N° 4599

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la stratégie européenne
en matière de mobilité durable et intelligente

TOME I

ET PRÉSENTÉ

par Mme Marietta KARAMANLI et M. Damien PICHEREAU

Députés

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Patrice ANATO, Philippe BENASSAYA, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, M. Julien DIVE, Mmes Coralie DUBOST, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Jean-Marie FIEVET, Alexandre FRESCHI, Mmes Maud GATEL, Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Jean-Claude LECLABART, Mmes Constance Le GRIP, Martine LEGUILLE-BALOY, Nicole Le PEIH, MM. David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Dominique POTIER, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : rÉsultant de nombreux engagements Écologiques antérieurs, le pacte vert porte une ambition climatique renouvelÉe pour le secteur transport dans l’union europÉenne

I. consciente des dÉfis climatiques actuels, l’union europÉEnne se fixe rÉguliÈrement des objectifs Écologiques ambitieux auxquels le secteur des transports est activement associÉ

A. faisant partie des secteurs les plus polluants, le transport est concernÉ au premier chef par les objectifs climatiques europÉens

1. Les transports, secteur économique clé mais importants émetteurs de carbone

2. La politique européenne des transports, d’abord instrument d’une meilleure intégration économique, s’est progressivement fixée des objectifs climatiques ambitieux qu’elle n’a pas pour autant atteints

B. Le pacte vert europÉen et la stratÉgie europÉenne de mobilitÉ durable se prÉsentent comme une nouvelle feuille de route ambitieuse pour le secteur des transports

1. La stratégie de mobilité fixe des objectifs ambitieux, déclinés par secteur (), liés par la promotion du report modal et du principe « pollueur-payeur »

2. Le paquet Fit for 55 a présenté les premières mesures concrètes de la stratégie de mobilité

3. Un accueil pour l’essentiel positif, avec néanmoins des craintes sur le réalisme des objectifs fixés

II. la faisabilitÉ et le rÉalisme des objectifs soulÈvent des interrogations rendant nécessaires des garanties sur la mise en œuvre effective de ces mesures

A. La faisabilitÉ de la stratÉgie doit encore Être dÉmontrÉe

B. d’importantes lacunes dans la stratÉgie font douter de son rÉalisme

DEUXIÈME PARTIE : le secteur routier : l’adaptation d’un secteur incontournable de la mobilitÉ a la transition Écologique

I. Pilier du transport de personnes et de marchandises mais contributeur majeur a l’émission de gaz À effet de serre, le secteur routier doit se rÉinventer pour devenir durable

II. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE SUPPOSE UNE REDÉFINITION DES OBJECTIFS ET MOYENS DU SECTEUR entamÉ par le paquet Fit for 55

A. La fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2025

B. Le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs

C. La création d’un marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le pacte vert européen, qui prévoit de faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050, marque une réaffirmation de l’engagement écologique de l’Union européenne.

Décidé en décembre 2019, le Green deal européen doit à présent trouver une traduction concrète pour chaque secteur économique. Les transports, en tant que secteur économique de premier plan et instrument vital de notre quotidien, sont directement concernés. Ils sont responsables de près de 30 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2) totales de l’Union européenne ([1]). Un constant similaire pour la France où 30 % des émissions totales sont liées au secteur transport ([2]), faisant de celui-ci le secteur qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre dans le pays.

Pourtant, alors que d’autres secteurs économiques clés, comme l’industrie et l’énergie, ont réussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, les émissions du secteur transport se sont, au contraire, accrues en France et en Europe malgré tous les efforts de décarbonation des filières du secteur. L’augmentation de la mobilité et des kilomètres parcourus par nos concitoyens a en effet entraîné une hausse des émissions de CO2 du secteur, elles ont par exemple augmenté de 13 % depuis 1990 en France ([3]).

Dans ce contexte, une mobilisation européenne en faveur de la transition écologique ne peut faire abstraction du secteur transport. Celui-ci peut être considéré, bien que totalisant entre un quart et un tiers des émissions, comme une sorte de « trou noir ».

Les institutions européennes l’ont bien compris et ont fait de la transition écologique du secteur un axe de travail prioritaire depuis de nombreuses années : dès 2011, la nécessité d’une action rapide et ambitieuse en matière écologique pour le secteur était clairement identifiée par la Commission européenne. Ainsi, le livre blanc « Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources » expliquait : « C'est maintenant qu'il convient d’agir. Comme il faut des années pour concevoir, construire et équiper des infrastructures (…) les choix que nous faisons aujourd'hui seront déterminants pour les transports de 2050 » ([4]).

Par la suite, les engagements pris lors des Accords de Paris en 2015 ont renforcé l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre, effort auquel le secteur transport est associé. Cependant, ces objectifs récurrents et toujours plus ambitieux n’ont pas trouvé de traduction concrète à ce stade, soulevant des interrogations sur la crédibilité et le réalisme des objectifs européens([5]).

Mettant en application le pacte vert pour les transports, la Stratégie européenne de mobilité, présentée en décembre 2020, revient sur les objectifs importants pour le secteur et annonce la publication de quatre-vingt-deux nouvelles mesures censées mettre en œuvre le pacte vert européen. Elle a été, à son tour, complétée par le paquet législatif intitulé Fit for 55, publié en juillet 2021. Ce dernier comprend une série de directives et de règlements, dont une partie vise les transports, par exemple la fin de la mise en circulation des véhicules à moteur thermique.

Partant des éléments connus à ce stade, ce rapport expose les nouveaux objectifs fixés tout en questionnant leur pertinence et leur faisabilité au vu des moyens engagés. Ce rapport présente d’abord la stratégie européenne de mobilité durable et intelligente en soulignant les questionnements communs aux différents secteurs (I). Afin de valoriser les enjeux et propositions spécifiques pour chaque mode de transport, les parties suivantes seront subdivisées par secteur : le routier (II), l’aérien (III) et le rail (IV).

 


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   PREMIÈRE PARTIE : rÉsultant de nombreux engagements Écologiques antérieurs, le pacte vert porte une ambition climatique renouvelÉe pour le secteur transport dans l’union europÉenne

Si chaque mode de transport possède ses spécificités, des enjeux communs en matière de transition écologique les unissent. Dans un premier temps, les rapporteurs constatent que les objectifs antérieurs au pacte vert européen, bien qu’ambitieux, n’ont pas pour autant été atteints (I). Par la suite, le rapport évalue la faisabilité et l’efficacité des mesures proposées par la stratégie européenne de mobilité qui semblent à ce stade, incertaines (II).

I.   consciente des dÉfis climatiques actuels, l’union europÉEnne se fixe rÉguliÈrement des objectifs Écologiques ambitieux auxquels le secteur des transports est activement associÉ

Au niveau international, l’Union européenne s’est historiquement distinguée par son volontarisme écologique. Alors qu’elle produit 9 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial ([6]), l’Europe s’engage activement en faveur de la transition écologique, contrairement aux autres puissances comme la Chine (responsable de 29 % des émissions ([7])) et les États‑Unis (responsables de 14 % des émissions ([8])) traditionnellement réticents.

Le secteur des transports est pleinement associé aux efforts entrepris par l’Union européenne pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre depuis de nombreuses années (A). Le pacte vert européen et la stratégie européenne de mobilité durable réaffirment l’importante contribution demandée au secteur en faveur de la transition écologique (B).

A.   faisant partie des secteurs les plus polluants, le transport est concernÉ au premier chef par les objectifs climatiques europÉens

1.   Les transports, secteur économique clé mais importants émetteurs de carbone

Les transports sont des acteurs clés tant pour notre économie que pour notre mode de vie. En 2019, la dépense totale de transports en France s’élevait à 438,2 milliards d’euros, soit 18,1 % du Produit intérieur brut (PIB), ce qui en fait un des secteurs les plus importants de notre activité économique ([9]). Au niveau européen, les services de transports représentaient environ 663 milliards d’euros de valeur ajoutée brute en 2016 et 5 % du PIB de l’Union ([10]). En outre, les transports ont un impact social important : d’un côté, ils emploient onze millions de personnes en Europe ([11]) et de l’autre, l’existence d’un système de transport bien organisé est un gage de qualité de vie. En d’autres termes, les transports sont un secteur incontournable du fonctionnement de notre société.

Or, ils ont des impacts néfastes. Outre les accidents de la route, les embouteillages et la pollution auditive, leur impact environnemental est loin d’être neutre. Le secteur des transports est un des principaux émetteurs de CO2 en Europe, ses émissions ont augmenté de 18 % depuis 1990 ([12]) en dépit des efforts engagés par les filières pour réduire drastiquement les émissions de leurs productions.

Cette augmentation s’explique par le développement des secteurs routiers et aériens. D’un côté, les Européens parcourent davantage de kilomètres dans de plus grands véhicules, en lien avec le phénomène d’étalement urbain. De l’autre, la part du secteur aérien a augmenté grâce aux avantages accordés par les États pour assurer son développement et sa compétitivité. Des permis d’émission gratuits ont par exemple été octroyés aux industriels européens les plus polluants, pour faire face à leurs concurrents étrangers non soumis aux mêmes règles.

Le tableau ci-dessous, réalisé par la Commission européenne, montre les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur transport par pays depuis 1990. Tous les États membres, y compris les pays scandinaves souvent montrés en exemple, ont vu leurs émissions augmenter depuis trente ans. Ainsi, les émissions du Danemark, dont la progression est plus faible qu’ailleurs, ont tout de même atteint 18,5 millions de tonnes en 2019 alors que le pays émettait déjà 15,6 tonnes en 1990. En France, les émissions du secteur transports sont passées de 139,4 millions de tonnes en 1990 à 156,6 millions de tonnes en 2019.

Il y a donc une tendance généralisée à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre pour l’ensemble des États membres.

Source : Commission européenne, « Eu Transport in figures », Statistical Pocketbook, 2021.

2.   La politique européenne des transports, d’abord instrument d’une meilleure intégration économique, s’est progressivement fixée des objectifs climatiques ambitieux qu’elle n’a pas pour autant atteints

Dans ce contexte, l’Union n’a que progressivement intégré l’idée d’une nécessaire durabilité du système européen des transports.

Dans un premier temps, la mise en place d’une politique commune en matière de transports a semblé nécessaire pour soutenir la libre circulation des personnes et des marchandises au sein du marché commun en pleine construction. L’Acte unique européen traduit cet objectif d’ouverture des marchés des différents modes de transport (aérien, fluvial, routier et maritime) pour favoriser la concurrence au sein de la communauté économique. De même, le réseau transeuropéen des transports (RTE-T) a été imaginé pour améliorer les infrastructures en les rendant plus interopérables de manière à fluidifier les échanges entre les Etats membres.

Ce n’est qu’à partir des années 2000 que la politique européenne en matière de transports inclut de nouveaux objectifs, le livre blanc de 2001 par exemple cherche un équilibre dans le recours aux différents modes de transport. Parallèlement d’autres documents clés s’intéressent au verdissement du secteur, en témoignent les titres évocateurs des communications sur « la logistique du transport de marchandises en Europe, la clé de la mobilité durable » ou encore « écologisation des transports » publiées respectivement en 2006 et en 2008.

Cette lancée se poursuit et se concrétise avec le livre blanc de 2011. Partant du constant qu’en dépit des progrès technologiques et des politiques ambitieuses menées, l’augmentation du trafic de personnes et de marchandises a fait croître les émissions de CO2 de l’Union, le livre blanc inclut pleinement la dimension environnementale et fixe des objectifs explicites. Il précise que « le défi consiste à rompre la dépendance du système de transport à l’égard du pétrole sans sacrifier son efficacité ni compromettre la mobilité » ([13]) . En d’autres termes, « les transports doivent utiliser l’énergie de manière plus limitée et plus propre, mieux exploiter des infrastructures modernes et réduire leur incidence négative sur l’environnement et sur des composantes primordiales du patrimoine naturel telles que l’eau, la terre et les écosystèmes » ([14]).

