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N° 4562

 

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2021


RAPPORT D’INFORMATION

 

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

en conclusion d’une mission effectuée en Martinique et en Guadeloupe
du 25 septembre au 1er octobre 2021

par

Mme Yaël BRAUN-PIVET, Présidente

MM. Philippe GOSSELIN et Stéphane MAZARS, Vice-Présidents

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

I. trois mois d’état d’urgence sanitaire aux antilles : un bilan à nuancer

A. Sur le plan sanitaire, La Guadeloupe et la martinique ont été éprouvées par la quatrième vague

a. Au début de l’hivernage, une vague épidémique sans précédent

b. Les ressorts d’une mobilisation exceptionnelle pour tenter de faire face

c. Une sortie de crise incertaine du fait de la faiblesse de la couverture vaccinale

B. La crise sanitaire est venue révÉler et accentuer les Tensions qui traversent ces deux territoires

a. L’état d’urgence sanitaire a permis la mise en œuvre de mesures efficaces qui ont été globalement bien respectées par la population

b. La situation dans les deux îles demeure néanmoins tendue, voire violente, et se cristallise autour de la vaccination obligatoire

i. Un climat préoccupant

ii. Une tension exacerbée par l’obligation vaccinale

c. Le défi de la vaccination de la population s’inscrit dans un contexte défavorable mais pas insurmontable

II. « Tjenbé, nou la ! » () (tiens bon, on est là) : sortir de la crise, se projeter vers l’avenir

A. soutenir la mobilisation indispensable des forces vives de ces territoires

a. Des services publics affectés par la crise sanitaire, l’État et ses agents mobilisés

b. Le rôle incontournable des collectivités territoriales et des élus locaux

c. Une vigilance particulière sur le soutien à l’activité économique

B. conforter la place des outre-mer au sein de la république française

a. Exprimer la confiance par la proximité et par la différenciation

b. Améliorer le pilotage des politiques publiques dans les outre-mer

c. Insuffler une vision de long-terme pour l’après-crise

prÉsentation de la martinique

prÉsentation de la GuadeloupE

carte de la martinique

Carte de la guadeloupe

restitution des travaux de la mission

Personnes rencontrées en martinique  (25 – 28 septembre 2021)

Personnes rencontrées en Guadeloupe (29 septembre – 1er octobre 2021)

 

INTRODUCTION............................................ 5

I. trois mois d’état d’urgence sanitaire aux antilles : un bilan à nuancer

A. Sur le plan sanitaire, La Guadeloupe et la martinique ont été éprouvées par la quatrième vague

a. Au début de l’hivernage, une vague épidémique sans précédent

b. Les ressorts d’une mobilisation exceptionnelle pour tenter de faire face

c. Une sortie de crise incertaine du fait de la faiblesse de la couverture vaccinale

B. La crise sanitaire est venue révÉler et accentuer les Tensions qui traversent ces deux territoires

a. L’état d’urgence sanitaire a permis la mise en œuvre de mesures efficaces qui ont été globalement bien respectées par la population

b. La situation dans les deux îles demeure néanmoins tendue, voire violente, et se cristallise autour de la vaccination obligatoire

i. Un climat préoccupant

ii. Une tension exacerbée par l’obligation vaccinale

c. Le défi de la vaccination de la population s’inscrit dans un contexte défavorable mais pas insurmontable

II. « Tjenbé, nou la ! » () (tiens bon, on est là) : sortir de la crise, se projeter vers l’avenir

A. soutenir la mobilisation indispensable des forces vives de ces territoires

a. Des services publics affectés par la crise sanitaire, l’État et ses agents mobilisés

b. Le rôle incontournable des collectivités territoriales et des élus locaux

c. Une vigilance particulière sur le soutien à l’activité économique

B. conforter la place des outre-mer au sein de la république française

a. Exprimer la confiance par la proximité et par la différenciation

b. Améliorer le pilotage des politiques publiques dans les outre-mer

c. Insuffler une vision de long-terme pour l’après-crise

prÉsentation de la martinique

prÉsentation de la GuadeloupE

carte de la martinique

Carte de la guadeloupe

restitution des travaux de la mission

Personnes rencontrées en martinique  (25 – 28 septembre 2021)

Personnes rencontrées en Guadeloupe (29 septembre – 1er octobre 2021)


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Mesdames, Messieurs,

Une délégation de la commission des Lois, conduite par votre présidente accompagnée de deux vice-présidents, MM. Philippe Gosselin (LR) et Stéphane Mazars (LaREM), a effectué un déplacement en Martinique et en Guadeloupe du samedi 25 septembre au vendredi 1er octobre 2021.

À l’heure d’en faire le bilan, une image forte s’impose : celle du contraste saisissant entre l’hexagone, où la vie a finalement repris malgré la quatrième vague, et les Antilles, durablement marquées par ses séquelles, qui ont été aggravées par un taux de vaccination bien trop faible, celui-ci n’ayant pas permis d’affronter à armes égales la virulence démultipliée du variant Delta. 

La mission conduite par la délégation de la commission des Lois, organisée dans le cadre du contrôle parlementaire de l’état d’urgence sanitaire, était attendue dans ces deux territoires. Dans cette période où se mêlent les difficultés, les souffrances mais aussi le désir vital d’aller de l’avant, les quatre-vingt-trois personnes rencontrées par la mission, sensibles à l’intérêt que leur porte la représentation nationale, avaient à cœur à la fois de s’exprimer, mais aussi d’être écoutés, sur la crise qui les a frappés entre les mois de juillet et de septembre 2021.

L’intérêt et l’attention de la commission des Lois pour les outre-mer ont été constants depuis le début de cette législature. Ce troisième déplacement, après Mayotte en 2018 et la Guyane en 2019, est intervenu au bon endroit et au bon moment alors que ces territoires ont fait face à une vague épidémique d’une ampleur inédite. Il était également important de s’intéresser à la Guadeloupe et à la Martinique rapidement après la crise qu’elles ont subie, au plus près du terrain et au plus près de cette quatrième vague.  

Cette forme concrète de contrôle de l’état d’urgence sanitaire s’inscrit dans l’ambition portée par votre présidente, par ailleurs prônée par le Conseil d’État dans sa récente annuelle étude annuelle ([1]), de renforcer le contrôle qualitatif de ce régime exorbitant du droit commun, dont votre présidente estime qu’il a néanmoins fait ses preuves, une nouvelle fois, pour lutter efficacement contre l’épidémie de Covid-19.

Si la gestion de la crise sanitaire a monopolisé une grande partie de l’attention de la mission, les sujets qui intéressent plus largement la commission des Lois – sécurité, justice, immigration, collectivités territoriales – n’ont pas été ignorés au cours de ce déplacement. Ils ont été appréhendés à la fois sous le prisme de l’épidémie de Covid-19, mais aussi des enjeux propres à la Guadeloupe et à la Martinique.

Le présent rapport, qui est le fruit six jours de travail et quarante entretiens ou visites, propose de dresser le bilan de cette quatrième vague et des mesures mises en œuvre pour y faire face. Si celles-ci ont permis de la résorber, la mission s’inquiète néanmoins des tensions que la crise sanitaire est venue exacerber. Face à ce constat, elle estime qu’il est nécessaire de réaffirmer et d’amplifier le soutien aux forces vives de ces territoires, éprouvées par la quatrième vague, et de dessiner de nouvelles perspectives pour conforter la place des outre-mer au sein de notre République.              


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I.   trois mois d’état d’urgence sanitaire aux antilles : un bilan à nuancer

Un mois après le pic épidémique qui a très durement touché les Antilles, la visite de la commission des Lois en Martinique et en Guadeloupe a permis de mettre en lumière l’utilité des mesures permises par l’état d’urgence sanitaire, notamment le confinement et le couvre-feu, pour freiner la circulation du virus et pour protéger la population. De l’avis de tous les acteurs rencontrés, cette dernière a d’ailleurs bien respecté les prescriptions sanitaires en vigueur.

Le bilan général demeure néanmoins contrasté en raison des tensions latentes qui traversent, de manière différente, les deux îles et qui ont été exacerbées par la crise. Leur impact se cristallise aujourd’hui sur la vaccination qui pâtit d’un climat de défiance fortement préjudiciable et qui interroge les perspectives de sortie de crise.

A.   Sur le plan sanitaire, La Guadeloupe et la martinique ont été éprouvées par la quatrième vague

a.   Au début de l’hivernage, une vague épidémique sans précédent

Les Antilles ont été touchées par une quatrième vague particulièrement virulente qui a d’abord commencé en Martinique à la mi-juillet avant de toucher la Guadeloupe à la fin du même mois. Le pic des contaminations a d’abord été atteint en Guadeloupe, dès le 11 août, lorsque le taux d’incidence (TI) a atteint un niveau inédit de 2 326 cas pour 100 000 habitants ([2]), un jour avant la Martinique où le TI s’est élevé à 1 202 le 12 août.

Les origines de la quatrième vague sont multiples et ne sauraient être imputables, contrairement aux fausses informations qui ont pu être propagées sur place, aux seuls touristes ([3]), notamment parce que le mois de juillet, début de la saison d’hivernage, est propice aux réunions familiales et aux déplacements interrégionaux entre les îles des Caraïbes. Il est en tout cas certain que les causes de l’ampleur de cette vague sont dues à une triple conjonction : la virulence et la contagiosité du variant Delta, une prévalence des comorbidités au sein de cette dernière (diabète, obésité et affections de longue durée) et un faible taux de vaccination de la population (20 % de taux de schéma vaccinal complet à cette période). Sur les 296 décès que le centre hospitalier universitaire de Guadeloupe (CHUG) a eu à déplorer, 272 personnes n’étaient pas vaccinées.

Ces trois causes sont à l’origine d’une très forte mortalité de la quatrième vague : la Guadeloupe et la Martinique ont subi en l’espace d’un mois ce que l’hexagone a connu en quatre vagues étalées sur dix-huit mois. En Martinique, qui compte 375 000 habitants, 516 décès ont été enregistrés depuis le 5 juillet, contre 90 sur les trois premières vagues. Au 26 septembre, 505 personnes étaient décédées en Guadeloupe (près de 400 000 habitants) depuis le début de la quatrième vague. La tragédie qu’elle a causée s’est trouvée décuplée dans des îles à la fois faiblement et densément peuplées.

incidence cumulée pour 100 000 habitants de la mortalité hospitalièRe

Source : Agence régionale de santé de Guadeloupe

 

L’ampleur définitive de cette crise reste aujourd’hui encore méconnue en raison de la non prise en compte des décès en ville. Leur comptabilisation effectuée à partir des certificats de décès transmis par les médecins aux communes devrait intervenir avec le déconfinement et la réouverture des services de l’état civil. 

b.   Les ressorts d’une mobilisation exceptionnelle pour tenter de faire face

Pour faire face à l’afflux de patients Covid-19, les autorités de santé ont mobilisé l’ensemble des leviers à leur disposition permettant d’assurer la montée en puissance du système de santé sur leur territoire, dont le plan blanc, réactivé le 12 juillet en Martinique et le 26 juillet en Guadeloupe.

