N° 4724

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2021

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE la défense nationale et des forces armées

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le plan Famille : quel bilan ?

ET PRÉSENTÉ PAR

Mmes Séverine gipson et Isabelle SANTIAGO

Députées

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur le plan Famille : quel bilan ? est composée de : Mmes Séverine Gipson et Isabelle Santiago, rapporteures, Mme Carole Bureau-Bonnard, MM. André Chassaigne, Yannick Favennec-Bécot et Thomas Gassilloud, Mmes Sereine Mauborgne, Josy Poueyto et Laurence Trastour-Isnart, membres.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : La nécessité de renforcer l’accompagnement social du militaire et de sa famille

I. L’accompagnement social du militaire et de sa famille, composante essentielle de la condition militaire

A. La condition militaire, recherche d’un équilibre entre sujétions et compensations dépassant le cadre professionnel

1. La condition militaire, fondement des droits et obligations des militaires

2. Des sujétions spécifiques à chacune des trois armées et à la gendarmerie

a. Les sujétions propres aux marins : des absences opérationnelles très longues doublées d’une déconnexion en mer

b. Les sujétions propres à l’armée de Terre : mobilité, dispersion géographique et absences

c. L’armée de l’Air et de l’Espace se caractérise par un fort taux de projection de ses aviateurs

d. Les sujétions propres au métier de gendarme varient selon que l’on est affecté en gendarmerie départementale ou dans la gendarmerie mobile

3. La famille, base arrière indispensable

B. La préexistence, avant l’adoption du plan Famille, de dispositifs d’accompagnement social

1. Les aides sociales

2. Les aides à la mobilité

a. L’aide au logement et à l’hébergement

b. Les aides au déménagement et à l’installation

c. Les cartes de circulation ferroviaire

d. L’aide à l’emploi des conjoints

3. Le soutien apporté en cas d’absence opérationnelle

4. L’aide au blessé

5. L’aide à la reconversion des personnels

C. L’implication d’une multiplicité d’acteurs dans l’accompagnement social

1. Les acteurs relevant du secrétariat général pour l’administration

a. La direction des ressources humaines du ministère de la Défense, acteur pilote de l’accompagnement social

b. Défense mobilité

c. La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives et le service d’infrastructure de la défense

2. Les services de soutien interarmées relevant de l’état-major des armées

a. Le service du commissariat aux armées, acteur central du soutien interarmées

b. Le service de santé des armées au cœur des enjeux sanitaires

3. Le rôle clef du commandant de base de défense dans la déclinaison des actions d’accompagnement social à l’échelon local

4. Le rôle majeur du commandant de formation dans l’amélioration de la condition du personnel

5. Le rôle des bureaux d’environnement humain, des bureaux de liaison des familles et des sections condition de l’aviateur

6. L’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP)

7. Les mutuelles

II. La nécessité de mieux compenser les sujétions militaires et de mieux prendre en compte les évolutions sociologiques et sociétales

A. Mieux compenser les sujétions croissantes liées à la condition militaire

1. Un niveau élevé d’engagement opérationnel qui pèse sur la disponibilité et le moral des militaires

2. La mobilité géographique, facteur de déracinement

B. Adapter la politique des ressources humaines du ministère des armées aux Évolutions de la sociologie des familles de militaire et aux évolutions sociétales

1. L’évolution du modèle familial, défi pour le modèle social des armées

a. L’emploi des conjoints, un enjeu croissant

b. Le développement du célibat géographique

c. Une diversification des modèles familiaux qui suscite de nouveaux enjeux

2. La numérisation croissante de la société remet en question les canaux classiques de transmission de l’information

a. Une évolution de la nature de la communication entre les militaires et leur famille

b. Une évolution de la communication entre l’institution et les militaires

III. La nécessité de reconnaître la dimension à « hauteur d’homme » de l’institution militaire au terme de nombreuses réformes structurelles douloureuses

A. Une institution militaire maintes fois malmenée

B. Une professionnalisation du métier ayant induit de nouvelles logiques de recrutement et de fidélisation

1. Une attractivité qui se maintient pour le recrutement

2. Une fidélisation à conforter

Deuxième partie : Le plan famille, une politique saluée par l’ensemble de la communauté militaire mais dont certaines mesures restent en chantier ou méritent d’être complétées

I. Un plan en six axes, traduisant une volonté politique forte et comportant à la fois des mesures d’ordre budgétaire et non budgétaire

A. Le plan famille, traduction d’une volonté politique forte

1. Une réflexion entamée sous la précédente législature

2. L’impulsion du Président de la République et de la ministre des Armées

3. Un plan élaboré très rapidement

4. L’inscription du plan Famille en loi de programmation militaire

5. Un plan ayant donné lieu à concertation et en évolution continue

6. Un plan piloté par un directeur de projet et décliné à l’échelon local par les commandants de base de défense

B. Un plan décliné en six axes et comportant à la fois des mesures d’ordre budgétaire et d’ordre non budgétaire

1. Un plan décliné en six axes et en une soixantaine de mesures

2. Des mesures financées dans le cadre de la loi de programmation militaire « à hauteur d’homme »

3. Des mesures d’ordre non budgétaire

C. Un plan très attendu par les uns, insuffisamment connu par les autres mais qui apporte désormais de plus en plus de satisfaction

II. De nombreuses mesures emblématiques sont très bien accueillies par les militaires et leur famille

A. Une meilleure prise en compte de la parentalité et de la famille au sens large dans le cadre de l’absence du militaire

1. Un accroissement de l’offre de garde d’enfants

a. Une augmentation du nombre de places en crèche

b. L’action en faveur des assistant(e)s maternel(le)s agréé(e)s : une solution de garde avantageuse qui est aussi facteur d’employabilité

c. La garde d’urgence : une réponse spécifique à la problématique des horaires atypiques du militaire

2. Une attention particulière portée au moral des familles

a. Un soutien moral et psychologique renforcé dans le cadre de l’absence opérationnelle

b. Une attention particulière, entre soutien moral et ludisme, portée à l’hospitalisation des enfants

3. Une meilleure prise en compte de la trésorerie des ménages

a. Une modernisation de la prise en charge des frais de déplacement temporaire

b. Une extension du bénéfice du quart de place SNCF aux militaires blessés en service et de la carte Famille SNCF aux familles voyageant en l’absence du militaire

c. Une augmentation du prêt habitat en faveur de l’accession à la propriété

4. Une simplification des démarches administratives : la désignation de la « personne de confiance »

5. Le plan wifi, une mesure phare visant à renforcer le lien entre le militaire et sa famille qui a connu un véritable succès

B. Une simplification de certaines démarches liées à la mobilité

1. Un effort d’optimisation du soutien au déménagement

2. Un ajustement de la politique de mobilité visant à mieux prendre en compte les attentes de stabilité, de proximité et de visibilité des militaires et de leur famille

C. Un renforcement de l’intégration à la communauté de défense

1. L’appartenance à une communauté « singulière » : le lien entre les familles de militaires

2. Un lien renforcé entre l’institution militaire et les familles

a. Une reconnaissance de l’engagement associatif en faveur de la communauté militaire

b. Les mutuelles historiques, des acteurs au cœur du sentiment d’appartenance

c. Un accompagnement renforcé dans le cadre de la blessure et du décès du soldat : une actualisation des outils d’aide et un élargissement de la prise en charge financière

d. Une meilleure prise en compte des nouveaux modèles familiaux dans l’action sociale

e. Une formalisation des échanges avec les associations de conjoints

3. Le lieu de travail du militaire, cadre de vie constitutif de l’esprit de corps

III. Plusieurs difficultés liées à la mobilité des militaires restent encore prégnantes et requièrent une attention particulière

A. Une politique d’offre de logement dynamique mais une attribution tardive des logements qui limite la portée des mesures visant à permettre l’anticipation de la mobilité du militaire

1. Le logement, principal sujet d’insatisfaction des familles

2. Une politique de logement poursuivant un double objectif : compenser la mobilité et répondre à une préoccupation sociale

3. Une attribution tardive des logements qui limite les effets positifs des mesures prises en matière de mobilité des militaires

B. Le soutien à l’emploi des conjoints, un enjeu clef du plan Famille qui suppose de redoubler d’efforts

1. Un enjeu clef du plan Famille

2. Une mission dévolue à Défense mobilité

3. Un bilan mitigé de ce volet du plan Famille, compte tenu de l’ampleur de la tâche

4. Une nette insuffisance des moyens humains dévolus à Défense mobilité

5. Le cas particulier des conjoints de militaire qui sont fonctionnaires : un enjeu traité au cas par cas

6. Le cas particulier des conjoints fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale : des difficultés s’expliquant par un décalage calendaire entre les mutations des militaires et des enseignants

C. L’inscription des enfants à l’école en cas de mutation : un processus parfois compliqué par l’attribution tardive des logements et les modalités d’application de la carte scolaire

1. La scolarité, enjeu majeur en cas de mobilité du militaire

2. Justification de domicile et inscription tardive : l’enjeu de la carte scolaire et de l’attribution des logements défense

3. Le plan Famille prévoit une mesure visant à mieux faire connaître l’offre scolaire du ministère des Armées

4. La question de l’hébergement des étudiants issus de familles de militaire

D. Une offre de soins défaillante en raison de la désertification médicale

1. La désertification médicale

2. Les mesures prises par le SSA en faveur de l’accès des familles aux hôpitaux d’instruction des armées ne peuvent, par construction, bénéficier qu’aux familles vivant à proximité de ces hôpitaux

E. Des mesures à inscrire dans une réflexion globale et opérationnelle

1. Des mesures relatives aux cercles mess qui peinent à rencontrer leur public

2. Le handicap : un enjeu dont la prise en compte doit être renforcée dans les différents champs d’action du plan Famille

3. Les espaces ATLAS : une qualité de soutien de proximité variable qui reste à professionnaliser et à développer

4. Une certaine complexité des procédures et des critères d’attribution de la prestation de soutien en cas d’absence du domicile (PSAD) et de l’aide au parent exerçant son droit de visite et d’hébergement (APDVH)

5. La création d’une maison des familles des pensionnaires de l’Institution nationale des Invalides : une mesure envisagée mais finalement jugée non nécessaire au regard des besoins

IV. Certaines mesures, très favorablement attendues, restent difficiles à évaluer, étant encore en cours de déploiement

A. Un accès simplifié à l’information relative à l’accompagnement social des familles : des mesures saluées par les militaires et leur famille mais qui demeurent en cours de déploiement

1. Les cellules d’information et d’accompagnement des familles, un dispositif répondant à une forte demande

2. La plateforme « e-social des armées » et le portail numérique du blessé

B. Une considération renforcée à l’égard des besoins familiaux

1. L’accès gratuit des familles à la plateforme Yoopies : une nouvelle réponse aux besoins des familles

2. La négociation de conditions tarifaires avec les compagnies aériennes : une expérimentation visant à limiter les effets du célibat géographique et à faciliter les déplacements familiaux

V. Un plan qui s’inscrit dans le cadre plus large de la loi de programmation militaire à hauteur d’homme

A. Un investissement massif dans l’immobilier du ministère des Armées, au profit tant des militaires que de leur famille

1. L’hébergement, une question traitée dans le cadre d’un plan à part entière, compte tenu de l’ampleur des enjeux

a. Une action de traitement des infrastructures vieillissantes sur le territoire national et de création de places d’hébergement en Île-de-France menée dans le cadre du plan Famille

b. Le plan Hébergement, une prise en considération nationale des conditions d’hébergement des militaires

2. Le logement familial, composante essentielle de la condition du personnel bénéficiant d’un effort budgétaire inédit dans le cadre du contrat de concession Ambition Logements

B. La nouvelle politique de rémunération des militaires : rémunérer le militaire « pour ce qu’il est, pour ce qu’il fait et pour ce qu’il apporte »

Troisième partie : Assurer la pérennité du plan famille et en renforcer la dynamique : vers un acte II du plan famille

I. Sanctuariser l’existant afin d’assurer la pérennité du plan famille au-delà de 2022

A. Pérenniser le plan famille au-delà des échéances électorales de 2022, dans le cadre de la loi de programmation militaire

B. Mieux communiquer et mieux informer les bénéficiaires du plan famille sur leurs droits

1. Adjoindre au directeur de projet du plan Famille une équipe de communication dédiée

2. Le projet numérique Familles des armées : une démarche innovante s’appuyant sur les méthodes de marketing digital

C. Renforcer les ressources humaines des services de soutien impliqués dans la conduite du plan famille, condition sine qua non de la réussite du plan

D. Augmenter les crédits d’infrastructure des bases de défense, enjeu clef pour l’amélioration de la condition du personnel

II. Consolider les mesures existantes pour répondre pleinement aux principales préoccupations des militaires : le logement, la garde et la scolarisation des enfants, l’emploi du conjoint et l’accès aux soins

A. Renforcer l’offre de logement dans le parc privé et améliorer les conditions de logement des gendarmes

1. Renforcer l’offre de logement dans le parc privé en concluant des partenariats avec les agences immobilières

2. Améliorer l’accueil et l’information des demandeurs de logement s’adressant au bureau du logement en région Île-de-France

3. Augmenter massivement les crédits d’investissement immobilier consacrés aux casernes de gendarmerie

B. Consolider les dispositifs en faveur des enfants de militaire

1. Accompagner le développement local de maisons d’assistantes maternelles

2. Faciliter l’inscription scolaire des enfants en cas de mutation du militaire

3. Développer une offre de résidences étudiantes Igesa au profit des enfants de militaire poursuivant des études supérieures

C. Redoubler d’efforts pour favoriser l’emploi des conjoints

1. Augmenter les effectifs de Défense mobilité et recruter des personnels civils spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi

a. Augmenter les effectifs de Défense mobilité

b. Recruter des personnels civils contractuels spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi

2. Cibler plus particulièrement les conjointes de militaire du rang

3. Favoriser l’emploi des conjointes de militaire comme assistantes maternelles via la plateforme Yoopies

4. S’appuyer sur les conjointes réservistes pour renforcer les effectifs des bureaux d’environnement humain et les bureaux de liaison des familles

D. Organiser à l’échelon local des réunions de sensibilisation à la singularité militaire avec la médecine de ville, développer un système de parrainage et favoriser la téléconsultation pour apporter des réponses concrètes à l’épineux problème des déserts médicaux

1. Organiser à l’échelon local des rencontres et des réunions de sensibilisation à la singularité militaire, associant les caisses primaires d’assurance maladie, les conseils départementaux de l’ordre des médecins et des praticiens installés dans le périmètre de chaque base de défense

2. Inciter les associations de conjointes de militaire à développer un système de parrainage entre familles arrivantes et partantes

3. Favoriser la téléconsultation

III. Favoriser la téléactivité des militaires et développer les bassins de mobilité pour limiter les difficultés liées à la mobilité géographique

A. Favoriser la téléactivité des militaires lorsque c’est possible

1. Le développement de la téléactivité pendant la crise sanitaire : une transformation de la gestion RH au ministère des Armées

2. Une téléactivité dont l’expérimentation pourrait être étendue hors période de crise afin de limiter les difficultés liées à la mobilité.

3. Proposer aux militaires en célibat géographique des stations informatiques avec connexion sécurisée au sein d’espaces de travail partagés en enceinte militaire

B. Développer les bassins de mobilité

IV. Renforcer l’offre de services et de loisirs

A. Améliorer l’attractivité de l’offre de loisirs de l’igesa pour les familles les plus aisées

B. Élargir l’offre de services au sein des unités

1. Diffuser les services de conciergerie

2. Créer des points de vente automatisés pour les biens de première nécessité

3. Faciliter l’envoi de colis en OPEX

V. Veiller au maintien des avantages consentis aux familles dans les transports ferroviaires après l’ouverture des lignes à la concurrence

VI. Renforcer les moyens budgétaires du commandement supérieur en outre-mer afin d’adapter au mieux les actions du ministère des armées aux spécificités de chaque territoire

1. Le renforcement de l’offre de logement domanial, mesure phare du plan Famille en outre-mer

2. L’action de Défense mobilité reste difficile sur ceux des territoires ultramarins où la recherche d’emploi est peu fructueuse

3. Une action en faveur de l’amélioration des conditions de vie en garnison qui doit faire l’objet de moyens budgétaires renforcés

4. Les personnels militaires en poste permanent à l’étranger : une problématique à traiter dans le cadre interministériel

Travaux de la commission

Examen du rapport en commission

Annexes

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteures et déplacements

1. Auditions

2. Déplacements

3. Contributions écrites

Annexe  2 : Programmation et exécution budgétaires du plan famille


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   Introduction

« "Que d’espace et de vent ta flamme se nourrisse…" ([1]) Tribu nomade au territoire incertain et dont l’erratique transhumance obéit à des règles obscures et impérieuses, les militaires sont de perpétuels errants. D’une ville à l’autre, d’une garnison à un théâtre d’opérations, ignorant frontières et continents, ils bouclent leur sac et leurs cantines et ils filent discrètement vers un nouvel horizon. Dans une société pourtant plus mobile que jadis et dans un univers rétréci par la vogue des voyages exotiques, leur sort demeure singulier et le rythme de leurs jours n’est comparable à nul autre.

Plus de vingt fois dans ma longue carrière, j’ai annoncé à ma femme un nouveau départ. Son regard clair me fixait : « Où et quand ? … Et nous ? » Je devinais son inquiétude, ses interrogations : les enfants, les écoles, le déménagement… et puis la séparation, la routine pesante, seule pendant des semaines, des mois. Et la peur cachée. Nul reproche dans sa voix : elle savait. Une fois pour toutes, elle avait dit « oui » à cette vie de nomade. Elle en acceptait les contraintes, elle en aimait la richesse. »

Général Henri Bentégeat, Aimer l’armée, une passion à partager

 

La condition militaire se caractérise par l’esprit de sacrifice, la disponibilité, la discipline, le loyalisme et la neutralité. Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. Leur liberté de résidence et leur liberté de circulation peuvent être restreintes. Le personnel vit au rythme du contrat opérationnel de son unité et de ses engagements sur le terrain, en métropole, en outre-mer et en opérations extérieures. Dans un tel contexte, la famille est, pour le militaire, une base arrière indispensable offrant stabilité et continuité.

L’accompagnement social des militaires et de leur famille par le ministère de la Défense ne date pas du plan Famille : il est une composante essentielle de la condition militaire visant à assurer un équilibre entre sujétions et compensations. Cependant, il semble de plus en plus nécessaire de mieux compenser les sujétions croissantes liées à la condition militaire. Le niveau élevé d’engagement des armées sur l’ensemble du territoire et en opérations extérieures pèse sur la disponibilité et le moral des militaires. Les contraintes pesant sur les familles leur sont de plus en plus difficiles à accepter dans une société où les conjoints de militaires ont le plus souvent – ou, du moins, souhaitent le plus souvent avoir – un emploi. La mobilité géographique des militaires représente aussi un réel défi pour les familles : à chaque nouvelle affectation, le militaire doit se familiariser avec un nouvel environnement et son conjoint doit organiser le déménagement, trouver un logement familial et s’occuper d’inscrire leurs enfants dans un nouvel établissement scolaire. L’emploi des conjoints est un enjeu croissant, non seulement en raison des mobilités répétées des militaires mais aussi de leurs absences opérationnelles. Les coupes budgétaires intervenues depuis le lancement de la révision générale des politiques publiques, dans un contexte de sursollicitation opérationnelle, ont donné à l’institution militaire le sentiment d’être malmenée. La professionnalisation des armées a quant à elle créé la nécessité de recruter et surtout de fidéliser les militaires.

Conscient de ces enjeux, le Président de la République a prononcé le 20 juillet 2017, à Istres, un discours que l’on peut qualifier d’acte fondateur du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, plus souvent appelé « plan Famille ». La volonté de mieux accompagner les militaires et leur famille est alors devenue l’une des priorités de la ministre des Armées qui a officiellement lancé ce plan le 31 octobre de la même année ([2]). Dès 2018, le plan Famille a été inscrit, pour celles de ses mesures qui sont d’ordre budgétaire, en loi de programmation militaire pour 2019-2025.

Le bilan que tirent les rapporteures des trois premières années de mise en application du plan étant très positif, elles estiment qu’il gagnerait à mieux être connu aussi bien des familles que des militaires eux-mêmes. Si l’ensemble des mesures du dispositif est plébiscité par la communauté de défense, ce bilan positif ne doit pas occulter le fait que des difficultés quotidiennes majeures demeurent pour les militaires et les familles – difficultés concernant en particulier le logement, la scolarisation des enfants, l’emploi des conjoints et l’accessibilité aux soins.

Ce plan Famille est complété par trois autres politiques simultanément menées par le secrétariat général pour l’administration du ministère des Armées : le plan Hébergement, la conclusion du contrat Ambition Logements et la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Parce que le plan Famille donne globalement grande satisfaction, les rapporteures jugent nécessaire d’en assurer la pérennité au-delà des échéances électorales de 2022 et ce, pendant toute la durée de la loi de programmation militaire, ce qui suppose d’accorder aux services de soutien et aux commandants de base de défense qui les coordonnent les moyens humains nécessaires pour leur permettre d’atteindre les objectifs qui leur sont fixés. Enfin, les rapporteures proposent de renforcer le plan Famille afin d’en garantir la pleine réussite.

 


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   Première partie :
La nécessité de renforcer l’accompagnement social du militaire et de sa famille

« Les familles sont au cœur de l’engagement militaire. Ce sont les soldats que l’on recrute mais ce sont des familles entières qui s’engagent. »

Mme la ministre des Armées Florence Parly

 

L’accompagnement social du militaire et de sa famille est une composante essentielle de la condition militaire (I). Si de nombreux dispositifs d’accompagnement social préexistaient au plan Famille, dans un contexte de forte sollicitation opérationnelle des armées et de préparation aux conflits de haute intensité, il devenait indispensable de renforcer cet accompagnement social afin d’améliorer le quotidien des militaires et de leur famille, en répondant à des contraintes à la fois structurelles, liées à la nature même du métier de militaire et conjoncturelles, liées à l’évolution des modèles familiaux et à la numérisation croissante de la société (II). La volonté de mieux prendre en compte ces contraintes vise un objectif stratégique – recruter et fidéliser les militaires – et traduit la reconnaissance de l’importance de l’institution militaire par le politique après des décennies de restrictions budgétaires (III).

I.   L’accompagnement social du militaire et de sa famille, composante essentielle de la condition militaire

La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire ainsi que les garanties et compensations apportées par la Nation aux militaires (A). L’accompagnement social du militaire et de sa famille, qui préexistait au plan Famille, est une composante essentielle de la condition militaire (B). Une pluralité d’acteurs, relevant tant du secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère des Armées que de l’état-major des armées, intervient dans cet accompagnement social (C).

A.   La condition militaire, recherche d’un équilibre entre sujétions et compensations dépassant le cadre professionnel

La condition militaire est au fondement des droits et obligations des militaires (1). Chaque force armée est soumise à des contraintes qui lui sont propres (2). Compte tenu de ces sujétions, la famille constitue, pour le militaire, une base arrière indispensable (3).

1.   La condition militaire, fondement des droits et obligations des militaires

La singularité militaire se caractérise par le pouvoir exorbitant qu’a le militaire de donner la mort au combat – sur ordre – et par l’acceptation, par le militaire, du risque de mourir pour son pays.

En vertu de l’article L. 4111-1 du code de la défense, la mission de l’armée est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation. Le statut [militaire] assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées et formations rattachées. Il offre à ceux qui quittent l’état militaire les moyens d’un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l’institution. La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d’emploi après l’exercice du métier militaire.

Comme le souligne le Haut comité d’évaluation de la condition militaire ([3]), « la condition militaire a une dimension de reconnaissance des sujétions de l’état miliaire, des sacrifices endurés et des périls auxquels les militaires sont, par leur engagement, exposés. Elle contribue également à la capacité des forces armées et, ce faisant, est aussi un objectif de défense. (…) Au niveau individuel, la condition militaire est aussi l’équilibre ressenti par chaque militaire entre les devoirs qui lui sont assignés, les obligations qui pèsent sur lui, les contraintes qu’il vit avec ses proches et les garanties, les contreparties ou les compensations définies. La reconnaissance que la Nation lui témoigne est un élément constitutif de la condition militaire ».

Les principales spécificités de la condition militaire sont définies aux articles L. 4121-3 à L. 4121-5 du code de la défense ([4]). En particulier, l’article L. 4121-5 de ce code prévoit que les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu, que leur liberté de résidence peut être limitée dans l’intérêt du service et que lorsque les circonstances l’exigent, leur liberté de circulation peut être restreinte. Comme le rappelait le général d’armée François Lecointre, alors chef d’état-major des Armées, dans son intervention du 7 juillet 2021 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées ([5]), « réactivité, disponibilité, autonomie et stricte discipline […] constituent […] les premiers critères de la singularité militaire. »

En exigeant de ses soldats qu’ils se soumettent à ces obligations, l’institution militaire crée un lien qui va bien au-delà du cadre professionnel. Plus qu’un métier, le statut militaire représente un choix de vie pour les militaires, et pour leur famille.

L’esprit de sacrifice représente la plus importante des sujétions propres à l’état militaire, celle dont découlent toutes les autres. Si le sacrifice suprême incarne cette notion dans son expression la plus absolue, toutes les concessions que font les militaires, en termes d’éloignement familial, d’engagement opérationnel, de prise de risques physiques et de mobilité géographique représentent autant de sacrifices dont la valeur ne saurait être sous-estimée.

La disponibilité, qui permet à plus grande échelle la réactivité des forces armées, est une condition sine qua none du fonctionnement des armées. La disponibilité a plusieurs corollaires : des horaires souvent atypiques, un éloignement impliquant une rupture temporaire des liens sociaux et familiaux mais aussi une mobilité importante, en fonction des besoins des armées. Le militaire doit en effet toujours être prêt à partir en mission, sans nécessairement en connaître à l’avance la durée. Cette exigence de disponibilité a des répercussions majeures sur la vie quotidienne des militaires et sur celle de leur famille, tant elle complique la planification à court, moyen et long termes.

La discipline militaire, au-delà de ses implications évidentes d’exécution des ordres sur le terrain, rend particulièrement difficile la défense par les militaires de leurs droits et de leurs intérêts. Ils ne peuvent bien sûr pas contester les ordres de mutation ou de déploiement opérationnel, mais sont également exclus du champ de l’action syndicale. Le code de la défense dispose en effet en son article L. 4121-4 ([6]) que l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l’adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.

Les militaires n’ayant pas la possibilité de se syndiquer, il est essentiel que le politique soit à l’écoute de leurs besoins et de leurs difficultés. De plus, le moral des troupes est indispensable à la réalisation du contrat opérationnel et donc à la défense de la Nation.

2.   Des sujétions spécifiques à chacune des trois armées et à la gendarmerie

La vie militaire est marquée par la singularité d’un métier exigeant une forte disponibilité. Le personnel militaire vit au rythme du contrat opérationnel de son unité et de ses engagements sur le terrain, en métropole et en outre-mer comme en opérations extérieures. Chaque force armée ou formation rattachée évolue selon un contrat opérationnel et opère à un rythme qui lui est propre. Si pour la gendarmerie, la disponibilité, l’engagement sur le terrain, l’accès à l’emploi du conjoint et les études des enfants sont des facteurs déterminants, la mobilité, l’éloignement géographique, le logement, l’hébergement et les déploiements opérationnels sont prégnants dans les armées.

a.   Les sujétions propres aux marins : des absences opérationnelles très longues doublées d’une déconnexion en mer

Lorsqu’il est affecté sur une unité navigante, le marin est absent quatre mois par an en moyenne, certaines unités étant absentes jusqu’à 200 jours par an. Mais même lorsque son bâtiment est à quai, le marin est soumis à des contraintes, notamment à des périodes d’alerte pouvant nécessiter soit de conserver l’équipage à bord – s’agissant notamment des équipages de sous-marins avant leur départ en patrouille – soit de restreindre leur libre circulation – l’alerte se faisant à 2 heures de ralliement. Le marin assure aussi la garde de l’unité, pour la protection et la sécurité incendie. Il n’est donc pas rare que le marin soit de garde pendant 24 heures, un jour sur sept à quai.

Dans la dernière enquête sociologique menée en 2019 par la direction des personnels militaires de la marine, l’incertitude du programme d’activité a été déclarée par les marins comme étant l’une des contraintes pesant le plus sur leur moral. Cette incertitude vient d’une forte sollicitation des moyens de la Marine en opérations et des aléas de disponibilité technique conduisant à remplacer sous très faible préavis une unité par une autre. Cette incertitude a de fortes conséquences sur la vie familiale et le conjoint s’organise souvent comme un « parent isolé ».

En outre, la déconnexion à la mer est totale en sous-marin pendant 40 à 70 jours et souvent partielle pour les unités de surface : le marin peut ainsi échanger des courriels, parfois passer des appels téléphoniques privés. L’accès à internet hors courriels est très restreint, à la fois pour des raisons de débit satellitaire insuffisant ou non autorisé hors service et pour des raisons de sécurité.

Les jeunes s’engageant dans la marine soulèvent le plus souvent des questions sur les sujétions liées à la durée des absences du domicile, à l’éloignement avec les proches et les amis ainsi qu’à la déconnexion numérique. Ces interrogations concernent toutes les classes d’âge et les différents niveaux de formation mais sont surtout le fait des jeunes les moins qualifiés.

Les efforts fournis par les gestionnaires de ressources humaines de la marine en faveur du double équipage, de l’accompagnement de la mobilité et des contraintes de service, conjugués aux témoignages fournis par les marins dans le cadre des opérations de mentorat MyJobGlasses ([7]) et Tchat Etremarin.fr ayant eu une vie équilibrée entre la vie professionnelle et la vie personnelle permettent pour le moment de maintenir un taux stable de sélectivité au recrutement. Ce taux est ainsi de 1,5 à 2 pour les militaires du rang, supérieur à 2 pour la maistrance et d’environ 1 à 7 pour les officiers. Si les sujétions auxquelles les marins sont soumis sont très fortes, l’emploi proposé aux futurs marins est sans comparaison avec les emplois offerts dans la société civile. De nombreux jeunes acceptent les contraintes propres à l’emploi dans la Marine nationale parce qu’ils placent au-dessus de celles-ci les enjeux de la mission.

S’agissant des marins relevant des tranches d’âge allant de 35 à 50 ans, le régime des pensions militaires, caractérisé notamment par des durées de service courtes ainsi que par une pension à liquidation immédiate et des bonifications particulières, compense les sujétions précitées.

En tout état de cause, la mobilité reste pour les marins la principale sujétion. Les difficultés qu’elle implique en termes de vie personnelle – logement, emploi du conjoint, stabilité des enfants – sont en décalage croissant avec les aspirations contemporaines.

La Marine nationale connaît aussi une usure de son personnel en raison d’un taux d’activité particulièrement élevé dans certaines spécialités embarquées telles que la communication, les opérations et le contrôle aérien. Cette suractivité est aggravée par les départs qu’elle favorise et nuit à la réputation de ces spécialités auprès des jeunes recrues, moins enclines à les choisir. La Marine nationale emploie en outre de nombreux techniciens qualifiés parmi ses officiers-mariniers qui doivent maintenir leurs compétences techniques, ce qui suppose qu’ils passent régulièrement des examens qualifiants, particulièrement exigeants et usants. La Marine nationale fait également face à des difficultés particulières en matière de conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle. Certaines missions impliquent une absence de prévisibilité particulièrement difficile à vivre, et tendent à fragiliser davantage la fidélisation des effectifs embarqués.

Enfin, s’agissant des marins les plus qualifiés ou les plus anciens, ceux qui ont entre 40 et 50 ans, l’état-major de la Marine se heurte à la difficulté de fidéliser ses personnels lorsque leur spécialité est en concurrence directe avec le secteur privé. C’est particulièrement le cas dans le domaine des systèmes d’information et de communication, du maintien en condition opérationnelle aéronautique ou encore de l’énergie atomique. Cette difficulté a pour conséquence, d’une part, une situation de sous-effectifs dans certains métiers, le flux de recrutement ne parvenant pas à compenser les départs et, d’autre part, la fragilisation des pyramides d’expertise, les départs précoces limitant la capacité des armées à disposer de techniciens expérimentés.

b.   Les sujétions propres à l’armée de Terre : mobilité, dispersion géographique et absences

Sur les 127 616 militaires que compte l’armée de Terre au 31 décembre 2020 – dont 12 % d’officiers, 32 % de sous-officiers et 56 % de militaires du rang –, 76 % du personnel sert sous contrat et l’on recense dans l’armée de Terre 11 % de femmes. L’âge moyen au sein des régiments est inférieur à 28 ans dans les forces opérationnelles terrestres et de 32 ans pour l’ensemble de l’armée de Terre.

Tout comme la Marine, l’armée de Terre est soumise à de fortes contraintes.

Tout d’abord, la mobilité y est très importante : on compte 12 900 mutations par an dans l’armée de Terre et 30 % des officiers sont concernés par le plan annuel de mutation chaque année. Les séparations sont en hausse et le phénomène du célibat géographique concerne 17 % des militaires.

Ensuite, contrairement à celles de la Marine et de l’armée de l’Air qui sont concentrées sur quelques bases, les unités de l’armée de Terre se caractérisent par une forte dispersion géographique : on ne compte pas moins de 200 formations d’emploi dans cette armée. Cette dispersion est source de diverses contraintes : de très fortes tensions pour se loger dans les grandes villes – 30 % des demandes formulées par les familles de militaires de l’armée de Terre à Paris ne sont pas satisfaites par le bureau du logement de la région Île-de-France (BILRIF) –, et à l’inverse, dans les garnisons très isolées comme à Bitche, Carpiagne ou La Cavalerie, de très grandes difficultés d’accès aux soins médicaux ou de scolarisation des enfants.

Les militaires appartenant à la force opérationnelle terrestre sont absents de leur domicile en moyenne 136 jours par an pour des absences supérieures à 4 mois dans le cas des opérations extérieures ou des missions de courte durée, de six semaines pour Sentinelle ou pour des durées plus courtes mais avec un faible préavis pour des missions d’entraînement ou des services.

Les militaires du rang et les jeunes sous-officiers célibataires sont hébergés au régiment dans des conditions souvent vétustes en chambre troupe. Il en va de même des célibataires géographiques hébergés dans les bâtiments pour cadres célibataires. La majorité des militaires du rang ne sont pas équipés de poste informatique leur permettant d’accéder à intradef, l’intranet du ministère des Armées.

c.   L’armée de l’Air et de l’Espace se caractérise par un fort taux de projection de ses aviateurs

L’armée de l’Air et de l’Espace comprend 40 509 aviateurs dont 31 014 sont employés par cette armée elle-même et 9 495, en dehors de celle-ci – notamment au service du commissariat des armées, à la DIRISI et à la direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Sur les plus de 40 000 aviateurs, on compte environ 6 500 officiers, 24 050 sous-officiers et 10 000 militaires du rang. L’aviateur est jeune – 36 ans en moyenne –, vit en couple (à 54 %) et élève au moins un enfant (44,5 %). L’armée de l’Air et de l’Espace se caractérise également par un taux de féminisation ([8]) plus important que dans les autres armées.

Cette armée se distingue par son mode d’engagement spécifique en assurant des missions permanentes de souveraineté nationale et de service public à partir de ses bases aériennes et sur les différents théâtres d’opérations extérieures. Les militaires de l’armée de l’Air et de l’Espace connaissent des engagements opérationnels de courte durée tout au long de l’année ; 30 000 des 40 000 aviateurs sont projetés chaque année. Les bases aériennes, souvent excentrées, sont le pivot des opérations ainsi que le lieu d’entraînement et de préparation opérationnelle : elles constituent le point stratégique de conduite de la politique d’accompagnement de l’aviateur et de sa famille. L’engagement des aviateurs sur les théâtres d’opérations extérieures repose avant tout sur l’intégration de compétences individuelles se caractérisant par une capacité de projection individuelle. À la projection en opérations extérieures (OPEX) et aux missions de courte durée, qui concernent près de 7 000 aviateurs par an pour une durée moyenne d’absence de 80 jours, s’ajoutent les opérations intérieures qui concernent 660 aviateurs par an. S’agissant des forces de présence et de souveraineté, l’armée de l’Air et de l’Espace reste très attentive aux difficultés rencontrées par les aviateurs et leur famille – souvent exacerbées sur ces territoires et doublées parfois de difficultés administratives. Près de 1 300 aviateurs sont affectés dans ces forces.

d.   Les sujétions propres au métier de gendarme varient selon que l’on est affecté en gendarmerie départementale ou dans la gendarmerie mobile

La condition militaire du gendarme, quel que soit le contexte – paix, crise ou guerre – implique notamment une disponibilité totale, une forte capacité de résilience et une adaptabilité organisationnelle et humaine. En tant que militaire, le gendarme, qu’il relève de la gendarmerie départementale ou de la gendarmerie mobile, est soumis à l’impératif de disponibilité en tout temps et en tout lieu.

En gendarmerie départementale, les conditions de vie du gendarme et de sa famille peuvent varier très sensiblement selon que le militaire est affecté dans une zone présentant de nombreux atouts économiques, culturels, sociaux ou, au contraire, dans une zone rurale cumulant de nombreux handicaps ou dans une zone périurbaine à forte délinquance de proximité. L’organisation de la gendarmerie repose sur un maillage de plus de 3 000 brigades territoriales en métropole et en outre-mer. Une part importante des militaires de la gendarmerie est affectée dans des unités isolées aux très faibles effectifs – 1 628 brigades ayant des effectifs inférieurs à 10 – et vit au sein d’une petite communauté. Présentes dans la profondeur des territoires, en outre-mer et en métropole, les familles de gendarmes sont confrontées à des problématiques d’accès à l’emploi pour le conjoint ainsi que de scolarité, notamment post bac, compte tenu de l’implantation, parfois rurale ou semi-rurale, des unités opérationnelles. En zone périurbaine, les gendarmes sont confrontés à des difficultés de sécurisation des casernes qui font de plus en plus l’objet d’intrusions – 12 par mois actuellement. Ces intrusions peuvent prendre la forme d’attaques directes à l’aide de tirs de mortier, de dégradations et d’incendies volontaires des véhicules de service et de véhicules privés ainsi que d’agressions physiques perpétrées par des auteurs d’infractions ayant été interpellés antérieurement. Certains individus s’introduisent la nuit directement dans les logements familiaux pour en découdre avec les gendarmes.

Spécialisée dans le maintien et le rétablissement de l’ordre public, la gendarmerie mobile intervient sur tout le territoire, y compris en outre-mer, ainsi qu’à l’étranger, en particulier sur les théâtres d’opérations extérieures. Les militaires sont déplacés pour des missions de sécurisation – d’ordre public notamment – ou encore pour des événements ou des missions particulières durant plusieurs jours voire plusieurs mois, entraînant pour les chargés de famille l’absence prolongée hors du foyer familial. Les gendarmes mobiles sont engagés en moyenne plus de 174 jours par an hors de leur lieu d’affectation.

En complément de l’activité quotidienne de chaque gendarme, les exemples récents d’événements, que ce soit en métropole, en outre-mer ou à l’étranger, témoignent de cet engagement fort, qu’il s’agisse de la traque de survivalistes, de la lutte contre le terrorisme, de la présence de black blocs dans les manifestations, de l’évacuation de zones à défendre (ZAD), de sommets internationaux, des référendums en Nouvelle-Calédonie, de catastrophes naturelles ou encore de gestion de crises longues telles que la crise sanitaire.

La mobilité géographique entraîne souvent des contraintes importantes pour les militaires et leur famille.

La promiscuité professionnelle est accentuée par l’obligation pour les officiers et sous-officiers de gendarmerie de vivre dans des logements concédés par nécessité absolue de service : la vie professionnelle des militaires et leur vie familiale se trouvent inévitablement mêlées. La vie en caserne, dans des implantations isolées, se complique du fait que le gendarme est, par nature, immergé dans la population. La fragilisation de la tranquillité publique dans certaines zones induit des problématiques de sécurité pour les gendarmes et leurs proches. L’extension de l’urbanisation, la mobilité de la délinquance, notamment liée à la saisonnalité des activités touristiques, ou sa complexification en zone rurale font aussi évoluer les rapports des gendarmes avec leur environnement direct.

3.   La famille, base arrière indispensable

Les contraintes auxquelles les militaires sont soumis s’exercent autant sur le plan physique que sur le plan psychologique, autant sur le plan financier que sur le plan affectif. Dans un tel contexte, la cellule familiale, souvent qualifiée de « base arrière », joue un rôle majeur de stabilité et de continuité dans la vie du militaire, au fil des missions et des mutations. La famille, et en particulier le conjoint ou la conjointe, apporte au militaire un soutien psychologique essentiel, les militaires étant encore peu nombreux à faire appel aux psychologues militaires, de peur d’être stigmatisés. La famille sert ainsi de sas de décompression où le militaire peut aborder librement ses difficultés sans courir le risque que ses paroles soient répétées au sein de son unité. Comme le soulignent les associations représentant les conjoints de militaires telles que l’ANFEM ou Women Forces, le rôle du conjoint va bien au-delà du simple réconfort que l’on peut attendre dans un couple. En raison des absences opérationnelles répétées du militaire, les conjoints doivent souvent assumer seuls toutes les tâches domestiques, administratives et relatives à l’éducation des enfants. L’équilibre familial repose ainsi en grande partie sur eux, contribuant ainsi à l’efficacité opérationnelle car un militaire qui sait que sa famille se portera bien en son absence peut se consacrer pleinement à sa mission.

« Épouser un militaire, c’est épouser l’armée » : cette formule résume à quel point les conjoints de militaires sont directement impliqués dans l’institution et soumis aux besoins opérationnels des armées qui dictent les absences des militaires. Mme Elena Lysak, sociologue auditionnée dans le cadre de la mission d’information, souligne que les conjoints, et notamment les épouses de militaires ([9]), jouent également un rôle important dans la transmission des valeurs militaires aux enfants, l’héritage professionnel étant particulièrement marqué chez les militaires de carrière. Selon elle, les conjoints de militaire apportant une réelle contribution à l’institution, il est essentiel qu’ils reçoivent la reconnaissance adéquate. Si les conjoints de militaires sont conscients des difficultés qui vont s’imposer à eux et acceptent certains sacrifices, la prise en compte des difficultés que rencontrent les familles en raison de l’engagement opérationnel du conjoint militaire est essentielle pour maintenir des relations saines entre l’institution et la « base arrière ».

Dans la gendarmerie, par exemple, où 63 % des militaires sont en couple ([10]) et où, hors gendarmes adjoints volontaires, 48,5 % des militaires sont en couple avec des enfants à charge ([11]), un sondage établi en 2020 sur le climat interne en gendarmerie montrait que 53 % des militaires de la gendarmerie ont de fortes attentes en ce qui concerne la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale. Les femmes gendarmes sont plus souvent à la tête de familles monoparentales (11 % contre 7 % de leurs homologues masculins). L’organisation de la vie familiale continuant à incomber le plus souvent aux femmes, celles-ci peuvent avoir d’autant plus de mal à concilier vie privée et vie professionnelle. 64 % des personnels de la gendarmerie qui sont en couple avec enfant(s) déclarent que leurs proches ne les jugent pas assez disponibles du fait de leurs horaires de travail. C’est notamment le cas des officiers et des sous-officiers. Par ailleurs, 48 % des personnels estiment qu’il ne leur serait pas facile –voire qu’il leur serait impossible, pour 3 % d’entre eux – de se rendre disponibles en cas d’imprévu.

Dans l’armée de Terre, on compte 57 486 conjoints – mariés, pacsés ou concubins déclarés – et 65 456 célibataires, même si de nombreux célibataires partagent leur vie avec un compagnon ou une compagne. Les séparations y sont en hausse et le phénomène du célibat géographique – sur lequel les rapporteures reviennent infra – concerne 17 % des militaires.

B.   La préexistence, avant l’adoption du plan Famille, de dispositifs d’accompagnement social

C’est afin de compenser les sujétions propres à la condition militaire que le ministère de la Défense a défini au fil du temps une politique d’accompagnement social. L’action sociale des armées a aussi vocation à compléter, au profit de ses ressortissants ([12]), les actions dont ceux-ci peuvent bénéficier par application de la réglementation générale dans le domaine social. Les aides sociales, qui préexistaient au plan Famille, ont pour objectif de compenser les sujétions et obligations militaires mais aussi de compléter l’action sociale nationale en faveur des ménages les plus démunis. Elles incluent des dispositifs hérités d’initiatives passées (colonies de vacances, maisons familiales, centres d’accueil, crèches ou institutions médico-sociales) relevant parfois des loisirs. Avant de dresser un bilan détaillé du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires, les rapporteures ont souhaité remettre le plan dans son contexte en présentant succinctement les dispositifs préexistants.

De la Première Guerre mondiale à la fin de la Guerre froide, une lente évolution de l’accompagnement social

Avant la Première Guerre mondiale, l’action sociale dans les armées était conçue sur le modèle de la charité et des bonnes œuvres – outre le rôle traditionnel dévolu aux cantinières – et comme un ensemble de prestations à caractère familial annexes à la solde. En 1917, le ministre de l’Armement Albert Thomas répondit à l’arrivée massive de femmes dans les usines d’armement pour suppléer le personnel masculin mobilisé en créant la fonction de surintendante d’usine, inspirée des ladies superintendants britanniques. Précurseur de l’assistante sociale d’aujourd’hui, elle était chargée de veiller à la santé des ouvrières et de mettre en place des activités et des structures pour améliorer leurs conditions de vie (crèches, cantines d’entreprises, vestiaires, etc.). Il s’agissait de décupler la production de munitions tout en ménageant la main-d’œuvre. Une réelle organisation sociale des armées n’advint que dix ans plus tard, avec la création de services sociaux par armée, dont les conceptions s’éloignaient explicitement de celles de la charité privée. L’action sociale devint une prise en charge professionnelle, manifestation de mesures de solidarité et de prévoyance résultant de l’effort collectif des bénéficiaires eux-mêmes. Par le décret du 29 décembre 1936, le ministère de la Marine se dota d’un bureau des questions ouvrières et des œuvres sociales. Par décret du 3 novembre 1939, le ministère de l’Armement mit en place un service social dans les usines militaires. Le rapport au président de la République qui précède ce décret souligne la nécessité de venir en aide au millier d’ouvriers qu’il fallut déplacer loin de leur famille pour les besoins de la défense nationale. Le décret du 12 mars 1941 créa le service des œuvres sociales de l’Air tandis que le service social du ministère de la Guerre fut créé par un décret du 19 avril 1941. Là encore, l’action sociale fut pensée comme un moyen de soutenir l’effort de guerre.

À la suite de la constitution de l’arme aérienne, la loi du 30 mars 1928 relative au statut du personnel navigant de l’aéronautique mit en place un fonds de prévoyance aéronautique (FPA) alimenté par les cotisations obligatoires des aviateurs. Le fonds de prévention militaire ne fut créé par l’armée de terre que trente ans plus tard, en 1958, pendant le conflit algérien. Ces deux fonds furent réunis au sein de l’Établissement public des fonds de prévoyance (EPFP) en 2007.

Après 1945, les armées se réorganisèrent en un seul ministère : le ministère des Forces armées, ce qui engendra la fusion des divers services sociaux et la création d’un service unique, l’action sociale des forces armées (ASFA) par décret n° 48-167 du 29 janvier 1948. La caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) fut créée en 1949, à la suite d’une initiative parlementaire « tendant à faire étendre le bénéfice de la sécurité sociale à tous les militaires en activité de service ou non ainsi qu’à leur famille » (1). Les militaires n’étaient en effet pas assurés au titre du régime général et ne furent pas davantage concernés par la loi n° 47-649 du 9 avril 1947 étendant la sécurité sociale aux fonctionnaires.

Le Gouvernement présenta un projet de loi en réponse, le 25 juin 1948, d’une quinzaine articles « portant intégration des militaires dans l’organisation générale de la sécurité sociale ». Publiée le 12 avril 1949, plus d’un an après le dépôt de la proposition, la loi porte la reconnaissance de la Nation à l’égard de la spécificité du métier de militaire mais aussi de sa vie familiale. La solution d’un régime spécial, c’est-à-dire autonome, a prévalu, en raison des spécificités fortes de la condition militaire (dispersion des formations, mobilité, diversité des statuts, obligations d’aptitude au service, existence d’un service de santé des armées) et d’un fort sentiment d’appartenance à une communauté solidaire animée par des valeurs mutualistes.

Il résulte de cette construction historique un ensemble de dispositifs et de prestations d’une grande diversité et d’une grande richesse destinés aux militaires.

1.   Les aides sociales

Les dispositifs d’aides sociales se sont édifiés progressivement afin de répondre aux sujétions imposées par la condition militaire. Le dispositif d’aide sociale du ministère fait intervenir à l’échelon national trois acteurs principaux : le service de l’action sociale des armées (ASA) ([13]), les mutuelles historiques ainsi que les associations du monde de la défense. Préexistant au plan Famille, les aides proposées concernent l’ensemble du champ d’action sociale : le logement, la scolarité, les aides à la vie professionnelle, les loisirs, la maladie ou encore la dépendance. Au sein de cet environnement, le rôle des associations ([14]) a bénéficié d’un soutien historique apporté par le ministère des Armées via leur subventionnement. Généraliste ou adossé à une armée ou à une population particulière, leur objet est toujours d’apporter un soutien moral et, parfois, une aide matérielle.

Les particularités de la condition militaire et notamment la disponibilité en tout temps et en tout lieu ou la vie en enceinte militaire, ont justifié une implication ancienne du ministère dans les temps de repos et de loisirs.

Cette action s’est concrétisée avec l’Institution de gestion sociale des armées (Igesa ([15])), créée par la loi du 2 juillet 1966 promulguée par le général de Gaulle pour gérer les établissements sociaux et médico-sociaux du ministère de la Défense au profit de ses ressortissants civils et militaires, actifs et retraités. Incarnant le « bras armé » de la politique sociale du ministère, l’Igesa – désormais rebaptisée Igesa, sans article – a vu son rôle renforcé dès 2004, avec sa transformation en un établissement public à caractère industriel et commercial sans but lucratif. Opérateur social du ministère des Armées, Igesa intervient dans de nombreux domaines de la vie familiale : la petite enfance, les maisons d’enfants et d’adolescents à caractère social, le versement de prestations, la délivrance de 2 500 prêts sociaux, l’organisation de colonies de vacances pour les enfants, la gestion de villages, d’hôtels, de résidences et de clubs de vacances pour les adultes et les familles mais aussi celle d’établissements sociaux et médico-sociaux : crèches, jardins d’enfants et halte-garderie. Un conseil de gestion, comportant notamment deux représentants des usagers militaires et civils issus du conseil central de l’action sociale, détermine, dans le cadre des orientations fixées par le ministère, la politique générale de l’établissement. L’offre de loisirs, la gestion du versement des aides ainsi que la délivrance des secours n’est donc pas née avec le plan Famille.

Outre les missions assurées par Igesa, l’action dans le domaine du loisir se concrétise par l’octroi de chèques vacances au titre de l’action interministérielle du ministère chargé de la fonction publique.

À l’échelon local, au sein des services interarmées et des différentes armées préexistaient également au plan Famille des services et prestations sociales dédiées. L’organisation d’actions sociales, communautaires et culturelles (ASCC) était déjà pratiquée par les bases de défense et les unités mais laissée à la décision du commandant local. Avec Marine Loisirs, la Marine nationale disposait par exemple d’un organisme très apprécié proposant, tel un comité d’entreprise, diverses prestations de loisirs, des billetteries locales et nationale, des réductions chez les commerçants, des tarifs pour les remontées mécaniques à Toulon et des activités sportives dans des centres de loisirs ou des clubs nautiques.

À l’échelon national, la problématique du cadre de vie et du soutien aux familles est connue depuis longtemps au sein des services du ministère. En 2016, le conseil de défense actait déjà un plan d’amélioration de la condition du personnel comportant un volet rémunération ainsi qu’un volet « conditions de travail et aide à la famille ». Dans ce cadre, 7 millions d’euros de crédits ont été octroyés en 2016 au profit du financement d’actions sociales, communautaires et culturelles (ASCC) et de l’amélioration du cadre de vie en enceinte militaire.

2.   Les aides à la mobilité

La mobilité, sujétion consubstantielle au métier de militaire, a également donné lieu à une politique sociale dédiée couvrant le déménagement, le logement, la circulation du militaire sur le territoire ainsi que l’aide à l’emploi du conjoint.

a.   L’aide au logement et à l’hébergement

L’aide au logement et à l’hébergement préexistant au plan Famille répondait au même objectif que celui affiché par ce plan : compenser les contraintes liées à la mobilité des militaires et faciliter l’accès au logement des familles aux revenus modestes, notamment dans les zones sous forte tension locative. En 2014, le ministère lançait ainsi un plan d’amélioration des infrastructures de vie, lequel portait notamment sur l’hébergement et la restauration à la suite de l’identification d’au moins 700 « points noirs ». Dans le même temps, une réhabilitation des casernements de l’armée de Terre fut menée dans le cadre du plan Vivien.

D’autres actions ont été conduites, notamment pour mieux appréhender le célibat géographique.

Dans le cadre de sa politique du logement, le ministère de la Défense mène une politique sociale de prise en charge partielle et dégressive des frais de loyer, d’attribution de logements sur critères sociaux ainsi que d’aides sociales en faveur de l’accession à la propriété. En vertu des articles 5 bis, 5 ter et 5 quater du décret n° 59-1193 du 13 octobre 1959 fixant le régime de l’indemnité pour charges militaires, des indemnités complémentaires sont prévues afin d’atténuer les incidences d’un changement de résidence pour un militaire marié, pacsé de plus de deux ans ou avec enfant à charge. Cette aide se concrétise par la majoration de l’indemnité pour charge militaire (MICM) et par le supplément forfaitaire de l’ICM (SUPICM). Les rapporteures reviennent en deuxième partie du présent rapport sur la réforme de ces indemnités dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Dans sa version de 2016, le prêt d’accession à la propriété articulait un prêt de 13 000 euros, à taux zéro et remboursable sur une durée maximale de dix ans ainsi qu’un complément de prêt de 7 000 euros attribué par l’EPFP.

b.   Les aides au déménagement et à l’installation

Autre volet de la prise en charge de la mobilité, le régime de l’aide au déménagement a été fixé par le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007, lequel précise la nature de l’aide et les plafonds de remboursement. Ainsi, dès avant l’adoption du plan Famille, le militaire et sa famille pouvaient prétendre au remboursement des frais de transport de mobilier en cas d’intervention d’un professionnel du déménagement. Les plafonds d’aide ont été revalorisés en 2009 afin de tenir compte de l’ancienneté du militaire (plus ou moins de quinze ans de service à la date de la mutation) et de sa situation familiale.

Ce dispositif a été complété par plusieurs dispositifs indemnitaires ([16]).

c.   Les cartes de circulation ferroviaire

La carte Famille SNCF, mesure emblématique du plan Famille sur laquelle les rapporteures reviennent infra, améliore, s’agissant des familles, un dispositif préexistant : la carte de circulation ferroviaire qui bénéficie aux militaires et qui bénéficiait aux familles lorsqu’elles voyageaient en présence du militaire.

d.   L’aide à l’emploi des conjoints

Dès 2002, le ministère des Armées a créé des cellules d’accompagnement vers l’emploi des conjoints (CAEC). Implantées sur l’ensemble du territoire national, elles avaient pour vocation de faciliter la recherche d’emploi grâce à la collaboration d’une quarantaine de conseillers spécialisés dans le reclassement des conjoints de militaires. La notion de conjoint s’entend au sens large, visant aussi bien les personnes mariées à un militaire, que les personnes pouvant justifier d’une vie commune. Cette action était complétée par une aide financière aux militaires mariés ou pacsés. La situation des conjoints fonctionnaires faisait quant à elle l’objet d’une politique au cas par cas, parfois inégale selon les régions et le corps d’appartenance des fonctionnaires.

3.   Le soutien apporté en cas d’absence opérationnelle

L’absence constitue une épreuve pour la vie familiale, prise en compte par le ministère dès avant la mise en application du plan Famille. Le soutien apporté est orchestré par l’assistant de service social.

Dans le domaine de l’enfance, la question de la garde faisait, avant l’adoption du plan Famille, l’objet d’une politique active – avec notamment l’adoption du plan petite enfance 2015-2019, le financement d’établissements et la réservation de places dans des structures adaptées, tout en prenant en charge une partie du coût de l’accueil. La prise en charge de la prestation pour garde d’enfants en horaires atypiques ainsi que l’aide à l’accueil périscolaire des enfants de six à onze ans constituent des aides financières importantes aux yeux des familles, ayant bénéficié d’un élargissement de leur périmètre. Par ailleurs, des actions sont menées par le ministère dans le cadre des établissements médico-sociaux ainsi que des lycées de défense.

L’absence du militaire est compensée financièrement par le versement de la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile (PASD).

