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N° 4489
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 septembre 2021.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145-8 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information
relative aux aviseurs fiscaux.
ET PRÉSENTÉ PAR
Mme Christine PIRES BEAUNE,
Rapporteure
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SOMMAIRE
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Pages
I. l’indemnisation des aviseurs fiscaux permet de mieux lutter contre la fraude fiscale
A. un dispositif initialement conçu pour lutter contre la grande fraude fiscale internationale…
B. …dont le champ des manquements a été étendu suite à ses résultats satisfaisants
A. le dispositif des aviseurs fiscaux a été codifié dans le livre des procédures fiscales
C. l’indemnité de l’aviseur pourrait aller jusqu’à 15 % du recouvrement en cas d’affaire majeure
A. la protection de l’anonymat des agents traitants renforce leur protection
B. la confidentialité des sources tend à se rapprocher du niveau du secret de la défense nationale
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA rapporteure
annexe 1 : suivi des propositions de la mission d’information
ANNEXE 2 : article l. 10‑0 AC du livre des procédures fiscales
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La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire avait confié à la rapporteure ainsi qu’à plusieurs de ses membres ([1]) une mission d’information portant sur les aviseurs fiscaux, dont les conclusions avaient été rendues en juin 2019 ([2]).
Ce dispositif, introduit par la loi de finances pour 2017 ([3]), permettait – au moment des travaux de la mission d’information – l’indemnisation de toute personne fournissant un renseignement à l’administration fiscale ayant amené à la découverte d’un manquement aux règles fixées en matière de fiscalité internationale. Le champ de cette mesure a depuis été étendu à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et – à titre expérimental – aux manquements à la législation fiscale présentant un enjeu supérieur à 100 000 euros par la loi de finances pour 2020 ([4]).
La mission s’était donnée pour objectifs « d’en contrôler l’application et de s’assurer des conditions concrètes de sa mise en œuvre, d’en dresser un bilan chiffré approfondi, et de rechercher, si nécessaire, d’éventuelles pistes d’amélioration ».
Ses travaux lui avaient permis de s’assurer que le dispositif des aviseurs fiscaux répondait à un réel besoin d’accéder au renseignement fiscal et qu’il contribuait à sécuriser juridiquement son exploitation. La mission avait estimé qu’il était entouré de garanties suffisantes pour protéger les agents et les aviseurs, même si celles-ci pouvaient être améliorées. Enfin, elle avait pu constater que le dispositif présentait de très bons résultats après seulement deux années d’existence avec plus de 90 millions d’euros recouvrés et l’indemnisation de deux personnes ayant fourni des renseignements à l’administration fiscale.
Compte tenu des évolutions apportées par la loi de finances pour 2020 et de la maturité atteinte par le dispositif – qui arrive au terme de sa cinquième année d’existence –, il est apparu opportun à la rapporteure de présenter un rapport sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information sur les aviseurs fiscaux, comme le prévoit l’article 145-8 du Règlement.
Si la mission d’information recommandait de « maintenir ce dispositif, utile et efficace », elle formulait néanmoins six propositions pour en améliorer l’efficacité :
– étendre le champ des manquements visés aux opérations portant sur la TVA ;
– supprimer le plafond applicable à l’indemnité ;
– envisager un renforcement de la confidentialité des éléments permettant l’identification des aviseurs ;
– mieux protéger les agents traitants ;
– favoriser la coopération entre le service des investigations élargies (SIE) de la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) et le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), nouvellement créé ;
– codifier le dispositif dans le livre des procédures fiscales.
Enfin, dans la conclusion du rapport d’information, et à la suite de ses constatations, la rapporteure s’interrogeait sur « l’opportunité de mettre en place un véritable service de renseignement au sein de l’administration fiscale, permettant le travail en commun de l’ensemble des services, en centrale et en réseau ».
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I. l’indemnisation des aviseurs fiscaux permet de mieux lutter contre la fraude fiscale
Le dispositif a été mis en place dans le but précis de lutter contre l’évasion fiscale. Les résultats encourageants qu’il a obtenus ont conduit le législateur à le pérenniser à l’automne 2018.
Suite aux travaux de la mission d’information, il a été étendu aux manquements à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à compter du 1er janvier 2020. Cette extension s’est accompagnée d’une nouvelle expérimentation visant à nettement élargir le champ à l’ensemble des fraudes fiscales supérieures à 100 000 euros.
A. un dispositif initialement conçu pour lutter contre la grande fraude fiscale internationale…
La possibilité d’indemniser une personne ayant renseigné l’administration fiscale de manière à détecter une fraude a d’abord été ouverte à titre expérimental et pour une durée de deux ans. Insérée au projet de loi de finances pour 2017 à l’initiative de la rapporteure ([5]), le dispositif ne concernait alors que les règles en matière de fiscalité internationale.
Il poursuivait un « double objectif de lutte civique et citoyenne contre des pratiques de grande fraude fiscale et de rendement budgétaire » ([6]) dans un contexte de sophistication des techniques d’évasion fiscale dont témoignaient plusieurs scandales : Luxembourg Leaks en 2014, Swiss Leaks (HSBC) en 2015, Panama Papers en 2016…
Le principe de l’indemnisation des « aviseurs fiscaux » – terme utilisé par les textes d’application par analogie avec le nom donné aux indicateurs des douanes – avait déjà existé en France mais il reposait sur des bases juridiques peu assurées ([7]) et présentait des résultats décevants en raison de son utilisation déconcentrée et de la faiblesse des montants à recouvrer. Cet ancien système avait finalement été abandonné en 2004.
Les dispositions de l’article 109 de la loi de finances pour 2017 sont donc venues combler un vide, d’autant plus que la rémunération d’indicateurs par les administrations fiscales est une pratique relativement courante dans un grand nombre de démocraties. La mission d’information s’était notamment fondée sur deux consultations réalisées, à sa demande, par le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) ([8]) et par le réseau international de la direction générale du Trésor pour les pays extra‑européens.
L’absence d’un système incitatif de recueil d’informations visant à révéler des pratiques frauduleuses au niveau international avait, par exemple, contraint la France, en 2007, à demander à des pays tiers – notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni – des informations permettant d’identifier les contribuables français qui disposaient frauduleusement d’un compte bancaire au Liechtenstein et qui avaient précisément été fournies par un informateur, employé dans une banque de la principauté.
C’est pourquoi, le dispositif initial introduit en loi de finances pour 2017 était concentré, à titre expérimental, sur la fraude fiscale internationale, de nature patrimoniale ou professionnelle (domiciliation, imposition, obligations déclaratives…). Le champ exact des manquements susceptibles d’être révélés par un aviseur fiscal fera l’objet de développements ultérieurs dans le présent rapport.
Il visait ainsi à d’abord lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger dont les montants éludés constituaient un enjeu non négligeable pour les finances publiques puisqu’elle s’élèverait à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, même si aucune évaluation officielle ne permet de mesurer avec précision celle-ci, comme le regrettait la mission d’information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises en 2018 ([9]).
L’ampleur de l’évasion fiscale est notamment due à la complexification de la finance internationale et au caractère immatériel de l’économie numérique depuis les années 1990. Ainsi, la mise en place de l’indemnisation des aviseurs fiscaux s’inscrivait dans le cadre plus large de la lutte contre la grande délinquance économique et les paradis fiscaux au niveau de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Inversement, l’indemnisation d’informateurs par l’administration fiscale n’avait pas vocation à entraîner des dénonciations de la part de particuliers concernant des manquements mineurs au regard du rendement global de l’impôt collecté. Le Gouvernement souhaitait en effet « éviter qu’en cas de conflits dans un quartier ou dans une famille, l’administration reçoive des dénonciations de la part de personnes qui veulent nuire à leur voisin » ([10]).
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À la différence du système d’indemnisation antérieur à 2004, le nouveau dispositif est entouré des garanties nécessaires permettant à l’administration fiscale d’exploiter les informations ainsi obtenues. L’article 109 de la loi de finances pour 2017 précise en effet que « l’administration peut recevoir et exploiter les renseignements » ayant amené à la découverte d’un manquement aux règles ou aux obligations déclaratives en question afin, d’une part, d’éviter qu’un agent public recueillant l’indication soit accusé de recel et, d’autre part, de permettre son utilisation dans le cadre du contrôle de l’impôt, même si son origine est irrégulière. Dans ce dernier cas, les visites domiciliaires, prévues par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont néanmoins prohibées.
Le régime juridique encadrant les aviseurs fiscaux ne doit pas être confondu avec celui des lanceurs d’alerte, même si la mise en place des deux dispositifs est concomitante (décembre 2016). L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ([11]) dispose en effet qu’un lanceur d’alerte « révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi » un crime, un délit ou une violation grave et manifeste d’une convention internationale, d’une loi ou d’un règlement de même qu’une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général dont il a eu personnellement connaissance.
Si le lanceur d’alerte bénéficie de protections particulières contre des représailles professionnelles (licenciement, sanctions, discriminations…), ce n’est pas le cas de l’aviseur fiscal, même si celui-ci bénéficie de la garantie du respect de son anonymat (cf. infra).
L’article 21 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a pérennisé le dispositif des aviseurs fiscaux, par le biais d’un amendement de M. Fabien Roussel ([12]), à l’issue de ses deux années d’expérimentation, soit au 1er janvier 2019.
C’est donc dans ce contexte que la mission d’information sur les aviseurs fiscaux avait conduit ses travaux au printemps 2019. Elle avait auditionné des responsables de la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes. La mission avait également réuni autour de tables rondes des universitaires spécialistes en droit fiscal ainsi que des avocats et conseils en fiscalité des entreprises et des particuliers. Comme indiqué précédemment, elle avait pu s’appuyer sur des études comparatives des systèmes d’indemnisation d’informateurs dans les pays étrangers.
B. …dont le champ des manquements a été étendu suite à ses résultats satisfaisants
La mission d’information avait constaté que « les premiers résultats du dispositif témoign[aient] de son positionnement équilibré et de sa réelle efficacité, qui pourrait encore être renforcée » ([13]).