Pour amplifier cette montée en puissance, un important dispositif de renfort a été mis en place avec la mobilisation de la réserve sanitaire, l’appel à la solidarité nationale des soignants de l’hexagone et l’envoi de matériels par avion-cargo. Tout au long du mois d’août, 2 638 professionnels de santé ont été mobilisés : 1 325 renforts en Guadeloupe (1 109 issus de la solidarité nationale et 216 réservistes sanitaires) et 1 313 en Martinique (1 196 issus de la solidarité nationale et 117 réservistes sanitaires). L’intégration de ces renforts s’est avérée globalement réussie malgré un évènement fâcheux, mais tout à fait marginal, en Martinique ([4]) et des difficultés de gestion des ressources humaines inhérentes à tout contexte de crise majeure ([5]). Leur contribution décisive dans la lutte contre l’épidémie, qui n’est pas à démontrer, fut à la hauteur de leur dévouement.

Un module militaire de réanimation a également été projeté au centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) permettant d’armer 20 lits de réanimation supplémentaires.

Ces efforts ont permis de porter, au plus fort de la crise, le nombre de lits de réanimation de 26 à 133 en Martinique et de 27 à 98 en Guadeloupe. Les efforts ont également été portés sur l’augmentation de lits de médecine (ils ont été doublés, à 400 en Guadeloupe) ou sur les hospitalisations à domicile (le nombre de concentrateurs en oxygène est passé de 500 à 1 200 en Martinique).

Pour faire face à la saturation hospitalière causée par la brutalité de la quatrième vague, des opérations d’évacuation sanitaire (EVASAN) ont été organisées, à partir du 31 juillet, en parallèle de la montée en capacités. L’opération « Hippocampe » a permis l’évacuation de 137 patients vers l’hexagone (74 depuis la Martinique et 63 depuis la Guadeloupe). Organisées sur douze vols spécialement affrétés, ainsi que trois vols commerciaux et un vol en Falcon, ces opérations complexes ont permis, au plus fort de la crise, l’évacuation de 48 patients en huit jours, soit douze patients par territoire et par vol toutes les 96 heures.

L’addition progressive de ces efforts n’a malheureusement pas empêché une phase de saturation des capacités des services de réanimation, nécessitant une priorisation de leur accès. Le traumatisme subi par les familles a été considérable, tout comme celui des médecins rencontrés par la mission dont certains demeurent « hantés » par le cauchemar « abominable » qu’ils ont vécu. Au CHUG, la mission a pu prendre connaissance du dispositif évolutif, dont les critères n’ont jamais été figés et absolus, mis en place en lien constant avec une cellule éthique.

c.   Une sortie de crise incertaine du fait de la faiblesse de la couverture vaccinale

Alors que le reflux épidémique a été amorcé dans les deux îles, les inquiétudes sanitaires demeurent et menacent la perspective d’une sortie durable de la crise. Le souci majeur concerne la vaccination qui est à ce jour trop faible pour contrer l’éventuelle arrivée d’une nouvelle vague de Covid-19.

En Martinique, le taux de première injection chez la population de plus de douze ans était, au 28 septembre, de 37,6 % (33,1 % pour le schéma complet). Le pic de vaccination a été atteint mi-août, au plus fort de la quatrième vague, avec 7 000 injections réalisées en une semaine. La progression de la couverture vaccinale est passée de deux points par semaine à seulement 0,5. Selon les données transmises par l’Agence régionale de santé (ARS), une moyenne optimiste de 3 000 nouvelles doses par semaine ne permettrait d’atteindre le seuil symbolique de la moitié des personnes de plus de douze ans vaccinées qu’à la fin du mois de novembre.

nombre d’injections par semaine en martinique

Source : ARS de Martinique.

En Guadeloupe, le taux de couverture vaccinale de la population éligible en première dose venait de franchir, à la date de la visite de la mission, le seuil symbolique mais encore insuffisant de 40 %. Depuis, la situation continue de stagner puisque 6 877 injections avaient été réalisées lors de la semaine du 27 septembre, portant le taux de couverture vaccinale en primo-injection chez les personnes de plus de douze ans à 40,86 % au 6 octobre 2021.

Dans ces conditions, tous les acteurs auditionnés par la mission ont prédit l’arrivée certaine et prochaine d’une cinquième vague épidémique. La seule chance pour la Guadeloupe et la Martinique de l’éviter réside dans la vaccination, mais son déploiement est freiné par un contexte complexe que la crise sanitaire est venue exacerber.


B.   La crise sanitaire est venue révÉler et accentuer les Tensions qui traversent ces deux territoires

a.   L’état d’urgence sanitaire a permis la mise en œuvre de mesures efficaces qui ont été globalement bien respectées par la population

La cinétique de l’état d’urgence sanitaire, en vigueur à compter du 14 juillet en Martinique et du 29 juillet en Guadeloupe ([6]), a été semblable dans les deux territoires : couvre-feu dès le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire, restriction de ce dernier au moment de la déclaration du confinement avant un nouveau durcissement consécutif à une dégradation brutale de la situation. Ainsi, en Guadeloupe, le couvre-feu a été instauré le 30 juillet de 21 heures à 5 heures avant d’être avancé, le 4 août, à 20 heures et d’être couplé à une mesure d’interdiction des déplacements hors d’un rayon de 10 kilomètres autour du domicile. L’heure de début du couvre-feu a été avancée à 19 heures et le rayon du confinement réduit à 5 kilomètres le 13 août.

L’évolution des courbes d’incidence montre qu’en l’absence de couverture vaccinale suffisante, le couvre-feu et le confinement sont les seuls instruments efficaces pour freiner brutalement la circulation épidémique, surtout lorsqu’elle connaît une diffusion exponentielle causée par le variant Delta. À l’inverse, la vaccination constitue la meilleure arme contre les mesures de l’état d’urgence sanitaire que sont le confinement et le couvre-feu : le cas des mesures applicables dans l’hexagone pendant la quatrième vague estivale en est le meilleur exemple.

Évolution du taux d’incidence en Guadeloupe et en martinique

Source : data.gouv.fr

Le contrôle du respect de l’état d’urgence sanitaire a été effectué de manière scrupuleuse par les forces de police et de gendarmerie qui ont néanmoins su faire preuve du discernement nécessaire à la bonne application des mesures.

En Guadeloupe, depuis le mois d’août, la gendarmerie a consacré 12 060 heures et 35 % de son temps à ce type d’activité. Elle a procédé au contrôle de 15 000 personnes, 11 080 véhicules, 112 embarcations pour 1 204 infractions relevées dont 1 100 pour le non-respect du confinement ou du couvre-feu. Dans le même temps, 136 établissements recevant du public (ERP) ont été contrôlés conduisant à la rédaction de 78 procès-verbaux de renseignement administratif. 8 établissements ont été fermés sur décision administrative. La police, sur sa zone, a procédé à 1 940 verbalisations, la plupart (1 429) pour non-respect du couvre-feu.

Les auditions menées par la mission ont permis de confirmer un bon niveau d’acceptation et de respect des mesures de l’état d’urgence sanitaire par les deux populations, si l’on exclut le cas de certains rassemblements nocturnes pour lesquels le couvre-feu a été la mesure la plus difficile à faire respecter. Ce constat positif peut s’expliquer par deux facteurs :

– la bonne conscience que le strict respect des prescriptions sanitaires, lorsque l’on n’est pas vacciné, constitue la meilleure manière de se protéger du virus, conscience doublée d’une forme de contrôle social, accentué par le contexte insulaire, pour en assurer le respect ;

– une culture de la résilience face aux crises prégnante chez une population habituée aux crises climatiques.

b.   La situation dans les deux îles demeure néanmoins tendue, voire violente, et se cristallise autour de la vaccination obligatoire

i.   Un climat préoccupant

Le constat de bon respect global des mesures de l’état d’urgence sanitaire ne doit pas occulter une situation locale sensible et des tensions qui ont été exacerbées, parfois opportunément, par certains activistes dans le contexte de la crise sanitaire.

Le principal sujet de préoccupation concerne indéniablement l’île de la Martinique. Elle a été l’objet de violentes émeutes au mois de juillet, qui n’ont pourtant rencontré qu’un faible écho dans l’hexagone. Le 13 juillet, lendemain des annonces présidentielles sur le passe sanitaire et jour de l’instauration du couvre-feu, 800 manifestants se rassemblent à 21 heures devant la préfecture de Fort-de-France, provoquant des violences contre les forces de l’ordre et des feux de poubelles. Le 17 juillet, 2 200 personnes manifestent le matin contre le passe sanitaire. Le soir, 500 émeutiers tentent d’incendier les représentations de l’État (préfecture, commissariat, juridictions) et provoquent des incendies et des pillages de commerces. Le lendemain, des tirs à balles réelles visent les forces de sécurité. Le 31 juillet, à l’occasion de nouvelles émeutes, un vaccinodrome est incendié.

Ces évènements ont provoqué un vif émoi parmi les 600 gendarmes – qui ont pu compter sur le renfort d’un deuxième escadron mobile venu de Guadeloupe – et les 592 personnels de la direction départemental de la santé publique (DDSP). Les fonctionnaires des lieux pris pour cible par les émeutiers, notamment les magistrats du Tribunal judiciaire de Fort-de-France, ont également témoigné de leur profond traumatisme.

tirs À balles réelles essuyés par les forces de sécurité

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Source : DDSP de la Martinique

La crise sanitaire a accentué la radicalisation du mouvement indépendantiste « Rouge Vert Noir » (RVN) dont les actions font peser sur la Martinique un climat délétère. Lors de la visite de la mission, la situation s’était néanmoins provisoirement calmée dans la mesure où le sursis provisoire des trois principaux leaders de ce mouvement avait été révoqué, en comparution immédiate, suite à une tentative scandaleuse de blocage d’une opération d’évacuation sanitaire. Si l’action des forces de sécurité et des magistrats reste déterminée, ces derniers font néanmoins l’objet, lors du jugement de telles affaires, de menaces et de tentatives d’intimidation qui ne permettent pas, en Martinique, à la Justice d’être rendue dans des conditions sereines.

