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N° 4393

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires

ET PRÉSENTÉ PAR

Mmes Barbara BESSOT BALLOT et Anne-Laure BLIN

Députées.

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : Cinq articles nÉcessitent des mesures rÉglementaires d’application

I. article 1er : Open data sur les denrÉes prÉemballÉes

II. article 3 : information des consommateurs dans le cadre de ventes À distance

III. article 4 : origine des viandes en restauration hors foyer

IV. article 5 : interdiction des « steaks vÉgÉtaux »

V. article 6 : information sur les fromages fermiers

Seconde partie : Sept articles n’appelLent pas de mesures rÉglementaires particuliÈres

EXAMEN EN COMMISSION

liste des personnes auditionnÉes

 


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   Introduction

La loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires (ci-après dénommée, « loi du 10 juin 2020 ») a été publiée au Journal Officiel du 11 juin 2020. Elle reprend, pour l’essentiel, un ensemble de dispositions adoptées dans le cadre de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « ÉGALIM », qui avaient bénéficié d’un large consensus mais avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons d’absence de lien, même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale (décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018).

Consensuelle sur le fond, la proposition de loi n° 1786, enregistrée à l’Assemblée nationale le 20 mars 2019 et présentée par les membres du groupe La République en Marche et apparentés et les membres du groupe MoDem et apparentés, a fait l’objet, tout au long de la procédure législative en deux lectures, d’un remarquable travail entre l’Assemblée nationale et le Sénat, afin de favoriser l’adoption rapide d’un texte attendu tant par les professionnels que par les consommateurs. Alors que cette proposition a été adoptée à l’unanimité lors de ses deux lectures à l’Assemblée nationale, le Sénat a, de son côté et en première lecture, adopté conformes onze de ses douze articles.

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Le présent rapport est réalisé en application de l’article 145-7, alinéa 1er, du Règlement de l’Assemblée nationale, aux termes duquel deux rapporteurs, dont le rapporteur de la loi et un autre rapporteur appartenant à un groupe d’opposition, doivent présenter, à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi, un rapport sur la mise en application de cette loi.

Lors de sa réunion du 3 février 2021, la commission des affaires économiques a ainsi nommé rapporteures Mme Barbara Bessot Ballot, députée de Haute-Saône (1re), et Mme Anne‑Laure Blin, députée du Maine-et-Loire (3e).

Ce rapport a pour objet de recenser la publication des textes réglementaires prévus par la loi. Par extension, le détail des mesures d’application étant susceptible de détourner la lettre ou l’esprit de la loi, ce rapport a également vocation à s’assurer que les textes pris pour son application sont bien conformes aux intentions du législateur, en particulier s’agissant d’une proposition de loi.

Le présent rapport n’est pas, en revanche, un rapport d’évaluation de l’impact de la loi. Une telle évaluation pourra intervenir dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, conformément à l’article 145-7, alinéa 3 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui précise la mission d’évaluation des politiques publiques confiée au Parlement sur le fondement de l’article 24 de la Constitution.

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Plus d’un an après la promulgation de la loi du 10 juin 2020, aucun des décrets nécessaires à son application n’a été publié. Ce constat est d’autant plus regrettable que cinq des douze articles de la loi appellent au moins une mesure réglementaire destinée à en assurer la mise en œuvre.

Plus problématique encore, il n’existe aucune perspective de publication à court terme de ces mesures d’application.

D’une part et comme la réglementation européenne l’exige, les articles 1er, 2, 4, 5, 6, 8 et 9 de la loi ont été notifiés à la Commission européenne le 7 juin 2020. La Commission a néanmoins clôturé la procédure dès le 17 juin, au motif que la loi avait été adoptée avant l’expiration du délai d’examen (période de statu quo), qui courait jusqu’au 7 septembre 2020. La clôture de la procédure rend les dispositions concernées inopposables en cas de contentieux, ce qui pose notamment problème au regard de l’article 2, contesté par les représentants de certaines filières.

La procédure de notification à l’Union européenne

Conformément à la directive (UE) 2015/1535, les États membres doivent informer la Commission de tout projet de règle technique avant son adoption. À partir de la date de notification du projet, une période de statu quo de trois mois débute – au cours de laquelle l’État membre, auteur de la notification, ne peut pas adopter la règle technique en question – permettant à la Commission et aux autres États membres d’examiner le texte notifié et de répondre de façon appropriée.

