3 individus par ménage). Le coût total de ce scénario pour la collectivité serait d’environ 67 M€ par an (dont 45 M€ pour le coût social ([29]) et environ 22 M€ pour la baisse des investissements industriels ([30])) ;

–  une accélération de la baisse annuelle sur cinq années (- 5,1 %/an, soit la baisse enregistrée dans les Pyrénées depuis 2014) se traduirait par la suppression de 4 700 emplois supprimés et 14 000 personnes impactées. Ce scénario engagerait un coût total de plus de 140 M€ par an (dont 94 M€ pour le coût social et 46,50 M€ pour la baisse des investissements industriels).

De nombreux acteurs auditionnés par vos Rapporteurs ont, en outre, souligné le fait que les professionnels de la filière lait – les éleveurs en particulier – contribuent fortement à l’animation sociale et associative des massifs. La suppression de ces emplois aurait, en conséquence, des répercussions graves sur la vie de ces espaces.

2.   La filière laitière hors AOP et IGP est fortement liée aux autres secteurs économiques de la montagne

a.   Des secteurs sous SIQO et hors SIQO qui s’inscrivent dans une relation de relative interdépendance

Les travaux de la mission d’information étaient plus particulièrement consacrés au lait hors SIQO, plus confrontée à des difficultés. Néanmoins, la filière sous SIQO, y compris AOP, n’est pas épargnée par ces difficultés, notamment en matière de renouvellement des générations, malgré une valorisation du lait souvent satisfaisante.

En outre, l’affaiblissement de la filière laitière hors AOP et IGP aurait pour conséquence de mettre en difficulté le secteur sous SIQO, comme le soulignait lors de son audition M. Damien Lacombe, vice‑président du CNIEL, notamment parce que le maintien des tournées de collecte ainsi que des nombreux services à l’élevage dépendent du maintien d’un maillage territorial suffisamment dense par les exploitations laitières ([31]).

b.   Une filière laitière liée aux autres secteurs économiques de montagne

La filière laitière, marquée par sa spécialisation fromagère, participe au dynamisme économique des zones de montagne, indirectement en s’inscrivant dans le cadre d’autres secteurs économiques. C’est notamment le cas du secteur touristique, avec un attrait croissant des visiteurs pour les produits de montagne
– achat de produits locaux dans des boutiques généralistes ou spécialisées, visite à la ferme ou dans les ateliers de transformation, approvisionnement en produits locaux des hébergements touristiques.

3.   Des paysages « ouverts » maintenus par l’activité de l’élevage laitier

L’élevage laitier en montagne, majoritairement pastoral, est essentiel à l’entretien des paysages de montagne.

Ainsi que le souligne l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) dans un rapport paru en 2017 : « Les Pyrénées fournissent un exemple de risque de déprise : les tendances actuelles de diminution du nombre et d’agrandissement des exploitations concentrent la fauche et le pâturage en fond de vallée, et délaissent les zones de pentes intermédiaires, plus difficilement exploitables, mais dont l’entretien est particulièrement important pour le maintien de paysages ouverts et la préservation du patrimoine bâti » ([32]).

Vos Rapporteurs sont particulièrement sensibles à cet enjeu, souvent évoqué dans le cadre des auditions : le maintien d’un élevage laitier en montagne est la condition de la pérennité des paysages ouverts. Il participe, en effet, à l’entretien des paysages, à celui des chemins de montagne et au débroussaillement. Il revêt également une dimension de sécurité, contribuant à créer des paysages résilients et participant ainsi à la prévention contre les incendies.

L’élevage laitier permet ainsi de maintenir une montagne accessible et ouverte, pour les riverains, comme pour les touristes.

4.   Porter la voix des territoires de montagne : des politiques publiques nationales et européennes de moins en moins sensibles à la spécificité de la montagne

Au cours des auditions menées dans le cadre de leur mission, vos Rapporteurs ont eu le sentiment que la sensibilité des pouvoirs publics, tant européens que nationaux, aux spécificités de la montagne était décroissante. L’élargissement des publics éligibles à l’ICHN témoigne, par exemple, de cette moindre différenciation des politiques publiques en zone de montagne.

Les négociations en cours sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) 2021-2027 avaient laissé craindre des décisions défavorables aux élevages laitiers en zone de montagne. Dans ce contexte, la préservation à leur niveau actuel des « aides couplées » du premier pilier de la PAC apparaît essentielle. L’aide aux bovins laitiers vise ainsi à préserver la production laitière notamment dans les territoires de montagne. Pour bénéficier du montant unitaire « lait de montagne », 80 % de la superficie de l’exploitation (SAU) doit être en zone ICHN de piémont, de montagne, ou de haute montagne (voir tableau).

Montant unitaire de l’aide aux bovins laitiers (estimations pour 2021)

 

Hors zone défavorisée de haute montagne, montagne ou piémont (plafonnée à 40 vaches/exploitation)

En zone défavorisée de haute montagne, montagne ou piémont (plafonnée à 30 vaches /exploitation)

Aide laitière de base

37 €

75 €

Source : préfecture de l’Ariège

En outre, le maintien d’une ICHN forte, centrée sur l’élevage, est indispensable pour garantir la compensation – partielle – des handicaps naturels inhérents aux zones de montagne. À l’issue d’une large concertation des parties prenantes, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a présenté les grands arbitrages du Plan stratégique national (PSN) vendredi 21 mai 2021. Il a annoncé à cette occasion le maintien pendant la période 2023-2027 du budget actuellement alloué à l’ICHN, représentant 1,1 milliard d’euros par an. Dans le cadre de cette enveloppe, ce sont près de 700 M€ qui seront versés en zone de montagne chaque année pour compenser la plus faible productivité de ces zones. Cette indemnité est maintenue aussi bien dans son ciblage que dans son budget de 1,1 milliard d’euros. Ce dernier est conservé, malgré la baisse du taux de financement européen qui passe de 75 % à 65 %, grâce à l’effort de l’État dont la contribution augmentera à due proportion, à hauteur de 108 millions d’euros ([33]).

Aux yeux de vos Rapporteurs, dans le cadre des travaux qu’ils mènent à l’Assemblée comme de ceux conduits au sein de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), il est particulièrement essentiel de porter la voix de la montagne, dans l’unité et avec force, dans le débat public.

La tribune des 48 parlementaires

Le 17 février 2021, à l’initiative de M. André Chassaigne (député GDR de la 5ème circonscription du Puy-de-Dôme), 48 parlementaires appartenant à divers groupes politiques, dont la présidente de l’ANEM, Mme Jeanine Dubié (députée LT de la 2ème circonscription des Hautes‑Pyrénées) et son vice-président, votre Rapporteur, ont signé une tribune « Pour une Politique agricole commune juste, au service des productions durables et de nos territoires de montagne ».

Les parlementaires mettent en évidence l’urgence de la situation : « Nous le savons, beaucoup de ces exploitations agricoles sont en sursis. Faute de prix rémunérateurs pour leur production. Face à la répétition et l’aggravation des aléas climatiques et des crises sanitaires. Faute d’un renouvellement suffisant des générations en agriculture. Nos éleveurs sont particulièrement touchés. Dans des filières comme l’élevage bovin ou ovin, laitier comme allaitant, ce sont déjà plus de 2 000 exploitations qui ferment leurs portes, chaque année, dans le plus grand silence. »

Ils indiquent être « particulièrement inquiets au regard des arbitrages nationaux et européens qui se dessinent pour sa mise en œuvre. Le danger est grand de voir sacrifier notre élevage de montagne ».

Ils défendent formulent trois demandes :

– le maintien des aides couplées à leur actuel niveau ;

– le maintien d’une ICHN forte, centrée sur l’élevage ;

– la rémunération, par la PAC, de l’ensemble des services environnementaux rendus par les exploitations familiales et herbagères.

D.   Le lait de montagne : une rÉponse aux attentes des consommateurs

1.   Un élevage extensif fondé sur un modèle d’exploitations familiales

L’élevage laitier en montagne se présente comme un modèle vertueux d’exploitation.

L’agriculture de montagne se caractérise, en effet, par des systèmes de productions extensifs, reposant sur une faible utilisation d’intrants et des exploitations plus petites que la moyenne nationale. En 2014, les exploitations produisant du lait de vache en zone de montagne représentaient 18 % de la surface agricole utile (SAU) des exploitations laitières et 4 % de la SAU nationale. Ces exploitations sont de taille plus modeste, s’étendant en zone de montagne sur 82 hectares (ha) en moyenne contre 107 ha en zone de plaine en 2014. Ces exploitations sont, par ailleurs, beaucoup plus herbagères, puisque 95 % de la surface fourragère des exploitations laitières sont consacrées à l’herbe en zone de montagne, contre 65 % en plaine ([34]).

Ces exploitations familiales « à taille humaine » entretiennent, ainsi que cela a été souligné, des liens forts avec les autres secteurs économiques importants des zones de montagne que sont l’industrie agroalimentaire et le tourisme.

2.   De nombreux services environnementaux

L’élevage laitier en montagne rend de nombreux services écosystémiques (SE). Ces derniers peuvent être définis comme « des processus écologiques ou des éléments de la structure de l’écosystème dont l’Homme dérive des avantages, activement en mobilisant du capital matériel (énergie, eau, produits phytosanitaires...) et/ou cognitif (connaissances, par ex. pratiques agricoles) ou passivement (ex. avantage dérivé du SE de régulation du climat). Les avantages retirés des SE, déconnectés de l’écosystème sur le plan fonctionnel, peuvent être matériels (des biens) ou immatériels (des services socioéconomiques). Un SE peut être à l’origine de plusieurs avantages. Les bénéficiaires de SE sont les humains qui en dérivent des avantages pour améliorer leur bien-être. » ([35])

Les bêtes, en pâturant, contribuent notamment au maintien des prairies permanentes. Celles-ci rendent de nombreux services écosystémiques :

– captation du carbone ;

– régulation des flux d’eau ;

– réduction de l’érosion ;

– enrichissement des sols en matières organiques (MO) ;

– maintien et accroissement de la biodiversité ([36]).

Dans le cadre de la PAC 2014-2020, l’un des trois critères de verdissement concerne la protection des prairies ou pâturages permanents. Dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatique (MAEC), certains agriculteurs établis dans des zones de déprise peuvent ainsi bénéficier de subventions pour les aider à maintenir de l’élevage sur les prairies menacées de fermeture.

3.   Une réponse aux attentes des consommateurs en matière de qualité, naturalité et respect du bien-être animal

L’élevage en montagne répond, en outre, à de nombreuses attentes exprimées par les consommateurs. Celles-ci sont particulièrement caractérisées par des inquiétudes qui se manifestent par une demande croissante de naturalité et de traçabilité ; par une sensibilité croissante au bien-être animal et par une recherche d’authenticité en matières de goût et de propriétés organoleptiques du produit ([37]).

