N° 4600

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

relatif à la prise en compte des sujets européens dans les médias audiovisuels,

 

 

ET PRÉSENTÉ

par Mme Sabine THILLAYE

Députée

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Patrice ANATO, Philippe BENASSAYA, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, M. Julien DIVE, Mmes Coralie DUBOST, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Jean-Marie FIEVET, Alexandre FRESCHI, Mmes Maud GATEL, Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Jean-Claude LECLABART, Mmes Constance Le GRIP, Martine LEGUILLE-BALOY, Nicole Le PEIH, MM. David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Dominique POTIER, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. LE CONSTAT

A. L’Europe dans le paysage audiovisuel : le retard français

1. Une place trop réduite des sujets européens dans la grille des programmes

a. Une part insuffisante du temps d’antenne des journaux télévisés

b. Peu d’émissions exclusivement consacrées à l’actualité européenne

c. Des émissions mettant en lien les situations dans les États membres

2. Une trop faible présence des chaînes de radio et de télévision à Bruxelles

3. Une faible utilisation des images de l’actualité européenne

B. Aux origines de cette dÉfaillance : entre fausses raisons et vraies responsabilités

1. L’absence de désintérêt structurel des Français pour l’Europe

2. Une autre fausse raison : la complexité excessive de l’Union

3. La réalité : une triple responsabilité

II. LEs propositions

A. Renforcer les obligations légales de traitement des sujets européens

1. Les obligations actuellement prévues par les cahiers des charges et les contrats d’objectifs et de moyens (COM)

a. France Télévisions

b. Radio France

c. ARTE France

d. France Médias monde

2. Un renforcement notable des obligations applicables dans la perspective de la présidence française de l’Union (PFUE)

3. Les interrogations persistantes

4. Les pistes d’évolution envisageables

a. Renforcer les obligations de prise en compte des sujets européens

b. Envisager la conclusion d’une charte d’engagement

c. Mettre en place un instrument de mesure des sujets européens

B. Créer un véritable statut des journalistes spécialisés dans les affaires européennes

1. Renforcer la formation des journalistes aux affaires européennes

a. Généraliser les modules de formation aux questions européennes

b. Organiser un concours entre écoles de journalisme européennes

c. Réfléchir à l’institution d’une école européenne de journalisme

d. Offrir de nouvelles opportunités de formation continue

e. Créer un Erasmus des journalistes

2. Assurer une meilleure visibilité des journalistes spécialisés dans les affaires européennes

a. Organiser un prix européen du journalisme

b. Instituer un statut de « journaliste européen »

3. Renforcer les moyens de travail des journalistes

a. L’amélioration des moyens mis à disposition des correspondants à Bruxelles

b. Une meilleure mobilisation des financements octroyés par la Commission

c. L’institution d’un lieu réservé aux journalistes européens

4. Inciter les journalistes à mieux prendre en compte les sujets européens

C. RéflÉchir à de nouvelles formes d’information sur les questions européennes

1. Mettre en scène la vie politique européenne

2. Renforcer le contrôle parlementaire des affaires européennes

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE

Annexe  2 : EXEMPLES D’ÉMISSIONS pÉdagogiques DANS LES ÉTATS MEMBRES sur l’union européenne


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le silence des chaînes françaises de télévision autour du discours sur l’état de l’Union prononcé le 16 septembre 2020 par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait figure d’électrochoc : il a brutalement rappelé les graves lacunes de la couverture de l’actualité européenne par les médias audiovisuels français.

Alors que le discours prononcé faisait d’importantes et souvent audacieuses propositions sur les objectifs climatiques de l’Union pour 2030, le financement du plan de relance, la perspective d’une Europe de la santé, les questions migratoires ou la souveraineté numérique, il n’a été diffusé sur aucune chaîne d’information en continu, ni fait l’objet d’aucun sujet dans les journaux télévisés de TFI et de France 2.

Cette situation était largement propre à la France. Dans le cadre de ce rapport, les ambassades françaises dans les États membres ont été interrogées sur la façon dont ce discours avait été traité par les médias de leur pays de résidence. De manière générale, il avait été bien mis en valeur faisant parfois la une des journaux télévisés. Dans les pays du nord (Danemark, Suède…), il s’est même retrouvé au centre de débats politiques intenses en raison de la proposition de légiférer sur la question des salaires minimums.

Lors de son audition par notre commission le 17 septembre 2020, le secrétaire d’État aux affaires européennes, Clément Beaune, s’est ému de l’absence d’écho donné par les médias français à l’intervention d’Ursula von der Leyen regrettant qu’elle ait été considérée comme un « non-événement ». Lors de son audition ultérieure par la commission des affaires européennes, le 20 octobre 2020, il a indiqué qu’une réunion se tiendrait prochainement, autour du Premier ministre et de la ministre chargée de la communication, avec les acteurs des médias publics et privés pour réfléchir aux moyens d’améliorer l’information sur l’Europe. Quelques jours plus tard, une tribune était publiée par le Mouvement Européen-France et l’association des journalistes européens, présidée par Véronique Auger, faisant plusieurs propositions afin d’améliorer la prise en compte des sujets européens par les médias (« Accordons à l’Europe la couverture médiatique qu’elle mérite », Les Échos, 3 novembre 2020).

Le traitement réservé par les médias français au discours de la Présidente de la Commission ne saurait être considéré comme un incident ponctuel relevant d’une erreur d’appréciation. Francis Donnat, alors secrétaire général de France télévision a relaté lors de son audition combien il avait été surpris en écoutant le journal télévisé de France 2 que ce discours ne fut pas évoqué et comment le rédacteur en chef qu’il avait appelé pour lui faire part de son étonnement était désolé de cet « oubli ».

En réalité, outre que France Télévisions n’était pas seul en cause, d’autres épisodes ont mis en évidence une négligence des médias français vis-à-vis de l’actualité européenne : le vote d’investiture d’Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, le 16 juillet 2019 n’avait été évoquée par aucune grande chaîne de télévision française, la nouvelle ayant été occultée par celle de la démission de François de Rugy de ses fonctions de ministre de l’écologie ; la proposition le 27 mai 2020 par la Commission européenne d’un plan de relance de 750 milliards d’euros a fait l’ouverture des journaux télévisés allemands, mais a été à peine abordée au journal de France 2 ; en juillet et en août 2020, lorsque la Commission européenne a fait savoir qu’elle entamait ses premiers échanges avec les laboratoires pour l’achat groupe de vaccins, cette annonce n’a été relayée par aucun journal télévisé.

Ces oublis ne doivent, certes, pas occulter que la couverture médiatique des élections européennes de 2019 avait été satisfaisante avec plusieurs reportages et émissions de formats divers consacrés au scrutin (120 heures au total sur France Télévisions) et une retransmission en direct sur France info du débat entre têtes de liste pour la présidence de la Commission européenne organisé par l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER).

Toutefois, une fois le cap de cette échéance électorale passée, l’information l’Europe est retombée à son étiage habituel alors que d’autres évènements tirés de l’actualité européenne peuvent être bien plus importants pour l’évolution de l’intégration entre États.

Ce désintéressement des médias français n’est en rien un phénomène nouveau. Elle avait été précisément analysée dans un rapport remis au Premier ministre en juin 2005 par notre collègue Michel Herbillon dont l’objet était toutefois plus large puisqu’il portait sur les moyens de développer l’information des Français sur l’Europe (La fracture européenne, La documentation française, novembre 2005). D’importantes études ont depuis été publiées, notamment par Théo Verdier pour le compte de la fondation Jean Jaurès afin de mesurer le traitement de l’actualité européenne par les principaux médias français et identifier des actions susceptibles de l’améliorer.

Il est toutefois apparu nécessaire de reprendre une nouvelle fois ce sujet pour deux séries de raisons.

La première est l’approche de la présidence française de l’Union au 1er semestre 2022 qui nécessite la prise de mesures, en liaison avec la profession, afin que cette présidence bénéficie de toute la couverture médiatique qu’elle mérite. En même temps, cette présidence constitue une opportunité unique pour mettre en œuvre des solutions innovantes susceptibles d’améliorer le traitement médiatique des affaires européennes et d’être ensuite pérennisées. Est-ce pour cette raison que le discours de Mme von der Leyen sur l’état de l’union en date du 15 septembre de cette année a reçu un meilleur écho ? De fait, il a fait l’objet d’un court reportage dans le journal du soir de France télévisions (mais sous l’angle uniquement des évènements en Afghanistan et de l’Europe de la défense) et a été largement retransmis sur France info.

L’autre motif est que l’insuffisante européanisation de la grille de programmes des chaînes françaises qui constitue une source de fragilité pour la démocratie européenne. Elle crée une fracture entre les catégories les plus éduquées – qui s’informent sur son actualité via la presse écrite – et le reste de la population pour lequel les médias audiovisuels sont la source principale d’information. Elle alimente l’image d’une Europe lointaine et technocratique qui impose des solutions au lieu d’être à l’écoute des attentes de la population.

C’est dans cette double perspective que la commission des affaires européennes a engagé la réalisation de ce rapport. Il portera sur les chaînes publiques et privées de radio et de télévision avec un focus plus particulier sur la télévision parce qu’il est, pour 61 % des Français, le moyen privilégié pour suivre l’actualité européenne[1].

La situation de la presse écrite sera pour l’essentiel laissée de côté car la manière dont elle traite les sujets européens s’est notablement améliorée depuis une vingtaine d’années. La presse quotidienne nationale couvre de manière satisfaisante l’actualité européenne. Le positionnement européen de la presse régionale est toutefois plus fragile en raison des difficultés rencontrées à mettre en évidence les liens pourtant nombreux entre l’échelon local et le niveau européen. De même, le format magazine de la presse hebdomadaire exige des angles d’attaque attractifs et narratifs qui ne sont pas toujours adaptés au traitement de l’actualité européenne.

L’analyse des programmes de télévision et de radio se fera en distinguant plusieurs niveaux de lecture : l’actualité, la pédagogie et l’interculturel. Deux types de sujets sont cruellement absents des écrans de télévision et des ondes radio :

– le traitement des nouvelles émanant des institutions européennes et portant sur l’activité de l’Union. Cette actualité dite « verticale » portant sur les initiatives prises par le système européen et les textes adoptés est mal prise en compte par les chaînes d’information en continu ou les médias généralistes ;

– la pédagogie sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il existe très peu, mais cela n’a rien d’étonnant, de sujets ou d’émissions expliquant la manière dont le système institutionnel est organisé et la décision prise au niveau européen.

En revanche, les sujets d’actualité européens plus « horizontaux » portant sur des faits politiques, sociaux, culturels ou économiques (la crise sanitaire, le Brexit, la crise des migrants, la lutte contre le réchauffement climatique…) s’invitent plus régulièrement à l’ordre du jour des journaux télévisés et radiophoniques. Le traitement de ces sujets fait souvent place à une analyse comparative de la situation et des différences de comportement des populations des États membres. Cette européanisation d’un pan de plus en plus important de notre actualité quotidienne traduit deux phénomènes importants : l’interdépendance des pays européens face à des défis transnationaux qui les dépassent ; l’intérêt croissant que nous portons à ce qui se passe dans les autres pays ainsi qu’aux modes de vie et de pensée des autres peuples européens (ce que l’on peut appeler l’interculturalité européenne).