En Guadeloupe, le mois d’août a été marqué par quelques nuits de « dérives » urbaines, de portée moindre, qui n’ont pas dégénéré.

Il convient également de déplorer, dans les deux îles, une multiplication des menaces de mort envers les représentants de l’État ou les autorités en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire.

L’ensemble de ces évènements reflètent un durcissement des rapports sociaux dans une société où la violence, exacerbée par la circulation des armes à feu, est prégnante. En Guadeloupe, le taux d’atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP) est deux fois supérieur, pour la zone gendarmerie, au niveau de l’hexagone ([7]). En zone police, les vols à main armée sont trois fois plus fréquents que la moyenne nationale. 196 armes à feu ont été saisies sur l’île depuis le début de l’année 2021.

ii.   Une tension exacerbée par l’obligation vaccinale

Dans les deux îles, la tension se cristallise aujourd’hui autour de l’obligation vaccinale imposée aux soignants et aux sapeurs-pompiers par la loi du 5 août 2021 ([8]). La contestation est enracinée et le faible taux de vaccination menace de paralyser le système de santé. En Martinique, au 20 septembre 2021, 55 % des podologues, 46 % des sages-femmes, 45 % des infirmiers, 32 % des orthophonistes, 24 % des kinésithérapeutes, 14 % des médecins généralistes, 11 % des dentistes et 10 % des médecins spécialistes n’étaient pas vaccinés, soit 899 membres du corps médical sur 2 900 personnes. La situation est encore plus critique dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) où l’obligation vaccinale s’applique à l’ensemble des personnels, qu’ils soient soignants ou non, et se heurte, notamment au CHUG où l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) est fortement implantée, à une opposition sociale frontale.

Compte tenu de la priorité accordée à la lutte, prioritaire, contre la quatrième vague, les autorités sanitaires ont décidé, avec discernement, de ne pas faire appliquer à l’échéance du 15 septembre 2021 l’obligation imposée par la loi du 5 août 2021. À la date de la visite de la mission, la mise en œuvre de ce contrôle était en cours d’élaboration.

Pour la Martinique, les échéances ont été fixées au 11 octobre pour la mise en œuvre du passe sanitaire à l’hôpital – applicable également au personnel – au 24 octobre pour l’obligation de la première injection et au 15 novembre pour le schéma vaccinal complet.  

Pour la Guadeloupe, un contrôle gradué et progressif a été instauré au CHUG. Il est en cours de déploiement selon trois niveaux :

– tout d’abord, les personnels administratifs, techniques, logistiques, ne concourant pas à la prise en charge directe des patients du CHU et l’ensemble des personnels médicaux constituent le premier groupe de personnes contrôlées. Sur ce premier groupe de 240 personnes, 117 ne sont pas vaccinées.

– elle visera ensuite, les personnels administratifs, techniques, logistiques, concourant à la bonne prise en charge des patients du CHU. Sur 690 personnes, la direction du CHUG décompte 70 % de non vaccinées ;

– les personnels soignants du CHU concourant directement aux soins des patients seront enfin contrôlés.

Les autorités sanitaires font face avec courage, en Guadeloupe et en Martinique, à une situation extrêmement difficile qui commande de faire appliquer la loi du 5 août 2021 afin de protéger les patients pris en charge tout en faisant face au risque réel de provoquer de sérieux dysfonctionnements dans l’organisation d’un système de santé dont la fragilité structurelle a été aggravée par la quatrième vague. Il est néanmoins permis d’espérer que la mise en œuvre effective des contrôles et les premières suspensions de rémunération provoqueront un sursaut vaccinal.

c.   Le défi de la vaccination de la population s’inscrit dans un contexte défavorable mais pas insurmontable

La difficulté à faire appliquer l’obligation vaccinale pour les soignants doit être appréhendée dans un contexte plus général de défiance d’une importante partie de la population antillaise envers le vaccin contre la Covid-19. L’ensemble des analyses recueillies par la mission convergent vers quatre facteurs qui permettent d’expliquer les entraves au déploiement de la vaccination.

● La parole institutionnelle, au premier rang de laquelle celle de l’État, est rejetée par une part importante de la population. Le discours public a été décrédibilisé, aux Antilles, par le scandale du chlordécone, un pesticide toxique, cancérigène et persistant dans l’environnement qui a été utilisé pour lutter contre le charançon du bananier. S’il a été interdit en France en 1990, son utilisation a été prorogée aux Antilles, jusqu’en 1993, par deux dérogations successives. L’empoisonnement de la population qu’il a provoqué rejaillit aujourd’hui sur le vaccin alors que la défiance vis-à-vis de l’État, alourdie par le poids de l’histoire, est toujours prégnante.

En lien avec ce premier facteur, des critiques ont été émises envers une communication institutionnelle qui a pu être perçue comme infantilisante ou insuffisamment différenciée et qui n’a pas assez tenu compte des spécificités et du contexte locaux.

● Les Antillais sont très actifs sur les réseaux sociaux, ne serait-ce que pour entretenir des liens avec la diaspora de l’hexagone. Ces réseaux, au premier rang desquels Facebook et les boucles de messagerie WhatsApp, ont été des vecteurs importants de la propagation et de l’amplification de nombreuses fausses informations sur la vaccination. Celles-ci ont désorienté la population et accru la défiance de cette dernière vis-à-vis de la campagne de vaccination.

● La faible mortalité de la covid-19 avant la quatrième vague a peu incité la population à se faire vacciner. On observe d’ailleurs que le pic de la quatrième vague a également coïncidé avec celui de la vaccination et que le repli épidémique a entraîné un recul de celle-ci.

● Le recours à la pharmacopée locale pour se soigner et se protéger fait partie de la culture antillaise. Des informations scientifiques non établies y ont opportunément trouvé un terreau favorable pour vanter les vertus de l’herbe à pic contre la Covid-19 et qu’une partie de la population a privilégié, à tort, au détriment du vaccin. 

Si ce contexte n’a pas permis un déploiement suffisamment précoce de la vaccination pour contrer la quatrième vague, un important travail est néanmoins fourni pour tenter de la faire progresser au maximum, par la pédagogie et par la proximité.

La campagne de vaccination repose aujourd’hui essentiellement sur une stratégie du « aller-vers » qui permet d’aller toucher directement la population. Ainsi, le dispositif mis en place en Guadeloupe regroupe à la fois deux vaccinodromes (aéroport de Pôle Caraïbes et vélodrome de Gouderliane), des centres hospitaliers (Marie Galante, Capesterre-Belle-Eau et Basse-Terre) et des centres de vaccination (Deshaies, Sainte-Rose, Baie-Mahault, Vieux-Habitants, Le Moule, Morne-à-l’Eau) auxquels s’ajoutent des centres éphémères (Basse-Terre, Vieux-Habitants, Saint-Anne, Port-Louis, Anse-Bertrand, Petit-Bourg, Sainte-Rose), des centres ou des séances de vaccination itinérants (La Désirade, Pointe noire et Saint-François pour les 1er et 2 octobre), différentes structures médico-sociales de proximité (maison de santé pluri professionnelle de Port-Louis, maison médicale de garde de Chauvel) et un vaccibus, présent le 29 septembre à Saint-Claude et le 30 septembre à Basse-Terre. Ces dispositifs de proximité font intervenir conjointement l’ARS, le conseil départemental, le conseil régional et l’Union régionale des professionnels de santé (URPS).

Par ailleurs, la médecine de ville joue un rôle essentiel dans cette stratégie dans la mesure où le médecin de famille constitue un relais de proximité et de confiance utilement mobilisable dans le cadre de la campagne de vaccination.

Évolution de la vaccination en ville en guadeloupe

Source : ARS de Guadeloupe

Cette stratégie de contact direct est certes minutieuse mais elle est la plus à même de surmonter les réticences d’une population encore majoritairement non vaccinée. L’enjeu majeur, en plus de la stratégie d’aller-vers, consiste à rétablir la confiance par la transparence, la pédagogie et la proximité.

Dans cette perspective, le comité citoyen mis en place auprès du préfet de la Martinique, présidé par Me Danielle Marcelline, ancien bâtonnier du barreau de Fort-de-France, et composé de six autres membres ([9]), constitue un exemple de bonne pratique qui mérite d’être valorisé. Il en va de même pour le projet de comité local de lutte contre les fausses informations sur lequel travaille également le préfet de la Martinique.

La bataille de la communication sera essentielle pour gagner celle de la vaccination. Les services de l’État ont bien saisi cet enjeu et ont adapté leur communication en conséquence. Mais l’État ne pourra réussir à convaincre seul, surtout dans le contexte décrit précédemment. Dès lors, les collectivités locales ont vocation elle aussi à s’investir sur ce sujet, ainsi que l’a confirmé le président du Conseil départemental de Guadeloupe à la mission.

campagne de communication de l’ars de guadeloupe adaptée en créole

Image

Source : ARS de Guadeloupe

La mission a enfin pu saluer le travail de plateforme « Riposte » installée par l’ARS de Guadeloupe dès le mois de mars 2020 dans le but d’orienter la population et de répondre à ses interrogations. Elle est chargée de la mise en œuvre de la stratégie « tester, alerter, protéger » pour lutter contre la propagation du virus et pilote désormais la mise en œuvre de la vaccination sur le territoire. Elle sert ainsi de point de contact utile pour la population qui souhaite s’informer ou être orientée vers les dispositifs de vaccination.

II.   « Tjenbé, nou la ! » ([10]) (tiens bon, on est là) : sortir de la crise, se projeter vers l’avenir

Il est vrai que tant que la vaccination n’aura pas été entièrement déployée, il sera difficile d’envisager une sortie de crise pérenne, du moins à court-terme. Il apparaît néanmoins nécessaire d’esquisser, dès aujourd’hui, une perspective pour l’après-crise. Cela passera d’abord par la prise de conscience du choc et des souffrances causés par cette quatrième vague : nombreux sont les Martiniquais et les Guadeloupéens à déplorer la perte brutale d’un membre de leur famille ou d’un proche.