Enfin, le soutien moral et psychologique aux familles constitue également une action traditionnelle au cœur du dispositif d’accompagnement social souhaité par l’institution militaire. Les actions de sensibilisation avant et pendant les opérations, le soutien aux familles endeuillées ainsi que l’écoute vingt-quatre heures sur vingt-quatre en cas de souffrance psychologique sont des dispositifs reconnus. Ce soutien, qui diffère selon les armées, directions et services, est organisé selon une logique de proximité, notamment par le bureau de liaison des familles dans la Marine, par le bureau de l’environnement humain dans l’armée de Terre et par la cellule de condition de l’aviateur dans l’armée de l’Air et de l’Espace.

4.   L’aide au blessé

Les blessés font l’objet d’une politique particulière menée conjointement par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et le ministère des Armées, notamment via l’Igesa et l’action sociale des armées (ASA). Outre les aides financières dont bénéficient les familles, ces acteurs assurent leur information, notamment via le guide du parcours du militaire blessé, disponible en ligne.

Le 10 novembre 2015, le ministère des Armées lançait le « Plan d’action relatif à l’amélioration de la prise en charge des militaires blessés ». Ce plan envisageait l’application de diverses mesures, parmi lesquelles l’une d’entre elles a été reprise puis abandonnée par le plan Famille ([17]) : elle consistait à « expertiser les conditions et les modalités de création d’une maison interarmées du blessé à l’Hôtel national des Invalides ». Ce plan d’action ministériel a été complété par un plan lancé le 18 décembre 2015 par le service de santé des armées visant à la « prise en charge et [au] suivi du blessé psychique dans les forces armées » qui visait notamment à « poursuivre la sensibilisation des militaires [au suivi psychique] et [à] développer l’information aux familles ».

L’action a ensuite été élargie à la Gendarmerie nationale : auparavant dépourvue de cellule d’aide aux blessés en tant que telle, la gendarmerie s’est dotée en décembre 2015 d’un dispositif de soutien à ses blessés, la cellule d’aide aux blessés de la gendarmerie nationale (CABGN). Parallèlement, le SSA, s’appuyant sur la cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT), institua, également en décembre 2015, une cellule d’aide aux blessés et aux malades du service de santé des armées (CABMSSA) au sein de la direction centrale du SSA (DCSSA).

En 2016, le ministère de la Défense s’est aussi engagé à assurer un suivi des blessés dans la durée en transférant la cellule d’aide aux blessés à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).

Enfin, le ministère des Armées verse aux familles endeuillées des allocations financières et aides sociales spécifiques : la pension militaire d’invalidité (PMI) ([18]), la pension de réversion et la carte de circulation SNCF avec une réduction de 75 %.

5.   L’aide à la reconversion des personnels

 

Compte tenu de la volonté du ministère de la Défense de conserver une armée « jeune » ainsi que de la part croissante des contractuels au sein des armées, la reconversion des militaires fait l’objet d’une politique dédiée, incarnée par la création en 2009 de l’Agence de reconversion de la défense, rebaptisée par la suite Défense Mobilité. Ce service assure la transition professionnelle et le reclassement des personnels civils et militaires. Dans le cadre de leur prise en charge par Défense Mobilité, les militaires bénéficient d’aides complémentaires au titre de l’article L. 4139-5 du code de la défense. Afin d’accompagner la mission de l’Agence, une mission de reconversion des officiers (MRO) a été créée et rattachée à Défense Mobilité le 6 janvier 2014.

C.   L’implication d’une multiplicité d’acteurs dans l’accompagnement social

Avant comme depuis l’adoption du plan Famille, l’accompagnement social du militaire et de sa famille est assuré par une multiplicité d’acteurs, relevant aussi bien du secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère des Armées que de l’état-major des armées. Ce foisonnement peut d’ailleurs parfois donner le sentiment d’une certaine complexité pour les bénéficiaires de cet accompagnement.

1.   Les acteurs relevant du secrétariat général pour l’administration

a.   La direction des ressources humaines du ministère de la Défense, acteur pilote de l’accompagnement social

La direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) élabore la politique générale des ressources humaines ministérielles et s’assure de la cohérence des politiques sectorielles mises en œuvre par les armées, directions et services ([19]). À ce titre, elle a notamment pour mission d’accompagner les personnels dans leur environnement professionnel et privé.

Au sein de cette direction, le service de l’action sociale des armées, qui est depuis le 1er janvier 2021, un service à compétence nationale directement rattaché à la DHR-MD, est chargé des prestations sociales au profit des ressortissants du ministère des Armées. Complémentaire du régime social général et de l’action sociale interministérielle, l’action sociale des armées intervient dans quatre domaines principaux, évoqués supra : le soutien à la vie professionnelle, le soutien à la vie personnelle et familiale, les vacances et les loisirs. La prise en charge sociale des blessés, physiques ou psychiques, de leur famille et des familles endeuillées est une mission prioritaire de l’action sociale des armées.

Le service de l’action sociale des armées agit au profit de quelque 2 millions de bénéficiaires relevant de la communauté de défense. Il exerce une tutelle sur trois établissements publics ([20]), dont l’Institut de gestion sociale des armées, acteur essentiel de l’action sociale du ministère des Armées, évoqué plus haut ([21]).

b.   Défense mobilité

Service à compétence nationale rattaché à la DRH-MD et composé de 650 agents, Défense mobilité est chargé, on l’a vu, de la reconversion et de l’accompagnement vers l’emploi. Le service accompagne les ayants droit du ministère des Armées dans la construction de leur projet professionnel, les aidant à trouver un nouvel emploi ou à créer leur entreprise. Depuis 2018, le service s’est vu confier la responsabilité du volet « accompagnement vers l’emploi des conjoints » du plan Famille dans le cadre de l’axe visant à « mieux vivre la mobilité ».

c.   La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives et le service d’infrastructure de la défense

La Direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA) ([22]) est notamment chargée d’élaborer la politique du ministère des Armées en matière immobilière. Elle joue ainsi un rôle central dans deux domaines intéressant particulièrement le champ de la mission d’information : l’hébergement et le logement – qu’il s’agisse de construction, d’amélioration ou de gestion. La DPMA définit à la fois les grands programmes d’hébergement et de logement du ministère et la politique du logement menée par celui-ci. La DPMA intervient avec l’appui du service d’infrastructure de la Défense dans les domaines de l’hébergement et de l’amélioration de la condition de vie des personnels au quartier et des infrastructures de vie.

2.   Les services de soutien interarmées relevant de l’état-major des armées

a.   Le service du commissariat aux armées, acteur central du soutien interarmées

Relevant du chef d’état-major des armées, le service du commissariat aux armées (SCA), service d’administration générale des armées, contribue à leur soutien comme à celui de la gendarmerie nationale pour l’exercice de ses missions militaires. En 2013, la réforme interministérielle du soutien a conféré au service du commissariat des armées la pleine responsabilité de l’administration générale et du soutien commun (AGSC), en application du principe du « bout en bout », allant de la conception jusqu’à la mise en œuvre.

b.   Le service de santé des armées au cœur des enjeux sanitaires

Également sous l’autorité de l’état-major des armées, le service de santé des armées (SSA) intervient lui aussi dans le champ de la condition militaire en ce qu’il est chargé de l’aide aux blessés et du soutien psychologique aux militaires et à leur famille. Cette mission s’entend avant la projection, pendant le déploiement opérationnel et après l’engagement.

3.   Le rôle clef du commandant de base de défense dans la déclinaison des actions d’accompagnement social à l’échelon local

Le commandant de la base de défense (COMBdD) joue un rôle clef dans la déclinaison des mesures d’accompagnement social à l’échelon local de la base de défense (BdD). Il est l’autorité locale de coordination, de cohérence et de synthèse des besoins de soutien.

4.   Le rôle majeur du commandant de formation dans l’amélioration de la condition du personnel

Comme le rappelle le Haut comité d’évaluation de la condition militaire dans son 12e rapport thématique de 2018, la formation d’affectation, creuset de la vie professionnelle, constitue un échelon essentiel autour duquel les militaires articulent leur vie professionnelle, familiale et sociale. Le caractère administratif des bases de défense et l’effacement des garnisons n’ont fait que renforcer le rôle de la formation. Pour les militaires, elle est un lieu de socialisation naturel constitutif de l’identité de militaire. L’affectation à une unité particulière crée un sentiment d’attachement fort, soutenu par un mode opératoire spécifique, des épreuves communes et une mission singulière. S’y ajoutent des identités d’armée voire de subdivision d’arme ou d’armée – Légion étrangère, sous-marins, garde républicaine, etc. – qui créent de la cohésion à l’échelle de la formation, les effets de socialisation étant d’autant plus vifs que l’unité possède une identité forte.

Dans ce cadre, le rôle du commandant de formation est essentiel. S’appuyant sur les moyens mis à sa disposition, il est responsable de la condition du personnel au sein de sa formation. L’article L. 4121-4 du code de la défense prévoit en effet qu’il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés. Cette action de proximité, promue par le chef de la formation, est soutenue par une multitude d’acteurs – dont les bureaux d’environnement humain ou leurs équivalents – mais elle reste une initiative locale, variant selon les formations et le type de commandement souhaité par le chef de l’unité.

Le commandant de formation constitue le ferment de la communauté de défense. Au-delà de son action locale, qui vise à ce que chacun puisse « bien vivre de son métier, bien vivre son métier et bien vivre avec son métier », il agit dans un but d’efficacité opérationnelle.

5.   Le rôle des bureaux d’environnement humain, des bureaux de liaison des familles et des sections condition de l’aviateur

Dans les régiments projetables de plus de 450 militaires, l’armée de Terre dispose d’un bureau environnement humain (BEH) de trois personnels, chargé d’accompagner et de soutenir les militaires et les familles avant, pendant et après le déploiement opérationnel. Dans les autres formations, un correspondant environnement humain remplit ce rôle. Les bureaux d’environnement humain jouent le rôle d’informateur, d’animateur et de soutien auprès des militaires et de leur famille.

Ces bureaux ont leur équivalent dans l’armée de l’Air, avec les sections condition de l’aviateur et accompagnement des familles présentes sur chaque base aérienne. Soutenant les aviateurs et leur famille, les SCAAF organisent des sondages d’opinion et sur le moral, des enquêtes de retour d’expérience en opérations extérieures, le suivi des malades et des blessés via les cellules locales d’aide et de suivi du soutien, l’accueil des nouveaux arrivants et l’envoi de colis de Noël en OPEX. Les SCAAF réalisent aussi des actions et des projets plus ponctuels comme la réfection d’infrastructures sportives sur base aérienne, la distribution de pochettes de bienvenue aux nouveaux arrivants, la distribution de paniers gourmands aux personnels de permanence lors des fêtes de fin d’année, l’envoi de messages de soutien et de solidarité aux familles de militaires projetés en OPEX ainsi qu’aux militaires malades ou blessés et d’activités collectives.

Enfin, dans la Marine, les bureaux de liaison des familles assurent, comme leur nom l’indique, la liaison entre les familles et les marins embarqués ou en mission. Ils sont sollicités par les familles confrontées à des problèmes survenant pendant l’absence des marins. Ces bureaux sont chargés d’accompagner et de soutenir les familles pendant l’absence du militaire. Ils informent les familles sur le déroulement de la mission et peuvent adresser au personnel en mission des informations urgentes que la famille ne peut lui transmettre.

La co-rapporteure Séverine Gipson, qui s’est rendue dans le cadre de la mission d’information à la base aérienne 105 d’Évreux-Fauville et au 2e régiment du matériel (2e RMAT) de l’armée de Terre à Bruz, a pu mesurer l’implication des chefs de formation et des bureaux d’environnement humain – ou de leur équivalent – dans les actions de cohésion et de soutien aux militaires et à leur famille : des journées des familles, sortes de journées « portes ouvertes », sont ainsi organisées au sein du 2e RMAT afin de créer des liens entre les familles de militaires. Des activités sportives et des ateliers de sophrologie sont aussi proposés aux conjoint(e)s lors de l’absence opérationnelle du militaire. Une lettre du chef de corps est envoyée aux familles de militaires ainsi qu’aux familles en situation de célibat géographique lors des événements liés à la vie de l’unité. Le chef de corps adresse par ailleurs à ces familles un guide d’informations pratiques assorti de contacts utiles.

6.   L’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP)

Issu de la fusion du fonds de prévoyance militaire et du fonds de prévoyance de l’aéronautique en mai 2007, afin d’assurer au plus grand nombre la couverture du risque professionnel, l’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP) a pour mission la protection financière des militaires et de leur famille, en cas de blessure ou de décès en service, ou en lien avec le service. Dans le cadre d’une nouvelle mission, l’EPFP accorde désormais, en complément de cette protection, des aides aux familles de militaires hospitalisés qui souhaitent se rendre à leur chevet. Par ailleurs, l’EPFP contribue statutairement au financement du logement des militaires et de leur famille. L’EPFP est alimenté par des cotisations obligatoires prélevées sur la solde de tous les militaires, y compris les réservistes. Doté d’une structure de fonctionnement très réduite, l’EPFP a signé une convention de gestion avec les services de la Caisse des dépôts et consignations qui agit en tant que prestataire de service.

7.   Les mutuelles

 

L’action des différents acteurs du soutien et de l’action sociale mentionnés supra est complétée par celle des mutuelles, et en particulier de la mutuelle Unéo qui rassemble la majorité des personnels militaires du ministère. Unéo, que les rapporteures ont pu auditionner dans le cadre de leurs travaux, garantit une protection spécifique en santé, en prévoyance, en prévention et dédie une action sociale à l’ensemble des forces armées et ce, que les militaires soient en activité, en deuxième carrière, réservistes ou retraités, ainsi qu’à leur famille, en France, outre-mer et à l’étranger. L’accompagnement social se décline auprès de la communauté militaire via un fonds social consacré au versement d’aides et notamment : d’une aide exceptionnelle aux frais de santé et d’une aide financière à la cotisation pour les plus fragiles ; d’exonérations de cotisations pour les élèves militaires de l’école de l’armée de l’air, de l’école de santé des armées et de l’école des Mousses ainsi que pour ceux ayant une famille nombreuse, à partir du troisième enfant ; d’aides complémentaires proposées par les mutuelles militaires d’accompagnement social (CNG-MG, Solidarm), dont la quasi-totalité des adhérents Unéo sont également adhérents ; d’un fonds de dotation créé en 2021 pour soutenir les militaires blessés et leur famille.

 

Loin de n’offrir qu’un soutien financier ponctuel, Unéo s’inscrit dans une logique partenariale et de mécénat avec le reste de l’écosystème de Défense. Unéo est donc amené à travailler avec le service d’action sociale des armées et le service de santé des armées.

Si l’accompagnement social ne date pas du plan Famille, il a paru nécessaire de le renforcer, non seulement pour mieux compenser qu’auparavant les sujétions militaires mais aussi pour mieux prendre en compte les évolutions du modèle familial ainsi que les évolutions du modèle familial ainsi que les évolutions de la société française (II). Il s’agit aussi de mieux reconnaître la dimension « à hauteur d’homme » de l’institution militaire (III).

II.   La nécessité de mieux compenser les sujétions militaires et de mieux prendre en compte les évolutions sociologiques et sociétales

L’élaboration et la mise en application du plan Famille visent à répondre à la nécessité :

– de mieux compenser les sujétions croissantes liées à la condition militaire, qu’il s’agisse du niveau élevé d’engagement opérationnel des militaires ou de la mobilité géographique (A) ;

– de mieux prendre en compte les évolutions du modèle familial ainsi que la numérisation croissante (B).

A.   Mieux compenser les sujétions croissantes liées à la condition militaire

Au service de la Nation, les militaires remplissent une mission régalienne dans des conditions souvent exceptionnelles, pouvant les conduire jusqu’au sacrifice suprême. La condition militaire, on l’a vu, recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Le plan « Famille » doit être interprété à la lumière des contraintes propres à l’état militaire, et des implications de celles-ci sur la famille (1), mais aussi des difficultés structurelles auxquelles sont confrontés les militaires, notamment en termes de surengagement opérationnel et de mobilité géographique (2).

1.   Un niveau élevé d’engagement opérationnel qui pèse sur la disponibilité et le moral des militaires

Si l’impératif de disponibilité est consubstantiel à l’état militaire, la multiplication des opérations extérieures et intérieures au cours de ces dernières années a entraîné une forte tension sur les effectifs. Les effectifs moyens mensuels engagés en opérations extérieures présentent certes une légère baisse en 2019 par rapport à 2018 (-0,9 %) mais ces chiffres d’activité ne recouvrent qu’une partie de l’engagement des armées. Ces dernières sont en effet sollicitées par les missions de protection des populations et du territoire national et celles réalisées à l’étranger et en dehors du territoire métropolitain sans relever de la catégorie des opérations extérieures ([23]). Interrogé par les rapporteures, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire a rappelé que depuis 2010, plus de 7 500 militaires étaient quotidiennement déployés en opérations extérieures (OPEX). Depuis les attentats de 2015, plus de 10 000 militaires sont aussi engagés dans des missions de protection du territoire national, volume multiplié par quatre par rapport aux années précédentes. La durée totale moyenne d’absence des militaires de la force opérationnelle terrestre (FOT) de l’armée de Terre de son domicile est, on l’a vu supra, de 136 jours en 2019. Les gendarmes mobiles, quant à eux, sont absents de leur lieu de résidence 176 jours par an, en moyenne. Ces absences distendent le lien entre les militaires et leur lieu de résidence et créent un rythme familial très particulier qui nécessite un besoin d’accompagnement renforcé des familles et des proches ; ces derniers subissent les absences répétées du militaire sur des durées continues assez longues puisqu’en moyenne, par exemple, un séjour en OPEX dure de 4 à 6 mois et qu’un « tour » Sentinelle s’étend sur 8 semaines.

La sursollicitation provoque une fatigue chez les militaires, qui n’ont plus le temps de se reposer ni de s’entraîner correctement. De nombreux militaires ont ainsi l’impression de ne pas pouvoir remplir au mieux leurs missions. Par extension, ce niveau d’engagement important les empêche d’accéder aux compensations auxquelles ils ont statutairement droit. Il n’est pas rare que les militaires n’arrivent pas à utiliser leurs jours de permission, les contraintes opérationnelles étant trop fortes. Ils manquent également de temps pour faire les démarches administratives nécessaires pour pouvoir bénéficier de l’action sociale des armées, d’autant que certains services ne sont ouverts que pendant les heures de travail, pendant lesquelles les militaires ne sont par définition pas disponibles. Ce surengagement a également des conséquences sur l’utilisation des dispositifs de reconversion, certains militaires étant tellement déployés qu’ils n’ont pas le temps de préparer la fin de leur contrat ni leur retour à la vie civile.

Ce surengagement a également de lourdes conséquences sur la famille. En plus de faire peser un poids particulièrement important sur le conjoint non militaire, il complique grandement l’organisation de la vie familiale. Les modifications d’emploi du temps de dernière minute sont extrêmement courantes : départs en mission avancés, retours repoussés, enchaînement d’opérations extérieures et intérieure etc. L’annulation de mariages, de vacances et d’autres activités familiale est fréquente. Ce surengagement a également des effets sur l’emploi du temps des autres membres de la famille, le conjoint pouvant par exemple être obligé de renoncer à une formation ou à un déplacement professionnel, faute de personne disponible pour assurer la garde des enfants.

Ces contraintes sont de plus en plus difficiles à accepter dans la société actuelle où il est courant que les conjoints aient un emploi et ne soient donc pas nécessairement en mesure d’assumer les absences opérationnelles du militaire. Il arrive que certains militaires choisissent de quitter l’institution en raison de la trop forte pression qu’elle fait peser sur leur vie familiale. Les militaires sont également plus nombreux à divorcer que le reste de la population. Les absences répétées et surtout l’imprévisibilité de leur emploi du temps sont probablement des facteurs aggravant le phénomène de divorce. En 2019, 3,4 % des militaires étaient divorcés et 0,9 %, séparés. La part des militaires divorcés ou séparés dans l’ensemble de la population militaire est en hausse tendancielle très mesurée entre 2010 (4,0 %) et 2019 (4,4 %). On remarque également dans ce domaine des disparités fortes, la gendarmerie présentant la plus grande part d’officiers divorcés ou séparés avec un taux de 7,6 % en 2019 contre un taux de 4,9 % en moyenne dans les trois armées ([24]).

Source : Haut comité d’évaluation de la condition militaire

2.   La mobilité géographique, facteur de déracinement

Les mutations, dont le rythme est particulièrement soutenu pour certaines catégories de militaires, sont un facteur de difficultés supplémentaires quand elles sont associées à une mobilité géographique.


Source : bilan social des armées 2020

Si les mutations ne sont pas obligatoires pour les sous-officiers et les militaires du rang, elles sont automatiques pour les officiers de carrière et un refus de mutation peut avoir des conséquences drastiques sur la progression de carrière.

Source : Haut comité d’évaluation de la condition militaire

La mobilité fonctionnelle et géographique structure les modèles de gestion des ressources humaines des forces armées. Le taux moyen de mobilité géographique avec changement de résidence varie autour de 12 %. Les officiers, qui ont un taux de mobilité avec changement de résidence de 20 %, sont trois fois plus mobiles que les militaires du rang, qui n’ont qu’un taux de mobilité de 5 % et presque deux fois plus mobiles que les sous-officiers, dont le taux de mobilité est de 13 %. Les militaires sont en moyenne deux fois plus mobiles que les agents de la fonction publique de l’État. À eux seuls, les officiers sont de 3 à 4 fois plus mobiles que les fonctionnaires de l’État de catégorie A.

La mobilité conduit les militaires à vivre successivement dans des garnisons très contrastées les unes par rapport aux autres, ce qui n’est pas sans effet sur la qualité de vie des familles.

L’importance de la mobilité géographique dessine un rapport très particulier des militaires aux territoires d’affectation. Le séjour dans chaque lieu d’affectation étant de courte durée – puisqu’en moyenne, un officier change de garnison tous les 4 ans –, les conséquences sur leurs modes de vie et ceux de leur famille sont multiples :

– difficulté à préserver les parcours professionnels des conjoints ;

– rupture dans les parcours scolaires des enfants ;

– difficulté d’accession à la propriété de la résidence principale ;

– développement du célibat géographique ;

– fragilisation des réseaux de sociabilité.

Pour le militaire, chaque changement d’affectation implique de se familiariser avec un nouvel environnement, une nouvelle unité, une nouvelle atmosphère de travail. Les délais de préavis sont parfois très courts, ce qui est une cause importante de stress supplémentaire, ne serait-ce que pour organiser les déménagements.

La difficulté à trouver un logement dans certaines zones, notamment dans le bassin toulonnais et en région parisienne, est un élément souvent évoqué – sur lequel les rapporteures reviennent plus en détail infra. Dans ce contexte, la femme du militaire joue un rôle clef et assure le plus souvent l’ensemble de démarches administratives liées au déménagement. L’un des membres fondateurs du réseau Women Forces, appelait ainsi en ces termes l’attention des rapporteures : « En charge de la vie familiale, de la logistique administrative, des déménagements, de la totalité de la charge mentale pendant les missions, la capacité de chacune [des femmes de militaires] à réussir sa vie personnelle dépend plus d’une volonté extrême que d’un simple choix de travailler ou non. »

L’inscription des enfants en établissement scolaire est également source d’anxiété. Plus généralement, les déménagements réguliers sont autant de bouleversements dans la scolarité des enfants et dans leur construction personnelle. Les familles de militaire sont souvent déracinées, loin de leur lieu d’origine. C’est un facteur d’isolement supplémentaire, les liens familiaux et amicaux étant mis à mal par les multiples déplacements. Les mutations fréquentes réduisent également la possibilité de recevoir le soutien d’autres membres de la famille, par exemple pour la garde d’enfants. Si les militaires sont intégrés dans leur nouvelle unité, les familles perdent leurs attaches avec la communauté civile et doivent repartir à zéro à chaque déménagement.

En termes de parcours de soins, les mutations peuvent également être préjudiciables aux familles, notamment en raison de la multiplication des déserts médicaux. Contrairement aux militaires, les familles se trouvent en dehors du périmètre d’intervention du service de santé des armées et doivent donc trouver de nouveaux médecins dans chaque nouveau lieu d’affectation, ce qui peut être particulièrement délétère en cas de pathologie nécessitant un suivi de long terme.

Enfin, les conséquences les plus importantes de la mobilité géographique concernent l’emploi du conjoint ([25]). Avec le logement, c’est l’un des sujets d’inquiétude qui a été le plus fréquemment cité au cours des auditions de la mission d’information.

La combinaison de ces différents facteurs conduit de plus en plus de militaires à faire le choix du célibat géographique ([26]). Si ce dernier permet de préserver le cadre familial le temps d’une affectation, il prive le militaire d’une partie des « fonctions support » offertes par la famille, et les allers-retours entre domicile et lieu de travail sont une source de fatigue supplémentaire. Qui plus est, le célibat géographique réduit le temps que le militaire peut passer avec sa famille, puisqu’il est absent du domicile même lorsqu’il n’est pas déployé en opération.

B.   Adapter la politique des ressources humaines du ministère des armées aux Évolutions de la sociologie des familles de militaire et aux évolutions sociétales

Si les militaires sont soumis à des contraintes constitutives de leur état, le modèle des armées dans son ensemble se trouve aussi confronté aux évolutions globales de la société. Ces évolutions viennent remettre en cause l’organisation traditionnelle de l’institution, notamment sur le plan des structures familiales (1), et sur celui de l’accès à l’information du fait de la numérisation de la société (2).

1.   L’évolution du modèle familial, défi pour le modèle social des armées

a.   L’emploi des conjoints, un enjeu croissant

Les armées se sont longtemps appuyées sur un modèle familial dans lequel le militaire était au centre de la famille, celle-ci s’adaptant à l’emploi du militaire tout au long de sa carrière. Cette adaptation concernait notamment le conjoint, ou plus souvent la conjointe, incarnée par le modèle de la femme au foyer s’occupant de la famille et soutenant son mari au fil de sa carrière et de ses mutations, sans avoir d’aspirations professionnelles propres.

Si cette situation persiste et correspond à un modèle de vie auquel aspirent certaines personnes recherchant spécifiquement des conjoints militaires, elle n’est plus la norme. Comme le note l’INSEE ([27]), le taux d’activité des femmes a beaucoup progressé depuis 1962 où seulement 40 à 45 % des femmes entre 30 et 50 ans étaient déclarées actives, alors qu’elles sont aujourd’hui plus de 80 %. La plupart des femmes aspirent aujourd’hui à une vie professionnelle au même titre que les hommes. L’accès à l’emploi peut être motivé par des raisons économiques mais pas nécessairement, les rémunérations et primes des militaires étant justement conçues de manière à soutenir une famille entière. Il peut aussi s’expliquer par une volonté d’indépendance financière, celle de construire une véritable carrière professionnelle ou encore celle d’avoir une occupation.

Or, la carrière militaire exige une forte disponibilité, les absences répétées et parfois imprévisibles faisant reposer une charge de travail importante sur le conjoint. Cette charge de travail est d’autant plus difficile à assumer que le conjoint exerce une activité professionnelle et les attentes de l’institution militaire peuvent parfois entrer en conflit direct avec cette activité, compliquant notamment la garde d’enfants. De plus, le rôle statutaire attendu de la part de certains conjoints, et en particulier des épouses d’officier – rôle impliquant l’organisation de dîners, d’événements de cohésion et un lien avec les épouses des subordonnés – peut limiter la disponibilité professionnelle de ces conjointes.

En sus de la question de la disponibilité, la mobilité géographique représente également un frein majeur à l’emploi des conjoints. Peu de carrières sont compatibles avec le fait de déménager tous les deux à trois ans, parfois dans des territoires où les bassins d’emploi sont peu dynamiques. Il arrive que les conjoints se tournent vers des emplois à durée déterminée ou qu’ils alternent les périodes d’activité et de disponibilité en fonction des mutations. Tout dépend du secteur d’activité du conjoint : un professionnel de la santé pourra trouver du travail facilement sur tout le territoire quand une institutrice sera tributaire des logiques de mutations du ministère de l’Éducation nationale.

Auditionnées par les rapporteures, les associations ANFEM et Women Forces ont souligné la frustration grandissante des conjointes, contraintes de quitter leur emploi au gré des mutations de leur conjoint militaire, sans être certaines d’en retrouver un à la prochaine affectation. Pour ces associations, la conjointe ne doit pas être abandonnée, quelle que soit sa carrière, et doit pouvoir cotiser pour sa retraite, même lors des affectations à l’étranger. Ces changements ne sont pas le fruit d’un déménagement volontaire mais sont imposés par la mobilité propre aux militaires des trois armées et de la gendarmerie. Pour les nouvelles générations, le sacrifice de sa propre carrière pour suivre celle de son conjoint militaire semble de moins en moins évident et cette situation peut causer des tensions importantes au sein du couple.

b.   Le développement du célibat géographique

Durablement inscrit dans les modes de vie des militaires, le célibat géographique s’explique principalement par l’activité professionnelle du conjoint, la propriété du logement familial et l’intérêt des enfants. Si cette situation familiale est fréquente ou tout du moins bien connue des militaires, elle semble pourtant peu identifiée par les services du ministère des Armées. En effet, les forces armées ne disposent pas de moyens fiables pour comptabiliser le nombre de célibataires géographiques et les analyses menées au cours des enquêtes annuelles, ne sont pas toujours effectuées sur le même périmètre.

Source : Haut comité d’évaluation de la condition militaire

 

D’après les résultats des enquêtes, le célibat géographique concerne en particulier les officiers en situation de commandement ainsi que les militaires affectés en région parisienne. Selon les données recueillies par le Haut comité d’évaluation de la condition militaire dans son 14e rapport, le célibat géographique en région parisienne en 2019 touche :

– près de 20 % des officiers de l’armée de Terre ;

– 44 % des 550 officiers de l’armée de l’air qui sont célibataires géographiques en métropole ;

– dans la Marine, près de 23 % des 646 officiers célibataires géographiques, soit 148 militaires.

Le célibat géographique est également fortement dépendant de l’armée d’appartenance et du lieu d’affectation. Dans le cadre de son 11e rapport thématique en 2017, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire soulignait ainsi que 15,1 % des militaires de l’armée de Terre en couple auraient été concernés par le célibat géographique contre 5,6 % des aviateurs et 23 % des marins affectés en Île-de-France. Cette disparité entre les armées se retrouve également en outre-mer et à l’étranger ([28]) : en 2020, on comptabilise 7 % de célibataires géographiques pour l’armée de Terre, 5 % pour la Marine et 4 % pour l’armée de l’Air et de l’Espace.

Il est à noter que, s’agissant de l’armée de Terre par exemple, le célibat géographique concerne de manière très inégale l’outre-mer et l’étranger : il est nettement moins important en Martinique (4 %), en Nouvelle-Calédonie (4 %), à La Réunion (2 %) et en Côte d’Ivoire (4 %) qu’en métropole mais beaucoup plus important au Gabon (22 %), à Mayotte (20 %) et à Djibouti (18 %) qu’en métropole. Le célibat géographique est également particulièrement important (de 20 %) à Djibouti s’agissant de l’armée de l’Air.

c.   Une diversification des modèles familiaux qui suscite de nouveaux enjeux

En 2019, au sein de la population militaire, on dénombrait 41,4 % de célibataires, 34,3 % de personnels mariés, 15,5 % de personnels pacsés, 4,3 % de personnels militaires en concubinage, 3,4 % de divorcés, 0,9 % de séparés et 0,2 % de veufs ([29]). La grande diversité des structures familiales contemporaines est telle que certaines situations familiales passent entre les mailles du filet de protection sociale des armées. La multiplication des séparations et divorces, sans doute liée dans une certaine mesure aux éléments évoqués supra, entraîne la formation de familles monoparentales, le plus souvent dirigées par des femmes, et des parents divorcés n’ayant pas la garde de leur enfant. Les problèmes de disponibilité des femmes militaires assumant une charge de famille monoparentale donnent lieu à des demandes de travail à temps partiel, quand elles ne poussent pas le parent militaire à quitter l’institution pour trouver un emploi plus compatible avec la garde des enfants.

Quant aux parents divorcés n’ayant pas la garde de leur enfant mais ayant un droit de visite, ils se trouvent confrontés à d’autres difficultés, d’hébergement notamment. PACS et mariage donnent lieu à des primes de l’ordre de 25 % à 30 % de la solde. En cas de séparation ou de divorce, le militaire perd cette prime et doit souvent verser en plus une pension alimentaire. Cela induit une baisse significative de revenus et la séparation se traduit souvent par la nécessité de trouver un nouveau logement, qui peut être inaccessible sur le marché locatif. De nombreux militaires retournent alors vivre sur base, ce qui rend difficile l’exercice de leur droit de visite, l’hébergement de leurs enfants sur base le week-end étant impossible. Ils sont parfois éligibles à l’attribution d’un logement de défense, mais n’ont plus nécessairement les moyens financiers nécessaires. Cette situation est perçue comme très injuste par les militaires concernés, qui ont l’impression d’être soumis à « double peine ».

2.   La numérisation croissante de la société remet en question les canaux classiques de transmission de l’information

Autre facteur d’évolution majeure dans la société occidentale, la numérisation semble remettre en cause les canaux classiques de transmission de l’information, ce qui n’est pas sans effet sur la condition militaire.

Selon l’INSEE, en 2017, 84 % des ménages avaient accès à internet à leur domicile, contre 42 % en 2006. Les smartphones ont été adoptés encore plus rapidement, le taux d’équipement étant passé de 17 % en 2011 à 75 % en 2018. Cette numérisation semble encore plus marquée chez les jeunes, ce qui a des conséquences fortes pour les armées dont la population est nettement plus jeune que la population moyenne ([30]). L’accès à internet et aux outils numériques est devenu une composante essentielle de la vie des militaires, ce qui a des répercussions profondes sur l’institution.

a.   Une évolution de la nature de la communication entre les militaires et leur famille

L’accès à internet permet aux militaires déployés en opérations ou en situation de célibat géographique de garder contact avec leur famille comme jamais auparavant. Le fait de pouvoir procéder à des appels vidéo régulièrement permet au parent absent de communiquer avec son enfant, de continuer à exercer son autorité parentale à distance et de rassurer son enfant sur ses conditions de vie et les éventuelles inquiétudes qui pourraient exister quant à sa mission.

Il y a donc une disparité de fait entre les militaires pouvant facilement accéder à internet, soit les gendarmes, aviateurs, et terriens dans une certaine mesure, et ceux pour lesquels l’accès à internet est très limité voire impossible en opération, c’est-à-dire les marins et tout particulièrement les sous-mariniers. Le fait d’être coupé du monde pendant de longues semaines, qui a pu paraître naturel jadis aux militaires déployés en opérations quelle que soit leur arme, devient aujourd’hui un réel enjeu de recrutement et de fidélisation pour la Marine nationale. Les attentes à l’égard de la connexion à internet proviennent des militaires eux-mêmes mais aussi de leur famille qui ne supporte plus de ne pas avoir de nouvelles pendant des périodes étendues comme ce pouvait être le cas autrefois.

Enfin, la nécessité d’accéder à internet et aux moyens de communication peut également représenter un risque pour la sécurité de certaines opérations, et pour les militaires eux-mêmes. Le fait d’afficher son appartenance à l’institution militaire ou celle d’un membre de sa famille peut faire des militaires une cible « molle », comme cela peut être le cas pour d’autres corps de fonctionnaires ([31]). Si cet enjeu dépasse le cadre d’étude du présent rapport, la question de la communication des militaires et de leur famille est centrale. Contrairement aux personnes civiles en déplacement professionnel, les militaires ont interdiction d’envoyer des photos de leurs opérations et des lieux sur lesquels ils se trouvent, pour des raisons évidentes de sécurité. En vertu de l’article L. 4121-2 du code de la défense, l’usage de moyens de communication et d’information, quels qu’ils soient, peut être restreint ou interdit pour assurer la protection des militaires en opération, l’exécution de leur mission ou la sécurité des activités militaires.

Dans certaines situations, le simple fait d’avoir un accès à internet peut présenter un risque en soi car il peut révéler une position censée rester secrète. De ce point de vue, le déploiement des réseaux Wifirst sur les théâtres d’opération, prévu par le plan Famille et sur lequel les rapporteures reviennent plus en détail infra, représente une avancée importante car il permet aux militaires d’avoir un accès internet sécurisé. Jusqu’à l’adoption de cette mesure phare du plan Famille, il était courant que les militaires acquièrent des cartes SIM locales pour pouvoir communiquer entre eux et avec leurs familles, ce qui présentait une faille de sécurité importante, toutes leurs données passant par l’opérateur local, y compris certaines données pouvant être considérées comme confidentielles. Il semble important aux rapporteures de sensibiliser les militaires et leur famille quant à la nécessité d’adopter une bonne « hygiène numérique » sur le territoire national comme en opérations extérieures. Le « silence radio » pouvant être difficilement acceptable pour les familles habituées aux appels réguliers, il est essentiel de les accompagner dans ces moments.

b.   Une évolution de la communication entre l’institution et les militaires

La communication institutionnelle du ministère des Armées doit, elle aussi, s’adapter à l’essor de la numérisation. La diffusion d’informations via des sites internet et les réseaux sociaux favorise leur accès direct par les militaires et leur famille. Il est désormais plus facile d’informer la communauté de défense sur les opérations en cours, ce qui constitue un enjeu majeur au vu de l’abondance d’informations auxquelles les familles sont exposées en permanence. Il est aujourd’hui courant que les familles de militaire apprennent un accident ayant eu lieu sur un théâtre d’opérations par les réseaux sociaux ou les médias d’information avant d’en avoir la confirmation officielle. Cela génère un stress intense pour les familles dont le militaire est projeté sur des théâtres d’opérations décrits comme extrêmement dangereux par les médias. Le ministère des Armées doit donc faire exister sa communication officielle parallèlement à celle des médias pour rassurer les familles sur la situation réelle de leurs proches.

Ce raisonnement s’applique aussi aux dispositifs d’action sociale du ministère. La création de portails d’information officiels à destination des familles en est un bon exemple et des sites comme ceux de l’ANFEM ou de Women Forces relaient ces informations officielles. Ces sites permettent notamment de contourner l’obstacle que constitue le refus de certains militaires de communiquer l’adresse électronique de leur conjoint à leur employeur, refus qui s’explique souvent par la volonté de cloisonner vie professionnelle et vie familiale. Cependant, le risque que ces informations se perdent dans la masse est réel. Les rapporteures reviennent en deuxième et troisième partie du rapport sur l’enjeu clef que constitue l’information des militaires et de leurs conjoints sur l’accompagnement social qui leur est proposé.

III.   La nécessité de reconnaître la dimension à « hauteur d’homme » de l’institution militaire au terme de nombreuses réformes structurelles douloureuses

Après des décennies de réductions budgétaires et notamment de réductions massives d’effectifs (A), le plan Famille traduit une sollicitude politique vis-à-vis de l’institution militaire et des hommes et femmes qui la composent. Les évolutions et contraintes évoquées supra ont des conséquences indéniables sur le recrutement et la fidélisation au sein des armées, enjeux majeurs pour une armée professionnelle (B).

A.   Une institution militaire maintes fois malmenée

La fin de la conscription, en faisant évoluer les armées vers un modèle d’armée de métier, s’est traduite par le début d’une importante déflation des effectifs. La perte des 100 000 appelés annuels a présenté un choc RH important, qui a été accentué par les déflations successives de personnels jusqu’en 2015. Combinée à la révision générale des politiques publiques entamée à partir de 2008, la « manœuvre RH » globale a abouti à la suppression de 50 000 postes de militaires entre 2008 et 2017. Auditionné le 12 juillet 2017 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général d’armée Pierre de Villiers, alors chef d’état-major des armées indiquait : « Le ministère de la Défense a été le plus important contributeur de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le modèle s’est alors contracté autour d’un cœur de métier minimaliste, fragilisant du même coup sa cohérence d’ensemble, au moment même où il était davantage sollicité. »

Son successeur, le général d’armée François Lecointre, précisait, quant à lui, le 4 octobre de la même année, toujours devant la commission de la Défense : « Les déflations massives d’effectifs imposées depuis une dizaine d’années par les réformes successives ont mis les armées, directions et services, sous forte tension, d’autant plus que nous avions consenti d’importantes déflations d’effectifs et d’importantes réductions de format qui devaient s’accompagner d’une réduction de l’engagement des armées. Dès lors que cet engagement n’a cessé d’augmenter, la tension s’est révélée difficile à soutenir. Je rappelle qu’entre 2008 et 2017, ces déflations ont représenté un volume de l’ordre de 50 000 militaires sur un total de 250 000 environ en 2008, soit une diminution de près de 20 %. Les soutiens sont particulièrement concernés par ce phénomène. Le cadrage à plus 1 500 équivalents temps plein de la LPFP ([32]) marque un début de prise en compte de cette situation. Les armées sont conscientes de l’effort que cela représente au moment où la fonction publique doit supporter des déflations mais j’insiste sur le fait que les armées ont subi des déflations trop importantes lors des deux lois de programmation militaire précédentes au regard de l’engagement que la Nation leur demande de soutenir. » Cette réduction des effectifs, qui a été arrêtée à la suite des attentats de 2015, a été vécue comme un véritable traumatisme par de nombreux services.

Source : bilan social 2019 du ministère des Armées

 

Ainsi, au cours de la loi de programmation militaire 2008-2013, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les effectifs globaux ([33]) de la direction générale de l’armement (DGA) ont baissé de près de 2 800 ETP – soit près de 20 % des effectifs. C’est pourquoi, dès 2014, la DGA s’est engagée dans une nouvelle opération de transformation en profondeur afin d’accompagner la mise en place d’un modèle de fonctionnement compatible avec la trajectoire d’effectifs retenue au titre de la LPM 2014-2019 (- 868 ETP soit près de 8 % des effectifs). L’ensemble des missions de la DGA a été maintenu au prix d’allègements d’activités et d’évolutions de ses modes de fonctionnement.

Autre exemple, depuis 2008, l’Armée de l’air a fermé 17 bases aériennes et perdu 18 000 postes.

Les réductions ont été particulièrement marquées dans le domaine des soutiens, dont une grande partie a été interarmisée, quand les fonctions support n’ont pas été directement externalisées. Cette logique d’externalisation visait à recentrer les postes militaires sur les postes de « cœur de métier », inopérables par des civils. Si l’interarmisation des soutiens est aujourd’hui considérée comme aboutie dans de nombreux domaines, elle a été la cause de nombreux mécontentements durant la période de restructuration. Ainsi, à titre d’exemple, au total, durant la précédente LPM, le service de santé des armées (SSA) a perdu pas moins de 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. Quant au service d’infrastructures de la défense (SID), il a subi une diminution de 41 % de ses effectifs infra entre 2005 et 2020 : ces effectifs sont ainsi passés de 11 500 à 6 700 personnels, étant réparti à la hausse à partir de 2014. Enfin, le service du commissariat aux armées (SCA) a vu ses personnels passer de 34 000 à 25 000 entre 2008 et 2018, soit une réduction de 8 500 postes.

Les « dividendes de la paix » ont entraîné une réduction continue des budgets militaires, qui s’est certes concentrée sur le domaine RH mais pas exclusivement. Ces déflations massives étaient censées s’accompagner d’une réduction de l’activité opérationnelle, ce qui n’a pas été le cas, bien au contraire, notamment en raison de la montée en puissance de la menace terroriste mais même dès avant. Comme l’a rappelé le HCECM aux rapporteures, le renforcement de l’action militaire française en Afghanistan à partir de 2008 s’est traduit par un durcissement des opérations de feu ayant culminé entre 2009 et 2010. « Cette phase opérationnelle achève le mouvement de professionnalisation et s’accompagne de la hausse du nombre de blessés et de morts en opération. Les armées françaises sont des armées d’emploi qui font la guerre et qui la poursuivent dans des opérations dures en République centrafricaine et au Sahel à partir de 2013. Le contraste entre l’intensification des opérations et la transformation du soutien des armées se traduisant par des déflations et une désorganisation du soutien en métropole a fragilisé le moral des militaires ».

Tiraillée entre le maintien – voire l’augmentation – du nombre de ses missions et une déflation budgétaire, l’institution militaire s’est trouvée en désarroi. La confiance des militaires en leur capacité à accomplir leur mission s’est érodée.

Comme l’ont souligné les aumôniers aux armées lors de leur audition par les rapporteures, « le plan Famille témoigne d’une sollicitude bienvenue du politique à l’égard du militaire ». Au-delà des améliorations concrètes apportées par le plan Famille, c’est surtout la reconnaissance qu’il traduit qui est plébiscitée.

B.   Une professionnalisation du métier ayant induit de nouvelles logiques de recrutement et de fidélisation

La suspension du service national annoncée par le président Jacques Chirac le 22 février 1996 marque le début du recours à une armée de métier, se traduisant non seulement par des réductions massives d’effectifs mais aussi par un changement radical dans la conception du statut militaire. Plutôt que de s’appuyer sur une population arrivant de manière quasi automatique et se renouvelant tous les ans, les armées doivent maintenant recruter des civils, les former puis les convaincre de rester assez longtemps dans l’institution pour que leur formation soit « rentabilisée » dans le temps.

1.   Une attractivité qui se maintient pour le recrutement

Malgré un affaiblissement de la sélectivité au recrutement parmi les militaires du rang depuis 2015, le HCECM estime que l’attractivité au recrutement « s’avère globalement satisfaisante même s’il existe d’indéniables fragilités ». Selon le Haut comité, les forces ont d’importants besoins de recrutement qu’elles ont toujours été en mesure de satisfaire, y compris dans la dernière période de remontée en puissance – les recrutements étant passés de 20 430 en 2014 à 34 523 en 2016 puis à 30 492 en 2019. Des indicateurs fondamentaux illustrent la solidité de l’attractivité :

– les motivations des jeunes recrutés semblent en adéquation avec les caractéristiques communément prêtées à la fonction militaire (service de la France, camaraderie, action, discipline, prestige de l’uniforme…) ;

– les militaires sont issus de toutes les catégories socioprofessionnelles, les phénomènes d’endo-recrutement restant dans l’ensemble très minoritaires ;

– la fonction militaire paraît attractive aux jeunes des quartiers défavorisés ;

– les perspectives démographiques sont bonnes et permettent d’escompter une correcte régénération des viviers de recrutement, même si les services de recrutement insistent, à juste titre, sur l’écart qui peut aller croissant entre le vivier théorique et le vivier utile.

Pour le HCECM, « ces éléments favorables ne doivent pas cacher les difficultés structurelles à recruter dans certaines spécialités » telles que celles des fusiliers, de la maintenance aéronautique, du cyber, et des atomiciens de la marine.

La sélectivité du recrutement reste solide pour les officiers – 16,9 candidats pour un emploi en 2019 – mais fléchit pour les emplois de sous-officier – 1,8 dans les armées et 3,9 dans la gendarmerie. La sélectivité pour les emplois de militaire du rang a baissé depuis 2015 et se situe à un niveau bas sans atteindre toutefois les seuils bas du début des années 2000. Les dénonciations précoces de contrats, durant la période probatoire, sont à un haut niveau, ce qui inquiète légitimement les recruteurs mais qui ne doit pas être surinterprété, ce taux oscillant par exemple dans l’armée de terre entre 20 et 30 % depuis plus de 30 ans.

2.   Une fidélisation à conforter

La fidélisation semble davantage poser problème. L’insertion des militaires dans la société française et l’emploi généralisé du conjoint ont transformé les mentalités : un militaire n’est plus une ressource captive et ne cherche plus systématiquement à accomplir un parcours professionnel complet au sein des forces. C’est pourquoi l’accompagnement des sujétions et de ses effets sur la famille est un axe majeur de la politique de fidélisation, nécessaire pour permettre aux forces de disposer de la ressource humaine dont elles ont besoin.

Source : bilan social des armées 2020

Dans le bilan social des armées 2020 ([34]), le secrétariat général pour l’administration (SGA) note que 54,8 % des départs définitifs de militaires étaient des départs spontanés, c’est-à-dire des départs qui n’étaient ni imposés, ni aidés, ni liés à la limite d’âge ou de durée des services. Ces départs concernent majoritairement les militaires du rang et les sous-officiers. En 2020, la majorité des militaires du rang qui ont quitté les armées avaient moins de quatre ans de service : le taux d’attrition des militaires du rang dans les six premiers mois de leur contrat est d’environ 30 % ([35]) et s’explique notamment par l’éloignement géographique entre le lieu d’habitation et la garnison ainsi que par l’éloignement de la famille ou du conjoint.

La vie en casernement est devenue un critère de non renouvellement de contrat pour de nombreux jeunes engagés aspirant à une chambre individuelle et à des conditions de confort similaires à celles de la société civile. La faible évolution de la rémunération et le tassement indiciaire pour les plus bas salaires restent des points de crispation majeurs pour la considération et la reconnaissance attendues de la part de l’institution. Dans les spécialités à haute technicité, les départs s’expliquent par un « débauchage de compétences », les rémunérations offertes aux personnels du ministère des Armées étant sans comparaison avec celles proposées dans le monde civil. Les contraintes du métier de militaire sont plus difficilement acceptées par la nouvelle génération qui souhaite travailler à côté de son domicile et sans contrainte de mobilité ou de disponibilité.

Les associations représentatives de conjoints auditionnées par la mission d’information – rejointes en cela par le CSFM – indiquent qu’il arrive de plus en plus souvent que les jeunes couples attendent la fin du contrat pour enfin fonder une famille, ce désir étant considéré comme impossible à satisfaire tant que l’un des deux membres du couple est soumis aux contraintes de la vie militaire. Les militaires du rang étant exclusivement sous contrat, et les sous-officiers l’étant à plus de 50 %, le non-renouvellement est particulièrement problématique car il prive chaque année les armées d’opérateurs et de chefs de groupe expérimentés.

Les mesures du plan Famille tendant à l’amélioration des conditions de vie des militaires au quotidien et à une meilleure prise en compte de leurs contraintes familiales visent ainsi à adapter la politique de ressources humaines du ministère des Armées aux attentes des nouvelles générations plus difficiles à fidéliser.

 


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   Deuxième partie : Le plan famille, une politique saluée par l’ensemble de la communauté militaire mais dont certaines mesures restent en chantier ou méritent d’être complétées

Étant donné la nécessité de mieux compenser les sujétions militaires dans un contexte de forte sollicitation des armées, de mieux prendre en compte l’évolution du modèle familial comme les évolutions sociétales et, enfin, de fidéliser les militaires recrutés par contrat comme les militaires de carrière, le ministère des Armées, se faisant l’écho de la volonté exprimée par le Président de la République, a défini un plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires comportant six axes et, désormais, une soixantaine d’actions. Intégré par la suite à la loi de programmation militaire, ce plan a vocation à se poursuivre tout au long de la durée de cette LPM (I).

Dans l’ensemble, les rapporteures considèrent que le plan Famille a été très bien accueilli par les militaires et leur famille, même s’il n’est pas forcément simple d’établir le bilan d’un plan d’adoption récente, toujours en cours de déploiement. Avant d’entrer dans le détail des mesures, les rapporteures – même si elles formulent des propositions en troisième partie – tiennent à saluer l’exhaustivité de ce plan.

Le principal écueil tient à l’insuffisante notoriété de ce plan auprès de ses potentiels bénéficiaires. Cet écueil n’est d’ailleurs pas spécifique au plan Famille : le non-recours est une problématique qui concerne l’ensemble des dispositifs proposés par les collectivités publiques. Les rapporteures tiennent donc à insister sur l’impérieuse nécessité de mieux faire connaître le dispositif auprès des militaires et de leur famille.

De nombreuses mesures du plan Famille ont été très bien accueillies par la communauté de défense (II) : c’est notamment le cas des mesures prises en faveur de la petite enfance ainsi que le déploiement du wifi en garnison ou encore la distribution de cartes Famille SNCF aux conjoints et enfants de militaires. Certaines actions mériteraient en revanche d’être renforcées (III), s’agissant par exemple du soutien à l’emploi des conjoints ou de l’amélioration du processus d’attribution des logements. D’autres mesures encore, d’adoption récente, sont toujours en cours de déploiement et les rapporteures estiment qu’il est encore trop tôt pour se prononcer à leur sujet (IV) même si elles sont a priori très favorables à ces dispositifs : elles pensent en particulier au partenariat récemment conclu avec la plateforme Yoopies pour faciliter la garde d’enfants, le soutien scolaire et d’autres services à la personne. Enfin, les rapporteures ayant choisi d’avoir une approche large de la condition militaire et de l’accompagnement social, elles reviennent dans le présent rapport sur des politiques concomitantes qui leur paraissent indissociables du plan Famille, également en cours de déploiement : la nouvelle politique de rémunération des militaires, le plan Hébergement et le programme Ambition Logements qui vise à renouveler le parc domanial des logements du ministère des Armées (V).

I.   Un plan en six axes, traduisant une volonté politique forte et comportant à la fois des mesures d’ordre budgétaire et non budgétaire

Le plan Famille traduit une volonté politique forte, celle du Président de la République lui-même, réitérée par la ministre des Armées (A). L’ensemble des personnes auditionnées par les rapporteures a été unanime pour dire que la ministre Florence Parly avait fait du plan Famille l’une de ses priorités politiques et qu’elle s’était personnellement fortement investie dans ce dossier, ce dont les rapporteures se félicitent. Ce plan, repris en loi de programmation militaire, comporte à la fois des mesures d’ordre budgétaire et non budgétaire (B). Paradoxalement, le dispositif, qui reste en cours de déploiement, a été à la fois très attendu par les uns et méconnu par les autres (C).

A.   Le plan famille, traduction d’une volonté politique forte

1.   Une réflexion entamée sous la précédente législature

La réflexion sur la reconnaissance de la condition militaire n’est pas neuve et a été confortée par la remise successive de différents travaux et rapports sur le sujet. L’article L. 4111-1 du code de la défense dispose, à propos de l’état militaire, que « les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation ».

Dans son 11e rapport, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) rappelle les contraintes liées l’état militaire et leur effet sur certains flux de recrutement. Ces contraintes pèsent sur les militaires et leur famille, qu’elles soient professionnelles, géographiques ou encore familiales. En 2016 à la suite de l’engagement massif des militaires dans l’opération Sentinelle, le Haut Comité indiquait que « […] l’impact profond de la suractivité sur la vie familiale, la difficulté de programmer les permissions et les difficultés induites sur la garde et l’éducation des enfants constituent assurément un facteur majeur sinon le facteur majeur de fragilisation de notre système militaire ».

Dans le rapport d’information publié en 2017 par les commissaires de la Défense Geneviève Gosselin-Fleury et Charles de la Verpillière ([36]), l’accompagnement social des militaires était également interrogé dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la condition militaire. L’édification progressive de dispositifs de soutien aux militaires et à leur famille, outre sa sédimentation historique, témoigne de la volonté de répondre aux exigences opérationnelles du militaire, un citoyen « plus ». La pertinence de ce thème avait été appelée à l’attention des rapporteurs par les chefs d’états-majors des trois armées, au cours de plusieurs auditions, à l’automne 2016. Ce même thème avait également fait l’objet d’un « plan ministériel d’amélioration de la condition du personnel » inscrit par le Gouvernement en loi de programmation militaire 2014-2019.

En conséquence, la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, qui actualise la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, a enrichi le code de la défense d’une définition de la condition militaire. Comme le souligne le HCECM dans une contribution écrite remise aux rapporteures, « le législateur de 2015 a d’ailleurs veillé à intégrer la dimension familiale dans la définition de la condition militaire qui figure désormais à l’article L. 4111-1 du code de la défense ». Diverses dispositions furent également introduites, notamment le droit pour les militaires de créer et d’adhérer à des associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Leur création fut complétée dans le code de la défense par le décret n° 2016-1043 du 29 juillet 2016. Instances du dialogue sociale, les APNM traduisirent l’élan donné à la préservation et la promotion des intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire.

2.   L’impulsion du Président de la République et de la ministre des Armées

Le discours du Président de la République prononcé le 20 juillet 2017 à la base aérienne 125 d’Istres - Le Tubé marque une forme de reconnaissance envers les familles des personnels de la Défense, engagées aux côtés des militaires : « Je sais que nous vivons dans un monde qui n’est pas celui d’il y a vingt ou trente ans ; je sais que les contraintes des familles ne sont pas les mêmes, que ce qu’on acceptait sans rien dire, parfois, rend les choses plus difficiles. Alors, oui, nous devons avoir davantage de considération pour elles et ouvrir un travail, une réflexion, en profondeur pour qu’il en soit autrement. » Celui-ci ajoutant l’ouverture d’une réflexion au ministère des Armées : « C’est pourquoi j’ai demandé, pour l’automne, à la ministre des Armées, de faire des propositions concrètes, de prendre des mesures concrètes, pour que la vie des familles soit davantage prise en compte dans les affectations, dans les décisions du quotidien, et pour que toutes celles et ceux qui peuvent être aidés dans leur quotidien le soient. »

La ministre des Armées en a dès lors fait l’une de ses priorités. Le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires fut lancé le 31 octobre 2017. Quarante-six mesures furent initialement présentées avec pour objectif de traduire dans le quotidien des militaires et de leur famille l’idée qu’« il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse ». L’exhaustivité du plan avait été félicitée par la direction des ressources humaines du ministère des Armées (DRHMD), celle-ci soulignant la concrétisation d’un enjeu ancien soutenue par une action ministérielle « complète ».