Cette distinction renvoie elle-même aux trois définitions que l’on peut donner de l’Europe : un système institutionnel particulier sans équivalent dans le monde (souvent désigné sous le vocable de « Bruxelles »), un projet politique visant une intégration plus étroite entre États membres ; une entité culturelle qui plonge ses racines dans l’histoire de notre continent (l’Europe des cathédrales, la Renaissance…).

 


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I.   LE CONSTAT

A.   L’Europe dans le paysage audiovisuel : le retard français

L’européanisation du paysage audiovisuel français doit s’apprécier sous le double prisme de la place des sujets européens dans la grille des programmes et de l’importance des effectifs de journalistes accrédités auprès des institutions européennes

1.   Une place trop réduite des sujets européens dans la grille des programmes

a.   Une part insuffisante du temps d’antenne des journaux télévisés

Un ratio global insatisfaisant

Dans une publication faite en mars 2019 pour le compte de la Fondation Jean Jaurés (« L’Union, grande absente des journaux télévisés »), Rémy Broc et Théo Verdier ont démontré que les journaux télévisés traditionnels avaient consacré, sur l’année 2018, seulement 2,7 % de leurs sujets à l’actualité de l’Union.

Ce constat était confirmé par une étude ultérieure réalisée par les deux auteurs et Rémi Lauwerier sur les années 2016 et 2017 : l’actualité propre à l’Union n’a représenté sur cette période que 3 % du temps d’antenne global des radios nationales, des chaînes d’information en continu et des journaux télévisés traditionnels (« Renforcer l’information des Français sur l’Union européenne : le défi du cycle européen 2019-2024 », Fondation Jean Jaurès, décembre 2019).

L’étude faisait apparaître d’importantes disparités entre les différents types de médias.

La radio ne consacre ainsi que 1,8 % de son temps d’antenne à l’actualité de l’Union. Figurent en tête du classement Europe 1 et France Inter avec des ratios de respectivement 2,3 et 2,2 %.

Les chaînes d’information en continu et les JT traditionnels se situent à un ratio moyen de 3,4 % mais ce résultat doit tenir compte, comme le relèvent les auteurs, des performances particulières de France 24, en tant que chaîne d’information en continu (6,3 %) et d’Arte Journal au titre des JT traditionnels (9,3 %). Si l’on retirait ces deux médias des données étudiées, les trois chaînes privées d’information en continu (LCI, BFM-TV et CNews) se situeraient à un ratio de 2,5 % du temps d’antenne dédié aux affaires européennes et les journaux télévisés de quatre chaînes généralistes (TF1, France 2, France 3 et M6) à 1,9 %.

Enfin, dans une troisième étude de Fanny Hervo et Théo Verdier consacrée aux années 2015 à 2020 mais centrée sur les seuls journaux télévisés des cinq chaînes généralistes (TF1, France 2, France 3, M6 et Arte), la part des sujets européens est évaluée à 3,6 % avec deux pics à 4,8 % en 2014 et 2019, années d’élections européennes (« Élections européennes et Covid-19 : quelle visibilité de l’Union européenne dans les journaux télévisés ? », INA et Fondation Jean Jaurès, 05-2021). En d’autres termes, pour une heure de journal d’information diffusée sur les radios et télévisions nationales, 2 minutes et 10 secondes en moyenne concernent l’Union européenne et son actualité.

Ces résultats divergent toutefois fortement en fonction des chaînes. Arte Journal se situe en tête avec un ratio de 11,6 %, suivi de loin par le journal de France 2 (3,7 %), par le 19/20 de France 3 (2,5 % du contenu consacré aux sujets européens qui pourtant devrait informer les citoyens de l’actualité européenne ayant un impact direct sur leur vie quotidienne), par le journal de TF1, le plus regardé de France, dont seulement 2,2 % du contenu traite de l’actualité européenne et, fermant la marche, par celui de M6 (1,8 %).

 

Une étude complémentaire réalisée par la commission des affaires européennes

 

Une étude a été conduite par le secrétariat de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur les journaux télévisés de onze chaînes audiovisuelles publiques françaises (RTL, ARTE, RFI, Europe 1, France inter, France info, France 24, France 5, France 3, France Télévisions, TF1) sur une période de quinze jours au mois de mai afin de mesurer la part des thèmes se rapportant à l’actualité de l’Union européenne ou celle des États membres.

 

Sur 154 journaux télévisés analysés, cette étude fait apparaître que 77 sujets ont été consacrés à l’Union européenne ou à ses États membres à titre principal ou non principal (avec une nette prédominance des thèmes liés à la crise sanitaire). Sur un total d’environ 1 500 sujets traités, cela représente un taux de sujets européens d’environ 5 %. Ce résultat est un peu supérieur à celui constaté par les études précédentes mais cela s’explique aisément par le contexte pandémique.

 

La situation est très hétérogène selon les médias étudiés. Ainsi, la chaîne ARTE se place largement en tête avec 19 sujets européens, suivie de RFI et France 24 (11 sujets chacun). Europe 1 et RTL arrivent en dernière position avec respectivement 2 et 3 sujets relevant de l’une de ces quatre catégories.

 

Une couverture en apparence plus satisfaisante mais souvent biaisée en période d’élections ou de crise européennes

L’étude de Fanny Hervo et Théo Verdier fait également apparaître, comme cela a déjà été relevé, que les élections européennes sont de plus en plus relayées à la télévision, le nombre de sujets portant sur ces élections étant passé de 296 à 425 entre 2014 et 2019 (soit une hausse de près de 46 %).

De même, le Conseil européen de juillet 2020 – qui a permis à l’issue de quatre jours de réunion d’adopter le plan de relance européen – a été couvert par de nombreux reportages dans les journaux télévisés – sans toutefois que les chaînes françaises aillent aussi loin que, par exemple, la ZDF, deuxième chaîne de télévision généraliste publique en Allemagne, qui a diffusé plusieurs émissions spéciales à la suite de son journal télévisé de 19 heures.

Le mal endémique de l’information sur l’Europe a souvent été souligné : une offre de reportages abondante pendant les échéances électorales ou les crises européennes qui retombe à un niveau très faible en temps « ordinaire ». Ces effets de « yo-yo » alimentent l’image d’une Union européenne impuissante face à des défis qui la dépassent ou réduite à la proclamation d’intentions de faire jamais suivies d’effets.

Comme indiqué par une journaliste auditionnée, c’est dans ces « espaces d’oubli » que le combat pour une information pérenne sur l’Europe doit être mené.

Ce combat est d’autant plus nécessaire que l’étude de Fanny Hervo et Théo fait apparaître, par exemple, que la couverture médiatique de la crise sanitaire est restée très centrée sur l’horizon national. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’une large place soit donnée dans les journaux télévisés aux aspects européens d’une crise qui a touché tous les pays du continent, nos deux auteurs ont au contraire diagnostiqué une baisse drastique en 2020 de la couverture des affaires européennes dans les journaux télévisés. Les journalistes se sont certes intéressés à l’impact économique de l’épidémie, à la réponse budgétaire européenne, à la question de la mobilité des personnes ou à la stratégie vaccinale de l’Union (avec par exemple, un passage au journal télévisé de 20 heures de TF1 de Thierry Breton fin mars 2021) mais dans des proportions bien moindres que ce à quoi on aurait pu s’attendre.

Ainsi, des aspects importants de l’action européenne sont restés absents de nos écrans comme la première phase de la stratégie vaccinale de l’Union pendant laquelle la Commission a financé la recherche et entamé les premières négociations en vue de la passation de commandes : les médias n’ont commencé à s’intéresser à cette stratégie vaccinale que beaucoup plus tard, une fois les retards de livraison constatés. L’image d’une Union européenne toujours en retard d’une crise a pu ainsi se trouver une nouvelle fois confirmée !

b.   Peu d’émissions exclusivement consacrées à l’actualité européenne

Les émissions exclusivement consacrées à l’actualité européenne

Conformément à son cahier des charges, Radio France international consacre plusieurs émissions à l’Union européenne :

-         « Carrefour de l’Europe » présenté chaque dimanche pendant 50 minutes autour d’un débat sur un thème européen ;

-         « Européen de la semaine » qui est le portrait chaque semaine par les journalistes de la rédaction Europe, pendant 3 à 4 minutes, d’une personnalité européenne au cœur de l’actualité politique, économique ou culturelle ;

Deux chroniques hebdomadaires sur France Inter sont dédiées aux questions européennes : « Le vrai / faux de l'Europe » de Delphine Simon et « Café Europe », de Stéphane Leneuf. Mais comment ne pas regretter la déprogrammation à la rentrée 2019 du « Téléphone sonne Europe » qui était une émission phare emblématique de l’engagement européen du groupe Radio France ?

Chaîne de télévision française d'information internationale en continu, France 24 diffuse deux fois par semaine pendant 20 minutes, « Ici l’Europe » qui consiste en l’interview d’une personnalité européenne par Caroline de Camaret suivie d’un débat entre députés européens.

Deux émissions importantes de France info couvrent les questions européennes. Il s’agit de :

-         « La faute à l’Europe », émission hebdomadaire de 30 minutes animée par Yann-Antony Noghès, Kattalin Landaburu (France 24) et Jean Quatremer (Libération). L’équipe reçoit un invité et propose plusieurs points de vue sur l'actualité européenne : la France vue d'Europe, les coulisses de l'Europe, ainsi qu’un édito de Jean Quatremer ;

-         « Drôle d’Europe » qui est une émission hebdomadaire de six minutes animée par Caroline de Camaret et centrée sur un thème européen à partir d’une interview d’un expert et de mini-reportages.

Enfin, l’émission Vox pop sur ARTE, présentée par Nora Hammadi, procède chaque semaine, pendant 30 minutes, à un tour d’horizon des débats qui agitent l’Europe à partir d’enquêtes sur la société européenne et de discussions entre personnalités.

L’absence de rendez-vous récurrents consacrés à l’Europe sur les grandes chaînes généralistes

Aucune des chaînes privées, TF1 et M6, ne prévoient dans leurs grilles de programmes d’émissions spécifiquement à l’Union européenne ou ses États membre – ce qui n’a rien pour surprendre.

C’est également le cas pour France 2 et le fait est plus étonnant.

Il convient toutefois de noter que la chaîne publique a consacré quelques émissions spéciales à des heures de grande écoute à l’Union européenne et ses problématiques. Le 6 mai dernier a été ainsi diffusé en prime time un remarquable documentaire sur les coulisses du Conseil européen pendant les premiers mois de la présidence de Charles Michels, suivie d’une interview de ce dernier (« Bruxelles, ton univers impitoyable »). Il convient de préciser que cette émission est la version courte d’une série plus longue produite par La chaîne parlementaire de l’Assemblée nationale (LCP-AN). Ce documentaire n’a toutefois attiré que 900 000 téléspectateurs contre près de 10 millions pour une série diffusée sur TF1.