C’est pourquoi, la Commission européenne propose en 2011, de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 pour le secteur des transports. Plusieurs lignes directrices sont fixées pour atteindre ce résultat, dont par exemple :

-         à l’horizon 2030, l’utilisation des véhicules à moteur à combustion dans les centres urbains doit reculer et disparaître à l’horizon 2050 ;

-         en 2050, le rail doit représenter plus de la moitié des transports de passagers sur les distances moyennes ;

-         pour 2030, 30 % des flux de marchandises transitant par route sur des distances de plus de 300 km doit se reporter sur le rail ou le transport fluvial, avec l’objectif d’atteindre 50 % en 2050.

-         à l’horizon 2050, les carburants durables à faible teneur en carbone doivent représenter 40 % des carburants utilisés dans l’aviation. À la même échéance, est prévue une réduction de 40 % des émissions provenant des combustibles de soute dans le secteur maritime.

À partir de 2015, une ambition renouvelée se fait sentir au niveau mondial avec l’adoption des Accords de Paris sur le changement climatique. L’Union européenne, dans la contribution déterminée au niveau national (CDN) calculée par chaque État membre puis agrégée au niveau européen, s’était engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Un objectif par la suite rehaussé à 55 % par le pacte vert.

En 2016, la Commission européenne publie une nouvelle communication intitulée « Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions ». Cette dernière propose trois leviers d’actions principaux que sont : le renforcement du système des transports pour accroître sa performance, le recours aux énergies de substitution à faible taux d’émissions pour les transports et la promotion des véhicules à émissions faibles ou nulles.

Ces nombreux objectifs, qui reflètent l’activisme écologique de l’Union depuis plus de vingt ans, n’ont pas pour autant été atteints. Si l’Union est bien en mesure de se fixer des objectifs ambitieux, elle se heurte à un défi sur la mise en œuvre. En creux, ceci révèle qu’une volonté politique constante des institutions européennes et des États membres capables de concrétiser des objectifs ambitieux (et donc onéreux) fait défaut dans l’Union.

Conscients que l’urgence climatique implique une action immédiate et coordonnée, que les stratégies passées n’ont pas réussi à mener à bien, les rapporteurs évaluent le pacte vert européen et la stratégie de mobilité avec un regard vigilant sur les moyens donnés à l’implémentation des propositions.

B.   Le pacte vert europÉen et la stratÉgie europÉenne de mobilitÉ durable se prÉsentent comme une nouvelle feuille de route ambitieuse pour le secteur des transports

S’il s’inscrit dans la ligne d’une ambition écologique constate, le pacte vert a pourtant été présenté comme une « révolution écologique » par la Commission européenne. Il a pour mission principale de faire de l’Union le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050.

Cet objectif suppose de mobiliser tous les secteurs économiques et de leur fixer des objectifs élevés. Dans le cas des transports, la stratégie européenne de mobilité durable, présentée le 11 décembre 2020 soit près d’un an après le pacte vert, doit mener à bien cette transition. Pour y arriver, elle fixe de nombreuses échéances par secteur liées par le report modal et le principe pollueur-payeur (1). Ces propositions ont été partiellement précisées par le paquet Fit for 55 (2), suscitant dans l’ensemble des réactions positives des États membres et des acteurs du secteur (3).

1.   La stratégie de mobilité fixe des objectifs ambitieux, déclinés par secteur ([15]), liés par la promotion du report modal et du principe « pollueur-payeur »

Le pacte vert et la stratégie de mobilité imposent des changements ambitieux pour le secteur transport : il propose une trajectoire de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur à l’horizon 2050. Une échéance intermédiaire est prévue en 2030, date à laquelle le secteur doit avoir réduit ses émissions d’au moins 55 %.

La stratégie se distingue par le caractère ambitieux des objectifs fixés et multidimensionnel des propositions qui touchent tous les modes de transport : routier, rail, aviation et maritime. Elle repose sur les trois leviers d’actions classiques de la transition écologique, à savoir l’innovation technologique, l’énergie et la réglementation.

Les principaux objectifs et échéances fixés par la stratégie illustrent bien l’activisme écologique de la Commission européenne. Deux échéances clés sont à retenir : 2030 et 2050.

À l’horizon 2030, sont prévus :

- la mise en circulation d’au moins 30 millions de voitures zéro émission sur les routes européennes ;

- la transformation de 100 villes européennes qui deviendront climatiquement neutres ;

- le doublement du trafic ferroviaire à grande vitesse dans l’Union européenne ;

- le déploiement à grande échelle de la mobilité automatisée ;

- la mise en circulation sur le marché de navires zéro émission.

Cinq ans plus tard, en 2035, la Commission estime que les grands aéronefs zéro émission seront prêts à être commercialisés. Cette étape intermédiaire, est suivie par la plus grande échéance, celle de 2050. À cette date, il est attendu que :

-         la vaste majorité des voitures, fourgonnettes, bus et nouveaux véhicules lourds produisent zéro émission ;

-         le doublement du trafic du fret ferroviaire ;

-         le bon fonctionnement du transport transeuropéen (RTE-T) permettant un transport durable et intelligent avec une connectivité à haut débit.

Deux fils rouges unissent les différentes propositions de la stratégie.

Le premier est le report modal vers le rail, tant pour le transport de personnes et de marchandises, autour duquel s’articule la stratégie. Il supposera des investissements importants puisque de nouvelles infrastructures seront nécessaires et surtout, une réadaptation des autres secteurs, notamment de la route à cette nouvelle organisation du système des transports ([16]).

La stratégie repose également sur le principe du « pollueur-payeur » ou « utilisateur-payeur ». Il implique que les entreprises et les consommateurs ayant recours aux modes de transports les plus polluants assument le coût des externalités négatives générées par ces modes de transports – du moins contribuent activement à leur prise en charge. En effet, « pour réaligner les intérêts privés avec l'intérêt général, il faudrait faire payer un prix du carbone qui soit égal au dommage causé, de sorte que le pollueur soit la victime de sa propre pollution » ([17]).

Dans les faits, les utilisateurs des moyens de transport les plus polluants, en particulier le transport routier, ne paient pas le coût des externalités négatives que produit leur mode de transport, qui est donc assumé par le reste de la société. Dès lors, les pouvoirs publics ont tout intérêt à améliorer la tarification autour des moyens de transport les plus polluants pour que le coût individuel de leur utilisation inclut davantage les externalités néfastes qu’ils engendrent pour la société. En d’autres termes, « pour que l’usager internalise les dommages qu’il cause (les externalités), il est nécessaire de mettre en place une tarification spécifique » ([18]). Pour le consommateur, une telle tarification peut prendre la forme des péages urbains pour le secteur routier ou de la taxation progressive des billets d’avion en fonction de la fréquence des déplacements par exemple.

En outre, une telle tarification aurait un effet désincitatif pesant sur les moyens de transport les plus polluants au bénéfice de moyens de transport plus propres, notamment les transports collectifs. À terme, ce type de mesures permettrait de modifier la demande de transports voire les habitudes de déplacements. Comme l’explique Christian Gollier ([19]), nos comportements peuvent être modifiés par les prix : le prix de l’essence étant deux fois plus cher en Europe qu’aux États-Unis, le consommateur européen a une préférence structurelle pour les voitures légères, peu consommatrices de carburants.

2.   Le paquet Fit for 55 a présenté les premières mesures concrètes de la stratégie de mobilité

Parmi les quatre-vingt-deux mesures annoncées dans la stratégie, un petit nombre d’entre elles, inclus dans le paquet dit Fit for 55, a été présenté le 14 juillet dernier par la Commission européenne. Suivant les lignes fixées par le pacte vert européen et la loi européenne sur le climat, le Fit for 55 comprend treize propositions ambitieuses dont certaines concernant directement ou indirectement le secteur des transports. Ainsi, avec l’objectif de déployer dans les meilleurs délais des modes de transport à faibles émissions, la Commission a introduit :

-         un règlement sur la répartition de l’effort entre États membres qui fixe des objectifs encore plus ambitieux de réduction des émissions pour chaque État membre concernant plusieurs secteurs économiques, dont les transports ;

-         une révision des normes en matière d’émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes prévoyant que toutes les voitures neuves immatriculées à partir de 2035 seront des véhicules à émissions nulles ;

-         un règlement révisé sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs.

 

Il doit permettre aux Etats membres d’augmenter leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules propres ainsi que l’installation de points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers ([20]). Ce règlement comprend deux initiatives spécifiques, ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime. La première devrait contraindre les fournisseurs de carburant à augmenter la part de carburants durables dans l’aviation. La seconde doit imposer un plafond maximal à la teneur en gaz à effet de serre de l’énergie utilisée par les navires faisant escale dans les ports européens.

A ces propositions s’ajoute la création d’un nouveau marché du carbone commun aux secteurs routier et bâtiment, qui devrait être mis en place en 2026. Ce nouveau marché serait synonyme de nouvelles obligations pour les fournisseurs. Ces derniers devront surveiller et déclarer la quantité de carburant qu’ils mettent sur le marché ; parallèlement, ils devront restituer des quotas d’émission chaque année en fonction de l’intensité en carbone des carburants.

3.   Un accueil pour l’essentiel positif, avec néanmoins des craintes sur le réalisme des objectifs fixés

Dans l’ensemble, la stratégie européenne de mobilité durable a reçu un accueil favorable de la part des acteurs du secteur et des États membres ; ce qui ne veut pas dire que la mise en œuvre sera aisée, considérant le poids économique et l’impact social du secteur en Europe.

De manière générale, les organisations professionnelles du rail et du transport maritime ont salué cette stratégie. Cependant, les professionnels du secteur routier se sont montrés plus réticents et craignent la destruction du transport par autocar, selon leurs propres termes. Les acteurs de l’aviation pour leur part, mettant en avant l’impact de la crise sanitaire sur le secteur, se sont montrés plus prudents. Ces inquiétudes s’expliquent par le fait que, considérant leur usage massif, ces modes se révèlent fortement émetteurs de gaz à effet de serre, nécessitant une action plus restrictive à leur encontre, ainsi qu’une transition plus rapide.

De leur côté, les associations environnementales ont salué la stratégie mais estiment qu’elle aurait pu être plus ambitieuse. Greenpeace a par exemple signalé que la stratégie ne prévoyait aucune mesure pour réduire le recours aux transports aériens et aux voitures particulières. Transports et Environnement (T&E) a regretté que la stratégie soit sous-tendue par une dépendance aux carburants de substitution provenant essentiellement des biocarburants et pour une petite partie seulement des carburants basés sur l'hydrogène.

Plusieurs des mesures envisagées sont aussi de nature à augmenter « la facture de carburant et de chauffage » sur des usages contraints, incontournables aujourd'hui pour les plus modestes avec un risque d’incompréhension, de diminution du pouvoir d’achat et de précarité. Cette analyse rejoint le constat fait par des économistes comme Christian Gollier, qui relève « un vrai problème d’acceptabilité politique » et suggère « une compensation intégrale de la hausse des prix, notamment pour les ménages modestes avec la distribution de chèques, qui préservent le pouvoir d’achat ([21]) ».

Dans le même ordre d’idées, les députés européens de bords politiques différents, dont les Verts/ALE et le Parti populaire européen (PPE) ont jugé la stratégie irréaliste, dénonçant un manque de moyens pour la mise en œuvre. Les parlementaires européens craignent un nouvel effet d’annonce qui ne trouverait pas de répercussions concrètes par la suite.

Concernant les États membres, la stratégie en elle-même a suscité peu de réactions. Dans les premières semaines suivant la présentation de la stratégie, seuls l’Allemagne, la Suède, le Danemark et l’Irlande l’ont officiellement évoquée. Parmi eux, seule l’Allemagne a publié une position élaborée tandis que les trois autres se sont simplement prononcés en faveur. Au contraire, la présentation du Fit for 55 a causé des lignes de fractures en particulier sur le nouveau marché du carbone. Si la plupart des États membres, dont la France, ont salué les objectifs, ils invitent à étudier les potentielles répercussions du système avant de négocier une éventuelle mise en œuvre.