Au moment de ses travaux, deux aviseurs fiscaux avaient été indemnisés. Les renseignements que ces informateurs avaient transmis à l’administration fiscale avaient permis le recouvrement de près de 90 millions d’euros de droits et de pénalités. Au total, l’administration fiscale avait reçu un peu moins d’une centaine de signalements dont la moitié avait été classée sans suite, soit parce que l’information portait sur un soupçon de manquement hors du cadre de l’article 109 de la loi de finances pour 2017 ou bien parce qu’elle n’était pas assez étayée, voire intentionnellement fausse. Une trentaine d’enquêtes fiscales étaient toujours en cours au moment de la remise du rapport d’information et treize dossiers faisaient l’objet d’un contrôle fiscal.
Si la mission était satisfaite des résultats obtenus après un peu plus de deux années d’existence, elle n’en formulait pas moins six propositions afin de renforcer davantage le dispositif. Ses recommandations portaient sur l’extension du dispositif à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sur la suppression du plafond appliqué à l’indemnité des aviseurs fiscaux ([14]), un renforcement de la confidentialité des sources, une meilleure protection des agents traitants et une plus grande coopération entre la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) et le nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) ([15]). Elle proposait également de codifier le dispositif dans le livre des procédures fiscales (LPF).
Depuis la remise des conclusions de la mission d’information en juin 2019, une évolution législative importante est intervenue concernant les aviseurs fiscaux : l’article 175 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a étendu le dispositif à la TVA et, à titre expérimental pour une durée de deux ans, à tout manquement susceptible d’être sanctionné lorsque le montant de la fraude dépasse 100 000 euros.
Cette même loi de finances, en son article 174, a également renforcé la protection des agents traitants et la confidentialité des sources.
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Compte tenu de ce renforcement du dispositif et de la maturité atteinte par celui-ci – qui est sur le point d’arriver au terme de sa cinquième année d’existence – la rapporteure a souhaité contrôler la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information, comme le prévoit l’article 145‑8 du Règlement.
Concernant le bilan chiffré du dispositif, la rapporteure constate que cinq aviseurs fiscaux ont été indemnisés entre son entrée en application et le 31 décembre 2020, soit trois de plus qu’au moment des travaux de la mission d’information, tandis que 24 contrôles fiscaux ont pour origine une indication fournie dans ce cadre. Les cinq informateurs ayant transmis leurs renseignements en 2017 et 2018, les manquements dénoncés relèvent tous de la fraude fiscale à l’internationale, seul champ du dispositif jusqu’au 31 décembre 2019. Dans le rapport annuel d’application communiqué au Parlement par le ministre chargé des comptes publics au titre de l’année 2020, il est précisé que ce décalage dans le temps est dû à « la nécessité de vérifications assez poussées pour s’assurer de la véracité des informations transmises et par la longueur des procédures fiscales ».
Il ressort des réponses aux questionnaires adressés par la rapporteure qu’un sixième aviseur a pu être indemnisé au titre de renseignements transmis en 2020.
Au total, le montant des droits et des pénalités recouvrés s’établissait à 110,32 millions d’euros, au 1er septembre 2021, tandis que celui des indemnités versées aux aviseurs n’a représenté qu’un coût global de 1,83 million d’euros ([16]). La rapporteure constate que le rendement budgétaire du dispositif est donc très avantageux pour les finances publiques. Elle note toutefois que près de 90 % du montant total recouvré correspond à une seule affaire, la toute première ayant donné lieu à l’indemnisation d’un aviseur. Sur cette première affaire, la rapporteure s’étonne que l’administration fiscale n’ait pas repris contact avec ce dernier, celui-ci ayant apparemment d’autres éléments à fournir.
Lorsqu’il s’agit d’affaires de série, les opérations de contrôle en rapport avec la fraude révélée peuvent se poursuivre et continuer d’entraîner des mises en recouvrement ([17]).
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liste des AFFAIRES ayant conduit à une indemnisation
Dossier |
Année d’enregistrement |
Type |
Année d’indemnisation |
Droits et pénalités à recouvrer (en millions d’euros) |
n° 1 |
2017 |
affaire de série |
2017 |
99,67 |
n° 2 |
2017 |
affaire de série |
2019 |
18,60 |
n° 3 |
2018 |
affaire individuelle |
2019 |
3,60 |
n° 4 |
2018 |
affaire de série |
2019 |
3,86 |
n° 5 |
2018 |
affaire individuelle |
2020 |
0,035 |
n° 6 |
2020 |
affaire de série |
2020 |
en cours d’estimation |
Source : rapport au Parlement sur l’application du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L. 10-0 AC du livre de procédures fiscales, 2020 ; réponses aux questionnaires.
La rapporteure note également une plus grande notoriété du dispositif d’année en année puisque le nombre de prises de contact est passé de 27 en 2017 à 71 en 2020. Elle constate qu’il bénéficie aujourd’hui d’une plus grande acceptabilité sociale alors qu’une partie de la presse et certains milieux professionnels évoquaient avec sévérité une « délation rémunérée » ou qualifiaient les aviseurs d’« indics ».
état récapitulatif des affaires traitées dans le cadre du dispositif
Affaires individuelles |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
T1 2021 |
Total |
||||||||
ind. |
série |
ind. |
série |
série |
série |
ind. |
série |
ind. |
série |
ind. |
série |
|||
Demandes entrantes |
24 |
3 |
52 |
4 |
55 |
6 |
70 |
1 |
36 |
- |
237 |
14 |
||
Classement |
22 |
- |
39 |
- |
36 |
- |
12 |
- |
12 |
- |
121 |
- |
||
Enquêtes |
- |
- |
5 |
2 |
15 |
1 |
53 |
1 |
24 |
- |
97 |
4 |
||
Mise en contrôle fiscal |
2 |
1 |
5 |
2 |
4 |
5 |
5 |
- |
- |
- |
16 |
8 |
||
Indemnisation ([18]) |
- |
2 |
2 |
1 |
- |
- |
- |
1 |
- |
- |
2 |
4 |
||
Source : réponses aux questionnaires.
L’extension du champ du dispositif à partir du 1er janvier 2020 a contribué à nettement réduire la part des informations non couvertes par celui-ci parmi les dossiers classés sans suite.
MOTIF DU CLASSEMENT SANS SUITE DU 1er JANVIER 2017 AU 31 DéCEMBRE 2019
Source : commission des finances à partir des réponses aux questionnaires.
motif du classement sans suite depuis le 1er JANVIER 2020
Source : commission des finances à partir des réponses aux questionnaires.
II. les propositions de la mission d’information relatives à l’encadrement du dispositif ont toutes été mises en œuvre
À l’issue des travaux de la mission d’information, la rapporteure avait formulé trois propositions visant le cadre du dispositif des aviseurs fiscaux. Elle recommandait de codifier celui-ci dans le livre des procédures fiscales (LPF) et d’étendre son champ à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle proposait également d’abandonner la pratique du plafonnement de l’indemnité des aviseurs par l’administration fiscale.
Ces trois recommandations ont été mises en œuvre, notamment grâce à l’action du législateur lors du vote du projet de loi de finances pour 2020.
A. le dispositif des aviseurs fiscaux a été codifié dans le livre des procédures fiscales
Dans ses conclusions, la mission d’information proposait de codifier le dispositif des aviseurs fiscaux dans le LPF « afin de tirer pleinement les conséquences de sa pérennisation » par l’article 21 de la loi n° 2018‑898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (cf. supra).
Plus précisément, la rapporteure suggérait de le faire figurer dans la section consacrée aux dispositions générales relatives au droit de l’administration concernant le contrôle de l’impôt (section I du chapitre premier du titre II de la partie législative du LPF).
À l’initiative de plusieurs députés, dont la rapporteure, cette recommandation a été mise en œuvre par le biais de plusieurs amendements identiques au projet de loi de finances pour 2020 ([19]). L’article 175 de la loi de finances promulguée ([20]) a en effet inséré un article L. 10‑0 AC dans le LPF.
Celui-ci reprend les dispositions de l’article 109 de la loi de finances pour 2017 ([21]), modifié par l’article 21 de la loi 23 octobre 2018 précitée, en les complétant par l’extension du champ du dispositif aux nouveaux manquements évoqués ci-avant (cf. annexes).
Le Gouvernement a poursuivi ce travail de codification en insérant également dans la partie réglementaire du LPF les textes d’application du dispositif. Le décret n° 2021-61 du 25 janvier 2021 a inscrit à l’article R. 10‑0 AC‑1 du LPF l’autorisation donnée à la direction générale des finances publiques (DGFiP) d’indemniser les aviseurs fiscaux, jusqu’alors régie par le décret n° 2017‑601 du 21 avril 2017.
Enfin, un arrêté du 25 janvier 2021 du ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, a également codifié à l’article A. 10‑0 AC‑1 du LPF les dispositions prises par l’arrêté du 21 avril 2017 qui donnent au directeur général des finances publiques – sur proposition du directeur de la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) – la compétence pour fixer le montant de l’indemnité, « par référence aux montants estimés des impôts éludés et après examen de l’intérêt fiscal pour l’État des informations communiquées et du rôle précis de l’aviseur ».
Proposition n° 6 mise en œuvre : dispositif codifié dans le livre des procédures fiscales.
B. le champ du dispositif a été étendu à la fraude à la tva ainsi que, à titre expérimental, à tout manquement supérieur à 100 000 euros
En mettant en place le dispositif des aviseurs fiscaux lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, le législateur entendait lutter contre la grande fraude fiscale à l’international. Si la mission d’information ne remettait pas en cause cet objectif initial, elle relevait que le champ des manquements pourrait inclure la fraude impliquant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui comportait également un volet international particulièrement important.
La rapporteure mettait en avant le fait que cette imposition constituait la recette fiscale la plus importante de l’État avec 114 milliards d’euros en 2020, soit 44,5 % du total ([22]). En 2018, sa part dans les recettes fiscales nettes atteignait même 53,2 % avec 157 milliards d’euros prélevés.
D’après la Cour des comptes, la fraude à la TVA serait de l’ordre d’une quinzaine de milliards d’euros chaque année ([23]). Pour la Commission européenne, c’est environ 11,2 % des recettes attendues qui ne seraient pas perçues ([24]) au niveau de l’Union européenne (UE).
