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N° 4561

 

——

 

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2021

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1]),

sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021

et présenté par

MM. Jean-Michel MIS et Raphaël SCHELLENBERGER,

Rapporteurs,
Députés

 


1

 

La mission d’information sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 est composée de MM. Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, rapporteurs.

 

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION..................................................... 7

Première partie : État des lieux des dysfonctionnements constatés : des chiffres de distribution définitifs surprenants

I. Bilan statistique de la distribution de la propagande lors des élections régionales et départementales

A. Les chiffres officiels de la distribution de la propagande électorale

B. La volonté de se doter d’un outil de reporting en apparence performant

II. Des chiffres définitifs suscitant de multiples interrogations

A. La probable surestimation des chiffres de distribution présentés par adrexo

1. Les chiffres de non-distribution s’agissant du premier tour des élections

2. Les chiffres de non-distribution s’agissant du second tour des élections

B. Des outils de reporting imprécis ne permettant pas d’objectiver l’ampleur exacte du phénomène

Deuxième partie : les causes de l’échec : une pluralité de dÉfaillances tout au long du processus

I. L’accord-cadre : le choix contestable d’Adrexo

A. le cadre juridique applicable À l’acheminement de la propagande Électorale

1. La mise en concurrence, une obligation du droit de la commande publique

2. La fourniture de services postaux, une prestation soumise à une autorisation de l’ARCEP dont la portée reste très générale

a. Le cadre général de l’autorisation délivrée par l’ARCEP aux opérateurs de services postaux

b. Un contrôle à la portée limitée

B. Les défauts de conception et d’attribution du marché de distribution de la propagande électorale

1. Une appréciation imparfaite des capacités financières et techniques d’Adrexo par le pouvoir adjudicateur ?

a. Une entreprise fragilisée sur le plan financier

b. Des effectifs insuffisants ?

II. Une succession de dysfonctionnements tout au long de la chaîne de distribution

A. Le succès mitigé de l’externalisation des prestations de mise sous pli

1. Des modalités de mise sous pli au libre choix des préfectures

2. Des dysfonctionnements largement constatés dans les opérations de mise sous pli externalisées

3. De multiples sources de retards et d’erreurs

a. Un calendrier particulièrement resserré

b. Une responsabilité du ministère de l’Intérieur et de certains candidats ?

c. Un nombre de candidats plus élevé qu’anticipé au second tour

d. Une défaillance des moyens humains due à des difficultés de recrutement de personnel intérimaire

e. Des difficultés techniques liées au séchage du papier

B. Une coordination parfois difficile entre routeurs et distributeurs

1. Les étiquettes et les contenants de la discorde

2. L’enlèvement tardif de certains plis

C. EN BOUT DE CHAÎNE, DES DYSFONCTIONNEMENTS AGGRAVÉS OU SUSCITÉS PAR LES DÉFAILLANCES D’Adrexo

1. D’une région à l’autre, des résultats contrastés en fonction du distributeur

2. Un distributeur handicapé par des faiblesses structurelles

a. Une trop forte dépendance au travail intérimaire

b. La question de la formation des distributeurs

c. Un climat social dégradé

d. Une communication défaillante de l’encadrement d’Adrexo

Troisième partie : les principales pistes de réflexion afin de tirer les enseignements de cet échec

I. Questionner sans tabou le cadre juridique applicable à l’acheminement de la propagande électorale

A. Le choix gouvernemental de réinternaliser la mise sous pli

1. Le recours croissant à l’externalisation de la mise sous pli par les préfectures

2. La réinternalisation de ces prestations pour les prochains scrutins : un choix inopiné

B. L’inévitable remise en cause du contrat d’adrexo, préalable au lancement d’un nouvel accord-cadre

1. La résiliation du contrat d’Adrexo

2. Le lancement d’un nouvel accord-cadre dans la perspective des élections présidentielle et législatives de 2022

C. La soumission des prestations de distribution aux contraintes concurrentielles imposées par le droit européen

1. L’hypothèse d’une réinternalisation de la distribution de la propagande électorale

2. L’hypothèse du retrait des prestations de distribution de la propagande électorale du champ concurrentiel

II. Renforcer la cohérence de l’ensemble du processus

A. Conserver la distribution postale de la propagande électorale tout en facilitant son accès dématérialisé

1. La mise en ligne des documents de propagande sur Internet

2. Permettre aux électeurs de choisir les modalités de distribution

B. Garantir une chaîne logistique véritablement conforme aux enjeux démocratiques

1. Le nécessaire maintien d’un délai d’une semaine entre le premier et le second tour

2. Mieux encadrer les délais d’envoi et de distribution des documents de propagande

Travaux de la commission

Synthèse des recommandations

Liste des personnes entendues

ANNEXE : Chiffres définitifs de la distribution de la propagande électorale au second tour des élections régionales et départementales de juin 2021

Chiffres définitifs d'Adrexo au second tour - Distribution de la propagande des départementales

Chiffres définitifs d'Adrexo au second tour - Distribution de la propagande des régionales

Chiffres définitifs de La Poste au second tour - Distribution de la propagande des départementales

Chiffres définitifs de La Poste au second tour - Distribution de la propagande des régionales

 


1

 

 

MESDAMES, MESSIEURS,

Les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 ont été marquées par des dysfonctionnements inadmissibles : plusieurs millions d’électeurs n’ont pas reçu à leur domicile les documents de propagande électorale avant le premier et le second tour. L’ampleur réelle de cet échec inédit a probablement été minimisée. Il est le fruit de multiples défaillances dont la responsabilité semble aujourd’hui partagée. Les fautes commises par certaines sociétés privées en charge des opérations de mise sous pli et de distribution ne doivent pas occulter le rôle primordial qu’exerce l’État en tant que pouvoir adjudicateur. Le préjudice démocratique final, que le taux d’abstention record ne saurait à lui seul objectiver, nourrit un sentiment légitime d’abandon voire de mépris à l’encontre des électeurs comme des candidats.

Les acteurs de l’acheminement de la propagande électorale sont nombreux. Travaillant dans des délais particulièrement contraints, notamment dans l’entre-deux tours, ils forment les maillons d’une chaîne logistique complexe. Suivant un effet « boule de neige », la moindre déficience de l’un d’entre eux peut provoquer des dégâts majeurs et irrattrapables affectant de façon immédiate l’ensemble du processus. À l’issue des auditions conduites par vos rapporteurs depuis le mois de juillet et à la lumière de l’ensemble des documents qui leur ont été transmis, des dysfonctionnements ont été constatés à chacune des étapes. Ce fut singulièrement le cas de l’entre-deux tours des scrutins, assujetti comme d’habitude à de très fortes contraintes calendaires.

À la suite du premier tour le dimanche 20 juin 2021, le schéma des opérations de distribution de la propagande en vue du second tour des élections régionales et départementales s’est présenté de la façon suivante :

                                                    

La remise tardive des documents de propagande aux sociétés de routage ou aux régies préfectorales assurant la mise sous pli a provoqué des retards subséquents en aval. Ces derniers ont été amplifiés par la désorganisation de certains routeurs et l’insuffisante coordination nouée avec le distributeur Adrexo, choisi pour la première fois par le ministère de l’Intérieur afin d’assurer la distribution de la propagande dans sept régions. L’absence de pilotage réactif couplé au cloisonnement de chaque intervenant a débouché sur la non-distribution de plus d’un tiers des plis censés être acheminés aux électeurs en vue du second tour, en dépit des remontrances publiquement adressées par le ministère de l’Intérieur aux distributeurs, et plus particulièrement à Adrexo, à l’issue du premier tour.

Face à ces dysfonctionnements sans précédent, le ministère de l’Intérieur a décidé en août dernier de résilier le contrat pluriannuel conclu avec Adrexo et de mettre un terme à la possibilité laissée aux préfectures d’externaliser les prestations de mise sous pli à des sociétés de routage. Si elles visent à tirer les conséquences de l’échec essuyé en juin, ces évolutions ne suffisent pas à garantir le succès des opérations de distribution des documents de propagande lors des prochains scrutins. La nécessité de maîtriser l’ensemble de la chaîne logistique, en amont et en aval, soulève des enjeux juridiques et opérationnels majeurs qu’il convient d’anticiper dès aujourd’hui afin de ne plus reproduire demain les erreurs d’hier.

Outre un état des lieux des dysfonctionnements constatés, le présent rapport analyse la pluralité des causes ayant provoqué ces défaillances tout en dressant des perspectives susceptibles d’y remédier à l’avenir. Vos rapporteurs émettent ainsi dix recommandations destinées à sécuriser le déroulement de l’ensemble du processus, conformément aux principes qui fondent notre vie démocratique.

 

 

 

 

 

 

 


1

 

   Première partie : État des lieux des dysfonctionnements constatés : des chiffres de distribution définitifs surprenants

Les chiffres définitifs de distribution de la propagande électorale contrastent avec la réalité ressentie sur le terrain qui fait état de dysfonctionnements d’une ampleur plus conséquente que celle présentée par les bilans statistiques disponibles. Les zones relevant de la responsabilité d’Adrexo cristallisent l’essentiel des critiques.

I.   Bilan statistique de la distribution de la propagande lors des élections régionales et départementales

Les chiffres définitifs de distribution des plis s’appuient notamment sur un système de reporting mis en avant par la société Adrexo.

A.   Les chiffres officiels de la distribution de la propagande électorale

Notifié en janvier 2021, l’accord-cadre de distribution de la propagande électorale sur la période quadriennale 2021-2024 se compose de seize lots recoupant le périmètre géographique de chacune des treize régions métropolitaines, de Paris, de l’ensemble des collectivités ultramarines et de l’étranger.

La Poste et Adrexo étaient respectivement titulaires de neuf ([2]) et sept lots.

Les chiffres nationaux finaux fournis par La Poste et Adrexo au ministère de l’Intérieur pour les élections départementales sont les suivants :

 

Scrutin départemental

Adrexo

La Poste

Total

Nombre de plis à distribuer lors du premier tour des élections départementales

21 563 680 de plis enlevés

21 568 716 de plis enlevés

43 102 396

Nombre (et taux) de plis effectivement distribués

20 419 522 soit 94,69 %

19 524 032 soit 90,52 %

39 943 554 soit 92,61 %

Nombre de plis à distribuer lors du second tour des élections départementales

18 996 727 de plis enlevés

19 187 273 de plis enlevés

38 184 000

Nombre (et taux) de plis effectivement distribués

13 826 867 soit 73 %

17 517 688 soit 91,30 %

31 344 555 soit 82,09 %

 

Les chiffres nationaux finaux fournis par La Poste et Adrexo au ministère de l’Intérieur pour les élections régionales sont les suivants :

 

Scrutin régional

Adrexo

La Poste

Total

Nombre de plis à distribuer lors du premier tour des élections régional

22 386 328 de plis enlevés

22 947 612 de plis enlevés

45 933 940

Nombre (et taux) de plis effectivement distribués

20 784 499 soit 92,84 %

20 726 665 soit 90,32 %

41 511 164 soit 91,57 %

Nombre de plis à distribuer lors du second tour des élections régionales

19 368 152 de plis enlevés

18 633 691 de plis enlevés

38 001 843

Nombre (et taux) de plis effectivement distribués

10 425 103 soit 53,83 %

16 936 598 soit 90,89 %

27 361 701 soit 72 %


En raison du volume de données, les chiffres définitifs établis pour la distribution de la propagande lors du second tour des élections régionales et départementales figurent en annexe du présent rapport. Le reporting de la distribution des plis a fait l’objet d’une attention particulière du ministère de l’Intérieur lors de l’attribution de l’accord-cadre : l’offre d’Adrexo, plus précise et sophistiquée, s’est notamment distinguée de celle de La Poste sur ce critère.

B.   La volonté de se doter d’un outil de reporting en apparence performant

En l’absence de concurrent au groupe La Poste ([3]), la distribution de la propagande électorale a toujours été confiée à celui-ci, dans le cadre d’un marché public dimensionné à l’échelle nationale depuis la libéralisation de ce secteur survenue au milieu des années 2000.

Lors du renouvellement de l’accord-cadre en 2020, le ministère de l’Intérieur a souhaité allotir le marché en seize lots afin de permettre à d’autres opérateurs économiques de présenter leur candidature.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué avoir sélectionné la société Adrexo pour tous les lots sur lesquels elle a déposé une offre en raison de coûts plus intéressants, mais également de la possibilité offerte par Adrexo d’adresser au ministère un reporting quotidien dans le but de suivre en temps réel l’avancement de la distribution des plis électoraux.

Un tel reporting quotidien était souhaité de longue date par le ministère de l’Intérieur. Cependant il apparaît que La Poste n’était pas en mesure de mettre en place un tel système. En effet, la communication par La Poste des chiffres de la distribution de la propagande électorale lors d’un scrutin intervient habituellement à J + 20 après celui-ci.

L’outil de reporting d’Adrexo devait permettre une synthèse en temps réel de la distribution de la propagande électorale dans les zones dont elle avait la charge. Si ce reporting a effectivement été mis en œuvre, il convient néanmoins de s’interroger sur la pertinence des chiffres de distribution des plis. Ces données ont soulevé de sérieux doutes quant à leur fiabilité. Elles apparaissent ainsi largement surestimées à la lumière des nombreux témoignages relatés par la presse et des remontées d’information progressivement recueillies par les préfectures.

II.   Des chiffres définitifs suscitant de multiples interrogations

Les chiffres de distribution présentés par Adrexo apparaissent largement surestimés, illustrant la défaillance du dispositif de reporting mis en œuvre.

A.   La probable surestimation des chiffres de distribution présentés par adrexo

Le bilan définitif de la distribution de la propagande au premier et au second tours des élections régionales et départementales établi par Adrexo semble démenti par de multiples témoignages et les remontées d’information réalisées par les préfectures concernées.

1.   Les chiffres de non-distribution s’agissant du premier tour des élections

Lors des dernières élections régionales et départementales, un certain nombre de témoignages ont fait état de difficultés majeures dans la distribution de la propagande électorale en amont du premier tour. Les tableaux de reporting fournis au ministère de l’Intérieur indiquent que la distribution de la propagande électorale s’est déroulée normalement, qu’il s’agisse d’Adrexo ou de La Poste, et dans des taux similaires aux scrutins précédents en matière de plis non distribués, compris entre 5 % et 10 %.

Lors des élections présidentielle et législatives de 2017, le ministère de l’Intérieur indique que le taux de plis non distribués par La Poste s’est élevé à 6 %. Ce chiffre monte à 8 % lors des élections européennes de 2019, avant d’atteindre 8 % puis 9 % lors du premier et du deuxième tours des élections municipales de 2020.

Lors de leurs auditions, ni La Poste ni Adrexo n’ont fait état de problèmes sérieux lors de la distribution de la propagande électorale au premier tour des scrutins départementaux et régionaux. Pourtant, des témoignages d’élus locaux relayés par des articles de la presse quotidienne régionale relataient déjà des défaillances notables dans la distribution de la propagande en amont du premier tour des deux scrutins. Ces réactions ciblent de façon quasiment exclusive la société Adrexo, alors même que les chiffres de non-distribution présentés par celle-ci se révèlent moins élevés que ceux annoncés par La Poste ([4]) :


Source : La Nouvelle République, 20 juin 2021.


L’abandon de 19 000 plis électoraux par Adrexo a également été constaté dans le département de la Manche :


 Source : La Presse de la Manche, 23 juin 2021

Le taux de plis non distribués, en augmentation depuis plusieurs années, est principalement imputé par les distributeurs à l’imparfaite actualisation des listes électorales. Ils considèrent que l’augmentation des déménagements à la suite de la pandémie de covid-19 rend difficile l’actualisation des listes. Ce problème se conjugue à la l’injonction faite aux distributeurs de propagande électorale de ne pas faire suivre le courrier contenant les plis dans le cas où les électeurs ont souscrit un contrat de réexpédition de courrier après un déménagement.

Cette solution s’explique par le fait que la redirection des plis électoraux vers la nouvelle adresse de l’électeur ne permettrait pas d’acheminer la propagande en temps utile.

 

Les chiffres définitifs de non-distribution présentés par Adrexo lors du premier tour, moins élevés que ceux annoncés par La Poste, suscitent de larges interrogations tant ils apparaissent contre-intuitifs au regard des ressentis collectivement exprimés par les élus locaux voire par le ministère de l’Intérieur lui-même. Auditionné par vos rapporteurs au mois de juillet, le secrétariat général du ministère de l’Intérieur a pris soin de ne pas les commenter, affirmant qu’il s’agissait simplement d’une première indication qui ne permettait pas à ce stade de disposer du « recul nécessaire pour analyser l’écart par rapport à La Poste et ses sous-jacents ». Ces chiffres étant purement déclaratifs, le ministère a reconnu ne pas avoir été en mesure de vérifier avec exactitude et de façon exhaustive leur réalité.

Par ailleurs, il existe des différences majeures et non expliquées entre les chiffres de non-distribution établis au niveau national et au niveau local : c’est par exemple le cas des plis non-distribués dans le Jura et la Nièvre concernant le scrutin départemental dont le taux s’élève à 19 %, et jusqu’à 25 % dans le Jura s’agissant du scrutin régional.

2.   Les chiffres de non-distribution s’agissant du second tour des élections

Les chiffres de la distribution de la propagande électorale lors du second tour ont connu une baisse substantielle, due essentiellement à l’échec d’Adrexo, qui a même été contraint de faire appel à La Poste pour tenter d’endiguer les difficultés. Adrexo a ainsi demandé à La Poste de prendre en charge la distribution de près de 5 millions de plis relevant de sa responsabilité le 23 juin 2021, soit seulement quatre jours avant le second tour des élections régionales et départementales.

Ainsi, les taux de non-distribution des plis au second tour des élections départementales et régionales dans les zones gérées par Adrexo s’élèvent respectivement à 27 % et 42 %. La Poste présente quant à elle des taux de non-distribution nettement moins élevés, à hauteur de 8,7 % et 8,9 %.