Les rapporteurs considèrent que la question de « l’équation » du partage des efforts à faire doit être examinée avec attention, la mobilisation de ressources complémentaires envisagées et les mesures à mettre en œuvre faire l’objet d’un calendrier précis et d’un suivi assurant la cohérence d’ensemble.

Par ailleurs, l’ampleur des propositions retarde l’adoption de positions formelles tant pour les États membres que pour les acteurs du secteur. Les fédérations européennes auditionnées ont rappelé que la consultation de leurs membres en vue d’aboutir à une position commune peut être un processus long. C’est pourquoi, peu de positions consolidées sur la stratégie sont connues à ce stade. Le caractère technique du sujet ajoute une couche de complexité supplémentaire, les acteurs impliqués attendent plus de détails sur les répercussions du Fit for 55 avant d’adopter une position formelle.

II.   la faisabilitÉ et le rÉalisme des objectifs soulÈvent des interrogations rendant nécessaires des garanties sur la mise en œuvre effective de ces mesures

Néanmoins, à la lumière des éléments connus à ce stade, des premières interrogations sur la stratégie apparaissent. Dans l’ensemble, il y a un consensus sur la nécessaire coordination l’action européenne en matière climatique, ce qui inclut le secteur transport. Cependant, parce que nous savons que l’Union a tendance à fixer des objectifs ambitieux qu’elle n’est pas en mesure de concrétiser, vos rapporteurs se sont questionnés sur la faisabilité et l’efficacité des mesures proposées (A). De la même manière, les lacunes relevées dans la stratégie sont de nature à mettre en péril sa réalisation effective (B).

A.   La faisabilitÉ de la stratÉgie doit encore Être dÉmontrÉe

D’emblée, le nombre important de propositions, quatre-vingt-deux initiatives législatives, couplées à des échéances brèves, en 2030 et 2050, ne peut que susciter des interrogations. Considérant la longueur structurelle des processus de décision européens, une présentation et plus encore une mise en œuvre à court terme semble difficile. À ce stade, seul le paquet Fit for 55 a apporté des éclaircissements utiles. Néanmoins, il ne concerne que treize initiatives législatives dont seulement une partie évoque les transports. Ainsi, il est probable que nombre des objectifs proposés ne puissent être tenus. Or, il y va de la crédibilité de la voix européenne sur la scène internationale de tenir les objectifs qu’elle se fixe, surtout lorsqu’elle entend montrer la voie vers une croissance durable.

Plus important encore, il y a un déséquilibre entre les objectifs fixés et les moyens pour les atteindre. La stratégie repose en grande partie sur l’innovation technologique, l’hydrogène et le report modal, sur lesquels règnent des incertitudes. Ce déséquilibre est aggravé par la faiblesse du financement, qui est encore trop peu évoquée.

Si l’innovation technologie constitue effectivement un levier d’action essentiel, elle reste une solution de long terme et éventuellement moyen terme. Ainsi, l’objectif de commercialiser à l’horizon 2035 les premiers aéronefs à zéro émission évoqué dans la stratégie, se heurte à un obstacle majeur, à savoir que la technologie nécessaire à cette production n’est pas encore disponible.

De la même manière, le pacte vert européen et la stratégie de mobilité font le pari de promouvoir l’hydrogène comme une solution durable. Or, si les acteurs du secteur s’accordent pour dire qu’il ne constitue pas une solution de court terme, ils se divisent sur son utilisation à long terme. Plus de 90 % de l’hydrogène consommé pour l’instant provient de gaz naturel ([22]), un hydrogène considéré comme polluant et émetteur de gaz à effet de serre ; il ne comprend pas une technologie permettant la capture du carbone.

Dans l’attente d’une production d’un hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables, qui interviendrait à long terme, d’autres modes de production pourraient susciter l’intérêt des États membres comme l’hydrogène nucléaire par exemple. Cette solution s’affronterait néanmoins au choix de l’Allemagne de ne plus avoir recours à l’énergie nucléaire. La promotion de l’hydrogène, un des points clés de la stratégie fera donc vraisemblablement l’objet de longues négociations entre les États membres.

Parallèlement, le report modal sur le transport ferroviaire des marchandises constitue aussi une des pierres angulaires de la stratégie. Or, bien qu’encouragé fortement par l’Union depuis une vingtaine d’années, le report modal vers le rail n’a pas encore donné de résultats satisfaisants. Il suppose un investissement important en termes d’infrastructures qui n’a pas été effectué ainsi qu’un changement de la demande de transport qui ne s’est pas non plus produit. Par exemple, le développement de l’offre ferroviaire passager suppose que chaque investissement soit évalué non seulement de façon financière mais bien selon une approche socio-économique mettant en évidence les coûts mais aussi les bénéfices en termes d’environnement, de temps et de qualité de vie.

De plus, la quasi-absence de dispositions sur le financement des mesures dans la stratégie renforce les inquiétudes évoquées. À ce stade, les chiffres avancés par la Commission européenne laissent penser qu’un engagement financier important sera demandé aux États membres sans que davantage de précisions aient été apportées. La Commissaire européenne chargée des transports, Adina Valean, a évoqué devant les parlementaires européens ([23]) une estimation de plus de cent milliards d’euros par an entre 2021 et 2030 qui serait nécessaire pour les secteurs transport et énergie. Le transport représenterait environ 45 % des besoins. Si l’on inclut les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les politiques nationales, ce chiffre pourrait représenter plus de 390 milliards d’euros.

Le mécanisme d’interconnexion en Europe

Parmi les fonds mobilisés, le Mécanisme d’interconnexion en Europe, devrait contribuer pleinement à la réalisation de ces objectifs. Lancé en 2014 avec un budget de 33,2 milliards d’euros pour la période 2014 – 2020, il a pour mission de soutenir les projets d’intérêt général dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie et des transports dans l’Union. Sur la période 2016-2020, la France a été le premier bénéficiaire des subventions issues du MIE.

Adopté en juillet dernier, le MIE 2.0, dont 25,81 milliards d’euros seront alloués au secteur transport, doit à présent tenir compte de l’intégration des critères environnementaux dans les projets financés. Plus spécifiquement, 60 % des fonds alloués devront soutenir des projets liés à la transition climatique.

Les auditions nous ont révélé que de nombreuses entreprises des transports, des secteurs routier et ferroviaire en particulier, jugent l’enveloppe dédiée au MIE trop maigre. Ils demandent d’ores et déjà sa revalorisation en soulignant que le développement de nouvelles infrastructures requiert des investissements conséquents et pérennes. Des projets clés comme le déploiement de bornes électriques de recharge sur le territoire européen ou encore le doublement du fret ferroviaire auraient effectivement besoin d’investissements massifs.

À ce stade, les éléments connus de la stratégie invitent donc à s’interroger sur sa faisabilité bien que les négociations autour des propositions déjà sur la table pourraient apporter des réponses sur ces points. Des précisions seraient bienvenues sur les financements disponibles pour la mise en œuvre de la stratégie.

B.   d’importantes lacunes dans la stratÉgie font douter de son rÉalisme

En outre, vos rapporteurs soulignent que des sujets, pourtant fondamentaux pour la mobilité durable, sont absents de la stratégie. Il en va ainsi du transport public (1) de même que le vélo qui est pourtant une industrie en pleine croissance (2). De plus, l’aspect social de la transition écologique des transports semble négligé dans la stratégie alors que l’acceptabilité sociale devrait être une préoccupation majeure des institutions (3).

En effet, les entreprises du transport public s’inquiètent des faibles mentions que comporte la stratégie sur ce point alors même que 74 % de la population européenne vit en ville et que 23 % des émissions de gaz à effet de serre des transports concernent les zones urbaines ([24]). Dès lors, le recours de plus en plus massif aux transports publics semble essentiel pour atteindre plusieurs des objectifs fixés dans la stratégie. À titre d’exemple, la baisse du nombre de voitures individuelles en circulation sur les routes européennes, en particulier sur le dernier kilomètre, devrait passer par une meilleure intégration du système de transports en commun.

Dans le même ordre d’idées, l’objectif d’atteindre 100 villes européennes climatiquement neutres à l’horizon 2050 ne peut faire l’économie de s’intéresser à la mobilité du quotidien. La question des territoires ne peut être appréhendée sans envisager, en amont et en aval, celle des mobilités, celle de la cohérence des offres en transports collectifs ou multi-modaux et sans anticiper, autant que cela est possible, les besoins et usages.

Si le respect du principe de subsidiarité justifie que le transport public ne soit pas un axe premier de la stratégie, il ne peut pas pour autant être ignoré. En ce sens, les acteurs du secteur plaident pour une revalorisation des fonds alloués au développement du transport public dans le cadre du fonds de cohésion et du Fonds européen de développement régional (FEDER). Or, la part de ces deux fonds alloués aux transports publics représente 16,3 milliards d’euros, soit seulement 6 % de ces deux budgets sur la période 2014-2020 ([25]). D’autres instances nationales ont appelé de leurs vœux la création de nouvelles subventions européennes pour soutenir un modèle de métropole européenne.

Pour des raisons similaires, la stratégie européenne tend à ignorer la montée en puissance du vélo dans les modes de transports urbains. Or, cette industrie est en pleine croissance tant les vélos classiques que les vélos électriques. En France et en Europe, les confinements décrétés pour freiner la crise sanitaire en 2020 ont contribué à développer la demande de vélos en ville. Ainsi, s’il ne relève pas des compétences européennes, le rôle croissant du vélo devrait au moins être pris en compte dans les projets de mobilité durable européens.

Les angles morts que constitue le transport public et le vélo révèlent une faille majeure dans la stratégie : elle ne prend pas en compte la demande de transport. En effet, « un biais courant des politiques de transport des dernières décennies est de se concentrer sur l’évolution des infrastructures (52 occurrences dans la stratégie) et des véhicules (54), sans considérer l’évolution des usages » ([26]). Par conséquent, la stratégie se prive d’un levier supplémentaire d’action que serait la promotion de la sobriété dans les choix des usagers. Elle néglige en ce sens « les aspirations des citoyens et usagers en termes de mobilité, sur les nombreuses mobilités subies, leur coût économique et social, ni même sur les possibilités liées à l’évolution des usages pour tendre vers des mobilités plus durables » ([27]). Pourtant, mobiliser ce levier dit de sobriété pourrait permettre de diviser par deux la consommation d’énergie des transports selon Aurélien Bigo.

Ce défaut conduit la stratégie à éluder la place centrale qu’occupe l’utilisateur des transports et donc à perdre de vue le rôle clé des déterminants de la mobilité. Ainsi, Aurélien Bigo relève que les termes « géographie », « aménagement » ou encore « logement » et « covoiturage » sont absents de la stratégie ([28]) . Il y aura, en ce sens, un réel effort à faire pour inclure davantage la dimension mobilité et plus précisément les mobilités du quotidien dans la stratégie.

De la même manière, l’aspect social, c’est-à-dire assurer une transition juste pour les citoyens européens et les travailleurs du secteur est pour l’essentiel absent de la stratégie. Seules quatre des quatre-vingt-deux propositions ont une visée sociale selon les syndicats européens. Pourtant, la question de l’acceptabilité sociale des mesures écologiques est centrale en Europe. L’exemple français des gilets jaunes en 2018 a démontré que la transition écologique ne peut se faire sans pédagogie et sans des mesures de compensation sociale qui permettent un juste partage du coût de la transition écologique. Un premier revirement semble intervenir depuis la proposition d’un fonds pour le climat introduit dans le paquet Fit for 55 pour compenser l’augmentation du prix des carburants liés aux marchés du carbone, le premier qui sera révisé et le deuxième sur le secteur routier et les bâtiments qui sera introduit en 2026 ([29]).