Dans le cadre des échanges intra-européens, la TVA est particulièrement confrontée à l’essor de la fraude « carrousel », montage consistant à obtenir, via une chaîne de sociétés, la réduction voire le remboursement, par un État membre de l’UE, d’un montant de TVA qui n’a jamais été acquitté en amont.
Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2020, l’extension du dispositif des aviseurs fiscaux à la fraude à la TVA ([25]) a été introduite par plusieurs amendements identiques ([26]), dont celui de la rapporteure. Il a reçu un avis favorable du Gouvernement, le ministre de l’action et des comptes publics relevant que cette taxe « représente l’essentiel de la fraude fiscale constatée – plus de 80 % des dossiers transmis à la justice » ([27]).
Le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture entendait également étendre – à titre expérimental et pour une durée de deux ans ([28]) – le champ des manquements, susceptibles d’être renseignés par un aviseur, à la fiscalité des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) ([29]).
Suite à la suppression de cette disposition par le Sénat, le Gouvernement et la rapporteure ont finalement trouvé un accord pour expérimenter une extension relativement ambitieuse du dispositif des aviseurs fiscaux puisque le texte définitivement adopté autorise, pour une durée de deux ans, l’administration fiscale à retenir un périmètre différent, défini par la gravité de certains agissements, manquements ou manœuvres en infraction avec la législation fiscale, lorsque le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 euros.
Entrée en application le 1er janvier 2020, cette disposition provisoire prendra fin le 31 décembre 2021.
L’administration constate qu’il est, pour l’heure, difficile de mesurer l’impact des deux nouveaux champs ouverts par la loi de finances pour 2020 pour le dispositif. Si l’élargissement à la TVA « encore méconnu, a généré peu d’affaires fiscalement exploitables », elle observe que, concernant l’expérimentation pour les fraudes dont l’enjeu dépasse 100 000 euros, « un nombre plus conséquent d’informations a été transmis » ([30]). Celles-ci concernent « assez souvent » une problématique liée à l’impôt sur les sociétés ([31]). Toutefois, il faudra attendre la fin des opérations de contrôle fiscal pour confirmer cette tendance.
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D’après les informations transmises par la DGFiP à la rapporteure, la part représentée par chaque champ du dispositif dans les dossiers au stade de l’enquête initiale serait, en ordre de grandeur, de :
– deux tiers pour la fiscalité internationale (comptes bancaires à l’étranger non déclarés, prix de transfert…) ;
– un tiers pour les manquements visés par l’expérimentation (enjeu fiscal supérieur à 100 000 euros) ;
– quelques dossiers pour la TVA seule.
La rapporteure estime donc qu’il est encore trop tôt pour dresser un bilan de l’extension à la fraude à la TVA et de l’expérimentation relative aux affaires présentant des manquements graves à la législation fiscale, d’autant plus que les contrôles fiscaux ont été ralentis par la crise sanitaire consécutive à la pandémie de Covid‑19. Elle est, dès lors, favorable à une reconduction de l’expérimentation à compter du 1er janvier 2022.
Pour l’heure, la rapporteure n’est pas non plus favorable à une nouvelle extension du dispositif qui pourrait consister à abaisser le seuil de 100 000 euros de droits éludés pour l’expérimentation ou bien, à défaut de pérennisation ou de reconduction, à introduire de nouveaux manquements susceptibles d’être renseignés par un aviseur.
Elle estime que le dispositif doit permettre de lutter contre la grande fraude fiscale tout en assurant un certain rendement budgétaire, eu égard aux montants en jeu pour les finances publiques. Elle constate, comme l’ont souligné les agents traitants au cours des auditions, que les aviseurs fiscaux jouent également un rôle formateur à l’égard de l’administration fiscale dans la mesure où ils portent à sa connaissance de nouvelles techniques frauduleuses et des schémas d’évasion fiscale particulièrement sophistiqués. Face à la complexité de la grande fraude fiscale, l’apport des aviseurs dépasse largement le seul renseignement qu’ils apportent concernant un manquement d’un particulier ou d’une entreprise.
La rapporteure rappelle également que la lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnel ([32]) et que près du quart des manquements relevés lors de l’ensemble des contrôles fiscaux sont délibérés ([33]), au sens de l’article 1729 du code général des impôts.
Proposition n° 1 mise en œuvre : champ des manquements visés étendu aux opérations portant sur la taxe sur la valeur ajoutée.
C. l’indemnité de l’aviseur pourrait aller jusqu’à 15 % du recouvrement en cas d’affaire majeure
Le dispositif des aviseurs fiscaux repose sur le principe de l’indemnisation accordée aux personnes fournissant des renseignements ayant amené à la découverte d’un manquement à la législation fiscale.
La loi dispose que « le Gouvernement peut autoriser l’administration fiscale à indemniser » un aviseur ([34]). Ce rôle est confié, par les textes d’application, à la DGFiP ([35]) qui fixe l’indemnité « par référence aux montants estimés des impôts éludés et après examen de l’intérêt fiscal pour l’État des informations communiquées et du rôle précis de l’aviseur » ([36]). En application de ces textes, le montant de l’indemnisation n’est donc arrêté qu’à l’issue des opérations de contrôle ayant permis de corroborer les renseignements fournis.
Compte tenu des délais, parfois longs, de mise en recouvrement ([37]), l’indemnité peut, en pratique, être versée à l’aviseur avant que le contribuable ait réglé sa dette vis-à-vis de l’administration fiscale, du moment qu’à l’issue des opérations de contrôle, les droits et pénalités dus ont pu être calculés. Elle peut également être échelonnée au fur et à mesure des recouvrements lorsque la qualité des informations le justifie. C’est notamment le cas pour les dossiers de série « dès lors que les premières affaires mises en contrôle ont conduit à un recouvrement substantiel » ([38]).
La rapporteure a constaté qu’un dossier de série de 2020 avait donné lieu à une indemnisation précoce. Selon l’administration fiscale, ce cas devrait rester exceptionnel.
Conformément à la volonté du législateur, l’indemnité n’est ni forfaitaire, ni strictement proportionnelle au montant des droits éludés. Laissé à la discrétion de l’administration fiscale – plus précisément au directeur général des finances publiques sur proposition du directeur de la DNEF – afin de garder une certaine souplesse, l’établissement de la somme exacte tient compte, d’une part, de l’intérêt fiscal pour les finances publiques et, d’autre part, des risques encourus par l’aviseur.
Il n’existe donc pas de barème, ni de grille indicative. Cette solution permet de concilier deux impératifs, en apparence contradictoires. Le premier est que le versement de l’indemnité doit être suffisamment rapide pour que cette indemnité soit attractive pour l’aviseur. Le second est que le montant des droits et des pénalités dus par le contribuable doit avoir pu être précisément estimé. La mission d’information avait d’ailleurs observé que la publicité du calcul de l’indemnité demeure minoritaire dans les pays disposant d’un système comparable. À noter qu’aux États-Unis, où le montant doit être compris entre 15 et 30 % des sommes recouvrés, l’indemnisation n’a généralement lieu qu’au bout de huit ou neuf ans ([39]) contre dix‑huit à vingt‑quatre mois en France.
Si aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe non plus de plafond à cette indemnité, elle est en pratique limitée à un million d’euros par affaire, conformément à des instructions internes formalisées par une circulaire en date du 20 mai 2019, comme la mission d’information avait pu le constater au cours de ses travaux.
La rapporteure considérait que l’existence d’un tel plafond n’était pas souhaitable et recommandait donc de l’abandonner. Elle estimait qu’il limitait l’attractivité du dispositif dans le cadre d’affaires à forts enjeux pour les finances publiques ou potentiellement risquées pour l’aviseur.
Interrogé à ce sujet lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi de finances pour 2020, le ministre de l’action et des comptes publics avait proposé « d’en finir avec le plafond actuel » ([40]).
Il ressort d’une note du ministre à l’attention du directeur général des finances publiques, en date du 11 juin 2020, que le montant de l’indemnisation demeure d’un million d’euros par affaire mais qu’il peut être porté « jusqu’à 15 % des droits recouvrés dans le cas d’affaires de grande importance ». En l’état des dossiers instruits, cette exception n’a pas trouvé à s’appliquer ([41]).
Proposition n° 2 mise en œuvre : montant de l’indemnisation pouvant être porté jusqu’à 15 % des droits recouvrés dans le cas d’affaires de grande importance.
III. la mise en œuvre des propositions de la mission d’information relatives à la gestion du dispositif se poursuit
Trois recommandations avaient été émises en rapport avec la gestion du dispositif par l’administration fiscale. Deux d’entre elles visaient à en assurer davantage la confidentialité, notamment en protégeant l’anonymat des agents traitants et en garantissant aux aviseurs que leur identité ne soit pas divulguée. La troisième entendait favoriser la coopération entre le service en charge des aviseurs et le nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), créé en 2019.
Si ces préconisations ont bien été mises en œuvre, elles demeurent en cours de réalisation et méritent d’être approfondies.
A. la protection de l’anonymat des agents traitants renforce leur protection
Au cours de ses travaux, la mission d’information s’était inquiétée des risques encourus par les agents du service des investigations élargies (SIE) de la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) lors de leurs contacts avec les aviseurs. En raison du profil de la personne ou de la nature de l’enjeu, ce risque peut s’avérer particulièrement important. L’administration fiscale avait alors rapporté aux membres de la mission des cas de « harcèlement et de menaces verbales, y compris menaces de mort » ([42]).
De plus, il faut rappeler qu’environ la moitié des prises de contact avec de potentiels aviseurs n’aboutissent à aucune investigation, notamment lorsque le renseignement porte sur un manquement non prévu dans le dispositif ou bien en dessous du seuil de 100 000 euros dans le cadre de l’expérimentation en cours depuis le 1er janvier 2020. Ces rejets peuvent donc susciter le mécontentement de personnes espérant obtenir une récompense et ainsi exposer les agents du SIE de la DNEF à des atteintes dans le cadre de leurs fonctions.
C’est pourquoi, la rapporteure recommandait de « mieux protéger les agents traitants » et suggérait d’assurer leur anonymat vis-à-vis des aviseurs potentiels.