De nombreux témoignages d’élus locaux et de citoyens ont fait état d’une de défaillances majeures ayant affecté la distribution de la propagande électorale dans les zones d’Adrexo, à l’image du département de la Loire.

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   Source : Le Progrès, 29 juin 2021.

En outre, ces témoignages ont été corroborés par la découverte de centaines de plis électoraux abandonnés par les personnels de cette société. À titre d’exemple, dans le département de la Côte-d’Or, des colis de plis ont été retrouvés partiellement brûlés. Dans le territoire de Belfort, des colis de plis ont été laissés à l’abandon. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre les personnels intérimaires chargés de leur acheminement.

Le quotidien régional L’Union a également rapporté, dans un article du 23 septembre 2021, que des électeurs de Châlons-en-Champagne ont reçu, le 20 septembre 2021, des plis contenant la propagande des dernières élections, accusant ainsi un retard de trois mois :


       Source : L’Union, 23 septembre 2021.

À la demande du ministère de l’Intérieur, les préfectures ont procédé à des investigations afin de vérifier de façon aléatoire la cohérence des chiffres issus des reportings effectués par Adrexo. Communiqués à vos rapporteurs, les résultats obtenus font état de sérieuses incohérences, voire de statistiques fantaisistes.

Par exemple, la préfecture du Cantal estime que le site de distribution d’Adrexo situé à Aurillac n’aurait reçu que 28 000 plis sur les 114 000 attendus. Cependant le reporting d’Adrexo fait état de 113 084 plis enlevés et 112 924 plis livrés dans le Cantal. La préfecture du Cantal affirme que ces chiffres sont « ubuesques » au regard de la réalité de la situation.

De la même manière, dans le département de la Nièvre, la préfecture rapporte que certains chiffres présentés dans le reporting d’Adrexo sont manifestement faux, puisqu’un taux de distribution est annoncé pour certaines communes alors même qu’aucun pli de propagande électorale n’a été distribué dans celles-ci. Cette situation se retrouve dans la plupart des remontées d’information effectuées par les préfectures ayant eu à traiter avec Adrexo. Les préfectures situées dans les zones attribuées à La Poste ne font état d’aucun problème de cette ampleur.

 

B.   Des outils de reporting imprécis ne permettant pas d’objectiver l’ampleur exacte du phénomène

Lors de son audition par vos rapporteurs, La Poste a indiqué que tous les plis dont elle a la charge sont traités par les facteurs sans la moindre perte. En cas d’impossibilité de distribution de la propagande électorale, ces plis sont ensuite déposés en mairie afin d’être remis à leurs destinataires ultérieurement, ou détruits. Le décompte du nombre de plis déposés en mairie permet de connaître avec précision le nombre de plis non distribués dans une commune par rapport au nombre de plis à distribuer, puisque chaque pli non distribué est centralisé et comptabilisé.

Cependant, une telle procédure de comptage des plis implique que tous les plis attendus aient été produits et soient répertoriés dans le circuit de distribution des plis, ce qui n’a pas toujours été le cas lors des derniers scrutins en raison des dysfonctionnements rencontrés par les routeurs.

À l’inverse, il est apparu que le système de reporting d’Adrexo, fondé sur une traçabilité des liasses de plis grâce à un code barre scanné par le distributeur au moyen d’une tablette électronique, n’est pas entièrement fiable. Il repose en effet sur la corrélation entre la comptabilisation d’une liasse en tant que « liasse distribuée » par le scan du code-barres et la distribution effective dans chaque boîte aux lettres des électeurs.

Or, les nombreux témoignages portant sur le jet ou l’abandon de plis soulignent les difficultés à savoir si ces plis ont ou non été scannés par le distributeur. Ainsi, il est tout à fait possible que des personnels d’Adrexo aient scanné les liasses de plis à distribuer sans les distribuer effectivement, donnant lieu à une communication de chiffres de distribution fantaisistes par rapport à la réalité du terrain : sur le plan informatique, la très grande majorité des plis sont alors validés comme « distribués » par les personnels.

Dans les faits, le système de reporting n’a pas permis d’atteindre l’objectif recherché par le ministère de l’Intérieur. Bien qu’automatisé, le dispositif est apparu trop exposé au risque de manipulation par les personnels d’Adrexo.

Cependant, si le reporting d’Adrexo s’est révélé défaillant et non représentatif de la réalité, l’ensemble des dysfonctionnements rencontrés dans la distribution de la propagande électorale lors des scrutins régionaux et départementaux de juin 2021 ne peuvent s’expliquer par la seule carence d’Adrexo, mais résultent aussi d’un enchaînement de facteurs ayant abouti à un réel préjudice démocratique.

 


1

 

Deuxième partie : les causes de l’échec : une pluralité de dÉfaillances tout au long du processus

Face aux dysfonctionnements décrits ci-dessus, l’attention s’est logiquement portée sur les opérations finales que sont le transport des enveloppes et leur distribution dans les boîtes aux lettres. Pour autant, les causes de cet échec démocratique peuvent être recherchées à tous les niveaux, du choix du prestataire du marché à la mise sous pli et, enfin, à la distribution.

I.   L’accord-cadre : le choix contestable d’Adrexo

Faute d’assurer par ses propres moyens la distribution de la propagande électorale, l’État devait recourir, pour assurer cette mission, à un ou des prestataire(s) autorisé(s). L’accord-cadre relatif à l’acheminement des enveloppes de propagande dans les boîtes aux lettres des électeurs, publié au BOAMP et au JOUE en juin 2020, a finalement été attribué à deux prestataires, Adrexo et La Poste. Toutefois, l’analyse de la pondération des critères et de l’appréciation des offres par le pouvoir adjudicateur met en évidence plusieurs motifs de perplexité.

A.   le cadre juridique applicable À l’acheminement de la propagande Électorale

Un bref rappel du cadre juridique dans lequel s’inscrit la sélection des prestataires est ici nécessaire.

1.   La mise en concurrence, une obligation du droit de la commande publique

Pouvoir adjudicateur au sens de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique et de la directive 2014/24/UE, l’État ne pouvait choisir son prestataire que dans le cadre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, et non de gré à gré avec un opérateur.

La valeur totale, hors TVA, de l’appel d’offres était estimée à 166 666 667 euros, un montant bien au-delà des seuils de procédure qui varient en fonction de la nature des prestations considérées ; depuis le 1er janvier 2020, ils s’élèvent à 139 000 euros pour les marchés de services passés par les pouvoirs adjudicateurs, hors marchés de défense et de sécurité ([5]). Ce montant doit être apprécié pour l’ensemble du marché (et non par lot) sur l’ensemble de la durée du marché.

Le marché de services passé par la ministère de l’Intérieur pour assurer la distribution de la propagande électorale prenait la forme d’un accord-cadre à bons de commande ([6]), adapté pour la réalisation de prestations ponctuelles de ce type, sans montant minimum ni maximum. Ce marché a été passé au niveau national, comme les fois précédentes – ce qui n’a rien d’évident puisque les marchés relatifs à la mise sous pli sont quant à eux passés au niveau régional ou local. En conformité avec le code de la commande publique ([7]), qui fait de l’allotissement la règle et impose de justifier le choix de ne pas allotir, l’accord-cadre a été divisé en lots, sur une base géographique.

Comme le permet l’article R. 2123-1 du code de la commande publique en ce qui concerne notamment les « services sociaux et autre services spécifiques » dont font partie les services postaux ([8]), le marché est passé selon une procédure adaptée.

2.   La fourniture de services postaux, une prestation soumise à une autorisation de l’ARCEP dont la portée reste très générale

Trois directives européennes de 1997, 2002 et 2008 ([9]) ont organisé l’ouverture progressive à la concurrence du service postal et réduit progressivement, jusqu’à le supprimer, le « secteur réservé » de La Poste. Dans ce contexte, l’article L. 3 du code des postes et télécommunications, issu de la loi du 21 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ([10]) qui transpose les directives postales de 1997 et 2002, subordonne l’activité de tout prestataire de services postaux sur les envois de correspondance intérieure et transfrontière à l’obtention d’une autorisation délivrée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).

Pour autant, la portée de cette autorisation ne doit pas être surestimée.


a.   Le cadre général de l’autorisation délivrée par l’ARCEP aux opérateurs de services postaux

Les conditions de délivrance de l’autorisation prévue à l’article L. 3 sont prévues à l’article L. 5-1 du code des postes et télécommunications. L’autorisation est accordée pour une durée de quinze ans renouvelables. Elle ne peut être refusée que par une décision motivée :

– pour des motifs liés à l’incapacité technique, économique ou financière du demandeur à faire face durablement aux obligations attachées à son activité postale ;

– si le demandeur a fait l’objet d’une sanction mentionnée aux articles L. 5‑3, L. 17, L. 18 et L. 19 du même code ([11]) .

Le titulaire de l’autorisation doit informer l’ARCEP de toute modification susceptible d’affecter la pérennité de son exploitation.

Dans le cadre de l’appel d’offres, les soumissionnaires devaient disposer de cette autorisation. Adrexo s’est vu accorder une première autorisation, valable dix ans, en 2006 ([12]) puis une nouvelle autorisation en 2016 ([13]) pour les services postaux relatifs aux envois de correspondance intérieure incluant la distribution. La Poste est quant à elle désignée prestataire universel par l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, issue de la loi du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire.

Conformément à l’article R. 1-2-3 du même code, la demande doit comporter plusieurs informations relatives au demandeur, au projet faisant l’objet de la demande et à ses capacités techniques et financières à le réaliser.

Article R. 1-2-3 du code des postes et des communications électroniques

La demande comporte les informations suivantes :

1° Informations relatives au demandeur :

a) L’identité du demandeur (dénomination, siège social, immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, statuts) ;

b) La composition du capital ;

c) Les comptes sociaux annuels des deux derniers exercices ;

d) La description des activités industrielles et commerciales exercées notamment dans le domaine des services postaux ;

e) L’information sur les accords de partenariat industriel, commercial et financier conclus dans le domaine des activités postales et la description des accords envisagés pour l’activité faisant l’objet de la demande ;

f) Les autorisations dont le demandeur est déjà titulaire.

2° Description des caractéristiques techniques du projet faisant l’objet de la demande :

a) La nature, les caractéristiques et la zone de couverture géographique du service ;

b) Les mesures prévues pour garantir l’exécution, la fiabilité et la qualité du service postal conformément à l’offre ;

c) Les outils utilisés pour mesurer la qualité de service ou ceux qui seront mis en place si la demande d’autorisation concerne une activité nouvelle pour l’opérateur ;

d) Le calendrier de mise en service de l’activité ;

e) Les modalités d’exercice ou de sous-traitance.

3° Description des caractéristiques commerciales du projet incluant les prévisions de marché et d’exploitation sur une période d’au moins trois années suivant la délivrance de l’autorisation ;

4° Informations justifiant la capacité technique à réaliser le projet ;

5° Informations justifiant la capacité financière à réaliser le projet, portant sur une période d’au moins trois années suivant la délivrance de l’autorisation et mentionnant les investissements et les financements prévus.

b.   Un contrôle à la portée limitée

La détention par Adrexo de l’autorisation de l’ARCEP ne saurait être interprétée comme le signe d’une carence de cette autorité dans ses activités de régulateur.

Interrogée sur ce point, l’ARCEP a précisé que depuis le renouvellement de son autorisation en 2016, Adrexo ne lui avait transmis aucune information relative à la pérennité de son exploitation, à l’exception de la création de la holding Hopps Group en janvier 2017 ([14]).

Par ailleurs, la procédure d’habilitation opérée par l’ARCEP n’atteste pas de la capacité matérielle du demandeur à réaliser des prestations précises comme la délivrance de plis dans un certain délai par exemple. Elle ne saurait s’apparenter à une vérification de la capacité technique. Elle vise essentiellement à s’assurer que celui-ci a bien pris les mesures adéquates pour respecter les obligations légales et règlementaires qui incombent aux prestataires de services postaux, et ce, de façon durable, en particulier celles qui sont énumérées à l’article L. 3-2 du code des postes et des communications électroniques :

– garantir la sécurité des usagers, des personnels et des installations ;

– garantir la confidentialité des envois de correspondance et l’intégrité de leur contenu ;

– garantir le secret des correspondances et la neutralité du service au regard de l’identité de l’expéditeur et de la nature des envois ;

– assurer la protection des données à caractère personnel et la protection de la vie privée des usagers ;

– fournir les prestations dans les conditions techniques respectant l’objectif de préservation de l’environnement ;

– mettre en place des procédures simples, transparentes et gratuites de traitement des réclamations ;

– garantir l’accès aux services et aux installations aux personnes handicapées dans les conditions prévues à l’article L. 161-1 du code de la construction et de l’habitation ;

– respecter les obligations légales et conventionnelles en matière de droit du travail, ainsi que l’ordre public et les obligations liées à la défense nationale.

B.   Les défauts de conception et d’attribution du marché de distribution de la propagande électorale 

Ni l’analyse des candidatures, ni celle des offres n’ont permis au pouvoir adjudicateur d’anticiper les graves dysfonctionnements qui affecteraient la distribution de la propagande électorale. Le contrôle des conditions de participation a fait l’objet d’un contrôle assez superficiel, tandis que les choix de pondération ou de notation des différents critères peuvent apparaître surprenants.

1.   Une appréciation imparfaite des capacités financières et techniques d’Adrexo par le pouvoir adjudicateur ?

De façon classique, les candidats devaient fournir un certain nombre de documents permettant au pouvoir adjudicateur d’apprécier leurs capacités financières et techniques à exécuter le marché ([15]), à savoir :

– une déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires concernant les services objet de l’accord-cadre, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles (capacité économique et financière) ;

– l’autorisation mentionnée à l’article L. 3-1 du code des postes et des communications électroniques délivrée par l’ARCEP, et une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels et l’importance du personnel d’encadrement pour chacune des trois dernières années (capacité technique) ;

– la liste des principaux services fournis au cours des trois dernières années en précisant le montant, la date et le destinataire public ou privé (capacité professionnelle).

Ces informations, trop succinctes, n’ont pas permis au pouvoir adjudicateur d’apprécier pleinement les capacités d’Adrexo à assurer l’exécution correcte du marché, tant sur le plan financier qu’en ce qui concerne ses effectifs.

a.   Une entreprise fragilisée sur le plan financier

Un bref rappel de la situation financière d’Adrexo doit ici être effectué. Adrexo est une SAS détenue par Hopps Group et dont le siège social se situe à Aix-en-Provence. Longtemps propriété du groupe SPIR adossé à Ouest France, elle a bénéficié d’une restructuration de sa dette en 2016 avant d’être rachetée à prix négatif et avec une soulte en 2017 par ses trois actionnaires actuels, MM. Frédéric Pons, Éric Paumier et Guillaume Salabert. Ces derniers avaient au préalable également racheté Adrexo Colis, aujourd’hui nommée Colis Privé et filiale d’Adrexo.

La stratégie des repreneurs reposait notamment sur l’exploitation des synergies potentielles entre les deux activités de distribution de colis (Colis Privé) et de prospectus (Adrexo). Afin de compenser la baisse de rentabilité des activités de distribution publicitaire, la remise à flot d’Adrexo devait aussi passer par la diversification des activités de distribution, avec le développement des activités de courrier adressé à des tarifs concurrentiels (10 % moins chers que La Poste).

Le miracle n’a pas eu lieu, comme l’illustrent les retards de paiement des salariés observés à l’été 2019. Cette même année, le cabinet comptable Boisseau rend un rapport estimant que « la société ne survit que parce qu’elle ne paie pas ses dettes ». Adrexo bénéficiait en effet d’un moratoire avec l’URSSAF pour les cotisations patronales, ainsi qu’avec la direction des grandes entreprises pour le paiement de la TVA. Au cours d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise le 19 novembre 2019, à Aix, les experts du cabinet Boisseau ne peuvent que constater que « les synergies attendues par le rachat de sociétés n’ont pas encore opéré » et que l’activité de l’entreprise « ne suffit pas à payer les impôts, les taxes et les charges sociales, en raison de marges insuffisantes » ([16]).

En 2019, elle s’était tournée vers le CIRI (comité interministériel de restructuration industrielle), ce qui lui a permis d’obtenir une restructuration de sa dette. La société connaissait de graves difficultés au moment où elle a répondu à l’appel d’offres lancé par le ministère de l’Intérieur.

Ces difficultés, évidentes, ne permettent pas, en elles-mêmes, d’exclure une entreprise de la possibilité de soumissionner, les motifs d’exclusion étant limitativement énumérés par le code de la commande publique (articles L. 2141-1 à L. 2141-14).

Toutefois, une analyse plus fine de la situation de la société aurait fait apparaître la fragilité financière d’Adrexo. Il aurait été loisible au pouvoir adjudicateur de demander des bilans ou extraits de bilan, comme le permet l’arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics.

En réponse à la demande d’informations du pouvoir adjudicateur, l’entreprise a déclaré un chiffre d’affaires global de 279 millions d’euros en 2019, dont 245 millions concernant les services « objet du marché » (soit 87,5 %). L’objet du marché » n’avait donc, en apparence, rien de marginal dans l’activité globale d’Adrexo.

Source : Adrexo.

Pour calculer ce chiffre, la société a toutefois fait usage d’une conception, généreuse du périmètre des services « objet du marché ». Elle a en effet, fort commodément, interprété ces derniers comme désignant la distribution de courrier adressé et non adressé, alors même que ces deux activités sont très différentes et que la société n’avait qu’une expérience très limitée du courrier adressé. Le caractère central de la question des plis non adressés dans le CCTP et la négociation montre bien que c’était une des difficultés propres au marché.

Par ailleurs, derrière un chiffre d’affaires rassurant, le résultat d’exploitation de l’entreprise témoigne d’une rentabilité négative.

b.   Des effectifs insuffisants ?

