N° 4405

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État
et l’Agence française de développement (AFD) pour la période 2020-2022

 

et présenté par

M. Frédéric BARBIER

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. des objectifs précis présentés à mi-chemin

A. Une présentation retardée

B. Des cibles opérationnelles adossées à des moyens importants

1. Un prolongement des axes du précédent COM

2. Des objectifs plus lisibles et hiérarchisés

3. Des moyens élevés et prévisibles

II. un com amélioré dans un environnement inédit

A. un contexte renouvelé

1. Les orientations du CICID de février 2018

2. Le projet de loi de programmation sur le développement solidaire

3. La pandémie de Covid-19

B. un contenu remanié

1. Une approche centrée sur le groupe AFD

2. Un pilotage par les signatures et les versements

3. Un pilotage renforcé des dons

4. Une meilleure prise en compte des enjeux climatiques

5. Un renforcement de la redevabilité

III. des points d’attention pour l’avenir

A. Se transformer en maîtrisant les coûts

B. préparer le COM 2023-2025

Conclusion

examen en commission

ANNEXE : liste des personnes auditionnées


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   introduction

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, « une convention pluriannuelle conclue entre l’État, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d’administration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines. » Sur ce fondement, la commission des affaires étrangères, saisie le 11 juin dernier du projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’Agence française de développement (AFD) pour la période 2020-2022, est appelée à formuler son avis sur celui‑ci.

Ce contrat d’objectifs et de moyens, qui fait suite au COM précédent portant sur les années 2017 à 2019, exprime les principales attentes de l’État vis‑à‑vis de l’opérateur chargé de mettre en œuvre les priorités de la politique française de développement. Il rappelle aussi les moyens mis à la disposition du groupe AFD, notamment en termes d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement, pour remplir ses missions. Le pilotage plus détaillé de l’Agence par l’État fait l’objet d’un document distinct, la convention cadre État-AFD (qui traite du cadrage des partenariats et des échanges avec les autorités politiques, de la validation des stratégies, de la programmation des subventions, etc.).

Le COM 2020‑2022 intervient dans un monde qui a changé. Il a changé d’abord avec l’irruption d’une pandémie aux multiples conséquences économiques et sociales qui bouleversent l’activité du groupe AFD. L’environnement de l’Agence a changé ensuite avec l’examen et l’adoption d’un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, le précédent texte en la matière datant de 2014. L’Agence enfin a changé. Les années 2017 à 2019 ont été pour elle des années d’expansion rapide et de déploiement tous azimuts. L’établissement public chargé de l’aide au développement a poursuivi des objectifs ambitieux, en termes de croissance de son bilan et de son activité, avec des moyens budgétaires et humains accrus. Le COM 2017-2019 était un COM de croissance. La période ouverte en 2020 est une période de stabilisation.

Le COM soumis à la commission des affaires étrangères intègre bien ce nouveau contexte dans ses différents aspects. Son contenu a été remanié et enrichi par rapport au précédent contrat, avec des indicateurs plus nombreux et qui intègrent la mesure des impacts concrets de l’activité de l’Agence. C’est donc un COM de qualité dont il faudra pour autant suivre attentivement l’exécution.


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I.   des objectifs précis présentés à mi-chemin

A.   Une présentation retardée

Le présent contrat d’objectifs et de moyens du groupe AFD est le fruit d’une longue négociation, engagée dès 2019, entre l’Agence, la direction générale de la mondialisation (au ministère de l’Europe et des affaires étrangères) et la direction générale du Trésor, épaulée par la direction générale du budget (au ministère de l’économie, des finances et de la relance). Après avoir été présenté pour information au conseil d’administration de l’AFD, il est aujourd’hui soumis pour avis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il fera l’objet d’une adoption définitive par le conseil d’administration de l’AFD le 16 septembre 2021.

Transmis à la commission des affaires étrangères à la mi-juin 2021, ce COM porte sur les années 2020-2022. Comme le précédent, sa présentation est donc tardive ([1]). Dans le cas présent, toutefois, il faut convenir que le retard dans la finalisation du document s’explique très largement par le contexte. Les premières réflexions sur le COM avaient débuté dès la mi-2019. Alors que le document était finalisé en février 2020, la crise de la Covid-19, la dégradation de l’environnement économique international et leur impact sur l’activité de l’AFD (en termes de niveau et de répartition) ont nécessité de réviser de nombreuses cibles et indicateurs, qu’il s’agisse de la trajectoire d’activité, du modèle économique et financier ou des cibles géographiques ou sectorielles.

Le dépôt, retardé lui aussi en raison de la crise sanitaire, d’un projet de loi refondant globalement la politique française de développement solidaire a conduit aussi à repousser la présentation du COM. Il était légitime de souhaiter que ce contrat prenne en compte les apports d’un texte législatif qui se veut novateur et dont les circonstances ont malheureusement conduit à retarder l’examen. Ce sont en effet les orientations politiques qui doivent guider la définition des axes opérationnels, et non pas l’inverse.

B.   Des cibles opérationnelles adossées à des moyens importants

1.   Un prolongement des axes du précédent COM

Le bilan du COM 2017-2019 a été présenté en détail lors de la réunion du conseil d’administration de l’AFD de juillet 2020. Ce bilan est considéré comme globalement bon par les tutelles.

Il apparaît à ce sujet que le fonctionnement de la triple tutelle de l’AFD a trouvé un équilibre satisfaisant. Les trois tutelles conservent une compétence d’analyse et de pilotage générale sur l’ensemble de l’activité et des enjeux stratégiques propres à l’Agence. Étant donné la fragmentation des moyens budgétaires et l’ampleur des champs thématique et géographique d’intervention de l’AFD, l’exercice de la tutelle fait l’objet d’une coordination à plusieurs niveaux sous l’égide du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chef de file de la politique transversale en faveur du développement. Le co‑secrétariat (réuni trimestriellement) du CICID permet des échanges réguliers entre la direction générale de la mondialisation et la direction générale du trésor sur l’ensemble des sujets relatifs au pilotage de l’Agence. Une réunion « trilatérale » entre le secrétaire général du MEAE, le directeur général du Trésor et le directeur général de l’AFD est organisée sur une base trimestrielle afin d’aborder les enjeux les plus importants. Les tutelles s’attachent également à harmoniser leurs positions sur les grands dossiers intéressant le pilotage de l’Agence et leurs votes à l’occasion des réunions du conseil d’administration. Enfin, chaque tutelle exerce un pilotage plus précis sur les sujets qui relèvent davantage de sa compétence (les subventions, les secteurs sociaux et les pays les moins avancés pour le MEAE, les prêts et la « finance climat » pour le ministère de l’économie, des finances et de la relance, les territoires ultramarins pour le ministère des outre-mer).

80 % des cibles du COM 2017-2019 ont été réalisées. Les résultats atteints en matière de développement des partenariats doivent en particulier être salués. La construction d’« une AFD plus partenariale » constituait en effet l’un des axes majeurs du précédent contrat. Celui-ci disposait à ce sujet : « L’AFD favorisera une approche multi-acteurs au service du développement (ODD 17) et soutiendra ainsi l’émergence d’un nouvel écosystème du développement (…) ». L’AFD a concrètement accru ces dernières années ses relations avec les banques nationales de développement, les institutions européennes et les bailleurs bilatéraux et multilatéraux. Elle a renforcé le réseau IDFC (International Development Finance Club), dont elle assure la présidence depuis octobre 2017. Ce réseau a ainsi été élargi à de nouveaux membres (CDP ([2]) et International Investment Bank en 2018, puis BICE ([3]) (Argentine) et PT SMI ([4]) (Indonésie) en 2019) et mobilisé autour d’initiatives opérationnelles communes telles que la « Facilité climat » lancée lors de la COP 25 et le partenariat stratégique avec le Fonds vert pour le climat.

L’AFD a par ailleurs approfondi ses partenariats avec les autres grandes banques de développement européennes telles que la KfW ([5]) allemande, la CDP italienne et l’AECID ([6]) espagnole, non seulement dans le cadre d’accords de partenariats bilatéraux, prévoyant des actions communes et des échanges de personnel mais aussi dans le cadre d’une plateforme commune, destinée à faciliter la constitution d’une offre européenne commune.

