N° 4608

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

au nom de la dÉlÉgation aux outre-MER (1)

sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification

de l’action publique locale

PAR

Mme StÉphanie Atger, MM. Mansour Kamardine et Jean-Hugues Ratenon

 

 

Députés

——

 

 


1

 

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

premiÈre partie : Des outre-mer marquÉs par une diversitÉ de statuts

I. les collectivitÉs gÉrÉes par l’article 73 de la Constitution

A. La Guadeloupe et La rÉunion sont des dÉpârtements-rÉgions d’outre-mer (DROM)

B. La Guyane et la Martinique : deux collectivitÉs uniques rÉgies par l’article 73

C. Mayotte, un dÉpartement d’outre-mer relevant de l’article 73

II. Les collectivitÉs rÉgies par l’article 74

A. Wallis-et-Futuna est un territoire directement administrÉ par l’État

B. Saint-BarthÉlemy et Saint-Martin sont des collectivitÉs d’outre-mer dotÉes de l’autonomie

C. Saint-Pierre-et-Miquelon : une collectivitÉ d’outre-mer qui n’est pas dotÉe de l’autonomie

D. La PolynÉsie française est une COllectivitÉ d’outre-mer disposant d’une trÈs large autonomie

III. Les statuts particuliers

A. La Nouvelle-CalÉdonie

B. Les Terres australes et antarctiques françaises

C. Clipperton

deuxiÈme partie : Le projet qui nous est présentÉ

I. Le projet de loi déposÉ par le gouvernement

A. Article 75 : la crÉation À titre expÉrimental d’un État de calamitÉ naturelle exceptionnelle en Outre-mer

1. Une expérimentation liée au dérèglement climatique

2. Une lente intégration des outre-mer au dispositif national

3. Les outre-mer sont très exposés aux catastrophes climatiques

4. Un dispositif dérogatoire en cas de circonstances exceptionnelles

B. Article 76 : Le Report de la date de transfert au bloc local de la zone des cinquante pas gÉomÉtriques et de la fin de vie des agences des cinquante pas gÉomÉtriques

1. L’objectif de régulariser des situations informelles

2. Une préoccupation constante depuis 25 ans

3. Une procédure qui se décompose en plusieurs étapes

C. Article 77 : l’Adaptation de la prescription acquisitive immobiliÈre À Mayotte

1. Une intégration en deux temps de Mayotte au régime de la prescription acquisitive

2. L’objectif de résorber le désordre foncier à Mayotte

3. De nombreux effets bénéfiques attendus

D. article 78 : la CrÉation dans les collectivitÉs de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de La RÉunion et de Mayotte d’une catÉgorie d’Établissements publics À caractÈre industriel et commercial en matiÈre de formation professionnelle

1. La nécessité d’élever le niveau de compétences des demandeurs d’emploi

2. Les handicaps structurels de l’offre de formation locale

3. Une mesure s’inscrivant dans la modernisation profonde du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage en outre-mer

E. article 79 : le Financement participatif dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

1. Les TAAF, une collectivité d’outre-mer particulière

2. Permettre les conventions de mandat pour favoriser le rayonnement des TAAF

F. article 80 : la Modification des conseils Économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’Éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique

1. Les problématiques actuelles de gouvernance au sein des CESECE

2. Donner plus de souplesse aux CESECE pour organiser leur fonctionnement interne

G. article 81 : la ratification de la refonte de la partie lÉgislative du code de l’entrÉe et du sÉjour des Étrangers et du droit d’asile (ceseda) par ordonnance

1. La refonte de la partie législative du CESEDA

2. Les changements qui concernent les outre-mer

H. article 82 : Adaptation et extension en Nouvelle-CalÉdonie et en PolynÉsie française de la prÉsente loi

I. article 83 : ModalitÉs de cession du foncier de l’État en Guyane

1. Une cession de foncier nécessaire pour favoriser la politique du logement

2. Une volonté ancienne de transférer du foncier

3. Le potentiel blocage des cessions de foncier par les communes

4. Le potentiel blocage des cessions de foncier par la loi

II. Les modifications apportÉes par le SÉnat

A. Les modifications apportÉes En commission

1. Trois articles adoptés sans modification

2. Cinq articles adoptés après modification

a. Article 75 – Expérimentation d’un état de calamité naturelle exceptionnelle outre-mer

b. Article 76 – Propriété et aménagement de la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique

c. Article 78 – Création dans les régions d’outre-mer d’une catégorie d’EPIC compétente en matière de formation professionnelle

d. Article 79 - Autorisation du recours aux conventions de mandat pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

e. Article 80 - Modification de la gouvernance des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique

3. Un article supprimé par la commission des lois

a. Article 81 - Ratification de la refonte de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des Étrangers et du droit d’asile (CESEDA) par ordonnance

4. Un article supplémentaire pour compléter l’article 83

a. Article 83 bis (nouveau) – Exonération de tout droit, taxe ou impôt des cessions gratuites d’immeubles domaniaux à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

B. Les modifications apportÉes En sÉance publique

1. Sept articles adoptés sans modification

2. Deux articles ont fait l’objet de modifications mineures

a. Article 78 –  Objectifs des actions de formation assurées par l’EPIC

b. Article 83 - Modalités de cession de biens immobiliers de l’État en Guyane

3. Un article supprimé en commission a été rétabli en séance

a. Article 81- Ratification des dispositions de l’ordonnance n° 20201733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution

4. Quatre articles additionnels ont été créés

a. Article additionnel après l’article 77

b. Article additionnel après l’article 81

c. Article additionnel après l’article 83

d. Article additionnel après l’article 83 bis

troisiÈme partie : l’indispensable Évolution institutionnelle de certains outre-mer

I. La gouvernance au niveau de l’État

A. Un fonctionnement peu satisfaisant

1. Un ministère des outre-mer affaibli

2. Des services déconcentrés dont le fonctionnement est perfectible

B. Des Évolutions envisageables

1. Responsabiliser l’échelon central

2. Au niveau des services déconcentrés de l’État sur les territoires.

C. Les enseignements tirés de la crise sanitaire

II. Décentralisation, différenciation et déconcentration

A. Un millefeuille administratif devenu illisible

1. Des compétences territoriales complexes

2. Des intercommunalités qui alourdissent le « millefeuille »

B. LibÉrer l’action publique locale en redéfinissant les contours et les compétences

1. Favoriser l’ingénierie locale

2. Imaginer une différenciation consentie

3. Vers des statuts adaptés et évolutifs

C. Renforcer l’action déconcentrée de l’Etat

III. La Gouvernance au niveau local

A. Quelques évolutions pratiques souhaitables et possibles

B. Redonner des marges de manŒuvre aux collectivités territoriales et restaurer la confiance

1. Recourir massivement à une contractualisation adaptée entre l’État et les collectivités territoriales en difficulté.

2. Élargir les possibilités de saisine des citoyens et de démocratie directe, en cas de carence dans la conduite des politiques publiques

3. Renforcer la mise en place de la transparence, des contrôles externes et des sanctions

Les PrÉconisations de la mission d’information

A. Préconisations concernant l’ensemble des outre-mer

1. Le domaine de la santé

2. Le domaine de l’éducation

3. Les spécificités des outre-mer

4. La répartition des compétences

B. Préconisations concernant certaines collectivités d’outre-mer

1. Concernant La Réunion

2. Concernant Mayotte

3. Concernant les collectivités du Pacifique

examen par la dÉlÉgation

ANNEXES

1. Une mesure symbolique indispensable : pénaliser la négation du crime d’esclavage

2. La nécessaire révision de l’alinéa 5 de l’Article 73 de la Constitution

liste des auditions

 

 


1

 

 

   introduction

 

Depuis la départementalisation de certains territoires ultramarins engagée dans le contexte historique de l’après-guerre, l’objectif politique pour les outre-mer s’est résumé au « rattrapage du modèle républicain » revendiqué, en matière sociale, éducative et politique, tant par les leaders politiques ultramarins que par les gouvernements successifs. Dès lors, dans un cadre institutionnel démocratique et stabilisé, les départements d’outre-mer ont bénéficié de transferts publics importants qui ont permis de doter ces territoires des infrastructures indispensables à leur décollage, au rattrapage social et, en définitive, à une croissance économique supérieure, pendant de nombreuses années, à celle de la métropole.

Soixante-dix ans après la départementalisation, les prestations sociales versées dans les départements d’outre-mer sont les mêmes que dans le reste du pays, sauf à Mayotte dont le rattrapage depuis la départementalisation de 2011 est loin d’être achevé. Le SMIC et le droit du travail sont presque totalement alignés sur l’hexagone. Dans tous les outre-mer, et pas seulement dans les départements, des infrastructures modernes, des équipements scolaires, de santé, des logements ont été construits. Les outre-mer français apparaissent ainsi comme des îlots de prospérité par rapport à la plupart des États voisins, généralement plus pauvres.

Pour autant, la comparaison avec l’hexagone met en évidence d’importants écarts de développement, révélateurs des limites des politiques de rattrapage. Et le cadre institutionnel n’est plus forcément adapté au développement et à l’épanouissement des outre-mer, confrontés à des réalités humaines, économiques, sociales et climatiques très différentes de celles de l’hexagone.

Le projet de loi dit « 3DS », pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et portant diverses mesures de simplification », déposé par le gouvernement devant le Parlement a pour ambition de faire évoluer ce cadre et d’apporter, comme son nom l’indique, plus de souplesse et de différenciation dans la gestion des collectivités.

Sur un sujet d’une telle importance, la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale se devait de faire entendre la voix des outre-mer. C’est la raison pour laquelle elle s’est saisie, dès le 25 mars 2021, en nommant trois rapporteurs de sensibilités politiques différentes qui, après avoir mené un certain nombre d’auditions et reçu de nombreuses contributions écrites, formulent 48 préconisations présentées dans le présent rapport.

 

 

Les préconisations proposées ne sont pas exhaustives et ne prétendent pas fournir une solution globale pour l’évolution du modèle institutionnel ou du modèle de développement des outre-mer. Elles mettent l’accent sur quelques-uns des dysfonctionnements qui peuvent être considérés comme des freins et sur quelques points de fonctionnement qui pourraient être améliorés à moindre coût.

Les rapporteurs regrettent toutefois que le gouvernement n’ait pas souhaité apporter à la Constitution les quelques modifications qui permettraient d’ajuster les statuts de chaque collectivité de manière à mieux les adapter aux contextes locaux : on ne gère pas la Guadeloupe comme le Cantal, ni Mayotte comme les Ardennes : un peu plus de différenciation constitutionnelle n’aurait pas nui au débat, bien au contraire. Sans doute ce vecteur législatif qui concerne l’ensemble des territoires de la République ne s’y prêtait-il pas. Le temps viendra où la nécessité de mettre en œuvre un chantier constitutionnel spécifique aux outre-mer se fera sentir.

 

 

 


  1  

   premiÈre partie : Des outre-mer marquÉs par une diversitÉ de statuts

 

I.   les collectivitÉs gÉrÉes par l’article 73 de la Constitution

L’article 73 de la Constitution regroupe des collectivités aux formes institutionnelles très variées (deux DROM, deux collectivités uniques et un département à assemblée délibérante unique).

A.   La Guadeloupe et La rÉunion sont des dÉpârtements-rÉgions d’outre-mer (DROM)

Depuis la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, la Guadeloupe est un département et une région d’outre-mer, relevant de l’article 73 de la Constitution. Par consultation locale du 7 décembre 2003, la Guadeloupe a refusé l’évolution vers la constitution d’une assemblée unique.

Quatre niveaux de collectivités existent en Guadeloupe : les communes (32), les intercommunalités (6), le département et la région.

La Réunion est un département et une région d’outre-mer, relevant de l’article 73 de la Constitution. Le projet de bi-départementalisation lancé à la fin des années 1990, visant à faire du sud de La Réunion le deuxième département de l’île, fut rejeté aussi bien par le conseil régional que par le conseil général au cours des séances des 17 et 18 mars 2000. La répartition des compétences entre la région et le département y suit celle des collectivités hexagonales (développement économique, lycées, formation, transports pour la région ; réseau routier, collèges et action sociale pour le département).

B.   La Guyane et la Martinique : deux collectivitÉs uniques rÉgies par l’article 73

Par consultation locale le 24 janvier 2010, les Guyanais ont opté pour une collectivité unique, régie par l’article 73 de la Constitution.

La loi du 27 juillet 2011 a créé la collectivité territoriale de Guyane (CTG) et ce changement de statut est devenu effectif en mars 2015. Selon l’article L. 7111‑1 du Code général des collectivités locales, la CTG « exerce les compétences attribuées à un département d’outre-mer et à une région d’outre-mer et toutes les compétences qui lui sont dévolues par la loi pour tenir compte de ses caractéristiques et contraintes particulières ».

Les organes de la collectivité se composent de l’assemblée de Guyane et de son président, assistés du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de la Guyane ainsi que du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge.

Le président de l’assemblée de Guyane est l’organe exécutif de la CTG.

Par consultation locale le 24 janvier 2010, les électeurs de Martinique ont décidé d’évoluer vers une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution. Cette nouvelle organisation administrative, prévue par la loi du 27 juillet 2011, est entrée en vigueur après l’élection de l’assemblée de Martinique en décembre 2015.

S’inspirant de la collectivité territoriale de la Corse, le système martiniquais est original s’agissant des collectivités de l’article 73 en ce qu’il prévoit une dissociation de l’exécutif et de la présidence de l’assemblée.

Après l’élection de son président et de ses vice-présidents, l’assemblée procède à l’élection parmi ses membres du conseil exécutif de Martinique (un président et huit conseillers exécutifs). Il existe ainsi un président de l’assemblée de Martinique (chargé d’organiser les travaux de l’assemblée) et un président du conseil exécutif de Martinique (chargé de diriger l’action de la collectivité et de préparer et d’exécuter les délibérations de l’assemblée).

C.   Mayotte, un dÉpartement d’outre-mer relevant de l’article 73

Consultés le 29 mars 2009, sur la base de l’article 72-4 de la Constitution, les électeurs de Mayotte ont approuvé massivement le projet de transformation de la collectivité en département. Le 31 mars 2011, elle est ainsi devenue le 101ème département français et le 5ème département d’outre-mer. La départementalisation a été progressive et la mise en place de l’identité législative a nécessité de prendre en compte les spécificités de la société mahoraise (existence d’un statut personnel en plus du statut de droit commun ; justice des cadis...). 

Disposant d’une assemblée unique, le conseil départemental de Mayotte exerce également les compétences d’un conseil régional. Le département exerce ainsi des compétences normalement dévolues aux régions.

II.   Les collectivitÉs rÉgies par l’article 74

Les collectivités de l’article 74 de la Constitution, bien que regroupées sous l’appellation uniforme de « collectivités d’outre-mer » (COM) recouvrent aussi différentes réalités statutaires. 

A.   Wallis-et-Futuna est un territoire directement administrÉ par l’État

Collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, son statut est fixé par la loi du 29 juillet 1961. L’État français est représenté à Wallis-et-Futuna par un administrateur supérieur. À la différence des autres collectivités territoriales, le pouvoir exécutif est assuré par le représentant de l’État et non par un président élu.

Le territoire est divisé administrativement en circonscriptions qui correspondent aux trois royaumes puisqu’une organisation monarchique traditionnelle y est reconnue. Chacune des circonscriptions (Uvea, Alo et Sigave) dispose de la personnalité morale avec un budget spécifique géré par un conseil de circonscription composée de chefs coutumiers et présidé par le roi.

Une assemblée territoriale délibère sur une quarantaine de domaines, conformément au décret du 22 juillet 1957.

B.   Saint-BarthÉlemy et Saint-Martin sont des collectivitÉs d’outre-mer dotÉes de l’autonomie

Ces territoires disposent d’un statut principalement régi par l’identité législative et par le principe de spécialité législative dans les seules matières transférées à la collectivité.

Auparavant commune de la Guadeloupe, Saint-Barthélemy est une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie régie par l’article 74 de la Constitution depuis la consultation du 7 décembre 2003.

Son statut est fixé par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Elle dispose d’un conseil exécutif, d’un conseil territorial ainsi que d’un conseil économique, social et culturel.

Ancienne commune de la Guadeloupe, Saint-Martin est devenue une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, à la suite de la consultation locale du 7 décembre 2003.

Son statut est fixé par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Saint-Martin dispose d’un conseil exécutif et d’un conseil territorial, ce dernier constituant l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale. La collectivité forme une circonscription électorale unique où les conseillers territoriaux sont élus pour 5 ans. En application de la loi organique, a été également créé un conseil économique, social et culturel, son rôle étant exclusivement consultatif.

