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N° 4402

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’application des mesures fiscales

ET PRÉSENTÉ

Par M. Laurent SAINT-MARTIN

Rapporteur Général

Député

 

M. Francis Chouat

Rapporteur Spécial des crédits de la recherche

Député

 

Mme Christine Pires Beaune

Rapporteure Spéciale des crédits de remboursements et dégrèvements

Députée

 

Membres du groupe de travail « crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche » (CIR)

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SOMMAIRE

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Pages

I. Le CREDIT D’IMPOT EN FAVEUR DES RECHERCHES (CIR) : un avantage fiscal assis sur les dépenses de recherche

A. L’assiette du CIR : les dépenses éligibles

1. Les dépenses ouvrant droit au CIR directement engagées par l’entreprise

2. Les dépenses de recherche externalisées

a. La « sous-traitance publique » auprès d’organismes de recherche publics ou assimilés

b. La « sous-traitance privée » auprès d’organismes privés agréés

c. Les modalités de prise en compte et d’encadrement des dépenses externalisées

B. Les taux et les modalités d’utilisation du CIR

1. Les différents taux du CIR

2. Les modalités d’utilisation du CIR

C. L’objectif du CIR : d’un soutien à la R&D à un instrument d’attractivité

1. Une montée en charge budgétaire

2. Un instrument d’attractivité

II. l’impact du crédit d’impôt recherche

A. le crédit d’impôt recherche bénéficie à plus de 20 000 entreprises chaque année pour un montant global de plus de 6 milliards d’euros

1. Une mesure fiscale « coûteuse mais stratégique » pour le financement de l’innovation par les entreprises

2. Un bénéfice du crédit d’impôt davantage concentré sur les entreprises les plus importantes

3. Un financement qui concerne pour moitié les dépenses de personnel de recherche

B. Les effets du crédit d’impôt recherche varient selon la taille de l’entreprise et permettent surtout de réduire le coût des dépenses de r&d et plus particulièrement du personnel de recherche

1. Des effets positifs mais modérés au regard du coût de cette dépense fiscale

2. Une dépense fiscale qui atténue le coût du travail et le poids de la fiscalité des entreprises

III. Le recours au crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche par les entreprises

A. La gestion du recours au CIR par les entreprises

1. La déclaration des dépenses de recherche et développement

a. Une procédure dématérialisée depuis le 1er janvier 2020 qui facilite le dépôt de la déclaration

b. Le guide du CIR : un accompagnement controversé du ministère chargé de la recherche

c. L’absence d’optimisation dans le cadre du régime d’intégration fiscale

d. Une complexification de la déclaration incitant les entreprises à recourir aux cabinets de consultants et aux experts-comptables

2. La sécurisation du dispositif : des solutions peu sollicitées par les entreprises

a. L’agrément dans le cadre de la sous-traitance

b. Le rescrit, un vecteur de sécurité juridique peu utilisé

c. Le contrôle sur demande, un moyen d’anticiper les irrégularités de la déclaration

B. Le contrôle fiscal, corOLlaire d’un système déclaratif facilement accessible

1. La constitution du dossier justificatif, élément clé du contrôle

2. Une procédure de contrôle spécifique eu égard à la dualité des compétences requises

a. Les contrôles à l’initiative de l’administration fiscale

b. Les contrôles à l’initiative du ministère chargé de la recherche

IV. contributions individuelles des membres du groupe de travail sur le crédit d’impôt recherche

A. Préconisations de M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

B. Contribution de M. Francis Chouat, rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur

C. contribution de mme christine pires beaune, rapporteure spéciale de la mission remboursements et dégrèvements

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

DEPLACEMENTS ORGANISES DANS LE CADRE DU GROUpE DE TRAVAIL « CREDIT D’IMPOT EN FAVEUR DES DEPENSES DE RECHERCHES

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS DANS L’ESSONNE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS DANS LE PUY-DE-DOME

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS DANS LE VAL DE MARNE


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Prévu à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), le crédit d’impôt recherche (CIR) permet aux entreprises industrielles et commerciales ou agricoles qui sont imposées d’après leur bénéfice réel de jouir d’un avantage fiscal assis sur certaines dépenses exposées dans le cadre d’opérations de recherche scientifique et technique.

I.   Le CREDIT D’IMPOT EN FAVEUR DES RECHERCHES (CIR) : un avantage fiscal assis sur les dépenses de recherche

A.   L’assiette du CIR : les dépenses éligibles

Le CIR porte sur les dépenses de recherche et développement (R&D) et recouvre, ainsi qu’en dispose l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI, la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental ; la définition de la R&D s’appuie sur le « Manuel de Frascati » élaboré dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

 

 

La distinction entre R&D et innovation

La R&D consiste à faire progresser les connaissances scientifiques et techniques (« l’état de l’art ») à travers des travaux expérimentaux complexes reposant sur des technologies nouvelles. La définition des opérations de R&D s’appuie sur le « Manuel de Frascati » élaboré dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et dont la dernière édition remonte à 2002.

L’innovation, quant à elle, recouvre les opérations améliorant les performances de produits du point de vue technique, de leurs fonctionnalités, de l’ergonomie ou de l’écoconception. Elle est précisée par le « Manuel d’Oslo », également élaboré sous l’égide de l’OCDE et dont la troisième édition date de 2005.

En droit français, les opérations de recherche au sens du CIR sont définies à l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI, qui distingue :

– la recherche fondamentale, qui apporte une contribution théorique ou expérimentale à la résolution de problèmes techniques à travers l’analyse des propriétés, structures et phénomènes physiques ou naturels ;

– la recherche appliquée, destinée à identifier les applications envisageables des résultats d’activités de recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles pour atteindre un objectif donné ;

– le développement expérimental effectué au moyen de prototypes ou d’installations pilotes.

La distinction entre R&D et innovation est la plus délicate en matière de développement expérimental. L’un des principaux critères de distinction réside dans la dissipation des incertitudes scientifiques ou techniques, cette dissipation relevant de la R&D.

La doctrine fiscale fournit de très nombreuses illustrations permettant d’appréhender les opérations relevant de la R&D et celles en étant exclues (1).

(1) Bulletin officiel des finances publiques  BOFiP –, BOI-BIC-RICI-10-10-10-20, § 210 à 580.

Les opérations d’innovation bénéficient d’un autre crédit d’impôt – le crédit d’impôt innovation (CII) – qui ne sera pas traité par la présente étude.

Pour ouvrir droit au CIR et aux termes du dernier alinéa du II de l’article 244 quater B du CGI, les dépenses exposées doivent :

– être retenues pour la détermination du résultat imposable en France à l’IR ou à l’IS ;

– se rattacher, pour la plupart d’entre elles ([1]), à des opérations localisées en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen (EEE) lié à la France par une convention d’assistance en matière fiscale.

Ainsi, les opérations de recherche qu’une entreprise française réalise directement dans un État membre de l’Union européenne ouvrent droit au CIR, sauf si elles se rattachent à l’exploitation d’un établissement stable ­ puisque, dans une telle hypothèse, les dépenses ne sont pas retenues pour la détermination du résultat imposable en France.

1.   Les dépenses ouvrant droit au CIR directement engagées par l’entreprise

Les dépenses qu’expose directement l’entreprise et qui ouvrent droit au CIR sont, aux termes du II de l’article 244 quater B du CGI :

– les dotations aux amortissements d’immobilisations directement affectées à la réalisation d’opérations de R&D et, en cas de sinistre touchant ces immobilisations, les dotations correspondant à la différence entre l’indemnisation d’assurance et le coût de reconstruction et de remplacement (a et a bis du II) ;

– les dépenses de personnel relatives aux chercheurs et techniciens de recherche qui sont directement et exclusivement affectés aux opérations de R&D ; lorsque ces dépenses se rapportent à des titulaires d’un doctorat ou diplôme équivalent recrutés en contrat à durée déterminée, elles sont retenues dans l’assiette du CIR pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois d’embauche (mécanisme de doublement d’assiette « jeunes docteurs ») (b du II) ;

– les rémunérations versées aux salariés inventeurs au titre d’opérations de R&D (b bis du II) :

– les dépenses de propriété intellectuelle (frais de prise, de maintenance et de défense et dotations aux amortissements) (ee bis et f du II) ;

– les dépenses de normalisation, retenues pour la moitié de leur montant (g du II) ;

– les dépenses de veille technologique, retenues dans la limite de 60 000 euros par an (j du II).

S’ajoutent à ces dépenses les « autres dépenses de fonctionnement », prévues au c du II de l’article 244 quater B du CGI, qui correspondent aux dépenses afférentes aux personnels de soutien, aux dépenses administratives ou encore à l’achat d’intrants. À la différence des autres postes éligibles au CIR, les dépenses de fonctionnement ne sont pas calculées à partir de leur montant, mais sur la base d’un forfait dont le taux est fonction de la nature des dépenses auxquelles elles se rattachent.


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Ainsi, les dépenses de fonctionnement ouvrant droit au CIR correspondent :

– à 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations affectées aux opérations de R&D ;

– à 43 % des dépenses de personnel autres que celles afférentes aux « jeunes docteurs » – ce taux, qui s’est substitué à l’ancien taux de 50 %, résulte de la loi de finances pour 2020 ([2]) ;

– à 200 % des dépenses de personnel afférentes aux « jeunes docteurs ».

Il existe également au sein du CIR un sous-ensemble, prévu au h du II de l’article 244 quater B du CGI et portant sur les dépenses exposées par les entreprises du secteur « textile-habillement-cuir » (THC) au titre de l’élaboration de nouvelles collections.

Sont concernées par ce CIR-THC les dépenses se rapportant à la conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus :

– dépenses de personnel afférentes à ces opérations ;

– dotations aux amortissements des immobilisations directement affectées à ces opérations ;

– autres dépenses de fonctionnement, déterminées forfaitairement par l’application aux dépenses de personnel ouvrant droit au CIR-THC d’un taux de 75 % ;

– frais de dépôt et de défense des dessins et modèles.

Le CIR-THC a fait l’objet d’un bornage temporel à l’occasion de la loi de finances pour 2020 précitée, son article 29 prévoyant que les dépenses éligibles doivent, pour ouvrir droit à l’outil, être engagées jusqu’au 31 décembre 2022.

2.   Les dépenses de recherche externalisées

Les dépenses engagées par une entreprise au titre d’une opération externalisée auprès d’un tiers peuvent ouvrir droit au bénéfice de l’outil : il en est ainsi pour le CIR-THC, le i du II de l’article 244 quater B du CGI incluant dans l’assiette du crédit d’impôt les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections confiée à des stylistes ou bureaux de style agréés  sous réserve qu’elles soient engagées jusqu’au 31 décembre 2022.