Dans sa déclaration relative aux moyens humains et matériels fournie en réponse au pouvoir adjudicateur, Adrexo annonce disposer, en 2019, de 15 898 distributeurs. Si l’entreprise prend soin de préciser que ces effectifs sont en CDI, elle passe en revanche sous silence le fait que la plupart de ses distributeurs salariés travaillent à temps partiel. Au cours de leur audition, MM. Philippe Viroulet et Alain Guéguen, respectivement délégué syndical central et secrétaire général du syndicat Confédération autonome du travail des personnels Adrexo (CAT-Adrexo) ont indiqué à vos rapporteurs que le contrat moyen d’un salarié Adrexo est de 14 heures hebdomadaires, ce qui représente environ 6 000 équivalents temps plein (ETP).

       Source : Adrexo.

Ces effectifs ont été considérés comme suffisants par le ministère de l’Intérieur et par Adrexo. Ils devaient permettre à Adrexo de mobiliser un distributeur pour 1 300 électeurs, mais avec des tournées spécialement consacrées à l’acheminement de la propagande ([17]). Pour M. Éric Paumier, « le marché était dans les cordes d’Adrexo » ([18]). Pour M. Jean-Benoît Albertini, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, le nombre de salariés et la possibilité, annoncée par Adrexo dans son offre, de transférer des effectifs d’une région à l’autre, constituaient des garanties suffisantes. A contrario, MM. Philippe Viroulet et Alain Guéguen ont estimé que « l’entreprise n’est pas dimensionnée pour opérer une telle opération » tandis que d’autres acteurs de la chaîne de distribution ont émis des doutes sur l’opportunité d’attribuer la moitié de l’accord-cadre à un nouvel opérateur, a fortiori pour un double scrutin.

En tout état de cause, Adrexo n’a pas pu éviter un très large recours à l’intérim. Au vu des déclarations faites au cours des auditions, il est difficile d’apprécier si ce paramètre avait été réellement pris en compte par le pouvoir adjudicateur. Au cours de son audition, M. Jean-Benoît Albertini a en effet indiqué que « Adrexo avait annoncé ne pas recourir à l’intérim lors de sa candidature… Cela a permis de noter Adrexo en conséquence dans le cadre du marché. » Pourtant, dans son offre, Adrexo annonce pourvoir mobiliser des ressources exceptionnelles grâce à son sourcing RH pour trouver des CDD, « son réseau d’agences d’intérim partenaires » et les salariés Hopps des autres filiales. Cette information n’a pas pu échapper au pouvoir adjudicateur et le rapport d’analyse des offres lui-même en fait mention dans son analyse. Enfin, de l’aveu même du ministère dans une audition ultérieure, il est impossible d’effectuer de telle opération sans mobiliser de renforts.

1.   Une pondération et une analyse perfectibles des critères de notation ?

a.   Présentation générale de l’accord-cadre

Afin de permettre au plus grand nombre d’entreprises de faire une offre, y compris celles dont les capacités seraient limitées à une région ou quelques régions, le marché était divisé en 16 lots sur une base géographique : Ile-de-France sauf Paris (lot 1) ; Paris (lot 2) ; Auvergne-Rhône-Alpes (lot 3) ; Bourgogne-Franche-Comté (lot 4) ; Bretagne (lot 5) ; Centre Val de Loire (lot 6) ; Corse (lot 7) ; Grand est (lot 8) ; Hauts-de-France  (lot 9) ; Normandie (lot 10) ; Nouvelle-Aquitaine (lot 11) ; Occitanie (lot 12) ; Pays de la Loire (lot 13) ; Provence-Alpes-Côte d’Azur (lot 14) ; Outre-mer ([19]) (lot 15) et étranger (lot 16).

Le pouvoir adjudicateur devait retenir l’offre économiquement la plus avantageuse en application de deux critères : la valeur technique de l’offre (40 % de la note soit 400 points) et le prix (60 % de la note soit 600 points).

Le critère « valeur technique » était lui-même composé de trois sous-critères – eux-mêmes décomposés en trois items chacun – par lesquels le ministère de l’Intérieur cherchait à évaluer la qualité du pilotage de l’accord-cadre, la qualité de son exécution et la gestion des incidents.

Le critère « prix » était apprécié sur la base de la simulation financière effectuée par le candidat et noté par comparaison avec l’offre du candidat le moins cher, qui obtient automatiquement la note maximale. Ce prix est variable selon la date de livraison des enveloppes (J+4, J+3 ou J+2, J étant le jour d’enlèvement des enveloppes).

Sous-critÈres utilisÉs pour apprÉcier la valeur technique des offres

Au regard des défaillances observées sur les prestations annexes à la distribution proprement dite, il n’est pas inutile de préciser ici que le prix devait intégrer :

– le coût de la fourniture de matériel pour faciliter la prise en charge des enveloppes (balances, caisses), ce matériel devant être fourni par le prestataire de distribution et non par le routeur ;

– les coûts de transport. 

Seules deux entreprises ont déposé une offre : Adrexo pour les lots 3, 4, 6, 8, 9, 10 et 13, et La Poste pour chacun des lots.

Toutefois, contrairement à ce qui a pu être déclaré par le ministre M. Gérald Darmanin au cours de son audition devant la commission des Lois du Sénat le 23 juin 2021 ([20]), aucune règle du droit de la commande publique n’empêche d’attribuer l’ensemble des lots à une même entreprise si celle-ci présente pour chacun de ces lots l’offre économiquement la plus avantageuse. Si le pouvoir adjudicateur a « partagé » les lots entre les deux entreprises, cela tient aux offres proposées et pas à une obligation juridique. 

La notation d’Adrexo était meilleure que celle de La Poste sur le critère de valeur technique et sur le critère du prix. Elle s’est donc vu attribuer les sept lots auxquels elle avait soumissionné (3, 4, 6, 8, 9, 10 et 13). La Poste a remporté les lots 1, 2, 5, 7, 11, 12, 14,15 et 16 sur lesquels elle était le seul candidat.

Il apparaît que c’est la négociation qui a permis à Adrexo de remporter une partie des lots ; à l’issue de la notation des offres initiales, La Poste était en tête pour l’ensemble des lots en raison d’une meilleure notation sur le critère « prix ». Dans la notation des offres finales, les notes techniques des deux entreprises se sont améliorées mais, surtout, Adrexo proposait alors un prix plus compétitif que son concurrent.

Comment l’entreprise dont l’offre a été considérée comme la plus avantageuse économiquement a-t-elle pu être défaillante ?

b.   Une pondération et une analyse perfectibles des critères de notation ? 

La lecture du rapport d’analyse des offres des lots 1 à 15 permet de mieux cerner l’appréciation par l’administration des offres des deux candidats ([21]). Si vos rapporteurs ne sous-estiment pas la difficulté qui existe à traduire en notation chiffrée les offres présentées par les entreprises, il n’en reste pas moins que certains choix de notation laissent perplexe. Adrexo semble avoir bénéficié d’une notation avantageuse sur certains items sans que cela soit justifié, ou sans qu’elle soit par la suite en mesure de mettre en œuvre les engagements qui lui ont permis d’obtenir cet avantage.

i.   Des choix de notation surprenants

À plusieurs reprises, la lecture du rapport d’analyse des offres suscite des interrogations quant au bien-fondé de certaines notations, qui paraissent plutôt favorables à Adrexo et défavorables à La Poste.

Le rapport d’analyse des offres souligne qu’Adrexo « prévoit de procéder à un redressement du fichier des électeurs, ce qui garantit la qualité de la distribution ultérieure des enveloppes et constitue un véritable atout de l’offre ». Toutefois, le sens de ce « redressement » reste incertain. La formulation utilisée laisse penser que le fichier sera amélioré d’un tour de scrutin à un autre, par exemple pour mettre à jour des adresses le cas échéant. Or l’offre d’Adrexo prévoit simplement que « le fichier des adresses sera retravaillé par Adrexo avant envoi aux routeurs afin de pouvoir y intégrer des données internes organisationnelles » afin de « mieux préparer, anticiper et optimiser les tournées de distribution ». Le cahier des clauses techniques particulières prohibe d’ailleurs expressément le croisement du fichier des adresses des électeurs, fourni par l’administration, avec d’autres fichiers d’adresses (point II.5). De toute évidence, il n’appartenait pas au prestataire de retravailler ce fichier.

Cette précision permet à Adrexo de faire une offre « au-delà des attentes de l’administration » et d’obtenir la note maximale sur l’item 1.1, « qualité des moyens techniques et humains affectés au pilotage de l’accord-cadre en relation avec le BEEP ». La valorisation d’un tel « atout », qui relève soit de la simple organisation interne d’Adrexo cherchant à optimiser ses tournées, soit d’une mauvaise compréhension des marges de manœuvre du distributeur sur le fichier des adresses, apparaît infondée. 

Le rapport d’analyse des offres déplore également que « La Poste se positionne toujours par rapport à certains aspects de son offre en acteur de conseil apte à émettre des recommandations à l’administration plutôt qu’en soumissionnaire répondant au besoin exprimé ». En d’autres termes, il est permis de se demander si La Poste n’a pas été desservie par son expérience dans la distribution du courrier adressé. Le traitement des plis non distribués (apprécié au titre de l’item 1.2) illustre ce point.

Les plis enlevés auprès des routeurs mais pas distribués aux électeurs sont désignés sous le terme de plis non distribués (PND).

Afin de réduire leur nombre au minimum, même en cas d’absence de nom sur les boîtes aux lettres dans les habitats collectifs, la société Adrexo proposait de donner à ses distributeurs les instructions suivantes :

– servir les boîtes nominatives,

– mettre un trait de marqueur sur les noms des plis restants et destinés à la même adresse,

– servir un pli ainsi corrigé par boîte non nominative.

Au cours de la négociation, La Poste a refusé de s’engager à mettre en œuvre la même solution, contraire selon elle au code des postes et des télécommunications qui « n’ouvre en aucun cas à un opérateur postal la possibilité de changer le destinataire d’un envoi postal, ou de changer la nature du pli » ([22]).

Par ailleurs le cahier des clauses techniques particulières stipulait que les plis non distribués devaient être rassemblés en un point unique par département puis expédiés par le titulaire du marché à une boîte postale.

La Poste considère que « la boîte postale n’est pas adaptée à de gros volumes » et « ne garantit pas la sécurité des plis ». À la place, elle proposait donc de les stocker dans des établissements postaux où ils seraient récupérés par les soins de la préfecture, une solution qui, comme le souligne le rapport d’analyse des offres, « ne correspond pas à la demande de l’administration ».

Or dans l’offre finale d’Adrexo, on peut lire que grâce au système de badgeuses, « l’acheminement des PND vers une boîte postale n’est plus utile ». N’est-ce plus utile pour les répertorier, ou bien plus utile tout court ? Dans le dernier cas, l’offre d’Adrexo est, au même titre que celle de La Poste, contraire aux attentes de l’administration… ce qui ne l’empêche pas d’obtenir la note maximale sur cet item (64/64).

La Poste s’est vue fortement pénalisée sur l’item 1.3, « qualité du profil proposé pour assurer la représentation du titulaire auprès de l’administration centrale du ministère de l’Intérieur », pour lequel elle n’a obtenu que 12,8 points sur 32. Il lui était reproché de ne pas nommer expressément les personnes en charge de cette représentation.

Étonnamment, au cours de leur audition par la mission d’information, les dirigeants de l’entreprise ont assuré que cela n’avait pas joué. Pourtant, on peut lire dans le rapport d’analyse des offres que « les noms, les profils et les expériences des 12 experts listés dans l’offre sont insuffisamment détaillés ». Ce point est d’autant plus surprenant que de telles informations auraient sans doute aisément pu être demandées à La Poste dans le cadre de la négociation.

ii.   Une sous-valorisation aux lourdes conséquences des critères liés aux moyens techniques et humains

L’analyse du rapport d’attribution des offres fait ici apparaître une sous-valorisation inexplicable des moyens humains affectés à l’exécution de la prestation. L’item 2.3, « qualité des profils proposés pour réaliser la prestation d’acheminement des enveloppes de propagande », ne représente 32 points sur un total de 400 pour la valeur technique, ce qui paraît bien faible eu égard à l’importance des moyens humains dans la prestation de distribution, quelle que soit par ailleurs la qualité des moyens matériels déployés ou du pilotage du marché. Il apparaît que le pouvoir adjudicateur appréciait ces moyens humains d’un point de vue qualitatif et quantitatif, or sur ces deux points l’avantage comparatif de La Poste a été peu valorisé dans les écarts de notation.

La Poste dispose en effet d’avantages indéniables sur ce point, ses 66 000 facteurs disposant d’une expérience et d’une connaissance du terrain dont les distributeurs d’Adrexo peuvent difficilement se prévaloir. Mais cela ne se manifeste que de façon marginale dans la notation : La Poste obtient la note maximale sur cet item mais les limites de l’offre d’Adrexo auraient sans doute pu être pénalisées plus sévèrement.

Elles n’ont pourtant pas échappé au pouvoir adjudicateur, qui observe que « le dimensionnement des équipes affectées à la distribution des plis parait assez réduit… La taille des effectifs conduit l’administration à s’interroger sur l’adéquation des moyens humains que le candidat mettra en œuvre pour la réalisation de la prestation ». Malgré ces sérieuses réserves, l’offre est jugée « globalement satisfaisante » et obtient près des deux tiers des points.

Les faiblesses d’Adrexo en termes d’effectifs ont ainsi été doublement minorées par la faible pondération de ce critère et par le faible écart de note entre les deux entreprises sur ce point qui aurait dû en toute logique apporter un avantage comparatif conséquent à La Poste sur son concurrent.

De même, en ce qui concerne la qualité des moyens techniques (item 2.2), La Poste se voit reprocher de ne pas fournir à ses facteurs de GPS ou des cartes pour faciliter la localisation des points de livraison. Ce manque, dont l’importance doit par ailleurs être nuancée en raison de l’expérience de terrain des facteurs, est pourtant pénalisé beaucoup plus sévèrement que les carences possibles d’Adrexo sur l’item 2.3. La Poste n’obtient ici que 38,4 points sur 64.

iii.   Les promesses non tenues d’Adrexo

Su deux points en particulier, les solutions proposées par Adrexo, bien que jugées particulièrement pertinentes par le pouvoir adjudicateur, ne se sont pas concrétisées au cours de l’exécution du marché : le reporting (item 1.2) et la gestion des incidents (items 3.1 et 3.2).

En dépit de l’importance accordée au reporting (64 points sur 1000, soit davantage que les moyens humains), l’analyse des offres n’a pas permis d’apprécier correctement les capacités réelles des deux entreprises soumissionnaires sur ce point.

Le modèle proposé par Adrexo, considéré par le pouvoir adjudicateur comme « efficace » et « de très bonne qualité », repose notamment sur l’utilisation de badgeuses « permettant une remontée optimale des incidents. ». Cette solution est apparue comme particulièrement prometteuse aux yeux de l’administration.

Compte-tenu des très nombreuses remontées des préfectures faisant état du caractère insatisfaisant du reporting d’Adrexo, ce point est pour le moins surprenant. Les bilans transmis par les préfectures à l’issue de second tour de scrutin font apparaître, dans la moitié des départements concernés, un reporting incohérent ne reflétant pas la réalité de la distribution. Par exemple la préfecture du Cantal, déjà évoquée ci-dessus, souligne que « alors que nous savons que seuls 28 000 plis sur 114 000 (pour les élections régionales) ont été livrés sur le site d’Adrexo Aurillac, la société nous annonce dans le tableau susvisé des chiffres de plis enlevés à 113 084 et des plis livrés à 112 924, avec des taux avoisinant les 90 %, ubuesque au regard de la réalité de la situation ».

Le troisième sous-critère, « qualité des moyens et de l’organisation déployés pour la gestion des incidents et assurer l’information auprès des préfectures et de l’administration centrale », est le seul pour lequel La Poste a été mieux notée qu’Adrexo, avec la note de 80/80.

L’offre d’Adrexo obtient malgré tout 64 points alors même qu’elle apparaît assez floue. Au-delà des promesses de remontée d’information rapide en cas d’incident et de solutions de rechange en cas de dysfonctionnements, les réponses aux problèmes pouvant survenir apparaissent simplistes et pas forcément opérationnelles. Par exemple, le mémoire technique d’Adrexo assure qu’en cas de défaillance dans la distribution, le personnel permanent sera mobilisé pour assurer la distribution « de jour comme de nuit ». De même, en cas d’avarie de transport, le mémoire précise que « l’organisation logistique du groupe permet d’offrir une solution de secours », sans plus de précisions. Au cours de l’exécution du marché, ces « solutions » sont apparues largement inopérantes, l’entreprise ayant souvent manqué des moyens humains ou techniques nécessaires pour les mettre en œuvre.

   II. Une succession de dysfonctionnements tout au long de la chaîne de distribution

L’échec des opérations d’acheminement de la propagande électorale ne se réduit pas à une unique cause. Des dysfonctionnements se sont produits à tous les niveaux de la chaîne, qu’il convient ici d’analyser.

A.   Le succès mitigé de l’externalisation des prestations de mise sous pli

Les opérations de mise sous pli ont été assurées par les préfectures ou par des prestataires extérieurs, avec des fortunes diverses et sans que la responsabilité des retards et dysfonctionnements puisse être imputée à une cause unique.

1.   Des modalités de mise sous pli au libre choix des préfectures

Si la distribution de la propagande électorale est pilotée au niveau national, la mise sous pli est organisée par les préfectures de département, qui sont libres de choisir les modalités qui leur semblent les plus adéquates à chaque élection. Deux possibilités s’offrent à elles :

– effectuer la mise sous pli en régie, par leurs propres moyens, le cas échéant avec le concours des communes dans le cadre d’un conventionnement et sur la base du volontariat ;

– avoir recours à l’externalisation en faisant appel au titulaire du marché régional, ou à un prestataire local ;

– combiner régie et externalisation en fonction des tours de scrutin ou de l’élection (régionale ou départementale) considérée.