Précédemment, le 16 avril 2020 à 21 heures, France 2 avait diffusé « #EtAprès : la grande émission des Européens », présenté par Julian Bugier, qui mettait en avant les solutions imaginées par les citoyens pour préparer le monde européen d’après avec, en clôture, une interview d’Ursula von der Leyen.

Dans le même esprit, France 3 a programmé, à l’occasion de la Journée de l’Europe du 3 au 9 mai 2021, une semaine d’échange où les 13 antennes régionales ont donné la parole aux citoyens.

L’exemple donné par les autres pays européens

Certains États membres sont plus audacieux et n’hésitent pas à programmer des émissions pédagogiques consacrées à l’Union européenne sur les chaînes publiques (voir l’annexe 2 du présent rapport). Comme exemples, il est possible de citer au Portugal l’émission hebdomadaire Europe Minha, en Belgique le Maxi-Bar de l’Europe qui est une discussion non conventionnelle sur les sujets européens faisant débat, en Italie Caffé Europa sur la RAI qui cherche à expliquer aux jeunes de manière pédagogique le fonctionnement de l’Union et en Hongrie Unió27 portant sur les coulisses de la prise de décision dans l'Union.

On relèvera plus particulièrement que la ZDF allemande diffuse chaque jour à 16 heures l’émission Heute in Europa qui explore différents thèmes d’actualité générale dans une dimension comparative (la gestion du Covid, les retraites, le bilan de la présidence allemande…). Cette émission traite de politique, mais du fait de la programmation durant l’après-midi, elle s’adresse au grand public.

c.   Des émissions mettant en lien les situations dans les États membres

Un nombre difficile à évaluer de reportages est consacré à des analyses croisées de la situation politique, culturelle ou économique dans d’autres États membres. L’intérêt des téléspectateurs et des auditeurs pour l’actualité de leurs voisins s’est accru ces dernières années. Cette évolution a été confortée par la crise sanitaire, durant laquelle les médias ont largement évoqué les actions développées par les pouvoirs publics dans d’autres États membres et la situation des systèmes de santé.

Quelques émissions périodiques, limitées à Radio France internationale et France 24, cherchent à approfondir cette approche interculturelle comparative à partir de reportages de terrain ou d’interventions de correspondants :

-         « L’Europe dans tous ses états », diffusée pendant 20 minutes chaque dimanche à 14 heures sur France 24, en partenariat avec le Parlement européen. L’émission présentée par Caroline de Camaret est faite de reportages dans les États membres et de rencontres avec des jeunes et des eurodéputés ;

-         « Bonjour l’Europe » qui voit chaque jour à 7 heures 45, pendant 3 à 4 minutes, un correspondant de Radio France international en Europe raconter la société de son pays (les Britanniques abolissent la chasse à courre, les Belges légalisent l’euthanasie active, les Russes organisent une foire de millionnaires…) ;

-         « Accents d'Europe » sur Radio France international, présentée par Frédérique Lebel, Juliette Rengeval et Léa-Lisa Westerhoof, qui relate le quotidien des Européens chaque jour du lundi au vendredi.

Il convient également de mentionner l’Eurovision, retransmis tous les ans sur France 2, qui est l’un des évènements les plus populaires et fédérateurs en Europe (180 millions de téléspectateurs en Europe, dont 5 sur la chaîne publique française).

Deux émissions sont particulièrement emblématiques de ce type d’approche transversale, centrée sur les comparaisons entre pays européens.

La première est le magazine « Nous les Européens », présenté par Francis Letellier et diffusé le dimanche à 10 heures 45 sur France 3, ainsi que le jeudi en fin de soirée sur France 2. Il consiste en un grand reportage complété par l’intervention d’invités sur un thème relatif à la vie des Européens (le burn-out parental en Allemagne, l’avion de demain, les nouvelles tactiques pour le plastique…).

La seconde est l’émission Regards d’Europe, diffusée par ARTE depuis 2017 du lundi au vendredi à 13 heures et disponible à tout moment sur le net. Il s’agit de reportages quotidiens montrant l’Europe dans sa diversité.

Toutefois, l’audience n’est pas toujours au rendez-vous de ces émissions.

2.   Une trop faible présence des chaînes de radio et de télévision à Bruxelles

Un autre constat qui s’impose est celui du faible nombre de journalistes français accrédités auprès des institutions européennes par rapport aux médias des autres États membres : douze pour la France contre quarante pour l’Allemagne comme le montre le tableau ci-après.

Francis Donnat, alors secrétaire général de France Télévisions, s’est félicité lors de son audition que France 2 ait pu conserver son bureau permanent à Bruxelles en dépit des pressions de la Cour des comptes pour une diminution des coûts. Toutefois, l’effectif de cette structure est bien inférieur à celui des chaînes publiques allemandes : France 2 ne compte qu’un journaliste accrédité à Bruxelles contre 15 pour l’ARD (première chaîne publique allemande), 14 pour la Deutsche Welle (service international de diffusion de l’Allemagne) et 6 pour la ZDF (deuxième chaîne publique allemande).

Ni TF1, ni Cnews ne disposent de correspondants permanents à Bruxelles (TF1 recourt en cas de nécessité à un pigiste qui couvre également la région de Lille) ! En réalité, ces chaînes ont fait le choix de traiter de manière assez irrégulière l’actualité européenne sous forme de reportages en négligeant l’actualité « chaude ».

 

Nombre de journalistes (hors techniciens) accrédités à Bruxelles

France

France 24

4

ARTE

2

Monte Carlo Douaya

2

BFM TV et radio

1

Europe 1

1

FR 3

1

France 2

1

Total

12

Allemagne

ARD

15

BAYERISCHER RUNDFUNK

3

DEUTSCHE WELLE

14

HESSISCHER RUNDFUNK

2

MITTELDEUTSCHER RUNDFUNK

1

SÜDWESTRUNDFUNK (SWR)

1

SWR

1

ZDF

6

Total

40

Italie

La7

1

NEWSMEDIASET

2

RAI

4

SKY TG24

1

Total

8

(source : Commission européenne)

3.   Une faible utilisation des images de l’actualité européenne

À ce déficit structurel s’ajoute une faible utilisation des images de l’actualité européenne par les médias audiovisuels français : alors que 150 reportages en neuf mois ont été consacrés à l’Europe sur France 2, ce chiffre s’élève à près de 2 100 pour la Rail Uno (Espagne) et 1 500 pour l’ARD allemande, soit un niveau dix à quinze fois plus élevé.

Le tableau ci-dessous retrace les durées d’images mises à la disposition des médias français par la Commission européenne. Le constat est saisissant : en 2021, 83% des images ont été utilisées par quatre chaînes (France 24, LCP, Russia today et France info) pour une durée totale de 321 heures. France 2 a utilisé 3h15 d’images européennes, M6 35 minutes et TF1…14 minutes.

Répartition de l’utilisation des images mises à disposition des médias
basés en France

Nombre d’heures
utilisées par chaînes

2019

2020

2021

France 24

40:48:05

80:50:35

108:36:07

LCP

59:29:24

85:17:12

92:54:22

Russia Today France

19:58:47

45:12:55

60:34:53

France info YTS

15:54:23

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Enfin, et ce fait a été indiqué par les journalistes habitués à fréquenter les institutions européennes, les conférences de presse à Bruxelles sont désinvesties par les médias français.

B.   Aux origines de cette dÉfaillance : entre fausses raisons et vraies responsabilités

1.   L’absence de désintérêt structurel des Français pour l’Europe

Selon une thèse très largement répandue, les Français ne s’intéresseraient pas à l’Europe. Selon l’adage répandu dans les rédactions (« parler d’Europe, c’est faire chuter l’audimat »), aucune émission consacrée aux enjeux de la construction européenne ne serait susceptible de susciter leur intérêt.

Cette thèse est très largement démentie par les faits.

Comme en témoignent les enquêtes d’opinion, les Français ont un attachement de principe fort pour la construction européenne qui s’est renforcé avec le Brexit. Ils étaient, en 2016, 59 % à estimer que l’appartenance de leur pays à l’Union est une bonne chose contre 52 % en 2013 (sondage de l’institut CSA pour le journal La Croix, juillet 2016). Le taux de participation lors des dernières élections européennes de 2019 a connu une hausse sans précédent de plus de 8 points par rapport aux élections de 2014.

Les Français sont également – et c’est logique, l’un étant la conséquence de l’autre – un des peuples européens les plus méfiants vis-à-vis de la construction européenne. Selon une enquête réalisée en novembre 2018 par la Commission européenne, ils ne sont que 56 % à considérer que l’Union européenne est démocratique tandis que 58 % déclarent ne pas lui faire confiance. Un tel score place la France à l’avant dernière place des États membres.

Toutefois, les Français s’estiment pour 55 % d’entre eux mal informés des questions européennes (sondage de l’institut ViaVoice pour le compte du Mouvement Européen – France, mars 2020). Ce résultat confirme une précédente étude réalisée en novembre 2017 par la Commission européenne à l’échelle des vingt-huit : si 42 % des citoyens européens s’estiment bien informés sur le sujet, ils ne sont que 26 % à se juger comme tel en France. Un tel score nous place en dernière position : les Français sont le peuple qui se juge le plus mal informé sur l’Union européenne des vingt-sept États membres !

En même temps, les Français souhaitent très majoritairement être mieux informés sur l’Europe. Selon l’enquête Eurobaromètre du Parlement européen, les Français sont à 77 % désireux d’obtenir davantage d’informations sur les activités des institutions européennes. Cette demande est particulièrement forte au sein des nouvelles générations sur certains thèmes, principalement la lutte contre le changement climatique (32 % des répondants) ainsi que la lutte contre la pauvreté (31 %), le terrorisme et le chômage (24 %).

L’intérêt des Français pour l’Union européenne et ses développements est donc fort mais il ne les porte pas vers les aspects institutionnels. Ce qui les intéresse, c’est le fonctionnement concret des politiques européennes. Une proposition faite par la Commission met dix mois en moyenne à franchir l’étape de son adoption par le Conseil et le Parlement européen et une fois adopté, le texte doit ensuite être transposé dans les États membres. Comme les journalistes rencontrés me l’on dit, il est bien difficile dans ces conditions d’intéresser aux annonces faites par la Commission des téléspectateurs et les auditeurs avides de savoir quel sera l’impact des mesures prises au niveau européen sur leur vie quotidienne.


2.   Une autre fausse raison : la complexité excessive de l’Union

Un autre argument très souvent entendu est que l’Union européenne reposerait sur un système institutionnel complexe et insuffisamment incarné qui serait impossible à décrypter pour les citoyens.

Cet argument repose sur une réalité incontestable mais sa portée doit être relativisée.