Enterrer les morts donc, mais aussi réparer les vivants ([11]), afin de reconnaître et de soutenir l’action de ceux qui ont permis à la Guadeloupe et à la Martinique de faire face, malgré tout. S’il y a bien sûr au premier rang, héroïque, l’ensemble du personnel soignant, la mission s’est plus particulièrement intéressée aux acteurs qui relèvent de son champ de compétence : les services préfectoraux, les forces de sécurité, l’autorité judiciaire, l’administration pénitentiaire et les collectivités territoriales.

Elle souhaite également esquisser des pistes de réflexion afin de conforter la place des outre-mer au sein de la République française, à l’heure où la crise sanitaire invite à réinventer et à renforcer les liens qui les unissent.

A.   soutenir la mobilisation indispensable des forces vives de ces territoires

a.   Des services publics affectés par la crise sanitaire, l’État et ses agents mobilisés

● Les services préfectoraux

La mission a pu constater que l’action des préfets de la Guadeloupe et de la Martinique, MM. Alexandre Rochatte et Stanislas Cazelles, a été unanimement saluée par les personnes qu’elle a auditionnées. Ce constat a été confirmé par l’accueil que les deux représentants de l’État ont réservé à la mission. Celle-ci tient à les remercier et à saluer leur engagement et leur dévouement sans faille au service de l’État et de la population.

Pour faire face à la crise sanitaire, l’activité de l’ensemble des services de l’État, y compris celle des ARS, a été démultipliée. En Martinique, ce sont 114 arrêtés préfectoraux qui ont été pris depuis le mois février 2020 ([12]), dont l’intégralité, à une exception procédurale près, a été validée par la juridiction administrative. Un lien et une écoute constants ont été maintenus avec les élus locaux au moyen de comités de liaison hebdomadaires qui ont été animés par les deux préfets.

● Les forces de sécurité

Comme cela a été décrit précédemment, l’activité des forces de sécurité a, elle aussi, été affectée par la crise sanitaire. Leur action ne s’est cependant pas limitée à cette seule problématique dans la mesure où les deux îles sont confrontées à des enjeux récurrents qui ne se sont pas taris, au contraire, avec la Covid-19 : circulation des armes à feu, violences intrafamiliales, insécurité routière ou trafic de stupéfiants.

La mission s’est rendue dans les deux directions départementales de la sécurité publique, au siège du commandement de gendarmerie de la Guadeloupe et dans les préfabriqués du site Schœlcher, en Martinique, où la Gendarmerie aspire légitimement à y construire une véritable caserne. Elle a pu échanger avec des fonctionnaires et des militaires pleinement mobilisés et conscients du rôle indispensable, mais difficile, qu’ils jouent dans ces deux territoires.

organisation de la gendarmerie de martinique

Source : Gendarmerie de la Martinique

La lutte contre les trafics de stupéfiants est décisive aux Antilles du fait de leur caractère insulaire, d’une situation géographique à la croisée de plusieurs routes maritimes, de leur proximité avec les îles des Caraïbes, dont la Dominique et Sainte-Lucie, et le Venezuela et de leur liaison maritime et aérienne directe avec l’hexagone. Les trafiquants importent de l’hexagone la résine de cannabis et y exportent la cocaïne qui a transité depuis l’Amérique du Sud. Ils contribuent également à la circulation active des armes à feu. Dans cette lutte, l’action de l’État en mer est décisive et s’appuie, en plus des services de l’office anti-stupéfiant (OFAST), sur cinq navires de la Marine nationale basés en Martinique : deux frégates de surveillance, un bâtiment de soutien polyvalent et deux vedettes. En janvier 2021, la frégate Germinal a procédé à la saisie de 4,2 tonnes de cocaïne sur un navire de pêche en provenance du Venezuela. Pour amplifier cette lutte, il est important que le radar et le scanner qui doivent équiper ce territoire puissent être livrés le plus rapidement possible.

carte de la mer des caraïbes

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En ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, l’activité de la police aux frontières a été affectée par la fermeture des lignes aériennes commerciales ([13]) qui ont provoqué une baisse des expulsions – en Martinique, 326 étrangers ont été éloignés sur l’année 2019 contre 97 en 2020 – et une hausse des assignations à résidence – 96 mesures de ce type ont été prononcées en Guadeloupe depuis le début de l’année 2021. Dans ce contexte, les expulsions de sortants de prison ont été traitées en priorité. La mission a procédé à la visite du local de rétention administrative de l’aéroport de Fort-de-France et du centre de rétention administrative (CRA) de Guadeloupe ([14]) qui a confirmé ce constat général puisque seulement deux et cinq étrangers, originaires de Sainte-Lucie, du Venezuela et de la Dominique, y étaient respectivement retenus.

En Guadeloupe, qui compte 14 200 étrangers en situation régulière ([15]), le pôle départemental de l’immigration et de l’intégration de Pointe-à-Pitre s’est engagé dans un important travail de dématérialisation des démarches par le programme Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), qui devrait être achevé en 2022, dont la crise sanitaire a démontré la pleine utilité.

● La Justice

La mission a rencontré les chefs de juridictions et les magistrats des deux cours d’appel et des trois tribunaux judiciaires (TJ) de la Guadeloupe et de la Martinique ainsi que le président du tribunal administratif de la Martinique. Si la situation et les problématiques de ces juridictions diffèrent, la mission a néanmoins pu constater qu’elles ont su s’organiser efficacement pour maintenir une activité soutenue pendant une période de crise ([16]) qui a nécessité d’importants efforts d’adaptation. Les magistrats et les fonctionnaires du greffe accomplissent leurs missions dans des conditions de travail parfois éprouvantes, qui sont la résultante soit de locaux fortement dégradés, comme à la Cour d’appel de Basse-Terre, soit d’une pression délétère qui est exercée sur eux – les émeutes de juillet ont provoqué plus de 150 000 € de dégâts au TJ de Fort-de-France et des répercussions morales très importantes sur les personnels – soit de vacances de postes, dont certains demeurent insuffisamment attractifs.

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, les responsables des deux centres pénitentiaires de Ducos (Martinique) et Baie-Mahault (Guadeloupe), qui font preuve d’un dévouement admirable, ont dû conjuguer la gestion de la quatrième vague avec les problématiques spécifiques de l’enfermement carcéral. Au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, où 34 % des détenus sont vaccinés, la prise en charge médicale de ces derniers reste insatisfaisante en raison d’une unité sanitaire sous-dimensionnée au regard de ce qui prévaut pour les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) et de l’absence d’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) et d’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) au sein de l’arc Antilles-Guyane. La gestion de l’épidémie n’a pas non plus été facilitée par le surpeuplement chronique qui caractérise cet établissement.

 

La surpopulation carcérale au centre pénitentiaire de Baie-Mahault

Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, qui a compté 70 cas au pic de l’épidémie, est un établissement de 503 places qui a accueilli jusqu’à 750 détenus au début de l’année 2021 – 605 au jour de la visite de la mission le jeudi 30 septembre 2021.

La mission a pu constater les conséquences de cette surpopulation puisque 60 à 70 détenus dorment sur des matelas en permanence, dans des cellules étroites où la chaleur et l’humidité rendent les conditions de détention éprouvantes. L’insalubrité, notamment de certains douches et sanitaires, est également criante.

Les violences et les agressions sont fréquentes et aggravent les conditions de détention et les conditions de travail des fonctionnaires pénitentiaires.

Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault fait partie des centres mentionnés par la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’elle a condamné la France, dans un arrêt du 30 janvier 2020 ([17]), en raison des conditions de détention indignes qu’y subissent les détenus. Déjà en 2015, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dressait ce constat pour synthétiser le rapport de la visite qu’il avait effectuée dans le centre pénitentiaire : « Cet établissement est marqué par la violence, dès le placement au quartier des arrivants, exacerbée par une surpopulation telle que près de la moitié des occupants du quartier de la maison d’arrêt dorment sur des matelas au sol. En dépit d’un professionnalisme excellent, le personnel pénitentiaire peine à gérer cette situation, notamment du fait d’un effectif insuffisant. Cette violence en arrive à terroriser des personnes détenues qui n’osent plus sortir de leurs cellules. » ([18])

b.   Le rôle incontournable des collectivités territoriales et des élus locaux

Pour protéger et pour soutenir la population face à la crise, les collectivités territoriales de Guadeloupe et de Martinique se sont mobilisées très tôt et de manière substantielle ([19]).

À la date de la visite de la mission, la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), collectivité unique née en 2016 de la fusion du conseil départemental et du conseil régional de Martinique ([20]), amorçait le déploiement du dispositif « Tjenbé, nou la » ([21]) qui vise, au plus près de la population, à renforcer l’accompagnement et la prise en charge à domicile des patients atteints par la Covid-19 et de leurs familles. En lien avec la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), une convention cadre partenariale est proposée aux 34 communes de l’île afin de permettre une identification précoce des patients Covid à domicile, d’organiser le suivi médical, en lien avec les médecins traitants, et d’offrir un accompagnement social adapté.

Si l’engagement des élus locaux dans la campagne la vaccination a pu initialement faire l’objet de réticences ou d’hésitations, accentuées par le contexte de la campagne électorale des élections territoriales du mois de juin 2021, la mission a néanmoins pu constater la mobilisation pleine et entière de chacune d’entre elles à la date de sa visite.

Dans la mesure où la question de la distribution de l’eau, sujet de préoccupation majeur en Guadeloupe – qui concerne également l’assainissement –se pose avec acuité en période de crise sanitaire et de confinement, la mission a souhaité procéder à une évaluation de l’application de la loi du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.

L’application de la loi du 29 avril 2021

La proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe a été déposée par notre collègue Justine Benin le 14 décembre 2020. Examinée par la commission des Lois le 20 janvier 2020, elle a été définitivement adoptée par le Parlement à l’issue d’une commission mixte paritaire conclusive et promulguée le 29 avril dernier. 

La mission a pu constater que l’échéance, fixée par la loi, du 1er septembre 2021 avait été respectée pour la création du syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), syndicat mixte ouvert unique composé des cinq EPCI à fiscalité propre de Guadeloupe continentale – hors Marie-Galante – à savoir les communautés d’agglomération de Cap Excellence, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, La Riviera du Levant et Nord Basse‑Terre, de la région et du département.   

L’article 1er de loi du 29 avril 2021 a permis d’unifier la gestion de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe. Le syndicat exerce en effet les compétences relatives à l’eau et l’assainissement des eaux usées, au service public de défense extérieure contre l’incendie et à la gestion des eaux pluviales urbaines. Il est également chargé, en cas de rupture de l’approvisionnement des usagers, de prendre toute mesure propre à garantir un droit d’accès régulier à l’eau potable.