C.   Saint-Pierre-et-Miquelon : une collectivitÉ d’outre-mer qui n’est pas dotÉe de l’autonomie

Ancien département d’outre-mer puis collectivité à statut particulier, elle est aujourd’hui une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Son statut est fixé par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

La collectivité est composée de deux communes : Saint-Pierre et Miquelon-Langlade. Elle dispose d’un conseil exécutif, d’un conseil territorial ainsi que d’un conseil économique, social et culturel.

D.   La PolynÉsie française est une COllectivitÉ d’outre-mer disposant d’une trÈs large autonomie

Son statut est fixé par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (modifié à sept reprises depuis). Le statut de 2004, ajusté en 2007 et renforcé en 2011, octroie à la Polynésie française une compétence de principe et à l’État des compétences d’attribution. La Polynésie française est ainsi compétente dans toutes les matières, à l’exception de celles expressément attribuées à l’État. Celui-ci exerce des compétences d’attribution recentrées sur ses missions régaliennes.

La Polynésie française dispose par ailleurs de compétences particulières en matière de relations internationales. Ce terme n’étant pas une catégorie juridique. 

S’inspirant du modèle parlementaire, les institutions polynésiennes comprennent un pouvoir exécutif (président et gouvernement de la Polynésie française), une assemblée législative (Assemblée de la Polynésie française) et un organe destiné à représenter les forces économiques et sociales du territoire (conseil économique, social et culturel de la Polynésie française). L’exécutif est responsable devant l’assemblée.

III.   Les statuts particuliers

Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises.

A.   La Nouvelle-CalÉdonie

La Nouvelle Calédonie dispose d’un statut particulier, relevant du titre XIII de la Constitution. Elle ne fait pas partie des collectivités territoriales au sens du 1er alinéa de l’article 72 de la Constitution. Son organisation institutionnelle est déterminée par la loi organique du 19 mars 1999. Après les « évènements » intervenus dans les années 1980, les accords de Matignon signés le 26 juin 1988 créent trois provinces semi-autonomes (Nord, Sud et îles Loyauté), chacune d’elle possédant une assemblée délibérante, et prévoient un référendum d’autodétermination.

À l’approche de cette consultation, un nouveau statut est négocié : les accords de Nouméa du 5 mai 1998 prévoient une autonomie renforcée et un transfert progressif et irréversible de compétences et institue une citoyenneté calédonienne. Le congrès est l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie. Élu de manière indirecte, il est constitué par une partie des élus des trois assemblées provinciales. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est élu par le congrès. Il est constitué à la représentation proportionnelle des groupes politiques élus au congrès. Le président du gouvernement est élu par les membres du gouvernement. Le congrès peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement. La coutume, élément essentiel de la culture kanak, est représentée par le Sénat coutumier. Le conseil économique et social a un rôle consultatif.

Deux dispositions essentielles révèlent l’originalité du statut calédonien. Le congrès peut prendre des délibérations à valeur législative appelées lois du pays. À la différence de la Polynésie française, ces actes ne sont pas contrôlés par le Conseil d’État mais par le Conseil constitutionnel, ce qui en fait des actes quasi législatifs. Par ailleurs, il est reconnu une citoyenneté calédonienne et des listes électorales spéciales sont prévues pour les élections provinciales et pour les scrutins d’autodétermination. Le principe d’un accès à l’emploi local prioritaire pour les Calédoniens est également reconnu.

B.   Les Terres australes et antarctiques françaises

Les Terres australes et antarctiques françaises, abrégées par l’acronyme TAAF, constituent une collectivité sui generis située en outre-mer créé par une loi du 6 août 1955. Elles sont mentionnées dans l’article 72-3 de la Constitution française.

Ce territoire comprend actuellement cinq districts très différents : l’archipel Crozet, les îles Kerguelen, les îles Éparses de l’océan Indien, les îles Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam et la Terre Adélie. Pour cette dernière, la souveraineté française s’exerce dans le contexte du traité sur l’Antarctique signé à Washington en 1959 qui établit un « gel » des prétentions territoriales et affirme la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent.

La souveraineté de la France doit donc être compatible avec les exigences du traité qui a été complété en 1991 par le protocole de Madrid sur la protection de l’environnement et qui fait de ce continent une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ».

C.   Clipperton

Pour mémoire, la souveraineté française s’applique également à l’île de Clipperton, territoire situé dans l’océan Pacifique à un peu plus de 1 000 km au sud-est des côtes du Mexique et à près de 4 000 km au nord-est des îles Marquises.

Cette île peu hospitalière et aux dimensions réduites (environ 4 km de long sur 2 km de large) ne compte aucune population permanente ce qui la dispense de tout statut.

 


Tableau récapitulatif des statuts des collectivités d’outre-mer

 

1-     Collectivités régies par l’article 73

 

Collectivité

Statut

Institutions

Conseil départemental

Conseil régional

Guadeloupe

Département et région d’outre-mer

Conseil départemental de la Guadeloupe

Conseil régional de la Guadeloupe

Martinique

Collectivité territoriale unique

Assemblée de Martinique

Guyane

Collectivité territoriale unique

Assemblée de Guyane

La Réunion

Département et région d’outre-mer

Conseil départemental de La Réunion

Conseil régional de La Réunion

Mayotte

Département et région d’outre-mer administré dans le cadre d’une collectivité territoriale unique

Conseil départemental de Mayotte

 

 

2-     Collectivités régies par l’article 74

 

Collectivité

Statut

Institutions

Saint-Pierre-et-Miquelon

Collectivité d’outre-mer

 

Conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon

Saint-Barthélemy

Collectivité d’outre-mer

 

Conseil territorial de Saint-Barthélemy

Saint-Martin

Collectivité d’outre-mer

 

Conseil territorial de Saint-Martin

Wallis et Futuna

Collectivité d’outre-mer

 

Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna

Polynésie française

Collectivité d’outre-mer

 

Assemblée de la Polynésie française

 

 

3-     Collectivités avec un statut particulier

 

Collectivité

Statut

Institutions

Nouvelle Calédonie


Collectivité d’outre-mer à statut sui generis

 

Congrès, gouvernement, Sénat coutumier

 

Terres australes et antarctique françaises

Territoire d’outre-mer

Pas de population permanente

Clipperton

Pas de statut

Pas de population permanente


 

 

 


  1  

   deuxiÈme partie : Le projet qui nous est présentÉ

Les rapporteurs ayant reçu mandat de la Délégation aux outre-mer d’examiner les dispositions relatives à l’outre-mer, il sera donc question dans cette partie seulement du titre VIII qui rassemble les articles traitant de cette thématique.

I.   Le projet de loi déposÉ par le gouvernement

Le projet déposé par le gouvernement comptait à l’origine quatre‑vingt‑trois articles. Le Sénat l’a grandement enrichi puisqu’il en compte désormais deux cent cinq. La partie relative aux outre-mer a quant à elle été augmentée de cinq articles, passant de neuf à quatorze.

A.   Article 75 : la crÉation À titre expÉrimental d’un État de calamitÉ naturelle exceptionnelle en Outre-mer

1.   Une expérimentation liée au dérèglement climatique 

L’article créé une expérimentation pour cinq ans, limitée aux territoires ultra-marins, d’un état de calamité naturelle exceptionnelle (ECNE). Il définit les conditions de déclaration de cet état de calamité naturelle exceptionnelle, avec trois conditions cumulatives : un aléa naturel majeur, une atteinte au fonctionnement normal des institutions et un danger grave et imminent. Il indique les conséquences de cette déclaration, la présomption d’urgence ou de force majeure qui s’y attache et les conditions de renouvellement de l’état de calamité naturelle exceptionnelle. Il suspend les délais administratifs pendant l’état de calamité naturelle exceptionnelle.

Cette expérimentation est limitée à l’outre-mer en raison d’une plus forte exposition de ces territoires au risque de calamité naturelle exceptionnelle et de l’impossibilité, résultant de leur insularité et de leur éloignement par rapport à la métropole, d’activer des mécanismes de solidarité en provenance de territoires proches immédiatement après la calamité.

Différant du régime de l’état de catastrophe naturelle instauré dans le seul but d’actionner, a posteriori, un mécanisme assurantiel particulier, l’état de calamité naturelle exceptionnelle permet de présumer l’existence d’une situation d’urgence permettant de recourir aux procédures dérogatoires figurant dans diverses réglementations devant être mise en œuvre aux fins de protéger les populations, de rétablir le fonctionnement normal des institutions et de préserver l’ordre public.

2.   Une lente intégration des outre-mer au dispositif national

Distincte de l’état de catastrophe naturelle, la reconnaissance d’état de catastrophe naturelle permet à un particulier d’être indemnisé par son assurance pour les dégâts causés sur des biens personnels par le phénomène d’origine naturelle. Cette couverture est solidaire : toute personne assurée – quel que soit le degré de couverture – bénéficie de cette « garantie catastrophe naturelle.

Les biens non couverts par une assurance (les routes par exemples) ne peuvent pas bénéficier d’une indemnisation au titre de la catastrophe naturelle, sauf exception si la collectivité gestionnaire les a couverts par une assurance spécifique.

L’état de catastrophe naturelle regroupe huit phénomènes naturels :

- les inondations ;

- les crues torrentielles ;

- les phénomènes liés à l’action de la mer ;

- les mouvements de terrain ;

- les phénomènes de sécheresse / réhydratation des sols ;

- les séismes ;

- les vents cycloniques ;

-  les avalanches.

Les autres phénomènes naturels, comme la grêle ou la tempête par exemple, même s’ils provoquent des dégâts matériels, ne permettent pas de déclencher l’état de catastrophe naturelle car ils sont couverts par les assurances « multirisques habitation ».

Créé par la loi du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophe naturelle, le nouveau régime juridique des catastrophes naturelles n’était pas applicable aux départements d’outre-mer. Il a fallu attendre 1990 pour que le régime de droit commun soit étendu aux départements ultramarins ainsi qu’à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Aujourd’hui intégré au code national des assurances, le régime est bien applicable dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, régies, elles, par l’article 74. Il est également applicable à Clipperton.

Le territoire des îles Wallis et Futuna est le dernier en date à avoir le régime de droit commun, depuis l’ordonnance du 19 avril 2000.

Au titre de leurs statuts d’autonomie, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie demeurent en dehors du champ de ce dispositif de droit commun. Cependant, les deux territoires ont pu développer des dispositifs relatifs aux catastrophes naturelles, bien que très différents du régime national.

3.   Les outre-mer sont très exposés aux catastrophes climatiques

Le terme de « calamité » peut être regardé comme, désignant un malheur collectif, un désastre, un fléau, c’est-à-dire un événement particulièrement grave par sa nature et/ou ses conséquences. Les collectivités ultramarines sont comparativement beaucoup plus exposées aux risques naturels d’une ampleur exceptionnelle que le territoire de la France métropolitaine.

Les Antilles (Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et la Martinique) sont confrontées à une conjonction de risques. Au niveau sismique, elles sont classées au plus haut niveau possible (niveau 5). On peut citer notamment le séisme de 1843 en Guadeloupe, le séisme des Saintes en 2004 (magnitude 6,3) et celui de Martinique en 2007 (magnitude 7). Les séismes sous-marins peuvent également générer un risque de tsunamis. S’y ajoute un risque cyclonique majeur, qui est récurrent. En 2017, les Antilles, ont été victimes de trois cyclones majeurs : Irma, José et Maria. Le premier a frappé avec une intensité exceptionnelle les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Enfin, il n’est guère nécessaire de rappeler le risque d’éruptions volcaniques, avec en particulier le massif de La Soufrière en Guadeloupe, dont la dernière éruption remonte à 1976-77.

La Guyane est notamment exposée aux glissements de terrain (13 morts en 2004), aux inondations par ruissellement ou débordement de cours d’eau, mais également à des évolutions du trait de côte, qui peuvent atteindre et dépasser 100 m par an sur certaines parties du littoral.

L’ile de La Réunion cumule différents risques naturels d’ampleur. Au passage des cyclones, fréquents dans cette partie de l’océan indien, on peut atteindre des niveaux record de pluviométrie qui conduisent à un risque d’inondations exceptionnelles, qui se conjuguent aux destructions par les vents. Les phénomènes de mouvements de terrain concernent la quasi-totalité de l’île, avec une ampleur parfois considérable. Enfin, le piton de la Fournaise est un massif volcanique qui demeure fortement actif.

De même, Mayotte est exposée aux risques cycloniques, mais surtout aux glissements de terrains en particulier dans les ravines de plus en plus peuplées. Elle est aussi sujette au risque sismique (séismes répétés en 2018). L’apparition d’un volcan sous-marin au large de l’archipel en mai 2018 fait craindre un phénomène de tsunami, qui a donné lieu à la mise en place d’un dispositif d’alerte de la population, très concentrée sur la bande littorale.

Les collectivités de Polynésie française et de Wallis et Futuna sont confrontées au risque cyclonique, ainsi qu’au risque de submersion marine par Tsunami.

Outre le risque cyclonique récurrent, la Polynésie française est régulièrement touchée par des inondations et des mouvements de terrains liés à des pluies diluviennes et crues torrentielles.

Wallis et Futuna se trouvent à proximité de zones de contact entre les plaques tectoniques de l’Australie et du Pacifique, sujettes à une activité tectonique, sismique et volcanique intense.

Enfin, la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon est soumise à des conditions climatiques extrêmes en hiver, avec des vents forts, des marées élevées et des tempêtes. Saint-Pierre et Miquelon-Langlade ont connu des phénomènes de submersion importants au cours de leur histoire.

4.   Un dispositif dérogatoire en cas de circonstances exceptionnelles

Confrontées à ces situations de crises extrêmes, les différentes autorités publiques se doivent d’apporter une réponse rapide et adaptée qui, souvent, s’accommode mal des contraintes et délais procéduraux fixés par les différentes législations. En outre, les autorités elles-mêmes (collectivités territoriales, services déconcentrés de l’État, etc.) peuvent, du fait de l’événement par nature imprévisible qui s’est abattu sur un territoire, être dans l’impossibilité pratique de faire fonctionner normalement les institutions.

Le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux outre-mer du 24 juillet 2018 soulignait la nécessité de créer un échelon d’alerte absolue qui permettrait de mieux prendre en compte les spécificités de gestion d’un aléa. Il s’agirait d’un dispositif exceptionnel qui serait instauré par décret gouvernemental.

L’état de calamité naturelle exceptionnelle permettrait de définir, de manière globale et non de manière ponctuelle pour chaque décision, le contenu, l’ampleur et la durée de mesures dérogatoires pour couvrir les besoins prioritaires (commandes publiques, déblaiement, gestion des déchets).

Les besoins de dérogation et d’adaptation concernent plusieurs secteurs :

- la gestion des déchets ;

- le rétablissement, même a minima des réseaux (électricité, télécommunications, eau potable, assainissement) ;

- la remise en état des infrastructures de transport critiques (routes, ports et aéroports notamment) ;

- la réglementation de l’espace aérien ;

- les travaux urgents de confortement de structures ;

- la commande publique ;

- l’adaptation au droit du travail, etc.

C’est pour ces motifs que les différentes législations offrent, face à des situations d’urgence impérieuse ou en cas de force majeure, des outils permettant d’apporter une réponse plus rapide aux difficultés majeures rencontrées par les populations et aux troubles à l’ordre public qui sont susceptibles de naître dans les jours suivant une catastrophe naturelle de grande ampleur.

B.   Article 76 : Le Report de la date de transfert au bloc local de la zone des cinquante pas gÉomÉtriques et de la fin de vie des agences des cinquante pas gÉomÉtriques

L’article permet de proroger jusqu’en 2031 l’existence de l’agence des cinquante pas géométriques. Il prolonge également jusqu’en 2024 les délais pour délimiter les zones urbaines dans ces espaces.

1.   L’objectif de régulariser des situations informelles

La zone des cinquante pas géométriques, autrefois dénommée réserve des cinquante pas du Roi, correspond à une surface d’une largeur de 81,20 mètres décomptés à partir de la limite du rivage de la mer (article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques). Elle fait partie du domaine public maritime de l’État (article L. 5111-1 du code précité). Elle bénéficie, à ce titre, des garanties d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité : sauf procédure de déclassement préalable, elle ne peut pas être cédée à une personne privée et ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive.

Mais depuis la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, elle peut être cédée dans « les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation » délimités par arrêté préfectoral, aux communes pour y construire des logements sociaux ou à des particuliers qui y ont déjà fait construire leur habitation principale.