Il est exact que l’Union européenne est une organisation qui n’est pas comparable aux régimes politiques nationaux avec une Commission dotée de prérogatives « gouvernementales » (dont celui de faire des propositions législatives) mais non directement issue des élections, un Parlement européen qui représente les citoyens mais n’est pas organisé comme les parlements nationaux en une majorité et une opposition et un Conseil européen qui joue un rôle d’orientation majeur dans les affaires de l’Union mais dans des conditions d’opacité.

Les journalistes rencontrés ont été plusieurs à souligner les difficultés à rendre compte visuellement des réunions du Conseil européen lorsque les seules images disponibles sont celles de ballets de voitures officielles, de façades de bâtiments et de salles de réunion vides[2]. Dans ce système polycentrique, il n’y a pas de pouvoir politique incarné mais plusieurs hauts responsables (présidente de la Commission européenne, président du Conseil européen, Haut représentant…) que les citoyens ont du mal à identifier et dont ils ne comprennent pas les attributions. Les données relevées par Fanny Hervo et Théo Verdier font ainsi apparaître que les principaux décideurs européens n’apparaissent que dans 9,6 % des sujets traitant en 2019 et 2020 de l’actualité européenne, la présidente de la Commission étant la plus visible d’entre eux.

Pour autant, la complexité n’est pas en elle-même un obstacle à la médiatisation de la sphère européenne. Le mode de scrutin et les règles de désignation du vainqueur des élections américaines échappent à toute possibilité de compréhension logique et pourtant, les Français se sont passionnés pour leur déroulement. Les médias français ont engagé pour suivre ces élections des moyens (séquences spéciales, soirées électorales…) bien plus importants que pour les élections européennes, ce qui est quand même un comble !

On nous répondra que cette différence de traitement tient à la dramaturgie exceptionnelle qui a porté les élections américaines. Il est certain que le système des Spitzenkandidaten fait moins rêver que le processus électoral américain avec ses salles pleines, ses drapeaux qui s’agitent, ses shows à l’américaine et ses affrontements comme celui entre Donald Trump et Joe Biden.

Comme nous le verrons, il n’y a toutefois aucune fatalité à ce que la vie politique européenne n’atteigne pas un tel degré de médiatisation.

3.   La réalité : une triple responsabilité

Ce défaut de couverture médiatique est en réalité le résultat d’un faisceau de responsabilités.

Responsabilité des institutions européennes qui ne font pas l’effort nécessaire pour donner de leur action une image transparente et positive auprès des médias et du grand public.

L’exemple m’a été cité de TF1 qui souhaitait, à l’occasion de la nomination d’Ursula von der Leyen, suivre cette dernière pendant quelques jours pour un reportage, ce qui lui a été refusé. La conséquence est que son vote d’approbation par le Parlement européen a été passé sous silence dans le JT de la première chaîne comme ceux des autres chaînes.

Autre exemple, celui de la réunion inaugurale de la Conférence sur l’avenir de l’Europe le 19 juin dernier qui s’est résumé à une suite de discours officiels sans possibilité pour les jeunes présents dans l’hémicycle du Parlement européen d’interroger les intervenants alors que c’est l’objet de cette conférence que de donner la parole aux citoyens. Faute d’images attractives, cette réunion importante qui marquait le coup d’envoi d’un processus auquel la France attache une grande importance n’a pu faire l’objet de reportages d’actualité dans les médias !

Responsabilité de la classe politique française qui n’en fait pas assez pour rendre visibles les enjeux européens vis-à-vis de nos concitoyens. Obnubilée par les enjeux de politique nationale, elle néglige les enjeux européens (comme en témoigne par exemple la quasi-absence de tout débat sur l’Europe en séance publique à l’Assemblée nationale). Et lorsqu’elle en parle, le discours tenu oscille entre plusieurs tentations déviantes : celle de faire de l’Union le bouc émissaire des difficultés du pays, celle de présenter l’Union comme un instrument au service de la grandeur et l’influence de la France selon une approche trop centrée sur l’aspect national qui ne rend pas compte du sens profond de la construction européenne. Un tel constat ne saurait évidemment s’appliquer à l’actuel Président de la République qui tient un discours très positif sur l’Europe au point d’en faire une dimension essentielle de son action.

Responsabilité des responsables des médias qui mettent peu de moyens dans le traitement des sujets européens.

Sont particulièrement en cause les rédacteurs en chef des journaux télévisés (le plus souvent issu des services de politique intérieure) et les responsables des programmes qui se répètent comme un mantra que l’Europe n’intéresse pas les Français et qu’en parler fait chuter l’audimat.

Dans toutes les rédactions, les journalistes spécialisés dans les affaires européennes ne font pas partie des services « France » ou « Politique » : ils sont rattachés aux services « Affaires étrangères » comme si dans l’esprit des responsables de rédaction, il était acquis que les affaires européennes sont déconnectées des questions intérieures.

Le défi pour les journalistes est donc de combler leur manque général de connaissance sur le système européen souligné par beaucoup d’observateurs et, pour peu qu’on leur en donne les moyens, de faire l’effort de formation nécessaire pour combler ce déficit.

Ce tropisme « franco-français » qui aboutit à donner la priorité à l’actualité parisienne n’impacte pas que la seule sphère européenne : c’est toute l’actualité internationale qui a vu sa part se réduire dans l’activité des rédactions comme en témoigne la fermeture de nombreux bureaux des médias français à l’étranger. Comme l’a souligné un journaliste, les journaux télévisés ont tendance depuis la fin des années quatre-vingts à négliger l’actualité diplomatique pour se recentrer sur la couverture des évènements internationaux les visibles et marquants (guerres, accidents, actes terroristes, enlèvements…). Ce traitement en « faits divers » de l’actualité internationale joue bien entendu en défaveur de l’Union européenne dont l’activité se prête peu au spectaculaire.

II.   LEs propositions

Trois séries de propositions peuvent être formulées selon qu’elles portent sur le renforcement du cadre réglementaire applicable aux chaînes publiques de radio et de télévision, l’institution d’un véritable statut des journalistes spécialisés dans les affaires européennes ou une meilleure communication et information sur les questions européennes.

A.   Renforcer les obligations légales de traitement des sujets européens

1.   Les obligations actuellement prévues par les cahiers des charges et les contrats d’objectifs et de moyens (COM)

Le service public de l’audiovisuel, constitué autour de cinq entreprises, France Médias monde, France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), peut avoir des obligations de diffusion de programmes européens découlant des cahiers des charges et des contrat d’objectifs et de moyens (COM) conclus avec l’Etat. Toutefois, ces obligations étaient jusqu’à la conclusion de nouveaux COM pour la période 2020-2022 assez lacunaires.

a.   France Télévisions

Des obligations largement définies dans le cahier des charges

L’article 16 du cahier des charges du groupe France Télévisions, issu du décret du 23 juin 2009, prévoit de manière très complète que le groupe doit intégrer la dimension européenne :

-         dans l’ensemble de ses programmes (documentaires, fictions, jeux, spectacles vivants, etc.),

-         dans des émissions spécifiquement consacrées à l’Europe (programmes courts, émissions régulières ou correspondant à des évènements européens, etc.),

-         dans des journaux et magazines d’information qui accordent une large place à la connaissance des enjeux communautaires et à l’expression d’une identité européenne.

Afin de renforcer les liens entre les citoyens européens, France Télévisions doit diffuser des reportages ou des témoignages sur les modes de vie, les pratiques culturelles et les modèles socio-économiques de nos voisins.

Dans le but de favoriser une meilleure compréhension du fonctionnement démocratique des institutions européennes, la société doit s’attacher à évoquer les institutions européennes et notamment du Parlement européen ainsi que les réalisations, les innovations et les apports particuliers des différents pays de l’Union européenne.

Dans son article 14, le cahier des charges fait obligation à France TV de consacrer « plusieurs rendez-vous hebdomadaires » à « l'information et aux débats politiques français et européens ».

Un contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2016-2020 plus lacunaire

En revanche, le Contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour la période 2016-2020 ne contenait aucun engagement supplémentaire relatif à la diffusion de programmes d’information à caractère européen. Jusqu’à l’entrée en vigueur du COM 2020-2022 (voir plus loin), les très ambitieuses prescriptions définies par le cahier des charges ne bénéficiaient donc d’aucune traduction concrète dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’Etat.

b.   Radio France

Ni le cahier des missions et des charges de Radio France, précisé par le décret du 13 novembre 1987, ni le Contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 du groupe radiophonique, ne comporte d’obligation relative à l’information sur l’Europe.

c.   ARTE France

La société ARTE France est chargée de concevoir et de fournir les programmes et les moyens nécessaires à l’exercice des missions du groupement européen d’intérêt économique ARTE issu du traité du 2 octobre 1990 instituant une chaîne culturelle européenne. Elle fait partie d’une structure tripolaire comprenant ARTE France, la société allemande ARTE Deutschland et le groupement européen d’intérêt économique constitué par les deux sociétés précédentes et dont le siège se trouve à Strasbourg.

Cette chaîne a donc par nature une vocation européenne, ce que traduit le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 qui lui prescrit d’accroître la nature européenne de ses programmes en développant une offre multilingue et en lançant une part importante de coproductions européennes.

d.   France Médias monde

France Médias monde réunit France 24, Radio France Internationale (RFI) et l’antenne arabophone Monte Carlo Doualiya. Défini par le décret du 25 janvier 2012, son cahier des charges prévoit que les chaînes du groupe doivent diffuser une vision rigoureuse et indépendante de l’actualité française, européenne et francophone et que France 24 doit porter une attention particulière à la construction européenne.

Le COM 2016-2020 est plus précis en demandant à France Médias Monde de poursuivre et d’intensifier ses engagements européens sur la période « au travers des dizaines de rendez-vous hebdomadaires qui permettent de décrypter, expliciter, illustrer l’Europe et débattre avec ceux qui la font à Bruxelles et à Strasbourg, mais aussi à ceux qui la vivent au quotidien ».

2.   Un renforcement notable des obligations applicables dans la perspective de la présidence française de l’Union (PFUE)

Les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l'INA pour la période 2020-2022 comprennent un nouveau paragraphe ajouté dans la perspective de la présidence française de l’Union.

Ce texte prévoit que « Dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022, il est primordial que les enjeux européens trouvent toute leur place dans les offres de l’audiovisuel public, en particulier dans les contenus d’information. L’audiovisuel public s’attachera ainsi à informer au mieux les Français, tant sur le fonctionnement de l’Union européenne et ses représentants que sur les actions qu’elle mène, l’impact de ces actions sur leur vie quotidienne et l’actualité des autres États membres. Il contribuera également à la lutte contre la manipulation de l’information sur ces sujets ».

Le COM 2020-2022 applicable à ARTE est encore plus précis puisqu’il prescrit de « parler d’Europe et montrer l’Europe sous un jour créatif » en renforçant la part de l’information et de l’actualité européenne, de « coproduire des programmes européens ambitieux » et de « mieux exposer ARTE auprès du public français et européen » à partir d’un développement du projet ARTE 6 en langues, initié avec l’Union européenne, qui met à disposition une sélection annuelle d’au moins 1 000 programmes sous-titrés en quatre langues (anglais, espagnol, italien et polonais), permettant ainsi d’atteindre 70% des Européens dans leur langue maternelle.