Si l’organigramme du syndicat, présidé par M. Jean-Louis Fancisque, maire de Trois-Rivières, a été établi, les principaux postes de direction ne sont cependant pas encore pourvus : l’objectif est en effet de recruter des dirigeants qui ne sont pas issus des précédentes structures afin de permettre au SMGEAG de fonctionner sur des bases nouvelles. La commission de surveillance, prévue par l’article 2 de loi, est quant à elle en cours d’installation : sa composition venait d’être arrêtée, le 14 septembre 2021, par le préfet de Guadeloupe.

Si le bilan à court-terme de la mise en œuvre de la loi apparaît comme positif, elle ne peut cependant constituer qu’un point de départ au regard des défis majeurs qui attendent désormais le SMGEAG. Celui-ci hérite de 3 000 kilomètres de réseaux de distribution d’eau très dégradés – près de 61 % de l’eau est perdue lors de sa distribution et les tours d’eau sont toujours fréquents – et d’un système de recouvrement des recettes défaillant et déséquilibré. Aujourd’hui, l’eau ne paye toujours pas l’eau en Guadeloupe alors que les besoins d’investissement sont majeurs.

c.   Une vigilance particulière sur le soutien à l’activité économique

Si les questions économiques ne relèvent pas du champ de compétence de la commission des Lois, la mission a été sensible aux conséquences sur l’activité que provoquent les mesures de l’état d’urgence sanitaire – le couvre-feu et le confinement – dans un contexte structurellement difficile ([22]). Si chacun se félicite de la prorogation décidée par le Gouvernement, au début du mois de septembre, du dispositif d’indemnisation de l’activité partielle et des fonds de solidarité « renforcés » et « de base » pour les entreprises, deux points d’attentions ont été portés à l’attention de la mission :

– l’hypothèse d’une sortie de l’état d’urgence sanitaire au 15 novembre 2021 et d’une incertitude sur la pérennité des dispositifs de soutien à l’activité inquiète les acteurs qui s’attendent à une reprise économique limitée ;

– la réouverture progressive des activités de loisir conditionnées à la présentation du passe sanitaire pourrait être entravée, du côté des clients comme des salariés qui y sont soumis, par le faible taux de vaccination et par la fin de la gratuité des tests de dépistage, d’autant qu’il est peu probable que la montée en puissance du passe sanitaire provoque, en Martinique et en Guadeloupe, le même effet incitatif pour la vaccination que celui qui a prévalu, dans l’hexagone, au mois de juillet dernier.

B.   conforter la place des outre-mer au sein de la république française

Si la mission ne prétend pas être capable de fournir des solutions clés en main à des problématiques complexes et anciennes et à des acteurs qui travaillent, avec abnégation, à les résoudre, elle souhaite néanmoins mettre en avant certaines aspirations qui lui ont été transmises et qui pourraient être mises en œuvre dans le cadre d’une réflexion plus vaste concernant l’ensemble des outre-mer.

a.   Exprimer la confiance par la proximité et par la différenciation

Le constat d’une défiance généralisée vis-à-vis de l’action de l’État appelle deux types de réponses.

D’abord, en continuant de répondre à la demande de concertation, de pédagogie et de patience qui s’exprime fortement, sur la vaccination comme sur d’autres sujets, même si le temps est malheureusement compté pour contrer la possible cinquième vague.

Ensuite, le mouvement visant à permettre une meilleure adaptation des politiques publiques aux spécificités des territoires, et notamment ultramarins, doit être amplifié et soutenu. Cette ambition repose aujourd’hui sur l’affirmation et l’extension du principe de différenciation que porte le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), qui comprend notamment un titre consacré aux outre-mer ([23]).

Sur ce sujet, votre présidente ne peut que regretter que la révision constitutionnelle proposée par le Président de la République n’ait pu aboutir au cours de la présente législature. En effet, l’article 12 du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, ambitionnait d’accorder aux départements et aux régions d’outre‑mer un pouvoir plus important de différenciation des normes en assouplissant la manière dont ils peuvent eux‑mêmes adapter certaines règles applicables sur leur territoire relevant de la loi ou du règlement.

En revanche, il est important que les dispositifs qui ont vocation à lutter efficacement contre l’épidémie, telles que l’obligation vaccinale pour les soignants et le passe sanitaire, puissent s’appliquer pleinement en outre-mer dans la mesure où ils permettent, avant tout, de protéger la santé de la population.  

b.   Améliorer le pilotage des politiques publiques dans les outre-mer

La mission a pu constater que le soutien financier apporté par l’État aux Antilles était à la hauteur des enjeux auxquels les deux îles sont confrontées. Sur le plan sanitaire par exemple, la Martinique a obtenu une enveloppe de 448 millions d’euros dans le cadre du Ségur de la santé alors que l’intégralité du financement de la construction du nouveau CHU, pour 580 millions d’euros, est financée par l’État en Guadeloupe.

La mission s’est néanmoins interrogée sur les modalités du pilotage des politiques publiques en outre-mer et de la mobilisation des crédits budgétaires afférents en constatant notamment que des travaux immobiliers urgents ont pu tarder ou tardent encore à être engagés, par exemple le nouveau centre pénitentiaire de Baie-Mahault, dont la livraison est prévue en 2025, ou à la Cour d’appel de Basse-Terre, qui ne sera entièrement rénovée qu’à l’horizon 2029.

L’information sur les crédits budgétaires destinés aux outre-mer fait l’objet chaque année, depuis l’adoption de la loi de finance rectificative pour 2005, d’un document de politique transversale. Pour 2022, ce document fait apparaît que le montant total des contributions budgétaires de l’État s’élève dans les outre-mer à 19 milliards d’euros – 25,6 milliards d’euros avec les dépenses fiscales –, l’ensemble de ces crédits sont dispersés dans 102 programmes relevant de 31 missions budgétaires.

En 2021, le budget propre du ministère des outre-mer, qui assure la coordination de l’action du Gouvernement dans ces territoires, ne représentait que 11,6 % de ces crédits, ceux-ci étant essentiellement consacrés au soutien aux entreprises ([24]). Avant l’entrée en vigueur définitive de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances en 2006, ce pourcentage s’élevait à 16,8 % dans le projet de loi de finances pour 2007 ([25]).

répartition des crédits consacrés aux outre-mer
dans les programmes du budget de l’État

Source : Document de politique transversale « Outre-mer » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

c.   Insuffler une vision de long-terme pour l’après-crise

Si le lien qui unit la République à ses outre-mer est indéfectible, la nécessité de projeter cette relation dans une perspective de long-terme a été mise en avant au cours des entretiens menés par la mission, notamment dans la perspective de dessiner les contours de l’après-crise.

Cette demande n’est pas nouvelle et fait l’objet d’une prise en compte régulière, qu’il s’agisse de l’organisation des États généraux de l’outre-mer en 2009, de l’adoption d’une loi de programmation en 2017 ([26]) ou du lancement, au début de ce quinquennat, des Assises des outre-mer. Ces dernières ont conduit à la publication du livre-bleu des outre-mer, en juillet 2018, qui a notamment débouché sur la signature des contrats de convergence et de transformation (CCT). Ceux-ci ont succédé, en outre-mer, aux contrats de plan État-région (CPER) et permettent de décliner la « Trajectoire outre-mer 5.0 » : zéro exclusion, zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, zéro vulnérabilité au changement climatique.

Le nouveau contexte posé par la crise sanitaire qui a perduré dans la quasi-totalité des territoires, en témoigne la prorogation de l’état d’urgence sanitaire autorisée dans huit ([27]) des onze territoires d’outre-mer par la loi du 11 septembre 2021 ([28]), et ses conséquences potentiellement durables, plaide néanmoins pour que les outre-mer puissent le plus rapidement possible se projeter, aux côtés de l’État, vers un nouvel horizon.

*

Pour consolider l’ambition de conforter la place de nos outre-mer, votre présidente rappelle combien il est essentiel que nos concitoyens d’outre-mer et leurs problématiques soient considérés par l’ensemble des élus de la Nation.

La commission des Lois n’aura de cesse d’œuvrer en faveur de cette marque d’intérêt et de respect.


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   prÉsentation de la martinique

La Martinique est une île d’origine volcanique d’une superficie de 1 128 km². Son point culminant, la Montagne Pelée (1 397 mètres), est un volcan toujours actif. L’île se situe dans la mer des Caraïbes, au sein de l’archipel des petites Antilles, à plus de 6 000 km de distance de la métropole. Elle est proche des îles de la Dominique, de la Guadeloupe et de Sainte-Lucie.

Sur le plan administratif, l’île est constituée de 34 communes et de quatre arrondissements. La Préfecture est établie à Fort-de-France. Les trois sous-préfectures sont au Marin, à La Trinité et à Saint-Pierre.

Au 1er janvier 2021, l’île compte 354 824 habitants. Ce nombre décroit en moyenne de 3 300 habitants par an et cette dynamique s’accélère : l’île aurait perdu 5 000 habitants en 2020. Cette situation, qui se manifeste surtout par un déficit de la population entre 20 et 40 ans (- 1 200 entre 2020 et 2021), s’explique par une diminution du solde naturel et un solde migratoire déficitaire avec un phénomène croissant d’installation durable des jeunes martiniquais en métropole. La population de la Martinique vieillit (25% de la population a plus de 60 ans).

Le 24 janvier 2010, les Martiniquais ont décidé de se doter d’une collectivité unique, la collectivité territoriale de Martinique (CTM), fusion du conseil régional et du conseil départemental à compter du 1er janvier 2015.

L’Assemblée de Martinique constitue l’organe délibérant de la collectivité. Elle comprend 51 membres dont son président, Lucien Saliber, et quatre vice-présidents. Cette assemblée règle par ses délibérations les affaires de la collectivité et contrôle l’action du conseil exécutif. Le conseil exécutif comprend un président, M. Serge Letchimy, élu par l’Assemblée, et huit conseillers exécutifs. Il a autorité sur les 4 000 agents de la collectivité.

En 2019, le PIB de la Martinique atteint 9,1 milliards d’euros. Le PIB par habitant s’établit à 25 145 euros, contre 36 193 en métropole. Le secteur touristique représente 424,8 millions d’euros, en 2018 et 4,2 % des salariés du territoire. L’emploi public représente environ 50 % de l’emploi total en Martinique. En 2019, le taux de chômage était de 15 % de la population active.