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Néanmoins, le principal volet concernant l’externalisation de dépenses ouvrant droit au CIR figure aux d, d bis et d ter du II de l’article 244 quater B, qui recouvrent les hypothèses de sous-traitance d’opérations de R&D par une entreprise donneuse d’ordre :

– la « sous-traitance publique », prévue au d ;

– la « sous-traitance privée », prévue au d bis.

Ainsi qu’il a été vu s’agissant du critère de territorialité des dépenses, et en application du dernier alinéa du II de l’article 244 quater B du CGI, ces organismes doivent, pour ouvrir droit au CIR pour leurs donneurs d’ordres, être établis dans un État membre de l’Union européenne ou un État partie à l’accord sur l’EEE et lié à la France par une convention d’assistance en matière fiscale.

a.   La « sous-traitance publique » auprès d’organismes de recherche publics ou assimilés

Les organismes à qui des opérations de R&D peuvent être confiées par une entreprise donneuse d’ordre dans le cadre de la « sous-traitance publique » sont mentionnés au d du II de l’article 244 quater B du CGI. Il s’agit :

– d’organismes de recherche publics :

– des établissements d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant un grade de master, tels que les universités, ainsi que des communautés d’universités et établissements ;

– des fondations de coopération scientifique et des fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la recherche, sous réserve de leur agrément ;

– des établissements publics de coopération scientifique ;

– sous réserve de leur agrément, certaines associations régies par la loi du 1er juillet 1901 fondées directement ou indirectement par un organisme de recherche public ou un établissement d’enseignement supérieur ;

– des instituts techniques ;

– des stations ou fermes expérimentales ayant pour membre une chambre d’agriculture.


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b.   La « sous-traitance privée » auprès d’organismes privés agréés

L’ouverture du bénéfice du CIR au titre de dépenses exposées auprès d’organismes privés pour la réalisation d’opérations de R&D est consacrée au d bis du II de l’article 244 quater B du CGI.

Entrent dans le champ de ce dispositif de sous-traitance privé :

– les organismes de recherche privés qui sont agréés par le ministre chargé de la recherche ;

– les experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions ;

– les organismes de recherche établis dans un État de l’Union européenne ou un État partie à l’EEE lié à la France par une convention d’assistance administrative en matière fiscale, sous réserve qu’ils soient agréés – par le ministre français chargé de la recherche ou, lorsqu’il existe un dispositif similaire dans le pays d’implantation, par l’autorité étrangère compétente pour délivrer un agrément équivalent.

c.   Les modalités de prise en compte et d’encadrement des dépenses externalisées

Les dépenses exposées par une entreprise donneuse d’ordre dans le cadre d’une opération sous-traitée ne sont actuellement pas prises en compte de la même manière selon que l’organisme sous-traitant relève de la sous-traitance publique ou privée, et elles font l’objet d’un encadrement particulier.

Si l’opération relève de la sous-traitance publique, le dernier alinéa du d dans sa version actuelle prévoit que les dépenses engagées par l’entreprise donneuse d’ordre sont retenues pour le double de leur montant, soit à hauteur de 200 % des sommes versées par l’entreprise donneuse d’ordre à l’organisme sous-traitant.

Le plafond de dépenses éligibles est plafonné, pour l’entreprise donneuse d’ordre, à 10 millions d’euros s’il n’existe pas de lien de dépendance entre cette dernière et les organismes de recherche privés – le plafond est de 2 millions d’euros en cas de lien de dépendance. Ce plafond est majoré de 2 millions d’euros – soit porté à 12 millions d’euros – en cas de sous-traitance à un organisme de recherche public.

En outre, le plafond applicable aux dépenses relatives aux opérations confiées à des organismes de recherche privés, égal à trois fois le montant des autres dépenses de recherche, n’est pas applicable aux opérations de recherche confiées à des organismes de recherche publics. Ce mécanisme permet d’éviter que le CIR ne profite à des entreprises « coquilles vides » qui ne réaliseraient elles-mêmes aucune opération de R&D mais au contraire les externaliseraient toutes. En effet, une entreprise qui n’expose en interne aucune dépense de R&D ne peut prétendre au CIR au titre des opérations confiées à des organismes privés agréés.

Illustration du mécanisme de doublement d’assiette
dans le cadre de la sous-traitance publique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021

Une entreprise confie à un organisme de recherche public avec lequel elle n’entretient aucun lien de dépendance la réalisation d’opérations de R&D, et verse à ce titre à l’organisme une somme de 20 000 euros.

En application du d du II de l’article 244 quater B du CGI, l’entreprise donneuse d’ordre inclut la somme versée à l’organisme dans l’assiette de son CIR, la retenant pour le double de son montant.

Cette somme est donc incluse dans l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre à hauteur de 40 000 euros.

La suppression du doublement d’assiette a été actée par l’article 35 de la loi de finances pour 2021 ([3]).

 

La fragilité du mécanisme de doublement d’assiette au regard du droit européen

Le mécanisme de doublement d’assiette s’agissant de la sous-traitance publique a pour effet de doubler l’intensité de l’aide au titre des dépenses externalisées auprès des organismes de recherche publics et assimilés limitativement énumérés au d du II de l’article 244 quater B du CGI.

Dès lors, le doublement d’assiette est susceptible, d’une part, d’excéder l’intensité maximale admise par le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) ([4]) au titre des aides en matière de R&D, d’autre part, de créer une distorsion entre les organismes éligibles à la sous-traitance publique et les autres, notamment privés.

Les opérateurs du secteur concurrentiel sont ainsi exclus du bénéfice d’un avantage dont bénéficient les organismes publics de recherche et assimilés – à travers l’incitation de confier des travaux de recherche aux seconds plutôt qu’aux premiers. Or, tous les organismes inclus dans le champ de la sous-traitance publique et donc du doublement d’assiette ne peuvent être assimilés à des organismes exerçant des activités non économiques hors du champ concurrentiel.

Le risque juridique posé par le doublement d’assiette au regard du droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État n’est pas simplement théorique dans la mesure où une plainte formelle a été présentée à la Commission européenne le 1er octobre 2019.

 


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Cette suppression, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022, aura pour effet d’inclure dans le champ de la sous-traitance privée les organismes relevant de la sous-traitance publique.

Cet alignement emporte deux conséquences principales, à savoir la disparition de la majoration de 2 millions d’euros applicable au plafond général de prise en compte des dépenses externalisées d’une part, et l’inclusion des dépenses externalisées dans l’assiette du CIR du donneur d’ordre dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses ouvrant droit au CIR.

Cet alignement conduit en outre à ce que certains organismes publics ou assimilés devront faire l’objet d’un agrément pour ouvrir droit au CIR, alors qu’ils en sont actuellement dispensés : tel est le cas des organismes de recherche publics mentionnés au 1° du d du II de l’article 244 quater B du CGI, des établissements d’enseignement supérieur mentionnés au 2° de ce d et des instituts techniques et des stations ou fermes expérimentales mentionnés aux 7° et 9° du même d.

Cette harmonisation des modalités de sous-traitance, avec l’application du plafonnement actuellement spécifique à la sous-traitance privée qui lie les dépenses éligibles sous-traitées au volume de dépenses directement engagées par le donneur d’ordre, doit permettre de mettre fin à certains schémas abusifs.

Illustration du plafonnement des dépenses
dans le cadre de la sous-traitance privée

Une entreprise confie à un organisme privé agréé la réalisation d’une opération de R&D et lui verse, à ce titre, une somme de 450 000 euros.

Parallèlement, cette entreprise expose en interne, au titre de dépenses ouvrant droit au CIR, un total de 100 000 euros (frais de personnel, dotations aux amortissements, etc.).

En application du dernier alinéa du d bis du II de l’article 244 quater B du CGI, les dépenses exposées dans le cadre de la sous-traitance privée ne sont retenues dans l’assiette du CIR qu’à hauteur de 300 000 euros (100 000 × 3).

Le solde de 150 000 euros n’est pas inclus dans l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre.

Les modalités précédemment présentées concernent la détermination de l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre.

S’agissant du soustraitant, le III de l’article 244 quater B du CGI impose à celui-ci de déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues au titre des opérations de R&D confiées par le donneur d’ordre  c’est-à-dire les montants que le sous-traitant a facturés au donneur d’ordre, puisqu’ils sont déjà inclus dans l’assiette du CIR de ce dernier ([5]).

Ce mécanisme vise à éviter que la même dépense soit prise en compte plusieurs fois.

En raison de cette finalité, la déduction d’assiette prévue au III ne s’applique pas si le donneur d’ordre ne peut prétendre au CIR au titre de l’opération sous-traitée, c’est-à-dire dans l’une des deux situations suivantes :

– le sous-traitant est un organisme privé non agréé – l’externalisation n’ouvre donc pas droit au CIR ;

– le donneur d’ordre n’a pas droit au CIR faute de satisfaire aux conditions d’éligibilité – il s’agit par exemple d’un organisme public non lucratif ou d’une entreprise étrangère ([6]).

Dans ces deux situations, le sous-traitant peut inclure dans l’assiette de son CIR les dépenses qu’il a engagées dans le cadre de l’opération.

En revanche, si le donneur d’ordre renonce volontairement au bénéfice du CIR mais y est bien éligible, le sous-traitant devra procéder à la déduction prévue.

En complément de ces différentes modalités de prise en compte des dépenses, le d ter du II de l’article 244 quater B du CGI prévoit un double dispositif d’encadrement.

En premier lieu, les dépenses de R&D externalisées font l’objet d’un plafonnement global fixé à 2 millions d’euros ou, en l’absence de lien de dépendance entre l’entreprise donneuse d’ordre et l’organisme sous-traitant, à 10 millions d’euros.

En second lieu, l’article 132 de la loi de finances pour 2020 a introduit un important aménagement dans les modalités de prise en compte des dépenses dans l’assiette du CIR en cas de sous-traitance, afin d’éviter qu’une même dépense ne soit prise en compte plusieurs fois.

Jusque-là, en effet, une même dépense pouvait être prise en compte jusqu’à trois fois :

– une fois au niveau du donneur d’ordre, voire deux fois si le sous‑traitant est un organisme entrant dans le champ de la sous-traitance publique en vertu du mécanisme de doublement d’assiette ;

– une fois au niveau du sous-traitant de second rang si ce dernier était un organisme privé non agréé, non tenu de déduire de son assiette les sommes reçues.

Pour remédier à ce dysfonctionnement, deux mesures ont été prises.

D’une part, un nouvel alinéa a été inséré au d ter du II, exigeant que les opérations de R&D soient directement réalisées par les organismes soustraitants, c’est-à-dire par des organismes mentionnés aux d et d bis du même II auxquels l’entreprise donneuse d’ordre a confié la réalisation des opérations.