Parallèlement, comme l’ont relevé les organisations syndicales européennes, le cas des travailleurs du secteur transport est globalement absent de la stratégie. Or, amener le secteur vers une réduction des émissions implique nécessairement un bouleversement de l’organisation sociale du secteur. Des reconversions professionnelles, des formations nouvelles, des compensations doivent être pensées pour les travailleurs du secteur, en particulier du routier à qui l’on demande de repenser son modèle économique. Cette transition est d’autant plus délicate que le secteur emploie 11 millions de travailleurs en Europe, pour l’essentiel précaires, souvent transfrontaliers ou en détachement, soulevant de vrais enjeux de sécurité de l’emploi. Des premières réponses pour le cas des travailleurs du secteur routier ont été apportées en France par le volet social du paquet mobilité, récemment transposé par le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE).

Vos rapporteurs estiment que l’accumulation de ces lacunes multidimensionnelles est de nature à remettre en cause l’efficacité des mesures proposées. La phase de négociations des différentes propositions devrait permettre de mieux prendre en compte ces sujets fondamentaux pour la concrétisation de la stratégie.

 


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   DEUXIÈME PARTIE :
le secteur routier : l’adaptation d’un secteur incontournable de la mobilitÉ a la transition Écologique

Conscients que chaque mode de transport a ses spécificités et fait face à des défis propres, les rapporteurs consacrent des développements dédiés à chacun d’entre eux, sans omettre la dimension globale d’une stratégie de mobilité et tout en reconnaissant l’impérieuse nécessité de ne pas travailler en silos.

Dans cette partie, vos rapporteurs étudient les propositions de la Commission connues à ce jour sur l’adaptation du secteur routier à la transition écologique ainsi que leurs implications pour les acteurs du secteur.

I.   Pilier du transport de personnes et de marchandises mais contributeur majeur a l’émission de gaz À effet de serre, le secteur routier doit se rÉinventer pour devenir durable

Pour comprendre l’ampleur des changements demandés au transport routier, il faut avoir à l’esprit ce qu’il représente à la fois en termes d’utilisation et d’émission de gaz à effet de serre.  

En Europe, comme ailleurs dans le monde, la dépendance à l’égard de la route est bien marquée : elle représente le moyen de transport le plus utilisé par les citoyens, par exemple plus de 80 % du transport de passagers de l’Union se fait par la route. Dans le même temps, 75 % des marchandises transitent par la route dans l’Union européenne. Comme l’avait souligné Élisabeth Borne, alors Ministre des Transports, « la voiture reste la colonne vertébrale des déplacements de bon nombre de nos concitoyens » ([30]).

Le transport routier est le mode de transport le plus polluant, il génère 72 % des émissions de gaz à effet de serre que produisent les transports en Europe. Il est encore trop dépendant des énergies fossiles puisque 95 % du parc des véhicules routiers en circulation a recours aux carburants traditionnels dans l’Union.

Le graphique ci-dessous rappelle la part des émissions par mode de transport dans l’Union européenne en 2006 et précise pour le secteur routier dans quelle mesure les différents types de véhicules contribuent aux émissions.

Pourtant, comme le signale la Direction générale du Trésor, les usagers de la route ne couvrent pas le coût des externalités qu’ils produisent, à travers la fiscalité sur les carburants et les péages. Si cette disparité concerne la plupart des véhicules et des milieux, elle s’accentue pour les voitures personnelles qui circulent en milieu urbain, où les embouteillages génèrent une pollution encore plus importante ([31]). Les véhicules roulant au diesel sont également problématiques car ils émettent davantage de polluants (particules fines, NOx…) et bénéficient d’une fiscalité moins lourde que les autres carburants.

Parmi les différents types de véhicules, les cas critiques des voitures personnelles et des véhicules utilitaires légers (VUL) devraient être pris en compte pour atteindre les objectifs du pacte vert. En effet, les voitures personnelles, à elles seules, représentent 60,7 des émissions totales de CO2 dues au transport routier dans l’Union, soit près de 12 % des émissions totales en Europe.


De son côté, le parc des véhicules utilitaires légers (VUL) pourtant vieillissant fait face à une augmentation de l’activité avec l’essor du ecommerce, phénomène aggravé par la crise sanitaire que nous traversons. Or, ce mode de transport peut être plus polluant que les poids lourds puisque « une tonne transportée par VUL émet plus de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques que son transport par poids lourd » ([32]). Selon les calculs du rapport sur les véhicules utilitaires légers, même à supposer que les véhicules soient chargés à leur pleine capacité, une tonne transportée par VUL émettrait 206g de CO2 là où le poids n’en émettrait que 36g par kilomètre parcouru.

Dans ce contexte, il y a enjeu majeur pour la France et l’Europe à réussir la transition écologique du transport routier. Cette dernière constitue, en outre, une aspiration des citoyens européens puisque près des deux tiers des citadins soutiennent l’idée que seules les voitures à zéro émission soient vendues en Europe à l’horizon 2030. Les institutions européennes et les États membres peuvent donc compter sur une opinion publique a priori favorable à ces évolutions.

II.   LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE SUPPOSE UNE REDÉFINITION DES OBJECTIFS ET MOYENS DU SECTEUR entamÉ par le paquet Fit for 55

Pour atteindre les objectifs du pacte vert, la Commission européenne a fait de nombreuses et ambitieuses propositions pour le secteur routier, dont trois ont été concrétisées avec le paquet Fit for 55. Cette partie se penche sur les trois mesures phares connues à ce stade : la fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2025 (A), le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (B) et la création d’un marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments (C).

A.   La fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2025

En premier lieu, la Commission européenne a proposé la révision du règlement établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures et camionnettes neuves. Il inclut une annonce phare : la fin de la vente de voitures à moteur thermique en 2035. Mettre ces objectifs en amont de la chaîne permet de faire peser les nouvelles réglementations sur les constructeurs et non sur le consommateur final, démontrant que l’Union s’inquiète de l’acceptabilité sociale des mesures qu’elle propose.

Pour arriver à ce résultat, les objectifs de réduction des émissions de CO2 ont été revus à la hausse tant pour les voitures que pour les camionnettes. Fixé à 37,5 % pour les voitures en 2030, l’objectif a finalement été rehaussé à 55 % ; de même pour les camionnettes, alors qu’il a été fixé à 31 % pour 2030, l’objectif de réduction est maintenant de 50 %.

Cette mesure, exigée par les organisations non gouvernementales et anticipée par les constructeurs, était attendue par les acteurs du secteur. Selon Transport & Environment, cette annonce confirme que l’Union a réellement l’intention d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Néanmoins, l’association regrette que l’objectif de réduction des émissions de 15 % pour les voitures et les camionnettes à l’horizon 2025 demeure inchangé alors qu’il pourrait être atteint par les constructeurs avec seulement une réduction de 2 % des émissions de CO2 jusqu’en 2029, selon ses calculs. En effet, elle souligne que trop de vides juridiques pouvant favoriser les véhicules les plus polluants sont encore présents dans les normes européennes.

En revanche, les États membres semblent divisés sur cette proposition : D’un côté, l’Autriche, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Finlande souhaitent durcir cette proposition et pour certains, avancer l’échéance à 2030. De l’autre, la Hongrie, la Bulgarie et la République Tchèque estiment que 2035 est une date prématurée et souhaitent allonger ce délai ([33]).

Les rapporteurs, pour leur part, accueillent favorablement cette mesure. Ils invitent également la Commission européenne à réfléchir au recyclage et au réemploi des véhicules thermiques circulant actuellement au sein dans l’Union. Étant entendu que le recyclage de véhicules usagés et la construction de véhicules neufs sont fortement consommateurs d’énergie, la solution visant à remplacer le moteur thermique d’un véhicule par un moteur électrique, le retrofit, apparaît pertinente, tant en termes de bénéfices sociaux qu’environnementaux. Les rapporteurs encouragent la Commission à se pencher sur une homologation harmonisée de ces véhicules, la France faisant figure de précurseur dans ce domaine, et à intégrer cette technologie dans les objectifs communautaires.

B.   Le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs

Par ricochet, ces annonces devraient contribuer à l’essor des voitures électriques, qui pour l’instant n’ont représenté que 10,5 % des véhicules neufs immatriculés en 2020 bien que leur part ne cesse de croître ([34]) . Les ventes de ces véhicules ont par exemple progressé de 51 % en 2017 par rapport aux niveaux de 2016 dans l’Union ([35]). L’énergie électrique représente désormais 17 % des ventes de voitures légères en France ([36]) et plus de 54,9 % des voitures vendues en Norvège en 2020 étaient des voitures électriques ([37]). En Europe, plus d’un véhicule sur dix vendu en 2020 était électrique rechargeable, c’est-à-dire entièrement électrique ([38]).

La carte ci-dessous présente le marché des voitures électriques en Europe de l’Ouest en 2021 qui est en nette croissance. Les consommateurs interrogés sur l’avenir des voitures électriques se disent disposés à en acheter ; tout en soulignant qu’ils seront attentifs au prix (55 % des répondants) et à l’existence d’infrastructures (51 % des répondants) ([39]) en priorité au moment d’acquérir une voiture électrique. La majorité d’entre eux dit penser que la vente de voitures zéro-émissions dépassera celle des voitures à moteur thermique lorsqu’une parité en termes de prix sera atteinte. Dans les faits, le développement de la voiture électrique suppose simultanément une réflexion plus globale sur le futur du système électrique, des mesures de politique industrielle ([40]) et « un net abaissement du prix des véhicules électriques » ([41]).

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Cette montée en puissance du véhicule électrique est accompagnée par l’Union européenne à travers le règlement révisé sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. La commission a annoncé qu’elle souhaitait voir circuler au moins trente millions de véhicules à zéro-émission en 2030, un niveau bien éloigné des deux millions de véhicules actuellement en circulation ([42]).

Ce règlement révisé demande aux États membres d’augmenter leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles. De manière pratique, cela suppose d’installer des points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers, la Commission propose une distance de 60 kilomètres entre chaque borne électrique et 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène.

Le visuel ci-dessous publié par la Commission européenne précise les principaux objectifs et échéances concernant les points de recharge.

 

Source : Commission européenne, « Rendre les transports plus verts », 2021.

 

Ces objectifs s’inscrivent dans la lignée des nombreuses propositions que l’Union a faites sur les recharges électriques, qu’elle soutient activement. Le MIE par exemple, finance le déploiement de ces nouvelles infrastructures depuis 2014. Depuis cette date, environ 343 millions d’euros ([43]) ont financé des projets d’infrastructures de recharge ou des projets combinant l’électricité et d’autres carburants alternatifs. Le cadre financier pluriannuel et le plan de relance tablent à présent sur la construction d’un million de points de recharges ouverts au public pour 2025, en lien avec les trois millions de points de charges que la stratégie estime nécessaires pour 2030.

Or, selon la Cour des comptes européenne, « si le déploiement des infrastructures continue au rythme de la période 2014-2020, il y a fort à parier que l’objectif d’un million de points de recharge ouverts au public à l’horizon 2025 ne sera pas atteint ». D’autant que la Cour montre une grande disparité dans le maillage de bornes de recharge, 70 % des bornes se trouvant dans trois États membres, dont la France et le Pays-Bas, alors que leur existence est presque nulle dans d’autres pays, comme en Roumanie par exemple.

Les rapporteurs rejoignent cette analyse. Considérant l’importance de l’existence d’infrastructures dans le choix d’un véhicule électrique pour les consommateurs, ainsi que la disparité territoriale entre États Membres en termes de densité d’infrastructures de rechargement, l’augmentation de la capacité devrait être décorrélée du rythme de vente.

La carte ci-dessous montre l’inégale répartition des charges en Europe. La présence de ces points de recharge est presqu’absente dans les États présentés en jaune parmi lesquels on retrouve de nombreux États membres d’Europe de l’Est mais aussi l’Espagne et l’Irlande par exemple. Il y a donc un enjeu pour l’Union de répartir plus efficacement les fonds comme le MIE qui financent le déploiement de ces infrastructures.