Des agences des cinquante pas géométriques ont été créées en Guadeloupe et en Martinique afin de gérer les demandes affectant les espaces urbanisés et concernés par une urbanisation diffuse des cinquante pas géométriques. Elles sont dirigées par un conseil d’administration composé d’élus, de hauts fonctionnaires de diverses spécialités et de scientifiques.

Les agences des zones des cinquante pas de Guadeloupe et de la Martinique, sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPCI) qui exercent deux missions :

- une mission prioritaire d’accompagnement du processus de régularisation ;

- une mission secondaire d’aménagement foncier.

Plus précisément, ces agences :

- contribuent à l’observation et au suivi des occupations des terrains ;

- établissent après consultation de la ou des communes concernées, des programmes d’équipement en voirie et réseaux divers des terrains mentionnés au premier alinéa et mis gratuitement à leur disposition par l’État ;

- recherchent les occupants éligibles à la régularisation et les assistent dans leurs démarches de demande de cession ;

- établissent toutes formalités et documents nécessaires à la cession des terrains ;

- contribuent à la libération des terrains dont l’occupation sans titre ne peut être régularisée et au relogement de leurs occupants ;

- réalisent les travaux de voies d’accès, de réseaux d’eau potable et d’assainissement lorsque les communes n’en assurent pas la conduite.

L’objectif général des travaux de l’Agence est de pouvoir prendre des mesures conservatoires qui permettront ultérieurement aux occupants de vivre dans des conditions décentes.

2.   Une préoccupation constante depuis 25 ans

Créées par la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 pour une durée initiale de dix ans, les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques (ZPG) de Guadeloupe et de Martinique ont vu leurs missions évoluer et se diversifier au fil des ans.

Plusieurs textes législatifs ont prolongé leur durée de vie en l’absence d’une stratégie pérenne de régularisation des occupations irrégulières. Le dernier en date est la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer qui avait prévu le transfert de domanialité des espaces urbains et des secteurs d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques antillaise dans le domaine public des collectivités régionales selon un calendrier défini par étapes jusqu’au 1er janvier 2021, date du transfert effectif.

Ce calendrier, qui prévoyait à la même date la fermeture des agences des cinquante pas géométriques, n’a pu être tenu.

Compte tenu de cette situation, le gouvernement a chargé le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) de proposer des solutions pérennes. La mission a rendu son rapport en février 2020 mais la crise sanitaire ayant empêché de conduire les travaux et les consultations nécessaires à la prise de mesures législatives correctives, le gouvernement a identifié des dispositions urgentes concernant la zone des cinquante pas géométriques dans le cadre de l’un des projets de lois tenant compte des conséquences de la crise sanitaire.

Ainsi, l’article 27 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 (relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire) a permis de modifier le calendrier initial en décalant d’une année calendaire différentes étapes dans le processus de préparation au transfert du domaine, en effet elle prévoit le transfert de domanialité des espaces urbains et secteurs d’urbanisation diffuse de la ZPG dans le domaine public de la région Guadeloupe et de la collectivité territoriale de Martinique au plus tard le 1er janvier 2022 et, par voie de conséquence, la disparition des agences des 50 pas géométriques.

Cependant, ce calendrier ne peut être respecté. En effet, la régularisation des occupations sans titre est liée au contexte historique très particulier de cette zone. Les biens les plus exposés aux risques naturels ne peuvent pas être régularisés et il est prévu une indemnité dans le Fonds Barnier pour accompagner financièrement les occupants vers un autre logement. Par ailleurs, la procédure de régularisation (identification des occupants, document d’arpentage, cessions) peine à être mises en œuvre faute de moyens dans les directions départementales des finances publiques (DDFIP). Enfin, la réalisation des aménagements nécessaires aux relogements et au maintien des habitations régularisées nécessite un renforcement des compétences des agences.

L’article prévoit donc des mesures de correction du calendrier initialement fixé par la loi d’actualisation du droit des outre-mer de 2015 et préconisées dans le rapport du CGEDD.

3.   Une procédure qui se décompose en plusieurs étapes

Le dispositif retenu par le gouvernement s’appuie sur les recommandations du rapport du CGEDD qui préconise une modification en plusieurs temps du cadre législatif.

Dans un premier temps, il s’agit de mettre en place un processus transitoire préparatoire au transfert de la ZPG en vue de délimiter les espaces concernés à terme. Ce sont les modifications prévues dans le cadre de la présente loi qui constituent un dispositif de transition. Ce premier temps est nécessaire pour définir les secteurs de la ZPG sur lesquels les occupations pourront être régularisées et les secteurs exposés à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines, ainsi que les modalités de relogements des occupants qui ne peuvent être régularisés.

Le nouveau calendrier pourra être respecté dans la mesure où les différentes étapes sont désormais sous l’entière maîtrise de l’État et en conservant les bénéficiaires actuels du transfert de la zone des cinquante pas géométriques.

Les mesures permettront à terme de mettre fin à un dispositif d’exception et d’instaurer en Martinique et Guadeloupe le droit commun sur le littoral (instauration de la bande des 100 mètres des communes littorales notamment).

C.   Article 77 : l’Adaptation de la prescription acquisitive immobiliÈre À Mayotte 

L’article assouplit les conditions dans lesquelles la propriété immobilière s’acquiert par prescription à Mayotte, en précisant qu’il est tenu compte, pour la computation du délai de trente ans prévu à l’article 2272 du Code civil, de la période antérieure au 1er janvier 2008. 

1.   Une intégration en deux temps de Mayotte au régime de la prescription acquisitive

Malgré la départementalisation de Mayotte, le régime de la publicité immobilière applicable dans ce territoire reste fortement dérogatoire au droit commun. Il est fondé sur le système dit de l’immatriculation, selon lequel les droits réels immobiliers ne sont opposables aux tiers que pour autant qu’ils aient été publiés sur un livre foncier, à un compte ouvert pour l’immeuble concerné et après une procédure visant à vérifier ces droits et à purger d’éventuels contentieux.

Le régime de l’immatriculation ayant pour objet d’assurer aux titulaires la garantie des droits réels qu’ils possèdent sur les immeubles préalablement immatriculés, grâce à la vérification préalable de ces droits et à leur publication, la prescription acquisitive n’avait pas nécessairement sa place. Le décret du 4 février 1911 l’excluait d’ailleurs expressément : « la prescription ne peut, en aucun cas, constituer un mode d’acquisition de droits réels ou charges sur des immeubles immatriculés ».

L’ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions en matière de propriété immobilière à Mayotte, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a profondément révisé le régime foncier mahorais pour le rapprocher de celui de droit commun relatif aux modes d’acquisition de la propriété. Ce texte abroge notamment le décret du 4 février 1911 et celui du 9 juin 1931, qui excluait les habitants de Mayotte du bénéfice de la prescription acquisitive au terme d’un délai de trente ans.

Si l’acquisition de la propriété des biens immobiliers par prescription acquisitive est désormais possible à Mayotte depuis le 1er janvier 2008, l’article 13 de l’ordonnance de 2005 précise que les immeubles en cours d’immatriculation et les droits en cours d’inscription à cette date continueront de relever jusqu’au terme des procédures des dispositions du décret de 1911. Il résulte de ces dispositions que les Mahorais devront encore attendre dix-sept ans pour se prévaloir de la prescription trentenaire. Cette situation est d’autant plus paradoxale que l’article 35‑2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « LODEOM », fixe au 31 décembre 2027 le terme des dispositions permettant d’établir les actes de notoriété acquisitive.

2.   L’objectif de résorber le désordre foncier à Mayotte

Les problèmes liés au « désordre foncier » à Mayotte – c’est-à-dire à l’absence de tout titre de propriété sur de nombreux immeubles, à la non-publication des titres existants ou encore à la discordance entre propriété et possession – sont bien connus. Aujourd’hui, la commission d’urgence foncière, estime en l’état de ses investigations à 80 000 le nombre des régularisations de titres à effectuer soit par prescription soit en publiant des actes sous-seing privés antérieurs à 2008. Pour régler le sort des possesseurs sans titre, ou dotés d’actes qui n’ont pas les caractères du juste titre, cet article tend à prendre en compte, jusqu’au 31 décembre 2037, la période antérieure au 1er janvier 2008 pour établir le délai de prescription acquisitive de 30 ans.

Les problèmes de désordre foncier se cumulent avec une forte croissance démographique : entre 2007 et 2017 le nombre d’habitants a été porté de 186 452 à 256 518. La conséquence est un manque de terrains constructibles qui fait obstacle à tout aménagement du territoire et au développement économique de l’île.

L’identification des propriétaires permettrait la mise en œuvre de politiques urbanistiques favorisant la construction de logements et d’équipements sociaux ainsi que le développement économique de l’île. En effet, si la réforme de la prescription acquisitive est adoptée, 2492 hectares, soit 13 % des terrains de l’île, seraient concernés, la plupart constructibles, ce qui permettrait de réduire drastiquement le désordre foncier.

En outre, près de quatre logements sur dix sont des bangas, habitations de fortune faîtes de tôle, de bois ou de terre, qui sont souvent construites sur les terrains d’autrui. En l’absence de titre, les possesseurs des parcelles en question ne sont pas en mesure de demander au juge d’expulser les squatters. Ces bangas constituent de véritables bidonvilles, particulièrement insalubres, qui abritent majoritairement des étrangers en situation irrégulière.

3.   De nombreux effets bénéfiques attendus

Outre l’objectif de résorber le désordre foncier, la mesure doit participer au développement économique de Mayotte. En effet, les entreprises présentes à Mayotte peinent à se développer en l’absence de terrains susceptibles d’accueillir l’ensemble de leurs activités. La mesure proposée permettrait la vente de terrains, favorisant ainsi l’aménagement rationnel du territoire, l’accroissement des entreprises et la création d’emplois et ainsi le développement économique de l’île.

Une telle réforme permettra également un véritable changement sociétal à Mayotte. Si les populations mahoraises ont pu immatriculer leurs biens durant le XXème siècle, les successions n’ont pas toujours été réalisées. En outre, les mahorais ont très largement vécu en indivision, ce qui a complexifié encore l’identification de propriétaires. Ainsi, tout en renforçant l’accès individuel de la population mahoraise à la propriété foncière, la mesure la protégera contre la précarité d’une situation qui naîtrait de l’absence de tout titre. Pourront ainsi être mises en œuvre des procédures d’expulsion pour les occupants sans titres présents sur leur terrain. Devenus propriétaires, les possesseurs devront s’acquitter des impôts locaux et des autres obligations qui s’attachent à cette qualité.

Les communes pourront mettre en œuvre des politiques d’urbanisme et d’aménagement, notamment pour améliorer les réseaux dans leurs territoires. Des procédures d’expropriation pourraient également être mises en œuvre pour la réalisation d’équipements répondant à un intérêt général.

D.   article 78 : la CrÉation dans les collectivitÉs de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de La RÉunion et de Mayotte d’une catÉgorie d’Établissements publics À caractÈre industriel et commercial en matiÈre de formation professionnelle

Cet article a pour objet de permettre à chacune des régions d’outre-mer de créer un établissement public industriel et commercial en matière de formation professionnelle, placé sous sa tutelle.

Afin de pouvoir mettre en œuvre les actions en matière d’orientation, de formation professionnelle et d’accès à la qualification qui lui sont confiées par la région, l’établissement public pourra créer des filiales.

Par dérogation à l’article L. 1224-3-1 du Code du travail, il est prévu que les agents non titulaires de droit public employés à la date de la délibération portant création de l’établissement pourront opter, dans un délai de six mois à compter de cette même date, pour la conservation du bénéfice de leur contrat de droit public.

1.   La nécessité d’élever le niveau de compétences des demandeurs d’emploi

Les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte sont confrontées à la nécessité d’élever le niveau de qualification de leur population active, comme en témoignent les indicateurs ci-après :

- la part de la population active âgée de 15 à 64 ans sans diplôme s’élève à 46,9 % pour les territoires cités (hors Mayotte) contre 30,1 % pour l’ensemble du territoire en 2015 ;

- la part des jeunes de 17 ans ayant participé aux journées de défense et de citoyenneté (JDC) en situation d’illettrisme en 2015 était de 20,2 % pour les territoires cités, contre 3,6 % en France métropolitaine.

La nécessité d’élever le niveau de compétences des demandeurs d’emploi dans les territoires cités est à mettre en parallèle avec les forts taux de chômage en registrés dans les outre-mer. En 2015, les taux de chômage s’élevaient à 24,6 % à la Réunion, 23,7 % en Guadeloupe, 21,9 % en Guyane, 18,9 % à la Martinique et 23,6 % à Mayotte contre 10 % en France hexagonale. Celui des jeunes de moins de 25 ans s’élevait à 52,4 % à La Réunion, à 55,2 % en Guadeloupe, à 46,7 % en Guyane, à 47,4 % à la Martinique et à 46,1 % à Mayotte contre 24 % en France hexagonale. Une amélioration du niveau de qualification de la population active ultramarine serait gage d’une insertion durable dans l’emploi.

2.   Les handicaps structurels de l’offre de formation locale

La configuration et l’étroitesse des marchés ultramarins ne permettent pas l’implantation d’une offre locale de formation couvrant l’ensemble des champs de compétences, et ceci tout particulièrement pour les métiers rares et émergents. En effet, les organismes locaux de formation ne peuvent raisonnablement créer des plateformes formatives sur l’ensemble des diplômes ou des titres professionnels, compte tenu du rapport entre les investissements requis et le nombre de stagiaires souvent insuffisant inscrits sur chaque session.

Ces handicaps structurels liés à la difficulté d’atteindre le seuil de rentabilité de chaque formation entravent la capacité des employeurs à recruter localement sur certaines compétences. C’est pourquoi une politique spécifique a été mise en place : le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (le PMFP), qui permet aux ultramarins de suivre une formation qualifiante hors de leur collectivité d’origine, dès lors que cette formation s’avère non disponible sur place. En 2019, 2 815 demandeurs d’emploi ultramarins ont pu en profiter.

3.   Une mesure s’inscrivant dans la modernisation profonde du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage en outre-mer

Les innovations introduites par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et l’ordonnance n° 2019-893 du 28 août 2019 portant adaptation de cette loi aux spécificités des collectivités d’outre-mer créent les conditions d’une modernisation profonde du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage sur ces territoires. Ont notamment été adaptées, les dispositions relatives au schéma d’implantation des opérateurs de compétences (OPCO), les mesures applicables en matière d’apprentissage et les règles applicables à la prise en charge des frais de formation en mobilité hors apprentissage pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés dans le cadre des actions de formation du plan de développement des compétences.

En complément et afin de contribuer à une meilleure structuration sur le long terme de l’offre de formation mise en place, le présent article entend adapter les stratégies régionales d’offre de formation professionnelle continue en fonction des spécificités locales. Dans ce cadre, la capacité donnée aux collectivités d’outre-mer concernées de créer un EPIC en matière de formation professionnelle permettrait à cet établissement d’agir dans le champ concurrentiel et d’assurer les activités menées par l’AFPA en France métropolitaine, laquelle revêt la forme d’un EPIC.

Dans les cas où l’offre locale privée ne permet pas de répondre aux besoins du territoire, l’EPIC pourrait mettre en œuvre :

- des actions de formation en vue du développement des compétences, de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi, accompagnées si nécessaire de dispositifs d’hébergement ou de restauration ;

- toute autre action en matière d’orientation, de formation professionnelle et d’accès à la qualification, y compris des actions de communication ou d’information et la réalisation d’études.

En présence d’une offre locale privée permettant de répondre aux besoins du territoire, l’établissement ne pourrait mettre en œuvre des actions de cette nature qu’au moyen de filiales.

Enfin, la présente disposition permettrait d’apporter une réponse aux enjeux mahorais en habilitant le conseil départemental de Mayotte à structurer son offre de formation par la création d’un EPIC en matière de formation professionnelle.

E.   article 79 : le Financement participatif dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Cet article étend dans les TAAF les dispositions de l’article L. 1611‑7‑1 du Code général des collectivités territoriales qui prévoient la possibilité pour les collectivités de confier à un organisme public ou privé l’encaissement de certaines recettes, dont la liste est complétée par décret.

1.   Les TAAF, une collectivité d’outre-mer particulière

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont, depuis 1955, une collectivité sui generis située en outre-mer et dotée de l’autonomie administrative et financière. Aucune population civile n’occupe ces territoires mais une présence militaire et scientifique y est maintenue en permanence.