La soustraitance de second rang n’ouvre donc pas droit au CIR, à une exception près : un organisme sous-traitant peut recourir à un
sous-traitant de second rang si ce dernier est lui-même un organisme éligible à la sous‑traitance, mentionné aux d et d bis du II.

D’autre part, le mécanisme de doublement d’assiette prévu dans le cadre de la sous-traitance publique est actuellement cantonné à la part des dépenses exposées par l’entreprise donneuse d’ordre qui est afférente aux opérations effectivement réalisées par l’organisme sous-traitant mentionné au d du II. Cette disposition sera rendue caduque par l’alignement des modalités de la sous-traitance au 1er janvier 2022.

B.   Les taux et les modalités d’utilisation du CIR

1.   Les différents taux du CIR

Le CIR repose sur un taux de droit commun de 30 %, l’avantage fiscal correspondant donc à 30 % de l’assiette du CIR.

La réforme du taux du CIR par la loi de finances pour 2008

Si le CIR a été créé en 1983, l’une des plus importantes réformes de l’outil a été apportée par la loi de finances pour 2008 (1).

Jusque-là, le CIR tenait compte de l’évolution de l’effort de R&D de l’entreprise, et donc de celle du montant des dépenses exposées. Le montant du CIR reposait ainsi sur deux parts :

– une « part en volume », correspondant à 10 % des dépenses éligibles exposées au cours de l’année ;

– une « part en accroissement », correspondant à 40 % de la différence entre le montant des dépenses éligibles exposées au cours de l’année et la moyenne du montant des dépenses éligibles exposées au cours des deux années précédentes.

La loi de finances pour 2008 a substitué à ces deux parts un taux applicable à l’ensemble des dépenses éligibles (30 %, ramené à 5 % pour la fraction des dépenses excédant 100 millions d’euros), sans considération liée à l’accroissement de l’effort de R&D. Le montant de l’avantage pour les entreprises s’en est trouvé substantiellement accru.

(1) Loi n° 20071822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, article 69.


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Le taux de 30 % est majoré à 50 % s’agissant des dépenses de recherche qui sont exposées en outre-mer, dans une collectivité territoriale régie par l’article 73 de la Constitution – c’est-à-dire en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique et à Mayotte.

L’extension du taux majoré de 50 % à la Corse, introduite par l’article 150 de la loi de finances pour 2019 ([7]), devait concerner les dépenses engagées au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2019. Son entrée en vigueur, aux termes du III de cet article 150, était subordonnée à une décision de la Commission européenne regardant cette extension comme conforme au droit européen en matière d’aides d’État.

Ce dispositif n’est jamais entré en vigueur du fait de sa non-conformité au droit européen : il a en effet été supprimé par l’article 35 de la loi de finances pour 2021 précité. Aussi, les taux applicables en Corse sont ceux en vigueur sur le territoire métropolitain continental.

Le taux du CIR est ramené à 5 % pour la fraction des dépenses éligibles qui excède 100 millions d’euros.

2.   Les modalités d’utilisation du CIR

Les modalités d’utilisation du CIR et du CII sont précisées à l’article 199 ter B du CGI pour les entreprises assujetties à l’IR, et à l’article 220 B du même code, qui renvoie au précédent, pour celles assujetties à l’IS – les modalités applicables aux groupes fiscalement intégrés figurent au b du 1 de l’article 223 O du CGI.

Ces mécanismes, à la différence de la plupart des crédits d’impôts, ne s’imputent en principe pas intégralement lors de la liquidation de l’impôt dû au titre de l’exercice au cours duquel les dépenses éligibles ont été engagées (soit en N + 1 pour les dépenses engagées en N).

L’imputation est en effet réalisée sur l’IR ou l’IS dû au titre de l’année d’engagement des dépenses ([8]), mais cette imputation est plafonnée au montant d’impôt dû. L’excédent éventuel de crédit d’impôt constitue alors une créance, qui sera imputée sur l’impôt dû au titre des trois années suivantes. Si, au terme de cette période, une fraction de crédit d’impôt n’a pas été utilisée, elle est remboursée.

Cependant, dès l’année d’engagement des dépenses, les entreprises peuvent procéder au préfinancement de leur créance, à hauteur de 80 %.

Par ailleurs, une imputation intégrale immédiate (soit en N + 1) est prévue au II de l’article 199 ter B du CGI pour certaines entreprises :

– les PME, au sens du droit européen ;

– les « Jeunes entreprises innovantes » au sens de l’article 44 sexies‑0 A du CGI ;

– les entreprises en difficulté (ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire) ;

– les entreprises nouvelles dont la moitié du capital est entièrement libérée et détenue par des personnes physiques, par des sociétés qui répondent à cette condition de détention ou par certains organismes tels que des sociétés financières d’innovation.

C.   L’objectif du CIR : d’un soutien à la R&D à un instrument d’attractivité

1.   Une montée en charge budgétaire

Le coût budgétaire du CIR fait de cet outil la première dépense fiscale active – il s’agissait de la seconde jusqu’à l’abrogation du CICE –, avec un montant estimé à 6,4 milliards d’euros pour 2021.

L’évolution de ce coût depuis 2012 est illustrée dans les tableaux suivant.

Évolution du coût budgétaire du CIR (2012-2021)

(en millions d’euros)

Année

2 012

2 013

2 014

2 015

2 016

2 017

2 018

2 019

2 020

2 021 (p.)

Coût

3 370

3 269

5 108

5 094

5 555

6 100

6 200

6 400

6 600

6 400

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014 à 2021, tome II : Dépenses fiscales.

Après une forte augmentation entre 2013 et 2014, le coût du CIR a encore augmenté d’environ 25 %, ce « niveau d’équilibre » s’établissant depuis 2107 à plus de 6 milliards d’euros.

Le ressaut constaté en 2014 est dû en partie à l’augmentation des créances de CIR, mais trouve surtout probablement sa source dans la fin de la montée en puissance de l’outil résultant de la réforme évoquée supra de ce dernier par la loi de finances pour 2008 ([9]), dont les effets ont atteint leur rythme de croisière à compter de 2014.

2.   Un instrument d’attractivité

L’utilité et l’efficacité du CIR pour les activités de R&D des entreprises françaises et, plus généralement, de la recherche en France ont été confortées par France Stratégie dans un rapport publié en mars 2019 ([10]) :

– le CIR, substantiellement réformé par la loi de finances pour 2008 précitée, a participé à la résistance des entreprises aux effets dépressifs de la crise économique mondiale de 2008-2009 et à redresser l’effort de R&D en France ;

– l’outil a un impact positif sur la croissance des dépenses de R&D, sur le personnel – notamment l’emploi des jeunes docteurs –, sur la propension au dépôt de brevets et sur les gains de productivité des entreprises.

Le CIR est également l’un des facteurs expliquant les bonnes performances de la France en termes d’attractivité, tout particulièrement s’agissant de la recherche et de l’innovation, qu’a mises en avant le baromètre de l’attractivité France paru en juin 2021 ([11]).

Il ressort de cette étude que la France est la première destination européenne des projets d’investissements étrangers, et occupe également la première place en matière de R&D : en 2020, 115 centres de R&D ont été créés ou étendus en France malgré la crise et l’attentisme qu’elle a engendré ([12]). Cette position n’est probablement pas uniquement due au CIR : les facteurs d’attractivité sont multiples, et le dispositif fiscal n’a pas connu d’évolution substantielle ces dernières années. Néanmoins, le CIR reste un outil connu et très compétitif eu égard aux pratiques fiscales étrangères. Ainsi, depuis une quinzaine d’années, les multinationales françaises ont proportionnellement accru davantage leurs dépenses de R&D en France qu’à l’étranger ([13]).

 


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II.   l’impact du crédit d’impôt recherche

Le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) constitue une dépense fiscale « stratégique mais coûteuse » – pour reprendre l’expression de Joël Giraud ([14]), rapporteur général de la commission des finances de juin 2017 à janvier 2020.

Son montant est particulièrement élevé puisqu’il atteint 6,2 milliards d’euros en moyenne entre 2017 et 2019. Les membres du groupe de travail ont donc voulu en étudier l’impact économique.

A.   le crédit d’impôt recherche bénéficie à plus de 20 000 entreprises chaque année pour un montant global de plus de 6 milliards d’euros

Le CIR est la première dépense fiscale à destination des entreprises ([15]) du fait de la transformation du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations sociales à compter du 1er janvier 2019. Le CIR profite à plus de 20 000 entreprises chaque année pour financer leurs dépenses de recherche et de développement (R&D), constituées pour moitié de frais de personnel.

1.   Une mesure fiscale « coûteuse mais stratégique » pour le financement de l’innovation par les entreprises

L’innovation est un enjeu majeur pour les entreprises. En favorisant une stratégie de différenciation par la qualité, elle leur permet de relever les défis posés par la mondialisation des échanges, la transition écologique et le vieillissement de la population.

D’après la Cour des comptes ([16]), les entreprises réalisent plus des deux tiers de l’effort de R&D effectué en France. Entre 2016 et 2018, environ 40 % des entreprises de plus de 10 salariés ont innové, dont un tiers en procédés et un quart en produits.

Toutefois, si la R&D est le préalable à l’innovation, cet investissement n’aboutit pas nécessairement à un nouveau produit ou processus. Ce risque d’échec inhérent à la recherche explique le coût élevé de ce type de dépenses et justifie le soutien public aux entreprises, dont le CIR n’est d’ailleurs pas le seul instrument.


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Il apparaît néanmoins comme l’outil majeur d’un panel relativement large de mesures : programmes d’investissement d’avenir (PIA), crédit d’impôt innovation (CII), exonérations fiscales et sociales pour les « jeunes entreprises innovantes », dispositifs auxquels s’ajoutent les aides directes sous forme de subventions, d’avances récupérables, de prêts à taux bonifié de Bpifrance, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou encore des régions et de l’Union européenne (UE).

En 2018, la France consacrait 2,2 % de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de R&D publiques et privées confondues (respectivement 0,8 et 1,4 %). Elle occupe ainsi le sixième rang des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Si la R&D des administrations publiques est supérieure à la moyenne de l’OCDE, ce n’est pas le cas de celle réalisée par le secteur privé qui s’élève à 1,67 % en moyenne.

Pourtant, la France est le pays qui offre le traitement fiscal de la R&D privée le plus avantageux et le plus élevé par rapport à son PIB ([17]) . À lui seul, le CIR dépasse 6 milliards d’euros par an depuis 2017 en montant total. Il bénéficie à plus de 20 000 entreprises depuis 2014.

crédit d’impôt recherche et entreprises bénéficiaires par année

Année

2 012

2 013

2 014

2 015

2 016

2 017

2 018

2 019

CIR
(en millions d’euros)

3 370

3 269

5 108

5 094

5 555

6 100

6 200

6 400

Bénéficiaires (en nombre d’entreprises)

15 000

16 200

20 465

23 194

22 194

22 993

21 090

-

CIR moyen par bénéficiaire
(en euros)

224 667

201 790

249 597

219 626

250 293

265 298

293 978

-

Source : rapports annuels de performance de la mission Recherche et enseignement supérieur annexés aux projets de loi de règlement de 2013 à 2020.