Les partenariats avec les organisations de la société civile (OSC), les collectivités territoriales et les acteurs économiques français ont aussi été renforcés. Toutes les cibles qui concernaient ces partenariats ont été atteintes, à l’exception de celle fixant à 80 % la part des marchés liés aux financements AFD ayant fait l’objet d’un appel d’offres international et qui donnent lieu au dépôt d’au moins une offre française ([7]). La « diplomatie économique » constitue ainsi l’une des faiblesses de l’exécution du COM 2017-2019.

L’objectif de 85 % d’effort de l’État pour l’Afrique n’a pas non plus été atteint. Le COM 2017-2019 comportait en effet un indicateur ([8]) qui fixait à 85 % en moyenne, sur la durée du COM, la « part (en montant) de l’effort financier de l’État dans les États étrangers consacrée par l’AFD à l’Afrique et au Proche et Moyen Orients ». Il est certain que cet objectif était difficile à atteindre tant il est moins difficile de monter des projets dans des pays émergents en croissance que dans certains pays africains en situation très délicate. L’indicateur n° 36 du nouveau COM reprend exactement la même formulation en ajoutant simplement que cette cible est assignée à l’ensemble AFD-Proparco ([9]).

Le précédent COM ([10]) prévoyait par ailleurs une cible de 12,5 milliards d’euros sur la période 2017-2019 pour les « autorisations de financements dédiées au développement du continent africain par le Groupe AFD ». Le COM 2020‑2022 ([11]) fixe à 15,5 milliards d’euros, pour l’ensemble AFD-Proparco, en cumul sur la durée du COM, le volume des autorisations d’engagements dédiées au développement du continent africain.

On voit là que le COM 2020-2022 ne contredit pas le précédent, mais reprend dans l’ensemble, amplifie et complète les grands axes de celui-ci : priorité à l’Afrique, climat, biodiversité, éducation, égalité homme-femme, etc.

Le présent COM s’attache toutefois à corriger certaines faiblesses du contrat précédent : cibles fixées seulement en montants (et ne prenant donc pas en compte la variation de l’activité), assiettes complexes qui rendaient les indicateurs peu lisibles et peu propres à permettre des comparaisons, cibles trop timides qui suivaient davantage l’évolution naturelle de l’activité qu’elles n’impulsaient de véritables évolutions stratégiques, logique de « groupe » insuffisamment développée, etc.

2.   Des objectifs plus lisibles et hiérarchisés

Sur la forme, le COM 2020‑2022 se veut plus rigoureux et plus lisible. Les parties narratives ont été réduites. Certaines cibles sont exprimées en pourcentage de l’activité de manière à rester pertinentes en cas de fluctuation de la trajectoire d’activité. À titre d’exemple, le COM 2017-2019 ([12]) comportait, concernant les autorisations de financements annuels de l’AFD dans le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi, une cible annuelle de 300 millions d’euros, dont au moins 80 millions d’euros en subventions. Le nouveau COM fixe quant à lui à 15 % (en moyenne sur la durée du COM) la part des autorisations d’engagement en subventions dans les États étrangers dans le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de l’accompagnement vers l’emploi et à 4 % (en moyenne sur la durée du COM) la part des autorisations d’engagement dans les États étrangers et les outre-mer dans le même secteur. Les indicateurs font par ailleurs l’objet de fiches méthodologiques détaillées.

La première partie du présent COM est dédiée aux objectifs. Deux objectifs « généraux » sont fixés. Le premier vise à bâtir « un groupe AFD résilient, élargi, au service de la politique française de développement » et se décompose en cinq objectifs spécifiques :

—  accroître la contribution du groupe AFD à l’impact de l’aide publique au développement dans les pays bénéficiaires,

—  préserver un modèle économique pérenne et un groupe AFD efficient,

—  accroître les synergies opérationnelles et fonctionnelles au sein du groupe AFD,

—  renforcer la responsabilité sociale et environnementale, la transparence et l’exemplarité des activités du groupe AFD,

—  renforcer l’évaluation et la redevabilité du groupe AFD.

Le second objectif général tend à construire « un groupe AFD résolument engagé dans la mise en œuvre des priorités de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, au service de la politique partenariale de développement ». Cet objectif général se décline lui aussi en cinq sous‑objectifs :

—  mettre en œuvre les priorités sectorielles du CICID de février 2018,

—  contribuer à la mise en œuvre des objectifs du discours de Ouagadougou ([13]),

—  agir de manière différenciée en fonction des géographies d’intervention,

—  diversifier les instruments de financements du groupe AFD, tout en assurant un équilibre entre les modes d’intervention,

—  mobiliser différents flux financiers et acteurs pour l’atteinte des ODD, au-delà de l’APD française.

Les dix objectifs « spécifiques » ainsi inscrits dans le nouveau COM sont assortis de 47 indicateurs (soit d’activité, soit de résultat), contre 27 indicateurs seulement dans le précédent COM. Votre rapporteur estime qu’un équilibre satisfaisant a été trouvé sur le nombre d’indicateurs. Leur quasi-doublement permet de renforcer le caractère incitatif et le pilotage de l’activité du groupe. Au-delà de ce chiffre, on risquerait de verser vers un encadrement excessivement lourd et tatillon.

Les cibles prévues ont nécessité un long travail de concertation entre l’État et l’établissement public, tout l’enjeu étant de définir des cibles stimulantes, et donc ambitieuses, tout en ne se situant pas hors de portée. Elles ont été définies sur la base d’une trajectoire d’activité du groupe stabilisée à 12 milliards d’euros.

Des indicateurs d’impact, complétant les indicateurs de moyens, ont été inclus pour la première fois. Ainsi, l’indicateur n° 21 porte sur le nombre de filles scolarisées dans le primaire et au premier niveau du secondaire. L’indicateur n° 25 vise les superficies bénéficiant de programmes de conservation ou de restauration de la biodiversité. L’indicateur n° 26 se réfère aux tonnes d’équivalent CO2 évitées.

Les cibles sont pour la plupart pluriannuelles mais font néanmoins l’objet d’une mesure annuelle. Ainsi, en cas de non‑atteinte d’un indicateur une année, il est possible de compenser l’année suivante. Le degré d’atteinte des cibles sera présenté au conseil d’administration chaque année, lors de la présentation du bilan d’exécution du COM. Comme l’a confirmé l’Agence lors de son audition, un suivi régulier des cibles est réalisé en interne et des points d’étape sont présentés au conseil d’administration et au comité exécutif tout au long de l’année (ainsi, en dernier lieu, en juin 2021).

3.   Des moyens élevés et prévisibles

La seconde partie du COM est dédiée aux moyens. Elle rappelle que l’État met à la disposition de l’AFD les crédits d’intervention nécessaires au financement de ses opérations dans les États étrangers via les programmes budgétaires de la mission « Aide publique au développement » (programmes 110 et 209) ainsi que les programmes « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France » (programme 852) et « Prêts à l’agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans les États étrangers » (programme 853). Elle souligne que des ressources extrabudgétaires peuvent également être allouées à l’Agence pour la mise en œuvre de ses missions.

Des crédits sont également prévus pour les subventions destinées aux ONG et pour les bonifications et subventions outre-mer.

Le COM précise que les moyens seront progressivement accrus conformément au tableau ci-dessous afin d’atteindre les hypothèses cibles indicatives 2022, sous réserve de l’adoption de ces crédits en loi de finances :

crédits d’intervention mis à la disposition de l ‘AFD

(en millions d’euros)

2020 (LFI)

2021 (LFI)

2022 ([14])

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Bonifications États Étrangers (P110)

600

190

970

220

1 000

270

Bonifications outre-mer (P123 et P110 ([15]))

33,7

29,5

34,7

18,4

36,3

20,1

5,6

4,3

3,5

Ressources à conditions spéciales (P853)

0

424,3

0

258

0

190

Don-projet et don-ONG (P209, hors rémunération) ([16])

1023,3 ([17])

579 ([18])

1035

732,8

1055 ([19])

862,4 ([20])

Source : contrat d’objectifs et de moyens 2020‑2022 entre l’État et le groupe Agence française de développement

L’État s’engage à porter « une attention particulière à la prévisibilité des ressources octroyées » afin de « créer les conditions favorables à un pilotage efficace par l’AFD de ces ressources et de son programme d’activités, ainsi que du maintien de la qualité de sa relation avec les emprunteurs et bénéficiaires de financements ».