D’après l’article 72-3 de la Constitution, c’est la loi qui détermine le régime législatif et l’organisation particulière des TAAF. Les TAAF ont la particularité d’être soumises au principe de spécialité législative en vertu duquel les textes de nature législative ou réglementaire (excepté les textes de souveraineté) ne sont applicables que s’ils comportent une mention expresse d’applicabilité.

Les TAAF sont exclues des dispositifs prévus par l’article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 qui a donné une base légale aux conventions de mandat tant pour le recouvrement de certaines créances publiques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics que pour le paiement de certaines dépenses de l’État, de ses établissements publics, des groupements nationaux d’intérêt public et des autorités publiques indépendantes.

2.   Permettre les conventions de mandat pour favoriser le rayonnement des TAAF

Dans le cadre de la candidature des « Terres et mer australes » déposée par la France auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en 2018, les TAAF avaient envisagé une campagne de financement participatif afin de financer la réalisation d’outils de promotion (livre-exposition-film) de la candidature. À cette occasion, la collectivité des TAAF a été confrontée à l’impossibilité juridique de conclure une convention de mandat avec une plateforme de financement participatif.

L’extension de cet article législatif aux TAAF permettrait donc à la collectivité de diversifier ses sources de financement en lui permettant de confier à un organisme tiers l’encaissement de recettes issues d’un financement participatif. Grâce à ce mode de financement, la conclusion de projets contribuant à la visibilité des TAAF sera facilitée. Jusqu’à maintenant, l’exclusion des TAAF des dispositifs prévus par l’article 40 de la loi du 20 décembre 2014 privait la collectivité de ressources complémentaires alors même que cette situation n’était pas justifiée par un motif particulier.

Cette disposition permettrait également de faire bénéficier les TAAF du même degré de souplesse et de sécurité juridique que l’ensemble des collectivités territoriales.

F.   article 80 : la Modification des conseils Économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’Éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique

Cet article tend à assouplir la gouvernance des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique, en supprimant l’obligation d’organisation en deux sections.

1.   Les problématiques actuelles de gouvernance au sein des CESECE

Dans chaque région d’outre-mer, la loi n° 82-1171 du 31 décembre 1982 a institué un conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE), conseil consultatif rattaché à la région, à côté du conseil économique, social et environnemental (CESER), qui existe dans toutes les régions de l’hexagone, et ce afin d’assurer la reconnaissance de certaines particularités culturelles des territoires ultramarins.

Lors de la création des deux collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique, par la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011, il a été décidé, afin de leur donner davantage de poids face à la nouvelle collectivité unique, de fusionner ces deux conseils. Afin de préserver la prise en compte de la dimension culturelle qui avait justifié la création du CCEE, il avait alors été décidé de créer au sein du conseil fusionné deux sections, l’une économique et sociale et l’autre relative à la culture, l’éducation et l’environnement.

La création de ces deux sections au sein du CESECE en Guyane et en Martinique, qui limite les effets de la fusion des anciens conseils, entraîne deux conséquences négatives en matière de gouvernance :

- cette dualité des sections alourdit le fonctionnement du CESECE, à l’encontre de l’objectif initial de création d’un organisme unique, et allonge les délais de traitement des demandes d’avis. En effet, les conditions de réunion des sections, fixées par le règlement intérieur du CESECE sont les mêmes que pour l’assemblée plénière du CESECE. De plus, les avis des sections doivent être avalisés par l’assemblée plénière avant d’être transmis. Ainsi, alors que les anciens CESER et CCEE se prononçaient en moyenne dans un délai de 12 jours, le délai est désormais de 24 jours pour le CESECE ;

- cette structuration a pour effet indirect la mise en place d’une présidence alternée. Ce mandat de trois ans est souvent incompatible avec la réalisation de projets dans le cadre d’une instance dont la durée du mandat des membres est de six ans.

2.   Donner plus de souplesse aux CESECE pour organiser leur fonctionnement interne

Face à ces difficultés, les deux CESECE ont proposé la suppression de la structuration en deux sections, lors d’une démarche conjointe se traduisant par l’adoption de la délibération n° 12-6-2019 portant autorisation d’introduire une demande de modification de la loi n° 2011-884 auprès du gouvernement.

Le projet de loi aligne l’organisation et le fonctionnement des CESECE de Guyane et de Martinique sur les dispositions de droit commun relatives aux CESER et aux CCEE :

- la subdivision obligatoire en deux sections est supprimée et les modalités d’organisation interne de l’institution relèvent du règlement intérieur ;

- le président est élu pour six ans, soit la durée du mandat des membres du CESECE.

Ainsi le CESECE de Guyane et le CESECE de Martinique ont la possibilité de créer eux-mêmes des sections s’ils l’estiment nécessaires. Cela devient une décision d’organisation interne au CESECE, qui n’a plus d’incidence sur la gouvernance de la structure.

G.   article 81 : la ratification de la refonte de la partie lÉgislative du code de l’entrÉe et du sÉjour des Étrangers et du droit d’asile (ceseda) par ordonnance

L’article 81 tend à ratifier les dispositions de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du CESEDA prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution.

1.   La refonte de la partie législative du CESEDA

Faisant le constat de la perte de cohérence du CESEDA, ce qui était source de difficultés dans sa mise en œuvre, le législateur a habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance pour « recodifier » ce code afin « d’en aménager le plan, d’en clarifier la rédaction et d’y inclure les dispositions d’autres codes ou non codifiées relevant du domaine de la loi et intéressant directement l’entrée et le séjour des étrangers en France ».

La nouvelle codification devait être effectuée à droit constant, « sous réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ».

Le gouvernement disposait d’un délai de 24 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour effectuer cette nouvelle codification. Ce délai a été prorogé de 4 mois par l’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

2.   Les changements qui concernent les outre-mer

La refonte de ce code a mis en lumière la nécessité de revoir la place accordée, en son sein, au droit applicable en outre-mer. En effet, si les dispositions du CESEDA étaient déjà applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, seules ses dispositions relatives au droit d’asile étaient applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Le reste du droit de l’entrée et du séjour des étrangers était régi, dans les trois collectivités du Pacifique, par des ordonnances particulières, et, dans les Terres australes et antarctiques françaises, par le titre II de la loi n° 71-569 du 15 juillet 1971 modifiée relative au territoire des Terres australes et antarctiques françaises.

Il est apparu indispensable, tant pour des raisons pratiques (accessibilité, lisibilité, actualisation) que pour des raisons de fond (harmonisation du droit des étrangers relevant de la compétence de l’État et articulation des dispositifs adaptés entre les territoires), de codifier ces textes spécifiques.

Le gouvernement a souhaité faire apparaître plus clairement les modalités d’application du code dans les outre-mer en introduisant dans chaque livre thématique un titre dédié permettant de savoir si le droit applicable dans l’hexagone s’applique sans modification, s’il fait l’objet d’adaptations ponctuelles, ou si des dispositions spécifiques à certaines collectivités sont en vigueur. Pour ce faire, il lui est apparu utile de codifier les textes spécifiques qui régissent l’entrée et le séjour des étrangers à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Au-delà d’une simple codification à droit constant, le gouvernement a souhaité actualiser le droit en vigueur dans ces collectivités et territoires, pour permettre une meilleure articulation avec les dispositions spécifiques en vigueur dans ces territoires et les compétences des collectivités.

Le gouvernement a donc pris certaines des dispositions de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 sur la base de l’article 74-1 de la Constitution, qui lui permet « dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, [d’]étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou [d’]adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure ».

Or, les dispositions prises sur la base de l’article 74-1 de la Constitution, si elles entrent en vigueur dès leur publication, deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans un délai de 18 mois suivant leur publication. En l’espèce, faute de ratification par le Parlement, les dispositions de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 prises sur la base de l’article 74-1 de la Constitution deviendront caduques le 16 juin 2022.

H.   article 82 : Adaptation et extension en Nouvelle-CalÉdonie et en PolynÉsie française de la prÉsente loi

Cet article habilite le gouvernement à adapter et étendre la présente loi en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie par ordonnance.

Le recours à une ordonnance sur la base de l’article 38 de la Constitution a été privilégié compte-tenu de la nécessité d’examiner les dispositions de la loi (les dispositions qui figurent à l’origine dans le projet de loi comme celles ajoutées ou modifiées au cours du débat parlementaire) pour déterminer celles qu’il convient d’étendre et d’adapter en Polynésie française (collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution) et en Nouvelle-Calédonie (collectivité sui generis régie par l’article 77 de la Constitution).

Ces collectivités présentent en effet des spécificités, d’une part, du fait de la répartition des compétences entre l’État et les différents niveaux de collectivités, et, d’autre part, au regard de leur organisation institutionnelle, incompatibles avec une extension pure et simple du droit commun.

L’habilitation demandée par le gouvernement permettrait, notamment, d’étendre à ces territoires les dispositions du projet de loi relatives aux matières sociale, sanitaire ou de circulation routière dont des adaptations à ces collectivités doivent être expressément prévues. Au surplus, les dispositions du projet de loi relatives aux compétences exercées par le bloc communal doivent faire l’objet d’adaptations spécifiques, en particulier pour leur application en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, du fait de l’organisation très spécifique de leurs blocs communaux.

I.   article 83 : ModalitÉs de cession du foncier de l’État en Guyane

Cet article vise, d’une part, à déplafonner les cessions d’immeubles domaniaux de l’État aux communes guyanaises et à leurs groupements en vue de constituer des réserves foncières, d’autre part, à encadrer l’exercice du droit d’opposition des communes aux cessions d’immeubles de l’État à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane (EPFAG).

1.   Une cession de foncier nécessaire pour favoriser la politique du logement

Malgré sa superficie de 83 000 km² et son faible peuplement (262 527 habitants actuellement mais 700 000 habitants prévus en 2050) le territoire guyanais manque de foncier aménagé. Actuellement parmi les 7,9 millions d’hectares du domaine privé de l’État représentant 96 % du territoire guyanais, seuls 100 000 hectares sont disponibles et valorisables dont 6 226 hectares en zone urbaine et 87 372 en zone agricole. La plupart de ces surfaces ne sont pas aménagées, ce qui freine les politiques publiques en faveur du logement.

Le schéma d’aménagement régional approuvé en 2016 ne comprend que 1% de zones à vocation urbaine et 2 % à vocation agricole ramenant une densité apparente de 3 habitants au km² à une densité réelle de 316 habitants au km². Le foncier aménagé est aujourd’hui limité et le rattrapage de ce retard d’aménagement demande du temps (acquisition des terrains, réalisation des aménagements nécessaires, etc.). Partout sur le territoire le logement informel progresse, l’offre de logements, notamment sociaux, ne se développe pas assez rapidement et durablement.

Pour répondre à cette situation, une opération d’intérêt national (OIN) multi sites a été créée par le décret n° 2016-1736 du 14 décembre 2016 sur les principaux pôles urbains de la Guyane. La création de cette OIN prévoit notamment la cession gratuite de foncier de l’État au profit de l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane (EPFAG), établissement public sous tutelle de l’État, afin que cet opérateur puisse aménager vingt-quatre secteurs (viabilisation des terrains, aménagement des voiries secondaires et des espaces publics).

Si le financement des opérations repose pour partie sur les cessions aux opérateurs privés et aux bailleurs sociaux, les opérations restent déficitaires et doivent être financées soit par des subventions, soit par des apports de terrains. Le patrimoine foncier de l’État permet de contribuer à l’activité de l’EPFAG avec l’apport de 1 596 hectares compris dans les périmètres de l’OIN, soit 27,5 % de la totalité de la surface de ces périmètres. Cet apport matérialise l’effort de l’État en faveur de l’OIN.

Étant donné les enjeux d’aménagement pesant sur le territoire guyanais (logement, traitement de l’habitat informel, indigne et insalubre, préservation de l’environnement, activités économiques et agricoles, etc.), il est nécessaire d’assurer le transfert du foncier de l’État vers l’EPFAG à un rythme suffisant tout en sollicitant l’avis des collectivités territoriales.

2.   Une volonté ancienne de transférer du foncier

Afin de répondre aux besoins de logements et d’équipements d’une population en progression constante, et face à la demande des élus locaux, le législateur a d’abord cherché, à compter des années 1970, à faciliter le transfert de la propriété ou de la jouissance des terrains aménageables aux collectivités territoriales guyanaises, ainsi qu’aux communautés d’habitants tirant traditionnellement de la forêt leurs moyens de subsistance, en assouplissant les règles applicables à la cession ou à la concession du domaine privé de l’État.

La loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 de finances rectificative pour 1989 a notamment autorisé la cession gratuite d’immeubles domaniaux aux communes de Guyane et à leurs groupements, en vue de constituer des réserves foncières et à condition que la superficie globale cédée en une ou plusieurs fois n’excède pas une superficie de référence égale à dix fois celle des parties agglomérées de la commune cessionnaire à la date de la première cession gratuite. Cette condition a depuis été assouplie : aujourd’hui, l’État peut céder cette superficie de référence tous les dix ans.

Par ailleurs, un établissement public de l’État chargé d’opérations de portage foncier et d’aménagement a été créé en 1996, l’EPAG, devenu EPFAG en 2016. Cet établissement exerce, sur l’ensemble du territoire guyanais, pour son propre compte ou pour le compte de l’État, des collectivités territoriales, d’établissements publics ou de personnes publiques ou privées y ayant vocation, des compétences très larges de portage foncier et d’aménagement urbain (alors que ces deux fonctions relèvent en général de deux catégories distinctes d’établissements publics de l’État), mais aussi d’aménagement rural, compte tenu de l’absence en Guyane jusqu’en mai 2021 de toute société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER)

À la suite d’un rapport rendu en mars 2013 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), et conformément aux annonces faites par le gouvernement, un décret du 14 décembre 2016 a érigé au rang d’opération d’intérêt national (OIN) l’aménagement des principaux pôles urbains de Guyane , dans un périmètre incluant le territoire des communes de Cayenne, Kourou, Macouria, Mana, Matoury, Montsinéry, Rémire-Montjoly, Roura et Saint-Laurent-du-Maroni, de la communauté d’agglomération du centre littoral et des communauté de communes des Savanes et de l’Ouest guyanais. Selon le CGEDD, en effet, les acteurs locaux ne disposent pas des moyens nécessaires pour faire face à la pénurie de logement, aggravée par l’explosion démographique en cours, et une implication plus forte de l’État est nécessaire. Il s’agit de la première et, jusqu’ici, de la seule OIN en outre-mer.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « ELAN », a autorisé la cession gratuite à l’EPFAG d’immeubles domaniaux compris dans un plan d’occupation des sols opposable aux tiers, un plan d’urbanisme approuvé ou un document d’urbanisme en tenant lieu, sous réserve de l’accord préalable de la commune de situation des biens cédés.

3.   Le potentiel blocage des cessions de foncier par les communes

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) est venue préciser les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales sont consultées dans le cadre de ces cessions de foncier, en précisant que ces dernières ne pouvaient être réalisées qu’à la suite d’un accord préalable de la commune de situation.

Il apparaît que suite à cette loi, le transfert de ce foncier est rendu incertain du fait de difficultés constatées dans son application. En effet, cet article prévoit la consultation pour accord préalable de la commune concernée par une cession mais ne précise ni le délai dans lequel la commune doit rendre son avis, ni le sens de son avis en cas d’absence de réponse. Il en résulte une incertitude juridique si la commune ne transmet pas son avis. Dans le silence actuel des textes, seul le juge est compétent pour apprécier le formalisme de l’avis transmis ainsi que le délai « raisonnable » dans lequel la commune sera considérée comme ayant rendu celui-ci. La situation actuelle est donc source de risques juridiques et de blocages pour l’OIN de Guyane.

Le préfet de Guyane a en ce sens constaté que les transferts de foncier vers l’EPFAG vont constituer une charge administrative importante pour les communes et un risque de dérapage opérationnel si elles tardent à rendre leur avis.

Cette situation est d’autant plus regrettable que l’évolution législative initiale avait pour objet de simplifier la procédure de cessions gratuites de terrains de l’État à l’EPFAG dans l’intérêt des guyanais et sans léser les intérêts des collectivités puisque l’État s’est engagé, dans l’Accord de Guyane du 21 avril 2017, à céder à titre gratuit 250 000 hectares de foncier lui appartenant, à la collectivité territoriale de Guyane et aux communes.

L’article prévoit donc d’indiquer qu’au terme d’un délai de deux mois à compter de la réception par le maire du projet d’acte de cession adressé par le préfet, l’accord de la commune est réputé acquis.