Rapporté au nombre d’entreprises qui en profitent, il s’élève à environ 255 000 euros par bénéficiaire pour la période 2014-2019.

Le CIR est équivalent à environ 9 % du montant total de l’impôt sur les sociétés (IS) prélevé chaque année.

D’après la direction de la législation fiscale (DLF) du ministère de l’économie, des finances et de la relance, « la trajectoire future de la créance de CIR est difficile à évaluer, tant elle est liée au contexte économique et à l’écosystème de la R&D » ([18]). Toutefois, elle considère que la mise en œuvre du plan de relance, le lancement du quatrième PIA ainsi que l’application de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 ([19]) devraient créer un contexte propice à l’augmentation des dépenses de R&D des entreprises et donc du CIR.

2.   Un bénéfice du crédit d’impôt davantage concentré sur les entreprises les plus importantes

Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent bénéficier du CIR dès lors qu’elles engagent des dépenses de R&D.

nombre d’entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt recherche
de 2013 à 2019 par catégorie

IS : impôt sur les sociétés

IR : impôt sur le revenu (pour les microentreprises notamment)

Source : DLF

Si les petites et moyennes entreprises (PME) ([20]) et les très petites entreprises (TPE) ([21]) représentaient 91 % des bénéficiaires en 2017, il convient de comparer leur poids par rapport à leur place dans les effectifs des entreprises françaises.

Ainsi, les TPE redevables de l’IS représentent 43 % des bénéficiaires du CIR alors qu’elles comptent pour seulement 0,3 % de l’ensemble des entreprises de leur catégorie.

De même, 6 % des PME perçoivent du CIR alors que les entreprises de cette taille représentent presque la moitié (47,9 %) des bénéficiaires de cette dépense fiscale.

En revanche, près des trois quarts des grandes entreprises ([22]) reçoivent ce crédit d’impôt alors qu’elles ne constituent que 0,9 % des bénéficiaires.

Quant aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) ([23]), elles sont 29 % à être éligibles au CIR mais ne comptent que pour 8 % des destinataires de cette mesure.

part des entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt recherche
dans chaque catégorie en 2017

Catégorie d’entreprise

Nombre d’entreprises (1)

Nombre de bénéficiaires du CIR (2)

Pourcentage ((2) / (1) * 100)

TPE

3 701 363

10 826 ([24])

0,29

PME

147 767

9 909

6,71

ETI

5 722

1 661

29,03

GE

257

189

73,54

Source : commission des finances à partir des données de la DLF et de l’INSEE

Il apparaît donc que la part des entreprises engageant des dépenses de R&D dans chaque catégorie de société augmente avec la taille de l’entreprise.

Ce sont d’ailleurs les sociétés les plus grandes qui ont l’intensité en R&D – mesurée par le rapport entre les dépenses intérieures de R&D (DIRD) et la valeur ajoutée (hors taxe) – la plus élevée en moyenne. Celle des grandes entreprises atteint 2,67 % contre 0,92 % pour celle des PME.

D’après la Cour des comptes ([25]), un dixième des entreprises qui bénéficient des montants les plus importants totalisent 77 % de la dépense totale de CIR. Leur chiffre d’affaires moyen s’élève à 204 millions d’euros mais la moitié d’entre elles ont un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros.


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Depuis 2010, entre 16 et 20 entreprises déclaraient plus de 100 millions d’euros de dépenses de R&D par an. Ces sociétés appartiennent toutes à des groupes fiscalement intégrés. Le fait que cette évolution ne suive pas une tendance claire, tendrait à démontrer, d’après l’administration ([26]), « que les groupes n’adopteraient pas de stratégies optimisantes de création de filiales dédiées afin de répartir leurs dépenses de recherche et développement dans l’objectif de contourner le plafond de 100 millions d’euros ». Dans le cas contraire, une multiplication des filiales qui viendrait diminuer le nombre de déclarants dépassant le seuil serait observé. Ce constat était déjà partagé par la Cour des Comptes dans son rapport de 2013 ([27]) .

Il ressort également que le CIR profite majoritairement aux entreprises industrielles.

part des industries manufacturières
dans le montant total de crédit d’impôt recherche en 2018

(en pourcentage)

Secteur d’activité

Part

Industries manufacturières

60,9 %

dont industrie électrique et électronique

14,5 %

dont pharmacie-parfumerie-entretien

11 %

dont industrie automobile

7,5 %

dont construction navale, aéronautique et ferroviaire

6,5 %

Source : Cour des comptes

La région Île-de-France concentre 64,6 % des entreprises bénéficiaires du CIR.

3.   Un financement qui concerne pour moitié les dépenses de personnel de recherche

Parmi les dépenses éligibles au CIR, la rémunération du personnel de recherche est la plus importante puisqu’elle représentait 50,2 % des dépenses de R&D en 2018 d’après la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI).

Si ce poste de dépenses peut apparaître relativement stable depuis plusieurs années, une légère augmentation est néanmoins observable puisque la part des dépenses de personnel concernant les chercheurs et les techniciens de recherche a augmenté de 2,4 % entre 2013 et 2018, notamment par le biais de l’augmentation liée aux rémunérations de jeunes docteurs (+ 62 %).

Il faut rappeler, à ce titre, que les dépenses de personnel qui se rapportent à des titulaires d’un doctorat sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les 24 premiers mois suivant leur premier recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI), en application de l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI).

Dans le même temps, les frais de brevets ont diminué de 6,7 %, de même que les dotations aux amortissements des biens et bâtiments affectés à la recherche (– 5,6 %).


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répartition des dépenses de recherche éligibles au cIR

(en pourcentage)

Source : MESRI

B.   Les effets du crédit d’impôt recherche varient selon la taille de l’entreprise et permettent surtout de réduire le coût des dépenses de r&d et plus particulièrement du personnel de recherche

Le CIR constitue donc un dispositif fiscal d’incitation massif. Pourtant, « la dégradation relative de nos performances commerciales et de notre production domestique dans les différents secteurs industriels reflète un déficit d’innovation qui se mesure en premier lieu par l’évolution de notre production de brevet », comme le constatent Philippe Aghion et ses collègues ([28]).

En conséquence, les membres du groupe de travail ont souhaité étudier l’impact économique du CIR eu égard à la croissance de son coût pour les finances publiques.

 


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1.   Des effets positifs mais modérés au regard du coût de cette dépense fiscale

D’après France Stratégie ([29]), le CIR aurait des effets positifs mais modérés sur les activités de R&D et sur l’innovation. Aucun impact significatif sur la valeur ajoutée et sur l’investissement ne serait observé.

Une précédente étude réalisée en 2019 ([30]) concluait déjà à un effet de levier relativement modeste puisqu’un euro additionnel d’aide publique allouée grâce au CIR entraînerait approximativement un euro de dépenses supplémentaires de R&D pour les entreprises qui en bénéficient (effet d’addition) à l’horizon de trois ans.

En revanche, le CIR contribuerait bien à favoriser l’emploi des personnels de recherche. Le nombre d’ingénieurs aurait augmenté de 2 % en moyenne pour les entreprises entrées dans le dispositif peu de temps avant la réforme de 2008. Cette analyse confirmerait le constat observé concernant la progression de la part des dépenses de personnel parmi les activités éligibles au bénéfice du CIR (cf. supra).

En ce qui concerne l’innovation, le CIR ne semble pas avoir un impact significatif sur la probabilité de déposer un brevet. Les membres du groupe de travail soulignent néanmoins la difficulté d’apprécier l’innovation en fonction de nombre de brevets déposés car ils peuvent concerner des innovations de rupture comme des innovations d’amélioration.

Toutefois, le CIR aurait un impact réel et positif sur les investissements incorporels, à l’instar de l’acquisition de brevets ou de logiciels. Les membres du groupe de travail ont pu constater auprès des entreprises qu’ils ont rencontrées l’importance du CIR pour l’acquisition de titres de propriété intellectuelle dans un contexte de financiarisation de ces actifs.

Si le CIR semble bien avoir des effets positifs mais modérés sur les activités privées de R&D, ils seraient concentrés principalement sur les TPE et les PME d’après France Stratégie. À l’inverse, il n’y aurait pas d’effet significatif pour les grandes entreprises et les ETI.

Cependant, le CIR a pu permettre à certaines ETI de surmonter la crise de 2008. La réforme du dispositif la même année aurait permis de « desserrer les contraintes financières des bénéficiaires en période de crise économique, leur permettant ainsi de développer leur activité sans nécessairement privilégier une stratégie d’innovation ». Dans une étude réalisée à la demande du MESRI, Benoît Mulkay et Jacques Mairesse ([31]) estiment que les dépenses de R&D des entreprises auraient été inférieures de plus de 20 % dix années après, si la réforme de 2008 n’avait pas eu lieu.

simulation de l’évolution de l’investissement en R&d
avec ou sans la réforme de 2008

Source : Mulkay et Mairesse

Le constat d’une efficience liée à la taille de l’entreprise est confirmé par une étude de l’OCDE ([32]) qui avance, dans le cadre de travaux généraux internationaux qui ne concernent pas spécifiquement le CIR, que « l’impact des incitations fiscales en faveur de la R&D serait inversement proportionnel à la taille des entreprises ». L’effet de levier serait en effet plus important à mesure que la taille de la société décroît. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, 1 euro de crédit d’impôt augmenterait d’1,40 euros les dépenses de R&D (effet d’entraînement) alors que cette hausse ne serait que de 1 euro jusqu’à 250 salariés (effet d’addition) et de seulement 0,40 euro au-delà (effet de substitution).

Lors de leurs déplacements, les membres du groupe de travail ont constaté que ces appréciations étaient de facto confirmées, les PME s’affirmant comme très dépendantes de cette dépense fiscale tandis que les ETI et les grandes entreprises insistant davantage sur le moyen que serait le CIR de réduire le coût du travail et de conserver la majeure partie de leurs activités de recherche en France.

Ce quasi « effet d’aubaine » pour les entreprises les plus grandes résulte du mode de calcul du CIR dont le montant n’est pas fixé en fonction de la taille de l’entreprise mais du niveau des dépenses de R&D. Les membres du groupe de travail estiment que ces entreprises, dont la compétitivité au niveau mondial est très dépendante de leur capacité à innover, auraient probablement réalisé ces dépenses sans incitation fiscale.

C’est le système qu’a choisi le Royaume-Uni où l’incitation fiscale à la R&D prend la forme d’un abattement sur le montant des revenus imposables de l’entreprise, plus élevé pour les sociétés qui emploient moins de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 100 millions de livres sterling.