Cette liberté laissée aux préfectures a conduit à un paysage très hétérogène. S’il est indéniable que la régie offre aux préfectures une meilleure maîtrise du processus, une hausse de l’externalisation s’observe depuis plusieurs années. Elle permet de faire des économies d’échelle en raison de la mécanisation du processus. Confrontées à une baisse de leurs effectifs, les préfectures peuvent également avoir du mal à trouver des personnels en nombre suffisant pour assurer ces opérations. Au cours du second tour des élections départementales de juin 2021, 65 % des départements ont confié en tout ou partie la mise sous pli à des routeurs privés. Ce chiffre s’est même élevé à 84 % pour le second tour des élections régionales ([23]).

Outre les préfectures et les communes, plusieurs prestataires sont donc intervenus pour la mise sous pli. Deux d’entre eux se sont partagé la moitié des départements :

– un prestataire dimensionné au niveau national, Koba, dans 34 préfectures au total. Cette entreprise est titulaire de l’appel d’offres de mise sous pli dans les régions Île-de-France, Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes Côte d’Azur, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ;

– La Poste et ses filiales Docapost et Viapost dans 13 départements.

Une douzaine de routeurs de taille intermédiaire ou locaux sont intervenus dans le reste des départements ayant externalisé tout ou partie des opérations de routage.

2.   Des dysfonctionnements largement constatés dans les opérations de mise sous pli externalisées

In fine, sur 96 départements de France métropolitaine, 57 ont signalé des dysfonctionnements dans la mise sous pli, dont les 34 départements dans lesquels a opéré Koba, et en particulier au second tour. Sur ces 34 préfectures, pas moins de seize ont indiqué avoir dû mobiliser leurs services en urgence ([24]). Elles font état d’un ou plusieurs des problèmes suivants : 

– l’absence de contrôle qualité et la défaillance de l’encadrement ;

– des mauvaises conditions de travail des salariés ;

– un sous-dimensionnement des effectifs et des moyens humains insuffisants en raison de l’absence des intérimaires notamment ;

– le non-respect des clauses du contrat et des procédures prévues ;

– la non-production d’une partie des plis ;

– de plis non conformes, incomplets, vides ou erronés, et un défaut de fermeture des enveloppes.

Si Koba n’est pas le seul routeur à avoir rencontré des difficultés pour l’une ou l’autre des raisons évoquées plus haut, sa gestion de celles-ci est apparue insatisfaisante. De nombreuses préfectures ont déploré une communication défaillante de l’entreprise face aux difficultés rencontrées, un reproche qui n’a pas été formulé à l’encontre des autres routeurs. Par contraste, dans l’Aube, la préfecture souligne que le prestataire Tessi s’est montré « honnête et réactif » face aux bourrages papier et pannes de machines, en activant un plan de secours. Dans l’Orne, la préfecture, malgré les problèmes rencontrés par Diffusion Plus, salue une « société impliquée dans sa mission ».

3.   De multiples sources de retards et d’erreurs

D’une façon générale, les difficultés des routeurs à produire les plis dans les délais impartis tiennent à une combinaison de plusieurs facteurs.

a.   Un calendrier particulièrement resserré

Si les prestataires de mise sous pli et de distribution disposaient, au premier tour, d’une marge de manœuvre confortable en termes de délais, le deuxième tour constituait un défi en raison du faible délai entre les deux tours (une semaine) et de l’organisation concomitante de deux élections. De fait, les problèmes de mise sous pli ont concerné essentiellement le deuxième tour.

Le délai de production des plis était très contraint : ils devaient être remis au plus tard le jeudi 24 juin à 23 h 59, tandis que l’heure limite de dépôt des documents à envoyer aux électeurs et aux maires par les candidats était fixée :

– au mardi 22 juin, à 18 heures, en ce qui concerne les élections départementales ;

– au mercredi 23 juin, à 8 heures, pour les élections régionales.

b.   Une responsabilité du ministère de l’Intérieur et de certains candidats ?

À ces délais déjà contraints, s’est ajoutée la transmission tardive par le ministère de l’Intérieur des informations relatives aux candidats qualifiés pour le second tour. Au cours de son audition, M. Philippe Grenier, président de Koba Global Services, a ainsi souligné les difficultés auxquelles son entreprise, qui devait traiter 642 cantons au second tour des élections départementales, avait alors été confrontée : « le ministère de l’Intérieur a été incapable de me donner une liste précise des candidats qui étaient passés au premier tour… On a dû solliciter chacune des préfectures… Quand vous n’avez pas les candidats, que vous ne savez pas qui est passé, et que vous devez tout ressaisir à la main… Je ne jette pas la pierre au ministère de l’Intérieur car je pense qu’ils ont été aussi submergés que nous... Les cellules étaient très bien adaptées, il n’y avait rien de folklorique là-dedans, on n’a jamais pensé qu’on aurait pas le nombre de candidats … On n’avait aucune info, on ne parlait que des régionales. Même sur les France 3 local, on n’a pas eu ne serait-ce qu’un bandeau… ça a été corrigé mais ça nous a demandé une énergie folle alors que cette énergie on aurait pu la passer ailleurs. »

Par ailleurs, il ne suffisait pas aux routeurs de mettre sous enveloppe l’ensemble des documents qui leur sont parvenus, car certains candidats – en particulier au Rassemblement national, mais pas uniquement – ont envoyé la propagande relative aux deux tours en même temps, avant le premier tour, sans garantie d’être au second. Cette situation constituait une source d’erreur supplémentaire pour les routeurs, et contribue à expliquer les imperfections relevées dans les plis. Duhamel Logistique a aussi déploré qu’une liste soit arrivée avec plus de 24 heures de retard pour le second tour.

c.   Un nombre de candidats plus élevé qu’anticipé au second tour

La configuration des seconds tours a aussi été source de difficultés pour les routeurs. En France métropolitaine, pas moins de huit régions ont vu se dérouler une quadrangulaire et deux régions ont même connu une quinquagulaire. Cette configuration est loin des hypothèses de départ sur lesquelles les routeurs devaient se fonder, et qui correspondaient aux élections régionales de 2015. 

Nombre de listes présentes au second tour

des élections régionales

Bretagne

5

Nouvelle-Aquitaine

5

Bourgogne Franche-Comté

4

Centre Val de Loire

4

Corse

4

Grand Est

4

Île de France

4

Hauts de France

4

Normandie

4

Pays de la Loire

4

Auvergne Rhône-Alpes

3

Occitanie

3

Provence-Alpes Côte d’Azur

2

d.   Une défaillance des moyens humains due à des difficultés de recrutement de personnel intérimaire

Une difficulté supplémentaire s’est présentée pour les routeurs qui ne disposaient pas d’effectifs permanents suffisants pour faire face à leur tâche. 

Koba a fait le choix de mettre en place, en plus de ses trois sites de production industriels de Creil, Bordeaux et Lyon, des cellules manuelles. 27 ont ainsi été mises en place : trois dans l’Oise, sept en Auvergne Rhône-Alpes, six en Provence-Alpes Côte d’Azur, neuf en Nouvelle-Aquitaine et deux en Occitanie. Elle a ainsi dû recruter en grand nombre des intérimaires et s’est heurtée, comme d’autres opérateurs, à un « asséchement » du marché ([25]). Adrexo, Duhamel Logistique et plusieurs préfectures ont corroboré ce constat.

Le tableau ci-dessous, synthétise les informations recueillies des préfectures en ce qui concerne le recrutement ou l’absentéisme des intérimaires.


référence aux problèmes liés au recrutement et à l’absentéisme des intérimaires dans les remontées des préfectures concernant les opérations de mise sous pli

Département/Région

Prestataires

Remarques de la préfecture

Ille-et-Vilaine (Bretagne)

Duhamel/La Poste

« Des difficultés importantes de recrutement par l’intermédiaire des agences d’intérim […] un nombre d’agents s’établissant entre 20 % et 69 % des effectifs prévus et demandés selon les tranches horaires ».

Pyrénées-Atlantiques (Nouvelle-Aquitaine)

Koba/La Poste

« Défaillance du personnel intérimaire mobilisé par Koba. »

Charente

Koba/La Poste

Au second tour, « sous dimensionnement des équipes de personnel encadrant au fil des journées ».

Paris (Ile de France)

Koba/La Poste

« Un manque de personnel a été à déplorer, à la suite de problème de recrutement et de mauvaise évaluation de la mission à traiter. »

Haute-Savoie (Auvergne Rhône Alpes)

Koba/Adrexo

Retard car « sous-dimensionnement des effectifs » et « absence de certains intérimaires », « Difficulté de recrutement d’intérimaires liée au bassin d’emploi et absentéisme. »

Isère (Auvergne Rhône Alpes)

Koba/Adrexo

« Pour le second tour, KOBA n’a pas pu assurer l’ensemble de sa mission en raison principalement à un manque de personnel recruté. »

Drôme (Auvergne Rhône Alpes)

Koba/Adrexo

« Absence de 10 % des intérimaires environ »

Outre l’asséchement quantitatif du marché, lié au déconfinement et à la forte demande concurrente émanant d’Adrexo et des entreprises de routage, plusieurs facteurs ont été évoqués comme ayant pu renforcer les difficultés de recrutement ou l’absentéisme des intérimaires :

– le caractère très ponctuel de la mission, peu attractif et qui limite le recours à des « habitués » ;

– la nature et les conditions de travail, qui requiert de passer un certain temps dans un espace clos avec un grand nombre de personnes, dans une situation de crise sanitaire.

Les difficultés de recrutement d’intérimaires se sont avérées particulièrement handicapantes lorsque, compte-tenu des retards pris, il a été demandé à certains routeurs de continuer à produire les plis au-delà de l’heure limite fixée à 23 h 59 le jeudi. Après avoir été priée dans la nuit du 24 au 25 juin de reprendre la production par la préfecture de l’Isère, Koba annonce ne pas pouvoir donner suite le vendredi 25 juin au matin:

 

In fine, la préfecture s’est substituée à Koba pour assurer la production des plis restants après le jeudi à 23 h 59. 94 agents ont été mobilisés et ont produit près de 150 000 plis sur les 175 000 plis restant à réaliser.

e.   Des difficultés techniques liées au séchage du papier

Dans des délais aussi contraints, même un dysfonctionnement technique mineur peut s’avérer problématique. La production industrielle permet de s’affranchir en partie de la contrainte de recrutement, mais les routeurs sont en revanche confrontés à des délais incompressibles. Plusieurs cas de livraison de documents non secs, gondolés, ou de bourrage papier ont été rapportés.

B.   Une coordination parfois difficile entre routeurs et distributeurs

La nature des prestations de distribution de la propagande électorale oblige routeurs et distributeurs à travailler en collaboration. Il appartient en effet au distributeur :

– de fournir les contenants au routeur,

– d’effectuer les opérations de manutention consistant à charger les contenants et à en assurer l’enlèvement.

Le routeur devait quant à lui, à la demande du distributeur, préparer et trier par commune ou circonscription. Un accord entre distributeur et routeur sur le lieu et le calendrier d’enlèvement des plis, ainsi que sur l’ordonnancement des plis, était donc indispensable au bon déroulement des opérations de distribution. La réunion de lancement organisée par chaque préfecture trois mois avant l’élection doit permettre au distributeur et au prestataire de mise sous pli de se mettre d’accord sur ces modalités.

L’existence de deux prestataires de distribution différents s’est manifestée par une plus grande complexité pour les routeurs dans la mesure où La Poste et Adrexo avaient chacune leur cahier des charges. Duhamel Logistique remarque ainsi que « le processus Adrexo a multiplié par trente les manipulations et a considérablement ralenti les travaux de mise sous plis, notamment à cause du tri » ([26]).

Néanmoins, cette situation est une conséquence logique de la mise en concurrence des prestations de distribution de la propagande électorale. Elle n’a pas posé de problèmes spécifiques lorsque routeurs et distributeurs ont réussi à travailler en bonne intelligence et les prestataires « supplémentaires » ne sauraient se voir reprocher de complexifier la tâche aux routeurs par leur simple existence.

Deux entreprises en particulier, Koba et Adrexo, ont rencontré des difficultés particulières à plusieurs niveaux, ce dont les dirigeants des deux entreprises ont largement convenu au cours de leurs auditions. La préfecture de la Loire a ainsi signalé « une absence totale de communication et de coordination entre Adrexo et Koba » et déploré que « la production réalisée par Koba ne [permette] aucune anticipation sur la distribution ». Les problèmes évoqués ci-dessous ne se limitent toutefois pas à ces deux prestataires.

1.   Les étiquettes et les contenants de la discorde

Dans un premier temps, l’entreprise Koba s’est affranchie des demandes d’Adrexo en adoptant un classement par commune et par canton, et non par centre de distribution comme le souhaitait Adrexo. En Loire-Atlantique, ce non-respect de l’ordonnancement a contraint la préfecture à trouver un local et à recruter 80 personnes dans l’urgence pour procéder au tri des enveloppes.

La fourniture des contenants pour les plis a suscité d’autres tensions entre les deux entreprises. La mise en place des cellules manuelles de Koba, en sus des sites industriels de Creil, Bordeaux, et du site éphémère de Saint-Priest, a nécessité une redéfinition des contenants nécessaires. Koba a alors informé les deux distributeurs de son besoin en bacs et en rolls. Or si la fourniture de ces derniers par La Poste n’a pas posé de problèmes, cela n’a pas été le cas en ce qui concerne Adrexo. Les échanges de mails entre les deux prestataires, reproduits ci-dessous, témoignent de la dégradation des relations entre les deux entreprises qui se renvoient à leurs obligations respectives.

Le mardi 22 juin, le directeur développement courrier d’Adrexo écrit à ses interlocuteurs de Koba :

 

Ils s’en plaignent par ailleurs auprès de la préfecture de la Drôme, qui rappelle Koba à ses obligations le même jour :

 

La réponse d’Adrexo témoigne de la relation dégradée entre les deux entreprises :

 

La préfecture de la Drôme rappelle alors que « l’ordre de tri par centre n’est pas un effort supplémentaire à consentir, mais plutôt un process à respecter ».

2.   L’enlèvement tardif de certains plis

Dans certains départements gérés par Adrexo, le retard pris dans la production des plis a été aggravé par un enlèvement tardif de ces derniers, faute de moyens de transport disponibles, retardant d’autant la distribution finale aux électeurs.

Par exemple, la préfecture de la Nièvre note que les plis pour Nevers, produits par le routeur Emissaire le vendredi 25 juin, n’ont quitté le site de production qu’à 18 heures alors qu’ils avaient été mis à disposition tout au long de la journée (81 720 le matin, 36 374 à 15 h 00 et 63 687 à 16 h 30), et soupçonne que ce soit « une logique économique qui [ait] poussé Adrexo à ne faire partir le camion qu’une fois plein. ». De même, dans l’Eure-et-Loir, les plis mis à disposition le vendredi à midi auraient été retirés seulement après 20 heures faute de camions disponibles. Les plis produits le samedi auraient été transportés par le routeur RDSL lui-même ce qui est contraire au CCTP.

L’enlèvement des plis produits tardivement a été un autre sujet de discorde entre Koba et Adrexo, comme l’illustrent les échanges de mail avec les préfectures concernées.

Le vendredi 25 juin Koba informe la préfecture de l’Ain à 16 h 40 et la préfecture de la Loire à 20 h 58 :

C.   EN BOUT DE CHAÎNE, DES DYSFONCTIONNEMENTS AGGRAVÉS OU SUSCITÉS PAR LES DÉFAILLANCES D’Adrexo

Il est indéniable que les nombreux retards de mise sous pli observés ont entraîné des difficultés pour les distributeurs dont la faute ne saurait incomber à ces derniers. Mais force est de constater qu’un des distributeurs – La Poste – a fait face à cette situation avec plus d’efficacité que l’autre. De façon plus générale, un certain nombre de facteurs ont provoqué des problèmes d’acheminement chez Adrexo, indépendamment de dysfonctionnements aux étapes antérieures de la chaîne de distribution.

1.   D’une région à l’autre, des résultats contrastés en fonction du distributeur

Un croisement des données recueillies auprès des préfectures, département par département, permet de constater que :

– dans les zones où la distribution était assurée par Adrexo, des dysfonctionnements dans la distribution ont été largement rapportés et ce, indépendamment de l’existence ou non de dysfonctionnements dans la mise sous pli. Des dysfonctionnements dans la distribution se sont produits même dans des départements où la mise sous pli s’était déroulée correctement.

Par exemple, dans les Pays de la Loire, seule la Loire-Atlantique a constaté des problèmes de mise sous pli alors que le bilan de la distribution est sans appel pour les cinq départements : reporting incohérent et communes avec une absence totale ou partielle de distribution. Dans le Cher, alors qu’aucun problème de mise sous pli (assurée en régie et par Sologne routage) n’a été relevé, la préfecture fait état de difficultés de distribution au premier tour, avec notamment toute une zone sans distribution. Dans le Nord, où la mise sous pli a été effectuée en régie préfectorale, la préfecture constate « un taux de livraison très variable en fonction des communes », certaines n’ayant reçu aucun pli.

– dans les zones distribuées par La Poste, les problèmes éventuels de mise sous pli ne se sont généralement pas répercutés sur la distribution, l’entreprise ayant réussi à compenser les défaillances de la mise sous pli.

En Ille-et-Vilaine, les remontées de terrain soulignent que La Poste a su s’adapter pour corriger les retards des routeurs. En Nouvelle-Aquitaine, La Poste a été saluée comme « très coopérative », permettant de corriger les retards de Koba.

