N° 4505

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 20 novembre 2019

sur la pollution des mers

et présenté par

Mme Ramlati ALI et M. Nicolas DUPONT-AIGNAN

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

pollution marine : les grands défis

I. la menace des pollutions telluriques

A. Plastique : un attentat contre l’ocÉan

1. Un développement exponentiel

a. Le plastique : histoire, définition et production

b. Le déversement dans les mers

c. La pollution chimique : les additifs

2. Des causes principalement terrestres

a. L’impact relativement modeste des activités maritimes

b. L’impact majeur des activités terrestres

3. Des conséquences dramatiques pour les animaux et les hommes

a. Les dommages pour la faune

b. Les conséquences pour la santé humaine

B. des algues et des espèces invasives

1. La prolifération des algues vertes

a. Un excès de nutriments issus des rejets agricoles, industriels et domestiques

b. Un appauvrissement des écosystèmes aux conséquences multiples

2. Un fléau dans le Pacifique : les étoiles de mer dévoreuses de corail

II. des pollutions récentes hors de contrôle

A. une pollution sonore non maîtrisée

1. Un bruit causé par le trafic et les activités maritimes

2. Une menace pour les espèces marines

B. L’impact des émissions de gaz à effet de serre

1. La relation fondamentale entre océan et atmosphère

2. Des initiatives pour faire de l’océan et du climat des alliés

C. Les dommages liés aux activités minières et pétrolières

1. L’extraction de minerais sous-marins

a. Les richesses des fonds marins et les dangers de leur exploitation

b. L’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM)

2. L’exploitation pétrolière et gazière

pour une politique renouvelée de préservation  des océans

I. s’appuyer sur les progrès réalisés

A. L’adoption de multiples normes internationales

1. La conclusion de nombreuses conventions internationales

a. Les conventions des Nations Unies et les conventions régionales

b. Les conventions conclues sous l’égide de l’OMI

2. La structuration d’un droit européen de protection de l’environnement marin

B. Des aires marines protégées en extension

1. Les avancées internationales et européennes

2. La stratégie française

C. Un transport maritime plus sûr

1. Les normes édictées par l’OMI

2. Les instruments juridiques et opérationnels de l’Union européenne

a. Les directives et règlements européens

b. L’Agence européenne pour la sécurité maritime

II. agir en France, en europe et dans le monde

A. en France, se donner les moyens de contrôler et de protéger

1. Lever les freins à l’action

a. Simplifier le dispositif institutionnel de lutte contre la pollution marine

b. Donner à l’État les moyens d’exercer ses missions de contrôle et d’intervention

c. Compléter le renforcement des moyens par un recours aux avancées technologiques

2. Protéger la biodiversité

a. Poursuivre la création d’aires marines protégées

b. Mieux lutter contre l’eutrophisation et l’artificialisation

3. Amplifier la réponse à la pollution plastique

a. Accélérer la sortie du tout-plastique

b. Encourager la recherche pour développer des alternatives

4. Prendre appui sur nos outre-mer

B. en europe, placer l’océan au cœur du pacte vert

1. Appuyer les efforts européens tendant à restreindre les microplastiques

2. Soutenir les initiatives de l’Union visant à décarboner le transport maritime

3. Encourager le projet de renforcement des sanctions applicables aux navires responsables de pollutions

C. À l’international, compléter les instruments juridiques et les faire appliquer

1. Compléter les normes de l’OMI

2. Finaliser le traité sur la haute mer

3. Mieux encadrer les activités minières, pétrolières et gazières

4. Négocier un accord international sur le plastique

5. Évaluer, compléter et mettre en œuvre les conventions en vigueur

III. LA MÉDITERRANÉE, enjeu emblématique

A. La mer la plus polluée au monde

1. Un océan de plastique

2. Des pollutions d’origine anthropique

3. Une eau plus chaude et plus acide

4. Des espèces exotiques envahissantes

B. des réponses internationales peu opérationnelles

1. La Convention de Barcelone

2. L’Union pour la Méditerranée

3. Les autres instances de coopération régionale

4. Un bilan insuffisant

C. quatre axes concrets pour changer le visage de la méditerranée

1. Réduire les émissions de polluants atmosphériques par les navires

2. Lancer un vaste « plan Marshall » de construction de stations d’épuration

3. Renforcer les aires marines protégées

4. Donner une dimension maritime à notre politique d’aide et de coopération

Liste des recommandations

examen en commission

annexe : liste des personnes auditionnées  par les rapporteurs


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   introduction

Les océans recouvrent 71 % de la surface du globe et constituent l’un des principaux réservoirs de biodiversité dans le monde. Ils abritent quelque 250 000 espèces animales connues ainsi que beaucoup d’autres encore non répertoriées. Ils sont la principale source de protéines pour trois milliards d’êtres humains et fournissent des emplois dans la pêche, le transport, les énergies, l’industrie, le tourisme ou encore la pharmacie.

Ils représentent à ce titre un enjeu fondamental pour la diplomatie internationale, compte tenu des ressources qu’ils contiennent et des problématiques écologiques qu’ils soulèvent. Ils représentent aussi et surtout un enjeu pour la France, nation maritime s’il en est. Présent dans tous les océans (à l’exception de l’Arctique), notre pays dispose de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) ([1]) au monde (derrière les États-Unis), grâce notamment à sa présence outre‑mer. Cet espace maritime couvre près de 11 millions de km2. 10 % des récifs coralliens et 20 % des atolls de la planète sont situés dans les eaux françaises.

Les océans et leur devenir constituent donc un enjeu international majeur qui justifie que la commission des affaires étrangères s’y intéresse. Or des menaces écologiques graves pèsent sur ce devenir. À la pollution plastique qui prend des proportions inouïes s’ajoutent des phénomènes moins connus de prolifération algale ou d’espèces invasives. Des pollutions plus récentes et non moins dangereuses – bruits sous-marins, émissions de gaz à effet de serre, impacts des activités minières, pétrolières et gazières – fragilisent encore davantage le milieu marin.

Il existe pourtant des solutions et le présent rapport en avance de nombreuses. Des progrès incontestables ont d’ailleurs déjà été faits en matière de normes internationales, de création de zones protégées et de sécurité des transports maritimes. Ces avancées sont encourageantes et doivent servir de tremplin à de nouveaux progrès. À la France, il appartient avant tout de se donner les moyens de contrôler et de protéger ses eaux. Il lui faut pour cela une « administration de la mer » efficace et ne pas fragiliser les moyens d’action de l’État en mer. Sur le plan européen, plusieurs initiatives vont dans le bon sens : elles doivent être soutenues et concrétisées. Quant aux instruments internationaux, ils doivent encore être complétés sur certains points et surtout être correctement mis en œuvre.

Il appartient à la France, pays maritime, de donner l’exemple et de se tenir en première ligne dans la lutte contre les pollutions marines. Elle doit être à l’initiative et peut entraîner derrière elle de nombreux partenaires, notamment les « petits » États insulaires avec qui elle partage de nombreuses problématiques en raison de ses outre-mer. L’océan, vecteur du trafic et du commerce, a toujours été un domaine de coopération internationale. Dès le XVIIIe siècle, les États ont été amenés à conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux, comme le Traité d’Utrecht, en 1713, qui contenait des dispositions sur la pêche. Les grands défis de la pollution marine ne se résoudront qu’à l’échelle internationale et la France doit être moteur dans cette coopération.

La lutte contre le changement climatique a beaucoup mobilisé ces dernières années les États, les organisations internationales et les opinions publiques. Prenons garde que cette salutaire prise de conscience ne se fasse pas au détriment de ces réservoirs extraordinaires de vie que sont les océans. Veillons aussi à ce qu’ils ne soient pas les oubliés de la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale dans laquelle le monde a été plongé il y a un an. Le XXIe siècle sera celui de la mer et ce trésor doit être préservé.

 

 


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   pollution marine : les grands défis

La santé des océans est aujourd’hui confrontée à un double défi. Le premier est celui des pollutions telluriques. Nos mers sont en passe de devenir d’immenses réservoirs de plastiques, avec des conséquences incalculables sur la faune et la flore, mais aussi sur l’homme. La terre au demeurant ne charrie pas seulement des polymères, mais aussi des produits chimiques et des nutriments en excès. Le second défi est celui de pollutions plus récentes, parfois plus insidieuses, moins visibles et aussi moins connues. Bruits sous-marins, émissions atmosphériques, extraction minière en eau profonde… Pour être moins médiatisées, ces pollutions n’en sont pas moins grosses de menaces pour la biodiversité de nos océans.

I.   la menace des pollutions telluriques

Si les activités proprement maritimes contribuent à la pollution des mers et océans, toutefois la très grande majorité des pollutions marines sont d’origine terrestre. Parmi celles-ci, la pollution plastique apparaît la plus grave et la plus menaçante en raison de son ampleur et de ses impacts désastreux sur la faune et la flore et sur l’espèce humaine. Les autres types de pollutions telluriques causées par les rejets agricoles, industriels et domestiques viennent aggraver la déstabilisation des écosystèmes marins.

A.   Plastique : un attentat contre l’ocÉan

1.   Un développement exponentiel

a.   Le plastique : histoire, définition et production

Aujourd’hui omniprésents dans nos vies, les plastiques sont des matériaux récents. Ce n’est qu’en 1907 que le chimiste belge Leo Baekeland a créé le premier produit entièrement synthétique, la bakélite. Les plastiques se sont développés surtout dans l’après-guerre et leur usage s’est répandu dans les années 1960 et 1970. En moins de cent ans, le plastique est devenu le troisième matériau le plus fabriqué au monde, après le ciment et l’acier. Son faible coût de production et ses propriétés lui ont permis de prendre le dessus par rapport à des matériaux tels que le verre, le bois, le carton, le papier et différents métaux.

Une matière plastique est constituée pour l’essentiel d’une macromolécule, appelée polymère, à laquelle sont ajoutés des additifs appelés « charges ». Il existe une très grande variété de polymères. Un polymère est une association d’unités (appelées monomères) qui sont mises bout à bout (par exemple, l’éthylène pour donner le polyéthylène). Ces monomères sont issus pour la plupart de la pétrochimie (on évalue à 7 ou 8 % la part du pétrole utilisée pour fabriquer des polymères, donc des plastiques). Le plastique le plus produit aujourd’hui est le polyéthylène (29 %), utilisé notamment pour fabriquer les sacs plastiques à usage unique, les emballages alimentaires et de nombreux jouets. Vient en second rang le polypropylène (19 %), qui sert à fabriquer des objets moulés, souvent jetables (barquettes, gobelets, bouchons, etc.).

La production de plastique a connu un essor considérable, passant de deux millions de tonnes au début des années 1950 à 15 millions de tonnes en 1964, 311 millions de tonnes en 2014, et 438 millions de tonnes en 2018 (si l’on tient compte des plastiques présents dans les textiles et les caoutchoucs synthétiques). On estime que sur les 7,8 milliards de tonnes produites entre 1950 et 2015, 3,9 milliards de tonnes, soit plus de la moitié, l’ont été depuis 2002 ([2]). Cette croissance n’est pas linéaire mais exponentielle. La production de plastiques s’est particulièrement accélérée depuis les quinze dernières années. Si l’on extrapole les chiffres cités plus haut, on devrait produire en 2050 pas moins de 1,124 milliard de tonnes de plastique, selon Pascale Fabre, directrice de recherche CNRS au Laboratoire Charles Coulomb de Montpellier ([3]). Cette production excède déjà largement les capacités de collecte et de gestion.

Alors que les plastiques ont été conçus à l’origine pour être utilisés comme des matériaux résistants et de longue durée, dans les faits 81 % des plastiques aujourd’hui mis en circulation deviennent des déchets au bout d’une année. La pollution plastique a d’ailleurs véritablement augmenté lorsqu’on a commencé à affecter des usages jetables à des plastiques qui avaient pour but de durer.

S’agissant de la vitesse et des modalités de dégradation des plastiques, sur terre et en mer, il est difficile de donner des chiffres précis. Quoi qu’il en soit, leur dégradation est lente. Les matières plastiques sont connues pour leur stabilité et leur durabilité, en particulier les plastiques dit « conventionnels » (par opposition aux plastiques « biodégradables »), produits en très grandes quantités depuis les années 1950. Lorsqu’ils finissent comme déchets dans l’environnement, ils y persistent pendant de très nombreuses années. On parle de 400 à 500 ans pour un sac plastique. Les plastiques ne sont pas conçus pour se dégrader dans l’environnement à l’instar des autres matériaux d’hier et d’aujourd’hui (amphores en terre cuite, bocaux en verre), en raison même de la résistance et la solidité qui les rendent utiles durant leur phase d’usage. Les matériaux plastiques seront donc lentement transformés et dégradés, au terme de processus qui dépendent des conditions environnementales (soleil, température, humidité, etc.) et des milieux dans lesquels ils vont séjourner (sol, rivière, plage, surface de la mer, fonds marins, etc.).

b.   Le déversement dans les mers

On évalue à environ 9,5 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques déversés dans les océans chaque année ([4]). Les océans en contiendraient actuellement au moins 150 millions de tonnes. Si rien n’est fait, on estime qu’il y aura plus de plastiques que de poissons dans les océans en 2050.

On parle parfois de « continent plastique » ou de « septième continent ». Cette dénomination n’est pas rigoureuse car il existe non pas une, mais de nombreuses zones de concentration de plastiques dans les océans. La notion la plus exacte est celle de « gyre ». Les gyres constituent des zones où convergent différents courants marins et où se forment d’énormes tourbillons permanents au centre desquels se trouvent des milliers de tonnes de détritus en plastique. Il existe actuellement six principales concentrations de plastique de ce type dans les océans. La plus étendue, le Great Pacific Garbage, appelée aussi « soupe de plastique », occupe une surface de 3,4 millions de km2, soit près de six fois la superficie de la France.

Toutefois, seul 1 % des déchets plastiques dérive en surface, le reste s’accumulant dans les profondeurs. Un nombre croissant d’études scientifiques souligne la présence de déchets plastiques, notamment sous forme de microplastiques, dans les zones les plus reculées et les plus profondes de l’océan, y compris en Antarctique et dans les abysses, et jusque dans la fosse des Mariannes à onze kilomètres de profondeur. Les fonds de la mer Méditerranée, mer quasi fermée, tendant à devenir une gigantesque décharge publique.

c.   La pollution chimique : les additifs

Les plastiques ne sont pas dangereux seulement par les polymères dont ils sont constitués mais aussi en raison des nombreux additifs (colorants, antioxydants, etc.) qui leur sont ajoutés. La production de plastiques est constituée à 95 % de polymères et à 5 % d’additifs.

Le Green Science Policy Institute de Berkeley a opéré une division en six classes de ces additifs : produits chimiques hautement fluorés, antimicrobiens, ignifugeants, bisphénols et phtalates (utilisés pour la mise en forme des matériaux), certains types de solvants et certains métaux. Ces adjuvants ajoutent à la pollution plastique des océans une pollution chimique.

2.   Des causes principalement terrestres

Si la pollution plastique des océans est souvent associée aux activités en mer, ce sont toutefois les activités terrestres qui en sont majoritairement responsables.

a.   L’impact relativement modeste des activités maritimes

Des déchets sont déversés par les navires de pêche, les navires marchands, militaires ou de recherche, les bateaux de plaisance et de croisière ainsi que par les plateformes de pétrole offshore et leurs navires de soutien logistique. Environ 8 millions de détritus seraient jetés dans les mers et les océans chaque jour. Environ 5 millions (63 %) des objets jetés sont des déchets solides, tombés ou jetés depuis les bateaux, selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). On estime que le sort des déchets marins est le suivant : 15 % sont rejetés sur les plages, 15 % flottent en surface ou dans la colonne d’eau, 70 % coulent dans les fonds marins. La quantité totale de détritus marins versés dans les océans chaque année s’élèverait à 6,4 millions de tonnes.

Les équipements de pêche perdus et abandonnés, en particulier, constituent une source non négligeable de pollution plastique dans les océans. Les activités maritimes contribueraient ainsi à hauteur de 20 % à la pollution des mers. Chaque année, 640 000 tonnes de filets, lignes, casiers, nasses, flotteurs, gilets de sauvetage, cordes et autres matériels en plastique sont perdues ou abandonnées dans les océans par l’industrie de la pêche, selon un rapport de Greenpeace publié le 6 novembre 2019. Non seulement ces matériels entraînent une pollution importante mais ce sont aussi des outils de pêche fantôme qui continuent à piéger du poisson, des mammifères marins et des espèces protégées comme les tortues. Le transport maritime (par la perte de conteneurs et le rejet sauvage de déchets plastiques en mer) et les activités de plaisance contribuent également à ce type de pollution.

b.   L’impact majeur des activités terrestres

Sans nier l’origine en partie maritime de la pollution plastique, il reste que celle-ci est essentiellement d’origine tellurique. On évalue à 80 % la part de cette pollution imputable aux activités terrestres. Les fleuves jouent ici le rôle principal. La pollution plastique les touche avant de toucher les océans. Lors de l’expédition Tara Océan de remontée de fleuves en Europe continentale, menée en 2019 ([5]), aucun échantillon prélevé par les chercheurs dans ces cours d’eau ne s’est révélé vierge de pollution plastique. La dégradation du plastique en microparticules commence déjà à s’y produire.

Cinq pays seraient responsables de plus de la moitié des déchets plastiques qui finissent par arriver dans les mers et les océans : la Chine, l’Indonésie, la Thaïlande, les Philippines et le Vietnam. Ce constat ne peut qu’inquiéter lorsqu’on sait que, selon la Banque mondiale, les volumes de déchets dans la région Asie du Sud-Est/Pacifique pourraient doubler d’ici à 2050.

La question de la pollution marine repose donc avant tout sur un continuum terre-mer. C’est à juste raison que la commune de Dijon a fait apposer, sur les plaques d’égout de la ville, le message : « Ici commence la mer ».

3.   Des conséquences dramatiques pour les animaux et les hommes

a.   Les dommages pour la faune

Les microplastiques présents en mer peuvent provenir soit de la fragmentation de déchets plastiques dans l’eau, soit d’une forme d’érosion sur terre qui touche notamment les pneus et les géotextiles. Constitués de fibres synthétiques, ceux-ci se dégradent et sont une source importante de diffusion de microplastiques dans le milieu marin.

Les microparticules de plastiques sont ingérées par les espèces animales qui vivent dans les océans, avec des conséquences dramatiques pour elles. Un nombre croissant d’études scientifiques souligne la présence de déchets plastiques, notamment sous forme de microplastiques, dans l’ensemble de la chaîne alimentaire, y compris au sein des tubes digestifs des coraux, ainsi que leur présence dans le sang d’animaux.

Selon la direction du développement durable du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la pollution plastique, multipliée par dix depuis 1980, affecte plus de 287 espèces marines, aux premiers rangs desquelles les tortues marines, les oiseaux et les mammifères marins. 94 % des estomacs d’oiseaux de mer du Nord contiennent du plastique et 86 % des tortues marines ingèrent des plastiques en les confondant avec le zooplancton ([6]). Les additifs présents dans les plastiques, en particulier les phtalates, constituent en outre des perturbateurs endocriniens particulièrement nocifs pour la faune marine. Ils sont cause d’une contamination chimique qui perturbe notamment la reproduction de la mégafaune (oiseaux, mammifères, tortues, etc.).

Un rapport du 10 décembre 2020 de M. Philippe Bolo, député, et de Mme Angèle Préville, sénatrice, met en évidence des effets d’étranglement et d’enchevêtrement causés aux animaux par les déchets plastiques en mer : « Des cas d’enchevêtrement ont été signalés pour au moins 344 espèces, toutes les espèces de tortues marines, plus des deux tiers des espèces de phoques, un tiers des espèces de baleines et un quart des oiseaux de mer. L’enchevêtrement dans des déchets plastiques concerne également 89 espèces de poissons et 92 espèces d’invertébrés. Au Nord de l’Australie, les 8 000 filets de pêche fantômes collectés entre 2005 et 2012 auraient causé la mort de plus de 14 000 tortues ([7]). »

Les plastiques par ailleurs ne sont pas inertes : ils attirent des bactéries pathogènes et des espèces invasives s’y accrochent.

b.   Les conséquences pour la santé humaine

Présents dans tous les compartiments de notre environnement, les microplastiques ont pénétré notre alimentation ([8]). Leur présence a été démontrée dans des produits de la mer de consommation courante comme les moules, avec des quantités variables selon la localisation géographique. Des microplastiques ont été retrouvés dans des coquillages comme l’huître et la palourde ainsi que dans les crustacés, moules, langoustines, crevettes, crabes et araignées de mer. Ils sont présents également dans de nombreuses espèces de poissons, principalement dans leur système digestif et parfois dans le muscle. On en trouve aussi des quantités importantes dans le sel de table provenant de la mer. Des traces de plastique ont aussi été identifiées dans des aliments tels que la bière, le vin, le miel et le sucre. Pour la première fois, des plastiques ont également été découverts dans des selles humaines. On pourrait même retrouver des traces de microplastiques dans le sang humain ([9]).

B.   des algues et des espèces invasives

1.   La prolifération des algues vertes

a.   Un excès de nutriments issus des rejets agricoles, industriels et domestiques

L’eutrophisation désigne l’envahissement d’un écosystème aquatique par les algues. La cause de ce phénomène réside dans un apport excessif de nutriments (azote et phosphore), issus principalement de rejets agricoles (engrais liés à l’agriculture intensive ([10])), domestiques (eaux usées) et industriels. Des eaux hyperfertilisées provenant des cours d’eaux et des eaux de ruissellement diffusent des pollutions anthropiques, que celles-ci tiennent à la diffusion de produits chimiques et de métaux lourds, de nitrates issus de l’élevage porcin (comme en Bretagne et à Wallis-et-Futuna), d’insecticides de la famille des organochlorés (avec la pollution au chlordécone aux Antilles) ou au déversement des eaux usées dans l’environnement (compte tenu de la non‑conformité des systèmes d’assainissements dans certaines parties des Antilles, de Mayotte, de Wallis-et-Futuna, etc.).

Les plus graves phénomènes d’eutrophisation sont observés le long des zones côtières des régions d’élevage intensif, par exemple en Bretagne où sévit le phénomène des algues vertes. Selon le Centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA), 95 à 98 % des nitrates dans l’eau des bassins versants bretons seraient d’origine agricole. Le phénomène s’observe aussi en Méditerranée et en mer Adriatique, mers presque fermées où les courants sont limités. L’agriculture, et par voie de conséquence la politique agricole, ont donc un lien étroit avec les enjeux de préservation de l’océan.

L’ensoleillement et la température de l’eau, qui tendent à augmenter avec le changement climatique, exacerbent l’eutrophisation et le phénomène de « zones mortes », c’est-à-dire de zones en mer où la quantité d’oxygène est très basse ([11]). La conjonction du changement climatique et de l’impact des activités agricoles est potentiellement catastrophique pour certaines portions des écosystèmes. Le PNUE considère que la surface des zones mortes liées à l’eutrophisation double chaque décennie depuis les années 1960.

b.   Un appauvrissement des écosystèmes aux conséquences multiples

La pollution par éléments nutritifs a eu ces dernières années un impact écologique et socio-économique grandissant sur les écosystèmes côtiers et marins. L’excès de nutriments et de sédiments déversés conduit à la croissance excessive de plantes marines (prolifération algale ou « algal bloom ([12]) »), qui limite la lumière solaire disponible et réduit les quantités d’oxygène dans l’eau. Excessivement développée, la biomasse ([13]), lors de sa décomposition, va consommer tout l’oxygène présent. Les conditions hypoxiques ([14]) qui en résultent entraînent la mort de certains organismes aquatiques et des phénomènes de blanchissement et de mortalité des coraux, et plus généralement l’appauvrissement puis la disparition de certains écosystèmes.

Dans un certain nombre de collectivités d’outre-mer, l’eutrophisation prend la forme particulière des sargasses, macro-algues brunes et tropicales ([15]). Les côtes de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy subissent depuis 2011 des échouages épisodiques de sargasses. En 2018, l’arc antillais a ainsi fait face à un épisode sans précédent d’échouements. Après une courte période d’accalmie à la fin de l’année 2018, la reprise en 2019, puis en 2020, a manifesté que ce phénomène, autrefois exceptionnel, tendait à devenir récurrent. La profusion de ces algues est largement liée aux engrais utilisés par les agriculteurs qui jouxtent le fleuve Amazone. En s’y déversant, ces engrais alimentent la prolifération de l’algue. Celle-ci emprunte ensuite les courants maritimes pour venir s’échouer sur les plages antillaises et caribéennes.

Ces échouages sont préjudiciables à l’environnement : l’échouement et la stagnation de nappes d’algues ont des conséquences néfastes sur les écosystèmes marins et sur les milieux aquatiques naturels tels que les mangroves ([16]). Ils sont préjudiciables à la santé des populations riveraines comme à l’économie locale. La dégradation de ces algues provoque des dégagements d’ammoniac et d’hydrogène sulfuré qui peuvent nécessiter la fermeture de plages et l’évacuation des populations côtières. Le secteur du tourisme en est particulièrement affecté. À Marie-Galante, par exemple, plusieurs hôtels ont fermé pour cette raison. Selon un rapport de la Chambre de commerce et d’industrie de Guadeloupe, le secteur du tourisme a subi une baisse de chiffre d’affaires de 40 % au premier semestre 2015 en raison d’une invasion d’algues sargasses, pour un préjudice global estimé à 5 millions d’euros ([17]).

Depuis 2015, et compte tenu de l’intensification du phénomène, l’État a mis en place des financements pour la collecte des algues et l’achat d’équipements. En 2018, un premier plan national a été adopté, avec cinq objectifs : le déploiement du réseau de suivi et de prévision des échouements, la mise en place de solutions de collecte permettant d’intervenir en moins de 48 heures avant la putréfaction des algues, le renforcement de la recherche et de l’innovation pour mieux gérer le ramassage et le traitement, le développement de la coopération régionale et internationale et l’accompagnement des entreprises touchées. Annoncé par le Premier ministre en 2019, un deuxième plan national « Sargasses » prendra le relais à la fin de l’année 2021. Ce plan a vocation à prendre en compte les recommandations du rapport remis au Premier Ministre le 5 février 2019 par le sénateur Dominique Théophile ([18]) et à se coordonner avec le programme SARG’COOP (Programme caribéen de coopération de lutte contre les sargasses). Ce dernier poursuit trois grands axes : la collecte et la centralisation de l’ensemble des données scientifiques et techniques utiles, la mise en place d’un réseau mutualisé de télédétection et de prévision des échouages et la mise en œuvre d’un réseau de mesure et d’alerte de la qualité de l’air grâce à des capteurs. Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a en outre confié un appel à projets doté de 9 millions d’euros à l’Agence nationale de la recherche (ANR), conjointement avec l’ADEME, les collectivités locales concernées et plusieurs institutions scientifiques étrangères, en vue d’améliorer l’état des connaissances sur les sargasses et la télédétection.

2.   Un fléau dans le Pacifique : les étoiles de mer dévoreuses de corail

L’acanthaster pourpre (acanthaster planci), également appelé « couronne d’épines », est une espèce carnassière d’étoile de mer, de grandes dimensions (jusqu’à 70 cm de diamètre). Elle est dotée de piquants dont le venin, provoquant la nécrose des tissus, est toxique pour l’homme et pour un grand nombre d’espèces. Elle vit dans les écosystèmes coralliens et se nourrit presque exclusivement de corail. Sa capacité de reproduction est très importante : la femelle produit plusieurs dizaines de millions d’œufs par saison et ses larves peuvent dériver sur des centaines de kilomètres. Elle se développe avant tout sur les pentes externes des récifs, à une profondeur de 20 à 30 mètres.