II.   un com amélioré dans un environnement inédit

A.   un contexte renouvelé

1.   Les orientations du CICID de février 2018

Lors de sa réunion du 8 février 2018, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) avait défini de grandes priorités sectorielles pour la politique française de développement : la santé, le climat et la biodiversité, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les fragilités ([21]), l’éducation, la gouvernance démocratique et la sécurité alimentaire. Il avait appelé à porter une attention particulière à l’Afrique et à concentrer l’aide sur 19 pays prioritaires ([22]). Il avait aussi acté l’intégration d’Expertise France au sein du groupe AFD (incluant déjà Proparco), l’idée étant de permettre à ce groupe d’apporter aux pays partenaires une offre plus complète.

Ces orientations se retrouvent fidèlement dans le COM 2020-2022. Celui­‑ci acte la concentration des moyens et interventions de l’AFD dans les zones géographiques prioritaires de la France et dans les secteurs prioritaires, avec des indicateurs dédiés. Plusieurs indicateurs s’appliquent par ailleurs à Expertise France pour tenir compte de son intégration dans le groupe.

2.   Le projet de loi de programmation sur le développement solidaire

Le COM 2020‑20222 est une traduction opérationnelle du projet de loi de programmation sur le développement solidaire (qui reprend lui-même les priorités du CICID de 2018). La trajectoire de moyens qu’il présente est conforme à la programmation budgétaire votée par le Parlement. Les priorités sectorielles et géographiques du rapport annexé au projet de loi (le « cadre de partenariat global ») sont déclinées par plusieurs objectifs du COM, de même que l’intégration d’Expertise France et le thème transversal de l’évaluation.

Les enrichissements apportés par la discussion parlementaire ont conduit à accentuer certaines thématiques dans la dernière version du COM. Ainsi l’objectif en matière de « co-bénéfice genre » a été rehaussé par rapport à la version initiale. L’indicateur n° 27 fixe ainsi pour 2022 une cible de 55 % de la part (en volume) des projets de l’AFD à l’étranger qui doivent avoir un objectif de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes (marqueurs « CAD 1 » ou « CAD 2 » ([23])). L’indicateur n° 28 fixe au minimum à 15 % en moyenne sur la durée du COM la part des autorisations d’engagement en subventions ([24]) dans les États étrangers qui doivent être marquées « CAD 2 ». L’indicateur n° 29 inscrit une cible de « 600 millions d’euros par an à horizon 2022, en s’efforçant d’atteindre 700 millions d’euros par an, sous réserve de la disponibilité de ressources en subventions suffisantes » pour le volume des autorisations d’engagement dans les États étrangers qui doivent être marquées « CAD 2 » (pour l’ensemble du groupe AFD).

De la même façon, c’est la discussion parlementaire qui a amené à rehausser de 500 millions d’euros (par rapport à la version initiale du COM) l’objectif de concentration de l’activité en Afrique.

3.   La pandémie de Covid-19

Comme le souligne le préambule du COM, « la pandémie de Covid-19 survenue au début de l’année 2020 a produit une vaste crise sanitaire, économique et sociale à l’échelle de la planète qui touche l’ensemble des pays d’intervention du groupe AFD. Dans le cadre de la riposte globale française, le groupe AFD contribue à y répondre via son activité courante de développement mais aussi par la mise en place d’actions spécifiques. »

La crise de la Covid‑19 s’est répercutée de deux manières sur l’AFD. Elle a d’abord compliqué son activité et entravé sa préparation de nouveaux projets. Pendant toute l’année 2020 et une bonne partie de l’année 2021, il a été très difficile pour l’Agence d’envoyer des collaborateurs dans les pays partenaires, notamment en Afrique. Or, son niveau d’activité dépend de sa capacité à aller discuter sur place avec les contreparties locales.

La crise sanitaire a aussi et surtout fragilisé les États partenaires et leurs populations. La contribution de l’AFD à la lutte contre la pandémie s’est articulée autour de l’initiative « Covid-19‑Santé en Commun », mise en place en avril 2020. Destinée principalement aux pays prioritaires, cette initiative a visé à soutenir l’investissement dans le dépistage et la prise en charge, le renforcement des réseaux de surveillance épidémiologique et la sensibilisation à l’hygiène et aux gestes barrière.

Les indicateurs n° 30 et n° 31 du COM sont destinés à mesurer la contribution du groupe AFD à l’amélioration des systèmes de santé et à la réponse à la crise sanitaire. Le COM précise par ailleurs qu’« une redevabilité spécifique sur la réponse globale du groupe AFD à la crise Covid-19 sera régulièrement faite lors des conseils d’administration de l’AFD ainsi qu’auprès des administrations et du Parlement ».

B.   un contenu remanié

1.   Une approche centrée sur le groupe AFD

Le COM 2020‑2022 adopte, plus que celui qui l’a précédé, une approche fondée sur le « groupe » AFD. Comme le dit son préambule, ce COM « traite l’AFD, PROPARCO et Expertise France, comme une entité stratégiquement, opérationnellement et fonctionnellement intégrée ».

L’assiette des indicateurs a ainsi été élargie, autant que possible, à Proparco, filiale de l’AFD dédiée au soutien au secteur privé. De surcroît, plusieurs indicateurs pilotent spécifiquement Proparco : résultat net ([25]), maintien en valeur absolue des capitaux privés dans les fonds propres ([26]) et montant total engagé en faveur des TPE et PME africaines (dont garanties, prêts et prise de participations) ([27]).

L’intégration d’Expertise France au sein du groupe, dont on sait qu’elle est d’ores et déjà matérialisée en pratique par une intensification des relations opérationnelles, est largement prise en compte dans le COM 2020‑2022. De nombreux indicateurs sont appliqués à Expertise France alors même que celle‑ci conserve un COM séparé ([28]) afin de préserver son autonomie stratégique et opérationnelle. Rappelons en effet ici qu’Expertise France et l’AFD ont des modes d’intervention et de décaissement différents, direct et rapide pour la première, indirect et plus long pour la seconde.

Des objectifs de convergence entre les trois entités sont par ailleurs prévus. Une méthodologie d’analyse du développement durable devra être élaborée d’ici à 2022 au niveau du groupe, méthodologie dont la mise en œuvre sera adaptée aux spécificités des métiers ([29]). Le groupe devra aussi publier avant la fin de l’année une liste d’exclusion actualisée et harmonisée ([30]).

L’approche partenariale, au-delà de la seule entité du groupe, demeure, elle aussi, présente même si elle est moins mise en exergue que dans le COM 2017-2019. Les indicateurs n° 45 et n° 46 portent respectivement sur le montant des ressources d’autres bailleurs dont le groupe AFD est délégataire et sur le montant des financements privés mobilisés. Des objectifs ambitieux sont fixés.

2.   Un pilotage par les signatures et les versements

Le présent COM invite au passage progressif « d’un pilotage par les engagements à un pilotage par les signatures et les versements », passage décrit comme un véritable « changement de paradigme ».

Ce changement de paradigme poursuit deux objectifs principaux. Premièrement, il doit permettre de recentrer l’AFD sur sa mission première, qui est sa contribution à l’aide publique au développement, laquelle est comptabilisée au moment des versements et non des octrois. Deuxièmement, il tend à donner la priorité à la recherche d’impacts concrets, rapides et effectifs. Les engagements chiffrés des bailleurs doivent céder le pas à la valorisation de projets efficacement mis en œuvre sur le terrain au profit des populations.

Les octrois ont ainsi vocation à être stabilisés (« le niveau d’engagements sera consolidé ») tandis que les efforts doivent redoubler en matière de versements. L’indicateur n° 2 se réfère au montant des versements cumulés 2020-2022 sur prêts et subventions et fixe une cible de 24 milliards d’euros (cumulés sur la durée du COM).

3.   Un pilotage renforcé des dons

Le COM 2020-2022 s’attache à renforcer largement le pilotage des dons, avec de nombreuses cibles sectorielles dédiées : part des autorisations d’engagement en subventions consacrée à Minka ([31]) (indicateur n° 17), dans le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de l’accompagnement vers l’emploi (indicateur n° 19), marquées « CAD 2 ([32]) » (indicateur n° 29), dans le secteur de la santé et de la protection sociale, en faveur de la gouvernance démocratique (indicateur n° 32), dans les secteurs de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et de l’agriculture durable (indicateur n° 33), etc.