2.   Un distributeur handicapé par des faiblesses structurelles

Le constat est indéniable : les plis remis en retard ont été mieux pris en charge par La Poste que par Adrexo, ce qui laisse penser que le dispositif d’Adrexo était calibré uniquement « pour beau temps ». Le constat est partagé par les dirigeants d’Adrexo eux-mêmes : le maillage territorial de La Poste lui a permis d’encaisser les problèmes, ce qu’Adrexo a eu plus de mal à faire. Le fonctionnement qui a permis à Adrexo de proposer un prix inférieur à son concurrent et de remporter le marché a aussi été à l’origine des difficultés d’exécution rencontrées par l’entreprise.

a.   Une trop forte dépendance au travail intérimaire

De l’aveu même du ministère de l’Intérieur, le renfort d’intérimaires était indispensable vu le caractère exceptionnel des opérations de distribution de la propagande électorale. Néanmoins, les deux prestataires ne présentaient pas la même dépendance au travail intérimaire. Chez Adrexo, 4 000 salariés et 12 000 intérimaires ont travaillé sur cette opération, soit un intérimaire pour… 0,3 salarié. La Poste, pour sa part, a fait appel à 1 500 intérimaires au premier tour, soit un intérimaire pour 24 salariés, et 2 800 au second tour, soit un intérimaire pour 18 salariés. Il n’est donc pas étonnant qu’Adrexo ait été beaucoup plus affecté par la pénurie d’intérimaires signalée par une partie des entreprises.

Déjà en nombre inférieur, les salariés d’Adrexo se sont avérés de surcroît moins mobilisables que ceux de La Poste. Si les postiers ont été largement mobilisés avec des horaires élargis, une telle solution n’était pas transposable chez Adrexo dont la plupart des salariés, à temps partiel, cumulent cet emploi avec d’autres emplois ou avec des études ; leur proposer de faire des heures supplémentaires ne suffit donc pas. Le calendrier de travail type chez Adrexo s’est avéré peu adapté aux spécificités du marché. Les tournées s’effectuent généralement en début de semaine alors même que, du fait du calendrier d’enlèvement des plis, les opérations de distribution devaient avoir lieu entre le milieu et la fin de semaine.

b.   La question de la formation des distributeurs

Les dirigeants comme les représentants syndicaux et les salariés d’Adrexo ont défendu le travail effectué par les distributeurs salariés de l’entreprise, tout en se montrant plus sévères avec les prestations des distributeurs intérimaires.

Sans rejeter sur les intérimaires la responsabilité d’une chaîne de dysfonctionnements dont ils n’ont été qu’un des maillons, il est possible de se pencher sur les conséquences du profil des distributeurs.

Selon les dirigeants de La Poste, les intérimaires recrutés par l’entreprise pour l’exécution du marché ont bénéficié d’une journée de formation suivie de quelques jours en jumelage avec un postier. Toutefois, le ratio salariés/intérimaires chez Adrexo pour cette opération rendait impossible une réelle formation. M. Guéguen évoque « une formation très light de quelques minutes dans les agences Adrexo, afin d’obtenir un plan et de connaître la finalité de cette distribution ». Les critères de recrutement transmis par Adrexo aux agences d’intérim font aussi apparaître une exigence très faible : il était demandé de « savoir lire, avoir le permis B, savoir se repérer ».

Découragés par l’ampleur de la tâche, plusieurs distributeurs auraient renoncé à la mission en cours de route, ce qui explique en partie les abandons de plis sur la voie publique.

En ce qui concerne les salariés eux-mêmes, les conditions de travail difficiles sont à l’origine d’un fort turn-over, au détriment de l’expérience de terrain que seule l’ancienneté permet d’acquérir. Selon la CAT-Adrexo, 800 personnes quittent chaque mois l’entreprise, dont 50 % encore en période d’essai. Sur la plateforme de recherche d’emploi Indeed, plusieurs employés actuels ou anciens se font l’écho de des difficultés qu’ils ont rencontrées. Un ancien employé basé à Roanne (42) souligne que :

Un autre, basé à Nantes (44), explique :

Il n’est pas exclu que le paiement des heures complémentaires, objet de nombreuses difficultés chez Adrexo, a aussi pu contribuer à une démotivation des personnels. Selon la CAT Adrexo, en cas de défaillance des badgeuses censées mesurer le temps de travail effectué, un système forfaitaire particulièrement défavorable était appliqué. De toute évidence, la question s’est posée en des termes différents à La Poste, dont les facteurs ont fait des doubles tournées, tandis que les heures supplémentaires ont été payées le double selon M. Wahl

c.   Un climat social dégradé

Selon les représentants de CAT Adrexo, le climat social dégradé au sein d’Adrexo a conduit à une mauvaise répartition des tâches, bien que les dirigeants d’Adrexo aient quant à eux refusé d’y voir une des causes de l’échec des opérations de distribution. Selon la CAT, la répartition des tâches entre salariés et intérimaires aurait pu être optimisée afin de mobiliser en priorité les salariés – mieux formés – sur la distribution de la propagande et d’affecter les intérimaires sur les opérations classiques. 

d.   Une communication défaillante de l’encadrement d’Adrexo

Enfin, la gestion des difficultés et des imprévus par les préfectures a été complexifiée par la communication des responsables locaux d’Adrexo, souvent pointée comme défaillante.

Dans le territoire de Belfort, la préfecture note la difficulté à communiquer avec les représentants locaux d’ADREXO sur le premier tour de scrutin, marqué par la destruction partielle d’environ 400 enveloppes par un intérimaire dans une forêt. La préfecture déplore une « absence de réponse à nos mails », des « appels insistants du bureau des élections mais aussi du corps préfectoral ». La préfecture de l’Orne note pour sa part que « si, au premier tour, les correspondants Adrexo ont brillé par leur absence de réactivité voire de réponse, le correspondant opérationnel de notre préfecture désigné pour le second tour s’est montré plus disponible, sans toutefois être en mesure d’apporter ni informations, ni explications, ni prise de décision… »

En perturbant l’identification et l’anticipation des difficultés ainsi que la recherche de solutions, ces carences n’ont pu qu’aggraver les divers problèmes rencontrés et leur impact sur le bon acheminement aux électeurs des enveloppes de propagande.

 

 


1

 

Troisième partie : les principales pistes de réflexion afin de tirer les enseignements de cet échec

Les dysfonctionnements constatés lors des dernières élections régionales et départementales doivent conduire à réinterroger le cadre juridique de la mise sous pli et de la distribution de la propagande électorale, dans l’objectif d’en améliorer la cohérence et l’efficacité.

I.   Questionner sans tabou le cadre juridique applicable à l’acheminement de la propagande électorale

Si la décision du Gouvernement de réinternaliser les prestations de mise sous pli soulève des interrogations, l’évolution du cadre juridique relatif à la distribution postale apparaît nécessaire.

A.   Le choix gouvernemental de réinternaliser la mise sous pli

Caractérisée par une externalisation progressive au cours des dernières années, les prestations de mise sous pli seront directement prises en charge par les préfectures à l’avenir. Prise rapidement à la suite des élections régionales et départementales, la décision du Gouvernement appelle plusieurs observations.

1.   Le recours croissant à l’externalisation de la mise sous pli par les préfectures

Les prestations de mise sous pli peuvent être directement assumées par les préfectures sous la forme d’une régie, faire l’objet d’un conventionnement avec des communes du département, ou être entièrement externalisées au profit de sociétés de routage, dans le cadre des règles prévues par le code de la commande publique ([27]). Cette souplesse organisationnelle laissée à l’appréciation de l’administration déconcentrée selon les moyens humains mobilisables par la préfecture et l’offre de routage présente sur le territoire a abouti, au cours de la dernière décennie, à une progression très nette de l’externalisation.

Selon les éléments statistiques communiqués par le ministère de l’Intérieur à vos rapporteurs, la mise sous pli a été entièrement externalisée par 60 % des préfectures s’agissant des élections départementales et par 80 % d’entre elles s’agissant des élections régionales ([28]). Ces chiffres présentent une augmentation notable depuis le début des années 2010, l’externalisation n’étant alors choisie que par la moitié des préfectures ([29]).

L’externalisation présente plusieurs avantages. Des économies d’échelle liées à la mécanisation du processus sont ainsi espérées, afin d’obtenir un gain de temps et une diminution du coût de la prestation, grâce à la mobilisation de main d’œuvre et à l’utilisation de locaux, de matériels, de manutention, et des dispositifs de stockage et de gardiennage.

En outre, l’externalisation procède également d’une baisse constante du nombre d’emplois au sein des préfectures. Le représentant de la préfecture d’Eure-et-Loire auditionné par vos rapporteurs a indiqué que les effectifs de la préfecture ont diminué de 30 % au cours de la dernière décennie. Depuis lors, la mise sous pli de la propagande électorale a été systématiquement confiée à des sociétés de routage. Dans cette perspective, l’externalisation relève moins d’un choix que d’une contrainte au regard des difficultés croissantes, voire de l’impossibilité, de mobiliser ponctuellement suffisamment d’agents administratifs afin de prendre en charge ces prestations.

Pour autant, le ministère de l’Intérieur admet que l’externalisation comporte des inconvénients, comme en témoigne sa réponse à la question écrite n° 588 du sénateur Jean-Louis Masson publiée le 23 août 2018 :

« Le Gouvernement observe que peu de routeurs ont une capacité logistique suffisante pour traiter les documents de propagande dans des délais très contraints, en particulier lorsqu’une seule semaine sépare les deux tours de scrutin, comme cela est le cas pour les élections législatives. Le marché du routage est particulièrement concentré et la dématérialisation globale du circuit papier pour les autres clients des routeurs (journaux, vente par correspondance, etc.) n’incite pas ses acteurs à l’investissement dans de nouveaux moyens de production plus performants. »

Les insuffisances de l’offre de routage complexifient l’organisation de la mise sous pli, souvent réalisée à distance. L’acheminement des plis s’expose ainsi à des retards en cascade semblables à ceux survenus lors des dernières élections régionales et départementales :

« Aussi pour les élections organisées en 2017, seule une dizaine de prestataires différents a été retenue sur l’ensemble du territoire métropolitain, dont un concentrant à lui seul l’exécution des marchés de la moitié des préfectures ayant recours à externalisation. Les évolutions précitées expliquent la massification des prestations et le regroupement de la mise sous pli sur des sites parfois localisés en dehors du département dans lequel se déroule le scrutin. Or, les délais contraints obligent les prestataires à livrer leur propagande électorale sur le lieu de la mise sous pli et les commissions de propagande à s’y réunir afin de recevoir les documents de tous les candidats.

Les marchés publics intègrent d’ores et déjà une clause d’éloignement du prestataire si le site de production du prestataire est à plus de 200 km du chef-lieu de département, afin de favoriser une implantation locale. Cette règle permet de contenir la dispersion des centres de mise sous pli pour ne pas pénaliser en aval l’opérateur postal. Dans cette hypothèse, le prestataire doit prendre en charge les coûts d’acheminement des plis jusqu’au centre de tri postal. Pour autant, il n’est pas envisagé en amont d’obliger les routeurs à recevoir les documents dans le département dans lequel se présente le candidat, car cela reviendrait à démultiplier les sites de mise sous pli alors même que l’offre de routage est insuffisante. »

Face à ce constat déjà établi en 2018 ([30]), le ministère de l’Intérieur a suggéré aux préfectures d’adapter leur organisation en vue du second tour des élections régionales et départementales de juin dernier afin de ne pas confier à un même prestataire la mise sous pli de l’ensemble des documents de propagande. Cet encouragement à réinternaliser les prestations de routage sous la forme d’une régie ou d’un conventionnement avec les communes traduit une certaine défiance à l’encontre de l’externalisation, alors même que les raisons ayant expliqué sa progression constante au cours de la dernière décennie n’ont pas disparu.

2.   La réinternalisation de ces prestations pour les prochains scrutins : un choix inopiné

Par un communiqué de presse publié le 13 août 2021, le ministère de l’Intérieur a indiqué que « les mises sous plis seront dorénavant effectuées par les services des préfectures et non plus par des sociétés privées ». Les services du ministère de l’Intérieur auditionnés par vos rapporteurs ont indiqué que des renforts en vacataires pourraient être recrutés à cette fin par les préfectures et que celles-ci auront également la possibilité de conclure des conventions avec les communes volontaires.

Bien qu’elle s’explique par les défaillances ayant affecté l’activité de certaines sociétés de routage lors du second tour des dernières élections régionales et départementales, la décision gouvernementale de réinternaliser la mise sous pli pour les prochains scrutins appelle deux remarques.

Premièrement, cette évolution semble avoir pris de court plusieurs sociétés auditionnées par vos rapporteurs. Ainsi, le groupe Diffusion Plus ([31]) ne comprend pas les motifs de cette réinternalisation générale, alors même qu’aucun incident relevant de sa responsabilité ne semble lui avoir été reproché lors des derniers scrutins. Au-delà d’un sentiment d’injustice, le groupe déplore surtout les conséquences dommageables que cette réinternalisation va entraîner, notamment en matière économique, au regard des investissements déjà réalisés, des emplois ([32]) et des sites de production ainsi menacés. Il annonce réfléchir à la mise en place d’actions collectives au côté de certains représentants de la filière de routage afin d’infléchir la position du ministère de l’Intérieur. Se considérant elle aussi exempte de reproche, la société Duhamel Logistique ([33]) auditionnée par vos rapporteurs estime subir les dommages collatéraux des échecs d’Adrexo et demande solennellement le maintien des marchés de routage conclus avec les préfectures sur la période triennale 2021-2023.

Ces réactions aisément compréhensibles amènent d’autant plus à s’interroger sur l’opportunité de la décision gouvernementale que ces sociétés précisent avoir récemment pris contact avec les services du ministère de l’Intérieur afin d’envisager des axes d’amélioration ([34]) dans la perspective de l’organisation des prochains scrutins présidentiel et législatifs dont les caractéristiques apparaissent moins complexes que celles des élections régionales et départementales ([35]).

Deuxièmement, la fin annoncée avec effet immédiat de l’externalisation du routage suppose de s’assurer au préalable que les préfectures, voire les communes avec lesquelles elles sont susceptibles de nouer des conventions, sont en mesure de prendre en charge elles-mêmes l’ensemble de ces prestations pourtant majoritairement accomplies par des sociétés privées depuis plus de dix ans. Si l’objectif visant à « mieux maîtriser l’ensemble du processus de routage » ([36]) s’avère louable, il convient avant tout d’en garantir la maîtrise effective, ce qui requiert la mobilisation de nombreux personnels formés et disponibles afin d’effectuer ces missions.

À ce stade, un doute subsiste quant au bien-fondé de la réorganisation ainsi envisagée. La représentante de la préfecture de l’Hérault contactée par vos rapporteurs cite, à titre illustratif, le choix d’externaliser le routage opéré pour la première fois par les communes de Béziers, de Clermont-l’Hérault et de Lodève lors des dernières élections régionales et départementales. Selon elle, ces communes ont estimé ne plus disposer des moyens nécessaires pour assurer directement cette mission. En outre, si le maintien du recours à un prestataire privé restait possible, cette option serait « sans doute » choisie par la préfecture pour les prochains scrutins. La décision de réinternalisation du routage implique en conséquence d’importants ajustements à mettre en œuvre au cours des prochains mois dans la perspective des scrutins présidentiel et législatifs d’avril et juin 2022 :

« La préfecture de l’Hérault se donnerait les moyens d’effectuer une mise sous pli en régie. Cela impliquerait de recourir à un recrutement massif (environ 900 personnes) puisque les effectifs de la préfecture et des deux sous-préfectures du département n’y suffiraient pas.

Il faudrait par ailleurs louer un espace très vaste (6000 m²) sur plusieurs semaines (trois à quatre pour la présidentielle et deux à trois pour les législatives) avec des prestations adaptées puisque la préfecture ne dispose pas d’un tel espace.

Enfin, les moyens consacrés à l’organisation, la mise en place et l’encadrement de l’opération seront considérables et détourneront les agents concernés des opérations électorales classiques et du conseil aux mairies et élus. » ([37])

L’ensemble de ces éléments démontrent que la réinternalisation de la mise sous pli ne constitue pas en elle-même une solution suffisant à résoudre les problèmes qui ont émaillé l’acheminement de la propagande électorale lors des dernières élections régionales et départementales. Elle soulève d’ailleurs des interrogations légitimes quant aux moyens humains et matériels dont les préfectures devront disposer. Le succès des prestations de routage ne dépend pas de l’identité de celui qui en a la charge, qu’il s’agisse de la préfecture, de la commune ou de prestataires privés. À la lumière de ces enjeux, votre rapporteur Raphaël Schellenberger considère que la réinternalisation générale décidée par le ministère de l’Intérieur ne se justifie pas. Si elle n’a pas vocation à revêtir un caractère systématique, l’externalisation de la mise sous pli doit demeurer possible.

Recommandation n° 1 de M. Raphaël Schellenberger : laisser aux préfectures la possibilité d’externaliser les prestations de mise sous pli de la propagande électorale.

Cependant, votre rapporteur Jean-Michel Mis estime que les obstacles induits par la réinternalisation peuvent être surmontés dès lors qu’ils sont anticipés avec soin. Il s’avère donc indispensable que l’administration déconcentrée dispose d’une vision à la fois globale, précise et complète de l’ensemble du processus, afin d’exercer son pouvoir de contrôle et de prendre, le cas échéant, les mesures correctrices qui s’imposent.

Recommandation n° 2 de M. Jean-Michel Mis : anticiper dès aujourd’hui les difficultés logistiques et de ressources matérielles et humaines auxquelles seront confrontées les préfectures dans le cadre de la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale afin de planifier de façon optimale la préparation des scrutins présidentiel et législatifs de 2022.

Dans cette perspective, les services préfectoraux, sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, doivent être à même de piloter l’intégralité des opérations en formant de véritables partenariats avec les services communaux, selon l’échelle territoriale la plus adaptée. C’est à cette condition que la réinternalisation de la mise sous pli aura un effet positif.

Recommandation n° 3 de M. Jean-Michel Mis : construire des partenariats entre les préfectures et les communes afin de réinternaliser la mise sous pli de la propagande électorale au niveau territorial le plus adapté.