S’il apparaît que les projets notifiés sont susceptibles de créer des obstacles à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services de la société de l’information ou au droit dérivé de l’Union européenne, la Commission et les autres États membres peuvent émettre un avis circonstancié à l’attention de l’État membre qui a notifié le projet. L’avis circonstancié a pour effet de prolonger la période de statu quo et l’État membre concerné doit alors expliquer les mesures qu’il entend prendre en réponse à l’avis circonstancié.

À la fin de la procédure 2015/1535, les États membres sont tenus de communiquer à la Commission les textes définitifs dès leur adoption et d’indiquer si un projet notifié a été abandonné, afin de permettre de clore la procédure 2015/1535. Cela permet également à la Commission et aux autres États membres de vérifier si l’État auteur de la notification a tenu compte des réactions qui lui ont été adressées dans le cadre de la procédure.

Il existe deux arrêts très importants de la Cour de justice relatifs à l’interprétation de la procédure 2015/1535. Le premier, dit arrêt « CIA Security » (CJUE 30 avr. 1996, CIA Security International SA c./ Signalson SA et Securitel SPRL, aff. C-194/94, Rec. I-02201), prévoit qu’une disposition nationale qui n’a pas été notifiée conformément à la directive 98/34/UE en violation de l’obligation de notification, peut être déclarée inopposable aux particuliers par une juridiction nationale. Le second, dit arrêt « Unilever » (CJUE 26 sept. 2000, Unilever Italia SpA c./ Central Food SpA, aff. C-443/98, Rec. I-07535) prévoit qu’une règle technique adoptée en violation de l’obligation de reporter l’adoption d’une législation nationale notifiée, c’est-à-dire de respecter la période de statu quo, peut également être déclarée inopposable aux particuliers par une juridiction nationale.

Source : https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/tris/fr/about-the-20151535/the-notification-procedure-in-brief1/

Par ailleurs, le Gouvernement a estimé que certaines dispositions de la loi, dont la rédaction lui paraissait d’ailleurs perfectible (notamment, l’article 9 relatif à l’information des consommateurs sur l’origine géographique des bières), relevaient non du domaine de loi, mais de celui du règlement, et a donc engagé une procédure de délégalisation de ces dispositions sur le fondement de l’article 37, alinéa 2, de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi le Gouvernement dans cette analyse et a au contraire considéré, dans sa décision 2021-295 L du 24 juin 2021, que les dispositions dont le déclassement était demandé – à savoir, les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 412-4 du code de la consommation et les articles L. 412-9, L. 412‑11 et L. 412-12 du même code – « imposent l’indication de la provenance ou du pays d’origine pour la vente des produits agricoles et alimentaires qu’elles désignent afin de renforcer l’information des consommateurs. Ce faisant, ces dispositions relèvent des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales. Par suite, elles ont un caractère législatif. ».

La décision du Conseil constitutionnel, qui n’avait pas été anticipée par les administrations compétentes, a pour conséquence directe que la modification de ces dispositions ne peut plus être opérée que par le Parlement lui-même, décidant de supprimer ou d’amender les dispositions en cause.

Le rapprochement de la réglementation de l’Union européenne relative à la procédure de notification, d’une part, et du refus du Conseil constitutionnel de délégaliser certaines dispositions, d’autre part, crée un ensemble de contraintes sur la mise en œuvre des dispositions de la loi du 10 juin 2020 et conduit à distinguer deux cas :

– les dispositions législatives dont le statut ou la rédaction ne sont pas contestés par le Gouvernement et qui appellent des mesures réglementaires d’application ont vocation à être notifiées sans délai ;

– les dispositions législatives dont le statut ou la rédaction sont contestés par le Gouvernement doivent être modifiées ou abrogées dans la même forme, c’est-à-dire que le Parlement doit en être ressaisi. Les dispositions purement législatives, purement réglementaires ou législatives et réglementaires qui résulteront de ce nouvel examen par le Parlement pourront ensuite, de la même manière, être notifiées sans délai à la Commission européenne.

 

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Tableau rÉcapitulatif des mesures réglementaires

Article

Mesure réglementaire prévue

État

Objet

1er

Mise en ligne en base ouverte des informations relatives aux denrées alimentaires préemballées

Décret (CE) déterminant le lieu de mise à disposition et le format des données sur les inscriptions de toute nature relatives aux denrées alimentaires préemballées.