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À son initiative ([43]), la loi de finances pour 2020 ([44]) a introduit deux nouveaux articles dans le livre des procédures fiscales (LPF) et le code général des impôts (CGI) :
– l’article L. 286 B du LPF qui prévoit la possibilité pour un agent des finances publiques d’être anonyme par le biais d’un numéro d’immatriculation administrative ;
– l’article 1751 A du CGI qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ([45]) le fait de révéler l’identité d’un agent couvert par les dispositions de l’article L. 286 B du LPF.
Conformément au décret d’application du 28 octobre 2020 ([46]), cette garantie de l’anonymat repose sur l’attribution, pour chaque procédure, d’un numéro d’immatriculation administrative dont les caractères alphanumériques renvoient à l’agent, à son affectation, à l’affaire traitée ainsi qu’à l’année.
Si cette protection bénéficie aux agents qui exercent leurs attributions dans le cadre du dispositif des aviseurs fiscaux (article L. 10‑0 AC du LPF), elle peut également assurer l’anonymat de tout autre agent des finances publiques « susceptible de mettre en danger sa vie ou intégrité physique ou celles de ses proches » dans le cadre des procédures fiscales (contrôle, recouvrement et contentieux).
Toutefois, cette identité numérique est utilisée avec parcimonie en pratique. L’administration fiscale admet qu’elle est surtout privilégiée « lorsque le service est amené à intervenir dans le cadre d’une affaire sensible ou face à un interlocuteur présentant un risque dûment identifié » ([47]). Dans la plupart des cas, l’agent peut se présenter sous une tournure impersonnelle (mention de la dénomination du service seulement, voire avec son prénom).
Reconnaissant que « la principale difficulté résulte en la détection, en amont, des affaires qui pourraient s’avérer sensibles ou celles dont les sources pourraient présenter un risque voire un danger », l’administration fiscale pourrait envisager l’utilisation d’un pseudonyme dans l’ensemble de ses échanges. La rapporteure ne peut qu’appuyer cette idée de bonne pratique.
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Enfin, la rapporteure a constaté que, malgré une technicité et une compétence reconnues par leur hiérarchie, les agents du SIE n’avaient aucun régime spécifique. Il serait donc souhaitable de créer une indemnité spécifique pour cette fonction, particulièrement technique et qui demande un engagement total, d’autant que cela ne concerne qu’une poignée d’agents. Ce point avait déjà été évoqué dans le rapport de la mission d’information.
Proposition n° 4 en cours de mise en œuvre : meilleure protection des agents traitants grâce à la protection de leur anonymat.
B. la confidentialité des sources tend à se rapprocher du niveau du secret de la défense nationale
Les procédures mises en œuvre par l’administration fiscale sont censées garantir l’anonymat des aviseurs fiscaux, comme le prévoit l’article A. 10‑0 AC‑1 du LPF : « La direction nationale d’enquêtes fiscales conserve, de façon confidentielle, les pièces permettant d’établir l’identité de l’aviseur, la date, le montant et les modalités de versement de l’indemnité ». En pratique, ces documents sont gardés dans une chambre forte ([48]).
Cet impératif découle plus généralement du secret fiscal qui « s’applique à toutes les personnes appelées à l’occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l’assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts [et] s’étend à toutes les informations recueillies à l’occasion de ces opérations » ([49]).
Le mode opératoire utilisé par l’administration fiscale permet qu’un nombre très limité d’agents aient accès à l’identité de l’aviseur. Il repose sur la séparation, au sein même de la DNEF, entre le service recueillant les informations – le SIE – et celui les analysant – la division des investigations. Ainsi, seuls les agents du SIE, au nombre de six en incluant leur chef, et le directeur de la DNEF peuvent avoir connaissance des éléments confidentiels.
À l’issue du processus de vérification interne à la DNEF, les résultats obtenus sont transmis à un service de contrôle (cf. infra) qui ignore alors l’origine de l’information relative au manquement suspecté. Il n’existe pas de marquage des dossiers ayant pour origine le dispositif prévu par l’article L. 10‑0 AC du LPF.
L’organisation du contrôle fiscal
La direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) est chargée de la recherche et de l’exploitation des renseignements permettant de lutter contre les fraudes les plus graves. C’est en son sein que se trouve le service des investigations élargies (SIE).
Les contrôles fiscaux sont effectués, au niveau national, par :
– la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF), chargée des dossiers de personnes physiques les plus complexes et les plus significatifs ;
– la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), chargée des dossiers relatifs aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 150 millions d’euros.
Au niveau local, le contrôle fiscal des particuliers et des entreprises est confié aux :
– directions spécialisées du contrôle fiscal (DIRCOFI), au niveau interrégional, pour les entreprises de taille moyenne ;
– brigades départementales de vérification (BDV) pour les petites entreprises ;
– pôles de contrôle et d’expertise (PCE) pour les dossiers des professionnels ;
– brigades de contrôle et de recherche (BCR), chargées de collecter les informations fiscales nécessitant la mobilisation de renseignements externes (police, gendarmerie, justice, Sécurité sociale…) ;
– pôles de contrôles revenus et patrimoine (PCRP) pour les dossiers des particuliers.
Les services des impôts des particuliers (SIP) participent également au contrôle des dossiers des particuliers aux enjeux moindres.
Source : réponses aux questionnaires, Bulletin officiel des finances publiques (Bofip).
Quant au contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) qui – en qualité de comptable public et en application de l’article A. 10‑0 AC‑1 du LPF – est assignataire de l’ordre d’indemnisation, il n’a aucune connaissance du motif de mise à disposition des fonds en question. Celle-ci a lieu par virement sur le compte bancaire de l’aviseur, voire – si ce dernier en fait la demande – sur le compte d’un tiers (notaire ou avocat) ([50]).
Lors de ses travaux, la mission d’information avait estimé que, le dispositif étant « rigoureux et structuré », il présentait des garanties satisfaisantes pour préserver l’anonymat des aviseurs.
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Elle s’était toutefois inquiétée d’un risque de divulgation en cas de procédure judiciaire. En effet, la révélation de l’identité d’un aviseur pourrait, dans certains cas, être contrainte par la justice. Ce serait par exemple le cas si une source était pénalement mise en cause pour détention illicite d’une information ou bien si un avocat formait un recours en estimant que les droits de la défense ne seraient pas respectés dès lors que celle-ci n’aurait pas connaissance de toutes les informations relatives à la procédure. Ainsi, les agents du SIE de la DNEF pourraient se voir dans l’obligation de dévoiler l’identité d’un aviseur dans le cadre d’une procédure de réquisition ou d’audition.
C’est pourquoi la rapporteure s’était interrogée sur l’éventualité d’un renforcement des exigences de confidentialité concernant les éléments permettant l’identification des aviseurs. Elle recommandait notamment « d’étudier sérieusement la classification "confidentiel défense" [de ces éléments] afin de sécuriser leur anonymat même en cas de procédure judiciaire ». La divulgation de l’identité d’un aviseur serait en effet de nature à avoir un impact extrêmement négatif sur la confiance des aviseurs potentiels dans le dispositif.
Jusqu’au 30 juin 2021, le « confidentiel défense » était le premier niveau de classification et de protection du secret de la défense nationale. Au ministère de l’économie, des finances et de la relance, son habilitation était réservée aux informations dont la compromission « irait à l’encontre des intérêts financiers, monétaires, économiques ou commerciaux de la France » ([51]).
Dans ses réponses au questionnaire adressé par la rapporteure, l’administration fiscale indiquait que la DNEF envisageait d’associer la classification « confidentiel défense » au dispositif des aviseurs fiscaux et précisait que « les contacts pris à cette fin avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère ont été concluants et de telles dispositions devraient être mises en place courant 2021 ».
En application du décret n° 2019‑1271 du 2 décembre 2019 relatif aux modalités de classification et de protection du secret de la défense nationale, un système à deux niveaux de classification (« secret » et « très secret ») a été substitué aux trois anciens types de classification. En conséquence, toutes les habilitations « confidentiel défense » sont considérées comme étant au nouveau niveau « secret » depuis le 1er juillet 2021, qui est réservé « aux informations et supports dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à porter atteinte à la défense et à la sécurité nationale » ([52]).
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Au cours des auditions que la rapporteure a menées, il lui a été confirmé que les éléments d’identification de l’identité de l’aviseur (fiche biographique) seront classés « secret ». Ce renforcement doit permettre d’éviter que, dans le cadre d’un contentieux, ces informations soient révélées. Une juridiction, qu’elle soit judiciaire ou administrative, devra ainsi préalablement demander une déclassification au sujet de laquelle la commission du secret de la défense nationale, autorité administrative indépendante, est tenue de donner un avis.
Proposition n° 3 en cours de mise en œuvre : confidentialité des éléments permettant l’identification des aviseurs en cours de renforcement.
C. le service en charge des aviseurs fiscaux, potentiel embryon d’un véritable service de renseignement à la dgfip
L’article 1er de la loi n° 2018‑898 relative à la lutte contre la fraude a autorisé le placement d’officiers fiscaux judiciaires (OFJ) auprès du ministère de l’économie, des finances et de la relance en supprimant leur rattachement au ministère de l’intérieur, dans le but de « renforcer les outils de l’État pour détecter et déjouer les fraudes les plus complexes » ([53]).
Cette disposition a permis la création du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) à compter du 1er juillet 2019 ([54]). Placé sous l’autorité conjointe du directeur général des douanes et droits indirects et du directeur général des finances publiques, le SEJF remplace également l’ancien service national de douane judiciaire (SNDJ). Conçu comme une véritable « police fiscale », il peut être chargé de dossiers de présomption de fraude nécessitant une expertise de pointe et la mise en œuvre de moyens judiciaires d’enquête ([55]).
La mission d’information ayant été concomitante de cette réforme, la rapporteure proposait de favoriser la coopération entre ce nouveau service et le SIE de la DNEF considérant que « l’organisation de cette nouvelle police fiscale devrait prendre en compte toutes les potentialités du dispositif [des aviseurs fiscaux] afin de renforcer les capacités de l’administration en matière de vérification de l’information ».