L’élevage laitier – qui tend, de manière générale, à susciter davantage la confiance des consommateurs ([38]) – permet, en zone de montagne, de répondre à l’ensemble de ces préoccupations :

–  il garantit un système d’élevage très majoritairement herbager, faible en intrants, répondant ainsi à la demande de naturalité du consommateur. La montagne, de manière générale, jouit d’une image associée à la nature et aux grands espaces qui suscite la confiance des consommateurs ;

–  l’élevage extensif en plein air permet, en outre, de garantir un plus haut niveau de bien-être animal que les systèmes d’élevage fondé sur la claustration. Dans le cadre de la mention « agriculture biologique », par exemple, le lien entre bien-être animal et accès au plein air est explicité : le règlement (UE) 2018/848 du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques précise ainsi que « dans la très grande majorité des cas, les animaux d’élevage devraient bénéficier d’un accès permanent à des espaces de plein air leur permettant de prendre de l’exercice » ;

–  enfin, l’élevage et la transformation en zone de montagne offrent la garantie d’une certaine typicité des produits, dont témoigne le nombre important d’IGP et d’AOP. En outre, les conditions d’élevage respectueuses du bien-être animal sont également garantes d’une production de meilleure qualité, comme le soulignent notamment les travaux menés par M. Bruno Martin, ingénieur de recherches à l’INRAe. Lors de son audition le 16 juin 2021, celui-ci a rappelé que l’alimentation animale était le premier facteur de variation de la qualité du lait et en conditionnait à la fois les caractéristiques nutritionnelles et organoleptiques ([39]). Il a ainsi indiqué que le pâturage entraînait une forte diminution dans le lait des acides gras saturés, remplacés par des Oméga 3 et une richesse en vitamines A, B2, B9 et E, notamment. Une étude récente a, en outre, souligné les caractéristiques résultant des spécificités des pâturages de montagne en comparaison de ceux des plaines : « La teneur plus élevée des laits de montagne en composés aromatiques (4méthylpentylbenzène, 1-méthyl-2-n-hexylbenzène), en terpènes (βcaryophyllène) et en acides gras insaturés (acides linolénique et ruménique notamment) a pu être reliée à la plus grande diversité botanique des herbages de montagne. Comparativement aux prairies de plaine, les prairies de montagne sont composées de plus de plantes apportant des métabolites secondaires qui sont transférés aux laits et qui modifient la digestion des lipides et in fine, la composition en acides gras des laits notamment quand les vaches sont au pâturage » ([40]).

 


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II.   structurer la filiÈre, valoriser les produits et les mÉtiers, crÉer un cadre fiscal adaptÉ

Vos Rapporteurs ont, au terme de leurs auditions, acquis la conviction que les actions à mener pour assurer la pérennité de la filière relevaient tant des acteurs économiques eux-mêmes – des producteurs aux distributeurs – que des pouvoirs publics.

Ces pistes d’action se déclinent selon deux cadres temporels différents :

–  il est urgent, à très court terme, pour garantir la pérennité d’une filière menacée par la déprise laitière, de mettre en place des dispositifs fiscaux et d’aides publiques adaptés afin de permettre le maintien de la production et de la transformation laitière en zone de montagne ;

–  ces dispositifs provisoires doivent donner le temps à la filière de se structurer et de s’organiser davantage pour différencier et valoriser aux yeux du consommateur le lait de montagne ;

–  enfin, pour répondre à « l’urgence du long terme », qui est celle du renouvellement des générations, une réflexion sur la question du foncier et de la transmission des exploitations en zone de montagne doit être menée.

A.   À moyen et long terme : Structurer et valoriser la filiÈre « lait de montagne »

1.   Des AOP et IGP bien valorisées mais un lait dit « blanc » qui doit être davantage identifié et valorisé

Les appellations d’origine protégée (AOP) sont définies par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), comme des produits « dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit ». Ainsi, c’est bien la notion de terroir, comprise comme une « zone géographique particulière où une production tire son originalité́ directement des spécificités de son aire de production » ([41]), qui est aux fondements des appellations d’origine protégée. Celle-ci fait l’objet d’une reconnaissance européenne.

Les indications géographiques protégées (IGP) identifient un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité́, la réputation ou d’autres caractéristiques sont liées à son origine géographique. Elles présentent ainsi certains points communs avec les AOP – elles sont marques de l’ancrage territorial d’un produit, consacrent un produit existant et font l’objet d’un cahier des charges ainsi que de contrôles par un organisme indépendant – mais reposent sur des critères d’attribution différents : l’AOP exige que la production, la transformation et l’élaboration du produit aient lieu sur le territoire défini par le cahier des charges, tandis que l’IGP n’en exige, au minimum, qu’une seule.

Ces AOP et IGP font, dans l’ensemble, l’objet d’une bonne valorisation. Celle-ci résulte, néanmoins, ainsi que l’ont rappelé de nombreux acteurs auditionnés, d’un travail mené depuis parfois plus de trente ans. Elles constituent ainsi une forme de modèle mais soulignent également la nécessité de mener un travail de très long terme afin de structurer la filière, d’unir les producteurs, de faire connaître et reconnaître un produit, afin de dégager de la valeur.

La faible valorisation du lait de montagne hors AOP et IGP s’explique par plusieurs éléments sur lesquels vos Rapporteurs souhaitent insister :

  la concurrence à laquelle est soumis ce lait, tant avec la production de plaine que la production étrangère, lorsqu’il ne fait pas l’objet d’une différenciation (a) ;

  l’absence ou la faible reconnaissance par la grande distribution (GMS) de la particularité du lait de montagne, lorsque celui-ci est identifié comme tel et alors même qu’il s’agit d’un produit sur lequel le distributeur est susceptible de créer une marge.

a.   Un lait de montagne non différencié en concurrence avec les productions de la plaine et étrangères

Le lait de montagne, lorsqu’il ne fait pas l’objet d’une démarche de différenciation, est directement mis en concurrence avec la production laitière de plaine, au coût de production et de collecte nettement inférieur (voir supra). M. Didier Thuaire, administrateur de la Fédération nationale de l’industrie laitière (FNIL) ([42]), résumait ainsi la situation : « On fait, par exemple, un produit qui est quand même traditionnel de la montagne : la raclette. On a des concurrents basés en Bretagne. C’est vrai que, pour la zone de montagne, vous ajoutez 15 ou 20 € les mille litres de surcoût logistique amont et 10 € de surcoût logistique aval et quand vous allez vendre, si ce sont des produits non différenciés, basiques, en marques de distributeur [MDD], et bien vous vous trouvez avec des surcoûts très difficiles à faire admettre à la grande distribution. C’est vrai non seulement dans nos rapports avec la grande distribution mais aussi en ce qui concerne les produits qui sont destinés à l’exportation. Dans ce cas, nous avons, en plus la concurrence internationale, sur laquelle nous devons nous positionner. »

b.   Un refus de la grande distribution de rémunérer le lait de montagne et les produits qui en sont issus à leur juste valeur

Les acteurs entendus par vos Rapporteurs ont ainsi souligné l’attitude ambivalente de la grande distribution (GMS) dans le cadre des négociations portant sur le lait de montagne. Il semble que la grande distribution soit satisfaite de pouvoir mettre en avant sur l’étiquetage l’origine montagne, mais refuse de tenir compte, dans le cadre des négociations, des contraintes spécifiques attachées à la production laitière dans ces zones. Les auditions ont ainsi montré que les pratiques de la grande distribution vis-à-vis de ses fournisseurs, dénoncées notamment dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs ([43]), avaient très largement cours vis-à-vis de l’industrie laitière, y compris dans le cadre de la production en zone de montagne. Ce comportement est d’autant plus injustifiable que la grande distribution dégage, sur ces produits dont l’origine montagne est mise en avant, une marge supérieure à celle du lait non différencié.

Le lait biologique en montagne

La filière lait de montagne a connu, en 2016, une vague sans précédent de conversions à la production biologique qu’expliquent la crise alors traversée par la filière conventionnelle, la demande croissante des collecteurs et les incitations financières publiques.

Dans le Massif central, la part de lait bio dépassait en 2018 les 5 % dans tous les départements : 7,6 % dans la Loire ; 5,9 % dans la Haute-Loire ; 5,3 % dans le Cantal ; 5,4 % dans le Puy-de-Dôme ; 5,8 % dans le Rhône et 17,5 % en Ardèche.

Si les prix du lait biologique sont supérieurs à ceux du lait conventionnel, la question du différentiel des coûts de production entre montagne et plaine n’est nullement résolue, puisque le lait biologique de montagne n’est pas valorisé différemment de celui de la plaine.

Source : Idele, 2018

2.   Valorisation du lait de montagne : exemples étrangers

Des modèles de valorisation du lait de montagne hors AOP existent dans certains pays frontaliers et pourraient inspirer la filière laitière française ainsi que les pouvoirs publics.

Une étude de l’Institut de l’élevage (Idele), parue en décembre 2018, étudiait plus particulièrement les modèles mis en œuvre par les filières laitières sud‑tyrolienne et bavaroise.

a.   Le Tyrol du Sud : une différenciation par la qualité et la structuration de la filière

Le Tyrol du Sud, province montagneuse italienne à la frontière de l’Autriche et la Suisse, compte 5 000 fermes de petites tailles livrant leur lait à 9 coopératives locales. Les prix du lait payés aux producteurs sont parmi les plus élevés d’Europe, grâce à des démarches de valorisation spécifiques, alors même que les AOP, IGP et production biologique n’y sont que faiblement développés. La pluriactivité des exploitations, un tissu coopératif dense, une politique d’aménagement du territoire volontariste ayant permis le maintien d’un maillage agricole important et un secteur du tourisme, ainsi que de l’agritourisme développé, caractérisent la province.

La transmission des exploitations y fait l’objet de politiques spécifiques, sur le modèle du Geschlossener Hof (« mas fermé ») dans lequel la propriété foncière est considérée comme familiale et non individuelle, ne pouvant être divisée ([44]). Les acteurs de la filière ont repensé leur modèle, dans les années 2000, en mettant l’accent sur la fabrication de produits frais tels que le yaourt ou la mozzarella, devenant ainsi un acteur essentiel de ces productions dans le pays. La filière a su jouer de l’image des montagnes et de la mise en valeur d’une agriculture traditionnelle, dans un contexte de défiance vis-à-vis de la filière laitière – scandale sur le beurre frelaté –, pour valoriser ses produits, dont les prix sont nettement déconnectés des prix moyens et européens.

Dès 2001, le développement de la filière se fonde sur un modèle « de la quantité vers la qualité », avec une production de lait issu d’animaux nourris sans OGM – la province est alors précurseur en Europe – et dès 2005, une marque ombrelle ([45]), « Südtirol » reposant sur une identité visuelle commune, l’élaboration d’un cahier des charges spécifique à chaque filière fixant notamment des règles relatives à l’alimentation des animaux et à leur bienêtre, à la collecte quotidienne du lait, à la fraîcheur des produits permise par des circuits courts de collecte et à des garanties sanitaires plus strictes que les normes fixées au niveau national. En outre, depuis l’été 2018, la dénomination « montagne » est utilisée par des opérateurs d’autres régions montagneuses italiennes.

Qualitätszeichen Südtirol

Le Tyrol du Sud a, par ailleurs, mis en œuvre une aide à la collecte unique en Europe reposant sur :

–  un préacheminement du lait par les éleveurs laitiers, rémunéré par une compensation financée sur la partie B de l’ICHN, en fonction de la distance parcourue entre la ferme et la route principale ;

–  une aide d’État de la province, non cofinancée mais agréée par l’Union européenne, justifiée par des objectifs environnementaux et territoriaux, y compris socio-économiques. L’aide est proportionnelle aux handicaps logistiques supportés par les différents collecteurs. 5,5 millions d’euros avaient été budgétés pour la période 2016-2020.

b.   Le lait de montagne en Bavière

Le modèle de valorisation du lait produit en montagne en Bavière est très différent du modèle mis en œuvre dans le Tyrol du Sud.

4 773 exploitations étaient localisées en zone ICHN montagne en 2010 en Bavière, permettant la production de 637 millions de litres de lait (soit 8,2 % de la production du Land). Les modèles d’exploitation y sont très variables, avec une forte différence entre les très petites exploitations de la zone alpine et celles, plus grandes que la moyenne bavaroise, des piémonts herbagers – notamment l’Allgäu.