2.   Une dépense fiscale qui atténue le coût du travail et le poids de la fiscalité des entreprises

Le CIR est un outil d’accroissement des dépenses privées de R&D. Il est également un moyen de baisser la fiscalité des entreprises à condition d’engager celles-ci. Dans cette dernière perspective, force est de constater que cette dépense fiscale remplit sa fonction de manière efficace puisqu’elle réduit de 5 à 15 points de pourcentage le taux implicite ([33]) d’impôt sur les sociétés (IS) selon France Stratégie.

Au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise, ce crédit d’impôt tend à être fiscalement plus avantageux pour les sociétés les moins imposées puisque la réduction du taux implicite est de 8 à 15 points pour celles dont le montant d’IS dû est égal à 15 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE) ([34]) contre 5 à 10 points pour celles où il s’élève à 27 % de l’EBE.

D’après les données fournies par la DLF, le taux d’IS brut moyen atteignait 32,89 % en 2019. Après la prise en compte du CIR, il baissait à 29,77 %. L’effet du crédit d’impôt sur le taux d’imposition selon la taille de la société confirme le constat d’allègement de la fiscalité des entreprises de manière inversement proportionnelle à leur taille. Pour les TPE, le CIR diminuait de 13,7 points de pourcentage le taux d’IS effectif en 2019 alors que cette baisse n’était que de 2,3 points pour les grandes entreprises.

effet du crédit d’impôt recherche sur l’imposition des sociétés

Source : DLF


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En conséquence, il permet la réduction du coût d’utilisation du capital recherche pour une entreprise. Dans leur étude pour le MESRI, Benoît Mulkay et Jacques Mairesse, estiment que le CIR divise par plus de deux son montant. L’utilisation d’un euro de capital recherche coûterait environ 6 centimes grâce à ce crédit d’impôt contre 16 centimes sans.

évolution du coût MOYEN de la r&d DE 1994 à 2012

(par euro de capital recherche en ordonnées)

Source : Mulkay et Mairesse

Ils retiennent également une élasticité-coût à long terme du capital recherche à 50 %. Cela signifie qu’une diminution de 10 % du coût des activités de R&D permet une augmentation de l’investissement de 5 % à l’horizon de trois à quatre ans. Au bout d’une dizaine d’années, elle s’élèverait même à 90 %.

Il ressort de ces éléments que le CIR peut donc aussi jouer le rôle de facteur de compétitivité pour les entreprises qui mènent des activités de R&D en France en réduisant le coût de leurs dépenses et notamment le coût du travail pour l’emploi du personnel de recherche.

Cependant, cet apport demeure relativement modeste d’après les analyses de France Stratégie, notamment en ce qui concerne l’attractivité de la France pour l’implantation des activités de R&D d’entreprises multinationales. Les dépenses pour l’innovation de la part de groupes étrangers en France se sont accrues mais dans une proportion plus faible que celle de leurs investissements au niveau mondial.

Les membres du groupe de travail rappellent toutefois que l’attractivité du territoire français en matière d’activités de R&D dépend de plusieurs facteurs dont le CIR n’est pas le plus décisif. Ainsi, l’efficience de cette dépense fiscale ne saurait être jugée à l’aune seule de la compétitivité des groupes français ou des investissements étrangers en R&D en France.

À ce propos, France Stratégie distingue cinq principaux déterminants pour la localisation de la R&D :

– l’existence préalable d’un écosystème local dynamique ;

– le respect de la propriété intellectuelle ;

– les aides à la R&D privée (dont les incitations fiscales) ;

– le niveau technologique de la firme ;

– l’histoire de l’entreprise.

Lors de leurs déplacements, les membres du groupe de travail ont pu constater le faible rôle joué par le CIR dans la détermination de l’implantation des activités de R&D. Dans le cas des grands groupes, cette dépense fiscale peut néanmoins avoir un impact marginal sur la concentration en France des activités de recherche sans qu’il soit décisif.


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III.   Le recours au crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche par les entreprises

A.   La gestion du recours au CIR par les entreprises

Le recours au CIR est aisé pour les entreprises en ce qu’il ne leur demande que l’envoi d’un ou plusieurs formulaires le cas échéant. En revanche, l’éligibilité de la dépense peut être plus complexe, c’est pourquoi plusieurs dispositifs sont à disposition des entreprises afin de sécuriser leur demande.

1.   La déclaration des dépenses de recherche et développement

Pour bénéficier du crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche (CIR) prévu à l’article 244 quater B du code général des impôts, les entreprises doivent déclarer des opérations de recherche et développement (R&D) dans le développement de leur projet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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a.   Une procédure dématérialisée depuis le 1er janvier 2020 qui facilite le dépôt de la déclaration

En vertu de l’article 76 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, depuis le 1er janvier 2020, la procédure de déclaration du crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche est dématérialisée. Les formulaires n° 2069-A-SD, n° 2069-A-1-SD et n° 2069-A-2-SD sont dès lors intégrés dans la procédure dématérialisée « Transfert de données fiscales et comptables » (TDFC) dans le cadre de la procédure d’échange de données informatisé (EDI). Il n’est plus nécessaire d’envoyer une copie au ministère chargé de la recherche.

Les entreprises remplissent la déclaration n° 2069-A-SD (annexe I) et la déposent en même temps que la déclaration de résultat pour les entreprises individuelles ou, pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, en même temps que leur relevé de solde.

Par ailleurs, les entreprises engageant plus de 100 millions d’euros de dépenses éligibles doivent également remplir l’annexe n° 2069-A-1-SD (annexe II) qui retrace la nature des travaux de recherche en cours, l’état d’avancement des programmes, les moyens matériels et humains alloués, la part de titulaires d’un doctorat financés par ces dépenses ou recrutés sur leur base, le nombre d’équivalent temps plein correspondants ainsi que leur rémunération moyenne et la localisation des moyens. L’article 151 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 avait abaissé le seuil de 100 à 2 millions d’euros mais le seuil initial a été rétabli par l’article 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Enfin, pour les entreprises ayant recours à des opérations de sous-traitance, il convient de remplir le formulaire n° 2069-A-2-SD (annexe III) qui recense les sous-traitants.

Ces états déclaratifs sont nécessaires pour l’évaluation du dispositif.

b.   Le guide du CIR : un accompagnement controversé du ministère chargé de la recherche

La frontière entre ce qui constitue une activité de R&D et ce qui n’en est pas une, peut être difficile à déterminer pour les entreprises. Le ministère chargé de la recherche publie dès lors chaque année un guide du CIR pour améliorer l’information des entreprises et les aider à préparer leurs démarches et leur déclaration dans les meilleures conditions. Ce guide expose les conditions et modalités de trois procédures afférentes au CIR ­ le contrôle fiscal, le rescrit et l’agrément ­ ainsi que le rôle et les attentes des experts scientifiques du ministère en cas de vérification. Depuis 2018, il dispense également des préconisations aux entreprises pour constituer le dossier justificatif des travaux de R&D déclarés pour l’obtention du crédit d’impôt. Ce guide n’a toutefois pas de valeur juridique et n’est donc pas opposable à l’administration fiscale.

En septembre 2010, le rapport d’évaluation de l’Inspection générale des finances (IGF) sur le CIR soulignait la difficulté d’accessibilité de la norme eu égard à la coexistence de plusieurs textes : guide rédigé par le MESRI et instructions fiscales ([35]). L’IGF faisait alors remarquer que ces sources présentaient des nuances, pouvant s’interpréter comme des divergences et complexifiant la détermination de l’assiette éligible.

Il ressort effectivement des auditions et déplacements que les entreprises sont critiques par rapport à ce guide. En ce qui concerne les conditions et les modalités de calcul du crédit d’impôt, le guide irait en effet au-delà de ce que prévoit la loi, sans toutefois être recouvert d’une valeur législative. Ainsi, le guide exclut de l’assiette des dépenses éligibles les études de faisabilité, de mise en place, de recrutement et de suivi de l’étude clinique alors qu’elles seraient, selon les entreprises, indissociables d’une étude de recherche. Or, les experts du MESRI sollicités lors des contrôles par les services fiscaux s’appuient sur ce guide pour la rédaction de leur avis. Une consultation publique a toutefois été engagée du 30 avril au 31 mai 2020 afin de recueillir l’avis des acteurs concernés par le CIR et d’améliorer en conséquence la qualité et l’aspect opérationnel du guide. L’édition 2021, qui n’a pas encore été publié, devrait ainsi pouvoir prendre en compte certaines contributions.

Enfin, les experts du MESRI appliquent le guide dans sa dernière version. Or, le guide est révisé chaque année et les contrôles sont effectués sur des déclarations faites antérieurement à sa publication alors que les entreprises constituent leur documentation technique justificative au fil de l’eau en fonction des trames et exigences propres à l’année de réalisation des travaux. Au sein du guide, les critères d’éligibilité d’externalisation des dépenses de recherche ont par exemple sensiblement évolué depuis 2015 vers une restriction de l’acceptation de la sous-traitance. Le guide pourrait à cet égard devenir une source d’insécurité juridique pour les entreprises.

c.   L’absence d’optimisation dans le cadre du régime d’intégration fiscale

Les groupes d’entreprises peuvent bénéficier du régime de l’intégration fiscale en concluant des conventions d’intégration fiscale avec leurs filiales. Ce mécanisme peut ainsi permettre de rétrocéder le crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche aux entités qui en sont à l’origine. En pratique, pour les groupes fiscalement intégrés, l’un des axes d’optimisation possible et propre au CIR est la création de filiales pour que leurs dépenses de recherche ne dépassent pas 100 millions d’euros et ainsi bénéficier du taux de 30 % sur l’intégralité des dépenses exposées. Pour les filiales existantes, l’optimisation peut consister à répartir les activités de R&D afin que les filiales ne déclarent pas plus de 100 millions d’euros.

 


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En 2013, la Cour des comptes appelait à un examen dynamique des stratégies d’optimisation qui auraient pu se développer dans la durée. Le rapport remis en juin 2021 par le Gouvernement au Parlement en vertu de l’article 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 recense, sur les 26 130 entreprises ayant déposé une demande de CIR, seulement environ 20 entreprises déclarant, chaque année entre 2010 et 2018, un montant net total de dépenses de recherche et de collection supérieur à 100 millions d’euros. Par conséquent, selon le ministère, le fait que le nombre d’entreprises déclarant au-delà du plafond de 100 millions d’euros soit stable dans le temps tend à démontrer que les groupes n’adoptent pas de stratégies de création de filiales dédiées afin de répartir leurs dépenses de R&D de manière à contourner ce plafond.