S’il n’existe actuellement pas de convention spécifique signée entre ces deux services, la DNEF entretient des liens « étroits et fluides » ([56]) avec le SEJF. La direction a en effet la responsabilité du suivi et de la coordination de toutes les affaires de police fiscale déposées par la direction générale des finances publiques (DGFiP) auprès de l’autorité judiciaire. En son sein, la brigade des affaires de police fiscale rédige également des propositions de saisine du SEJF et assure le contrôle fiscal des dossiers qui lui sont confiés.
Toutefois, les deux services évoluent dans des domaines d’attribution différents. Le SEJF est un service judiciaire qui n’a pas la capacité d’ouvrir une enquête pour rechercher et constater les infractions qui relèvent de son champ de compétence ([57]). Quant à la DNEF, elle ne peut directement confier au SEJF une investigation mais doit d’abord l’adresser à l’autorité judiciaire qui décide des suites à donner, ce qui, dans l’état actuel de la séparation des pouvoirs est en cohérence avec le respect des droits de la défense.
Enfin, le SIE est également en charge des fonctions de renseignement fiscal au sein de la DGFiP.
À la suite de la mission d’information de juin 2019, en conclusion de laquelle la rapporteure s’interrogeait sur le développement du renseignement fiscal dans la lignée de l’indemnisation des aviseurs, le ministre de l’action et des comptes publics a créé un groupe de contact entre la DNEF, TRACFIN ([58]) et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).
Ces acteurs du renseignement économique et financier ont pour finalité d’échanger et d’apporter des regards croisés sur les dossiers de fraude dans le cadre d’une « task force renseignement fiscal » (TFRF). Selon les informations transmises par l’administration fiscale, celle-ci s’est faite à moyens et à droit constants.
Au-delà des résultats espérés de cette nouvelle coopération, cette task force a le mérite d’enraciner la notion de renseignement fiscal.
Cette collaboration obéit aux objectifs de la stratégie nationale du renseignement (SNR) qui a érigé la défense et la promotion de l’économie française comme une de ses priorités après les menaces terroristes et l’anticipation des crises et des risques de ruptures majeures ([59]). Dans ce cadre, la lutte contre les fraudes – qu’elles soient financières, fiscales, sociales ou à la propriété intellectuelle – en constitue un volet important dans la mesure où « le coût financier de celles-ci peut mettre en péril l’équilibre des comptes publics et de ce fait la qualité des services publics » ([60]).
La rapporteure prend acte de la mise en place de cette task force qui pourrait permettre aux trois services (DNRED, TRACFIN et DNEF) de coopérer. Elle remarque que ce dispositif espère proposer des réponses adaptées, face à « l’industrialisation des mécanismes d’évitement conçus par des professionnels étrangers et destinés à une clientèle française » ([61]). Elle note également que cette collaboration répond pleinement aux nouveaux enjeux de la coordination du renseignement, qui repose sur le triptyque « partage – mutualisation – intégration ».
Toutefois, l’idée de constituer un grand service de renseignement économique et fiscal ne paraît pas pertinente car les cultures administratives et les objectifs de chaque service sont différents. Les risques d’incompatibilités sont donc importants. La création, au sein de la DNEF, d’une division du renseignement fiscal ayant pour base le SIE actuel apparaît bien plus simple et cohérent. Les compétences techniques y sont présentes.
Il est d’ailleurs apparu à la rapporteure, au cours de ses auditions, que la DNEF et plus particulièrement le SIE avaient développé une réflexion approfondie sur son évolution et la montée en puissance du renseignement fiscal.
Dans la mesure où la lutte contre la fraude fiscale, objectif à valeur constitutionnelle, est particulièrement technique, la DGFiP paraît être légitime à développer cette activité de renseignement en son sein.
Proposition n° 6 en cours de mise en œuvre : coopération favorisée entre le service des investigations élargies de la DNEF et le service d’enquêtes judiciaires des finances.
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Lors de sa réunion du mercredi 22 septembre 2021, la commission a entendu une communication sur le suivi des conclusions du rapport de la mission d’information relative aux aviseurs fiscaux (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure).
Mme Cendra Motin, présidente. Mes chers collègues, Mme Christine Pires Beaune nous avait présenté au mois de juin 2019 les conclusions d’une mission d’information sur les aviseurs fiscaux, qui avait permis d’évaluer un dispositif mis en œuvre à titre expérimental à compter de la loi de finances pour 2017 puis pérennisé par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Depuis les travaux conduits par cette mission d’information, une évolution législative importante est intervenue avec la loi de finances pour 2020 qui a étendu le dispositif, à la fois quant aux impôts concernés et, à titre expérimental, quant aux montants de fraude pouvant conduire à la mise en jeu du dispositif à compter de 100 000 euros. Le fait, pour la rapporteure de la mission d’information, de conduire un travail de suivi, présente donc le double intérêt de permettre, à la fois, un bilan des mesures prises à la suite des préconisations qui avaient pu être formulées à l’occasion de la présentation du rapport d’information et une analyse des nouvelles évolutions du dispositif.
Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Madame la présidente, mes chers collègues, il y a un peu plus de deux ans, je présentais effectivement devant vous les conclusions de la mission sur les aviseurs fiscaux, composée de mes collègues Charles de Courson, Marie-Christine Dalloz, Vincent Ledoux, Xavier Roseren, Fabien Roussel et Sabine Rubin – je les salue et tiens à les remercier à nouveau –, ainsi que de Sarah El Haïry, devenue, depuis lors, membre du Gouvernement, et de moi-même.
Le but de nos travaux était de contrôler l’application et de dresser un premier bilan de ce nouveau dispositif de lutte contre la grande fraude fiscale qui avait été introduit au cours de la précédente législature par la loi de finances pour 2017, à titre expérimental, avant d’être pérennisé par la loi de 2018 sur la lutte contre la fraude. Je rappelle qu’il permet d’indemniser toute personne fournissant un renseignement à l’administration amenant à la découverte d’un manquement à la législation fiscale.
Au moment où la mission a rendu ses conclusions, c’était surtout l’évasion fiscale qui était visée. En effet, les informations susceptibles d’être transmises par un aviseur concernaient des infractions aux règles fixées en matière de domiciliation fiscale, de prix de transfert, de territorialité de l’impôt sur les sociétés ou d’obligations déclaratives concernant les comptes et contrats détenus à l’étranger, pour ne citer que quelques exemples.
Souvenons-nous que la création de ce dispositif faisait suite à plusieurs scandales comme celui de HSBC en 2015 ou les Panama Papers en 2016, qui avaient mis en lumière le fait que l’administration française manquait cruellement d’informations pour repérer les évadés fiscaux parmi ses contribuables, alors que d’autres pays démocratiques bénéficient d’un système permettant la rémunération d’informateurs.
Nos travaux nous avaient permis de nous assurer que le dispositif des aviseurs fiscaux répondait à un besoin réel d’accéder au renseignement fiscal et qu’il contribuait à sécuriser juridiquement son exploitation. Quant au bilan, il présentait d’excellents résultats puisqu’au bout de deux ans 90 millions d’euros avaient été recouvrés grâce à deux aviseurs. C’est pourquoi nous recommandions de maintenir le dispositif des aviseurs car nous le jugions utile et efficace. Six propositions avaient été formulées concernant tant son périmètre que son fonctionnement.
Sur le périmètre tout d’abord, nous recommandions d’inscrire le dispositif directement dans le livre des procédures fiscales plutôt que dans la loi de finances. Surtout, nous appelions à étendre le champ des manquements visés à la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui coûte une quinzaine de milliards d’euros par an à l’État et contre laquelle il est plus difficile de lutter en raison de sa complexité.
Concernant l’indemnisation des aviseurs, nous réclamions l’abandon de la pratique du plafonnement à un million d’euros qui était en vigueur de fait. Je dis « de fait » car ni la loi ni les textes d’application ne prévoyaient un tel plafond qui résultait d’instructions internes au sein du ministère des finances.
Pour ce qui est du traitement des informations reçues, nous proposions d’améliorer sensiblement la confidentialité des sources et la protection des agents traitants, susceptibles d’être victimes de tentatives d’intimidations.
Enfin, à la suite de nos constatations, nous nous interrogions sur l’opportunité de mettre en place un véritable service de renseignement au sein de l’administration fiscale, qui permette le travail en commun de l’ensemble des services, aux niveaux central et déconcentrés. C’est pourquoi nous suggérions de favoriser la coopération entre le service des investigations élargies (SIE), chargé des aviseurs, et le tout nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui venait d’être créé lors des travaux de la mission.
Bientôt cinq ans se seront écoulés depuis la mise en place du dispositif des aviseurs et deux ans ont passé depuis que la mission d’information a fait part de ses conclusions.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, plusieurs avancées ont eu lieu en matière d’aviseurs, sur lesquelles je reviendrai dans un instant. C’est pourquoi j’ai voulu vous présenter un rapport sur la mise en œuvre des conclusions de cette mission d’information, comme le prévoit l’article 145-8 de notre règlement.
Avant d’aborder la mise en application de chacune des propositions, au nombre de six, je voudrais tout d’abord faire un rapide bilan chiffré du dispositif.
Depuis le 1er janvier 2017, six aviseurs fiscaux ont été indemnisés. Ils ont permis le recouvrement d’un peu plus de 110 millions d’euros alors que le montant total de leur récompense n’a été que de 1,8 million d’euros, soit l’équivalent de 1,5 % des droits et pénalités recouvrés. Il va de soi que le rendement budgétaire pour les finances publiques de ce dispositif est largement démontré.
Les informations transmises ont concerné quatre affaires de série et deux affaires individuelles. Par « affaire de série », je parle de la mise en contrôle fiscal d’un grand nombre de dossiers individuels de particuliers ou d’entreprise. Il faut par exemple savoir que trois affaires de série représentent en réalité plus de 450 dossiers, mobilisant une dizaine de directions interrégionales de contrôle (DIRCOFI) sur tout le territoire.
Je note également une plus grande notoriété du dispositif d’année en année puisque le nombre de prises de contact avec de potentiels aviseurs est passé d’une trentaine au début à plus de soixante-dix l’année dernière.