Les acanthasters sont présents dans l’océan Indien, dans la mer Rouge et dans le Pacifique. Un tiers des récifs de la zone du Pacifique sont touchés par la prolifération de ces étoiles de mer. Environ un cinquième de la Grande barrière de corail a été détruit par les acanthasters, selon Pascal Dumas, chercheur en écologie récifale à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Un individu peut à lui seul détruire de 5 à 6 m2 de récif par an. Une colonie peut ainsi détruire plusieurs kilomètres carrés chaque année.

Différentes explications sont avancées pour expliquer l’explosion de la population de ces étoiles de mer. La principale se rapporte, là encore, à une origine tellurique. Le phénomène serait essentiellement lié à la pollution causée par les effluves journaliers des agglomérations urbaines et de l’agriculture. D’une part, cette pollution provoquerait une efflorescence algale (liée aux engrais) permettant aux larves d’acanthasters, voraces, d’être mieux nourries et ainsi d’accélérer leur croissance et d’optimiser leurs chances de survie. D’autre part, elle intoxiquerait la microfaune prédatrice de ces larves (en raison des pesticides qu’elle charrie).

II.   des pollutions récentes hors de contrôle

Aux pollutions d’origine tellurique qui viennent d’être évoquées s’ajoutent des formes de pollutions plus récentes. Souvent moins médiatisées, elles n’en sont que plus dangereuses dans la mesure où la prise de conscience les concernant apparaît encore incomplète.

A.   une pollution sonore non maîtrisée

1.   Un bruit causé par le trafic et les activités maritimes

Le trafic maritime et les activités industrielles en mer (extraction minière, développement des énergies marines renouvelables, etc.) sont cause d’une pollution sonore dont on ne mesure pas encore précisément tous les effets délétères. Les sons, notamment graves, se propagent loin dans l’océan, et de manière particulièrement rapide (1 500 mètres par seconde contre 340 mètres par seconde dans l’air). La pollution sonore peut ainsi se diffuser à plusieurs milliers de kilomètres autour d’une zone de forage, en fonction de l’intensité des travaux.

Ce problème avait déjà été relevé par Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son‑Forget dans leur rapport de juin 2019, « Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? ([19]) ». Ils écrivaient ainsi : « La portance du son dans l’eau démultiplie l’impact sonore des activités humaines par rapport au milieu terrestre. En outre, les fonds marins ont tendance à se comporter comme des miroirs acoustiques, contrairement à l’effet que peut produire la végétation en milieu terrestre, tout comme la surface de l’eau, qui renvoie près de la totalité des sons qu’elle reçoit. » Les auteurs du rapport dressaient une liste précise des principales sources de bruit et vibrations sous-marines d’origine humaine : « le trafic maritime, la plupart des systèmes de géopositionnement sous l’eau utilisant des signaux acoustiques, la prospection sismique, les forages sous-marins, l’utilisation de sonar et de certains dispositifs de télémétrie, les exercices militaires ou le pétardage de munitions immergées, les vibrations provenant de la côte, à l’occasion de travaux d’aménagement et se propageant dans l’eau. » Ils indiquaient aussi, à titre d’exemple, que la pollution sonore du Pacifique était dix fois plus élevée de nos jours que ce qu’elle était dans les années 1960.

La France, dans le prolongement du Grenelle de la mer de 2009 ([20]) et via la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 ([21]), a reconnu la pollution sonore comme une des formes de pollution marine. L’article 166 de cette loi énonce en effet qu’il y a pollution marine en présence d’une « introduction directe ou indirecte, par suite de l’activité humaine, de déchets, de substances, ou d’énergie, y compris de sources sonores sous-marines d’origine anthropique, qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et les écosystèmes marins (…) ».

2.   Une menace pour les espèces marines

Le bruit sous-marin anthropique, qu’il soit ambiant (celui dû par exemple au transport maritime) ou impulsif (travaux de construction portuaires ou liés aux énergies marines renouvelables, sonars militaires, exploration et exploitation pétrolière et gazière) est devenu un problème environnemental majeur et constitue une préoccupation croissante pour les scientifiques, même s’il est difficile d’avoir une vision complète de ses conséquences. Les bruits à basse fréquence ont des impacts négatifs sur la mégafaune marine (en particulier les mammifères marins et les cétacés), les poissons, mais également les crustacés, les mollusques et même les coraux. Toute la colonne d’eau est concernée, y compris les grands fonds. Le bruit continu des moteurs, parasitant l’audition des cétacés, les épuise, les empêche de chasser sereinement et emporte des conséquences néfastes sur leur fécondité. On a pu parler à ce sujet de « harcèlement acoustique », notamment en Manche et en mer du Nord. 27 % des espèces de mammifères marins dans le monde seraient aujourd’hui menacés, si l’on prend en compte à la fois la pollution sonore et les captures accidentelles par des engins de pêche actifs ou abandonnés. La conséquence la plus spectaculaire de la pollution sonore demeure toutefois le phénomène d’échouage de grands cétacés sur les plages.

En 2014, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté des directives visant à réduire le bruit sous-marin issu des navires de commerce. À l’occasion de l’adoption de ces directives, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’OMI a insisté sur la nécessité d’améliorer avant tout la connaissance de ce type de pollution, tant sont complexes la question des niveaux de bruit dans le milieu marin et celle du rôle joué par les différentes activités incriminées. La poursuite des recherches en la matière était vue comme un préalable à la fixation d’objectifs à atteindre en termes de niveaux de bruits sous-marins.

B.   L’impact des émissions de gaz à effet de serre

1.   La relation fondamentale entre océan et atmosphère

L’importance de la relation entre océan et climat a été de plus en plus soulignée au cours des dernières années. La convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 ([22]) n’en traitait pas expressément. Toutefois, ses articles 192 (« Les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin ») et 194 § 5 (« Les mesures prises (…) comprennent les mesures nécessaires pour protéger et préserver les écosystèmes rares ou délicats ainsi que l’habitat des espèces et autres organismes marins en régression, menacés ou en voie d’extinction ») donnent un fondement à l’obligation de prendre en compte les effets des changements climatiques (en particulier le réchauffement et l’acidification des eaux) sur les espèces et les écosystèmes tels que les récifs coralliens.

L’océan est la plus belle machinerie climatique qui soit. Il fournit, grâce au plancton, la moitié de l’oxygène que nous respirons. L’océan capte par ailleurs, toujours à travers le plancton, 30 % du dioxyde de carbone (CO2) produit par les êtres humains, contribuant ainsi fortement à réduire l’impact du réchauffement planétaire. On considère que l’océan absorbe environ 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Il stocke près de 90 % de l’excédent de chaleur anthropogénique.

Un double problème se pose aujourd’hui dans le cadre de la relation entre océan et climat.

D’un côté, la pollution chimique et la surpêche ont des conséquences néfastes sur la quantité de plancton, et donc sur le rôle de régulateur climatique de l’océan.

D’un autre côté, l’augmentation constante depuis le début de l’ère industrielle des émissions de gaz à effet de serre (GES) (essentiellement le gaz carbonique ([23]), le méthane et le protoxyde d’azote) a des conséquences sur les océans. Les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, liés aux activités humaines, continuent de croître, ce qui réduit le niveau de pH ([24]) de l’océan et rend ce dernier plus acide. L’acidification s’est accrue de 30 % en 250 ans et continue à s’amplifier. Les émissions de gaz à effet de serre provoquent également une hausse de la température de l’eau et une élévation du niveau des mers. L’acidification et le réchauffement des océans ont des incidences sur la biodiversité, les écosystèmes et les espèces. Les récifs coralliens notamment subissent un phénomène de blanchissement (perte de la pigmentation du corail du fait de l’expulsion de l’algue symbiotique nécessaire à sa survie) et ont diminué de moitié depuis 1870. L’acidification des océans empêche en effet les organismes calcaires (corail, coquillages, huîtres) de se développer. Si la température augmente encore de 2 degrés, 99 % des récifs du monde seront perdus, selon le GIEC ([25]). 45 % des récifs coralliens sont déjà morts ou menacés. 70 à 90 % des récifs coralliens de notre planète pourraient disparaître d’ici les vingt prochaines années.

Ces bouleversements climatiques sont en partie à l’origine de la multiplication de phénomènes extrêmes (inondation, orages violents, désertification, etc.). Les courants océaniques sont aussi affectés. Le changement climatique porte ainsi déjà atteinte à ce grand courant marin qu’est le Gulf Stream. Les populations côtières, et par contrecoup les économies locales qui les font vivre, sont menacées, particulièrement dans les basses terres et les petits États insulaires, qui sont confrontés à une perspective de déplacement des populations concernées.

2.   Des initiatives pour faire de l’océan et du climat des alliés

L’océan doit prendre sa part dans les politiques de préservation du climat et être vu comme le vecteur de solutions pour lutter contre le changement climatique, grâce aux écosystèmes marins et côtiers qui constituent autant de puits de carbone et offrent des pistes pour développer des solutions naturelles d’adaptation. C’est bien parce qu’il n’y aura pas de réponse efficace au changement climatique sans passer par l’océan qu’il est absolument impératif de le préserver et de sauvegarder ses écosystèmes.

La France s’est associée à un certain nombre d’initiatives tendant à la fois à protéger l’océan contre les bouleversements climatiques et à s’appuyer sur celui-ci pour préserver le climat. Elle a ainsi soutenu la création le 10 juin 2014 de la Plateforme Océan et Climat. Celle-ci regroupe des organismes scientifiques, des universités, des institutions de recherche, des associations et des fondations, impliqués pour une meilleure prise en compte de l’océan dans les négociations climatiques. Cette Plateforme vise à les mobiliser autour des impacts du changement climatique sur l’océan (montée des eaux, acidification, migrations des espèces, désoxygénation, blanchiment des coraux) comme en faveur des solutions liées à l’océan pour l’atténuation du changement climatique (les mangroves et herbiers comme puits de carbone bleu, les futures énergies marines renouvelables ([26])).

Par ailleurs, avec dix autres États, la France a signé, le 30 novembre 2015, à la veille de l’ouverture officielle de la COP21, la déclaration « Because the Ocean ». Celle-ci exhorte « la communauté internationale à prendre des mesures pour renforcer la résilience de l’Océan face aux impacts des émissions de CO2 et du changement climatique ». Elle soutient aussi l’intégration de l’océan dans le préambule de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat, qui précise à sa deuxième page : « Notant qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité (…) ».

La France s’est par ailleurs associée aux efforts, déployés notamment par l’OMI ([27]), tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre issus du transport maritime. La navigation internationale contribue en effet pour environ 800 millions de tonnes par an aux émissions de CO2, soit environ 2,5 % des émissions mondiales. Cette pollution se concentre sur les côtes, dans les mers fermées et sur les routes de transport, et on estime que 70 % du trafic maritime, et donc des émissions, ont lieu à moins de 400 km des côtes. Si le secteur maritime était un État, il se classerait au septième rang mondial des émissions de gaz à effet de serre. Pour encourager ces efforts de réduction, la France, soutenue par l’Allemagne, le Danemark, le Royaume-Uni et la Finlande, a signé en août 2019, lors du sommet du G7 de Biarritz, la « Déclaration de Niulakita relative à un niveau élevé d’ambition dans le transport maritime ». Les États signataires s’engageaient à « réduire les émissions de CO2 par activité de transport de plus de 40 % d’ici à 2030 et de plus de 70 % d’ici à 2050 par rapport à 2008, en moyenne pour l’ensemble des transports maritimes internationaux » et appelaient « les États membres de l’OMI à prendre rapidement des mesures permettant une réduction significative des émissions de GES d’ici à 2023 pour faire en sorte de les plafonner puis de commencer à les faire décroître avant cette date ».

Enfin, la France a soutenu, avec entre autres Monaco, la Chine et l’Espagne, la demande d’un rapport spécial du GIEC sur les océans et la cryosphère ([28]). Publié le 25 septembre 2019, ce rapport évalue à quinze centimètres l’augmentation du niveau moyen global de la mer au cours du XXe siècle et estime que la hausse va encore s’accélérer et pourrait atteindre 1,10 mètre en 2100, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas fortement réduites. D’ici à 2100, sans une forte adaptation, tous les littoraux du monde seront exposés à des risques élevés de submersion marine, d’érosion côtière et de salinisation. Le rapport relève les répercussions de l’acidification de l’océan sur la vie marine. Les modifications de l’océan entraînent un bouleversement général des espèces marines, avec par exemple le déplacement des plantes et des animaux de l’Équateur vers les pôles. D’après ce rapport, les régions peu englacées, telles que l’Europe, pourraient perdre plus de 80 % de leur masse glaciaire d’ici 2100 et connaître une forte baisse de leur enneigement. Le recul des glaciers modifie la disponibilité et la qualité de l’eau en aval, avec des répercussions sur de nombreux secteurs comme l’agriculture. La COP25 sur le climat, qui s’est tenue en décembre 2019 à Madrid, a donné beaucoup de retentissement à ce rapport. La présidence chilienne de la COP25 a voulu en effet faire de ce sommet une « COP bleue », en mettant l’accent sur les océans.


C.   Les dommages liés aux activités minières et pétrolières

L’extraction minière en eau profonde et les activités pétrolières offshore comportent elles aussi des risques environnementaux élevés, insuffisamment mesurés et relativement peu encadrés.

1.   L’extraction de minerais sous-marins

a.   Les richesses des fonds marins et les dangers de leur exploitation

Le développement des activités d’extraction de ressources minérales dans les grands fonds marins soulève de véritables défis. Trois catégories de ressources minérales sous-marines ont été découvertes : les nodules polymétalliques (agrégats de différents matériaux), les cheminées sulfurées et les encroûtements cobaltifères. Les encroûtements cobaltifères et les nodules polymétalliques sont surtout intéressants pour leurs concentrations en nickel, en cobalt et en cuivre. Ils peuvent également être riches en métaux rares (platine, titane, cérium, zirconium, molybdène et tellure). Les nodules polymétalliques sont présents dans les plaines abyssales de l’ensemble des océans à des profondeurs allant de 4 000 à 6 000 mètres. Ces métaux critiques peuvent se révéler essentiels notamment pour l’économie numérique et pourraient compenser la raréfaction des métaux extraits à terre. Les fonds marins recèlent donc potentiellement une richesse incroyable.

Les conséquences de leur exploitation sur les écosystèmes pourraient toutefois se révéler extrêmement lourdes et être démultipliées par les courants marins. En plus de la destruction directe et indirecte d’habitats et d’un certain nombre d’animaux et de micro-organismes associés, ce type d’activité peut engendrer une pollution sonore importante ([29]).

L’extraction minière comporte aussi un risque d’augmentation de la concentration de composés toxiques en surface et en profondeur, en particulier lors des rejets d’eaux à hautes concentrations en particules, nutriments et métaux lourds. Les déchets représentent une part extrêmement importante du minerai remonté et leurs rejets pourraient avoir des répercussions majeures.

L’extraction minière entraîne par ailleurs un risque de formation de nuages de particules sédimentaires se diffusant sur plusieurs centaines de kilomètres sur des durées allant de quelques semaines à plusieurs mois, couvrant la faune alentour d’une couche de sédiments. La formation d’un tel précipité de poussières sous‑marines, sous forme d’un nuage opaque, peut avoir des conséquences particulièrement néfastes sur la faune.

On peut donc légitimement s’inquiéter des conséquences des projets d’exploitation minière sur le milieu marin. On ignore ce que seraient la résilience et la réponse des écosystèmes après la destruction de l’habitat. Les fonds marins et leur biodiversité pourraient être détériorés pour des milliers d’années, avec des effets également sur le stockage du carbone. Il convient d’être particulièrement vigilant en ce qui concerne les projets d’extraction de nodules polymétalliques dans la région Pacifique, région qui suscite les convoitises des industries minières mais qui est aussi très importante d’un point de vue écologique, compte tenu des récifs coralliens qui s’y trouvent.

Au cours des quinze dernières années, plusieurs projets scientifiques ont été menés afin de mieux identifier les impacts de l’exploitation des fonds marins en eaux profondes. Ces études confirment que de nombreux impacts négatifs sur les écosystèmes sont à redouter : interférences avec le cycle de vie des espèces, changements de comportement, pertes d’espèces et d’habitats, impacts sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes et impacts sur la chimie de la colonne d’eau.

La question qui se pose est celle d’une exploitation durable des grands fonds marins. L’objectif de développement durable n° 14 (ODD 14) de l’Agenda 2030 des Nations Unies ne proscrit pas en soi toute exploitation mais exige que celle‑ci respecte une condition de durabilité : « Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ». Cette condition doit s’apprécier au regard de la contribution apportée par cette exploitation à la réalisation des autres ODD prévus à l’Agenda 2030, en particulier l’ODD 7 (accès à une énergie propre à un coût abordable) et l’ODD 13 (lutte contre les changements climatiques). Certaines ressources comme le cobalt et le nickel sont en effet appelées à jouer un grand rôle en matière de transition énergétique. Compte tenu de son potentiel économique, l’extraction minière sous-marine pourrait aussi contribuer positivement à l’atteinte de l’ODD 8 (travail décent et croissance économique) et de l’ODD 9 (mise en place d’une industrie et d’infrastructures durables). Enfin, moyennant un dispositif de partage en faveur des États en développement, l’extraction minière sous-marine pourrait aider à atteindre l’ODD 10 (réduction des inégalités entre les pays) et l’ODD 17 (renforcement des moyens pour mettre en œuvre un partenariat mondial).

b.   L’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM)

S’ils constituent un espace appartenant à tout le monde ([30]), les fonds marins et leurs richesses minières n’en suscitent pas moins les convoitises. Le Général de Gaulle l’annonçait déjà en 1969 lorsqu’il déclarait à Brest : « L’activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche de l’exploitation de la mer. Et, naturellement, les ambitions des États chercheront à la dominer pour en contrôler les ressources (...) ». Les conflits du XXIème siècle seront avant tout maritimes, comme nous pouvons déjà l’observer en mer de Chine, en mer Noire, en Méditerranée orientale, dans le détroit d’Ormuz, etc. S’agissant des fonds marins, les États les plus développés, qui disposent de moyens technologiques avancés, se déclarent en général favorables à les laisser en libre accès alors que les États en développement se montrent soucieux d’éviter leur appropriation par les pays du Nord.

Pour introduire de l’ordre et du multilatéralisme dans ce domaine, la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer a créé l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) ([31]), dont le siège est à Kingston. L’AIFM, dont la France est membre, a pour fonction de réglementer l’exploration, la prospection et l’exploitation des ressources minérales des grands fonds marins. L’AIFM a la responsabilité de la gestion de la haute mer au-delà des plateaux continentaux, ce qui représente 75 % des fonds marins.

L’AIFM a déjà accordé plus de trente permis de prospection dans différents océans ou mers, dont trois pour la France. S’il y a donc beaucoup d’exploration, l’AIFM n’a en revanche pas encore délivré de permis d’exploitation. Elle pourrait toutefois le faire prochainement.

Toute la question est de savoir comment passer de l’exploration à l’exploitation sans créer une nouvelle cause de pollution sous-marine dont il est malaisé d’anticiper les effets. Ce sujet est source de débats. Certains prônent un moratoire sur toute exploitation. D’autres soulignent la nécessité d’obtenir davantage d’informations scientifiques avant d’aller plus loin. D’autres encore insistent sur l’importance, mais aussi la difficulté, de contrôler les activités d’exploitation sous-marine.

L’AIFM élabore actuellement un corpus important de réglementations, sous la forme d’un « code minier », afin de fixer les règles d’une future exploitation. Il y serait notamment prévu que les États en développement puissent toucher une partie des bénéfices réalisés par les entrepreneurs et les industriels des pays du Nord. L’élaboration de ce code minier est suivie en France par la direction juridique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

2.   L’exploitation pétrolière et gazière

L’exploitation d’hydrocarbures, et notamment l’exploitation pétrolière et gazière offshore, ne comportent pas moins de dangers pour l’environnement marin. Emblématique de ces dangers, l’explosion le 20 avril 2010 de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de British Petroleum (BP), située à 60 kilomètres au large des côtes de Louisiane, avait déclenché la pire marée noire de l’histoire des États-Unis. Il avait fallu une centaine de jours pour arrêter les fuites de pétrole. 4,9 millions de barils de pétrole, soit plus de 750 millions de litres, s’étaient répandus dans le Golfe du Mexique, ravageant les écosystèmes marins.

Cette catastrophe a été l’occasion d’une prise de conscience en Europe. L’Union européenne s’est dotée en 2013 d’une directive relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer ([32]). Grâce à ce texte, le nombre d’accidents a fortement diminué dans les eaux européennes et une catastrophe de type « Deepwater » y est aujourd’hui improbable. En février 2017, la France a instauré un moratoire sur l’exploration dans ses eaux en Méditerranée et sur la façade atlantique. Une loi du 30 décembre 2017 ([33]) a interdit, avec effet immédiat, la délivrance de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures ainsi que la recherche et l’exploitation de gaz de schiste. Cette loi a aussi prévu que les concessions actuellement en vigueur ne pourraient pas être prolongées au-delà de 2040. De son côté, le Danemark a annoncé, le 3 décembre 2020, la fin de son exploitation des hydrocarbures en mer du Nord d’ici 2050.

Ces progrès sont toutefois contrebalancés par l’émergence de nouvelles activités d’exploitation, en particulier de gaz, en Méditerranée orientale et en mer Noire, à l’instigation notamment de la Turquie. Outre les risques d’accidents, les dommages environnementaux liés à ces activités incluent les émissions de grandes quantités de méthane lors du forage et du transport du gaz naturel ([34]). La question du partage des ressources gazières en Méditerranée, et celle de la responsabilité des pollutions qui leur sont liées, portent en germes de fortes tensions politiques et diplomatiques.

En ce qui concerne les pays d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mauritanie, Guinée-Bissau, Sierra Leone, etc.), ils ont construit en mer de très nombreux puits d’exploitations dont le niveau de sécurité technique interroge. De nouveaux gisements de pétrole et de gaz ont encore été découverts au large du Sénégal et de la Mauritanie en 2016.

Plus généralement, les exploitations pétrolières et gazières offshore posent problème au regard de l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique. Si l’on veut atteindre l’objectif de l’Accord de Paris tendant à limiter le réchauffement climatique à 2 °C maximum d’ici la fin du XXIe siècle, l’extraction d’énergies fossiles en mer ne saurait être encouragée.

 


    

   pour une politique renouvelée de préservation
des océans

Face aux multiples formes que peut prendre la pollution des mers, des avancées réelles ont été enregistrées au cours des dernières décennies. Les normes internationales ont été multipliées, les zones bénéficiant d’une protection particulière se sont étendues, la sécurité du transport maritime s’est accrue. Ces progrès doivent servir de base à un nouvel essor de la politique de préservation des océans pour le XXIe siècle. Si l’on veut donner une nouvelle dimension à la politique de conservation et de gestion durable des océans et répondre aux défis qui ont été rappelés plus haut, la France doit se donner les moyens de contrôler et de protéger ses eaux. Des initiatives européennes vont dans le bon sens et doivent être soutenues et concrétisées. Enfin, les instruments internationaux doivent être complétés et appliqués. La Méditerranée, véritable joyau en péril, pourrait constituer le test de la volonté réelle ou non d’affronter le problème de la pollution des mers.

I.   s’appuyer sur les progrès réalisés

Des progrès ont été réalisés en termes de normes internationales, aujourd’hui nombreuses et précises, de protection des aires marines et de renforcement de la sécurité du transport maritime. Ces progrès montrent que des avancées sont possibles, en dépit des obstacles et des réticences.

A.   L’adoption de multiples normes internationales

De nombreuses normes internationales ont été adoptées en vue de préserver l’environnement marin, tant dans le cadre des Nations Unies ou dans un cadre régional que, s’agissant de la sécurité des navires, sous l’égide de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).

1.   La conclusion de nombreuses conventions internationales

a.   Les conventions des Nations Unies et les conventions régionales

Historiquement, le grand texte de droit sur lequel repose l’action internationale est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, déjà citée (Convention de Montego Bay). Signée en 1982 et entrée en vigueur en 1994 (en 1996 pour la France), c’est une convention fondamentale, extrêmement variée, qui s’est efforcée de traiter, dans l’esprit du temps, de toutes les questions marines. Convention de portée quasi universelle (168 États parties au 30 juin 2021), elle a pu être qualifiée de « Constitution pour les océans ([35]) ». Sa partie XII porte sur la protection et la préservation du milieu marin, principalement contre les hydrocarbures et les marées noires. Le contexte des années 1980 était en effet très marqué par ce type de pollutions. Toutefois, une série d’articles envisage déjà l’avenir et différentes sortes de pollutions futures. Ainsi, selon l’article 192, les États ont « l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin » et, aux termes de l’article 193, les États ont « le droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière d’environnement et conformément à leur obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». C’est donc un texte majeur, encore actuel, dont il n’y a aujourd’hui encore rien à retrancher.

Ce texte fondateur a été complété par d’autres accords parmi lesquels on peut citer la convention de Bâle et la convention de Stockholm. Adoptée en 1989 sous l’égide des Nations unies, la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination vise à renforcer le contrôle sur les exportations de plastiques contaminés ou en mélange. La convention des Nations Unies de 2001, dite de Stockholm, sur les polluants organiques persistants vise à assurer leur élimination progressive. Elle ne couvre toutefois que certains produits chimiques.

En complément de ces conventions des Nations unies, un certain nombre de conventions de mers régionales (CMR) sont venues réglementer les rejets dans le milieu marin. La France, grâce notamment à ses départements et collectivités d’outre-mer, est partie à six conventions de mers régionales ([36]) sur les quatorze qui existent au niveau mondial :

— la Convention de Barcelone (1976) pour la Méditerranée,

— la Convention de Carthagène ([37]) (1983) pour la Caraïbe,

— la Convention de Nairobi (1958) pour l’océan Indien occidental,

— la Convention d’Apia (1976) pour le Pacifique Sud (convention qui a créé le Programme Océanien pour l’environnement ou PROE),

— la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, dite OSPAR (Oslo-Paris), adoptée en 1992,

— la Convention pour la Conservation de la Faune et de la Flore Marines de l’Antarctique (CCAMLR) (1980) pour l’océan austral.

Ces conventions ont adopté des mesures de régulation de la pollution plastique à l’échelle régionale. La CCAMLR a mis en place en 1982 une Commission ayant pour objectif de conserver la vie marine en Antarctique. Il s’agit à la fois d’une organisation environnementale et d’une organisation de gestion de la pêche ([38]). La CCAMLR a complété, en matière de pollution marine, les stipulations du Traité sur l’Antarctique de 1959. En Antarctique, tout rejet de déchets d’origine humaine est strictement interdit dans toute la zone du Traité et ces déchets doivent être ramenés pour être traités.

À la Convention de Carthagène sont associés le Protocole relatif à la lutte contre la pollution par les hydrocarbures (dit Protocole Oil Spills), entré en vigueur en 1986 ([39]), le Protocole sur les zones et la vie sauvage spécialement protégées (dit Protocole SPAW ([40])), entré en vigueur en 2000 ([41]), et le Protocole relatif à la pollution due à des sources et activités terrestres (dit Protocole LBS ([42])), entré en vigueur en 2010 ([43]). Le Protocole Oil Spills a pour objectif de protéger l’environnement côtier et marin d’événements de déversement d’hydrocarbures, d’établir des mesures visant à y remédier et de réduire les risques associés à ces accidents.