4.   Le potentiel blocage des cessions de foncier par la loi

L’article L. 5142-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version actuelle, fixe une limite spatiale aux cessions à titre gratuit que l’État peut faire aux collectivités territoriales ou à leurs groupements en vue de constituer, sur le territoire d’une commune, des réserves foncières. La superficie globale cédée en une ou plusieurs fois ne peut en effet excéder, sur chaque commune, une superficie de référence égale à dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune de situation des biens cédés pour chaque période de dix années à compter de la date de la première cession gratuite.

Cette limite de superficie est susceptible de constituer un obstacle aux transferts projetés en risquant d’enfermer la finalisation du transfert dans des délais trop contraints. La négociation du transfert implique en effet que chacun puisse s’en approprier les enjeux, qu’une concertation puisse avoir lieu et que de nouveaux moyens de gestion foncière soient mobilisés.

L’article propose donc de lever cette limite qui pourrait constituer un obstacle aux transferts projetés.

II.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a modifié substantiellement le projet de loi gouvernemental, d’abord en commission des lois puis en séance publique. Le nombre d’articles a plus que doublé, passant de 83 dans la version initiale à 217 lors de son dépôt à l’Assemblée nationale. La partie relative aux outre-mer n’a pas échappé à la règle, passant de 9 à 15 articles, même si les modifications n’ont pas bouleversé l’économie de cette partie du projet de loi.

A.   Les modifications apportÉes En commission

1.   Trois articles adoptés sans modification

Les articles 77, 82 et 83 ont été adoptés sans modification, à l’exception de l’article 83 qui a fait l’objet d’un amendement rédactionnel.

2.   Cinq articles adoptés après modification

a.   Article 75 – Expérimentation d’un état de calamité naturelle exceptionnelle outre-mer

La commission des lois a déclaré partager l’objectif poursuivi par le gouvernement à travers cet article de favoriser la résilience des territoires ultramarins face aux risques naturels majeurs. Elle a toutefois émis des réserves à l’idée que la réalité de l’urgence ou de la force majeure puisse être appréciée in abstracto pour l’application de dispositions légales et réglementaires extrêmement diverses, et indépendamment des actes concrets qu’il s’agit de prendre.

Elle a adopté un amendement précisant que la présomption d’urgence ou de force majeure s’appliquerait pour l’application des seules dispositions légales et réglementaires nationales, ainsi qu’un amendement rédactionnel.

b.   Article 76 – Propriété et aménagement de la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique

La commission des lois a adopté cet article mais l’a amendé afin d’en renforcer la sécurité juridique et d’offrir aux collectivités territoriales les garanties nécessaires.

Elle a tout d’abord adopté un amendement disposant que le patrimoine immobilier des agences des cinquante pas géométriques sera dévolu à la date de leur dissolution en 2031 au conseil régional de la Guadeloupe ou à la collectivité territoriale de Martinique, selon le territoire concerné.

Elle a ensuite adopté un amendement prévoyant que les zones exposées à un risque naturel prévisible menaçant gravement les vies humaines, où la régularisation des occupations sans titre demeurerait impossible et dont les occupants devraient donc être expulsés et relogés, ne pourraient être incluses dans les « espaces urbains » et « secteurs occupés par une urbanisation diffuse » voués à être transférés aux collectivités territoriales. Ce même amendement rétablit la base légale des arrêtés préfectoraux qui, d’ores et déjà, ont délimité les espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas, arrêtés sur le fondement desquels des terrains situés dans ces espaces ont été et continuent aujourd’hui à être cédés, soit (gratuitement) aux communes, organismes HLM, etc., soit (à titre onéreux) à des occupants sans titre.

La commission des lois a, par ailleurs, adopté un amendement rétablissant les références supprimées aux espaces urbains et secteurs occupés par une urbanisation diffuse situés dans des terrains soustraits artificiellement à l’action du flot ou formés par les lais et relais de la mer, relevant du domaine public maritime de l’État mais hors de la zone des cinquante pas. Elle a également étendu par ce même amendement à ces mêmes espaces le droit de préemption urbain que les communes et EPCI compétents seraient habilités à instituer, et repoussé du 1er janvier 1995 au 1er janvier 2010 la date avant laquelle ces terrains doivent avoir été formés pour que la législation dérogatoire propre aux zones des cinquante pas s’y applique.

La commission a également adopté des amendements rédactionnels proposant diverses améliorations.

c.   Article 78 – Création dans les régions d’outre-mer d’une catégorie d’EPIC compétente en matière de formation professionnelle

L’examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires sociales du Sénat.

Cette commission s’est déclarée favorable à l’adoption de la disposition mais a proposé toutefois à la commission des lois d’adopter cet article en supprimant les dispositions de l’article L. 4433-14 du Code général des collectivités territoriales relatif aux interventions du service public de l’emploi dans les régions d’outre-mer, qui sont obsolètes et n’ont jamais connu d’application.

Un amendement rédactionnel a également été adopté.

d.   Article 79 - Autorisation du recours aux conventions de mandat pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

La commission des lois s’est déclarée favorable à l’article 79 du projet de loi du gouvernement car il répond à une problématique réelle, qui a des conséquences dommageables pour la valorisation du territoire et pour le rayonnement de la France.

Elle complète toutefois cet article en adoptant un amendement permettant aux TAAF de conclure des conventions de mandat également en matière de dépenses.

e.   Article 80 - Modification de la gouvernance des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique

La commission des lois a estimé qu’une simplification de la gouvernance des CESECE de Guyane et de Martinique était nécessaire. Elle note en effet qu’il ressort des auditions menées par les rapporteurs que l’assouplissement de l’organisation, actuellement considérée comme rigide et scindée en deux sections, favoriserait des synergies plus importantes entre les matières économiques, culturelles, éducatives et environnementales.

 La commission a, par l’adoption d’un amendement des rapporteurs, supprimé la mention selon laquelle le président de chacune des sections a rang de vice-président du conseil et est membre de droit de la commission permanente dans un but d’assurer l’effectivité des évolutions proposées.

Ce même amendement prévoit également de renvoyer au conseil le soin de déterminer tant les modalités d’élection des présidents des sections qu’il déciderait de créer en son sein que les éventuelles qualités attachées à ce mandat.

3.   Un article supprimé par la commission des lois

a.   Article 81 - Ratification de la refonte de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des Étrangers et du droit d’asile (CESEDA) par ordonnance

La commission des lois a regretté l’absence d’étude d’impact sur cet article, ce qui ne lui a pas permis d’identifier les adaptations réalisées par le gouvernement à l’occasion de cette ordonnance et, par conséquent, de les apprécier.

En effet, une partie de l’ordonnance est une codification à droit constant tandis qu’une autre partie contient des dispositions prises sur la base de l’article 74‑1 de la Constitution, qui autorise le gouvernement à adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée.

Dans l’attente de davantage de précisions, elle a donc adopté un amendement de suppression de l’article.

4.   Un article supplémentaire pour compléter l’article 83

a.   Article 83 bis (nouveau) – Exonération de tout droit, taxe ou impôt des cessions gratuites d’immeubles domaniaux à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

Si l’article 83 n’a pas été modifié substantiellement, un amendement visant à insérer un article additionnel a été adopté en commission.

Cet article additionnel prévoit que les cessions gratuites d’immeubles domaniaux à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane (EPFAG), autorisées en application du 3° bis de l’article L. 5142-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, ne sont assujetties, ni à la contribution de sécurité immobilière, ni à aucun droit, taxe ou impôt de quelque nature que ce soit.

B.   Les modifications apportÉes En sÉance publique

1.   Sept articles adoptés sans modification

Les articles 75, 76, 77, 79, 80 et 82 ont été adoptés sans modification, à l’exception de l’article 76 qui fait l’objet de deux amendements portant sur des corrections d’erreurs matérielles.

L’article 83 bis, créé en commission, a aussi été adopté sans modification.

2.   Deux articles ont fait l’objet de modifications mineures

a.   Article 78 –  Objectifs des actions de formation assurées par l’EPIC

Le sénat a adopté un amendement visant à ajouter les mots « ou de retour » après le mot « maintien » à l’alinéa 7 afin de faciliter le retour dans l’emploi des jeunes par le bais de la formation.

Les sénateurs proposent ainsi la création de nouveaux organismes assurant la mise en cohérence des formations avec les besoins des entreprises pour faire face à l’exiguïté du marché du travail en outre-mer.

b.   Article 83 - Modalités de cession de biens immobiliers de l’État en Guyane

Plusieurs amendements ont été déposés mais un seul d’entre eux a été adopté : il instaure, lors des cessions de biens immobilier de l’État, un délai de six mois afin de permettre aux communes d’étudier de manière approfondie les projets de cessions qui leur sont soumis.

3.   Un article supprimé en commission a été rétabli en séance

a.   Article 81- Ratification des dispositions de l’ordonnance n° 2020‑1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution

En l’absence d’étude d’impact et dans l’attente de davantage de précisions, la commission des lois avait supprimé l’article 81.

En séance publique, un amendement a été proposé visant à rétablir cet article dans la rédaction suivante : « Les articles L. 152-1 à L. 153-2, L. 154-1 à L. 156-2, L. 282-1 à L. 283-2, L. 284-1 à L. 286-2, L. 362-1 à L. 363-2, L. 364-1 à L. 366-2, L. 442-1 à L. 443-3, L. 444-1 à L. 446-5, L. 652-1 à L. 653-3, L. 654-1 à L. 656-2, L. 762-1 à L. 763-3, L. 764-1 à L. 766-3, L. 832-1 à L. 833-4 et L. 834-1 à L. 836-2 de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, annexée à l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sont ratifiés ».

En effet, après communication des éléments manquants par le ministère, le rapporteur a émis un avis favorable à cette ratification expresse.

4.   Quatre articles additionnels ont été créés

a.   Article additionnel après l’article 77

Un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 77 a été présenté. Cet amendement étend à Saint-Barthélemy les règles de prescription acquisitive introduites par la loi de février 2017 pour l’égalité réelle outre-mer, qui ramènent à dix ans le délai de contestation des actes de notoriété acquisitive publiés avant le 31 décembre 2027.

Il reste des parcelles dont les propriétaires ne disposent pas de titre. Parfois, la succession s’est faite sans acte et la propriété a été établie par possession. Selon les sénateurs, cet amendement faciliterait la reconnaissance de propriété.

Après avis favorable du rapporteur et du gouvernement, l’amendement a été adopté et est devenu un article additionnel.

b.   Article additionnel après l’article 81

Un amendement a été proposé insérant un article additionnel ainsi rédigé : « dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy. »

En effet Saint-Barthélemy est la seule collectivité d’outre-mer ayant un statut de pays et territoire d’outre-mer sans caisse de sécurité sociale propre.

Les cotisations sont excédentaires de plus de 20 millions d’euros aux dépenses. L’EHPAD et les équipements médicaux sont financés par la collectivité, mais l’hôpital est déficitaire. La crise sanitaire a confirmé que les solutions locales devaient être privilégiées.

Les sénateurs ont considéré qu’un rapport permettrait de dresser un état des lieux de l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy.

Le gouvernement a donné un avis favorable à cette demande, facilitant l’adoption de l’amendement devenu un article additionnel.

c.   Article additionnel après l’article 83

Un amendement ainsi rédigé a été proposé insérant un article additionnel après l’article 83 : « à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, pour tout plan, opération d’aménagement ou projet de construction situé dans les périmètres de l’opération d’intérêt national de Guyane, l’obligation de réaliser une enquête publique au titre du code de l’environnement est remplacée par la participation du public en application de l’article L. 123-19 du code de l’environnement. Le représentant de l’État dans le département peut décider d’organiser une enquête publique s’il estime que les conditions le nécessitent. »

Selon leurs auteurs, cet amendement devrait permettre de débloquer de nombreuses situations. L’avis favorable du gouvernement a favorisé l’adoption de cet amendement devenu l’article 83 bis.

d.   Article additionnel après l’article 83 bis

Le 24 novembre 2016, une proposition de loi relative à l’île de La Passion-Clipperton était adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, mais elle n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

Cet amendement la reprend en quasi-totalité pour donner un statut juridique à cette île inhabitée qui représente 434 000 kilomètres carré de zone économique exclusive (ZEE), à comparer aux 345 000 kilomètres carré de ZEE de l’hexagone.

La commission des lois a eu peu de temps pour expertiser le sujet et s’en est donc remis à la sagesse tout en sollicitant l’avis éclairé du gouvernement.

Après la suppression des références à la création d’un administrateur supérieur, le gouvernement a donné un avis favorable à cet amendement qui a été adopté et est devenu un article additionnel.

 

 


  1  

   troisiÈme partie : l’indispensable Évolution institutionnelle de certains outre-mer

Chacun s’accorde à reconnaître que la situation institutionnelle de la plupart des territoires ultramarins doit évoluer, aussi bien dans les relations entre les territoires et l’échelon central que dans la gouvernance proprement dite des collectivités. À Mayotte, toutefois, la priorité reste avant tout de parachever la départementalisation en accédant au droit commun et non de faire évoluer le statut de l’île.

Toutefois, de l’avis général des juristes consultés, la plupart des mesures institutionnelles souhaitées nécessitent des modifications de lois organiques, voire constitutionnelles, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi que la mission d’information examine.

Nous présenterons donc dans cette partie les mesures qui apparaissent comme souhaitables sur le long terme, même si leur mise en œuvre immédiate n’est pas possible. Ensuite seront présentées les préconisations de la mission d’informations relative au projet de loi proprement dit.

I.   La gouvernance au niveau de l’État

A.   Un fonctionnement peu satisfaisant

À partir du milieu des années 2000, d’importantes réformes de l’organisation centrale (RGPP) et déconcentrée (REATE) de l’État ont été engagées, en parallèle de l’acte II de la décentralisation, dans le but de donner plus d’efficacité à l’action publique, dans un cadre budgétaire toujours plus restreint.

1.   Un ministère des outre-mer affaibli

Quinze ans après le début de cette vague de réformes, l’affaiblissement politique relatif du poids des ministres successifs en charge des outre-mer au sein de l’appareil gouvernemental apparaît indéniable, rendant difficile la définition et la mise en œuvre des politiques de l’État outre-mer.

Cet affaiblissement s’explique aussi et surtout par la tutelle des ministères de l’intérieur et des finances dans la gestion administrative et budgétaire de l’administration centrale du ministère des outre-mer : la Direction générale des outre-mer est placée sous une quasi « tutelle » administrative du Secrétariat Général du ministère de l’intérieur. Cette organisation administrative singulière mise en place en 2007 avec la RGPP contredit et affaiblit la dimension, par nature, interministérielle de la Direction générale des outre-mer (DGOM). Et elle affaiblit de fait le ministre en charge des outre-mer dans sa capacité à fixer ses choix et ses orientations sur l’organisation budgétaire, administrative et en ressources humaines de la DGOM.

2.    Des services déconcentrés dont le fonctionnement est perfectible

Plusieurs personnes auditionnées, mais aussi certains rapports d’évaluation parlementaires ou administratifs réalisés au cours de ces dernières années relèvent des dysfonctionnements dans le fonctionnement des administrations d’État au niveau local. Sont notamment pointés :

- la difficulté de mettre en place le fonctionnement interministériel de l’administration à l’échelon local, les synergies attendues dans les différents services étant insuffisantes ;

- un déshabillage de certaines directions techniques qui se retrouvent privées de capacité d’expertise performante. Il en résulte une incapacité de plus en plus fréquente à apporter le soutien et l’expertise techniques réclamés par les collectivités territoriales confrontées à des transferts importants de compétences ;

- une rotation croissante des fonctionnaires nommés dans les territoires ultramarins ;

- une hétérogénéité des conditions de travail (indemnités, temps de travail…) d’agents d’un même service issus de différents ministères.

Face à une situation caractérisée par un lent affaiblissement depuis une quinzaine d’années, et alors que les territoires ultramarins sont confrontés à des changements profonds des cadres qui leur sont applicables (juridiques avec des réformes statutaires en cours ou à venir, économiques et financiers, écologiques, sociaux et culturels) qui nécessitent un accompagnement fort de l’État, une réorganisation administrative des services centraux et déconcentrés de l’État est souhaitée par beaucoup.

B.   Des Évolutions envisageables

1.   Responsabiliser l’échelon central

Afin de redonner la pleine dimension interministérielle à l’administration gouvernementale dans les outre-mer, il conviendrait de placer le ministre en charge des outre-mer sous l’autorité directe du premier ministre et de mettre ainsi fin à la double tutelle administrative et financière des ministères de l’intérieur et des finances.

La Direction générale des outre-mer serait placée sous l’autorité directe du Premier ministre et de ses services, selon le modèle du secrétariat général aux affaires européennes SGAE, organe qui a montré son efficacité et sa capacité à fonctionner en interministériel.