Non publié 

2

Indication des pays d’origine du cacao, du miel et de la gelée royale

Pas de mesure réglementaire prévue

3

Transparence des informations relatives aux produits vendus en ligne

Décret (CE) sur les informations obligatoires en cas de vente à distance de denrées alimentaires

Non publié 

4

Obligation d’afficher l’origine des viandes porcines, ovines, des viandes de volailles et de la viande bovine hachée dans la restauration hors foyer

Décret définissant les modalités d’application de l’indication de l’origine.

Décret définissant les modalités d’affichage des mentions et les sanctions applicables.

Non publié 

5

Interdiction de l’utilisation de dénominations commerciales usuellement associées à des produits d’origine animale pour des produits qui n’en comportent pas ou peu

Décret fixant la part de protéines végétales au-delà de laquelle une dénomination associée aux protéines d’origine animale n’est pas possible. Ce décret définit également les modalités d’application de l’article et les sanctions encourues.

Non publié 

6

Étiquetage des fromages fermiers affinés en dehors de l’exploitation

Décret assurant l’information du consommateur lorsque, pour les fromages fermiers, le processus d’affichage est effectué en dehors de l’exploitation en conformité avec les usages traditionnels

Non publié 

7

Étiquetage de la provenance du vin

Pas de mesure réglementaire prévue

8

Obligation d’information sur l’origine géographique des vins mis en vente dans les restaurants et les débits de boissons

Pas de mesure réglementaire prévue

9

Mention obligatoire du nom et de l’adresse du producteur de bière

Pas de mesure réglementaire prévue

10

Autorisation de la cession à titre onéreux de variétés de semences relevant du domaine public destinées aux utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale

Pas de mesure réglementaire prévue

11

Abrogation de la loi de 1957 protégeant l’appellation « Clairette de Die »

Pas de mesure réglementaire prévue

12

Maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte

Pas de mesure réglementaire prévue

 


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   Première partie :
Cinq articles nÉcessitent des mesures rÉglementaires d’application

Cinq articles nécessitent des mesures réglementaires d’application : il s’agit des articles 1er, 3, 4 et 5 de la loi.

I.   article 1er : Open data sur les denrÉes prÉemballÉes

 Cet article, adopté à l’initiative de notre collègue Éric Bothorel et de membres du groupe La République en Marche, modifie l’article L. 412-1 du code de la consommation, qui renvoie, de manière générale, à des décrets en Conseil d’Etat le soin de définir les règles auxquelles doivent satisfaire les marchandises.

Ces décrets auront désormais à déterminer, s’agissant des inscriptions de toute nature relatives aux denrées alimentaires préemballées, « les modalités de mise à la disposition du public en ligne des informations correspondantes » par le responsable de la première mise sur le marché – notamment, le lieu de mise à disposition et le format des données, de façon à constituer une base ouverte accessible à tous les utilisateurs et à permettre la réutilisation libre de ces données.

 Selon les informations transmises à vos rapporteures, le Gouvernement considère que cet article ouvre des facultés et des possibilités, mais ne débouche pas sur une véritable obligation de publication de textes d’application, d’autant que de nombreuses initiatives privées ont d’ores et déjà prospéré pour fournir aux consommateurs un volume considérable d’informations sur les caractéristiques des marchandises qu’ils consomment.

II.   article 3 : information des consommateurs dans le cadre de ventes À distance

L’article 3 de la loi est issu de l’article 34 de la loi ÉGALIM, censuré par le Conseil constitutionnel du fait du non-respect de règles de la procédure législative.

 Cet article, qui complète la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation par un article L. 412-8, vise à rendre obligatoire, sur les sites de vente à distance, les mentions devant être portées à la connaissance du consommateur. Ces informations, qui sont celles figurant dans le règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011, devront ainsi figurer de manière « lisible et compréhensible » : il s’agit, par exemple, de la liste des ingrédients, de la mention de tout ingrédient ou auxiliaire technologique provoquant des allergies ou des intolérances, de la quantité de certains ingrédients ou catégories d’ingrédients, de la quantité nette de denrée alimentaire, de la date de durabilité minimale ou la date limite de consommation, etc.

Ces informations doivent figurer sur le support de vente à distance où sont présentés ces produits ou sont communiquées sans frais par tout autre moyen approprié et les modalités d’application de cet article sont définies par décret en Conseil d’État.