Surtout, le COM 2020-2022 d’ARTE comprend des indicateurs chiffrés dont l’un porte sur la part des œuvres européennes dans les œuvres diffusées, fixé à 85%.

3.   Les interrogations persistantes

Ces nouvelles dispositions sont satisfaisantes dans leur rédaction mais elles sont pour l’essentiel ciblées sur la présidence française et ne sont, en tout état de cause, applicables que jusqu’à la fin de 2022. Un doute existe ainsi sur la possibilité d’assurer leur pérennité au-delà de la PFUE.

Par ailleurs, si l’on excepte ARTE et France Médias monde qui ont des obligations européennes importantes, les autres chaînes du service public échappent à toute prescription précise de prise en compte et de mesure de la part des sujets européens dans les programmes.

Pour dire les choses autrement, les médias français n’ont aucune obligation légale sur le temps accordé à l’antenne aux sujets européens. Il s’en déduit logiquement que le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de septembre 2021 sur l’exécution des COM ne contient aucune analyse sur la part de l’Europe dans les programmes des chaînes du secteur public.

4.   Les pistes d’évolution envisageables

a.   Renforcer les obligations de prise en compte des sujets européens

Il serait en premier lieu souhaitable d’intégrer dans les contrats d’objectifs et de moyens post-2022 des obligations précises d’information des Français sur le fonctionnement de l’Union, les politiques européennes et l’actualité dans les autres États membres.

Selon une proposition portée par le Mouvement européen, une telle disposition devrait être adossée à des indicateurs chiffrés faisant obligation aux chaînes publiques de consacrer un certain temps d’antenne à des sujets européens et déclinant cet objectif par types d’émissions ou de reportages.

Une telle mesure doit certes être envisagée avec prudence. Les journalistes sont très attachés, et c’est bien naturel, à leur liberté éditoriale. Il faut toutefois relever que France télévisions doit déjà respecter des obligations précises en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes et la représentation de la diversité et de la visibilité des Outre-mer. Des obligations de nature comparable ne pourraient-elles pas être envisagées pour le traitement de l’actualité européenne et la dimension européenne des programmes ? Il faut faire valoir qu’une éventuelle obligation de diffusion de sujets européens ne préjuge aucunement du contenu des émissions : la ligne éditoriale resterait en tout état de cause de la seule responsabilité des journalistes et des rédactions.

La difficulté en ce qui concerne l’Europe, c’est qu’elle est la dimension nécessaire de beaucoup de sujets internes (agriculture, espace…). Pour qu’elle n’ouvre pas droit à contestation, une obligation chiffrée de diffusion devrait se décliner précisément selon les types d’émissions ou leur objet.

b.   Envisager la conclusion d’une charte d’engagement

Une autre option consisterait à élaborer de gré à gré avec les groupes de médias une charte comprenant des engagements sur la promotion des thèmes européens dans les grilles de programme. Ces engagements pourraient porter sur :

-         la couverture de la journée européenne du 9 mai,

-         une participation accrue de parlementaires ou de commissaires européens aux matinales ou aux débats en plateau,

-         la diffusion d’émissions spécifiques visant à mieux faire connaître les institutions européennes,

-         l’organisation de directs autour de certains évènements (discours sur l’état de l’Union)…

Cette option, qui avait un temps été évoquée par le Gouvernement, aurait le grand avantage d’éviter la définition d’obligations juridiques trop strictes et d’associer les chaînes privées à la réflexion sur les moyens de renforcer la dimension européenne des programmes.

Elle n’a toutefois pas été explorée en raison des craintes de réactions hostiles des rédactions qui y verraient une mise en cause de leur indépendance éditoriale des journalistes. L’échec de cette option, alors même que la perspective de la PFUE créait un contexte favorable, montre qu’une action pédagogique auprès des professionnels de l’information est encore nécessaire.

c.   Mettre en place un instrument de mesure des sujets européens

Il n’existe actuellement aucun suivi de la diffusion des sujets européens dans les programmes des chaînes publiques de radio et de télévision. L’institut national de l’audiovisuel (INA) mesure la durée des programmes ultramarins mais c’est parce qu’il existe des obligations de diffusion dans ce domaine !

Dans son rapport relatif à l’année 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est ainsi contenté de s’appuyer sur les données publiées par la Fondation Jean Jaurès et l’INA pour évaluer l’engagement européen des journaux télévisés des chaînes de France Télévisions ! Et comme cela a été déjà indiqué, aucune donnée de ce type ne figure dans le rapport du CSA de septembre 2021 sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens.

La mise en place d’un tel suivi serait le corollaire nécessaire d’un renforcement des obligations pesant sur les chaînes de radio et de télévision. Comme indiqué par Agnès Chauveau, directrice déléguée à la valorisation et à la transmission, elle pourrait être confiée à l’INA moyennant un renforcement de ses moyens et une révision de son COM : l’institut dispose en effet de moyens en intelligence artificielle permettant de réaliser une mesure fine du traitement des sujets européens.

B. Créer un véritable statut des journalistes spécialisés dans les affaires européennes

L’objet de cette partie est d’envisager comment les journalistes, aux différents stades de leur vie professionnelle, pourraient bénéficier de compétences nouvelles et de moyens de travail supplémentaires dans les domaines européens.

1.   Renforcer la formation des journalistes aux affaires européennes

a.   Généraliser les modules de formation aux questions européennes

Les écoles de journalisme comportent pour certaines des modules de formation consacrés aux questions européennes mais cela est loin d’être systématique. La conférence nationale des métiers du journalisme (CPNEJ), qui agrée les écoles de journalisme en fonction de critères dont le contenu des programmes, n’a pas prescrit l’existence d’un enseignement spécifique orienté vers les affaires européennes.

 


Modules européens existants dans les 14 écoles de journalisme
agrées par la CNPEJ

CELSA Paris (Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées)

- Master 1 : pas de module consacré à la dimension européenne mais l’UE 3 « Ouverture internationale » comprend un chapitre « Enjeux internationaux : histoire des relations internationales et analyse des équilibres géopolitiques contemporains »

 

- Master 2 : l’UE 3 « Ouverture internationale et langues vivantes » comprend un chapitre « Conférences thématiques, enjeux culturels, religieux, économiques du monde contemporain » qui couvre notamment l’Union européenne

Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de Strasbourg

- Master 1 : La formation « généraliste et plurimedia » permet un approfondissement de la culture générale dans des domaines essentiels à l'exercice du métier de journaliste dont l’actualité politique et européenne.

 

- Master 2 : une spécialisation thématique approfondie dans l'un des champs disciplinaires développés en 1ère année est proposée : Europe et international ; police/justice; questions de société

Ecole de journalisme et de communication (EJCM) d’Aix-Marseille

- Master 1 : EU1 « Connaître l’environnement du journalisme » comprends 21h de formation « Connaissance des institutions nationales et européennes »

 

- Master 2 : enseignements transversaux « Géopolitique » et « Actualités et enjeux contemporains »

Ecole de journalisme (EJDG) de Grenoble

- Master 1 : l’UE « Médias et Société » est consacré à la connaissance de l’actualité et du monde contemporain

Institut français de presse (IF de Paris (parcours journalisme)

Aucune mention de la dimension européenne dans les enseignements

Institut de journalisme (IJB de Bordeaux

Aucun détail des enseignements mais l’IJBA a développé des échanges et des partenariats avec d’autres écoles de Journalisme et médias à l’international. En Europe :

-  Espagne :

*l’IJBA a lancé une spécialité Data journalisme en partenariat avec l’université Roi Juan Carlos I (URJC) de Madrid et son Master de Journalisme d’investigation, datajournalisme et visualisation du journal El Mundo. L’accord permet à un étudiant de l’IJBA de suivre son Master 2 à Madrid en obtenant le co-diplôme.

* Partenariat avec l’université Complutense de Madrid (faculté de Sciences de l’Information, parcours Journalisme) :

- Le département de Journalisme de l’université du Pays Basque à Bilbao :

- L’Institut de Journalisme de l’Institut Ramon Llull de Barcelone

- La faculté de Journalisme de l’université de Malaga.

Ecole publique de journalisme (EPJT) de Tours

- Le Master 2 propose une option académique France-Europe (Droit-Sciences Po)

Institut universitaire de technologie (IUT) de Lannion

- Licence professionnelles journalistique : aucune mention de la dimension européenne dans les enseignements

 

- Bachelor Universitaire de Technologie (B.U.T.) spécialité "Information-Communication" parcours "Journalisme".

Parmi les projets pédagogiques proposés chaque année, certains portent un porte sur l’Europe : par exemple visite des institutions européennes à Bruxelles en décembre 2018. Le projet s’articulait selon 3 axes : aperçu des enjeux des élections de 2019 (1) ; actualité européenne (2) et présentation du séjour tel que l’ont vécu les étudiants (3).

IUT Nice Côte d’Azur (Ecole de journalisme de Cannes)

- Une spécialisation « journaliste international » est proposée tout  au long de la formation (niveau bachelor)

Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris

- Spécialisation accessible en double-cursus avec les partenaires du CFJ : Journalisme Enjeux internationaux, Interculturels et Médias (E2IM) (partenariat avec l’ISIT Intercultural School)

- A partir de septembre 2021, nouvelle spécialisation, « Journalisme Global / Local » , à destination des élèves souhaitant pratiquer le journalisme en tant que correspondant.e.s à l’étranger ou en locale, en France.

Ecole de journalisme (EJT) de Toulouse

- 2ème année : le module « culture générale » comprend un enseignement « Droit européen et pratiques européennes. Visites et rencontres au Parlement européen et à la Commission européenne à Bruxelles. »

Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille

- Les enseignements généraux comprennent un module «Faits d’actualité internationale » 

Institut pratique de journalisme (IPJ) de Paris

- Aucune mention manifeste de l’Union européenne dans les programmes

Ecole de journalisme de Sciences Po Paris (Master journalisme)

- Aucune mention manifeste de l’Union européenne dans les programmes

Par ailleurs, le constat est que les étudiants ayant choisi de suivre ces modules rencontrent ensuite des difficultés à trouver un poste en raison du faible nombre de postes de journalistes spécialisés dans les affaires européennes.

Il paraît donc indispensable de généraliser un module spécifique consacré aux affaires européennes dans les enseignements des écoles de journalisme. Ce module pourrait comporter deux niveaux, l’un obligatoire pour tous les étudiants, l’autre optionnelle pour ceux qui souhaiteraient approfondir leurs connaissances en matière européenne. L’enseignement comporterait un déplacement des étudiants à Bruxelles ou dans un autre État membre ainsi que la réalisation d’un reportage sur un sujet en lien avec une thématique européenne.

La généralisation de ce module nécessiterait sans doute de dégager des financements spécifiques au profit des écoles de journalisme conventionnées.

b.   Organiser un concours entre écoles de journalisme européennes

Pourrait également être organisé un concours entre écoles de journalisme européennes, sur le modèle du prix européen du journalisme.