3.   Un plan élaboré très rapidement

L’élaboration du plan Famille fut appuyée par une consultation, plutôt rapide, organisée en amont de la publication du plan. Le processus de concertation se concrétisa par des réunions de coordination en septembre 2017 avec les différents acteurs mobilisés par le plan Famille : l’état-major des armées (EMA), le service du commissariat des armées (SCA), les directions du secrétariat général pour l’administration (SGA), les forces armées ainsi que le service de santé des armées (SSA). À la suite de ces réunions, les acteurs du dialogue social et de la représentation des armées ([37]) participèrent au processus et la concertation fut élargie à l’échelon zonal. Leurs avis furent rendus en septembre 2017 et le projet présenté au secrétaire général pour l’administration le 5 octobre 2017. Enfin, d’autres acteurs furent sollicités : le conseil central de l’action sociale (CCAS), les mutuelles historiques, le 17 octobre 2017, les associations liées à l’accompagnement des familles, le 21 septembre 2017, et les APNM.

Si la définition du plan donna lieu à une consultation rapide auprès des acteurs de la communauté militaire, ce processus a dès le départ eu vocation à perdurer dans le cadre des évolutions du plan Famille.

Ainsi que l’a souligné le Haut comité d’évaluation de la condition militaire auprès de la mission d’information, le plan Famille a pour priorité de « réduire l’impact des sujétions militaires sur la vie concrète des familles ». Il poursuit ainsi plusieurs objectifs :

– assurer la sérénité des militaires engagés dans des missions opérationnelles, en leur permettant de consacrer à leurs actions toute la concentration nécessaire, par la prise en compte des effets de leurs effets sur la vie quotidienne de leurs proches ;

– conforter la fidélisation et l’attractivité de la fonction militaire en répondant à l’évolution des besoins des proches et des familles, dans la durée et tout au long de la carrière.

Le plan Famille vise, comme le rappelle le HCECM, à « apporter des réponses concrètes aux attentes de la communauté des armées, pour tenir compte du haut niveau d’engagement des militaires et des contraintes qui en résultent sur l’organisation de leur vie familiale ».

4.   L’inscription du plan Famille en loi de programmation militaire

Conçu à partir de l’été 2017 et dévoilé à l’automne de la même année, le plan Famille, qui devait au départ concerner la période 2018-2022, s’est ensuite inscrit dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) « à hauteur d’homme », texte couvrant la période 2019-2025. Alors que les précédentes LPM mettaient un accent particulier sur les équipements, la LPM en cours prévoit un effort en quatre volets complémentaires :

– la garantie de conditions adéquates pour permettre aux armées d’exercer de manière durable et soutenable leurs missions, à travers la formation, l’entretien des matériels, les équipements individuels et la préparation opérationnelle ;

– l’amélioration du « quotidien du soldat », à savoir les conditions de vie et de travail des personnels, les soutiens dont ils dépendent, ou l’accompagnement de leur famille, et leurs aspirations de citoyens modernes ;

– la dynamisation de la politique des ressources humaines placée au cœur de la LPM, afin de garantir l’adéquation des compétences et des effectifs à l’ambition opérationnelle ;

– le renforcement du lien armées-Nation pour faire du militaire un citoyen moderne, pleinement intégré dans une société animée d’un solide esprit de défense, développé dès la jeunesse, et capable de contribuer à sa propre protection à travers la Garde nationale, et en premier lieu les réserves opérationnelles.

Selon le rapport annexé à la loi de programmation militaire, « l’effort consenti dans ces différents domaines est central pour l’attractivité de la condition militaire et la fidélisation des personnels ». Comme le précise le même texte, « le maintien de la qualité des ressources humaines du ministère nécessite une juste reconnaissance des contraintes et sujétions liées qui incombent aux personnels des forces armées, directions et services. L’efficacité des forces armées repose notamment sur le statut général des militaires, garant de leur capacité à disposer en permanence de personnels entraînés et formés, disponibles, dans un environnement organisé et réactif. Le statut militaire ne distingue pas le temps de paix de celui des opérations. Par sa spécificité et son unicité, il exprime un état fait de devoirs et de sujétions – esprit de sacrifice, discipline, disponibilité, loyalisme, neutralité – partagés par tous les militaires, quel que soit leur emploi. Ces fondements du statut, notamment le principe de disponibilité en toute circonstance, conditionnent l’efficacité opérationnelle des armées, répondent à la singularité de l’action militaire et seront donc préservés au cours de cette LPM. En outre, la condition du personnel concerne les personnels militaires comme civils. Elle est un axe d’effort permanent et un enjeu majeur dans un contexte de fort engagement. Pour cette raison, la politique d’action sociale du ministère des armées continuera à être développée au profit de la communauté de défense et de l’ensemble des forces armées, dans les domaines du soutien à la vie professionnelle et à la vie personnelle comme familiale. »

5.   Un plan ayant donné lieu à concertation et en évolution continue

Le plan Famille est articulé autour de six axes. Du fait de son élaboration rapide, le plan a évolué. Entre les mois de février et de mai 2019, une large consultation a été organisée par le ministère des Armées sur le plan Famille : plus de 300 commissions participatives d’unités se sont réunies entre février et mars 2019. Dans le même temps fut organisée une concertation civile, puisqu’outre les militaires, siègent également dans les comités sociaux, présidés par les commandants de bases de défense, des représentants des personnels civils élus, des gendarmes et des retraités. Le conseil supérieur de la fonction militaire et les conseils de la fonction militaire de chacune des trois armées et de la gendarmerie ainsi que les comités territoriaux d’action sociale ont eux aussi été consultés. Le résultat de cette consultation a été présenté au Conseil supérieur de la fonction militaire en juin 2019.

Selon M. Jean-Charles Cottez, directeur de projet du plan Famille, le fait qu’aucun nouvel axe n’ait été défini à l’issue de cette consultation illustre la pertinence du plan conçu au départ. Le plan a néanmoins été renforcé, passant de 46 à 61 mesures. Les rapporteures notent que la consultation a fait apparaître plusieurs attentes majeures :

– celle d’un renforcement des aides fournies par Défense mobilité aux conjoints de militaire afin de les aider à trouver un emploi ;

– celle d’un effort en faveur des couples séparés ou divorcés, des familles monoparentales, et des familles de militaire avec un conjoint ou un enfant en situation de handicap (plus de 5 000 enfants de militaires au ministère des Armées) ;

– l’attente d’un effort en faveur de l’enfance (0-11 ans) ;

– l’attente d’une amélioration de l’offre de logement et d’hébergement ;

– celle, enfin, d’une meilleure prise en compte des personnels militaires servant en outre-mer, puisque, s’agissant de l’emploi du conjoint, de la scolarisation des enfants et de la sécurisation de la famille, il existe des enjeux spécifiques à chaque territoire ultramarin.

Les rapporteures saluent la plasticité de ce plan et la démarche adaptative retenue par la DRH-MD. Elles estiment que la concertation et les consultations doivent se poursuivre.

Elles notent que quelque deux tiers des actions du plan Famille bénéficient aux personnels civils de la Défense. Ces personnels ayant donné lieu à un rapport ([38]) spécifique de la commission de la Défense au début de l’année 2021, les rapporteures ont pris le parti, compte tenu de l’ampleur du plan Famille, de concentrer leur rapport sur l’application du plan Famille aux militaires et à leur famille.

6.   Un plan piloté par un directeur de projet et décliné à l’échelon local par les commandants de base de défense

Le plan Famille est suivi par un directeur de projet directement rattaché à la direction des ressources humaines du ministère des Armées et chargé de piloter au jour le jour la mise en application du dispositif, en lien avec chaque organisme central ayant pour mission l’application des mesures et avec le commandement du Centre interarmées de coordination des soutiens (CICoS), lui-même en lien direct avec les commandants de base de défense. Les rapporteures saluent la désignation d’un directeur de projet et notent que le Gouvernement a retenu la même méthode dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Au niveau local, le commandant de chaque base de défense (COMBdD) revêt le rôle d’arbitre, d’acteur et de chef de projet « plan Famille ». Ce rôle s’appuie directement sur le pilotage budgétaire qu’assure le COMBdD sur trois budgets : celui des infrastructures, celui du soutien commun (AGSC) et celui de l’amélioration du cadre de vie (AACV). Si aucun de ces trois budgets n’est directement associé au plan Famille – étant donné l’absence de « fléchage » des crédits associés au plan – les COMBdD peuvent user de la fongibilité au niveau local pour répondre à leurs priorités d’action.

B.   Un plan décliné en six axes et comportant à la fois des mesures d’ordre budgétaire et d’ordre non budgétaire

1.   Un plan décliné en six axes et en une soixantaine de mesures

Les six axes thématiques du plan Famille, chacun porteur d’une finalité de politique RH, sont les suivants :

– mieux prendre en compte les absences opérationnelles ;

– faciliter l’intégration des familles dans la communauté militaire et de défense ;

– mieux vivre la mobilité ;

– améliorer les conditions de logement familial et favoriser l’accession à la propriété ;

– faciliter l’accès des familles à l’accompagnement social du ministère ;

– améliorer les conditions d’hébergement et de vie des célibataires et des célibataires géographiques.

2.   Des mesures financées dans le cadre de la loi de programmation militaire « à hauteur d’homme »

Initialement, le plan Famille, qui devait porter sur la période 2018-2022, se voyait consacrer 302 millions d’euros par le budget de l’État. La loi de programmation militaire, qui couvre la période 2019-2025, prévoit de consacrer 528 millions d’euros au plan Famille sur six ans, sur les crédits du programme 178, dont le responsable budgétaire est le chef d’état-major des armées (EMA), et du programme 212, dont le responsable budgétaire est le secrétaire général de l’administration (SGA). Il est prévu que soient consacrés à ce plan quelque 80 millions d’euros par an en moyenne. Selon les informations fournies aux rapporteures par le directeur de projet du plan Famille, les 302 millions d’euros accordés au plan au cours de la période 2018-2022 s’ajoutent aux 782 millions d’euros déjà programmés sur les lignes d’action du plan, notamment en matière de logement et d’hébergement en Île-de-France, pour « former une prévision globale de 1,084 milliard d’euros ».

Les mesures budgétaires du plan Famille sont présentées dans un tableau récapitulatif en annexe 2 du présent rapport.

3.   Des mesures d’ordre non budgétaire

Le plan Famille comporte, outre les mesures représentant un effort budgétaire de la Nation, des mesures sans coût direct pour la mission « Défense » du budget de l’État.

Il s’agit notamment de mesures de simplification administrative telles que la facilitation des démarches lors des déménagements, la facilitation de la scolarisation des enfants en cas de mobilité, la facilitation de la mobilité du conjoint fonctionnaire ou celle de la colocation entre militaires.

Le plan Famille comprend aussi des mesures relevant d’une amélioration de la gestion des ressources humaines, visant à accorder une plus grande visibilité sur les mutations et les carrières, des mesures favorisant la reconnaissance des associations et des mesures d’information et d’amélioration de la lisibilité des dispositifs d’aide sociale.

C.   Un plan très attendu par les uns, insuffisamment connu par les autres mais qui apporte désormais de plus en plus de satisfaction

Parmi ses bénéficiaires, le plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires a suscité de fortes attentes chez les uns, voire une certaine impatience de voir les annonces se concrétiser, tout en souffrant d’un manque de notoriété chez les autres.

Les rapporteures notent que la première phase de déploiement du plan Famille a parfois suscité des frustrations, dans la mesure où, parallèlement à la communication ministérielle, les effets concrets du dispositif ne pouvaient être ressentis d’emblée.

Dans le même temps – et cela peut sembler paradoxal –, le plan Famille souffre aussi d’un manque de notoriété auprès de la communauté de Défense. C’est l’un des points qui a le plus frappé les rapporteures lors de leurs déplacements, notamment à la base navale de Brest. Ainsi que l’a indiqué le CSFM aux rapporteures, les informations sur le plan Famille ne sont pas toujours connues des militaires eux-mêmes et ne sont pas toujours relayées dans leur foyer : « si les familles sont régulièrement informées au travers du réseau des cellules environnement humain ([39]), il n’en demeure pas moins que celles-ci sont touchées différemment suivant l’implication des équipes locales. A contrario, le personnel est moins proactif dans la recherche d’information et paradoxalement, un sentiment de manque d’information s’exprime alors que tout est mis en œuvre (supports écrits, réseaux sociaux, chaîne environnement humain, action sociale, séance d’information, etc.) dans ce sens. » Toujours selon le CSFM, « concernant l’offre de Défense mobilité, l’information relative à l’accompagnement du conjoint dans sa recherche d’emploi n’est pas suffisamment connue ». La direction des ressources humaines et de la condition de l’aviateur constate également que l’appropriation du plan Famille par les aviateurs « reste toute relative » puisque seulement 32,8 % ([40]) d’entre eux déclarent en avoir connaissance. Celle-ci fait remarquer l’existence d’« un décalage temporel entre les mesures avancées générant des attentes, et le tempo de réalisation, qui peut déboucher sur un effet déceptif, particulièrement pour les actions qui s’inscrivent sur du temps long (crèches, logement…), soumises par ailleurs à des aléas (infra, politique…) ».

Les rapporteures estiment que la communication des informations par voie électronique n’est pas forcément un vecteur suffisant, de nombreux militaires ne communiquant pas aux services du ministère les adresses électroniques de leur conjoint, soit dans le souci de préserver une séparation nette entre vie professionnelle et vie privée, soit par défiance naturelle à l’égard de tout système de « mailing ». C’est pourquoi les familles restent souvent à l’écart des informations transmises par l’institution. Il en va de même des informations transmises par le chef de corps qui, bien souvent, ne sortent pas des murs de l’enceinte militaire, parce que le militaire n’a pas le réflexe de les évoquer lors de ses échanges avec son ou sa conjoint(e).

Le plan Famille traitant de problématiques très diverses, il n’est pas forcément toujours très lisible. Son caractère foisonnant trouve d’ailleurs écho sa gouvernance – qui fait intervenir de nombreux acteurs.

Enfin, l’intitulé synthétique de « plan Famille », plus couramment employé que l’intitulé complet de plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires peut prêter à confusion et notamment laisser à penser à tort aux militaires célibataires qu’ils ne sont pas concernés par le dispositif.

Si les rapporteures estiment que le plan Famille gagnerait à être mieux connu de ses potentiels bénéficiaires, c’est qu’il se dégage de leurs auditions un sentiment de grande satisfaction de ceux des militaires et de leur famille qui en ont connaissance. Ainsi, la direction du personnel militaire de la marine a souligné que les marins avaient particulièrement apprécié l’attention portée à leurs contraintes de vie, le taux de satisfaction de ceux-ci étant évalué qualitativement à travers la centaine de rapports sur le moral que les unités de la marine adressent à leur chef d’état-major chaque année.

De même, la direction des ressources humaines de l’Armée de Terre a indiqué que « la mise en œuvre du plan Famille [avait] connu une phase initiale de rapide déploiement » et que les « gains initiaux [avaient] été ressentis positivement » même si l’accompagnement de la mobilité – point sur lequel les rapporteures reviennent dans le détail au III, « avec le triptyque « logement », « emploi du conjoint », « scolarité des enfants », reste un domaine où les gains du plan Famille ont été marginaux ».

Également interrogée par la mission d’information, l’association Women Forces a indiqué qu’elle portait « une attention bienveillante aux actions du plan Famille » et que « nombre de ses avancées » étaient « fortement appréciées dans le domaine de l’emploi ». L’association a cependant mis un bémol à ce jugement global, estimant que la mobilité, la gestion des ressources humaines et le changement culturel que Women Forces appelle de ses vœux en matière d’emploi des conjoints étaient des chantiers qui restaient à mener.

II.   De nombreuses mesures emblématiques sont très bien accueillies par les militaires et leur famille

Pour faciliter la vie des militaires et de leur conjoint, le plan Famille vise à assurer une meilleure prise en compte de la parentalité et de la famille au sens large notamment dans le cadre de l’absence du militaire (A) et une appréhension renforcée de la mobilité fonctionnelle et géographique, tant sur les plans personnels que professionnels (B). Enfin, le plan Famille se veut également porteur d’une intégration renforcée au sein de la communauté de défense locale, reflet de la reconnaissance de l’institution militaire à l’égard du militaire et de sa famille (C).

A.   Une meilleure prise en compte de la parentalité et de la famille au sens large dans le cadre de l’absence du militaire

1.   Un accroissement de l’offre de garde d’enfants

Les évolutions de la vie familiale des militaires, dont une très grande part vit en couple et dont les conjoints sont actifs, soulèvent de plus en plus l’enjeu de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Les enfants de 0 à 6 ans représentent près du quart des enfants de militaire. Dans l’armée de Terre, les militaires ont environ 25 000 enfants de 0 à 3 ans.

La politique d’action sociale du ministère des Armées est axée sur les jeunes enfants, ces derniers n’étant pas en âge d’entrer à l’école maternelle et ayant besoin de solutions de garde continue pour permettre au militaire et à son conjoint de mener leurs activités opérationnelles ou professionnelles.

Dans le cadre du plan Famille, l’offre de garde d’enfants repose désormais sur trois axes : la gestion directe de crèches ministérielles, la réservation de berceaux au sein de structures associatives, municipales ou privées et le conventionnement avec les assistantes maternelles.

a.   Une augmentation du nombre de places en crèche

La mesure 1.1.1 du plan Famille vise à augmenter de 20 % l’offre de garde des enfants de 0 à 3 ans, la réservation de berceaux et le nombre de places en crèches afin d’atteindre 2 556 places en 2022. Afin d’atteindre cet objectif, 70 places supplémentaires devaient être construites dans des crèches ministérielles, notamment à Mérignac et à Pamiers, d’une part, et 330 places nouvelles doivent être réservées à la suite de l’augmentation des marchés de réservation de berceaux, d’autre part. En outre, le seuil pour conclure des marchés de réservation de berceaux a été abaissé de 10 à 5 places afin de rendre l’offre plus souple et plus adaptable. De 2019 à 2022, le budget prévisionnel alloué pour les réservations de berceaux au titre du plan Familles est abondé de 0,25 million d’euros chaque année.

 

Le tableau ci-dessous présente l’évolution du nombre de berceaux réservés entre la fin de l’année 2017 et la fin de l’année 2022 :

 

Source : ASA, 2021

 

Pilotée par la DRH-MD et l’action sociale des armées (ASA), la mesure doit être appliquée entre 2018 et 2022. L’objectif fixé pour 2022, soit une augmentation de 20 % de l’offre défense de garde d’enfants de 0 à 3 ans, a été atteint et dépassé, ce dont les rapporteurs se félicitent. Au 31 octobre 2021, l’offre a augmenté de 22 % avec 2 598 berceaux, dont 1 674 en crèche ministérielle.

 

– Au 30 juin 2021, on comptait 962 berceaux réservés et 1 585 places en crèche ministérielle, soit 2 598 places. Les réservations de berceaux s’effectuent sur la base de marchés passés avec des prestataires extérieurs au ministère des armées et sont réparties dans toute la métropole en petite quantité (de 5 à 15).

 

– Au terme de la période 2018-2022, la capacité d’accueil globale pourrait être de l’ordre de 2 800 places, soit un dépassement de la cible initiale de plus de 270 places. En 2021, on comptait 1 585 places en crèches ministérielles. D’autre part, les ressortissants peuvent recourir aux places interministérielles offertes par les sections régionales interministérielles d’action sociale (SRIAS) ([41]) en préfecture.

Le ministère a également signé une convention de délégation avec Igesa en juin 2020 afin de mettre sur pied un modèle standardisé de crèche modulaire, aux coûts allégés et aux délais de construction réduits.

Si l’offre est significative et traduit un réel effort du ministère, elle ne couvre qu’entre 6 à 7 % de la population des 0-3 ans de la communauté militaire – qui compte environ 53 700 enfants d’après les chiffres fournis par le directeur de projet « plan Famille ». Le CSFM indique que la mesure pourrait être plus efficiente en optimisant la cartographie des berceaux par rapport au lieu de travail ou de résidence, ainsi qu’en ajustant le quotient familial pris en compte dans la garde d’enfants. En effet, celui-ci lorsqu’il est trop faible exclurait une part importante des foyers ayant le plus d’enfants. À cet égard, les rapporteures tiennent à nuancer la position du CSFM. La gestion des places en crèches s’appuie certes sur le quotient familial mais celui-ci n’est qu’un élément parmi d’autres pris en compte pour la priorisation, et non pour le droit à l’attribution des places. Les contraintes opérationnelles ou encore le travail du conjoint sont également regardés.

Le tableau ci-dessous présente le nombre d’enfants de la communauté militaire dans trois tranches d’âges respectives : les 0-3 ans, les 4-12 ans ainsi que les 13-16 ans.

 

b.   L’action en faveur des assistant(e)s maternel(le)s agréé(e)s : une solution de garde avantageuse qui est aussi facteur d’employabilité

La mesure 1.1.2 répond à un double objectif. Le premier vise à développer l’accompagnement des conjoints ayant un projet professionnel d’assistant(e) maternel(le). Le second incite financièrement les assistant(e)s maternel(le)s à accueillir un enfant ressortissant de l’action sociale des armées (ASA) et à le faire en horaires atypiques.

Pilotée par la DRH-MD et l’action sociale des armées, cette mesure s’est concrétisée dès 2018 après son examen par les membres du Conseil central de l’action sociale (CCAS) au second semestre 2017. Igesa gère intégralement cette prestation ministérielle, de la réception des demandes au paiement. Selon les informations fournies aux rapporteures par la DRH-MD, l’action est désormais réalisée et pérennisée. Concernant le premier objectif, évoqué supra, Défense mobilité a reclassé 238 conjoints sur un emploi d’assistant(e) maternel(le), dont 56 en 2020, ce dont les rapporteures se félicitent. S’agissant du deuxième objectif, au 1er novembre 2021, le nombre de conventions signées s’élève à 8 339. Le nombre d’enfants gardés avec ce dispositif en 2020 est de 5 200. Un barème spécifique concernant les horaires particuliers, indemnise de façon substantielle les horaires d’accueil du lundi au vendredi de 19 heures à 7 heures, le week-end et les jours fériés. Un supplément de 450 euros est versé à l’assistant(e) maternel(le) pour 10 à 60 heures d’accueil semestriel, et de 900 euros pour plus de 60 heures d’accueil semestriel. En juillet 2020, le dispositif a également été élargi aux assistant(e)s maternel(le)s exerçant au sein des maisons d’assistants maternels.

82 % des personnes ayant répondu à l’enquête ([42]) « Les militaires et leur perception des principales actions d’accompagnement social, professionnel et familial » réalisée par le secrétariat général pour l’administration (SGA) en novembre et décembre 2020, estiment que l’aide aux assistant(e)s maternel(le)s exerçant au profit d’enfants de militaires bénéficiaires de l’action sociale des armées (ASA) est utile. Saluant le « bon résultat » obtenu grâce à cette mesure, le CSFM met en avant son coût avantageux pour le ministère par rapport à celui d’une place en crèche ([43]). Pour la direction des personnels militaire de la gendarmerie, « l’aide ASMAT semble la plus adaptée aux besoins des gendarmes affectés en zone rurale et pour lesquels les crèches, majoritairement implantées autour des bases de défense ou zones à forte densification, ne sont pas toujours la solution ». Celle-ci ajoutant que le « dispositif ne doit pas s’analyser uniquement au travers des horaires atypiques, l’essentiel du besoin résidant dans la garde en horaires normaux ».

Par ailleurs, une réflexion mériterait d’être menée concernant l’application du dispositif dans les bassins déficitaires, notamment dans la région méditerranéenne, et dans les collectivités d’outre-mer où se pose le problème de l’absence d’agrément.

c.   La garde d’urgence : une réponse spécifique à la problématique des horaires atypiques du militaire

Mesure adoptée en 2020 et pilotée conjointement par l’action sociale des armées ainsi que par Défense mobilité, la mesure 1.1.3 formalise les dispositifs de garde d’urgence intégrant une prise en charge financière étendue en cas d’impératif imprévisible. Selon les informations transmises par le ministère des Armées, l’objectif fixé a été atteint le 24 juillet 2020 avec l’entrée en vigueur du dispositif. Une solution de garde d’urgence est désormais proposée, en réponse à un besoin ponctuel en cas de situation d’urgence opérationnelle ou de santé, à concurrence de 1 500 euros.

Particulièrement appréciée par les marins, cette mesure avait été demandée par ceux-ci dès le lancement du plan Famille en 2017, compte tenu des spécificités de leurs sujétions. De fait, la possibilité pour un couple de faire garder ses enfants en cas d’appareillage en urgence du marin est une sécurité qui peut aider les familles à accepter la contrainte de l’embarquement.

Les différentes mesures introduites par le ministère en ce domaine traduisent un réel effort, qu’évoquait la secrétaire générale pour l’administration du ministère des Armées, Mme Isabelle Saurat, lors de son audition devant la Commission de la défense le 27 mai 2020, celle-ci notant que « les services du SGA ont été largement mobilisés sur l’action sociale ministérielle afin de rassurer les familles et d’aider les familles, notamment celles du personnel en OPEX en agissant particulièrement sur la garde d’enfants et autres aides d’urgence ». L’association des femmes de militaires, Women Forces porte « une attention bienveillante quant aux actions du Plan Famille [dans ce domaine] » ([44]). La direction des ressources humaines et de la condition de l’aviateur juge quant à elle « la réponse plutôt satisfaisante », lorsqu’on juxtapose les différents dispositifs, mais soulève néanmoins la question de l’accueil périscolaire.

S’agissant des prestations d’aide à l’accueil périscolaire ([45]) et à la garde d’enfants en horaires atypiques, la direction des personnels militaires de la gendarmerie considère « qu’un grand nombre de familles n’y ont pas accès dans la mesure où ces aides sont octroyées sous conditions de ressources. Alors qu’elles devraient prioritairement répondre aux contraintes de l’état militaire qui viennent perturber l’organisation de la vie familiale avec de jeunes enfants (nonobstant le statut et le grade), l’approche essentiellement sociale sur laquelle reposent ces aides réduit fortement leur portée et peut nuire à leur lisibilité ».

Les rapporteures se félicitent des avancées réalisées pour renforcer la diversité de l’offre en faveur de la petite enfance : crèches défense, réservations de berceaux en crèches civiles, assistantes maternelles conventionnées. Cette offre a été complétée cet automne par une solution de nature différente : la gratuité des services de la plateforme Yoopies (cf. IV infra). Plutôt que de privilégier une mesure par rapport à l’autre, les rapporteures estiment que l’enjeu est davantage celui d’une articulation intelligente entre les différents outils de garde selon les spécificités locales et économiques des territoires, les besoins de garde d’enfant différant entre zones urbaines et territoires isolés. Enfin, les rapporteures tiennent à nuancer les différentes critiques émises en matière d’accueil périscolaire. En effet, le partenariat Yoopies, sur lequel elles reviennent en détail infra, devrait précisément permettre de répondre à des besoins de garde plus variés et adaptés aux besoins, périscolaires ou non, des familles.

2.   Une attention particulière portée au moral des familles

Le plan Famille renforce et formalise certains dispositifs préexistants afin d’accompagner les familles dans la durée sur les plans psychologique et moral au travers des mesures 1.4.1, 1.4.2 et 2.7. Comme l’indiquait la ministre des Armées, Mme Florence Parly : « s’il y a bien une chose en laquelle je crois profondément depuis que j’ai pris mes fonctions, c’est que lorsqu’on recrute un soldat, c’est toute une famille qu’on engage ».

Le plan Famille présente des solutions pour maintenir un équilibre au sein du système familial, malgré l’absence du militaire ou sa mobilité, notamment en direction des enfants. Pour le docteur Anne Raynaud de l’Institut de la Parentalité, le plan Famille témoigne plus largement « de la recherche de plus de cohérence, de prévisibilité et de stabilité dans l’écosystème de la famille » ajoutant que « la complémentarité des actions proposées et des soutiens mis en œuvre concourt à répondre aux besoins spécifiques de l’enfant de militaire ».

a.   Un soutien moral et psychologique renforcé dans le cadre de l’absence opérationnelle

Si les troubles psychiques sont connus de longue date dans les armées, notamment avec l’apparition des « pertes psychiques » lors de la Grande guerre (1914-1918), c’est surtout à partir des années 1990 et 2000 que la reconnaissance et la prévention de ces pathologies ont été considérées comme des priorités. En 2013, un dispositif d’écoute téléphonique a été créé au profit des militaires et anciens militaires souffrant du syndrome de stress posttraumatique. Son périmètre d’action a ensuite été étendu au personnel du ministère des Armées concerné par des situations de harcèlement, de discrimination ou de violence de nature sexuelle, en lien avec la cellule Thémis ([46]), puis aux familles de militaire. Depuis 2016, ce dispositif permettait aussi de répondre aux situations de harcèlement et de souffrance au travail.

Le guide de l’accompagnement des familles de militaires partant en OPEX ou en mission de courte durée, élaboré par la direction des ressources humaines de l’armée de Terre en 2012, rappelait déjà dans son introduction combien les familles, et le plus souvent les conjoints, étaient concernés par cet enjeu : « La carrière militaire implique une disponibilité en tout temps et en tout lieu. Elle implique un mode de vie caractérisé par une mobilité sur le territoire métropolitain mais aussi en dehors de l’hexagone. Votre conjoint doit partir en mission de courte durée ou en opération extérieure. L’organisation quotidienne de la famille en l’absence de votre conjoint va reposer sur vous. Vous allez devoir assumer vous-même les charges de famille en aménageant votre mode de vie en fonction de vos obligations. Ce départ doit se préparer en famille pour qu’il se déroule dans de bonnes conditions. Chaque membre qui la compose, militaire, conjoint, enfants mais aussi parents et beaux-parents, est concerné. C’est une étape importante, ne la négligez pas. »

La mesure 1.4.1 vise à amplifier et à diversifier l’offre en matière de soutien moral à la fois avant, pendant et après les missions opérationnelles grâce à de nouveaux outils et livrets pédagogiques d’aide à la gestion de l’absence. L’effort devait notamment être renforcé au profit des organismes interarmées et du personnel déployé de manière isolée. Entrée en vigueur en 2019, cette mesure a été appliquée et soutenue par le service de l’action sociale des armées (ASA) grâce au développement de boîtes d’activités.

 

– En 2020, 5 000 clés « story enjoy » ont été distribuées aux armées, directions et services. L’accès gratuit à cette application a permis aux militaires d’enregistrer à l’avance des histoires, proposées ensuite à leur enfant pendant la mission ;

 

– Parallèlement, en sus des 18 000 kits enfant mission, 53 354 boîtes multi-activités ([47]) ont été offertes aux enfants de militaires partant en opérations extérieures (OPEX) auxquelles il faut ajouter la commande de 2 500 boîtes pour la gendarmerie. Ces boîtes comprennent six modèles successifs, à raison d’un par semestre en 2020, 2021 et 2022.

 

 

 

Comme le soulignait le docteur Anne Raynaud ([48]) lors de son audition par les rapporteures, la gestion psychologique post-absence opérationnelle est particulièrement importante pour l’équilibre familial : « L’enfant doit pouvoir ressentir la disponibilité psychique de son parent, pour tisser des liens d’attachement de qualité. Ainsi doivent être interrogées, les mesures mises en place pour permettre aux parents de retour de mission de trouver un environnement favorable qui lui donne suffisamment de stabilité émotionnelle pour s’investir dans ses fonctions parentales ». De même, les mesures de soutien médico-psychologiques prises par le ministère des Armées sont « indispensables » afin de limiter les facteurs de stress vécus par l’enfant et leur impact sur son développement tant personnel que scolaire. Le docteur Anne Raynaud note en effet qu’« il est retrouvé par exemple une augmentation des besoins de soins psychiques de 11 % par rapport à la population normale en particulier pour les enfants de 3 à 8 ans ».

Le ministère des Armées envisage le développement d’autres dispositifs au profit des adolescents et en particulier au profit des jeunes victimes de cyber-harcèlement. Dans cette perspective, le service de l’action sociale des armées s’est associé au centre d’information sur les droits des femmes et des familles.

Les armées ont fait part aux rapporteures du vif succès rencontré par les boîtes multi-activités dans la communauté militaire, la DPMM évoquant le souhait de voir se pérenniser le dispositif. Le SSA insiste également sur l’accueil très favorable réservé à cette mesure ainsi que sur l’efficacité avec laquelle la distribution des kits a été organisée. Le docteur Anne Raynaud considère quant à elle que face au « sentiment de menace » pouvant être ressenti par l’enfant, le kit OPEX permet « la mise en œuvre de repères visuels », essentiels au nouvel équilibre familial en l’absence du parent militaire. Outre l’attention nécessaire au bon usage de ces kits par les enfants, Anna Raynaud avance l’idée qu’il pourrait « également être envisagé de laisser d’autres modalités de messages entre le parent qui est parti et son enfant, comme par exemple des supports vidéo ».

Cette mesure vient en complément du rôle essentiel que joue le commandement dans la prise en charge du personnel projeté, notamment dans le cadre d’entretiens formels. Les armées s’investissent pleinement dans l’accompagnement en s’appuyant sur un réseau local structuré constitué des bureaux d’environnement humains (BEH) de l’armée de Terre, des sections condition de l’aviateur et accompagnement des familles (SCAAF) ainsi que des bureaux de liaison de la famille de la Marine nationale.

Lors de son déplacement sur la base aérienne d’Évreux, la co-rapporteure Séverine Gipson a noté que la distinction établie, s’agissant de l’application de cette mesure, entre les familles de militaires en OPEX et les familles de militaires engagés dans d’autres opérations pouvait revêtir un caractère chronophage, susceptible de nuire à l’efficacité du dispositif.

La mesure 1.4.2 assure un accès facilité au soutien psychologique existant mis en place dans les armées. Elle s’appuie sur trois dispositifs : « Écoute Défense », un prestataire extérieur – le cabinet ELEAS – et les psychologues des armées.

Le plan Famille pérennise l’offre de séances collectives aux familles de militaires avant le départ, durant l’opération et lors du retour du militaire, afin de rassurer les familles et de les préparer à l’absence du militaire ainsi qu’à sa réinsertion dans la famille. De plus, certaines activités proposées par les associations avec l’appui financier du ministère ont été évaluées et ont reçu le cas échéant l’agrément du SSA pour pouvoir intervenir dans les armées, directions et services. S’agissant de cette mesure, l’action du SSA et du service de l’action sociale des armées, prévue entre 2018 et 2022, a été réalisée :

 

– du 1er janvier au 30 juin 2021, 31 séances d’information collective ont été effectuées mais leur nombre a été revu à la baisse du fait de la crise sanitaire. 36 séances d’information collective avaient été effectuées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020 ;

 

– la plateforme d’appel « Écoute Défense », est désormais ouverte aux familles qui occasionnent un tiers des appels (372 en 2020 et 276 en 2019). Anonyme et gratuit, « Écoute Défense » assure l’accueil, l’écoute et l’orientation des appelants présentant une souffrance psychique vers un lieu de soins de proximité. Il est armé par les psychologues militaires du SSA.

 

– en 2020, 40 000 flyers « Écoute Défense » spécifiquement conçus à destination du militaire et de sa famille ont été envoyés aux militaires et à leur conjoint affilié via la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS). Une diffusion plus large de ces flyers est désormais assurée par le service de l’action sociale des armées vers l’ensemble des antennes de l’action sociale.

Le tableau ci-dessous présente la prise en charge financière de dossiers des séances de psychothérapie individuelle ([49]) pour les familles en milieu civil en 2019 et 2020 :

 

Afin de prendre pleinement en compte cet enjeu psychologique, les mesures prises au niveau ministériel dans le cadre du plan Famille ont été complétées par des initiatives régimentaires, notamment dans l’armée de Terre avec le sas de fin de mission ([50]) des conjoints et des ateliers de densification des familles du 92e régiment d’infanterie. La DRHAT estime que ces initiatives pourraient être davantage encouragées et financées par le service de l’action sociale ou la CNMSS dans le cadre de la prévention en santé mentale ou de l’aide à la parentalité.

 

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Le SSA a renforcé son offre de soins médico-psychologiques de proximité grâce à un maillage territorial resserré de spécialistes du soin psychique. La programmation 2021 repose sur un effectif terminal prévisionnel de 50 militaires infirmier et technicien des hôpitaux des armées (MITHA) psychologues répartis entre la « composante hospitalière » et la « composante médecine des forces » du service. Un réseau d’une centaine de spécialistes du soin psychique réservistes et de plus de 500 psychothérapeutes civils répertoriés complète cette offre institutionnelle.

Les différents plans d’action dédiés à la prise en charge du militaire blessé psychique ont pris en compte les attentes du plan Famille. Dans la continuité, et à la suite du bilan du plan d’action 2015-2018, un nouveau plan ministériel relatif au parcours de rétablissement du militaire blessé psychique a été lancé en 2019 dans un contexte d’intense engagement opérationnel et s’articule autour de trois axes stratégiques : renforcer les actions de prévention et de sensibilisation des militaires et de leur famille, contribuer au rétablissement et favoriser une meilleure réhabilitation psychosociale des militaires blessés et consolider les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. L’accompagnement des blessés en service et de leurs familles se fait de « bout en bout ». Un psychiatre du service de santé des armées est déployé en permanence à Gao au Mali. Un militaire rapatrié à la suite d’une blessure en opération bénéficie d’une prise en charge coordonnée par le médecin de son antenne médicale de rattachement, lui-même à l’interface d’un réseau de soins de proximité et des hôpitaux d’instruction des armées (HIA). Sa famille peut bénéficier d’un accompagnement psychologique à chaque étape. Au retour des opérations extérieures (OPEX), tout militaire blessé ou non bénéficie d’un dispositif de repérage systématique des troubles psychiques en relation avec un événement traumatique. Sa famille peut bénéficier d’une prise en charge psychologique dans le cadre d’une déclaration d’affection liée à l’activité du militaire (DALAM) établie par le médecin des forces.

Le renouvellement en 2020 de la convention interpartenaires signée entre le SSA, la CNMSS et la DRHMD de mai 2015 facilite l’accès à la prise en charge psychothérapeutique pour les familles des affections en lien avec l’activité du militaire notamment par une revalorisation de la prise en charge financière des séances de psychothérapie individuelles et la possibilité de prendre en charge un bilan psychologique – notamment pour les enfants –, un circuit de remboursement simplifié et un renouvellement possible du forfait de 6 consultations.

Un groupe de travail associant le SSA, l’action sociale des armées (ASA), le cabinet ELEAS, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et les services de psychologie propres aux armées, mandaté pour évaluer et améliorer les dispositifs d’information et de sensibilisation des familles sur les effets des absences opérationnelles et les risques liés aux opérations sur la vie familiale a défini collégialement des axes d’amélioration de ces dispositifs. La nécessité de sensibiliser les psychologues du cabinet ELEAS aux spécificités du métier de militaire ainsi qu’aux sujétions propres au milieu a été mise en évidence. À la fin de l’année 2020, un programme de sensibilisation annuelle au profit du cabinet ELEAS a été élaboré par un groupe d’experts composé de membres du coordonnateur national du service médico-psychologique (CN-SMPA), des responsables des services et des cellules psychologiques propres aux armées et du psychologue du SSA référent pour la médecine des forces. Ce groupe a émis des recommandations relatives à l’amélioration des prestations du cabinet ELEAS dans l’objectif d’établir un « socle » de prestation standardisé. Ce programme et ces recommandations ont été transmis au service d’action sociale des armées en octobre 2020. Une première réunion d’échanges sur les pratiques professionnelles entre le prestataire ELEAS, les psychologues et les psychiatres militaires a été menée par le service d’action sociale des armées en octobre 2021, tenant compte de ces recommandations.

Le CSFM juge les mesures mises en place par les psychologues du service de l’ASA « pertinentes et efficaces » et souligne la satisfaction des armées à l’égard du système « Écoute Défense » même si celui-ci est encore perçu comme trop « limitatif ». De même, le CSFM ajoute que « la mise en place de psychologues en gendarmerie est une réelle avancée mais devrait être largement amplifiée pour permettre une meilleure prise en compte des situations vécues dans l’exercice du métier et répondre plus largement aux nombreuses sollicitations ».

b.   Une attention particulière, entre soutien moral et ludisme, portée à l’hospitalisation des enfants

La mesure 2.7, développée en 2020, permet d’apporter un soutien moral aux enfants hospitalisés. Est ainsi proposé un kit enfant « Mon hôsto rigolo » aux enfants de ressortissants, âgés de 5 à 13 ans, qui sont hospitalisés pendant 48 heures au moins. Ce kit, qui comporte des activités créatives et ludiques, bénéficie à environ 250 enfants par an. Le projet a été conçu par deux conjointes de militaires et mères des familles, en lien avec un médecin. L’ASA est également intervenue dans son développement. Le kit a été livré en décembre 2020 dans les centres techniques de l’action sociale des armées, à raison de 1 040 exemplaires.

Lors de son audition, le docteur Anne Raynaud a indiqué que si le but poursuivi par cette mesure était louable, la mesure constituait selon elle une réponse insuffisante à l’enjeu, notamment parce qu’en cas d’hospitalisation, l’enfant fonctionne en mode « survie », a fortiori en l’absence d’un de ses deux parents. Les rapporteures saluent néanmoins l’existence de ce dispositif.

3.   Une meilleure prise en compte de la trésorerie des ménages

Plusieurs mesures traduisent la volonté du ministère des Armées de soulager financièrement la trésorerie des ménages grâce à la pérennisation et à la modernisation de certains dispositifs. En effet, si les militaires bénéficient d’aménagements financiers liés notamment à leurs sujétions, leur niveau de vie apparaît relativement faible au regard de celui qu’ils pourraient avoir à un poste équivalent dans le secteur privé.

Le HCECM souligne dans sa revue annuelle de la condition militaire de 2020 qu’au cours de la période 2013-2018, le niveau de vie annuel moyen des ménages dont la personne de référence est un officier ou un sous-officier est inférieur respectivement à celui dont le référent est un cadre (- 20,6 %) ou un personnel exerçant une profession intermédiaire (- 11,4 %). À l’inverse, le ménage dont la personne de référence est un militaire du rang dispose d’un niveau de vie annuel moyen approchant celui du ménage dont la personne de référence est un employé (+ 1,0 %) et supérieur à celui du ménage dont la personne de référence est un ouvrier (+ 10,4 %) ([51]). Le tableau ci-dessous présente les revenus individuels annuels moyens et le niveau de vie moyen des ménages en fonction de la catégorie hiérarchique des militaires ou socioprofessionnelle dans le secteur privé de la personne de référence, sur la période 2013-2018 :

Source : Haut comité d’évalutation de la condition militaire

a.   Une modernisation de la prise en charge des frais de déplacement temporaire

La mesure 1.3 relative à la suppression de l’impact des déplacements temporaires sur la trésorerie des ménages vise à moderniser la prise en charge directe (PCD) de la restauration, de l’hôtellerie et des transports des missionnaires civils et militaires. Pour ce faire, une plateforme de type « agence de voyage » a été créée afin de ne pas faire peser sur les familles la charge financière liée à l’absence imposée pour des raisons de service et éviter, hors cas d’urgence, l’avance de frais par le personnel. Cette mesure est encore en cours de déploiement et a été initialement pilotée par le SCA et le service parisien de soutien à l’administration centrale (SPAC) jusqu’à la dissolution de ce dernier le 31 décembre 2020. Depuis le 1er janvier 2019, la prise en charge directe des repas en secteur administratif pour tout le personnel, à l’exception du service industriel de l’aéronautique (SIAé), est effective dans 397 restaurants en métropole et 47 restaurants en outre-mer et à l’étranger. La prise en charge directe « universelle » des frais de la filière restauration depuis 2019 comprend les petits-déjeuners, lorsque la nuitée est gratuite, et les compléments alimentaires pour les unités constituées. La prise en charge directe des déplacements en train et des nuitées en hôtellerie privée est en cours d’expérimentation au profit du personnel des groupements de soutien de base de défense de Versailles, Lille et Bordeaux. Depuis juin 2019, la prise en charge directe de l’hébergement en secteur administratif est effective au cercle de Brest-Lorient, au profit du personnel militaire. En 2020, elle a été étendue aux résidences Pascal, au profit du groupement de soutien de base de défense situé à Vincennes, et Diderot à Paris (Igesa).

La modernisation de la mobilité des militaires se concrétise également avec le projet d’agence de mobilité des armées (AMA) et la création au 1er janvier 2021 de l’opérateur ministériel de la fonction mobilité, le centre interarmées du soutien à la mobilité (CIMob). L’avancement du projet AMA, avec notamment la généralisation progressive de la prise en charge directe des autres offres de service – billetterie voie ferrée, hôtellerie privée, hôtellerie patrimoniale – est lié aux travaux portant sur le développement d’une interface de réservation sur une application smartphone dédiée à la mobilité, directement accessible pour le missionné.

Les rapporteures saluent cette évolution qui s’inscrit dans le mouvement de modernisation et de simplification de l’administration du ministère des Armées.

b.   Une extension du bénéfice du quart de place SNCF aux militaires blessés en service et de la carte Famille SNCF aux familles voyageant en l’absence du militaire

La carte de circulation donnant droit au tarif militaire sur les lignes exploitées par la SNCF est un titre officiel permettant de justifier le bénéfice d’une réduction de 75 % sur les trajets, tant professionnels que privés. Mesure préexistante au plan Famille, la carte SNCF répond aux sujétions de disponibilité et de mobilité des militaires. Ont droit à cette carte les militaires de carrière ou servant en vertu d’un contrat, qu’ils soient en activité, en congé de longue maladie ou de longue durée pour maladie résultant de blessures reçues au cours d’une OPEX ou en position de détachement sous réserve de certaines conditions. Y ont également droit les élèves des écoles militaires et les officiers généraux de la deuxième section. Les ayants droit du militaire décédé en OPEX ont droit à une carte individuelle de circulation ouvrant les mêmes avantages que ceux dont bénéficiait le militaire décédé.

Le bénéfice de cette carte de circulation SNCF a été étendu dans le cadre du plan Famille (mesure 5.4) au militaire blessé en service, en position de non activité. Celui-ci peut désormais conserver le tarif militaire SNCF – le « quart de place » – en vertu d’une circulaire du 27 décembre 2018. Cette circulaire vise les congés de longue maladie du militaire et des blessés en congé de longue maladie (CLM1) et les congés de longue durée pour maladie (CLDM). Pour la direction des personnels militaires de la gendarmerie, ce dispositif de soutien a répondu à « un réel besoin en termes de reconnaissance et d’accompagnement des personnels les plus fragilisés ».

Le CSFM souligne quant à lui qu’il serait souhaitable d’étendre la carte au personnel dont la maladie ou la blessure n’est pas imputable au service.

Avant l’adoption du plan Famille, la famille du militaire – conjoint et enfants – pouvait bénéficier d’une carte de circulation lui permettant d’obtenir une réduction de 25 à 50 %, sous réserve qu’elle voyage avec lui. Lorsque le militaire était en OPEX, sa famille pouvait disposer d’une carte temporaire lui permettant de voyager en son absence. En juillet 2015, cet avantage avait été étendu aux opérations intérieures. Cette version de la carte famille militaire revêtait la forme d’une carte pour toute la famille, au nom et avec la photo du militaire et la liste des ayants droit au verso.

La mesure 1.6 étend le bénéfice de la carte Famille SNCF en permettant au conjoint non militaire et aux enfants de voyager à taux réduit – grâce à une carte individuelle et nominative – même en l’absence du militaire ouvrant droit, et ce sans coût budgétaire pour le ministère des Armées. La réduction est de 30 % sur le tarif loisir du jour pour des voyages effectués en TGV et en train intercités et de 25 % à 50 % en fonction du calendrier voyageur sur les TER. Au 31 octobre 2021, 179 329 cartes ont été délivrées. En janvier 2020, le bénéfice de cette carte a été étendu aux enfants non rattachés fiscalement au miliaire. Les démarches permettant d’obtenir cette carte ont aussi été simplifiées et dématérialisées.

La carte Famille SNCF contribue non seulement à l’amélioration des conditions de vie du militaire grâce à un appui de sa mobilité entre sa garnison et son lieu de résidence ainsi que de sa mobilité professionnelle sur l’ensemble du territoire national, mais également à la mobilité de la famille.

 

Comme les rapporteures ont pu le noter au cours de l’ensemble des auditions qu’elles ont menées, cette mesure est particulièrement appréciée de la communauté militaire. Elles notent cependant une certaine inquiétude relative à la pérennité de ce dispositif du fait de l’ouverture à la concurrence de la SNCF. À cet égard, la DRH-MD a précisé aux rapporteures que « le ministère s’attacher[ait] néanmoins à préserver les effets de cette mesure dans le cadre des futures négociations avec la SNCF et, le cas échéant, des procédures concurrentielles relatives à la sélection de nouveaux opérateurs pour le transport ferroviaire de ses personnels et de leurs familles sur les lignes ouvertes à la concurrence. »

c.   Une augmentation du prêt habitat en faveur de l’accession à la propriété

La mesure 4.5 du plan Famille prévoyait initialement un prêt à l’accession à la propriété de 20 000 euros, auquel pouvait s’ajouter, sous condition de ressources, un prêt de travaux de 13 000 euros. Elle a été renforcée par le ministère pour être davantage utilisée par les familles qu’elle ne l’était jusque-là : en juillet 2021, le montant total du montage prêt habitat « Habitat Accession » a été porté de 20 000 à 30 000 euros et la durée de remboursement est passée de 10 à 15 ans. De même, le prêt habitat « Travaux » a été amélioré. Le montant maximum du prêt travaux est porté de 13 000 à 26 000 euros lorsque le ménage est composé de deux personnels du ministère des Armées (actifs ou retraités), remboursable en 120 mois. Il est destiné à la réalisation de travaux dans une propriété immobilière en résidence principale ou secondaire.

Les rapporteures saluent cette évolution, estimant que le dispositif antérieur n’était pas suffisamment attractif.

4.   Une simplification des démarches administratives : la désignation de la « personne de confiance »

Le ministère des Armées a également entrepris une simplification administrative, notamment avec la mesure 1.5 qui facilite les démarches pendant l’absence du conjoint. Le ministère a ainsi institué un système de procuration pouvant être accordée à une personne de confiance dans les domaines du logement défense, du changement de résidence et des démarches RH hors solde. En vigueur depuis 2019, ce système a été traité par le SCA et la direction des affaires juridiques du SGA et mise en application en 2018. Des modèles types de procuration sont proposés. En janvier 2020, la direction centrale du SCA (DCSCA) a demandé aux groupements de soutien de base de défense d’inclure le dispositif dans le cadre du circuit départ OPEX ([52]) afin que ce système de procuration soit systématiquement proposé au personnel partant en mission.

Les rapporteures se félicitent de cette mesure de simplification, particulièrement bienvenue durant ces moments de vie où le conjoint de militaire assume une importante charge mentale du fait de l’accumulation de nombreuses responsabilités familiales et professionnelles. L’Association nationale de femmes de militaires (ANFEM) précise qu’en moyenne, l’épouse de militaire réalise à 99 % les démarches liées au déménagement de la famille.

5.   Le plan wifi, une mesure phare visant à renforcer le lien entre le militaire et sa famille qui a connu un véritable succès

Comme les rapporteures l’ont souligné en première partie du rapport, la numérisation croissante de la société fait évoluer la nature de la communication entre les militaires et leur famille, cette communication devenant une composante essentielle de la vie des militaires et fondant la notion même d’indisponibilité – qui diffère selon les armées. Dans son 12e rapport ([53]), le HCECM souligne qu’« il apparaît nécessaire de mieux garantir l’accès à internet des militaires hébergés en caserne. Le déploiement du wifi gratuit dans toutes les enceintes, dans les lieux de convivialité ainsi que dans les lieux d’hébergement des troupes et des cadres, répond au besoin d’éviter une fracture numérique qui, à terme, pourrait avoir une incidence sur l’attractivité de la fonction militaire. »

L’extension de la connectivité à la fois dans les enceintes militaires (mesure 6.1.1) et en opérations extérieures (mesure 6.1.2) vise ainsi à prendre en compte l’importance du lien familial, les contraintes du célibat géographique, de l’isolement de certains sites militaires ainsi que la continuité de la vie numérique, et le lien avec la famille lors de l’absence du militaire.

La mesure 6.1.1 assure aux militaires l’accès à un wifi gratuit et sécurisé dans les enceintes militaires. Pour ce faire, le SCA et l’Économat des armées (EdA) ont signé pour cinq ans une convention cadre le 21 février 2018 qui fixe les modalités générales d’accès à un service internet de loisir. Cette convention a été déclinée en plusieurs conventions subséquentes : transition, métropole, outre-mer et étranger, étude de faisabilité wifi port-base au profit des bâtiments de la Marine nationale.

Au 15 novembre 2021, le ministère a mis en service 148 839 connexions wifi gratuites ([54]), déployées dans 2 385 bâtiments de métropole, 102 espaces ATLAS et 512 bars, foyers, chambres de passage et lieux de convivialité, dans le cadre du marché ILOSCA conclu avec la société Wifirst, pour un montant de 15 millions d’euros par an. Selon un sondage réalisé par le SCA auprès de 6 500 sondés, le taux de satisfaction du service s’établit à 72,3 % et 87 % des usagers sont satisfaits de l’accès au service client. Le déploiement n’est cependant pas encore effectif sur tous les sites métropolitains et ne concerne pas la gendarmerie. Le ministère s’emploie à résorber les difficultés techniques rencontrées sur des sites non encore desservis soit 61 bâtiments représentant 1 898 connexions. Pour mémoire, 19 bâtiments, répartis en métropole, font l’objet d’une réhabilitation – mise aux normes, désamiantage – et se verront dotés du wifi à l’issue des travaux.

 

 

Le tableau ci-dessous ([55]) présente le déploiement du wifi gratuit en métropole au 6 septembre 2021 :

 

Bâtiments déployés au 06/09/2021

2 379

Lits déployés (cible actualisée 152 222 lits)

148 691

Bars / Foyers / Chambre de passage / Lieux de convivialité

507

Espaces Atlas

102

Les mises en service en outre-mer et à l’étranger sont achevées ou en cours. Elles font appel à des opérateurs locaux pour le Pacifique et les Émirats Arabes Unis, et un marché avec l’Économat des armées pour la zone Antilles-Guyane, Océan Indien et Afrique. Le coût total du déploiement en outre-mer et à l’étranger s’élève à 4 millions d’euros par an.

Le déploiement est achevé pour les territoires suivants :

– La Réunion où 48 bâtiments sont concernés et bénéficient de 861 connexions ;

– Mayotte, avec 13 bâtiments et 366 connexions ;

– la Martinique, avec 25 bâtiments et 736 connexions ;

– la Guadeloupe, avec 3 bâtiments et 129 connexions.

En parallèle, le déploiement se poursuit sur les territoires suivants :

– le Sénégal où 40 bâtiments et 474 connexions sont concernés ;

– la Guyane, avec 95 bâtiments et 2 143 connexions. Le déploiement est en cours et se poursuit. Au 20 août 2021, le déploiement était effectif pour 21 bâtiments et 668 connexions ;

– la Côte d’Ivoire, avec 47 bâtiments et 1 008 connexions. Le déploiement a été prévu à partir de septembre 2021.

– Djibouti, avec 52 bâtiments et 1 247 connexions. Le déploiement a débuté en octobre-novembre 2021.

En juin 2020, l’Économat des armées a lancé une étude sur le wifi à bord des bâtiments à quai de la Marine nationale qui ne devraient être couverts qu’en 2022-2024. Le coût estimé par le SCA oscille entre 1,6 et 2 millions d’euros par an pour 43 bâtiments. L’équipement des bâtiments de la Marine Nationale en wifi, via satellite, constituerait une mesure de fidélisation importante. Une expérimentation est en cours sur les bâtiments de surface, notamment sur la Jeanne (projet Ariane) avec l’opérateur satellitaire SES et NG. Le service wifi a remporté un succès notable, particulièrement plébiscité par le personnel et offrant un accès internet selon des horaires prédéfinis.

La mesure 6.1.2 assure quant à elle le déploiement d’un internet de loisirs en opérations extérieurs dans le cadre du second marché conclu avec la société Wifirst (ILOPEX). L’objectif du ministère des Armées est d’assurer l’accès à un flux forfaitaire de données internet ainsi qu’à des communications téléphoniques dans les enceintes militaires sur 100 % des sites. L’action a été menée à bien et en mars 2020 durant la crise sanitaire, les forfaits de communication internet et téléphones de loisirs en OPEX ont été offerts aux militaires et provisoirement doublés, soit 4 giga-octets de données et 360 unités de téléphone par personne et par mois pour une durée de trois mois.