La valorisation de la production laitière de montagne s’inscrit dans une dynamique double :

–  celle, nationale, d’une forte segmentation du marché du lait, répondant à la demande des ONG et des consommateurs et notamment portée par les distributeurs (Lidl et ALDI) : lait bio, lait de foin, lait de montagne, etc. ;

–  celle d’une utilisation et d’une valorisation de longue date de l’image de la montagne, suscitant des émotions particulièrement positives et renvoyant aux notions rassurantes de « Gemütlichkeit » (environnement chaleureux procurant un sentiment de bien-être) et de « Heimat » (« chez‑soi »), ainsi qu’à une image de pureté, de qualité des produits, de méthodes naturelles de production et d’authenticité.

Les AOP sont, dans la région, rares et confidentielles. En revanche, de nombreuses entreprises privées revendiquent l’origine du lait sur les étiquetages et dans leur communication. Fondée sur une image traditionnelle de la montagne (paysan en habit traditionnel, chalet, sommets enneigés et prairies à flanc de montagne), cette communication renforce la confiance du consommateur dans ces produits.

Bergbauern Käse feinwürziger cremiger Weichkäse 300 g | Bergader

Un fromage de la laiterie privée Bergader mobilisant l’imaginaire attaché traditionnellement à la montagne bavaroise

La filière est, en outre, soutenue par une politique agricole régionale sensible à la question du maintien de l’élevage en montagne : les mesures élaborées en Bavière dans le cadre du second pilier de la PAC visent à accompagner la différenciation ainsi que la montée en gamme de la production laitière, à maintenir l’utilisation des zones de montagne les plus difficiles et à promouvoir des pratiques favorisant une meilleure qualité de l’eau.

3.   Des initiatives à encourager et une mention valorisante « produits de montagne » à investir

a.   Développer une marque ombrelle valorisant les produits de montagne fondée sur un cahier des charges et garantissant la juste rémunération des producteurs et le maintien en zone de montagne des collecteurs et transformateurs

Les exemples italiens et allemands témoignent de l’intérêt de capitaliser sur l’image de la montagne pour valoriser la production laitière qui en est issue. En France, plusieurs initiatives, pour le moment privées et dispersées ont vu le jour, parmi lesquelles on peut citer :

–  Historiquement, la commercialisation de lait « de montagne » par le groupe Carrefour, depuis près de trente ans. En 2019, l’enseigne commercialisait environ 29 millions de litres sous sa propre marque, soit 80 % des volumes de lait de montagne dans le marché de la grande distribution. Un contrat quadripartite a été signé en 2019 entre Carrefour, les producteurs de la coopérative de collecte Coopal, son fournisseur Orlait et la SLVA, qui assure la collecte et la mise en bouteilles. Il porte sur 30 millions de litres sur trois ans, avec un prix de base négocié est de 385 €/1 000 litres pour 2019 ([46]) ;

–  La marque « Mont Lait » créée par l’association des producteurs de lait de montagne (APLM) dans le Massif central (voir encadré ci-dessous) ;

–  Des marques privées, telles que Sacré Willy qui propose un lait frais de montagne dont les qualités intrinsèques sont mises en avant sur le site internet de la marque : « Le lait est exclusivement collecté dans les fermes de montagne des Alpes qui sont à moins de 25 km de notre atelier de fabrication. Nos producteurs partenaires s’engagent à nourrir leurs troupeaux avec un fourrage issu de pâturage sous forme d’herbes fraîches en saison ou de foin en hiver. Cela permet d’obtenir un lait sans arrière-goût et d’une qualité incomparable. »

Mont Lait : un exemple français de valorisation du lait de montagne hors SIQO

En 2010, anticipant les conséquences de la fin des quotas laitiers, un groupe d’éleveurs du Massif central a créé l’association des producteurs de lait de montagne (APLM), propriétaire de la marque Mont Lait, une marque appartenant à 100 % aux producteurs. 400 exploitations ont accepté de prendre part au lancement du projet en contribuant à hauteur de 15 € pour 100 000 tonnes de lait.

L’association a ensuite négocié avec des transformateurs – Terra Lacta acceptant de conditionner les produits – et les distributeurs – Leclerc a accepté de les distribuer.

Tout litre de lait portant la marque Mont Lait permet de versement de 10 centimes à l’association des producteurs de montagne qui en reverse 2,5 ou 3 à l’entreprise collectrice tandis que le reste revient directement aux producteurs. L’objectif de cette répartition est de garantir la pérennité de l’ensemble de la filière.

L’offre de la marque Mont Lait s’est étoffée au fil des années : en 2013 les premiers litres de lait ont été commercialisés, qui se sont élevés à un million en 2014, deux millions en 2015, six millions en 2017, avec un palier à 6 ou 7 millions entre 2017 et 2019, s’expliquant sans doute par l’offre abondante et les nombreuses démarches départementales et régionales initiées. En 2015, sur proposition d’une PME, la marque Mont Lait a commencé à produire une raclette, dans les mêmes conditions. Celle-ci a reçu un bon accueil. Un beurre a ensuite été produit, qui rencontre davantage de difficultés de lancement.

 

La nécessité de mieux valoriser les deux tiers du lait collecté en montagne hors SIQO exige cependant la mise en place d’une initiative plus fédératrice, large et unifiée, éventuellement sous l’égide des pouvoirs publics.


—  1  —

 

Lors des auditions, un projet de développement d’une marque ombrelle par les acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été évoqué à plusieurs reprises ([47]) (voir encadré ci-dessous)

Les premières étapes du développement d’une marque ombrelle nationale

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) a confirmé qu’il suivait depuis février 2020 un nouveau projet de valorisation des produits laitiers de montagne, conduit sous l’égide d’une association d’utilisateurs d’une marque collective. Un groupe de travail a été monté au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec les entreprises de transformation qui souhaitent y participer, mais la démarche a l’ambition de couvrir toutes les zones de montagne françaises et d’intégrer à terme des acteurs de la distribution. L’objectif est d’accroître la valorisation des produits agricoles issus de la montagne par la marque collective et d’obtenir une meilleure rémunération des acteurs de la filière laitière et en particulier des producteurs localisés en zone de montagne.

Le projet de cahier des charges tient notamment compte de la réglementation européenne sur l’utilisation de la mention de qualité afférente aux produits de montagne mais intègre également d’autres éléments propices à la valorisation des produits (sans OGM, 120 jours de pâturage minimum, seuil de chargement, adhésion à la charte des bonnes pratiques d’élevage, 70 % au moins d’herbe dans l’alimentation…). L’analyse juridique en terme de droit de concurrence se poursuit de la part du groupe. L’adoption des statuts de l’association pour la structuration des filières laitières de montagne et la désignation des premiers membres du Conseil d’administration sont prévues courant juillet 2021 par le groupe, ce qui doit permettre l’avancée du projet.

Le projet de cahier des charges présente, à cet égard, des caractéristiques intéressantes : il importe notamment de capitaliser sur l’image de la montagne (naturalité, pureté) mais aussi d’adosser celle-ci à de véritables garanties pour le consommateur, au regard notamment des modes de production, du respect de l’environnement et du bien-être animal. Celui-ci pourrait également intégrer l’obligation de transformation du produit en zone de montagne afin d’y garantir le maintien des ateliers de transformation et du tissu industriel.

Le travail mené dans le cadre de la marque « Mont Lait », vertueux, mérite également d’être mis en valeur comme modèle :

–  Il apparaît particulièrement important, afin d’éviter que la valeur ainsi créée soit captée par l’aval de la filière, de prévoir la juste rémunération des producteurs de lait, fondée contractuellement sur un prix d’achat supérieur à celui de la plaine ou sur le reversement automatique d’une fraction du prix consommateur, comme dans le cas de « Mont Lait ». Cette démarche de juste rémunération, qui répond à une attente du consommateur et s’inscrit pleinement dans la démarche des états généraux de l’alimentation (EGA) et de la loi dite « EGALIM » ([48]),

–  En outre, afin de garantir la pérennité de la filière dans son ensemble, il paraît également intéressant de prévoir le versement d’une fraction du prix versé par le consommateur à l’entreprise de collecte.

Proposition n° 1 : accélérer et amplifier la démarche initiée en Auvergne-Rhône-Alpes pour la mise en place d’une marque ombrelle destinée à valoriser les produits laitiers issus des zones de montagne. Le cahier des charges devra garantir aux consommateurs une qualité spécifique du produit, un haut degré de respect de l’environnement et du bien-être animal. L’expérience de la marque « Mont Lait » pourrait également être invoquée afin de garantir la juste rémunération des producteurs et le maintien en montagne des entreprises de collecte, via une répartition adaptée de la valeur ajoutée.

b.   Renforcer la mention valorisante « produit de montagne » et permettre l’inscription de ces produits dans la liste des 50 % de produits de qualité imposés dans la restauration collective par la loi dite « EGALIM » ou envisager la reconnaissance d’une spécialité traditionnelle garantie (STG)

i.   La mention valorisante européenne « produit de montagne »

L’absence de valorisation et de différenciation des produits issus de la filière laitière de montagne est d’autant plus surprenante qu’il existe depuis 2012 une mention valorisante « produit de montagne » reconnue et protégée tant au niveau européen que national. Son utilisation est régie par le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (article 31, en particulier) ainsi que par le règlement délégué (UE) n° 665/2014 de la commission du 11 mars complétant le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les conditions d’utilisation de la mention de qualité facultative « produit de montagne ».

Extraits du règlement délégué (UE)
 665/2014 de la Commission du 11 mars 2014

Article 2

Aliments pour animaux

1. Aux fins de l’article 31, paragraphe 1, point a), du règlement (UE) no 1151/2012, les aliments pour animaux d’élevage sont réputés provenir essentiellement des zones de montagne si la proportion de la ration fourragère annuelle qui ne peut pas être produite dans des zones de montagne, exprimée en pourcentage de matière sèche, ne dépasse pas 50 % et, dans le cas des ruminants, 40 %.

2. Par dérogation au paragraphe 1, en ce qui concerne les porcins, la proportion des aliments pour animaux qui ne peuvent pas être produits dans des zones de montagne, exprimée en pourcentage de matière sèche, ne représente pas plus de 75 % de la ration fourragère annuelle.

3. Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux aliments pour animaux transhumants visés à l’article 1er, paragraphe 3, lorsqu’ils sont élevés à l’extérieur des zones de montagne.

Article 6

Opérations de transformation à l’extérieur des zones de montagne

1. Par dérogation à l’article 31, paragraphe 1, point b), du règlement (UE) n 1151/2012 et à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du présent règlement, les opérations de transformation suivantes peuvent avoir lieu à l’extérieur des zones de montagne, à condition que la distance de la zone de montagne concernée ne dépasse pas 30 km :

a) les opérations de transformation pour la production de lait et de produits laitiers dans les installations de transformation en fonctionnement le 3 janvier 2013;

b) l’abattage des animaux ainsi que la découpe et le désossage des carcasses;

c) le pressage de l’huile d’olive

2. En ce qui concerne les produits transformés sur leur territoire, les États membres peuvent décider que la dérogation prévue au paragraphe 1, point a), ne s’applique pas, ou que les installations de transformation doivent être situées à une distance, à préciser, de moins de 30 km de la zone de montagne concernée.

La mention valorisante nationale « montagne » complète le dispositif européen. Elle concerne les produits agricoles non alimentaires et non transformés et les produits destinés à la consommation humaine non éligibles à la mention européenne « Produit de montagne », qui sont produits et élaborés dans les zones de montagne. Il s’agit notamment des eaux de source, des spiritueux et des plantes aromatiques. La mention valorisante nationale « montagne » tout comme la mention européenne « produit de montagne » qu’elle complète, font l’objet d’une reconnaissance aux articles L. 641-14 à L. 641-17 du code rural et de la pêche maritime.