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   prÉsentation de la GuadeloupE

L’archipel des îles Guadeloupe, qui se situe dans l’arc des Petites Antilles et occupe 1 628 km² de superficie, est constitué de la Guadeloupe continentale (Grande-Terre et Basse-Terre), des trois dépendances du Sud (Terre-de-Haut et Terre de Bas, formant l’Archipel des Saintes, Marie-Galante et la Désirade) et d’« îlets » (dont Petite-Terre). Le département se situe dans l’arc des Petites Antilles, au nord de la Dominique, et occupe 1 628 km² de superficie.

Le territoire est composé deux arrondissements, Basse-Terre, la préfecture, et Pointe-à-Pitre. Il regroupe 32 communes, dont les Abymes, la plus peuplée (plus de 50 000 habitants).

En 2021, la population de la Guadeloupe compte 375 857 habitants, principalement concentrés dans l’agglomération de Point-à-Pitre. La population des îles du Sud s’élève à 10 760 habitants à Marie-Galante, 2 578 habitants pour les Saintes et 1 448 habitants pour la Désirade

Le même phénomène qu’en Martinique s’observe en Guadeloupe : depuis 2011, la population guadeloupéenne diminue de 0,5 % par an en moyenne. Ce recul démographique s’explique par la diminution progressive du solde naturel et l’augmentation du déficit migratoire

Le 7 décembre 2003, les électeurs de Guadeloupe ont rejeté, à 73 %, le projet de création d’une collectivité unique. Le conseil régional de Guadeloupe est présidé par M. Ary Chalus et le conseil départemental par M. Guy Losbar.

En 2019, le PIB de la Martinique atteint 9,5 milliards d’euros. Le PIB par habitant s’établit à 25 092 euros, contre 36 193 en métropole. Le secteur tertiaire représente 80 % des emplois, l’industrie 8 %, la construction 8,0 % et l’agriculture 3 %. L’île compte 9,8 fonctionnaires pour 100 habitants et le tourisme représente 6 % du PIB. Fin 2020, le taux de chômage atteignait 19,6 % de la population active.


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   carte de la martinique
 

 

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Source : Préfecture de la Martinique.

 

 

 

 


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   Carte de la guadeloupe

 

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Source : Préfecture de Guadeloupe.

 


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   restitution des travaux de la mission

Lors de la première réunion de la commission des Lois du mercredi 13 octobre 2021, la mission rend compte de son déplacement en Martinique et en Guadeloupe (Mme Yaël Braun-Pivet, présidente, MM. Philippe Gosselin et Stéphane Mazars, vice-présidents).

Lien vidéo : http://assnat.fr/IidVUC

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous souhaitons vous faire part des conclusions de la mission que nous avons conduite en Martinique et en Guadeloupe. Nous nous attachons à faire vivre la question de l’outre-mer au sein de la commission des Lois, notamment par différents déplacements. Nous nous sommes rendus, avec les vice-présidents Philippe Gosselin et Stéphane Mazars à Mayotte en 2018 puis en Guyane. Il nous a paru important de nous rendre aux Antilles en 2021 en raison de la crise sanitaire qui les touche alors que la commission des Lois est compétente, depuis près de deux ans, en matière d’état d’urgence sanitaire.

Nous avons passé trois jours en Martinique et trois jours en Guadeloupe. Malgré des problématiques communes, nous y avons constaté des différences qui soulignent la singularité de chaque territoire ultramarin. Nous avons rencontré environ quatre-vingt interlocuteurs au cours d’entretiens bilatéraux, de réunions, de tables-rondes et de visites.

Le rapport de notre mission sera publié sur le site de la commission des Lois avec ses annexes.

Les outre-mer, qui avaient vécu le début de la crise sanitaire en même temps que la métropole, mais de manière beaucoup plus atténuée, ont subi une quatrième vague très puissante durant l’été. La Polynésie française, la Guyane, les Antilles et la Nouvelle-Calédonie ont fait face à une résurgence de l’épidémie avec des hospitalisations et des décès nombreux.

Nous avons discuté un projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans ces territoires au début du mois de septembre et qui a prorogé ce régime jusqu’au 15 novembre alors qu’il avait pris fin dans l’hexagone depuis plusieurs mois. Les mesures de sortie de l’état d’urgence sanitaire que connaît la métropole devraient prochainement se transformer en mesures de vigilance sanitaire.

La courbe du taux d’incidence en Guadeloupe et en Martinique a été plus exponentielle que jamais durant l’été. Le 12 août, le taux d’incidence s’élevait à 2326 cas pour 100 000 habitants en Guadeloupe et à 1202 cas pour 100 000 habitants en Martinique. Cette quatrième vague a également occasionné une très forte mortalité. Ces territoires ont subi en l’espace d’un mois ce que l’hexagone a connu durant quatre vagues étalées sur dix-huit mois. En Martinique, où la population compte 375 000 habitants, 516 décès ont été enregistrés depuis le 5 juillet, contre 90 sur les trois premières vagues cumulées. En Guadeloupe, au 26 septembre, le nombre de décès s’élevait à 505 pour une population de 400 000 habitants. Tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés ont insisté sur la tragédie de cette quatrième vague. Comme l’expliquait notre collègue Maïna Sage en septembre au sujet de Polynésie française, ces territoires ont une superficie restreinte et chaque famille a été touchée de près ou de loin par une hospitalisation en réanimation ou un décès. La quatrième vague a très profondément marqué ces territoires.

L’ensemble des acteurs locaux ainsi que ceux venus de l’hexagone se sont mobilisés pour faire face à cette quatrième vague. En Guadeloupe, nous avons rencontré les dirigeants du centre hospitalier universitaire (CHU) qui avaient mis en place des protocoles et réaménagé une cafétéria de l’hôpital qui n’était plus utilisée depuis son incendie pour se préparer à la quatrième vague. Cependant, les moyens locaux n’étaient pas suffisants pour y faire face et l’appel à la solidarité nationale des soignants de l’hexagone s’est avérée indispensable. Du matériel a été envoyé par avion-cargo et 2638 professionnels de santé issus de la solidarité nationale et des réservistes sanitaires ont été mobilisés au mois d’août dans ces deux territoires.

L’intégration de ces personnels s’est bien effectuée, malgré un incident regrettable en Martinique. Chacun reconnaît que leur contribution a été décisive pour faire face à cette épidémie. Leur dévouement aux côtés du personnel soignant local a été remarquable.

Un module militaire de réanimation a contribué à mettre en place 20 lits supplémentaires en Martinique. Les efforts ont permis de porter au plus fort de la crise le nombre de lits de réanimation en Martinique de 26 à 133 et de 27 à 98 en Guadeloupe. Des hospitalisations à domicile ont également été organisées.

En plus du réarmement sanitaire local et de l’augmentation significative du nombre de lits de réanimation, des évacuations sanitaires ont été menées dans le cadre l’opération Hippocampe. 74 patients ont été évacués vers la métropole depuis la Martinique et 63 depuis la Guadeloupe. Les premières évacuations ont été opérées par des vols en Falcon, rendant nécessaire une rigoureuse sélection des patients capables supporter la durée du vol. Par la suite, la mobilisation d’avions plus importants a permis d’évacuer jusqu’à 12 patients à la fois vers la métropole.

Nous avons été fortement marqués par les témoignages des équipes soignantes au CHU de Guadeloupe. Leur dévouement durant la crise a été héroïque et ils auront besoin du soutien de la nation. Les missions parlementaires en outre-mer s’inscrivent dans l’intérêt de reconnaître ce dévouement.

Une difficulté importante persiste s’agissant du taux de vaccination, assez faible, malgré une accélération observée lors de la quatrième vague. Au 28 septembre 2021, le taux de primovaccinés s’élevait à 37,6 % tandis que 33 % de la population présentait un schéma vaccinal complet en Martinique. Lors de notre visite, le cap des 40 % de primovaccinés venait d’être franchi en Guadeloupe. Le préfet nous a confié espérer qu’une barrière psychologique serait franchie lorsque la moitié de la population locale serait vaccinée. Cependant, la progression de la campagne vaccinale est aujourd’hui ralentie.

M. Philippe Gosselin, vice-président. Les outre-mer relèvent de la compétence de la commission des Lois et il est important de les évoquer. La crise sanitaire les a frappés cet été avec une intensité sans précédent, après des premières vagues beaucoup plus faibles.

Si nous rapportions les données à la France métropolitaine, les 516 décès survenus en Martinique et 505 décès en Guadeloupe équivaudraient 50 à 60 000 morts en l’espace de trois ou quatre semaines. À ce premier drame s’est ajouté celui de l’embolie de l’intendance et de la gestion des morts dans les morgues et les cimetières. Il nous paraissait important de nous rendre sur place, d’autant plus que des débats sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre avaient lieu au Parlement au début du mois de septembre.

Nous avons constaté sur place des points communs avec la situation en métropole, mais également des spécificités qui ne relèvent pas uniquement du statut de ces collectivités d’outre-mer. La Polynésie française, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et les Antilles sont porteuses de singularités. L’insularité complexifie la situation, tout comme l’éloignement géographique. Il est également important de reconnaître que les histoires et les cultures de ces territoires sont susceptibles d’entraîner une décrédibilisation de la parole publique. L’historique douloureux du chlordécone pèse encore aujourd’hui sur les mentalités. Des mouvements sociaux et politiques profitent de la crise pour tenter de déstabiliser ces territoires, où l’information, notamment la fausse, circule très rapidement.

En prenant garde d’éviter de porter des jugements péremptoires, ces éléments nous amènent à constater que le taux de vaccination n’est pas le même qu’en métropole. Cette situation est regrettable, et je ne suis pas certain que la fermeté, la répression ou les sanctions constituent la réponse adéquate. Il faut rappeler les règles de la République, et surtout les fondements scientifiques : se vacciner revient à se protéger et à protéger les autres, mais également à éviter les formes les plus graves de la maladie, comme l’ont montré des études françaises et internationales. La vaccination permet de continuer à vivre, et à vivre avec la maladie. Il faut user de conviction, de pédagogie, et peut-être parfois de fermeté. L’État demeure engagé dans ces territoires, ainsi que les soignants et les différents responsables.

Les témoignages du CHU de Guadeloupe nous ont profondément touchés dans leur description de situations parfois inhumaines. Nous souhaitons aujourd’hui nous en faire les porte-paroles par nos réflexions et par nos propositions, en rappelant que les textes et les pratiques doivent davantage tenir compte de la situation de ces territoires.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise les chiffres fournis par le CHU de Guadeloupe sur les décès enregistrés entre le 1er juillet et le 30 août 2021. Sur 296 personnes décédées, 272 n’étaient pas vaccinées. De plus, les Antilles ont été particulièrement frappées car la population de ces territoires est affectée, plus que la moyenne, de comorbidités tels que l’immunodépression, l’obésité, le diabète ou l’hypertension.