Si la réinternalisation de la mise sous pli est effectivement appliquée lors des prochaines campagnes présidentielles et législatives, un bilan devra être réalisé par les services du ministère de l’Intérieur dès l’été 2022, afin d’évaluer de façon objective, et dans un but prospectif, l’ensemble des coûts et des avantages d’une telle évolution. Ce retour d’expérience appuyé sur des critères d’efficacité et d’efficience justifiera ou non la pérennisation de cette pratique à l’occasion des scrutins ultérieurs, en fonction des caractéristiques qui leurs sont propres.

Recommandation n° 4 de M. Jean-Michel Mis : établir un bilan complet de la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale à la suite des élections présidentielle et législatives de 2022 avant d’envisager sa pérennisation lors des scrutins ultérieurs.

B.   L’inévitable remise en cause du contrat d’adrexo, préalable au lancement d’un nouvel accord-cadre

Après six semaines d’investigations, le ministère de l’Intérieur a décidé de résilier unilatéralement le contrat d’Adrexo et de renouveler en conséquence d’ici janvier 2022 l’actuel accord-cadre de distribution de la propagande électorale.

1.   La résiliation du contrat d’Adrexo

Compte tenu de l’étendue des défaillances imputables à Adrexo, le ministère de l’Intérieur a annoncé le 13 août 2021 ([38]) avoir résilié le contrat conclu avec le titulaire de sept des seize lots de l’accord-cadre couvrant la période quadriennale 2021-2024.

Comme le prévoit le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, des réfactions ([39]) du prix et des pénalités ([40]) ont également été appliquées à Adrexo par le pouvoir adjudicateur, leur montant global étant ainsi déduit du montant facturé par Adrexo à l’issue de la constatation du service fait ([41]).

 

Lots détenus par Adrexo

Montant des réfactions

Pénalités

TOTAL

Lot 3 – Auvergne-Rhône-Alpes

1 052 809 €

771 000 €

1 823 809 €

Lot 4 – Bourgogne Franche Comté

639 613 €

867 000 €

1 506 613 €

Lot 6 – Centre Val de Loire

848 297 €

33 000 €

881 297 €

Lot 8 – Grand Est

953 024 €

144 000 €

1 097 024 €

Lot 9 – Hauts de France

401 935 €

66 000 €

467 935 €

Lot 10 – Normandie

783 275 €

381 000 €

1 164 275 €

Lot 13 – Pays de la Loire

833 026 €

51 000 €

884 026 €

TOTAL

5 511 980 €

2 313 000 €

7 824 980 €

Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentants d’Adrexo ont déclaré comprendre les raisons de la résiliation de leur marché par le ministère de l’Intérieur. Cependant, ils déplorent le montant particulièrement élevé des réfactions et pénalités qui leur ont été infligées. Ils estiment ainsi que celles-ci correspondent à 25 % du chiffre d’affaires réalisé lors du premier tour des élections alors même que ces pénalités ne s’appliqueraient qu’à 2 % des plis pris en charge par Adrexo.

Au total, le montant payé par le ministère de l’Intérieur à Adrexo s’élève à 19 479 978 euros, soit un montant inférieur d’environ 29 % au montant de la facturation initiale s’élevant à 27 284 95 euros.

Si des manquements aux obligations contractuelles ont aussi été constatés de la part de La Poste, notamment sur les éléments de reporting, ces manquements ont été considérés par le ministère de l’Intérieur comme insuffisamment graves pour donner lieu à des pénalités et réfactions.

Le CCAP précise également qu’Adrexo ne peut se prévaloir d’aucun droit à indemnisation du fait de la résiliation unilatérale de l’accord-cadre, que cette dernière soit fondée sur un motif d’intérêt général ou non.

2.   Le lancement d’un nouvel accord-cadre dans la perspective des élections présidentielle et législatives de 2022

À la suite de la résiliation du contrat d’Adrexo, le ministère de l’Intérieur a indiqué que la continuité des prestations de distribution de la propagande électorale sur les zones géographiques gérées par Adrexo serait assurée en deux phases. Dans un premier temps, la distribution de la propagande à l’occasion d’éventuelles élections partielles organisées d’ici le 31 décembre 2021 a vocation à s’appuyer sur un marché passé en urgence impérieuse ([42]) avec le groupe La Poste en août dernier sur le fondement de l’article R. 2122-1 du code de la commande publique.

Ainsi, l’administration peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures, et qu’elle ne pouvait pas prévoir, ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées. Cette solution temporaire semble pourtant reposer sur des bases juridiques relativement fragiles. L’interprétation jurisprudentielle de « l’urgence impérieuse » exige cumulativement l’existence d’un événement imprévisible, d’une urgence incompatible avec les délais exigés par d’autres procédures et d’un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence qui en résulte.

La direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des finances ([43]) considère que l’urgence impérieuse est circonscrite aux phénomènes extérieurs, imprévisibles et irrésistibles pour l’acheteur, à l’instar d’une catastrophe naturelle ou d’une menace terroriste. À l’inverse, la résiliation d’un marché par le juge administratif ne constitue pas un motif d’urgence impérieuse ; l’administration étant alors tenue d’anticiper cette situation en prenant les mesures nécessaires au lancement d’une nouvelle procédure ([44]).

Certes, les contraintes calendaires liées à l’organisation d’élections partielles d’ici la fin de l’année 2021 rendent très difficile le lancement de consultations ad hoc relatives à la distribution de la propagande électorale. En outre, les risques contentieux entourant l’attribution d’un marché sans publicité ni mise en concurrence préalable au motif que le ministère de l’Intérieur se trouverait confronté à une situation d’urgence impérieuse dont la caractérisation juridique présente ici une incertitude, apparaissent très limités. Le ministère de l’Intérieur considère que la spécificité de la distribution adressée avec l’obligation de détenir une licence délivrée par l’ARCEP, l’implantation territoriale unique de La Poste et l’absence d’autres offres que celles de La Poste et d’Adrexo lors de la précédente consultation démontrent que La Poste est actuellement le seul opérateur capable d’exécuter ces prestations dans un délai contraint.

Dans un second temps, un nouvel accord-cadre pluriannuel de distribution de la propagande électorale sera prochainement conclu à l’issue d’une procédure de mise en concurrence de droit commun ([45]). Si la société Adrexo a précisé lors de son audition par vos rapporteurs qu’elle renonçait à se porter candidate à un nouveau marché, aucune règle jurisprudentielle ni règlementaire ne s’opposerait au dépôt de sa candidature. En effet, l’exécution défaillante d’un marché antérieur ne constitue pas un motif automatique d’exclusion d’un nouveau marché portant sur le même objet ([46]).

Le lancement dès le mois d’octobre 2021 d’une nouvelle consultation afin de renouveler l’accord-cadre doit permettre au ministère de l’Intérieur de tirer les conséquences des maladresses commises lors de la passation du précédent marché. À cette fin, vos rapporteurs préconisent d’inverser la pondération dévolue au critère de la valeur technique et au critère prix, afin de prévoir que le premier représente 60 % de la note globale attribuée aux offres présentées par les entreprises soumissionnaires, contre 40 % pour le prix. Cette nouvelle structuration des critères de jugement des offres aurait pour effet de faire prévaloir les moyens humains et techniques mis en avant par les entreprises sur la dimension financière inhérente au coût des prestations. Cette évolution faciliterait la sélection d’une offre plus robuste sur le plan technique, diminuant en conséquence le risque de défaillances opérationnelles lors de l’exécution du marché.

Recommandation n° 5 : prévoir dans le règlement de la consultation du nouvel accord-cadre lancé en octobre 2021 une pondération des critères de jugement des offres à hauteur de 60 % pour le critère relatif à la valeur technique et à 40 % pour le critère relatif au prix.

C.   La soumission des prestations de distribution aux contraintes concurrentielles imposées par le droit européen

Interrogé le 29 juin 2021 lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur s’est prononcé en faveur de la réinternalisation des prestations de distribution de la propagande électorale :

« J’ai suggéré au Premier ministre de proposer au Parlement de réinternaliser, en dépit de la directive européenne, l’intégralité des opérations électorales, la mise sous pli comme la distribution. Je crois que nous aurions tous intérêt, à la suite des conclusions du Parlement, que cela s’applique assez rapidement, et même dès la prochaine élection présidentielle. » ([47])

Cette proposition couvre en réalité deux possibilités distinctes.

1.   L’hypothèse d’une réinternalisation de la distribution de la propagande électorale

Au sens strict, une réinternalisation de la distribution impliquerait de confier directement aux agents des préfectures, ou à des personnels vacataires recrutés à cet effet, la mission de distribution de la propagande électorale au domicile des électeurs. Cette solution est juridiquement envisageable : le choix d’un mode de gestion internalisé ([48]) ou externalisé est laissé à la libre appréciation de l’administration ([49]). Néanmoins, contrairement aux tâches de mise sous pli, une telle évolution apparaît irréaliste et doublement inopportune, compte tenu du savoir-faire qu’exige la distribution de courriers adressés et des effectifs nécessairement limités dont dispose l’administration déconcentrée.

 

La réponse du Gouvernement publiée le 13 mai 2021 à la question écrite n° 20505 du sénateur Jean-Louis Masson défend de façon explicite l’externalisation de ces prestations :

« Il semblerait totalement anachronique d’empêcher l’État d’externaliser la distribution de la propagande jusqu’aux boîtes aux lettres des électeurs, secteur qui est aujourd’hui ouvert à la concurrence, alors même que l’État s’efforce d’optimiser ses ressources dans le cadre d’une politique générale de meilleure gestion des deniers publics. »

Par conséquent, l’orientation soutenue par le ministre de l’Intérieur traduit plutôt la volonté gouvernementale de retirer la distribution de la propagande électorale du champ concurrentiel.

2.   L’hypothèse du retrait des prestations de distribution de la propagande électorale du champ concurrentiel

Prévue à l’échelle européenne depuis les directives du 15 décembre 1997 et du 10 juin 2002 puis régie en droit interne par les lois n° 2005-516 du 20 mai 2005 et n° 2010-123 du 9 février 2010, l’introduction graduelle de la concurrence sur le marché des envois postaux inclut les prestations de distribution de la propagande électorale.

Conclus par l’État depuis le début des années 2010, les accords-cadres relatifs à la distribution de la propagande électorale sont des contrats de la commande publique soumis aux directives européennes régissant les prestations de services. Les marchés de propagande électorale relèvent du 3° de l’article R. 2123‑1 du code de la commande publique relatif aux services sociaux et autres services spécifiques dont la liste est fixée par l’annexe XIV de la directive du 26 février 2014. S’ils peuvent être passés par la voie d’une procédure adaptée ([50]), ces marchés ne relèvent pas des exceptions permettant, dans des cas limités et strictement définis ([51]), de conclure un contrat sans publicité ni mise en concurrence préalable. Ils s’inscrivent donc dans un cadre concurrentiel caractérisé par une pluralité d’opérateurs économiques susceptibles d’assurer la distribution des plis.

Par conséquent, le respect des principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures s’impose à l’administration.

Contactée par vos rapporteurs, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie et des finances précise que l’octroi d’un droit exclusif au groupe La Poste, exonérant ainsi l’acheteur des obligations de publicité et de mise en concurrence, serait incompatible avec les règles prévues par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) mentionnées à l’article L. 2512-4 du code de la commande publique.

L’octroi d’un droit exclusif à un opérateur économique repose sur deux justifications alternatives. D’une part, cet avantage doit être indispensable à la prise en charge par le prestataire concerné d’un service d’intérêt économique général (SIEG) sur le fondement de l’article 106 paragraphe 2 du TFUE. En l’espèce, la DAJ considère que la distribution de la propagande électorale ne correspond pas à un SIEG. D’autre part, l’octroi d’un droit exclusif doit revêtir un caractère nécessaire et proportionné à la poursuite d’un motif d’ordre public, de santé publique ou d’une raison impérieuse d’intérêt général dégagée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Selon la DAJ, il serait hasardeux de justifier qu’un tel droit exclusif au groupe Le Poste serait aujourd’hui nécessaire et proportionné, alors même que la distribution de la propagande électorale est organisée par des marchés publics soumis aux règles de la concurrence depuis plus de dix ans.

En outre, la possibilité d’établir une relation de « quasi régie » entre l’État et La Poste permettant d’exonérer l’État du lancement d’une procédure de mise en concurrence ne semble pas non plus envisageable. En effet, la « quasi régie » suppose l’existence de trois conditions cumulatives :

   le pouvoir adjudicateur doit exercer sur l’entité un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;

   l’entité contrôlée ne doit pas comporter de participation directe de capitaux privés ([52]) ;

   l’entité doit exercer 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le ou les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôle.

Dans le cas présent, même si La Poste est un groupe entièrement public, sa branche courrier colis est située sur un marché concurrentiel et son activité ne représente pas 80 % des tâches qui lui sont confiées par les autorités qui la contrôlent.

Ainsi, à droit européen constant, l’adoption d’une loi retirant la distribution de la propagande électorale du champ concurrentiel s’exposerait à un risque sérieux d’inconventionnalité au regard de la jurisprudence européenne ([53]) voire d’inconstitutionnalité ([54]) en raison de la méconnaissance des principes fondamentaux de transparence, d’accessibilité et d’égalité de traitement reconnus par le Conseil constitutionnel.

Cependant, vos rapporteurs considèrent que le retrait du champ concurrentiel de la distribution de la propagande électorale peut effectivement constituer une solution pertinente afin de sécuriser son acheminement aux électeurs, eu égard à l’importance des enjeux démocratiques qui entourent cette mission. Dans cette hypothèse, il serait alors indispensable que le Gouvernement engage dès à présent une négociation à l’échelle européenne afin d’élargir la liste des exceptions aux contraintes concurrentielles imposées par le droit de l’Union européenne. C’est à cette condition, certes exigeante et complexe, que le Parlement pourra alors se saisir d’une telle proposition.

Recommandation n° 6 : négocier à l’échelle européenne le retrait des prestations de distribution de la propagande électorale du champ des activités régies par les règles de la concurrence.

II.   Renforcer la cohérence de l’ensemble du processus

Sans remettre en cause la possibilité laissée aux électeurs de recevoir les documents de propagande au format papier, il est opportun d’encourager le développement de leur accès dématérialisé et de préciser les règles calendaires applicables à leur envoi.

A.   Conserver la distribution postale de la propagande électorale tout en facilitant son accès dématérialisé

La mise en ligne des documents de propagande sur un site Internet du ministère de l’Intérieur lors des dernières élections régionales et départementales constitue une initiative utile. S’il convient de conserver la possibilité pour les électeurs de bénéficier d’une distribution postale des circulaires des candidats, le développement de leur accès dématérialisé s’avère également souhaitable.

1.   La mise en ligne des documents de propagande sur Internet

Afin de favoriser l’information des électeurs lors du second tour des élections municipales de juin 2020, le ministère de l’Intérieur a créé un site internet ([55]) recensant les professions de foi fournies par les candidats. Cette démarche a été renouvelée lors des dernières élections régionales et départementales. Ouvert dès le début de la campagne officielle le 31 mai 2021, ce site regroupe les professions de foi déclarées conformes par la commission de propagande puis transmises au format numérique par les candidats, sur la base du volontariat. 75 % des documents de propagande ont ainsi été mis en ligne s’agissant des élections départementales, contre 86 % pour les élections régionales ([56]).

Le Gouvernement précise que la mise en ligne des professions de foi représente un moyen de diffusion complémentaire et n’a donc pas vocation à remplacer l’envoi au domicile des électeurs de la propagande prévue par le code électoral.

Selon les services du ministère de l’Intérieur auditionnés par vos rapporteurs, le bilan de cette expérience s’avère relativement concluant. Depuis l’ouverture du site le 31 mai jusqu’au dimanche 27 juin inclus, le site a enregistré 261 591 visites d’internautes, dont 65 973 visites ([57]) le jour du premier tour et 32 530 visites le jour du second tour. À titre de comparaison, lors du second tour des élections municipales organisé en juin 2020, le site avait enregistré 30 017 visites la semaine précédant le scrutin.

Au total, 437 894 professions de foi ont donc été visionnées depuis le site Internet lors des dernières élections régionales et départementales. Si ces chiffres demeurent modestes, ils soulignent également les marges de progression existantes afin notamment de sensibiliser les citoyens à l’accès dématérialisé de la propagande électorale sur un site Internet spécifique.

2.   Permettre aux électeurs de choisir les modalités de distribution

Le rapport publié en octobre 2014 par l’inspection générale de l’administration (IGA) dévoile la préférence d’une courte majorité d’électeurs pour l’accès dématérialisé aux documents de propagande ([58]). Un sondage réalisé en 2014 par le secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) et l’institut BVA fait ainsi apparaître des résultats contrastés : seules 52 % des personnes interrogées sont favorables à la réception électronique des documents de propagande.

Le rapport précise que « l’annonce du coût de l’envoi papier des documents électoraux impacte significativement l’appétence à l’égard d’un envoi électronique ». En effet, 59 % des personnes interrogées se prononcent en faveur de la dématérialisation totale de la propagande électorale lorsqu’elles sont informées du coût de l’envoi papier, contre 45 % dans le cas contraire. En outre, la proportion de personnes favorables à la dématérialisation s’élève à 72 % parmi les moins de 25 ans, accréditant le constat d’une distorsion générationnelle en la matière.

Le sondage précise également que 65 % des personnes interrogées sont favorables au remplacement de la distribution postale par la mise à disposition des documents dans un espace public.

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Source : Moderniser l’organisation des élections, rapport IGA, octobre 2014, p. 107.

Ces résultats, dont l’actualisation se révèle néanmoins nécessaire, alimentent légitimement les réflexions quant à l’élargissement de la dématérialisation de la propagande électorale selon les choix opérés par les électeurs. Vos rapporteurs considèrent que le maintien d’une distribution postale demeure indispensable, notamment au regard de la fracture électronique selon les territoires et des difficultés persistantes de maniement de l’outil numérique, plus particulièrement chez les personnes âgées.