Cependant, au-delà de l’aspect interministériel de la gestion de l’outre-mer, il convient de prendre en compte la spécificité de ces territoires et la nécessaire différentiation de leur gestion qui ne peut être la simple transposition, parfois légèrement adaptée, des règles métropolitaines.

Pour cela, il faut qu’au sein de cette nouvelle organisation, ces territoires puissent être représentés au même titre que les différents ministères. Chaque assemblée territoriale, unique ou régionale, pourrait nommer un représentant, fonctionnaires ou pas, mais non élus, qui travaillerait au sein de ce secrétariat général à l’outre-mer avec un statut de contractuel, de détachement ou de mise à disposition selon leur situation d’origine et contribuerait avec les autres membres à la mise en œuvre de la politique ultramarine. Il s’agirait d’une organisation originale pour une situation originale et respectueuse des différences.

Enfin pourrait être réactivés et rendus plus opérationnels, les correspondants de l’outre-mer dans les ministères intervenant lourdement dans ces territoires, à l’instar de ce qui fonctionnait assez bien au ministère de l’agriculture il y a encore quelques années.

2.   Au niveau des services déconcentrés de l’État sur les territoires.

L’article 72 de la Constitution dispose que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle de l’administration et du respect des lois ».

Or, les différentes phases de décentralisation ont eu pour conséquence indirecte d’affaiblir progressivement le rôle du Préfet en tant que « représentant de chacun des membres du gouvernement » avec une forme « d’autonomisation » et de déresponsabilisation croissante de certains services déconcentrés de l’État dont l’action finissait par s’éloigner du Préfet.

Le renforcement de la cohérence dans la conduite des politiques publiques et l’amélioration de la lisibilité des priorités et des actions de l’État au niveau local imposent de clarifier et de renforcer le rôle et l’autorité du Préfet, fonctionnelles et hiérarchiques, sur toutes les administrations déconcentrées de l’État (hors la DRFIP compte tenu de ses missions fiscales), y compris celles sur lesquelles le Préfet n’a aujourd’hui pas autorité (ARS et rectorats principalement).

En parallèle, les moyens humains et budgétaires des services déconcentrés – ceux consacrés aux missions de contrôle comme ceux dévolus aux missions d’accompagnement et d’ingénierie – devraient être revus à la hausse dans les territoires qui en ont besoin. À l’inverse, le travail de mutualisation des différentes fonctions supports autour d’une direction unique (Secrétaire général des services de l’État sous l’autorité directe du préfet) doit être poursuivi afin de mettre en cohérence la gestion des moyens et d’assurer une véritable déconcentration de la décision.

Enfin, des marges de manœuvre nouvelles sont offertes à l’État déconcentré avec la généralisation du droit de dérogation des préfets par le décret du 8 avril 2020 : celui-ci pérennise l’expérimentation, conduite pendant deux ans dans certains départements et régions et notamment trois territoires ultramarins, et permet désormais aux préfets de déroger par arrêté à des normes nationales. Ceux-ci peuvent ainsi prendre des décisions non réglementaires dans sept domaines (subventions et soutiens financiers, aménagement du territoire et politique de la ville, environnement, agriculture et forêts, construction, logement et urbanisme, emploi et activité économique, patrimoine culturel, activités sportives, socio-éducatives et associatives). Ce pouvoir de dérogation, justifié par des circonstances locales, doit permettre d’alléger les démarches administratives et de réduire les délais, mais reste encadré pour ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, rester compatible avec les engagements européens et internationaux de la France et ne pas constituer une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les normes auxquelles il est dérogé.

Ce pouvoir de dérogation des préfets, s’il est effectivement utilisé, pourrait être un instrument très utile pour la mise en œuvre, après la crise sanitaire, d’un plan de relance adapté aux outre-mer.

C.   Les enseignements tirés de la crise sanitaire

La pandémie de coronavirus est venue perturber profondément la vie des outre-mer et provoquer une remise en cause des habitudes administratives. Si les principales adaptations constatées ont concerné la revitalisation des circuits courts d’approvisionnement et l’émergence d’initiatives de productions locales, l’essentiel des évolutions peut être résumé ainsi :

- la déconcentration des services de l’État a rapidement trouvé ses limites et le préfet a dû reprendre la main sur les services « autonomisé » tels que les ARS ou les rectorats ;

- les collectivités locales, après une période de sidération, ont réagi dans un certain désordre, avant de redécouvrir avec le préfet l’intérêt d’une vraie collaboration : lorsque le préfet décide de rouvrir les écoles, si les personnels administratifs qui relèvent des collectivités locales ne sont pas mobilisés, la mesure est inopérante ;

- enfin, la diversité des situations sanitaires et économiques a éclairé violemment le besoin de différenciation entre les territoires.

II.   Décentralisation, différenciation et déconcentration

A.   Un millefeuille administratif devenu illisible

Les différents actes de décentralisation, accompagnés de plusieurs vagues de déconcentration, ont complexifié la visibilité de l’action publique au niveau local. De fait, entre l’État et la commune, d’autres échelons ont été créés qui constituent aujourd’hui une organisation en strates, souvent dénommée par ses détracteurs le « millefeuille administratif ». Les citoyens ont du mal à savoir à qui ils doivent s’adresser, quand ce ne sont pas les collectivités elles même qui se perdent dans cet enchevêtrement des compétences.

1.   Des compétences territoriales complexes

Rappelons, que de façon très schématique, les compétences entre les niveaux de collectivités sont réparties comme suit :

• Les communes bénéficient de la clause de compétence générale leur permettant de régler par délibération toutes les affaires relevant de leur niveau. Les principales compétences exercées relèvent des domaines suivants : l’urbanisme, le logement, l’environnement et la gestion des écoles préélémentaires et élémentaires. La loi du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRé) a renforcé les compétences optionnelles et obligatoires transférées de la commune à la communauté de communes ;

• les départements exercent principalement leurs compétences dans les domaines de l’action sociale (enfance, personnes handicapées, personnes âgées, revenu de solidarité active), des infrastructures (ports, aérodromes, routes départementales), de la gestion des collèges et de l’aide aux communes ;

• les régions exercent principalement leurs compétences dans les domaines du développement économique, de l’aménagement du territoire, des transports non urbains, de la gestion des lycées et de la formation professionnelle.

Et les trois niveaux de collectivités se partagent les compétences dans les domaines du sport, du tourisme, de la culture, de la promotion des langues régionales et de l’éducation populaire.

2.   Des intercommunalités qui alourdissent le « millefeuille »

Par ailleurs, des groupements exercent des compétences transférées d’un échelon à un autre, comme c’est le cas des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des communautés de communes, des agglomérations, des métropoles, etc. dont le nombre est aujourd’hui supérieur à 1 200, en plus des 35 000 communes et des 8 700 syndicats mixtes, ce qui explique en partie l’explosion des effectifs de la fonction publique territoriale.

Les collectivités territoriales, qu’elles soient régions, départements, EPCI ou commune, se retrouvent face à un bloc de compétences transférées qui recèle des chevauchements inéluctables aboutissant à ce fameux « millefeuille administratif » peu propice au développement de l’action publique et la définition des moyens pour atteindre les objectifs.

Cette architecture administrative incompréhensible pour la plupart de nos concitoyens doit être rapprochée du désintérêt manifesté par la population ainsi que de l’abstention de plus en plus massive observée lors des élections qui concernent les départements et les régions.

B.   LibÉrer l’action publique locale en redéfinissant les contours et les compétences

1.   Favoriser l’ingénierie locale

En outre-mer l’un des besoins les plus urgents des collectivités concerne la formation et les compétences dans le domaine de la maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie de projet. Cependant, chacun des échelons voulant protéger sa compétence, quand bien même il rencontre des difficultés pour l’exercer, la mutualisation des moyens humains et matériels disponibles est rendue difficile. La mise en commun intercommunale des moyens semble à cet égard être la solution la plus adéquate, d’autant qu’elle ne nécessite aucune nouvelle compétence ou transfert.

Pour les collectivités majeures telles que les collectivités uniques, les régions ou les départements, une redéfinition du mode d’intervention peut être envisagée avec pour objectifs :

- qu’elles deviennent de véritables instances de concertation, et de planification du développement économique et des chefs de file, pour assumer leurs compétences et sortir de l’antagonisme entre l’État et les collectivités ;

- de réduire le « millefeuille » administratif local afin d’arriver à un seul échelon de gouvernance du développement économique et assurer une permanence de la vision politique du développement économique ;

- de clarifier le rôle et la nécessité pour les collectivités majeures de disposer d’outil satellite (SEM, SPL, EP, GIP, GIE, etc.) qui représentent des dépenses souvent difficiles à assumer et un fonctionnement parfois obscur.

2.   Imaginer une différenciation consentie

Enfin, il apparaît nécessaire d’ouvrir le champ de la différenciation territoriale qui consiste à attribuer par la loi des compétences spécifiques à une collectivité territoriale ou la capacité des collectivités à exercer de manière différente une même compétence et assurer que chaque territoire dispose des lois et règlements adaptés à ses spécificités.

Dans le cadre du nouvel acte de décentralisation annoncé par le président de la République le 25 avril 2019 et dont des contours ont été précisés par la circulaire du Premier ministre du 15 janvier 2020, ce qui peut être décentralisé au niveau national a vocation à l’être également dans les départements et régions d’outre-mer. Les territoires ultramarins doivent bénéficier, a minima, des mêmes transferts que les collectivités de l’hexagone dès lors qu’on peut en attendre une plus grande efficacité de l’action publique au bénéfice des populations.

Toutefois, compte tenu des spécificités locales et de l’éloignement par rapport aux centres de décisions parisiens, la possibilité d’une décentralisation plus aboutie que dans l’hexagone doit aussi être envisagée, comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour certaines collectivités.

En raison cependant des particularités des collectivités ultramarines (population moins nombreuse, difficultés budgétaires…), ces transferts ne pourraient intervenir que sur demande des collectivités concernées.

3.   Vers des statuts adaptés et évolutifs

La reconnaissance de la différenciation pourrait passer par l’attribution, à chaque territoire ultra-marin, d’une organisation sur mesure. Cette évolution permettrait d’une part de mieux responsabiliser les acteurs locaux sur les politiques publiques et compétences qu’ils souhaitent exercer, d’autre part, d’assurer aux populations le maintien des responsabilités régaliennes et des sécurités assurées par l’État central. Cette situation pourrait être évolutive pour s’adapter au souhait du territoire concerné.

Certains élus locaux, leaders d’opinion, ou constitutionnalistes soulignent l’intérêt, par exemple, d’une plus grande autonomie fiscale, susceptible de réduire certains impôts de production ou de favoriser la production locale, de conférer au territoire une plus grande compétence d’exploitation des ressources locales, ou encore de favoriser l’émergence d’une filière de production par une action temporaire sur l’accès au marché. Une telle proposition – qui nécessiterait une réforme constitutionnelle – permet de dépasser les débats sur les articles 73 et 74 de la Constitution par une référence unique et, en même temps, de clarifier le dispositif grâce à une organisation établie sous le contrôle du Parlement.

Au total, la différenciation, entendue au sens de pouvoir déroger à certaines règles nationales, constituerait pour les collectivités d’outre-mer un moyen privilégié de prendre en compte les spécificités de leurs territoires et d’ajuster en conséquence les politiques publiques dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une plus grande responsabilité. Bien entendu, une telle démarche, qui ne va pas de soi, suppose un accompagnement par les services de l’État et ses opérateurs.

C.   Renforcer l’action déconcentrée de l’Etat

En parallèle des différentes phases de décentralisation, l’organisation des services déconcentrés de l’État a aussi fait l’objet d’évolutions successives, principalement marquées par le sceau de la rationalité budgétaire, sous couvert de plus d’efficacité.

Ce mouvement devait consacrer dans les textes l’émergence d’une organisation administrative plus efficace, de mission et adaptée aux évolutions décentralisatrices, autour du préfet de région.

Sur le point sensible de la déconcentration, il est devenu indispensable que le préfet retrouve la plénitude de ses pouvoirs. En effet, il a perdu en influence auprès de certains de ses services qui ont pris l’habitude de traiter directement avec les ministères techniques (finances, équipement, agriculture, santé, etc.). Par ailleurs, sa vocation de contrôleur de la légalité des actes des collectivités n’est plus exercée avec la même rigueur ou la même exhaustivité que par le passé. Or, une décentralisation achevée nécessite une déconcentration réussie et les territoires n’ont rien à gagner à un affaiblissement des compétences régaliennes de l’État.

Il importe de veiller à ce que l’action de l’État déconcentré dans les territoires soit repensée en sorte que soit :

- redéfinies, reprécisées et renforcées les principales missions de l’État au niveau déconcentré autour de la figure du Préfet de Région qui doit être consacré comme le seul et unique « patron » de l’ensemble des services de l’État dans les territoires (y compris les ARS, les recteurs et les DRFIP hors missions fiscales). Il conviendra de renforcer en conséquence les moyens humains et budgétaires des services déconcentrés concernés ;

- renforcée en parallèle la mutualisation des différentes fonctions supports – jusque-là réparties entre des enveloppes et des crédits ministériels déjà mutualisés – autour d’une direction unique (Secrétaire Général des services de l’État) sous l’autorité directe du Préfet de région.

III.   La Gouvernance au niveau local

La principale lacune globale ressentie au niveau local porte sur l’absence d’une vision commune à l’ensemble des acteurs des territoires, ce qui donne une image éclatée parfois foisonnante, mais souvent désordonnée de l’action publique.

A.   Quelques évolutions pratiques souhaitables et possibles

Chaque candidat à une élection se fait élire, en théorie sur la base d’une vision de son territoire et d’un programme associé. Or l’élection passée, certains engagements ne sont pas tenus ce qui crée du ressentiment dans une partie de la population. Une amélioration pourrait être apportée en proposant qu’une fois élu, chaque responsable de collectivité décline son programme de façon opérationnelle et fixe un calendrier de mise en œuvre sur la durée du mandat. Ainsi, à l’occasion de chaque débat d’orientation budgétaire, il serait possible de comparer le programme établi et son taux de réalisation. Ce tableau de bord n’exclurait pas les réorientations stratégiques mais les rendrait explicites pour la population.

Une deuxième évolution concernerait les intercommunalités dont les compétences obligatoires et facultatives donnent lieu à des situations parfois inattendues où les communes continuent à exercer des compétences en principe transférées, et inversement où des intercommunalités exercent des compétences qui ne leur ont pas été transférées. Un balayage de l’ensemble est nécessaire avec la préoccupation là encore, d’éviter les gaspillages.

Une troisième évolution pourrait concerner les organismes associés (SEM, SPL, …). Leur multiplication nécessite, au minimum, une rationalisation et au mieux, dans certains cas, une remise en cause. Si un mouvement favorable de concentration des SEM est en cours, les SPL restent sujettes à des critiques : compétences peu précises, fonctionnement approximatif, salaires de présidents ou de personnels de direction inadéquats... Ce qui devait être une facilité opérationnelle est devenu un champ propice aux abus et soupçonné d’inefficacité.

La concertation et la vision commune souhaitées pourraient être grandement améliorées en faisant fonctionner correctement la conférence territoriale de l’action publique (CTAP). Cette instance créée en 2014 par la loi a pour vocation de coordonner et de rationaliser l’action publique et elle pourrait être celle où se construit la vision commune du moyen et du long termes. Peu souvent réunie, elle a plutôt jusqu’ici fait office, en toute discrétion, de chambre d’enregistrement de décisions d’intérêt secondaire. Compte tenu de sa composition (régions, départements, intercommunalités, communes, voire autres organismes ou groupes de citoyens invités), elle pourrait, à l’initiative du président du conseil régional ou de la Collectivité Unique, devenir un vrai outil de définition commune et de mise en œuvre opérationnelle d’un plan global du territoire. Il serait sans doute possible à cette occasion de mieux fixer la répartition des compétences entre acteurs pour éviter les chevauchements et les « trous béants ».

B.   Redonner des marges de manŒuvre aux collectivités territoriales et restaurer la confiance

La restauration des marges de manœuvre financières et de la capacité d’autofinancement des collectivités locales ultramarines est indispensable à court terme pour améliorer l’attractivité des territoires, condition de leur développement économique endogène. Il s’agit de créer ou de rénover les services publics (eau, assainissement, déchets), d’investir dans les infrastructures, la formation, l’éducation et l’appui aux entreprises, de réduire les délais de paiement aux entreprises ou encore de mettre fin à la tendance trop souvent rencontrée de financer les budgets locaux par de la dette "fournisseurs" réalisée au détriment des entreprises (délais de paiement excessifs) ou des organismes de sécurité sociale (127millions d’euros d’impayés de la part des communes des cinq départements ultramarins selon le rapport publié  par les parlementaires Georges Patient et Jean‑René Cazeneuve)  [1] Il s’agit aussi et surtout de rétablir la confiance de la population et des entreprises envers les exécutifs locaux.