Quant à la Convention OSPAR, relative à l’Atlantique du Nord-Est, elle interdit l’immersion de déchets en mer issus de sources offshore de même que le rejet de certaines substances dangereuses. Les rejets de substances radioactives sont d’ailleurs quasiment tombés à zéro ces dernières années. La Commission OSPAR peut prendre des mesures concernant la protection de la haute mer et créer des aires marines protégées.

De nombreuses autres conventions de portée régionale ont été adoptées en vue d’améliorer la lutte contre les pollutions marines. L’accord de Bonn du 9 juin 1969 sur la coopération en matière de lutte contre la pollution des eaux de la mer du Nord par les hydrocarbures et les autres substances dangereuses pose ainsi les bases d’une coopération internationale et d’une assistance réciproque dans la lutte contre les pollutions. Il couvre la mer du Nord et le Golfe de Gascogne.

Les organisations régionales de pêche, par ailleurs, peuvent prendre des mesures en ce qui concerne la réglementation des navires, s’agissant par exemple de leurs filets.

Enfin, des accords de coopération ont été conclus en vue de gérer les catastrophes maritimes, tels que l’accord RAMOGE du 19 mai 1976 pour la Méditerranée. Celui-ci met en place une gouvernance jugée assez efficace pour réagir à des pollutions causées par des accidents ([44]).

b.   Les conventions conclues sous l’égide de l’OMI

Créée en 1948 en tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, l’Organisation maritime internationale (OMI) a permis à plus d’une soixantaine de conventions internationales d’être adoptées dans le cadre de conférences diplomatiques convoquées à son initiative. L’augmentation du volume d’hydrocarbures transportés par voie maritime, et la catastrophe du navire-citerne Torrey Canyon en 1967 (120 000 tonnes de pétrole déversées en mer après son échouage près des îles Sorlingues, souillant les côtes britanniques et françaises), ont suscité dans les années 1960 et 1970 une attention particulière aux pollutions par hydrocarbures. Les conventions internationales relatives aux pollutions issues du transport maritime et mises en œuvre par l’OMI ont permis des avancées notables dans la prévention et la réduction des pollutions de ce secteur d’activité. La vigilance s’est ensuite étendue à d’autres types de pollutions.

La Convention de Bruxelles de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (Convention CLC) ([45]) exige ainsi une assurance complète pour tous les navires qui entrent dans les ports des États parties à la convention, y compris les navires en visite qui ne battent pas pavillon d’un État membre ([46]). En complément, une convention internationale portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (convention FIPOL) a été adoptée en 1971. Le FIPOL est une organisation intergouvernementale composée d’États et qui dispose d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de l’OMI. Il a pour vocation l’indemnisation en cas de pollution par des hydrocarbures persistants à la suite de déversements provenant de navires pétroliers. Un fonds complémentaire a été créé en 2003.

La Convention MARPOL de 1973 ([47]) a défini des règles et des protocoles pour prévenir la pollution par les hydrocarbures, les substances liquides nocives transportées en vrac et en colis, les eaux usées et les ordures des bateaux et enfin la pollution atmosphérique aux particules fines émises par la combustion de fuel lourd. Elle constitue la convention générale sur la lutte contre la pollution par les navires. Elle est accompagnée de six annexes, la sixième datant de 2018 et portant sur la relation entre le climat et les océans.

La Convention SOLAS ([48]) de 1974 (Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) spécifie des normes minimales pour la construction, l’équipement et l’exploitation des navires, compatibles avec leur sécurité. Elle a été complétée par deux protocoles en 1978 et en 1988 et par plusieurs amendements.

La Convention OPRC ([49]) de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures impose aux navires de conserver en permanence un plan d’urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures. Les navires sont tenus de signaler aux autorités côtières tout événement de pollution de cette nature.

La Convention internationale de 2001 sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles interdit les organostanniques nuisibles dans les peintures antisalissure utilisées sur les navires et établit un mécanisme visant à prévenir l’utilisation éventuelle de systèmes antisalissure contenant d’autres substances nocives. Les composés organostanniques ou organoétains sont des substances chimiques toxiques principalement utilisées dans les peintures antisalissure appliquées sur les coques des bateaux. Ces peintures de revêtement visent à empêcher le développement des algues, des mollusques et d’autres organismes qui freinent l’avance rapide des navires. Les organoétains sont également utilisés dans l’industrie du plastique et du PVC. Ces composés sont considérés comme des polluants du milieu marin depuis que, au début des années 1980, de graves problèmes ont été mis en évidence, notamment sur le développement des huîtres dans la baie d’Arcachon.

La gestion des eaux de ballast ([50]), dont le largage en mer peut entraîner notamment la propagation d’espèces exotiques envahissantes, a progressé grâce à la Convention BWM (Ballast Water Management) de 2004 ([51]) qui oblige les navires à être équipés de dispositifs de traitement des eaux de ballast avant le 8 septembre 2024.

La Convention de Nairobi de 2007 sur l’enlèvement des épaves ([52]) a permis aux États de disposer d’un mandat juridique pour faire enlever les épaves susceptibles de porter atteinte à la sécurité des vies humaines, des marchandises et des biens en mer ainsi qu’au milieu marin. Les épaves occasionnées par des accidents de mer peuvent représenter de graves dangers pour la navigation et pour l’environnement. La Convention fixe des règles et des procédures destinées à garantir l’enlèvement rapide des épaves se trouvant au-delà des eaux territoriales des États (l’intervention dans la mer territoriale relevant en revanche de la compétence de l’État côtier exerçant sa souveraineté sur cet espace maritime conformément à l’article 2 de la CNUDM ([53])).

La Convention de Hong Kong de 2009 pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires vise à prévenir et à limiter les effets dommageables du recyclage des navires sur la santé de l’homme et sur l’environnement. Le démantèlement des navires, avec toutes les matières polluantes qu’ils contiennent (dans des chantiers de démantèlement situés dans des pays tels que le Bangladesh), est en effet particulièrement dangereux à la fois pour l’homme et pour l’environnement, en particulier marin. Seuls seize pays (dont la France ([54])) ont adhéré à ce jour à cette convention ([55]).

La Convention de 2010 sur le transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD) a pour objet de garantir, en cas d’accident, une indemnisation prompte et efficace pour les dommages aux personnes et aux biens, et de couvrir le coût des opérations de nettoyage et les pertes économiques ([56]). Elle concerne des substances telles que les hydrocarbures non persistants (essences, kérosène, etc.), le gaz naturel liquéfié (GNL), le gaz de pétrole liquéfié (GPL) et les produits chimiques. Ce sont plus de 2 500 substances qui sont couvertes par la Convention. Celle-ci n’est pas encore entrée en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications.

L’OMI héberge par ailleurs une convention qui n’est pas liée directement à la navigation. Il s’agit de la Convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets ([57]). Elle contribue au contrôle et à la prévention de la pollution des mers à l’échelle internationale, en interdisant l’immersion de certaines matières dangereuses énumérées à son annexe I.

2.   La structuration d’un droit européen de protection de l’environnement marin

L’Union européenne dispose d’un certain nombre de compétences en matière environnementale. Compte tenu de ces compétences, la protection du milieu marin par l’Union, dans ses eaux et à l’international, constitue une question d’importance croissante depuis une douzaine d’années. La préoccupation de l’Union européenne pour la protection des mers et des océans s’est traduite par l’édiction d’une série de directives et de règlements. Ces textes s’inscrivent en particulier dans le cadre de la « Politique marine intégrée » (PMI), cadre d’action visant à promouvoir une approche globale des activités liées à la mer, qu’il s’agisse de son exploitation durable, de la surveillance maritime ou encore de la collecte de données et de la recherche sur le milieu marin. Ces textes vont toutefois au-delà du champ strict du milieu marin et s’appliquent plus généralement aux problématiques d’eau et d’environnement.

La directive du Conseil du 21 mai 1992 ([58]) concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive Natura 2000) prévoit ainsi la constitution d’un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommées « sites Natura 2000 ». Cette directive s’applique en mer pour la protection des espèces et des habitats.

La directive-cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 ([59]) établit un cadre pour une politique globale communautaire dans le domaine de l’eau. Elle constitue l’élément majeur de la réglementation européenne concernant la protection des ressources en eaux douces, eaux saumâtres ou salées, superficielles ou souterraines, de « transition ([60]) » et côtières. Elle vise à prévenir et à réduire la pollution de l’eau, à promouvoir son utilisation durable, à protéger l’environnement, à améliorer l’état des écosystèmes aquatiques et à atténuer les effets des inondations et des sécheresses.

La directive du 7 septembre 2005 ([61]) relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions crée des règles applicables à l’échelle de l’Union relatives à l’imposition de sanctions en cas de déversements d’hydrocarbures et de substances polluantes effectués à partir de navires qui naviguent dans ses eaux.

Très importante, la directive-cadre du 17 juin 2008, dite « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) ([62]), impose aux États membres de prendre, au plus tard en 2020, les mesures nécessaires pour préserver les écosystèmes marins, et plus précisément pour réduire les impacts des activités sur le milieu marin afin d’atteindre ou de maintenir un bon état écologique de celui-ci. Selon l’Ifremer, « le Bon État Écologique (BEE) des eaux marines correspond au bon fonctionnement des écosystèmes marins, à un bon état de santé du milieu et à une durabilité environnementale des activités humaines ([63]) ». La directive DCSMM constitue l’instrument législatif de base pour l’Union européenne. Les États doivent élaborer des stratégies marines tendant notamment à réduire les apports nocifs dans le milieu marin afin d’en réduire progressivement la pollution. La directive consacre l’importance des mesures de protections spatiales pour le milieu marin, c’est-à-dire des zones maritimes protégées.

La directive-cadre du 23 juillet 2014 ([64]) sur la planification de l’espace maritime européen (DCPEM) impose aux usages de la mer de se conformer aux objectifs de restauration du bon état écologique de la mer et vise à mettre en place une gestion coordonnée des zones côtières.

La directive PRF ([65]) du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires vise à protéger le milieu marin contre les conséquences néfastes des déchets provenant des navires qui utilisent les ports situés dans l’Union européenne. Elle prévoit certaines normes pour les installations portuaires et contient des dispositions en termes de redevances et d’inspection des navires. Elle couvre tous les déchets des navires, avec un focus spécial sur les déchets marins, y compris dans le secteur de la pêche. Elle prévoit un mélange d’incitations et de mesures de mise en œuvre pour augmenter la dépose de déchets à terre dans les installations portuaires prévues à cet effet (installations où ces déchets doivent être traités de manière adéquate).

En complément de ces directives, un certain nombre de textes européens ont été édictés concernant spécifiquement le transport maritime ([66]).

L’ensemble de ces normes européennes constitue un corpus réglementaire exigeant et très technique. Ces règles présentent le grand avantage de voir leur application garantie par Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Là réside leur force. Le droit de l’Union européenne est en effet un droit sanctionné. Quand un État ne respecte pas ses obligations, des actions peuvent être menées devant la CJUE, qui est à même de prononcer des sanctions dissuasives, assorties d’astreintes. La France a ainsi déjà été condamnée plusieurs fois dans ce domaine ([67]).

B.   Des aires marines protégées en extension

Des progrès ont été plus particulièrement réalisés, à l’échelle internationale comme à l’échelle nationale, dans la mise en place d’aires marines protégées. Celles-ci constituent des moyens très efficaces de protéger la biodiversité. Une aire marine protégée (AMP) est un espace délimité en mer (ou une zone ayant une partie majoritairement maritime) au sein duquel un objectif de protection de la nature à long terme a été défini, avec des mesures de gestion. De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence un lien direct entre le niveau de protection des aires marines et les bénéfices pour la biodiversité et pour le maintien des écosystèmes.

1.   Les avancées internationales et européennes

Adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB) a permis, au cours des dix dernières années, de renforcer la création d’aires marines protégées. La conférence des parties à la CDB, qui s’est tenue à Nagoya en octobre 2010 (dite COP10), a commencé par fixer un objectif de 10 % de zones marines et côtières protégées en 2020. Elle a en effet adopté un « Plan stratégique pour la diversité biologique 2011‑2020 ». Ce plan se déclinait en vingt objectifs, dits « objectifs d’Aichi », dont le onzième disposait que « d’ici à 2020, au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation efficaces par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin ».

Dans un deuxième temps, les États réunis en 2015 dans le cadre du Sommet spécial sur le développement durable ont adopté, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, l’Agenda 2030 du développement durable. Ce dernier a fixé dix-sept « objectifs de développement durable » (ODD) dont le quatorzième vise à « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ». Les ODD constituent non pas des instruments contraignants, mais des engagements politiques, qui ont vocation à guider notamment l’action de la France et celle de l’Union européenne. Dans le prolongement de ce Sommet, des Conférences internationales sur la préservation des océans sont organisées par l’Assemblée générale des Nations unies pour appuyer la réalisation de l’ODD 14 ([68]). La deuxième Conférence internationale, qui devait se tenir à Lisbonne en juin 2020, a été reportée en raison de la crise sanitaire ([69]). L’ODD 14 comporte la cible suivante (cible 14.5 « Préservation de zones marines ») : « D’ici à 2020, préserver au moins 10 % des zones marines et côtières, conformément au droit national et international et compte tenu des meilleures informations scientifiques disponibles ».

La COP15 de la CDB, quinzième réunion de la Conférence des parties à la CDB qui se tiendra en Chine en 2021 ([70]), pourrait fixer un objectif de protection de 30 % des océans d’ici à 2030. Dans le cadre des négociations sur le futur cadre stratégique post-2020 de protection de la biodiversité, qui doit être adopté à la COP15, la France plaide en effet pour l’adoption d’une cible ambitieuse de protection de 30 % des mers et des terres au plus tard en 2030. Cet objectif correspond aussi à celui retenu par la « Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples » (HAC ([71])), lancée à Paris le 11 janvier 2021 lors du One Planet Summit et co-pilotée par la France et le Costa Rica. Cette Coalition a pour but de rallier une masse critique de pays décidés à défendre l’objectif de protection de 30 % de la surface de la planète (terres et océans) d’ici à 2030.

Ces engagements internationaux ont été complétés par des normes inscrites dans plusieurs directives européennes ([72]). La directive Natura 2000 de 1992 prévoit ainsi la constitution d’un « réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation », y compris pour certains types d’habitats marins. La directive‑cadre « Stratégie pour le milieu marin » de 2008 prévoit quant à elle la création d’« un réseau de zones marines protégées cohérent et représentatif, répondant de façon satisfaisante à la diversité des écosystèmes constituants, telles que des zones spéciales de conservation au sens de la directive « habitats », des zones de protection spéciale au sens de la directive « oiseaux » et des zones maritimes protégées ». La directive Oiseaux de 2009 ([73]) prévoit pour sa part la création de zones de protection spéciale, y compris dans les espaces maritimes ou humides, en vue de préserver les populations d’oiseaux sauvages. Enfin la directive‑cadre sur la planification de l’espace maritime de 2014 demande aux États membres de tenir compte des sites de conservation de la nature et des zones protégées dans la planification de leur espace maritime.

Tous ces efforts ont commencé à porter leurs fruits. Sur le plan mondial, en moins de dix ans, de nombreuses aires marines hautement protégées de grande taille, couvrant chacune plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés, ont été annoncées ou créées dans les eaux de pays précurseurs comme le Royaume‑Uni, les États‑Unis, le Chili, l’Australie, la République des Palaos, les Kiribati et le Mexique, ainsi que dans la mer de Ross en Antarctique. L’une des plus connues et des plus anciennes aires marines protégées, d’une ampleur énorme, est la Grande Barrière de Corail (344 400 km²), classée Parc marin par l’Australie en 1975 et inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1981. S’agissant de la haute mer, la convention OSPAR a mis en place des aires marines en Atlantique du Nord-Est. Dans le cadre de la CCAMLR, la création d’une AMP de près d’un million de km2 en Est‑Antarctique est portée depuis sept ans par l’Australie, la France et d’autres États européens. La surface des aires marines protégées a ainsi globalement augmenté pour atteindre aujourd’hui 7 à 8 % de la surface des océans (niveau encore inférieur donc à l’objectif de 10 % fixé par les Nations Unies pour 2020). Il existe aujourd’hui environ 11 300 aires marines à travers le monde.

Il importe que le futur accord sur la biodiversité au-delà de la juridiction nationale (dit BBNJ), en cours de négociation, prévoit la création d’AMP en haute mer, sans limite de temps et dotées d’outils efficaces de gestion ([74]).

2.   La stratégie française

Les aires marines protégées sont aujourd’hui principalement situées dans les eaux nationales, et non pas en haute mer. À l’issue du Grenelle de la mer en 2009, la France s’était engagée à créer des aires marines protégées sur 20 % de ses eaux, dont la moitié en réserve de pêche, sans aucune activité extractive. Afin de mettre en œuvre ses engagements internationaux et nationaux, la France s’est dotée en 2012 d’une stratégie nationale relative à la création et à la gestion d’aires marines protégées pour la période 2012-2020.

Un établissement public, l’Agence des aires marines protégées, a été mis en place en 2006 pour accompagner cette politique. Cette agence a été intégrée dans l’Agence française pour la biodiversité (AFB) le 1er janvier 2017. Un nouvel opérateur, dénommé Office français de la biodiversité (OFB), a ensuite été créé, reprenant les missions de l’AFB et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). L’OFB gère notamment les parcs naturels marins (PNM) (il en existe huit actuellement puisque le PNM des Glorieuses a été transformé en réserve naturelle nationale).

À ce jour, 546 AMP ont été créées en métropole et en outre-mer. La première l’a été en mer d’Iroise. Le code de l’environnement ([75]) dresse la liste des différents types d’AMP : parcs nationaux ayant une partie maritime, réserves naturelles ayant une partie maritime, parcs naturels marins, sites Natura 2000 ayant une partie maritime, zones de conservation halieutiques, réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime, etc. Ces AMP poursuivent avant tout un objectif de conservation de la biodiversité. On dénombre aujourd’hui environ 1760 sites Natura 2000, 350 réserves naturelles, 11 parcs nationaux, 56 parcs naturels régionaux et 9 parcs naturels marins. La France protège 3 405 922 km2 de ses eaux, ce qui représente près de 12 % de l’ensemble des aires marines protégées au niveau mondial. En métropole et dans les territoires d’outre‑mer, la surface totale des aires protégées représente 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction (donc à la fois des espaces terrestres et maritimes). Il est à noter que 67 % des récifs coralliens français sont couverts par une aire marine.

Le Président de la République a fixé un objectif de protection de 30 % du territoire national et des espaces maritimes sous juridiction, dont 10 % en protection haute. Il a annoncé qu’il s’engageait à appliquer ce niveau de protection pour nos territoires marins et terrestres dès 2022. Les moyens humains des opérateurs publics concernés seront renforcés dans les trois prochaines années, notamment par la mobilisation du service civique.

Le Gouvernement a adopté une nouvelle Stratégie nationale des aires protégées (SNAP) pour les dix ans à venir, qui a été annoncée au cours du One Planet Summit qui s’est tenu le 11 janvier 2021 ([76]).

C.   Un transport maritime plus sûr

Outre le secteur des aires marines protégées, celui de la navigation a enregistré de grandes avancées au cours des dernières années. Les accidents, et notamment les déversements d’hydrocarbures, ont nettement diminué, malgré la forte augmentation du trafic maritime depuis les années 1980. Rappelons que la mer est un vecteur essentiel du commerce international puisque 90 % des échanges mondiaux de marchandises en volume y transitent. Les marées noires sont beaucoup plus rares qu’il y a vingt ans. Ces progrès sont dus à la fois aux normes adoptées par l’OMI et aux initiatives de l’Union européenne.

1.   Les normes édictées par l’OMI

Depuis plusieurs décennies, des progrès majeurs ont été réalisés en matière de sécurité des navires et de prévention des pollutions maritimes, grâce notamment à l’édifice réglementaire élaboré dans le cadre de l’OMI. Celle-ci ne se contente pas en effet d’organiser des conférences diplomatiques en vue d’adopter des conventions internationales. Elle constitue aussi une instance technique qui édicte des règles précises concernant la construction et la sûreté des bateaux, les doubles coques, la navigabilité, les affrètements, etc., notamment grâce à son Comité de la sécurité maritime (MSC ([77])) qui a pour mission d’augmenter la sécurité en mer. L’OMI a ainsi édicté un Code polaire, recueil de règles obligatoires pour les navires exploités dans les eaux polaires, entré en vigueur le 1er janvier 2017 (contenant par exemple des normes pour la construction des navires qui ont vocation à servir dans ces eaux, telles que l’obligation pour les navires transportant des hydrocarbures d’avoir une double coque). Le Comité juridique (LEG) de l’OMI traite pour sa part de questions telles que le statut des navires autonomes ([78]), ou de sujets liés à la responsabilité et à l’indemnisation, ou encore aux actes illicites commis en mer et ayant un impact sur la sécurité de la navigation.

Alors qu’elle s’apparentait auparavant dans une certaine mesure à un club d’armateurs, et à une instance dominée par les grandes puissances maritimes et les États de pavillon, l’OMI a depuis quelques années accordé une place grandissante à l’environnement marin et à sa protection, ainsi qu’à la relation entre océan et climat. Elle s’est ainsi largement transformée au cours des dernières décennies, connaissant un incontestable « verdissement ». Le comité chargé des questions environnementales (Comité de la protection du milieu marin ou MEPC ([79])) a ainsi pris une importance considérable.

Le processus de travail à l’OMI est assez formalisé. Il commence par une demande de réglementation, formulée par un État ou par une ONG appuyée par un État. Cette demande est présentée à un sous-comité qui l’évalue. Elle fait ensuite l’objet de débats en comité et est affinée jusqu’au moment où elle pourra être adoptée. Les décisions sont prises par consensus.

Les centaines d’instruments juridiques adoptés par l’OMI, venant en complément des conventions internationales citées plus haut, ont produit des effets majeurs. La sécurité maritime n’est plus un problème aigu. Le nombre de navires qui s’échouent ou de navires « poubelles » a été drastiquement réduit. Ainsi, à l’échelle du monde, depuis le milieu des années 1970, le nombre annuel de marées noires supérieures à sept tonnes a été divisé par douze, passant de 120 à moins de dix, alors que, dans le même temps, la quantité de produits pétroliers transportée par mer a doublé, passant de 1 500 à plus de 3 000 millions de tonnes.

2.   Les instruments juridiques et opérationnels de l’Union européenne

Les réponses de l’OMI en matière de sécurité maritime ont été complétées par plusieurs initiatives européennes.

a.   Les directives et règlements européens

Une série de directives et de règlements, regroupés sous la dénomination de « paquets législatifs » Erika I (2000), II (2002) et III (2003), ont été adoptés à la suite du naufrage du pétrolier Erika en 1999. Ces textes européens ont eu pour but d’améliorer la sécurité maritime et le traitement des accidents maritimes.

Les principaux textes ont été les suivants :

— directive du 27 juin 2002 ([80]) sur la mise en place d’un système communautaire de suivi et d’information sur le trafic maritime,

— directive du 23 avril 2009 ([81]) sur le contrôle par l’État du port,

— directive du 23 avril 2009 ([82]) sur les obligations de l’État du pavillon.

b.   L’Agence européenne pour la sécurité maritime

Encore relativement méconnue, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) a été instituée par un règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 ([83]). Son siège est à Lisbonne. Elle a pour missions de veiller à la sécurité et la sûreté maritimes ainsi qu’à la prévention des pollutions, par une expertise technique et une assistance opérationnelle. Les services maritimes intégrés de l’AESM viennent ainsi compléter les systèmes d’informations nationaux et renforcer la surveillance de la navigation. L’AESM met à disposition des pays de l’Union des navires dépollueurs en cas de marée noire et a les moyens de détecter la pollution marine par satellite. Elle a su trouver sa place, aux côtés des États et de leurs marines nationales, grâce à son expertise et à la qualité de son appui technique. Son efficacité tient notamment aux moyens européens, notamment satellitaires, auxquels elle a accès pour l’observation, le suivi et le contrôle. Il s’agit ici en particulier de GMES (Global Monitoring for Environment and Security([84]), programme européen pour la surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité, lancé en 1998, et de Galileo, système européen de radionavigation par satellite. La surveillance satellitaire fournie par l’AESM au travers du service CleanSeaNet possède en outre une fonction dissuasive.

II.   agir en France, en europe et dans le monde

Le défi de la protection des océans est aujourd’hui double : il porte à la fois sur les normes, qui doivent être complétées, et sur leur mise en œuvre, qui suppose des moyens adéquats. Ce défi doit être relevé à la fois sur le plan national, européen et mondial. La France, grâce notamment à ses outre-mer, a les ressources diplomatiques nécessaires pour porter une politique ambitieuse en faveur de nos mers et océans.

A.   en France, se donner les moyens de contrôler et de protéger

1.   Lever les freins à l’action

En ce qui concerne l’échelon national, plus que sur le manque de normes, c’est sur leur application et sur les moyens consacrés à leur mise en œuvre que porte le problème.

a.   Simplifier le dispositif institutionnel de lutte contre la pollution marine

La politique française de préservation de l’environnement marin souffre aujourd’hui d’un éclatement institutionnel. De très nombreux acteurs publics, sans même parler des acteurs privés, y prennent part, ce qui entraîne une grande complexité, des doublons et une dépense insuffisamment efficace d’énergie et de moyens. Cette politique en devient peu lisible pour le public, les associations, la représentation nationale et nos partenaires étrangers.

Ainsi, en ce qui concerne le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, la sous‑direction du droit de la mer est compétente pour les questions juridiques à dimension internationale. Elle est le service traitant pour le comité juridique (LEG) de l’OMI. Elle traite également de questions de pollution relevant par exemple de la Convention SNPD. De très nombreux ambassadeurs thématiques interviennent en sus. Il en est ainsi des ambassadeurs chargés de l’environnement, des pôles et des enjeux maritimes, des négociations sur le changement climatique, de la Méditerranée, de la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien et des océans (même si M. Serge Segura, en poste de septembre 2015 à novembre 2020, n’a pas eu à ce jour de successeur doté du même périmètre de compétences). Le ministère dispose aussi de représentants permanents auprès d’instances telles que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE, à Nairobi) et l’Organisation maritime internationale (OMI, à Londres).

Au sein du ministère de la Transition écologique, la direction de l’action européenne et internationale (DAEI) suit, pour sa part, entre autres sujets, les conventions de mers régionales. La direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) est chargée de la conception, de l’évaluation et de la mise en œuvre des politiques de l’eau, des espaces naturels et de la biodiversité terrestre et marine. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) exerce des compétences en ce qui concerne l’énergie utilisée par les navires ou encore l’éolien en mer. L’Office français de la biodiversité (OFB) ([85]), établissement public placé sous la tutelle du ministère, est gestionnaire ou co-gestionnaire d’aires protégées. Il contribue, grâce à ses 1 700 inspecteurs de l’environnement, à l’exercice des polices administrative et judiciaire relatives à l’eau (pollution de la ressource, atteinte aux zones humides ou au littoral), aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvage et à la pêche.

S’agissant du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) supervise notamment les organisations régionales de gestion de la pêche, compétentes pour édicter des mesures concernant la pollution liée aux activités de pêche (abandon de filets, etc.).

L’Ifremer, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de celui de la Transition écologique et de celui de l’Agriculture et de l’Alimentation, remplit des missions de recherche en sciences marines et d’appui à la puissance publique.

L’Agence française de développement (AFD), placée sous la triple tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, de celui de l’Économie, des Finances et de la Relance, et de celui des Outre-mer, finance des projets d’aménagement côtier, d’équipement portuaire, de protection des espaces maritimes, etc., dans les pays partenaires de la France.