 


C.   La création d’un marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments

De loin la proposition la plus controversée du paquet Fit for 55, la création d’un deuxième marché du carbone pour le secteur routier et le bâtiment concernera les fournisseurs (et non les consommateurs). Prévu pour remédier à l’absence de réduction des émissions dans ces deux secteurs, le nouveau marché, parallèle à l’existant, devrait entrer en vigueur en 2026.

Cette proposition, qui s’inscrit bien dans l’idée d’un principe pollueur-payeur, a suscité des réactions mitigées des acteurs du secteur et des États membres. Outre l’opposition claire des entreprises du secteur routier qui craignent le caractère punitif de ce nouveau marché, les États membres se sont pour l’instant montrés divisés. Ainsi, alors que l’Autriche, le Portugal, la Suède, le Danemark, la Finlande et l’Allemagne y semblent favorables, la Hongrie, Chypre, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, la Lituanie, Malte, la Bulgarie et l’Irlande semblent y être opposés ([44]). Un dernier groupe, à l’instar de la France, s’est montré plus prudent, en demandant des études et des évaluations exhaustives sur les conséquences que pourrait avoir ce nouveau marché. Pour l’instant, ces mesures sont trop récentes pour disposer de telles informations.

En effet, augmenter le prix du carbone risque de renchérir le prix de l’énergie et donc de pénaliser le consommateur final. La flambée des prix de l’énergie actuelle dont les gouvernements nationaux tentent de limiter l’impact sur les Européens, rappelle l’enjeu de l’acceptabilité sociale des mesures écologiques. Pour y pallier, la Commission européenne a annoncé dans le paquet Fit for 55, la création d’un fonds social pour le climat qui pourrait compenser le renchérissement des coûts de l’énergie causée par ces nouvelles mesures. Ce fonds serait alimenté à hauteur de 25 % par les revenus de la vente des droits d’émission sur le marché carbone, dont la mise en œuvre sera assurée par les États membres. En l’état, ce fonds pourrait paraître sous-financé. Christian Gollier, économiste et expert de la transition écologique critique ce dispositif, il estime qu’« il faudrait utiliser 100 % de ces ressources nouvelles pour atténuer l’impact pour les consommateurs » ([45]).

De même, l’Institut Jacques Delors dans une première analyse portant sur les limites de ce fonds social ([46]) explique que contrairement à ce que soutient l’Union européenne, la création d’un deuxième marché du carbone pourrait faire augmenter le coût de l’énergie et donc diminuer le pouvoir d’achat des foyers européens, sans pour autant apporter les bénéfices escomptés.


L’Institut Jacques Delors relève que le système proposé se base sur le mécanisme du marché et donc de l’incertitude des prix ce qui amène d’importantes fluctuations du prix du carbone. Ce dernier a ainsi pu varier de 5 à 60 euros sur le marché existant sur les cinq dernières années. Or, les ménages en situation précaire ne pourraient supporter une telle amplitude des prix sans voir leur pouvoir d’achat drastiquement réduit. Dès lors, la création d’un fonds social ne saurait suffire à compenser un tel système. À la place, il est suggéré que le fonds soit utilisé en priorité pour les ménages les plus fragiles.

Cette position est partagée par d’autres organisations, qui craignent l’impact de ce nouveau marché sur les consommations « populaires » alors qu’il visait initialement les installations industrielles et les entreprises.

Ainsi, si pour l’essentiel, les annonces du paquet Fit for 55 ont été favorablement reçues y compris pour le secteur routier, de nombreuses interrogations demeurent autour du nouveau marché du carbone. La phase de négociation ainsi que la publication des autres initiatives devraient éclairer davantage les acteurs du secteur et les institutions nationales sur l’impact de ces nouvelles mesures.

 

 


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   Conclusion

 

Conscients que les propositions actuelles entament seulement la phase de négociations entre États membres tandis qu’un grand nombre de fédérations européennes n’a pas encore arrêté de position sur le sujet, les rapporteurs choisissent de pas faire de recommandations concrètes, à ce stade.

Néanmoins, ce rapport souligne que la stratégie de mobilité demande aux transports d’opérer la transformation la plus ambitieuse de leur histoire. Si le bien-fondé des objectifs fixés ne doit pas être remis en cause, en particulier pour le secteur routier, leur réalisme demeure une vraie préoccupation. En effet, des lacunes importantes sur le transport public, la place des vélos, le volet social et plus grave encore sur le financement de ces nombreuses mesures font craindre que l’histoire se répète et que les objectifs fixés ne soient pas mis en œuvre.

Dans l’ensemble, les rapporteurs sont favorables aux propositions connues jusqu’ici, mais soulignent que la phase de négociation doit permettre de les approfondir, en particulier pour la proposition phare qu’est la création d’un marché du carbone pour le secteur routier.

Plus important encore, la mobilité étant un enjeu du quotidien, une vitrine de notre mode de vie, ces mesures parfois présentées comme techniques, gagneraient à être mieux connues des Européens. Comme pour d’autres politiques, l’Union devra fournir un effort supplémentaire pour mieux informer le citoyen européen sur la stratégie de mobilité. En d’autres termes, « la meilleure façon de convaincre les gens d'adhérer aux efforts de décarbonation n'est pas de minimiser les défis à venir, mais de les identifier avec précision et d'expliquer comment ils seront relevés » ([47]) ; un constant particulièrement valable pour la mobilité du quotidien.

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 20 octobre 2021, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Mes chers collègues, notre réunion commence par l’examen du premier tome du rapport d’information sur la stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente. En effet, la stratégie présentée en décembre 2020 par la Commission couvre un périmètre considérable : quatre-vingt-deux nouvelles mesures proposées appelant à une révolution considérable de tout le secteur des transports dans la perspective de la décarbonation de l’économie européenne d’ici 2050.

Nos rapporteurs ont donc très pertinemment opté pour une présentation et une publication en deux temps de leur travail. Le deuxième tome de leur rapport sera examiné en commission le 15 décembre.

M. Damien Pichereau, rapporteur. Nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui la première partie de nos travaux sur « la stratégie européenne de mobilité durable ».

Vous n’en avez sans doute pas assez entendu parler, mais cette stratégie est un document clé. Elle met en œuvre les objectifs du pacte vert européen, du green deal décidé en 2019, pour le secteur des transports. Ces derniers sont un pilier de notre mode de vie mais aussi un secteur économique majeur : au niveau européen, le secteur représente 5 % du PIB de l’Union et emploie onze millions de personnes.

Dans le même temps, les transports ont un impact néfaste. Le secteur est un des premiers émetteurs de CO2 en Europe, ses émissions ont augmenté de 18 % depuis 1990 en dépit des efforts déjà engagés par les filières et alors même que d’autres secteurs économiques (industrie par exemple) ont réussi à réduire leurs émissions.

Dans ce contexte, une mobilisation européenne en faveur de la transition écologique ne peut faire abstraction du secteur des transports. Les institutions européennes l’ont bien compris : depuis 2011, les efforts de réduction des gaz à effet de serre demandés sont considérables. Ils ont été largement rehaussés par le Pacte vert et la stratégie européenne de mobilité qui le met en application.

Précisément, pour présenter la stratégie européenne de mobilité durable et intelligente nous avons fait le choix de diviser ce rapport en deux parties pour plusieurs raisons :               l’importance de ce sujet, c’est-à-dire la transition écologique d’un secteur clé mais aussi l’ampleur de cette stratégie de mobilité (composée de quatre-vingt-deux initiatives législatives) et, enfin, le rythme plutôt lent auquel sont dévoilées les initiatives.

Cela justifie que nous y consacrions deux présentations, que nous ayons deux débats, pour mettre en valeur les enjeux spécifiques aux différents secteurs.

Aujourd’hui, nous allons aborder le cadre général, un premier bilan des apports et faiblesses de la stratégie et évoquer le cas du secteur routier, pilier de la mobilité et son adaptation à la transition écologique.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La transition écologique du secteur des transports est en effet un enjeu clé. L’Union européenne en a pris la mesure de manière progressive. Dès 2011, le livre blanc sur les transports, qui est resté comme une référence, pose le défi de « rompre la dépendance du système de transport à l’égard du pétrole sans sacrifier son efficacité ni compromettre la mobilité ».

Suite aux Accords de Paris de 2015, l’Union s’est engagée à réduire ses émissions d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Le Pacte vert européen s’inscrit bien dans cet engagement réitéré de l’Union, de long terme, de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En proposant que l’Union devienne le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050, le Pacte vert prend la mesure de l’urgence climatique et accélère le mouvement déjà engagé. Pour le secteur des transports, la Stratégie européenne de mobilité durable prévoit un objectif général de réduction des gaz à effet de serre d’au moins 55 % pour 2030.

Elle se distingue par le caractère ambitieux des objectifs fixés et multidimensionnel des propositions qui touchent tous les modes de transport : routier, rail, aviation et le maritime. Nous pouvons citer quelques exemples : la mise en circulation d’au moins 30 millions de voitures zéro émission sur les routes européennes ou encore la transformation d’une centaine de villes européennes qui deviendront climatiquement neutres ainsi que le doublement du trafic ferroviaire à grande vitesse dans l’Union européenne.

La stratégie repose sur les trois leviers d’actions classiques de la transition écologique, à savoir l’innovation technologique, la maîtrise de l’énergie et la réglementation. De plus, deux fils rouges unissent les différentes propositions :

En premier lieu,  le report modal vers le rail, tant pour le transport de personnes que de marchandises. Cette proposition a de nombreuses implications, en particulier la nécessaire augmentation des investissements sur les infrastructures et une réadaptation des autres secteurs, au premier rang desquels le secteur routier.

Deuxièmement, le principe du pollueur-payeur, supposant que les entreprises et les consommateurs ayant recours aux modes de transports les plus polluants assument le coût des externalités négatives générées par ces modes de transport – du moins contribuent activement à leur prise en charge. Une telle tarification pourrait prendre la forme de péages urbains pour les automobilistes ou d’une taxation progressive des billets d’avion par exemple en fonction de la fréquence des voyages.

Le paquet Fit for 55 présenté le 14 juillet dernier par la Commission européenne apporte des premières précisions sur les moyens d’atteindre ces objectifs. En particulier, sont prévus :

- une révision des normes en matière d’émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes prévoyant que toutes les voitures neuves immatriculées à partir de 2035 seront des véhicules à émissions nulles ;

- un règlement révisé sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs qui favorise l’électrification du parc automobile, le recours à l’hydrogène ainsi qu’aux biocarburants ;

- un nouveau marché du carbone commun aux secteurs routier et bâtiment, qui devrait être mis en place en 2026. Il serait synonyme de nouvelles obligations pour les fournisseurs, qui devront surveiller et déclarer la quantité de carburant mis sur le marché. Ils devront également restituer des quotas d’émission chaque année en fonction de l’intensité en carbone des carburants.

Toutes ces mesures, dans l’ensemble bien accueillies par les États membres et les acteurs du secteur, soulèvent néanmoins des questions que nous avons pointées avec mon collègue, sur leur réalisme et leur faisabilité notamment.

D’emblée, vous le constatez, proposer quatre-vingt-deux initiatives avec des premières échéances en 2030 compte tenu du rythme des discussions européennes semble difficile. D’autant qu’à ce stade, seul le paquet Fit for 55 a apporté des éclaircissements utiles. Or, il y va de la crédibilité de la voix européenne sur la scène internationale de tenir les objectifs qu’elle se fixe, surtout lorsqu’elle entend montrer la voie vers une croissance durable.

Plus important encore, il y a un déséquilibre entre les objectifs fixés et les moyens pour les atteindre. La stratégie repose en grande partie sur l’innovation technologique, l’hydrogène et le report modal, pour lesquels existent de fortes incertitudes.

Si l’innovation technologique constitue un levier d’action essentiel, elle reste aussi une solution de long terme et éventuellement de moyen terme. Par exemple, l’idée de commercialiser à l’horizon de 2035 les premiers aéronefs à zéro émission évoqués dans la stratégie, se heurte à un obstacle très concret et majeur : la technologie nécessaire à cette production n’est pas encore disponible.