4.   Une meilleure prise en compte des enjeux climatiques

Le présent COM voit une évolution structurelle quant à la prise en compte des enjeux climatiques. Pour la première fois, un indicateur ([33]) prévoit la réalisation d’un bilan carbone net des activités financées par l’AFD. À partir de 2021, l’AFD présentera annuellement en conseil d’administration un « bilan climat » du groupe dont la méthodologie finale sera construite progressivement afin de permettre un bilan complet (portefeuille d’activité et fonctionnement) à partir de 2022.

5.   Un renforcement de la redevabilité

Le COM 2020‑2022 tend enfin à renforcer l’évaluation et la transparence des projets de développement financés par l’AFD dans un contexte d’exigence croissante en la matière. Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire crée ainsi une « commission d’évaluation de l’aide publique au développement, placée auprès de la Cour des comptes » qui « conduit des évaluations portant sur l’efficience, l’efficacité et l’impact des stratégies, des projets et des programmes d’aide publique au développement financés ou co‑financés par la France » et « contribue à la redevabilité de la politique de développement solidaire et à la transparence sur les résultats atteints ainsi qu’à l’information du public ». Il prévoit par ailleurs la remise chaque année au Parlement d’un rapport couvrant de multiples aspects de l’aide publique au développement.

Outre des indicateurs d’impact, qui contribuent par nature à la redevabilité, deux indicateurs spécifiques sont prévus par le COM. D’une part, 50 % des projets financés achevés seront évalués chaque année (indicateur n° 16). D’autre part, le groupe AFD construira et publiera en 2021 une politique d’évaluation à l’échelle du groupe (indicateur n° 15). Des synergies sont d’ores et déjà réalisées avec le partage d’outils mais aussi avec l’intégration de projets mis en œuvre par Expertise France et Proparco dans le cadre des évaluations (portant sur un pays, un secteur ou un instrument) déjà menées par l’AFD.

D’autres indicateurs visent à renforcer la transparence de l’Agence. Le COM ([34]) demande ainsi qu’au moins 80 % (en nombre de concours ou de projets) des financements du groupe AFD soient publiés sur opendata.afd.fr.

III.   des points d’attention pour l’avenir

A.   Se transformer en maîtrisant les coûts

La mise en œuvre efficace des priorités fixées par le COM 2020-2022 suppose de la part du groupe AFD des transformations et des évolutions internes sur lesquelles l’État et le Parlement doivent se montrer vigilants.

L’Agence doit continuer à adapter son activité au nouveau contexte issu de la crise sanitaire, non seulement dans l’organisation de son activité mais aussi dans sa contribution à la réponse à cette crise. L’Agence doit également relever le défi de l’évaluation, notamment dans ses relations avec la commission d’évaluation créée par la loi de programmation relative au développement solidaire. Il lui faut aussi faire aboutir le processus engagé de déconcentration des décisions dans le réseau. Enfin les synergies au sein du groupe doivent se concrétiser.

L’État attend par ailleurs de l’AFD, comme le rappelle le COM, « la maîtrise de ses charges de fonctionnement, en particulier de personnel » et « l’amélioration de son coefficient d’exploitation à terme ». Le modèle économique de l’Agence doit donc être consolidé par la maîtrise des charges et de la masse salariale.

L’un des enjeux des prochaines années sera à cet égard de réussir la réforme du statut du personnel. L’indicateur n° 5 du présent COM prévoit en effet l’adoption, d’ici la fin de l’année 2021, d’un nouveau statut du personnel pour l’AFD et Proparco. Le statut actuel, privilégiant l’ancienneté sans faire de place aux primes individuelles, apparaît daté. Un certain nombre d’outils de gestion des ressources humaines, plus incitatifs et plus dynamiques, font aujourd’hui défaut. De plus, l’AFD a connu au cours des 25 dernières années une évolution significative de ses missions, de ses moyens, de ses effectifs et de ses modalités d’interventions, évolution que ne reflète pas le statut en vigueur. Comme l’écrivait la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2019 ([35]), « le besoin de recrutement inhérent aux objectifs de croissance de l'Agence rend indispensable l'engagement sans tarder de la refonte du statut du personnel, qui date de 1959 et n’a plus été actualisé depuis 1997. Il doit intégrer les évolutions du code du travail intervenues depuis plus de dix ans, et introduire une gestion dynamique des compétences et des rémunérations, fondée sur la performance, y compris pour les personnels recrutés localement ».

Le nouveau statut du personnel devra proposer des règles lisibles et transparentes assurant un traitement équitable de tous les collaborateurs dans leur diversité, favoriser des parcours de carrières variés et valoriser la contribution individuelle et collective des salariés au service de la mission d’intérêt public du groupe. Le directeur général de l’AFD a confirmé lors de son audition que la négociation avec les représentants du personnel avait été engagée. L’échéance de la fin de l’année 2021 fixée par le COM pour l’adoption du nouveau statut du personnel paraissant manifestement hors de portée, il appartient à l’Agence de faire savoir à ses tutelles et au Parlement le délai dans lequel elle pense pouvoir y procéder.

En contrepartie des efforts de transformation interne et de maîtrise des charges demandés à l’AFD, une souplesse accrue pourrait lui être donnée, comme elle le souhaite, s’agissant des seuils de délégation dont bénéficie son directeur général (seuils en dessous desquels un projet ne requiert pas l’autorisation du conseil d’administration). Ce seuil est aujourd’hui de 1,5 million d’euros (pour les subventions) contre 10 millions d’euros pour le directeur général d’Expertise France. Le relèvement de ce seuil pourrait permettre à l’Agence de gagner en réactivité, dans un contexte de forte concurrence avec les autres acteurs internationaux du développement. Ce rehaussement devrait toutefois rester modéré. La comparaison avec Expertise France se heurte en effet à des limites dans la mesure où le conseil d’administration de celle-ci ne se réunit que trimestriellement alors que celui de l’AFD se réunit chaque mois. Par ailleurs, l’importance de la notion de seuil doit être relativisée : certains projets financièrement importants peuvent ne soulever aucune question tandis que des projets de moindre envergure financière sont susceptibles d’avoir, par exemple, des implications politiques justifiant que les représentants de l’État, en particulier, y soient associés.

B.   préparer le COM 2023-2025

La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales devant être prochainement promulguée et l’intégration d’Expertise France juridiquement formalisée, rien ne devrait justifier une présentation tardive du prochain COM. La crise sanitaire, si elle n’est pas terminée, n’a plus le caractère de surprise qu’elle avait au printemps 2020.

Dans ces conditions, le COM 2023‑2025 devra être présenté et soumis aux commissions compétentes à l’automne 2022, après la mise en place du Gouvernement consécutive aux élections présidentielle et législatives, et concomitamment à la présentation du projet de loi de finances pour 2023 (peu important que tous les résultats du COM 2020‑2022 ne soient pas encore connus).


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   Conclusion

Le présent projet de contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 intervient dans un moment clé pour le groupe AFD qui doit consolider son activité à un niveau soutenable pour contribuer à l’objectif présidentiel d’une aide publique au développement à hauteur de 0,55 % du revenu national brut en 2022, tout en garantissant la pérennité de son modèle économique dans un contexte mondial particulièrement déstabilisé par la pandémie de Covid-19.

Dans le même temps, le groupe doit relever le défi de son élargissement en intégrant Expertise France, continuer à s'approprier les nouvelles priorités sectorielles et géographiques qui lui sont fixées et renforcer sa transparence, son évaluation et sa redevabilité.

Les principaux axes du projet de COM reflètent ces grands défis. Ses indicateurs ne concernent pas seulement le périmètre historique de l’AFD, mais intègrent aussi Proparco, pour un grand nombre d’entre eux, et Expertise France, pour cinq d’entre eux. Ils sont également articulés avec les objectifs fixés dans le COM d’Expertise France.

Le présent COM, avec ses indicateurs nombreux et remodelés, est le résultat d’un travail rigoureux et constructif de l’Agence et de ses tutelles. C’est pourquoi votre rapporteur vous invite à donner un avis favorable à sa signature. Pour lui faire porter tout son fruit, il appartiendra à l’État d’en suivre tout aussi rigoureusement l’exécution, sous le contrôle du Parlement.

 


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   examen en commission

Au cours de sa séance du mercredi 21 juillet 2021 après-midi, la commission examine, sous la présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente, le présent rapport portant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 de l’Agence française de développement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, le Parlement a été saisi le 11 juin dernier du projet d’objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 de l’Agence française de développement (AFD). Les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée disposent d’un délai de six semaines pour donner, si elles le souhaitent, un avis sur ce document.