Les personnes auditionnées par les rapporteurs ont unanimement souligné que le déploiement du wifi sur certains théâtres d’opérations représentait une avancée majeure, notamment en ce qu’il permet au militaire de maintenir le lien avec ses enfants. Le fait de pouvoir appeler ses enfants en « visio » régulièrement permet au parent absent de communiquer avec eux, de continuer à exercer son autorité parentale à distance et de rassurer ses enfants sur ses conditions de vie et les éventuelles inquiétudes qui pourraient exister quant à sa mission.

Le déploiement des réseaux Wifirst sur les théâtres d’opération permet aussi aux militaires d’avoir un accès sécurisé à internet. Avant, il était courant que les militaires acquièrent des cartes SIM locales pour pouvoir communiquer entre eux et avec leurs familles, ce qui présentait une faille de sécurité importante, toutes leurs données passant par l’opérateur local, y compris certaines données pouvant être considérées comme confidentielles.

Les rapporteures notent que ces deux mesures sont très appréciées, à la fois dans le cadre du marché ILOSCA et du marché ILOPEX. L’enquête menée par le SGA en 2020 indiquait également que pour 61 % des militaires interrogés, l’accès gratuit et performant à internet constituait une mesure « tout à fait prioritaire » pour améliorer les conditions de vie en garnison. Ils étaient 25 % à la juger « prioritaire », soit un total de 86 % d’avis favorables à cette mesure.

Cependant, le constat des nouveaux usages d’internet, liés notamment aux réseaux sociaux et au visionnage de vidéos à la demande, conduit les rapporteures à s’interroger quant à la pertinence de la dotation accordée par l’offre actuelle du ministère. En vue du renouvellement du marché en 2023, le ministère étudie les modalités de prise en compte de ces nouveaux usages de sorte que chacun puisse en bénéficier lorsque les conditions techniques le permettent à un coût acceptable.

B.   Une simplification de certaines démarches liées à la mobilité

La mobilité, tant géographique que fonctionnelle, concerne tous les militaires et se justifie par le modèle RH des armées, fondé sur la nécessité de ne pas voir des organisations se rigidifier ni se développer des cultures régionales, dans la Marine par exemple. Elle permet aussi de faire évoluer les carrières en tenant compte du principe de non-personnalisation du commandement. Les militaires sont en moyenne deux fois plus mobiles que les agents de la fonction publique de l’État. À eux seuls, les officiers sont de 3 à 4 fois plus mobiles que les fonctionnaires de l’État de catégorie A.

1.   Un effort d’optimisation du soutien au déménagement

Devenue pour certains un repoussoir, la mobilité géographique est associée à de nombreuses procédures et démarches, notamment au moment du déménagement. Comme les rapporteures l’ont souligné supra, les conjoints de militaire, qui sont dans l’écrasante majorité des femmes, jouent un rôle essentiel lors des mutations, s’assurant de l’inscription scolaire des enfants, de l’organisation du déménagement, de la recherche de logement, etc. Le taux moyen de mobilité géographique avec changement de résidence varie autour de 12 % dans les armées. Deux mesures illustrent les avancées développées depuis 2018 dans le cadre du plan Famille :

la mesure 3.1.1 qui assure une optimisation du dispositif actuel de déménagement pour la métropole et les outre-mer ;

la mesure 3.1.2 assurant l’étude, sur base des expérimentations en cours, de solutions alternatives ou complémentaires.

Afin de faciliter les déménagements, le décret n° 2018-45 du 30 mai 2018 a ainsi prévu la possibilité de percevoir une avance des frais de déménagement cinq mois avant le déménagement au lieu de trois auparavant et la réduction d’un mois du délai de dépôt de pièces justificatives ainsi qu’une participation forfaitaire de l’État aux frais de gardiennage de mobilier sur le territoire métropolitain pour les militaires mutés en outre-mer et à l’étranger dans des logements meublés.

En outre, deux démarches ont été engagées et pérennisées dans le cadre de la mesure 3.1.2 :

– le service numérique intégré de déménagement « pas à pas » du type plateforme multi-déménageurs (PFMD) qui assure un paiement de la facture directement par l’administration par subrogation ;

– et le passage de marchés publics qualifiés de « contrats globaux » avec des sociétés de déménagement pour certains pays étrangers.

Depuis son expérimentation, le service de la plateforme multi-déménageurs a été pérennisé et au 31 octobre 2021, 3 181 dossiers avaient été traités via la PFMD, soit 41,6 % des déménagements de mobilier en métropole et par voie routière en Europe. En 2020, le taux de satisfaction à l’égard du dispositif était de 85 %.

À partir de 2020, plusieurs actions de simplification ont également été menées pour faciliter les déménagements, telles que la fourniture d’un devis unique ou l’extension du dispositif de plateforme multi-déménageurs aux déménagements par voie routière en Europe (22 dossiers validés pour des déménagements par voie terrestre à l’étranger en 2020). Un « plateau opérateur de déménagement » (POD) a été développé afin de résoudre les problèmes rencontrés par les familles et les militaires. Ce POD a pris contact avec les familles pour s’assurer du bon déroulement de leur déménagement. Concernant les « contrats globaux », l’expérimentation du contrat mené à Djibouti a été étendue, notamment pour le retour du Gabon, de Djibouti, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire (dans le sens du pays concerné vers la France). Aucun autre contrat n’est prévu à ce jour.

Le plan annuel de mutation (PAM) 2021 est marqué par la reconduction du plateau opérateur de déménagement (POD) et des opérations de prospection téléphonique auprès des mutés avant et après déménagement. Une nouvelle mesure de traitement dématérialisé et simplifié des dossiers de transport de bagages est appliquée en métropole.

Enfin, au titre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NRPRM), sur laquelle les rapporteures reviennent infra, le personnel perçoit depuis le 1er janvier 2021 une indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) lors de chaque mutation.

Ces mesures sont très appréciées des militaires et de leur famille. Ce constat est confirmé par l’enquête réalisée par le SGA en 2020 puisque 37 % des militaires estiment avoir connu une amélioration dans l’organisation de leur déménagement et 43 % pour le délai d’information relatif à la mutation. Le choix doit absolument continuer à être laissé, comme c’est le cas actuellement, entre le système de déménagement classique et la plateforme multi-déménageurs. La DPMM suggère qu’une aide renforcée puisse être apportée aux marins en mer au moment du déménagement.

 

2.   Un ajustement de la politique de mobilité visant à mieux prendre en compte les attentes de stabilité, de proximité et de visibilité des militaires et de leur famille

 

Au-delà de la problématique du déménagement, le plan Famille rénove plus largement le dispositif de la mobilité fonctionnelle des militaires dans une perspective d’optimisation, d’individualisation et de co-construction des parcours professionnels. L’objectif est de rendre le militaire acteur de son parcours tout en fidélisant les effectifs grâce à une meilleure stabilité familiale et en repensant les besoins de l’institution militaire. Pour mieux prendre en compte les évolutions sociales et les attentes des militaires, notamment des nouvelles générations qui cherchent de plus en plus à trouver un compromis entre l’équilibre familial, l’épanouissement professionnel des deux membres du couple et l’équilibre financier, les directions des ressources humaines ont ajusté leur politique de gestion de la mobilité.

 

La mesure 3.2.1 poursuit la rénovation de la politique d’optimisation de la mobilité engagée par les DRH des armées, directions et services. Les ordres de mutation sont désormais édités cinq mois avant la date d’affectation pour la quasi-totalité (85 %) des militaires en 2021, ce qui a pour but de faciliter la recherche de logement ([56]) ou d’école pour les enfants. L’ordre de mutation peut être adressé directement au domicile du militaire. D’après le sondage réalisé en 2020 par le SGA, 69 % des militaires interrogés qualifiaient de « facile », selon le terme retenu dans cette enquête, le délai entre le moment où ils étaient informés de leur mutation et la date effective de celle-ci.

 

La mesure 3.2.2 « informer systématiquement le personnel sur la durée prévisible d’affectation » donne une meilleure visibilité au militaire sur son affectation afin de lui permettre d’organiser sa vie de famille. Le personnel est informé individuellement de son temps d’affectation prévisionnel sur le support d’information choisi par son armée d’appartenance. Effective depuis 2018, cette mesure est devenue « indispensable » à la politique de gestion des ressources humaines tout en permettant de préserver l’efficacité et la réactivité propres au statut militaire.

 

La mesure 3.2.3 a pérennisé la démarche d’individualisation des parcours professionnels dans le cadre du dialogue de gestion qui s’établit entre l’employeur et le militaire. Ce dialogue de proximité est propre à chaque armée et comprend la possibilité d’accorder des dérogations sur agrément à certaines règles de gestion. Une adaptation au cas par cas est assurée dans le souci d’optimiser le parcours professionnel du militaire. Certains aménagements témoignent de l’individualisation du dialogue de gestion, comme par exemple l’effort de mutation du militaire dans un certain périmètre géographique, l’adaptation de la durée de commandement ou l’accompagnement au retour ([57]) dans les forces.

 

Dans l’armée de l’Air, l’individualisation des parcours professionnels s’appuie sur des entretiens de carrière ainsi que sur l’espace personnel de valorisation individuelle des expériences réalisées (EPerVIER). S’agissant des entretiens individuels, en sus des entretiens définis, les officiers ont la possibilité à tout moment de leur carrière de solliciter la direction des ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace (DRHAAE) pour un entretien d’opportunité. De la même manière, tous les sous-officiers peuvent solliciter le commandement local. Pour l’intéressé il s’agit de faire part de ses ambitions pour l’avenir, et pour le commandement local ou la DRHAAE, de le conseiller et de lui communiquer les possibilités de cursus offertes par l’institution en fonction de ses besoins. Le système d’information EPerVIER permet quant à lui d’optimiser le suivi individualisé des compétences et des parcours des aviateurs ainsi que d’actualiser la cartographie de son capital « compétences ».

 

Selon l’enquête du SGA en 2020, 71 % des militaires interrogés considéraient comme « facile » le dialogue avec le gestionnaire RH sur la mobilité, soit un solde « amélioré-dégradé » sur les trois dernières années en augmentation de 14 points. Le CSFM estime cependant que « le dialogue de gestion reste perfectible suivant le niveau d’implication et de subsidiarité du commandement ».

 

Enfin, la mesure 4.3 relative à l’ouverture de la colocation des logements défense aux officiers célibataires et célibataires géographiques facilite l’accès des militaires au logement familial qui peuvent dès lors bénéficier d’un loyer et de charges locatives réduites. Le personnel non officier en situation de célibat géographique peut aussi déposer un dossier de demande de logement, celui-ci peut lui être attribué à titre exceptionnel lorsque les ressources en logement le permettent. Bien que peu utilisée, cette mesure constitue néanmoins une avancée dans un contexte d’offre restreinte et d’augmentation du célibat géographique. Le dispositif est pérennisé et repris dans la nouvelle version de l’instruction ministérielle IM 1134 qui vient d’être refondue. Au 31 mars 2021, on recensait au total 23 colocations au profit de 50 colocataires.

C.   Un renforcement de l’intégration à la communauté de défense

Le sentiment d’adhésion à la communauté de défense s’amoindrissant, notamment chez les jeunes conjoints actifs, les concepteurs du plan Famille ont jugé nécessaire de prendre les devants, selon trois axes : renforcer le lien entre les familles de militaires (1), entre l’institution militaire et les familles (2) ainsi qu’entre l’institution militaire et le militaire (3).

1.   L’appartenance à une communauté « singulière » : le lien entre les familles de militaires

Le plan Famille comporte plusieurs mesures ayant pour objectif de favoriser l’entretien d’un lien communautaire entre les familles de militaires.

La mesure 2.1.3 vise à renforcer les capacités d’organisation d’activités de cohésion en augmentant les crédits « d’action sociale communautaire et culturelle » (ASCC). À la main du commandant de base de défense (COMBdD) ([58]), les actions sociales communautaires et culturelles prennent essentiellement la forme de visites, d’excursions, de spectacles, de réunions d’accueil et d’information ou de journées d’accueil des nouveaux arrivants. Leur objectif est de faciliter l’insertion des familles grâce à des activités de loisirs culturelles et éducatives. Le plan Famille vise à renforcer, pendant la durée de la loi de programmation militaire, les activités de cohésion et d’intégration telles que les séances récréatives pour les enfants (sorties à la patinoire ou dans des parcs d’attraction, par exemple), l’organisation d’arbres de Noël ou encore de visites culturelles. Igesa assure directement ([59]) le paiement de la prestation ASCC. Le plan Famille a abondé ces crédits d’un million d’euros en 2019 puis d’un million d’euros supplémentaire en 2020, soit un surplus de 2 millions d’euros par an à compter de 2020 et pour les années à venir. Au total, ces crédits ont augmenté de 28 % depuis 2017 – un effort budgétaire que saluent les rapporteures.

La mesure 2.1.4 complète la précédente en permettant aux familles de célibataires géographiques de bénéficier des structures et des offres présentes sur leur lieu de résidence : activités de cohésion organisées pour les familles et accès aux services des cellules d’information et d’accompagnement des familles ([60]) (CIAF), des espaces ATLAS et des bureaux du logement.

En décembre 2020, l’action sociale des armées a reconnu la possibilité pour les familles des personnels civils et militaires célibataires géographiques d’avoir accès, à leur demande, aux actions sociales communautaires et culturelles du comité social compétent géographiquement par rapport à leur lieu de résidence.

Quant à l’accès au soutien fourni par les cellules d’information et d’accompagnement des familles (CIAF), cellules sur la création et le fonctionnement desquelles les rapporteures reviennent infra, il n’est pas encore engagé de façon uniforme par l’ensemble des bases de défense, la difficulté étant d’identifier toutes les familles concernées. Les CIAF visent à accompagner et à informer les familles durant les absences opérationnelles et dans le cadre de mobilité tout en effectuant un travail de réorientation vers les autres acteurs du ministère le cas échéant.

Enfin, le principe d’accès des familles aux espaces ATLAS leur est acquis et une étude est en cours sur l’accès au soutien des familles de militaire absents notamment afin d’identifier les prestations de soutien leur étant ouvertes et leurs modalités de délivrance ([61]).

Pilotée par le SCA, la délivrance d’une carte de conjoint standardisée, mesure 2.2.1, assure un accès facilité aux enceintes militaires – lorsque c’est possible – ainsi qu’aux cercles mess. Si elle ne constitue pas en elle-même un droit d’accès aux enceintes militaires, elle traduit une forme de reconnaissance du conjoint par l’institution militaire et, sur le plan pratique, permet d’éviter le préavis nécessaire à l’accès à toute enceinte militaire, suivant l’accord local du commandant du site. Sauf exceptions locales, la carte Famille SNCF constitue la carte de conjoint standardisée, accompagnée d’une carte d’identité. Cette mesure est pilotée conjointement par le SCA et le CICoS et a commencé à être appliquée en 2019 pour les familles en ayant fait la demande. Au 30 juin 2021, 165 988 cartes ont été délivrées mais la facilitation des accès aux sites reste encore inégalement assurée.

Enfin, la mesure 2.4.3 prévoit des investissements – actuellement en cours – dans les centres de vacances de jeunes et les établissements familiaux afin de rendre l’offre de loisirs d’Igesa plus accessible et attractive auprès de la communauté militaire. Le plan de rénovation doté de 50 millions d’euros devrait aboutir à la fin de l’année 2022 et permettra la montée en gamme des hébergements de vacances de deux à trois étoiles. En 2020, 13 opérations de rénovation ont été menées. En 2021, les opérations de rénovation se sont poursuivies et ont concerné la réfection de l’hébergement et de la climatisation de l’hôtel-club Agay Roches Rouges ([62]), la première phase des travaux de l’Hôtel club de Pralognan ([63]) et la modernisation de l’hébergement du village club de Porquerolles ([64]). Devraient être réalisés d’ici à la fin de l’année 2021 :

– la deuxième phase des travaux de l’hôtel club de Pralognan qui concerne le bâtiment Beausejour ;

– les espaces communs et la mise en conformité du système de sécurité incendie de l’hôtel club Trez-Hir ([65]) ;

– les logis du personnel et la création d’une salle polyvalente à La Marana ([66]).

Si l’offre Igesa est jugée globalement attractive, elle pourrait être optimisée sur les plans administratif et financier. La DRH-AT note ainsi que « l’Igesa peine à accueillir les plus jeunes ressortissants et surtout les militaires du rang, même chargés de famille. Les séjours à thème, proposés par l’Igesa n’ont pas donné les effets escomptés pour deux raisons : un fossé culturel difficile à combler et aussi des prévisions de permissions difficiles à anticiper pour les plus jeunes militaires ». Le CSFM considère pour sa part que le « remboursement intégral d’un séjour lors d’une annulation pour cause de mission opérationnelle est une réelle avancée » mais que « la lourdeur administrative des demandes couplées à une offre tarifaire parfois équivalente dans le secteur civil rendent certaines offres moins concurrentielles ».

2.   Un lien renforcé entre l’institution militaire et les familles 

Outre un lien renforcé entre les ressortissants locaux de la communauté de défense, le plan Famille place l’accompagnement social et la reconnaissance de la famille par l’institution au cœur de son dispositif.

a.   Une reconnaissance de l’engagement associatif en faveur de la communauté militaire

L’initiative associative alimente traditionnellement les ressources des commandants de formation : beaucoup d’entre eux s’appuient en effet sur des associations d’unité, de familles ou d’anciens pour amplifier les effets de leur politique de condition du personnel tandis que des associations d’ampleur nationale complètent les ressources locales sur des projets ou en réponse à des situations particulières.

La reconnaissance de l’engagement associatif ainsi que la récompense de l’investissement personnel du militaire ou du conjoint, mesure 2.2.2, se matérialisent par diverses récompenses : ordres nationaux, médaille de la jeunesse et des sports, médaille de la défense nationale, etc. Appliquée dès 2018, cette mesure est conduite conjointement par la DRH-MD et le commandement local. Des campagnes annuelles de reconnaissance de l’engagement associatif ont été organisées et sont désormais pérennisées. En 2018, 20 médailles de défense, échelon argent, ont été attribuées à titre exceptionnel et un chevalier de l’ordre national du Mérité a été nommé. En 2019, 11 médailles de la Défense nationale, échelon d’argent, ont été remises à des membres actifs des associations œuvrant au profit de la défense. En 2020, 4 médailles de la défense nationale échelon argent ont été attribuées à titre exceptionnel. La campagne 2021 a été lancée et au 31 octobre dernier, aucune décision d’attribution n’avait été notifiée.

Dans le même esprit, la mesure 2.2.3 soutient les initiatives du tissu associatif agissant au profit de la communauté militaire et de défense, et en particulier les conjoints et les enfants. À l’échelon local, le ministère apporte son soutien financier et obtient au profit de ces associations des exemptions de redevance d’occupation ou de gratuité de la redevance. Cette action en cours depuis 2018, pilotée par la DPMA et l’action sociale des armées (ASA), est financée à l’aide d’une dotation budgétaire de 50 000 euros reconduite chaque année. De plus, l’élaboration d’un dispositif réglementaire permettant d’encadrer l’appréciation par les directions départementales des finances publiques des montants des redevances d’autorisation d’occupation temporaire est en cours. Le décret relatif aux ressortissants de l’action sociale des armées nécessitant une validation par plusieurs ministères, il devrait être opérant au premier semestre 2022.

b.   Les mutuelles historiques, des acteurs au cœur du sentiment d’appartenance

La mesure 5.2, pérennisée par la DRH-MD depuis son lancement en 2018, vise à assurer une meilleure communication sur les dispositifs d’aide sociale des mutuelles historiques ([67]) et incite les mutuelles à proposer ce type d’offre, notamment dans le cadre de l’obtention d’un prêt immobilier. Ces offres sont désormais visibles sur le nouveau portail e-social des armées.

c.   Un accompagnement renforcé dans le cadre de la blessure et du décès du soldat : une actualisation des outils d’aide et un élargissement de la prise en charge financière

Dans sa revue annuelle sur la condition militaire de décembre 2020, le Haut Comité recense, pour 2019, 18 militaires des armées, directions et services morts en opérations extérieures et 9 en mission intérieure, dont deux gendarmes. En 2019, le service de santé des armées a commencé le suivi de 231 nouveaux cas de militaires des forces armées présentant des troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant contre 199 en 2018.

Toujours dans une optique d’information et de communication sur l’accompagnement dont sont bénéficiaires les familles de militaire, la mesure 5.3.2 prévoit ainsi l’actualisation des guides dédiés aux familles.

Le guide du parcours du militaire blessé a ainsi fait l’objet d’une refonte conduite par un groupe de travail associant tous les acteurs concernés, dont le CSFM. Visant à être adapté à son utilisateur, le guide est accessible en ligne et sur le portail e-social. Sa diffusion est prévue au printemps 2022.

Parallèlement, le guide des familles endeuillées dont la création avait été lancée en 2018, est en cours de mise à jour et s’articule autour de 8 points : l’annonce du décès, les premières heures, les obsèques, les droits ouverts, les organismes de protection sociale complémentaire, l’action sociale, les principales associations à caractère social et les contacts utiles.

La mesure 2.5 facilite et élargit quant à elle les conditions de prise en charge financière des familles des blessés notamment en termes de trajet et d’hébergement. Plusieurs évolutions sont introduites dans l’accompagnement apporté par le ministère des Armées :

– ouverture à toutes les blessures contractées en service et non plus seulement à celles résultant des OPEX ;

– augmentation de 4 à 6 du nombre de personnes prises en charge (plus 50 %) ;

– élargissement du bénéfice de l’aide aux familles ou aux proches d’un agent civil du ministère des armées ;

– augmentation de la durée de prise en charge de 21 jours à 56 jours calendaires ;

– forfaitisation des remboursements des repas et des transports en commun ;

– limitation à un seul interlocuteur pour le traitement du dossier secours au profit des familles.

Tout comme le maintien de la carte SNCF ([68]) au profit des militaires en position de non activité (CLM et CLDM) en lien avec le service, l’aide financière aux familles de militaires hospitalisés à la suite d’une blessure en service était très attendue par le corps militaire. La direction des personnels militaires de la gendarmerie salue l’amélioration considérable du dispositif, celui-ci donnant « pleinement satisfaction en termes de niveau et de durée de la prise en charge » et répondant « à un réel besoin de la gendarmerie au regard du volume de blessés déploré chaque année : 6 553 en 2020 ».

d.   Une meilleure prise en compte des nouveaux modèles familiaux dans l’action sociale

Enfin, la mesure 5.6, dont la réalisation remonte à 2020, simplifie et harmonise le calcul du quotient familial des cinq prestations de l’action sociale des armées qui y sont soumises : la garde d’enfants en horaires atypiques, l’accueil périscolaire, la rente-survie ([69]), la prestation de soutien en cas d’absence prolongée et la prestation éducation. Cette action permet une meilleure appréciation des droits selon un mode de calcul unique (à partir du plafond de ressources et de la composition familiale). Certaines situations familiales sont désormais mieux prises en compte, notamment celles des familles monoparentales, des familles comprenant une personne en situation de handicap et des familles ayant des enfants en garde alternée.

e.   Une formalisation des échanges avec les associations de conjoints

Introduite en 2021, la mesure 2.8 vise à la création d’un espace d’échanges, appelé observatoire des conjoints, afin que les associations de conjoints puissent faire part de leurs attentes ou de leurs difficultés et notamment que la question de l’emploi du conjoint soit pleinement appréhendée par les armées.

Une première réunion de cet observatoire s’est tenue le 19 novembre dernier. La ministre des Armées a ouvert cet événement, auquel participaient l’état-major des armées, les directions des ressources humaines des armées et la direction des ressources humaines du ministère. Lieu d’information et d’échanges, l’observatoire est également un cadre devant permettre aux associations de mener des travaux d’étude et de formuler des propositions au ministère des Armées. L’observatoire se réunira une fois par an.

3.   Le lieu de travail du militaire, cadre de vie constitutif de l’esprit de corps

L’amélioration des conditions de vie qui vise à la modernisation des services de soutien et à la fidélisation du personnel, se concrétise par deux mesures.

La mesure 6.1.3 favorise le renouvellement du cadre de vie en garnison grâce à l’utilisation et à l’augmentation des crédits d’amélioration des conditions de vie (AACV) à la main des commandants de base de défense. Les crédits AACV ([70]) contribuent également au développement des activités socio-culturelles et de loisirs, notamment via une participation financière à des projets initiés par des organismes, clubs sportifs, foyers et associations. Selon les informations transmises aux rapporteures par la DRH-MD, les crédits AACV ont connu une augmentation de 60 % depuis le lancement du plan Famille.

Concernée par les conditions de vie en caserne dont les exigences s’imposent aussi aux familles de ses personnels, la gendarmerie verse à ce titre une contribution annuelle au ministère des Armées. Aussi, comme l’indique la direction des personnels militaires de la gendarmerie (DPMG), la gendarmerie « ne peut que se réjouir des aménagements proposés dans le cadre de ce plan ». Cependant, sans atténuer les améliorations introduites par cette mesure, la DPMG souligne l’insuffisance des crédits alloués qui « conduisent à privilégier l’achat de petits matériels de confort (électroménager, mobilier), au détriment de projets plus importants (installations multisports), afin de donner satisfaction au plus grand nombre, sauf à avoir recours à d’autres financements ». Celle-ci ajoutant que « les contraintes pesant sur l’utilisation des crédits et la lourdeur de la procédure de traitement administratif peuvent décourager les membres des comités sociaux et les professionnels, et freiner la réalisation des projets ».

La mesure 6.1.3 est complétée par la mesure 6.1.4 qui améliore l’offre de services en unité et garnison. Le premier objectif est la rénovation des lieux de convivialité (foyers, bars, salles café, salles de restauration) grâce à une modernisation des locaux (mobilier, décoration, acoustique), à la fourniture de services de restauration individuelle aux heures non ouvrées (restauration rapide, plats à emporter) et à la rénovation des équipements de loisirs (téléviseur connecté, abonnement vidéo en ligne, consoles de jeu, baby-foot).

Le deuxième objectif est le déploiement d’une offre de service « activités physiques de loisirs et de détente au travail » afin de faciliter l’accès à des installations sportives, en privilégiant d’abord les sites les plus isolés. On dénombre ainsi en 2021 18 City Park ([71]), 40 installations sportives (34 Mouv’Roc ([72]), 2 FreeTness ([73]) et 4 modules d’optimisation de la pratique sportive ou MOPS), 24 distributeurs de pizza (et au total, 75 depuis 2018) et 25 rénovations de foyers. La rénovation de la piscine d’Évreux et de la piste d’athlétisme de Versailles ont également été conduites en 2021.

 

Le SCA est chargé du déploiement de ces projets pour lesquels le SID apporte son assistance active. D’après les informations transmises aux rapporteures par le SID, les actions d’infrastructures prévues au titre d’un projet global comprenant l’équipement s’élèvent à un total de 93 millions d’euros sur la période 2019-2026. L’effort consenti en 2021 est de 9,5 millions d’euros :

 

– 7 millions d’euros de travaux sont réalisés par la DCSCA et le CICoS, répartis entre les équipements nouveaux (kiosques à pizzas, distributeurs de plateau, Mouv’Roc, city stades) et les rénovations d’espaces de convivialité ;

 

– 2,5 millions d’euros à la charge du SCA dans le cadre de projets d’aménagements intérieurs globaux (mobilier, équipements, décoration).

 

Le CSFM souligne l’importance de ces deux mesures pour la communauté militaire, « fortement attachée aux lieux de cohésion permettant de se retrouver notamment dans les garnisons isolées et outre-mer ». D’après le sondage réalisé en 2020 par le SGA, 73 % des militaires interrogés qualifient de « prioritaire » ou d’« importante » la rénovation des espaces de convivialité, 72 %, la rénovation ou le déploiement des installations sportives et 56 %, l’installation de solutions de restauration rapide disponibles 24 heures sur 24 dans les garnisons ou près des logements militaires. Les DRH des trois armées saluent les efforts réalisés, qu’elles espèrent voir menées à leur terme.

III.   Plusieurs difficultés liées à la mobilité des militaires restent encore prégnantes et requièrent une attention particulière

Si nombre de mesures du plan Famille apportent pleinement satisfaction à la communauté du ministère, les rapporteures estiment que d’autres volets de cette politique requièrent une attention renouvelée. Il s’agit au premier chef de l’accompagnement à l’emploi des conjoints en cas de mutation mais aussi de la scolarisation des enfants et du processus d’attribution des logements. Les rapporteures notent que pour la DRH-AT, « malgré les efforts entrepris, l’accompagnement de la mobilité avec le tryptique "logement, emploi du conjoint, scolarité des enfants" reste un domaine où les gains du plan Famille ont été marginaux ».

A.   Une politique d’offre de logement dynamique mais une attribution tardive des logements qui limite la portée des mesures visant à permettre l’anticipation de la mobilité du militaire

1.   Le logement, principal sujet d’insatisfaction des familles

L’un des principaux facteurs de stress pour les familles des militaires mutés réside dans la recherche de logement, en particulier dans les zones tendues comme Paris et Toulon, logement qui conditionne la domiciliation et donc la scolarisation des enfants mais aussi la recherche d’emploi pour le conjoint qui suit le militaire muté. La problématique générale du logement semble constituer le principal motif d’insatisfaction ([74]) des familles. Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire notait dans son 12e rapport thématique que « la fréquence des mobilités géographiques et la diversité des situations que peuvent rencontrer les militaires mutés rendent sensible la question de l’accès au logement. Or, la dispersion des implantations militaires sur le territoire national confronte les militaires à une grande diversité de marchés locaux de l’immobilier : à Paris ou à Toulon les militaires font face à un marché très onéreux tant à l’achat qu’à la location tandis qu’à Luxeuil ou à Rosnay le marché est très porteur à l’achat même si la revente peut être difficile (ce qui peut freiner un militaire à investir) mais peut, ponctuellement, être plus complexe pour la location, l’offre étant réduite. Les militaires cherchent généralement un logement à proximité de leur lieu d’affectation : le lieu de résidence résulte de la résolution d’une équation où les variables sont le travail du conjoint, la garde ou la scolarité des enfants, les réseaux de socialisation, le coût de la location ou la rentabilité d’une acquisition. In fine, les militaires privilégient souvent la location dans une zone assez largement étendue autour du lieu d’affectation. Ils sont moins propriétaires de leur résidence principale que le reste de la population (58 % des ménages français et 62 % des fonctionnaires sont propriétaires ou accédant à la propriété contre 43 % des militaires). (…) Le logement est en tête des motifs d’insatisfaction des militaires alors qu’il ne fait pas partie des cinq premiers sujets d’inquiétude pour le personnel civil. »

L’enquête menée par l’OSAA ([75]) au profit de l’armée de l’air et de l’espace soulève la nette diminution de la satisfaction quels que soient le domaine et le grade interrogé entre 2017 et 2021. Le tableau présenté ci-dessous illustre ce constat, avec une satisfaction passant par exemple de 69 % à 40 % pour la qualité de l’accueil et le suivi du dossier par le bureau régional des logements (BRL) :

2.   Une politique de logement poursuivant un double objectif : compenser la mobilité et répondre à une préoccupation sociale

Afin de satisfaire au besoin de logement des militaires, la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) du ministère des Armées mène une politique visant un double objectif : compenser la mobilité exigée des militaires et répondre à une préoccupation sociale au profit du personnel – militaire et civil – aux revenus modestes, et donc en particulier au profit des militaires du rang. Si le ministère des armées n’a pas vocation à se subsister à la politique d’aide au logement de l’État, en complément, et dans le cadre de sa politique d’accompagnement social, sa politique du logement familial vise prioritairement à compenser les difficultés de logement induites par les mutations, principalement dans les zones où le logement est rare et cher. Pour les militaires, cette politique se fonde sur l’article L. 4123-1 du code de la défense qui dispose que « lorsque l’affectation entraîne des difficultés de logement, les militaires bénéficient d’une aide appropriée ». La politique ministérielle du logement familial vise également à aider les personnels militaires et civils à faible revenu, de manière à garantir une implantation équilibrée de toutes les catégories de personnels au sein des garnisons. Pour satisfaire ces deux objectifs, le ministère des Armées entretient un parc de logements adapté aux besoins et aux ressources de ses agents ainsi qu’aux particularités locales du marché locatif. Ces logements sont loués à ses ressortissants à des loyers inférieurs au prix du marché.

D’après le 12e rapport du Haut Comité ([76]), le parc global comportait en 2017 42 349 logements, dont 32 543 logements réservés par convention et 594 logements pris à bail. Le graphique présenté ci-dessous fait état de l’évolution du parc de logement du ministère des Armées, par catégorie de logement, en métropole de 2013 à 2017 :

 

L’augmentation de l’offre de logement au profit de la communauté de défense donne lieu à une politique à part entière. Cette augmentation relève :

– d’une part, du plan Famille, s’agissant de l’accroissement de l’offre de logements neufs réservés par convention ([77]) par le ministère des Armées dans le parc privé, en particulier au profit des sous-officiers et des militaires du rang, compte tenu des plafonds de loyer proposés ;

– d’autre part, s’agissant du parc domanial du ministère, du contrat Ambition Logements, qui ne relève pas à proprement parler du plan Famille mais sur lequel les rapporteures reviennent infra tant elles estiment que ces deux volets sont complémentaires pour assurer la fluidité de l’offre sur toute la « chaîne » du logement. De fait, l’action du ministère en faveur de l’amélioration qualitative et quantitative du parc domanial de logements défense profitera quant à elle à l’ensemble de la communauté de défense – civils comme militaires de tous grades.

La mesure 4.1.1 du plan Famille prévoit d’augmenter le parc de logements réservés par convention auprès de bailleurs – de fait principalement les bailleurs sociaux – de 660 logements neufs en métropole entre 2018 à 2020 et de renouveler les conventions arrivant à échéance pour mieux prendre en compte les besoins. Selon les informations fournies aux rapporteures, cette cible triennale a été atteinte à la fin du mois d’août 2021. Le décalage est dû à une forte diminution de l’offre de logement neuf en 2020, en partie liée à la crise sanitaire. Au 31 août 2021, 718 logements neufs ont été commandés après une livraison de 60 logements au mois d’août. Ces logements neufs sont situés majoritairement en Île-de-France (283) et dans la région toulonnaise (223). À la fin du mois d’août dernier, 374 logements neufs étaient d’ores et déjà livrés sur les 718. Par ailleurs, en 2020, 689 logements réservés ont vu leur convention de réservation renouvelée.

La mesure 4.1.2 vise à améliorer l’offre de logements en outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane, permettant de disposer de 50 % du parc en domanial dans ces zones. Si le ministère des Armées privilégie le logement domanial sur son propre foncier en outre-mer, c’est que la gestion de prises à bail y est très compliquée, les propriétaires ayant tendance à ne pas entretenir les logements – alors même qu’ils les ont acquis grâce à un avantage financier. La construction de 24 logements a été livrée en décembre 2020 à Mayotte, pour un montant de 7 millions d’euros, dont 6 millions en 2020 et 1 million en 2021. Au premier semestre de 2021, une opération de 3,4 millions d’euros a également été engagée à Djibouti en vue de la construction de 16 logements. Enfin 800 000 euros ont été engagés au titre de la maîtrise d’œuvre privée en vue de la construction de 14 logements individuels à Pirae en Polynésie, livrables en 2024. D’autre part, la mesure 4.2 du plan Famille a permis la livraison de 20 logements à Faa’a en Polynésie au premier semestre 2021. Au deuxième semestre, cinq livraisons sont attendues en Martinique et 24 en Guyane. En Guyane, la crise sanitaire a retardé le programme de construction de 54 logements au camp du Tigre ; le calendrier de livraison est désormais de 24 logements en 2021, 12 en 2022 et 18 en 2023.

La mesure 4.2 vise à l’amélioration de la qualité du parc domanial en métropole et en outre-mer. Cette action, en cours de déploiement, est conduite par la DPMA qui a fait réaliser un audit afin de mesurer l’état technique du parc de logements domaniaux en métropole : l’état du patrimoine s’avère bon d’un point de vue technique – structure, toitures et couvertures, cloisons, plomberie, chauffage-climatisation-ventilation, équipements de sûreté – mais nécessite des opérations au regard de l’âge de construction des bâtiments. Des améliorations de certains logements – réagencement, amélioration qualitative et esthétique – et des remises à niveau énergétiques sont également engagées. En 2020, les crédits inscrits en loi de finances étaient conformes à la programmation : 44 millions d’euros ont été dédiés au maintien en condition du parc domanial en 2020 dont 28,9 millions d’euros en métropole. En 2021, les crédits de maintien en condition ont permis de lancer les travaux suivants :

– 2,82 millions d’euros engagés pour une tranche de vingt logements à la cité Saint-Pierre de Brest ;

– 870 000 euros pour la réhabilitation d’un bâtiment de 18 logements au quartier Massart à Djibouti ;

– 800 000 euros pour la rénovation des menuiseries et des cuisines de 57 logements à Toul ;

– La réhabilitation des villas du centre spatial guyanais de Kourou réaffectées au ministère des armées. Les travaux de trois villas sont engagés en 2021 sur un total de onze (530 000 euros).

Les principales opérations restant à engager en 2021 concernent la réhabilitation d’un bâtiment de 18 logements du quartier Gabode à Djibouti (1,8 million d’euros) et la rénovation de quatre logements du quartier La Redoute en Martinique (1,1 million d’euros)

Complétant l’offre de logements offerte par le ministère, les logements réservés ont connu une adaptation à l’évolution des implantations militaires et des modes de vie des militaires et de leur famille. Cela s’est notamment traduit dans leur gestion puisque désormais la DPMA conventionne avec les bailleurs pour une durée de dix à quinze ans et non plus de vingt-cinq à trente ans.

3.   Une attribution tardive des logements qui limite les effets positifs des mesures prises en matière de mobilité des militaires

Les rapporteures notent que l’un des problèmes majeurs liés à l’attribution d’un « logement défense » est l’existence d’un décalage calendaire entre la demande et l’offre disponible de logement au moment des mouvements de mutation de l’été. Ce décalage calendaire tend ainsi à remettre en cause l’effort fourni par ailleurs par le ministère, au titre de la mesure 3.2.1 du plan Famille « Poursuivre la politique d’optimisation de la mobilité engagée par les DRH des armées, directions et services », en particulier en faveur de l’édition des ordres de mutation ([78])  cinq mois avant la date d’affectation pour 85 % des militaires.

La procédure d’attribution des logements « défense »

La procédure d’attribution des logements relevant du ministère des Armées, qu’il s’agisse des logements domaniaux appartenant au ministère lui-même ou de ceux qu’il réserve par convention auprès de bailleurs et notamment des bailleurs sociaux, est régie par l’instruction ministérielle  1134 sur le classement et les conditions d’attribution et d’occupation des logements relevant du ministère de la défense en métropole. Le bureau du logement, présent sur chaque base de défense, établit des propositions de logement dans le respect des règles définies par cette instruction. La décision d’attribution relève du commandant de base de défense, et en Île-de-France, du directeur de l’établissement territorial du logement en Île-de-France.

L’attribution des logements aux familles de militaires étant souvent apparue comme une procédure peu transparente, le ministère a entrepris de refondre l’instruction ministérielle n° 1134. La procédure prévoit un système de cotation, compte tenu des priorités de logement définies par le ministère : chaque famille dispose de points de base en fonction de sa situation et des points complémentaires peuvent s’y ajouter pour prendre en compte des situations de handicap ou de monoparentalité. Ce système de cotation sera intégré dans le nouveau système d’information de la fonction logement, ATRIUM, déployé depuis le mois de novembre 2021.

Le plan Famille prévoit une mesure 4.4 visant à optimiser la performance en matière de délai de réponse pour l’attribution de logements. L’objectif de la DPMA est de proposer un logement plus tôt dans l’année aux demandeurs afin de faciliter l’organisation du déménagement et l’installation de la famille – installation qui implique la recherche d’une solution de garde d’enfant, parfois la scolarisation mais aussi la recherche d’emploi pour le conjoint. Cependant, l’anticipation des notifications de mutation individuelles ne permet pas d’avancer significativement le calendrier des propositions de logement car les avis de congé et de libération sont transmis tardivement par les personnels occupant un logement défense.

Depuis 2018, plusieurs actions ont été menées ([79]) : a notamment été rappelée aux personnels de la nécessité de signaler au plus tôt la date de départ du logement. Les services de la DPMA ont aussi recueilli auprès des armées des données relatives aux personnels mutés et à leur famille et pris contact de façon individuelle avec les bénéficiaires afin de connaître leur date de départ sans attendre le délai réglementaire d’un mois pour donner leur préavis.

Afin d’améliorer le processus d’attribution des logements, la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, responsable de la politique du ministère des Armées, compte sur la dématérialisation de la procédure, grâce au système d’information ATRIUM ([80]), ainsi que sur l’appui du commandement pour demander aux partants de communiquer leur avis de libération avant le congé locataire « officiel ». Le ministère a pris des dispositions pour connaître au plus tôt les ressortissants concernés par le plan annuel de mutation. Par ailleurs, l’appui du commandement local permet de solliciter les personnels partants afin qu’ils communiquent sur leurs intentions et ce, en amont du congé locataire réglementaire. Le ministère estime que l’interfaçage des différents systèmes d’information concernés devrait permettre d’accroître la transmission des données relatives aux mutations. Selon les informations fournies aux rapporteures, le ministère des Armées s’est doté d’indicateurs pour objectiver cette période qui voit l’attribution du logement libéré. La DPMA a indiqué que ces actions d’anticipation avaient permis d’améliorer les résultats de l’année 2021 de façon significative : au 30 août 2021, près de 800 logements de plus ont été attribués par rapport à cette même période en 2020. À cette date, le taux de réalisation est de 59 % en 2021, contre 50 % les trois années antérieures.

En 2021, ont été institués des indicateurs permettant d’objectiver les différents délais de traitement d’une demande de logement jusqu’à l’entrée dans les lieux des locataires. La DPMA s’est ainsi aperçue que le nombre de jours moyen s’écoulant entre l’enregistrement d’un dossier de demande de logement et la date de réception par le demandeur d’une première proposition de logement était, au 30 juin, de 44 dont 38 en Île-de-France et que la moitié des demandeurs franciliens – et 41 % des demandeurs toutes BdD confondues – recevaient une première proposition de logement dans les 15 jours suivant le dépôt du dossier. Ce délai est porté à 50 jours – 42 jours en Île-de-France – pour l’acceptation définitive de la proposition de logement, après une ou plusieurs propositions. Par ailleurs, le délai moyen dont dispose un ressortissant entre le moment où il accepte un logement et celui où il entre effectivement dans les lieux est de 43 jours – et de 51 jours à Paris. Dans le cadre du plan annuel de mutation de l’été 2021, le nombre de logements acceptés au regard du nombre de demandes de logement était au 30 août de 59 % au niveau national et de 72 % en Île-de-France.

S’agissant de la prise en compte des sujétions des militaires et des évolutions sociologiques des familles de militaires, les rapporteures notent que l’instruction ministérielle n° 1134 définit des critères de priorisation des demandes de logement des ayants droit du ministère des Armées. Ces critères de priorisation reposent sur la prise en compte de sujétions particulières, qu’elles soient professionnelles (mobilité contrainte, poste à forte exigence de réactivité, restructuration), familiales ou personnelles (conditions de logement, situation de handicap, famille monoparentale, conditions de ressources). Avec la révision de cette instruction ministérielle, la DPMA a indiqué que seront notamment davantage prises en compte les situations des familles avec enfants en droit de visite, les situations de monoparentalité ou de handicap – situations qui ont régulièrement fait l’objet de demandes d’attention dans le cadre du plan Famille.

B.   Le soutien à l’emploi des conjoints, un enjeu clef du plan Famille qui suppose de redoubler d’efforts

La ministre des Armées affirmait le 27 novembre 2020 que « la force des armées vient des militaires eux-mêmes et de leurs engagements sans limite. Derrière cet engagement il y aussi celui du conjoint qui accepte ces conditions mais pas la fatalité. Il sait qu’il sera amené à déménager, à rechercher encore et encore un emploi alors il souhaite être aidé pour pouvoir se projeter, évoluer professionnellement en construisant expérience après expérience, formation après formation, une carrière. Une carrière pour un conjoint c’est aussi la possibilité d’être socialement reconnu et de s’émanciper économiquement ».

De fait, le soutien à l’emploi des conjoints est l’un des enjeux clefs du plan Famille (1). Cette mission a été confiée au service Défense mobilité (2). Compte tenu de l’ampleur et de la difficulté de la tâche, le bilan dressé par les rapporteures est mitigé (3) : les rapporteures reconnaissent les efforts majeurs fournis par le ministère des Armées mais aussi l’importance capitale de les intensifier.

1.   Un enjeu clef du plan Famille

L’emploi des conjoints de militaires, on l’a vu, est l’un des enjeux majeurs du plan Famille – au point qu’une association, Women Forces, s’y consacre à plein temps. Ainsi que le rappelle cette association, la question de l’emploi des conjoints se pose de double façon :

– à la fois en raison des absences opérationnelles qui font peser sur le conjoint – qui, dans 85 % des cas, est en fait une conjointe – l’obligation d’assumer seul la vie du foyer pendant lesdites absences (éducation des enfants, tâches domestiques et administratives) ;

– et la mobilité géographique, particulièrement élevée chez les officiers. Comme le rappelle Women Forces, « quand le conjoint suit, son horizon professionnel est celui du bassin d’emploi et de la durée d’affectation du militaire (…). De nombreux employeurs échaudés redoutent d’embaucher un conjoint de militaire dont la durée du contrat n’excédera pas celle de l’affectation du militaire. »

Le HCECM l’illustre dans son 12e rapport thématique, la situation de l’emploi sur le territoire national est très contrastée selon les régions : « les territoires n’offrent pas partout les mêmes conditions économiques et d’emploi. La spécialisation spatiale des emplois peut en effet conduire à ce que peu d’opportunités soient laissées aux nouveaux entrants exerçant une activité peu développée dans certaines zones. Par exemple, cela peut conduire des conjoints exerçant une activité de cadre à l’inactivité en raison de la faiblesse des emplois disponibles dans certaines garnisons isolées : pour ne prendre qu’un exemple, on trouve 1 900 cadres à Draguignan et 69 800 à Lille, deux garnisons où le nombre de militaires est du même ordre de grandeur. Mais le risque économique auquel les militaires et leur famille sont confrontés à chaque mutation est également alimenté par l’existence de fortes disparités de coût de la vie entre « garnisons ». Pour ne prendre que l’exemple le plus emblématique, l’INSEE évalue que les prix pratiqués dans l’agglomération parisienne sont en moyenne plus élevés de 9 % que ceux observés en province et qu’environ un tiers de l’écart est dû au seul coût des loyers, supérieurs de près de 50 % à Paris ».

La carte ci-dessous, extraite du 12e rapport thématique du Haut comité, illustre les disparités dans l’offre d’emploi selon les territoires.

2.   Une mission dévolue à Défense mobilité

Si le soutien à l’emploi des conjoints est l’un des enjeux clefs du plan Famille, dès sa création en 2009, soit bien avant l’adoption du plan, le service de Défense mobilité ([81]), chargé de la reconversion des militaires, aidait les conjoints de militaires. Entre 2009 et l’adoption du plan Famille, l’agence a permis à 20 000 conjoints d’accéder à l’emploi.

Avec l’adoption du plan, et en particulier de ses mesures 3.3.1 ([82]) et 3.3.2 ([83]), Défense mobilité s’est vu confier la mission de remplir les objectifs fixés en matière d’accompagnement des conjoints vers l’emploi dans le cadre de l’axe « mieux vivre la mobilité ».

En 2019, l’ensemble des marchés de prestations d’accompagnement et de formations professionnelles de Défense mobilité, ouvert aux militaires, a été étendu à leurs conjoints – y compris aux conjoints de gendarmes qui représentent 10 % des conjoints accompagnés. Les conjoints peuvent être accompagnés par Défense mobilité, à leur demande, dans le cadre d’un suivi délégué par Pôle emploi jusqu’à trois ans suivant la radiation de leur conjoint, militaire ou civil. Les conjoints ont ainsi accès à des sessions d’orientation collectives ([84]). Ils ont aussi accès au financement de formations de courte durée ou de formations professionnelles de plusieurs mois en complément de l’offre de Pôle emploi ainsi qu’au financement d’une démarche de validation des acquis de l’expérience.

Défense mobilité a également institué des prestations plus ciblées. Les conjoints ayant cotisé à une caisse de cadres ainsi que les conjoints détenteurs d’un diplôme de niveau BAC+3 ont accès aux prestations d’accompagnement de la mission de reconversion des officiers. S’agissant des conjoints « isolés » à l’étranger ou en outre-mer, le ministère a passé un marché permettant un accompagnement à distance en vue de préparer le retour à l’emploi en métropole plus rapidement. Les conjoints non francophones ont la possibilité depuis 2020 de bénéficier de cours de français langues étrangères. Enfin, les conjoints de blessés en opération ou en situation de veuvage peuvent bénéficier d’un accompagnement pendant 10 ans ou jusqu’à la majorité du dernier enfant né.

L’axe du plan Famille « mieux vivre la mobilité » ayant pour but d’atténuer les effets de la mobilité du militaire sur sa famille, cette offre de services étendues est valable à chaque mutation. Elle reste néanmoins à la main des conseillers de Défense mobilité qui doivent prescrire, comme pour la reconversion des militaires, selon le principe du « juste besoin ».

Défense mobilité organise également chaque année des forums de l’emploi, des séances de rencontres professionnelles dites de « job dating » et des opérations « quinzaine des conjoints » à chaque l’automne. Le service développe sa communication sur les réseaux sociaux et insère des plaquettes d’information dans les décomptes de la CNMSS et dans les bulletins de solde, ainsi que des affiches dans les logements domaniaux.

Selon les informations fournies aux rapporteures par Défense mobilité, les actions menées par le service ont permis d’augmenter en 2018 les inscriptions des conjoints dans le dispositif. De plus, en 2019, près de 1 500 conjoints accompagnés une première fois ont effectivement accédé à l’emploi (dont 1 270 dans le secteur privé), soit 200 de plus qu’en 2018 (+15 %). Le taux d’emploi pérenne est passé de 32 % à 39 %. En outre, 670 conjoints s’étant déjà adressés auparavant ([85]) à Défense mobilité ont de nouveau fait appel à ses services en 2019 pour accéder à l’emploi. Au total, 5 924 conjoints ont retrouvé un emploi grâce à Défense mobilité depuis le lancement du plan Famille

En 2020, le contexte de la crise sanitaire et la période de confinement ont fait diminuer de 15 % les entrées dans le dispositif et l’accès à l’emploi des conjoints par rapport à 2019. Depuis l’été 2020, le ministère a donc renforcé à nouveau sa communication en direction des conjoints : en complément de nombreuses actions menées au cours des deux dernières années, Défense mobilité a notamment entrepris de mobiliser plus amplement les associations intéressées par l’emploi des conjoints, fait paraître plusieurs d’articles sur différents supports et mobilisé les directions des ressources humaines de chaque armée pour qu’elles communiquent sur son offre de service, notamment auprès des militaires faisant l’objet d’un ordre de mutation.

Le 27 novembre 2020, la ministre des Armées ([86]) a annoncé de nouvelles mesures du plan Famille destinées à mieux accompagner les conjoints de militaire dans leur mobilité et leur recherche d’emploi. Les mesures annoncées par la ministre des Armées visent les objectifs suivants :

– l’accès des conjoints au secteur public et notamment au ministère des Armées, de nouvelles prestations étant proposées depuis le mois de mars 2021 pour optimiser l’accès à l’emploi public et la mobilité des conjoints fonctionnaires : l’objectif du ministère des Armées est notamment d’améliorer la connaissance qu’ont les conjoints du statut et des métiers des trois fonctions publiques, d’aider les conjoints à mettre en valeur leurs compétences et de les préparer à l’entretien de sélection ;

– le développement, par Défense mobilité, d’une offre de coaching emploi, de cours de français langue étrangère et de préparations aux concours ;

– l’anticipation de l’accompagnement des conjoints changeant de région afin de limiter le temps d’inactivité entre deux emplois, les conjoints ayant désormais la possibilité d’entrer en contact avec des conseillers de l’antenne de Défense mobilité de leur nouvelle région, plusieurs mois avant leur déménagement ;

– l’ouverture aux conjoints d’un marché d’accompagnement à la création d’entreprises et l’expérimentation d’un accompagnement dédié au parcours entrepreneurial féminin (mesure 3.7).

En outre, la mesure 3.4, lancée en 2021, vise à « valoriser les viviers de conjoints directement auprès des employeurs du ministère des Armées ». Compte tenu de son caractère très récent, cette mesure est en cours de déploiement et la DRH-MD a indiqué aux rapporteures qu’au 31 octobre 2021, 59 conjoints de militaire accompagnés par Défense mobilité avaient été recrutés par le ministère, dans le strict respect du principe d’égal accès de tous à l’emploi public.

La mesure 3.5, datant également de cette année, vise à faciliter, par une offre de formation spécifique, l’accès à la fonction publique et la mobilité inter fonctions publiques. Le ministère des Armées indique qu’un marché passé auprès d’un prestataire a été notifié et que cette action est désormais mise en application au sein du réseau de Défense mobilité. Les conseillers en transition professionnelle sont donc en mesure de prescrire cette nouvelle prestation aux conjoints, comme aux militaires. On observe que le nombre de conjoints contractuels au sein des fonctions publiques suit une évolution positive : au 30 septembre 2021, 312 conjoints ont bénéficié d’un contrat au sein d’une fonction publique, contre 297 sur douze mois en 2019.

La prestation digitale de « coaching emploi », qui correspond à la mesure 3.6, lancée en 2021, est externalisée et ciblée sur les conjoints présentant des freins personnels à l’emploi. À titre expérimental, elle a déjà bénéficié, avec profit, à une trentaine de conjoints de militaires. Défense mobilité estime que l’expérience est concluante, la combinaison entre coaching digital et coaching humain ayant montré son efficacité pour renforcer le potentiel de réussite des conjoints ciblés. Le ministère a donc décidé de généraliser cette prestation. La volumétrie sera portée à une centaine de conjoints en 2022.

La mesure 3.7, mentionnée ci-dessus, vise à expérimenter un accompagnement dédié au parcours entrepeneurial féminin en s’appuyant sur un réseau d’incubateurs. Une campagne d’information a été lancée par la direction de Défense mobilité auprès de ses conseillers en transition professionnelle référents en création d’entreprise afin qu’ils puissent sensibiliser les conjoints au parcours proposé.

Une expérimentation menée avec le réseau « Les premières » a été menée en 2021. Elle a concerné peu de conjointes, notamment en raison des conditions trop restrictives imposées par ce réseau d’incubateurs, qui n’accueille que des projets de création d’entreprises innovantes. Cette expérimentation n’apporte en conséquence pas de réponse globale pertinente pour renforcer l’accompagnement et la mise en réseau des conjoints créateurs d’entreprises.

Parallèlement, Défense mobilité a renouvelé son marché de « création ou reprise d’entreprises » accessible aux conjoints et aux militaires en reconversion. En outre, le ministère a obtenu du MEDEF que des conjoints souhaitant créer leur entreprise puissent participer en 2022 au parcours « défense entrepreneurs ». En 2021, 7 % des conjoints accompagnés par Défense mobilité ont créé leur entreprise, contre 4 % en 2018.

Défense mobilité continue par ailleurs à développer ses moyens d’accompagnement à distance au profit des conjoints qui en ont besoin : l’agence s’est engagée dans un processus de transformation numérique et d’accélération de l’équipement en postes internet de ses conseillers sur le terrain.

En sus de l’enrichissement de son offre de service, Défense mobilité a organisé, avec l’aide de Pôle emploi, des forums à distance (Toulon, Paris, Metz) au profit des militaires et des conjoints. S’agissant de l’accompagnement à la mobilité des conjoints fonctionnaires d’État, Défense mobilité continue d’aider les conjoints à obtenir une mobilité dans la zone géographique d’affectation du militaire muté avec changement de résidence.

Le directeur de Défense mobilité a indiqué aux rapporteures que si la crise avait affecté l’action de l’agence, il jugeait l’offre de service désormais « adaptée à la typologie très hétérogène des conjoints et corrélée au plus juste aux moyens humains dont dispose Défense mobilité ». Il a estimé que les résultats enregistrés par l’agence au premier semestre 2021 étaient plutôt encourageants, en hausse par rapport à 2019, année de référence ([87]).

Les enquêtes de satisfaction effectuées par Défense mobilité au terme de chaque accompagnement, quel que soit le profil accompagné, font apparaître que 75 % des conjoints interrogés considèrent l’offre de service adaptée. Ces mêmes conjoints accompagnés estiment à 84 % être satisfaits de leurs échanges avec leur conseiller, même s’ils souhaiteraient un meilleur rythme et un séquençage des entretiens.