Les produits de la filière laitière de montagne s’inscrivent pleinement dans la définition de la mention valorisante européenne « produit de montagne ». Celle-ci peut être cumulée avec une AOP ou une IGP.

Cette mention présente cependant plusieurs faiblesses :

–  elle n’est pas adossée à un cahier des charges ;

–  son identification visuelle est rendue malaisée pour le consommateur, du fait d’une absence de logo.

L’exemple roumain de l’utilisation de la mention « produits de montagne »

L’association européenne multi-sectorielle pour la coopération et le développement des zones de montagne, Euromontana, distingue les pays qui témoignent d’une mise en œuvre active de la législation (Autriche, France, Allemagne, Italie, Roumanie, Slovénie, République tchèque, Bulgarie, Croatie) de ceux qui n’ont pas encore adapté leur législation nationale (Portugal, Espagne, Royaume-Uni/Écosse, Chypre, Slovaquie, Pologne, Finlande, Suède).

Le cas de la Roumanie apparaît particulièrement éclairant. En Roumanie, 9,15 % de la production agricole roumaine provient de montagne, soit 0,7 % de la production de montagne de l’UE. Le pays est l’un des États membres les plus actifs dans l’application de la mention « produit de montagne ». Il a fait le choix de ne pas autoriser la dérogation sur la distance de transformation (réduite à zéro kilomètre). L’Agence nationale de la montagne, qui fait partie du ministère de l’agriculture et du développement rural, est chargée de coordonner les entités locales dans la mise en œuvre de la mention de qualité. L’analyse des demandes d’utilisation de la mention, les autorisations d’utilisation de celle-ci et le suivi des utilisateurs de la mention sont réalisés au niveau local. L’Agence nationale de la montagne garde la trace des utilisateurs de la mention dans le registre national des produits de montagne. Ainsi, la Roumanie est le seul pays ayant choisi d’adopter une procédure d’autorisation préalable approfondie avant l’autorisation de l’utilisation de la mention par les producteurs. Depuis juillet 2017, 573 produits ont été enregistrés dans le cadre de la mention : 264 produits laitiers, 9 viandes et produits à base de viande, 183 fruits et légumes, 107 produits apicoles, 9 produits à base de poisson et 1 produit de boulangerie et de pâtisserie. Cette importante augmentation du nombre de produits bénéficiant de la mention s’explique par quatre raisons principales, selon M. Danut Gitan, directeur de l’agence nationale de la montagne : a) la centralisation du processus d’obtention de la mention par l’Agence nationale de la montagne, qui vise à soutenir le développement à long terme des zones de montagne et qui a été officiellement créée par la nouvelle Loi Montagne roumaine b) l’assurance pour le consommateur que le produit vient effectivement de montagne, puisque l’ensemble du processus est certifié par les autorités publiques c) un logo et une base de données nationale pour donner plus de visibilité aux produits d) une forte campagne de communication dans les médias (TV, radio, journaux, Internet, participation des producteurs à de grandes manifestations nationales pour sensibiliser les consommateurs de la valeur ajoutée des produits de montagne).

ii.   La spécialité traditionnelle garantie (STG)

La spécialité́ traditionnelle garantie (STG) correspond à un produit dont les qualités spécifiques sont liées à une composition, des méthodes de fabrication ou de transformation fondées sur une tradition. Elle est ainsi caractérisée par la spécificité et l’aspect traditionnel, sans toutefois que celui-ci ne présente nécessairement de lien avec son origine géographique. Elle ne s’applique qu’à des produits ou denrées alimentaires. Ses règles d’élaboration sont inscrites dans un cahier des charges et font l’objet de procédures de contrôle mises en œuvre par un organisme indépendant agréé par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). Elle est régie par le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires et l’article L. 641-12 du code rural et de la pêche maritime.

Lors de son audition, le 29 juin 2021, Mme Marie Guittard, directrice de l’INAO a évoqué l’exemple de la STG « lait de foin » (« Heumilch »), déposée par des producteurs autrichiens. Celle-ci est ouverte à l’ensemble des producteurs des États-membres. Elle garantit une alimentation sans OGM et sans aliment fermenté, composée à 75 % d’herbe ou de foin. Elle est ouverte depuis mars 2016 pour le lait de vache et depuis mars 2019 pour le lait de chèvre et le lait de brebis. Actuellement, 70 producteurs de lait de vache sont certifiés « STG Lait de Foin » en France.

Une démarche similaire pourrait être envisagée pour le lait de montagne et les produits laitiers qui en sont issus. La procédure, rappelée à vos Rapporteurs par Mme Marie Guittard, peut-être assez simple et rapide : un groupe d’opérateurs définit cahier des charges comme pour une AOP ou IGP, puis dépose le dossier auprès de l’INAO, qui le soumet à ses instances et émet un avis favorable à la transmission ou pas de ce cahier des charges pour enregistrement à Bruxelles. Il fait ensuite l’objet d’un examen par la Commission européenne au regard des exigences européennes et peut enfin être enregistré. La STG est alors ouverte à l’ensemble des producteurs européens. Mme Marie Guittard soulignait qu’un dossier rigoureusement préparé pouvait prétendre aboutir dans un délai de douze à dix-huit mois.

L’intérêt d’une telle démarche est, notamment, de permettre l’intégration des produits ainsi identifiés dans le cadre de la liste des 50 % de produits de qualité et durables devant être servis dans la restauration collective publique (voir ci-dessous).

iii.   Inclure les « produits de montagne » dans la liste des 50 % de produits de qualité et durables servis dans la restauration collective publique

L’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi dite EGALIM précitée prévoit qu’à compter du 1er janvier 2022, les restaurants collectifs d’établissements chargés d’une mission de service public seront tenu de servir 50 % de produits de qualité et durables, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Pour l’application générale de cet article 24, le décret n° 2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, pris après avis du Conseil d’État, précise les catégories de produits entrant dans le décompte et les modalités de suivi et de mise en œuvre de ces objectifs. Les produits de montagne ne sont pas reconnus au sein de cette liste qui comporte pourtant les produits bénéficiant des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou des mentions valorisantes suivants : le Label rouge, l’appellation d’origine (AOC/AOP), l’indication géographique (IGP), la mention « issu d’une exploitation à haute valeur environnementale » (HVE), la mention « fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » (uniquement pour les produits pour lesquels existe une définition réglementaire des conditions de production), mais aussi la spécialité traditionnelle garantie (STG) (voir développement ci-dessus). Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) indique, dans ses réponses écrites à vos Rapporteurs, que les mentions valorisantes « produit de montagne » et « Montagne » ne rentrent pas dans ce cadre car les règles auxquelles leur usage est subordonné sont exclusivement fondées sur la provenance des produits, et non pas sur des critères en lien avec la qualité des produits ou la préservation de l’environnement.

Proposition n° 2 : Inclure les produits bénéficiant de la mention valorisante « produits de montagne » dans la liste des 50 % de produits durables et de qualité devant être servis dans la restauration collective à compter du 1er janvier 2022 aux termes de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi dite « EGALIM » ou favoriser la création d’une spécialité traditionnelle garantie (STG) « lait de montagne », cette dernière catégorie figurant déjà au sein de la liste des produits durables et de qualité.

B.   Compenser les surcoÛts rÉsultant des handicaps naturels et envisager la rÉtribution des services environnementaux rendus par l’Élevage

1.   État des négociations de la prochaine politique agricole commune (PAC)

Les négociations pour la politique agricole commune (PAC) post-2020 ont débuté avec une consultation publique au printemps 2017, une communication politique de la Commission européenne en novembre 2017, puis des propositions de règlements européens en juin 2018 ([49]).

Dans le cadre de cette nouvelle PAC, une évolution majeure est introduite : dans chaque État-membre un plan stratégique national de la politique agricole commune (PSN PAC) est établi pour sept ans, définissant les interventions et les modalités de mise en œuvre de la PAC à l’échelle nationale et couvrant les deux piliers de la PAC (financés respectivement par le Fonds européen agricole de garantie et le Fonds européen agricole pour le développement rural). Le PSN PAC de chaque État membre doit être approuvé par la Commission européenne.

En France, après une large consultation des parties prenantes et un débat public ([50]), le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a présenté les grands arbitrages du plan stratégique national (PSN) vendredi 21 mai 2021.

La montagne dans la PAC 2014-2020

Concernant le premier pilier de la PAC, les élevages laitiers en zone de montagne bénéficient des aides découplées (paiement de base, paiement redistributif, paiement vert et, le cas échéant, paiement aux jeunes agriculteurs). Dans ce cadre, les élevages de montagne, y compris les élevages laitiers ont bénéficié de la convergence des aides découplées opérées sur la programmation 2015-2020. Pour mémoire cette convergence correspond à un transfert global à l’échelle nationale de 700 M€.

En outre, l’élevage laitier en zone de montagne est soutenu par l’aide aux bovins laitiers (ABL) en zone de montagne, destinée aux producteurs de lait dont le siège d’exploitation est situé en zone de haute montagne, montagne et piémont, au sens de l’article D. 113-13 du code rural et de la pêche maritime. Ce soutien représente chaque année environ 43 M€ permettant de verser environ 80 € par vache laitière dans la limite de 30 par exploitation.

Pour la campagne 2020, les montants unitaires de l’aide aux bovins laitiers ont été :

– 84 € pour les exploitations situées en zone de montagne ;

– 41 € pour les exploitations situées hors zone de montagne.

Concernant le second pilier de la PAC, les éleveurs laitiers de montagne bénéficient également de l’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). Depuis sa création en 1976, l’ICHN vise à maintenir une agriculture viable dans des zones fragiles. L’ICHN apporte, chaque année, une compensation financière venant corriger les différences de revenus qui existent entre les exploitations situées en zones défavorisées et celles du reste du territoire. Depuis 2014, le budget de l’ICHN a été fortement revalorisé, avec près de 80 % d’augmentation, pour atteindre désormais chaque année une enveloppe d’un peu plus d’1,1 milliard d’euros. Cette aide représente près de 680 M€ en zone de montagne, dont une part revient à l’élevage laitier, pour un montant moyen de plus de 15 000 € par exploitation.

Dans le cadre de la programmation 2014-2020, les élevages de montagne, y compris les élevages laitiers ont ainsi bénéficié de la convergence des aides découplées ainsi que de la revalorisation de l’ICHN (cf. carte ci-dessous).

Source : MAA

 

a.   L’importance du maintien de l’ICHN

L’ICHN, bien que ne compensant que partiellement les surcoûts induits par les handicaps naturels pesant sur les activités agricoles en zone de montagne, constitue le dispositif clef du second pilier de la PAC et de la politique de développement rural (voir supra).

Il était donc essentiel qu’elle soit maintenue dans le cadre de la prochaine PAC 2023-2027. Vos Rapporteurs, qui n’ont eu de cesse de défendre ce maintien, se réjouissent que les grands arbitrages du plan stratégique national (PSN) présentés par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation le 21 mai 2021 confirment le maintien, pour la période 2023-2027 du budget actuellement alloué à l’ICHN, représentant 1,1 milliard d’euros par an.

Au sein de de cette enveloppe, près de 700 M€ seront ainsi versés annuellement en zone de montagne. Cette indemnité est maintenue aussi bien dans son ciblage que dans son budget de 1,1 milliards d’euros. Ce dernier est conservé, malgré la baisse du taux de financement européen qui passe de 75 % à 65 %, grâce à l’effort de l’État dont la contribution augmentera à due proportion, à hauteur de 108 millions d’euros. Ce soutien massif doit permettre tout à la fois de maintenir des exploitations viables en zone de montagne et compte tenu des modalités d’octroi, d’encourager en particulier l’élevage extensif, à forte autonomie et peu d’intrants.