Notre rapporteur chargé de suivre le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD a souhaité présenter un avis sur ce nouveau contrat. Celui-ci, passé entre l’État et l’AFD, a la particularité d’avoir été préparé dans une version initiale avant le dépôt du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui a été adopté définitivement aujourd’hui même, après la lecture qu’a faite ce matin le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP).

Ce contrat 2020-2022 a toutefois été adapté aux nouvelles ambitions affichées par ce projet de loi. Il préparera non seulement la réalisation de l’objectif qui consiste à consacrer 0,55 % du revenu national brut à l’aide publique au développement, mais également la mise en œuvre des nouvelles priorités de l’aide française, et en particulier les trois cibles prévues par l’article 1er de la future loi, à savoir la priorité donnée à la composante bilatérale de l’aide française (65 % en moyenne sur 2022-2025), la part prépondérante des dons (à hauteur de 70 % en moyenne sur 2022-2025) et l’objectif de 25 % de l’aide pays programmable (APP) concentrés sur les 19 pays prioritaires.

Ce contrat intégrera également les nouvelles priorités sectorielles et géographiques permettant d’assurer l’intégration d’Expertise France dans le groupe AFD. Il devra également s’insérer dans le nouveau cadre de redevabilité prévu par la loi et sur lequel notre assemblée, comme le Sénat, a beaucoup apporté d’éléments nouveaux.

M. Frédéric Barbier, rapporteur. Il m’appartient de vous présenter aujourd’hui le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence française de développement pour la période 2020-2022, projet sur lequel nous sommes invités à nous prononcer.

Ce contrat d’objectifs et de moyens précise les principales attentes de l’État vis-à-vis à vis de l’opérateur chargé de mettre en œuvre les priorités de la politique française de développement.

Ce COM arrive à un moment clé puisque nous venons d’adopter définitivement le projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales qui, sept ans après la loi de 2014, renouvelle profondément le champ de l’aide au développement. Ce domaine connaît un foisonnement de réflexions et d’initiatives, en particulier depuis l’engagement pris par le président de la République en juillet 2017 de porter l’aide au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022, suivi quelques mois plus tard par la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018 qui a donné une nouvelle impulsion à cette politique.

Notre commission et ses membres ont d’ailleurs largement pris leur part de ce foisonnement, avec le rapport d’Hervé Berville sur la modernisation de la politique partenariale de développement, le rapport d’information de Bérengère Poletti et de Rodrigue Kokouendo, les avis budgétaires d’Hubert Julien-Laferrière et de Valérie Thomas, mais également le travail préparatoire à la loi effectué par Marielle de Sarnez avec le président Christian Cambon et tout le travail d’amendement effectué sur le texte législatif récemment voté.

C’est dans ce contexte que ce projet de contrat nous est aujourd’hui soumis. Ce COM est issu d’un long processus d’échanges et de co–construction entre l’Agence et ses trois tutelles : le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère des Outre-mer.

Il fait suite au COM 2017-2019 et, comme lui, il nous est présenté tardivement puisque la moitié de la période sur laquelle il porte est déjà écoulée. Cela dit, dans le cas d’espèce, il faut bien reconnaître que ce retard s’explique au regard des circonstances. Il était légitime de vouloir attendre l’adoption du projet de loi sur l’aide au développement pour présenter ce COM. Or le dépôt du projet de loi, annoncé puis repoussé, a entraîné le report du COM lui-même. En outre, le déclenchement de la pandémie de Covid–19 au tout début de l’année 2020, avec ses conséquences à la fois sur l’activité de l’Agence et sur la situation sanitaire, économique et sociale des pays partenaires, a conduit à revoir dans une large mesure les indicateurs inscrits dans le contrat d’objectifs et de moyens.

La réponse à la crise de la Covid–19 fait ainsi partie intégrante du présent COM à travers plusieurs indicateurs. L’un fixe à 10 % la part des autorisations d’engagement en subventions de l’AFD et de Proparco dans le secteur de la santé et de la protection sociale. L’autre fixe à 10 % en 2020, puis à 3 % en 2021 et 2022, la part des autorisations de financements dans le secteur de la santé et de la protection sociale et en réponse aux crises sanitaires. Le COM précise par ailleurs qu’« une redevabilité spécifique sur la réponse globale du groupe AFD à la crise Covid-19 sera régulièrement faite lors des conseils d’administration de l’AFD ainsi qu’auprès des administrations et du Parlement ». Rappelons également que l’AFD a pris sa part de la lutte contre la pandémie dès avril 2020 en mettant en œuvre son initiative Covid-19 Santé en Commun, destinée à soutenir le dépistage, la prise en charge et la surveillance épidémiologique dans les pays prioritaires.

L’attente de l’adoption du projet de loi a permis d’intégrer les apports de la discussion parlementaire dans la version du COM soumise à notre examen. C’est ainsi que l’objectif en matière de « co-bénéfice genre » a été rehaussé par rapport à la version initiale du projet de contrat, de même que l’objectif de concentration de l’activité en Afrique.

Le présent COM se situe à beaucoup d’égards dans le prolongement du précédent. Comme lui, il se fonde sur les grandes priorités, à la fois sectorielles et géographiques, fixées par la réunion du CICID de février 2018 : santé, climat et biodiversité, égalité entre les femmes et les hommes, éducation, attention particulière à l’Afrique, concentration de l’aide sur les 19 pays prioritaires, etc.

Il insiste moins, même si cette dimension est bien sûr présente, sur l’aspect partenarial, lequel a été fortement développé sous l’empire du précédent COM et constitue l’un des fruits de celui–ci. Il reprend en revanche et insiste encore sur l’effort financier indispensable en direction de l’Afrique. Il fixe ainsi une cible de 15,5 milliards d’euros cumulés sur la durée du COM pour les autorisations de financements dédiées au développement du continent africain (contre 12,5 milliards d’euros prévus dans le COM 2017-2019).

Le présent COM s’attache aussi à remédier à certaines faiblesses du contrat précédent. Les développements purement rédactionnels ont été réduits. La lisibilité est accrue grâce à une hiérarchisation des objectifs, avec deux objectifs généraux, complétés chacun par cinq objectifs spécifiques. Le COM 2017-2019 comportait des cibles fixées seulement en montants, insensibles donc à la variation de l’activité. Dans le nouveau COM, au contraire, de nombreuses cibles sont exprimées en pourcentages. Surtout, le nombre d’indicateurs (qu’il s’agisse d’indicateurs d’activité ou d’indicateurs de résultat) est augmenté de 27 à 47. Ce nombre de 47 me paraît satisfaisant. Avec seulement 27, nous ne pouvions mettre en œuvre un pilotage précis. Au-delà de cinquante, nous risquerions de tomber dans un contrôle excessivement tatillon, source de paralysie, avec une revue de contrat lourde, qui perdrait certainement en dynamisme.

Outre le nombre accru d’indicateurs et leur fixation en pourcentage, plusieurs autres améliorations notables, par rapport au précédent COM, sont à saluer.

Le COM 2020-2022 acte ainsi le passage progressif d’un pilotage par les engagements à un pilotage par les signatures et les versements. Comme le dit le texte du contrat lui-même, il y a là un véritable changement de paradigme. Ce qui compte en effet, ce ne sont pas d’abord les projets qui reçoivent l’aval du conseil d’administration, lesquels restent encore au stade des potentialités, mais bien les signatures et surtout les déboursements, qui concrétisent les engagements pris. Le COM invite ainsi à stabiliser les octrois et à redoubler d’efforts en matière de versements. À ce sujet, il faut saluer les efforts déjà effectués en pratique par l’Agence pour raccourcir les délais entre les engagements et les signatures.

Autre amélioration notable, le COM 2020-2022 adopte, plus que celui qui l’a précédé, une approche fondée sur le groupe AFD. Comme le dit son préambule, ce COM « traite l’AFD, Proparco et Expertise France, comme une entité stratégiquement, opérationnellement et fonctionnellement intégrée ». De nombreux indicateurs prévus s’appliquent non seulement à l’AFD, mais aussi à Proparco, sa filiale dédiée au soutien au secteur privé, et à Expertise France, dont on sait que la loi récemment adoptée fait une société par actions simplifiée, entièrement détenue par l’Agence française de développement.