 Selon les informations transmises à vos rapporteures, la mise en œuvre de cet article soulèverait un certain nombre de difficultés pratiques, ce qui explique que les travaux de finalisation de rédactions consensuelles soient toujours en cours avec les professionnels intéressés.

L’adoption de cet article n’est toutefois pas intervenue dans des conditions permettant le respect des dispositions communautaires relatives à la notification : comme indiqué précédemment, cet article a été notifié le 7 juin 2020 et cette notification ouvrait, en principe, une période de statu quo courant jusqu’au 7 septembre 2020 ; mais la loi ayant été promulguée le 10 juin 2020, la Commission a clôturé la procédure le 17 juin, faisant peser sur les dispositions de cet article un risque d’inopposabilité en cas de contentieux.

Les institutions européennes admettent néanmoins que, lorsque des mesures réglementaires d’application sont prévues par la loi (ce qui est le cas en l’espèce), celle-ci puisse n’être notifiée qu’accompagnée de ses mesures réglementaires d’application. Le Gouvernement envisage ainsi de notifier à nouveau cet article, accompagné du ou des textes réglementaires nécessaires pour son application, ce qui permettrait ensuite à la Commission européenne de se prononcer et de rendre juridiquement opposables ses dispositions.

III.   article 4 : origine des viandes en restauration hors foyer

Cet article, qui complète la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation par un article L. 412-9, prévoit que, dans les établissements proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer, l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire pour les plats contenant un ou plusieurs morceaux de viandes bovines au sens du règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2000, de viandes porcines, ovines et de volailles au sens du règlement (UE) n° 1337/2013 de la Commission du 13 décembre 2013 ou de la viande bovine hachée au sens du règlement (CE) n° 1825/2000 de la Commission du 25 août 2000.

Cet article renvoie à un décret le soin de préciser les modalités d’application de l’indication de l’origine, les modalités d’affichage des mentions correspondantes et les sanctions applicables.

 Le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de ces dispositions, considérant qu’elles présentaient un caractère réglementaire. Comme il a été indiqué précédemment, le Conseil n’a, en définitive, pas suivi le Gouvernement dans cette analyse et au contraire confirmé leur caractère législatif (décision 2021-295 L).

Parallèlement, le Gouvernement avait engagé la rédaction d’un projet de décret modifiant le décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration, qui a été communiqué à vos rapporteures.

Du fait de la décision du Conseil constitutionnel, la modification de l’article L. 412-9 précité, qui reste souhaitée par le Gouvernement, ne pourrait donc intervenir que par un vote du Parlement abrogeant ou amendant ses dispositions. En toute hypothèse, les dispositions nouvelles, de caractère législatif ou réglementaire, auront ensuite vocation à être notifiées à la Commission européenne et resteraient en suspens pendant trois mois supplémentaires. Compte tenu de l’ensemble de ces contraintes calendaires, une mise en œuvre de ces dispositions avant la fin de 2021 apparaît désormais improbable.

IV.   article 5 : interdiction des « steaks vÉgÉtaux »

L’article 5 de la loi est issu de l’article 31 de la loi ÉGALIM, censuré par le Conseil constitutionnel du fait du non-respect de règles de la procédure législative.

 Cet article insère un article L. 412-10 dans le code de la consommation, afin de prévoir que les dénominations utilisées pour désigner des denrées alimentaires d’origine animale ne peuvent être employées pour « décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales ». Pour ces produits, les termes « steak », « filet », « bacon » ou « saucisse », associés à la viande, et ceux associés au lait, au fromage ou à la crème, sont désormais interdits et ont vocation à être sanctionnés d’une contravention de cinquième classe.

Cet article renvoie à un décret le soin de préciser les modalités  d’application de cet article, notamment la part de protéines végétales au-delà de laquelle une telle dénomination n’est pas possible et les sanctions encourues en cas de manquement.

 La préparation du texte d’application de cet article a fait apparaître des difficultés concrètes de mise en œuvre, occasionnant des discussions difficiles avec les organisations professionnelles et les organisations non gouvernementales et portant notamment sur la proportion de protéines végétales légitimes (variable selon la nature de la préparation) et la liste des denrées animales protégées. Les travaux de finalisation d’une rédaction consensuelle sont désormais presque achevés et un projet de décret a été transmis à vos rapporteures.