Il s’agirait d’un concours organisé par la Direction générale COMM de la Commission européenne et l’association des journalistes européens (AJE). Une thématique européenne serait choisie chaque année sur laquelle les étudiants des écoles de journalisme seraient amenés à réaliser un reportage.

Les récompenses attribuées pourraient consister en la possibilité d’effectuer un stage au sein de la DG COMM et le financement intégral du projet qui serait diffusé à l’échelle nationale comme européenne.

c.   Réfléchir à l’institution d’une école européenne de journalisme

À plus long terme, une réforme plus ambitieuse consisterait à créer une école de journalisme européen consacrée à la formation des correspondants de presse européens.

 

d.   Offrir de nouvelles opportunités de formation continue

La France gagnerait à s’inspirer de ce qui se fait en Allemagne où la ZDF et l’ARD proposent à leurs journalistes des modules diversifiés de formation continue aux questions européennes, complétés par la possibilité de visites annuelles à Bruxelles.

Chaque journaliste pourrait ainsi se voir attribuer des crédits de formation aux questions européennes incluant la participation à des stages, des conférences ou des modules de formation.

e.   Créer un Erasmus des journalistes

Ce dispositif permettrait aux journalistes volontaires de bénéficier de mois de formation dans des universités ou centre de formation d’autres Etats membres agréés au niveau européen. La formation pourrait en outre être certifiée par un titre reconnu par la Commission européenne, qui serait délivré aux journalistes ayant suivi le cursus.

2.   Assurer une meilleure visibilité des journalistes spécialisés dans les affaires européennes

a.   Organiser un prix européen du journalisme

Un tel prix existe déjà au niveau français. Créé en 2005 par la section française de l’association des journalistes européens avec le soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le prix Louise Weiss encourage les journalistes francophones à un traitement approfondi des sujets européens. Plusieurs catégories de prix sont proposées - « Décryptage » ; « Reportage » ; « Jeune Journaliste » - auxquelles s’ajoute la « mention spéciale du jury ».

Il pourrait être envisagé d’organiser un prix de nature comparable au niveau européen. Organisé par la DG COMM et l’Association des journalistes européens (AEJ), l’évènement serait parrainé par les principaux médias publics des États participants. Une thématique annuelle serait proposée par l’AEJ, à partir de laquelle chaque journaliste pourrait proposer sa production (sous forme d’un reportage audiovisuel). Le processus consisterait en deux étapes : une sélection nationale puis une compétition transnationale entre les projets retenus. Le jury serait composé de rédacteurs en chef des principaux médias audiovisuels participants.


b.   Instituer un statut de « journaliste européen »

Les journalistes spécialisés dans les affaires européennes ou ayant suivi des actions de formation pourraient se voir attribuer un statut de « journaliste européen » qui leur ouvrirait droit à certaines facilités.

3.   Renforcer les moyens de travail des journalistes

a.   L’amélioration des moyens mis à disposition des correspondants à Bruxelles

La direction générale COMM de la Commission européenne met déjà à disposition des journalistes en poste à Bruxelles de moyens techniques diversifiés. Les journalistes accrédités ont ainsi accès à certaines zones comme la salle de presse et une salle de travail (sans compter des cantines et cafétérias). Ils peuvent également utiliser, sur réservation, deux studios de télévision et un studio radio, par exemple pour des entretiens avec des membres de la Commission.

Il serait opportun qu’une concertation soit initiée avec les responsables de chaînes afin d’examiner quelles facilités nouvelles pourraient être déployées. Toutes les mesures matérielles et financières doivent être prises afin d’inciter les chaînes à envoyer des correspondants auprès des institutions européennes.

Dans cette optique, les journalistes en poste à Bruxelles pourraient avoir un accès facilité à un réseau « d’experts » formé d’universitaires, de fonctionnaires en poste au sein des institutions européennes ou encore de personnalités politiques.

Les spécificités de la politique européenne justifient également la création d’un poste de médiateur entre les institutions européennes et les journalistes à Bruxelles.

Les activités du Parlement européen à destination des journalistes français

 A Paris, le bureau du Parlement européen organise des séminaires de formation et d’information à destination des journalistes. Des points de presse se tiennent, avant chaque séance plénière du Parlement européen, avec les chefs des délégations françaises des différents groupes politiques représentés au Parlement européen sur les sujets à l’ordre du jour. D’autres points de presse thématiques sont organisés en fonction de l’actualité européenne.

A Bruxelles, le Parlement européen met à disposition des journalistes des installations et des équipements spécifiques pour qu’ils puissent réaliser leurs activités. Lors des séances plénières, le Parlement européen propose aux journalistes nationaux de venir suivre sur place les débats parlementaires et prend en charge les frais de transports et de logement.

Le Parlement européen subventionne également des projets éditoriaux qui traitent les sujets européens. Ces subventions sont octroyées tous les deux ans et un des critères d’éligibilité est le niveau d’audience.

b.   Une meilleure mobilisation des financements octroyés par la Commission

La Commission dispose de moyens budgétaires pour accompagner les actions d’information sur les sujets européens.

En premier lieu, et en application d’une décision de la Commission C(2021) 1674 du 18 mars 2021, la Direction générale en charge des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG CNECT) gère un budget annuel de 20 millions d’euros visant à financer des actions multimédias. Cette ligne budgétaire bénéficie, à hauteur de 16 millions d’euros, à la chaîne Euronews qui est une chaîne de télévision pan-européenne multilingue d'information en continu créée le 1er janvier 1993 et siégeant à Lyon. Le solde permet de soutenir le réseau de radios Euranet plus et la promotion de contenus multilingues sur les plateformes européennes (des médias basés en France comme ARTE, l’AFP, Vox Europe et Alternatives économiques ont bénéficié de ces aides).

Par ailleurs, le programme Europe Créative peut soutenir des actions dans le domaine audiovisuelle (ARTE a ainsi reçu une aide de 4 millions d’euros en 2021 pour le sous-titrage des œuvres culturelles).

De plus, la direction générale de la Communication dispose d’un budget annuel de 107 millions d’euros dont près de 12 millions d’euros couvrent la mise à disposition de studios, la production et l’archivage des œuvres audiovisuelles

Enfin, certaines représentations de la Commission dans les États membres développent des initiatives à destination des médias. La représentation de la Commission européenne en France, dont le dynamisme doit être souligné, soutient ainsi plusieurs projets dont celui développé par un collectif de professeurs de droit, Les Surligneurs, qui cherche à vérifier la conformité du discours public à la réalité juridique, notamment dans le domaine européen et, surtout, les Décodeurs de l’Europe, lancés par la représentation de la Commission à la fin 2016, qui visent à apporter des réponses aux questions, idées reçues ou mythes sur l’Europe.

Selon les avis de beaucoup, ces dispositifs d’aide européens sont peu connus et peu utilisés en raison de leur fragmentation et de la complexité des procédures nécessaires à leur obtention. Par ailleurs, certains médias sont réticents à demander à bénéficier de telles aides, considérant que cela ouvrirait le risque d’une ingérence dans leur ligne éditoriale.


Il est suggéré que la Commission européenne établisse une cartographie des aides européennes pouvant bénéficier aux médias nationaux afin d’assurer leur meilleure publicité.

Il convient également d’inciter les chaînes à mutualiser leurs moyens pour répondre aux appels d’offres européens et aider au montage de projets pouvant bénéficier des financements de l’Union.

c.   L’institution d’un lieu réservé aux journalistes européens

Associer étroitement les médias nationaux tout au long de la présidence constitue un enjeu de premier plan. Lors de la présidence française de l’Union du second semestre 2008, un lieu de travail dédié aux journalistes - français comme étrangers - avait été installé au Grand Palais.

Une telle expérience aurait pu être rééditée pour la présidence française du 1er semestre 2022. Un lieu consacré à l’Europe et ouvert aux journalistes étrangers et français aurait une portée symbolique tout autant qu’opérationnelle. Cet espace de co-working constituerait un point de rencontre entre journalistes spécialisés dans les affaires européennes et le lieu de tenue des conférences de presse.

4.   Inciter les journalistes à mieux prendre en compte les sujets européens

En janvier 2021, le journal Le Monde révélait que la rémunération des rédacteurs en chef de France Télévisions comportait une part variable qui était fonction du respect d’objectifs relatifs à la part de sujets portant sur l’Outre-mer, la diversité ou l’Europe.

Cette annonce a suscité un certain émoi. Le seul moyen d’améliorer la couverture de l’actualité européenne serait-il de lier la rémunération des journalistes au nombre de sujets européens traités par eux ?

Il n’appartient évidemment pas à un rapport parlementaire de prendre position sur cette question qui est de la compétence des responsables des chaînes de radio et de télévision. C’est en effet à ces derniers de fixer des objectifs à leurs salariés et de déterminer la part variable de leurs rémunérations.

Une autre démarche afin de créer les conditions favorables à un meilleur traitement des sujets européens consisterait à conclure avec les chaînes publiques e privées, et en liaison avec la profession, une charte d’engagement comme nous l’avons précédemment vu dans ce rapport.


C. RéflÉchir à de nouvelles formes d’information sur les questions européennes

1.   Mettre en scène la vie politique européenne

Il est souvent prétendu que l’Union serait rétive à toute mise en scène, qu’elle échapperait à toute possibilité de « récit », que son absence d’incarnation empêcherait par avance toute forme de dramaturgie…

Ces assertions sont très largement erronées. Contrairement à ce qui est souvent prétendu, l’Union européenne comporte tous les ingrédients d’un « storytelling réussi » : des enjeux importants qui dépassent les intérêts nationaux des États, des rapports de pouvoir multiples qui articulent des acteurs provenant des horizons les plus divers (administrations, politiques, représentants d’intérêt…), des négociations parfois conflictuelles, des dénouements au « finish »…

Le journal en ligne Politico, spécialisé dans la couverture des affaires européennes, a démontré qu’il était possible de parler autrement de l’Union européenne et de son actualité en décryptant ses enjeux et mettant en scène ses débats. La série Parlement produite par France Télévisions qui traite sur un mode humoristique du fonctionnement du Parlement européen a ouvert une autre voie : celle d’un traitement des affaires européennes sur le mode de l’« entertainment ».

Ces initiatives doivent être encouragées. Il faut donner une dimension évènementielle à la vie politique européenne pour la rendre plus proche des citoyens et plus compréhensible. Il s’agit là d’un défi pour les journalistes et les concepteurs de programme qui doivent élaborer à partir de l’actualité européenne un récit qui puisse être porté par des acteurs.

Des financements nationaux et européens pourraient être mobilisés pour soutenir cette démarche.

2.   Renforcer le contrôle parlementaire des affaires européennes

Les médias mais également les parlementaires détiennent une responsabilité de premier plan pour créer et entretenir les conditions nécessaires à l’existence d’un débat public européen.