Le COM 2020-2022 tend par ailleurs à renforcer l’évaluation et la transparence des projets de développement financés par l’AFD. Outre des indicateurs d’impact, qui contribuent par nature à la redevabilité, deux indicateurs spécifiques sont prévus par le COM. D’une part, 50 % des projets financés achevés seront évalués chaque année. D’autre part, le groupe AFD construira et publiera en 2021 une politique d’évaluation à l’échelle du groupe. Le COM demande aussi qu’au moins 80 % des financements du groupe AFD soient publiés sur le site opendata.afd.fr. Ces éléments apparaissent essentiels alors que la commission d’évaluation de l’aide publique au développement prévue par la loi récemment adoptée verra bientôt le jour. Cette commission qui sera chargée de conduire des évaluations portant sur l’efficience, l’efficacité et l’impact des stratégies, des projets et des programmes d’aide publique au développement financés ou cofinancés par la France.

Le présent COM se caractérise enfin par une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et par un renforcement du pilotage des dons, avec de nombreuses cibles sectorielles dédiées.

Tous ces points, aussi bien sur le fond que sur la forme, font de ce contrat un document de qualité, lisible et opérationnel. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne suscite aucun point de vigilance ou d’attention. L’activité de l’Agence a beaucoup augmenté au cours des années passées. Le COM 2017-2019 a été un COM de croissance. Le COM 2020-2022 doit être pour l’Agence un COM de maîtrise de ses charges et de transformation.

L’État attend de l’AFD, comme le rappelle le contrat, « la maîtrise de ses charges de fonctionnement, en particulier de personnel » et « l’amélioration de son coefficient d’exploitation à terme », de manière à consolider son modèle économique.

Ensuite, le groupe AFD doit relever le défi de l’évaluation, faire aboutir le processus engagé de déconcentration des décisions dans le réseau et concrétiser les synergies au sein du groupe. Le groupe doit aussi réussir l’intégration d’Expertise France tout en garantissant l’autonomie opérationnelle de celle-ci. Le COM prévoit d’ailleurs des objectifs de convergence entre les trois entités du groupe, avec une méthodologie d’analyse du développement durable commune et une liste d’exclusion actualisée et harmonisée.

L’AFD doit enfin mener à bien une réforme du statut du personnel pour l’Agence et pour Proparco. Le statut actuel apparaît en effet daté. Un certain nombre d’outils de gestion des ressources humaines, plus incitatifs et plus dynamiques, font aujourd’hui défaut. L’AFD a connu au cours des 25 dernières années une évolution significative de ses missions, de ses moyens, de ses effectifs et de ses modalités d’intervention, évolution que ne reflète pas le statut en vigueur.

Sur tous ces points, l’État, mais aussi le Parlement, avec au premier chef notre commission des affaires étrangères, doivent se montrer vigilants. Nous le serons en effet grâce à nos collègues qui siègent au conseil d’administration, grâce aussi à nos rapporteurs budgétaires, à travers également nos auditions, notamment celle du ministre des Affaires étrangères, et enfin bien sûr au moment où il s’agira de dresser le bilan du présent COM. Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, nous veillerons en particulier à ce que l’AFD, dans les différentes instances de contrôle ou d’information, apporte à ses interlocuteurs tous les éléments nécessaires qui permettraient de déceler dès que possible un retard pris dans l’atteinte de ses objectifs.

Dernier point de vigilance, la crise sanitaire n’ayant plus le caractère de surprise qu’elle avait au printemps 2020, et la loi de programmation relative au développement solidaire devant être prochainement promulguée, il ne devrait pas y avoir de raison pour que le prochain COM soit soumis à notre commission plus tard qu’à l’automne 2022.

Ces points d’attention ayant été rappelés, je vous invite à émettre un avis favorable à la signature du présent contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et le groupe AFD.

Mme Amélia Lakrafi (LaREM). Je vous remercie pour cette présentation du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD. Ce document constitue une feuille de route qui doit permettre de réaliser les objectifs ambitieux de la France et d’atteindre le seul de 0,55 % du revenu national brut consacré à l’aide au développement en 2022. Il donne les moyens à l’AFD de toucher plus efficacement les pays et publics prioritaires que la loi nous a permis de mieux cibler. Je me réjouis en particulier que des objectifs spécifiques, en particulier financiers, aient été fixés en faveur du continent africain, de l’éducation des filles, de la santé mondiale et du climat.

Ce COM porte par ailleurs sur les activités du groupe AFD dans son ensemble. J’en suis heureuse, car je suis également attentive aux objectifs fixés à la filiale Proparco, pour ce qui est notamment de l’appui au secteur privé en Afrique.

Je salue enfin et surtout le changement de paradigme que vous évoquez, à savoir le passage à un pilotage moins axé sur les octrois et les engagements que sur les signatures et les versements. La question des décaissements et des délais de ceux-ci m’a toujours semblé primordiale en tant que membre du conseil d’administration de l’AFD. J’ai évoqué ce sujet à plusieurs reprises dans le cadre des travaux de notre commission, mais également avec les autorités des pays africains de ma circonscription, à l’occasion de mes déplacements. En effet, notre contribution à l’aide au développement d’un pays ne peut être effective que lorsque les crédits sont bel et bien décaissés.

Ce COM prévoit pour la période 2020-2022 un montant de versements cumulés du groupe AFD de 24 milliards d’euros en prêts et subventions. Je note avec satisfaction que les versements en 2020 se sont montés à 8,8 milliards d’euros, soit 37 % des objectifs du COM. Ce bon résultat s’explique notamment par l’exécution d’engagements pris en 2019 et la mise en place de projets de décaissement rapides. En ce sens, je félicite l’AFD pour sa réactivité face à la crise de la Covid-19.

Monsieur le rapporteur, vous semble-t-il que ce COM permettra à l’AFD d’atteindre ses objectifs en matière de versement sur la période 2020-2022 et de réaliser ce changement de paradigme ?

Mme Bérengère Poletti (LR). Je partage la totalité des remarques du rapporteur.

La France souhaite revenir aux premiers rangs en matière d’aide publique au développement. Le texte de loi a été attendu, et son retard provoque d’autres retards, dont celui de l’examen du COM 2020-2022. Le précédent contrat d’objectifs et de moyens n’avait pu être examiné qu’avec un retard plus grand encore, ce qui avait du reste suscité vos protestations, monsieur le rapporteur. La crise sanitaire a des conséquences sanitaires mais également économiques et sociales dans les pays pauvres, ce qui obligera l’AFD à s’adapter et se transformer.

Etant donné que le COM nous est systématiquement présenté en retard, sa durée n’est peut-être pas appropriée. Il pourrait durer quatre ans plutôt que trois, et nous pourrions prévoir un bilan à la moitié de la période, bilan qui serait débattu par le Parlement.

80 % des objectifs du COM précédent ont été atteints. Ils n’appellent pas de commentaire particulier. En revanche, nous devons nous interroger sur les 20 % restants, qui s’expliquent par des problèmes de décaissement des projets, notamment en Afrique. J’ai eu l’occasion de me rendre au Niger avec notre collègue Rodrigue Kokouendo, et à l’époque, au Sahel, plusieurs milliards d’euros étaient en attente de décaissement. Les circuits financiers ne sont pas toujours respectés, et le personnel administratif n’est pas toujours à la hauteur des projets, qui sont souvent de grande ampleur. Le fait de réintégrer Expertise France dans le groupe AFD permettra de mettre en place un outil supplémentaire pour soutenir les pays.

S’agissant de la maîtrise des coûts, le projet immobilier de l’AFD avoisine le milliard d’euros, ce qui est conséquent. Il pourrait s’avérer surdimensionné par rapport aux besoins, même s’il vise à rassembler cinq ou six sites différents en un même lieu et intègre Expertise France et Proparco. Nous devrions interroger l’AFD sur le sujet.

M. Michel Fanget (Dem). Le fait que la présentation du COM intervienne tardivement s’explique par le contexte particulier que nous connaissons. Si les premiers échanges ont débuté dès 2019, le dépôt du document a été retardé par l’émergence de la crise sanitaire. La présentation du rapport a également été reportée en raison du projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Etant donné que ce texte apporte des moyens renforcés à la politique française de développement, il était primordial que le contrat présenté aujourd’hui tienne compte de ces apports.

80 % des objectifs fixés dans le COM 2017-2019 ont été réalisés. Je tiens à saluer les progrès accomplis en matière de développement des partenariats, sachant que l’une des ambitions du précédent contrat d’objectifs et de moyens était de développer une approche multi-acteurs, afin de créer un nouvel écosystème du développement.