Le Pacte vert européen et la stratégie de mobilité font le pari de promouvoir l’hydrogène comme une solution durable. Or, plus de 90 % de l’hydrogène consommé pour l’instant provient de gaz naturel. Il faut donc d’abord décarboner l’hydrogène avant d’en massifier la production.

Le report modal sur le transport ferroviaire des marchandises, bien qu’encouragé fortement par l’Union depuis une vingtaine d’années n’a pas encore donné de résultats satisfaisants. Il suppose un investissement important en termes d’infrastructures qui n’a pas été effectué ainsi qu’un changement dans la demande de transport - qui ne s’est pas non plus produit - tenant compte des usages, eux-mêmes liés à l’évolution des modes de vie et de travail dans les territoires.

Ces lacunes sont aggravées par la quasi-absence de dispositions sur le financement des mesures dans la stratégie, renforçant l’inquiétude évoquée. La Commissaire européenne chargée des transports, Adina Valean, a évoqué devant les parlementaires européens une estimation de plus de cent milliards d’euros par an entre 2021 et 2030 qui seraient nécessaires pour les secteurs des transports et de l’énergie. Le transport représenterait environ 45 % des besoins. Si l’on inclut les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les politiques nationales, ce chiffre pourrait représenter plus de 390 milliards d’euros.

Nous tenons également à signaler les lacunes déjà présentes dans la stratégie qui nous font douter de son réalisme.

La première est la faible mention du transport public. Elle s’explique par le respect du principe de subsidiarité. Pourtant, aucune stratégie de mobilité sérieuse ne peut faire l’impasse sur la massification du transport public alors que 74 % de la population européenne vit en ville et que 23 % des émissions de gaz à effet de serre des transports concernent les zones urbaines.

Pour des raisons similaires, la stratégie européenne tend à ignorer la montée en puissance du vélo dans les modes de transports urbains. Or, cette industrie est en pleine croissance, tant les vélos classiques que les vélos électriques.

En creux, ces deux angles morts révèlent une faille majeure dans la stratégie : elle ne prend pas en compte la demande de transport. Ce faisant, elle se prive d’un levier supplémentaire d’action que serait la promotion de la sobriété dans la demande de transport des usagers. Ce défaut la conduit aussi à éluder la place centrale qu’occupe l’utilisateur des transports et donc à perdre de vue le rôle clé des déterminants de la mobilité.

De la même manière, l’aspect social, c’est-à-dire assurer une transition juste pour les citoyens européens et les travailleurs du secteur, est pour l’essentiel absent de la stratégie. Seules quatre des quatre-vingt-deux propositions ont une visée sociale selon les syndicats européens que nous avons entendus. Pourtant, la question de l’acceptabilité sociale des mesures écologiques est centrale en Europe. Nous savons que la transition écologique ne peut se faire sans pédagogie et sans des mesures de compensation sociale permettant un juste partage du coût de la transition écologique.

Un premier revirement semble intervenir depuis la proposition d’un fonds pour le climat introduit dans le paquet Fit for 55 pour compenser l’augmentation du prix des carburants liés aux marchés du carbone ; le premier qui sera révisé et le deuxième, sur le secteur routier et les bâtiments, qui sera introduit en 2026.

En parallèle, le cas des travailleurs du secteur des transports est globalement absent de la stratégie. Or, amener le secteur vers une réduction des émissions implique nécessairement un bouleversement de l’organisation sociale du secteur, qui emploie 11 millions de travailleurs en Europe, pour l’essentiel précaires, souvent transfrontaliers ou en détachement, soulevant de vrais enjeux de sécurité de l’emploi. Des reconversions professionnelles, des formations nouvelles, des compensations doivent être pensées pour les travailleurs du secteur, en particulier du routier à qui l’on demande de repenser son modèle économique.

L’accumulation de ces lacunes multidimensionnelles est de nature à remettre en cause l’efficacité des mesures proposées. Nous attendons donc que la phase de négociations apporte d’importantes clarifications.

M. Damien Pichereau, rapporteur. À travers l’étude de la stratégie de mobilité européenne, le cas du transport routier a particulièrement retenu notre attention. Le premier tome de ce rapport se focalise sur celui-ci.

Pour comprendre l’ampleur des changements qui lui sont demandés, il faut avoir à l’esprit ce qu’il représente à la fois en termes d’utilisation et d’émission de gaz à effet de serre.

C’est d’une part le moyen de transport le plus utilisé par les citoyens. Par exemple plus de 80 % du transport de passagers de l’Union se fait par la route. De plus, 75 % des marchandises transitent par la route dans l’Union européenne. Comme l’avait souligné Élisabeth Borne, alors Ministre des Transports, dans son discours à l’occasion du centenaire de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) en 2019, « la voiture reste la colonne vertébrale des déplacements de bon nombre de nos concitoyens ».

Pourtant, le transport routier est le mode de transport le plus polluant, il génère 72 % des émissions de gaz à effet de serre que produisent les transports en Europe. Il est encore trop dépendant des énergies fossiles puisque 95 % du parc des véhicules routiers en circulation a recours aux carburants traditionnels dans l’Union.

Or, les usagers de la route ne couvrent pas le coût des externalités qu’ils produisent, à travers la fiscalité sur les carburants et les péages. Si cette disparité concerne la plupart des véhicules et des milieux, elle s’accentue pour les voitures personnelles qui circulent en milieu urbain ainsi que pour les voitures roulant au diesel. Pour ma part, j’attire votre attention sur les véhicules utilitaires légers qui montent en puissance. Pourtant, une tonne transportée par VUL émet plus de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques que son transport par poids lourd – il faut donc les inclure davantage.

Dans ce contexte, nous devons réussir la transition écologique du transport routier. D’autant que nous pouvons compter sur une opinion publique favorable en Europe puisque près des deux tiers des citadins soutiennent l’idée que seules les voitures à zéro émission soient vendues en Europe à l’horizon 2030.

Pour atteindre les objectifs du pacte vert, la Commission européenne a fait de nombreuses et ambitieuses propositions pour le secteur routier, dont trois ont été concrétisées avec le paquet Fit for 55.

Premièrement, la fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2035. Mettre ces objectifs en amont de la chaîne permet de faire peser les nouvelles réglementations sur les constructeurs et non sur le consommateur final. Pour arriver à ce résultat, les objectifs de réduction des émissions de CO2 ont été revus à la hausse tant pour les voitures que pour les camionnettes.

Pour l’instant, les États membres semblent divisés sur cette proposition : d’un côté, l’Autriche, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas par exemple souhaitent avancer l’échéance à 2030. De l’autre, la Hongrie, la Bulgarie et la République Tchèque souhaitent quant à eux allonger ce délai.

Nous y sommes favorables pour notre part. Néanmoins, d’autres solutions techniques existent afin de favoriser la réduction des émissions de CO2. L’exemple du rétrofit est particulièrement parlant et est fortement encouragé en France. Pour rappel, le rétrofit vise à remplacer le moteur thermique d’un véhicule par un moteur électrique.

Par ailleurs les annonces réalisées le 12 octobre dernier par le Président de la République, dans le cadre des objectifs France 2030, de produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides ainsi que de produire le premier avion bas carbone montrent la volonté de la France de maintenir ses objectifs de baisses des émissions de CO2 à court terme.

Deuxième point, le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, qui devrait contribuer à l’essor des voitures électriques. En effet, le règlement révisé demande aux États membres d’augmenter leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles. De manière pratique, cela suppose d’installer des points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers. La Commission propose une distance de 60 kilomètres entre chaque borne électrique et de 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène, qui permet, comme vous le savez, une meilleure autonomie.

Cet objectif ambitieux suppose de remédier à la disparité dans le maillage des bornes de recharge : 70 % des bornes se trouvant dans trois États membres, dont la France et les Pays-Bas, alors que leur existence est presque nulle dans d’autres pays, comme en Roumanie par exemple.

Nous pensons que l’augmentation de la capacité devrait être décorrélée du rythme de vente puisque l’existence des infrastructures nécessaires à la recharge est un facteur clé dans les décisions d’achat des consommateurs.

Enfin, la création d’un marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments. De loin la proposition la plus controversée du paquet Fit for 55, concernera les fournisseurs. Alors qu’elle s’inscrit bien dans l’idée d’un principe pollueur-payeur, cette idée a suscité des réactions mitigées des acteurs du secteur et des États membres. D’un côté, certains craignent le caractère punitif de la mesure, d’autres comme la France se montrent prudents et demandent des études d’impact exhaustives avant une éventuelle entrée en vigueur.

En effet, augmenter le prix du carbone risque de renchérir le prix de l’énergie et donc de pénaliser le consommateur final. La flambée des prix de l’énergie actuelle dont les gouvernements nationaux tentent de limiter l’impact sur les Européens, rappelle l’enjeu de l’acceptabilité sociale des mesures écologiques. Se pose la question de savoir si le fonds pour le climat sera en mesure de compenser l’augmentation des prix.

Chers collègues, vous l’aurez compris : la transition écologique des transports est nécessaire, elle constitue un enjeu fondamental pour l’Europe. Néanmoins, pour être viable, elle doit reposer sur des objectifs atteignables et réalistes. Dans l’ensemble nous sommes favorables aux propositions connues jusqu’ici, mais nous appelons les institutions européennes à nous donner davantage de précisions sur les moyens de la mise en œuvre – ce qui nous semble aujourd’hui faire défaut.

 

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Vous brossez un tableau très mitigé et êtes très pessimistes sur les limites de la stratégie. Il y a des avancées dans les réalisations, mais de grandes limites comme la quasi-absence de financements, le faible nombre d’utilisateurs en multimodal et un problème d’acceptabilité sociale comme l’illustre la hausse des prix de l’énergie. L’innovation technologique n’avance pas au rythme souhaité, l’hydrogène par exemple n’est qu’à ses débuts malgré une alliance qui se forme entre la France et l’Allemagne.

Concernant le secteur routier, l’électrique semble naturel et logique pour les voitures individuelles. Il y a toutefois un cercle vicieux : l’installation des bornes de recharge suit le rythme de la vente des véhicules électrique et dans le même temps, l’achat de véhicules électrique est motivé par la présence d’infrastructures de recharge.

Qu’en est-il du transport routier ? Pense-t-on à l’hydrogène ou a-t-on des propositions ? Quelles avancées sur les camions électrifiés ?

Dans les villes et les centres-villes, quelles sont les activités de transport ayant l’impact le plus significatif en termes de pollution ? Je pense au déménagement ou à la livraison des marchandises, a-t-on une vision précise sur ces enjeux ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Mon co-rapporteur et moi‑même partageont la même analyse des auditions que nous avons faites jusqu’à présent. Nous avons mené près de quarante auditions, il nous en reste un petit nombre à réaliser avant décembre afin de compléter la seconde partie du rapport. Néanmoins, plusieurs questions subsistent pour que le consommateur final soit financièrement en capacité d’accéder à la transition écologique.

Concernant l’innovation et plus particulièrement sur l’hydrogène. Nous constatons une réelle progression technologique en matière d’hydrogène ; mais elle ne s’effectue pas à la vitesse prévue dans la stratégie. La distinction entre hydrogène « vert » et « gris » ne doit pas non plus être négligée. Les spécialistes disent que l’Europe ne sera pas capable de produire suffisamment d’hydrogène « vert » dans les quantités requises en cas de passage au tout-électrique et au tout-hydrogène.

S’agissant de la question des villes, il y a la question de la logistique, qui n’est pas abordée aujourd’hui mais le sera dans la prochaine présentation.

Je ne suis pas pessimiste, des ambitions sont affichées aujourd’hui et il faut – c’est là notre rôle de parlementaires membres de cette commission– pointer ce qui manque. Si nous voulons mettre en œuvre cette stratégie avec cette ambition, il faut de moyens et de précisions sur les moyens déployés pour atteindre ces objectifs.