Cependant, ils estiment souhaitable de faire évoluer le cadre législatif et règlementaire afin de permettre à chaque électeur, sur la base du volontariat, de recevoir directement par voie électronique les documents de propagande avant le scrutin. Le cas échéant, ce procédé se substituerait donc à un envoi papier. Sur le plan opérationnel, la numérisation de ces documents, réalisée avec succès lors des dernières élections locales, devra se conjuguer à la mise en place d’un envoi personnalisé à chaque électeur grâce à l’utilisation de son adresse e-mail. Si ces techniques sont déjà éprouvées depuis plusieurs années par l’administration fiscale dans ses relations avec les contribuables, les contraintes inhérentes à la sécurité informatique, à la protection des données personnelles et à l’accès effectif des documents numérisés devront être appréhendées avec précision.

Les modalités par lesquelles les électeurs effectueront leur choix nécessitent également une attention particulière. L’accès dématérialisé peut consister en la mise en ligne des documents de propagande sur un site spécifique, suivant le modèle retenu lors des dernières élections. Les électeurs volontaires en seraient alors informés par un e-mail contenant le lien d’accès au site précité. Cette solution aurait l’avantage d’aiguiller directement les électeurs volontaires vers le site créé par le ministère de l’Intérieur, contrairement à la pratique actuelle par laquelle la dématérialisation de la propagande ne fait l’objet d’aucune information personnalisée.

Plus contraignante techniquement ([59]), une solution alternative poursuivant le même d’objectif d’accès dématérialisé consisterait en un envoi par e-mail de tous les documents de propagande aux électeurs désirant les recevoir sous format numérique.

Quelle que soit la modalité retenue, ouvrir aux électeurs le choix d’opter en faveur d’une distribution postale ou d’un accès dématérialisé à la propagande électorale s’avère tout à fait opportun. Au-delà des évidentes considérations environnementales et économiques ([60]) entourant cette évolution, la dématérialisation « à la carte » de la propagande électorale représente une solution équilibrée permettant à la fois de décongestionner la mise sous pli et la distribution postale et de respecter les préférences exprimées par chaque électeur.

Par ailleurs, la réforme proposée par vos rapporteurs pourrait utilement s’appuyer sur le répertoire électoral unique (REU) ([61]) entré en vigueur le 1er janvier 2019. Le REU permet la mise à jour à l’échelle nationale des listes électorales à l’initiative, d’une part, des communes qui procèdent aux inscriptions et radiations des électeurs, et d’autre part, de l’INSEE, sur la base des informations transmises par l’administration. Afin d’assurer une meilleure gestion du processus électoral et la fiabilisation des listes, le REU s’est ainsi substitué à la juxtaposition des 35 500 fichiers tenus indépendamment par chaque commune. Le dispositif garantit l’unicité d’inscription de tout électeur et prévoit la prise en compte des demandes d’inscription jusqu’à six semaines avant le scrutin, ce qui correspond au délai nécessaire à l’examen d’éventuels recours.

Un rapport inter-inspections publié en juin 2020 tire un premier bilan positif de la mise en place du REU ([62]) à la suite de l’organisation des élections européennes de mai 2019. Il souligne également les potentialités de ce nouvel outil et préconise une dématérialisation complète de la propagande électorale s’agissant des élections consulaires ([63]) ainsi qu’une dématérialisation optionnelle pour les électeurs de métropole et d’outre-mer ([64]). Dans cette optique, il conviendrait de créer un champ supplémentaire au sein du REU afin que les électeurs puissent choisir ou non de recevoir la propagande par voie dématérialisée lors de la vérification de leur situation électorale ([65]). Une économie d’environ 22 millions d’euros ([66]) aurait ainsi été réalisée si 30 % des électeurs avaient choisi cette option lors des dernières élections municipales ([67]).

Recommandation n° 7 : laisser le choix aux électeurs d’opter en faveur du maintien de la distribution postale ou de l’accès dématérialisé à la propagande électorale.

B.   Garantir une chaîne logistique véritablement conforme aux enjeux démocratiques

Les multiples difficultés opérationnelles précédemment décrites ont fait émerger plusieurs propositions tendant à adapter les règles d’organisation des scrutins aux contraintes logistiques découlant du calendrier électoral.

Relayées par les sociétés de routage et de distribution auditionnées par vos rapporteurs, ces préconisations peuvent apparaître pertinentes à condition de respecter un principe clair : ce n’est pas à la démocratie de s’adapter aux impératifs logistiques mais à la logistique de se conformer aux exigences démocratiques.

1.   Le nécessaire maintien d’un délai d’une semaine entre le premier et le second tour

Le délai d’une semaine séparant le premier et le second tour des scrutins a été considéré par les sociétés de routage et de distribution mais aussi par les services du ministère de l’Intérieur comme l’un des facteurs explicatifs des dysfonctionnements survenus lors de l’acheminement de la propagande en vue du second tour. Cette contrainte calendaire a été considérablement renforcée par l’organisation inédite d’un double scrutin sur l’ensemble du territoire, aboutissant ainsi à des délais incompressibles parfois intenables au vu du nombre important de plis à distribuer aux électeurs.

Dans cette perspective, la possibilité d’étendre d’une à deux semaines le délai séparant le premier du second tour a été envisagée afin d’assouplir le rétro-planning auquel sont collectivement assujettis les candidats ([68]), les imprimeurs, les routeurs et les distributeurs. Si cette solution peut effectivement limiter les risques d’engorgement susceptibles de freiner voire d’entraver l’ensemble du processus de distribution, vos rapporteurs considèrent qu’elle ne constitue pas une réponse adaptée aux difficultés observées lors des dernières élections régionales et départementales.

D’une part, comme l’a souligné le ministère de l’Intérieur, les plis des deux scrutins ont été normalement distribués dans les départements où il n’y a eu ni défaillance de routage ni avarie dans la distribution. Bien qu’il représente un défi logistique et technique réel, le délai d’une semaine d’entre-deux tours n’est donc pas impossible à tenir.

D’autre part, cette proposition s’inscrit dans une logique strictement opérationnelle, négligeant de fait les conséquences politiques qu’induirait un tel allongement du délai entre le premier et le second tour. En l’état actuel du droit, seule l’élection présidentielle se singularise par un délai d’entre-deux tours de deux semaines. Cette spécificité s’explique par la place particulière qu’occupe l’élection présidentielle au sein des institutions de la Vè République : un délai exceptionnel de deux semaines apparaît nécessaire afin que le peuple puisse se prononcer en connaissance de cause, au terme de la campagne et du débat opposant les deux candidats qualifiés au second tour.

S’il convient de préserver cette exception au regard des enjeux propres à la présidence de la République, « clef de voûte de nos institutions » selon Michel Debré ([69]), l’allongement d’une semaine supplémentaire de l’entre-deux tours des élections locales pourrait également favoriser une démobilisation du corps électoral. En outre, les représentants des trois grandes associations d’élus locaux ([70]) auditionnés par vos rapporteurs désapprouvent une telle évolution. S’agissant des scrutins régionaux, Régions de France considère que celle-ci serait de nature à encourager l’allongement corrélatif des délais dans lesquels doivent s’opérer les négociations de fusions entre les listes ayant obtenu plus de 5 % au premier tour ([71]), au risque de brouiller encore davantage l’offre électorale en vue du second tour.

Recommandation n° 8 : maintenir le délai d’une semaine entre le premier et le second tours des scrutins, à l’exception de l’élection présidentielle.

Cependant, l’organisation concomitante des élections régionales et départementales entraîne une réelle complexification du processus de distribution de la propagande dans les délais impartis. Si les contraintes logistiques en la matière ne sauraient bien sûr justifier à elles seules la dissociation de ces deux scrutins, il est souhaitable de s’interroger en profondeur sur la pertinence d’une telle association au regard de la lisibilité et de la compréhension de ces enjeux électoraux par les citoyens, ainsi que des conséquences éventuelles qu’elle revêt sur le niveau d’abstention.

2.   Mieux encadrer les délais d’envoi et de distribution des documents de propagande

Certains dysfonctionnements constatés au cours des dernières élections régionales et départementales ont révélé le caractère imprécis voire lacunaire des règles applicables à la distribution et à l’envoi de la propagande prévues par le code électoral.

Premièrement, aucune disposition législative ou règlementaire ne fixe la date à compter de laquelle les documents de propagande peuvent être distribués aux électeurs. En effet, l’article R. 34 du code électoral ([72]) ne mentionne que la date butoir à laquelle les circulaires des candidats doivent être adressées aux électeurs avant chaque tour de scrutin, soit au plus tard le mercredi précédant le premier tour et, en cas de ballotage, le jeudi précédant le second tour. En l’absence de tout encadrement, la distribution de plis plusieurs semaines voire un mois avant le premier tour a pu être constatée dans certains départements lors des dernières élections. L’Assemblée des départements de France a notamment fait état de cette situation dans le cadre du comité de suivi des élections régionales et départementales présidé par M. Jean-Denis Combrexelle.

Vos rapporteurs considèrent que l’envoi précoce de la propagande électorale ne permet pas aux électeurs de prendre connaissance du programme des candidats en temps utile, la date du scrutin étant alors trop éloignée du moment auquel les électeurs reçoivent les professions de foi. Il semble donc nécessaire de prévoir, au niveau législatif ou règlementaire, une date à partir de laquelle la distribution de la propagande pourrait être effectuée. Dans cette perspective, l’ouverture de la campagne officielle constitue une borne temporelle tout à fait pertinente, soit deux semaines avant le premier tour de scrutin ([73]). La date butoir demeurant fixée au mercredi précédant celui-ci, un tel encadrement permettrait de procéder à la distribution sur une dizaine de jours.

Recommandation n° 9 : préciser que la distribution postale des documents de propagande électorale débute à compter de l’ouverture de la campagne officielle.

Deuxièmement, plusieurs sociétés de routage auditionnées par vos rapporteurs ont également fait état de l’envoi de documents de propagande en vue du second tour avant même la tenue du premier tour. À titre d’exemple, les entreprises Duhamel Logistique et Diffusion Plus ont notamment mentionné l’envoi précoce de circulaires de second tour par des candidats du Rassemblement national aux élections départementales, en dépit de leur élimination dès le premier tour.

Si l’intention poursuivie visait probablement à éviter les retards susceptibles de ralentir la distribution de documents dans des délais d’entre-deux tours nécessairement contraints, cette pratique multiplie les possibilités d’erreurs commises par les sociétés de routage lors de la mise sous pli des documents en vue du second tour, alors même que la cadence de travail est particulièrement élevée.

Afin d’éviter d’éventuelles confusions entrainant une incertitude sur l’identité des candidats qualifiés au second tour, vos rapporteurs estiment nécessaire de préciser que seuls les documents de propagande correspondant au premier tour de scrutin peuvent être mis à la disposition des routeurs avant la tenue de celui-ci.

Recommandation n° 10 : prévoir que seuls les documents de propagande correspondant au premier tour de scrutin peuvent être mis à la disposition des routeurs avant la tenue de celui-ci.

 


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   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 13 octobre 2021, la commission des Lois a examiné ce rapport et, à l’unanimité, en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/IidVUC

 

 


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Synthèse des recommandations

Recommandation n° 1 de M. Raphaël Schellenberger : laisser aux préfectures la possibilité d’externaliser les prestations de mise sous pli de la propagande électorale.

Recommandation n° 2 de M. Jean-Michel Mis: anticiper dès aujourd’hui les difficultés logistiques et de ressources matérielles et humaines auxquelles seront confrontées les préfectures dans le cadre de la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale afin de planifier de façon optimale la préparation des scrutins présidentiel et législatifs de 2022.

Recommandation n° 3 de M. Jean-Michel Mis : construire des partenariats entre les préfectures et les communes afin de réinternaliser la mise sous pli de la propagande électorale au niveau territorial le plus adapté.

Recommandation n° 4 de M. Jean-Michel Mis : établir un bilan complet de la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale à la suite des élections présidentielle et législatives de 2022 avant d’envisager sa pérennisation lors des scrutins ultérieurs.

Recommandation n° 5 : prévoir dans le règlement de la consultation du nouvel accord-cadre lancé en octobre 2021 une pondération des critères de jugement des offres à hauteur de 60 % pour le critère relatif à la valeur technique et à 40 % pour le critère relatif au prix.

Recommandation n° 6 : négocier à l’échelle européenne le retrait des prestations de distribution de la propagande électorale du champ des activités régies par les règles de la concurrence.

Recommandation n° 7 : laisser le choix aux électeurs d’opter en faveur du maintien de la distribution postale ou de l’accès dématérialisé à la propagande électorale.

Recommandation n° 8 : maintenir le délai d’une semaine entre le premier et le second tour des scrutins, à l’exception de l’élection présidentielle.

Recommandation n° 9 : préciser que la distribution postale des documents de propagande électorale débute à compter de l’ouverture de la campagne officielle.

Recommandation n° 10 : prévoir que seuls les documents de propagande correspondant au premier tour de scrutin peuvent être mis à la disposition des routeurs avant la tenue de celui-ci.

 


—  1  —

 

Liste des personnes entendues

   M. Pierre Monzani, directeur général

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère

   M. Jules Nyssen, délégué général

   M. Eric Verlhac, directeur général

   Mme Geneviève Cerf-Casau, cheffe du service gestion et administration locale

   M. Jean-Benoît Albertini, secrétaire général du ministère de l’Intérieur

   M. Marc Tschiggrey, adjoint au directeur de la modernisation et de l’administration territoriale

   Mme Pascale Pin, cheffe du bureau des élections et études politiques

   M. Vincent Roberti, directeur de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier

   Mme Laure de La Raudière, présidente,

   Mme Cécile Dubarry, directrice générale

   M. Philippe Grenier, président

   M. Jean-Denis Combrexelle, président du comité

   Mme Elisa Basso, directrice de cabinet du Préfet

   M. Adrien Bayle, secrétaire général

   M. Loïc Lefebvre, directeur du développement

   M. Benjamin Chevallard, chargé de la propagande électorale

   M. Hugues Duhamel, président

   M. Florian Gerbron, directeur général

   M. Philippe Viroulet, délégué syndical central

   M. Alain Guéguen, secrétaire général

   M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste

   Monsieur Alain Brousse, directeur Général d’Adrexo

   Monsieur Eric Paumier, co-directeur de la holding Hopps Group

 

La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie et des finances a également remis une contribution écrite à vos rapporteurs.

 

 


—  1  —

 

   ANNEXE : Chiffres définitifs de la distribution de la propagande électorale au second tour des élections régionales et départementales de juin 2021

   Chiffres définitifs d'Adrexo au second tour - Distribution de la propagande des départementales

 

 

 

Numéro du lot

 

 

N° du département

 

 

 

Préfécture du département

Nombre d'électeurs - nombre de plis attendus - chiffres donnés par la préfecture

 

 

Nombre de plis enlevés ADREXO

 

 

Nombre de plis enlevés LA POSTE

 

 

Nombre de plis livrés

 

 

Nombre de plis non distribués

 

 

Nombre de plis non pris en charge

10

14

CALVADOS

499 900

499 900

-

370 690

129 210

-

10

27

EURE

426 794

382 974

43 820

239 283

143 691

-

10

50

MANCHE

378 797

378 797

-

263 373

115 424

-

10

61

ORNE

168 240

168 240

-

115 829

52 411

-

10

76

SEINE-MARITIME

870 930

870 930

-

638 772

232 158

-

13

44

LOIRE-ATLANTIQUE

1 025 800

1 025 800

-

676 186

349 614

-

13

49

MAINE-ET-LOIRE

577 160

577 160

-

349 893

227 267

-

13

53

MAYENNE

222 376

211 780

10 596

153 422

58 358

-

13

72

SARTHE

408 427

398 886

9 541

278 110

120 776

-

13

85

VENDÉE

531 770

481 998

49 772

308 561

173 437

-

3

01

AIN

407 313

401 511

5 802

321 254

80 257

-

3

03

ALLIER

218 900

185 145

32 305

143 267

41 878

1 450

3

07

ARDÈCHE

250 608

153 075

97 533

130 423

22 652

-

3

15

CANTAL

57 542

43 092

14 450

40 610

2 482

-

3

26

DRÔME

360 468

319 469

40 976

250 426

69 043

23

3

38

ISÈRE

862 512

568 253

293 502

429 952

138 301

757

3

42

LOIRE

504 135

431 638

71 415

254 485

177 153

1 082

3

43

HAUTE-LOIRE

70 422

56 512

13 770

54 602

1 910

140

3

63

PUY-DE-DÔME

425 736

312 043

113 693

285 114

26 929

-

3

69

RHÔNE

330 228

260 114

70 061

167 683

92 431

53

3

73

SAVOIE

291 438

286 801

4 637

159 135

127 666

-

3

74

HAUTE-SAVOIE

542 815

398 441

144 374

199 947

198 494

-

4

21

CÔTE-D'OR

324 886

324 886

-

200 432

124 454

-

4

25

DOUBS

362 659

286 059

76 600

186 677

99 382

-

4

39

JURA

174 616

153 872

20 744

76 783

77 089

-

4

58

NIÈVRE

153 645

65 441

88 204

49 773

15 668

-

4

70

HAUTE-SAÔNE

164 691

164 691

-

157 548

7 143

-

4

71

SAÔNE-ET-LOIRE

340 772

294 637

46 135

183 469

111 168

-

4

89

YONNE

234 378

234 378

-

202 966

31 412

-

4

90

TERRITOIRE DE BELFORT

82 140

82 140

-

79 352

2 788

-

6

18

CHER

211 345

187 747

23 598

160 902

26 845

-

6

28

EURE-ET-LOIR

300 110

300 110

-

262 272

37 838

-

6

36

INDRE

165 918

165 918

-

148 439

17 479

-

6

37

INDRE-ET-LOIRE

431 521

411 560

19 961

350 786

60 774

-

6

41

LOIR-ET-CHER

242 092

242 092

-

162 718

79 374

-

6

45

LOIRET

449 976

449 976

-

373 076

76 900

-

8

08

ARDENNES

180 187

180 169

18

166 448

13 721

-

8

10

AUBE

202 560

202 560

-

105 083

97 477

-

8

51

MARNE

373 459

373 459

-

281 299

92 160

-

8

52

HAUTE-MARNE

121 675

121 675

-

94 057

27 618

-

8

54

MEURTHE-ET-MOSELLE

486 128

470 874

15 254

348 450

122 424

-

8

55

MEUSE

134 489

118 604

15 885

111 384

7 220

-

8

57

MOSELLE

740 952

735 867

5 085

510 257

225 610

-

8

67

BAS-RHIN

767 325

632 208

135 117

152 162

480 046

-

8

68

HAUT-RHIN

526 612

449 101

77 511

306 587

142 514

-

8

88

VOSGES

262 590

262 590

-

230 746

31 844

-

9

02

AISNE

341 777

271 911

69 866

220 775

51 136

-

9

59

NORD

1 798 046

1 681 706

116 340

1 358 016

323 690

-

9

60

OISE

558 435

477 178

81 257

392 090

85 088

-

9

62

PAS-DE-CALAIS

1 038 558

915 746

122 812

868 602

47 144

-

9

80

SOMME

390 309

327 013

63 296

254 701

72 312

-

  