Or, depuis le début de l’actuelle législature, il n’existe pas de débat organisé dans l’hémicycle en amont des Conseils européens. Des séances de question au gouvernement entièrement consacrées à l’actualité européenne ont été instaurées en 2000, puis remplacées en 2002 par une séance mensuelle où la première question posée par chaque groupe portait sur un thème européen. Cette formule n’a pas été reconduite au début de l’actuelle Législature.


Cette situation est hautement regrettable. Privées d’accès à l’hémicycle, les affaires européennes ont perdu en visibilité à l’Assemblée nationale. Les activités de contrôle de la politique européenne du Gouvernement se sont repliées au sein de la commission des affaires européennes et de ses 48 membres.

Il serait souhaitable, dans la perspective de la présidence française, de remplacer la séance de questions au gouvernement précédant les plus importantes réunions du Conseil européen par un débat solennel suivi d’un vote dans les conditions prévues à l’article 50-1 de la Constitution. Ce débat serait ouvert par une déclaration du Premier ministre, puis donnerait lieu à une prise de parole par groupe politique avant la réponse du Chef du Gouvernement. Ce type de débat permettrait d’impliquer davantage la Représentation nationale dans le suivi de la politique européenne.

Une autre innovation intéressante pourrait être de convier la Présidente de la Commission européenne à intervenir dans l’Hémicycle et à répondre aux questions des députés.

La revalorisation du statut de la commission des affaires européennes, qui doit devenir permanente, apparaît également nécessaire. L’accession au statut de commission permanente lui permettrait de se saisir pour avis des projets et propositions de loi comportant une dimension européenne. Elle pourrait ainsi intervenir dans le processus de veille législative européenne et dans la mise en œuvre des textes européens dans le droit national.

 


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   Conclusion

Sans vouloir succomber à l’illusion d’un avenir toujours radieux, on peut espérer que la manière dont l’Europe est traitée dans les médias s’améliore dans les prochaines années. Un contexte nouveau est en effet en train d’émerger.

En premier lieu, les responsables politiques européens veulent promouvoir une Europe plus politique qui soit capable de s’affirmer sur la scène internationale mais aussi de s’engager sur le terrain des valeurs. L’Union européenne va être le lieu de débats de plus en plus cruciaux sur la place de l’Europe vis-à-vis des grands pays tiers. Des questions qui étaient pour l’instant réservés à la scène nationale (non-discrimination, genres, état de droit…), se voient de plus en plus traités à l’échelon européen.

Parallèlement, sous l’effet de crises qui ont menacé la pérennité même de la construction européenne (crise des dettes souveraines, Brexit, pandémie…), les opinions publiques sont de plus en plus conscience de ses enjeux incontournables.

Le sentiment prévaut que les responsables de chaînes et de rédactions n’ont pas encore pris conscience de cette mutation, ni pris pleinement la mesure de l’intérêt des citoyens pour la chose européenne. Un effort est encore nécessaire pour concevoir les émissions ou les reportages susceptibles de capter l’attention des téléspectateurs.

Au-delà des diverses propositions de nature légales, financières ou opérationnelles faites dans le cadre de ce rapport, l’ambition de ce dernier est de participer à cette prise de conscience.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 20 octobre 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

 

Mme Liliana Tanguy. Dans votre rapport, vous suggérez d’adopter une charte par laquelle les journalistes s’engageraient à traiter une part minimale de sujets européens dans leurs émissions. Comment faire pour que cela ne soit perçu comme une ingérence dans leur liberté éditoriale ?

Vous soulignez également que les rares émissions sur l’Europe ont un taux d’audience assez faible. On le sait, les citoyens émettent des signaux contradictoires, souhaitant mieux connaître l’Europe mais ne regardant pas plus d’émissions sur l’Europe. Comment faire alors pour que ces émissions soient plus attrayantes ?

Vous dites aussi que les journaux télévisés négligent l’Europe ; c’est aussi le cas dans la presse locale et régionale. N’est-ce pas cependant le cas pour toutes les actualités internationales ? Les actualités diplomatiques classiques sont trop souvent passées sous silence. En raison de leur défaut de visibilité, les travaux de l’Union, bien que très importants pour l’avenir, ne font pas recette.

Pourtant la Commission européenne met à disposition une documentation importante sur le fonctionnement de l’Europe et sur l’actualité du Parlement européen. Quels sont donc les efforts que les institutions européennes devraient poursuivre pour rendre leurs activités plus transparentes, visibles et compréhensibles aux citoyens ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Pour le groupe démocrate, la prise en compte des questions relatives à l’Union dans le débat public est primordiale, compte tenu de l’importance qu’occupe la législation de l’Union dans la vie quotidienne des citoyens en matière économique et environnementale. À l’approche de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), il est nécessaire de donner plus de place à l’Union dans le quotidien des Français.

La prise en compte des sujets européen dans les médias répond à des problématiques démocratiques. Il s’agit de combler la fracture entre les Français qui lisent la presse nationale, couvrant de manière plus exhaustive les sujets européens, et de l’autre ceux s’informant par la télévision ou la presse locale, plus lacunaire à ce sujet. Pour équilibrer cette situation, le groupe démocrate salue vos préconisations. Je souligne la pertinence des solutions que vous proposez pour européaniser la formation des étudiants en école de journalisme et la formation continue des journalistes.

Pour répondre à la demande des Français qui souhaitent être mieux informés, il serait souhaitable que les médias renforcent leurs effectifs auprès des institutions européennes, qui sont très faibles en comparaison de leurs collègues allemands. À ce titre, vos recommandations proposant l’instauration d’un concours entre les écoles de journalisme européennes, un Erasmus des journalistes et la généralisation des modules liés à l’Europe, sont prometteuses. Enfin, il serait bénéfique d’inciter les journalistes à faire des reportages sur le programme Erasmus et sur ce que vivent les étudiants pendant leurs séjours.

Il serait aussi judicieux de plus parler aux jeunes. Lors de la séance en Commission de la semaine dernière, j’ai regretté le manque de visibilité du programme Erasmus+ et des Erasmus Days.

L’Europe pourrait proposer aux médias d’acheter des pages de publicité, afin de protéger l’indépendance des médias : par exemple dans le cadre de la Journée de l’Europe le 9 mai ou encore pour les élections européennes.

Pour dépasser le cadre de l’audiovisuel classique, des formats numériques ou des podcasts pourraient être un moyen de gagner en visibilité.

Enfin, en aparté, je dirai qu’il ne s’agit moins d’avoir une charte des journalistes, qu’une charte des éditeurs, donnant des directives aux journalistes.

Mme Marietta Karamanli. Vous avez insisté sur trois éléments : une vision plus positive de l’Europe, la question de la classe politique française, et la question des rédactions des médias.

Concernant le programme Erasmus, malheureusement les fonds dédiés au programme ne sont pas suffisants pour introduire de nouvelles mesures visant à toucher plus de publics, car cela serait au détriment des publics actuellement concernés. Il faudrait donc augmenter les fonds.

Cependant, c’est aussi une question de volonté politique. Au-delà de la PFUE, nous devons donner l’exemple à l’Assemblée Nationale.

Tout d’abord, les sujets européens ne sont pas suffisamment débattus à l’hémicycle. Nous n’avons pas la possibilité de débattre en séance de questions d’actualité européenne ou d’inviter des personnalités européennes.

Deuxièmement, il faut faire en sorte que l’Assemblée Nationale puisse diffuser plus largement sont travail sur les sujets européens : par exemple sous forme de lettre d’information à la presse nationale comme régionale ou locale.

Enfin, il s’agirait d’organiser des réunions en région, dans des villes ou dans des universités afin de mobiliser sur les sujets européens. On pourrait encore avoir une page d’information montrant comment les États européens abordent un même sujet. C’est en donnant à voir ce qu’il se passe dans les pays membres de l’Union européenne que l’on va renverser la situation.

M. Vincent Bru. Ma question concerne la prise en compte de sujets européens par les médias audiovisuels sur la jeunesse. Comment peut-on faire au niveau médiatique pour que les jeunes soient mieux informés des questions européennes ? Comment faire des jeunes, des acteurs responsables et des citoyens européens à part entière ? De quels types d’émissions et de médias a-t-on besoin pour assurer cette relation entre jeunes européens concernant l’action européenne.

Dans votre rapport, vous donnez l’exemple de la RAI 1 en Italie avec l’émission Caffè Europa, ou encore en Belgique d’une émission donnant la parole aux jeunes. Selon vous, que faudrait-il faire pour que les médias audiovisuels s’intéressent d’avantage aux questions européennes de jeunesse.

Enfin, à titre de suggestion, vous pourriez faire une conférence de presse tous les trimestres afin de relater les travaux faits dans cette Commission.

Madame la Présidente Sabine Thillaye. Il est en effet essentiel d’organiser des conférences de presse sur les rapports de la commission, de faire des communiqués courts en français, en anglais et en allemand. Nous pouvons aussi utiliser le format vidéo pour faire le résumé des rapports. La communication renvoie évidemment aux médias traditionnels, mais aussi à nos propres initiatives : nous pourrions par exemple organiser le même évènement, le même jour dans nos circonscriptions, sur la même question. De façon plus générale, les évènements que nous organisons pourraient avoir un côté européen plus prononcé, avec l’invitation par exemple d’eurodéputés.

Concernant la jeunesse, il est essentiel qu’elle soit mieux informée. La jeunesse va être au centre de la présidence française de l’Union européenne et la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale organise, dans les semaines à venir des échanges avec la jeunesse européenne, notamment autrichienne et des Balkans. L’association Eurodoxa a mis en place un évènement au sein du Parlement européen pour simuler une négociation au sein des institutions européennes : je leur ai proposé de venir à l’Assemblée nationale pour organiser un tel exercice. Ce type d’évènements peut également intéresser les journalistes et mettre notre travail en valeur.

L’Assemblée nationale doit donner l’exemple, nous devons donner l’exemple. Certes, l’institution doit mieux valoriser les travaux de la commission, mais nous-mêmes, en tant que membres et à travers nos newsletters, devons le faire. Je retiens l’idée d’organiser au moins une réunion de la commission des affaires européennes en région.

La massification d’Erasmus ne dépend malheureusement pas de notre volonté : il y a des difficultés dans certaines régions où certains fonds ne sont pas répartis comme ils devraient l’être. Mais la première chose est que la Commission doit clarifier quels sont les financements à disposition des journalistes. Le reportage sur les étudiants Erasmus est aussi une bonne idée, mais là encore, les députés n’ont qu’un rôle d’incitation.

La page de publicité tient davantage à la presse écrite qu’à la presse audiovisuelle : or, les jeunes sont davantage portés sur la presse audiovisuelle et 71 % des Français s’informent encore par les journaux télévisés, même si ces chiffres sont susceptibles d’évolution.

Concernant la question de Mme Tanguy, la charte d’engagement serait un véritable progrès, mais on ne peut le faire qu’en collaboration avec les groupes de presse, les rédacteurs en chef : cette charte ne peut être que librement consentie, et il n’est évidemment pas question de forcer les journalistes à la signer d’office.