1.   Recourir massivement à une contractualisation adaptée entre l’État et les collectivités territoriales en difficulté.

Les contrats « Cahors » ont permis, dans un grand nombre de cas y compris dans les outre-mer, de maîtriser les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Pour autant, ils ne sont pas destinés à apporter une réponse aux collectivités en difficulté ou en grande difficulté.

En l’absence de contraintes de gestion, d’ordre législatif ou réglementaire, la voie contractuelle devrait être privilégiée pour favoriser le redressement des collectivités en difficulté.

Des contrats d’accompagnement pourraient être proposés à ces collectivités :

- des engagements chiffrés acceptés contractuellement par la collectivité tels que, selon le cas, la réduction des indemnités des élus et/ou du nombre d’adjoints (vote du conseil municipal), la réduction des frais de fonctionnement (train de vie, parc automobile, représentation, voyages…), le non remplacement de certain départs en retraite, la non reconduction de vacataire et CDD, le paiement des mandats dans l’ordre strict de leur émission, la tenue effective d’une comptabilité d’engagement, la mise en place d’un service facturier commun à l’ordonnateur et au comptable, la mise en place d’un comité d’audit avec des personnalités extérieures, la résorption des délais de paiement aux entreprises, le paiement sans délai des charges sociales salariales (y compris la dette) ;

- en contrepartie, une « dotation exceptionnelle d’accompagnement », versée par l’État au fur et à mesure de la réalisation des engagements permettrait de contribuer au redressement de la collectivité.

Ces contrats d’accompagnement devraient être conduits tout au long de la durée du mandat. Ils supposent un suivi régulier et rapproché par les services de l’État et donc un renforcement des services chargés du contrôle de légalité et des DRFIP. Un appui à la collectivité (consultant, AFD...) devrait être financé au travers de la dotation exceptionnelle d’accompagnement. Le manque ou l’insuffisance de respect des engagements serait sanctionné par la suspension voire le retrait de la dotation.

Cette démarche rend d’autant plus nécessaire le renforcement du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire pour lesquels le préfet dispose d’outils qu’il conviendra de renforcer.

2.   Élargir les possibilités de saisine des citoyens et de démocratie directe, en cas de carence dans la conduite des politiques publiques

En cas de blocage, d’absence ou de report des décisions nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques dont sont responsables les collectivités territoriales, les citoyens ultramarins pourraient être incités à recourir davantage à des formes d’expression directe, comme ce fut le cas à La Réunion avec le comité consultatif citoyen, mis en place après le mouvement des gilets jaunes.

Dans cet ordre d’idées, des « conférences de citoyens », assez fréquentes en Europe du Nord (et expérimentées en France dans le cadre du projet de stockage de déchets nucléaires à Bure) pourraient être organisées ; on pourrait aussi recourir à la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) en cas de dysfonctionnement d’un service public essentiel (eaux, déchets…) ou de normes européennes (qualité de l’eau...).

L’expression directe des citoyens, plus facile à organiser désormais grâce à internet, pourrait aussi intervenir au travers du droit de pétition adressé à une collectivité territoriale (article 72-1 de la Constitution) ou d’une consultation de type référendum local.

3.   Renforcer la mise en place de la transparence, des contrôles externes et des sanctions

L’article 2122-16 du CGCL (suspension, révocation d’un élu) n’a jamais été utilisé dans les outre-mer (exception faite d’un cas à Pointe-à-Pitre) et son utilisation à l’égard d’une personne n’aurait pas forcément d’effet sur la situation de la collectivité en question. Mais d’autres pistes peuvent être explorées en cas de dégradation de la situation financière d’une collectivité :

- l’expérimentation généralisée en outre-mer du recours à un commissaire aux comptes, notamment dans le cadre d’un contrat d’accompagnement ;

- la réforme du mandatement d’office de manière à le rendre plus opératoire ;

- le renforcement de la responsabilité des gestionnaires locaux par un élargissement de la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) aux ordonnateurs locaux et/ou une amélioration du recours à la procédure de gestion de fait ;

- l’élargissement du pouvoir de substitution du préfet, en cas de carence lourde dans la conduite des politiques publiques pouvant porter préjudice à la population et à l’attractivité du territoire ;

- une plus grande effectivité du réseau d’alerte, établi conjointement par la DRFIP et le préfet, accompagnée d’une plus grande transparence.

Ces propositions n’ont évidemment pas pour objet de stigmatiser les outre‑mer mais de conduire les pouvoirs publics à mettre fin aux errements de quelques rares élus locaux dont la gestion peut compromettre la confiance de la population et du monde économique à l’égard des collectivités ultramarines.

 

 

 


  1  

   Les PrÉconisations de la mission d’information

Les territoires ultramarins plus que tous les autres, sont singuliers. Le projet de loi qui est proposé au Parlement doit mieux les prendre en compte. Le pouvoir central doit porter un autre regard sur les outre-mer et ne plus les considérer comme une entité homogène.

La Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale présente ci-après une liste de préconisations qui concernent à la fois l’organisation administrative des territoires, leur fonctionnement, mais aussi quelques grands principes qui lui tiennent à cœur.

A.   Préconisations concernant l’ensemble des outre-mer

1.   Le domaine de la santé

Les systèmes de santé ultramarins sont depuis longtemps confrontés à de graves difficultés structurelles, liées à des problèmes budgétaires couplés à des carences en investissements qui nuisent aujourd’hui grandement à la qualité des soins et aux conditions de travail des personnels soignants. La crise du coronavirus a mis en lumière ces lacunes majeures et rendu impérative une réforme du financement des établissements publics de santé dans les outre-mer.

Les grandes difficultés financières auxquelles sont confrontés les établissements de santé ultramarins sont principalement liées aux surcoûts spécifiques qui caractérisent ces territoires : insularité, éloignement, étroitesse des territoires, spécificités démographiques et climatiques.

C’est pourquoi des coefficients géographiques favorisant les outre-mer sont appliqués aux dotations des établissements de santé ultramarins : + 27 % pour la Guadeloupe et la Martinique et + 31 % pour la Réunion et la Guyane. Pour autant, ces valorisations ne permettent pas d’absorber les surcoûts subis par les établissements hospitaliers outre-mer.

Préconisation n° 1 : revaloriser les coefficients géographiques des dotations en matière sanitaire en calculant le plus exactement possible les surcoûts de fonctionnement par catégories de dépenses.

Préconisation n° 2 : tenir compte de ces coefficients géographiques dans le calcul de la garantie pluriannuelle de financement des hôpitaux de manière à prendre en compte les facteurs spécifiques qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans la zone considérée.

La tarification à l’activité (T2A) est également l’une des causes des difficultés des établissements de santé ultramarins car elle se révèle inadaptée aux spécificités sanitaires de ces territoires en poursuivant un objectif de rentabilité à l’acte. Certains professionnels de santé considèrent même que les recettes issues de la T2A ne permettent pas de couvrir l’intégralité de la masse salariale des hôpitaux ultramarins.

Préconisation n° 3 : mettre en place d’un modèle alternatif à la T2A avec un panachage de ressources entre une tarification à l’activité, une tarification à la qualité et une dotation annuelle en fonction des besoins réels des établissements qui prendrait en compte les surcoûts structurels des territoires.

Aux Antilles, les étudiants en médecine peuvent suivre leurs études de premier cycle et de troisième cycle sur place mais pas le deuxième cycle. Cela contribue à créer des déserts médicaux, les étudiants qui partent étudier en hexagone ou à l’étranger ne revenant pas toujours exercer sur leur territoire d'origine. 

Préconisation n°4 : intégrer aux Antilles un deuxième cycle d’études de médecine afin de forger un pôle d’excellence médical et de lutter ainsi contre les déserts médicaux. 

2.   Le domaine de l’éducation

Certaines familles vivant sur le territoire guyanais ne sont pas très éloignées de l’école en termes de kilomètres, mais peuvent mettre plusieurs heures à la rejoindre : pirogue, forêt à traverser, etc. empêchant l’enfant de suivre les cours de manière optimale compte tenu de la fatigue accumulée.

Préconisation n° 5 : reconsidérer les règles d’éloignement géographique, en incluant un éloignement temporel, s’agissant de l’instruction en famille.

Préconisation n° 6 : renforcer la concertation pour accélérer la chaîne de décision au sein des départements, s’agissant de l’école inclusive. Académie de La Réunion

La mise en place d’un service minimum est rendue nécessaire, notamment dans les écoles. Si l’État décide de la reprise des cours mais que les collectivités territoriales ou les agents territoriaux la refusent, un service minimum doit être mis en place afin d’assurer le fonctionnement minimal des établissements scolaires. Cette demande rencontre un écho très favorable notamment en Guadeloupe et en Guyane.

Préconisation n° 7 : instaurer un service minimum scolaire au sein des collectivités territoriales ultramarines.

Préconisation n° 8 : prendre en charge les accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps périscolaire par les communes.

3.   Les spécificités des outre-mer

Les politiques publiques ne sont toujours pas assez sensibles aux caractéristiques des territoires ultramarins. Il est nécessaire d’y remédier afin notamment de permettre un meilleur accès au droit des ultramarins.

Préconisation n° 9 : mettre en place une « clause d’impact outre-mer » dans le processus législatif afin que les études d’impact intègrent non seulement les aspects juridiques et institutionnels mais également les dimensions sociales, économiques et environnementales spécifiques aux outre-mer pour les dispositions qui concernent ces territoires.

Préconisation n°10 : mieux associer les commissions parlementaires à la rédaction des ordonnances, notamment en les consultant sur les articles qui les intéressent.

Dans les territoires d’outre-mer, beaucoup de projets sont bloqués, comme par exemple les constructions de hangars pour entreposer le matériel agricole, la construction de tables d’hôtes, de gîtes pour la diversification des activités et/ou la transformation des produits agricoles, mais aussi des travaux sur des maisons existantes.

Le fonctionnement des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) dans les territoires ultramarins semble avoir des différences de prérogatives entre le CDPENAF du territoire hexagonal et celles des territoires d’outre-mer. Il pourrait y avoir des problèmes dans le fonctionnement des CDPENAF, celles-ci n’étant pas à l’abri de conflits d’intérêts, notamment à La Réunion.

Préconisation n° 11 : Réformer le CDPENAF de manière à supprimer les différences de traitement entre mes territoires de l’hexagone et les outre-mer.

Préconisation n° 12 : créer un Institut régional d’administration (IRA) dans une collectivité d’outre-mer pour favoriser des cadres administratifs issus de ces territoires mais aussi pour sensibiliser aux spécificités ultramarines les cadres issus de l’hexagone.

Dans les outre-mer, le vieillissement démographique de la population s’accélère, une dépendance s’installe de façon plus précoce et plus forte qu’en métropole et le taux de pauvreté des personnes âgées y est beaucoup plus important. La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a créé la catégorie des « résidences autonomie » en remplacement des logements foyers pour les personnes autonomes ou semi-autonomes. Toutefois, les DROM ont été exclus de ce dispositif au motif d’une présence familiale et d’une solidarité intergénérationnelle accrues alors que les outre-mer, comme la métropole, connaissent un accroissement de l’isolement des personnes âgées. Il y a donc un besoin de multiplier les solutions d’hébergement pour répondre aux besoins différenciés des personnes âgées en outre-mer.

Préconisation n° 13 : développer les résidences autonomie en outre-mer afin de répondre à l’insuffisance de l’offre d’hébergement des personnes âgées dépendantes.

Préconisation n° 14 : améliorer les structures de concertation et de coordination des acteurs du logement, au travers d’une instance collégiale à caractère exécutif.

En application de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 et de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, le recrutement des agents contractuels pour une durée supérieure à un an sur des emplois permanents de la fonction publique territoriale est précédé de la publication de l’avis de vacance ou de création de l’emploi à pourvoir sur l’espace numérique commun aux trois fonctions publiques. Cette procédure alourdit inutilement le recrutement des agents contractuels dans les collectivités de l’article 73.

Préconisation n° 15 : adapter la procédure de publicité des emplois vacants aux spécificités des outre-mer en prévoyant que la publicité est faite par l’autorité territoriale sur le site internet de la collectivité ou à défaut par tout moyen assurant une diffusion suffisante.

La cherté de la vie sévit dans les outre-mer et les populations ultramarines ont toujours du mal à terminer leurs fins de mois. Les abus restent d’actualité. Pour cette raison, il est nécessaire de modifier le fonctionnement des observatoires des prix, des marges et des revenus dans les outre-mer (OPMR).

Préconisation n° 16 : modifier la composition des OPMR en donnant plus de place à une représentation citoyenne. Doter ces organismes de pouvoirs et de moyens d’investigations.

Les langues régionales constituent une richesse culturelle pour celles et ceux qui les maîtrisent. Elles aident les élèves à découvrir et assimiler leur identité et constituent un atout dans la lutte contre l’illettrisme lorsqu’elles facilitent l’apprentissage de la langue française, principal vecteur du savoir dans notre pays.

Le réseau des INSPÉ établit une liste de dix préconisations dont l’une nous paraît particulièrement importante : il s’agit de promouvoir la mise en place d’un dispositif de certification reconnu par l’État en instaurant une « Certification en langue régionale de l’enseignement supérieur » (CLRES). Une telle procédure favoriserait une reconnaissance permettant de lever les incertitudes sur les méthodes de travail des enseignants

Préconisation n° 17 : promouvoir la mise en place d’un dispositif de certification reconnu par l’État en instaurant une « Certification en langue régionale de l’enseignement supérieur » (CLRES).

Préconisation n° 18 : créer un office national pour la promotion de l’enseignement des langues régionales.

Préconisation n° 19 : créer un syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement en Martinique, sur le modèle de celui de la Guadeloupe.

Les sargasses, algues brunes invasives, s’échouent régulièrement sur les littoraux antillais. La décomposition des sargasses produit de l’hydrogène sulfuré, un gaz toxique nocif pour la santé mais aussi pour les équipements (climatiseurs, fours, électroménager…). Dans le projet de loi de finances 2022, une mesure est prévue pour soutenir financièrement les collectivités dans les opérations de ramassage des sargasses mais rien n'est prévu pour aider les particuliers ayant subi des préjudices matériels.

Préconisation n°20 : prévoir un mécanisme d'indemnisation des particuliers ayant subi un préjudice financier lié à la prolifération des sargasses. 

4.   La répartition des compétences

Les communes perdent de plus en plus de compétences au profit des intercommunalités. Récemment, l’eau et l’assainissement ont été transférées. L’urbanisme pourrait être la prochaine compétence à devenir intercommunale. Ainsi, le maire a de moins en moins de marges de manœuvre pour administrer son territoire alors que c’est le premier élu de proximité et qu’il a la confiance de ses concitoyens.

Préconisation n° 21 : consolider le bloc de compétence communal afin de donner aux maires les moyens d’administrer leur territoire.

Les collectivités ultramarines sont plus que d’autres exposées à des situations de crises climatiques (tempêtes, cyclones, ouragans), géologiques (éruptions volcaniques, tremblements de terre) ou sanitaires. Éloignées de l’hexagone, ces collectivités coopèrent souvent entre elles lorsque des crises graves surviennent, mais cette coopération est informelle et basée sur les bonnes relations qu’entretiennent – ou pas – les responsables locaux. L’inscription dans la loi d’une telle coopération permettrait de pérenniser ces bonnes pratiques.

Préconisation n° 22 : inscrire dans la loi l’obligation d’une coopération interdépartementale lors des situations de crise.

Un renforcement des liens existants entre l’État et les collectivités territoriales semble plus opportun qu’accroître encore la décentralisation. Les compétences sont déjà partagées dans de nombreux domaines, par exemple dans le domaine scolaire pour la planification scolaire, la carte des formations professionnelles initiales, l’affectation des élèves ou encore l’orientation. Les contrats d’objectif triparties sont des outils qui existent déjà mais qui ne sont pas suffisamment mobilisés.

Préconisation n° 23 : renforcer les compétences partagées entre l’État et les collectivités territoriales. 