Venons-en maintenant au suivi de la mise en œuvre des recommandations de la mission d’information. Sur les six propositions formulées, trois sont complètement mises en œuvre, trois autres sont en cours de mise en œuvre. Ce bilan tient en partie à la nature même de ces préconisations.
En effet, tout ce qui relevait du cadre même du dispositif a pu être mis en application, principalement grâce à l’action du législateur.
L’indemnisation des aviseurs fiscaux a été codifiée dans le livre des procédures fiscales. Le Gouvernement a fait de même pour les textes d’application qui relevaient de son pouvoir réglementaire.
En ce qui concerne le champ du dispositif, le législateur est même allé au-delà des préconisations. Non seulement les manquements visés ont été étendus à la TVA mais une expérimentation a été lancée pour retenir un périmètre fondé sur la gravité des manquements à la législation fiscale lorsque l’enjeu est supérieur à 100 000 euros.
Cette expérimentation prendra fin le 31 décembre prochain. Compte tenu du temps que prend l’ensemble de la procédure – de la toute première prise de contact du service des impôts des entreprises avec un aviseur potentiel à la mise en recouvrement des droits, en passant par la longue phase d’analyse et de mise en contrôle – il est encore trop tôt pour en dresser un bilan, d’autant que la crise sanitaire est venue évidemment ralentir l’activité des nombreux services chargés du contrôle fiscal sur tout le territoire. J’estime que cette expérimentation mérite d’être poursuivie, c’est pourquoi je déposerai un amendement en ce sens dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
Les délais que j’évoquais à l’instant expliquent également que l’ensemble du bilan chiffré que je vous ai présenté n’a pu concerner que la version initiale du dispositif, tournée vers l’évasion fiscale, puisque cinq des six aviseurs ont transmis leur information en 2017 et 2018, c’est-à-dire avant son extension.
Quant à l’indemnité susceptible d’être perçue par un aviseur pour les renseignements transmis, elle faisait l’objet d’une recommandation visant à abandonner la pratique du plafond d’un million d’euros – contraire à l’intention du législateur. Là encore, c’est lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 que le Gouvernement s’était engagé à revenir sur celui-ci, ce qui fut chose faite par le biais d’une note interne de juin 2020, qui préconise de retenir un plafonnement à 15 % des droits recouvrés en cas d’affaire importante. Aucune indemnité supérieure à un million d’euros n’a pour l’instant été versée.
Voilà donc pour ce qui est des propositions ayant trait au cadre du dispositif, qui ont toutes été mises en œuvre.
Comme je le disais il y a un instant, la mise en œuvre des recommandations relatives au fonctionnement concret du dispositif a commencé et se poursuit. Elles méritent toutes d’être approfondies.
D’abord, la protection des agents traitants a été renforcée grâce, encore une fois, à l’action du législateur puisque la loi de finances pour 2020 autorise le recours à l’anonymat et punit d’emprisonnement le fait de révéler l’identité d’un agent qui en bénéficie. En pratique, cette possibilité reste à utiliser car l’administration fiscale ne souhaite y avoir recours qu’en cas d’affaire particulièrement sensible ou d’interlocuteur dangereux.
Deuxièmement, la confidentialité des sources est en train d’être renforcée grâce au classement, au niveau « secret défense » au moins, de l’identité des aviseurs. Cela évitera sa divulgation en cas de procédure judiciaire.
Enfin, la mission d’information proposait de favoriser la coopération entre le service chargé des aviseurs, la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF), et le tout nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances, le SEJF, rendu possible par la loi de 2018 de lutte contre la fraude et créé au mois de juillet 2019, juste après que la mission a rendu ses conclusions. Nous nous interrogions également sur le développement du renseignement fiscal. J’ai pu constater que la DNEF et le SEJF sont bien amenés à coopérer dans leurs champs de compétence respectifs.
Ce constat m’amène maintenant à élargir le sujet au-delà des aviseurs car j’ai appris, à cette occasion, que la DNEF était intégrée dans une task force comprenant aussi TRACFIN et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, service de renseignement des douanes. Cependant, j’estime que la création, au sein de la DNEF, d’une division du renseignement fiscal à partir du service chargé des aviseurs serait bien plus simple et cohérente ; ce service a d’ailleurs développé une réflexion approfondie sur la montée en puissance du renseignement fiscal. Dans la mesure où la lutte contre la fraude fiscale est particulièrement technique, de plus en plus complexe, il me paraît légitime que la direction générale des finances publiques (DGFiP) développe cette activité de renseignement directement en son sein.
Voilà, mes chers collègues les conclusions de mon deuxième rapport. Je remercie les services de la DGFiP, puisque nous avons fait un déplacement « au cœur » du SIE, ce qui nous a permis d’échanger avec les six personnes composant ce service.
Mme Cendra Motin, présidente. Je vous remercie, madame la rapporteure. Ce travail de suivi est important pour nous.
La dernière expérimentation que nous avons votée arrive à échéance à la fin de l’année 2021. Nous devrons donc prendre une décision pour 2022. Pourquoi, à cet égard, préférer une nouvelle expérimentation à la pérennisation du dispositif actuel ? J’entends que nous n’avons pas tous les résultats mais les premiers seraient plutôt encourageants.
Par ailleurs, les indemnités versées aux aviseurs fiscaux sont-elles soumises aux contributions sociales et à l’impôt sur le revenu ?
M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je vous remercie pour vos travaux, madame la rapporteure. Quelle est l’utilité de prolonger au-delà du 31 décembre 2021 l’expérimentation ?
Par ailleurs, instituer une indemnité spécifique ad hoc pour les agents du SIE me paraît un moyen simple et efficace pour récompenser les efforts des agents ; je souscris totalement à cette idée. Cette mesure devrait d’ailleurs être plus largement prévue dans la politique de ressources humaines de la DGFiP, voire pour l’ensemble des agents publics. Avez-vous d’ailleurs constaté, madame la rapporteure, au cours de vos travaux, des problèmes de recrutement ?
Enfin, la rémunération des aviseurs doit être entourée de toutes les garanties de confidentialité, et vous nous avez confirmé qu’elles étaient effectives. On peut en revanche s’interroger sur le traitement fiscal des indemnités versées. Sont-elles déclarées dans les revenus imposables ou sont-elles affranchies de tout impôt ?
M. Xavier Roseren. Je voudrais également remercier la rapporteure Christine Pires Beaune pour la qualité de ce travail. C’est un sujet de niche peu connu, et je souhaite par conséquent rappeler l’utilité de ces aviseurs fiscaux : ces informateurs en matière de fiscalité internationale peuvent être indemnisés par l’administration fiscale lorsqu’ils fournissent des informations relatives à un manquement aux règles fiscales. La lutte contre la fraude fiscale reste un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et vise à faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt. D’après votre rapport, ce dispositif est désormais mature. Il gagne en notoriété, le nombre de prises de contact étant passé de 27 à plus de 71 en 2020. Je me réjouis que l’ensemble des propositions émises par la mission d’information aient été mises en place. Cela montre qu’il est important d’assurer un suivi des lois votées et de leur bonne exécution.
En ce qui concerne l’extension de l’expérimentation, qui va dans le bon sens, je considère qu’au vu de la crise sanitaire et de la lenteur normale des enquêtes, il sera nécessaire d’étendre l’expérimentation sur une période plus longue, voire de pérenniser le dispositif.
Mme Véronique Louwagie. Je m’associe aux remerciements adressés à la rapporteure. Nous avons ainsi un bel exemple de la qualité des travaux conduits à l’Assemblée nationale, notamment ceux de suivi des conclusions des rapports.
La confidentialité des sources participe à la réussite de la mise en œuvre d’un tel dispositif. Vous avez indiqué, chère collègue, tantôt qu’elle se rapprochait du secret de la défense nationale, tantôt qu’elle était comme le secret de la défense nationale. Pourriez-vous nous indiquer s’il s’agit là de deux dispositifs véritablement équivalents ?
Par ailleurs, vous évoquez une inquiétude à l’égard des procédures judiciaires. Pourriez-vous nous donner des éléments supplémentaires ?
Mme Claudia Rouaux. Je tiens également à remercier la rapporteure. Les aviseurs ont montré leur efficacité, mais comment expliquer les retards de l’instruction de certains dossiers ? Deux dossiers de 2017 et sept dossiers de 2018 sont toujours en cours de traitement. Ce sont sans doute des dossiers très lourds mais avons-nous des services suffisamment dotés pour les traiter ?
Par ailleurs, puisque les aviseurs sont rémunérés en fonction de l’importance de la fraude, sont-ils indemnisés sur des enquêtes toujours en cours ?
M. Jean-Noël Barrot. Je remercie à mon tour notre collègue pour la qualité de son travail sur les aviseurs fiscaux qui permet d’évaluer ce qui a été fait en la matière depuis le début de la législature. La loi de finances pour 2017 a créé ce dispositif permettant d’indemniser toute personne fournissant un renseignement à l’administration fiscale. À la suite d’un rapport de notre commission qui en a constaté le succès, ce dispositif a été pérennisé et son champ étendu aux fraudes à la TVA et, à titre expérimental, aux manquements à la législation fiscale d’un enjeu supérieur à 100 000 euros. Je voudrais aussi rappeler que nous avons renforcé dans la loi la protection des aviseurs fiscaux, ce dont nous pouvons collectivement nous réjouir.
Vos travaux, chère collègue, rappellent ces efforts et offrent quelques perspectives en vue d’un nouveau renforcement de ce dispositif. Vous rappelez la création du service d’enquête judiciaire des finances, embryon d’un véritable service de renseignement de la DGFiP, et la coopération renforcée entre ce service et la DNEF. Comment pourrions-nous plus encore, par la loi ou par voie réglementaire, développer ce service et sa coopération avec la DNEF ou d’autres services comme TRACFIN ?
M. Jean-Paul Dufrègne. Comme tout le monde, je m’associe aux félicitations adressées à Christine Pires Beaune pour la qualité de son travail. Au groupe communiste et républicain, nous sommes toujours sensibles à toutes les initiatives qui visent à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, qui gangrènent nos finances publiques. J’ai noté que le dispositif, qui gagne en notoriété et prend de l’ampleur, avait un rendement budgétaire positif.