Pour ce qui est d’intéresser le grand public aux travaux européens, ce sont les institutions européennes qui doivent agir également, en étant davantage dans la communication politique plutôt qu’institutionnelle. Une communication trop institutionnelle peut conduire à des expériences malheureuses : par exemple, lors du lancement de la conférence sur l’avenir de l’Europe, il y avait des jeunes dans l’hémicycle, mais sans véritable échange. Au contraire, lors du European Youth Event, il y avait un véritable échange et une certaine ambiance.

La commission européenne cherche également à davantage mobiliser la presse, en organisant des déjeuners de presse : les journalistes sont intéressés par ces évènements, et répondent.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par lA rapporteurE

Ministères, autorités et administrations nationales

Mme Roselyne BACHELOT, Ministre de la Culture

Mme Séverine FAUTRELLE, Conseillère en charge des affaires européennes et internationales

M. Tristan FRIGO, Conseiller en charge des relations avec le Parlement

Mme Alizée SIMON, Conseillère culture au cabinet du Secrétaire d’État aux affaires européennes

M. Roch-Olivier MAISTRE, Président

M. Xavier LAPEYRE DE CABANES, Secrétaire général

Mme Agnès CHAUVEAU, Directrice déléguée

 

Institutions européennes

Mme Pia AHRENKILDE HANSEN, Directrice générale chargée de la communication

M. Beaudouin BAUDRU, Chef de la représentation permanente de la Commission européenne à Paris

Mme Isabelle COUSTET, Cheffe du Bureau

 

Medias et journalistes nationaux

M. Francis DONNAT, Secrétaire général

Mme Marie-Christine SARAGOSSE, Présidente

M. Bertrand DELAIS, Président-Directeur Général

Mme Delphine GOUEDART, Directrice de la rédaction

M. Boris RAZON, Directeur éditorial

M. Daniel DESESQUELLE, Présentateur de l’émission Carrefour de l’Europe

M. Pierre BENAZET, Correspondant pour RFI

Mme Delphine SIMON, Journaliste économique

M. Christophe PRÉAULT, Directeur de la rédaction de Toute l’Europe

 

Journalistes d’autres Etats membres

Mme Britta SANDBERG, Directrice du département international

M. Thomas WALDE, Directeur du studio ZDF à Paris

M. Andreas KYNAST, correspondant de la ZDF au studio de Berlin

 

Ecoles de formation des journalistes

Mme Julie JOLY, Directrice du Centre de formation des journalistes

M. Pierre SAVARY, Directeur de l'École Supérieure de Journalisme de Lille

M. Laurent BIGOT, Directeur des études

Mme Delphine CLEMENCEAU-HINDY, Directrice de l’option « Communication »

 


Experts

M. Théo VERDIER, Vice-président du Mouvement européen – France

 

M. Dominique WOLTON, Directeur de recherche en sciences de la communication

 

 

 

 

 


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  Annexe n° 2 :
EXEMPLES D’ÉMISSIONS pÉdagogiques
DANS LES ÉTATS MEMBRES sur l’union européenne

 

Autriche

 

Europa Journal (radio O1, hebdomadaire, tous les vendredis à 18:20). L’émission présente les thématiques européennes sous différents angles (politique, économique, culturel, etc.) ;

Inside Brüssel (chaîne de télévision ORF III, hebdomadaire, tous les jeudis à 22 :25). Émission focalisée sur la politique de l’UE, présentée par le correspondant de la chaine ORF à Bruxelles, Peter Fritz. Analyse des tenants et aboutissants de la politique européenne, quels sont les acteurs, les enjeux et les conséquences directes ou indirectes pour l’Autriche et ses habitants ;

Politik live (chaine de télévision ORF III, hebdomadaire, tous les jeudis à 21 :05). Émission pas systématiquement axée sur l’Europe puisqu’elle présente aussi la politique intérieure, mais qui rediffuse et analyse des sommets européens et des conférences sur des thématiques européennes.

 

Belgique

 

RTBF (télévision publique francophone) :

EuropeS est le magazine européen des rédactions de la RTBF. Un magazine à la facture originale : tout en images et un graphisme permettant la réalité augmentée au service d’une meilleure compréhension des enjeux européens.

Europe Hebdo : À partir des reportages réalisés par les rédactions de LCP et Public Sénat, députés, commissaires européens et experts livrent leur vision de l´Europe et croisent leur regard sur les conséquences des politiques européennes sur le quotidien.

Le Maxi-Bar de l’Europe : est un magazine bimestriel présenté par Paul Germain (TV5MONDE) et Esmeralda Labye (RTBF). Coproduit avec le soutien du parlement européen, Le Maxi-Bar de l’Europe décortique l’actualité européenne. Les invités s’accoudent au bar pour aborder les questions européennes du moment qui font débat. Le tout soutenu par des reportages de terrain sur l’économie, sur la consommation et en donnant la parole aux jeunes citoyens européens. Une séquence BD récurrente illustre aussi en animation et avec humour un sujet européen.

 

VRT (télévision publique néerlandophone) :

Il y a quelques années (période 2008-2012) la VRT recevait un budget pour proposer des émissions spéciales autour de L’Union européenne. C’était TerZake, le programme d’actualité sur CANVAS, qui proposait une émission spéciale avec des invités (députés européens et le président de l’époque Herman Van Rompuy) et des reportages sur des thèmes de l’Union européenne (migration, énergie, défense,…).

Depuis la VRT a décidé de lancer des sujets sur l’Union européenne dans tous les programmes et de ne plus dédier une émission spéciale seulement à ces sujets qui sont désormais traités sur les plateformes de la VRT (JT, TerZake, Radio, online).

 

 

Grèce

 

L’effort d’informer sur l’actualité européenne repose sur les chaînes publiques.

- Une émission hebdomadaire diffusée par la chaîne de télévision publique ERT1 intitulée « Ça se passe en Europe » traite les questions liées au fonctionnement de l'UE et à l'actualité européenne.

- Une émission diffusée deux fois par semaine par la radio publique ERA1 intitulée « En Europe et dans le monde » qui traite également les questions liées au fonctionnement de l'UE et à l'actualité européenne.

- Une émission hebdomadaire diffusée par la chaîne parlementaire VOULI TILEORASSI, intitulée « Carte de membre » sur la vie au sein de l'UE avec comme invités des députés européens.

- Une émission diffusée tous les 15 jours par la chaîne parlementaire VOULI TILEORASSI, intitulée « Tribune parlementaire » qui traite les questions liées au fonctionnement des institutions grecques mais aussi au fonctionnement de l'UE avec comme invités des députés et des députés européens. Elle traite aussi l'actualité européenne.

- Une émission diffusée tous les 15 jours par la chaîne parlementaire VOULI TILEORASSI, intitulée « Selon la loi » sur la législation grecque et européenne avec comme invités des députés  et des députés européens.

Enfin, la chaîne Euronews (dont ERT est actionnaire) est diffusée en grec sur le réseau hertzien, satellite et via Internet.

 

Hongrie

 

Oui, voici quelques exemples :

-          Európai idő (sur la chaîne publique) https://mediaklikk.hu/musor/europaiido/

Débats politiques, analyses économiques, vie dans les pays de l'Union européenne. Les invités sont des politiciens, des diplomates, des hauts fonctionnaires de l'Union européenne, des analystes nationaux et européens, les experts en la matière. Défend la ligne gouvernementale hongroise

-     Unió27 (chaîne publique) : https://mediaklikk.hu/musor/unio27/

Cette émission présente les coulisses de la prise de décision dans l'UE et comment ces décisions peuvent affecter la Hongrie.

-     Eurozóna (Klubradio) : https://www.klubradio.hu/musorok/eurozona-15

Emission de politique étrangère. Les sujets sont le présent et l'avenir de l'Union européenne, y compris de la Hongrie, ainsi que les processus politiques, économiques et sociaux du monde.

 

Italie

 

L’émission la plus emblématique est celle de Radio Rai Uno, « Caffè Europa », le samedi à 7h et en replay à 14h, se penche régulièrement sur les institutions européennes, où la journaliste Tiziana di Simone, promeut une approche pédagogue notamment envers un public jeune pour expliquer le fonctionnement et les enjeux de l’UE.

 

 

Portugal

 

Il en existe essentiellement deux, sur la chaîne de télévision publique RTP :

-          L’émission hebdomadaire Europe Minha (Mon Europe), coordonnée par la journaliste Rebecca Abecassis. Cette émission pédagogique et d’actualité, d’une durée de 15 minutes, est diffusée plusieurs fois dans la semaine, y compris à la radio (Antena 1). En 2021, l’émission intégrera plusieurs débats avec des députés européens.

-          L’émission hebdomadaire de débats de 30 minutes intitulée Programa Eurodeputados (Programme eurodéputés). Les eurodéputés portugais sont interviewés depuis le Parlement européen sur l’actualité européenne. Cette émission est diffusée plusieurs fois dans la semaine. 

 

La Radio Renascensa, une des plus importantes radio du pays en termes d’audience, diffuse également une émission hebdomadaire sur l’Union européenne, Decidir Europa (Décider l’Europe), qui fait l’objet d’un podcast. 

 

À partir du 15 janvier 2021, la chaîne de télévision publique RTP lancera une nouvelle émission hebdomadaire pédagogique, pendant un an, intitulée « De Lisbonne à Stockholm » (Lisboa a Estocolmo), d’une durée de 20 minutes. Cette émission, coordonnée par la journaliste Rebecca Abecassis, se focalisera sur la transition écologique dans l’Union européenne, en faisant le tour des Capitales vertes européennes.

 

Suède

 

L’actualité européenne est traitée par une émission, EU-Magasinet, d’une durée d’une heure diffusée sur la chaîne SVT2 sur la tranche 9h30-16h30 portant sur des sujets comme le Brexit, le CFP, les objectifs climatiques…

La radio publique suédoise (Sverige Radio) propose également une émission hebdomadaire, « Europapodden », qui traite des questions européennes mais en s’adressant plutôt à un public averti.

 

Il faut également citer le documentaire télévisé en sept épisodes Bryssel Calling diffusé sur la chaîne publique SVT depuis novembre 2020 où l'on peut suivre quatre eurodéputés suédois dans leur quotidien à Bruxelles et à Strasbourg (Alice Bah Kuhnke (MP), Sara Skyttedal (KD), Jytte Guteland (S) et Frederick Federeley (C)). L'émission vise à démystifier le travail des eurodéputés pour le grand public et donne quelques éléments d’informations sur le fonctionnement de l’Union européenne (l’organisation du travail au sein du Parlement européen, par exemple).

 

 


[1] Sondage Viavoice, L’information des Français sur l’actualité européenne, février 2020.

[2] Pierre Bénazet, journaliste à France inter, a fait remarquer que, en prescrivant la localisation de toutes les réunions du Conseil européen à Bruxelles, alors qu’il se réunissait auparavant dans l’État assurant la présidence semestrielle tournante, le traité de Nice avait affaibli les conditions de leur couverture médiatique.