Proposition n° 3 : Maintenir, voire élever le montant de l’ICHN, qui doit demeurer centrée sur l’élevage.

b.   Rémunérer les services écosystémiques rendus par l’élevage

La tribune signée par 47 députés de montagne en faveur d’une PAC au service de l’élevage en zones de massifs, le 17 février 2021 (voir supra), exigeait la rémunération de l’ensemble des services environnementaux rendus par les exploitations familiales et herbagères des zones de montagne dans le cadre de la PAC 2023-2027.

La prise en compte des aménités positives résultant de l’élevage en zone de montagne est aux yeux de vos Rapporteurs un enjeu essentiel.

Cette question a d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses études, destinées à évaluer la valeur de ces services afin d’en permettre la juste rémunération. Ainsi, un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) consacré à l’évolution de l’élevage dans le Massif central proposait trois simulations de paiements pour services écosystémiques reposant sur trois composantes (espace/main-d’œuvre/technicité) ([51]).

Cette rémunération des services écosystémiques rendus doit reposer sur la reconnaissance de l’existant, c’est-à-dire les contributions positives de l’élevage herbager tel qu’il existe aujourd’hui.

Proposition n° 4 : Plaider, dans le cadre des négociations sur la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 pour une rémunération des services écosystémiques rendus par l’élevage de montagne.

2.   Au niveau national

a.   L’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés dans le cadre de la collecte du lait en zones de montagne : une mesure voulue par le législateur et demeurée inappliquée depuis 2016, faute de décret d’application

Ainsi que cela a été souligné par vos Rapporteurs, l’article 61 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne prévoyait une exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui devait bénéficier aux véhicules utilisés dans le cadre de la collecte du lait en zones de montagne. Cette mesure, voulue par le législateur, n’est toujours pas applicable. La prise du décret, nécessaire à sa mise en œuvre, nécessitait une saisine de la Commission européenne qui n’a toujours pas été initiée par le Gouvernement. Vos Rapporteurs souhaitent que le pouvoir exécutif saisisse rapidement la commission européenne pour pris de décret ou, en cas de nonvalidation du dispositif par la Commission européenne et le Conseil, la mise en place d’une mesure équivalente de soutien à la collecte, inspirée éventuellement de l’aide existant dans le Tyrol du Sud (voir supra).

Proposition n° 5 : Publier rapidement le décret permettant la mise en œuvre de l’article 61 de la loi dite « Montagne II » relatif à l’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés pour la collecte de lait en montagne ou, à défaut, mettre en œuvre un dispositif équivalent d’aide à la collecte, éventuellement inspiré de celui existant dans le Sud-Tyrol.

b.   Renforcer les aides à l’investissement

L’Union européenne soutient le développement rural dans les États‑membres avec le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) sur la base du règlement (UE) 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013. Le FEADER cofinance des politiques de développement agricole et rural nationales inscrites dans les programmes de développement rural régional (PDRR), définis selon les périmètres des anciennes régions administratives. En tant qu’autorités de gestion du FEADER pour la programmation 2014-2020, les conseils régionaux conduisent l’élaboration, la mise en œuvre et la gestion des PDRR de leur territoire. La mise en œuvre de ces programmes est assurée en partenariat avec les services de l’État. Elle implique les cofinanceurs nationaux qui interviennent en contrepartie du FEADER. Dans ce cadre, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE), adossé à la mesure n° 4 des PDRR, permet notamment de soutenir les investissements visant à améliorer la performance économique, environnementale et sociale des exploitations agricoles. Il se décline en dispositifs d’aide sous forme d’appels à projets au niveau de chaque PDRR, échelonnés dans le temps. Pour certains PDRR (Aquitaine, Midi-Pyrénées), les autorités de gestion ont fait le choix d’ouvrir un dispositif propre au soutien à la réalisation d’investissements spécifiques à la montagne. L’objectif est de pallier le handicap naturel et l’importance des surcoûts engendrés par l’acquisition à titre individuel ou en copropriété de matériel agricole spécifique indispensable sur les terrains pentus (matériels de fenaison, de traction, d’entretien ou d’épandage des effluents d’élevage). De 2015 à 2020, près de 300 dossiers d’investissement, toutes filières confondues, ont ainsi été sélectionnés dans le cadre de ces dispositifs, représentant une subvention publique d’environ 2,3 M€ (cofinancés à hauteur de 70 % par le FEADER, 13 % par les crédits du MAA et 17 % par ceux des collectivités).

Vos Rapporteurs souhaitent que toutes les régions possédant des zones de montagne au sein de leur territoire fassent le choix d’ouvrir un dispositif dédié au soutien d’investissements spécifiques à la montagne.

Concernant l’aval de la filière, des aides spécifiques aux investissements pourraient être envisagées afin de contribuer au maintien des outils de transformation en zone de montagne (voir proposition n° 6).

C.   CrÉer un dispositif complet et cohÉrent destinÉ À soutenir la revitalisation des zones de montagne sur le modÈle des zones de revitalisation rurale (ZRR)

Au-delà de la seule compensation des handicaps naturels et de la juste reconnaissance des services écosystémique, vos Rapporteurs estiment absolument urgent de mettre en place dans les zones de montagne un cadre fiscal et réglementaire spécifique pour la filière laitière.

Celui-ci pourrait, avec profit, s’inspirer des dispositifs mis en œuvre dans le cadre des zones de revitalisation rurale (ZRR) qui ont pour objectif d’aider le développement des entreprises sur les territoires ruraux à travers des mesures fiscales et sociales (voir encadré ci-dessous).

Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont été instaurées en 1995 par les articles 42 et 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT).

L’objectif est de créer un environnement réglementaire et fiscal favorable aux entreprises créatrices d’emplois dans les zones rurales les moins peuplées et les plus touchées par le déclin démographique et économique.

Sous certaines conditions liées aux effectifs et à la nature de la l’activité, les exonérations possibles sont les suivantes :

– une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés qui peut être accordée à une entreprise créée ou reprise avant le 31 décembre 2022 ;

– une exonération de contribution économique territoriale (CET) pour cinq ans maximum (contribution foncière des entreprises CFE et contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)) ;

– une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et une exonération de taxe d’habitation ;

– les collectivités territoriales et les EPCI peuvent exonérer de taxe d’habitation les hôtels, meublés de tourisme et chambres d’hôtes situés dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) ;

– Les entreprises implantées en ZRR, peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales pour l’embauche du premier au cinquantième salarié. Cette exonération d’une durée maximale d’un an (à compter de la date d’embauche du salarié) est totale pour une rémunération horaire inférieure ou égale à 150 % du SMIC puis décroît de manière dégressive et s’annule pour une rémunération horaire égale ou supérieure à 240 % du SMIC. La loi de finances pour 2021 a prolongé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022.

La transposition d’un tel régime pour la filière laitière dont l’activité se situe en zone de montagne (correspondant aux zones ICHN, par exemple) apparaît de nature à permettre le maintien et l’installation d’entreprises de la filière dans ces zones. Vos Rapporteurs recommandent donc d’adapter les dispositifs fiscaux et sociaux mis en œuvre dans le cadre des ZRR pour la filière laitière en zone de montagne.

Ce régime doit être complétée par des aides publiques à l’investissement en zone de montagne, ouvertes non seulement aux exploitations agricoles
– comme c’est le cas, dans certains départements, de l’aide aux investissements pour la mécanisation en montagne dont les fonds sont issus du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) – mais aussi aux entreprises de collecte et de transformation.

Proposition n° 6 : Mettre en œuvre, sur le modèle des dispositions d’exonérations fiscales et sociales existant dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), un cadre fiscal et règlementaire spécifique à la filière laitière en zone de montagne. Compléter ce dispositif par des aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne.

En outre, vos Rapporteurs ont été fréquemment alertés, lors de leurs auditions, par les difficultés suscitées par la règle européenne « de minimis », qui prévoit qu’une même entreprise ne peut recevoir un montant excédant 200 000 € d’aides appartenant à cette catégorie sur une période de trois exercices fiscaux ([52]). Cette règle entraîne de facto l’exclusion des plus grands groupes des aides pouvant être accordées, alors même que leur présence en zone de montagne est essentielle et qu’il leur est aisé de déplacer leurs activités en zones de plaine. Vos Rapporteurs suggèrent donc une territorialisation des aides, afin de ne pas pénaliser ces entreprises et de dissocier nettement leurs activités en zone de montagne des autres activités. Le règlement dit « de minimis » a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023 par le règlement (UE) 2020/972 de la Commission du 2 juillet 2020.

Proposition n° 7 : Envisager, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, une évolution des règles relatives aux aides dites « de minimis » afin de permettre la territorialisation de celles-ci et d’exclure de ce régime les aides destinées au soutien de la filière laitière en zone de montagne.

D.   Pour assurer la pÉrénnitÉ de la filiÈre sur le long terme : Renouvellement des gÉnÉrations, attractivitÉ des mÉtiers et prÉservation du foncier agricole

1.   Créer un environnement favorable à l’emploi en zone de montagne, en accélérant notamment le déploiement des moyens de communication

L’emploi en zone de montagne rencontre des limites qui excèdent le seul champ de la filière laitière. Il apparaît donc important à vos Rapporteurs de rappeler d’emblée que l’attractivité de ces zones tient à la mise en place d’un cadre globalement plus favorable à l’emploi.

En ce domaine, deux enjeux sont, à leurs yeux, prioritaires :

– la question des moyens de communication, avec la nécessité d’accélérer le déploiement de la couverture numérique des territoires de montagne. Dans ce contexte, l’accroissement des moyens attribués à au Plan France Très Haut Débit France pour garantir la couverture intégrale des territoires de montagne en fibre optique d’ici 2025 est nécessaire. Il est également indispensable de veiller au maintien de la pression du régulateur sur les opérateurs pour assurer le respect des engagements pris dans le cadre du New Deal mobile, visant notamment à résorber les zones blanches en territoires de montagne. En effet, en zone de montagne, 30 % des consommateurs ne disposaient pas, en 2018, d’une connexion à internet de qualité minimale contre 10 % sur l’ensemble du territoire national ([53]). Le rapport (n° 2735) d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne souligne que la situation de la couverture mobile en montagne a été considérablement améliorée depuis l’adoption de la loi il y a trois ans, notamment par la définition d’un « New Deal mobile » ([54]). Si la couverture mobile des territoires de montagne, tout en restant inférieure au reste du territoire national, a progressé deux fois plus vite qu’ailleurs, il demeure treize points d’écart entre le taux de couverture national (91,3 %) et le taux en montagne (78,1 %) en 2017, et cet écart est de 6 points (97,7 % / 91,4 %) en 2019 ([55]). S’agissant de la couverture numérique fixe des territoires, le bilan est encore plus contrasté, mais des avancées ont pu être réalisées, au travers notamment du plan « France Très Haut Débit ». La nécessité d’améliorer la qualité du réseau filaire fixe ainsi que la fiabilité des données en matière de couverture numérique demeure néanmoins toujours pressante ;

Proposition n° 8 : Accélérer le déploiement de la couverture numérique des territoires de montagne, en accroissant les moyens octroyés dans le cadre du Plan France Très Haut Débit afin de garantir la couverture intégrale en fibre optique d’ici 2025 et en renforçant la pression exercée sur les opérateurs pour respecter les engagements relatifs à la résorption des zones blanches dans le cadre du New Deal.

– En outre, la question de l’emploi du conjoint constitue un frein important au recrutement de personnels issus d’autres régions. Il paraît difficile d’apporter une solution à cette problématique dans le cadre de propositions d’ordre général, mais cet enjeu doit constituer un objet de réflexion pour les pouvoirs publics, en particulier les collectivités locales, et les acteurs de la filière.