Les rapporteures notent que Défense mobilité s’est doté en novembre 2021 d’un nouveau système d’information, Peg@se, destiné à permettre à ses conseillers de gagner du temps dans leurs démarches administratives pour se consacrer pleinement à l’accompagnement à l’emploi. Ce nouveau système d’information vise à fluidifier la prise de rendez-vous des militaires et de leurs conjoints.

Défense mobilité prévoit enfin d’améliorer son offre d’information sur le droit du travail ([88]) afin d’accompagner les conjoints dans la négociation de leur départ de l’entreprise et leur arrivée à un nouveau poste ([89]).

Les rapporteures saluent cette nouvelle impulsion donnée par la ministre des Armées à cet objectif fondamental du plan Famille. Il reste que l’ampleur de la tâche est considérable – et l’on ne peut sans doute reprocher au ministère d’avoir saisi ce problème à bras-le-corps.

3.   Un bilan mitigé de ce volet du plan Famille, compte tenu de l’ampleur de la tâche

Le bilan que dressent les rapporteures de l’action de Défense mobilité ne portera pas sur les nouvelles mesures introduites dans le plan Famille en 2021, compte tenu de leur caractère trop récent. Les rapporteures s’attacheront plutôt ici à porter un regard d’ensemble sur l’action de ce service dans le cadre du plan Famille. Lors de leurs auditions et déplacements, elles ont noté que la politique d’accompagnement à l’emploi des conjoints donnait lieu à un certain mécontentement.

Ainsi, il semble que malgré l’envoi de courriers adressés à chaque conjoint de militaire non agent de la fonction publique lors de l’envoi des ordres de mutation, Défense mobilité peine à capter tous les conjoints en recherche d’emploi, soit par méconnaissance, soit parce que ceux-ci préfèrent y renoncer. Selon la DRH-AT, « seuls 38 % des conjoints ayant eu recours à Défense mobilité se disent satisfaits des prestations de l’agence ». Ce chiffre est éloigné de ceux fournis aux rapporteures par Défense mobilité.

Interrogé à ce sujet par les rapporteures, le directeur de Défense mobilité a avancé plusieurs explications. Il a notamment fait valoir que l’offre de service de Défense mobilité devait se conformer aux engagements établis avec Pôle emploi, c’est-à-dire s’inscrire dans le cadre du suivi délégué. Or, les conjoints peuvent vivre comme une contrainte la nécessité de s’inscrire à Pôle emploi pour pouvoir bénéficier des prestations financées dans le cadre du plan Famille mais Défense mobilité considère que c’est aussi la garantie qu’il n’y ait pas de double accompagnement ni de double financement de formations et que Défense mobilité travaille bien au profit des demandeurs d’emploi. D’autre part, le directeur du service a indiqué que l’insatisfaction des conjoints pouvait aussi « provenir ici ou là d’une mauvaise expérience avec un des conseillers de Défense mobilité », une hypothèse qu’il ne fallait pas exclure, en dépit de l’effort de formation continue que fournit l’agence au profit de ses conseillers.

4.   Une nette insuffisance des moyens humains dévolus à Défense mobilité

Les services de Défense mobilité estiment qu’ils ne manquent nullement de moyens budgétaires. Lors de sa construction en 2018, l’action 3.1.1 du Plan famille « Étendre les prestations offertes aux conjoints par Défense mobilité et bien informer les familles sur ces prestations » a été dotée d’une enveloppe budgétaire de 2,5 millions d’euros par an. Le général Septier, qui était directeur de l’agence Défense mobilité lors de l’audition du service par les rapporteures, a indiqué que selon lui, ces moyens étaient suffisants et que l’agence était encore loin de consommer l’intégralité de cette enveloppe : « la consommation budgétaire a progressé très lentement depuis 2018 mais l’ajout chaque année de nouvelles prestations potentiellement mobilisables par les conseillers et la communication associée augmente naturellement la consommation chaque année. Il convient de noter également que l’essentiel de l’accompagnement des conjoints s’effectue en régie et ne nécessite pas forcément de mobiliser des prestations externalisées si le projet professionnel du conjoint ne le justifie pas. Enfin, certaines formations professionnelles sont cofinancées avec Pôle emploi voire les régions, ce qui en limite le coût pour le ministère ».

Les rapporteures estiment en revanche ne pas pouvoir en dire autant des moyens humains du service. Service à compétence nationale depuis 2009, Défense mobilité compte 350 conseillers dont 300 conseillers en transition professionnelle et 50 chargés de prospection et de relation avec les employeurs, experts des marchés de l’emploi. Comme l’a souligné le général Louis Septier lors de son audition par les rapporteures, Défense mobilité se trouve dans un « contexte RH contraint », compte tenu de la hausse attendue des départs de militaires en 2022 et de l’augmentation constante du nombre de conjoints accompagnés : « contrairement au militaire qui se reconvertit une seule fois au moment où il quitte le ministère, un conjoint peut être accompagné plusieurs fois : potentiellement chaque fois qu’il perd son emploi pour des raisons économiques ou de mobilité pour suivre son conjoint militaire ». L’augmentation significative de la charge de travail des conseillers de l’agence pourrait se traduire par une perte de la qualité de l’accompagnement individuel et sur mesure. Le directeur de Défense mobilité a indiqué aux rapporteures que si son « offre de service au profit des conjoints devait à nouveau s’enrichir sans le renfort d’effectifs, elle pourrait ne plus devenir soutenable pour Défense mobilité ».

5.   Le cas particulier des conjoints de militaire qui sont fonctionnaires : un enjeu traité au cas par cas              

Le plan Famille prévoit une mesure spécifiquement dédiée aux conjoints de militaire qui sont fonctionnaires : la mesure 3.3.2 qui vise à « négocier avec les autres ministères des dispositions permettant de mieux prendre en compte la mobilité subie par les conjoints de militaire employés dans la fonction publique ».

Selon les informations fournies par la DRH-MD, les demandes d’appui sont administrées au niveau de l’échelon de direction de Défense mobilité. Elles font l’objet d’un traitement individualisé par l’envoi d’un courrier circonstancié à l’administration concernée.

Le ministère des Armées estime que l’appui à la mobilité proposé par Défense mobilité est efficace et de plus en plus utilisé :

– entre 2018 et 2021, le volume des demandes a progressé de plus de 60 % (198 en 2021 contre 124 en 2018), cette progression concernant principalement les conjoints enseignants – cas particulier sur lequel les rapporteures reviennent infra ;

– durant la même période, le taux de satisfaction des demandes d’appui à la mobilité a progressé de 10 points et serait, selon le ministère des Armées, de 65 % en 2021 contre 55 % en 2018.

Il reste que comme le concède le ministère des Armées lui-même, « le volume des demandes d’appui des conjoints fonctionnaires de l’État, certes en progression, reste assez contraint ». Le directeur de Défense mobilité a rappelé que le ministère ne disposait pas de tous les leviers en la matière et que si l’action de l’agence intervenait en appui des démarches réalisées par les intéressés, elle le faisait « sans préjudice des règles de mutation propres à chaque administration ».

Interrogé par les rapporteures, le ministère de la Transformation et de la fonction publiques a fourni plusieurs éléments d’information concernant la mobilité des fonctionnaires. Il a ainsi été indiqué à la mission d’information qu’un dispositif d’« immersion professionnelle », actuellement en cours d’examen, pourrait permettre d’organiser la mise en relation entre des personnes qui envisagent un territoire et celles qui s’y trouvent déjà. Des « ambassadeurs » pourraient être dédiés à cet aspect, et des immersions professionnelles courtes (de quelques jours à quelques semaines) pourraient permettre aux fonctionnaires de mieux se projeter dans le futur territoire d’affectation du conjoint militaire. La création d’un portail unique pour les offres d’emploi de la fonction publique d’État, territoriale et bientôt hospitalière marque une avancée positive mais elle ne donne aujourd’hui pas d’informations sur le nombre de candidatures reçues et ne permet donc pas d’identifier les territoires sous tension. Il est donc aujourd’hui difficile de dire sur un bassin d’emploi donné quels sont les employeurs qui ont un besoin important, les informations étant très dispersées. Même une fois qu’une idée globale de l’attractivité d’un territoire a été établie, peu de pistes concrètes existent. Les responsables du ministère de la Transformation et de la fonction publiques jugent essentiel d’identifier quelles sont les catégories de métiers de la fonction publique qui sont les plus touchées ainsi que les passerelles existantes. Autre difficulté diagnostiquée, le « langage RH » utilisé dans les trois fonctions publiques n’est pas le même ([90]). Un référentiel partagé des fiches métiers et compétences est en cours de développement et le but à terme est de développer un système automatique au sein duquel une personne pourrait entrer ses compétences et voir apparaître les métiers associés, y compris dans d’autres branches de la fonction publique.

Le Gouvernement a par ailleurs identifié des blocages à la mobilité entre administrations, les ministères ayant tendance à privilégier les candidatures issues de leur propre administration, pour des raisons à la fois sociales et budgétaires. Il est plus acceptable socialement pour un ministère de privilégier une personne de son propre corps pour la mobilité, ce qui s’ajoute aux craintes que le nouvel agent soit inadapté au poste demandé. Il serait envisageable de contrecarrer cette tendance en désignant des tiers de confiance chargés de rassurer l’employeur d’accueil sur l’aptitude des agents. Les plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines remplissent en partie ce rôle. La plupart des problèmes sont réglés grâce à des échanges informels qui, selon le ministère de la Transformation et de la fonction publiques, devraient être facilités à la suite de la prise de fonctions de la nouvelle directrice de Défense mobilité – précisément issue de ce ministère de la Transformation et de la fonction publiques. Sur un plan plus pragmatique, le recrutement d’une personne d’une autre administration a un effet direct sur le plafond d’emploi, ce qui a poussé la plupart des ministères à bloquer les mouvements entre administrations en soumettant l’acceptation d’un fonctionnaire d’un « corps étranger » à une autorisation au cas par cas par l’administration centrale. Une circulaire du Premier Ministre en date du 10 mars 2021 vise à faire sauter ce verrou. Les différences de rémunération des agents entre administrations sont également un frein à la mobilité : il est courant que des agents perdent en revenus ou en avancement en cas de mobilité. Concernant les disponibilités, les agents de la fonction publique peuvent demander deux fois jusqu’à cinq ans de mobilité. S’ils occupent une activité salariée, ils conservent leurs droits à la retraite et à l’avancement les cinq premières années. Dans le cas des contractuels, la rémunération s’appuie uniquement sur le niveau de diplômes et pas sur l’expérience. À l’avenir, l’objectif est de mieux prendre en compte le niveau de compétence et les expériences passées.

S’agissant de la fonction publique territoriale, un accord de coopération du 10 décembre 2020 entre la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDGFPT) et le ministère des Armées est en cours de déclinaison sur l’ensemble du territoire. Contrairement à ce qui se passe au ministère de l’Éducation nationale, les mutations fréquentes – tous les deux ou trois ans – ne posent pas de problème dans la fonction publique territoriale car le maintien en poste pendant deux ou trois ans correspond aux besoins de la plupart des employeurs et il n’y a pas de barème d’ancienneté locale susceptible de pénaliser les fonctionnaires à forte mobilité.

Enfin, en ce qui concerne la fonction publique hospitalière, la mobilité géographique est beaucoup plus simple puisqu’il s’agit d’un secteur sous forte tension. La fonction publique hospitalière recense environ 7 500 postes à pourvoir, principalement pour des infirmiers et aides-soignants. Les besoins les plus importants concernent la gériatrie.

6.   Le cas particulier des conjoints fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale : des difficultés s’expliquant par un décalage calendaire entre les mutations des militaires et des enseignants

Selon les informations fournies par la DRH-MD, 85 % des demandes d’appui adressées à Défense mobilité par des conjoints fonctionnaires concernent des enseignants. Beaucoup de conjoints fonctionnaires font en effet le choix de l’enseignement afin de contenir les effets des mutations successives et de bénéficier du maillage territorial unique que propose le ministère de l’Éducation nationale. Cependant, comme le souligne l’association Women Forces, pour les conjoints de militaire fonctionnaires, les mutations pour suivi de conjoint ne se soldent pas toujours par une issue rapide et heureuse. L’association cite le HCECM selon qui « les courts préavis entre l’annonce du lieu d’affectation et la date effective de mutation ne permettent pas toujours aux administrations de s’organiser, notamment lorsque les systèmes d’affectation sont régis par des points (par exemple pour les enseignants) ». De fait, le problème majeur relevé par la mission d’information concerne le décalage entre le calendrier du plan annuel de mutation des militaires, qui intervient au printemps de l’année N, et le calendrier de mutation des personnels de l’éducation nationale qui intervient à partir du mois de novembre de l’année N-1, compte tenu de la nécessité pour chaque académie d’être fin prête au moment de la rentrée scolaire.

Conscient de cette difficulté, le ministère des Armées a entrepris des démarches afin de la lever. Un protocole a été signé entre les ministères des Armées et de l’Éducation nationale en 2018 afin de faciliter la mobilité des conjoints enseignants dans le cadre d’un rapprochement de conjoints. Selon le ministère des Armées, « les relations avec les services centraux de l’Éducation nationale sont aujourd’hui parfaitement établies et fluides. Le dialogue est permanent et se matérialise par des échanges réguliers sur le suivi des demandes et l’organisation de deux réunions annuelles entre la sous-direction de la gestion des carrières des personnels enseignants du ministère de l’Éducation nationale, le directeur de projet plan Famille et Défense mobilité. L’ensemble des cas particuliers sont abordés lors de ces réunions. »

Selon les informations fournies aux rapporteures par Défense mobilité, le protocole conclu avec l’Éducation nationale facilitant la mutation des enseignants conjoints de personnels militaires a été particulièrement utilisé en 2020. Le taux de satisfaction des demandes d’appui a connu une hausse de 15 % en 3 ans puisqu’il était de 70 % en 2021 contre 55 % en 2018.

Cette performance appelle néanmoins plusieurs observations. Les conditions particulières dans lesquelles intervient cet appui ne permettront pas d’améliorer de manière significative l’actuel taux de satisfaction des demandes. Les DRH des armées, directions et services ne sont pas en mesure et ne souhaitent pas éditer les ordres de mutation, en raison d’impératifs de gestion et d’équité entre les militaires, avant le premier mouvement de mobilité des enseignants du mois de février. Les demandes d’appui n’interviennent qu’à l’issue de la réception des ordres de mutation c’est-à-dire dans le cadre du second mouvement des enseignants du mois de juin, à un moment ou la grande majorité des mobilités a déjà été arrêtée. Si les interventions directes entre les deux ministères ont globalement facilité les demandes de mobilité, cela n’a été possible qu’en discriminant les conjoints pour lesquels un appui particulier a été demandé (en fonction de la durée de la séparation, de la situation familiale, des sujétions particulières auxquelles est soumis le conjoint militaire, etc.). Les demandes d’intégration dans les académies excédentaires (Bretagne, la Réunion) ont par ailleurs été très limitées, le ministère de l’Éducation Nationale étant toujours resté souverain dans ses décisions finales. Certaines intégrations ont néanmoins été possibles dans ces académies grâce à la qualité du dialogue instauré. L’instauration du protocole de 2018 et la communication ayant entouré cet événement ont fait naître un certain espoir chez les conjoints enseignants. Elles ont également fait émerger un sentiment d’amertume chez les conjoints déboutés (environ un tiers des demandeurs), à hauteur de leur espoir déçu.

Ces derniers s’en émeuvent de plus en plus souvent auprès du député de leur circonscription ou directement auprès du cabinet de la ministre des Armées alors même que les leviers restant à disposition du ministère sont quasi inexistants. Il n’est pas dans les pratiques du ministère de l’Éducation Nationale de revenir sur une décision créatrice de droits. Chaque année, certains enseignants déboutés demandent ainsi à être placés en position de disponibilité pour suivre leur conjoint militaire. C’est afin de trouver des solutions à ces situations difficiles que les discussions avec le ministère de l’Éducation Nationale se poursuivent. Devrait notamment être abordée la question des affections à titre provisoire (ATP) dont l’application, non généralisable, pourrait constituer un palliatif intéressant dans certains cas.

Les rapporteures notent aussi que selon la sous-directrice de la gestion des carrières des personnels enseignants, auditionnée par la mission d’information, le ministère de l’Éducation nationale intervient à la fois en amont des mouvements de personnel et en aval, pour appeler l’attention des recteurs d’académie sur la situation particulière des conjoints suivant un militaire muté et arrivant systématiquement dans les académies bien après les mutations orchestrées, via un algorithme très complexe, par le ministère de l’Éducation nationale. Une gestion au cas par cas est assurée pour les conjoints n’ayant pas trouvé satisfaction. Le ministère de l’Éducation nationale a indiqué aux rapporteures qu’en 2021, 52 cas n’avaient pu trouver satisfaction dans l’enseignement du second degré et 64 dans l’enseignement du premier degré. Fort de l’action menée, le ministère de l’Éducation nationale a pu apporter satisfaction à 60 % des cas précités.

La sous-directrice de la gestion des carrières au ministère de l’Éducation nationale a indiqué que la non-satisfaction des demandes de mobilité de conjoints de militaires exerçant en tant qu’enseignants pouvait s’expliquer de plusieurs manières. Tout d’abord, il peut arriver qu’il n’y ait pas de poste vacant dans la discipline et l’académie demandée par le conjoint. Ensuite, deux territoires particuliers présentent des difficultés : les académies de Rennes et de La Réunion sont les plus demandées de tout le territoire français et le nombre de postes vacants est nettement inférieur à la demande. Or, les mutations au sein de l’éducation nationale s’appuient sur un système à points au sein duquel le rapprochement de conjoints passe derrière d’autres critères – de surcroît cumulatifs – tels que, par exemple pour l’outre-mer, celui de « centre d’intérêt matériel et moral » ou d’emploi prioritaire des « locaux ».

Dans l’enseignement du premier degré, le problème se pose différemment puisque la mutation d’enseignants repose sur un système d’exeat et d’ineat, l’obtention du premier étant nécessaire à celle du second. La difficulté concerne donc au premier chef les enseignants souhaitant quitter un département déficitaire – qui se voient bien souvent refuser tout exeat. Le cas le plus critique à cet égard est la Guyane où les conjoints de militaires choisissent parfois de ne pas se faire affecter, de peur de pas pouvoir obtenir d’exeat et donc de ne pas pouvoir repartir, une fois le militaire renvoyé en métropole. Les académies de Versailles et de Créteil sont également concernées par le manque d’enseignants de sorte qu’elles refusent d’en laisser partir.

Face à ces constats, les rapporteures estiment que les ministères des Armées et de l’Éducation nationale doivent prendre les devants, notamment en favorisant la formation des conjoints de militaires lorsque ces conjoints se mettent en disponibilité pour suivre leur mari. Le ministère de l’Éducation nationale ne pouvant financer la formation de fonctionnaires en disponibilité, les rapporteures estiment que des solutions innovantes, notamment de travail à distance, pourraient être trouvées afin de limiter les conséquences de ces disponibilités sur la carrière des enseignantes conjointes de militaires.

Les rapporteures considèrent aussi que le ministère des Armées pourrait travailler sur le calendrier de son plan annuel de mutations, afin de l’avancer, s’agissant en particulier des militaires ayant un conjoint à l’éducation nationale. En effet, le ministère de l’Éducation nationale planifie ses mutations en novembre de l’année N-1 et ne peut faire autrement, se calant pour cela sur la rentrée scolaire de l’année suivante et visant un volume de personnels bien supérieur à celui du ministère des Armées.

Les rapporteures saluent l’initiative prise très récemment, en octobre 2021, par les ministères de l’Éducation nationale et des Armées de réviser le protocole précité afin :

– d’améliorer le dispositif d’appui à la mobilité des conjoints enseignants, en mettant notamment l’accent sur les enseignants du premier degré, pour lesquels le processus décisionnel est morcelé (INEAT – EXEAT) ;

– d’insérer dans le protocole un deuxième volet relatif à l’appui de la mobilité des conjoints relevant de la fonction administrative ou de la fonction technique du ministère de l’Éducation nationale ;

– d’y insérer un troisième volet relatif à la scolarisation des enfants dans le second degré, sujet sur lequel les rapporteures reviennent infra.

Le ministère de l’Éducation nationale a fait part aux rapporteures de son souhait non seulement de réviser ce protocole mais aussi de mieux communiquer à son sujet au niveau déconcentré et de le rendre prescriptif. Il estime que ce protocole rénové devrait pouvoir s’appliquer en vue de la rentrée scolaire de 2023. Par ailleurs, bien qu’il ne s’agisse pas d’un objectif du plan Famille, les rapporteures se félicitent aussi que le ministère de l’Éducation nationale cherche à recruter d’anciens militaires en reconversion en tant qu’enseignants aux compétences techniques particulières.

C.   L’inscription des enfants à l’école en cas de mutation : un processus parfois compliqué par l’attribution tardive des logements et les modalités d’application de la carte scolaire

1.   La scolarité, enjeu majeur en cas de mobilité du militaire

Comme le souligne le Haut comité d’évaluation de la condition militaire dans son 12e rapport thématique de 2018, consacré à La vie des militaires et de leur famille selon le lieu d’affectation, « le parcours scolaire des enfants de militaire dépend des territoires dans lesquels ils se trouvent et des mobilités géographiques qui induisent des changements d’établissement. » Les mutations fréquentes chez certaines catégories de personnel – en particulier les officiers et parfois les sous-officiers – entraînent, pour les enfants, un parcours scolaire haché. De plus, certaines zones outre-mer et en Corse sont très défavorisées en matière d’offre scolaire.

2.   Justification de domicile et inscription tardive : l’enjeu de la carte scolaire et de l’attribution des logements défense

Le HCECM note que « la double inconnue du lieu de résidence et du lieu de scolarisation de leurs enfants est décrite comme anxiogène par de nombreux militaires ». Le Haut comité rappelle que s’agissant de l’inscription à l’école, outre la question de la carte scolaire ([91]), l’une des sources de stress pour les familles réside dans l’inconnue, évoquée plus haut, quant au lieu de domiciliation de la famille jusqu’à la libération du logement octroyé par les services de la DPMA, lorsque les militaires ont la chance d’en bénéficier. De fait, l’effort fourni par les directions des ressources humaines pour délivrer des préavis d’ordre de mutation jusqu’à cinq mois à l’avance semble annihilé par le fait que les occupants d’un logement « défense » peuvent ne libérer leur logement au profit d’une autre famille qu’avec un préavis d’un mois. Or, le calendrier des inscriptions dans certains établissements ou dans certaines filières crée une contrainte forte pour les militaires.

Certains militaires souhaiteraient pouvoir disposer d’une dérogation au principe de la nécessaire justification du domicile lors de la demande d’affectation des enfants dans un établissement public du primaire ou du secondaire, ou d’une priorité pour l’inscription dans un établissement de leur choix.

En vertu du droit en vigueur, tous les enfants disposent d’un droit à l’affectation dans l’école, le collège ou le lycée associé à l’adresse de leur domicile en application de la carte scolaire, même s’ils emménagent tardivement.

À l’école primaire, les inscriptions tardives sont du ressort du maire de la commune. Les directeurs d’école sont présents quelques jours avant la rentrée. Pendant l’été, il suffit de prendre l’attache de la mairie pour savoir dans quelle école sera inscrit l’enfant puis celle de l’inspecteur de la circonscription scolaire, et enfin, d’inscrire l’enfant juste avant la rentrée, voire quelques jours après.

Dans le second degré, tous les élèves ne sont pas affectés à un établissement en juillet à la suite de la première affectation, y compris parmi ceux qui ne déménagent pas. Les directions académiques ouvrent peu après le 15 août et traitent les demandes plus tardives dans le cadre de commissions d’ajustement de l’affectation. Les élèves concernés ne sont pas pénalisés. Une attention particulière est portée sur chaque dossier pour qu’une affectation dans un lycée de proximité soit garantie.

Les difficultés que rencontrent nombre de familles de militaire lors d’une mutation sont liées aux rigidités de la carte scolaire dans l’enseignement secondaire public. Lorsqu’une famille veut inscrire son enfant dans un établissement en prévision d’un changement de domicile, on lui demande un justificatif de domicile car c’est l’adresse précise du domicile – et la carte des formations offertes par chaque établissement – qui détermine l’établissement d’affectation. L’adresse d’affectation administrative du militaire, même connue tôt, n’est pas reconnue par l’éducation nationale. En effet, l’article D. 211-11 du code de l’éducation prévoit que les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte. C’est pour s’assurer du respect de cette règle que les services académiques demandent aux familles qui emménagent dans une académie de joindre à leur demande un justificatif de domicile. Les familles emménageant tardivement redoutent que leur(s) enfant(s) soi(en)t « ventilé(s) » là où il reste des places, c’est-à-dire potentiellement loin de leur domicile, voire dans plusieurs établissements différents. Et de fait, pour les familles qui ne peuvent justifier d’un domicile que plusieurs jours après la rentrée scolaire, cela peut arriver. D’où le souci permanent des familles de trouver rapidement un logement afin d’inscrire leurs enfants à l’école.

Face à cette difficulté, le ministère de l’Éducation nationale veille scrupuleusement à garantir une stricte égalité de traitement entre les administrés et est contraint par des volumes qui laissent peu de place à des processus d’affectation individualisés. Les recteurs et directeurs des services académiques ont cependant été sensibilisés à la situation des familles « nécessitant occasionnellement une attention plus particulière » et il leur a été demandé de veiller à « faire preuve de compréhension tout en restant dans le cadre réglementaire ». Interrogé par les rapporteures – soucieuses que les enfants de militaires ne soient pas pénalisés alors même que leur parent travaille au service de la défense de la Nation –, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGSCO) a indiqué que le ministère de l’Éducation nationale n’assurait pas de suivi de la scolarisation des enfants à raison de la profession des parents. Il a néanmoins précisé que ses services étaient en relations très fréquentes avec le ministère des Armées. Tout enfant qui connaît une mobilité géographique bénéficie d’un suivi de son dossier scolaire à chaque changement d’établissement, y compris lorsque ce changement intervient en cours d’année. Cela vaut pour l’ensemble du territoire, y compris en outre-mer.

S’agissant des enfants scolarisés à l’étranger, le réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ainsi que les établissements agréés par l’AEFE offrent des formations considérées comme équivalente à celle des établissements français : l’équivalence est automatiquement accordée et ne présente aucune difficulté. Lorsqu’un système scolaire ne fait l’objet d’aucune homologation par les autorités françaises, la règle applicable est la même que pour les établissements hors contrat : les enfants peuvent devoir passer des tests pédagogiques pour déterminer leur niveau. Le DGESCO a précisé aux rapporteures qu’in fine, le problème de la scolarisation des enfants en cas de mobilité des parents n’était pas propre aux enfants de militaire puisqu’il se posait notamment aussi en cas de divorce. Il semble que le ministère de l’Éducation nationale n’ait pas identifié de problème particulier s’agissant de la scolarisation des enfants.

Le plan Famille a prévu une mesure 3.3.3 qui vise à « faciliter la scolarité des enfants » et qui s’appuie sur deux actions : l’élaboration d’un guide de la scolarité et l’accompagnement local des difficultés éventuelles d’inscription tardive des enfants dans l’enseignement public. Mesure directement prise en charge par le directeur de projet du plan Famille, elle s’est concrétisée par la diffusion, par le ministère des Armées, d’un guide de la scolarité validé par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) : ce guide comprend par académie tous les points de contact utiles pour faciliter les inscriptions des enfants ainsi que les liens vers les sites officiels. Il contient également des lettres types pour les différentes demandes que les familles peuvent être amenées à formuler. Selon les informations fournies aux rapporteures, ce guide a été mis à jour sur l’intranet du ministère des Armées, intradef, en juin 2020. Localement, lorsque des familles se trouvent en difficulté, des demandes peuvent être relayées au cas par cas par le commandement aux directeurs académiques des services départementaux de l’éducation nationale (DASEN).

Les rapporteures estiment qu’il conviendrait de compléter ce dispositif en simplifiant la procédure de justification de domicile pour les enfants des militaires mutés et reviennent sur cette proposition en troisième partie de rapport.

Elles notent que selon le HCECM, compte tenu du volume d’enfants de militaire concernés annuellement par les mobilités, « il pourrait être envisagé de proposer aux parents des dérogations à la carte scolaire ou de faire peser des obligations d’accueil sur les établissements privés comme sur les établissements publics, au moins sur les territoires où des tensions particulières auraient été identifiées. Dans tous les cas, le commandement local devrait disposer d’un état détaillé de situation pour pouvoir, le cas échéant, traiter des cas difficiles avec le rectorat ou des établissements particuliers ».

3.   Le plan Famille prévoit une mesure visant à mieux faire connaître l’offre scolaire du ministère des Armées

La mesure 3.3.4 vise à mieux communiquer sur les offres de scolarité proposées par le ministère des Armées. Cet objectif est décliné en deux actions. Il s’agit tout d’abord de développer des actions de communication sur les lycées de la Défense afin de mieux les faire connaître. Il s’agit aussi de développer des actions de communication et de mieux faire connaître les maisons d’enfants favorisant l’accueil à responsabilité éducative (maisons FARé) d’IGESA ainsi que l’école régionale du premier degré Herriot.

Le suivi de cette mesure est assuré par la direction du service national et de la jeunesse et par le service de l’action sociale des armées. Le ministère a indiqué aux rapporteures qu’en janvier 2020, l’offre scolaire qu’il propose avait donné lieu à la mise en ligne actualisée d’informations sur le portail dédié du site internet du ministère.

S’agissant des lycées de la Défense, en mai 2020, le ministère a institué dans ces établissements un portail internet unique « Sailor » d’information et d’inscription comportant un dossier unique.

Les six lycées de défense

On recense six lycées de défense : les lycées militaires d’Aix-en-Provence, d’Autun, de Saint-Cyr-l’École et le Prytanée national militaire, qui dépendent de l’armée de Terre ; le lycée naval de Brest, placé sous l’autorité de la Marine nationale ; et l’École des pupilles de l’air, à Grenoble, pour l’armée de l’Air. Les lycées de défense accueillent des enfants issus de trois catégories d’ayants droit parmi lesquels les filles et fils de militaires disposent d’un accès prioritaire afin de représenter, au minimum, 70 % des effectifs scolarisés dans chacun des six établissements. Cela s’explique notamment par la volonté d’atténuer les effets de la forte mobilité géographique des parents et de la multiplication des opérations extérieures, en proposant un cadre scolaire stable et de bon niveau. Les modalités de recrutement à l’entrée en seconde sont déterminées dans le but d’éviter une sélection conduisant à ne retenir que d’excellents élèves ([92]). Un deuxième groupe d’enfants, représentant au maximum 15 % des élèves, sont des enfants de fonctionnaires – agents du ministère des Armées, fonctionnaires titulaires et magistrats de l’ordre judiciaire. Enfin, le plan pour l’Égalité des chances de 2008 a entraîné la création d’une troisième catégorie d’élèves devant lui aussi représenter un maximum de 15 % des effectifs : les élèves issus de milieux modestes, boursiers de l’Éducation nationale qui, du fait de leur mérite, souhaitent intégrer un lycée de défense pour y trouver des conditions de travail propres à faciliter l’accomplissement de leurs projets.

Les rapporteures notent que selon le HCECM, les lycées de la Défense « sont une réponse appréciée à certaines difficultés engendrées par la mobilité ». C’est aussi ce qu’a indiqué la DRH-AT aux rapporteures : « les six lycées de la Défense et le collège d’Autun constituent un outil pour offrir des scolarités stables aux enfants de militaire. Ils donnent satisfaction dans l’ensemble ».

Cependant, poursuit le Haut comité, « d’une part, leur taille reste modeste et, d’autre part, il ne peut être envisagé que l’éloignement des enfants de leur famille soit la solution universelle aux contraintes que l’état militaire fait peser sur la scolarité des enfants de militaire. En 2016, ils accueillaient, au titre de l’aide à a famille, près de 3 000 élèves (hors classes de préparation aux grandes écoles militaires) dont 70 % étaient des enfants de militaire. Dans son enquête sur l’accompagnement proposé par le ministère des armées, la DRH-MD relevait que « les lycées de la défense ont une bonne notoriété auprès des parents [mais que] les parents privilégient peu ces établissements ». Avec l’emploi du conjoint, la scolarité est une préoccupation majeure lors d’une mobilité. »

S’agissant des maisons d’enfants FARÉ de Sathonay et de La Roche-Guyon, internats de haute qualité pour les enfants du ministère des Armées en situation familiale particulière, le ministère des Armées a indiqué qu’ils avaient été ouverts par dérogation à l’accueil d’enfants de personnels soignants et opérationnels pendant la crise sanitaire.

 

Les maisons d’enfants FARÉ

Le ministère des Armées dispose de deux maisons d’enfants FARÉ, dont la capacité totale d’accueil est de 120 places pour des enfants de 6 à 18 ans et pour les jeunes de 18 à 21 ans ([93]). Gérées par l’IGESA, ces maisons d’enfants sont situées à La Roche-Guyon ([94]) dans le Val-d’Oise et à Sathonay ([95]) dans le Rhône.

Dans ces maisons d’enfants, l’accent est mis sur quatre dimensions fondamentales : la dimension éducative et l’accompagnement dans la vie quotidienne, la dimension soin et soutien psychologique, la dimension d’accompagnement scolaire et d’apprentissage et l’animation et les loisirs. Un assistant de service social du service de l’action sociale des armées, interlocuteur central dans les demandes d’admission au titre de l’accompagnement éducatif et social et de l’accueil de l’enfant et de l’adolescent protégé, y est présent au début de la procédure d’accueil, durant l’accueil et à l’issue de celui-ci. Véritable outil pour les parents, les enfants et l’ASS, le placement libre permet une procédure d’accueil et de prise en charge personnalisée, en prévention d’une éventuelle dégradation de la situation, avec l’adhésion de l’enfant ou l’adolescent et de la famille.

Les principaux motifs d’admission en maisons FARÉ sont la séparation de couple, les problèmes conjugaux ayant des conséquences sur l’équilibre de l’enfant, les familles monoparentales ou familles recomposées en demande de soutien éducatif, l’impact de la vie professionnelle sur la sphère familiale, les placements ASE ([96]) dans le cadre de la protection de l’enfance et les problèmes liés à l’adolescence. En 2020, la maison d’enfants de La Roche-Guyon accueillait 34 enfants et celle de Sathonay, 30 enfants.

La co-rapporteure Séverine Gipson a eu l’occasion de visiter le très bel établissement de La Roche-Guyon, situé sur un site unique et offrant des conditions de vie et d’encadrement exceptionnelles aux enfants de militaire qui y sont accueillis. Très favorablement impressionnée par la qualité du suivi offert dans l’établissement à chaque enfant ainsi que par la qualité de vie proposée, elle s’est trouvée surprise d’apprendre qu’en dépit d’une capacité d’accueil d’une soixantaine de places, l’établissement n’accueillait qu’une trentaine d’enfants. Elle salue la logique d’accueil et de prévention – et non de placement et de réparation – présidant au fonctionnement du dispositif, l’idée étant pour l’établissement de prendre le relais pendant que le parent militaire est en opération. La co-rapporteure salue également le suivi des enfants qui, chacun, ont un projet personnalisé construit avec l’équipe éducative, de même que la possibilité pour les familles de venir séjourner un week-end dans l’institution pour rendre visite à leur enfant accueilli. Elle estime donc que le service de l’action sociale des armées ainsi que l’Igesa doivent absolument poursuivre leurs efforts de communication afin de faire connaître les deux établissements de Sathonay et de la Roche-Guyon. En effet, si les maisons d’enfants étaient auparavant connues des assistantes sociales du ministère, les nouvelles générations semblent en ignorer l’existence ou, du moins, semblent ne pas en comprendre la logique d’accueil. Elles ne semblent pas non plus bien connaître les spécificités du monde militaire. La rapporteure s’interroge par ailleurs quant au nom de « FARÉ » donné à ces établissements et estime qu’il eût été préférable de leur conférer un nom plus lisible des potentiels bénéficiaires. Enfin, elle note que ces établissements souffrent peut-être d’un a priori, certaines familles ayant tendance à associer à tort les maisons d’enfants FARÉ aux établissements de placement de l’ASE.

4.   La question de l’hébergement des étudiants issus de familles de militaire

S’agissant des enfants de militaire souhaitant poursuivre des études supérieures, si le décalage entre le plan annuel de mutation et le calendrier d’inscription sur Parcours sup peut poser difficulté, il semble que les enfants de militaire n’aient pas plus de difficulté à effectuer ces inscriptions que le reste des jeunes étudiants. Le principal problème des enfants de militaire est celui de l’hébergement, comme le rappelle à juste titre le HCECM dans son rapport précité. Les rapporteures notent ainsi que la gendarmerie s’est appuyée sur la Fondation Maison de la gendarmerie afin d’offrir aux enfants de gendarmes des possibilités d’hébergement étudiant en Île-de-France. Les rapporteures formulent en troisième partie de rapport une proposition concrète en vue d’apporter une solution à cet enjeu.

D.   Une offre de soins défaillante en raison de la désertification médicale

1.   La désertification médicale

Ainsi que le rappelle le HCECM dans son 12e rapport thématique, « si le nombre de médecins en France a crû au cours des quarante dernières années dans une proportion légèrement supérieure à celle de la croissance de la population, l’évolution de leur répartition a connu des fortes différences selon les territoires : il y a ainsi 798 médecins à Paris pour 100 000 habitants mais 180 seulement dans le département de l’Eure où se trouve la base aérienne d’Évreux, alors que la moyenne nationale est d’environ 33 069. » Les espaces les plus gravement touchés par la désertification médicale sont le grand Bassin parisien, le cœur du Massif central (Aubrac, Margeride...), le Jura et les Vosges, le Bocage vendéen et la Guyane.

Longtemps, explique le HCECM, « l’accès des familles aux centres médicaux des armées a permis de limiter les effets de ces évolutions ». Cependant, « la densité des activités opérationnelles ou d’entraînement conduit à ce que de nombreux soignants de la médecine des forces exercent leur soutien en dehors des centres médicaux : dans les unités visitées par les membres du Haut Comité, il n’a jamais été constaté une présence de médecins supérieure à 50 % des effectifs en organisation. Il en résulte des capacités de consultations très variables, pour les militaires (le délai de prise de rendez-vous pour une visite périodique est de l’ordre de 17 jours), mais surtout pour les familles, qui accèdent désormais difficilement à un médecin militaire. Par ailleurs, comme les familles des militaires ne bénéficient pas de la règle « médecin militaire = médecin traitant », elles se trouvent pénalisées en termes de remboursement dès lors qu’un médecin militaire les adresse à un confrère civil. « La progression du nombre de zones sous-denses en médecins généralistes amplifie la difficulté pour certaines familles de trouver un médecin traitant ».

Interrogé à ce sujet, le service de santé des armées a rappelé qu’il n’avait pas vocation à combler les déserts médicaux. Les rapporteures partagent ce point de vue, a fortiori dans un contexte où le SSA est à la fois en surchauffe opérationnelle – la crise sanitaire ayant amplifié cet état de fait – et en sous-effectifs, manquant à tout le moins d’une centaine de médecins. Elles notent que selon le SSA, il peut arriver que les familles de militaire soient acceptées dans les antennes médicales. Le SSA a également rappelé que ses médecins participaient aux urgences dans les hôpitaux de proximité pour maintenir leurs compétences.

Les rapporteures tiennent ici à se faire l’écho des nombreuses familles de militaires désemparées face au manque cruel de médecins, généralistes mais aussi spécialistes, et de personnels paramédicaux susceptibles de soutenir le traitement des pathologies infantiles – ergothérapeutes, orthophonistes, etc. Le CSFM l’a indiqué aux rapporteures, « lors de leur mutation, les militaires peuvent avoir de véritables difficultés à trouver des médecins généralistes et spécialistes dont les plannings de rendez-vous ne soient pas déjà occupés complètement avec une patientèle établie, dans un contexte de désert médical. Les prises de rendez-vous relèvent d’un véritable parcours du combattant ».

2.   Les mesures prises par le SSA en faveur de l’accès des familles aux hôpitaux d’instruction des armées ne peuvent, par construction, bénéficier qu’aux familles vivant à proximité de ces hôpitaux

Dans le cadre de l’axe 3 du plan Famille « mieux vivre la mobilité », le ministère des Armées a défini une mesure 3.3.5 visant à rendre prioritaire l’accès des familles à l’ensemble des hôpitaux du SSA. Cette mesure est déclinée en trois actions :

– faciliter l’accès aux soins au profit des familles de militaires et de civils de la défense dans l’ensemble des hôpitaux du SSA ;

– faire usage du parcours prioritaire du militaire, déjà en place au sein des hôpitaux d’instruction des armées – les militaires disposant d’une ligne téléphonique spécifique pour prendre leurs rendez-vous et ayant accès à un guichet unique ;

– communiquer auprès des familles pour faire connaître les dispositifs mis en application par les HIA et l’accès aux soins au profit des familles.

En 2021, la capacité totale des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) est de 1 590 lits et places. Le SSA a indiqué que la composante hospitalière militaire allait être ajustée afin que les HIA recentrent leurs activités sur la prise en charge du blessé de guerre en toutes circonstances. En complément, certains HIA pourraient s’inscrire dans un maillage territorial d’établissements partenaires.

Dès la fin de l’année 2017, le service de santé des armées a pris des mesures visant d’une part, à informer sur son offre hospitalière de soins (livret d’accueil, site intradef, flyers, actions de communication auprès des unités en proximité) et, d’autre part, à faciliter l’accès dans ses établissements hospitaliers aux militaires, à leur famille et à la communauté de défense.

Ces mesures ont été accompagnées de la création d’un numéro unique ou d’une adresse fonctionnelle propre à chaque hôpital d’instruction des armées (HIA) dédié à la prise de rendez-vous, la généralisation de créneaux de consultation réservés, avec ou sans rendez-vous, ou encore la création d’une cellule d’accueil des militaires et des familles (CAMF) dédiée dans chaque HIA, la dernière ayant été ouverte à l’HIA Bégin en mai 2020. Au sein des hôpitaux d’instruction des armées, des agents d’accueil orientent les familles à leur arrivée vers cette cellule, leur facilitant la réalisation de démarches administratives (file d’attente prioritaire pour la création de cartes, enregistrement avant consultations etc.). Le SSA a aussi indiqué aux rapporteures que le déploiement de l’application Doctolib dans certains HIA devrait aussi simplifier la prise de rendez-vous puisque les hôpitaux ont la possibilité de paramétrer sur cette application des plages dédiées aux militaires et aux ayants droit.

Outre ces actions, le SSA a participé à des événements organisés par les armées au profit des militaires et de leur famille – tels que les forums des familles, les salons des nouveaux arrivants, les journées d’information des familles avant un départ outre-mer et les journées de « reconnaissance garnison ». Le service a également présenté des offres de soins spécifiques sur les sites internet et intranet de certains HIA et créé des cellules d’accueil dédiées. Enfin, pendant la crise sanitaire, le SSA a maintenu son offre au profit des familles grâce aux téléconsultations, a offert un accès prioritaire aux tests PCR dans certains HIA et a créé un numéro « Écoute famille Percy » au profit de l’accompagnement des familles de patients touchés par l’épidémie.

L’implantation géographique des HIA au sein de sept grandes métropoles limite toutefois la portée de ces mesures aux familles vivant à proximité. En outre, les spécialités proposées par les HIA, adaptées au contrat opérationnel et à leur mission première de soutien aux armées, sont susceptibles de ne pas correspondre en totalité aux besoins des familles, notamment en pédiatrie, et en gynécologie. En effet, depuis quelques années, la composante hospitalière militaire s’est recentrée sur les spécialités médicales et chirurgicales en relation avec le contrat opérationnel du SSA, ce qui a conduit à la disparition de certaines spécialités, telles que la pédiatrie, et à une diminution capacitaire de certains hôpitaux. Comme le rappelle le CSFM, interrogé par les rapporteures, « l’offre de soins, en particulier au sein des HIA, est disparate selon [que ces hôpitaux sont des] établissements hospitaliers militaires ou des établissements hospitaliers civils et militaires (EHCM). En effet, les établissements hospitaliers militaires (Percy, Sainte-Anne et Laveran) proposent une offre diversifiée avec de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales (hormis certaines spécialités dont la pédiatrie, la gynéco-obstétrique, la gériatrie etc.) et un plateau technique de haut niveau, ce qui n’est pas le cas des EHCM qui disposent d’une offre de soins plus limitée. »

Les rapporteures notent également que dans les EHCM, les militaires et leur famille ne sont pas prioritaires dans la prise de rendez-vous. Elles constatent aussi, à la lecture de l’avis budgétaire ([97]) de leur collègue Xavier Batut sur les crédits consacrés à la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2022, que les antennes médicales du SSA sont bien positionnées pour les militaires des trois armées mais moins pour les gendarmes. La direction des personnels militaires de la gendarmerie note qu’« en ce qui concerne l’accessibilité aux soins, la prise en charge des familles par un médecin du SSA est très hétérogène en fonction des antennes médicales. En effet, l’implantation de très nombreuses unités dans les zones rurales reculées et leur éloignement des structures médicales limitent fortement l’accès des familles à l’offre de soins du SSA. Cette difficulté est amplifiée du fait de l’intensification des missions opérationnelles et des fortes tensions pesant sur les ressources humaines du SSA, induisant un recentrage de ce dernier sur sa mission prioritaire de soutien médical aux forces armées en opération ».

« D’une manière générale, souligne le CSFM, les retours des militaires et de leur famille font état d’une dégradation au fil du temps de l’accès aux soins dans les établissements de santé des armées à l’instar de la situation générale du service public hospitalier, de la désertification médicale et du manque de certains spécialistes ».

E.   Des mesures à inscrire dans une réflexion globale et opérationnelle

En dehors des difficultés évoquées supra, consécutives à la mobilité des militaires, les rapporteures ont identifié des difficultés liées à certaines mesures concernant les cercles mess (1), l’aide aux familles comportant une personne en situation de handicap (2), les espaces Atlas (3), la prestation de soutien en cas d’absence et l’aide au parent exerçant son droit de visite et d’hébergement (4) et, enfin, la création d’une maison des familles des pensionnaires de l’Institution nationale des Invalides (5).

1.   Des mesures relatives aux cercles mess qui peinent à rencontrer leur public

L’axe 2 du plan Famille « Faciliter l’intégration des familles dans la communauté militaire et de défense » comporte deux mesures relatives à l’accès aux cercles mess :

la mesure 2.4.1 qui prévoit d’étendre l’offre hôtelière des cercles mess pour faciliter l’accueil des familles grâce à la négociation de tarifs préférentiels avec des hôtels et appart hôtels du secteur privé ;

la mesure 2.4.2 qui prévoit un effort d’harmonisation des tarifs des cercles mess, au profit des familles.

Ces deux mesures sont pleinement accomplies : 233 conventions locales ont en effet été conclues avec des hôtels hors enceinte militaire et ont été portées à la connaissance des militaires et de leur famille sur l’application e-hôtel. D’autre part, un tarif plafond de 10 euros par repas – composé d’une entrée, d’un plat et d’un dessert – pris en cercle militaire a été fixé pour les familles de militaires – ce qui inclut leurs conjoints, leurs enfants, leurs parents, leurs grands-parents ainsi que leurs frères et sœurs.

Cependant, les rapporteures s’interrogent quant à la pertinence de la mesure 2.4.2. Bien que certaines garnisons disposent de peu de capacité hôtelière, les rapporteures ne sont pas certaines qu’une augmentation de l’offre fasse l’objet d’une demande récurrente de la part de la communauté militaire. De plus, les mesures de sécurité en vigueur sur les emprises militaires freinent l’accès aux mess si bien qu’il est beaucoup plus simple pour les familles de se rendre dans les cercles qui sont situés en ville, hors enceinte militaire. Les rapporteures estiment que seuls les cercles de « rayonnement » situés dans les grandes villes peuvent attirer une clientèle familiale.

2.   Le handicap : un enjeu dont la prise en compte doit être renforcée dans les différents champs d’action du plan Famille

Insérée en 2020 dans le plan Famille, la mesure 3.3.6 vise à améliorer la prise en compte et l’accompagnement de la mobilité des familles concernées par une situation de handicap. L’objectif que s’est fixé le ministère des Armées consiste à développer cet accompagnement, s’agissant notamment du renouvellement des allocations handicap auprès de la maison départementale, de l’inscription scolaire ou en établissement spécialisé ou encore des obligations de soins. La DRH-MD a constitué deux groupes de travail à la fin de l’année 2020 auxquels participent notamment les gendarmes. Le premier groupe vise à l’extension géographique des guides pratiques sur le handicap élaborés dans certains bassins de vie à d’autres régions. Le guide comportera des annexes départementales recensant les ressources et contacts utiles aux familles. Ce groupe de travail produira une première version du guide au cours du premier semestre 2022. Le second groupe de travail est chargé d’examiner quelles sont les ressources mobilisables en vue d’atténuer les effets de la mobilité sur les familles concernées par le handicap.

Sur la base de cette mesure à la suite d’un sondage mené auprès de 1 400 gendarmes à l’été 2020, la Gendarmerie nationale a décidé de renforcer ses efforts dans ce domaine avec le lancement d’un plan d’action en faveur des aidants familiaux, en février 2021. Fondé sur 12 objectifs, ce plan entend améliorer l’accès à l’information, les échanges et les retours d’expériences en lien avec les situations de handicap.

En complément, la mesure 4.6 accentue et renforce la prise en compte des besoins particuliers liés à une situation de handicap lors du processus d’attribution de logement. Comme l’indique la DPMM, cette mesure avait été particulièrement plébiscitée par les marins.

Un groupe de travail regroupant les directions des ressources humaines d’armées, la direction générale de l’armement, la DRH-MD et la direction générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN) a été constitué par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) afin de refondre les règles d’éligibilité et de priorité au logement familial dans la modification de l’instruction ministérielle 1134. Il a été notamment acté d’accorder des points supplémentaires pour les dossiers des familles qui sont confrontés au handicap, points qui permettront à ces familles de bénéficier d’un niveau de priorité plus élevé. Une attention particulière est également portée à l’éloignement du domicile des structures de soin, écoles, et aux contraintes de la personne handicapée. La nouvelle instruction a été publiée à la fin du mois de novembre 2021. Ce système de cotation sera intégré dans le nouveau système d’information de la fonction logement ATRIUM déployé à compter de novembre 2021.

Les rapporteures saluent cet effort mais estiment que l’action du ministère des Armées en direction de ces familles doit être complétée et poursuivie dans la durée, particulièrement en matière de politique de logement.

3.   Les espaces ATLAS : une qualité de soutien de proximité variable qui reste à professionnaliser et à développer

En vue de l’intégration des familles à la communauté de défense, les espaces de soutien commun dont disposent les militaires sur chaque base de défense, que l’on appelle espaces ATLAS ([98]) – l’acronyme signifiant « accès en tout temps, en tout lieu, au soutien », – sont rendus accessibles aux familles (mesure 2.1.1), dès lors que la sûreté de défense et les normes de sécurité des établissements et des sites militaires le permettent. Tous les espaces ATLAS ont vocation à délivrer des prestations à la famille, plus ou moins développées selon le besoin local.

Depuis 2017, 182 espaces ATLAS ont été livrés sur le territoire métropolitain en 2021 pour une cible fixée à 205 qui sera atteinte en fin d’année 2022. En outre-mer et à l’étranger, 4 espaces ATLAS ont été ouverts sur une cible actuellement évaluée à 23 qui devrait être atteinte à la fin de l’année 2024 si les besoins en crédits d’infrastructure sont satisfaits en 2022.

Si le déploiement des espaces ATLAS constitue une offre de services appréciée, l’accès à certaines emprises est parfois limité pour des raisons de sécurité. En outre, il conviendrait de professionnaliser le personnel des espaces Atlas. Enfin, la création de ces espaces crée une forme de pression sur les effectifs du soutien dans la mesure où aucun emploi à temps plein n’a été créé lors de l’installation de ces pôles : l’armement des postes a été réalisé à partir des moyens de l’unité ou du groupement de soutien de base de défense accueillant les pôles.

Lors de son déplacement au deuxième régiment du matériel, la co-rapporteure Séverine Gipson a été alertée du fait que les horaires des espaces ATLAS correspondaient souvent aux horaires de travail des conjoints de militaires. Il conviendrait donc de prévoir l’ouverture de ces espaces en dehors du créneau de 9 heures à 17 heures.

4.   Une certaine complexité des procédures et des critères d’attribution de la prestation de soutien en cas d’absence du domicile (PSAD) et de l’aide au parent exerçant son droit de visite et d’hébergement (APDVH)

En lien avec la gestion de l’absence, le ministère a engagé un travail d’adaptation de ses prestations sociales, en particulier en ce qui concerne la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile (PSAD) et l’aide aux parents exerçant un droit de visite et d’hébergement (APDVH).

En 2014, le Haut Comité appelait à porter une attention particulière aux militaires divorcés et séparés, considérant que « les contraintes de mobilité, d’absence prolongée ou d’imprévisibilité de l’activité attachées à l’état militaire devraient pouvoir s’accompagner d’aides appropriées à leur profit, par exemple dans le cas de la garde alternée ou du droit de visite des enfants ». Par ailleurs, dans sa revue annuelle de la condition militaire, le Haut Comité souligne que la part des militaires divorcés ou séparés dans l’ensemble de la population militaire est en hausse tendancielle très mesurée entre 2010 (4,0 %) et 2019 (4,4 %).

Cependant, la mise en application de la PSAD et l’APDVH ne paraît pas toujours optimale et malgré la volonté qu’a eue le ministère de simplifier ces aides, elle peut créer des contraintes supplémentaires pour ses bénéficiaires.

Dans le cadre de l’offre de prestations sociales pendant l’absence de mission, la mesure 1.2 entend « élargir et simplifier les conditions d’accès à la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile (PSAD), qui apporte un soutien sous la forme d’aide financière en cas de recours à des services à la personne lorsqu’un personnel est absent de son foyer pour des raisons opérationnelles ou en raison de son hospitalisation ».

En 2019, le dispositif a été rendu plus transparent, notamment grâce à l’abandon des circonstances d’absence au profit d’une justification de l’absence liée à l’exécution du service d’au moins 8 jours, hors formation, ou à une hospitalisation d’une durée minimale de 3 jours. Le dispositif a également été simplifié en février 2020 en se voyant appliquer le mode de calcul du quotient familial, ce afin de favoriser les familles touchées par une situation de handicap ou en situation de monoparentalité. Au 31 mai 2019, 5 151 prestations avaient été accordées pour un montant de 1,5 million d’euros.

La PSAD est une mesure sollicitée et appréciée répondant à un réel besoin du militaire souvent éloigné de sa famille. Néanmoins, la prise en compte d’un quotient familial trop faible ainsi que la procédure de remboursement sur présentation de la facture ne donnent pas entière satisfaction.

La mesure 2.3 a quant à elle été créée pour faciliter l’accueil des enfants de militaires célibataires, en cours de séparation ou récemment séparés, disposant d’un droit de visite mais pas d’un logement de taille suffisante dans leur garnison. Entrée en vigueur le 9 février 2018, elle ne rencontre pas le même succès et fait également l’objet de critiques concernant ses critères d’attribution. Cette aide est de 100 euros par nuitée et de 30 euros par enfant, plafonnée à 3 800 euros par an. Une modification du dispositif a permis de cumuler les nuitées pour mieux répondre aux besoins des militaires ultramarins. En 2018, cette nouvelle prestation avait représenté un coût environ 510 000 euros, bien en deçà des 700 000 euros prévus. Au 30 juin 2021, toutefois, 90 prestations avaient été accordées dont 47 au premier trimestre 2021.

Selon la DRH-MD, la faible sollicitation de cette aide au regard de la part des militaires divorcés ou séparés s’explique par le fait que le dispositif ne vise à accompagner ces militaires que le temps qu’ils s’organisent et trouvent un logement adapté. Il peut être sollicité pendant 30 mois consécutifs dès la séparation « physique » (sans qualification juridique). Les rapporteures suggèrent cependant, pour renforcer le dispositif, de supprimer toute notion géographique afin que le militaire puisse accueillir ses enfants dans le lieu de son choix, de mieux accompagner la fin du versement de la prestation et d’examiner la possibilité d’une prise en charge totale ou partielle des frais de transport afin de renforcer l’utilisation de l’APDVH.