Historique des entreprises déclarantes exposant des dépenses de R&D éligibles supérieures à 100 millions d’euros et bénéficiaires du CIR

d.   Une complexification de la déclaration incitant les entreprises à recourir aux cabinets de consultants et aux experts-comptables

En 2013, la Cour soulignait que le recours aux cabinets de consultants et aux experts-comptables s’était accentué depuis la réforme du CIR de 2008, sans toutefois pouvoir précisément le quantifier. Elle relevait que 17 % des déclarants faisaient état de frais de conseil pour l’année 2011. En effet, les entreprises rencontrées au cours des trois déplacements ont, dans l’ensemble, fait part d’une certaine lourdeur dans la constitution du dossier de déclaration, qui conduit les petites structures à y renoncer ou les grandes structures à mobiliser plusieurs personnes à temps plein tant au sein des équipes de R&D pour la constitution du dossier scientifique, qu’au niveau du service comptable, fiscal et financier pour le calcul du crédit d’impôt. À titre d’illustration, la rédaction et le suivi des fiches CIR représentent 1 000 jours d’activité pour Michelin, soit 3 % du montant du crédit d’impôt dont l’entreprise bénéficie.


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Certaines entreprises font quant à elles régulièrement appel à des cabinets de conseil ou d’experts-comptables afin de s’assurer de l’éligibilité des projets et de la validité des calculs. Il ressort des déplacements effectués dans les entreprises que le rôle de l’aide extérieure est variable. Si les grandes entreprises ont souvent recours à des cabinets de conseil, elles gardent le plus souvent la main sur la rédaction des dossiers, à l’instar de Safran Reosc qui calcule directement son crédit d’impôt ou de Michelin qui s’adresse à un cabinet uniquement pour la formation de ses rédacteurs de fiches CIR. En revanche, les PME ont plus tendance à déléguer entièrement la gestion de leur CIR à des experts-comptables. Concrètement, les plus petites entreprises font état de la difficulté qu’elles peuvent avoir à comptabiliser les heures rémunérées « éligibles », notamment lorsque les activités de recherche et de production ne sont pas cloisonnées.

2.   La sécurisation du dispositif : des solutions peu sollicitées par les entreprises

Alors que la question de l’éligibilité des dépenses est parfois délicate, les entreprises disposent de trois instruments pour sécuriser leur déclaration : l’agrément en cas de sous-traitance, le rescrit et le contrôle sur demande.

a.   L’agrément dans le cadre de la sous-traitance

Le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche délivre aux entités installées en France ou dans l’espace économique européen qui le demandent un agrément qui permet d’informer le donneur d’ordre du potentiel de l’entreprise à faire de la recherche. Cet agrément permet ainsi aux entreprises d’inclure dans l’assiette de leur CIR les dépenses correspondant à des travaux de recherche externalisés. Jusqu’au 31 décembre 2021, l’agrément est réputé acquis pour les opérateurs publics de recherche, les universités, les établissements publics et privés d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant le grade « master » et les établissements publics de coopération scientifique.

Certaines entreprises rencontrées font toutefois état d’une difficulté à connaître le statut des sous-traitants et donc à identifier leur agrément. Le décret n° 2021-784 du 18 juin 2021 relatif à l’agrément des organismes de recherche et des experts scientifiques ou techniques auxquels les entreprises peuvent confier la réalisation d’opérations de recherche en application du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts a néanmoins permis de préciser les modalités de délivrance de l’agrément par le ministère chargé de la recherche et sa durée de validité.


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b.   Le rescrit, un vecteur de sécurité juridique peu utilisé

La déclaration d’une activité éligible peut être sécurisée à l’aide d’un rescrit. En effet, il est parfois complexe de déterminer s’il s’agit ou non d’une activité de R&D.

En vertu de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, avant le début des travaux de recherche ou, pour les travaux commencés, dans un délai de six mois avant le dépôt légal de la déclaration, les entreprises peuvent demander à l’administration fiscale ou aux services relevant du ministère de la recherche un rescrit afin de s’assurer qu’un projet de recherche ouvre effectivement droit au crédit d’impôt. L’administration dispose ensuite de trois mois pour confirmer l’éligibilité de la dépense au dispositif. Pour ce faire, elle peut solliciter pour expertise les services du ministère chargé de la recherche ou l’Agence nationale de la recherche (ANR). L’article 35 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a toutefois supprimé, pour les demandes de rescrits déposées à compter du 1er janvier 2021, la possibilité pour l’administration fiscale de solliciter l’ANR en raison du très faible nombre de demandes traitées par l’agence. L’absence de réponse vaut accord tacite de l’administration sur l’éligibilité du projet au crédit d’impôt. En cas de contrôle, l’administration est tenue par le rescrit.

Le nombre de rescrits reste faible en 2020 eu égard au nombre de déclarants mais est en progression depuis 2018 (+ 26). En 2020, 363 rescrits ont été déposés sur le CIR, CII inclus. Cette absence d’afflux de demandes pourrait signifier que les entreprises ne rencontrent pas de difficultés particulières dans la phase de déclaration du CIR selon la direction de la législation fiscale. L’Inspection générale des finances avance en revanche que le faible recours au rescrit pourrait également s’expliquer par la peur d’attirer l’attention de l’administration fiscale et de déclencher un contrôle mais également par la difficulté à identifier les questions à poser à l’administration trois mois avant le lancement du projet[36].

Nombre de demandes de rescrits reçus par les services de la DGFiP
en matière de CIR de 2017 à 2020

 

2 017

2 018

2 019

2 020

CIR

245

231

231

258

CIR « étendu »

21

19

11

10

CII

113

87

86

95

Total

379

337

328

363

La DGFiP¨ne dispose pas du nombre de rescrits délivrés par les services relevant du MESRI en vertu du 3° bis de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Source : Direction de la législation fiscale

Par ailleurs, les PME peuvent obtenir la validation par l’administration fiscale d’un montant minimal de leur créance de crédit d’impôt à venir au titre de l’année en cours. Cette validation est faite au regard de l’avancée des travaux de recherche et des dépenses engagées à la date de dépôt de la demande de rescrit.

c.   Le contrôle sur demande, un moyen d’anticiper les irrégularités de la déclaration

En vertu de l’article L. 13 CA du livre des procédures fiscales, les entreprises peuvent demander à l’administration, sur certains points précisés dans leur demande, de contrôler les opérations réalisées dans le cadre du CIR. Après avoir donné suite à la demande de l’entreprise, l’administration informe le contribuable des résultats de ce contrôle sur chacun de ces points. Les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances constatées sur ces points dans les déclarations souscrites peuvent être régularisées par le contribuable dans les conditions prévues à l'article L. 62 A du livre des procédures fiscales. Dans le cas d’une telle régularisation, l’entreprise bénéficie d’un taux réduit de 30 % pour les intérêts de retard, fixé. À défaut, elles font l'objet d'une procédure de rectification.

B.   Le contrôle fiscal, corOLlaire d’un système déclaratif facilement accessible

En contrepartie d’un système déclaratif qui facilite le recours au dispositif, l’administration fiscale doit pouvoir exercer un contrôle des entreprises déclarantes.

1.   La constitution du dossier justificatif, élément clé du contrôle

Si le dépôt de la déclaration des dépenses éligibles au CIR est relativement aisé compte tenu de sa dématérialisation, les entreprises sont tenues d’établir un dossier justificatif des dépenses de recherche exposées, dont le volume dépend de la complexité et du montant des opérations.

Ainsi, lorsqu’elle engage un contrôle, l’administration fiscale adresse à l’entreprise une demande de dossier et de pièces justificatives. Ce dossier comprend une description précise et scientifique des travaux de R&D et des coûts. Or, la préparation de ce dossier peut être chronophage lorsque l’entreprise le constitue au moment du contrôle et non au fur et à mesure de l’exécution des opérations de R&D. Pour l’élaboration du dossier justificatif, les entreprises disposent d’un modèle mis à disposition par le ministère chargé de la recherche ([37]). Ce modèle recense l’ensemble des coûts éligibles. Par ailleurs, le même ministère élabore actuellement un kit d’outils pédagogiques « grand public » pour aider les entreprises à la constitution du dossier et dont le guide du CIR constitue la première étape.

2.   Une procédure de contrôle spécifique eu égard à la dualité des compétences requises

La loi prévoit deux procédures de contrôle l’une à l’initiative de l’administration fiscale, l’autre à l’initiative du ministère chargé de la recherche. En pratique, le CIR ne fait pas l’objet d’un contrôle spécifique mais s’effectue à l’occasion du contrôle de comptabilité par les agents de l’administration fiscale.

a.   Les contrôles à l’initiative de l’administration fiscale

Le contrôle de l’administration fiscale se déroule en deux étapes. Tout d’abord, l’administration vérifie l’assiette du CIR, c'est-à-dire les éléments déclarés et leur comptabilisation. Elle contrôle ensuite le caractère scientifique des projets, en confrontant les éléments communiqués par l’entreprise avec les définitions établies par la doctrine fiscale qui figurent dans le bulletin officiel des finances publiques (BOFiP).

En raison de la dualité de compétences requises pour apprécier le bien-fondé d’une dépense au CIR, l’administration fiscale peut, en application de l’article L. 103 A du livre des procédures fiscales, solliciter l’expertise de toute personne susceptible de l’éclairer pour l’exercice de ses missions d’étude, de contrôle, d’établissement de l’impôt ou d’instruction des réclamations. Ainsi, aux termes de l’article L. 45 B du livre des procédures fiscales, « La réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt défini à l’article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l’administration des impôts qui demeure seule compétente pour l’application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. ». Il s’agit d’experts, le plus souvent issus du monde académique, recrutés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui les rémunère. Les services compétents sont tant la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) que les délégations régionales académiques à la recherche et à l’innovation.

À l’occasion de ce contrôle, l’expert du ministère de la recherche vérifie que les projets s’inscrivent bien dans des dépenses de R&D. Il contrôle également la matrice du personnel par projet en vérifiant si les moyens déployés par les entreprises pour les projets sont cohérents, sans toutefois préjuger de la performance de l’entreprise. L’avis de ces experts est ensuite communiqué à l’administration fiscale, seule compétente pour des rehaussements d’imposition. Elle n’est donc pas juridiquement tenue de le suivre. Cet avis n’est pas susceptible de recours direct dans la mesure où il n’engage pas l’administration fiscale. La DGFiP a également les moyens d’intervenir sur la partie scientifique grâce à la brigade de vérification des comptabilités informatisées (BVCI).