L’adoption de l’article 5 de la loi n’est pas toutefois pas intervenue dans des conditions permettant le respect des dispositions communautaires relatives à la notification. Le Gouvernement envisage ainsi de le notifier à nouveau, accompagné du projet de décret nécessaire pour son application, ce qui permettra ensuite à la Commission européenne de se prononcer et de rendre juridiquement opposables ses dispositions.

Selon les informations transmises à vos rapporteurs, cette notification à la Commission européenne devrait intervenir très rapidement.

V.   article 6 : information sur les fromages fermiers

L’article 6 de la loi est issu de l’article 35 de la loi ÉGALIM, censuré par le Conseil constitutionnel du fait du non-respect de règles de la procédure législative.

 Cet article complète l’article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que l’utilisation des appellations « fermier », « produit de la ferme », « produit à la ferme » et « produits pays » est subordonnée au respect de conditions fixées par décret. Il s’agit désormais de prévoir que, pour les fromages fermiers et lorsque le processus d’affinage est effectué en dehors de l’exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l’information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa du même article et selon des modalités fixées par décret.

 Le Gouvernement a engagé la rédaction d’un projet de décret modifiant le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères et certaines dispositions règlementaires du code de la consommation, qui a été communiqué à vos rapporteures et dont le contenu ne leur a pas paru appeler de commentaires particuliers.

L’adoption de cet article n’étant pas intervenue dans des conditions permettant le respect des dispositions communautaires relatives à la notification, le Gouvernement envisage ainsi de le notifier à nouveau, accompagné du texte réglementaire nécessaire pour son application, ce qui permettrait ensuite à la Commission européenne de se prononcer et de rendre juridiquement opposables ses dispositions.

   Seconde partie :
Sept articles n’appelLent pas de mesures rÉglementaires particuliÈres

Sept articles de la loi du 10 juin 2020 ne nécessitaient pas de mesures réglementaires d’application et n’appellent donc pas de commentaire particulier dans le cadre du présent rapport. Certains ont fait l’objet d’une demande de déclassement (articles 2, 8 et 9), d’autres ne soulevant pas de difficultés à cet égard (articles 7, 10, 11 et 12).

 

Les articles présentés au Conseil constitutionnel pour délégalisation de leurs dispositions

 L’article 2, issu de l’article 43 du projet de loi ÉGALIM, a complété l’article L. 412-4 du code de la consommation, dont la rédaction en vigueur à la date de la promulgation de la loi prévoyait que l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé, sur les trois points suivants :

– Pour les produits composés de cacao, à l’état brut ou transformé, et destinés à l’alimentation humaine, l’indication du pays d’origine est également obligatoire ;

– Pour le miel composé d’un mélange de miels en provenance de plus d’un État membre de l’Union européenne ou d’un pays tiers et pour la gelée royale, tous les pays d’origine de la récolte sont indiqués par ordre pondéral décroissant sur l’étiquette.

Le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de ces dispositions, considérant qu’elles présentaient un caractère réglementaire et engagé parallèlement la rédaction de trois projets de décret, qui ont été communiqués à vos rapporteures :

– Un décret modifiant le décret n° 76-692 du 13 juillet 1976 modifié relatif aux produits de cacao et de chocolat destinées à l’alimentation humaine ;

– Un décret modifiant le décret n° 2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l’application de l’article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel ;

– Un décret relatif à l’étiquetage de l’origine de la gelée royale.

Comme il a été indiqué précédemment, le Conseil n’a pas suivi l’analyse du Gouvernement quant au caractère réglementaire des modifications apportées à l’article L. 412-4 du code de la consommation et, au contraire, confirmé leur caractère législatif (décision 2021-295 L).

La modification de l’article L. 412-4 précité, qui reste souhaitée par le Gouvernement, ne pourrait donc intervenir que par un vote du Parlement abrogeant ou amendant ses dispositions. En toute hypothèse, les dispositions nouvelles, de caractère législatif ou réglementaire, auront ensuite vocation à être notifiées à la Commission européenne et resteraient en suspens pendant trois mois supplémentaires.