2.   Favoriser l’installation des jeunes et faciliter la transmission des exploitations agricoles

La faible attractivité des métiers de la filière laitière est une problématique sensible sur l’ensemble du territoire national et particulièrement aiguë en zone de montagne. Le CNIEL a ainsi signé un partenariat avec Fédération Léo Lagrange en 2020 et avait conduit, au premier semestre 2018, une campagne de communication sur les métiers de la filière laitière. Le CNIEL, en 2020, rappelait ainsi que 42 % des éleveurs laitiers ont plus de 50 ans et qu’avec 760 sites de production répartis partout en France, au plus près des fermes, l’industrie laitière totalise 60 000 emplois mais que 83 % des entreprises laitières interrogées rencontrent des difficultés dans leurs recrutements et regrettent un manque de candidatures.

Pour soutenir l’installation, la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est accordée en complément du paiement additionnel pour les jeunes agriculteurs sur le premier pilier. Le montant du socle de base de la DJA est fixé dans chaque région par zone, sur proposition du comité régional pour l’installation-transmission (CRIT). Ce montant doit s’inscrire dans les fourchettes suivantes définies dans le cadre national et rappelés par l’Instruction technique DGPE/SDC/2017-479 du 22 mai 2017 :

Outre un montant de base supérieur en zone de montagne, les installations qui s’effectuent dans ces zones peuvent également bénéficier de la modulation « coût de reprise / modernisation » dont le montant est souvent majorée dans ces zones. En effet, le montant de cette modulation est défini au niveau régional en fonction d’une grille qui précise, pour chaque fourchette de coût de reprise / modernisation, et par zone, le niveau de modulation du montant de base de la DJA correspondant. En Auvergne Rhône-Alpes, par exemple, le montant de cette modulation en zone de montagne peut être supérieur de 3 000 à 7 000 € au montant de cette même modulation, lorsqu’elle est activée en zone de plaine. En Bourgogne Franche-Comté, ce différentiel est compris entre 3 000 et 4 000 € en fonction du niveau d’investissement du projet d’installation. Dans ce cadre, les DJA pour les installations en filière laitière en zone de montagne représentent une part significative des DJA attribuées, tant au niveau national (10 % des DJA attribuées en 2020) qu’au niveau des zones de montagnes (39 % des DJA attribuées en zone de montagne) (voir tableaux ci-après) ([56]).


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Nombre de dja attribuÉes en 2020 (dja cofinancÉes feader en mÉtropole)

 

Sur l’ensemble des zones

En % du total des DJA

En zone de montagne

En % du total des DJA en ZM

Bovins lait

 871

18,8 %

 308

26,9 %

Caprins

 140

3,0 %

 59

5,2 %

Ovins lait

 105

2,3 %

 80

7,0 %

TOTAL DJA en filière lait

 1 116

24,0 %

 447

39,1 %

TOTAL général DJA

 4 643

100,0 %

 1 144

100,0 %

 

Nombre de dja attribuÉes en filiÈre lait en zone de montagne sur 2015-2020

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Moyenne

2015-2020

Bovins lait

264

305

280

339

292

308

298

Caprins

41

53

49

54

64

59

53

Ovins lait

67

79

70

76

88

80

77

TOTAL DJA en filière lait en zone de montagne

372

437

399

469

444

447

428

Dans le cadre de leur audition par vos Rapporteurs, Mme Justine Fusi, membre du bureau des Jeunes Agriculteurs (JA) et M. Guillaume Defraiteur, conseiller productions animales et relations commerciales de la même organisation ont souligné que les jeunes repreneurs en zone de montagne étaient caractérisés par une augmentation de leur âge moyen et une augmentation du taux de féminisation, ainsi que par une part plus importante d’installations hors cadre familial – dans les Alpes, par exemple, sur l’ensemble des productions, les installations hors cadre familial sont de l’ordre de 40 % du total des installations, contre environ 25 % sur l’ensemble du territoire.

Regrettant le caractère lacunaire des données disponibles sur les installations et les transmissions, les représentants des Jeunes Agriculteurs ont plaidé pour le rétablissement d’un Observatoire national de l’installation et de la transmission (ONIT), tel qu’il existait de 2006 à 2011. Ils proposent également la création d’un guichet unique, le « point accueil formation installation transmission » (PAFIT) qui permettrait une meilleure coordination des porteurs de projets en réunissant les parties prenantes à l’installation et à la transmission. Certains projets menés localement méritent toute l’attention des pouvoirs publics : c’est le cas en Isère, Savoie, Haute-Savoie et dans l’Ain, du fonds d’accompagnement à la succession et à la transmission (FAST), qui permet aux agriculteurs désirant céder leur exploitation à un jeune de bénéficier d’un accompagnement personnalisé incitatif et encadré durant les cinq années qui précèdent leur cessation d’activité effective.

Proposition n° 9 : Favoriser l’installation et la transmission par le rétablissement d’un observatoire national de l’installation et de la transmission (ONIT) et la création d’un guichet unique, le « point accueil formation installation transmission » (PAFIT) qui permettrait une meilleure coordination des porteurs de projets en réunissant les parties prenantes à l’installation et à la transmission.

3.   Accroître l’attractivité des métiers de l’aval de la filière

Avec plus de 20 000 emplois non pourvus, le secteur agroalimentaire doit faire face à de forts besoins en emplois et à d’importants renouvellements de main-d’œuvre. Pour cela, de nombreuses initiatives, nationales et locales, sont déployées en faveur de l’attractivité et de la fidélisation des salariés de la filière sur les territoires, ainsi que l’ont rappelé les représentants du ministère de l’agriculture et de l’alimentation lors de leur audition par vos Rapporteurs. Elles visent à instaurer et entretenir des dynamiques et synergies entre les acteurs (employeurs, acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion), au bénéfice de l’emploi dans la filière alimentaire, sur l’ensemble du territoire.

Certaines actions sont portées par l’opérateur de compétences OCAPIAT, notamment dans le cadre de la Charte emploi. D’autres sont mises en œuvre par l’État, en particulier via l’organisation chaque année de la Semaine de l’industrie. En parallèle, les professionnels du secteur, représentés par l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et La Coopération Agricole, se sont engagés à des actions en faveur de l’emploi et de l’attractivité des métiers dans le cadre du contrat stratégique de la filière alimentaire (CSFA), dans la suite d’une campagne de communication réalisée en 2019. Dans le cadre de France Relance, Mme Annick Girardin, Ministre de la mer, et M. Julien Denormandie, Ministre de l’agriculture et de l’alimentation, ont lancé le 1er juillet 2021 une vaste campagne de communication #EntrepreneursDuVivant sur l’attractivité des métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, du paysage, de la pêche et de l’aquaculture. Elle sera diffusée au mois de juillet sur différents canaux (télévision, presse quotidienne nationale et régionale) et suivie d’une deuxième vague de diffusion en septembre complétée par une campagne d’affichage sur l’ensemble du territoire et relayée par un dispositif numérique s’adressant tout particulièrement aux jeunes jusqu’en novembre.

La stratégie d’accélération « alimentation durable et favorable à la santé » prévoit en outre des actions fortes pour traiter la question de l’attractivité et de l’évolution des métiers du secteur. Une étude devrait être lancée sur le sujet fin 2021, qui sera suivie d’un appel à projets pour soutenir des initiatives innovantes en la matière.

Plus spécifiquement sur l’élevage, dans le cadre du GIS Avenir Élevages, un groupe de travail « Attractivité des métiers des filières d’élevages » s’est donné pour mission d’identifier les métiers des filières de l’élevage en tension, d’analyser leurs facteurs d’attractivité et leurs freins, de se projeter dans l’avenir en réalisant un travail prospectif sur l’évolution possible des métiers, afin d’envisager des pistes pour rendre les métiers plus attractifs. Dans un premier temps un état des lieux des métiers de l’élevage a été dressé ([57]). En ce qui concerne les métiers de la collecte et de la transformation du lait, les principaux freins identifiés sont la localisation – souvent dans des zones rurales peu attractives –et la recherche de chauffeurs-livreurs entrant en concurrence avec d’autres entreprises (ex : plateforme GMS). Au stade l’affinage, les candidats sont moins nombreux, car il s’agit de personnels formés dans les écoles nationales d’industrie laitière (ENIL). Les conditions de travail peuvent être difficiles (températures froides dans les caves, chaudes dans les fromageries, port de charges, cadences rapides pour respecter les commandes, horaires très matinaux, etc.). Des difficultés à recruter pour les métiers de la maintenance sont également notables. Quelques actions sont envisagées pour favoriser le recrutement, notamment via l’usage plus pertinent des réseaux sociaux et une réflexion sur les conditions de travail et la rémunération. Dans le prolongement de cet état des lieux, le GIS a mené un travail prospectif de janvier à mai 2021, pour le moyen terme (10-15 ans), à partir de scénarios préexistants, afin de réfléchir aux évolutions possibles des métiers et d’identifier les facteurs d’attractivité et de non attractivité. Il s’agit d’un outil pour engager la réflexion, des restitutions-discussions sont encore à organiser.

Un effort de communication autour de ces métiers paraît ainsi nécessiter un soutien public. Il est ainsi particulièrement important de valoriser les formations dispensées dans le cadre du réseau des écoles nationales d’industrie laitières (ENIL).

Le réseau des ENIL

 

Les écoles nationales d’industries laitières sont des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole. Généralement anciennes, il en existe six en France, respectivement situés :

– à Aurillac ;

– à La Roche sur Foron ;

– à Mamirolle ;

– à Poligny;

– à Saint-Lô ;

– et à Surgères.

Les six ENIL ont constitué, en janvier 2000, un réseau, qui compte 207 apprenants.

Ces écoles ont pour mission de former les personnels des entreprises agroalimentaires et biotechnologiques, mais également de contribuer au développement de ces secteurs d’activités.

Les formations proposées au sein des ENIL font l’objet d’une demande forte : le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué à vos Rapporteurs que 800 « vœux » (demandes d’admission) avaient été recensés dans ParcoursSup pour 200 places dans les ENIL pour la rentrée 2021 - 53 % des demandes provenant de l’Union européenne et 47 % de zones hors UE. Une stabilité de l’offre de formation a été constaté entre 2021 et 2020. On observe également pour ces formations un fort taux d’assiduité aux examen (97 % des inscrits passent l’examen terminal avec 82 % de taux de réussite).

Proposition n° 10 : Déployer une campagne nationale de communication sur les métiers de la filière laitière, de l’amont à l’aval, et les formations qui y conduisent, en valorisant notamment les formations dispensées dans le cadre des écoles nationales d’industries laitières (ENIL).

 

Proposition n° 11 : Accroître le nombre de places disponibles au sein des formations proposées dans les ENIL, pour répondre à la demande croissante des entreprises et à l’afflux de candidatures.

4.   Garantir la préservation du foncier agricole

Plusieurs difficultés spécifiques au foncier en zone de montagne pèsent sur le maintien de l’élevage et ont été relevées par les observateurs ([58]).

Les zones de montagne se caractérisent d’abord par l’importance des surfaces impropres à toute activité productive, des surfaces forestières et des parcours et terres collectives. En montagne, la surface agricole utile (SAU) représente moins de 30 % de ce territoire, contre plus de 50 % en moyenne nationale. Ce taux varie beaucoup selon les massifs, de près de 50 % dans le Massif central, à 10 % dans les Alpes du Sud et en Corse.

Cette faiblesse de la SAU, qui crée un phénomène d’indisponibilité des terres, est aggravée par le morcellement du foncier en de multiples parcelles, généralement exigües. Il en résulte des coûts d’acquisition des terres élevés au regard de leur potentiel agronomique réel.

L’augmentation du prix des terres en montagne s’explique également par la concurrence avec d’autres activités économiques dans les zones à fort potentiel touristique ou en voie d’urbanisation.