D’autres acteurs publics nationaux interviennent encore dans la politique de préservation de l’environnement marin : le commissariat général au développement durable (CGDD), dirigé par un délégué interministériel au développement durable, le comité pour l’économie verte, la direction générale des outre-mer, etc.

Placé auprès du Premier ministre, le secrétariat général de la mer (SGMer) s’efforce de coordonner la politique maritime. Il anime dans ce but le Comité interministériel de la mer (CIMer), le Comité France maritime (CFM) ou encore le Comité France Océan (CFO).

Face à cet éparpillement d’acteurs, il faut saluer le retour en juillet 2020 d’un ministère de la Mer, de plein exercice, dirigé aujourd’hui par Mme Annick Girardin. Ce ministère est « responsable de la planification de l’espace en mer » et « définit et met en œuvre, conjointement avec le ministre de la transition écologique, la politique relative à la gestion durable des enjeux maritimes, à la protection de l’environnement et des milieux marins, à la gestion intégrée des zones côtières et au domaine public maritime ([86]) ». Il y a là un premier pas dans le sens d’une plus grande cohérence et d’une meilleure efficacité dans la politique de préservation des mers et des océans. Encore faut-il que la renaissance d’un ministère de la Mer ne soit pas un feu de paille, à moins de deux ans de la fin d’un quinquennat. Compte tenu de l’urgence des enjeux et de la multiplication du nombre d’usages et d’usagers de la mer, les futures majorités, quelles que soient leurs couleurs politiques, devraient partager un consensus sur la nécessité de maintenir en place un ministère capable de mener des politiques de moyen et de long terme.

Inscrire le ministère de la mer dans la durée.

On ne peut que regretter par ailleurs que les moyens du ministère de la Mer soient aussi limités. La ministre de la Mer n’a aujourd’hui d’autorité que sur la direction des affaires maritimes (DAM) ([87]) (et sur l’Inspection générale des affaires maritimes). S’y ajoute seulement une autorité « conjointe » (avec le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation) sur la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture. S’agissant des autres administrations compétentes en matière de mers et océans, le décret d’attribution indique que la ministre peut simplement « disposer » d’un certain nombre d’entre elles. Tout ceci est très insuffisant pour permettre à la ministre de coordonner efficacement la floraison d’acteurs qui a été décrite plus haut et de devenir le grand « ensemblier » d’une politique maritime ambitieuse, en particulier en matière de lutte contre les pollutions.

Il ne s’agit pas certes de priver le SGMer de son rôle propre de coordination en matière maritime mais celui-ci doit porter, sous l’égide du Premier ministre, sur les aspects de souveraineté, de défense et de diplomatie. À défaut, la création d’un ministère de la Mer n’aura été, suivant une déplorable habitude française, que l’ajout d’une structure aux structures préexistantes déjà sédimentées. Pour réussir à mettre en œuvre une politique de la mer globale et cohérente et pouvoir porter la parole de la France au niveau européen et international, le ministère de la Mer a besoin d’une administration de la mer repensée, d’une véritable « direction générale de la mer » (DGM).

Donner au ministère de la Mer les moyens d’exercer ses missions en repensant et en construisant une véritable administration de la mer.

b.   Donner à l’État les moyens d’exercer ses missions de contrôle et d’intervention

L’action de l’État en mer est consacrée pour une large part aux enjeux de lutte contre les pollutions marines, et plus précisément au contrôle des activités en mer dans un but de protection de l’environnement marin. Ce contrôle vise à lutter non seulement contre la pêche illégale mais aussi, par exemple, contre les pollutions par hydrocarbures ou par produits dangereux.

Ce contrôle incombe en premier lieu aux préfets maritimes, dont l’action est animée par le SGMer. Investis du pouvoir de police générale, ils ont autorité dans tous les domaines où s’exerce l’action de l’État en mer, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement. Cette compétence s’étend sur l’ensemble des eaux de souveraineté et de juridiction françaises : eaux intérieures, mers territoriales et ZEE, mais également au-delà, dans les eaux internationales, notamment pour ce qui concerne la juridiction sur les navires battant pavillon français. Les préfets maritimes mobilisent les moyens de l’action de l’État en mer dans le cadre de plans de contrôle de l’environnement marin, établis pour chaque façade maritime, en concertation avec les services déconcentrés du ministère de la Transition écologique ([88]).

Depuis 2018, des objectifs de contrôle de l’environnement sont en effet définis par la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) et validés au cours des comités directeurs de la fonction garde-côtes (présidés par le SGMer ([89]), ces comités directeurs rassemblent l’ensemble des administrations concourant à l’action de l’État en mer). L’ensemble des administrations disposant de moyens nautiques contribue à ces contrôles. En 2020, les axes prioritaires de ces contrôles ont été ciblés sur le contrôle des aires marines protégées, la lutte contre le carénage ([90]) sauvage (en Manche-Est, mer du Nord et Sud-Atlantique), la lutte contre les mouillages sauvages (en Nord‑Atlantique, Manche-Ouest et Méditerranée) et la protection des espèces et habitats particulièrement sensibles.

Pour remplir leurs missions, les préfets maritimes ont notamment sous leur autorité opérationnelle les CROSS (centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage), à qui revient tout spécialement la surveillance des eaux. Les CROSS sont destinataires de tout signalement de pollution marine, quelle que soit sa source ([91]). Ils assurent entre autres une mission préventive de surveillance du trafic maritime, dite « VTS » (Vessel Trafic Service). Le rôle joué par les CROSS en matière de surveillance de la navigation maritime et de service d’assistance maritime est essentiel. Il se positionne en amont de l’événement de mer afin notamment de vérifier le respect des distances réglementaires par rapport au rivage des navires transportant des marchandises dangereuses et d’éviter tout risque d’échouement.

Les CROSS font partie des directions interrégionales de la mer (DIRM), services déconcentrés de l’État chargés de mettre en œuvre les politiques publiques dans le domaine de la mer (sécurité maritime, protection de l’environnement marin et gestion des ressources marines, développement durable et régulation des activités maritimes, enseignement maritime, surveillance et police maritimes).

Il est absolument impératif de préserver, et même d’accroître, les moyens des CROSS. Globalement, leurs effectifs ont connu une hausse jusqu’en 2010 pour absorber tant la professionnalisation des armées que la réorganisation du réseau de centres. Puis, à la faveur des évolutions technologiques, des redéploiements ont été mis en œuvre afin de permettre le renforcement des centres ultramarins mais aussi de contribuer au renforcement des centres spécialisés (Centre national de surveillance des pêches et Centre d’appui au contrôle de l’environnement marin). Dans le cadre du format d’emplois, les CROSS sont sous pression, depuis quelques années, pour contribuer à la baisse assignée des effectifs (en 2015, trois équivalents temps plein ont ainsi été supprimés) ([92]). Cette pression est d’autant plus source de difficultés que les missions des CROSS s’étendent sans cesse avec le renforcement des mesures de protection de l’environnement marin dans les zones déclarées comme particulièrement vulnérables et l’augmentation constante de l’activité opérationnelle de sauvetage et d’assistance en mer. Les opérations de sauvetage et d’assistance des migrants cherchant à rejoindre le Royaume-Uni dans le détroit du Pas-de-Calais ont ainsi fortement pesé sur l’activité du CROSS Gris-Nez. En 2020, celui-ci a coordonné 925 opérations impliquant des migrants contre 125 en 2019, soit une augmentation de 740 %. La tendance d’amplification exponentielle se poursuit en 2021.

 Préserver, puis augmenter, les moyens des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), et les autres moyens de l’État en mer.

Un autre pilier fondamental de l’action de l’État pour la protection de la mer est constitué par le plan Polmar (« Pollution Maritime »). Ce plan a été mis en place en 1978, à la suite de la catastrophe de l’Amoco Cadiz ([93]), puis renforcé après les accidents de l’Erika (1999) et du Prestige (2002), en vue de renforcer la coordination dans la lutte contre la pollution marine accidentelle. Le plan Polmar comprend un volet marin, dit « Polmar/Mer », déclenché par les préfets maritimes lorsqu’une intervention en mer est nécessaire, et un volet terrestre, dit « Polmar/Terre », mis en œuvre par les préfets des départements concernés, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, en cas de pollution importante sur le littoral ou menaçant d’atteindre celui-ci.

S’agissant du volet Polmar/Terre, la direction des affaires maritimes y contribue en maintenant opérationnels les moyens matériels (centres de stockage) et humains (formation et expertise auprès des acteurs en charge de la lutte contre les pollutions marines), en subventionnant le CEDRE ([94]) et en activant le fonds Polmar de crise, géré par la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB). Les treize centres de stockage de matériels (huit centres interdépartementaux en métropole et cinq centres outre-mer) permettent deux types d’intervention :

– une intervention « en prévention », avant l’arrivée des polluants, grâce à la pose de barrages flottants, de récupérateurs d’hydrocarbures et de bacs de stockage de déchets ;

– une intervention « curative », après l’arrivée des polluants sur le littoral, grâce à la mise à disposition d’équipements de protection individuelle et de matériels de nettoyage pour couvrir les premiers jours d’intervention dans l’attente de l’activation des marchés anticipés qui ont vocation à prendre le relais.

La direction des affaires maritimes a entrepris un chantier de modernisation, dit « Affaires maritimes 2022 » (AM 2022), qui prévoit notamment la modernisation du dispositif Polmar. Il a déjà abouti à la création en 2020 d’un pôle national d’expertise Polmar/Terre, situé à Brest. Il est essentiel là encore de préserver les moyens nécessaires à l’entretien régulier des bâtiments et des matériels des centres de stockage et au maintien des compétences des correspondants Polmar départementaux (chargés notamment de tenir à jour les volets Polmar/Terre de la planification Orsec départementale et d’organiser régulièrement des exercices d’entraînement et des formations locales).

Un troisième pilier de l’action de l’État en mer consiste dans le contrôle du respect des normes relatives aux navires. La direction des affaires maritimes pilote l’action des seize centres de sécurité des navires (CSN) ainsi que des sociétés habilitées de classification (ou de certification), qui sont chargés d’inspecter les navires français et étrangers afin de vérifier leur conformité aux exigences légales et réglementaires.

Les centres de sécurité des navires s’assurent que ceux-ci respectent bien les règles en vigueur. Les CSN peuvent à ce titre détenir des navires étrangers et réaliser des prises d’échantillons de combustible qui peuvent donner lieu à des condamnations. On compte annuellement plus de 650 contrôles spécifiques aux émissions atmosphériques causées par les navires.

Le contrôle par l’État du port – c’est-à‑dire la faculté pour un État d’inspecter un navire qui passe par ses ports – est un instrument puissant redouté par les armateurs, compte tenu de la faculté donnée aux fonctionnaires concernés d’aller jusqu’à l’immobilisation du navire en cas de non‑conformité.

c.   Compléter le renforcement des moyens par un recours aux avancées technologiques

Au regard de l’étendue de sa ZEE, qui s’étend sur près de 11 millions de km2, la France n’apparaît pas aujourd’hui au rendez-vous des moyens maritimes. À titre d’exemple, à Clipperton, un seul passage de navire de surveillance est réalisé par an. Le contrôle est certes particulièrement complexe dans les vastes espaces maritimes entourant nos territoires ultramarins où certaines ressources (halieutiques notamment) attirent des navires étrangers (dans les îles du Canal du Mozambique, à proximité des Terres australes et antarctiques françaises, au large de la Guyane, etc.). Le CROSS Sud Océan Indien assume ainsi la mission de surveillance des pollutions maritimes au moyen d’images satellites mais aucun moyen de surveillance aéroportée n’est disponible dans la zone, de sorte qu’il n’est pas possible de confirmer rapidement les suspicions de pollution.

Il est impératif de renforcer les moyens, notamment navals, de surveillance et d’intervention dans les eaux sous juridiction française afin de permettre une protection adéquate de nos eaux territoriales et de nos zones économiques exclusives.

Renforcer les moyens, notamment navals, de surveillance et d’intervention dans les eaux sous juridiction française.

Au-delà du volume des moyens à consacrer à la protection de notre ZEE, les avancées technologiques offrent de nouvelles capacités de suivi et d’analyse des pollutions et de leurs évolutions. Ces solutions technologiques sont déjà en partie mises en œuvre par la direction des affaires maritimes, notamment au travers des services maritimes intégrés de l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM). Elles doivent être généralisées.

Le recours aux drones de surveillance, par exemple, pourrait permettre de lutter plus efficacement contre les pollutions marines atmosphériques. Il existe un projet en cours d’utilisation de drones de détection des oxydes de soufre dans les gaz d’échappement (détection satellitaire SOx). La direction des affaires maritimes a ainsi deux programmes de tests de drones « renifleurs » capables de mesurer les émissions des navires et de vérifier leur conformité aux normes en vigueur. Une première expérimentation a eu lieu de septembre à décembre 2020. Ces programmes de recherches et de tests doivent être encouragés.

Les évolutions technologiques, rendant télé-opérables les équipements répartis dans les stations radioélectriques le long du littoral, ont aussi déjà conduit à une rationalisation de certains services techniques des CROSS métropolitains. C’est par exemple le cas pour le CROSS Ouessant, la tour radar du Stiff ([95]) ayant été automatisée.

L’usage de nouvelles technologies, liées notamment à la surveillance satellitaire et tendant à améliorer les capacités de détection, devrait ainsi compléter l’augmentation des moyens de contrôle de l’État.

S’appuyer sur les avancées technologiques pour améliorer la détection des pollutions marines, et encourager la recherche et le développement en ce sens.

2.   Protéger la biodiversité

a.   Poursuivre la création d’aires marines protégées

Si de grands progrès ont déjà été enregistrés en matière d’aires marines protégées, ceux-ci doivent néanmoins être amplifiés. Rappelons en effet que les aires marines protégées peuvent revêtir des statuts très différents, dont certains sont peu protecteurs. Ainsi les parcs naturels marins, qui représentent une surface très importante à ce jour, constituent plus des outils de gestion que de protection stricte. Les AMP sous Protection Natura 2000 n’ont pas quant à elles de documents d’objectifs. Les zones en protection forte, c’est-à-dire où la réglementation a pour effet de supprimer réellement les pressions des activités sur le milieu, sont en nombre encore insuffisant. Seuls les RNN (réserves naturelles nationales), les Cœurs de Parc Nationaux et les arrêtés de protection de biotope sont considérés comme offrant des protections fortes.

Le Président de la République a annoncé, à l’occasion du One Planet Summit qui s’est tenu le 11 janvier 2021 à Paris, l’adoption d’une nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) pour les dix ans à venir. Elle ambitionne de protéger 30 % des espaces naturels nationaux (territoire national et espaces maritimes sous juridiction) d’ici 2030, dont 10 % en protection renforcée. Actuellement, seulement 1,8 % de ces espaces sont sous protection forte.

Cette stratégie intègre à la fois les enjeux terrestres et maritimes. Elle intègre les objectifs du Plan d’actions pour la protection des récifs coralliens des outre-mer français (visant à protéger 100 % des récifs coralliens d’ici à 2025). Les territoires d’outre-mer ont été associés à l’élaboration de cette stratégie. Ainsi, le premier plan d’actions triennal (2021-2023) de la SNAP prévoit d’étendre la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sur l’ensemble des eaux marines de Crozet, Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam et d’améliorer le niveau de protection d’une partie de la réserve existante. Il prévoit aussi de transformer le parc naturel marin des Glorieuses en réserve naturelle nationale. Le décret classant les Îles Glorieuses comme réserve naturelle nationale (et plaçant une partie de leurs eaux territoriales en protection forte) a d’ailleurs été publié le 10 juin 2021. Le plan d’action triennal prévoit enfin de compléter le réseau d’aires protégées dans les Éparses, y compris en termes de protections fortes, en étendant le réseau actuel aux parties terrestres et marines de Bassas da India, Europa, Tromelin et Juan de Nova Pilote (d’ici à 2022). Ces projets permettront d’ajouter 1 million de km² au réseau d’aires marines protégées existants. Le secrétaire général de la mer travaille à la mise en œuvre de la Stratégie nationale, qu’il s’agisse des zones géographiques concernées ou du statut juridique à retenir. Plusieurs projets de création de nouvelles aires marines sont actuellement à l’étude.

Il importe que les objectifs de 30 % de protection, et de 10 % de protection forte, annoncés par le Président de la République, soient mis en œuvre avec honnêteté. Il est tout à fait légitime de renforcer les zones protégées dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), compte tenu de la magnifique biodiversité qu’elles recèlent. Cela ne doit pas dispenser pour autant de renforcer la protection, et surtout la protection forte, en Méditerranée, sur la façade atlantique, en Mer du Nord, etc., en dépit des difficultés que cela implique, faute de quoi les ambitieux objectifs précités perdraient largement de leur sens.

Augmenter le nombre, la surface et le niveau de protection des aires marines protégées dans les eaux sous juridiction française.

b.   Mieux lutter contre l’eutrophisation et l’artificialisation

La prise en compte des interfaces terre-mer dans les stratégies de gestion et de conservation du milieu marin constitue un enjeu complémentaire du précédent. La problématique de l’eutrophisation se rattache à celle du déversement dans l’océan des pollutions d’origine terrestre, essentiellement agricoles. Elle doit donc être abordée avec le monde agricole pour inciter à des changements de pratiques en lien avec l’agriculture biologique, l’agroécologie et l’agroforesterie.

Le récent rapport d’information du sénateur Bernard Delcros sur le financement de la lutte contre les algues vertes ([96]) propose à cet égard plusieurs pistes intéressantes. Il recommande par exemple de conditionner, dans les zones les plus à risques, les aides soutenant les jeunes agriculteurs pour leur première installation à des engagements visant à la mise en œuvre de pratiques vertueuses, notamment concernant l’épandage, ou encore d’organiser un schéma de transmission du foncier axé sur le respect de priorités environnementales.

L’artificialisation (c’est-à-dire pour l’essentiel l’urbanisation) du littoral entraîne elle aussi des phénomènes d’eutrophisation, en particulier si elle n’est pas suffisamment accompagnée de systèmes efficaces de traitement et d’assainissement des eaux usées. Le régime de la fiscalité du foncier non bâti en zone littorale est souvent jugé favorable à l’artificialisation et mériterait d’être revu.

3.   Amplifier la réponse à la pollution plastique

a.   Accélérer la sortie du tout-plastique

Il n’existe pas de solution viable et efficace pour « nettoyer » les mers, c’est‑à-dire pour y récupérer les déchets plastiques. Une fois que le plastique est dans l’océan, le mal est fait. Un parallèle peut ici être dressé avec la chlordécone utilisée pendant des décennies dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. Cet insecticide a empoisonné les sols, les rivières et la mer pour des siècles et les environnements concernés ne pourront être dépollués ni facilement ni rapidement. C’est donc en amont que la réponse à la pollution des mers doit intervenir. L’accent doit être mis sur la prévention des déchets plastiques à la source.

Depuis dix ans, la France a pris une série de mesures législatives visant à réduire l’utilisation des plastiques à usage unique et des microplastiques, à responsabiliser les producteurs, à mieux informer les consommateurs et à promouvoir le réemploi. Plusieurs étapes ont jalonné cet effort. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([97]) a interdit, à compter du 1er janvier 2016, les sacs de caisse en matières plastiques à usage unique destinés à l’emballage de marchandises au point de vente. Elle a également mis fin, à partir du 1er janvier 2020, à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables de manière domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées.

La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ([98]) a interdit, à compter du 1er janvier 2020, la mise sur le marché des bâtonnets ouatés à usage domestique dont la tige est en plastique. Elle a également mis fin, à partir du 1er janvier 2018, à la mise sur le marché de produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides.

La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales entre le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi EGalim) ([99]) a interdit, au plus tard au 1er janvier 2020, l’utilisation de bouteilles d’eau plate en plastique dans les cantines scolaires. Elle a également mis fin, au plus tard au 1er janvier 2025, à l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC ([100])) fixe un objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025 ainsi que la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Elle vise à rendre obligatoire d’ici 2025 un filtre à microfibres plastiques sur les lave-linge neufs. Par ailleurs, au 1er janvier 2022, les sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels devront être dotés d’équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l’environnement, et feront à ce titre l’objet d’inspections régulières par des organismes indépendants. Cette loi transpose aussi partiellement la directive européenne du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires ([101]).

Deux documents ont par ailleurs été adoptés en vue de mieux lutter, en particulier, contre la pollution plastique des océans. Le premier est le plan Biodiversité présenté par le Gouvernement en juillet 2018. Ce plan fixe un objectif de zéro plastique rejeté en mer à l’horizon 2025. Pour atteindre cet objectif, une feuille de route (dite « plan d’actions zéro plastique en mer (2020-2025) »), décline 35 actions réparties autour de quatre axes : prévention des pollutions plastiques en amont, lutte contre les déchets dans les cours d’eau, eaux usées et eaux pluviales, lutte contre les déchets plastiques sur le littoral et en mer, et sensibilisation, information et éducation.

Le second document est le « pacte national sur les emballages plastiques », signé en février 2019 entre le Gouvernement français, plusieurs entreprises, la Fondation Tara Expéditions et WWF France, avec le soutien de la Fondation Ellen MacArthur ([102]). Les signataires s’engagent à établir une liste des emballages « problématiques ou inutiles » pour lesquels des mesures d’élimination devront être prises, à atteindre collectivement un taux de 60 % d’emballages plastiques recyclés d’ici à 2022, à « éco-concevoir » les emballages pour les rendre réutilisables, recyclables ou compostables à 100 % d’ici à 2025, et enfin à mener des actions de sensibilisation et de pédagogie auprès du grand public sur les enjeux de la pollution plastique.

S’il faut saluer ces avancées, elles n’en doivent pas moins être confirmées et prolongées. La crise de la Covid–19 et l’utilisation massive de masques jetables ont en effet inauguré une forme de retour du plastique. Les progrès enregistrés depuis dix ans pourraient donc être amplifiés selon trois axes.

Tout d’abord, sachant que la question du plastique touche à celle du modèle de développement économique, l’objectif doit être de tendre vers une économie de type circulaire. Cela implique de travailler avec les industries et les entreprises concernées, y compris dans le secteur de la grande consommation, en recourant notamment à l’outil fiscal. Un chantier législatif doit être ouvert sur les enjeux de fiscalité environnementale en vue d’avoir une fiscalité plus incitative sur la limitation des déchets et de multiplier les clauses d’éco-conditionnalités (pour bénéficier d’aides publiques, de déductions fiscales, etc.).

Encourager le développement d’une économie circulaire, en recourant notamment aux incitations fiscales en direction des entreprises et des industries.

Ensuite, de nombreux progrès restent à accomplir en matière de gestion, de collecte, de traitement et de recyclage des déchets plastiques, ce qui suppose des investissements adéquats. Aujourd’hui, les déchets non collectés se retrouvent dans la rue puis, portés par le vent, finissent dans l’eau des fleuves et des mers. L’océan est le réceptacle final. Tout ce qui n’est pas trié à terre atterrit dans le milieu marin.

Améliorer le processus de collecte, de transport, de stockage et de traitement des déchets plastiques.

Enfin, la mobilisation de la société civile ne doit pas fléchir, même en un temps de crise sanitaire, économique et sociale. C’est pourquoi il importe de travailler sur l’éducation, la formation et la sensibilisation du public aux enjeux des déchets marins et de promouvoir des pratiques durables. Il s’agit profondément d’encourager un changement des modes de consommation.

Renforcer les actions de sensibilisation du public sur la consommation durable et l’amélioration de la gestion des déchets.

b.   Encourager la recherche pour développer des alternatives

En l’état de nos connaissances, une partie du plastique ne se remplace pas. Tout l’enjeu est de trouver une alternative au plastique traditionnel en vue notamment de créer des emballages « inoffensifs ». Il existe déjà des essais de plastique biosourcé fabriqué à partir d’algues et des recherches à partir d’autres êtres vivants.

Ceci nécessite un effort de recherche et développement en vue de remplacer progressivement le plastique traditionnel par des substituts. L’État a ici un rôle à jouer pour encourager et financer ce type de recherches, comme l’a rappelé Julien Rochette, directeur du programme Océan de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), lors de son audition. Ces recherches ne doivent d’ailleurs pas se limiter aux alternatives au plastique mais doivent également viser à améliorer les connaissances sur les sources du plastique et leur impact sur l’environnement, la biodiversité et la santé humaine.

Encourager la recherche sur le plastique et ses alternatives, et partager les résultats de cette recherche avec les États en développement.

4.   Prendre appui sur nos outre-mer

Les outre-mer français sont à la fois des victimes de la pollution des mers et des atouts pour y répondre.

Les territoires ultramarins sont particulièrement touchés par la pollution des océans. Ils se trouvent en première ligne face aux impacts du changement climatique : cyclones de plus en plus violents et fréquents, montée et acidification des eaux, perte de biodiversité, inondations, sécheresses, etc. La pollution représente une menace pour la biodiversité souvent extraordinaire que l’on trouve dans les outre-mer, pour leurs réserves halieutiques et pour les récifs coralliens. Le phénomène des sargasses représente aussi un fléau persistant pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

La problématique des déchets plastiques y est aussi fortement présente. Sur l’île de Moorea en Polynésie Française, selon une étude récente, 21 % des 133 poissons étudiés avaient ingéré des micro-plastiques. À Mayotte, l’essentiel de la pollution provient de l’activité anthropique, des produits chimiques relativement classiques, des pollutions plastiques, des parabènes, des anticorrosifs et des substances liées aux anti-moustiques. On estime que seulement 30 % de la population de Mayotte est raccordée à un réseau d’assainissement. 80 % des effluents y sont rejetés directement dans le milieu naturel, terrestre ou maritime, sans traitement. Dans ces eaux rejetées, on trouve des produits pharmaceutiques comme le paracétamol, le métoprolol ou des substances de la vie courante telles que la caféine. La moyenne des personnes reliées à un réseau d’assainissement collectif est de 44 % en Guadeloupe, 41 % en Martinique et 52 % à La Réunion.

En même temps, ces territoires ultramarins offrent à la France la possibilité irremplaçable de nouer un lien particulier avec les « petits » États insulaires, qu’ils soient situés dans l’océan Indien, dans le Pacifique ou dans l’Atlantique. Ces États peuvent avoir un poids international important lorsqu’ils conjuguent leurs voix. Présente sur quasiment tous les océans, la France entretient des rapports spéciaux avec ces États insulaires. En raison de ses départements et collectivités d’outre‑mer ([103]), elle partage avec eux des atouts identiques (une biodiversité remarquable) et doit relever en même temps des défis du même ordre. Il en va ainsi des pressions exercées sur le milieu marin par l’activité touristique et de la difficulté à mettre en place des infrastructures adéquates pour la filière de gestion et de recyclage des déchets. Ces problématiques similaires peuvent faciliter l’émergence d’une position commune entre la France et ces États en termes de prévention et de réduction des déchets, et notamment des produits plastiques à usage unique, dans le cadre des conventions de mer régionales et à l’ONU. La France est en mesure de mener avec eux un dialogue approfondi sur les modèles à retenir en matière de protection de l’environnement marin et sur les solutions à construire.

Il est essentiel pour la France de travailler davantage en lien avec ces États insulaires, de les associer au sein d’une approche commune dans les négociations internationales, de les amener à se positionner sur les grands sujets qui font débat (haute mer, plastique, etc.) et de se concerter avec eux en vue de développer des plans d’action concrets. Un certain nombre d’entre eux étant des États en développement, ils doivent aussi figurer dans les priorités de notre aide publique au développement.