Sur les six recommandations de la mission, trois sont déjà appliquées et la mise en œuvre de trois autres est en cours de mise en œuvre. Nous voterons l’amendement que vous déposerez, chère collègue Christine Pires Beaune, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, à propos de l’expérimentation relative à la fraude supérieure à 100 000 euros. S’il est trop tôt pour en tirer le bilan, elle doit être poursuivie.
Qu’en est-il cependant des moyens affectés à ces dispositifs ? Des personnels très qualifiés sont requis, à l’heure où la fraude, nous l’avons vu, prend des formes nouvelles avec la dématérialisation : est-ce que les moyens alloués aujourd’hui à cette expérimentation sont suffisants ? Ne faudrait-il pas les renforcer en vue de développer une activité de renseignement ?
Mme Émilie Cariou. Je m’associe aux félicitations qui vous sont adressées, chère collègue, pour ce travail très sérieux et précis. Cependant, vous indiquez, à la page 25 de votre rapport, que les officiers fiscaux judiciaires rattachés au SEJF du ministère de l’économie, des finances et de la relance, ont remplacé les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) du ministère de l’intérieur. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude aurait, selon votre rapport, supprimé leur rattachement au ministère de l’intérieur.
Il me semble que ce n’est pas le cas : les OFJ devaient être rattachés au ministère en charge des finances sans supprimer cependant ceux rattachés à la brigade nationale de répression de la fraude fiscale (BNRDF) mais en les complétant. La BNRDF est composée normalement d’officiers judiciaires de police et d’OFJ. C’est un service d’enquête de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l’intérieur, rattaché à la direction nationale des investigations financières et fiscales. Si la création des OFJ du SEJF a entraîné la suppression des OFJ de la BNRDF, c’est un problème important ; ce serait un détournement de la loi relative à la lutte contre la fraude, et nous aurions affaibli les moyens de lutte contre la fraude, ce qui serait catastrophique.
Par ailleurs vous indiquez qu’il faut enrichir la coopération entre le SIE et le SJEF. Pourriez-vous préciser de quelle manière ?
M. Jean-Louis Bricout Je m’associe à mes collègues pour féliciter ma collègue pour la qualité de ses travaux. Je reviens sur ce que disait Jean-Paul Dufrègne : d’un côté, vous proposez la mise en place à terme d’un service de renseignement au sein de la DGFiP ; de l’autre, certains dossiers ne sont toujours pas clos. Ne risquons-nous pas de nous heurter à un problème de moyens humains ? Y a-t-il des problèmes de recrutement, étant donné la spécificité de ces métiers ? Comment analysez-vous cet éventuel manque de moyens au regard de la réforme de la DGFiP ?
Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je constate et je m’en félicite qu’aucune voix discordante ne remet en cause le dispositif, il fait donc l’unanimité. Ce n’est pas rien, d’autant qu’un dispositif similaire supprimé en 2004 ne donnait absolument pas satisfaction. Le bon dispositif a été trouvé, qui cerne la fraude fiscale de grande ampleur.
Faut-il plutôt, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, prolonger l’expérimentation ou pérenniser le dispositif ? Un tiers des dossiers sont des dossiers de plus de 100 000 euros, comme l’élargissement du périmètre le permet, mais nous ne sommes qu’au stade des enquêtes initiales. Ils doivent être finalisés, ce qui va demander beaucoup de temps. Si je demande cette extension, c’est pour pouvoir l’évaluer avant de demander sa pérennisation. Je préfère donc une extension de l’expérimentation et je propose que tous les membres de la commission des finances qui souhaitent cosigner l’amendement que je déposerai le fassent. Cela dit, si le Gouvernement souhaite pérenniser d’emblée le dispositif, je ne m’y opposerai pas.
Par ailleurs, l’indemnité n’est soumise ni aux cotisations ni aux impôts. Cela participe du secret qui protège l’aviseur, et je ne souhaite pas changer les règles.
Quant à d’éventuelles difficultés de recrutement, le SIE a procédé à un recrutement, et ses membres m’ont indiqué être assez nombreux pour traiter les dossiers. Il n’y a donc pas de difficultés de recrutement au SIE.
En revanche, y a-t-il un problème d’effectifs au sein du contrôle fiscal au sens large ? Je pense personnellement que oui, mais je n’ai pas les éléments pour appuyer mon propos. Cela ferait l’objet d’une belle mission de notre commission que de regarder comment le contrôle fiscal a évolué. J’ai des éléments m’indiquant que les contrôles fiscaux sur place sont de moins en moins nombreux, ce qui est regrettable. Quand on demande quelle en est la raison, ce sont effectivement les effectifs qui sont évoqués. Cette question n’entre cependant pas dans le champ qui était celui de la mission d’information.
Chère collègue Louwagie, dans le cadre d’une procédure judiciaire, même si le risque est faible, le juge aurait la possibilité de demander la levée du secret fiscal. Le secret fiscal n’est donc pas suffisant, d’où la nécessité d’un classement au niveau du « secret défense » – non du « confidentiel défense », qui n’existe plus depuis le 1er juillet dernier.
Effectivement, chère collègue Claudia Rouaux, des dossiers apportés aux services fiscaux en 2017 ne sont toujours pas clos ; je le regrette. De surcroît, lorsqu’il s’agit de dossiers de série, on peut penser que les premiers dossiers ont été concluants et l’ensemble des dossiers de la série pourraient rapporter de l’argent à l’État. On ne peut donc que regretter que les DIRCOFI ne puissent pas aller plus vite. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer si cela est dû à un manque d’agents. Certes, les effectifs de la DGFiP diminuent tous les ans, mais s’agit-il d’agents redéployés sur d’autres missions, du non-remplacement d’agents partis à la retraite qui n’ont pas été remplacés ? Faudrait-il recruter davantage en raison du nombre de dossiers ? Il m’est impossible de répondre à ces questions. En tout état de cause, mon sentiment est qu’il n’y a pas assez d’agents pour effectuer l’intégralité des contrôles fiscaux nécessaires. Le dernier rapport de la Cour des comptes mettait en outre en évidence des fraudes et des effets d’aubaine concernant les dispositifs d’urgence liés à la crise sanitaire ; il s’agit d’un point à ne pas oublier.
Est-ce que certains aviseurs ont été rémunérés sur des enquêtes en cours ? On peut rémunérer un aviseur en plusieurs fois. En principe, l’aviseur est rémunéré lorsqu’il est possible d’estimer les droits dus. On peut alors lui verser un acompte et, à la fin de l’instruction de tous les dossiers, lui verser le solde de l’indemnité. Comme je l’ai dit précédemment, les règles ont changé ; jusqu’en 2020, il existait un plafond d’un million d’euros, en application d’une instruction interne, qui, depuis lors, a été supprimé.
Je pense qu’il faut reprendre contact avec le premier aviseur, celui qui a rapporté 90 millions d’euros dans les caisses de l’État dans le cadre de l’affaire « Goldman », qui, visiblement, avait connaissance d’autres éléments mais qui, compte tenu de sa rémunération, n’a pas tout transmis à l’administration fiscale.
Concernant la question d’Émilie Cariou relative à la page 25 du rapport de suivi, la loi de 2018 a rendu possible l’affectation d’officiers fiscaux judiciaires (OFJ) au ministère des finances, en supprimant le monopole de leur tutelle par le ministère de l’intérieur, mais celui-ci n’a pas perdu d’OFJ.
Cher collègue Jean-Paul Dufrègne, j’ai déjà répondu à vos interrogations sur le manque de moyens. Améliorer la collaboration entre les services de fraude et la task force ne serait pas inutile. Toutefois, je tiens à insister une nouvelle fois sur le fait que c’est au niveau de la DNEF que nous pourrions mettre en place un vrai service du renseignement fiscal.
J’invite, chers collègues, ceux qui souhaiteraient cosigner l’amendement que je déposerai au projet de loi de finances pour 2022 afin de prolonger l’expérimentation à me le faire savoir.
Enfin, s’agissant de la question du rapporteur général relative à la rémunération ad hoc des agents du SIE, il ne me semble pas illégitime de prévoir un traitement particulier au regard, d’une part, de la taille du service – il s’agit d’un tout petit service, composé de cinq agents et d’un chef de service – et, d’autre part, de la haute technicité de ce travail.
La commission autorise la publication du rapport présenté en application de l’article 145-8 du règlement de l’Assemblée nationale sur le suivi des conclusions de la mission d’information sur les aviseurs fiscaux.
Le compte rendu audiovisuel de cette réunion peut être consulté sur le site de l'Assemblée nationale.
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA rapporteure
● Direction générale des finances publiques (DGFiP)
– M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal ;
– M. Philippe-Emmanuel de Beer, directeur de la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) ;
– le chef du service des investigations élargies (SIE) de la DNEF ;
● Déplacement à la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) à Pantin (Seine-Saint-Denis)
– M. Philippe-Emmanuel de Beer, directeur ;
– le chef du service des investigations élargies (SIE) ;
– les agents du SIE.
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annexe 1 : suivi des propositions de la mission d’information
Propositions |
État de mise en œuvre |
1. Étendre le champ des manquements visés aux opérations portant sur la taxe sur la valeur ajoutée |
Le champ des manquements visés a été étendu aux opérations portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts) par l’article 175 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 |
2. Supprimer le plafond applicable à l’indemnité |
Dans une note à l’attention du directeur général des finances publiques en date du 11 juin 2020, le ministre de l’action des comptes publics indique que le montant de l’indemnisation peut être porté jusqu’à 15 % des droits recouvrés dans le cas d’affaires de grande importance. |
3. Envisager un renforcement de la confidentialité des éléments permettant l’identification des aviseurs |
Les éléments d’identification de l’aviseur sont susceptibles d’être classés au niveau « secret » de la défense nationale. |
4. Mieux protéger les agents traitants |
L’anonymat des agents traitants est rendu possible et garanti par l’article 174 de la loi de finances pour 2020. |
5. Favoriser la coopération entre le service des investigations élargies de la DNEF et le service d’enquêtes judiciaires des finances, nouvellement créé |
La direction nationale d’enquêtes fiscales et le service d’enquêtes judiciaires des finances sont amenés à coopérer dans le respect de leur champ de compétence respectif. |
6. Codifier le dispositif dans le livre des procédures fiscales |
Le dispositif a été codifié à l’article L. 10‑0 AC du livre des procédures fiscales par l’article 175 de la loi de finances pour 2020. |
ANNEXE 2 : article l. 10‑0 AC du livre des procédures fiscales
« Le Gouvernement peut autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors que cette personne lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement aux règles fixées à l'article 4 B, au 2 bis de l'article 39 ou aux articles 57, 123 bis, 155 A, 209, 209 B, 238 A ou au chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier du code général des impôts ou d'un manquement aux obligations déclaratives prévues au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou aux articles 1649 AA ou 1649 AB du même code.