B.   Préconisations concernant certaines collectivités d’outre-mer

1.   Concernant La Réunion

À La Réunion, l’implication du département est particulièrement forte dans les secteurs de l’agriculture et de la forêt, en ayant notamment, de façon dérogatoire, la qualité d’autorité de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural. Pour sa part, la région, en charge du développement économique, intervient logiquement dans le secteur agroalimentaire et agro-industriel, qui relèvent de sa compétence.

Cette situation spécifique à La Réunion résulte d’un « modus vivendi » entre le département et la région, opéré dans le cadre d’un exercice d’harmonisation des compétences intervenu en 2004.

Préconisation n°24 : relancer un nouvel exercice d’harmonisation des compétences entre la région et le Département de La Réunion afin de progresser vers plus de cohérence.

Le Contrat Unique d’Insertion (CUI), prévu par l’article L. 5134-19-1 du Code du travail, est un contrat de travail conclu entre un employeur qui va percevoir une aide financière et un salarié qui va bénéficier d’une aide à l’insertion professionnelle. Le dispositif actuel est trop restreint pour La Réunion et ne vise pas le renforcement de la politique de coopération régionale menée par le département et la région de La Réunion. C’est pourquoi ce dernier souhaite mettre en place une expérimentation visant à créer un contrat de coopération destiné en premier lieu à l’insertion professionnelle des personnes demandeuses d’emploi à l’étranger. Cela constituerait pour ces derniers un atout non négligeable dans la suite de leur carrière et l’envoi de salariés dans des institutions étrangères renforcerait la politique de coopération régionale.

Préconisation n° 25 : permettre au département et à la région de La Réunion de réaliser une expérimentation sur la base de l’article 37-1 de la Constitution afin de reprendre les grandes lignes du Contrat Unique d’Insertion (CUI) tout en le mettant au service de la coopération régionale.

Le massif des Hauts-de-la-Réunion a été reconnu comme un massif français par la loi montagne II du 28 décembre 2016. Bien souvent, des projets implantés au-dessus de la ligne d’altitude des 500 mètres (limite prise pour définir la zone des Hauts) sont sur le territoire d’une commune littorale. Cela entraîne l’application de l’article L.121-8 alinéa 1er du Code de l’urbanisme selon lequel l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Ainsi, même si la loi montagne II a introduit une possibilité de prendre en considération des critères supplémentaires en vue de qualifier la continuité urbaine, le cas particulier du massif des Hauts-de-la-Réunion nécessite que des précisions supplémentaires soient apportées. 

Préconisation n° 26 : prendre en considération la notion de « préexistence » de construction isolée dans les critères regardés en vue de qualifier la continuité de l’urbanisme D’autre part prendre en considération la création d’un comité de Massif pour le développement, l’aménagement et la protection des massifs de montagne.

L’opportunité de l’élaboration de ce texte doit être saisie pour organiser une nouvelle gouvernance pour la politique maritime et la pêche, dans l’esprit d’une plus grande association des régions ou collectivités ultramarines.

La loi 3DS peut offrir l’occasion de coordonner les différents niveaux de compétences dans la gestion des zones maritimes – eaux communautaires des ZEE (zones économiques exclusives), eaux françaises des TAAF dans l’Océan Indien, à 3 000 kilomètres de La Réunion, et qui représentent 2,39 millions de km².

Préconisation n°27 : création d’une instance partenariale entre la région de La Réunion et l’État, pour la gestion de ces zones maritimes (région de La Réunion, préfet de La Réunion, préfet des TAAF).

Préconisation n°28 : rendre obligatoire l’avis de la région de La Réunion sur tout accord de pêche entre l’Union européenne et les pays riverains de La Réunion.

L’insertion de La Réunion dans son environnement géoéconomique exige qu’elle soit réellement associée à tout accord de coopération entre la France ou l’Union Européenne, avec les pays de son environnement géographique.

C’est notamment le cas pour les APE conclus entre l’Union Européenne et les pays ACP, ou pour tout accord de libre-échange.

Préconisation n° 29 : rendre obligatoire la saisine de la région de La Réunion pour avis, sur tout accord économique entre l’Union européenne ou la France avec des pays ou groupe de pays de son environnement géoéconomique.

2.   Concernant Mayotte

Lésée par un sous-équipement historique et structurel, par une poussée incontrôlée de l’immigration et par des dotations aux communes largement inférieures aux normes nationales, Mayotte se fixe pour priorité le rattrapage social, économique et infrastructurel.

Préconisation n° 30 : créer un fonds de rattrapage des dotations aux communes qui tienne compte les sous-dotations cumulées à Mayotte depuis la départementalisation.

Préconisation n° 31 : renforcer le régime dérogatoire qui prévaut en matière d’expulsion d’étrangers en situation irrégulière ou de fauteurs de troubles à l’ordre public.

Préconisation n° 32 : adapter la législation en matière de regroupement familial et de droit d’asile dans l’objectif de limiter l’actuel contournement du droit.

Préconisation n° 33 : adapter le code de l’urbanisme aux caractéristiques et contraintes spécifiques du territoire en modifiant la loi littorale applicable à Mayotte pour permettre la régularisation foncière sur les habitations bâties de longue date et l’aménagement d’infrastructures d’intérêt général dans les communes.

Préconisation n° 34 : transférer l’autorité de gestion des fonds européens au conseil départemental mahorais. Il est attendu que ce fonds s’établisse au même niveau que l’apport mahorais dans le calcul par la Commission européenne de l’enveloppe des régions ultrapériphériques, c’estàdire de l’ordre de 825 millions d’euros.

Préconisation n° 35 : accélérer la mise à niveau des grandes infrastructures aéroportuaire, portuaire, routières et numériques.

Préconisation n° 36 : accélérer l’atteinte de l’égalité sociale de droit, en appliquant les codes de la santé, de la sécurité sociale, du travail et de la famille de plein exercice, sur un agenda resserré.

Préconisation n° 37 : créer une zone économique spéciale fiscale et douanière favorisant le développement économique de Mayotte par son intégration régionale dans son bassin océanique.

Préconisation n° 38 : transférer aux budgets des communes les fonds destinés à la rénovation et à la construction des établissements scolaires nécessaires.

Préconisation n° 39 : accorder à l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte le régime de gouvernance appliqué aux autres départements d’outre-mer.

3.   Concernant les collectivités du Pacifique

La Polynésie française a le statut de PTOM (Pays et Territoire d’Outre-mer). Les polynésiens ont donc la citoyenneté européenne mais le droit de l’Union européenne ne s’y applique pas. Ce statut empêche l’application de deux mesures majeures : la suppression des frais d’itinérance et l’absence de cumul CSG-CRDS.

Concernant les frais d’itinérance, ceux-ci ont été supprimés dans l’Union européenne pour dix ans par le règlement 531/2012 du 13 juin 2012 entré pleinement en vigueur en juin 2017. La Polynésie, en sa qualité de PTOM, n’est pas soumise à cette réglementation. Ainsi, un français se rendant dans un autre pays de l’Union européenne ne payera pas de frais d’itinérance mais s’il se rend en France, dans un PTOM, il devra les payer.

Préconisation n° 40 : supprimer les frais d’itinérance en Polynésie française.

Concernant la lutte contre les doubles impositions, les Français non-résidents établis en Polynésie française sont affiliés à un régime obligatoire de protection sociale (la caisse de prévoyance sociale dite CPS) et ils ne sont pas exonérés de CSG-CRDS (contribution sociale généralisée et contribution au remboursement de la dette sociale) alors même que leur domicile fiscal n’est pas en France. Ils sont ainsi soumis à une double imposition.

Préconisation n° 41 : supprimer des doubles impositions et, en particulier, le cumul des CSG-CRDS avec la CPS pour les français non-résidents établis en Polynésie française.

La continuité territoriale doit être également renforcée à travers différents dispositifs.

L’aide à la continuité territoriale intérieure instaurée par le troisième alinéa de l’article 1803-4 du code des transports permet de faciliter les déplacements au sein d’un même territoire en imposant des obligations de service public aux transporteurs et en subventionnant une partie du prix des billets. En pratique, seule la Guyane y est éligible. Or, la Polynésie française, avec 118 îles réparties sur 5,5 millions de km² pourrait également prétendre bénéficier de ce dispositif. L’enclavement des archipels polynésiens ne peut priver les populations de l’accès aux services publics.

Préconisation n° 42 : rendre la Polynésie éligible à l’aide à la continuité territoriale aux transports intérieurs et d’accompagner le Pays dans le financement du fonds de continuité territoriale des lignes déficitaires.

Le dispositif « Cadres avenir » est un programme de formation de cadres moyens et supérieurs qui répond à l’objectif de rééquilibrage économique et social. Il a été mis en place à Mayotte par la loi du 28 février 2017. En pratique, le préfet sélectionne des profils de jeunes à haut potentiel afin de les envoyer en formation qualifiante à l’université, dans l’hexagone ou à La Réunion. En échange de financements divers et d’une indemnité mensuelle, le participant s’engage à exercer une activité professionnelle pendant au moins trois ans à Mayotte.

Préconisation n° 43 : ouvrir le dispositif « Cadres avenir » aux Polynésiens dans le cadre de la continuité territoriale.

Les militaires originaires du Pacifique (ainsi que ceux de Mayotte) sont victimes d’une discrimination persistante. En effet, une prime d’installation dite « INSMET » (indemnité d'installation des militaires ultramarins) est versée aux militaires originaires des collectivités ultramarines lorsque ceux-ci rejoignent la métropole en raison de leur engagement ou d’une mutation. Toutefois, elle n’est pas versée aux militaires en provenance du Pacifique pour des questions de statut de ces territoires. Il en résulte une inégalité de traitement fondée sur l’origine.

Préconisation n° 44 : inclure les militaires en provenance du Pacifique dans le dispositif de l’INSMET.

En 1952, le gouvernement a attribué par décret, aux fonctionnaires d’État de certains territoires ultramarins (principalement les collectivités du Pacifique, mais aussi Mayotte), un supplément de retraite appelé « Indemnité temporaire de retraite » (ITR) destiné à compenser la cherté de la vie dans les outre-mer. La loi du 30 décembre 2008 a entériné l’extinction progressive de ce dispositif. Son montant diminue progressivement depuis 2019 pour les nouveaux entrants et le dispositif s’éteindra complètement en 2028, la situation restant toutefois inchangée pour les anciens bénéficiaires. Cette extinction impactera directement le pouvoir d’achat des nouveaux retraités et développera une certaine paupérisation ayant un retentissement sur toute l’économie ultramarine.

Préconisation n° 45 : mettre en place le dispositif alternatif promis lors de la mise en extinction de l’ITR et devant permettre aux futurs retraités de sur cotiser pendant leur vie active de manière à bénéficier d’un surplus de retraite le moment venu.

Plusieurs dispositifs pourraient être étendus afin d’aider les collectivités ultramarines, en particulier la Polynésie française, dans le domaine de l’énergie et de la protection de l’environnement.

La Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) est un impôt permettant de financer les charges dites de solidarité : les zones non interconnectées que sont les îles au travers de la péréquation financière et les personnes en situation de précarité énergétique vie des dispositions sociales. Si ce dispositif a été élargi à certains territoires ultramarins dont Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie en sont exclues. Or dans ce territoire le prix moyen de l’électricité est deux fois plus élevé qu’en métropole.

Préconisation n° 46 : étendre la Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) à la Polynésie et à la Nouvelle-Calédonie.

Le Fonds vert pour le climat est un mécanisme financier de l’ONU qui vise à transférer des fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables pour mettre en place des projets combattant les effets des changements climatiques ou d’adaptation au changement climatique. Les collectivités du Pacifique ne peuvent y prétendre car il s’adresse uniquement aux pays indépendants en voie de développement. Elles ne peuvent non plus prétendre aux mécanismes existants dans les DROM. C’est pourquoi, un dispositif « équivalent Fonds vert » a été lancé en 2016. Il a permis de financer un certain nombre de projets favorisant la production d’une énergie durable. La Polynésie n’y est plus éligible.

Préconisation n° 47 : rendre éligible la Polynésie française à l’équivalent Fonds vert.

Les communes doivent faire respecter les normes environnementales dans les domaines de l’assainissement des eaux usées, de l’adduction en eau potable et des déchets. Ces investissements représentent des montants très lourds pour les 48 communes de Polynésie française et nécessitent un soutien important de l’État et du Pays.

Préconisation n° 48 : soutenir massivement les projets communaux via le contrat de développement et de transformation et de son volet consacré aux communes.

 

 

 

 


  1  

 

   examen par la dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 21 octobre 2021, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport d’information sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale :

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/3Ne6Qr

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 

 

 


 

—  1  —

   ANNEXES

PRÉCONISATIONS LÉGITIMES MAIS NE POUVANT ËTRE RETENUES

PAR LES RAPPORTEURS CAR NÉCESSITANT UNE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE

1.   Une mesure symbolique indispensable : pénaliser la négation du crime d’esclavage

Dans l’état actuel du droit, la pénalisation de la négation du crime d’esclavage n’est pas possible. En effet, si l’article 24 bis de la loi du 27 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit par un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière, et de façon publique, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité, elle ne s’applique pas au crime d’esclavage. Jusqu’en 2016, elle visait exclusivement les crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale.

Un amendement adopté dans le cadre de la loi Égalité et Citoyenneté de 2017 devait élargir le champ d’application de l’infraction à l’esclavage et à la traite négrière. Cependant, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 26 janvier 2017, a considéré que la disposition était trop vaste et a censuré la loi sur ce point. Il a précisé qu’il fallait que le crime ait donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale, excluant ipso facto l’esclavage colonial et la traite négrière dont le caractère de crime contre l’humanité n’a été reconnu que par une loi : la loi dite « Taubira » du 21 mai 2001. Ainsi, une révision constitutionnelle est-elle nécessaire pour permettre de pénaliser la négation du crime d’esclavage.

Préconisation : réviser la Constitution afin de permettre la pénalisation de la négation du crime d’esclavage.

2.   La nécessaire révision de l’alinéa 5 de l’Article 73 de la Constitution

Les conséquences de cet alinéa sont négatives pour La Réunion, comme le soulignait l’universitaire M. Ferdinand Melin-Soucramanien, ancien déontologue de l’Assemblée Nationale. La loi 3DS ne saurait être à la hauteur de ses ambitions, si elle ne garantissait pas une révision de cet article afin de garantir l’évolution institutionnelle de La Réunion.

Préconisation : un rapport parlementaire définira les modalités de modification de l’article 73 de la Constitution.

 


   liste des auditions

 

Mardi 1er juin 2021

    M. Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, universitaire, ancien déontologue de l’Assemblée nationale.

 

Mercredi 2 juin 2021

    M. Maël DISA, délégué interministériel à l’égalité des chances.

 

Lundi 7 juin 2021

 

-          Mme Christine GANGLOFF-ZIEGLER, Rectrice de l’académie de la Guadeloupe ;

-          M. Alain AYONG LE KAMA, Recteur de l’académie de Guyane ;

-          M. Jean-Pierre TEGON, Chef de Service de l’Éducation Nationale de Saint Pierre et Miquelon.

 

-          Mme Valérie DENUX, Directrice générale ARS de Guadeloupe ;

-          Mme Clara DE BORD, Directrice générale ARS de Guyane.

 

Lundi 14 juin 2021

-          Mme Pauline MALET, Directrice adjointe du cabinet de la ministre de la Cohésion des territoires ;

-          M. David CARMIER, Directeur adjoint de cabinet du ministre des outre-mer ;

-          Mme Jennifer LORMIER, Conseillère parlementaire du ministre des outre-mer.

 

Mardi 15 juin 2021

-          Mme Chantal MANÈS-BONNISSEAU, Rectrice de l’Académie de La Réunion ;

-          M. Gilles HALBOUT, Recteur de l’Académie de Mayotte.

 

 

-          Mme Martine LADOUCETTE, Directrice générale ARS de La Réunion et M. Etienne BILLOT, Directeur général adjoint ARS de La Réunion ;

-          Mme Dominique VOYNET, Directrice générale ARS de Mayotte

 

Mercredi 16 juin 2021

 

 

-          M. Sully PANDOLF, Directeur général routes de Guadeloupe.

 

Jeudi 24 juin 2021

-          M. Stanislas CAZELLES, Préfet de la Martinique.

 

Vendredi 25 juin 2021

-          M. Christian POUGET, Préfet de Saint Pierre et Miquelon.

 

Mercredi 30 juin 2021

-          M. Thierry QUEFELLEC, Préfet de Guyane.

 

 

******************

 

 

 


([1]) « Soutenir les communes des départements et régions d'Outre-mer », rapport au gouvernement du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié le 18 décembre 2019.