La proximité de fait entre les « petits » États insulaires et la France est un exemple de l’atout majeur que représentent pour notre pays les départements et collectivités d’outre-mer. Ces sont des territoires stratégiques, au cœur d’enjeux majeurs de préservation de la biodiversité et des ressources halieutiques. Il y a là des enjeux de souveraineté, notamment dans le Pacifique où de fortes réserves halieutiques excitent l’appétit de pays comme la Chine ou l’Inde. Réservoirs inestimables de biodiversité et ponts avec de multiples pays sur tous les continents et tous les océans, nos outre-mer doivent constituer l’un des piliers de la politique française de préservation de l’environnement marin.

Faire des outre-mer l’un des piliers de la politique française de préservation de l’environnement marin et s’appuyer, dans les négociations internationales et dans l’élaboration de plans d’action régionaux, sur les petits États insulaires avec lesquels la France partage des problématiques communes.

B.   en europe, placer l’océan au cœur du pacte vert

Un Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) a été présenté par la Commission européenne en décembre 2019. Il vise à promouvoir l’utilisation efficace des ressources en passant à une économie propre et circulaire, à restaurer la biodiversité et à réduire la pollution. Cette présentation a été suivie de celle d’un plan d’action en faveur de l’économie circulaire en mars 2020, puis, au mois de mai suivant, d’une stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030. Cette stratégie fixe un objectif de protection de 30 % de la superficie marine de l’Union d’ici à 2030. Le 12 mai 2021, la Commission a adopté un plan d’action intitulé « Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols », qui définit plusieurs objectifs pour 2030, et notamment celui de réduire de moitié les déchets plastiques en mer et de 30 % les microplastiques libérés dans l’environnement. Les engagements que l’Union européenne se donne ainsi guideront sa position lors de la quinzième réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui se tiendra en Chine en octobre 2021.

La France doit œuvrer pour que la plus grande place possible soit donnée à l’océan au sein de ce pacte vert et de ses différentes déclinaisons. Trois types d’initiative doivent ici être particulièrement soutenues, celle tendant à restreindre les microplastiques, celle visant à décarboner le transport maritime et celle ayant pour objet le renforcement des sanctions applicables aux navires responsables de pollutions.

1.   Appuyer les efforts européens tendant à restreindre les microplastiques

L’adoption, à la suite d’un processus législatif d’une grande célérité, de la directive européenne du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement ([104]), dite directive « Single Use Plastics » (SUP), a représenté une percée ([105]). Cette directive demande aux États membres d’adopter et de mettre en œuvre des restrictions à la mise sur le marché des produits en plastique à usage unique et des mesures relatives à leur collecte et à leur traitement après usage. La directive interdit, à partir du 3 juillet 2021, de mettre sur le marché des cotons‑tiges, des couverts, des assiettes, des pailles, des bâtonnets mélangeurs, des tiges de ballons de baudruche, des récipients pour aliments et des récipients pour boissons en polystyrène expansé. Elle fixe aux États membres un objectif de collecte de 90 % des bouteilles en plastique d’ici à 2029 et met en place de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur (REP) ([106]) pour de nombreux produits.

Cette directive, qui proscrit ainsi l’utilisation de certains objets en plastique à usage unique, a d’abord été conçue pour lutter contre la pollution marine. Tout ce qui est jeté sans être collecté ou traité se retrouve en effet, d’une façon ou d’une autre, dans la mer. C’est là tout l’enjeu, mais aussi la difficulté, de traiter à la source le problème de la pollution marine. La directive SUP s’inscrit dans le prolongement de la stratégie européenne sur les matières plastiques, adoptée le 16 janvier 2018, qui prévoit notamment de rendre tous les emballages plastiques sur le marché européen recyclables ou réutilisables d’ici à 2030.

La directive SUP est venue utilement compléter la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets ([107]) qui instituait un cadre légal pour le traitement des déchets dans l’Union européenne. Cette directive impose notamment aux autorités nationales compétentes d’établir des plans de gestion des déchets et des programmes de prévention des déchets et prévoit que les producteurs ou détenteurs de déchets doivent procéder eux-mêmes à leur traitement ou le faire faire par un exploitant reconnu officiellement. De façon concrète, la Commission européenne a mis en place en 2015 un plan d’action en faveur de l’économie circulaire, remplacé en 2020 par un nouveau plan d’action, qui constitue l’un des principaux éléments du pacte vert. L’objectif de ces plans est de favoriser la réutilisation, le recyclage, la réparation et la promotion de matériaux plus durables et non toxiques, afin de diminuer la quantité de déchets engendrés.

Parallèlement à l’avancée de sa législation sur les plastiques à usage unique, l’Union européenne a exprimé son intention d’agir en faveur de la réduction des microplastiques. En 2017, la Commission européenne a demandé à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) d’évaluer les données scientifiques disponibles dans le but de prendre des mesures réglementaires au niveau de l’Union sur les microplastiques qui sont intentionnellement ajoutés aux produits. En janvier 2019, l’ECHA a proposé une restriction de grande ampleur pour les microplastiques dans les produits mis sur le marché de l’Union européenne afin d’éviter ou de réduire leur rejet dans l’environnement. Cette proposition devrait permettre d’éviter le rejet de 500 000 tonnes de microplastiques sur une période de vingt ans. Le comité d’évaluation des risques (CER) et le comité d’analyse socio-économique (CASE) de l’ECHA ont été consultés. Dans son avis de juin 2020, le CER a soutenu la proposition tout en recommandant une interdiction après une période de transition de six ans pour les microplastiques utilisés comme matériau de remplissage sur les terrains en gazon artificiel. Le CER a également conclu que la taille limite inférieure de 100 nanomètres (nm) pour la restriction des microplastiques, telle que l’avait proposé l’ECHA, n’était pas nécessaire pour sa mise en œuvre et n’a recommandé aucune taille limite inférieure.

C’est à présent à la Commission européenne d’élaborer sa proposition en tenant compte à la fois du rapport de l’ECHA et de l’avis des comités. Cette proposition sera connue prochainement. Elle visera à modifier la liste des substances faisant l’objet de restrictions en vertu de l’annexe XVII du règlement dit « REACH ([108]) » du 18 décembre 2006 ([109]). Cette proposition sera soumise au vote des États membres (procédure de comitologie), puis le Parlement européen disposera de la possibilité de s’opposer à cette proposition. La proposition de la Commission européenne pourrait donc être définitivement adoptée d’ici à la fin de 2021 ou au début de 2022.

Compte tenu des enjeux en cause, il est du devoir de la France de favoriser de son mieux l’adoption de cette proposition et de lui conserver le caractère le plus ambitieux possible alors que des groupes d’intérêts industriels pourraient être tentés d’influer pour en amoindrir la portée.

Appuyer l’initiative de la Commission européenne tendant à restreindre les microplastiques.

2.   Soutenir les initiatives de l’Union visant à décarboner le transport maritime

La Commission européenne a présenté, le 17 mai 2021, une « stratégie pour une économie bleue durable dans l’Union européenne » dans laquelle elle appelle notamment à la décarbonation du transport maritime. Le secteur maritime est un des secteurs qui ont été le moins réglementés sur le plan européen alors même que le transport maritime et les ports jouent un rôle essentiel dans l’Union européenne. Pas moins de 90 % des marchandises y arrivent en effet par la voie maritime. La décarbonation des mers est également une ambition forte portée par la Mission « Étoile de Mer 2030 » (présidée par Pascal Lamy), créée par la Commission européenne dans le cadre de son programme Horizon Europe ([110]).

Comme la Commission le précise dans sa communication, « la décarbonation du transport maritime (et des opérations de pêche) réduira non seulement les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la pollution de l’air et de l’eau et la pollution sonore sous-marine, tout en ouvrant de nouvelles perspectives économiques ([111]) ». La Commission rappelle aussi que « la communication de 2020 sur une stratégie de mobilité durable et intelligente fixe pour objectif de mettre sur le marché les premiers navires à zéro émission d’ici à 2030 et de décarboner le transport maritime grâce à un ensemble de mesures clairement définies. Il s’agit notamment, lors de la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, d’étendre éventuellement le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne au transport maritime et d’aligner la taxation des produits énergétiques sur les politiques de l’Union en matière d’énergie et de climat. La Commission envisage également de profiter de la révision en cours de la directive relative aux bateaux de plaisance pour y intégrer de nouveaux systèmes de propulsion et de réviser la directive relative à la pollution par les navires. »

La Commission souhaite stimuler la production et l’adoption de carburants renouvelables et à faible teneur en carbone (tels que l’hydrogène et les carburants à base d’hydrogène, les biocarburants, les carburants de synthèse, l’électricité et d’autres énergies durables telles que l’énergie éolienne). Elle souhaite aussi encourager l’utilisation de l’alimentation électrique terrestre pour les navires à quai. Le règlement RTE-T du 11 décembre 2013 ([112]) et la directive du 22 octobre 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs ([113]) seront révisés dans ce but.

Par ailleurs, dans le cadre de son plan d’action « zéro pollution », la Commission prévoit de s’appuyer sur le succès des zones de contrôle des émissions (zones ECA ([114])) qui existent déjà dans les eaux de l’Union pour convaincre ses partenaires de créer de telles zones en mer Méditerranée en vue de réduire respectivement de 80 % et de 20 %, dans un délai de dix ans, les émissions atmosphériques de dioxyde de soufre (SO2([115]) et d’oxyde d’azote (NOx) provenant du transport maritime international. Elle agira aussi en vue d’entamer des travaux similaires en ce qui concerne la mer Noire.

Ces initiatives s’inspirent en partie des conclusions du rapport remis le 7 octobre 2020 par Mme Karima Delli, présidente de la commission transports et tourisme du Parlement européen, sur la décarbonation du secteur maritime. Ce rapport ([116]) propose à la Commission une série de mesures pour accompagner le secteur maritime dans sa transition écologique et dans sa contribution à la lutte contre le changement climatique. Il préconise en particulier l’interdiction progressive du fuel lourd, l’augmentation des financements pour les bateaux cargo à voile, une stratégie sur les ports à zéro émission, la création d’une zone de contrôle des émissions (zone ECA) en Méditerranée et le renforcement des financements pour les énergies renouvelables.

Il est essentiel que la France promeuve, dans les différentes instances européennes, l’ensemble de ces initiatives tendant à rendre plus écologiques les transports maritimes et les installations portuaires.

Soutenir les initiatives européennes tendant à décarboner le transport maritime et les installations portuaires.

3.   Encourager le projet de renforcement des sanctions applicables aux navires responsables de pollutions

La Commission européenne envisage de réviser les règles relatives aux sanctions applicables aux navires responsables de pollutions. C’est pourquoi l’exécutif européen a lancé une consultation sur un projet de révision de la directive du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions ([117]).

La consultation porte sur l’opportunité de mettre ce texte en conformité avec la directive du 17 avril 2019 qui fait obligation aux navires de déposer leurs déchets dans les ports ([118]). Elle porte en particulier sur une éventuelle extension de son champ d’application aux dispositions de la convention MARPOL interdisant le rejet de certains types de déchets par les navires.

La consultation vise aussi à déterminer si les dispositions pénales de la directive du 7 septembre 2005 ne devraient pas être transférées dans la directive du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal ([119]), également en cours de révision.

Soutenir le projet de la Commission européenne de renforcement des sanctions applicables aux navires à l’origine de pollutions.

 

C.   À l’international, compléter les instruments juridiques et les faire appliquer

1.   Compléter les normes de l’OMI

En dépit des progrès réalisés, les risques environnementaux liés au transport maritime n’ont pas disparu, comme l’a démontré l’échouage du cargo MV Wakashio le 25 juillet 2020 au large de l’île Maurice et la marée noire qui en a résulté. Le transport maritime exerce une pression majeure sur les mers et océans, du fait de l’intensité et de l’augmentation exponentielle du trafic. Plus de 90 % des échanges mondiaux des marchandises passent aujourd’hui par la voie maritime. Dans ce contexte, l’enjeu pour l’Organisation maritime internationale (OMI) est de continuer à se « verdir ».

Il importe tout d’abord de compléter les normes de l’OMI en matière de perte de conteneurs ([120]), s’agissant notamment de leur traçabilité. La majorité des marchandises qui transitent aujourd'hui passent par les conteneurs. Chaque année, 226 millions de conteneurs circulent sur les mers dont 6 millions contenant des matières dangereuses ([121]). Désormais, des porte-conteneurs peuvent transporter jusqu'à 24 000 boîtes. Or, de nombreux conteneurs sont perdus ou jetés chaque année en mer, notamment en cas de tempête, mais également lorsqu’ils sont mal arrimés. Il existe certes depuis 2017 une obligation internationale de signaler la perte en mer de conteneur, mais sans obligation de traçabilité de ce dernier. Le World Shipping Council (instance qui représente les compagnies de transport maritime) évalue à 1 382 le nombre de conteneurs perdus chaque année. Ce chiffre est sans doute sous-estimé. Il s’élèverait à environ 5 000, voire 10 000, conteneurs par an. Pour lutter contre ce phénomène, la France promeut actuellement à l’OMI une stratégie de sécurisation et de traçabilité des conteneurs. La direction des affaires maritimes a ainsi déposé auprès de l’organisation une proposition relative à la lutte contre la perte des conteneurs en mer. Cette proposition doit être poussée et suivie.

Renforcer la réglementation de l’OMI tendant à lutter contre la perte de conteneurs en mer.

Le deuxième domaine dans lequel la réglementation de l’OMI doit être complétée est celui de la pollution sonore. En 2014, l’OMI a adopté des directives visant à réduire le bruit sous-marin issu des navires de commerce, pour atténuer leurs incidences néfastes sur la faune marine. Ces textes se sont concentrés sur les principales sources de bruit sous-marin, c’est-à-dire les hélices, la forme de la coque, les machines se trouvant à bord et les autres aspects liés à l’exploitation et à l’entretien, comme le nettoyage de la coque. La France, par le biais de la direction des affaires maritimes, a soutenu en avril 2018, en lien avec le Canada, une proposition de réglementation tendant à refondre les directives sur le bruit sous‑marin en y incluant davantage de mesures opérationnelles. Il existe toutefois des réticences au sein de certaines délégations qui préconisent plutôt de poursuivre les recherches scientifiques afin de mieux comprendre l’incidence des bruits sous‑marins provenant des transports maritimes par rapport à celle des bruits sous‑marins provenant d’autres sources. La France coordonne un groupe de travail consacré à cette problématique. La Commission européenne s’est par ailleurs emparée du sujet en 2020. Le projet sur les bruits sous-marins a été examiné en coordination européenne et repris par l’ensemble des États membres. Il devrait être examiné lors de la prochaine réunion du Comité de la protection du milieu marin (MEPC), réunion reportée en raison de la crise sanitaire.

Finaliser la réglementation de l’OMI visant à lutter contre la pollution sonore en milieu marin.

Il existe un troisième domaine où les normes de l’OMI pourraient être renforcées. Il s’agit de celui des systèmes de surveillance et de contrôle des navires visant à limiter les dégazages et les déballastages « sauvages ». Le déballastage consiste en une vidange de l’eau de mer contenue dans les ballasts. L’eau de mer, pompée à un endroit du globe et vidangée dans un autre, peut en effet provoquer le transfert d’espèces invasives dans un écosystème.

Renforcer la réglementation de l’OMI tendant à la surveillance et au contrôle des navires afin de limiter les dégazages et déballastages « sauvages ».

En quatrième lieu, le transport maritime contribue de manière importante à la pollution de l’air. Le transport maritime international émet environ 940 millions de tonnes de CO2 par an et est responsable d’approximativement 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Selon France Nature Environnement (FNE), la pollution de l’air due au transport maritime causerait chaque année en Europe 70 000 morts prématurées et 68 milliards d’euros de coûts aux services de santé devant prendre en charge les problèmes respiratoires dans les villes portuaires. Afin de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport maritime, une déclaration, dite « Tony deBrum ([122]) », a été rédigée à l’initiative de la France et signée par 34 États lors du One Planet Summit du 12 décembre 2017 à Paris. Dans la continuité de l’Accord de Paris, elle fixe des objectifs ambitieux en matière de décarbonation du transport maritime. L’Union européenne s’est également penchée sur le sujet.

Il appartient désormais à l’OMI de se saisir pleinement de cette problématique. L’organisation a déjà établi, avec le soutien de la France, un certain nombre de normes relatives aux émissions de gaz à effet de serre par les navires, en particulier des règles très strictes, entrées en vigueur le 1er janvier 2020, visant à diminuer les émanations de soufre. Il lui faut maintenant porter toute son attention à la contribution de l’industrie maritime aux émissions de gaz carbonique (dioxyde de carbone ou CO2), et donc au changement climatique. Des discussions sont en cours au MEPC sur la réduction des émissions de CO2 mais se révèlent plus lentes et complexes que pour les émanations de soufre.

Faire adopter à l’OMI des normes ambitieuses encadrant les émissions de CO2 par les navires.

La raison majeure du rejet important de gaz à effet de serre par les navires tient à l’utilisation du fuel lourd comme carburant. Même à quai, les navires brûlent ce déchet non raffiné, particulièrement polluant, afin d’être alimentés en énergie. Il y a donc des améliorations à réaliser dans la mise en place d’équipement alternatifs des navires, permettant d’utiliser comme carburant du gaz naturel liquéfié (GNL), ou de l’hydrogène, plutôt que du fuel lourd.

Promouvoir à l’OMI une réglementation encourageant l’utilisation comme carburant par les navires du gaz naturel liquéfié (GNL) ou de l’hydrogène, de préférence au fuel lourd.

Comme le montrent les exemples qui viennent d’être cités, l’OMI constituera une enceinte essentielle pour faire avancer la protection de l’environnement marin au cours des prochaines années. Rappelons que l’influence respective des États membres au sein de cette organisation dépend en grande partie de leurs contributions à son budget, elles-mêmes proportionnelles au tonnage de la flotte marchande de chaque pays. Les États qui comptent sont d’abord ceux qui ont une flotte importante, tels que le Panama, les Îles Marshall, le Libéria, Singapour, Malte, la Chine, les Bahamas, etc., la France se situant approximativement au vingtième rang. Notre pays a été membre sans interruption du Conseil de l’OMI depuis 1948. L’actuel secrétaire général, le sud‑coréen Ki-tack Lim, qui effectue son deuxième mandat à la tête de l’OMI, est un appui pour la France dont il partage nombre de vues. On compte une vingtaine de Français parmi les quelque 300 fonctionnaires internationaux de l’organisation. Il est essentiel que la France, qui dispose donc déjà d’atouts, s’efforce de renforcer encore son poids et son activité au sein de l’OMI pour y faire avancer les dossiers mentionnés plus haut et y porter de hautes ambitions pour la protection de l’environnement marin. Les services et les moyens notamment humains dont dispose notre ambassadrice, représentante permanente auprès de l’OMI, pourraient être renforcés à cette fin.

Renforcer le poids et l’influence de la France au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI).

2.   Finaliser le traité sur la haute mer

Une négociation est actuellement menée à New York, dans le cadre de l’ONU, visant à conclure un « accord pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des eaux sous juridiction ». Cette négociation est connue sous le nom de « processus BBNJ » (Biodiversity Beyond National Jurisdiction). Elle se veut un prolongement de la Convention de Montego Bay. Ce processus est issu d’un rapport rédigé en 2015 par un groupe ad hoc mis en place par l’Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci a conclu, au vu de ce rapport, à la nécessité d’une négociation internationale en vue de l’élaboration d’un traité sur la haute mer. Trois sessions de négociations ont déjà eu lieu. La crise de la Covid‑19 a entraîné leur interruption. Une nouvelle session est prévue pour le mois d’août 2021, sachant qu’une cinquième se révélera peut-être nécessaire. Il est permis d’espérer qu’en 2021, ou au plus tard en 2022, les parties puissent aboutir à un accord.

La haute mer est constituée des espaces maritimes situés au-delà des mers territoriales et des ZEE, c’est-à-dire au-delà de 200 milles nautiques (370 km). Elle représente à peu près la moitié de la planète. Elle est constituée d’une colonne d’eau mais aussi d’un sol et d’un sous-sol. Il s’agit d’un espace non pas dénué de règles juridiques, mais dont les règles juridiques apparaissent aujourd’hui dépassées. La Convention de Montego Bay pose le principe de la liberté en haute mer donnée à tous les États, côtiers ou sans littoral (art. 87), liberté incluant la navigation, le survol, la pose de câbles sous-marins et de tubes, la pêche ou encore la recherche scientifique. Ces règles remontent aux années 1980, époque où l’on disposait de peu de connaissances sur la biodiversité en haute mer et où l’on considérait cette dernière comme un vaste désert. On sait désormais que la vie peut se développer au-delà de la photosynthèse ([123]) et que la biodiversité en haute mer est exceptionnelle. De la même façon, il n’y a eu longtemps en haute mer que peu d’activités, faute de moyens techniques adaptés. L’apparition de nouvelles technologies, dans un contexte d’amenuisement des ressources de la pêche sur les côtes, a démultiplié l’intérêt pour exploiter les ressources de la haute mer.

Les négociations en cours suscitent une adhésion plus ou moins grande de la part des principaux acteurs internationaux, qui divergent donc sur le contenu à donner au futur accord. Des organisations internationales, telles que l’OMI, l’AIFM ou la CCAMLR, ne montrent qu’un enthousiasme modéré, par crainte peut-être que le nouveau traité n’empiète sur leurs propres compétences. Elles poussent donc à un accord a minima. Certains États, tels que la Russie et l’Islande, sont aussi assez réticents. D’autres États paraissent surtout intéressés à conserver une forme de pouvoir régional sur les mers qui les entourent (Canada, Australie, Nouvelle‑Zélande et Norvège). La position des États-Unis (très en pointe à l’ère du président Obama, en retrait sous l’administration Trump) est encore incertaine à ce jour. Le Royaume‑Uni, Monaco et les petits États insulaires du Pacifique et des Caraïbes figurent parmi les acteurs les plus favorables à l’accord, de même que l’Union européenne. Celle-ci affirmait en effet le 20 mai 2020, par la voix de la Commission européenne : « Conformément au programme de gouvernance internationale des océans, l’Union appuiera la conclusion (…) d’un accord ambitieux juridiquement contraignant sur la biodiversité marine des zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale. Cet accord devra définir au niveau mondial des procédures claires pour l’identification, la désignation et la gestion efficace des zones marines protégées écologiquement représentatives qui sont situées en haute mer. Il importe qu’il soit ratifié et mis en œuvre dès que possible ([124]). » L’Union européenne s’exprime dans ces négociations d’une seule voix, après mise au point d’une position commune entre les 27 États membres et la Commission.

De leur côté, tenantes d’une position maximaliste, les ONG de protection de l’environnement, qui sont associées aux négociations (mais pas à la prise de décision), vont jusqu’à vouloir faire de la mer un bien commun de l’humanité jusqu’aux côtes, en y incluant donc les ZEE et les mers territoriales. Il n’en est pas question pour la France. Pour elle, comme pour d’autres États, la mer ne saurait constituer un bien commun de l’humanité qu’au-delà de la ZEE, ou du plateau continental quand il y a prolongation ([125]). Il faut ici rester vigilant et attentif à ce que les négociations BBNJ n’ouvrent en aucune manière la porte à des tentatives détournées de remettre en cause notre souveraineté, par exemple sur les îles Éparses ou sur l’île Tromelin.

Veiller à écarter, à l’occasion des négociations sur la haute mer, tout risque de remise en cause de la souveraineté de la France sur ses îles.

La négociation BBNJ porte sur quatre domaines ([126]). Le premier concerne les outils de protection et de gestion par zone de la biodiversité. Parmi ces outils, le plus essentiel est constitué par les aires marines protégées en haute mer. Pour la France et l’Union européenne, c’est là que réside l’apport majeur attendu du futur traité. Si l’on veut vraiment préserver la biodiversité marine à grande échelle, la création de grandes AMP est impérative. Encore faut-il pour cela une base juridique solide. Le droit de la mer permet certes déjà de créer des AMP en haute mer puisqu’il en existe actuellement deux, de taille modeste. L’Organisation OSPAR, compétente pour l’Atlantique nord, dispose en effet de cette faculté. L’efficacité en est toutefois limitée puisque seule une quinzaine d’États (dont la France) adhère à la Convention OSPAR et est donc tenue par l’obligation de respecter le système de gestion mis en place pour ces AMP. L’accord BBJN vise à étendre cette possibilité. Un organe supérieur sera mis en place, qui pourrait être la Conférence des Parties (COP) ou bien une commission spécifique. C’est cet organe, réuni à intervalles réguliers, qui aura compétence pour créer des AMP en haute mer, en les dotant de normes de gestion. Plus il y aura d’États parties au futur accord, plus nombreux seront les États liés par les décisions qui seront prises par cette instance multilatérale.

Il est essentiel que le futur accord BBNJ prenne des décisions pour créer en haute mer des AMP à haut niveau de protection, c’est-à-dire sans limite de temps, multisectorielles et multi-activités, mais aussi des outils de gestion par zone (par exemple, des corridors réservés à la migration de cétacés avec restriction du trafic quelques mois dans l’année ou des zones où le bruit doit être réduit toute l’année en raison de la présence de stocks de poissons ou de groupes de cétacés très sensibles au bruit des activités humaines).

Militer pour que le futur accord BBNJ prenne des décisions pour créer en haute mer des AMP à haut niveau de protection, c’est-à-dire sans limite de temps, multisectorielles et multi-activités, avec des outils de gestion par zone.

La négociation BBNJ porte, en deuxième lieu, sur les études d’impact environnemental. Toute nouvelle activité économique en haute mer (telle que, par exemple, le transport de certaines matières dangereuses) fera l’objet, avant d’être lancée par un État, d’une évaluation de son impact environnemental. Au-delà d’un certain seuil de gravité, l’atteinte à l’environnement sera jugée inacceptable et l’activité concernée sera en conséquence interdite (ou permise seulement moyennant une diminution de son impact). Un tel dispositif existe déjà pour la gestion de l’Antarctique et fonctionne plutôt bien. Il est prévu par le Traité de Washington du 1er décembre 1959 et par le Protocole de Madrid du 4 octobre 1991 sur la protection environnementale de l’Antarctique, dont une annexe porte sur les évaluations d’impact environnemental.

Le processus BBNJ prévoit d’étendre ce dispositif à tous les océans du globe. Vos rapporteurs soulignent la nécessité de définir le plus précisément possible le seuil d’impacts potentiels au-delà duquel une étude d’impact environnemental devra obligatoirement être lancée. De même, il faudra fixer avec précision le seuil à partir duquel un impact environnemental sera considéré comme trop grave pour autoriser une activité. Il semble qu’un pays comme les États-Unis ne soit pas partisan, pour l’instant, d’une trop grande précision en la matière. Pourtant, faute de précision, le dispositif risquera de rester inopérant.

Définir précisément, dans le traité sur la haute mer, le seuil d’impacts potentiels devant entraîner la réalisation d’une étude d’impact environnemental préalable à toute activité économique en haute mer ainsi que le seuil d’impacts évalués conduisant à proscrire cette activité.

Un débat se pose aussi concernant le degré d’internationalisation des décisions qui seront prises en matière d’études d’impact environnemental. Faut-il que ces décisions soient adoptées au niveau des États ou bien, de manière plus intégrée, au niveau du conseil scientifique du futur accord, voire de la COP ? La seconde option paraît préférable en ce qu’elle permettrait d’éviter que des États ne cherchent à développer des activités en haute mer malgré des évaluations défavorables. Il faut en tout cas définir dans le texte de l’accord le mode de décision, et ne pas remettre ce point à plus tard, sous peine de priver d’effectivité le dispositif.