« À titre expérimental et pour une durée de deux ans, le Gouvernement peut également autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors que cette personne lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte de tout autre agissement, manquement ou manœuvre susceptible d'être sanctionné en application du c du 1 ou du 5 de l'article 1728, de l'article 1729, de l'article 1729-0 A, du 2 du IV ou du IV bis de l'article 1736, du I de l'article 1737, de l'article 1758 ou de l'article 1766 du code général des impôts, lorsque le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 €.
« L'administration peut recevoir et exploiter les renseignements mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article dans le cadre des procédures prévues au présent titre, à l'exception de celle mentionnée à l'article L. 16 B du présent livre lorsque ces renseignements n'ont pas été régulièrement obtenus par la personne les ayant communiqués à l'administration.
« Les conditions et modalités de l'indemnisation sont déterminées par arrêté du ministre chargé du budget. »
ANNEXE 3 : champ des règles et obligations déclaratives visEés par le dispositif des aviseurs fiscaux
Disposition |
Objet |
Renseignement de l’aviseur |
Entrée en vigueur |
article 4 B |
règles de domiciliation fiscale |
manquement aux règles fixées ci-contre |
à compter du 1er janvier |
2 bis de l’article 39 |
exclusion des charges déductibles des commissions octroyées à un agent public étranger afin que celui-ci aide l’entreprise à obtenir ou conserver un marché public ou un autre avantage indu dans des transactions internationales |
||
article 57 |
prix de transfert |
||
article 123 bis |
assimilation à des revenus de capitaux mobiliers, soumis à l’impôt en France, des bénéfices dégagés par une structure établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, dans laquelle la personne physique domiciliée en France détient au moins 10 % des parts |
||
article 155 A |
versement d’une rémunération à une personne domiciliée ou établie à l’étranger afin d’éluder l’imposition, alors que cette rémunération est relative à une prestation réalisée en France par une personne qui y est domiciliée ou établie |
||
article 209 |
règles de territorialité de l’impôt sur les sociétés |
||
article 209 B |
imposition en France d’une entreprise, située dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, lorsque cette entreprise est exploitée par une société redevable de l’impôt sur les sociétés en France |
||
article 238 A |
limitation du droit à la déduction de certaines charges lorsqu’elles sont payées ou dues par des résidents fiscaux français à des personnes soumises, dans leur État ou territoire de résidence, à un régime fiscal privilégié |
||
2e alinéa de l’article 1649 A |
obligations déclaratives afférentes aux avoirs sur des comptes bancaires et sur des contrats d’assurances vie à l’étranger, ainsi que des avoirs détenus dans le cadre de trusts |
manquement aux obligations déclaratives prévues ci-contre |
|
article 1649 AA |
|||
article 1649 AB |
|||
chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier |
règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) |
manquement aux règles fixées ci-contre |
à compter du 1er janvier |
c du 1 de l’article 1728 |
régime des sanctions fiscales pour des infractions relatives aux déclarations et actes comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt (défaut, retard ou insuffisance de déclaration) |
agissement, manquement ou manœuvre susceptibles d’être sanctionnés en application des dispositions ci-contre, lorsque le montant des droits éludés est supérieur à 100 000 € |
Expérimen-tation |
5 de l’article 1728 |
|||
article 1729 |
|||
article 1729‑0 A |
|||
2 du IV de l’article 1736 |
régime des sanctions fiscales pour des infractions commises par les tiers déclarants |
||
IV bis de l’article 1736 |
|||
I de l’article 1737 |
régime des sanctions fiscales pour des infractions aux règles de facturation |
||
article 1758 |
majorations de droits et amendes fiscales pour l’absence de déclaration des sommes, titres ou valeurs imposables transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire de comptes ou de contrats non déclarés |
||
article 1766 |
([1]) La mission d’information était également composée de M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Sarah El Haïry, M. Vincent Ledoux, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel et Mme Sabine Rubin.
([2]) Rapport d’information n° 1991 présenté par Mme Christine Pires Beaune, rapporteure, le 5 juin 2019.
([3]) Article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
([4]) Article 175 de la n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([5]) Amendement n° II-781 devenu l’article 51 septies du projet de loi de finances pour 2017 puis l’article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
([6]) Compte rendu intégral – 2e séance du 18 novembre 2016 – p. 7643.
([7]) Notamment sur plusieurs instructions et notes confidentielles.
([8]) Le CERDP réunit les parlements nationaux des États membres du Conseil de l’Europe ainsi que le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
([9]) Rapport d’information n° 1236 présenté par Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure, et M. Jean‑François Parigi, président, 12 septembre 2018.
([10]) Compte rendu intégral – 2e séance du 18 novembre 2016 – p. 7643.
([11]) Dite « loi Sapin II ».
([12]) Amendement n° 87 devenu l’article 7 quater du projet de loi puis l’article 21 de la loi promulguée.
([13]) Rapport d’information n° 1991 présenté par Mme Christine Pires Beaune, rapporteure, le 5 juin 2019.
([14]) Aucun plafond n’est prévu dans les dispositions de la loi de finances pour 2017, ni dans les textes d’application. Toutefois, des instructions internes limitaient à un million d’euros l’indemnité d’un aviseur (cf. infra).
([15]) Créé par le décret n° 2019-460 du 16 mai 2019 à partir de l’ancien service national de douane judiciaire (SNDJ), il est placé sous l’autorité conjointe de la DGFiP et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
([16]) Réponses aux questionnaires adressés à la DGFiP.
([17]) Trois affaires de série en cours ont conduit à l’ouverture de 453 dossiers qui mobilisent huit directions spécialisées du contrôle fiscal (DIRCOFI).
([18]) Les indemnisations sont comptabilisées à l’année d’enregistrement du dossier.
([19]) Amendements nos II‑2582, II‑1601, II‑2182, II‑2185 et II‑2615 devenus l’article 59 decies du projet de loi de finances.
([20]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([21]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
([22]) Projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2020.
([23]) Cour des comptes, La fraude aux prélèvements obligatoires : évaluer, prévenir, réprimer, communication au Premier ministre, novembre 2019.
([24]) Commission européenne, direction générale de la fiscalité et de l’union douanière (DG TAXUD), Study and reports on the VAT Gap in the EU‑28 Member States, septembre 2018.
([25]) Chapitre premier du titre II de la première partie du code général des impôts (articles 256‑0 à 298 octodecies).
([26]) Amendements nos II‑2582, II‑1601, II‑2182, II‑2185 et II‑2615 devenus l’article 59 decies du projet de loi de finances.
([27]) Compte rendu intégral – 1ère séance du 14 novembre 2019 – p. 10917.
([28]) Amendement n° II-2869.
([29]) Articles 208 C à 208 C ter du code général des impôts.
([30]) Rapport au Parlement sur l’application du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L. 10-0 AC du livre de procédures fiscales, 2020.
([31]) Réponses aux questionnaires.
([32]) Conseil constitutionnel, décision n° 99‑424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000.
([33]) En 2020, 23,4 % des manquements étaient délibérés (sanctionnés par une majoration de 40 %) et 2,8 % relevaient d’abus de droit ou de manœuvres frauduleuses (majoration de 80 %), d’après les réponses aux questionnaires.
([34]) Article L. 10‑0 AC du LPF.
([35]) Article R. 10‑0 AC‑1.
([36]) Article A. 10‑0 AC‑1.
([37]) Ces délais comprennent la procédure de contrôle (qui peut éventuellement impliquer une assistance internationale) et l’intervention des services déconcentrés compétents (qui peuvent être nombreux s’il s’agit d’une affaire de série).
([38]) Réponses aux questionnaires.
([39]) Rapport d’information n° 1991 présenté par Mme Christine Pires Beaune, rapporteure, le 5 juin 2019.
([40]) Compte rendu intégral – 1re séance du 14 novembre 2019 – p. 10918
([41]) Réponses aux questionnaires.
([42]) Rapport d’information n° 1991 présenté par Mme Christine Pires Beaune, rapporteure, le 5 juin 2019.
([43]) Amendement n° II-2184 devenu l’article 59 nonies du projet de loi de finances.
([44]) Article 174 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([45]) Peine prévue au IV de l’article 15-4 du code de procédure pénale.
([46]) Décret n° 2020-1306 du 28 octobre 2020 relatif au dispositif d’anonymisation des agents des finances publiques en cas de risque pour leur vie, leur intégrité physique ou celles de leurs proches.
([47]) Réponses aux questionnaires.
([48]) Idem.
([49]) Article L. 103 du LPF.
([50]) Réponses aux questionnaires.
([51]) Annexe n° 2 de l’instruction générale interministérielle n° 1300 du 30 novembre 2011.
([52]) Article R. 2311‑3 du code de la défense.
([53]) Exposé des motifs du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
([54]) Décret n° 2019‑460 du 16 mai 2019 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « service d’enquêtes judiciaires des finances ».
([55]) Communiqué du ministre de l’action et des comptes publics du 4 juillet 2019.
([56]) Réponses aux questionnaires.
([57]) Définies aux articles 28‑1 et 28‑2 du code de procédure pénale.
([58]) Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins.
([59]) Préservation des acquis et connaissances stratégiques, vigilance des subversions violentes et anticipation des crises d’ordre public.
([60]) Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, La stratégie nationale du renseignement, juillet 2019.
([61]) Réponses aux questionnaires.
([62]) Article 109 de la loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
([63]) Article 175 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
([64]) Idem.