M. Stéphane Mazars, vice-président. Nous avons constaté une situation terrible dans ces territoires où se profile certainement, à terme, une cinquième vague en raison du faible taux de vaccination. Nous avons identifié les difficultés qui freinent l’avancée de la campagne vaccinale. Durant notre séjour, le confinement et le couvre-feu étaient imposés et ces mesures permettaient de maîtriser la propagation du virus.

Les témoignages que nous avons entendus nous ont bouleversés. Les responsables du CHU nous ont décrit les efforts menés pour répondre à la crise rencontrée cet été. Malgré le réarmement des lits en médecine et en réanimation, les renforts venus de métropole et les évacuations importantes, les autorités médicales locales ont été contraintes d’opérer des choix, s’en s’appuyant sur un comité éthique local.

Cependant, il existe aujourd’hui encore au sein du CHU une communauté médicale et paramédicale rétive voire contestataire vis-à-vis de la politique vaccinale. Une partie des locaux était bloquée par un mouvement de grève sévère. Certains mouvements syndicaux et politiques contestataires ont profité de la crise sanitaire, des mesures de confinement et de l’obligation vaccinale pour réactiver des mouvements et perturber la bonne organisation des services de l’État. Nous avons repris, dans notre rapport, les témoignages des magistrats du tribunal judiciaire de Fort-de-France et des services de police et de gendarmerie relatant les événements très violents du mois de juillet que la Martinique a connus. Le tribunal judiciaire, le commissariat et la préfecture ont fait l’objet de tentatives d’incendies. Des tirs à balle réelle ont visé les forces de l’ordre. Un vaccinodrome a été incendié. Cet épisode de violence était sans précédent dans la mémoire des personnes auditionnées. Il a pourtant été relativement peu médiatisé en métropole et nous l’avons découvert dans le cadre de nos auditions. Le mouvement rouge-vert-noir fait partie de ceux qui se sont emparés de la contestation du vaccin et du passe sanitaire pour commettre des exactions.

Les magistrats en poste au tribunal judiciaire ainsi que les chefs de cour qui relayaient les propos du chef de juridiction du tribunal de Fort-de-France nous ont chacun confié la difficulté de travailler dans un cadre serein. Ils sentaient peser sur leur propre personne une forte pression.

Le contexte est également tendu en Guadeloupe où la représentation importante de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe au CHU a contribué à des mouvements de grèves importants. Des menaces de mort ont été adressées au directeur du CHU.

Cette situation très compliquée requiert un certain pragmatisme. L’obligation du passe sanitaire pour le personnel soignant devait être imposée le 15 septembre. Le taux de vaccination encore trop faible au sein de la communauté médicale et paramédicale, notamment en Guadeloupe, a entraîné une volonté de repousser le contrôle obligation vaccinale à la sortie de la quatrième vague. En Martinique, la stratégie consiste à procéder à des contrôles aléatoires. En Guadeloupe, elle repose sur un contrôle gradué dans le temps, en partant d’abord du personnel le plus éloigné de la prise en charge des personnes malades. L’hôpital anticipe les conséquences d’un taux de vaccination qui demeurerait faible dans les établissements de santé. Certains secteurs pourraient être fermés, et des actes de soin seraient reportés. Il serait même possible d’inviter les Guadeloupéens à se faire soigner en métropole pour certaines spécialités.

Je souhaite saluer et rendre hommage aux fonctionnaires de l’État et des services publics sur ces territoires. Ils font preuve d’un courage parfois physique, d’un grand engagement, d’un dévouement profond et d’un sens des responsabilités que nous avons constatés dans les préfectures, auprès des interlocuteurs des agences régionales de santé (ARS) respectives, des juridictions, ou de l’administration pénitentiaire.

Les élus locaux sont aujourd’hui pleinement engagés dans la volonté d’accélérer la vaccination en mettant en place des dispositifs très ciblés pour aller vers la population. Au mois de juin, la campagne des élections territoriales a empêché cette forte mobilisation, mais chacun est désormais engagé pour faire avancer la cause de la vaccination.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Avant de donner la parole à nos collègues guadeloupéens, je souhaitais attirer votre attention sur deux thématiques. Nous avons visité les établissements pénitentiaires de Ducos en Martinique et de Baie-Mahault en Guadeloupe. Nous allons rendre compte auprès du garde des Sceaux des conditions de détention très dégradées dans le centre de Baie-Mahault. La surpopulation carcérale y est très importante et se traduit par une forte promiscuité, un certain nombre de matelas au sol dans des cellules de taille réduite, et des situations de violence à l’intérieur de l’établissement que nous a décrites le personnel de surveillance. Le personnel de l’administration montre un attachement remarquable à remplir sa mission. Cependant, les conditions de détention sont les conditions de travail de ce personnel. Les plans de rénovation, d’extension et de construction existent, mais leur exécution est trop lente. Des détenus purgent leur peine dans des conditions parfois indignes. Il me semble qu’il relève de notre mission de parlementaires de constater ces conditions et de les dénoncer unanimement.

La deuxième thématique concerne la gestion de l’eau. La proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d’eau et d’assainissement en Guadeloupe, devenue loi du 29 avril 2021, a été examinée et votée en commission des Lois sous l’impulsion de Mme Justine Benin. Lorsque nous votons des textes de loi, il importe de vérifier que leur application s’effectue dans de bonnes conditions et conformément à la volonté du législateur. Plusieurs de nos réunions en Guadeloupe ont eu pour seule thématique la gestion de l’eau. La mise en œuvre de cette loi ne produira malheureusement pas des résultats visibles pour les Guadeloupéens dans les semaines qui viennent, mais le processus est enclenché. Chacun s’accorde pour reconnaître que cette étape était déterminante pour s’engager dans la résolution de la problématique de l’eau sur le territoire guadeloupéen. Nous avons rencontré les membres du syndicat mixte unique qui se met en place. Ils ont désormais besoin de temps et de moyens financiers et humains pour accomplir leur difficile mission.

M. Jean-Michel Mis. En tant que commissaire aux Lois, je vous remercie pour la restitution de votre mission : si notre commission vote des textes de portée générale, au-delà du texte, il est important que vous incarniez l’esprit de solidarité. Nous avons tous constaté une grande émotion et une réelle solennité dans votre propos. Nous apportons notre solidarité et notre gratitude pour l’ensemble des actions conduites. Depuis le 10 août, cette solidarité se manifeste par l’engagement des 240 professionnels de santé et des 80 pompiers venus assister le personnel soignant en Martinique et Guadeloupe. Dans les situations d’adversité, il est important que nous montrions à nos concitoyens d’outre-mer notre souci d’apporter concrètement notre solidarité d’une manière moins désincarnée que par le vote de textes en commission. Je vous remercie encore une fois pour votre compte-rendu des échanges menés et des témoignages reçus.

Mme Justine Benin. Madame la présidente, vous comprendrez mon émotion après vous avoir entendue. Ces six jours de travail intense et la rencontre de ces 83 personnes vous ont permis d’identifier toute la complexité de la crise sanitaire en Guadeloupe et en Martinique.

Nous avons ressenti une certaine solitude vis-à-vis du Parlement, à un moment particulier. Votre déplacement montre la solidarité que porte la commission des Lois à ces territoires reculés de la République française. Les auditions que vous avez conduites vous ont montré la complexité de cette crise qui nous a touchés de plein fouet. Vous avez évoqué plus de 500 décès, sachant que les décès à domicile ne sont pas comptabilisés.

La faible couverture vaccinale de notre population s’explique par sa défiance vis-à-vis de la parole publique et de son manque de confiance envers les élus locaux. Malgré le travail accompli par la commission d’enquête parlementaire avec le député Serge Letchimy, désormais président de la collectivité territoriale de Martinique, le chlordécone a contribué à ce sentiment de défiance. Vous avez très bien saisi l’ensemble des problématiques et la souffrance des populations en Guadeloupe et en Martinique, ainsi que le mal-être de la parlementaire que je suis et qui dois aujourd’hui défendre son territoire. La population veut retrouver la vie d’avant, et c’est contre la Covid qu’elle doit se battre. Nous entendons les explications de M. Mazars sur les grèves dures contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire. Je ne suis pas scientifique, mais j’écoute l’avis des scientifiques sur la question. L’élue du territoire que je suis me place dans une situation ambivalente.

Je vous remercie de vous être déplacés. Votre compréhension du territoire sera importante pour la discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. J’aimerais que vous entendiez l’inquiétude de la population quant à la prochaine saison touristique, pour laquelle les populations souhaitent des tests PCR effectués même pour les personnes vaccinées. De plus, la non-gratuité des tests PCR est un problème pour le territoire. Face à la faible couverture vaccinale, beaucoup de tests sont réalisés par les populations qui ne veulent pas être vaccinées. Dans le futur projet de loi, il faudra débattre de la gratuité des tests PCR jusqu’à ce que le niveau de vaccination soit correct.

M. Max Mathiasin. Je me joins à Mme Benin pour vous remercier de cette mission. Vous êtes allés à l’écoute de ces territoires avec la plus grande ouverture d’esprit possible. Lors de notre rencontre au Gosier, nous avons pu lever un certain nombre de tabous et vous expliquer à cœur ouvert que les réticences à la vaccination s’expliquent par les particularités de l’histoire de ce territoire.

Nous déplorons que lorsque des textes de loi concernent les outre-mer, l’hémicycle soit souvent vide et que seuls les députés ultramarins soient présents. Nous allons bientôt examiner la mission outre-mer du budget de l’État. Nous craignons que seuls les 27 députés ultramarins se retrouvent dans l’hémicycle. Nous ne comprenons pas toujours notre chance d’appartenir à ce grand ensemble qui fait la richesse de la nation. Lorsque nous proposons des amendements ou demandons des mesures spécifiques, ce n’est pas pour nous singulariser ou pour obtenir davantage. Notre histoire a entraîné un certain retard dans plusieurs domaines. Notre économie est marquée par un taux de chômage qui s’élève à 25 % depuis longtemps.