Définir, dans le traité sur la haute mer, l’autorité compétente et la procédure à suivre, concernant les décisions qui seront prises en matière d’études d’impact environnemental, et privilégier une décision intégrée et non pas déléguée aux États.

Quelle que soit l’option retenue, il sera impératif de prévoir des mécanismes de contrôle du respect et de la mise en œuvre du futur traité pour que celui-ci ne reste pas lettre morte. Un tel contrôle pose, à l’évidence, un défi majeur, compte tenu de la surface énorme représentée par la haute mer. Même si cela paraît quelque peu utopique aujourd’hui, on pourrait imaginer la mise en place un jour d’une force navale et aérienne de l’ONU chargée d’une mission de surveillance de la haute mer (et notamment des AMP) et de contrôle des activités en haute mer.

Contrôler la mise en œuvre et le respect du futur traité sur la haute mer.

La négociation BBNJ porte, en troisième lieu, sur les ressources génétiques marines (RGM), leur statut, les conditions pour y accéder et le partage des avantages qu’elles procurent. Les ressources génétiques marines sont définies comme tout matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, issu de zones ne relevant pas de la juridiction nationale, et ayant une valeur effective ou potentielle. Ces RGM sont notamment utilisées dans l’alimentation, la fabrication de médicaments, etc.

Depuis plusieurs années, une coalition d’États en développement, dit « groupe des 77 ([127]) », s’efforce de promouvoir une réflexion, et à terme la conclusion d’un accord, sur le statut juridique des ressources génétiques marines. Il existe certes déjà un accord, le protocole de Nagoya ([128]), qui a mis en place des dispositifs portant sur les droits intellectuels liés aux RGM et sur les bénéfices qu’on en peut retirer. Il n’existe pas en revanche, à ce jour, de statut des RGM en haute mer (ce qui recouvre, pour la France, non seulement la colonne d’eau mais également le sol et le sous-sol). Ce sujet déborde le champ de l’accord proprement dit car les ponctions de RGM faites par les scientifiques et les industriels sont actuellement peu importantes et ne portent pas atteinte à la « biodiversité marine » (à l’exception peut-être de l’exploitation du krill ([129])). Rappelons que l’objectif de développement durable (ODD) n° 14, adopté par les Nations Unies en 2015, n’exclut nullement l’exploitation des mers, mais impose d’y procéder « de manière durable ([130]) ».

Toutefois, le groupe des 77 n’ayant accepté de s’engager dans la négociation d’un accord prévoyant la création d’aires marines protégées en haute mer (but principal poursuivi par les États de l’Union européenne) que si celui‑ci traitait aussi du statut juridique des RGM, ce sujet a été inclus dans le champ des discussions. Aujourd’hui, le groupe des 77 veut utiliser cette négociation pour faire reconnaître que les RGM, et même l’océan dans son ensemble, sont un « patrimoine commun de l’humanité ». La France n’est pas favorable à l’emploi ici de cette expression qu’il est préférable de réserver aux ressources minérales des grands fonds marins (ce qu’on appelle la « zone »). Il vaut mieux mettre en avant, à propos des RGM, la notion politique et morale (et non pas juridique) de « bien commun » de l’humanité, qui met l’accent sur la responsabilité de chacun.

Ce sujet des RGM suscite donc des divisions assez nettes entre pays développés et pays en développement. Outre la question de savoir s’il faut accorder à toutes les ressources marines concernées le statut de patrimoine commun de l’humanité, on rencontre des difficultés pour définir les RGM qui seront incluses dans le champ de cet accord. La question du « partage des avantages » ne fait pas non plus l’unanimité. Pour les États développés, ce partage doit simplement consister à permettre aux scientifiques des États en développement d’avoir accès à la connaissance et à l’étude des RGM prélevées en haute mer ainsi qu’à des échantillons. Le groupe des 77 estime ce seul accès de type scientifique insuffisant et souhaite que les États en développement puissent recevoir une partie des bénéfices que les entrepreneurs et les industriels des États développés réaliseront grâce aux RGM de la haute mer ([131]). La France est moins concernée par ce débat dans la mesure où ses industriels considèrent que, pour l’instant, ils n’ont pas véritablement besoin d’aller en haute mer, compte tenu de la taille de notre ZEE.

Enfin, la négociation BBNJ comporte un quatrième et dernier chapitre, très classique et qui suscite beaucoup moins de débats, relatif au renforcement des capacités de transfert de technologies marines. Il s’agit de donner à tous les États la possibilité de respecter l’accord conclu, et donc de former ceux qui en ont besoin – essentiellement les États en développement – dans des domaines tels que la navigation ou la recherche.

En résumé, le processus BBNJ revêt une importance essentielle, au regard surtout des deux avancées majeures qu’il prévoit : la mise en place d’un dispositif d’études d’impact environnementales et la création d’AMP en haute mer. La France doit faire entendre sa voix au sein de la délégation européenne qui négocie à New‑York pour que le traité aboutisse le plus tôt possible. Il faudra bien entendu le ratifier ensuite dans les meilleurs délais.

Agir en vue de la conclusion dans les meilleurs délais du traité sur la haute mer et, le moment venu, le faire ratifier dès que possible.

La France doit aussi user de son influence pour que l’accord couvre bien les fonds marins (ce qu’on appelle la « zone »), et pas seulement la colonne d’eau, comme le souhaitent certains États.

Œuvrer pour que le traité sur la haute mer intègre dans son champ d’application les fonds marins, et pas seulement la colonne d’eau.

Il importe enfin qu’il y ait le plus grand nombre d’États possible qui ratifient le traité concerné et soient par conséquent tenus par ses stipulations.

Associer le plus grand nombre d’États possible au traité sur la haute mer.

3.   Mieux encadrer les activités minières, pétrolières et gazières

S’agissant de l’extraction minière sous-marine, l’Union européenne milite pour un approfondissement de la collecte d’informations scientifiques préalablement à tout passage à une phase d’exploitation de type industriel. Comme l’indiquait la Commission en mai 2020, « l’Union devrait défendre la position selon laquelle les ressources minérales situées dans la zone internationale des fonds marins ne peuvent pas être exploitées avant que les effets de l’exploitation minière en eaux profondes sur le milieu marin, la biodiversité et les activités humaines n’aient fait l’objet de recherches suffisantes, que les risques n’aient été correctement évalués et qu’il ne soit établi que les technologies et les pratiques opérationnelles envisagées ne portent pas gravement atteinte à l’environnement, conformément au principe de précaution ([132]) ». Il y a là une position de prudence que la France devrait également promouvoir.

Mettre en œuvre et encourager l’approfondissement des recherches scientifiques sur les impacts environnementaux des activités minières en eaux profondes avant tout passage à une phase d’exploitation des ressources minérales sous-marines.

La régulation des activités minières en eaux profondes est du ressort de l’Autorité internationale des fonds marins, dont la vingt-sixième session, prévue en 2020 a été reportée à cause de la pandémie de Covid‑19. Cette instance, dont sont membres la plupart des États du monde à l’exception notable des États‑Unis, travaille à l’élaboration d’un « code minier ». L’aboutissement de ce corpus de réglementation apparaît nécessaire afin que le passage de l’exploration à l’exploitation, lorsqu’il aura lieu, ne se fasse pas dans un vide juridique.

Compte tenu de la lenteur des cycles géologiques qui permettent la formation des encroûtements sous-marins et des nodules polymétalliques, on peut nourrir des craintes quant aux conséquences que pourrait avoir leur extraction sur les espèces qu’ils abritent. La finalisation du code minier de l’AIFM doit donc constituer une priorité pour les autorités françaises qui doivent militer pour y inclure des modalités exigeantes de contrôle.

Faire aboutir le code minier de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) en œuvrant pour y inclure des modalités exigeantes de contrôle.

Quant à l’exploitation offshore du gaz et du pétrole, elle demeure un facteur de pollutions accidentelles en mer et sur le littoral. La France a une responsabilité particulière vis-à-vis des États de l’Afrique de l’Ouest (tels que la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Niger, etc.) qui mènent aujourd’hui des activités importantes en la matière ([133]). Il ne s’agit pas de limiter une production qui constitue pour les pays concernés une source indispensable de revenus. Il y a toutefois une stratégie de prévention et de sécurisation à laquelle la France et les États européens (tels que la Norvège) pourraient contribuer par leur expertise. Il ne faut pas oublier que le Golfe de Guinée constitue une zone fortement exposée aux risques de pollution marine en raison de l’existence de routes maritimes stratégiques pour le commerce mondial. Il faut aussi garder présent à l’esprit que les pollutions marines en Afrique de l’Ouest sont susceptibles d’avoir des conséquences particulièrement graves sur la pêche, l’alimentation, le tourisme, etc., sachant qu’environ un tiers des habitants vit sur le littoral et que plus de la moitié du PIB de la région provient des zones côtières. Plusieurs assistances techniques ont déjà été mises en place par l’AFD pour aider le Sénégal notamment à gérer les risques associés aux dimensions environnementale et sociale et ceux liés à la gouvernance, en lien avec le secrétariat de la Convention d’Abidjan ([134]), le Partenariat régional pour la conservation marine et côtière en Afrique de l’Ouest (PRCM) et la Fondation MAVA ([135]). Cette aide doit être préservée et renforcée.

Aider les États d’Afrique de l’Ouest à mettre en place des garde-fous environnementaux pour l’exploitation pétrolière et gazière offshore.

4.   Négocier un accord international sur le plastique

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement est à l’origine d’une réflexion sur l’opportunité d’une négociation internationale sur le plastique, qui se ferait sous son égide. Il a ainsi mis en place, lors de la troisième Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement (ANUE‑3), un « groupe spécial d’experts à composition non limitée sur les déchets marins et les microplastiques ([136]) ». Ce groupe de travail pourrait proposer, lors d’une prochaine ANUE, une résolution en faveur de la conclusion d’un accord international. Historiquement, ce sont d’abord les pays proches de l’Arctique qui ont plaidé pour la conclusion d’un traité international en la matière. L’idée d’un tel traité est fortement défendue en particulier par la Norvège. La France et l’Inde ont rejoint cette initiative. L’Allemagne s’y est également déclarée favorable, de même que l’Union européenne.

Plusieurs États plaident désormais pour la négociation d’une convention internationale juridiquement contraignante sur les déchets plastiques et les microplastiques, qui s’inspirerait de l’Accord mondial sur le climat et le réchauffement climatique signé à Paris le 12 décembre 2015 (COP21). Il aurait pour objet notamment la réduction de la production des plastiques à usage unique.

Une négociation internationale permettrait d’avoir une approche commune et cohérente entre États signataires, et notamment d’inclure les pays en développement, surtout asiatiques. Une étude du centre de recherche environnementale allemand Helmholt, publiée en 2017 ([137]), a en effet établi que, sur l'ensemble du plastique transporté vers la mer par les fleuves, 88 à 95 % sont transportés par seulement dix cours d’eau, huit situés en Asie et deux situés en Afrique. Les pollutions plastiques ne connaissent pas de frontières et sont observées dans les zones les plus reculées et les plus profondes de l’océan. Il n’y aura donc pas de progrès réel sans approche globale, intégrant notamment les pays d’Asie du Sud-Est.

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a confirmé à vos rapporteurs l’utilité d’un tel accord international pour répondre à la crise des pollutions plastiques en mer et à l’enjeu des microplastiques. L’ancien ambassadeur chargé des océans Serge Segura a abondé en ce sens. Il s’agit bien entendu d’un objectif à moyen terme car une telle discussion, associant les États, les ONG, les industriels, des utilisateurs comme les représentants des pêcheurs, etc., ne peut être que longue et complexe. Rien n’empêche toutefois la France d’être moteur en la matière, étant précisé que cette négociation ne dispense en aucun cas de mettre en œuvre les mesures de court terme qui s’imposent.

Engager des négociations en vue de la conclusion d’un traité international sur le plastique.

5.   Évaluer, compléter et mettre en œuvre les conventions en vigueur

La France n’a pas encore effectué la ratification de la convention SNPD de 2010 sur les substances nocives et potentiellement dangereuses ([138]) même si certains travaux préparatoires ont été effectués ([139]). Il est grand temps pour la France d’y procéder.

Faire ratifier par la France la convention sur le transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (convention SNPD).

Adoptée en 2005, l’annexe VI du protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement (dit « protocole de Madrid ») impose aux opérateurs, pour faire face aux incidents susceptibles d’avoir des effets négatifs sur l’environnement en Antarctique, la souscription d’assurances couvrant les dommages environnementaux et définit un régime de responsabilité en cas de survenance de situations critiques pour l’environnement. Elle n’a pas non plus encore été ratifiée par la France. Toutefois, un projet de loi autorisant l’approbation de la Mesure 1 (2005) annexe VI au Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, responsabilité découlant de situations critiques pour l’environnement, a été enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2021 et renvoyé à la commission des affaires étrangères.

Les conventions de mers régionales, telles que les conventions de Carthagène ([140]) ou OSPAR ([141]), pourraient encore être renforcées pour y inclure certains plans d’action de lutte contre la pollution, concertés entre pays voisins. La convention de Carthagène, pour prendre cet exemple, n’a pas permis à ce jour à la France et aux autres États parties de mutualiser leurs moyens et de lutter avec suffisamment d’efficacité au sein du bassin Antilles-Guyane contre les sargasses et contre la pollution de l’air engendrée par leur dégradation et leur pourrissement sur les plages (émanations de sulfure d’hydrogène et d’ammoniac, particulièrement dangereux pour les poumons). La France devrait être moteur dans le renforcement de ces conventions de mers régionales.

Renforcer les conventions des mers régionales pour y inclure des plans d’action de lutte contre la pollution, concertés entre pays voisins.

Il est essentiel par ailleurs de faire avancer l’inclusion de la problématique des océans dans le processus de négociation sur le changement climatique, notamment en vue de la COP26 ([142]) qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. Là aussi, la France doit être à l’avant-garde comme force de propositions et de persuasion.

Faire avancer l’inclusion de la problématique des océans dans le processus de négociation sur le changement climatique, notamment en vue de la COP26.

Si les normes internationales méritent donc d’être complétées, encore faut‑il qu’elles soient appliquées effectivement. De manière générale, la pleine mise en œuvre des conventions incombe aux États et dépend donc de leur volonté politique et de leur capacité administrative et financière à les faire respecter sur leur territoire. L’OMI, dépourvue de pouvoir contraignant, ne peut pas sanctionner les États. Nous manquons aujourd’hui d’études permettant d’expertiser l’application effective des conventions internationales même lorsqu’elles ont été ratifiées et retranscrites dans le droit national. La convention de Londres de 1972 ([143]) interdit ainsi le clapage ([144]) en mer mais l’on sait que, dans les faits, il est recouru à cette technique dans le cadre du dragage des ports. L’on pourrait de même expertiser la contribution de la convention de Carthagène à la lutte contre le phénomène des sargasses ou chercher à mesurer l’impact réel de la convention de Barcelone et des autres grandes conventions internationales.

Engager un travail d’évaluation des conventions internationales relatives à l’environnement marin et de leur application réelle.

Comme cela a été indiqué plus haut à propos du futur traité BBNJ, il faudra réfléchir, à plus long terme, aux pistes pour développer des moyens de surveillance commune (navale, aérienne, voire spatiale), couplés à des capacités de contrôle et d’intervention en haute mer, dans le cadre de l’ONU. En attendant, la France doit pousser, dans les négociations, à adosser les conventions à des mécanismes de suivi et à des comités de conformité.

Promouvoir l’instauration de mécanismes de suivi et de comités de conformité au sein des conventions internationales relatives à l’environnement marin.

III.   LA MÉDITERRANÉE, enjeu emblématique

La mer Méditerranée, qui s’étend sur 2,9 millions de km2 et borde 46 000 km de littoral, est une zone chargée d’un tel poids d’histoire et de symboles et où les défis environnementaux sont tellement élevés, qu’elle en devient un enjeu emblématique de la lutte contre la pollution marine. Alors qu’elle représente moins de 1 % de la surface océanique, elle est l’une des mers les plus riches au monde en matière de diversité biologique, avec plus de 17 000 espèces recensées. Dans le même temps, elle subit une concentration extrême de pressions et d’impacts qui en font l’une des zones les plus menacées de la planète. Le bassin méditerranéen est en effet fortement peuplé (210 millions d’habitants sur son littoral) et constitue la première destination touristique au monde, avec plus de 200 millions de visiteurs chaque année. La Méditerranée est par ailleurs le débouché de grands fleuves passant par des centres urbains (Nil, Rhône, Tibre, Ebre, etc.) et une zone de trafic maritime intense (20 % du trafic mondial). L’accumulation de ces facteurs de risques fait de la Méditerranée une région tout particulièrement exposée aux ravages de la pollution marine.

A.   La mer la plus polluée au monde

1.   Un océan de plastique

D’après un rapport de l’UICN du 27 octobre 2020 ([145]), environ 229 000 tonnes de déchets plastiques sont déversées chaque année dans la mer, principalement à cause d’une mauvaise gestion des déchets. Selon un rapport du WWF de 2018 sur la pollution plastique en Méditerranée ([146]), les 200 millions de touristes accueillis chaque année entraînent une augmentation du niveau de pollution marine de 40 % chaque été.

Sans intervention significative, cette pollution devrait doubler et atteindre 500 000 tonnes d’ici 2040. Ce problème est aggravé par le fait que la Méditerranée est une mer quasi fermée, le taux de renouvellement des eaux étant d’environ 90 ans. Une fois arrivé en mer, le plastique se dépose principalement dans les sédiments sous forme de microplastiques (particules inférieures à 5 mm). Plus d’un million de tonnes de plastique se seraient déjà accumulées dans la mer Méditerranée. Selon le rapport précité du WWF, la Méditerranée est la sixième plus grande zone d’accumulation de déchets marins au monde : elle ne représente que 1 % des eaux mondiales mais concentre 7 % de tous les microplastiques de la planète. Les microplastiques atteignent des niveaux record de concentration : 1,25 million de fragments par km2, près de quatre fois le niveau de l’une des cinq « îles de plastique » que l’on trouve sur la planète (deux dans l’océan Pacifique, deux dans l’océan Atlantique et une dans l’océan Indien). Sur les plages de Méditerranée, en 2019, on relevait en moyenne 1 575 déchets sur un linéaire de 100 mètres de plage ([147]).

Comme cela a été dit plus haut, la pollution plastique est nocive non seulement pour la faune marine, qui peut notamment se retrouver prisonnière ou s’étrangler avec les résidus ou mourir de faim suite à une ingestion de résidus, mais présente également des risques pour la santé humaine ([148]).

2.   Des pollutions d’origine anthropique

En plus du plastique, la Méditerranée, compte tenu des pressions démographique, touristique, agricole et industrielle qui pèsent sur elle, est fortement affectée par plusieurs autres pollutions d’origine anthropique.

La forte densité de population et les apports fluviaux créent ainsi des tendances à l’eutrophisation dans plusieurs zones côtières. Les principales zones touchées par des apports excessifs de nutriments sont le golfe du Lion, le golfe de Gabès, les lagunes de Venise et de Bizerte, l’est de la mer Adriatique et l’ouest de la mer Tyrrhénienne, le lac Nord de Tunis, le bassin algéro‑provençal et le détroit de Gibraltar. La zone côtière du sud-est de la Méditerranée fait face à des conditions eutrophiques principalement provoquées par des effluents d’eaux usées du Caire et d’Alexandrie. Le nord de la mer Égée présente aussi des conditions eutrophiques qui s’expliquent par les apports fluviaux depuis le nord de la Grèce et depuis la mer Noire, riche en nutriments.

Les pollutions terrestres prennent parfois un caractère aigu, comme avec les boues rouges déversées dans les calanques de Marseille ([149]). S’y ajoutent les effets de la bétonisation des côtes, de l’artificialisation du fond des mers (construction d’ouvrages d’art pour créer des ports de plaisance) et de l’intensification de l’activité de plaisance (arrachages d’herbiers par les ancrages).

L’une des conséquences les plus visibles de ces pollutions d’origine humaine est la dégradation, année après année, de la posidonie, le « poumon vert » de la Méditerranée. La posidonie est une plante sous-marine à fleurs, présente uniquement en Méditerranée et dont les peuplements ressemblent à des prairies. L’herbier de posidonie est non seulement un lieu de vie et d’alimentation pour de nombreux poissons, mais aussi une frayère (lieu de ponte) et une nurserie (lieu de vie des juvéniles) importantes. On estime que les herbiers de posidonie, en tant que nourriceries à poissons, sont responsables de 30 à 40 % de la production halieutique de Méditerranée. La posidonie est, à l’instar des herbiers de zostères ([150]) des côtes de la Manche et de l’Atlantique ou des récifs coralliens des outre‑mer, un habitat exceptionnel mais fragilisé par toutes les pressions anthropiques côtières. Une fois abîmée, elle met cent ans à se reconstituer.

3.   Une eau plus chaude et plus acide

La Méditerranée a été identifiée par le GIEC comme une région particulièrement exposée aux effets du dérèglement climatique. Elle est la deuxième région qui se réchauffe le plus vite au monde après l’Arctique. Ce réchauffement s’accompagne d’un phénomène croissant d’acidification.

La vulnérabilité face au changement climatique de nombreux habitats marins, tels que l’herbier de posidonie ou le coralligène ([151]), a déjà commencé à se manifester en Méditerranée. Le réchauffement a des impacts importants sur les espèces marines. Il entraîne aussi une hausse du niveau de la mer (hausse qui devrait atteindre 20 à 25 centimètres d’ici quelques années), conduisant à la salinisation des terres côtières où l’activité agricole est concentrée. Ce problème est particulièrement inquiétant pour l’Égypte (qui compte plus de 100 millions d’habitants), avec un risque pour l’agriculture dans le delta du Nil.

4.   Des espèces exotiques envahissantes

La mer Méditerranée est envahie par de nombreuses espèces non indigènes provenant en particulier de la mer Rouge et du détroit de Gibraltar, mais causées aussi par le transport maritime et l’aquaculture. La Méditerranée est l’une des mers où l’on trouve le plus de ces espèces exotiques envahissantes. On estime que, depuis l’ouverture du canal de Suez, ce sont plus de 400 espèces marines qui ont transité de la mer Rouge vers la Méditerranée. Elles sont venues soit directement, soit dans les eaux de ballast des navires. Rappelons que les ballasts sont d’énormes réservoirs d’eau situés à des endroits spécifiques autour d’un navire, garantissant son équilibre et le maintien d’une ligne de flottaison optimale. Les navires transportent de l’eau dans leurs ballasts partout dans le monde : ils lestent (pompent de l’eau) à partir d’un port et ils délestent (rejettent à la mer) dans un port différent où l’on trouve un écosystème marin différent. Le problème se produit lorsque ces navires délestent et rejettent ainsi des espèces « invasives », ainsi qualifiées car elles n’ont aucun prédateur dans l’environnement où elles ont été rejetées, ce qui leur permet de se propager ([152]).

À l’image des poissons-lions, poissons-flûtes, poissons-ballons ou encore poissons‑lapins, de nombreuses espèces se sont ainsi implantées en Méditerranée orientale, avec des conséquences écologiques, économiques et sanitaires importantes. Changement climatique aidant, ces espèces devraient dans les prochaines années progresser vers la Méditerranée occidentale.

Un autre exemple d’espèce exotique envahissante est le crabe bleu. Originaire d’Amérique du Nord, déjà implanté en Méditerranée orientale, il est maintenant présent sur la façade française à Argelès-sur-Mer, dans les étangs de Canet-Saint-Nazaire, de Salses-Leucate, de Bages-Sigean et de Vendres, dans l’étang de Thau, à Port‑Saint-Louis-du-Rhône (Camargue) et à l’ouest du Petit‑Rhône, dans l’étang de Berre et en Corse.

B.   des réponses internationales peu opérationnelles

1.   La Convention de Barcelone

Signée en 1976 et amendée en 1995, la Convention de Barcelone (convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée) est le principal instrument juridique pour la protection de l’environnement et le développement durable de la Méditerranée. Elle regroupe vingt-deux parties contractantes ([153]), y compris l’Union européenne. La convention s’applique aux eaux maritimes et aux golfes de la Méditerranée, avec pour limite occidentale le méridien passant par le phare du cap Spartel (entrée du détroit de Gibraltar) et pour limite orientale le détroit des Dardanelles.

Initialement centrés sur la lutte contre la pollution, la convention et ses sept protocoles additionnels ([154]) intègrent aujourd’hui la planification et la gestion intégrée des zones côtières. Son champ d’application s’étend également à la promotion du développement durable ainsi qu’à la protection et à l’amélioration du milieu marin. Le protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique, en particulier, vise à lutter contre la pollution due aux déversements par les fleuves, émissaires, canaux ou autres cours d’eau.

La Convention de Barcelone est le support du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM), mis en place en 1975 par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement afin de constituer un cadre institutionnel de coopération. Pour faciliter la mise en œuvre du programme d’activités du PAM et aider les États à s’acquitter de leurs obligations, des Centres d’activités régionales (CAR) ont été instaurés. L’un des plus importants est le Centre régional méditerranéen pour l’intervention d’urgence contre la pollution Marine Accidentelle (REMPEC ([155])). Il a pour missions de renforcer les capacités des États côtiers en matière de prévention de la pollution, notamment par hydrocarbures, et de leur apporter une aide d’urgence en cas de situation critique. Le REMPEC a créé, avec l’aide de la France, un outil juridique, le réseau Ménélas, en vue d’harmoniser les réponses judiciaires aux infractions en mer. Un autre centre d’activités régionales (CAR) du PAM est le Plan bleu qui produit des études afin de sensibiliser les décideurs méditerranéens sur les questions d’environnement et de développement durable. Un autre centre d’activités régionales très important est le CAR/ASP, compétent pour les aires spécialement protégées. Le PAM a également mis sur pied un programme de surveillance des niveaux de polluants et de contaminants dans les eaux méditerranéennes et de leurs effets biologiques (programme MEDPOL).

Les États parties à la Convention de Barcelone ont par ailleurs adopté en 2013 un plan régional sur la gestion des déchets marins dans la Méditerranée. Ce plan a inspiré des initiatives comparables dans d’autres régions du monde.

La COP22 de la Convention de Barcelone se tiendra à Antalya, en Turquie, en décembre 2021. Elle adoptera une « Stratégie Méditerranéenne 2022-2027 » et un programme d’action stratégique relatif à la biodiversité (qui devront tenir compte des objectifs définis à la COP15 de la Convention sur la diversité biologique qui aura lieu à Kunming, en Chine, au mois d’octobre 2021).

2.   L’Union pour la Méditerranée

Créée en 2008, l’Union pour la Méditerranée (UpM) réunit l’Union européenne, ses États membres et quinze autres États du sud et de l’est de la Méditerranée. L´UpM a adopté plusieurs déclarations ministérielles relatives à l’environnement, au changement climatique et à l’économie bleue durable. Elle soutient le programme de dépollution de la Méditerranée baptisé « Horizon 2020 », qui se concentre sur la mer mais en intégrant les interactions avec la terre et l’air et en établissant un lien important avec le changement climatique.

L’UpM est aussi à l’origine, avec la Commission européenne, de l’initiative OuestMED pour le développement de l’économie bleue durable en Méditerranée occidentale. Cette initiative vise à promouvoir notamment la protection de la biodiversité, la conservation et la restauration de l’habitat marin, la pêche et l’aquaculture durables, la sécurité maritime et la lutte contre la pollution marine.

3.   Les autres instances de coopération régionale

Il existe, outre la Convention de Barcelone et l’Union pour la Méditerranée, plusieurs autres instances de coopération régionale en Méditerranée, de natures très différentes.