5.   La création d’une maison des familles des pensionnaires de l’Institution nationale des Invalides : une mesure envisagée mais finalement jugée non nécessaire au regard des besoins

La mesure 2.6 avait pour objet d’examiner les modalités de développement d’une offre d’hébergement à destination des familles des pensionnaires et des militaires, dans un lieu aisément accessible depuis l’Institution Nationale des Invalides (INI). Cependant, l’examen des besoins n’a pas fait ressortir de nécessité de créer une maison des familles de pensionnaires. En effet, aujourd’hui, 8 chambres sont d’ores et déjà proposées par l’Institution nationale des Invalides, ce qui couvre les besoins d’accueil actuels. Par ailleurs, un nouveau projet d’infrastructure de l’Institution nationale des Invalides intègre la création de chambres d’hébergement : en tout, 8 chambres de passage seront proposées en 2021 aux familles, dont 5 accessibles aux personnes en situation de handicap. La mesure n’est donc désormais plus d’actualité.

IV.   Certaines mesures, très favorablement attendues, restent difficiles à évaluer, étant encore en cours de déploiement

Compte tenu du caractère récent de certaines actions, les rapporteures ne s’estiment pas en mesure d’en fournir un bilan en bonne et due forme. Elles concentreront donc leur appréciation sur l’intention et les objectifs affichés par le ministère des Armées. C’est le cas de la numérisation de l’information relative à l’accompagnement social des familles (A) ainsi que de la considération renforcée à l’égard des besoins sociaux (B).

A.   Un accès simplifié à l’information relative à l’accompagnement social des familles : des mesures saluées par les militaires et leur famille mais qui demeurent en cours de déploiement

 

Diverses mesures en cours de déploiement répondent à un besoin d’information et d’accompagnement des familles.

1.   Les cellules d’information et d’accompagnement des familles, un dispositif répondant à une forte demande

 

La mesure 2.1.1 place sous l’autorité du commandement local, dans une logique de bassin de vie ([99]), une cellule unique d’information et d’accompagnement des familles (CIAF). Les CIAF ont pour mission d’accueillir et d’informer les familles, de les accompagner et de les soutenir en cas de mobilité et pendant les absences opérationnelles, de les orienter vers les services locaux du ministère ou vers d’autres prestataires locaux et de solliciter les opérateurs concernés en charge de l’accompagnement des familles. Les CIAF assurent ainsi le même rôle, au sein des structures interarmées et des garnisons éloignées de leur régiment ou lorsqu’une famille est en situation de célibat géographique, que les bureaux d’environnement humain, les bureaux de liaison des familles et les SCAAF. Leur expérimentation en 2018, parallèlement au déploiement des espaces ATLAS, a démontré qu’elles répondaient à une forte demande des familles, en complémentarité avec l’écosystème social local. Le concept des CIAF a donc été pérennisé le 27 juin 2019 et au 15 novembre 2021, 27 CIAF ont ouvert, pour une cible fixée à 32. Neuf bases de défense disposent d’une CIAF armée de deux postes, 15 bases de défense disposent d’une CIAF armée d’un poste sur deux et 8 bases de défense ont sur leur référentiel en organisation des effectifs prévus au profit de ces CIAF mais n’ont pas encore armé, de facto, ces structures. Enfin, 13 bases de défense n’ont aucun effectif prévu à cet effet dans leur référentiel en organisation.

 

Le caractère encore récent du dispositif ne permet pas de disposer du recul nécessaire pour tirer un bilan des prestations proposées par les CIAF. Le séminaire sur les CIAF qui s’est déroulé le 21 octobre 2021 a toutefois permis aux acteurs de terrain d’échanger pour la première fois sur les bénéfices obtenus, ainsi que sur les limites identifiées de la part de ces jeunes structures. L’armée de l’Air et de l’Espace considère qu’il est nécessaire de mieux coopérer avec les CIAF, en les intégrant notamment à son réseau de gestion de la condition du personnel. Les rapporteures notent quant à elles que l’accès aux CIAF est parfois difficile aux conjoints lorsqu’elles sont situées sur des emprises militaires.

 

Parallèlement au déploiement des CIAF, le ministère des Armées s’appuie sur les possibilités offertes par la transformation digitale pour moderniser son action d’accompagnement auprès des familles. Les rapporteures reviennent en troisième partie du présent rapport sur le projet Famille des Armées.

2.   La plateforme « e-social des armées » et le portail numérique du blessé

Le niveau de connaissance de l’accompagnement social dans les armées représente un véritable enjeu, compte tenu de la complexité des dispositifs et de la diversité des publics concernés.

La mesure 5.1 vise à simplifier et à renforcer l’accompagnement social des ressortissants de la communauté de défense en développant une offre digitale de service via la plateforme e-social des armées. Cette plateforme permet aux ressortissants, y compris aux retraités et au personnel de la gendarmerie, de s’informer sur les aides sociales et de faire une demande de prestation via l’outil numérique. Depuis juin 2018, le portail « e-social des armées » est opérationnel dans sa « version 1 ». La plateforme web inclut un simulateur de prestations ministérielles et interministérielles.

La version 2 du « e-social des armées », dont la mise à disposition est opérationnelle depuis le 22 juillet 2021, vise à une dématérialisation complète des prestations d’action sociale réglementées, dans le cadre du transfert progressif de leur gestion à Igesa. Elle a pour objet de permettre au ressortissant de formuler sa demande d’aide sociale par internet tout en suivant le cheminement de son dossier en temps réel, et ceci par la digitalisation de la demande de prestation d’action sociale réglementée, l’authentification du demandeur de la prestation et le traitement dématérialisé de bout en bout des demandes. Le service de l’action sociale du ministère a défini en août 2019 un cadencement de transfert des prestations réglementées vers l’Igesa selon trois jalons, entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2023. Sont concernés au 31 juillet 2021 dans la version 2 de la plateforme « e-social » : la prestation éducation, le dispositif de remboursement de frais en cas d’annulation ou de report de congés pour raison de service (RFRS) et la subvention interministérielle d’aide au séjour d’enfants en centre de loisirs sans hébergement. D’ici à 2023, 17 prestations supplémentaires seront ainsi progressivement dématérialisées.

L’évolution de la communication relative à l’accompagnement social semble dans l’ensemble bien accueillie par la communauté militaire. Le portail « e-social » dans sa version 2 est désormais opérationnel même si toutes les prestations ne sont pas encore disponibles en ligne. Les rapporteures notent cependant que l’e-social des armées est en fait intégré au portail internet de l’Igesa, dont il constitue l’un des onglets et que cet onglet n’est pas forcément très lisible pour les potentiels bénéficiaires des prêts et prestations offertes.

 

Dans la même perspective, la mesure 5.3.1 vise à la création d’un « portail numérique du blessé ». L’objectif est de simplifier l’accompagnement offert aux militaires blessés et à leur famille ainsi qu’aux familles endeuillées grâce à une plateforme de services dédiée qui sera accessible via internet en 2022. Déployé dans l’ensemble des groupements de soutien de base de défense, il permet désormais d’effectuer sa demande de pension militaire d’invalidité sur intradef (SGA Connect), avec des délais de constitution des dossiers divisés par deux, de 100 à 50 jours. Une évolution, livrée en juillet 2021, permet aux militaires gérés par d’autres employeurs de se connecter au portail et d’établir une demande depuis le réseau interministériel de l’État et d’offrir une authentification alternative pour les personnels hors réseau du ministère des Armées. Les gendarmes ainsi que les sapeurs-pompiers de la brigade de Paris, notamment, pourront déposer en ligne leur demande via ce portail. Afin d’offrir à l’ensemble du monde combattant une offre de services accessible en ligne, l’utilisation de l’authentification alternative pourrait être élargie aux retraités et l’accès via le réseau interministériel de l’État permettrait d’accueillir les ressortissants retraités ou dans des positions de « non-activité » dans les espaces ATLAS du SCA et dans les services départementaux de l’Office national des anciens combattants. La mise en œuvre de cette solution est envisagée au premier semestre 2022.

 

L’expérimentation du portail indemnisation complémentaire (PIC) est en cours. Ce portail permet à chaque militaire blessé ou malade de formuler lui-même sa demande d’indemnisation à partir d’un poste intradef.

 

En parallèle, au début de l’année 2021, les demandes d’allocations ou de secours des fonds de prévoyance ont été dématérialisées et peuvent désormais être effectuées depuis internet en cas de blessure en OPEX, de radiation des cadres imputable à une invalidité ou de décès imputable au service ou en relation avec le service. Ces demandes sont prises en charge par l’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP).

 

Si pour la direction des personnels militaires de la gendarmerie la création du « portail numérique du blessé » constitue une « avancée majeure », elle doit être tempérée du fait du retard pris dans le déploiement de cet outil au profit des gendarmes.

B.   Une considération renforcée à l’égard des besoins familiaux

1.   L’accès gratuit des familles à la plateforme Yoopies : une nouvelle réponse aux besoins des familles

En plus de la création de structures d’accueil telles que des crèches, le ministère a cherché à mobiliser au profit de ses personnels des solutions de garde plus souples permettant la prise en compte d’horaires atypiques et irréguliers. La ministre des Armées, Florence Parly, a donc officialisé le 26 octobre dernier, en présence des rapporteures, un partenariat entre le ministère et la plateforme numérique Yoopies. Les 270 000 personnels civils et militaires du ministère ont désormais un accès gratuit et illimitésans frais d’inscription ni de commission – à cette plateforme de services dans cinq domaines : la garde d’enfants, le soutien scolaire, l’aide aux personnes dépendantes ainsi qu’au ménage et la garde d’animaux. Entre le 25 octobre et 16 novembre 2021, plus de 2 000 codes de gratuité[100] ont été retirés sur le site d’Igesa afin de bénéficier des services de Yoopies.

Complémentaire des mesures déjà existantes, l’offre partenariale proposée par le ministère et Yoopies en matière de garde d’enfants, permet aux familles de militaires et civils de la défense d’accéder via la plateforme numérique à des baby-sitters et à des assistantes maternelles dont les profils et diplômes sont vérifiés. L’offre de Yoopies permet aussi d’assurer la garde d’enfants au-delà de la tranche de 0 à 3 ans et vise à répondre aux besoins de garde périscolaire, temporaires ou ponctuels. Une simulation des coûts de la garde est accessible et inclut les aides et avantages fiscaux déductibles. Plusieurs nouveautés introduites par l’utilisation de la plateforme Yoopies permettent de répondre à la volonté de modernisation et de simplification souhaitée par le plan Famille grâce à :

 l’automatisation de toutes les démarches administratives à la fois sur les plans contractuel et administratif : contrat, calcul des aides de la CAF, déclarations auprès de l’Urssaf, etc ;

 la recherche par critères de géolocalisation, d’expérience et de disponibilité.

Filiale de la société Worklife, Yoopies a été créée en 2011. Le fonctionnement de la plateforme repose sur la recommandation de plus de 3 millions de membres et son utilisation s’est développée dans 20 pays. Elle dénombre actuellement près d’un million d’intervenants pour la garde d’enfant (assistantes maternelles, baby-sitters, nounous). Plus de 130 entreprises « grands comptes » clientes et plus d’un million de salariés bénéficient de l’offre de services de Yoopies.

Le tableau ci-dessous présente les profils des baby-sitters et assistantes maternelles employées par Yoopies :

Les rapporteures se félicitent du lancement de ce partenariat qui non seulement répond au besoin de garde d’enfants mais également au sentiment d’isolement de certaines femmes de militaire. En effet, l’une de leurs préoccupations majeures tout au long des travaux de la mission d’information était d’identifier des solutions pour les enfants de militaire, au-delà de la tranche d’âge de 0 à 3 ans et notamment pour l’accompagnement périscolaire des enfants depuis l’école primaire jusqu’au lycée. Si les rapporteures ne peuvent établir de bilan du dispositif à ce stade, elles estiment qu’il devrait aussi permettre de promouvoir l’emploi de conjoints de militaire comme assistants maternels. Plus largement, les rapporteures estiment que les évolutions introduites par Yoopies s’inscrivent dans une perspective de décloisonnement des prestations sociales.

2.   La négociation de conditions tarifaires avec les compagnies aériennes : une expérimentation visant à limiter les effets du célibat géographique et à faciliter les déplacements familiaux

La mesure 1.7 vise à négocier avec des compagnies aériennes des conditions tarifaires privilégiées pour les militaires et leur famille. L’objectif poursuivi est d’obtenir des avantages commerciaux en tirant avantage du potentiel commercial que représente le ministère des Armées. Depuis novembre 2019, la base de défense de Toulon mène une expérimentation couvrant des besoins à échéance courte sur la liaison aérienne dans le sens Toulon-Brest-Toulon en coopération avec la compagnie aérienne TUI. Cette expérimentation a été renouvelée et étendue aux trajets Brest-Toulon-Brest par la base de défense de Brest en septembre 2020. Après une suspension des vols de plusieurs mois liée à la crise sanitaire, l’expérimentation a repris en mai 2021. En outre, à la suite des échanges menés avec l’aéroport de Toulon, Transavia a ouvert une nouvelle ligne à bas coûts le 22 avril 2021, opérant les lundis et jeudis.

Cette mesure concerne tout particulièrement la Marine nationale. La DPMM souligne que « la marine a besoin de déplacer ses marins entre ces deux bases de défense pour des périodes plus ou moins longues : un stage d’une semaine, un embarquement d’un mois, une formation de neuf mois. ». C’est l’une des raisons expliquant le choix du célibat géographique pour beaucoup de marins. À chaque mutation, la question du lieu de résidence des couples comprenant un marin se pose, en fonction de la zone géographique de la nouvelle affectation, et se complique avec l’enjeu de scolarisation des enfants et si le couple est propriétaire. La mesure 1.7 doit aussi permettre de mieux prendre en compte l’incertitude des programmes d’activité et des places accessibles peu de temps avant le vol.

V.   Un plan qui s’inscrit dans le cadre plus large de la loi de programmation militaire à hauteur d’homme

Si le plan Famille vise à rénover l’action sociale à destination des militaires et de leur famille, il s’inscrit également dans le cadre plus large de la LPM dont l’ambition est de « placer le soldat au cœur des priorités ». Cette ambition s’est traduite par l’investissement massif du ministère des Armées dans l’immobilier (A) et par la nouvelle politique de rémunération des militaires qui vise à les rémunérer « pour ce qu’ils font, pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils apportent » (B).

A.   Un investissement massif dans l’immobilier du ministère des Armées, au profit tant des militaires que de leur famille

1.   L’hébergement, une question traitée dans le cadre d’un plan à part entière, compte tenu de l’ampleur des enjeux

L’état global des infrastructures et des bâtiments dédiés à l’hébergement en enceinte militaire a souffert d’un sous-investissement important depuis plusieurs années. En 2020 ([101]), 69 % des militaires interrogés hébergés en enceinte militaire ou en bâtiments cadres célibataires considéraient comme « prioritaire » la rénovation des chambres et des sanitaires, et seuls 19 % s’estimaient « très satisfaits » de l’état général de leur hébergement.

Distinct du logement familial, l’hébergement correspond à une nécessité de service. Si la politique du logement familial relève du SGA, celle relative à l’hébergement relève de l’état-major des armées.

a.   Une action de traitement des infrastructures vieillissantes sur le territoire national et de création de places d’hébergement en Île-de-France menée dans le cadre du plan Famille

L’axe 6 du plan Famille, et en particulier ses mesures 6.2 et 6.3, vise à améliorer les conditions d’hébergement. D’une part, priorité est donnée à la résorption de 700 « points noirs » identifiés par le ministère (mesure 6.3), qui correspondent à des infrastructures vieillissantes sur l’ensemble du territoire, qu’il s’agisse du chauffage, du réseau d’eau, etc. D’autre part, la mesure 6.2 prévoit la création de 410 places d’hébergement pour l’accueil de cadres célibataires en Île-de-France.

Une opération de rénovation de bâtiments de cadres célibataires (BCC) prévue à Versailles Artois a finalement été retirée du plan Famille. Visant au départ la livraison d’un bâtiment de 50 places en 2020, cette opération a en effet été modifiée pour assurer le maintien d’une activité tertiaire. Le besoin initial en hébergement a cependant été compensé par l’opération du BCC de 150 places du Quartier des Loges à Saint-Germain-en-Laye, initialement programmée à 100 places. Par rapport à la programmation initiale de 2017, une économie de 8 millions d’euros a ainsi pu être réalisée. Pilotée par le service d’infrastructure de la défense, cette mesure est toujours en cours de déploiement. Elle intègre quatre opérations situées à Versailles Satory, Arcueil, Saint-Germain-en-Laye et Maisons-Laffitte. En 2020, elle s’est concrétisée par la livraison de deux BCC sur le plateau de Satory à Versailles (150 lits) et, au début de l’année 2021, au camp des Loges à Saint-Germain-en-Laye (150 lits). Deux autres bâtiments sont attendus au début de l’année 2022, offrant 300 places supplémentaires sur les sites d’Arcueil (200 lits) et de Maisons-Laffitte (100 lits).

Si l’on prend en compte divers autres gains de places, notamment la mise en service d’un BCC en août 2019 sur le site de Bégin (87 chambres), les capacités d’hébergement en Île-de-France auront augmenté de 700 places depuis 2018. Elles s’établiront à 5 216 places, contre 4 516 fin 2018. L’objectif du plan Famille en matière d’hébergement en Île-de-France sera ainsi atteint, avec un peu d’avance sur le calendrier initial, qui prévoyait le terme de l’opération à la fin de l’année 2022. Le ministère étudie actuellement la création d’un BCC supplémentaire d’une capacité de l’ordre de 150 places pour pallier d’éventuelles pertes de places liées à des manœuvres immobilières à venir.

Concernant la mesure 6.3, 63 « points noirs » restent à traiter, théoriquement, entre 2022 et 2026, soit 9 % des 700 points noirs identifiés lors de la revue complète des infrastructures menée en 2014. Ces travaux sont d’importance variable, allant de la rénovation légère à la rénovation lourde, voire à la reconstruction, en particulier s’agissant de certaines infrastructures techniques (chauffage, eau, etc.). Cette action est désormais suivie dans le cadre du plan Hébergement.

En 2020, 66 « points noirs » ont été annihilés, 532 « points noirs » sont traités, 11 « points noirs » ont fait l’objet d’une opération engagée en 2020 et 75 « points noirs » feront l’objet d’une opération entre 2021 et 2026. En 2021, 87 millions d’euros ont été consacrés au traitement de 44 « points noirs ».

b.   Le plan Hébergement, une prise en considération nationale des conditions d’hébergement des militaires

L’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, qui constitue l’un des volets du plan Famille s’agissant de l’Île-de-France, a donné lieu, pour l’ensemble du territoire national, à une programmation dédiée, le plan Hébergement, présenté par la ministre des Armées le 19 octobre 2019 à Carcassonne. Ce plan prolonge le périmètre des premières mesures du plan Famille à l’échelle nationale. Deux acteurs interviennent dans l’application du plan Hébergement : la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), chargée de la coordination et du financement, et le service infrastructure de la défense (SID), chargé de la direction du programme et de la réalisation des opérations d’investissement.

Ce programme prévoit 1,2 milliard d’euros d’engagements de travaux au cours de la période 2019-2025, soit le double du flux consacré à l’hébergement par la loi de programmation militaire précédente. Cet investissement ([102]) vise, selon la DPMA, à permettre la construction de nouveaux ensembles d’hébergement ainsi que la réhabilitation et la mise à niveau de nombreux ensembles existants :

550 millions d’euros, soit 46 % des crédits, seront consacrés à des travaux de réhabilitation d’hébergements existants et 650 millions d’euros, soit 54 % des crédits, sont destinés à augmenter les capacités d’hébergement ;

54 % des crédits du programme sont dédiés à l’hébergement des militaires du rang des trois armées (653 millions d’euros), 28 %, à l’hébergement des cadres célibataires (330 millions d’euros), 15 %, à l’hébergement de personnels en formation (183 millions d’euros) ([103]) et 3 %, à des hébergements d’accueil temporaire (32 millions d’euros).

Selon les informations fournies par la DPMA, environ 30 000 places d’hébergement nouvelles ou réhabilitées, soit un tiers du parc existant, devraient être concernées. Toutes les bases de défense, en métropole, en outre-mer et à l’étranger, bénéficieront de ce programme. L’armée de Terre est, en toute logique, la principale bénéficiaire du programme avec 711 millions d’euros d’investissements (59 %). Les choix effectués en matière de normes de construction afin de réduire la consommation énergétique traduisent également la volonté du ministère de se conformer à l’objectif de performance énergétique fixé par l’État, autant que possible, pour toute nouvelle construction. La co-rapporteure Isabelle Santiago avait d’ailleurs déjà salué cet aspect, conjointement avec le député Jean-Marie Fiévet, dans un rapport d’information publié le 5 mai dernier et consacré à la stratégie verte du ministère des Armées : dans ce rapport, les rapporteurs soulignaient que dans le domaine des infrastructures, le ministère affichait une ambition « verte » privilégiant « l’écoconception et les standards de haute qualité dans la mise en œuvre des projets immobiliers ».

 

2.   Le logement familial, composante essentielle de la condition du personnel bénéficiant d’un effort budgétaire inédit dans le cadre du contrat de concession Ambition Logements

La fréquence des mobilités géographiques et la diversité des situations que peuvent rencontrer les militaires mutés rendent sensible la question de l’accès au logement. Or, la dispersion des implantations militaires sur le territoire national confronte les militaires à une grande diversité de marchés locaux de l’immobilier. Si les militaires cherchent généralement un logement à proximité de leur lieu d’affectation, in fine les militaires privilégient souvent la location dans une zone assez largement étendue autour du lieu d’affectation.

Pour répondre au besoin de logement des militaires, une politique du logement active est conduite par la DPMA afin de mettre à la disposition des ressortissants du ministère des Armées des logements, soit domaniaux, soit réservés par convention auprès de bailleurs, à des conditions avantageuses. Cette politique poursuit deux objectifs : favoriser la mobilité, autrement dit, compenser les sujétions liées à la militarité, d’une part, et mener une politique sociale à destination des militaires aux revenus les plus modestes, d’autre part.

La carte ci-dessous présente les prix au m2 des loyers du marché dans des villes de plus de 2 500 habitants :

 

À compter du 1er janvier 2023, la gestion du parc métropolitain de logements domaniaux du ministère des Armées, y compris des assiettes foncières concernées par ces logements, sera assurée dans le cadre du contrat de concession de service « CEGeLog ([104]) », d’une durée de 35 ans, désormais rebaptisé Ambition Logements. Ce contrat aura un objectif de surface habitable à construire de 228 000 m2 et le versement dans la concession d’environ 4 000 logements actuellement sous baux emphytéotiques administratifs. Dans un communiqué de presse en date du 5 octobre dernier, la ministre des Armées Florence Parly a annoncé qu’elle avait désigné le groupement conduit par Eiffage SA et Arcade Vyv comme attributaire de la gestion externalisée des logements domaniaux du ministère des Armées. À la suite des discussions avec le groupement nouvellement choisi, la signature du contrat devrait se concrétiser à la fin du mois de janvier 2022.

Le périmètre de ce contrat comprendra :

 Les services de gestion locative et d’entretien-maintenance, assurés dans le dispositif existant par le « bail civil » ;

 Le gros entretien de renouvellement, assuré dans le dispositif existant par le service d’infrastructure de la défense ;

 La rénovation de tous les logements, celle-ci était assurée dans le dispositif existant selon le besoin par le service d’infrastructure de la défense ;

 La construction de nouveaux logements (de 2 500 à 3 000) ;

 Une prestation d’acquisition, de valorisation et d’assistance à la cession de logements.

Contrairement au contrat conclu avec le précédent concessionnaire, CDC Habitat, les termes du contrat CEGeLog sont plus englobants puisqu’en plus de sa mission d’entretien et de réhabilitation, le concessionnaire sera également chargé d’assurer la construction de logements. Les prestations du nouveau contrat couvrent tout le cycle de vie du logement résidentiel : de la maîtrise et de la qualification foncière à la gestion puis à la cession voire la déconstruction, le cas échéant. L’objectif final est de disposer d’un parc utile en métropole d’environ 12 000 logements domaniaux au standard de location dès l’année 2032 et de 15 000 logements à la fin de la concession en 2056, contre 9 000 actuellement. À ce stade et dans le cadre du dossier de consultation des entreprises (DCE) actuel, l’ensemble des constructions nouvelles sont prévues sur du foncier (63 sites au total) mis à disposition par le ministère.

Près de 56 % des militaires ([105]) vivant actuellement dans un logement du parc du ministère des Armées indiquent ne pas être satisfaits de son état global. Le contrat « Ambition Logements » vise donc à répondre aux attentes exprimées par la communauté militaire. C’est pourquoi les rapporteures tiennent à appeler l’attention de leurs collègues sur la nécessité d’assurer un suivi de ce contrat, particulièrement important pour la condition militaire et l’accès au logement.

Le programme Ambition Logements complète la mesure 4.1.1 du plan Famille qui vise à renforcer le parc de logements réservés par convention du ministère des Armées ainsi que les mesures 4.1.2 (« améliorer l’offre de logements en outre-mer ») et 4.2 (« améliorer l’état technique du parc de logement domanial »).

B.   La nouvelle politique de rémunération des militaires : rémunérer le militaire « pour ce qu’il est, pour ce qu’il fait et pour ce qu’il apporte »

La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) vise, selon la DRH-MD, à mettre un terme à la complexité de la solde et à son inadaptation aux besoins RH des armées ainsi qu’aux enjeux sociaux contemporains Le projet vise également à répondre à une forte attente des militaires, la mobilité géographique étant très contraignante pour les conjoints et les familles. Au cours des quinze dernières années, deux tentatives de refonte du système de solde des militaires ont échoué.

La NPRM est fondée sur trois volets et huit primes, afin, selon la DRH-MD, de rémunérer le militaire « pour ce qu’il est, pour ce qu’il fait et pour ce qu’il apporte ». La réforme est mise progressivement en application depuis 2021 et ce, jusqu’en 2023. Les indemnités créées seront instituées progressivement au cours de cette période de trois ans. Cette nouvelle politique vise à faire évoluer des dispositifs vieux de 60 ans. En volume budgétaire, environ 80 % des primes et indemnités actuelles sont concernées. L’objectif affiché par le ministère des Armées est de rendre la solde des militaires « plus juste, plus adaptée, plus moderne et plus simple » et de contribuer à l’attractivité de la carrière militaire, en clarifiant la structure de rémunération, notamment indemnitaire. Cette réforme vise également à réduire le nombre de primes, sans préjudice du niveau de rémunération, et, ainsi, à fiabiliser les modalités de calcul et de liquidation de la solde. Enfin, l’entrée en service du système de rémunération Source Solde, successeur du système Louvois ([106]), a pour but de sécuriser et à simplifier les modalités de versement de la solde.

En 2021, le premier volet de la réforme a concerné la création de l’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) à destination de tous les militaires et gendarmes. Dotée d’une enveloppe de 38 millions d’euros, elle indemnise l’obligation de devoir quitter sur ordre un lieu d’affectation.

En 2022, le deuxième volet de la NRPM sera mis en application avec la création de trois indemnités : l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) qui valorise la participation à l’activité opérationnelle en indemnisant l’absence opérationnelle, la prime de commandement et de responsabilité (CDT-RESP) qui valorise le commandement et les résultats obtenus et la prime de performance (PERF) qui rémunère l’expertise technique.

En 2023, le dernier volet de la réforme concernera quatre indemnités : l’indemnité d’état militaire et son complément (IEM), l’indemnité de garnison et son complément (IGAR), la prime de parcours professionnel et son complément indiciaire (3PM) et la prime de compétences spécifiques (PCS).

Si les rapporteures saluent les objectifs de simplification et d’amélioration de la lisibilité de la rémunération des militaires, elles jugent impératif que la DRH-MD reste très vigilante, compte tenu du risque que fait courir une telle refonte de voir apparaître des « perdants de la réforme ». Il serait difficilement compréhensible que certains militaires perdent en rémunération au terme de cette réforme de la solde, d’autant que la communauté militaire a déjà été traumatisée par la mise en application du système de liquidation Louvois, ancêtre de Source Solde.

Les pensions : un déterminant de l’opérationnalité des forces, d’attractivité et une contrepartie des sujétions militaires

Dans son avis du 10 janvier 2020, le Haut Comité considérait, au regard de la volonté d’inclure les pensions des militaires dans un système universel de retraites, que « ces pensions sont également au nombre des contreparties des sujétions singulières imposées par l’état militaire : elles ont par suite un caractère statutaire et font partie intégrante de la condition militaire ». Il indiquait aussi : « depuis leur origine et dans leur conception même, [les pensions militaires de retraite] ne sont pas qu’une assurance vieillesse mais ont pour finalité première de permettre à la France d’assurer sa défense en disposant de forces armées jeunes, disponibles et hiérarchisées, aptes à toutes les missions qui pourraient leur être confiées ».

De fait, on ne saurait réduire les pensions au seul sujet de l’assurance vieillesse.

Le système des pensions repose sur deux règles. La première est celle de la pension à liquidation immédiate qui s’applique dans le cas d’une retraite avant l’âge légal de droit commun de départ et qui permet à l’ancien militaire de cumuler sa pension avec toute autre rémunération d’activité ou aide au retour à l’emploi. Ce système assure ainsi l’attractivité de l’engagement militaire, en permettant à la fois de bénéficier d’un complément de revenu et d’entamer une seconde carrière par la suite. La deuxième règle est celle de la reconnaissance des services militaires accomplis. Elle s’appuie sur divers dispositifs : les bonifications, l’accès à une pension par suite d’infirmités et l’accès à une pension de réversion sans condition d’âge ni de durée de services.

Pour les forces armées, ce système de pensions constitue un élément d’attractivité, de fidélisation et surtout un facteur de jeunesse de l’encadrement des forces armées. Pour les militaires, le système rémunère favorablement les reconversions professionnelles en milieu de carrière et les services accomplis. Le Haut Comité souligne ainsi que loin de concevoir les pensions seulement au travers du prisme des rémunérations, il tient lieu de « tenir compte des incidences défavorables sur la carrière du conjoint des contraintes de l’état militaire, notamment du fait de la fréquence des mutations ». Le Haut Comité note qu’en moyenne, le revenu individuel moyen d’un conjoint de retraité militaire est inférieur de 30 % à celui d’un conjoint de retraité civil de l’État.

Plus largement, toute réforme du système de retraite suppose d’en mesurer les conséquences tant sur le système de rémunération que sur la politique des ressources humaines des armées.

 


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   Troisième partie : Assurer la pérennité du plan famille et en renforcer la dynamique : vers un acte II du plan famille

Les rapporteures, saluant l’adoption et la mise en application du plan Famille, jugent indispensable de le sanctuariser afin d’en assurer la pérennité au-delà des échéances électorales de 2022. Elles proposent aussi plusieurs mesures visant à renforcer l’efficacité du plan Famille sans en remettre en cause l’architecture.

I.   Sanctuariser l’existant afin d’assurer la pérennité du plan famille au-delà de 2022

Avant d’adopter de nouvelles mesures, le ministère des Armées doit, selon les rapporteures, pérenniser le plan Famille au-delà des échéances électorales de 2022 (A). Donner au plan Famille sa pleine efficacité suppose de mieux communiquer et de mieux informer les potentiels bénéficiaires du plan sur leurs droits (B), de renforcer les effectifs des services de soutien impliqués dans sa mise en application (C) et de renforcer les crédits d’infrastructure à la main des commandants de base de défense (D).

A.   Pérenniser le plan famille au-delà des échéances électorales de 2022, dans le cadre de la loi de programmation militaire

L’ensemble des acteurs auditionnés et rencontrés en déplacement par les rapporteures a salué l’adoption du plan Famille et, par-delà le détail de ses mesures, l’attention accrue que porte le ministère des Armées non seulement à la condition militaire mais aussi, plus largement, à la condition de l’ensemble de ses personnels, civils comme militaires.

C’est pourquoi les rapporteures, avant de formuler leurs propositions pour compléter le plan tel qu’il est, souhaitent insister sur la nécessité de s’assurer de sa pérennisation au-delà des échéances électorales de l’année 2022 afin d’inscrire cette politique ministérielle dans le temps long. Si le plan Famille est évolutif et peut être complété au fur et à mesure, il importe avant tout de consolider l’existant.

Les rapporteures estiment aussi que ce programme ministériel en faveur de la condition des personnels et ayants droit du ministère des Armées doit continuer à faire l’objet d’évaluations régulières. À cet égard, elles tiennent à saluer tout l’intérêt que présentent les sondages d’opinion effectués par les armées, directions et services de même que le travail de suivi assuré par les instances de concertation et de dialogue du ministère des Armées. Elles se sont d’ailleurs beaucoup appuyées sur ces travaux pour dresser leur bilan du plan Famille.

B.   Mieux communiquer et mieux informer les bénéficiaires du plan famille sur leurs droits

S’il convient, avant d’ajouter de nouvelles mesures au plan Famille, de s’assurer de sa pérennisation, il convient aussi de mieux informer les bénéficiaires du plan des mesures auxquelles ils ont droit. Les rapporteures s’en sont rendu compte lors de leurs déplacements, notamment lorsqu’elles ont rencontré des conjointes de militaire à la base navale de Brest : nombreuses sont les mesures du plan Famille qui sont totalement méconnues de leurs potentiels bénéficiaires.

1.   Adjoindre au directeur de projet du plan Famille une équipe de communication dédiée

Les rapporteures tiennent à saluer la désignation d’un directeur de projet entièrement dédié à la coordination, à la mise en application et au suivi du plan Famille – directeur de projet qu’elles ont eu l’occasion d’auditionner à plusieurs reprises dans le cadre de leurs travaux. Elles notent que cette méthode a également été retenue par la DRH-MD dans le cadre de l’instauration de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Cependant, elles estiment que le directeur de projet du plan Famille devrait être épaulé par une équipe entièrement dédiée à l’information et à la communication sur le plan Famille.

En l’état actuel des choses, la communication sur le plan Famille s’organise de la manière suivante.

La DICoD ([107]) est chargée de la communication de la ministre des Armées en direction de l’extérieur, et en particulier des médias, et en interne auprès des organismes d’information et de communication de la défense (OICD) qui sont ses interlocuteurs privilégiés. La communication centralisée est assurée en fonction des avancées des mesures, des jalons définis ([108]) ainsi que de toutes les occasions de présenter de nouveaux dispositifs.

Le service de communication du SGA, le SGA-COM, assure la communication de la DRH-MD sur le plan Famille, comme sur l’ensemble des politiques du SGA. Il assure une « communication pratique » permettant d’expliquer les mesures. Celle-ci se fait via les espaces internet et intradef du ministère. C’est notamment le cas de fiches pratiques qui ont été mises en ligne dès le lancement du plan afin de permettre aux militaires et à leur famille d’avoir accès à toute l’information sur les mesures du plan et d’en connaître les modalités.

Chaque acteur – SCA, IGESA, SSA, DPMA etc. – communique en outre sur ses propres actions.

La communication du plan Famille s’appuie sur les outils et supports du ministère :

– En interne : intradef, Esprit Défense ([109]), les réseaux sociaux et le réseau télévisé du site ministériel de Balard ;

– En externe : les réseaux sociaux, Youtube, les points presse hebdomadaires, Actu Défense ([110]), le Journal de la défense et autres outils de diffusion.

Un groupe de travail « communication », sous l’égide du directeur de projet du plan Famille, est également organisé environ trois fois par an. Il réunit les organismes d’information et de communication de la défense, les administrations, directions et services du ministère et les chaînes RH des armées. Ces acteurs irriguent d’information les chaînes de communication présentes sur le territoire, et notamment les chefs de corps.

En parallèle, chaque année, une communication thématique est assurée : elle est fondée sur des priorités identifiées par la ministre et les temps forts d’application des différentes mesures du plan. En 2021, une feuille de route établie par le directeur de projet du plan Famille, les armées, les services et OICD du ministère pour les 9 mois à venir, a été établie. C’est notamment dans ce cadre qu’a été anticipée et cordonnée la communication sur l’offre de garde d’enfants de Yoopies.

Au niveau local, les bases de défense jouent également un rôle de communication et d’information en distribuant brochures et livrets, notamment via les espaces ATLAS et les différents bureaux présents sur base. Enfin, compte tenu de leur proximité, les chefs de corps jouent un rôle éminent auprès des militaires comme de l’ensemble des personnels présents dans les unités.

Complexe et éparse, cette communication n’est ni claire ni fluide. Qui plus est, l’exposition des familles à l’information institutionnelle reste finalement très limitée et la connaissance du plan Famille par les militaires, surtout lorsqu’ils sont jeunes, constitue l’un des principaux points faibles. La direction des personnels militaires de la gendarmerie constate que seuls 12 % des personnels déclarent connaître les mesures du plan Famille ([111]). Elle ajoute que « les mesures les plus connues concernent la carte famille SNCF, l’aide à la garde d’enfant ainsi que la prise en compte de la mobilité des conjoints dans la fonction publique, mais sans que les personnels aient forcément identifié par ailleurs que ces dispositifs relèvent du plan Famille. S’agissant de l’emploi des conjoints, la principale difficulté consiste à toucher cette population. Le principal vecteur de communication demeure le militaire lui-même, mais le dernier sondage auprès des conjoints portant sur l’accès à l’emploi met en exergue un manque d’information sur le plan famille, voire une méconnaissance ».

Les rapporteures estiment qu’au vu de l’importance majeure que semble accorder la ministre des Armées au plan Famille et de l’insuffisance notoriété du plan, une équipe de communication dédiée, placée directement aux côtés du directeur de projet du plan Famille, ne serait pas un luxe.

Elles notent par ailleurs que, selon les informations transmises par la DRH-MD, un projet de logo autocollant est en cours de développement et devrait se concrétiser au mois de décembre 2021. Ce logo permettra d’identifier plus aisément les structures et installations du service du commissariat des armées (SCA) financées par le plan Famille telles que les kiosques à pizza, mouv’roc, city stades etc. En dehors du périmètre du SCA, les autres opérateurs comme Igesa auront également à charge d’apposer le sigle du plan Famille sur celles de leurs installations qui sont concernées par le plan Famille

2.   Le projet numérique Familles des armées : une démarche innovante s’appuyant sur les méthodes de marketing digital

Afin de mieux informer les personnels, civils comme militaires, et leur famille sur les mesures auxquelles ils ont droit au titre du plan Famille et, ainsi, de pallier le manque de notoriété de sa politique d’accompagnement social, le ministère des Armées élabore actuellement un projet numérique intitulé « Familles des Armées ». Il s’agit, selon les termes du directeur de projet du plan Famille, de « maximiser les effets de cette politique en limitant le non-recours ». L’objectif est de renforcer l’intégration à la communauté de défense des militaires et de leur famille, le lien d’appartenance identitaire à chacune des armées et l’adhésion des familles à l’institution – leviers de fidélisation contribuant à la résilience des armées.

La politique d’accompagnement social du ministère des Armées est assurée par un écosystème hétérogène et complexe d’organismes et de processus, nationaux et locaux. Les acteurs impliqués relèvent aussi bien du ministère que de ses opérateurs, au premier rang desquels figure Igesa, mais aussi d’associations. L’information digitale existe mais les supports sur lesquels la trouver ne sont, dans les faits, pas assez fréquentés par les familles ni par les personnels les plus jeunes. Certaines familles peinent à trouver les informations et les bons interlocuteurs, alors même que repose sur elles une grande partie des démarches, notamment en l’absence du militaire.

Le commandement, responsable de la condition du personnel et acteur majeur de la politique d’accompagnement social, peut quant à lui avoir des difficultés à communiquer avec les familles et les personnels isolés ou en congés (blessés) dans la mesure où il ne possède pas de moyen adéquat de les contacter directement, que les familles sont généralement éparpillées sur le territoire et parfois peu liées à l’institution. Cette situation peut s’avérer problématique en cas de crise.

Le projet Familles des Armées vise à résoudre cette difficulté. Mené par l’état-major des Armées et la DRH-MD, ce projet est soutenu par le plan de relance de l’État. Un premier « produit minimum viable » ([112]) devrait voir le jour d’ici au mois de mai 2022. Le ministère des Armées souhaite que les personnels et leur famille se sentent, dans leur relation à l’institution, accompagnés et soutenus à des moments de vie importants – notamment pendant l’absence et lors de la mobilité du militaire –, se voir proposer un accès simplifié et fluide aux services et aides proposés par le ministère et avoir la possibilité d’échanger en toute sécurité avec les services. Il paraît en effet nécessaire de ne plus se contenter d’un système – qui a néanmoins le mérite d’exister et qui s’avère pour l’heure indispensable – où les conjoints de militaire, et en particulier les épouses, se débrouillent entre eux ou entre elles pour se transmettre les informations, notamment via des groupes Facebook ou Whatsapp ou des comptes Instagram. Il importe aussi de sortir de l’impasse des listes d’adresses électroniques puisque le ministère des Armées n’ayant dans l’écrasante majorité des cas que l’adresse électronique du militaire, c’est à lui que sont envoyés les courriels d’information sur le plan Famille, non au conjoint, et ce, parmi des centaines d’autres courriers électroniques dans lesquels ces courriels sur le plan Famille finissent par « se noyer » puis par « finir à la corbeille ».

L’objectif du ministère est donc de faire parvenir l’information à l’ensemble des potentiels bénéficiaires du plan Famille, au moment opportun, dans une démarche proactive au lieu que ce soit au conjoint ou à la conjointe d’aller « à la pêche aux informations » sur les multiples sites, portails, livrets et guides fournis par les différents services.

L’idée du ministère repose sur trois leviers d’action : un programme d’invitation et de fidélisation afin de constituer des communautés locales, un portail d’information et une organisation nationale et locale. Familles des Armées utilisera des techniques des réseaux sociaux et sera disponible en tant qu’application de téléphonie mobile.

Le programme conçu par le ministère des Armées vise à offrir à des publics ciblés des contenus personnalisés. L’idée est de susciter l’intérêt de ces publics en constituant des communautés d’intérêt locales – notamment aux échelons des unités et des bases de défense – et en favorisant l’échange et le dialogue régulier sur ces contenus personnalisés.

Ce programme permettra aussi bien au ministère qu’au commandement de communiquer auprès de ces populations ciblées ainsi qu’en direction des acteurs impliqués dans le plan Famille – commandement, action sociale, services de loisir, bases de défense, unités opérationnelles, associations et cercles, partenaires. Ce portail permettra de promouvoir l’offre d’accompagnement social du ministère et aura pour but d’engager une relation personnalisée avec l’usager. L’idée du ministère des Armées est de segmenter les profils d’utilisateurs a priori en fonction de leur armée d’appartenance, de leur localisation et de leurs intérêts déclarés mais aussi en fonction de leurs comportements de navigation, dans le respect des règles fixées par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Ce portail sera disponible en tant qu’application mobile comportant un système de notifications et d’alerte, un peu sur le même mode de fonctionnement que l’application mobile Panneau Pocket actuellement utilisée par les mairies, les intercommunalités, les établissements scolaires, les offices de tourisme etc. Pour mémoire, cette application envoie des notifications instantanées sur téléphone mobile à chaque nouvelle alerte ou information. L’idée est ainsi que l’information vienne aux utilisateurs et non l’inverse. Le développement de techniques attractives de mise à disposition de l’information constitue un enjeu essentiel à la réussite du projet « Famille des Armées ».

Les rapporteures saluent cette initiative et encouragent le ministère à lancer ce projet au plus vite.

C.   Renforcer les ressources humaines des services de soutien impliqués dans la conduite du plan famille, condition sine qua non de la réussite du plan

Les acteurs du soutien du ministère des Armées sont pleinement mobilisés dans l’accompagnement social des ressortissants du ministère des Armées, qu’il s’agisse des services de la DRH-MD, de la DPMA, du SCA, du SSA ou encore du SID au niveau national, ou, au niveau local, des commandants de base de défense et des acteurs locaux qu’ils coordonnent – groupements de soutien de base de défense, unités du service d’infrastructure de la défense (USID), antennes locales de l’action sociale, de Défense mobilité et du SSA, bureaux du logement etc.

Or, leur implication dans le plan Famille, en sus de leurs autres missions, s’inscrit dans un contexte de tensions RH et de sursollicitation croissante des personnels de soutien, sans réels moyens supplémentaires. Les services de soutien ont en effet été les plus touchés par les politiques de réduction massive des effectifs menées en particulier depuis l’application en 2008 de la révision générale des politiques publiques. Si la remontée des effectifs du ministère des Armées a été actée en 2015 et confirmée par la loi de programmation militaire 2019-2025, les effectifs des services de soutien restent « taillés au plus juste » dans un contexte de forte projection en opérations extérieures ([113]). En outre, la LPM a certes fixé des priorités de recrutement mais dans des domaines tels que le renseignement ou la cyberdéfense.

La surchauffe des services de soutien du ministère des Armées entretient un état de tension permanent et conduit à des situations parfois incongrues liées à l’absence ou à l’insuffisance de personnel nécessaire. La question de l’application, du suivi ou encore de l’évaluation des mesures du plan Famille est à interroger au regard des autres missions des services de soutien, indispensables au fonctionnement des armées. Les rapporteures citeront deux exemples représentatifs de cet enjeu récurrent.

Le service du commissariat des armées (SCA) a été particulièrement touché par la politique de déflation des effectifs à la suite de la concession des restaurants collectifs et de la sincérisation des référentiels en organisation ([114]). Entre 2019 et 2025, 2 650 postes seront supprimés, soit environ 10 % des postes du service. Le nouveau ratio soutenants/soutenus rend nécessaires des efforts de productivité fondés sur une réorganisation interne. Cependant, la tension persiste dans certains bassins, notamment dans le grand Est, ainsi que dans certains domaines d’emploi, tels que la restauration, l’hôtellerie et les loisirs (RHL). Les efforts du Commissariat aux armées se poursuivent pour adapter les ressources aux missions et résorber le sous-encadrement constaté dans les groupements de soutien de base de défense (5 %).

Afin de permettre au SCA de répondre aux objectifs qui lui ont été fixés d’ici à 2030, et notamment à ceux du plan Famille, les rapporteures estiment que le service doit être suffisamment doté en ressources humaines. Le SCA est en effet chargé du pilotage de six mesures du plan Famille. Chaque espace ATLAS nécessite environ 2 à 3 ETP supplémentaires, qui seront pris dans les effectifs actuellement prévus du service du commissariat et des groupements de soutien de base de défense (GSBdD). Le fonctionnement des 25 CIAF nécessite quant à lui une cinquantaine de personnes, soit environ deux personnes par cellule – un sous-officier et un militaire du rang.

Quant au service de santé des armées (SSA), il subit un effet de ciseaux, étant à la fois sursollicité et en sous-effectifs chroniques. Alors que le service est confronté à un accroissement des besoins et à une augmentation des effectifs à soutenir, et en dépit de son soutien majeur à la médecine civile dans le cadre de l’opération Résilience, il fait face à un déficit en personnel soignant dans certaines spécialités médicales et paramédicales. Certaines composantes sont davantage concernées par ce déficit et le chiffre de 100 médecins manquants est souvent évoqué pour la médecine des forces. La pression sur les effectifs est également accentuée par la concurrence avec le secteur civil et sur la composante hospitalière.

Or, le SSA assure le pilotage et l’application de plusieurs actions du plan Famille à moyens constants, et notamment de la mesure 1.4.2 relative au soutien psychologique aux familles et de la mesure 3.3.5 concernant l’accès prioritaire des familles dans les hôpitaux du SSA.

L’effectif de 50 militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) psychologues prévus dans le cadre de la programmation 2021 renforce le dispositif d’écoute ([115]) au profit des militaires et des familles. De même, au sein des hôpitaux d’instructions des armées (HIA), les cellules d’accueil des militaires et des familles (CAMF) résultent d’une volonté d’améliorer l’accueil et le service rendu aux militaires. Ce dispositif a été mis en place à moyens constants et a par la suite été également étendu aux familles.

Enfin, lors de son audition du 25 juin 2021, le directeur central du SID indiquait aux rapporteures que la contraction des ressources conjuguée aux actions induites dans le cadre du plan Famille ne permettaient pas toujours de réaliser l’aspect opérationnel de leur mission : « bien que le SID réalise sa part du plan Famille avec enthousiasme, il ne s’agit pas d’infrastructures opérationnelles sur lesquelles nous devons concentrer notre ingénierie ».

Les rapporteures estiment que la pleine réalisation du plan Famille comme de l’ensemble de la politique dédiée à la condition du personnel nécessite de veiller au renforcement en effectifs des services de soutien du ministère des Armées.

D.   Augmenter les crédits d’infrastructure des bases de défense, enjeu clef pour l’amélioration de la condition du personnel

L’amélioration des conditions de vie du personnel, objectif clef du plan Famille, est au cœur des missions du commandant de base de défense. Or, si le COMBdD s’est vu doter de prérogatives renforcées en 2019 dans les opérations de maintien en condition des infrastructures, il fait quotidiennement face à un manque de crédits pour réaliser pleinement les ambitions affichées par le plan Famille. En effet, dans certaines bases de défense, les crédits d’infrastructure consacrés à l’entretien couvrent seulement 40 % du besoin exprimé par les unités et ne permettent que de traiter des urgences ou des opérations réglementaires. Les crédits d’infrastructures souffrent d’un sous-investissement connu, régulièrement soulevé depuis une dizaine d’années. L’effort budgétaire réalisé par le ministère des Armées ne permet pas de couvrir la dette « grise » qui s’élève actuellement à 3,7 milliards d’euros : cette dette correspond à l’effort à réaliser pour remettre le patrimoine en état, à un niveau de risque acceptable. Les rapporteures saluent l’effort budgétaire majeur accompli en faveur du plan Hébergement mais estiment que cet effort doit être complété en renforçant la déconcentration des moyens budgétaires dévolus aux COMBdD en matière de crédits d’infrastructure.

II.   Consolider les mesures existantes pour répondre pleinement aux principales préoccupations des militaires : le logement, la garde et la scolarisation des enfants, l’emploi du conjoint et l’accès aux soins

Les rapporteures l’ont souligné, les priorités d’action du ministère des Armées dans le cadre du renforcement du plan Famille doivent permettre de répondre à quatre enjeux : le logement, la garde et la scolarisation des enfants, l’emploi du conjoint et l’accès aux soins.

A.   Renforcer l’offre de logement dans le parc privé et améliorer les conditions de logement des gendarmes

1.   Renforcer l’offre de logement dans le parc privé en concluant des partenariats avec les agences immobilières

Les rapporteures saluent l’action déterminée du ministère des Armées, et en son sein, de la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, pour renforcer l’offre de logements du ministère de la Défense grâce au projet Ambition Logements. Elles estiment que cet ambitieux programme, déjà complété par la réservation de logements conventionnés notamment dans le parc locatif social, doit encore être complété par un partenariat avec des agences immobilières afin de simplifier au maximum la recherche de logement des familles subissant la mobilité du conjoint militaire et n’ayant pu ou souhaité obtenir de logement « défense ». La conclusion, par les bureaux du logement, de partenariats avec des agences immobilières bien identifiées par le ministère des Armées et ayant elles-mêmes identifié le public de la communauté de défense présenterait l’avantage de simplifier les démarches de recherche de logement des familles, et en particulier des conjoints ou conjointes de militaire qui assument souvent seul(e)s l’ensemble des démarches liées à la mobilité du militaire : déménagement, recherche de logement et scolarisation des enfants.

2.   Améliorer l’accueil et l’information des demandeurs de logement s’adressant au bureau du logement en région Île-de-France             

L’Île-de-France est le territoire qui concentre le plus de difficultés de logement pour les familles. Or, les rapporteures estiment que le bureau régional du logement en région Île-de-France pourrait accompagner davantage les familles en demande de logement défense en améliorant qualitativement et quantitativement ses capacités d’accueil. Compte tenu de l’anxiété que peut susciter la recherche d’un logement à loyer abordable pour une famille de militaire en région parisienne, les rapporteures jugent indispensable qu’un accompagnement personnalisé et une information continue soient proposés aux ressortissants du ministère des Armées. Un tel accompagnement redonnerait peut-être un peu d’attractivité aux affectations parisiennes, aujourd’hui peu prisées – c’est le moins qu’on puisse dire – de la communauté de défense.

3.   Augmenter massivement les crédits d’investissement immobilier consacrés aux casernes de gendarmerie

Si le logement des gendarmes et de leur famille par nécessité absolue de service ne relève pas du plan Famille du ministère des Armées mais des choix de politique immobilière du ministère de l’Intérieur, les rapporteures jugent utile d’évoquer ce qui est aujourd’hui l’enjeu numéro un pour les familles des 100 000 militaires d’active de la gendarmerie nationale : vivre dans un logement décent, en toute sécurité.

Les casernes de gendarmerie, rappelons-le, relèvent de deux statuts distincts : les casernes domaniales, appartenant au ministère de l’Intérieur, et les casernes locatives, que le ministère loue aux collectivités locales.

Les casernes domaniales sont vétustes, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

 

Casernes Domaniales

Casernes non domaniales

Global

Moins de 10 ans

0,03 %

19,8 %

10,5 %

10 à 25 ans

14,57 %

34 %

24,9 %

26 à 50 ans

58,6 %

39,8 %

48,6 %

51 à 100 ans

24,4 %

5 %

14,1 %

Plus de 100 ans

2,4 %

1,4 %

1,9 %

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source : ministère de l’Intérieur

Le tableau ci-dessous, qui présente le millésime moyen pondéré par type de logement, confirme cette analyse :

 

Logements domaniaux (48 % des surfaces)

1973 (48 ans)

LST domaniaux (52 % des surfaces)

1967 (54 ans)

sous-total parc domanial (logements + LST)

1970 (51 ans)

Logements locatifs (71 % des surfaces)

1994 (27 ans)

LST locatifs (29 % des surfaces)

1983 (38 ans)

sous-total parc locatif (logements + LST)

1990 (31 ans)

Source : ministère de l’Intérieur

En outre, aucun logement du parc domanial n’est en bon état : la qualité des logements domaniaux oscille entre l’état médiocre et l’état moyen.

C’est pourquoi les rapporteures jugent impératif tant de renouveler ce parc en construisant ou en acquérant de nouvelles casernes que d’investir dans la maintenance lourde et la réhabilitation du parc. Elles notent que les crédits d’investissement et d’entretien ont été largement abondés dans le projet de loi de finances pour 2022. Cependant, à moyen terme, le parc immobilier de la gendarmerie nécessite des investissements lourds et continus pour revenir à un niveau viable et éviter une dégradation irréversible. Pour maintenir ce patrimoine, le besoin annuel d’investissement s’élève à 300 millions d’euros dont 200 millions d’euros pour les opérations lourdes (2 000 euros par mètre carré pour 50 ans) et 100 millions d’euros pour les opérations de maintenance corrective (15 à 20 euros par mètre carré par an).

B.   Consolider les dispositifs en faveur des enfants de militaire

1.   Accompagner le développement local de maisons d’assistantes maternelles

L’offre du ministère en faveur de la petite enfance repose, on l’a vu, sur le triptyque : augmentation du nombre de places en crèche, mobilisation d’assistantes maternelles et conclusion d’un partenariat avec la plateforme Yoopies. Les rapporteures saluent le fait que le ministère recoure à plusieurs formules au lieu de se concentrer sur une seule solution, considérant que plus la palette offerte aux familles de militaires sera large, plus les familles y trouveront leur compte en fonction du territoire sur lequel elles se trouvent, de la nature de l’emploi du conjoint, de la composition de la famille etc. Elles estiment aussi qu’il serait possible de compléter cette offre en soutenant le développement local de maisons d’assistantes maternelles.

Pour mémoire, depuis 2010, les assistantes maternelles agréées ont la possibilité de se regrouper et d’exercer leur métier en dehors de leur domicile, dans des maisons d’assistants maternels, de structure juridique associative. Quatre assistantes maternelles au plus peuvent accueillir chacun un maximum de quatre enfants simultanément dans un local garantissant la sécurité et la santé des enfants. Les parents sont les employeurs directs des assistants maternels qui y accueillent leurs enfants et ceux-ci bénéficient des mêmes droits, avantages et obligations que ceux prévus par les dispositions légales et conventionnelles applicables aux assistantes maternelles accueillant des enfants à leur domicile.

Le recours à de telles structures serait très complémentaire de l’offre du ministère et présenterait de nombreux avantages pour les familles : le système est adapté aux horaires atypiques, la structure associative présente l’intérêt d’être plus facile à monter et à gérer qu’une crèche et le ministère pourrait par exemple autoriser l’occupation temporaire de certains de ses locaux pour l’implantation de telles structures d’accueil collectif. Enfin, ce modèle présente une agilité intéressante dans la mesure où ces maisons peuvent être « montées » et « démontées » facilement et rapidement. Cela ne représenterait pas de charge financière ni de responsabilité supplémentaires pour le ministère des Armées.