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À la différence du contrôle de l’administration fiscale, les experts du ministère ne sont pas tenus par l’obligation de débat contradictoire, ce qui peut être mal perçu par les entreprises. Le contrôle s’effectue sur pièces à partir de la documentation fournie par l’entreprise sans débat contradictoire. Toutefois, en pratique, une rencontre est souvent organisée avec l’entreprise en cas de rejet de certaines de ses dépenses afin qu’elle puisse présenter des justifications supplémentaires. En effet, le ministère a mis en place une démarche « qualité » afin d’améliorer le traitement des dossiers, de fiabiliser les expertises et de rendre les contrôles plus transparents pour les entreprises.

La répartition des rôles entre l’administration fiscale et le ministère chargé de la recherche, ainsi que les modalités de recours à l’expertise du ministère de la recherche en matière de rescrit et de restitution de CIR, repose sur un protocole conclu en 2014 entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la DGRI. Ce protocole met en place des quotas – 600 dossiers par an – pour les expertises à réaliser dans le cadre de dossiers de contrôle afin de réguler la demande en fonction des capacités du ministère. Si le système d’information de la DGFiP ne permet pas de déterminer la part des contrôles sur pièces et sur place ou des instructions de demandes de CIR pour lesquels l’expertise du ministère est sollicitée, le ministère chargé de la recherche estime être sollicité pour 25 à 33 % des dossiers.

Les entreprises soulignent des doublons voire des incohérences entre les deux contrôles, notamment lorsque l’administration fiscale commence de manière autonome la vérification dans l’attente de l’avis de l’expert ministériel qui arrive plus tardivement.

Source : Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

L’application Alpage (système d’information de la DGFiP) ne permet pas à l’administration de quantifier le nombre de contrôle qui comporte l’examen d’un crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche. Seuls les contrôles ayant abouti à une rectification au titre du CIR sont recensés, sans toutefois pouvoir distinguer si la rectification remet en cause une partie ou la totalité du crédit d’impôt sollicité. Après une augmentation des rectifications entre 2008 et 2013, passant de 269 à 1523, le rythme décroît depuis 2014. Ainsi, en 2020, 858 contrôles ont fait l’objet d’une rectification CIR.

 

Source : Direction de la législation fiscale

 

 

 

Source : Direction de la législation fiscale

Le contrôle sur pièces et sur place et l’instruction de demande de remboursement

Il existe deux types de contrôle qui se distinguent en fonction du moment où ils sont effectués. Le contrôle peut soit avoir lieu au moment où l’entreprise demande le remboursement de son CIR, soit a posteriori, dans les trois ans suivant la date de dépôt légal de la déclaration.

L’instruction d’une demande de remboursement de créance de CIR est effectuée en amont par les agents de l’administration fiscale à partir de leur bureau, en application de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales. Cette demande contentieuse fait l’objet d’une instruction spécifique, où l’administration vérifie les documents déposés en vue d’obtenir des déductions, restitution ou remboursement afin de s’assurer de l’exactitude des documents et pièces justificatives. Les services contrôlent également la cohérence de la déclaration CIR avec l’activité déclarée par l’entreprise, son bilan et son compte de résultat. S’agissant d’une vérification, non d’un contrôle au sens strict, la validation du remboursement ne vaut pas validation du CIR.

Le contrôle sur place et sur pièces est un contrôle fiscal externe. Il s’agit en fait d’une vérification de comptabilité au cours de laquelle l’administration se déplace pour examiner la comptabilité de l’entreprise, au titre de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales.

Compte tenu de l’ambiguïté autour de la définition respective de ces deux notions, la Cour recommandait en 2012 d’améliorer l’information des contribuables sur chacune de ces procédures ([38]).

b.   Les contrôles à l’initiative du ministère chargé de la recherche

Les agents du ministère de la recherche peuvent, de leur propre initiative, contrôler la réalité de l’affectation de la dépense déclarée à la recherche. Ils adressent alors à l’entreprise qui fait l’objet du contrôle une demande d’éléments justificatifs. L’entreprise dispose ensuite de 30 jours pour y répondre en joignant ses éléments justificatifs : déclaration spéciale, le cas échéant, documents scientifiques et techniques, justificatifs relatifs aux personnels de recherche et documents fiscaux et comptables relatifs aux dépenses déclarées. L’administration fiscale demeure ensuite la seule compétente pour mettre en œuvre les procédures de rectification de l’impôt.

 


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IV.   contributions individuelles des membres du groupe de travail sur le crédit d’impôt recherche

A.   Préconisations de M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général

Le crédit d’impôt recherche est incontestablement une dépense fiscale d’ampleur mais dont l’intérêt doit être apprécié au regard de ses effets sur la R&D d’une part, sur les performances économiques des entreprises d’autre part.

Si les gains de R&D ne sont pas équivalents selon les différentes tailles des entreprises et les secteurs d’activité, un fait transversal est indéniable : dans la dernière décennie, les multinationales françaises ont proportionnellement accru davantage leurs dépenses de R&D en France qu’à l’étranger, et le CIR y a probablement contribué.

Ainsi, il serait irresponsable de réduire l’ampleur de ce dispositif bien identifié par les entreprises alors même que nous nous situons dans une phase de relance économique.

En effet, cette relance doit passer par une reconquête de notre souveraineté économique, innervée par la recherche.

Les orientations suivantes peuvent donc être retenues à court terme :

– renforcer le CIR en direction de certains secteurs d’activité ou des entreprises pour lesquelles l’utilité marginale du dispositif est la plus forte, afin de le rendre plus incitatif ;

– soutenir la recherche publique, via la création d’un mécanisme de compensation de la suppression de la double assiette dont bénéficiait la sous-traitance publique, tout en nous conformant à nos engagements européens ;

– affermir la cohérence et la lisibilité des contrôles menés par les administrations.

 


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B.   Contribution de M. Francis Chouat, rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur

Au terme des travaux de ce groupe, le rapporteur souhaiterait revenir sur trois axes d’amélioration.

Premièrement, il souligne que la relance de l’économie française, ses capacités de réindustrialisation, de relocalisation et d’attractivité, doivent plus que jamais passer par un effort puissant en matière de recherche et d’innovation. Dès lors, il n’est pas question de remettre en cause la pertinence du crédit d’impôt recherche, qui est certes perfectible, mais dont l’impact sur l’emploi des personnels de recherche, et plus particulièrement sur celui des jeunes docteurs, est absolument essentiel pour soutenir l’innovation en sortie de crise sanitaire.

Aussi, le rapporteur estime que le CIR devrait s’inscrire dans une stratégie de recherche et d’innovation plus large, qui viendrait accompagner la montée en puissance financière permise par la loi de programmation de la recherche, en cohérence avec les autres outils de soutien à l’innovation que sont le PIA 4, le plan de relance, ou encore les prêts bonifiés de Bpifrance.

Cette ambition pourrait se traduire, comme le préconise l’économiste Philippe Aghion, par un renforcement du caractère incitatif du CIR, tant typologique (TPE, PME) que sectoriel (secteurs définis comme stratégiques par le plan de relance). Le rapporteur considère que ce ciblage, plus incitatif, permettrait aux structures et aux secteurs qui en ont le plus besoin de mettre en œuvre des innovations de rupture qu’elles ne sont pas en capacité de réaliser aujourd’hui, dans la mesure où elles impliquent une forte mobilisation humaine et des sauts technologiques importants.

Dans cette même logique, l’accompagnement des jeunes entreprises pourrait passer par un allongement de la durée du statut jeunes entreprises innovantes de 7 à 10 ans (ou à 12 ans), notamment dans le secteur de la recherche biomédicale où les délais de R&D sont étendus par les essais cliniques préalables à la mise sur le marché.

Deuxièmement, la suppression de la double assiette en matière de sous-traitance publique à partir du 1er janvier 2022 pose la question du soutien à la recherche partenariale, axe majeur de la loi de la programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. En effet, plusieurs entreprises et opérateurs de recherche ont évoqué les conséquences que cette suppression pourrait avoir sur leurs activités partenariales.

Si le dispositif actuel ne semble pas conforme au droit de l’Union, il est pourtant nécessaire que le ministère de la recherche introduise en loi de finances pour 2022 un mécanisme pour compenser sa disparition. Le rapporteur indique qu’il y sera particulièrement vigilant, notamment dans le cadre de son rapport spécial des crédits « recherche » de la mission Rechercher et enseignement supérieur sur le projet de loi de finances pour 2022.

Enfin, les retours des entreprises sur le contrôle fiscal ont montré un manque de coordination entre les agents de l’administration fiscale et les experts du ministère chargé de la recherche. Si un protocole a été établi en 2014 entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) afin de déterminer la répartition des rôles entre l’administration fiscale et le ministère chargé de la recherche, ainsi que les modalités de recours à l’expertise du ministère de la recherche en matière de rescrit et de restitution de CIR, il demeure un manque de coordination qui se traduit par des doublons, voire des incohérences. Le rapporteur invite donc les administrations à mutualiser leurs contrôles afin d’aboutir à une meilleure coordination.

C.   contribution de mme christine pires beaune, rapporteure spéciale de la mission remboursements et dégrèvements

Le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) occupe une place importante dans la mission Remboursements et dégrèvements. Cette dépense fiscale est en effet imputée sur ses crédits lorsqu’elle prend la forme d’une restitution à l’égard du contribuable, notamment lorsque le crédit d’impôt est excédentaire et que l’entreprise demande le remboursement de sa créance au bout de trois ans ([39]).

En 2020, le montant de CIR inscrit sur les crédits de la mission s’est élevé à 4,89 milliards d’euros, soit 3,2 % de la totalité des remboursements et dégrèvements. La part restituée représente environ les deux tiers du montant total du CIR chaque année. Au cours de ses travaux lors de l’examen des projets de loi de finances et de règlement, la rapporteure spéciale a constaté la progression continue de cette dépense fiscale, appelée à devenir la plus coûteuse pour les finances publiques du fait de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Depuis 2017, elle est chaque année supérieure à 6 milliards d’euros et aurait même atteint 7,7 milliards d’euros en 2020, d’après les chiffres donnés par la Cour des comptes ([40]), du fait de l’accélération des remboursements de crédits d’impôts afin de soulager la trésorerie des entreprises dans le contexte de la crise sanitaire.

La rapporteure spéciale s’est donc montrée particulièrement satisfaite de la création du groupe de travail sur le CIR ([41]). Ses trois mois de travaux, au cours duquel il a été procédé à une dizaine d’auditions et trois déplacements, lui ont permis d’étudier l’efficience du CIR sur les activités de recherche et de développement (R&D) des entreprises. Si la rapporteure spéciale partage la plupart des constats dressés dans le présent rapport, elle conteste néanmoins le caractère attractif du CIR pour la France qui n’a pas suffi à contrecarrer le recul de notre pays comme destination des entreprises étrangères pour la localisation de leur R&D, comme l’a souligné France Stratégie.

Elle souhaite également se démarquer des préconisations de ses deux collègues sur plusieurs points.