 


—  1  —

 

   Chiffres définitifs d'Adrexo au second tour - Distribution de la propagande des régionales

 

 

 

Numéro du lot

 

 

N° du département

 

 

 

Préfécture du département

Nombre d'électeurs - nombre de plis attendus - chiffres donnés par la préfecture

 

 

Nombre de plis enlevés ADREXO

 

 

Nombre de plis enlevés LA POSTE

 

 

Nombre de plis livrés

 

 

Nombre de plis non distribués

 

 

Nombre de plis non pris en charge

10

14

CALVADOS

500 345

500 345

-

261 663

238 682

-

10

27

EURE

427 318

373 393

53 925

119 392

254 001

-

10

50

MANCHE

378 797

378 797

-

264 690

114 107

-

10

61

ORNE

204 597

204 597

-

43 894

160 703

-

10

76

SEINE-MARITIME

870 930

870 930

-

473 097

397 833

-

13

44

LOIRE-ATLANTIQUE

1 026 371

1 026 371

-

538 530

487 841

-

13

49

MAINE-ET-LOIRE

577 534

577 534

-

247 526

330 008

-

13

53

MAYENNE

222 917

211 754

11 163

156 826

54 928

-

13

72

SARTHE

408 427

398 878

9 549

262 936

135 942

-

13

85

VENDÉE

531 770

481 999

49 771

289 444

192 555

-

3

01

AIN

423 161

321 190

33

125 899

195 291

101 938

3

03

ALLIER

246 497

203 026

43 471

160 946

42 080

-

3

07

ARDÈCHE

250 723

86 872

110 985

23 106

63 766

52 866

3

15

CANTAL

114 986

79 845

35 141

77 510

2 335

-

3

26

DRÔME

373 139

293 963

61 178

96 226

197 737

17 998

3

38

ISÈRE

863 648

454 463

245 684

205 773

248 690

163 501

3

42

LOIRE

504 135

457 824

40 297

99 444

358 380

6 014

3

43

HAUTE-LOIRE

177 775

150 579

27 045

137 171

13 408

151

3

63

PUY-DE-DÔME

457 666

349 843

107 823

331 080

18 763

-

3

69

RHÔNE

1 136 644

514 887

167 947

231 799

283 088

453 810

3

73

SAVOIE

310 739

273 580

4 641

49 690

223 890

32 518

3

74

HAUTE-SAVOIE

543 059

419 045

124 014

59 749

359 296

-

4

21

CÔTE-D'OR

356 914

356 914

-

61 300

295 614

-

4

25

DOUBS

362 665

285 389

77 276

161 086

124 303

-

4

39

JURA

186 727

165 889

20 838

80 834

85 055

-

4

58

NIÈVRE

153 645

150 978

2 667

28 305

122 673

-

4

70

HAUTE-SAÔNE

176 797

176 797

-

170 048

6 749

-

4

71

SAÔNE-ET-LOIRE

399 501

335 637

63 864

68 751

266 886

-

4

89

YONNE

234 378

234 378

-

95 544

138 834

-

4

90

TERRITOIRE DE BELFORT

92 950

92 950

-

70 664

22 286

-

6

18

CHER

223 983

99 086

194

7 763

91 323

124 703

6

28

EURE-ET-LOIR

300 446

261 501

-

38 518

222 983

38 945

6

36

INDRE

165 838

77 942

-

6 284

71 658

87 896

6

37

INDRE-ET-LOIRE

431 885

425 530

6 355

82 529

343 001

-

6

41

LOIR-ET-CHER

242 254

167 844

-

41 322

126 522

74 410

6

45

LOIRET

449 988

449 988

-

64 263

385 725

-

8

08

ARDENNES

189 750

189 732

18

168 992

20 740

-

8

10

AUBE

202 720

202 720

-

91 049

111 671

-

8

51

MARNE

375 017

375 017

-

268 524

106 493

-

8

52

HAUTE-MARNE

130 016

130 016

-

32 917

97 099

-

8

54

MEURTHE-ET-MOSELLE

486 128

433 516

52 612

92 508

341 008

-

8

55

MEUSE

134 489

118 604

15 885

108 214

10 390

-

8

57

MOSELLE

741 200

736 104

5 096

254 447

481 657

-

8

67

BAS-RHIN

766 750

766 750

-

606 656

160 094

-

8

68

HAUT-RHIN

527 203

456 566

70 637

403 652

52 914

-

8

88

VOSGES

276 802

276 802

-

243 122

33 680

-

9

02

AISNE

372 589

296 072

76 517

231 480

64 592

-

9

59

NORD

1 799 005

1 682 615

116 390

1 253 294

429 321

-

9

60

OISE

560 229

514 197

46 032

395 172

119 025

-

9

62

PAS-DE-CALAIS

1 087 809

954 514

133 295

789 141

165 373

-

9

80

SOMME

406 433

324 389

82 044

252 333

72      056

-

  

 


—  1  —

 

   Chiffres définitifs de La Poste au second tour - Distribution de la propagande des départementales

 


—  1  —

 

 

 

14

Hautes-Alpes

111 278

74 845

67%

65 914

88%

8 931

11,9%

74 845

67%

Var

793 985

541 836

68%

484 238

89%

57 598

10,6%

541 836

68%

Vaucluse

403 004

383 709

95%

344 082

90%

39 627

10,3%

383 709

95%

 

 

 

 

15

Guadeloupe

315 617

272 590

86%

247 566

91%

25 024

9,2%

272 590

86%

Guyane

101 135

 

 

 

 

 

 

 

 

La Réunion

666 222

589 595

88%

543 762

92%

45 833

7,8%

589 595

88%

Martinique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mayotte

89 743

83 727

93%

70 578

84%

13 149

15,7%

83 727

93%

 

TOTAL

21 702 567

19 186 361

88%

17 517 688

91%

1 668 972

8,70%

19 186 660

88%

  

 


—  1  —

 

   Chiffres définitifs de La Poste au second tour - Distribution de la propagande des régionales

    

 

 


12

Tarn-et-Garonne

184 664

184 717

100,03%

174 612

94,56%

10 105

5,47%

184 717

100,03%

 

 

 

 

 

14

Alpes-de-Haute-Provence

126 054

55 879

44,33%

50 812

40,31%

5 067

9,07%

55 879

44,33%

Alpes-Maritimes

756 157

666 643

88,16%

599 675

79,31%

66 968

10,05%

666 643

88,16%

Bouches-du-Rhône

1 382 608

391 144

28,29%

354 809

25,66%

36 035

9,21%

390 844

28,27%

Hautes-Alpes

111 278

108 693

97,68%

97 318

87,45%

11 375

10,47%

108 693

97,68%

Var

793 985

705 308

88,83%

619 659

78,04%

85 649

12,14%

705 308

88,83%

Vaucluse

403 004

381 819

94,74%

330 663

82,05%

32 401

8,49%

363 064

90,09%

 

 

 

 

15

Guadeloupe

315 617

315 635

100,01%

283 816

89,92%

31 819

10,08%

315 635

100,01%

Guyane

101 135

101 713

100,57%

80 887

79,98%

20 826

20,48%

101 713

100,57%

La Réunion

666 222

666 196

100,00%

621 533

93,29%

44 690

6,71%

666 223

100,00%

Martinique

305 763

306 165

100,13%

261 828

85,63%

44 337

14,48%

306 165

100,13%

Mayotte

-

 

 

-

 

 

 

 

 

 

TOTAL

23 479 764

18 633 677

79,36%

16 936 598

72,13%

1 645 723

8,83%

18 582 321

79,14%

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) La Poste est titulaire du lot n° 2 relatif à Paris et du lot n° 16 relatif aux Français de l’étranger.

([3]) La possibilité pour une entreprise d’opérer sur le marché postal dépend d’un agrément préalable délivré par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Jusqu’à la fin des années 2010, seule La Poste bénéficiait d’un tel agrément.

([4]) Pour le premier tour, Adrexo a annoncé un taux de non-distribution des plis à hauteur de 5,31 % pour les élections départementales et 7,16 % pour les élections régionales contre 9,48 % et 9,68 % selon les chiffres communiqués par La Poste.

([5]) Voir l’avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique publié au JORF du 10 décembre 2019

([6]) Accord-cadre au sens de l’article 33 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil et un accord-cadre à bons de commande au sens des articles R. 2162-2, R. 2162-13 et R. 2162-14 du code de la commande publique. 

([7]) Article L. 2113-10 et L. 2113-11.

([8]) Annexe 3 du code de la commande publique.

([9]) Directive 97/67/CE du 15 décembre 1997, directive 2002/39/CE du 10 juin 2002 et directive 2008/6/CE du 20 février 2008.

([10]) Loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

([11]) Ces sanctions sont prononcées en cas de manquement de l’opérateur de services postaux aux dispositions législatives ou réglementaires afférentes à son activité ou aux textes et décisions pris en application de ces dispositions, ou en cas de manquement d’un prestataire de services de livraison de colis aux dispositions des articles 4, 5 et 6 du règlement (UE) 2018/644 du Parlement européen et du Conseil du 18 avril 2018 relatif aux services de livraison transfrontière de colis, ou de fourniture des services d’envoi de correspondance en violation de l’article L. 3 ou d’une décision de suspension de l’autorisation accordée en vertu du même article.

([12])  https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/06-0590_01.pdf

([13])  https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/16-0718.pdf

([14]) Réponse écrite de l’ARCEP.

([15]) Il convient ici de rappeler que la capacité financière et technique est un prérequis et pas un élément de la notation ; une fois appréciée et attestée, elle n’est pas prise en compte dans la notation finale.  

([16]) Source : compte rendu de la réunion extraordinaire.

([17]) La Poste prévoyait quant à elle un facteur pour 700 électeurs seulement, mais sans tournées spécialisées.  

([18]) Audition de MM. Alain Brousse et Éric Paumier.

([19]) Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Guyane, Saint Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Réunion, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, Polynésie française.

([20]) « Seules deux sociétés sont qualifiées par l’ARCEP pour répondre à l’appel d’offres, et comme la loi nous oblige à faire des lots, nous devons retenir les deux sociétés. »

([21]) Le lot 16 (étranger) faisait l’objet d’un rapport d’analyse des offres distinct.

([22]) Réponse de La Poste à la négociation.

([23]) Source : ministère de l’Intérieur.

([24]) Alpes-Maritimes, Ardèche, Aveyron, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Creuse, Dordogne, Isère, Rhône Savoie, Paris, Deux-Sèvres, Vaucluse, Vienne, Haute-Vienne.

([25]) Audition de M. Philippe Grenier, président de Koba Global Services

([26]) Contribution écrite remise à vos rapporteurs.

([27]) Sous le format de marchés pluriannuels à bons de commande susceptibles d’être utilisés par les préfectures selon leurs besoins.

([28]) Environ 10 % des préfectures ont réalisé ces prestations en régie. Entre 10 % et 30 % des préfectures ont adopté un format hybride reposant sur un conventionnement conclu avec les communes du département.

([29]) 80 % des préfectures ont opté pour l’externalisation lors des scrutins présidentiel et législatifs de 2017.

([30]) La réponse ministérielle du 23 août 2018 précisait également que « le ministère de l’Intérieur a toutefois engagé une réflexion conjointe avec l’ensemble des acteurs de la mise sous pli de la propagande (imprimeurs, routeurs et opérateur postal) pour fluidifier le chaînage des opérations. Elle a conduit à identifier des ajustements réglementaires sur les normes d’impression du papier et des recommandations (sur le calendrier de la commission de propagande notamment). »

([31]) Titulaire des marchés de routage dans les départements de Seine-et-Marne, du Val d’Oise, de l’Eure, de la Saône-et-Loire, de la Seine-Maritime, de l’Orne et de la Nièvre. Le groupe indiqué avoir mobilisé 250 équivalents temps plein afin de mener à bien ses missions.

([32]) Il a notamment été fait état du rôle « social » des sociétés de routage qui ont souvent recours à des personnes peu qualifiées et habituellement éloignées du marché de l’emploi.

([33]) Titulaire de certains marchés de routage dans les départements du Doubs, de la Haute-Marne et du Finistère.

([34]) Ont ainsi été évoquées la mise en place de cellules préfectorale à demeure chez les prestataires privés afin de contrôler le déroulement des opérations et une meilleure coordination en amont du scrutin entre les routeurs et les distributeurs.

([35]) Il s’agit notamment du délai d’entre-deux tours de deux semaines applicable à l’élection présidentielle, de scrutins uniques et du probable faible nombre, voire de l’absence, de triangulaires lors du second tour des élections législatives.

([36]) Réponse du ministère de l’Intérieur au questionnaire transmis par vos rapporteurs.

([37]) Réponse de la préfecture de l’Hérault au questionnaire transmis par vos rapporteurs.

([38]) La notification de la résiliation du marché a été présentée à Adrexo le 6 août 2021.

([39]) Sans être entière conforme aux stipulations contractuelles, la prestation facturée peut faire l’objet d’une réfaction de prix décidée par l’administration à hauteur de l’importance des imperfections constatées.

([40]) En raison de manquements à des obligations contractuelles telles que le respect des délais de livraison.

([41]) Selon les éléments transmis par le ministère de l’Intérieur à vos rapporteurs.

([42]) Selon les réponses du ministère de l’Intérieur au questionnaire transmis par vos rapporteurs.

([43]) Direction des affaires juridiques, fiche « L’urgence dans les contrats de la commande publique », avril 2019.

([44]) Conseil d’État, Société Régal des îles, 24 mai 2017.

([45]) Le ministère de l’Intérieur précise que le nouvel accord-cadre prendra effet dès le mois de janvier 2022.

([46]) Conseil d’État, Région Lorraine, 10 juin 2009.

([47]) Assemblée nationale, compte rendu des débats de la première séance du 29 juin 2021.

([48]) Par l’intermédiaire d’une gestion en régie.

([49]) Conseil d’État, Unipain, 29 avril 1970.

([50]) Leur procédure de passation doit être adaptée à la nature et aux caractéristiques du besoin à satisfaire, au nombre ou à la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi qu’aux circonstances de l’achat.

([51]) Articles R. 2122-1 et suivants du code de la commande publique.

([52]) À l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi et qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

([53]) CJCE, Tel Austria, 7 décembre 2000.

([54]) Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

([55]) https://programme-candidats.interieur.gouv.fr/

([56]) Selon les chiffres communiqués à vos rapporteurs par le ministère de l’Intérieur.

([57]) Soit 25 % des visites au total.

([58]) Moderniser l’organisation des élections, rapport de l’inspection générale de l’administration, octobre 2014, pp. 105 à 107.

([59]) Au regard, par exemple, de la catégorisation éventuelle des e-mails envoyés aux électeurs parmi les courriers indésirables ou du « poids » maximal autorisé des fichiers transmis.

([60]) Pour les seules élections présidentielle et législatives de 2012, le montant total des dépenses engagées par l’État en matière d’impression, de mise sous pli et d’acheminement de la propagande électorale s’élevait à environ 203 millions d’euros.

([61]) Créé par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 et le décret n° 2018-343 du 9 mai 2018.

([62]) Rapport « Bilan et perspectives du répertoire électoral unique », Inspection générale des finances (IGF), Inspection générale de l’administration (IGA), Inspection générale des affaires étrangères (IGAE), juin 2020.

([63]) L’envoi dématérialisé de la propagande aux électeurs est autorisé pour les élections consulaires depuis la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013.

([64]) Les auteurs du rapport IGF-IGA-IGAE suggèrent d’expérimenter cette réforme dans le cadre d’élections partielles avant d’envisager une éventuelle généralisation à l’occasion de scrutins ultérieurs.

([65]) Télé-service « Interroger sa situation électorale » (ISE) du site www.service-public.fr mis en place en 2019.

([66]) Sur un montant d’environ 73,5 millions d’euros correspondant au coût global de la distribution de la propagande pour ces élections.

([67]) Rapport « Bilan et perspectives du répertoire électoral unique », Inspection générale des finances, Inspection générale de l’administration, Inspection générale des affaires étrangères, juin 2020, p. 51.

([68]) Les bulletins de vote et la propagande électorale devaient être remis en mairie par les candidats qualifiés au second tour au plus tard le mardi 22 juin 2021 à 18h, le scrutin ayant lieu le dimanche 27 juin 2021.

([69]) Discours de Michel Debré devant l’assemblée générale du Conseil d’État, 27 août 1958.

([70]) Régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France.

([71]) Seules les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent se maintenir au second tour.

([72]) Article R. 34, alinéa 3.

([73]) Articles L. 47 A et L. 353. Par dérogation, la durée de la campagne officielle des dernières élections régionales et départementales a été étendue à trois semaines.