Fondée en 1991, l’Initiative pour les zones humides méditerranéennes (MedWet) rassemble 27 pays méditerranéens et périméditerranéens qui sont parties à la Convention de Ramsar sur les zones humides ([156]). Elle constitue un réseau intergouvernemental régional qui soutient les politiques de conservation, de restauration et d’utilisation durable des zones humides méditerranéennes (incluant les zones de lagunes et les estuaires). Le Comité Zones Humides Méditerranéennes (MedWet/Com) est à l’origine de la création en 2008 de l’outil de gestion que constitue l’Observatoire des zones humides méditerranéennes (OZHM) ([157])).

Financé par la Commission européenne, le projet Bluemed cherche à promouvoir une vision partagée de la recherche scientifique et technologique en Méditerranée, incluant les pays des rives nord et sud. Il porte une action intitulée « Méditerranée saine et sans plastique » visant à renforcer la coordination transfrontalière dans la lutte contre la menace des déchets plastiques. De son côté, le Centre de Coopération Méditerranéenne de Malaga, créé par l’UICN (celle-ci regroupant des organisations de la société civile, des États et des agences gouvernementales) a pour missions d’influer sur les sociétés méditerranéennes et de promouvoir la conservation et l’utilisation durable des ressources naturelles dans la région. Il existe également un réseau d’experts méditerranéens sur les changements climatiques et environnementaux (le réseau MedECC), soutenu par le PAM et l’UpM.

L’accord RAMOGE ([158]) (Accord relatif à la protection de l’environnement marin et côtier d’une zone de la mer Méditerranée), conclu entre la France, Italie et Monaco, constitue un instrument de coopération scientifique, technique, juridique et administrative pour une gestion intégrée du littoral par les trois États précités. À la suite du naufrage du pétrolier MT Haven dans le golfe de Gênes en 1991, la France, l’Italie et Monaco ont décidé, dans le cadre de l’Accord RAMOGE, d’établir un plan d’intervention pour la lutte contre les pollutions marines accidentelles en Méditerranée, baptisé RAMOGEPOL. Adopté en 1993, ce plan a été actualisé en 2012 et 2016. Il a démontré son utilité lors de la collision entre le navire Ulysse et le porte‑conteneur CSL Virginia en octobre 2018 ([159]) : le plan a été activé dès le premier jour et les moyens d’actions mis en œuvre dans un cadre d’interopérabilité ont permis de retirer 90 % des polluants déversés en mer.

On peut également citer, comme initiative de coopération, le Sommet des deux rives de la Méditerranée de juin 2019, réunissant cinq pays de la rive nord et cinq pays de la rive sud, qui a adopté des « engagements pour une Méditerranée durable (…), sans déchets et à faibles émissions carbone ».

Enfin, une « Coalition pour une Méditerranée exemplaire en 2030 » a été lancée au début de l’année par l’Espagne, la France et la Principauté de Monaco. Elle vise notamment à développer un réseau d’aires protégées, à lutter contre la pollution marine, à mettre fin au plastique à usage unique et à « verdir » le transport maritime.

4.   Un bilan insuffisant

La description de toutes ces initiatives de coopération appelle trois remarques. Tout d’abord, il est manifeste qu’il existe des doublons et des recoupements dans la pléthore d’organismes divers mis en place pour répondre à la pollution de la Méditerranée. La coordination entre eux paraît bien faible même si, par exemple, un accord de coopération a été signé en 2013 entre la Convention de Barcelone et l’UpM. On peine à voir également ce que la récente « Coalition pour une Méditerranée exemplaire en 2030 » apportera de plus par rapport à tout ce qui a précédé.

La deuxième remarque porte sur les moyens de contrôle associés aux engagements pris, en particulier par les États, dans le cadre des différentes instances de coopération. On peine, là encore, à voir quel contrôle réel est exercé sur la mise en œuvre de tous les engagements souscrits. Seule la Convention de Barcelone fait quelque peu exception, avec son article 26 qui prévoit un mécanisme de rapports étatiques visant à répertorier « les mesures juridiques, administratives ou autres prises par les Parties contractantes en application de la présente Convention, des Protocoles ainsi que des recommandations adoptées par leurs réunions ». La Convention de Barcelone a par ailleurs fait un effort – qu’il convient de saluer – en mettant en place en juillet 2008 un « comité de respect des obligations », intervenant sur saisine d’une partie contractante ou pour statuer sur une question soumise par le secrétariat de la Convention. Toutefois, ce comité ne peut prendre que des mesures de nature incitative en vue d’aider un État à appliquer les dispositions de la Convention et de ses protocoles ([160]). Les États réellement contraints d’appliquer la Convention de Barcelone et ses protocoles additionnels sont les États membres de l’Union européenne dans la mesure où des organisations non gouvernementales, par exemple, peuvent saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour en assurer le respect. Tel n’est pas le cas bien sûr pour les États non membres de l’Union européenne.

Il importe, dans le cadre de la Convention de Barcelone comme des autres grandes instances de coopération (One Planet Summit, UpM, Coalition pour une Méditerranée exemplaire en 2030, etc.), de s’efforcer de progresser vers l’instauration de mécanismes de contrôle des engagements pris et d’une forme de coercition en cas de manquement, sous peine de voir ces engagements réduits à de simples vœux pieux.

Progresser vers l’instauration de mécanismes de contrôle et de coercition concernant les engagements pris par les États dans le cadre des grands forums consacrés à la protection de la Méditerranée.

La troisième remarque, corollaire de la précédente, est que ces initiatives internationales, pour certaines d’entre elles, sont empreintes d’un caractère excessivement rhétorique et insuffisamment pratique. Autant le plan RAMOGEPOL, par exemple, est directement opérationnel, autant on voit mal, pour d’autres organisations internationales, les effets d’amélioration concrets qu’elles entraînent, au-delà de l’apport de documentations et de statistiques.

C.   quatre axes concrets pour changer le visage de la méditerranée

1.   Réduire les émissions de polluants atmosphériques par les navires

Les zones de réglementation des émissions de polluants atmosphériques, ou zones ECA (Emission Control Area), constituent un dispositif prévu dans le cadre de la convention internationale MARPOL pour la prévention de la pollution des navires ([161]). Dans une zone ECA, des normes plus sévères d’émissions sont imposées à tous les navires circulant dans la zone ([162]). Il existe actuellement quatre zones ECA dans le monde : au Canada, aux États-Unis, en Manche-Mer du Nord et dans la mer Baltique.

Les caractéristiques de la mer Méditerranée, avec un trafic maritime important et une forte densité de population sur les côtes, justifieraient amplement la mise en place d’une telle zone. On estime ainsi qu’à Marseille les émissions de polluants atmosphériques liées au transport maritime représentent 20 % des émissions d’oxydes d’azote (Nox), 70 % des émissions d’oxydes de soufre (Sox) et 2 % des émissions primaires de particules fines (PM10) ([163]). L’avantage de la mise en place d’une zone ECA serait de couper le lien entre développement maritime et pollution atmosphérique créée par les navires, que ce soit en mer ou à quai lorsque les navires de transport de marchandises ou de croisière laissent tourner leurs moteurs (ce qui, outre une détérioration de la qualité de l’air, crée des nuisances sonores).

En 2019, les États méditerranéens réunis sous l’égide de la Convention de Barcelone ont signé une déclaration ministérielle actant le principe d’une zone à basses émissions de soufre, dite zone SECA (Sulfur Emission Control Area), couvrant toute la Méditerranée, telle que celle-ci est définie par la Convention. Le pétrole brut contient en effet du soufre qui, après combustion dans le moteur, se retrouve dans les émissions des navires. La France a été à l’origine de l’étude d’impact réalisée en vue de la création de cette zone. Il est essentiel qu’elle continue à accompagner ce projet jusqu’à son adoption et son entrée en vigueur.

Faire aboutir le projet de mise en place d’une zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre (zone SECA) en mer Méditerranée.

Dans un second temps, une zone NECA (Nitrogen Emission Control Area) de contrôle des émissions d’oxydes d’azote pourrait être mise en œuvre.

Il importe, dans cet objectif d’amélioration de la qualité de l’air, d’accompagner la création de ces zones d’un développement des installations de raccordement électrique des navires à quai. La France doit ici donner l’exemple. Trois grands ports français, Toulon, Nice, et Marseille, sont à ce jour engagés dans une démarche d’alimentation électrique à quai pour mieux intégrer le port dans la ville ([164]). L’offre d’énergies alternatives dans les ports doit encore être développée. L’équipement des ports est appelé à se poursuivre afin que les navires faisant escale dans les ports français puissent se ravitailler par barge en GNL (gaz naturel liquéfié) ou être raccordés à l’électricité du quai. Cette possibilité doit être pleinement prise en compte dans la stratégie nationale portuaire et peut s’appuyer en particulier sur des instruments financiers européens mis en œuvre par la Banque des Territoires.

Poursuivre le développement des installations de raccordement électrique des navires à quai en Méditerranée.

2.   Lancer un vaste « plan Marshall » de construction de stations d’épuration

Le taux de rejet d’eaux non traitées dans la Méditerranée est aujourd’hui largement incompatible avec une amélioration forte de l’état écologique de la mer Méditerranée. En moyenne, sur l’ensemble du bassin méditerranéen, 60 % des rejets d’effluents urbains sont déversés dans la mer sans aucun traitement, selon Julien Rochette, directeur du programme Océan de l’Iddri.

Il existe cependant une différence entre les rives nord et sud. Sur la rive nord, en effet, les différentes directives européennes adoptées en matière d’environnement, en particulier la directive du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (directive DERU) ([165]), ont conduit à une amélioration de la situation. Les États membres de l’Union européenne représentent le plus grand volume d’eaux usées produites dans la région méditerranéenne. Comme le résume le groupe Suez interrogé par vos rapporteurs, « sur les zones où Suez est présent, la situation sur la façade Nord est effectivement meilleure que sur la façade Sud. Les directives édictées par l’Union européenne, et en particulier la DERU, ont eu un impact tout à fait notable sur la performance des services d’assainissement et la préservation du milieu naturel ».

Les pays méditerranéens de l’Union européenne ont ainsi amélioré leur taux de raccordement aux stations de traitement des eaux usées urbaines (70 % en 2015), même s’ils restent en dessous de la moyenne européenne (80 %). Des progrès peuvent encore être faits, notamment pour développer le traitement « tertiaire » des eaux usées ([166]). Sans ce traitement tertiaire, les eaux usées demeurent un important contributeur aux rejets directs de contaminants (azote) et de métaux lourds liés aux émissions industrielles.

La situation est globalement moins bonne dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, tels que l’Égypte (avec en particulier l’embouchure du Nil). Ceux‑ci, fortement peuplés, ne disposent pas en général de systèmes de collecte des déchets et de traitement des eaux usées comparables à ceux qui existent dans l’Union européenne. Par ailleurs, les différences entre les niveaux de service d’assainissement en milieu urbain et rural y sont fortes, l’assainissement de base en milieu rural étant souvent très insuffisant.

La situation dans ces pays est cependant hétérogène, comme le montrent des indicateurs tels que le pourcentage de populations raccordé aux réseaux d’assainissement ou la proportion d’eaux usées recevant un traitement (primaire, secondaire ou tertiaire).

Situation en termes d’assainissement des eaux
sur les rives Sud et Est de la Méditerranée

Données Global Water Intelligence (GWI) 2019

Pourcentage de la population raccordé à un réseau d’assainissement

Nombre de STEPs ([167])

Proportion d’eaux usées recevant un traitement secondaire

Égypte

56 %

892

55 %

Algérie

79 %

171

42 %

Tunisie

90 %

122

99 %

Liban

73 %

33

NA

Maroc

59 %

82

22 %

Source : Groupe Suez, direction des relations institutionnelles

S’agissant de la Tunisie, où beaucoup d’investissements avaient été réalisés il y a une vingtaine d’années, elle était historiquement un pays très en pointe sur les questions de traitement de l’eau et des déchets. Au cours des années récentes, le pays a moins investi et la qualité des ouvrages s’est détériorée.

Les crises politiques, financières et institutionnelles auxquelles ont été confrontés des pays comme le Liban et la Syrie ont durement dégradé leurs systèmes de gestion des eaux usées. Des stations de traitement des eaux usées (STEU) ont cessé leur activité et la construction de nouvelles stations a été interrompue. La majeure partie des eaux usées produites y est donc déversée sans traitement dans l’environnement, dans les cours d’eau, les oueds ou directement dans la mer.

Des progrès dans la gestion des eaux usées ont été réalisés par exemple au Maroc et en Palestine. Des investissements y ont été réalisés dans de nouvelles infrastructures de traitement des eaux usées ou dans leur réhabilitation. Le Maroc a ainsi lancé en 2005 un « Plan National Assainissement » (43 milliards de dirhams marocains), visant le traitement de 60 % des eaux usées et le raccordement de 80 % des populations urbaines. La réutilisation de l’eau traitée, notamment pour l’irrigation, progresse aussi.

En dépit des progrès réalisés ici ou là, il demeure un enjeu majeur de raccordement des agglomérations côtières des rives sud et est de la Méditerranée à des systèmes efficaces d’évacuation et de traitement des eaux usées. C’est pourquoi vos rapporteurs mettent en avant l’idée d’un plan ambitieux de construction de stations d’épuration sur le pourtour méditerranéen.

Ce devrait être un axe majeur de l’aide publique française au développement. L’Agence française de développement soutient déjà plusieurs projets pour la Méditerranée. Le projet DEPOLMED est ainsi un projet d’assainissement des zones côtières prévoyant la construction de quatre stations d’épuration de taille importante sur le littoral tunisien. L’AFD les finance à hauteur de 70 millions d’euros, aux côtés de la Banque européenne d’investissement (BEI). D’autres projets de travaux dans le secteur de l’épuration sont prévus ou en cours au Liban, en Palestine ou encore à Alexandrie. Comme le montre le schéma ci‑après, 20 % des engagements de l’AFD sur la région Méditerranée pour la période 2002‑2009 ont été consacrés au secteur de l’eau et de l’assainissement. Cet effort doit être poursuivi et amplifié, en commençant par les zones côtières portuaires et industrielles.

Engagements de l’AFD sur la région Méditerranée sur la période 2002-2009

Il est malaisé de déterminer les financements nécessaires à la mise en œuvre d’un tel plan. Il est possible néanmoins de donner quelques éléments de chiffrage estimatif sur les prix unitaires pour une usine et un réseau urbain d’environ 1 million d’habitants sur les bords sud de la Méditerranée ([168]). Le coût de construction d’une usine s’élève en moyenne à 25 millions d’euros pour le prétraitement, 100 millions d’euros pour le traitement secondaire et 25 millions d’euros pour le traitement tertiaire, soit un coût total de 150 millions d’euros. Les coûts d’exploitation et de maintenance de cette usine sont évalués à 10 millions d’euros par an. Le coût de construction d’un réseau d’assainissement est estimé à deux milliards d’euros. Le coût d’exploitation et de renouvellement d’un réseau d’assainissement s’élèverait à 40 millions d’euros par an. Le coût pour connecter l’eau recyclée au réseau d’irrigation dépend quant à lui de la distance entre l’usine et les utilisateurs de l’eau recyclée.

Mettre en œuvre un vaste « plan Marshall » de construction de stations d’épuration sur le pourtour méditerranéen.

3.   Renforcer les aires marines protégées

La Convention de Barcelone et son protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (protocole ASP/DB, entré en vigueur en France en 2001) constituent le cadre d’organisation des aires marines protégées (AMP) en Méditerranée. Une feuille de route « pour un réseau complet et cohérent d’AMP bien gérées afin d’atteindre l’Objectif 11 d’Aichi en Méditerranée » a été adoptée en 2016 sous la direction du Centre d’activités régionales pour les aires spécialement protégées (CAR/ASP) du Plan d’action pour la Méditerranée (PAM).

En lien avec ce CAR/ASP et d’autres acteurs tels que l’UICN et le WWF, un réseau dit MedPAN ([169]) a été mis en place afin de regrouper les gestionnaires d’aires marines protégées de Méditerranée. Il promeut la création, la pérennisation et le fonctionnement d’un réseau d’AMP pour l’ensemble des pays méditerranéens dans un objectif de préservation de la biodiversité. Il apporte aux gestionnaires d’AMP un appui technique, porte leur voix dans des rencontres internationales et finance des projets. Il regroupe aujourd’hui 78 organisations membres et 53 partenaires, principalement des organismes publics, de 21 pays méditerranéens, représentant plus de 110 AMP.

Enfin, la France, Monaco, la Tunisie et la Fondation Prince Albert II de Monaco ont lancé en 2015 un fonds dédié à l’environnement, le MedFund, qui a reçu le soutien politique des pays riverains, dans le cadre de la Convention de Barcelone et de l’Union pour la Méditerranée (UpM). Le MedFund repose sur un mécanisme de financement innovant dont les bénéfices réguliers sont réinvestis durablement dans le renforcement des AMP et de leur autonomie financière. Cette initiative est soutenue par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), l’Agence française de développement (AFD), le Gouvernement de Monaco, la Fondation Prince Albert II de Monaco et un réseau d’aquariums dirigé par l’Institut océanographique de Monaco.

Grâce à ces initiatives, des progrès ont été enregistrés en termes de couverture de la mer Méditerranée par des zones de protection. À ce jour, plus de 1 200 AMP et autres mesures de conservation par zone couvrent plus de 8,9 % de la mer Méditerranée.

Toutefois, seulement 10 % des zones marines couvertes par des mesures de conservation mettent en œuvre correctement des plans de gestion, selon Julien Le Tellier, responsable de programme au secrétariat de la Convention de Barcelone. Par ailleurs, les AMP sont majoritairement localisées sur le pourtour nord du bassin méditerranéen. Celles, moins nombreuses, qui sont situées sur la rive sud manquent d’organismes gestionnaires, de plans de gestion et de financements.

Il est essentiel d’accroître la zone couverte en Méditerranée par des mesures de protection, en particulier sur le pourtour sud. Cela implique d’augmenter les ressources financières et les capacités techniques qui leur sont affectées. Cela nécessite une coopération avec les pays du sud et de l’est du bassin méditerranéen. Ce devrait être, là encore, un axe majeur de notre aide publique au développement.

Accroître la zone couverte en Méditerranée par des aires protégées, en particulier sur la rive sud.

4.   Donner une dimension maritime à notre politique d’aide et de coopération

La France ne saurait réclamer de ses partenaires du sud et de l’est de la Méditerranée des efforts renforcés sans leur apporter en contrepartie l’aide dont elle peut disposer. Cette aide passe par une coopération technique et par le partage des résultats de notre politique de recherche et de développement. Au‑delà du sujet du financement, qui est évidemment important, c’est à un transfert de savoir-faire et de compétences qu’il faut aspirer. Ce sont aussi les outils juridiques prévus par les directives « Natura 2000 » et « Stratégie pour le Milieu Marin » qui pourraient être utilement proposés comme source d’inspiration à nos partenaires méditerranéens.

C’est à une réelle appropriation des enjeux de pollution marine par les États concernés, leurs autorités politiques, leurs collectivités locales et leurs populations qu’il faut travailler. Il y a encore parfois dans certains de ces pays une prise de conscience insuffisante de la gravité des enjeux en cause. Il appartient à la France de rappeler ces enjeux et de souligner que les politiques de lutte contre la pollution des mers ne freinent pas, mais au contraire contribuent, au développement économique, social et humain. Ainsi, les investissements dans les systèmes d’assainissement et de recyclage des eaux usées tendent également à remédier au problème de la rareté des ressources en eau.

La multiplicité des forums de coopération en Méditerranée rend le suivi de leurs actions relativement complexe. L’aide apportée par la France à travers des acteurs tels que l’Agence française de développement (AFD), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Expertise France, Bpifrance, etc., permet un suivi plus simple. Encore faut-il que la politique française d’aide publique au développement ne fasse pas l’impasse sur les enjeux de protection de l’environnement marin. Nos crédits d’aide publique au développement ne comportent pas jusqu’à présent de dimension proprement maritime alors que celle‑ci est au cœur des enjeux de développement. La politique française d’aide au développement, qui devrait prendre un nouvel essor pour la période 2021-2025 avec l’adoption de la loi sur le développement solidaire ([170]), doit absolument placer la dimension maritime parmi ses principaux fondements.

Intégrer la politique maritime dans la politique française d’aide au développement en direction des pays méditerranéens.

 

 


  1  

 

   Liste des recommandations

 

EN FRANCE, SE DONNER LES MOYENS DE CONTRÔLER ET DE PROTÉGER

1)                 Inscrire le ministère de la Mer dans la durée.

2)                 Donner au ministère de la mer les moyens d’exercer ses missions en repensant et en construisant une véritable administration de la mer.

3)                 Préserver, puis augmenter, les moyens des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), et les autres moyens de l’État en mer.

4)                 Renforcer les moyens, notamment navals, de surveillance et d’intervention dans les eaux sous juridiction française.

5)                 S’appuyer sur les avancées technologiques pour améliorer la détection des pollutions marines, et encourager la recherche et le développement en ce sens.

6)                 Augmenter le nombre, la surface et le niveau de protection des aires marines protégées dans les eaux sous juridiction française.

7)                 Renforcer les actions de sensibilisation du public sur la consommation durable et l’amélioration de la gestion des déchets.

8)                 Améliorer le processus de collecte, de transport, de stockage et de traitement des déchets plastiques.

9)                 Encourager le développement d’une économie circulaire, en recourant notamment aux incitations fiscales en direction des entreprises et des industries.

10)            Encourager la recherche sur le plastique et ses alternatives, et partager les résultats de cette recherche avec les États en développement.

11)            Faire des Outre-mer l’un des piliers de la politique française de préservation de l’environnement marin et s’appuyer, dans les négociations internationales et dans l’élaboration de plans d’action régionaux, sur les petits États insulaires avec lesquels la France partage des problématiques communes.

 

 

EN EUROPE, PLACER L’OCÉAN AU CŒUR DU PACTE VERT

12)            Appuyer l’initiative de la Commission européenne tendant à restreindre les microplastiques.

13)            Soutenir les initiatives européennes tendant à décarboner le transport maritime et les installations portuaires.

14)            Soutenir le projet de la Commission européenne de renforcement des sanctions applicables aux navires à l’origine de pollutions.

 

À L’INTERNATIONAL, COMPLÉTER LES INSTRUMENTS JURIDIQUES ET LES FAIRE APPLIQUER

15)            Renforcer la réglementation de l’OMI tendant à lutter contre la perte de conteneurs en mer.

16)            Finaliser la réglementation de l’OMI visant à lutter contre la pollution sonore en milieu marin.

17)            Renforcer la réglementation de l’OMI tendant à la surveillance et au contrôle des navires afin de limiter les dégazages et déballastages « sauvages ».

18)            Faire adopter à l’OMI des normes ambitieuses encadrant les émissions de CO2 par les navires.

19)            Promouvoir à l’OMI une réglementation encourageant l’utilisation comme carburant par les navires du gaz naturel liquéfié (GNL) ou de l’hydrogène, de préférence au fuel lourd.

20)            Renforcer le poids et l’influence de la France au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI).

21)            Veiller à écarter, à l’occasion des négociations sur la haute mer, tout risque de remise en cause de la souveraineté de la France sur ses îles.

22)            Militer pour que le futur accord BBNJ prenne des décisions pour créer en haute mer des AMP à haut niveau de protection, c’est-à-dire sans limite de temps, multisectorielles et multi-activités, avec des outils de gestion par zone.

23)            Définir précisément, dans le traité sur la haute mer, le seuil d’impacts potentiels devant entraîner la réalisation d’une étude d’impact environnemental préalable à toute activité économique en haute mer ainsi que le seuil d’impacts évalués conduisant à proscrire cette activité.

24)            Définir, dans le traité sur la haute mer, l’autorité compétente et la procédure à suivre, concernant les décisions qui seront prises en matière d’études d’impact environnemental, et privilégier une décision intégrée et non pas déléguée aux États.

25)            Contrôler la mise en œuvre et le respect du futur traité sur la haute mer.

26)            Agir en vue de la conclusion dans les meilleurs délais du traité sur la haute mer et, le moment venu, le faire ratifier dès que possible.

27)            Œuvrer pour que le traité sur la haute mer intègre dans son champ d’application les fonds marins, et pas seulement la colonne d’eau.

28)            Associer le plus grand nombre d’États possible au traité sur la haute mer.

29)            Mettre en œuvre et encourager l’approfondissement des recherches scientifiques sur les impacts environnementaux des activités minières en eaux profondes avant tout passage à une phase d’exploitation des ressources minérales sous-marines.

30)            Faire aboutir le code minier de l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) en œuvrant pour y inclure des modalités exigeantes de contrôle.

31)            Aider les États d’Afrique de l’Ouest à mettre en place des garde-fous environnementaux pour l’exploitation pétrolière et gazière offshore.

32)            Engager des négociations en vue de la conclusion d’un traité international sur le plastique.

33)            Faire ratifier par la France la convention sur le transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (convention SNPD).

34)            Renforcer les conventions des mers régionales pour y inclure des plans d’action de lutte contre la pollution, concertés entre pays voisins.

35)            Faire avancer l’inclusion de la problématique des océans dans le processus de négociation sur le changement climatique, notamment en vue de la COP26.

36)            Engager un travail d’évaluation des conventions internationales relatives à l’environnement marin et de leur application réelle.

37)            Promouvoir l’instauration de mécanismes de suivi et de comités de conformité au sein des conventions internationales relatives à l’environnement marin.

 

QUATRE AXES CONCRETS POUR CHANGER LE VISAGE DE LA MÉDITERRANÉE

38)            Progresser vers l’instauration de mécanismes de contrôle et de coercition concernant les engagements pris par les États dans le cadre des grands forums consacrés à la protection de la Méditerranée.

39)            Faire aboutir le projet de mise en place d’une zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre (zone SECA) en mer Méditerranée.

40)            Poursuivre le développement des installations de raccordement électrique des navires à quai en Méditerranée.

41)            Mettre en œuvre un vaste « plan Marshall » de construction de stations d’épuration sur le pourtour méditerranéen.

42)            Accroître la zone couverte en Méditerranée par des aires protégées, en particulier sur la rive sud.

43)            Intégrer la politique maritime dans la politique française d’aide au développement en direction des pays méditerranéens.

 


  1  

 

   examen en commission

Au cours de sa séance du mercredi 29 septembre 2021, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/tO4kHu

La commission autorise le dépôt du rapport d’information sur la pollution des mers en vue de sa publication.