De manière générale, elle considère que le CIR est un outil stratégique mais mal ciblé. Il constitue un effet d’aubaine pour les grandes entreprises qui pourraient réaliser des dépenses de R&D sans incitation fiscale de l’État du fait de leurs capacités de financement, de l’importance que celles-ci revêtent pour leur compétitivité au niveau mondial mais aussi de l’environnement fiscal qui a évolué favorablement pour elles (baisse de l’IS et des impôts de production).

La rapporteure spéciale préconise de recentrer le CIR sur les petites et moyennes entreprises (PME) dont la propension à réaliser des innovations de rupture est plus importante et la dépendance aux aides publiques est plus grande, comme l’a démontré Philippe Aghion dans ses travaux.

Une modulation du taux de CIR en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de R&D engagées permettrait, à enveloppe budgétaire constante, de réallouer la dépense publique vers les entreprises qui en ont le plus besoin.

Un système progressif, sur le modèle de l’impôt sur le revenu, pourrait également accroître le montant de la créance à mesure que l’intensité de R&D – le rapport entre les dépenses de recherche et le chiffre d’affaires – s’accroît. Dans le cadre de ces pistes d’évolution, la mise en place de plafonds serait opportune afin de limiter les effets d’aubaine.

La rapporteure spéciale rappelle que le CIR ne saurait être le seul instrument de soutien public à l’innovation. Il conviendrait de mettre en œuvre des aides spécifiques pour les entreprises réalisant les investissements les plus à risques, notamment pour le secteur biomédical lors des premières phases des essais cliniques. De même, l’allongement du statut de jeune entreprise innovante (JEI) doit être étudié. Les sept ans au cours desquels ces sociétés ont droit à des exonérations fiscales et sociales sont une période trop courte au regard de la durée d’obtention des résultats des activités de R&D, ce qui plaide pour une extension du statut au cours des dix ou douze premières années d’existence.


Annexe 1 : Formulaire n° 2069-A-SD de déclaration du CIR,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





 



Annexe 2 : Formulaire 2069-A-1-SD pour les entreprises déclarant entre 10 et 100 millions d’euros de CIR




 



Annexe 3 : Formulaire 2069-A-2-SD pour les entreprises ayant recours à la sous-traitance

 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

 

Cour des Comptes :

– M. Emmanuel Glimet, conseiller maître ;

– Mme Flora Séguin, conseiller référendaire, responsable de la coordination des travaux en matière de recherche.

 

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :

– M. Fernando Galindo-Rueda, économiste principal, statistiques sur la science, la technologie et l’innovation ;

– Mme Silvia Appelt, économiste.

 

Philippe Aghion, Professeur au Collège de France et à Harvard.

 

France Stratégie :

– M. Gilles de Margerie, commissaire général ;

– M. Mohamed Harfi, Expert référent, Enseignement supérieur, recherche et innovation ;

– M. Rémi Lallement, Chef de projet « Innovation, économie industrielle, entreprises ».

 

Association des Conseils en Innovation :

– Mme Emmanuelle Pianetti, déléguée générale ;

– M. Thomas Gross, vice-président ;

– Olivia Cerveau-Reynaud, vice-présidente.


 

CCI France :

– M. Pierre Duouy, chargé de mission affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement - Direction des affaires publiques ;

– M. Marc Faillet, directeur stratégie développement économique et formation de la CCI de Région Nouvelle-Aquitaine et directeur général de la CCI Charente.

 

Cabinet de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de lʼinnovation (MESRI) - Cabinet de Madame Frédérique VIDAL, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation :

– Monsieur Nicolas Hengy, conseiller budgétaire ;

 Mme Christine COSTES, Chef du département des politiques d'incitation à la R&D des entreprises, Service de l'innovation, du transfert de technologie et de l'action régionale.

 

Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) :

 Mme Christine COSTES, Chef du département des politiques d'incitation à la R&D des entreprises, Service de l'innovation, du transfert de technologie et de l'action régionale.

 

Direction générale des finances publiques (DGFiP) :

– M. Christophe Pourreau, directeur.

 

 

 


    

    

    

   DEPLACEMENTS ORGANISES DANS LE CADRE
DU GROUpE DE TRAVAIL
« CREDIT D’IMPOT EN FAVEUR DES DEPENSES DE RECHERCHES


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS
DANS L’ESSONNE

 

SAFRAN REOSC

– M. Philippe Rioufreyt, président

– M. Pierre Syx, directeur des affaires économiques et financières

– M. Jacques Rodolfo, responsable du programme recherche et technologie

– Mme Karine Stamens, directrice fiscale du groupe

PEP THERAPY

– M. Antoine Prestat, président

– Mme Jennifer Sengenès, responsable de la stratégie et du développement

ALCATEL LUCENT / NOKIA

– M. Thierry Boisnon, président de Nokia France

– M. Jean-Luc Beylat, président de Bell Labs France

– M. Marc Charrière, directeur des relations gouvernementales

– M. Éric Decourchelle, directeur financier

– Mme Sophie Bermond, directrice du site de Paris-Saclay

– M. Thierry Evanno, directeur des projets collaboratifs pour la France

SANOFI AVENTIS

– M. Philippe Maugendre, directeur des politiques publiques

– M. Philippe Subiron, directeur du site de Chilly-Mazarin

– M. Antoine Lottin, directeur fiscal

– M. Eric Vacaresse, directeur des relations scientifiques

III-V LAB / Thalès

– M. Jean-Pierre Hamaide, président de III-V Lab

– M. Philippe Valéry, vice-président stratégie et partenariats de Thalès

 


    

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS
DANS LE PUY-DE-DOME

 

MICHELIN :

– M. Eric-Philippe Vinesse, directeur de la recherche et du développement ;

– Mme Armelle Balvay, responsable affaires publiques.

 

LABORATOIRE THEA :

– M. Henri Chibret, fondateur et président de Théa Holding ;

– M. Jean-Frédéric Chibret, président ;

– M. Colin Francou, directeur général délégué Théa Open Innovation ;

– M. Mohammed Naji, directeur du contrôle de fabrication des produits chimiques (CMC) ;

– M. Emmanuel Laurent, directeur administratif et financier ;

– Mme Muriel Caroll, directrice des affaires institutionnelles.

 

GREENTECH :

– M. Jean-Yves Berthon, président ;

– Mme Véronique Berthon, directrice des affaires financières.

 

METABOLIC EXPLORER :

– Mme Catherine Pennec, secrétaire générale ;

– Mme Maud Juguet, responsable propriété industrielle ;

– M. Thomas Desfougères, responsable bio sciences.


    

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LES RAPPORTEURS
DANS LE VAL DE MARNE

 

 

OMMIC :

 M. Marc ROCCHI, CEO chez OMMIC ;

 Mme Christelle QUERA, directrice des ressources humaines.

 

 

 

 


([1]) Seules les dépenses de veille technologique et les frais de prise, de maintenance et de défense d’actifs de propriété intellectuelle échappent à cette condition de territorialité.

([2]) Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, article 130.

([3]) Loi n° 2020‑1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, article 35.

([4]) Règlement (UE) n°651/2 014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([5]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, § 220.

([6]) Id., § 225 et 227.

([7]) Loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([8]) Dans le cas où l’exercice de l’entreprise ne coïncide pas avec l’année civile, l’imputation se fait sur l’impôt dû au titre de l’exercice clos durant l’année qui suit celle au cours de laquelle les dépenses ont été engagées.

([9]) Loi n° 2007‑1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2007, article 69.

([10]) France Stratégie, Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, l’impact du crédit d’impôt recherche, mars 2019.

([11]) EY, Baromètre de l’attractivité France – La France dans la course, juin 2021.

([12]) EY, étude précitée, pages 33.

([13]) France Stratégie, Évaluation du crédit d’impôt recherche, rapport CNEPI 2 021.

([14]) Rapport d’information sur l’application des mesures fiscales, juillet 2018.

([15]) Évaluations des voies et moyens, tome II « Les dépenses fiscales », annexe au projet de loi de finances pour 2021.

([16]) Les aides publiques à l’innovation des entreprises, avril 2021.

([17]) Parmi les 36 pays de l’OCDE, une trentaine dispose d’un système d’incitation fiscale pour la R&D privée.

([18]) Réponses au questionnaire.

([19]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

([20]) Entreprises qui occupent entre 10 et 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre 2 et 50 millions d’euros (décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique).

([21]) Entreprises qui occupent moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 2 millions d’euros.

([22]) Entreprises qui occupent plus de 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel excède 1,5 milliard d’euros.

([23]) Entreprises qui occupent entre 250 et 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre 50 millions et 1,5 milliard d’euros.

([24]) Les données intègrent les créances imputées sur l’impôt sur le revenu le cas échéant.

([25]) Rapport précité.

([26]) Rapport du Gouvernement au Parlement remis en application du III de l’article 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, juin 2021.

([27]) L’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, juillet 2013.

([28]) Philippe Aghion, Elie Cohen, Benjamin David, Timothée Gigout, « Le Covid et comment repenser notre politique industrielle », Mimeo, janvier 2021.

([29])  Évaluation du crédit d’impôt recherche, avis de la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), juin 2021.

([30]) L’impact du crédit d’impôt recherche, avis de la CNEPI, mars 2019.

([31]) Benoît Mulkay (MRE, université de Montpellier) et Jacques Mairesse (CREST-ENSAE, Maastricht University), « Nouveaux résultats sur l’impact du crédit d’impôt recherche », étude pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, septembre 2018.

([32]) « Qu’en est-il de l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R-D ? Nouveaux éléments issus du projet microBeRD de l’OCDE », note sur les politiques STI, septembre 2020.

([33]) Le taux implicite est le montant de l’impôt payé rapporté à une mesure du résultat de l’activité. Il diffère du taux marginal prévu par la loi.

([34]) L’EBE est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmenté des subventions d’exploitation.

([35]) Inspection générale des finances, Mission d’évaluation sur le crédit d’impôt recherche, septembre 2010.

([36]) Inspection générale des finances, Mission d’évaluation sur le crédit d’impôt recherche, septembre 2010.

([37]) https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/CIR/21/5/Dossier_justificatif_CIR-Recherche_1020215.pdf

([38]) Cour des comptes, Rapport d’évaluation de politique publique sur les relations de l’administration fiscale avec les particuliers et les entreprises, février 2012.

([39]) Une créance de CIR peut être remboursée sans attendre le délai de trois ans lorsque le contribuable est une entreprise de moins de cinq ans, une jeune entreprise innovante, une entreprise de moins de 250 salariés réalisant moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou bien une entreprise en difficulté,

([40]) Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Remboursements et dégrèvements en 2020.

([41]) Le CIR aurait d’ailleurs dû être le thème du Printemps de l’évaluation retenu pour 2020 avant que la pandémie de Covid-19 ne vienne chambouler les travaux de la commission des finances.