L’AFD a ainsi su répondre aux objectifs qui lui étaient fixés en variant ses partenariats, aussi bien avec les banques de développement, les institutions européennes et les bailleurs internationaux qu’avec les organisations de la société civile et les collectivités territoriales.

Toutefois, l’Afrique (un espace où la France est particulièrement investie et pour laquelle les objectifs du COM précédent n’ont pas été atteints) constitue un point de vigilance. Les situations particulièrement fragiles auxquelles font face de nombreux pays africains exigent que la France exerce une politique de développement active, avec des moyens renforcés, sans quoi notre soutien ne pourra atteindre sa pleine efficacité.

C’est pourquoi notre groupe se réjouit de voir que l’Afrique demeure une priorité au sein du présent COM, tout comme les objectifs en matière de climat, de biodiversité, d’éducation et d’égalité entre femmes et hommes.

Par ailleurs, alors que notre assemblée a récemment adopté le projet de la loi climat et résilience, les pistes envisagées pour une meilleure prise en compte des enjeux climatiques apparaissent intéressantes. La création d’un indicateur portant sur la réalisation d’un bilan carbone des activités de l’AFD et la mise en place d’un bilan climat annuel constituent des avancées en ce sens.

Notre groupe apporte tout son soutien aux ambitions fixées par le COM et votera en faveur de son adoption.

M. Alain David (Soc). La présentation du COM 2020-2022 est tardive, et je souscris à votre volonté, monsieur le rapporteur, que le prochain contrat d’objectifs et de moyens 2023-2025 soit présenté à l’automne 2022, après les élections présidentielles et législatives, et concomitamment à la présentation du projet de loi de finances pour 2023.

Nous avions porté lors de l’examen du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales une question sur la composition du conseil d’administration de l’AFD. En effet, depuis plus d’un an, M. Dominique Potier, qui y participait régulièrement en tant que suppléant, n’y est plus invité. Nous avions adopté un amendement pour remédier à cette situation qui perdure à l’heure actuelle. L’adoption définitive de la loi doit aboutir rapidement à un retour de la représentation des groupes d’opposition au sein du conseil d’administration de l’AFD.

Par ailleurs, nos collègues sénateurs doivent adopter aujourd’hui les conclusions de la CMP sur le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Je me réjouis que le ministre des Affaires étrangères ait confirmé que les fonds rendus dans le cadre de la restitution des biens mal acquis ne se confondraient pas avec le budget de l’AFD, mais viendraient abonder les moyens de celle-ci.

Mme Aina Kuric (Agir). Nous pouvons regretter que l’exercice du COM examiné soit largement entamé, même si nous en comprenons les raisons. Plus largement, la situation pose la question de la durée et du calendrier d’examen des contrats d’objectifs de moyens d’un certain nombre d’opérateurs.

Nous nous réjouissons de la trajectoire orientée à la hausse des moyens engagés par l’AFD, dans un contexte sanitaire et sécuritaire complexe dans un certain nombre de pays. Je salue en ce sens le travail réalisé par les équipes de l’AFD, tant à Paris que dans les agences sur le terrain, pour atteindre les objectifs visés, qui traduisent les ambitions de la France en vue d’un développement renforcé dans le monde. La dernière loi que nous avons votée sur le sujet en est une autre preuve.

Néanmoins, l’intégration d’Expertise France au groupe AFD est entourée d’un certain flou, notamment au regard du nouveau statut du personnel, qui doit être adopté en 2021. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Le statut des nouveaux agents recrutés sera-t-il calqué sur celui des agents de l’AFD ?

Le COM ne présente que peu de précisions sur les ambitions de l’AFD en matière de relations avec les ONG et la société civile. Toutefois, le groupe Agir ensemble salue l’ambition des objectifs annoncés, en particulier vis-à-vis des délais de décaissement ou de l’engagement renforcé à l’égard de l’Afrique.

M. Jean-Michel Clément (LT). Trop souvent, le Parlement arrive après la bataille, et c’est encore le cas aujourd’hui. Notre commission a pourtant un rôle important, et mériterait d’être mieux considérée.

En outre, nous faisons face à des difficultés, en particulier en Afrique. 85 % du budget du COM est destiné à ce continent. Pourtant, l’armée française se retire progressivement dans le cadre de l’opération Barkhane. Je me demande alors comment le COM pourrait adoucir, si ce n’est pas compenser, le désengagement militaire de la France.

Par ailleurs, passer de 27 à 47 indicateurs risque de compliquer le travail de « reporting ». Nous risquons de passer beaucoup de temps à mesurer ce que nous faisons plutôt qu’à faire. Les indicateurs doivent servir à évaluer la qualité du travail des acteurs qui gèrent les fonds que nous mettons à leur disposition. Il nous faut vérifier comment ces fonds sont utilisés sur le terrain et donnent des résultats concrets, plutôt que de contrôler simplement que le travail a été réalisé selon les directions données.

Enfin, le fait d’intégrer le climat, la santé ou encore l’égalité entre femmes et hommes dans les objectifs me paraît contribuer à la qualité d’un contrat d’objectifs et de moyens et répondre aux enjeux actuels. Notre groupe votera donc en faveur de votre rapport sans difficultés.

Mme Marion Lenne. Au cours des auditions que nous avons menées avec M. Alain David dans le cadre de notre mission d’information sur les géants du numérique, l’AFD a évoqué des financements destinés à la création d’entreprises innovantes en Afrique, où les créateurs d’entreprises numériques peinent à mobiliser des fonds pour prouver que leurs innovations répondent à des besoins réels et à trouver leurs premiers clients.

Parmi les objectifs spécifiques mentionnés dans le COM 2020-2022, nous retrouvons la contribution à la mise en œuvre des objectifs mentionnés dans le discours du président de la République à Ouagadougou en novembre 2017, et notamment le numérique en tant qu’axe de partenariat clé avec l’Afrique. Le programme digital africain identifie les start–ups prometteuses, et est censé les soutenir et accompagner le développement de l’entrepreneuriat innovant à travers le continent.

Pourtant, alors même que le plan d’orientation stratégique du groupe AFD mentionne la transition numérique (avec l’engagement de mettre la création d’entreprises innovantes au service du développement), celle–ci apparaît bien peu dans le texte que, monsieur le rapporteur, vous nous avez présenté aujourd’hui.

Par ailleurs, des questions ressortent régulièrement des échanges avec les acteurs institutionnels (par exemple l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) : travaillez-vous avec l’AFD ? Comment se coordonner avec l’AFD ? Si, sur le papier, beaucoup de projets prévoient un travail en commun, je me demande si l’AFD souhaite réellement jouer en équipe sur le terrain du numérique, voire au-delà.

Enfin, à l’ère du télétravail, l’ampleur du projet immobilier de l’AFD peut apparaître disproportionnée.

M. Frédéric Barbier, rapporteur. Lors du précédent COM, nous avions des raisons d’être quelque peu fâchés, car il nous avait été présenté presque à la fin de sa période d’application. En outre, sa construction ne donnait pas satisfaction. À l’époque, nous venions d’être élus, et le travail sur le COM avait été limité.

A l’inverse, le travail démocratique de suivi de la préparation du présent COM a été organisé au travers d’un certain nombre d’instances, dont le conseil d’administration de l’Agence française de développement et la commission des affaires étrangères (qui a auditionné à plusieurs reprises le directeur général de l’AFD, M. Rémy Rioux). Nous ne pouvons prétendre que nous ne connaissions pas le projet de contrat d’objectifs et de moyens, les modifications qui ont pu y être intégrées après la crise de la Covid-19, ou encore le projet de loi sur lequel nous avons travaillé au cours des derniers mois.

Par conséquent, je vous propose d’adopter le COM, même si nous l’avons reçu tardivement, et je souhaite que nous recevions le prochain contrat plus tôt.

S’agissant des versements, ils ont progressé de 6,5 milliards d’euros en 2019 à 8,8 milliards d’euros en 2020 (soit une hausse de 35 %). Le changement de paradigme que j’évoquais, et le passage d’objectifs liés à des propositions de contrats à des objectifs de signatures et de versements, incitent l’AFD à accélérer les projets et à améliorer la transparence sur leur déploiement.