2.   Faciliter l’inscription scolaire des enfants en cas de mutation du militaire

En cas de mutation, l’inscription scolaire des enfants, qui, comme les autres démarches, repose généralement sur le conjoint de militaire, est souvent compliquée – on l’a vu – par « le tunnel » de plusieurs mois dans lequel se trouvent engouffrées les familles entre le moment où elles déposent leur demande de logement défense et celui où elles peuvent s’y faire domicilier et, ainsi, fournir un justificatif de domicile. Si la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, chargée de la politique de logement du ministère, a entrepris des efforts importants pour réduire au maximum cette période « tunnel », qui dure aujourd’hui trois à quatre mois, les rapporteures suggèrent deux solutions pragmatiques à ces difficultés, ce afin de simplifier les démarches des familles de militaires. Il s’agirait, d’une part, de simplifier la justification de domicile et, d’autre part, d’assurer, entre la fin du mois d’août et la mi-septembre, un suivi spécifique des inscriptions scolaires tardives des enfants des militaires mutés au ministère de l’éducation nationale.             

3.   Développer une offre de résidences étudiantes Igesa au profit des enfants de militaire poursuivant des études supérieures

Si, dans le cadre du plan Famille, le ministère des Armées traite de la question de la petite enfance et, avec la nouvelle offre Yoopies, de l’enfance et de l’adolescence, les rapporteures estiment qu’un nouvel effort devrait être accompli en faveur des enfants de militaire poursuivant des études supérieures. En effet, les officiers sont extrêmement mobiles au-delà de cinquante ans, âge auquel la plupart d’entre eux ont des enfants en situation de faire des études. Soutenir ces étudiants permettrait notamment aux conjoints de suivre les militaires mutés – et donc d’éviter à ces derniers de vivre en célibataires géographiques – sans que ce choix de vie pèse outre mesure sur la trésorerie des familles.

Les rapporteures proposent donc de créer une offre de résidences étudiantes Igesa en faveur des étudiants issus de familles de militaire. De fait, la recherche d’un logement étudiant est un véritable casse-tête pour les familles et l’offre abordable est extrêmement ténue dans les métropoles, a fortiori dans la capitale. En outre, l’accès à un logement du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) est extrêmement limité et conditionné. Compte tenu de la nécessité de limiter autant que faire se peut le célibat géographique, les rapporteures estiment que l’IGESA pourrait proposer une offre de résidentes étudiantes à tarifs préférentiels.

C.   Redoubler d’efforts pour favoriser l’emploi des conjoints

1.   Augmenter les effectifs de Défense mobilité et recruter des personnels civils spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi

a.   Augmenter les effectifs de Défense mobilité

Comme les rapporteures l’ont expliqué en deuxième partie du rapport, Défense mobilité, comme bien d’autres services du ministère des Armées, a vu ses missions s’accroître avec le plan Famille sans qu’augmentent ses effectifs. Bien au contraire, le service anticipe de nombreux départs de personnels en 2022 et se retrouve donc confronté lui aussi à l’effet de ciseaux évoqué plus haut.

Compte tenu de l’importance majeure que revêt l’objectif de soutien à l’emploi des conjoints pour le bien-être des familles de militaire, les rapporteures jugent indispensable d’augmenter les effectifs de Défense mobilité pour permettre au service de remplir pleinement l’ensemble de ses missions, qui dépasse le champ du seul plan Famille. Encore une fois, si les militaires contractuels ne se reconvertissent dans le secteur civil qu’une seule fois, en revanche, les conjoints de militaire doivent, eux, être accompagnés à chaque mobilité.

Le futur portail Familles des Armées devrait par ailleurs contribuer à mieux informer la communauté de Défense sur l’offre de Défense mobilité, grâce à l’envoi de notifications ciblées aux moments clefs de la mobilité du militaire (préavis d’ordre de mutation au printemps et mobilité à l’été).

b.   Recruter des personnels civils contractuels spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi

Les rapporteures estiment en outre que l’évolution de Défense mobilité ne doit pas seulement être quantitative – grâce à une augmentation de ses moyens humains – mais aussi qualitative. Défense mobilité est avant tout un service chargé de la reconversion des militaires – en grande partie armé par des militaires. Or, ces derniers, s’ils sont formés par le service, ne sont pas toujours – de par leur expérience – les plus à même d’accompagner les conjoints de militaire vers l’emploi. C’est pourquoi les rapporteures suggèrent que le service recrute en complément des personnels civils contractuels spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi.

La mesure 3.4 du plan Famille prévoyant de valoriser les viviers de conjoints directement auprès des employeurs du ministère des Armées, les rapporteures suggèrent que Défense mobilité recrute notamment dans ses rangs des conjoints de militaire professionnels de l’accompagnement – ajoutant à leurs compétences une expérience personnelle pertinente.

2.   Cibler plus particulièrement les conjointes de militaire du rang

Comme pour l’ensemble des mesures du plan Famille, mais en particulier dans le domaine de l’accompagnement des conjoints vers l’emploi, les rapporteures constatent que les conjoints de militaire du rang sont les plus difficiles à « capter » par le ministère. C’est pourquoi les rapporteures estiment que Défense mobilité doit cibler plus particulièrement ce public.

3.   Favoriser l’emploi des conjointes de militaire comme assistantes maternelles via la plateforme Yoopies

Si la mesure 1.1.2 du plan Famille prévoit de développer l’accompagnement des conjoints ayant un projet professionnel d’assistant maternel, le nouveau partenariat conclu par le ministère des Armées avec la plateforme Yoopies devrait permettre de renforcer la dynamique d’emploi des conjoints de militaire assistants maternels. Défense mobilité pourrait contribuer à cette dynamique en appelant leur attention sur cette opportunité.

4.   S’appuyer sur les conjointes réservistes pour renforcer les effectifs des bureaux d’environnement humain et les bureaux de liaison des familles

Les rapporteures suggèrent de « faire d’une pierre deux coups » en combinant deux objectifs : celui de favoriser l’emploi des conjoints de militaire et celui de renforcer les effectifs des services contribuant au plan Famille et, plus généralement, à l’amélioration de la condition du personnel. Les rapporteures ont eu écho du fonctionnement particulièrement intéressant du bureau de liaison des familles de la base de défense de Toulon dont le bureau de liaison des familles s’appuie sur des conjointes réservistes opérationnelles pour apporter un soutien aux familles de militaire. Se fondant sur cet exemple, les rapporteures proposent d’inciter au recrutement de conjointes de militaire réservistes dans les équipes des bureaux d’environnement humain (BEH), des bureaux de liaison des familles (BLF) et des sections condition de l’aviateur et accompagnement des familles (SCAAF). Cette mesure permettrait de créer de l’activité pour les conjointes de militaires tout en renforçant la qualité du soutien fourni par ces bureaux, les conjointes disposant d’une expérience dont elles feraient profiter ces structures et les familles.

D.   Organiser à l’échelon local des réunions de sensibilisation à la singularité militaire avec la médecine de ville, développer un système de parrainage et favoriser la téléconsultation pour apporter des réponses concrètes à l’épineux problème des déserts médicaux

Si le problème des déserts médicaux est épineux pour l’ensemble des Français vivant en dehors des grandes métropoles, il l’est encore davantage pour les familles de militaire qui déménagent à un rythme fréquent – ce qui est particulièrement le cas des familles d’officiers. Les rapporteures n’ont pas de solution miracle à proposer mais estiment nécessaire de faire preuve de pragmatisme, dans l’intérêt de la santé des familles. C’est pourquoi elles suggèrent d’organiser à l’échelon local des rencontres et des réunions de sensibilisation à la singularité militaire, associant la caisse primaire d’assurance maladie, le conseil départemental de l’ordre des médecins et des praticiens installés dans le périmètre de chaque base de défense (1), d’inciter les associations de conjointes de militaires à développer un système de parrainage entre familles de militaires arrivantes et partantes (2) et de favoriser la téléconsultation (3).

1.   Organiser à l’échelon local des rencontres et des réunions de sensibilisation à la singularité militaire, associant les caisses primaires d’assurance maladie, les conseils départementaux de l’ordre des médecins et des praticiens installés dans le périmètre de chaque base de défense

Les rapporteures ont été alertées lors de leurs auditions et déplacements de la difficulté pour les familles de militaire nouvellement arrivées sur un territoire à obtenir des rendez-vous médicaux auprès de médecins généralistes et spécialistes. Ces derniers, très rares sur certains territoires, sont en effet souvent contraints – au pire – de refuser tout nouveau patient souhaitant prendre rendez-vous et – au mieux – de placer ces nouveaux patients sur liste d’attente, ce qui allonge le délai d’obtention de ces rendez-vous. C’est pourquoi les rapporteures suggèrent que les commandants de base de défense organisent des rencontres et des réunions de sensibilisation à la singularité militaire, et notamment à la mobilité des militaires, associant les caisses primaires d’assurance-maladie, les conseils départementaux de l’ordre des médecins et des médecins installés dans le périmètre de la base de défense.

2.   Inciter les associations de conjointes de militaire à développer un système de parrainage entre familles arrivantes et partantes

En complément de la mesure qui précède et des guides de bonnes adresses que se transmettent déjà les militaires et leur famille sur chaque territoire, les rapporteures suggèrent de développer un système de parrainage entre familles de militaires quittant un territoire et familles arrivantes. En effet, une famille quittant un territoire libère autant de potentiels créneaux de rendez-vous au profit de nouveaux arrivants qu’elle compte de membres. Or, les médecins ne sont pas toujours informés du départ de familles de militaire, ni donc conscients de la possibilité de mettre à jour leur fichier de patientèle pour libérer de nouveaux créneaux de rendez-vous, mais uniquement sollicités par les familles nouvellement arrivées, lorsqu’elles les contactent pour prendre rendez-vous. Afin que ce système de parrainage conserve une certaine souplesse et s’adapte au mieux à la spécificité de chaque territoire – pour ne pas dire de chaque désert médical –, les rapporteures suggèrent que des associations de conjointes de militaire, telle que l’ANFEM, animent ces réseaux locaux de parrainage.

3.   Favoriser la téléconsultation

Les rapporteures suggèrent enfin l’installation, dans certains espaces ATLAS, de cabines ou de postes informatiques de téléconsultation, assortis de certains équipements, permettant aux familles d’être en rendez-vous médical avec des médecins des hôpitaux d’instruction des armées. Le ministère des Armées pourrait ainsi financer les équipements et l’abonnement à la plateforme MAIIA ([116]).

III.   Favoriser la téléactivité des militaires et développer les bassins de mobilité pour limiter les difficultés liées à la mobilité géographique

A.   Favoriser la téléactivité des militaires lorsque c’est possible

1.   Le développement de la téléactivité pendant la crise sanitaire : une transformation de la gestion RH au ministère des Armées

Comme l’a indiqué la secrétaire générale de l’administration, Mme Isabelle Saurat, lors de son audition devant la commission de la Défense le 27 mai 2020, la crise sanitaire a conduit à un changement des habitudes de fonctionnement au ministère des Armées. Si de très nombreuses activités au ministère requièrent une présence physique sur le lieu de travail ou d’entraînement, le premier confinement a conduit le SGA à réorganiser l’activité de ses personnels. La secrétaire générale de l’administration a ainsi indiqué que pendant le premier confinement, 15 % des personnels avaient travaillé en présentiel et 60 % en télétravail : « C’est bien une transformation du management qui s’est accomplie, avec plus d’autonomie pour les personnels, plus de confiance entre les collaborateurs et probablement davantage de capacités à partager. De nombreuses initiatives ont également été prises par les personnels eux-mêmes, afin d’assurer le lien entre collaborateurs, grâce notamment au développement de nouveaux outils numériques ». L’application du plan de continuité d’activité a pu exiger que des agents se trouvent en activité sur leur poste de travail, en « présentiel » en permanence. Lorsque la présence des personnels n’était pas requise sur le lieu de travail pour satisfaire ce plan, le choix prioritaire recommandé depuis le début de la crise sanitaire a été la téléactivité celle-ci devant s’exercer soit avec les équipements requis (Smobi et clef Cryptosmart), soit en l’absence de matériel spécifiquement dédié. Lorsque le recours à la téléactivité était impossible, les personnels du ministère ont obtenu une autorisation spéciale d’absence de leur chef de service. Pour favoriser cette réorganisation et répondre à la forte demande de téléactivité, la DIRISI a consacré dès le premier semestre 2020 près de 25 millions d’euros à l’acquisition en urgence de matériels et services pour faire face à la crise sanitaire. Le ministère des Armées ayant une multiplicité d’activités ne pouvant s’exercer à domicile, pour les personnels civils comme pour les personnels militaires, l’application du plan de continuité de l’activité a été adaptée par chaque service. Ainsi, par exemple, la téléactivité est impossible dans les services de renseignement, compte tenu de la matière traitée, mais parfaitement possible s’agissant des personnels occupant certains emplois de bureau.

Les rapporteures notent aussi que certains services ont innové, en particulier la direction générale de l’armement qui, en adéquation avec les évolutions sociétales, a créé des « bureaux de passage », soit une centaine de places en périphérie parisienne, permettant à ses personnels de rester en banlieue et d’éviter les embouteillages à l’entrée de la capitale, à Saclay, Vert-le-Petit et Val-de-Reuil. La DGA a d’ailleurs diligenté une mission au printemps 2021 pour revoir l’organisation de la direction en fonction des aspirations de ses personnels.

L’ensemble de ces expériences illustre que même dans un ministère régalien, la téléactivité est possible.

2.   Une téléactivité dont l’expérimentation pourrait être étendue hors période de crise afin de limiter les difficultés liées à la mobilité.

Compte tenu de ces expériences et innovations positives, les rapporteures estiment que les directions des ressources humaines doivent réfléchir à la meilleure manière d’organiser la téléactivité dès que cela est possible, et en particulier au profit des officiers affectés sur la plaque parisienne – zone du territoire qui présente une difficulté majeure de coût du logement pour les familles avec enfants et a fortiori pour les familles nombreuses –, ce afin de limiter au maximum le célibat géographique. De fait, les rapporteures estiment que le célibat géographique ne doit pas devenir la norme pour les couples de la communauté de défense, tant il est déstructurant à moyen terme – voire parfois facteur de divorce, chacun « faisant sa vie » à un endroit.

Interrogée à ce sujet, la DRH de l’armée de Terre, évoquant le retour d’expérience qui avait été fait au sein de cette force armée sur la téléactivité pendant la crise sanitaire a indiqué que les résultats étaient « variables en fonction des emplois concernés. Si certaines actions de formation ne sont pas compatibles avec le télétravail, d’autres activités peuvent plus facilement être conduites à distance ». De manière générale, la téléactivité est une « possibilité qui doit être laissée à la main du commandement pour répondre à des situations précises dont le besoin de sédentarisation peut faire partie. Toute idée de généralisation doit être précédée d’une phase expérimentale et la réflexion doit également prendre en compte les aspects RH, rémunération, stationnement/infrastructure, hébergement, réglementation et condition du personnel ». Les rapporteures souscrivent entièrement à ce propos. En tout état de cause, la mobilité géographique des militaires et les mutations demeureront un besoin de l’institution militaire et comme le souligne le HCECM, « les fondamentaux de l’état militaire doivent être préservés : mobilité, disponibilité, sacrifice sont des déterminants pérennes de l’état militaire ».

3.   Proposer aux militaires en célibat géographique des stations informatiques avec connexion sécurisée au sein d’espaces de travail partagés en enceinte militaire

De nombreux militaires vivent en célibataires géographiques, notamment en Île-de-France, tandis que leur famille a décidé de s’installer, pour des raisons scolaires et professionnelles notamment, sur le territoire de leur affectation précédente, dans un logement généralement situé à proximité d’emprises militaires. Pour limiter les effets du célibat géographique, les rapporteures proposent d’installer en enceinte militaire des espaces de travail partagés assortis de stations informatiques permettant aux militaires célibataires géographiques de se connecter de façon sécurisée au réseau du ministère des Armées. L’objectif est de permettre à ces derniers de travailler sur des emprises militaires situées à proximité du domicile familial, et de ne se rendre sur le lieu de d’affectation qu’une partie de la semaine.

B.   Développer les bassins de mobilité

Si la mobilité demeure intrinsèquement liée à notre modèle militaire, elle n’empêche pas de repenser ses conditions d’application. L’armée de Terre a ainsi expérimenté en 2020-2021 une mobilité modernisée. L’objectif de cette réforme, élaborée avant la crise, est de mieux concilier les aspirations individuelles et les besoins de l’institution. Les mutations sont ainsi rendues plus prévisibles et acceptables, eu égard aux perspectives de parcours individuel du militaire et de ses contraintes familiales. Ce nouveau modèle de mobilité modernisée, en offrant aux militaires une meilleure lisibilité sur leur parcours de mobilité à moyen et long termes et la possibilité de stabiliser davantage la famille grâce à la notion de « bassin d’employabilité » propre à chaque domaine et filière », tend aussi à faciliter l’accession à la propriété. Il s’agit ainsi de limiter la mobilité aux strictes nécessités opérationnelles, et de privilégier les mutations dans des bassins géographiques proches ». Les rapporteures jugent cette évolution tout à fait pertinente, en particulier sur les territoires accueillant plusieurs armées, directions et services.

IV.   Renforcer l’offre de services et de loisirs

A.   Améliorer l’attractivité de l’offre de loisirs de l’igesa pour les familles les plus aisées

Les rapporteures ont été alertées à plusieurs reprises en audition du manque d’attractivité de certaines offres de loisirs en centres de vacances d’Igesa, en particulier pour les familles les plus aisées. Elles estiment que cette attractivité pourrait être améliorée, tout en sachant que l’offre proposée repose sur un modèle économique qui, en l’état actuel, fonctionne et qui ne doit pas être remis en cause.

B.   Élargir l’offre de services au sein des unités

1.   Diffuser les services de conciergerie

Lors de son déplacement sur la base aérienne d’Évreux, la co-rapporteure Séverine Gipson a eu l’opportunité de découvrir les nombreux services proposés à la communauté de défense présente sur place.               Le colonel Delporte, alors commandant de la base aérienne en même temps que commandant de la base de défense, a indiqué que dès avant le lancement du plan Famille, la base aérienne 105 avait déjà lancé un projet précurseur appelé smart base, ayant produit des innovations pour améliorer la condition de l’aviateur. La base aérienne a créé une conciergerie offrant une vaste palette de services, allant de la bijouterie aux services postaux en passant par la prise de rendez-vous médicaux urgents, la cordonnerie, l’entretien automobile, le repassage, le pressing, les retouches, les services à domicile, un point de retrait de marchandises en véhicule (« drive ») et une offre de boîtes cadeaux « bien-être ». Les rapporteures estiment que ces services sont particulièrement adaptés aux bases aériennes qui comportent une proportion importante d’officiers et de sous-officiers, une telle offre de services étant peut-être moins utilisée par les militaires du rang.

L’initative de créer un tel service s’inscrit parfaitement dans la lignée de la mesure 6.1.4 du plan Famille qui prévoit l’amélioration de l’offre de services en unités et en garnisons, avec l’installation de distributeurs de pizza ([117]), de city parks et de dispositifs d’entraînement sportifs « mouv roc ».

Les rapporteures estiment que lorsque c’est possible, et là où il y a une demande potentielle, les services de conciergerie pourraient être développés.

2.   Créer des points de vente automatisés pour les biens de première nécessité

Compte tenu de la dispersion des unités – en particulier de celles de l’armée de Terre – sur le territoire national, nombreux sont les personnels du ministère des Armées, mais aussi les gendarmes, affectés dans des zones isolées, éloignées de tout commerce. Sur ces territoires, les familles n’ont pas toujours de moyen de transport. Il apparaît donc opportun aux rapporteures que ces personnels puissent accéder à des points de vente pour des biens de première nécessité – biens alimentaires et objets du quotidien. Afin de ne pas soulever la difficulté du coût en ressources humaines de l’installation de tels points de vente, les rapporteures suggèrent l’installation dans les unités – à commencer par les plus isolées du territoire – de points de vente automatisés fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre sept jours sur sept.

3.   Faciliter l’envoi de colis en OPEX

Les rapporteures ont été alertées par le CSFM de la complexité de l’envoi de colis aux militaires projetés en opérations extérieures. Or, c’est un vecteur important de maintien du lien entre le militaire et sa famille pendant les absences opérationnelles – un vecteur matériel, complémentaire du vecteur immatériel des communications téléphoniques. Il arrive que ces colis soient égarés ou qu’ils arrivent endommagés à leur destinataire. C’est pourquoi les rapporteures préconisent que le ministère des Armées réfléchisse aux moyens de faciliter un envoi sécurisé de colis aux militaires projetés en OPEX.

V.   Veiller au maintien des avantages consentis aux familles dans les transports ferroviaires après l’ouverture des lignes à la concurrence

Le bénéfice de la carte Famille SNCF pour les familles de militaire est particulièrement apprécié de la communauté militaire. C’est pourquoi les rapporteures estiment capital de veiller au maintien de cet avantage, une fois que les lignes de chemin de fer auront été ouvertes à la concurrence.

L’ouverture du marché ferroviaire concerne trois segments : les lignes à grande vitesse, les trains d’équilibre des territoires dont l’État est l’autorité organisatrice et le transport express régional régi par des conventions passées avec les régions. Depuis décembre 2019, l’État et les régions peuvent lancer des appels d’offres pour leurs marchés conventionnés. En décembre 2020, les lignes à grande vitesse sont devenues accessibles en dehors de celles soumises à une convention territoriale. En décembre 2023, l’État et les régions auront l’obligation de lancer des appels d’offres à la fin de leurs contrats d’exploitation.

La DRH-MD a précisé aux rapporteures que « le ministère s’attacher[ait] néanmoins à préserver les effets de cette mesure dans le cadre des futures négociations avec la SNCF et, le cas échéant, des procédures concurrentielles relatives à la sélection de nouveaux opérateurs pour le transport ferroviaire de ses personnels et de leurs familles sur les lignes ouvertes à la concurrence. »

VI.   Renforcer les moyens budgétaires du commandement supérieur en outre-mer afin d’adapter au mieux les actions du ministère des armées aux spécificités de chaque territoire

Les territoires ultramarins et les territoires étrangers accueillant des forces prépositionnées présentent de nombreuses spécificités au premier rang desquelles figurent l’éloignement géographique de la métropole et, pour plusieurs d’entre eux, l’insularité. L’affectation de personnels du ministère des Armées en outre-mer soulève un problème d’attractivité de ces territoires. Ainsi que le soulignait le HCECM dans son 12e rapport thématique, « les conditions de vie ultra-marine, marquées par l’éloignement, un coût ([118]) de la vie plus élevé, en partie compensé par des majorations de traitement, et, parfois, des problématiques aiguës de sécurité – par exemple à Mayotte et en Guyane – rendent les affectations peu attractives ». Choisir de servir en outre-mer ou à l’étranger revient à accepter une forme de remise en question personnelle, professionnelle et familiale pour découvrir un environnement parfois aux antipodes de la vie en métropole.

Au-delà de ce constat général, la situation des outre-mer est très hétérogène et le plan Famille est adapté par les commandants de base de défense présents sur place aux spécificités de chaque territoire sur le fondement d’une analyse précise des besoins. Si, sur tout le territoire national, le plan Famille et l’ensemble des politiques d’accompagnement du ministère des Armées doivent s’adapter aux réalités locales, en partant du constat des besoins réellement exprimés, c’est particulièrement le cas des territoires ultramarins ainsi que des territoires étrangers sur lesquels se trouvent des forces prépositionnées. En Nouvelle-Calédonie par exemple, l’axe 1 du plan Famille, consacré à la prise en compte de l’absence opérationnelle, n’a que peu de pertinence tandis que le plan Famille mérite d’être complété par des mesures locales permettant d’atténuer les effets de l’éloignement. Les situations sont d’ailleurs très contrastées au sein même de chaque territoire ultramarin : ainsi, toujours en Nouvelle Calédonie, les conditions de vie d’une famille seront très différentes selon que le militaire est affecté à Nouméa ou sur des territoires retirés, dans la brousse.

L’un des axes forts du plan Famille en outre-mer concerne la politique d’offre de logement domanial, assurée conjointement par la DPMA et le service d’infrastructure de la Défense ([119]) (1). Le ministère a également construit une crèche à Cayenne. Cette action est complétée par celle de Défense mobilité en faveur de l’emploi des conjoints – même si la situation de l’emploi reste très contrainte sur ces territoires – (2) et par l’ensemble des politiques menées en faveur de l’amélioration des infrastructures et du cadre de vie, politiques coordonnées par un commandant de base de défense doté de prérogatives bien plus importantes que celles de ses homologues en métropole. Les rapporteures estiment que les moyens budgétaires à la main des COMBdD ultramarins doivent être renforcés afin qu’ils puissent accroître l’efficacité de leur action, au profit des militaires et de leur famille (3). Enfin, les rapporteures considèrent que la situation particulière des militaires en poste permanent à l’étranger doit être examinée au niveau interministériel (4).

1.   Le renforcement de l’offre de logement domanial, mesure phare du plan Famille en outre-mer

La qualité de l’hébergement et du logement est au centre des préoccupations des militaires et de leur famille, compte tenu des problématiques propres à certains territoires et des délais de réalisation des programmes de construction.

Comme on l’a vu supra, la mesure 4.1.2 du plan Famille vise à améliorer l’offre de logements en outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane, permettant de disposer de 50 % du parc en domanial ([120]) dans ces zones. La construction de 24 logements a été livrée en décembre 2020 à Mayotte, pour un montant de 7 millions d’euros, dont 6 millions en 2020 et 1 million en 2021. Au premier semestre de 2021, une opération de 3,4 millions d’euros a également été engagée à Djibouti en vue de la construction de 16 logements. Enfin 800 000 euros ont été engagés au titre de la maîtrise d’œuvre privée en vue de la construction de 14 logements individuels à Pirae en Polynésie, livrables en 2024. D’autre part, la mesure 4.2 du plan Famille a permis la livraison de 20 logements à Faa’a en Polynésie au premier semestre 2021. Au deuxième semestre, cinq livraisons sont attendues en Martinique et 24 en Guyane. En Guyane, la crise sanitaire a retardé le programme de construction de 54 logements au camp du Tigre ; le calendrier de livraison est désormais de 24 logements en 2021, 12 en 2022 et 18 en 2023.

2.   L’action de Défense mobilité reste difficile sur ceux des territoires ultramarins où la recherche d’emploi est peu fructueuse

Sur chaque territoire ultramarin ([121]), Défense mobilité dispose d’une antenne dotée d’un à deux personnels. L’accompagnement des conjoints y représente aujourd’hui l’essentiel du plan de charge de ces antennes. À La Réunion, le service a passé une convention avec Pôle emploi afin d’optimiser ses actions. Il reste que des territoires comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie sont moins propices à la recherche d’emploi, sauf lorsque le conjoint détient des compétences très recherchées, dans les domaines médicaux, de la comptabilité ou de la logistique. S’agissant des forces de présence françaises en Afrique, à la demande du commandement, Défense mobilité a mené pour la première fois une mission au Sénégal au début de l’année 2020 en déployant sur place un conseiller pendant une semaine.

3.    Une action en faveur de l’amélioration des conditions de vie en garnison qui doit faire l’objet de moyens budgétaires renforcés

En outre-mer, l’amélioration du cadre de vie en enceinte militaire est assurée par un commandant de base de défense aux moyens renforcés. Le COMBdD d’outre-mer dispose en effet d’un statut particulier en tant que commandement supérieur (COMSUP) ([122]). Le COMBdD ultramarin exerce une double fonction : celle de COMBdD et celle de commandant interarmées (COMIA). À ce titre, et conformément au code de la défense, le COMSUP :

– a autorité sur les formations et éléments de service des trois armées ainsi que des services interarmées stationnés dans les limites territoriales de son commandement ;

– exerce, par ailleurs, lorsqu’elle lui est accordée, une autorité d’emploi sur les organismes locaux relevant des autres directions et services du ministère des armées.

Le fonctionnement des bases de défense d’outre-mer s’appuie sur des organismes de soutien plus intégrés car les chefs des services locaux sont également autorité hiérarchique. Ainsi, le directeur du commissariat d’outre-mer (DICOM) est également le chef du groupement de soutien de base de défense et cumule ces responsabilités. Il en est de même pour le SSA puisque le directeur interarmées du service de santé, à défaut le chef du centre médical interarmées (CMIA), est le médecin-chef de la base de défense.

Compte tenu de la diversité des problématiques propres à chaque territoire ultramarin, les rapporteures insistent sur la nécessité de renforcer les marges de manœuvre budgétaires du commandement supérieur afin de lui permettre d’améliorer les infrastructures et le cadre de vie sur place ([123]), en particulier sur des territoires comme la Guyane ou Mayotte. Dans le cadre de la nouvelle architecture budgétaire, il pourrait être opportun de déconcentrer encore davantage de crédits au profit des COMSUP. Pour les rapporteures, mieux vaut concentrer les crédits sur des actions ciblées que de les atomiser sur une multiplicité de dispositifs.

Les rapporteures estiment aussi que s’agissant de territoires très éloignés de la métropole comme en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française, une réflexion doit être menée sur la manière d’atténuer le sentiment d’éloignement et d’isolement. Les phases de déménagement pour une affectation en outre-mer restent source de tension pour le militaire et sa famille. Les frais de transport pour rentrer en métropole engendrent des coûts importants.

4.   Les personnels militaires en poste permanent à l’étranger : une problématique à traiter dans le cadre interministériel

S’agissant enfin des personnels militaires en poste permanent à l’étranger, les rapporteures ont été sensibilisées à la difficulté des personnels faisant face à une barrière linguistique et culturelle importante, y compris sur des territoires géographiquement proches de la France comme à Naples où sont stationnés des militaires affectés à l’OTAN. Il reste que cette question déborde du cadre du plan Famille puisque le statut et les conditions de vie de ces personnels relèvent de dispositifs interministériels.

 


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   Travaux de la commission

Examen du rapport en commission

Mme la présidente Françoise Dumas. Chers collègues, nous sommes réunis en cette fin de journée pour entendre les conclusions de nos deux collègues, Séverine Gipson et Isabelle Santiago, rapporteures de la mission d’information sur le bilan du plan Famille. Je les remercie d’ores et déjà pour ce travail de longue haleine portant sur l’un des sujets d’actualité au ministère des Armées : les conditions de vie des militaires et de leur famille.

Ce plan ambitieux lancé en 2017 traduit la volonté de la ministre des Armées d’améliorer de façon significative l’accompagnement des familles et des militaires et plus largement, l’ambition de la loi de programmation militaire à hauteur d’homme qui « place le soldat au cœur des priorités ». Cette ambition se concrétise par un engagement important dans de multiples domaines. La mission d’information dont nous entendons les conclusions cet après-midi avait pour objet de dresser le bilan du plan Famille, d’éclairer les améliorations notables ainsi que les éventuels attendus et points de vigilance.

Je tiens à saluer l’investissement de nos collègues Séverine Gipson et Isabelle Santiago dans la conduite de cette mission d’information. Elles ont mené de nombreuses auditions – environ une trentaine – et ont également effectué des déplacements, dans l’Eure à Évreux, département cher à Séverine Gipson, à Brest, à La Roche-Guyon et enfin à Bruz. Ces visites de terrain ont rendu ce rapport d’autant plus vivant et pertinent.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. « Il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse ». La singularité militaire se caractérise par le pouvoir exorbitant que possède le militaire de donner la mort au combat, sur ordre, et par l’acceptation par le militaire du risque de mourir pour son pays. Les nombreuses sujétions auxquelles les militaires de tous grades et de toutes armées sont soumis s’exercent autant sur le plan physique que sur les plans psychologique et affectif. Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. Leur liberté de résidence et leur liberté de circulation peuvent être restreintes. La condition militaire se caractérise par l’esprit de sacrifice, la disponibilité et la discipline. Le personnel vit au rythme du contrat opérationnel de son unité et de ses engagements sur le terrain, en métropole, en outre-mer et en opérations extérieures.

Quelles sont les conséquences concrètes de ces principes, qui sont au fondement de l’état militaire ?

Les marins sont absents quatre mois par an en moyenne et jusqu’à 200 jours par an. La déconnexion en mer est totale en sous-marin et souvent partielle pour les unités de surface. Dans l’armée de Terre, la mobilité est très forte : on y recense près de 13 000 mutations par an et 30 % d’officiers sont mutés chaque année. L’armée de Terre se caractérise par une forte dispersion géographique, ce qui a des effets importants pour les conjoints et les familles. La force opérationnelle terrestre est absente en moyenne 136 jours par an. Les militaires du rang et les jeunes sous-officiers sont hébergés au régiment dans des conditions souvent vétustes. Quant à l’armée de l’Air, elle connaît un fort taux de projection de ses aviateurs et des engagements opérationnels tout au long de l’année. Une grande partie des gendarmes départementaux est affectée dans des unités très isolées en profondeur des territoires et est sujette à des intrusions récurrentes dans les casernes qui hébergent les familles. Les gendarmes mobiles sont quant à eux engagés, loin de leur famille en moyenne 174 jours par an.

Dans un tel contexte, la famille du militaire est une base arrière indispensable jouant pour lui un rôle majeur de stabilité et de continuité. Le conjoint – qui, dans la majeure partie des cas, est une conjointe – assure une fonction d’accompagnement psychologique essentiel. Il ou elle doit le plus souvent assumer seul(e) toutes les tâches domestiques, administratives et liées à l’éducation des enfants. « Épouser un militaire, c’est épouser l’armée » : cette formule illustre bien que les conjoints de militaires sont directement impliqués dans l’institution.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. L’accompagnement social des militaires et de leur famille par le ministère de la Défense ne date pas du plan Famille. L’action sociale est en effet une composante de la condition militaire visant à assurer un équilibre entre sujétions et compensations. C’est notamment l’Igesa, opérateur sous tutelle du ministère des Armées, qui joue un rôle majeur en ce domaine depuis les années soixante.

Cependant, est apparue la nécessité de mieux compenser les sujétions croissantes liées à la condition militaire. Le niveau élevé d’engagement de nos armées sur l’ensemble du territoire et en opérations extérieures pèse sur la disponibilité et le moral des militaires. Ce surengagement a de lourdes conséquences pour les familles : des modifications d’emploi du temps de dernière minute, des départs en mission avancés, des retours repoussés, un enchaînement des opérations extérieures et intérieures, l’annulation de mariages, de vacances et des activités familiales – et j’en passe.

Ces contraintes sont de plus en plus difficiles à accepter dans la société contemporaine où les conjoints de militaires ont le plus souvent un emploi ou souhaitent en avoir un. La mobilité géographique des familles est aussi un facteur de déracinement. Elle est source de difficultés pour les conjoints souhaitant préserver leur parcours professionnel, de morcellement du parcours scolaire des enfants, de difficulté d’accès à la propriété. Elle entraîne aussi le développement du célibat géographique et une fragilisation des réseaux de sociabilité. À chaque nouvelle affectation, le militaire doit se familiariser avec un nouvel environnement et son conjoint doit organiser le déménagement, trouver un logement pour toute la famille et s’occuper d’inscrire les enfants dans un nouvel établissement.

L’emploi des conjoints est un enjeu croissant, non seulement en raison des mobilités répétées des militaires mais aussi de leurs absences opérationnelles qui font peser une lourde charge sur lesdits conjoints. Le phénomène du célibat géographique s’explique non seulement par la volonté des conjoints de poursuivre leur carrière professionnelle mais aussi par la volonté des familles de préserver la continuité de la scolarité de leurs enfants et parfois, par l’acquisition d’un logement. La diversification des structures familiales, avec notamment le développement du phénomène des familles monoparentales, suscite aussi de nouveaux enjeux. L’accès à internet et aux outils numériques est désormais une composante essentielle de la vie des militaires dont il faut tenir compte. La communication entre les militaires et leur famille de même que la communication entre l’institution et le militaire évoluent en conséquence.

Enfin, une dizaine d’années de coupes budgétaires, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), dans un contexte de sursollicitation opérationnelle, a donné à l’institution militaire le sentiment d’être malmenée. Par ailleurs, la professionnalisation des armées a créé la nécessité de recruter et surtout de fidéliser les militaires.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Afin de répondre à ces nombreux enjeux, le Président de la République a prononcé à Istres, le 20 juillet 2017, un discours que l’on peut considérer comme l’acte fondateur du plan Famille. Cet enjeu est alors devenu l’une des priorités de la ministre des Armées qui a lancé ce plan le 31 octobre de la même année. Je tiens à rappeler, parce qu’on l’oublie parfois, que le plan Famille s’intitule en réalité plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires : il concerne certes les familles mais aussi tous les militaires – y compris les célibataires – et, pour deux tiers de mesures, les personnels civils de la Défense sur lesquels notre commission a déjà travaillé au début de cette année.

Si le plan Famille a été élaboré très rapidement par le ministère, il a été complété au fur et à mesure, dans une démarche évolutive et adaptative que nous saluons. Dès 2018, le plan Famille a été inscrit, pour celles de ses mesures qui sont d’ordre budgétaire, en loi de programmation militaire 2019-2025 : il a ainsi été prolongé au-delà de 2022.

Pour résumer en une phrase le bilan que tire la mission d’information : le plan Famille est salué par l’ensemble de la communauté de défense et gagnerait à mieux être connu aussi bien des familles que des militaires eux-mêmes. Le plan comportant 61 mesures réparties en six axes, nous avons pris le parti d’évoquer devant vous les mesures les plus emblématiques du plan.

Nous vous présenterons d’abord les mesures qui apportent une grande satisfaction à la communauté de défense. Puis nous évoquerons les enjeux qui restent problématiques. Nous reviendrons ensuite sur les mesures d’adoption récente, dont il nous paraît difficile d’établir un bilan mais à l’égard desquelles nous portons un regard très enthousiaste. Enfin, nous vous présenterons nos propositions pour renforcer le plan Famille et en écrire l’acte II.

Parmi les mesures très positives du plan Famille, nous voudrions tout d’abord insister sur les mesures prises en faveur de la garde d’enfants. Grâce au plan Famille, l’offre de garde d’enfants repose désormais sur trois actions : la gestion directe de crèches ministérielles, la réservation de berceaux au sein de structures associatives et la signature de conventions avec des assistantes maternelles. Le plan Famille fixait initialement un objectif d’augmentation de 20 % du nombre de places en crèche : l’objectif, fixé pour 2022 a été atteint et même dépassé, et atteint 2 598 places. Le plan Famille prévoit aussi de développer l’accompagnement des conjointes de militaires ayant le projet professionnel de devenir assistantes maternelles et d’inciter financièrement les assistantes maternelles à accueillir un enfant ressortissant de l’action sociale des armées, notamment en horaires atypiques. Enfin, le plan Famille formalise les dispositifs de garde d’urgence, notamment afin de permettre aux couples de faire garder leurs enfants en cas d’appareillage d’urgence d’un marin.

Une autre mesure symbolique sur laquelle nous souhaitons revenir est la distribution de 5 000 clefs « story enjoy » ayant permis aux militaires d’enregistrer à l’avance des histoires proposées à leurs enfants pendant qu’ils sont projetés en opération. Nous vous avons également apporté ici un exemplaire des 44 000 boîtes multi-activités qui ont été offertes aux enfants de militaires partant en OPEX. Ces boîtes ont eu un grand succès et le ministère envisage maintenant de concevoir des dispositifs pour les adolescents. Enfin, nous vous avons apporté un exemplaire des boîtes « mon hôsto rigolo » qui ont été distribuées aux enfants de militaires hospitalisés.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Une mesure ayant eu énormément de succès est la carte Famille SNCF qui a été offerte à toutes les familles de militaires. Auparavant, les familles devaient voyager avec le militaire pour pouvoir bénéficier de réductions. Désormais, chaque membre de la famille dispose de réductions de 30 % sur le TGV et de 25 à 50 % sur le TER.

Le plan Famille prévoit aussi un prêt d’accession à la propriété dont les modalités ont été revues pour le rendre plus attractif : depuis juillet 2021, les familles peuvent bénéficier d’un prêt de 30 000 euros sur 15 ans. Ce prêt peut être complété par un prêt de travaux de 26 000 euros lorsque le ménage est composé de deux personnels du ministère des Armées ou de gendarmes, que ces personnels soient actifs ou retraités.

Le plan wifi permet l’accès à un wifi gratuit et sécurisé dans les enceintes militaires : près de 150 000 connexions wifi gratuites ont été déployées dans 2 400 bâtiments en métropole, grâce au marché ILOSCA conclu avec la société Wifirst. Les déploiements sont en cours en outre-mer et à l’étranger. Quant au déploiement des réseaux Wifirst en OPEX, il permet aux militaires d’avoir un accès sécurisé à internet et de leur éviter d’acheter des cartes SIM locales présentant des failles de sécurité importantes.

Le plan Famille simplifie aussi la mobilité des militaires, une mobilité qui, rappelons-le, demande toute une organisation de la famille et en particulier de la part du conjoint ou de la conjointe. Le plan facilite les déménagements avec la plateforme multi-déménageurs : cette plateforme fonctionne très bien en métropole et est très appréciée des familles.

Le ministère a aussi prévu un accès facilité des familles aux enceintes militaires et un plan de rénovation de 50 millions d’euros au profit des centres de vacances Igesa.

L’ensemble de ces mesures est plébiscité par la communauté de défense mais ne doit pas occulter que des difficultés majeures demeurent pour les familles. Certains chantiers du plan Famille nous semblent encore inachevés et méritent une attention particulière. Nous en avons identifié quatre principaux : l’attribution tardive des logements, le soutien à l’emploi des conjoints, la scolarisation des enfants et les déserts médicaux.

S’agissant du logement, il faut tout d’abord saluer la politique d’offre de logements défense du Gouvernement qui est redynamisée de deux manières : via le plan Famille et via le contrat Ambition Logements. Le plan Famille prévoit une augmentation de 660 logements réservés par convention en métropole et la construction de logements domaniaux en outre-mer. Le contrat Ambition Logements permettra de compléter ce dispositif en augmentant le parc de logements domaniaux en métropole et en améliorant la qualité d’entretien du parc. Nous saluons cette politique sans précédent, qui est aussi complétée par un plan Hébergement d’1,2 milliard d’euros sur la durée de la LPM.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Pour en revenir au plan Famille proprement dit, la politique de logement du ministère se heurte à une difficulté : les logements proposés par les bureaux du logement aux familles de militaires sont attribués très tardivement du fait que les précédents occupants n’ont qu’un délai d’un mois de préavis pour libérer les lieux au profit des familles arrivantes. En conséquence, l’effort fourni par les armées, directions et services pour édicter des préavis d’ordre de mutation cinq mois à l’avance se trouve en quelque sorte remis en cause : les familles ne peuvent pas déménager tant que le logement qui leur a été attribué n’a pas été libéré. Le plan Famille prévoit d’optimiser la performance en matière de délai de réponse pour l’attribution de logements et le ministère compte pour cela sur son nouveau système d’information « Atrium ». Par ailleurs, le commandement est aussi invité à inciter les militaires mutés à libérer leur logement plus tôt.

En attendant, la situation actuelle a des effets problématiques sur l’inscription à l’école des enfants de militaires changeant d’affectation. Compte tenu de la carte scolaire, les parents ont besoin d’un justificatif de domicile pour pouvoir inscrire leurs enfants en établissement, en particulier au collège et au lycée, et l’éducation nationale ne reconnaît pas l’adresse d’affectation administrative du militaire. Cette difficulté est un facteur de stress important pour les familles qui ne veulent pas voir leurs enfants répartis entre différents établissements scolaires. C’est pourquoi nous jugeons indispensable de simplifier cette procédure de justification de domicile mais aussi de placer auprès de la direction générale de l’enseignement scolaire, entre le 15 août et le 15 septembre chaque année, une personne spécialement chargée de régler la situation des enfants non encore inscrits en établissement du fait d’un problème de justification de domicile.

Un autre problème auquel sont confrontées les familles en cas de déménagement sur certains territoires est celui de l’accès aux soins. Dans les déserts médicaux, les familles nouvellement arrivées n’arrivent souvent pas à obtenir des rendez-vous chez le médecin, surtout lorsqu’il s’agit d’un spécialiste. Les médecins refusent en général tout nouveau patient, ce qui pose particulièrement problème aux familles ayant des enfants « dis » et ayant besoin de faire appel à des spécialistes. C’est pourquoi nous proposons de communiquer avec les médecins généralistes et spécialistes présents sur le territoire afin de permettre aux familles de militaires nouvellement arrivées de disposer d’un accès à des rendez-vous et de ne pas être mises sur liste d’attente. Nous proposons aussi d’inciter les associations, telles que l’ANFEM, à instaurer un système de parrainage entre familles partantes et familles arrivant dans une nouvelle affectation : en effet, avec le départ de plusieurs familles, ce sont autant de créneaux potentiels qui se libèrent sans que les médecins soient toujours avertis qu’ils peuvent mettre à jour leur fichier de patientèle. Nous suggérons aussi l’installation de cabines de téléconsultation de médecins spécialistes.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Nous en venons maintenant au problème le plus sensible : celui de l’emploi des conjoints. Le plan Famille comporte plusieurs mesures en faveur de l’accompagnement à l’emploi des conjoints et donne un rôle important à Défense mobilité en la matière. Outre l’accompagnement proprement dit, le ministère finance aussi des formations, organise des forums de l’emploi, des séances de job dating et les prestations dont bénéficient les militaires en reconversion profitent aussi aux conjoints. En novembre 2020, la ministre des Armées a annoncé de nouvelles mesures afin de favoriser l’accès des conjoints au secteur public et notamment au ministère des Armées. Le ministère propose aussi une offre de préparation aux concours et l’ouverture d’un marché d’accompagnement à la création d’entreprises.

Nous saluons l’action de Défense mobilité qui fait son maximum pour accompagner les conjoints vers l’emploi. Cela étant dit, l’ampleur de la tâche est considérable et nous estimons que les efforts du ministère doivent encore être renforcés pour toutes les raisons que nous avons évoquées au début de notre intervention : éviter au maximum le célibat géographique, permettre aux conjoints de s’épanouir pleinement et ainsi avoir des familles « heureuses » pour reprendre l’expression de madame la ministre des Armées.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons notamment identifié deux problèmes spécifiques : le cas des conjoints qui sont fonctionnaires et, parmi eux, le cas des conjoints qui sont enseignants. S’agissant des fonctionnaires en général, Défense mobilité assure un traitement individualisé des demandes de suivi de mobilité. Quant au ministère de la Transformation et de la fonction publiques, il a un projet « d’immersion professionnelle » visant à organiser la mise en relation entre personnes envisageant une mobilité sur un territoire et personnes s’y trouvant déjà. Le Gouvernement a également créé un portail unique pour les offres d’emploi dans la fonction publique. Il reste que la mobilité entre administrations n’est pas aisée – fonctionnant encore selon moi trop en « silo » et de façon trop centralisée. En ce qui concerne la fonction publique territoriale, le ministère des Armées et le ministère de la Transformation et de la fonction publiques ont signé un accord en décembre 2020.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Nous ferons un point particulier sur les demandes de mutation provenant de conjoints de militaires qui sont enseignants car elles correspondent à 85 % des demandes d’appui de conjoints fonctionnaires adressées à Défense mobilité. En effet, beaucoup de conjointes de militaires s’engagent comme enseignantes, espérant pour certaines pouvoir profiter du maillage territorial de l’éducation nationale.

La difficulté principale, en cas de mutation du militaire, réside dans le décalage de calendrier entre les mutations au ministère de l’éducation nationale, décidées à partir de novembre de l’année N -1 et les mutations des militaires qui sont notifiées au printemps de l’année N pour une mutation à l’été. Conscient de cette difficulté, le ministère des Armées a signé un protocole avec l’éducation nationale en 2018 afin de faciliter la mobilité des conjoints enseignants. En 2020, 60 % des demandes ont pu être satisfaites et 70 % en 2021. Il sera en revanche difficile d’aller plus loin, pour plusieurs raisons. Entre autres, la satisfaction des demandes suppose qu’il y ait des postes vacants. En outre, le ministère des Armées ne peut édicter ses ordres de mutation plus tôt. De plus, certains territoires posent des difficultés particulières, comme la Bretagne et la Réunion qui sont excédentaires en enseignants. Dans l’enseignement du premier degré, les mutations fonctionnent selon un système d’« exeat » et d’« ineat » et la difficulté concerne les conjoints enseignants souhaitant quitter un département déficitaire.

Si le cas des fonctionnaires est particulièrement complexe, nous formulons plusieurs propositions en faveur de l’emploi des conjoints de manière générale. Nous suggérons notamment que les effectifs de Défense mobilité soient nettement renforcés. Défense mobilité employant essentiellement des personnels militaires, nous proposons de favoriser le recrutement de personnels civils spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi. Nous suggérons aussi que Défense mobilité recrute en son sein des conjoints spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi.

Après avoir évoqué les mesures du plan Famille donnant pleinement satisfaction aux militaires et aux familles et les principaux aspects restant problématiques, nous voudrions évoquer des mesures à l’égard desquelles nous sommes très enthousiastes mais qui ont été adoptées trop récemment pour que nous puissions en faire un bilan.

C’est en particulier le cas du partenariat conclu le mois dernier entre le ministère des Armées et la plateforme Yoopies. En plus de la création de crèches, le ministère a cherché à développer des solutions de garde plus souples favorisant la prise en compte des horaires atypiques. Les 270 000 personnels civils et militaires du ministère des Armées auront désormais un accès gratuit et illimité – sans frais d’inscription ni commission – à cette plateforme de services qui couvre cinq domaines : la garde d’enfants, le soutien scolaire, l’aide aux personnes dépendantes, l’aide au ménage et la garde d’animaux. Cette offre permet aux familles d’accéder via la plateforme à des assistantes maternelles et à des baby-sitters. Elle assure la garde d’enfants au-delà du créneau de 0 à 3 ans et répond aussi aux besoins de garde périscolaire et d’aide aux personnes âgées – et donc d’aide aux parents des militaires et de leurs conjoints. Nous saluons cette nouvelle mesure qui devrait répondre à des besoins majeurs des familles.

S’il nous est impossible d’évoquer dans le temps imparti les 61 mesures du plan Famille, nous estimons que ce plan apporte dans son ensemble une grande satisfaction aux militaires et à leur famille. Les effets observés et attendus du plan Famille devraient être renforcés par trois autres projets simultanément menés par le ministère : le plan Hébergement, avec 1,2 milliard d’euros, le contrat Ambition Logements et la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Parce que le plan Famille donne globalement grande satisfaction, nous jugeons nécessaire d’en assurer la pérennité au-delà des échéances électorales de 2022 et pendant toute la durée de la loi de programmation militaire. Nous estimons aussi indispensable de renforcer les effectifs des services de soutien qui se sont vu ajouter de nouvelles missions avec le plan Famille alors même qu’ils manquent cruellement de personnel. C’est en particulier le cas du service du commissariat aux armées (SCA), du service de santé des armées (SSA) et de Défense mobilité.

Nous jugeons aussi indispensable de mieux informer et de mieux communiquer sur le plan Famille. Nous avons auditionné à plusieurs reprises le directeur de projet du « plan Famille » et nous voudrions rendre hommage à son action. La désignation de directeurs de projet nous paraît une bonne méthode. Nous proposons donc qu’on lui adjoigne une équipe de communication dédiée. Actuellement, chacun des multiples acteurs impliqués dans le plan Famille mène sa propre politique d’information et de communication, ce qui nuit à la lisibilité et à la visibilité du plan pour les militaires et leur famille. Ensuite, nous proposons que les actions menées dans le cadre du plan Famille se voient apposer un logo. Nous pensons par exemple à l’installation de city stades, de « Mouv Roc » ou de kiosques à pizza ou encore de l’offre wifi en garnison. Enfin et surtout, nous attendons beaucoup du nouveau projet « Familles des armées », actuellement en cours d’élaboration au ministère des Armées. L’objectif de ce projet est de faire parvenir à tous les potentiels bénéficiaires du plan Famille l’information dont ils ont besoin, au moment opportun et notamment à des moments clefs comme lors du préavis d’ordre de mutation ou peu avant le déménagement, dans une démarche proactive et selon un ciblage précis, plutôt que de rester dans le système actuel où ce sont les bénéficiaires qui doivent aller « à la pêche aux informations » sur les multiples sites, portails, livrets et guides proposés par les services du ministère. « Familles des armées » sera notamment disponible sur téléphone mobile avec un système d’alertes et de notifications. Le projet permettra d’offrir des contenus ciblés et personnalisés. L’objectif est de limiter le non-recours aux mesures du plan Famille et de faire en sorte que tous les militaires et leur famille soient pleinement au courant de tout ce à quoi ils ont droit.

Enfin, nous proposons de compléter le plan Famille sur plusieurs aspects.

En matière de logement, nous pensons qu’une attention particulière doit être portée aux familles dont le militaire est muté en Île-de-France : en tant qu’élue de ce territoire, je suis bien placée pour savoir à quel point trouver un logement abordable, adapté et suffisamment grand pour accueillir une famille est un véritable casse-tête. Nous suggérons donc d’améliorer l’accueil et l’information des demandeurs s’adressant au Bureau régional du logement en Île-de-France. C’est une grosse administration et il n’est pas toujours facile de s’entretenir avec ses services ni d’obtenir un suivi fluide de son dossier de demande de logement.

S’agissant des gendarmes, que nous évoquons aussi tout au long de notre rapport, nous estimons que le principal point d’attention est l’état vétuste de leurs casernes. Les crédits budgétaires qui sont alloués aux casernes de gendarmerie en loi de finances augmenteront nettement l’an prochain mais nous considérons qu’il faudra aller encore plus loin dans la future loi de programmation de la sécurité intérieure. Cela ne relève pas à proprement parler du plan Famille mais il nous a semblé très important de le mentionner.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. En faveur des enfants, nous proposons que le ministère accompagne le développement local de maisons d’assistantes maternelles. Ces structures associatives sont complémentaires de l’offre que nous avons décrite tout à l’heure et présentent l’avantage d’être adaptées aux horaires atypiques, d’être plus faciles à mettre sur pied et à gérer que des crèches et le ministère pourrait autoriser à leur profit l’occupation temporaire de certains de ses locaux. Nous proposons aussi de développer l’offre de résidences Igesa au profit des étudiants issus de familles de militaires. Cela apporterait une aide aux étudiants dont les parents sont affectés loin des villes où se trouvent les établissements d’enseignement supérieur.

S’agissant de l’emploi des conjoints, nous l’avons dit, nous estimons qu’il conviendrait d’augmenter les effectifs de Défense mobilité et de recruter des personnels civils spécialisés dans l’accompagnement à l’emploi.

Toujours pour limiter les effets des mutations – sur l’emploi des conjoints comme sur la scolarisation des enfants et le logement –, nous avons examiné la possibilité de favoriser la téléactivité et la mobilité des militaires au sein de bassins d’emploi, ce qui permettrait d’atténuer la fréquence des déménagements. La téléactivité s’est développée au ministère des Armées pendant la crise sanitaire, pour les postes le permettant. Elle ne saurait être généralisée mais c’est néanmoins une piste à explorer : c’est une possibilité qui doit être laissée à la main du commandement pour répondre à des situations précises. Toute généralisation devrait impérativement être précédée d’une expérimentation.

Nous suggérons aussi de créer sur les bases de défense des espaces de travail partagé, équipés de stations d’accueil informatique avec accès sécurisé au réseau intradef, l’intranet du ministère des Armées, pour permettre aux militaires en célibat géographique de travailler près du domicile de leur famille et de ne se rendre sur leur lieu de travail que certains jours de la semaine – par exemple, à Balard. Nous soutenons aussi l’initiative de l’armée de Terre en faveur d’une « mobilité modernisée » : l’idée est d’offrir aux militaires une meilleure lisibilité sur leur parcours de mobilité et aux familles davantage de stabilité en développant la mobilité au sein de bassins d’employabilité. Cela n’est bien sûr pas possible partout mais c’est une opportunité à étudier.

Afin de renforcer l’offre de services et de loisirs, nous proposons d’améliorer l’attractivité de l’offre de loisirs Igesa pour les familles aisées, de diffuser les services de conciergerie là où une telle offre serait adéquate, de créer des points de vente automatisés pour les biens de première nécessité et de faciliter l’emploi de colis en OPEX. Si l’accès des conjoints aux enceintes militaires a été facilité, il nous paraît important de veiller à ce que tous les espaces ATLAS disposent d’horaires adaptés à l’accueil des conjoints qui travaillent. Nous appelons aussi l’attention sur la nécessité de veiller au maintien des avantages consentis aux familles dans les transports ferroviaires après l’ouverture des lignes à la concurrence.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Enfin, s’agissant de l’outre-mer et de l’étranger, il nous paraît essentiel de renforcer massivement les moyens budgétaires dévolus aux commandants supérieurs afin de leur permettre d’adapter au mieux le plan Famille aux réalités locales. S’agissant des ultramarins qui sont affectés en métropole et qui ne peuvent rentrer voir leur famille le week-end, pendant les fêtes et les jours de permission, nous voudrions insister sur le rôle clef d’accompagnement que jouent leur chef de corps et leur unité d’appartenance.