Le retard pris apparaît extrêmement dommageable pour l’ensemble de la filière apicole, dont les produits demeurent à ce jour soumis aux seules mentions en vigueur – à savoir, la simple référence, très elliptique, à une origine « UE » ou « non UE » – alors même que les volumes de miel importés croissent continûment et que l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) s’inquiète du manque de visibilité sur le plan de protection des pollinisateurs promis par le Gouvernement en août 2020. ([1])

Le syndicat national des apiculteurs qualifie ainsi le dossier de l’étiquetage des origines du miel et sa gestion de « consternants », rappelant qu’il avait apporté de nombreuses contributions techniques aux pouvoirs publics dès l’été 2020 et déplorant que ces contributions n’aient reçu qu’un « silence assourdissant » pour toute réponse.

 L’article 8, issu de l’article 40 du projet de loi ÉGALIM, complète la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation par un article L. 412-11 afin d’améliorer l’information sur l’origine géographique des vins offerts aux consommateurs.

Il prévoit ainsi que les exploitants d’établissements titulaires d’une licence de débit de boissons à consommer sur place ou à emporter ou d’une licence de restaurant doivent indiquer, de manière lisible, sur leurs cartes ou sur tout autre support la provenance et, le cas échéant, la dénomination de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée des vins mis en vente sous forme de bouteille, de pichet ou de verre.

Le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de ces dispositions et parallèlement engagé la rédaction d’un projet de décret modifiant le décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 relatif à l’étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques.

Le Conseil ayant refusé d’entrer en voie de délégalisation de ces dispositions, la modification de l’article L. 412-11 précité, qui reste souhaitée par le Gouvernement, ne pourrait donc intervenir que par un vote du Parlement abrogeant ou amendant ces dispositions. En toute hypothèse, les dispositions nouvelles, de caractère législatif ou réglementaire, auront ensuite vocation à être notifiées à la Commission européenne et resteraient en suspens pendant trois mois supplémentaires.

 L’article 9, issu d’une proposition de notre collègue Thierry Benoît, complète la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation par un article L. 412-12 afin d’améliorer l’information sur l’origine géographique des bières offertes aux consommateurs.

Il prévoit ainsi que le nom et l’adresse du producteur de bière doivent être indiqués en évidence sur l’étiquetage de manière à ne pas induire en erreur le consommateur quant à l’origine de la bière, d’une manière quelconque, y compris en raison de la présentation générale de l’étiquette.

Le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de ces dispositions et parallèlement engagé la rédaction d’un projet de décret modifiant le décret n° 92-307 modifié du 31 mars 1992 portant application de l’article L. 412‑1 du code de la consommation en ce qui concerne les bières.

Alors que plusieurs projets de décret ont en réalité été préparés, assez différents dans leur portée, vos rapporteures souhaitent clairement rappeler que les dispositions réglementaires attendues ont vocation à concerner toutes les bières et non seulement celles pour lesquelles un risque de méprise du consommateur existerait.

Vos rapporteures souhaitent par ailleurs rappeler que Madame Barbara Bessot Ballot a présenté, lors de l’examen récent en séance publique d’une proposition de loi dite « EGALIM 2 » sur la protection de la rémunération des agriculteurs, un amendement reprenant, à de petites différences près, les dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juin 2020. Le rapporteur M. Grégory Besson-Moreau lui a apporté, le 24 juin dernier, la réponse suivante : « La promulgation de la loi a été malheureusement trop précoce et a mis à mal la procédure de notification en cours au niveau européen (…).En la réintroduisant dans cette proposition de loi, nous nous heurterions exactement au même problème de calendrier puisque, contrairement aux décrets, nous ne pouvons pas maîtriser la date de promulgation de la loi pour la faire coïncider avec la décision de la Commission, au terme de la procédure de notification. ».

Le Conseil ayant refusé d’entrer en voie de délégalisation de ces dispositions, la modification de l’article L. 412-12 précité, qui reste souhaitée par le Gouvernement afin, notamment, de substituer le terme « brasseur » au terme « producteur », ne pourrait donc intervenir que par un vote du Parlement abrogeant ou amendant ces dispositions. En toute hypothèse, les dispositions nouvelles, de caractère législatif ou réglementaire, auront ensuite vocation à être notifiées à la Commission européenne et resteraient en suspens pendant trois mois supplémentaires.

Compte tenu de l’ensemble des contraintes calendaires, une mise en œuvre des dispositions des articles 2, 8 et 9 de loi avant la fin de 2021 apparaît désormais très improbable.