Cette pression foncière exercée sur les terres agricoles est renforcée par les contraintes du relief, qui conduisent à accentuer la pression sur les prairies de fauche dans le fond des vallées.

Il faut par ailleurs noter qu’en montagne, les limites d’âges pour la perception de l’ICHN ayant été levées, certains éleveurs pouvant prétendre à la retraite décident de poursuivre leur activité – souvent en la réduisant, voire en la limitant au strict minimum – pour continuer à bénéficier des aides dont le montant est, dans certains cas, supérieur à celui de la retraite. Le foncier exploité n’est donc pas libéré et mis à la disposition d’autres éleveurs.

Face aux défis de concurrence et de précarité foncière, des dispositifs de nature contractuelle permettent de faciliter l’accès au foncier pour les élevages pastoraux :

–  les associations foncières pastorales (AFP), qui regroupent des propriétaires de surfaces pastorales, publiques ou privés. Cela permet d’avoir une seule entité de gestion, cohérente, pour une mise en valeur pastorale et éventuellement forestière ou touristique (article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime [CRPM]) ;

–  les groupements pastoraux, agréés par l’État, qui réunissent sous des formes juridiques variées (sociétés, associations, syndicats, groupements d’intérêt économique) les éleveurs utilisant ensemble une ou plusieurs unités de pâturage (article L. 113-3 du CRPM). Interlocuteurs uniques et reconnus auprès des partenaires locaux (collectivités, Parcs naturels régionaux etc.). Les groupements ainsi constitués permettent de salarier un ou plusieurs bergers et de mobiliser des aides financières pour la conduite de projet d’améliorations pastorales ;

–  les conventions pluriannuelles de pâturage entre propriétaires fonciers et éleveurs. Elles permettent de concéder l’usage pastoral des surfaces en complémentarité avec d’autres utilisations, telles que forêt, activités de loisirs ou de chasse (article L. 481-1 du CRPM).

–  Il existe également des règles visant à limiter les constructions en zone de montagne (article L. 122-10 du code de l’urbanisme) ainsi que des outils de planification qui assurent une protection du foncier face à d’autres usages (zones agricoles protégées, périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains). Malgré leurs avantages, ces dispositifs sont encore relativement peu mobilisés par les collectivités territoriales situées en zone de montagne ou de piémont.

Il paraît essentiel à vos Rapporteurs de préserver le foncier agricole en zone de montagne, notamment en veillant à ce que les installations diverses n’empiètent pas excessivement sur la surface agricole utile et en excluant les agriculteurs en capacité de prétendre à une retraite à taux plein de l’ICHN – ce dernier enjeu allant de pair avec la revalorisation des retraites agricoles.

Proposition n° 12 : Mobiliser tous les leviers à la disposition des pouvoirs publics pour garantir la préservation du foncier agricole et exclure les agriculteurs pouvant prétendre à une retraite à taux plein du dispositif de l’ICHN, afin de mettre fin à un phénomène de rétention du foncier.

5.   Faire le lien entre la recherche et le monde agricole

Vos Rapporteurs souhaitent enfin souligner l’importance de maintenir, voire de renforcer les financements dévolus à la recherche en matière agricole et d’assurer une meilleure coopération entre la recherche et le monde agricole.

Lors de son audition, M. Bruno Martin, ingénieur de recherche à l’INRAe soulignait, par exemple, que la recherche sur les bénéfices des produits animaux issus de l’élevage à l’herbe pour la santé humaine et en matière de préservation de l’environnement, était faible du fait de l’absence d’intérêts financiers directs. Il existe ainsi une véritable responsabilité des pouvoirs publics de financer une recherche utile au bien commun, que les acteurs privés n’ont pas d’intérêts évidents à prendre en charge.

La recherche scientifique peut, en outre, permettre de mettre au jour des moyens agro‑environnementaux susceptibles de diminuer les surcoûts de production liés aux contraintes propres aux territoires de montagne, et d’adapter les espèces aux territoires, de travailler avec les systèmes forestiers pour trouver un équilibre entre la forêt et les zones d’élevage.

Proposition n° 13 : Renforcer les moyens de la recherche scientifique en matière agricole, notamment ceux relatifs à l’élevage pastoral, aux services agro-environnementaux qui y sont afférants et aux propriétés spécifiques des produits issus de ce type d’élevage

6.   De l’importance de la constance des politiques publiques soutenant la filière lait de montagne

De manière plus générale, vos Rapporteurs souhaitent insister, en conclusion de ce rapport, sur l’importance de maintenir des politiques publiques cohérentes et de long terme en matière de soutien à la filière, afin de gagner la confiance des acteurs et d’assurer la pérennité d’activités essentielles à la vie des zones de montagne.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 21 juillet 2021, la commission a examiné, le rapport de Mme Pascale Boyer et de M. Jean-Pierre Vigier sur la mission d’information sur la production laitière (hors AOP) en zone de montagne.

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/tS6JJ0

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information

 


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   Liste des propositions

1.   Structurer la filière et valoriser les produits laitiers de montagne

Proposition n° 1 : accélérer et amplifier la démarche initiée en Auvergne-Rhône-Alpes pour la mise en place d’une marque ombrelle destinée à valoriser les produits laitiers issus des zones de montagne. Le cahier des charges devra garantir aux consommateurs une qualité spécifique du produit, un haut degré de respect de l’environnement et du bien-être animal. L’expérience de la marque « Mont Lait » pourrait également être invoquée afin de garantir la juste rémunération des producteurs et le maintien en montagne des entreprises de collecte, via une répartition adaptée de la valeur ajoutée.

 

Proposition n° 2 : Inclure les produits bénéficiant de la mention valorisante « produits de montagne » dans la liste des 50 % de produits durables et de qualité devant être servis dans la restauration collective à compter du 1er janvier 2022 aux termes de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi dite « EGALIM » ou favoriser la création d’une spécialité traditionnelle garantie (STG) « lait de montagne », cette dernière catégorie figurant déjà au sein de la liste des produits durables et de qualité.

2.   Adopter un cadre réglementaire et fiscal adapté et renforcer les aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne

Proposition n° 3 : Maintenir, voire élever le montant de l’ICHN, qui doit demeurer centrée sur l’élevage.

 

Proposition n° 4 : Plaider, dans le cadre des négociations sur la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 pour une rémunération des services écosystémiques rendus par l’élevage de montagne.

 

Proposition n° 5 : Publier rapidement le décret permettant la mise en œuvre de l’article 61 de la loi dite « Montagne II » relatif à l’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés pour la collecte de lait en montagne ou, à défaut, mettre en œuvre un dispositif équivalent d’aide à la collecte, éventuellement inspiré de celui existant dans le Sud-Tyrol.

 

Proposition n° 6 : Mettre en œuvre, sur le modèle des dispositions d’exonérations fiscales et sociales existant dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), un cadre fiscal et règlementaire spécifique à la filière laitière en zone de montagne. Compléter ce dispositif par des aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne.

 

Proposition n° 7 : Envisager, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, une évolution des règles relatives aux aides dites « de minimis » afin de permettre la territorialisation de celles-ci et d’exclure de ce régime les aides destinées au soutien de la filière laitière en zone de montagne.

3.   Renforcer l’attractivité des métiers de la filière laitière de montagne

 

Proposition n° 8 : Accélérer le déploiement de la couverture numérique des territoires de montagne, en accroissant les moyens octroyés dans le cadre du Plan France Très Haut Débit afin de garantir la couverture intégrale en fibre optique d’ici 2025 et en renforçant la pression exercée sur les opérateurs pour respecter les engagements relatifs à la résorption des zones blanches dans le cadre du New Deal.

 

Proposition n° 9 : Favoriser l’installation et la transmission par le rétablissement d’un observatoire national de l’installation et de la transmission (ONIT) et la création d’un guichet unique, le « point accueil formation installation transmission » (PAFIT) qui permettrait une meilleure coordination des porteurs de projets en réunissant les parties prenantes à l’installation et à la transmission.

 

Proposition n° 10 : Déployer une campagne nationale de communication sur les métiers de la filière laitière, de l’amont à l’aval, et les formations qui y conduisent, en valorisant notamment les formations dispensées dans le cadre des écoles nationales d’industries laitières (ENIL).

 

Proposition n° 11 : Accroître le nombre de places disponibles au sein des formations proposées dans les ENIL, pour répondre à la demande croissante des entreprises et à l’afflux de candidatures.

 

 

 

Proposition n° 12 : Mobiliser tous les leviers à la disposition des pouvoirs publics pour garantir la préservation du foncier agricole et exclure les agriculteurs pouvant prétendre à une retraite à taux plein du dispositif de l’ICHN, afin de mettre fin à un phénomène de rétention du foncier.

 

Proposition n° 13 : Renforcer les moyens de la recherche scientifique en matière agricole, notamment ceux relatifs à l’élevage pastoral, aux services agro-environnementaux qui y sont afférants et aux propriétés spécifiques des produits issus de ce type d’élevage.


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   Liste des personnes auditionnÉes

Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) *

M. Damien Lacombe, vice-président

Fédération des producteurs de lait (FNPL)

M. Yves Grandemange, en charge de la commission « vendeur direct et lait cru »

Mme Marine Colli, conseillère affaires publiques (cabinet CAP !) *

Institut de l’élevage (IDELE)

M. Joël Merceron, directeur général

M. Philippe Chotteau, responsable du département économie des élevages et des filières

M. Yannick Pechuzal, expert en charge des questions montagne

Association des producteurs de lait de montagne (APLM)

M. Dominique Barrau, président

Mme Maryline Crouzet, directrice

Chambres d’agriculture France (APCA)

Mme Christine Valentin, vice-présidente de l’APCA et présidente de la Chambre d’agriculture de Lozère

M. Patrick Escure, président de la chambre d’agriculture du Cantal

Mme Romane Jarry, chargée de missions agriculture de montagne

Mme Juliette Boillet, chargée de missions affaires publiques

Audition conjointe :

Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP)

M. Jacky Salingardes, président

Mme Maryline Le Pape, directrice

France Brebis Laitière (FBL)

M. Joël Acher, président

M. Laurent Réversat et M. Jean-Marc Chayriguès, vice-présidents

Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL) *

M. Michel Lacoste, président

Audition conjointe de centres régionaux interprofessionnels laitiers

CRIEL Alpes Massif central (CRIEL AMC)

M. Jean Claude Rabany, président du CRIEL AMC

M. Christophe Leger pour le comité interprofession laitière de Savoie

M. Pierre Jo Aufranc pour le comité lait de chèvre du CRIEL AMC

M. Alain Plan, directeur

CIL Grand Est

M. Pierre Passetemps, président du CIL

M. Thierry Bajolet, directeur du CIL

CRIEL Occitanie

Mme Claude Floch, présidente

Cilaisud et Comité lait de vache

M. Benoit Gransagnes, président

M. Philippe Bru, membre du bureau du comité lait de chèvre de Cilaisud

Service interdépartemental pour l’animation du Massif central (SIDAM)

M. Yannick Fialip, président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire

Coop de France métiers du lait *

M. Jean-Michel Javelle, président de La Coopération agricole Auvergne Rhône-Alpes

M. Jérémie Bosch, délégué régional adjoint de La Coopération agricole Auvergne Rhône-Alpes et chargé de mission dossier montage La Coopération Laitière

Mme Chloé Chiarotto, responsable relations publiques et institutionnelles La Coopération laitière

Fédération nationale de l’industrie laitière (FNIL) *

M. Jehan Moreau, directeur général

M. Didier Thuaire, président de la fromagerie du Livradois (à Fournol – 63),

M. Nicolas Dumarest, directeur des ressources laitières France

Mme Hélène Martin, déléguée régionale de la FNIL pour le Sud Est et en charge du dossier Montagne