 

 

 


  1  

 

   annexe : liste des personnes auditionnées
par les rapporteurs

    M. Denis Robin, préfet, secrétaire général de la mer

    M. Didier Ortolland, sous-directeur du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles, et M. Arnaud Le Madec, chargé des dossiers de sécurité et de certains dossiers liés à l’Organisation maritime internationale (OMI)

    M. Philippe Lacoste, directeur du développement durable

    M. Serge Segura, ambassadeur chargé des océans

    Mme Aline Kuster-Ménager, ambassadrice au Kenya et en Somalie, représentante permanente de la France auprès des Nations Unies à Nairobi, et Mme Estelle Halimi, représentante permanente adjointe

    Mme Geneviève Van Rossum, ambassadrice, représentante permanente auprès de l’OMI, et M. Philippe Janvier, représentant permanent adjoint

    M. Thierry Coquil, directeur des affaires maritimes

    M. Francesco Gaeta, directeur des affaires européennes et internationales, et Mme Stéphanie Croguennec, sous-directrice chargée du climat et du développement durable

    M. Laurent Bouvier, directeur adjoint des pêches maritimes et de l’aquaculture

    Mme Annick Girardin, ministre de la mer

    M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

    M. Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

    Office français de la biodiversité (OFB) : M. Pierre Dubreuil, directeur général, et M. Hadrien Bouvier, chargé de mission

    Agence française de développement (AFD) : M. Gilles Kleitz, directeur agriculture, eau, biodiversité, transition écologique et ressources naturelles

    M. Julien Le Tellier, responsable de programme affaires socio-économiques du plan d’action pour la Méditerranée du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE/PAM) – secrétariat de la Convention de Barcelone

    M. Grammenos Mastrojeni, premier secrétaire général adjoint de l’Union pour la Méditerranée (UpM), et M. Arnault Graves, conseiller senior sur les questions de climat

    Mme Karima Delli, présidente de la commission Transport et Tourisme du Parlement européen

    Commission européenne : Mme Églantine Cujo et M. Ruben Schuster, membres du cabinet du commissaire à l’environnement, aux océans et à la pêche, Mme Maud Casier, gestionnaire des politiques de protection marine à la, M. Iain Shepherd, expert politique maritime et économie bleue à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche,

    Mme Geneviève Pons, représentante de la mission Starfish 2030 (Healthy Ocean)

    Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne : M. Fabrice Dubreuil, représentant permanent adjoint

    Sea Shepherd France : M. Ludovic Lefèvre, membre de l’association

    Table ronde : Collectif Expédition Med, M. Bruno Dumontet, fondateur, et Fondation Race for water, Mme Camille Rollin, responsable du programme Act

    Fondation Tara Océan : M. Henri Bourgeois-Costa, porte-parole

    Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : Mme Clémentine Azam, chargée du programme « écosystèmes » du comité français de l’UICN

    France Nature Environnement (FNE): Mme Élodie Martinie-Cousty, pilote du réseau Océans, mers et littoraux de FNE, présidente du groupe Environnement nature du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

    Table ronde de chercheurs : M. Matthieu George, maître de conférences à l’université de Montpellier, Mme Pascale Fabre, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), au laboratoire Charles Coulomb de Montpellier, M. Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au CNRS au laboratoire d’océanographie microbienne de Banyuls

    Institut français de recherche pour l’exploitation de la Mer (Ifremer) : M. François Houllier, président, M. François Galgani, océanographe biologiste, responsable de projet, M. Philippe Riou, directeur du département Océanographie et dynamique des écosystèmes (ODE)

    Groupe français d’études et d’applications des polymères (GFP) : M. Stéphane Bruzaud, professeur à l’Université de Bretagne-Sud, et M. Jean François Gérard, professeur à l’Université de Lyon - INSA Lyon

    Institut du développement durable et des relations internationales (IDRRI) : M. Julien Rochette, directeur du programme Océan

    Groupe Compagnie maritime d’affrètement - Compagnie générale maritime (CMA CGM) : M. Guilhem Isaac-Georges, directeur du développement durable, et M. Jacques Gérault, conseiller institutionnel

    PlasticsEurope France : M. Éric Quenet, directeur général, et Mme Véronique Fraigneau, directrice des affaires publiques et de la communication

    Groupe Suez : M. Hugues d’Antin, directeur délégué aux relations institutionnelles, et M. Paul Bourdillon, directeur général délégué pour l’Afrique, le Moyen Orient et l’Inde

 

 


([1]) La Convention de Montego Bay (Convention des Nations unies sur le droit de la mer, CNUDM) du 10 décembre 1982 définit la ZEE comme une bande de mer ou d’océan limitée par la ligne des 200 milles marins internationaux (370 km).

([2]) Cf. Rapport (n° 3654) du 10 décembre 2020 de M. Philippe Bolo, député, et de Mme Angèle Préville, sénatrice, établi au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Pollutions plastiques : une bombe à retardement ?

([3]) Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la production devrait augmenter de 40 % au cours des quinze prochaines années et doubler d’ici 2050.

([4]) UICN, Microplastiques primaires dans les océans : évaluation mondiale des sources, Julien Boucher, Damien Friot, 2020.

([5]) Mission Microplastiques 2019.

([6]) Ministère de la transition écologique, 8 juin 2021, https://www.ecologie.gouv.fr/dechets-marins

([7]) Cf. Rapport précité, p. 109 et 110.

([8]) Cf. Pollution des océans par les plastiques et les microplastiques, François Galgani, Stéphane Bruzaud, Guillaume Duflos, Pascale Fabre, Emmanuelle Gastaldi, Jeff Ghiglione, Régis Grimaud, Matthieu George, Arnaud Huvet, Fabienne Lagarde, Ika Paul-Pont, Alexandra TerHalle, Techniques de l’ingénieur, 10 janvier 2020.

([9]) Selon Heather Leslie, associée de recherches à la Faculté des sciences, de chimie environnementale et toxicologie à l’Université Vrije à Amsterdam.

([10]) La France reste le plus grand utilisateur européen de pesticides.

([11]) Une zone morte est une zone hypoxique (déficitaire en oxygène dissous) située dans un environnement aquatique. Les études conduites depuis la fin des années 1990 montrent que nombre de poissons y meurent asphyxiés, de même que les crustacés, moules, huîtres, coraux, etc.

([12]) Une efflorescence algale (« algal bloom ») est une augmentation rapide de la concentration d’une ou de plusieurs espèces d’algues, appartenant généralement au phytoplancton, dans un système aquatique. Cette prolifération se traduit généralement par une coloration de l’eau (en rouge, brun, brun-jaune ou vert).

([13]) La biomasse désigne la quantité totale d’organismes vivants dans un biotope ou un lieu déterminé à un moment donné.

([14]) L’hypoxie désigne le manque d’apport en oxygène (en l’espèce, appauvrissement de l’eau en oxygène).

([15]) Les sargasses sont des algues brunes nauséabondes qui polluent particulièrement le littoral caribéen. Elles sont équipées de flotteurs naturels qui leur permettent de coloniser la surface de la mer et de s’y multiplier. Elles peuvent ainsi envahir des dizaines de kilomètres de littoral.

([16]) Les mangroves sont des écosystèmes de marais maritime, à la frontière entre la terre et la mer. Il s’agit de forêts qui poussent le long des littoraux, dans des eaux calmes, saumâtres (mélange d’eau de mer et d’eau douce). En plus d’offrir abri et ressources aux populations, la mangrove est l’un des écosystèmes qui stocke le plus de carbone. La protection de ces forêts de bord de mer est essentielle. Les mangroves disparaissent trois à cinq fois plus vite que les pertes forestières mondiales globales. Les estimations actuelles indiquent que la couverture de la mangrove a été divisée par deux au cours des 40 dernières années.

([17]) Question écrite n° 09044 de M. Dominique Théophile, publiée dans le JO Sénat du 21/02/2019, p. 911.

([18]) M. Dominique Théophile, Rapport au Premier Ministre, La lutte contre les algues sargasses dans la grande Caraïbe : stratégies de prévention et de coopération régionale, février 2019.

([19]) MM. Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son Forget, Rapport d’information de la commission des affaires étrangères, Mers et océans : quelle stratégie pour la France ?, n° 2042, 19 juin 2019.

([20]) Le Grenelle de la mer était une démarche publique de réflexion et de négociation entre l’État, les élus, les acteurs économiques et professionnels concernés par la mer et la société civile organisée par le Gouvernement. Les quatre tables rondes finales des 10 et 15 juillet 2009 ont retenu plusieurs centaines de propositions, dont le développement d’un réseau d’aires marines protégées sur 20 % de la ZEE française avant 2020.

([21]) Loi n° 2010-788 portant engagement national pour l’environnement, dite loi ENE.

([22]) Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM, ou UNCLOS pour United Nations Convention on the Law of the Sea), dite Convention de Montego Bay. Signée en 1982, elle est entrée en vigueur en 1994 et a été ratifiée par la France en 1996. L’Union européenne est partie à la Convention.

([23]) Ou dioxyde de carbone (CO2).

([24]) Le potentiel d’hydrogène, ou pH, indique la concentration d’hydrogène dans un liquide.

([25]) Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental ouvert à tous les pays membres de l’ONU. Créé en 1988, il regroupe actuellement 195 États.

([26]) Il y a dans l’océan un stock d’énergie très important et à faible impact environnemental. On peut se référer aux hydroliennes (turbines hydrauliques, sous-marines ou à flots, qui utilisent l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux ou encore des marée). On peut aussi produire une énergie qui est liée au gradient de température dans l’océan, en utilisant les différences de température entre la surface de l’eau et des températures beaucoup plus froides en subsurface.

([27]) Cf. infra.

([28]) La cryosphère désigne toutes les portions de la surface des mers ou terres émergées où l’eau est présente à l’état solide (volumes de neige, glaciers, inlandsis, banquises, icebergs, glace de mer, de lac et de rivière, etc.).

([29]) Cf. supra.

([30]) Cf. Article 136 de la CNUDM : « La Zone et ses ressources sont le patrimoine commun de l’humanité. » La « Zone » désigne la zone des fonds marins au‐delà du plateau continental.

([31]International Seabed Authority (ISA).

([32]) Directive 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et modifiant la directive 2004/35/CE.

([33]) Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

([34]) Le méthane partage avec le CO2 une responsabilité dans les changements climatiques.

([35]) Expression utilisée par Tommy T. B. Koh, juriste international singapourien, président de la troisième conférence des Nations unies sur le droit de la mer.

([36]) Ces conventions sont suivies par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et la direction de l’action européenne et internationale (DAEI) du ministère de la Transition écologique.

([37])  Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes.

([38]) Les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) sont des organismes internationaux mis en place par des pays ayant des intérêts en matière de pêche dans une zone géographique spécifique.

([39]) Ratifié par 23 pays de la région dont la France.

([40]) SPAW : Specially Protected Areas and Wildlife.

([41]) Ratifié par quinze pays de la région dont la France.

([42]) LBS : Land-Based Sources.

([43]) Ratifié par dix pays de la région dont la France.

([44]) Cf. infra.

([45]) Entrée en vigueur en 1975.

([46]) Cette convention a été modifiée en 1992 par un protocole ayant pour principal objet l’augmentation du plafond de responsabilité.

([47]) La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) est la principale convention internationale traitant de la prévention de la pollution du milieu marin, que les causes soient liées à l’exploitation ou à des accidents. La Convention MARPOL a été adoptée le 2 novembre 1973 à l’OMI.

([48]) SOLAS : Safety Of Life At Sea.

([49]) OPRC : Oil pollution Preparedness, Response and Cooperation.

([50]) Les eaux de ballast sont utilisées à bord des navires pour stabiliser ces derniers.

([51]) La Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (Convention BWM) est entrée en vigueur en 2017.

([52]) Entrée en vigueur en 2015.

([53]) Article 2 de la CNUDM : « La souveraineté de l’État côtier s’étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures et, dans le cas d’un État archipel, de ses eaux archipélagiques, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale. »

([54]) La France a ratifié cette convention en 2012.

([55]) Ce n’est pas parce qu’un État est membre de l’OMI qu’il est partie à toutes les conventions établies au sein de l’organisation. Pour qu’il devienne partie à une convention, un État doit la signer et la ratifier ou y adhérer.

([56]) La Convention internationale de 2010 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, également appelée Convention SNPD de 2010, est fondée sur le principe du pollueur-payeur et vise à fournir un régime de responsabilité et d’indemnisation pour les déversements de SNPD provenant de navires.

([57]) Entrée en vigueur en 1975.

([58]) Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

([59]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([60]) Les eaux de transition sont des masses d’eaux de surface à proximité des embouchures de rivières, qui sont partiellement salines en raison de leur proximité d’eaux côtières, mais qui sont fondamentalement influencées par des courants d’eau douce.

([61])  Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions.

([62])  Directive 2008/56/CE du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre stratégie pour le milieu marin ).

([63])  https://wwz.ifremer.fr/littoral/Reseaux-de-surveillance/Environnement/Directive-Cadre-Strategie-pour-le-Milieu-Marin-DCSMM

([64]) Directive 2014/89/UE du Parlement Européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime.

([65]Port reception facilities (installations de réception portuaires). Directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE.

([66]) Cf. infra.

([67]) Cf. par exemple CJUE (sixième chambre), 23 novembre 2016 : condamnation de la France pour avoir manqué, dans onze agglomérations, aux obligations prévues par la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (c’était la quatrième fois que la France était condamnée pour non-respect de cette directive).

([68]) La première Conférence a été organisée en 2017, au siège de l’ONU à New York.

([69]) Cette deuxième Conférence internationale sur la préservation des océans a été reportée à une date ultérieure non encore communiquée.

([70]) Prévue initialement en octobre 2020, la 15ème conférence des parties (COP15) signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se tiendra finalement du 11 au 24 octobre 2021, à Kunming en Chine.

([71]High Ambition Coalition (HAC) for Nature and People.

([72]) Cf. supra.

([73]) Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

([74]) Cf. infra.

([75]) Articles L. 334-1 et suivants du code de l’environnement.

([76]) Cf. infra.

([77])  Maritime Safety Committee (MSC).

([78]) Un navire autonome ou navire automatisé, est un navire capable de naviguer sans équipage ou avec un équipage réduit grâce à de nombreux capteurs, caméras et instruments connectés.

([79]Marine Environment Protection Committee (MEPC).

([80]) Directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, et abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil (modifiée par la directive 2014/100/UE du 28 octobre 2014).

([81]) Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au contrôle par l’État du port.

([82]) Directive 2009/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant le respect des obligations des États du pavillon.

([83]) Règlement (CE) n° 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime.

([84]) GMES a été rebaptisé « Copernicus ».

([85]) L’OFB est issu de la fusion, au 1er janvier 2020, de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

([86]) Décret n° 2020-879 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la mer.

([87]) La DAM élabore les réglementations relatives à la sécurité, à la sûreté et à la prévention de la pollution par les navires professionnels, et veille à leur application. Elle est le service traitant du Comité de protection de l’environnement marin (MEPC) de l’OMI.

([88]) Pour lutter contre les pollutions, les préfets maritimes utilisent les moyens régaliens mais également le levier économique, en incluant l’ensemble des acteurs de l’économie maritime.

([89]) Le SGMer dispose sous son autorité d’un centre interministériel, le centre opérationnel de la fonction garde-côtes (COFGC). Le COFGC, actif depuis le 20 septembre 2010, est armé par une quinzaine d’agents issus des sept administrations (Marine Nationale, Gendarmerie Nationale, Gendarmerie Maritime, Douane, Police Nationale, Sécurité Civile et Affaires Maritimes). La création de la fonction garde-côtes a été décidée par le comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009.

([90]) Le carénage est une opération de révision périodique de la coque d’un navire en vue de lui redonner ses qualités nautiques. Il comprend le nettoyage, le gommage, le ponçage, le décapage de la couche superficielle de la coque, le grattage des restes de peinture, la remise en peinture et la réparation de la carène du navire, c’est-à-dire de la partie de la coque située sous la ligne de flottaison. Lors du carénage d’un navire, de nombreuses substances toxiques (particules de peinture, de graisse et d’hydrocarbures) peuvent se retrouver dans l’eau et les sédiments et polluer les milieux naturels marins. Afin de réduire ces risques de pollution et de préserver la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, la pratique du carénage en dehors d’installations adaptées est interdite.

([91]) La vérification des signalements en matière de pollution est assurée par les moyens humains, nautiques et aériens des acteurs de la chaîne de surveillance et de prévention de l’environnement marin (centres de sécurité des navires, Douane, Marine nationale, Affaires maritimes, Gendarmerie maritime). Près d’un signalement sur deux est suivi d’une investigation permettant la confirmation ou l’infirmation de la pollution.

([92]) En 2019, le recours à la réserve opérationnelle de la marine nationale à hauteur de 3000 jours-agents par an pour l’ensemble du dispositif a été formalisé. Il permet une certaine marge de manœuvre, en particulier pendant les périodes de pointe saisonnières.

([93]) L’Amoco Cadiz était un pétrolier supertanker libérien lancé en 1974 pour la société américaine Amoco afin de transporter du pétrole depuis le golfe Persique vers l’Europe. Son naufrage en mars 1978 au large du Finistère provoqua une marée noire considérée, aujourd’hui encore, comme l’une des pires catastrophes écologiques de l’histoire.

([94]) Le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) a été créé en 1978.

([95]) La tour radar du Stiff est une tour d’observation située sur l’Île d’Ouessant et mise en service en 1982. Sa construction a débuté en 1978 à la suite du naufrage de l’Amoco Cadiz sur les roches de Portsall.

([96]) Rapport d’information n° 633 (2020-2021) de M. Bernard Delcros sur le financement de la lutte contre les algues vertes, fait au nom de la commission des finances, 26 mai 2021.

([97]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([98]) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([99]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([100]) Loi AGEC : loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.

([101]) Directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE.

([102]) Ce Pacte rejoint le réseau des « Plastics Pacts » de la Fondation Ellen MacArthur, une plateforme de coopération et d’échange fédérant les initiatives nationales autour d’une vision commune pour une économie circulaire pour les plastiques.

([103]) Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Terres Australes et Antarctiques Françaises et Wallis-et-Futuna (liste à laquelle on peut ajouter l’île de Clipperton).

([104]) Directive européenne 2019/904 du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019, relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (JOUE n° L 155, 12 juin 2019).

([105]) Cette directive a été transposée en France par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui comprend plusieurs mesures consacrées à la lutte contre la pollution provoquée par ces plastiques. Le texte prévoit notamment que des objectifs de réduction, de réutilisation, de réemploi et de recyclage soient fixés par décret pour la période 2021-2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans.

([106]) Le dispositif de la responsabilité élargie du producteur (REP) implique que les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs) qui mettent sur le marché des produits engendrant des déchets prennent en charge tout ou partie de la gestion de ces déchets.

([107]) Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets.

([108]) REACH : Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals.

([109]) Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques. Entré en vigueur en 2007, ce règlement fournit un cadre législatif pour la fabrication et l’utilisation des produits chimiques en Europe. Il transfère des pouvoirs publics à l’industrie la responsabilité de veiller à ce que les produits chimiques produits, importés, vendus et utilisés dans l’Union européenne soient sûrs.

([110]) Horizon Europe est le programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation pour la période allant de 2021 à 2027.

([111]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, relative à une nouvelle approche pour une économie bleue durable dans l’Union européenne (Transformer l’économie bleue de l’Union européenne pour assurer un avenir durable).

([112]) Règlement (UE) n ° 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport.

([113]) Directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs.

([114]) ECA : Emission Control Area.

([115]) Le dioxyde de soufre est l’un des polluants majeurs de l’atmosphère depuis le début de la révolution industrielle. Les émissions de dioxyde de soufre sont des précurseurs des pluies acides mais elles contribuent aussi à la formation d’aérosols atmosphériques qui modifient significativement le climat.

([116]) Adopté le 27 avril 2021 par le Parlement européen.

([117]) Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions.

([118]) Directive (UE) 2019/883 du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, modifiant la directive 2010/65/UE et abrogeant la directive 2000/59/CE.

([119]) Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

([120]) Les conteneurs sont des boîtes métalliques de taille standard, de six ou douze mètres de long.

([121]) Cf. Actu-Environnement, vendredi 30 avril 2021.

([122]) En hommage à l’homme politique marshallais Tony deBrum (1945-2017) et à son action contre le réchauffement climatique, cause d’une élévation du niveau de la mer qui menace l’existence des Îles Marshall.

([123]) La photosynthèse est le processus par lequel les plantes, les algues et certaines bactéries convertissent l’énergie de la lumière en énergie chimique sous forme de sucres.

([124]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, Ramener la nature dans nos vies, 20 mai 2020.

([125]) Le plateau continental constitue le prolongement naturel du territoire d’un État côtier. Il donne la possibilité à celui-ci d’étendre sa juridiction au-delà des 200 milles nautiques de la ZEE, jusqu’à une limite maximale fixée à 350 milles nautiques.

([126]) Cf. conférence de M. Serge Segura, Ambassadeur chargé des océans, La négociation sur la haute mer aux Nations Unies, UMR en Droit International Comparé et Européen (DICE), 26 janvier 2021.

([127]) Ils sont en réalité plutôt 120 ou 130 aujourd’hui.

([128]) Adopté en octobre 2010, le protocole de Nagoya à la convention sur la diversité biologique est entré en vigueur le 12 octobre 2014. Il porte notamment sur l’accès aux ressources génétiques et sur le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (dispositif dit APA pour « Accès et Partage des Avantages »).

([129]) Le krill est le nom générique donné à de petits crustacés d’eau froide dont on tire certaines huiles alimentaires, utilisées notamment à des fins médicales.

([130]) L’intitulé complet de l’ODD 14 est le suivant : « Conserver et exploiter de manière durable les océans et les mers aux fins du développement durable ».

([131]) Un peu sur le modèle du dispositif relativement complexe mis en place par la convention de Montego Bay pour les ressources minérales des grands fonds.

([132]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, Ramener la nature dans nos vies, 20 mai 2020.

([133]) Les pays du Golfe de Guinée pèsent 5 % de la production mondiale de pétrole.

([134]) La Convention d’Abidjan, signée en 1981, est une convention de coopération en matière de protection, de gestion et de développement de l’environnement marin et côtier de la côte Atlantique de l’Afrique de l’Ouest, centrale et australe, qui couvre une zone marine allant de la Mauritanie à l’Afrique du Sud pour un littoral d’un peu plus de 14 000 km.

([135]) La fondation MAVA est une fondation philanthropique située en Suisse et fondée en 1994 par le naturaliste Luc Hoffmann. Elle se concentre sur la conservation de la biodiversité et travaille sur cinq programmes : bassin méditerranéen, Afrique de l’Ouest, Suisse, « économie durable » et « impact et durabilité ».

([136]Open-ended working group on marine litter and microplastics. Ce groupe de travail a été reconduit lors de la quatrième Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement (ANUE‑4).

([137]) Centre de recherche environnementale allemand Helmholtz, MM. Christian Schmidt, Tobias Krauth, et Stephan Wagner, Exports of Plastic Debris by Rivers into the Sea, 2017.

([138]) Cf. supra.

([139]) Cf. décret n° 2020-586 du 18 mai 2020 relatif à la mise en œuvre des obligations de déclaration des cargaisons prévues par la Convention internationale de 2010 sur les substances nocives et potentiellement dangereuses (convention SNPD).

([140]) Convention pour la Protection et la Mise en Valeur du Milieu Marin dans la Région des Caraïbes, adoptée en 1983 à Carthagène (Colombie) et entrée en vigueur en 1986.

([141]) Convention pour la protection de l’environnement marin de l’Atlantique Nord-Est, adoptée en 1992.

([142]) Vingt-sixième session de la Conférence des Parties (Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques).

([143]) Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets.

([144]) Le clapage est l’opération consistant à déverser en mer des substances (généralement des déchets ou des produits de dragage), en principe à l’aide d’un navire dont la cale peut s’ouvrir par le fond.

([145]) UICN, Rapport Mare Plasticum : The Mediterranean , élaboré en collaboration avec l’organisation Environmental Action.

([146]) WWF, Pollution plastique en Méditerranée : sortons du piège !, rapport 2018.

([147]) Cf. Plan d’actions « zéro déchet plastique en mer » (2020-2025), p. 2.

([148]) Cf. supra.

([149]) Pendant des décennies, l’usine Alteo (ex-Péchiney) de Gardanne a déversé des « boues rouges » (déchets insolubles issus de l’extraction de l’alumine, qui nécessite de la soude et de la bauxite) dans le parc naturel des calanques près de Marseille.

([150]) Les zostères sont des plantes à fleur qui se développent en herbiers sur certaines plages de sable à marée basse. Ces prairies marines ont un très grand intérêt écologique en tant que zones de reproduction, de nurserie et de nourrissage pour de nombreuses espèces.

([151]) Le coralligène est l’écosystème majeur de Méditerranée au-delà de 30 à 40 mètres de profondeur. Il se caractérise par l’abondance d’algues calcaires, dites algues coralligènes, capables de construire, par superposition d’encroûtements ou par accumulation de dépôts, des massifs comparables aux massifs coralliens.

([152]) Avant l’entrée en vigueur de la convention BWM de l’OMI en 2017, il n’existait pas de cadre réglementaire en matière d’eau de ballast. Depuis, les navires doivent être équipés d’un système de traitement des eaux de ballast approuvé conformément aux normes OMI BWM.

([153]) Albanie, Algérie, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Croatie, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Liban, Libye, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Slovénie, Syrie, Tunisie, Turquie et Union Européenne.

([154]) Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs, protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée, protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée, etc.

([155]REMPEC : Regional Marine Pollution Emergency Response Centre. Le REMPEC est géré par l’OMI en coopération avec le PAM. La France est représentée au REMPEC par le Secrétaire général de la mer (SGMer).

([156]) Convention sur les zones humides d’importance internationale, signée en 1971 à Ramsar (Iran).

([157]) Coordonné par la Tour du Valat, institut de recherche français situé en Camargue.

([158]) RAMOGE : Saint-RAphaël - MOnaco – Gênes. Ce plan a débuté par la création en 1970 d’une zone pilote de lutte contre les pollutions marines dans la zone littorale située entre Saint-Raphaël et Gênes.

([159]) Le 7 octobre 2018, à 15 nautiques au nord du Cap Corse, en eaux internationales, le roulier Ulysse, navigue vers Radès (Tunis) et percute violemment à l’avant-tribord le porte-conteneurs chypriote CSL Virginia, alors au mouillage, sans chargement. Cette collision a été suivie très rapidement d’un déversement en mer du fioul de propulsion, contenu dans une des soutes endommagées du CSL Virginia.

([160]) En tout dernier recours, en cas de situation grave, persistante ou répétée de non-respect par une partie, la réunion des parties contractantes peut émettre un avertissement, ou publier un rapport de non-respect ou enfin prendre toute mesure additionnelle nécessaire afin d’atteindre les objectifs de la Convention et de ses protocoles. Il ne semble pas que cette dernière possibilité soit réellement appliquée.

([161]) Cf. Annexe VI.

([162])  On distingue les zones SECA (zones de réduction des émissions d’oxydes de soufre, avec passage à 0,1 % de teneur en soufre dans les carburants) et les zones NECA (zones de réduction des émissions d’oxydes d’azote, avec utilisation de moteurs plus propres).

([163]https://www.ecologie.gouv.fr/projet-zone-reglementation-des-emissions-polluants-eca-en-mer-mediterranee#scroll-nav__2. Les PM10 sont des particules en suspension dans l'air dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres, d'où leur nom anglais de « Particulate matter 10 ».

([164]) La région Provence-Alpes-Côte-D’azur s’est engagée à investir 30 millions d’euros afin que les navires stationnant dans les ports de Toulon, Nice, et Marseille n’émettent plus de fumées d’ici 2025.

([165]) Directive 91/271/CEE du 21/05/91 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (DERU). Cette directive impose aux États membres de veiller à ce que les agglomérations collectent et traitent de manière appropriée leurs eaux usées. La Directive prévoit des échéances de mise aux normes échelonnées.

([166]) Le traitement « primaire » est une simple décantation qui permet de supprimer la majeure partie des matières en suspension. Le traitement « secondaire » consiste à utiliser des bactéries pour éliminer les polluants restants. Après leur traitement en station d’épuration et à la place d’un rejet direct dans le milieu naturel, les eaux usées peuvent subir une épuration supplémentaire grâce à des traitements plus spécifiques, appelée traitement « tertiaire ». Les eaux peuvent alors être réutilisées pour différents usages comme par exemple pour de l’irrigation en agriculture.

([167]) STations d’ÉPuration des eaux usées.

([168]) Éléments fournis par le groupe Suez.

([169]) MedPAN : Mediterranean Protected Areas Network.

([170]) Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.