 

Les articles non présentés au Conseil constitutionnel

 L’article 7, issu de l’article 36 du projet de loi Egalim, modifie la rédaction de l’article L. 413-8 du code de la consommation qui interdit, de manière générale, sur des produits naturels ou fabriqués, détenus ou transportés en vue de la vente, mis en vente ou vendus, « d’apposer ou d’utiliser une marque de produits ou de services, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire, s’ils sont étrangers, qu’ils ont été fabriqués en France ou qu’ils sont d’origine française et, dans tous les cas, qu’ils ont une origine différente de leur véritable origine française ou étrangère. ».

Dans sa rédaction antérieure à l’adoption de la loi du 10 juin 2020, cet article exemptait néanmoins de ces dispositions les produits portant « en caractères manifestement apparents » l’indication de la véritable origine.

Cet article n’étant alors pas applicable aux produits viticoles, il ne permettait donc pas de sanctionner une imagerie trompeuse quant à l’origine d’un vin : sur proposition de notre collègue sénateur Henri Cabanel, la loi du 10 juin 2020 a donc souhaité exclure les vins de la dérogation précitée.

 L’article 10, qui reprend l’intégralité de l’article 78 du projet de loi EGALIM, modifie la rédaction de l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime.

Alors qu’aujourd’hui les semences non inscrites au catalogue officiel ne peuvent être cédées qu’à titre gratuit, cet article prévoit la possibilité d’une cession à titre onéreux à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété c’est-à-dire aux jardiniers amateurs et aux collectivités publiques, pour l’essentiel.

 L’article 11, issu de l’article 39 du projet de loi EGALIM, abroge la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l’intérieur de l’aire délimitée ayant droit à cette appellation d’origine contrôlée.

Alors que la loi précitée était nécessaire, à l’époque, pour protéger l’appellation naissante « Clairette de Die » contre la concurrence déloyale de vins étiquetés « Clairette muscat », cette appellation est aujourd’hui protégée par le règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 et le décret n° 2012‑655 du 4 mai 2012 qui offrent des outils généraux de défense des appellations et une protection spécifique du terme « Clairette », qui est également un nom de cépage.

 L’article 12, qui reprend l’essentiel de l’article 41 du projet de loi ÉGALIM, modifie l’articles 407 du code général des impôts ainsi que les articles L. 644-5-1, L. 665-4 et L. 665-5 du code rural et de la pêche maritime.

Cet article confirme dans la loi le caractère obligatoire de la déclaration de récolte de raisins et sa transmission par voie dématérialisée.

Il procède également à une mise à jour des références aux règlements européens régissant la déclaration de récolte, permettant de rétablir les pouvoirs de contrôle et de sanction afférents aux déclarations relatives aux vignes dans le code rural et de la pêche maritime.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 21juillet 2021, la commission a examiné, le rapport d’information de Mmes Barbara Bessot Ballot et Anne-Laure Blin sur la mise en application de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/tS6JJ0

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.

 

 

   liste des personnes auditionnÉes

Syndicat national des brasseurs indépendants (SNBI)

M. Jean-François Drouin, président

Mme Sonia Rigal, déléguée générale

M. Victor Chartier, cabinet Boury et Tallon

Association nationale des producteurs laitiers fermiers (ANPLF)

M. Stéphane Ménigoz, trésorier de l’ANPLF, producteur fromager fermier en Haute-Saône

M. Jean-Michel Péard, administrateur, producteurs de yaourts et desserts lactés fermiers en Loire-Atlantique

Mme Yolande Moulem, animatrice de l’ANPLF

Maison Michaud

M. Bernard Saubot, directeur filières, partenariats et développement apicole

*Les Brasseurs de France

M. Maxime Costilhes, délégué général

Cabinet de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

Mme Carole Ly, conseillère économie agricole et agroalimentaire

M. Nicolas Mazières, conseiller parlementaire

Cabinet d’Alain Griset, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises

M. Loïc Tanguy, conseiller chargé de la consommation et des pratiques commerciales

Mme Justine Soussan, conseillère parlementaire

*Coordination rurale

Mme Véronique Le Floc’h, vice-présidente

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Selon l’UNAF, les volumes de miel importés auraient atteint 35 000 tonnes en 2020, pour une consommation totale de 40 000 tonnes. Si la production nationale avait été réduite à la portion congrue en 2019 (9 000 tonnes), un contexte météorologique plus favorable a permis une reprise de la production en 2020 (production estimée comprise entre 18 000 et 20 000 tonnes). Source : L. Girard, « L’étiquetage des pots de miel est englué », Le Monde, 5 juin 2021.