Nous sommes ici des Européens convaincus, mais il faut construire l’Europe par le haut pour que nous y ayons tous accès. Sur la question du « tout électrique », il n’y a pas de mot tabou et il faut se poser la question de la production de l’énergie ainsi que celle de la part du nucléaire et des énergies alternatives. Nous ne l’aborderons pas dans ce rapport pourtant la question est bien présente et il serait intellectuellement malhonnête de ne pas le mentionner.

M. Damien Pichereau, rapporteur. Je souhaiterais aussi ajouter un point sur la question des camions et de la logistique, qui est effectivement très importante. Nous sommes dans une phase de transition et il y a de la place pour tout le monde. Le gaz naturel, notamment biogénéré tel qu’il est produit sur notre territoire, a sa place dans le transport sur de longues distances. Demain, l’électrique s’imposera, notamment pour les livraisons en ville, qui sont de plus en plus importantes avec le développement du commerce en ligne.

Pour des distances longues l’hydrogène s’imposera, on l’espère vert, mais aussi à partir d’énergie nucléaire. Nous aurons également des électrolyseurs qui seront de plus en plus efficients et performants, ce qui rendra certainement la situation meilleure et permettra le transport sur de longues distance, ce qui constitue l’objectif de plus long terme.

Mme Liliana Tanguy. Votre présentation très éclairante confirme que l’environnement et le climat ne peuvent pas attendre. L’urgence climatique est évidente et les gouvernements européens en sont bien conscients et se mobilisent. C’est le cas de la France, qui a notamment adopté une loi volontariste sur le climat et la résilience, promulguée en août dernier. Cette prise de conscience au sein de l’Union a conduit la Commission européenne à présenter sa nouvelle feuille de route environnementale et le Pacte vert pour l’Europe, qui a pour objectif de rendre l’Europe climatiquement neutre à l’horizon 2050, adoptée par l’ensemble des partenaires européens.

Ce green deal s’attarde sur de nombreux secteurs, dont les mobilités. C’est ainsi qu’en décembre 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente. Selon votre rapport, cette stratégie comporte certaines lacunes, notamment sur l’aspect social. Vous illustrez votre critique par une statistique : selon les syndicats européens, seules 4 propositions sur 82 de cette stratégie revêtent une portée sociale.

Je fais la même analyse dans mon rapport d’information sur la loi « climat et résilience », dans lequel j’ai insisté sur l’acceptabilité sociale des mesures environnementales, condition essentielle pour assurer leur effectivité. Je voudrais redire ici ce qu’un commissaire a dit récemment : il n’y aura pas de transition écologique sans transition juste.

Fort heureusement, vous avez souligné un premier revirement avec la création d’un fonds social pour le climat introduit dans le paquet européen Fit for 55 , concernant la compensation de l’augmentation du prix du carbone. Pensez-vous qu’afin d’assurer une transition juste pour nos concitoyens, l’intégration de l’aspect social à la stratégie de mobilité via un fonds constituant un levier essentiellement financier est suffisante pour atteindre un objectif social ? Dans le cas contraire, quels seraient les autres leviers que nous pourrions envisager ?

M. Didier Quentin. Je suis d’accord avec le constat de notre Présidente. Il s’agit d’un tableau réaliste mais mitigé. Ce rapport va servir d’aiguillon, c’est en tout cas l’esprit dans lequel je le conçois. Je reprends ce qui a été souligné sur les 82 initiatives, seules 4 ont une visée sociale, ce qui constitue certainement une grande lacune.

Je vois également d’autres lacunes, qu’il va falloir combler. Vous avez eu raison d’évoquer la question de l’hydrogène. C’est devenu un argument récurrent, presque magique. Or, comme vous l’expliquez, l’hydrogène n’est pas la panacée. Vous avez raison de faire la distinction entre hydrogène « vert » et hydrogène « gris », qui provient du gaz naturel et ne constitue pas une perspective aussi réjouissante que nous pouvons parfois croire.

Quelques questions pouvant sembler accessoires mais liées à l’actualité, se posent également. S’agissant du transport routier, vous avez évoqué ces objectifs très ambitieux de 30 milliards de véhicules « zéro émission ». Aborde-t-on le problème d’éventuelles limitations de vitesse ? Il y a en effet une disparité entre les pays européens, je pense par exemple à l’Allemagne et ses faibles limites de vitesse.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. En Allemagne, il y a de plus en plus de tronçons limités à 100, à 120 kilomètres par heure.

M. Didier Quentin. J’entends que les vitesses sont aujourd’hui plus limitées. En France, nous avons des péages plus chers pour rouler à 130 sur quelques kilomètres, je parle en particulier de l’autoroute A10 sur laquelle la vitesse est limitée avec des vitesses variables et parfois même des radars. La limitation des vitesses est-elle en tout cas un sujet envisagé ?

Deux autres aspects n’ont pas été évoqués, mais l’ont peut-être été dans votre rapport. Le premier est le transport maritime, nous avions la semaine dernière à Pornic sur la côte Atlantique les journées des élus du littoral et nous sommes allés non loin à Saint-Nazaire visiter les chantiers de l’Atlantique. Ces chantiers entament la construction d’un paquebot qui prendra 7 000 à 8 000 passagers avec 3 000 membres d’équipage. On nous a assuré que ce mastodonte des mers serait plus économe en énergie que des paquebots antérieurs, mais on peut se poser la question du transport maritime.

Je pense également au transport aérien qui est un sujet intéressant. Un autre sujet a été abordé en France et a suscité quelques polémiques. Il s’agit du transport fluvial sur lequel nous ne sommes pas les mieux placés et d’autres pays européens sont en avance sur nous, il pourrait constituer une voie d’avenir.

Mme Nicole Le Peih. Ce rapport offre une vision globale des enjeux à venir sur la question des mobilités durables.

En tant que co-rapporteure d’une mission d’information sur l’avion du futur, je mesure combien la question des carburants alternatifs est primordiale. Ils représentent 80 % de la solution à la neutralité carbone dans le secteur aéronautique. Comme vous le soulignez, le travail de recherche et d’innovation doit continuer afin que nous puissions trouver des solutions de production sur le long terme et pour l’ensemble du territoire.

J’observe autour de moi que les producteurs de biocarburants sont potentiellement nombreux grâce à la valorisation des cultures intermédiaires comme le colza ou encore grâce au recyclage des « graisses de flottation ». L’entreprise La Cooperl a par exemple décidé de récupérer toutes ses boues et ses déchets pour pouvoir les transformer ensuite en biocarburant. Je pense aussi à ce recyclage de graisses notamment dans la filière porcine et je dirais que ces deux exemples sont assez diversifiés sur nos territoires. Alors que les unités de production de biocarburant apparaissent partout dans des contextes très variés, comment soutenir l’émergence de biocarburants ?

Votre rapport revient ensuite sur l’enjeu de la transition écologique dans le transport routier. En tant que députée bretonne et agricultrice, vous imaginez mon attachement au sujet. Dans notre région, l’essentiel de la logistique terrestre s’effectue par les routes. Les produits agricoles et alimentaires représentent à eux seuls 40 % du tonnage transporté par les routes. En 2018 et pour la seule Bretagne, le secteur routier emploie 20 000 personnes.

Il est donc important de prévoir la transition dans ce secteur car même si des solutions existent tels que les camions à hydrogène ou encore le bio-hydrogène vert, ces technologies ne sont pas toutes matures. De plus, elles requièrent des investissements importants. Avez-vous une lecture différente de cette transition à laquelle le secteur doit faire face ? Comment assurer un meilleur accompagnement au niveau européen de ces transitions ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Le fonds social pour le climat, constituant le premier revirement social du paquet Fit for 55, démontre le faible traitement des questions sociales que nous avons collectivement constaté. Si l’on doit parler d’écologie aujourd’hui, il faut une écologie globale et on ne peut faire l’impasse sur une écologie populaire.

Si la majorité des citoyens européens n’accède pas à cette transition, cela soulève de nouvelles inquiétudes d’acceptabilité sociale des mesures. D’autres questions émergent également sur le « tout électrique » le recours aux batteries et le recyclage des déchets.

Concernant le fonds social, il serait doté de 144 milliards d’euros, difficile de savoir à ce stade si ce montant sera suffisant.

M. Damien Pichereau, rapporteur. Concernant l’hydrogène, deux questions centrales se posent, notamment celle du CO2. Il serait inutile de produire de l’hydrogène en émettant plus de CO2 du puits à la roue qu’un moteur diesel. Nous devons avoir une réflexion claire sur ce sujet, notamment lorsque nous parlons d’électrolyse. En effet, il existe deux manières de produire de l’hydrogène : par électrolyse ou vaporeformage, cette dernière solution émet davantage de CO2, mais l’électrolyse consomme aujourd’hui beaucoup d’électricité, ce qui implique une réflexion globale sur le sujet.

La deuxième question est celle du coût, qui va au-delà du prix d’achat des produits. En effet, le cas des camions à hydrogène est souvent évoqué pour souligner le coût de cette technologie. Pourtant, un professionnel du transport privé peut bénéficier de dispositifs de suramortissement lui d’étaler le coût sur une longue période, rendant ainsi l’investissement moins gênant. Néanmoins, les coûts opérationnels sont élevés avec un hydrogène à 12 euros/kilogramme en moyenne aujourd’hui, ce qui représente un coût bien plus élevé que celui du diesel ou du GNV pour un transporteur. Il faut d’abord arriver à un prix de 9 euros/kilogramme pour avoir une certaine compétitivité et, à terme, arriver à 6 euros pour lui permettre d’être pleinement compétitif face au diesel, facilitant ainsi un véritable déploiement de l’hydrogène sur les véhicules.

Ensuite, sur le transport routier, rien n’est prévu sur la limitation de la vitesse. – étant Sarthois, je sais que nos concitoyens y sont particulièrement attachés. Par ailleurs, le Code de la route reste national et les limitations de vitesse sont définies à ce niveau.

S’agissant du transport maritime et fluvial, il y aura une « piqûre de rappel » dans la deuxième partie du rapport qui sera présenté en fin d’année. Concernant le transport maritime, se pose la question des émissions du véhicule durant la navigation mais surtout celle de la consommation lorsqu’il est à quai. Il n’est pas acceptable aujourd’hui de voir des paquebots dans les ports faisant tourner leur moteur pour produire de l’électricité. Cela pose la question des infrastructures dans nos ports pour acheminer de l’électricité, de préférence durable. Il n’est pas utile de ne surveiller les émissions pendant la navigation si nous perdons de vue les émissions engendrées lorsque le bateau est à quai.

Enfin sur le transport fluvial, un déplacement est prévu à Rotterdam pour visiter les infrastructures. Pour ma part, je défends le recours au transport fluvial. Nous avons d’ores‑et‑déjà commencé à soutenir son développement avec par exemple le projet du canal Seine Nord Europe. Il faut poursuivre en ce sens.

Nous devons également mener une réflexion sur la place des fleuves dans nos villes. Doivent-ils devenir des lieux touristiques, auquel cas les quais de déchargement et de transbordement, outils logistiques indispensables, manqueront ? Ou souhaitons-nous voir dans les fleuves un aspect économique, comme je le crois ? Dans ce cas de figure, nous aurons besoin d’espace pour que les quais constituent un point d’entrée pour les cargaisons.

En effet, si les marchandises arrivent à quinze kilomètres de Paris puisque les quais du centre-ville n’auraient pas de vocation économique, les derniers kilomètres devront alors être effectués par des véhicules diesel. Il faut amener des chargements au cœur de la ville. Nous le faisons déjà, des expérimentations sont en cours à Paris avec des résultats positifs.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. S’agissant des biocarburants, nous avons souhaité parler dans cette présentation de la question de la production d’énergie et de sa typologie. Il ne faut pas toujours penser au « tout nucléaire » travailler sur des énergies alternatives. Il faut donc étudier l’ensemble des énergies alternatives permettant de satisfaire la consommation d’énergie. Néanmoins, n’oublions pas que la meilleure économie d’énergie consiste tout simplement de ne pas en consommer.