Je suis très satisfait du travail de cette mission. Nous avons atteint, depuis votre départ, le seuil de 600 morts en milieu hospitalier, et les décès à domicile ne sont pas comptabilisés. La proportion rapportée à la population métropolitaine que vous avez indiquée fait frémir. La crise se calme progressivement, mais nous constatons déjà une forme de relâchement de la vigilance sur le territoire. Nous devons être vigilants de ce point de vue. Les autorités locales, le préfet, l’ARS, le directeur du CHU redoublent d’efforts pour rendre la vaccination plus effective. Mais le taux de 42 % de primovaccinés atteint il y a quinze jours semble en stagnation. La pression doit être maintenue car la circulation des fake news sur différents réseaux sociaux prend le pas.

L’un des problèmes est la faible vaccination du personnel soignant, qui rendra difficile le bon fonctionnement des hôpitaux et des autres centres de soin exigeant le passe sanitaire. Des solutions doivent rapidement être identifiées afin d’éviter des blocages importants. Certains blocages ont déjà commencé et se poursuivent en risquant de s’intensifier. C’est une préoccupation importante. Nous sommes mobilisés dans notre travail, mais il faudra sans doute réfléchir aux adaptations nécessaires pour poursuivre la vaccination.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je constate qu’il n’y a pas d’opposition à la publication du rapport. Je vous en remercie.

La commission autorise la publication du rapport d’information.


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   Personnes rencontrées en martinique
(25 – 28 septembre 2021)

   M. Stanislas Cazelles, préfet

   M. Antoine Poussier, secrétaire général

   M. Georges Salaün, directeur de cabinet

   Mme Monique Lowinsky, directrice de la réglementation, de la citoyenneté et de l’immigration

   Général William Vaquette, commandant de la gendarmerie

   Commissaire central Guillaume Mauger, directeur départemental de la sécurité publique

   Commissaire général Bernard Scapin, directeur zonal de la police aux frontières             

   Lieutenant-colonel Stéphane Nisslé, chef d’état-major interministériel de la zone de défense et de sécurité Antilles

   Colonelle Catherine Ransay, directrice territoriale du service territorial d’incendie et de secours

   Colonel Christian Lepage, directeur territorial adjoint du service territorial d’incendie et de secours

   Mme Anne Foll, cheffe du service interministériel de Défense et de protection civile

   Mme Line-Rose Arrouvel, présidente de l’association départementale de protection civile

   Mme Josette Manin

   Mme Manuéla Kéclard-Mondesir

   M. Serge Letchimy, président

   Mme Séverine Termon, conseillère

 

 

   M. Hugues Toussay, maire du Diamant

   M. Christian Rapha, maire de Saint-Pierre

   M. Christophe Straudo, premier président

   M. Éric Bedos, procureur général  

   M. Adrien Vanel, chef de cabinet auprès des chefs de cours

   Mme Vanessa Lepeu, secrétaire générale de la première présidence

   Mme Moune Mercan, secrétaire générale du parquet général

   Mme Alice Thimon-Nicolas, directrice déléguée à l’administration régionale judiciaire

   Mme Bernadette Silvain, directrice du greffe

   Mme Anne Klein, première vice-présidente

   Mme Bérengère Gautheron, vice-présidente chargée de l’application des peines

   Mme Clarisse Taron, procureure de la République

   Mme Christine Laï, avocate générale

   M. Olivier Royer, procureur-adjoint

   M. Sophie Deknuydt, directrice du greffe

   M. Marc Wallerich, président

   M. Joseph Coly, directeur

   M. Philippe Sénart, bâtonnier  

   M. Olivier Coudin, directeur général adjoint

   M. Jacques Rosine, directeur de la santé publique  
 

 

   M. Philippe Jock, président de la chambre de commerce et d’industrie

   M. Henri Salomon, président de la chambre des métiers et de l’artisanat

   Mme Danielle Marcelline, présidente

   M. Marcus Chevio

   M. Claude Lise

   Mme Céline Rose


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   Personnes rencontrées en Guadeloupe
(29 septembre – 1er octobre 2021)

   M. Alexandre Rochatte, préfet

   M. Sébastien Cauwel, secrétaire général

   M. Tristan Riquelme, directeur de cabinet

   M. Bruno André, sous-préfet

   M. Emmanuel Sadoux, secrétaire général

   Colonel Vincent Lamballe, commandant de la gendarmerie

   Commissaire Nicolas Giraud-Héraud, chef du service de la voie publique de la direction départementale de la sécurité publique

   Commandant divisionnaire fonctionnel Colbert Zebre, chef du service départemental du renseignement territorial

   Commissaire Élodie Robin, directrice départementale de la police aux frontières

   Commandant Thérèse Charpentier, directrice du centre de rétention administrative

   Mme Justine Bénin

   M. Max Mathiasin

   M. Olivier Serva

   M. Jean-Philippe Courtois, président du conseil départemental

   Mme Sylvie Gustave dit Duflo, vice-présidente du conseil régional

   Mme Chantal Lerus, vice-présidente du conseil régional

   M. Jocelyn Sapotille, président de l’association départementale des maires, maire de Lamentin

   Mme Valérie Denux, directrice générale

   Mme Florelle Bradamantis, directrice générale adjointe

   M. Gérard Cottelon, directeur général

   M. Cédric Zolezzi, directeur général adjoint

   Professeur Pascal Blanchet, président de la commission médicale de l’établissement

   Docteur Marc Valette, chef du service réanimation

   M. Philippe Cavalerie, premier président de la Cour d’appel

   Mme Danielle Drouy-Ayral, procureure générale

   Mme Françoise Gaudin, présidente du Tribunal judiciaire de Basse-Terre

   M. Xavier Sicot, procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Basse-Terre

   Mme Hélène Judes, présidente du Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre

   M. Patrick Desjardins, procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre

   M. Jean-Pierre Charpentier-Tity, directeur

   M. Darius Dele, directeur-adjoint

   M. Jean-Mallory Rousseau, directeur du projet Eau

   M. Jacques Davila, secrétaire général du comité de l’eau

   Mme Myriam Brosius, première vice-présidente

   Mme Chantal Colard, secrétaire générale faisant fonction de directrice générale

   Mme Leslie Verepla, directrice technique

   M. Greg Cyprien, directeur clientèle et communication

   M. Jean-Paul Belin, directeur territorial centre

   M. Bruno Colard, directeur territorial Basse-Terre

   M. Harry Placide, directeur territorial Grande-Terre

   M. Patrick Vial-Collet, président


([1]) « Les états d’urgence, la démocratie sous contraintes », Étude annuelle 2021, p. 109.

([2]) Fin août, la Polynésie française a fait face à une situation sanitaire catastrophique avec un TI supérieur à 3 000 qui a même avoisiné les 4 000 dans les Îles-sous-le-Vent.

([3]) Un sondage réalisé fin juillet par l’Agence régionale de santé de Martinique sur deux vols depuis Paris a montré que 80 % des personnes arrivant sur le territoire depuis l’hexagone avaient reçu au moins une dose de vaccin (dont 60 % de schéma vaccinal complet).

([4]) Le jeudi 9 septembre 2021, des soignants ont été pris à partie par des personnes rassemblées devant l’aéroport de Fort-de-France. Cet évènement ne saurait cependant occulter l’accueil extrêmement positif réservé par la population martiniquaise à ces renforts.

([5]) Le CHUM a fait face à une difficulté de gestion des plannings qui a parfois conduit à un sous-emploi de certains renforts et à leur légitime frustration. Une mission d’aide à la structuration des plannings diligentée par l’ARS a permis de résoudre le problème.

([6]) Décrets n° 2021-931 du 13 juillet 2021 et n° 2021-990 du 28 juillet 2021 déclarant l’état d’urgence sanitaire dans certains territoires de la République

([7]) Le taux d’AVIP y est de 10 pour 1 000 habitants.

([8]) Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

([9]) Dr Claude Lise, médecin, ancienne figure politique locale et nationale, M. André Lucrèce, sociologue et écrivain, Mme Céline Rose commerçante et présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Martinique, M. Marcus Chevio, syndicaliste et Hailey et Ludo, influenceurs.

([10]) Cette expression créole est amicalement empruntée au dispositif mis en place par la Collectivité territoriale de Martinique et son président, M. Serge Letchimy (voir page 22).

([11]) Anton Tchekhov, Platonov.

([12]) Le recueil des actes administratifs élaboré par la préfecture et remis à la mission est accessible sur la page internet de la commission des Lois consacrée au contrôle parlementaire de l’état d’urgence sanitaire.

([13]) Le sous-préfet de Pointe-à-Pitre, M. Bruno André, a néanmoins été en mesure d’affréter un vol privé en février 2021 pour procéder à l’expulsion de neuf Haïtiens en situation irrégulière.

([14]) Dans ce CRA, d’une capacité de 40 personnes (22 hommes et 18 femmes), travaillent 21 fonctionnaires et interviennent un agent de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, deux représentants de la Cimade, une infirmière une demi-journée tous les jours de la semaine et un psychologue une demi-journée par semaine.

([15]) Les pays d’origines sont les suivants : Haïti 65 %, Dominique 17 %, République Dominicaine 9 %.

([16]) À titre d’exemple, le tribunal administratif de la Martinique a connu une hausse de 380 % des référés en 2020 et la Cour d’assises de Fort-de-France a tenu 12 sessions pour 47 jours d’audiences supplémentaires depuis le début de l’année 2021.

([17]) CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B. et autres c/France.

([18]) https://www.cglpl.fr/2018/rapport-de-la-deuxieme-visite-du-centre-penitentiaire-de-baie-mahault-guadeloupe/

([19]) Voir par exemple l’ensemble des dispositifs mis en place par le conseil régional de Guadeloupe : https://www.regionguadeloupe.fr/fileadmin/Site_Region_Guadeloupe/Mediatheque/Brochures_et_publications/COVID19_LaRegionavoscotes.pdf

([20]) Loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

([21]) « Tiens bon, on est là ».

([22]) Le taux de chômage s’élève autour de 20 % en Guadeloupe et de 15 % en Martinique. Les deux îles font face depuis quelques années à une diminution de leur solde migratoire et à un exode des jeunes adultes : la Martinique a perdu 5 000 habitants en 2020.

([23]) Titre VIII, articles 75 à 83 quater.

([24]) Cette action représente 85 % des crédits du programme « Emploi Outre-mer » de la mission « Outre-mer », également composée du programme « Conditions de vie outre-mer ».

([25]) Source : ministère des outre-mer.

([26]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([27]) Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Nouvelle-Calédonie.

([28]) Loi n° 2021-1172 du 11 septembre 2021 autorisant la prorogation de l’état d'urgence sanitaire dans les outre-mer.