Association régionale des industries agroalimentaires d’AuvergneRhône-Alpes

M. Jean-Luc Dischamp, président

Mme Carole Perrier, déléguée générale

Cluster Herbe Massif central

M. Tony Cornelissen

Mme Carole Perrier, directrice ARIA

M. Jérémie Bosch, directeur adjoint la Coopération Agricole AURA

M. Pascal Carrere, ingénieur de recherche INRAe

MM. Patrice Delaire, Laurent Robert et Jean-Christophe Daudel, DRAAF AURA

Lactalis *

M. Fabien Choiseau, directeur Approvisionnement Lait France

Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Philippe Duclaud, directeur général adjoint

Mme Élodie Lematte, sous-directrice des filières agroalimentaires

M. Thomas Roche, adjoint à la sous-directrice des filières agroalimentaires

Mme Émilie Cavailles, cheffe de bureau du lait, produits laitiers et sélection animale

Jeunes Agriculteurs *

Mme Justine Fusi, membre du bureau de Jeunes Agriculteurs

M. Guillaume Defraiteur, conseiller productions animales / relations commerciales de Jeunes Agriculteurs

M. Jérémie Dufils, conseiller Renouvellement des générations en agriculture

INRAe

M. Bruno Martin, ingénieur de recherches

Sodiaal *

M. Damien Lacombe, président

Audition conjointe :

M. Alexander Lagier, agriculteur et référent professionnel sur la filière laitière à la Chambre d’Agriculture des Hautes-Alpes (et aussi Président du groupement du Bleu du Queyras)

M. Jérôme Tramuset, fromager de la Fromagerie de la Durance et vice‑président du groupement du Bleu du Queyras

Mme Delphine Soler, fromagère de la Fromagerie du Champsaur

Audition conjointe :

M. Michaël Pellegrin, agriculteur et co-président du groupement de la Tomme du Champsaur

M. Bastien Allosia, agriculteur et co-président du groupement de la Tomme du Champsaur

Euromontana *

M. Dominique Fayel, vice-président

Mme Marie Clotteau, directrice

Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) *

M. Hugues Beyler, directeur agriculture de la FCD

M. Marc Delage, directeur achat et développement PLS, Laitiers, Traiteur et représentant de la FCD au CNIEL

Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)

Mme Marie Guittard, directrice

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Annick Biolley-Coornaert, sous-directrice à la sous-direction Produits et marchés agroalimentaires

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Source : Enquête mensuelle laitière – SSP/FranceAgriMer ; traitements FranceAgriMer

([2]) Voir : Institut de l’élevage (Idele), Dossier annuel Bovins lait, année 2020, perspectives 2021, n° 517, février 2021, consultable en ligne : http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/dossier-annuel-lait-n-517-fevrier-2021.html

([3]) Source Agreste-Statistique agricole annuelle 2018

([4]) Les études de FranceAgriMer, Les structures de production laitière en France : livreurs et vendeurs directs, période 2008-2017, juillet 2019, document consultable en ligne : https://urlz.fr/fFnW

([5]) FranceAgriMer, La filière lait de montagne et ses dynamiques pour les années à venir, septembre 2018, document consultable en ligne : https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/57278/document/ETU-LAI-La%20fili%C3%A8re%20lait%20de%20montagne-2018.pdf?version=4

([6]) François Colas, Christophe Patier, Alain Mangeol et Frédéric Poisson, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Évolutions de l’élevage dans le Massif central : synthèse des analyses et étude des conditions de sa pérennité, septembre 2019

([7]) Idele, Dossier annuel bovins lait, précité

([8]) Audition du 5 mai 2021

([9]) Perrot C., Barbin G.,Bossis N., Champion F., Morhain B., Morin E., 2013. L’élevage d’herbivores au Recensement agricole 2010. Exploitations, cheptels, productions. Institut de l’élevage. Dossier Econ. de l’Élevage, 440-441, 96 p

([10]) Gilles Lagriffoul et al., « Panorama de la production de lait de brebis en France et son évolution depuis 50 ans », INRA Productions animales, 2016, 29 (1), p. 7-18

([11]) Il existe trois AOP en pur brebis : le Roquefort en Occitanie, l’Ossau-Iraty dans les Pyrénées-Atlantiques et le Brocciu en Corse. Il faut également noter la reconnaissance récente de l’IGP tomme des Pyrénées (mélange de laits de vache et de brebis), ainsi que la démarche de reconnaissance d’IGP en cours pour le Pérail.

([12]) Audition du 5 mai 2021

([13]) Source : CNAOL

([14]) Audition du 25 mai 2021

([15]) FranceAgriMer et Idele, 2018, op. cit., page 9

([16]) Réponses écrites transmises par l’Idele à la mission d’information

([17]) Source : rapport FranceAgriMer et Idele précité, page 9

([18]) Source : projet annuel de performance sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, projet de loi de finances pour 2021

([19]) FranceAgriMer et Idele, 2018, précité, page 8

([20]) Audition du 6 avril 2021

([21]) M. Derville, Gilles Allaire. Quelles perspectives les filières laitières de montagne après la suppression des quotas laitiers ? Une approche en termes de régimes de concurrence. INRA Productions Animales, Paris : INRA, 2014, 27 (1), pp.17-30

([22]) Fromageries de village transformant le lait collecté localement

([23]) FranceAgriMer, 2018, étude précitée, page 10

([24]) Sondage IFOP pour le CNIEL, « L’attractivité des métiers du lait auprès des jeunes de 15-25 ans », 25 février 2020

([25]) Sur l’ensemble de leurs ateliers de production. Source : base de données ADEL – SSP ; éléments transmis à vos Rapporteurs par le MAA.

([26]) Lang A., Perrot C., Dupraz P., Tregaro Y., Rosner P.-M., 2015, Les emplois liés à l’élevage français, GIS Élevages demain.

([27]) Avec des temps de collecte supérieurs, et l’importance de la production de fromages sous AOP, soumis à des cahiers des charges industriels précis, ce chiffrage nous semble plutôt une estimation basse.

([28]) L’interprofession base ses estimations sur les travaux de l’Idèle en 2018 propres à l’emploi pour la filière laitière de manière générale. Les travaux du GIS Élevage Demain évaluent ainsi les emplois liés à la production laitière à 9,8 ETP (emplois directs en ferme et indirects) par million de litres de lait de vache produits, soit 1,07 ETP induit par ETP en ferme. L’Idèle indiquait également dans ses précédents travaux que les ratios, qui représentent une moyenne nationale, cachent des disparités régionales et ne tiennent pas compte des spécificités des filières laitières de montagne.

([29]) Le coût total de la mise au chômage d’un actif a été estimé à environ 20 000 euros annuel (études de Jean Gadrey, Alternatives Economiques)

([30]) Étude interne du Cniel

([31]) Audition du 6 avril 2021

([32]) Synthèse du rapport de l’expertise scientifique collective réalisée à la demande des ministères en charge de l’environnement et de l’agriculture, et de l’ADEME, Novembre 2016, consultable en ligne :  https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-elevage-eu-synthese-en-francais-30-nov-maj-5-janv-2017.doc.pdf

([33]) Éléments transmis par le MAA à vos Rapporteurs

([34]) Source : MAA

([35]) INRA, Les services écosystémiques rendus par les écosystèmes agricoles, 2017

([36]) Audrey Michaud et al., « Les prairies, une richesse et un support d’innovation pour des élevages de ruminants plus durables et acceptables », Productions animales, 2020, 33 (3), pages 153-172

([37]) Voir, par exemple, l’étude Inquiétudes 2016 de l’OCHA (Observatoire Cniel des Habitudes Alimentaires) – Université de Toulouse (CERTOP UMR5044 CNRS) – CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie)

([38]) Entretien avec Véronique Pardo, anthropologue et responsable de l’Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (Ocha), « Et si les attentes sociétales étaient une chance pour les éleveurs ? », Réussir Lait, 18 juin 2019

([39]) Voir notamment : Martin (B.), Hutraud (C.), Graulet (B.), Ferlay (A.), Chilliard (Y.), Coulon (J-B.), « Herbe et qualités nutritionnelles et organoleptiques des produits laitiers », Fourrages, Association française pour la production fourragère, 2009, 199, pp. 291-310

([40]) Coppa, M.; Chassaing, C.; Sibra, C.; Cornu, A.; Verbic, J.; Golecky, J.; Engel, E.; Ratel, J.; Boudon, A.; Ferlay, A.; Martin, B., 2019. Forage system is the key driver of mountain milk specificity. Journal of Dairy Science, 102 (11) : 10483-10499. Consultable en ligne : http://dx.doi.org/10.3168/jds.2019-16726. Résumé disponible sur le site internet de l’INRAe : https://www.inrae.fr/actualites/systeme-fourrager-est-cles-specificite-laits-montagne

([41]) Source : INAO

([42]) Audition du 25 mai 2021

([43]) Rapport n° 2268 fait au nom de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs et présenté par M. Thierry Benoit, Président, et M. Grégory Besson-Moreau, Rapporteur, le 25 septembre 2019. Le rapport est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cegrdist/l15b2268-t1_rapport-enquete#

([44]) Idele, « La filière lait de montagne en France et dans l’UE », 2018, p. 17

([45]) Marque regroupant plusieurs catégories de produits et se positionnant sur un domaine plus large que celui d’une marque produit. Elle désigne plusieurs services ou produits hétérogènes appartenant à des marchés différents, et commercialisés sous un seul et même nom.

([46]) « Un contrat quadripartite pour le lait de montagne Carrefour », Réussir-Lait, 3 novembre 2019

([47]) Auditions des représentants de la FNPL, le 7 avril 2021 ; des représentants de la Coopération laitière, le 19 mai 2021 ; des représentants de la FNIL, le 25 mai 2021

([48]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

([49]) La proposition de règlement européen du Parlement européen et du Conseil dite « plans stratégiques relevant de la PAC » [COM (2018)392] fixe les règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (les « plans stratégiques relevant de la PAC ») et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

La proposition de règlement européen dite « Horizontal » [COM (2018) 393] définit les règles relatives au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune.

La proposition de règlement européen dite « Omnibus » [COM (2018) 394] traite des mesures de gestion du marché et de l’encadrement réglementaire des organisations communes de marché (OCM), ainsi que des aides directes dans les outremers.

([50]) Le débat ImPACtons s’est tenu du 23 février au 7 juin 2020, sous l’égide de la Commission nationale du débat public.

([51]) CGAAER, Évolution de l’élevage dans le Massif central : synthèse des analyses et étude des conditions de sa pérennité, 2017, n° 18104

([52]) Voir règlement 2020/972 de la Commission du 2 juillet 2020 modifiant le règlement (UE) n° 1407/2013 en ce qui concerne sa prolongation et modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 en ce qui concerne sa prolongation et les adaptations à y apporter

([53]) Observatoire de la qualité d’internet, UFC Que-Choisir, avril 2018

([54]) Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 du Règlement par la commission des affaires économiques sur l’évaluation de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, déposé le 4 mars 2020 et présenté par Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Frédérique LArdet, M. Vincent Rolland et M. Jean-Bernard Sempastous. Le rapport est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b2735_rapport-information#

([55]) Source : ARCEP

([56]) Informations et tableaux transmis à vos Rapporteurs par le MAA.

([57]) Les résultats peuvent être consultés sur le site du GIS : https://www.gis-avenir-elevages.org/

([58]) Voir, par exemple, le rapport d’information sénatorial n° 384 « Patrimoine naturel de la montagne : concilier protection et développement », déposé le 19 février 2014, consultable sur le site du Sénat : https://www.senat.fr/rap/r13-384/r13-384.html