La deuxième partie du rapport que nous présenterons en décembre abordera les enjeux du transport fluvial, maritime, aérien ainsi que la mobilité urbaine.

M. Damien Pichereau, rapporteur. À mon sens, ce rapport sur le secteur routier évoque davantage le transport et aborde peu les enjeux autour de la mobilité. C’est là peut-être un des défauts de cette stratégie qui parle davantage des outils que de leur articulation et de leur coordination.

Nous avons des objectifs ambitieux au niveau français de doublement de la part des marchandises passant par le rail, passant de 9 % à 16 % à l’horizon 2030.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


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   annexes


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

-            M. Aurélien Bigo, chercheur spécialiste de la transition écologique dans les transports

-            M. Michel Savy, directeur scientifique à TDIE et directeur de l’Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe (OPSTE)

-            M. Martin Keim, chef du programme Transition énergétique de l’UE et M. Joan Lanfranco, chargé des relations publiques au Bureau de Bruxelles de la Fondation Heinrich-Böll

 

-            Mme Adina-Ioana Vālean, commissaire aux transports

-            M. Herald Ruijters, directeur général adjoint chargé du transport innovant et durable à la Direction Générale de la Mobilité et des Transports (DG MOVE)

-            M. Matthew Baldwin, président de la mission « Villes climatiquement neutres et intelligentes » et directeur général adjoint à la DG MOVE, et Philippe Froissart, chef de l’unité « systèmes urbains et mobilité du futur », Direction générale de la recherche et l’innovation

-            Mme Karima Delli, présidente de la commission Transports au Parlement européen

 

-            M. Fabrice Dubreuil, représentant permanent adjoint et M. Jérôme Audhui, conseiller transports terrestres, RTE, intermodalité, sécurité routière et M. Paul Avrillier, conseiller transports aériens, maritimes et fluviaux

-            M. Jean-Philippe Dufour, chef du secteur Mobilité, mer et territoires ainsi que Mmes Véronique Ballestra et Diane Baton, adjointes au chef du secteur et Mme Constance Deler, chef du secteur Parlement au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

-            M. Marc Papinutti, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au Ministère de la Transition Écologique

-            M. Laurent Michel, directeur général à la Direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC)

-            M. Damien Cazé, directeur général à la Direction Générale de l’Aviation civile (DGAC)

-            M. Arnaud Leroy, président de l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (ADEME)

 

-            M. Thomas Reynaert, directeur exécutif de Airlines for Europe (A4E).

-            M. Alain Battisti, président et M. Georges Daher, délégué général de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande (FNAM)

-            M. Laurent Timsit, directeur des affaires institutionnelles et internationales d’Air France

-            MM. Stéphane Levesque, directeur, Jean Mesqui, et Jean Coldefy, expert en mobilité et conseil de l’Union routière de France (URF)

-            M. Thierry Mallet, président de Transdev

-            M. Jean Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF

-            Mme Marjolaine Blondeau, EU Policy & Business Development Manager et M. Cédric Thoma, Public policy and business development manager de Tesla Europe

-            M. Oleg Kamberski, consultant senior pour l’Union internationale des transports routiers (IRU)

-            M. Stéphane Wimez, co-président, M. Aymeric Libeau, co-président de l’association AIRe et M. Thibaut Moura, directeur adjoint, Associé et Responsable du pôle mobilité à Com’Publics

-            M. Frank Engel, secrétaire général d’Hydrogen Europe

-            M. Francis Palombi, président de la Confédération des Commerçants de France (CDF)

-            M. Boris Winkelmann, president de GeoPost, filiale du groupe La Poste

 

-            Mme Lorelei Limousin, Sustainable Transport Campaigner à Greenpeace

-            M. Olivier Scheneider, président de la Fédération des Usagers de Bicyclette (FUB)

-            M. Michel Quidort, président de la Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports (FNAUT) et président de la Fédération Européenne des Voyageurs

-            Mme Livia Spera, secrétaire générale (par intérim) de l’European Transport Workers’ Federation

-            M. Sébastien Mariani, secrétaire général adjoint de l’UFCAC-CFDT et de la FGTE-CFDT

-            Mme Sabine Trier, secrétaire général adjoint de la Fédération européenne des travailleurs des transports (CES-Transports)


([1]) Parlement européen , « Émissions de CO2 des voitures : faits et chiffres », 2019. Disponible en ligne : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20190313STO31218/emissions-de-co2-des-voitures-faits-et-chiffres-infographie

([2]) Assemblée nationale, Commission des affaires européennes, Rapport d’information portant observations sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », Liliana Tanguy rapporteure, 2021. Disponible en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b4026_rapport-information#

([3]) Idem.

([4]) Commission européenne, « Livre blanc : Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources », 2011. Disponible en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52011DC0144&from=EN  

([5]) En France cependant, la Loi d’Orientation des Mobilités, entérinée en décembre 2019 et faisant suite aux Assises de la Mobilité, a permis d’engager une transition du secteur vers des mobilités plus durables. Notons par exemple la mise en place de Zones à Faibles Émissions, du Forfait Mobilité Durable, de la prime à la conversion pour renouveler le parc roulant ou bien encore un ambitieux plan vélo doté de 350 Millions d’Euros. Leur efficacité néanmoins dépendra de leur mise en œuvre effective ainsi que de l’appropriation qu’en feront les acteurs.

([6]) Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, tel que rapporté par Toute l’Europe, « Climat : les principaux engagements internationaux et européens », 2021. Disponible en ligne : https://www.touteleurope.eu/environnement/urgence-climatique-l-essentiel-sur-l-action-internationale-et-europeenne/  

([7]) Idem.

([8]) Ibid.

([9]) Ministère de la Transition écologique, « Chiffres clés du transport – Edition 2021 ». Disponible en ligne : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-du-transport-edition-2021

([10])  Parlement européen , « Émissions de CO2 des voitures : faits et chiffres », 2019.

([11]) Idem.

([12]) Selon les contributions écrites fournies par les personnes auditionnées aux rapporteurs.  

([13])  Commission européenne, « Livre blanc : Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources », 2011.

([14]) Idem.

([15])  Cette partie présente les objectifs et les échéances clés qui ont été fixées, ils seront abordés en détail par mode de transport dans les parties dédiées.

([16]) Voir le  volet du rapport dédié aux enjeux spécifiques au transport ferroviaire.  

([17]) Christian Gollier, « Soyons honnêtes, la transition énergétique nous coûtera à tous de l’argent », l’Echo, 13 septembre 2020. Accessible en ligne : https://www.lecho.be/economie-politique/international/general/christian-gollier-soyons-honnetes-la-transition-energetique-nous-coutera-a-tous-de-l-argent/10250909.html  

([18]) Comme le relatent différentes notes du Trésor Eco, voir par exemple Antoine Bergerot, Gabriel Colomet et Thomas Salez, « Les usagers de la route paient-ils le juste prix de leur circulation ? », N°283, Avril 2021. Accessible en ligne :  https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/248d6a7c-d681-4577-9fa5-886791bfc9d1/files/9651f24c-dee1-4c2d-a54f-3aa56927e139

([19])  Christian Gollier, « Soyons honnêtes, la transition énergétique nous coûtera à tous de l’argent », l’Écho, 13 septembre 2020.

([20])  Actuellement en discussion au Conseil, les délais prévus par la Commission européenne, par exemple sur le déploiement des bornes de recharge électrique, devraient être allongés par le Conseil.

([21])  Challenges, « Le « Green deal » européen doit compenser la hausse de la taxe carbone pour les ménages », 2021. Disponible en ligne : https://www.challenges.fr/green-economie/le-green-deal-europeen-doit-compenser-la-hausse-de-la-taxe-carbone-pour-les-menages_773644

([22])  Comme évoqué par la commissaire Adina Valean lors de la réunion de la Commission TRAN du Parlement européen le 27 septembre dernier. Les débats sont accessibles en ligne : https://emeeting.europarl.europa.eu/emeeting/committee/fr/agenda/202109/TRAN?meeting=TRAN-2021-0927_1&session=09-28-09-00

([23]) Lors de réunion de la Commission TRAN du Parlement européen le 27 septembre dernier cité précédemment.

([24]) Selon les données fournies par l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) à la mission d’information.  

([25])  Selon les données fournies par l’Union des Transports Publics (UTP) à la mission d’information.

([26]) Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, « Les six impasses de la stratégie européenne de mobilité durable », Connaissance des énergies, 2021. Accessible en ligne : https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/les-6-impasses-de-la-strategie-europeenne-de-mobilite-durable  

([27]) Idem.

([28]) Ibid.

([29]) Ce point sera abordé plus en détail dans la partie consacrée au secteur routier.  

([30])  Dans son discours à l’occasion du centenaire de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) en 2019.

([31])  Paradoxalement, parmi les différents modes de transports étudiés par Trésor Eco, les poids lourds couvriraient le mieux leurs externalités à travers la taxation du carburant mais également grâce aux péages.

([32]) Damien Pichereau, Rapport, « Les véhicules utilitaires légers : Pour une meilleure régulation et des usages maîtrisés », 2018.

([33]) Tel que rapporté par l’Agence Europe au terme du premier échange de vues formel des ministres de l’Environnement des Etats membres sur le paquet Fit for 55 le 6 octobre 2021. Disponible en ligne : https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/12806/4  

([34]) Transport & Environment, « Almost two in three European city dwellers want only emisssion-free cars after 2030 : Results of a Pan-European online survey in 15 cities across 8 countries », Avril 2021.

([35])  Idem.

([36]) Les Echos, « La voiture électrique poursuit son envol sur les routes européennes », 2021. Disponible en ligne : https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/la-voiture-electrique-poursuit-son-envol-sur-les-routes-europeennes-1332425  

([37]) L’Usine nouvelle, « Cinq chiffres clés pour mesurer le boom des ventes de véhicules électriques en Europe en 2020 », 4 février 2021. Disponible en ligne : https://www.usinenouvelle.com/article/cinq-chiffres-cles-pour-mesurer-le-boom-des-ventes-de-vehicules-electriques-en-europe-en-2020.N1057379  

([38]) L’Usine nouvelle, « Cinq chiffres clés pour mesurer le boom des ventes de véhicules électriques en Europe en 2020 », 4 février 2021.

([39]) Selon les données d’un sondage conduit par YouGov, tel que rapporté par Transport & Environment, « Almost two in three European city dwellers want only emisssion-free cars after 2030 : Results of a Pan‑European online survey in 15 cities across 8 countries », Avril 2021.

([40]) Ces réflexions doivent également s’articuler sur les orientations nécessaires en matière de production d’énergie électrique y compris en traitant de l’énergie nucléaire, et des bénéfices et sujétions qu’elle emporte.

([41])  France Stratégie, « Les politiques publiques en faveur des véhicules à très faibles émissions », Mai 2018.

([42]) Cour des comptes européenne, Rapport spécial « Infrastructures de recharge pour véhicules électriques : des bornes de recharge plus nombreuses mais inégalement réparties dans l’Union, ce qui complique les déplacements », 2021.  

([43]) Selon les données de la Cour des comptes européenne, Rapport spécial « Infrastructures de recharge pour véhicules électriques : des bornes de recharge plus nombreuses mais inégalement réparties dans l’Union, ce qui complique les déplacements », 2021

([44]) Tel que rapporté par l’Agence Europe au terme du premier échange de vues formel des ministres de l’Environnement des Etats membres sur le paquet Fit for 55 le 6 octobre 2021.

([45]) Challenges, « Le « Green deal » européen doit compenser la hausse de la taxe carbone pour les ménages », 2021.

([46]) Institut Jacques Delors, Camille Defard, « A social climate fund for a fairy energy transition », Octobre 2021.

([47]) Terra Nova, « Le climat contre le capitalisme ? - L'analyse de Jean Pisani-Ferry », 1er septembre 2021. Accessible en ligne : https://tnova.fr/system/contents/files/000/002/412/original/Terra-Nova_Chronique-JPF_Le-climat-contre-le-capitalisme_010921.pdf?1630483462