Madame Poletti, vous avez évoqué plusieurs sujets. Le COM est pluriannuel. Je reste méfiant vis-à-vis d’un éventuel allongement de sa durée, car donner plus du temps pourrait provoquer des dérives. Je préfère conserver une durée de trois ans, tout en nous montrant exigeants sur le fait qu’il doit nous être présenté à son début. En outre, le présent contrat d’objectifs et de moyen est un COM de stabilisation, après un COM 2017-2019 de croissance. Les temps politiques sont à la fois longs et courts. Un contrat court donne du dynamisme et de la réactivité, mais également la possibilité aux parlementaires d’en modifier les orientations.

En ce qui concerne l’immobilier, des règles s’appliquent aux surfaces à allouer aux salariés et aux agents. Toutefois, comme vous l’avez indiqué, madame Lenne, à l’ère du télétravail, la question de la pertinence du projet immobilier de l’AFD se pose. Elle sera étudiée par son conseil d’administration, au sein duquel siègent des parlementaires. Ce sera un point de vigilance pour eux et je transmettrai vos remarques au directeur de l’AFD.

S’agissant du taux d’atteinte de 85 % des objectifs du précédent COM, j’aime à dire que « tout ce qui est sous contrôle s’améliore ». Des revues de l’ensemble des objectifs sont réalisées. Si des dérives ou un risque de non–atteinte des objectifs sont constatés, il est important que la représentation nationale en soit informée, en particulier la commission des affaires étrangères, afin qu’elle puisse s’enquérir des actions correctives qui sont mises en œuvre pour atteindre un taux de réalisation des objectifs de 100 %.

Monsieur Fanget, vous avez raison de saluer les partenariats, car ils ne sont pas toujours aisés à mettre en œuvre, étant donné qu’ils ne concernent pas uniquement des structures françaises. Des jeux politiques peuvent parfois être engagés dans d’autres pays, sur la base d’intérêts différents de ceux de la France. Cependant, l’AFD se montre particulièrement performante en la matière. En outre, le COM rappelle la volonté de développer l’activité de l’AFD en Afrique.

Monsieur David, vous avez évoqué le retour des groupes d’opposition au sein du conseil d’administration de l’AFD et la restitution des biens mal acquis. Les moyens associés à celle-ci doivent venir abonder le budget général de l’AFD, ce qui est indiqué dans le COM. Je suis également en faveur d’une représentation démocratique la plus large possible dans les instances, car elle apporte toujours de la richesse et du débat.

Madame Kuric, je me réjouis également de la trajectoire à la hausse du COM et du travail de lisibilité demandé dans le COM à l’AFD. En ce qui concerne le statut des salariés, l’objectif n’est pas de faire correspondre le statut d’Expertise France à ceux de Proparco ou de l’AFD, mais de construire un véritable groupe, auquel nous confions de nouvelles missions et de nouveaux moyens, et de mettre en place des dispositifs incitatifs pour les agents. J’émets seulement un doute sur la possibilité d’appliquer ces nouveaux statuts dès fin 2021, sachant que nous sommes déjà en juillet. Nos collègues présents au conseil d’administration devront prêter attention à une éventuelle dérive dans cette modification des statuts, mais ceux-ci pourraient ne s’appliquer qu’en 2022.

En outre, Expertise France dispose de son propre contrat d’objectifs et de moyens. Cette distinction est préférable pour le moment, mais nous devrons nous demander s’il ne serait pas judicieux de mettre en place à terme un COM commun à l’AFD, à Expertise France et à Proparco, afin de favoriser les synergies au sein du groupe, même si les actifs des entités peuvent être différents. Un COM unique permettrait de présenter à la fois l’activité d’Expertise France et celle de l’AFD à la commission des affaires étrangères.

Par ailleurs, l’indicateur n° 44 porte sur les organisations de la société civile (OSC), et prévoit qu’un certain nombre de fonds puissent être utilisés par celles-ci.

Monsieur Clément, vous avez alimenté le débat sur le nombre d’indicateurs. Néanmoins, le groupe AFD n’est pas de petite taille. Il compte 3 000 salariés qui interviennent dans 115 pays. Le fait de disposer d’objectifs à la fois sur le fonctionnement du groupe AFD (et sa capacité à se construire) et sur l’activité dans les pays amène à augmenter le nombre d’indicateurs. Les indicateurs portant sur l’activité en propre du groupe n’en représentent que la moitié. Le fait que le groupe soit encore en cours de construction nécessite de prévoir des indicateurs supplémentaires sur les statuts, le fonctionnement interne, le regroupement, les synergies, etc. Dépasser 50 indicateurs rendrait les revues de portefeuilles difficiles à réaliser, mais une fois le groupe AFD stabilisé, le nombre d’indicateurs pourra être réduit.

S’agissant de la vérification et du reporting, une certaine transparence se met en place. Le COM reprend des engagements en matière d’évaluation de l’action de l’AFD. En outre, une commission d’évaluation est prévue. La question de faire réaliser cette évaluation par un bureau d’études ou des structures privées, ou bien par une commission impliquant des experts, s’est posée. Je pense que le projet de loi a défini une composition adaptée pour cette commission d’évaluation.

Enfin, madame Lenne, je transmettrai à l’AFD vos remarques sur le manque de dynamisme en matière de développement du numérique.

La commission émet, à l’unanimité, un avis favorable au projet de contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 de l’Agence française de développement.

Puis, elle autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information portant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 de l’Agence française de développement.

 


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   ANNEXE : liste des personnes auditionnées

 


([1]) Ce retard est toutefois moindre que pour le précédent COM sur lequel la commission des affaires étrangères s’était prononcée le 14 novembre 2018 alors qu’il portait sur la période 2017-2019.

([2]Cassa Depositi e Prestiti.

([3]) Banco de Inversión y Comercio Exterior.

([4]) PT Sarana Multi Infrastruktur.

([5]) Kreditanstalt für Wiederaufbau.

([6]Agencia Española de Cooperación Internacional para el Desarrollo.

([7]) Indicateur n° 17.

([8]) Indicateur n° 13.

([9]) L’ancien et le nouveau COM précisent tous deux que le périmètre concerné exclut le Fonds d’expertise technique et d’échanges d’expériences (FEXTE) (fonds qui finance des programmes de coopération technique et des études de préparation de projet dans les pays en développement).

([10]) Indicateur n° 11.

([11]) Indicateur n° 35.

([12]) Indicateur n° 8.

([13]) Le discours de Ouagadougou est un discours prononcé le 28 novembre 2017 par le président de la République Emmanuel Macron, à l’université de Ouagadougou (Burkina Faso), dessinant les axes d’une future relation de la France avec les pays africains (priorité de l’éducation des jeunes filles, restitution des œuvres d’art africaines, initiative contre les passeurs en Libye, etc.).

([14]) Prévisionnel.

([15]) Uniquement pour les CP.

([16]) Dont Climate Finance Partnership (13,25 M€ d’AE en 2020 et 3,75 M€ de CP en 2022).

([17]) Dont FSD.

([18]) Dont FSD.

([19]) 905 M€ de don-projet et 150 M€ de don-ONG.

([20]) Dont 5 M€ pour le Fonds d’innovation pour le développement (FID).

([21]) Sont visés les États et les sociétés fragiles, y compris les États accueillant réfugiés et déplacés internes.

([22]) La liste des pays prioritaires de l’aide française au développement est la suivante :Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

([23])  Les marqueurs « CAD 1 » ou « CAD 2 » se réfèrent classement établi par le comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. CAD 0 : le projet ne vise pas l’objectif de l’égalité femmes-hommes. CAD 1 : l’égalité femmes-hommes est un objectif important et délibéré du projet. CAD 2 : l’égalité femmes-hommes constitue l’objectif principal du projet.

([24]) Il s’agit donc des autorisations d’engagement du programme budgétaire 209 (Solidarité à l’égard des pays en développement), géré par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

([25])  Indicateur n° 9.

([26]) Indicateur n° 10.

([27]) Indicateur n° 34.

([28]) Adopté par son conseil d’administration le 19 mai 2020.

([29]) Indicateur n° 11.

([30])  Indicateur n° 13.

([31]) Lancé en 2017, le Fonds Paix et Résilience Minka est l’outil de l’AFD dédié à la consolidation de la paix, dans le cadre de la stratégie française « Prévention, résilience et paix durable ».

([32]) Le marqueur « CAD 2 » est attribué lorsque l’activité a pour « objectif principal » l’égalité hommes-femmes.

([33]) Indicateur n° 12.

([34]) Indicateur n° 14.

([35]) Cour des comptes, rapport public annuel 2019, tome II, Le suivi des recommandations, p. 84.