Plus généralement, et cela permet de faire à la fois transition avec ce qui précède et de « dézoomer » du plan Famille, nous voudrions toutes les deux rendre un hommage au rôle majeur que jouent les chefs de corps en matière de condition du personnel et d’amélioration des conditions de vie des militaires. Nous nous en sommes rendu compte lors de nos déplacements à Évreux, Brest et Bruz : ce sont eux qui sont au cœur de cette dynamique d’amélioration des conditions de vie de nos militaires et nous ne leur rendrons jamais assez hommage. Nous avons d’ailleurs quelques photos de nos déplacements à partager avec vous.

En conclusion, nous voudrions encore une fois saluer l’effort du ministère des Armées, et en particulier de la ministre des Armées compte tenu de son implication personnelle dans l’amélioration des conditions de vie de nos soldats mais aussi en faveur de toute la communauté de défense : ces efforts doivent être soutenus, renforcés, approfondis.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie, chères collègues, de votre présentation de cette mission d’information de grande qualité – tirant les premières conclusions du Plan famille – ainsi que de vos propositions.

Partant du principe qu’en bénéficiant d’un environnement de qualité dans sa vie personnelle et professionnelle, un soldat est plus enclin à exercer son métier avec un potentiel maximum, le plan Famille place avec pertinence l’homme au centre de cette loi de programmation militaire. En tant que rapporteur pour avis des programmes 178 et 212, j’avais souhaité mettre l’accent sur les apports du plan Famille, notamment en y consacrant une partie thématique dans mon avis budgétaire de 2019, convaincu de son importance pour nos militaires.

L’approche globale autour d’un concept unique de plan Famille a permis de concilier les propositions des différents services du ministère. Les retards de réforme accumulés ont été rattrapés grâce à des investissements ambitieux et à une volonté de mieux coller à la nouvelle réalité sociologique du militaire dont les attentes ont évolué au même titre que la société française. Je souhaite saluer à cet effet les efforts consentis par la direction des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MD) et le service du commissariat des armées (SCA) notamment, comme l’ensemble des services de soutien qui ont contribué à cette réforme.

Il convient selon moi d’aller plus loin encore, par une déconcentration progressive, et de confier aux commandants de base de défense plus de responsabilités et de moyens. Ce sont eux qui sont au plus près des bénéficiaires de ce plan, et donc de l’expression des besoins et du retour critique vis-à-vis des mesures déjà appliquées. Leur marge de manœuvre notamment financière, reste encore trop limitée. Plus de subsidiarité dans le pilotage de ce plan Famille et des crédits mieux fléchés vers l’échelon local doivent être envisagés désormais.

À ce titre, mes chères collègues, pourriez-vous préciser les conclusions que vous tirez sur le rôle des commandants de base de défense dans leur action au profit du plan Famille ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Je vous remercie, mesdames les rapporteures, de la qualité de votre rapport et de votre mission d’information. Grâce à vous, nous avons eu l’impression de nous retrouver au sein des familles de nos militaires et de voir l’ensemble des composantes qui parfois nous échappent.

Nous avons pu mesurer quelles sont les contraintes inhérentes au métier de militaire – absences plus ou moins longues, changements nombreux d’agenda, déménagements – contraintes qui ont bien sûr un impact sur l’ensemble de la famille. Nous avons pu comprendre encore mieux par ces détails les conditions de vie de nos militaires. Après avoir formulé ces constats, vous avez évoqué les améliorations en cours et, grâce aux nombreuses auditions que vous avez menées, vous avez pu faire des propositions. On peut se dire que lorsque la famille est bien installée, le militaire part rassuré.

L’accompagnement proposé pour la garde d’enfants, la scolarité, l’offre de santé et l’aide au logement ont fait l’objet d’échanges constructifs entre le ministère et les militaires et une réflexion complémentaire sera bien évidemment nécessaire au vu des conclusions de votre rapport.

Pour attirer les vocations, offrir des conditions de vie optimales me semble un facteur non négligeable voire indispensable. Vous avez évoqué le plan wifi lancé à l’été 2018, déployé dans un premier temps dans le cadre du marché ILOSCA sur le territoire national, en outremer et à l’étranger et plus récemment en OPEX dans le cadre du marché ILOPEX. Quel bilan en tirez-vous ? Quelle est son appréciation par la communauté militaire ? De nouvelles avancées sont-elles prévues d’ici à 2022 ?

M. Thomas Gassilloud. Je suis heureux d’échanger sur la condition militaire et notamment sur la condition du soldat, l’armée de Terre représentant un peu plus de la moitié des femmes et des hommes de ce ministère. Nous le devons à nos militaires et le facteur humain reste prépondérant dans notre supériorité opérationnelle. Comme l’a martelé Florence Parly, « il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse ».

Lancé en octobre 2017, le plan Famille était très attendu. C’est un plan moderne, appuyé sur la transformation numérique, complet et concret, concerté avec la communauté militaire, et un plan évolutif qui fait l’objet d’un suivi régulier par une instance dédiée.

Le groupe Agir se félicite notamment de sa mise en route rapide, puisque 80 % des actions étaient lancées dès 2018. Il me semble important de souligner que l’essentiel du quotidien des familles et des soldats se joue dans le rapport entre les soldats et leur commandement, au-delà des grandes mesures qui sont annoncées.

J’aimerais vous interroger sur deux cas particuliers, celui des sapeurs-pompiers militaires et celui des réservistes.

S’agissant des sapeurs-pompiers, nous avons la semaine dernière voté la loi Matras qui s’adresse notamment aux sapeurs-pompiers volontaires, soit 200 000 personnes, et aux 40 000 sapeurs-pompiers professionnels. Mais il ne faut pas oublier que nous avons plus de 12 000 sapeurs-pompiers militaires, soit 5 % des effectifs nationaux répartis entre la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon de marins-pompiers de Marseille.

Leurs familles sont particulièrement exposées, compte tenu du risque quotidien et des contraintes d’hébergement inhérentes à ces grandes villes, Marseille et Paris. Comment le plan Famille se décline-t-il pour eux, en plus des mesures générales que vous nous avez annoncées ?

Ma deuxième question porte sur les réservistes opérationnels, dont on a très peu parlé. Ils ont certes une activité opérationnelle moins dense que les militaires d’active, mais qui se cumule à un emploi civil. Ils sont 41 000 pour les armées en 2020, et 28 000 dans la gendarmerie avec un objectif de 50 000. Ce seront donc près de 100 000 réservistes militaires qui seront employés dans les prochaines années, chiffres qui pourraient quasiment doubler avec la réserve opérationnelle de niveau 2. Avez-vous des informations à ce sujet-là, sachant que j’aimerais rappeler un point de vigilance concernant le délai de paiement de la solde ?

M. Yannick Favennec-Bécot. Je remercie nos deux rapporteures pour la qualité de leur travail.

Vous avez déjà répondu à ma première question qui portait sur l’activité professionnelle des conjoints. Ma deuxième question concerne l’accession à la propriété des militaires.

Le plan Famille prévoit une hausse de prêts à taux zéro de 20 000 à 25 000 euros pour une durée de remboursement portée à 15 ans au lieu de 10. Toutefois, l’efficacité de cette mesure semble se heurter à deux difficultés : les frais de gestion élevés imposés par Igesa, l’absence d’aide à la pierre et d’une majoration accordée à un militaire souhaitant devenir propriétaire alors qu’un militaire locataire peut bénéficier d’une majoration de l’indemnité pour charges militaires et d’une aide au loyer même si celui-ci est inférieur au marché. L’accession à la propriété de nos militaires est-elle en voie d’amélioration ?

M. Jacques Marilossian. Je vous remercie, chères collègues, de la présentation des conclusions de votre mission – vous avez manifestement pris du plaisir à travailler. Vous l’avez rappelé, les marins sont soumis à des sujétions très fortes dans l’exercice de leurs missions, et dans mes précédents rapports sur le budget de la Marine nationale, j’avais souligné le décalage important entre les contraintes des missions et la jeunesse des marins, dont la moyenne d’âge se situe à 30 ans. Il est en effet plus difficile pour la génération actuelle d’accepter les conditions souvent imprévisibles et fermées de certaines missions en mer tant cette génération est connectée en permanence au monde extérieur. Par exemple, lorsqu’ils sont affectés à une unité navigante, les marins sont très souvent absents de leur domicile, ils naviguent en moyenne quatre mois par an, parfois jusqu’à 200 jours, et il n’y a bien évidemment pas de connexion wifi à bord de certains bâtiments.

Le plan Famille a permis de mettre en place des améliorations concrètes pour les marins, notamment dans le domaine de la connectivité en mer et en escale, mais cela ne suffit pas à compenser le manque d’intérêt des jeunes pour ces métiers exigeants de la Marine, notamment en matière de disponibilité, de mobilité, d’imprévisibilité de la charge de travail et des contraintes pesant sur la vie de famille.

Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures prises dans le cadre du plan Famille permettant de compenser les fortes sujétions qui s’appliquent aux marins ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Mesdames les rapporteures, votre rapport est très complet et vous avez effectivement présenté tout le panel des difficultés que peuvent rencontrer les familles, qu’il s’agisse de la garde des enfants ou de l’emploi des conjoints.

Pourriez-vous évoquer les outils numériques ayant pour objectif une lisibilité des informations pour la famille ainsi que le guichet unique simplifiant l’accompagnement des militaires dans leurs démarches administratives ?

M. Stéphane Vojetta. Un partenariat entre le groupe Worklife et le ministère des Armées a été annoncé en octobre dernier, afin de permettre un accès gratuit des familles des armées à la plateforme de services à domicile du groupe, la plateforme Yoopies. Il permettra d’offrir des services dans cinq domaines dont la garde d’enfants.

Pourriez-vous nous dire où en est la mise en application de ce partenariat et quels en sont les avantages induits pour les familles par rapport aux solutions classiques ?

M. Xavier Batut. Je remercie les rapporteures pour la qualité de leur présentation. En tant que rapporteur des crédits de la gendarmerie, je souhaiterais vous interroger concernant les conditions de vie des gendarmes et de leur famille.

En gendarmerie départementale, les conditions de vie du gendarme et de sa famille peuvent varier très sensiblement selon que le militaire est affecté dans une zone présentant de nombreux atouts économiques, culturels, sociaux ou, au contraire, dans une zone rurale cumulant de nombreuses difficultés ou encore dans une zone périurbaine caractérisée par une forte délinquance de proximité. Une part importante des militaires de la gendarmerie est affectée dans des unités isolées aux très faibles effectifs et vit au sein de petites communautés.

Quant à la gendarmerie mobile, elle est projetée pour des événements ou des missions durant plusieurs jours voire plusieurs mois. L’absence du militaire pèse alors sur la famille et en particulier sur le conjoint ou, le plus souvent, sur la conjointe. Les gendarmes mobiles sont engagés en moyenne plus de 174 jours par an hors de leur lieu d’affectation.

En complément de l’activité quotidienne de chaque gendarme, les exemples récents d'événements, que ce soit en métropole, en outre-mer ou à l’étranger, témoignent de cet engagement fort.

En outre, la mobilité géographique, inhérente également à l’état militaire, génère souvent des contraintes importantes pour les militaires et leur famille.

La promiscuité professionnelle est accentuée par l’obligation pour les officiers et sous-officiers de gendarmerie de vivre dans des logements concédés par nécessité absolue de service. Dès lors, vie professionnelle et vie familiale des militaires se trouvent inévitablement mêlées.

Dans ces conditions, pourriez-vous nous indiquer comment le plan Famille est perçu par la gendarmerie et si les moyens prévus sont mis en place et suffisants ?

M. Joachim Son-Forget. Mes questions porteront sur l’accompagnement des conjoints dans la mobilité professionnelle et les déménagements.

Nombreux sont celles et ceux qui n’arrivent pas à retrouver du travail à la suite d’un déménagement, notamment à cause des délais de préavis des mutations, sachant que 59 % des mutations sont prononcées administrativement moins de trois mois avant la date effective. Cela crée beaucoup d’instabilité et d’incertitude chez les conjoints.

Défense Mobilité est une plateforme intéressante qui n’est malheureusement pas assez efficace et qui est trop peu connue. Je souhaiterais savoir ce que l’armée envisage de faire pour mieux accompagner les maris et femmes dans leurs activités professionnelles.

Concernant les formalités administratives et logistiques liées aux déménagements, comment peut-on décharger les militaires sur ces questions ? L’une des orientations du plan Famille était d’alléger au maximum les contraintes, via la plateforme multi-déménageurs de type courtage qui a été expérimentée sur une base volontaire en 2017 via un marché public mais qui ne semble pas répondre suffisamment aux besoins de nos militaires. Est-il envisageable à l’horizon de 2022 de travailler sur une prise en charge, notamment des frais, par l’administration ?

Mme Sereine Mauborgne. Je vous remercie, mesdames les rapporteures, de la qualité de votre travail. J’ai eu la chance d’assister à quelques auditions en votre compagnie et il est vrai que ces sujets sont tout à fait passionnants, même si l’on peut déplorer le manque de notoriété du plan Famille et les rangs parfois clairsemés de notre commission pour traiter d’un sujet aussi important.

Je souhaitais vous interroger sur la manière dont le ministère des Armées entend développer le projet « Familles des Armées ». Celui-ci permettrait de proposer un accès simplifié et fluide aux services et aides proposés par le ministère et d’échanger directement avec les services concernés. À l’heure où certaines familles de militaires sont, comme certaines familles françaises, éclatées voire recomposées, il est apparu plusieurs fois pendant les auditions que les ex-femmes de militaires avaient parfois un accès restreint aux informations.

La concrétisation de ce projet apportera-t-elle des solutions ? En quoi ce projet se différencie-t-il des autres outils numériques développés par le ministère au profit des familles de militaires ?

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Tout d’abord, monsieur de Ganay, le commandant de base de défense (COMBdD) est effectivement l’acteur et l’autorité locale qui permet la coordination, la cohérence et la synthèse de tous les besoins de soutien. Il pilote une zone très grande. De ce fait, son rôle a été renforcé dans le plan Famille, par une augmentation des crédits de l’action sociale, communautaire et culturelle (ASCC) et des crédits de l’amélioration du cadre de vie (AACV). D’après nos échanges avec la DRH-MD, ces crédits ont été augmentés pour l’action culturelle de plus de 28 % depuis 2017 et de plus de 60 % pour l’amélioration du cadre de vie. Nous l’avons aussi vu dans nos déplacements en échangeant avec les commandants. Les commandants de formation, notamment les chefs de corps, jouent un rôle clef de liaison à l’échelle locale. Ils ont comme responsabilité première la condition du personnel.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Concernant le wifi, nos nombreux déplacements et auditions me conduisent à penser que c’est une problématique majeure. Il est des endroits où il n’y a pas encore de wifi. Pendant le confinement, les militaires ont vécu des moments difficiles, ne serait-ce que pour regarder des vidéos en streaming. Je leur ai dit qu’on allait faire en sorte qu’avec le plan Famille ils puissent avoir accès à Netflix pour regarder des films. Le plan wifi, au-delà du fait qu’il permette au militaire d’échanger avec sa famille, doit tout simplement lui permettre se détendre en regardant un film ou une série, ce qui n’est pas si facile que cela à certains endroits.

Le plan wifi comporte les volets ILOSCA et ILOPEX.

Concernant le déploiement du wifi en métropole avec le contrat ILOSCA, au 23 août 2021, le ministère a mis en service 148 865 connexions wifi gratuites, déployées dans 2 379 bâtiments de métropole, pour un montant de 15 millions d’euros par an. C’est un investissement important dont on ne peut se passer. Le déploiement n’est cependant pas encore effectif sur tous les sites métropolitains et ne concerne pas la gendarmerie. Le ministère s'emploie à résorber les difficultés techniques rencontrées sur des sites non encore desservis soit 61 bâtiments représentant 1 898 connexions. S’agissant de l’outre-mer et de l’étranger, les mises en service sont achevées ou en cours. Elles font appel à des opérateurs locaux pour le Pacifique et les Émirats Arabes Unis, et à un marché avec l’Économat des armées pour la zone Antilles-Guyane, Océan Indien et Afrique. Le coût total du déploiement en outre-mer et à l’étranger s’élève à 4 millions d’euros par an et est inscrit en LPM.

Pour le marché ILOPEX, l’objectif du ministère des Armées est d’assurer l’accès à un flux forfaitaire de données internet ainsi qu’à des communications téléphoniques dans les enceintes militaires, pour 100 % des sites. L’action a été réalisée et en mars 2020, durant la crise sanitaire, les forfaits de communication internet et téléphones de loisirs en OPEX ont été offerts aux militaires et provisoirement doublés, représentant 4 giga-octets de données et 360 unités de téléphone par personne et par mois pour une durée de trois mois. On comprend évidemment l’intérêt et l’urgence pour les militaires projetés en OPEX de pouvoir échanger avec leur famille.

Vous me demandiez dans la seconde partie de votre question quelle appréciation la communauté militaire portait sur cette mesure. Que ce soit sur le terrain ou lors de nos auditions, nous avons pu constater que le déploiement du wifi, en métropole, en outre-mer, à l’étranger ou en OPEX, est très apprécié des militaires. Cette mesure a répondu à une attente forte. En effet, l’enquête menée par le SGA en 2020 indiquait que pour 61 % des militaires interrogés, l’accès gratuit et performant à internet constituait une mesure « tout à fait prioritaire » pour améliorer les conditions de vie en garnison.

Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les perspectives attendues pour le plan wifi à partir de 2022. La première perspective concerne le déploiement de la connectivité sur les bâtiments à quai de la Marine nationale dont l’étude avait été lancée en juin 2020 par l’Économat des armées. Leur couverture wifi devrait être effective en 2022-2023 et le coût estimé par le SCA oscille entre 1,6 et 2 millions d’euros par an. Une expérimentation est en cours sur les bâtiments de surface, notamment sur la Jeanne, projet Ariane, avec l’opérateur satellitaire SES et NG. Le service wifi a remporté un succès notable, particulièrement plébiscité par le personnel et offrant un accès internet selon des horaires prédéfinis. La seconde perspective concerne le renouvellement du marché ILOPEX en 2023. Le ministère étudie les modalités de prise en compte des nouveaux usages d’internet, notamment ceux liés aux réseaux sociaux et au visionnage de vidéos à la demande, de sorte que chacun puisse en bénéficier lorsque les conditions techniques le permettent à un coût acceptable.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Je répondrai à présent à Mme Trastour-Isnart concernant le volet numérique du plan Famille, avec le portail e-social, et le volet « informations et contact » du plan, assuré par les espaces ATLAS.

La plateforme « e-social des armées » permet d’accompagner et d’informer les familles sur les aides sociales. Elle leur permet aussi, le cas échéant, de faire une demande de prestation directement depuis leur domicile en ayant accès à toutes les informations. Depuis 2018, la première version de la plateforme est opérationnelle. Depuis le 22 juillet 2021, la deuxième version est en ligne, qui dématérialise encore davantage l’accès aux prestations sociales. La plateforme « e-social des armées » permet de répondre à l’enjeu de connaissance de tous les dispositifs et de leurs complexités, chaque cas étant différent, et ainsi de paramétrer le système selon les spécificités de chacun.

S’agissant des guichets ATLAS, j’ai eu la chance d’en voir deux : un à Brest et un à Évreux. Ils présentent un inconvénient : leurs développements respectifs ne suivent pas la même progression. Évreux a une progression opérationnelle très intégrée alors que Brest commence le processus. Les conjoints ont accès à la structure et peuvent y être accompagnés dans leur recherche d’emploi. L’espace ATLAS d’Évreux comprend un service de conciergerie permettant d’aller chercher ses tenues et de les laisser sur place si elles sont trop petites. Généralement, les espaces ATLAS sont installés dans un lieu de passage central, par exemple au-dessus du mess où tous les personnels se rendent à midi. Ils permettent aussi l’accès à une billetterie, à une offre de loisirs et d’organiser son déménagement.

Concernant les problèmes d’accès aux soins, nous suggérons de confier à une personne du pôle ATLAS la mission de fixer des rendez-vous en urgence – par exemple, chez le dentiste – pour les militaires pendant qu’ils sont occupés à leur travail.

Monsieur Favennec-Bécot, je suis tout à fait d’accord avec vous concernant l’accession à la propriété. Le plan Famille renforce le dispositif d’aide à l’accession : le prêt est passé de 20 000 à 30 000 euros et est désormais remboursable sur quinze ans au lieu de dix ans. De plus, les prêts pour travaux sont passés de 13 000 à 26 000 euros, à rembourser sur dix ans. S’agissant des locataires, ils bénéficient effectivement d’une majoration de l’indemnité pour charge militaire qui devrait évoluer dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Monsieur Marilossian, concernant la Marine, l’action du plan Famille en faveur de la garde d’urgence répond à un vrai besoin. La possibilité pour un couple de faire garder ses enfants en cas d’appareillage en urgence de marins est une sécurité qui peut aider les familles à accepter cette contrainte de l’embarquement.

Le plan Famille répond aussi à la problématique de forte mobilité des marins, obligés de se déplacer très régulièrement entre Brest et Toulon. Les marins ont besoin de se rendre sur ces deux bases navales pour des périodes plus ou moins longues, un stage d’une semaine, un embarquement d’un mois ou une formation de neuf mois. Certains marins font le choix du célibat géographique et voudraient pouvoir rentrer chez eux le week-end à un prix raisonnable. L’état-major de la Marine a d’ores et déjà travaillé avec la DRH-MD sur l’une des mesures du plan visant à obtenir des avantages commerciaux pour les déplacements aériens des personnels et de leur famille. Le dispositif actuellement en cours d’expérimentation permet d’offrir au personnel des billets d’avion abordables aux alentours de 50 euros. En échangeant avec eux, nous nous sommes aperçues que les horaires des vols pouvaient poser problème. Il faudra donc résoudre cette difficulté. Les billets sont aussi échangeables afin de prendre en compte l’incertitude des programmes d’activité et des places accessibles.

Par ailleurs, le plan Famille poursuit une action d’optimisation de la politique de gestion des ressources humaines visant à donner plus de visibilité aux militaires et à leur famille sur les mutations. Cette action se concrétise par l’envoi d’un préavis de cinq mois et, quand cela est possible, l’organisation d’une forme « d’immobilité » pour reprendre les termes de l’amiral Prazuck ou encore l’application d’un pacte de stabilité géographique selon le profil des marins. Il nous paraît essentiel d’offrir aux militaires une meilleure lisibilité sur leurs parcours de mobilité à moyen et long termes avec des bassins d’employabilité. On sait que ce n’est évidemment pas simple pour tous les secteurs. Si ces bassins sont relativement bien identifiés pour la Marine, la transformation de cette armée à l’horizon 2025 nécessitera une gestion nouvelle définissant des parcours professionnels précis, liant la technique et la polyvalence des métiers aux besoins des bassins d’employabilité.

De plus, l’action en faveur des conditions de vie des marins et du maintien du lien avec leur famille a été renforcée. À l’instar des autres armées, la Marine bénéficie de la rénovation des lieux de convivialité et des lieux d’hébergement, à bord comme sur les bases navales, ainsi que d’une dynamisation de l’offre de service par un plan de déploiement de 45 bornes wifi pour les marins hébergés à bord. Quand nous sommes allées à Brest, nous avons échangé avec des conjointes de militaires et j’ai été très touchée par cette rencontre. Malgré tout ce qui est mis en place dans le plan Famille, on s’aperçoit que ces conjointes en sont très peu informées. Plusieurs d’entre elles ont quitté Toulon pour venir à Brest, où elles connaissent peu de gens – et pour certaines, avec des enfants porteurs de troubles supposant un suivi par des médecins spécialisés alors qu’elles n’ont pas de lien avec les médecins installés sur place. L’une des épouses que nous avons rencontrées était sur le point d’accoucher alors que son mari allait partir longtemps en mer. Ces exemples nous ont montré qu’il y avait encore beaucoup à faire pour avancer et qu’il fallait créer du lien entre toutes ces femmes. J’ai été très frappée par le témoignage de femmes nous ayant raconté avoir accouché en étant très seules, tout en ayant parfois d’autres enfants à la maison. La situation n’est pas simple et on doit y être très attentif.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Monsieur Gassilloud, vous soulevez une excellente question sur les pompiers militaires. Comme nous n’avons pas reçu d’éléments à ce sujet, nous allons nous rapprocher du ministère afin de vérifier que les familles de pompiers militaires sont bien bénéficiaires du plan Famille. S’agissant des réservistes, un travail a déjà été réalisé par la mission d’information sur le sujet et la question de la solde ne relève pas du plan Famille. Je ne pourrai donc pas apporter d’autres éléments.

Madame Mauborgne, concernant le manque de notoriété du plan Famille, à la suite de nos auditions et surtout de nos déplacements, nous avons été tristes de constater que nos militaires et leur famille ne savaient pas toujours que le plan Famille s’adresse à tous. Ainsi, j’ai entendu certaines personnes me dire : « Moi, je ne suis pas concerné, je ne m’y intéresse pas parce que je suis célibataire. Dans « plan Famille », il y a le mot « famille » donc je ne me sens pas du tout concerné par ce qui se passe ». Lorsqu’on parle aux militaires du kiosque à pizzas de leur garnison, il est dommage qu’ils ne sachent pas qu’il a été mis en place grâce au plan Famille. De ce fait, nous avons indiqué dans notre rapport qu’il serait bien d’identifier les mesures relevant du plan. Des structures sportives sont installées dans le cadre du plan Famille pour créer de la cohésion. Le but du plan est aussi de créer cette entité, cette famille qui peut aussi être la famille militaire. Les célibataires géographiques, du fait de la singularité militaire, se retrouvent déracinés et avec de nouveaux collègues. Il faut donc à chaque fois créer une cohésion, un esprit de groupe, et pour ce faire, se retrouver au terrain de sport est important. Le plan Famille est un vecteur de cohésion mais il n’est pas forcément identifié. C’est la raison pour laquelle il est important d’utiliser le logo du plan Famille, comme nous le proposons dans le rapport, levier identitaire important pour la fidélisation de nos hommes. Cela contribue à la résilience de nos armées.

Mme Isabelle Santiago, co-rapporteure. Monsieur Batut, sur la gendarmerie, nous avons eu la chance de pouvoir auditionner la direction des personnels militaires de la gendarmerie ainsi que le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) dans le cadre des travaux de la mission d’information. Bien que la gendarmerie ait été rattachée en 2009 au ministère de l’Intérieur, près de la moitié des mesures du plan Famille concernent les gendarmes. Les mesures les plus significatives sont portées par le service de l’action sociale des armées avec le soutien à la parentalité, et par Défense mobilité pour l’accompagnement à l’emploi des conjoints. Le maintien des avantages SNCF pour les militaires en congé de longue maladie est également une mesure très appréciée. L’assouplissement des règles d’utilisation de la carte SNCF Famille, je l’ai dit dans mon propos introductif, est également une avancée importante pour les gendarmes divorcés, avec des problématiques d’ordre fiscal. L’aide financière aux familles de militaires hospitalisés à la suite d’une blessure en service répond à un réel besoin de reconnaissance et d’accompagnement des personnels les plus fragilisés. Ce dispositif, qui donne pleinement satisfaction, répond à un réel besoin d’accompagnement des gendarmes. La distribution des boîtes multi-activités aux enfants de gendarmes partant en OPEX aussi. Évidemment, nous ne pourrons pas citer ici toutes les mesures mais il serait bon que chaque personne reçoive une plaquette décrivant l’ensemble des dispositifs, avant de l’avoir sous forme d’application plus moderne, ce qui serait beaucoup plus simple. Enfin, certains dispositifs ne sont pas applicables à la gendarmerie dans la mesure où celle-ci obéit à des règles d’organisation, de gestion et de fonctionnement édictées par le ministère de l’Intérieur, à la fois en matière de ressources humaines et de soutien. Il me semble important que les gendarmes soient suffisamment informés du nouveau marché conclu avec la plateforme Yoopies. Ce service de garde géolocalise à l’échelle de la résidence car il est très important pour les familles de voir qui est disponible aux endroits où elles résident. Il importe aussi, je l’ai dit dans mon propos liminaire, de prévoir en loi de programmation les crédits nécessaires à la rénovation et la sécurisation des casernes de gendarmerie, ce afin d’empêcher les intrusions.

Mme Séverine Gipson, co-rapporteure. Monsieur Vojetta, je suis très fière que le ministère des Armées ait lancé un partenariat avec la plateforme Yoopies le 26 octobre dernier. Nous avons eu la chance d’être toutes les deux présentes aux côtés de Mme la ministre Florence Parly lors de ce lancement et il y a un vrai potentiel. On peut paramétrer sa demande depuis son téléphone, où qu’on soit en France, et choisir la personne selon, par exemple, que l’on veuille une aide aux devoirs, une personne qui ira chercher son enfant le soir ou l’accompagner au sport. Tout est paramétrable et des recommandations sont accessibles à chacun. Le dispositif repose sur une approche collaborative. Comme on l’a dit tout à l’heure, il est gratuit et illimité, aussi bien pour la garde d’enfants, le soutien scolaire, l’aide aux personnes dépendantes, la garde d’animaux que pour le ménage. Par ailleurs, le second aspect de cette plateforme est l’automatisation et l’accompagnement dans les tâches administratives. Il suffit de paramétrer la configuration fiscale de sa famille et la plateforme indique de quels crédits d’impôt la famille peut bénéficier pour l’emploi d’une personne à domicile. C’est très commode puisque l’on n’a généralement pas le temps de s’occuper de toutes ces formalités administratives. Yoopies les a intégrées.

Monsieur Son-Forget, le déménagement est aussi une problématique abordée par le plan Famille. Un service numérique intégré de déménagement est proposé avec la plateforme multi-déménageurs (PFMD). En 2020, 40,5 % du personnel muté y a fait appel avec un taux de satisfaction de 85 %. Ensuite, un plateau opérateur de déménagement a été institué pour résoudre les problèmes rencontrés par les familles qui ont donc un interlocuteur. Les mesures de gestion des ressources humaines que vous avez évoquées, telles que l’édition de l’ordre de mutation cinq mois à l’avance, permettent aussi d’optimiser la mobilité et donc le déménagement. Quant à Défense mobilité, service dont la mission majeure est le soutien à l’emploi du conjoint, il dispose de moyens financiers importants mais une nette insuffisance de ses moyens humains a été soulevée et fait l’objet de l’une de nos recommandations. Il faut augmenter les effectifs des services et recruter du personnel civil spécialisé dans l’accompagnement à l’emploi.

Mme la présidente Françoise Dumas. Bravo, mesdames les rapporteures, pour votre travail.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l’unanimité́ le dépôt du rapport d’information sur le bilan du plan Famille.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ce vote à l’unanimité reflète la qualité de ce rapport qui, je pense, sera particulièrement utile. Lorsque nous pensons à nos familles de militaires, nous pensons à leurs conditions de vie mais aussi aux moyens de les aider, de les accompagner et de faire en sorte que leur vie, notamment lorsque les militaires sont en OPEX, se passe le mieux possible. Pour nos soldats, il est souvent difficile de ne pouvoir intervenir au profit de leurs proches parce qu’ils sont loin d’eux. Merci pour le travail que vous avez effectué et merci pour eux.

 


— 1 —

   Annexes

   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteures et déplacements

(Par ordre chronologique)

 

1.   Auditions

  M. Jean-Charles Cottez, directeur du projet Plan Famille à la direction des ressources humaines du ministère des Armées ;

  M. le général de division Philippe Guéguen, commandant du Centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) ;

  M. Renaud Ferrand, directeur général de l’Institution de gestion sociale des armées (IGESA) ;

  M. Jean-Joël Clady, chef du service de l’action sociale des armées à la direction des ressources humaines du ministère des Armées ;

  Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère des Armées – M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur, Mme Christine Julard, sous-directrice du logement ;

  Service du commissariat des armées (SCA) – M. le commissaire général hors classe Philippe Jacob, directeur central, M. l’administrateur civil hors classe Frédéric Crénicy, sous-directeur performance-synthèse (SDPS), M. le commissaire de première classe Eudes Ramadier, chef du bureau Planification budget ;

  Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) – M. le premier maître Michael Pousset, membre de la commission des conditions de vie, des aspects sociaux, de l’environnement professionnel et de santé et de sécurité au travail, M. l’adjudant-chef Alexandre Plantalech, M. l’adjudant Cédric Allaire, Maître Jean-Michel Bouchez, Maître Cécile Botineau, M. le sergent-chef Nicolas Piraux, M. le maréchal des logis chef Gilles Zanfonhouede, M. le caporal-chef David de Sousa, M. le caporal-chef Christian Lahaye, Mme le caporal-chef Julia Timbou, M. l’infirmier en soins généraux et spécialisés Stéphane Huttin, membres ;

  Direction du personnel militaire de la Marine – M. le capitaine de vaisseau Stanislas Delatte, chef du bureau condition du personnel de la Marine, et M. le capitaine de vaisseau Jean-Christophe Oliéric, ancien chef du bureau condition du personnel de la Marine ;

  M. le général de division Louis Septier, directeur de Défense Mobilité ;

  Conseil de la fonction militaire Air (CFM Air) – M. le major Alain Vallet, Mme l’adjudant-chef Patricia Petit, M. l’adjudant-chef Fabrice Renault, Mme le sergent-chef Iarena Rakotobe, M. le sergent-chef Benjamin Perinet, Mme le sergent Tiffany Laby, Mme le caporal-chef Myriam Goyard, membres ;

  Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) – M. le général Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général, M. le lieutenant-colonel François Dufour, secrétaire général adjoint, M. le colonel Sébastien Baudoux, M. le lieutenant-colonel Ludovic Lainé, M. le lieutenant Michel Rivière, M. le major Patrick Boussemaëre, M. le major Frédéric Delcourt, M. le major Stéphane Thouvenot, M. le major Bruno Tromeur, Mme l’adjudant-chef Samia Bakli, M. l’adjudant-chef Laurent Cappelaere, M. l’adjudant-chef Vincent Delaval, Mme l’adjudant-chef Vanessa Georget, M. l’adjudant-chef Christophe Lejeune, M. l’adjudant-chef Stéphane Pithois, Mme l’adjudant-chef Élodie Lherminier, Mme l’adjudant-chef Aline Rouy, M. l’adjudant-chef Érick Verfaillie, M. l’adjudant Thierry Baïsse, M. l’adjudant Frédéric Le Louette, M. l’adjudant Stéphane Sorlin, M. le maréchal des logis-chef Grégory Rivière, M. le gendarme Christophe Duprat M. le gendarme Justin Lanzeray, membres du groupe liaison CFMG ;

  M. le général de corps d’armée Bernard Fontan, directeur central du Service d’infrastructure de la défense (SID) ;

  Sous-direction études, politique des ressources humaines et gestion du haut encadrement militaire (SDEPRH-HEM) à la Direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace (DRHAAE) – Mme le colonel Christine Carpentier, chef du bureau de la politique des ressources humaines et de la condition de l’aviateur, M. le commissaire en chef de première classe Gaël Kerreneur, ancien chef du bureau, Mme le commandant Ophélie Simon, chef de la division condition de l’aviateur (BPRH-CA) ;

  M. l’ingénieur général hors classe de l’armement (2S) Marc Leclère, président de la mutuelle Unéo ;

  M. le colonel Benoît Aumonnier, chef du bureau condition du personnel et environnement humain à la direction des ressources humaines de l’armée de Terre ;

  Mme le docteur Anne Raynaud, psychiatre, directrice générale et fondatrice de l’institut de la parentalité ;

  Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) – M. le colonel Christophe Dubuis, sous-directeur de l’accompagnement du personnel, M. le colonel Stéphane Ayzac, chef du bureau de la valorisation et de la transition professionnelle, Mme la lieutenante-colonelle Emmanuelle Parietti, adjointe du chef du bureau action sociale ;

  Direction des ressources humaines du ministère des Armées – M. le colonel Jean-Vincent Berte, chef du bureau reconversion, M. Nicolas Villetard, chef du bureau stratégie-Défense Mobilité, Mme Maylis de Gonfreville, experte politique reconversion-plan famille du bureau stratégie - Défense mobilité ;

  MM. les aumôniers en chef des armées – Monseigneur Antoine de Romanet (culte catholique), M. le rabbin Joël Jonas (culte israëlite), M. l’imam Nadir Mehidi (culte musulman) et M. le pasteur Étienne Waechter (culte protestant) ;

  Direction centrale du Service de santé des armées (SSA) – M. le médecin général Éric Valade, adjoint au directeur central, chef de la division expertise et stratégie santé de défense, et M. le médecin général Frédéric Honoré, sous-directeur politiques des ressources humaines ;

  Groupe Renault – M. Marc Cazadamont, secrétaire du CSE Renault Technocentre, Mme Christelle Rivella, assistante sociale, M. Nicolas Tcheng, chargé d’affaires publiques ;

  Mme Elena Lysak, chercheur en sociologie ;

  M. Arnaud Puy, directeur du développement commercial et de l’innovation de la société Wifirst ;

  Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Stéphane Lagier, chef du service des parcours de carrière et des politiques salariale et sociales, M. Emmanuel Brossier, chef du bureau des mobilités et de l’attractivité, M. Alexis Thomas, conseiller fonction publique hospitalière, sanitaire, sociale et médico-sociale et Mme Marie Perdoux, conseillère parlementaire au sein du cabinet de Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques ;

  Représentants militaires de l’OTAN à Naples ;

  Mme Florence Lendroit, présidente de l’association ANFEM et Mme Amandine Tourny, présidente et coordinatrice de la stratégie digitale du réseau Women Forces, et Mme Dorothée Paliard, coordinatrice de la communication ;

  M. Benjamin Suchar, fondateur et président-directeur général de la plateforme Yoopies ;

  Direction générale des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports – M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, et Mme Cécile Bourlier, sous-directrice de la gestion des carrières des personnels enseignants de l’enseignement scolaire.

2.   Déplacements

  8 juillet 2021 – Déplacement à la base aérienne 105 d’Évreux-Fauville M. le colonel Sébastien Delporte, commandant de la base aérienne ;

  9 septembre 2021 – Déplacement à la base navale de Brest – Entretien avec M. le vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, commandant de la zone maritime Atlantique, commandant de l’arrondissement maritime Atlantique et préfet maritime de l’Atlantique, et M. le contre-amiral Xavier Tourneux, commandant de la base de défense de Brest-Lorient ;

  10 septembre 2021 – Déplacement à la maison d’enfants FARé (IGESA) de La Roche-Guyon – Entretien avec Mme Laurence Maréchal, directrice ;

  18 novembre 2021 – Déplacement au 2e régiment du matériel de l’armée de Terre à Bruz – Entretien avec M. le colonel Mathieu Novotny, chef de corps du 2e RMAT.

3.   Contributions écrites

  Haut comité d’évaluation de la condition militaire ;

  Délégation à la communication et à l’information de la Défense (DICoD).

 

 

 

 

 


— 1 —

   Annexe n° 2 : Programmation et exécution budgétaires du plan famille
 

 

BOP / mesures
(CP en M€)

2018

2019

2020

Total

2021

2022

2023

2024

2025

Total

PLF

Exécu-tion

PLF

Exécu-tion

PLF

Exécu-tion

Exécu-tion 2018-2020

PLF

PLF

A2PM 21

A2PM 21

A2PM 21

Programmé 2021-2025

P212 - BOP APRH - Action sociale

4,8

3,5

6,1

6,0

6,6

6,8

16,2

7,1

7,3

7,3

7,3

7,3

36,3

1.1.1 a Berceaux

2,3

2,3

2,6

2,6

2,8

2,8

7,7

3,1

3,3

3,3

3,3

3,3

16,3

1.1.1 b Crèches

0,0

0,0

0,0

 

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

1.1.2 ASMAT

0,2

0,0

0,2

0,2

0,2

0,2

0,5

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

1,2

1.2 PSAD

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,4

1,4

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

2,5

1.4.2 Écoute Défense

0,0

0,0

0,0

 

0,0

0,0

0,0

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

1,4

2.1.3 ASCC

0,0

0,0

1,0

1,0

2,0

2,0

3,0

2,0

2,0

2,0

2,0

2,0

10,0

2.2.3 Tissu associatif

0,0

0,0

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,3

2.3 Droit de visite

0,7

0,5

0,7

0,6

0,7

0,5

1,5

0,7

0,7

0,7

0,7

0,7

3,3

5.1 a/ e-social

0,6

0,2

0,1

0,1

0,1

0,0

0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,3

5.1 b/ e-social

0,5

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

6.1.3 AACV

0,0

0,0

1,0

1,0

0,2

0,8

1,8

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

1,2

P212 - BOP ARD - Formation professionnelle

2,5

0,0

2,5

0,2

2,5

0,5

0,7

2,5

2,5

2,5

2,5

2,5

12,5

3.3.1 ARD Conjoints

2,5

0,0

2,5

0,2

2,5

0,5

0,7

2,5

2,5

2,5

2,5

2,5

12,5

P212 - BOP SIC – Numérique

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

5.3.1 Portail numérique du blessé

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

5.3.2 Guides familles

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

P178 - BOP SF & autres - Condition du personnel

0,0

7,5

27,7

11,3

24,9

19,9

38,7

24,9

26,9

33,9

36,4

37,4

159,5

1.3 Déplacements temporaires

0,0

0,5

0,0

0,2

0,0

0,0

0,7

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

1.4.1 Soutien moral

0,0

0,0

0,6

0,0

0,6

0,7

0,7

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

3,0

2.1.2 Accessibilité informations BDD/Familles

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

2.2.1 Carte conjoint

0,0

0,0

0,1

0,1

0,0

0,0

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

3.1.1 Mobilité

0,0

0,2

0,0

0,6

0,0

0,2

1,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

6.1.1 Wifi garnison

0,0

6,8

23,0

10,3

19,3

13,4

30,4

17,3

17,3

19,3

21,8

21,8

97,4

6.1.4 Offre de service

0,0

0,0

4,0

0,2

5,0

5,5

5,7

7,0

9,0

14,0

14,0

15,0

59,0

P212 - BOP CPI - Hébergement et logement familial

5,4

12,5

20,6

16,7

36,2

38,0

67,2

59,8

43,0

53,3

40,0

50,7

246,9

4.1.1 660 logements

0,0

0,0

0,2

0,2

2,6

2,6

2,8

27,0

19,8

16,4

17,0

12,0

92,2

4.1.2 Logements Mayotte

0,0

2,5

0,0

4,6

7,0

8,8

15,9

0,1

0,1

4,3

6,0

1,7

12,1

4.2 État technique du parc de logements

0,0

0,0

0,0

0,0

15,6

15,6

15,6

13,1

20,9

32,5

17,0

37,0

120,5

6.2 Conditions d’hébergement IDF

5,4

10,0

20,4

12,0

11,0

11,0

33,0

19,7

2,2

0,1

0,0

0,0

22,0

6.3 Points noirs

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Total général

12,7

23,5

56,9

34,2

70,2

65,2

122,8

94,3

79,8

97,0

86,2

97,9

455,2


— 1 —

 

 

 

BOB / mesures
(CP en M€)

Total

Total

Exécution 2018-2020

Programmé 2021-2025

BOP APRH

16,2

36,3

1.1.1 a Berceaux

7,7

16,3

1.1.1 b Crèches

0,0

0,0

1.1.2 ASMAT

0,5

1,2

1.2 PSAD

1,4

2,5

1.4.2 Écoute Défense

0,0

1,4

2.1.3 ASCC

3,0

10,0

2.2.3 Tissu associatif

0,1

0,3

2.3 Droit de visite

1,5

3,3

5.1 a/ e-social

0,2

0,3

5.1 b/ e-social

0,0

0,0

6.1.3 AACV

1,8

1,2

BOP ARD

0,7

12,5

3.3.1 ARD Conjoints

0,7

12,5

5.3.2 Guides familles

0,0

0,0

BOP SIC

0,0

0,0

5.3.1 Portail numérique du blessé

0,0

0,0

CONDITION DU PERSONNEL

38,7

159,5

1.3 Déplacements temporaires

0,7

0,0

1.4.1 Soutien moral

0,7

3,0

2.1.2 Accessibilité informations BDD/Familles

0,0

0,0

2.2.1 Carte conjoint

0,1

0,1

3.1.1 Mobilité

1,0

0,0

6.1.1 Wifi garnison

30,4

97,4

6.1.4 Offre de service

5,7

59,0

INFRA

67,2

246,9

4.1.1 660 logements

2,8

92,2

4.1.2 Logements Mayotte

15,9

12,1

4.2 État technique du parc de logements

15,6

120,5

6.2 Conditions d’hébergement IDF

33,0

22,0

6.3 Points noirs

0,0

0,0

Total général

122,8

455,2

 


([1]) Paul Valéry, Charmes.

([2])  Le « plan Famille » concerne certes les familles mais aussi tous les militaires – y compris les célibataires – et, pour deux tiers de mesures, les personnels civils de la Défense, sur lesquels la commission de la Défense a publié en début d’année un rapport d’information : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4076_rapport-information#

([3])  Dans une contribution écrite remise aux rapporteures.

([4])  L’article L. 4121-3 prévoit l’interdiction aux militaires en activité d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. L’interdiction d’adhésion à de tels groupements est néanmoins suspendue pendant la durée de toute campagne électorale. En cas d’élection et d'acceptation du mandat, cette suspension est prolongée pour la durée du mandat.

([5]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2021074_compte-rendu.pdf

([6])  L’article L. 4121-4 dispose que l’exercice du droit de grève est incompatible avec l’état militaire. En outre, l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. Cependant, les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires (APNM), y adhérer et y exercer des responsabilités.

([7])  Le 20 septembre 2018, la Marine nationale a fait son entrée sur le site de rencontre professionnel myjobglasses.com ! My Job Glasses constitue un moyen offert aux 20 000 étudiants déjà inscrits sur la plateforme de rencontrer des professionnels (virtuellement ou réellement) de manière informelle et de s'informer facilement sur un métier qui les intéresse.

([8]) Il était de 23,1 % au 31 mars 2021.

([9])  Les conjoints de militaires étant des femmes à 87 %.

([10]) Dont 95 % sont mariés ou pacsés.

([11])  À âge égal, les officiers ont plus d’enfants que les sous-officiers de gendarmerie (SOG) et que les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (SOCSTAGN). Les mariages et les PACS en gendarmerie ont lieu plus tôt que dans le reste de la société française. Un personnel sur quatre a vécu une rupture de PACS ou de mariage. À âge égal, les femmes sont davantage célibataires et ont moins d’enfants que les hommes.

([12])  Sont également inclus les gendarmes et les pensionnés.

([13]) Cf. infra.

([14])  On citera notamment l’association Solidarité Défense créée en 1994 à destination des militaires en opérations, aux blessés, aux invalides ainsi qu’aux familles endeuillées, ou encore l’association Terre Fraternité créée en 2004 à la suite du bombardement du détachement de Bouaké en République de Côte d’Ivoire qui soutient les blessés en service de l’armée de Terre, leur famille et les familles des soldats morts en service.

([15]) Igesa s’est dotée en 2021 d’une nouvelle identité de marque. Un nouveau logo, une nouvelle signature de marque et un descripteur ont été élaborés.

([16])  L’allocation d’accompagnement à la mobilité (ACMOBGEO) a été introduite afin d’inciter le militaire à négocier le meilleur contrat de déménagement auprès des professionnels. La prise en compte du lieu et de la fréquence de déménagement du militaire a été renforcée avec l’indemnité forfaitaire d’hébergement et de restauration (IFHR), le complément forfaitaire de l’ICM (COMICM) communément appelé « prime de rideaux » ainsi qu’avec la reconnaissance d’une première ou d’une nouvelle affectation. Plusieurs dispositifs ont été institués afin de faciliter le transfert du militaire et de sa famille, parmi lesquels l’indemnité d’installation dans un département d’outre-mer (INSDOM), l’indemnité de réinstallation (REINST), l’indemnité d’éloignement (ELOI) ou encore l’indemnité d’établissement (ETAM) versée au moment de la prise de poste à l’étranger d’un militaire.

([17]) Mesure 2.6, cf. infra.

([18]) PMI dont le plan Famille a favorisé la numérisation sur portail déployé dans l'ensemble des groupements de soutien de base de défense (cf. infra).

([19])  En ce qui concerne la gendarmerie, le ministère de l’Intérieur assure la gestion – c’est-à-dire le recrutement, la notation, l’avancement et la radiation des cadres ou des contrôles – des quatre corps de militaires de cette force armée. Cependant, les domaines structurants liés à leur état militaire demeurent de la compétence du ministère des Armées. Une délégation de gestion cadre entre les deux ministères définit l'ensemble des domaines dans lesquels le ministère des Armées est amené à apporter son soutien à la gendarmerie.

([20]) Les deux autres établissements sont la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et l’Institut national des Invalides.

([21])  Les rapporteures reviennent également en deuxième partie de rapport sur le renforcement de compétences dont l’Igesa a bénéficié dans le cadre du plan Famille.

([22])  La DPMA intervient dans un large périmètre rassemblant sept domaines d’actions : l’immobilier, l’environnement, le développement durable, le logement, la mémoire, la culture et les archives.

([23])  HCECM, La condition militaire, décembre 2020, 14e rapport, p. 129.

([24])  HCECM, La condition militaire, décembre 2020, 14e rapport, p129.

([25]) Cf. infra.

([26]) Cf. le B infra.

([27]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/1559961

([28])  Ces chiffres sont à prendre avec précaution au vu du nombre variable de militaires concernés selon les armées. Pour l’armée de Terre le chiffre est issu de l’étude CAOME en liaison avec Commandement du SMA 2020. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, les données sont extraites de son observatoire social et celles de la Marine reposent sur une enquête déclarative.

([29])  HCECM, La condition militaire, décembre 2020, 14e rapport, p. 129.

([30])  Selon le bilan social des armées de 2020, l’âge moyen des militaires est de 33 ans. Les nouvelles générations, qui sont le futur vivier de recrutement des armées, seront très probablement autant voire plus numérisées que leurs prédécesseures.

([31]) Comme lors de l’attentat de Magnanville.

([32]) Loi de programmation des finances publiques.

([33]) Les rapporteurs n’ont pu obtenir la répartition de ces baisses d’effectifs entre personnels civils et militaires.

([34]) https://www.defense.gouv.fr/sga/le-sga-en-action/ressources-humaines/bilan-social/bilan-social-2020

([35]) Selon le Conseil supérieur de la fonction militaire.

([36]) Rapport d'information N° 4552 de la mission d'information sur la protection sociale des militaires, par Geneviève Gosselin-Fleury et Charles de la Verpillière rapporteurs pour la Commission de la défense nationale et des forces armées.

([37]) Les conseils de la fonction militaire des armées.

([38]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4076_rapport-information.pdf

 

([39]) Cf. la première partie du rapport.

([40])  Données extraites de l’enquête nationale sur l’accompagnement de l’aviateur et sa famille réalisée par l’OSAA entre le 9 novembre 2020 et le 5 février 2021 et portant sur 4 723 aviateurs.

([41]) Les sections régionales (SRIAS) du Comité interministériel consultatif d’action sociale des administrations de l’État (CIAS) sont des instances consultatives instituées au niveau régional pour participer à la mise en œuvre de l’action sociale interministérielle au profit des agents publics rémunérés sur le budget de l’État (article 9 de la loi du 13 juillet 1983, articles 1 et 7 du décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006). À ce titre elles sont placées auprès du préfet de région et sous la direction du comité interministériel d’action sociale qui définit l’orientation de leurs actions.

([42])  Enquête « Les militaires et leur perception des principales actions d’accompagnement social, professionnel et familial », le Secrétariat général pour l’administration, Direction des ressources humaines du ministère de la Défense, novembre-décembre 2020

([43])  D’un point de vue financier, la convention ASMAT affiche un coût inférieur à une réservation de berceau : 3 ASMAT équivalent à 1 berceau.

([44])  Audition de Women Forces, le 28 octobre 2021 dans le cadre de la mission d’information.

([45])  Des enfants âgés de 6 à 11 ans scolarisés à l’école élémentaire.

([46]) Créée en 2014, la cellule Thémis permet à tout personnel du ministère des Armées, victime ou témoin de harcèlement, de discrimination ou de violence sexuelle au sein du ministère, de les signaler. S’appuyant sur les dispositions de l’article L. 4123-10-1 du code de la défense, la cellule Thémis, joignable par téléphone ou par courrier électronique ou postal, écoute, informe et conseille. Elle offre aussi un accompagnement de proximité et un suivi dans la durée. Elle peut aussi conduire ou faire conduire des enquêtes.

([47])  Le « kit enfant de mili ! » est destiné aux enfants de personnels militaires du ministère des Armées, âgés de 2 à 11 ans, visant à mieux accompagner l’absence du parent militaire engagé en opération extérieure ou intérieure.

([48])  Fondatrice de l’Institut de la parentalité.

([49]) L’État prend en charge jusqu’à 6 consultations par membre d’une même famille qui consulterait un psychologue clinicien civil (dont les pratiques sont reconnues par l’Agence régionale de santé grâce à un numéro dit « ADELI », dont le psychologue doit mentionner l’attribution), ou un psychologue du SSA exerçant dans un HIA. Sur demande, cette prise en charge peut être renouvelée jusqu'à atteindre 12 séances, si elle est médicalement justifiée. Ce service fait l’objet d’une convention entre le SSA, la CNMSS et la DRHMD. Les familles peuvent bénéficier de cet accompagnement à la suite de la déclaration d'affection liée à l'activité du militaire (DALAM).

([50])  Le sas de fin de mission est un dispositif qui favorise le passage d’un état psychologique lié à un contexte de temps de guerre à un état psychologique lié à un contexte de temps de paix. Cet espace de transition a pour but d’assurer une réarticulation psychique, de permettre au militaire de considérer le vécu opérationnel qui s’achève et d’anticiper l’étape du retour et l’avenir en métropole.

([51])  Ces chiffres devraient être corrigés des effets d’âge pour être pleinement significatifs.

([52])  Le circuit départ OPEX fait référence à l’accompagnement délivré par l’antenne DRH/accueil de l’unité militaire et des entretiens avec les supérieurs hiérarchiques du militaire (chefs de corps ou commandant en second).

([53])  Le 12e rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, qui date de juin 2018, est consacré à « La vie des militaires et de leur famille selon le lieu d’affectation ».

([54])  Pour une cible initiale de 137 000 connexions, réactualisée en juin 2021 à 154 000.

([55]) Source : service du commissariat des armées.

([56]) La recherche de logement peut cependant continuer à poser des difficultés aux familles, pour des raisons sur lesquelles les rapporteures reviennent infra.

([57])  Retour des absences opérationnelles.

([58]) Le rôle du COMBdD dans le déploiement du plan Famille s’appuie directement sur son pilotage budgétaire. Au sein de l’enveloppe de crédits qui lui est attribuée, il assure le pilotage de trois budgets : celui des infrastructures (maintenance courante et travaux d’adaptation mineure), celui du soutien commun (AGSC) et celui de l’amélioration du cadre de vie (AACV). Si aucun de ces trois budgets n’est directement associé au plan Famille – étant donné l’absence de « fléchage » des crédits associés au plan – les COMBdD peuvent user de la fongibilité au niveau local pour répondre à leurs priorités d’action. Selon les informations transmises au rapporteures par la DRHMD, les crédits AACV ont connu une augmentation de 60 % depuis le lancement du plan Famille et les crédits ASCC, une hausse de 28 %.

([59])  Le comité social est l'instance au sein de laquelle les orientations sont fixées et où sont décidées les actions entreprises dans le cadre des ASCC. Les centres territoriaux d’action sociale (CTAS), les centres d’action sociale outre-mer (CASO) et les échelons sociaux interarmées (ESIA), dont relèvent les comités sociaux, sont garants du respect des règles relatives aux procédures mises en œuvre par ces derniers. Igesa procède au règlement des décisions de paiement validées dans le système d’information de l’action sociale (SIAS) par les directeurs de CTAS, les directeurs de CASOM et les chefs d’ESIA pour les ASCC menées dans leur ressort géographique

([60]) Dispositif sur lequel les rapporteures reviennent infra.

([61]) Par exemple, via une procuration.

([62])  Dans le Var.

([63]) En Savoie.

([64]) Dans le Var.

([65]) À Biarritz.

([66]) En Corse.

([67]) Mutuelle nationale militaire, mutuelle de l’armée de l’Air et caisse des gendarmes.

([68])  Au tarif militaire.

([69])  La rente-survie concerne le personnel militaire ou civil ayant un enfant, mineur ou jeune adulte ayant une incapacité d’au moins 50 %.

([70]) Dans le cadre de la nouvelle architecture budgétaire, les crédits AACV ont été transférés le 1er janvier 2020 du service de l’action sociale à l’état-major des armées, afin de permettre aux COMBdD de les utiliser directement dans une optique de subsidiarité. Le commandant de base de défense assure le pilotage de trois budgets : celui des infrastructures (maintenance courante et travaux d’adaptation mineure), celui du soutien commun (AGSC) et celui de l’amélioration du cadre de vie (AACV). Si aucun de ces trois budgets n’est directement associé au plan Famille – étant donné l’absence de « fléchage » des crédits associés au plan – les COMBdD peuvent user de la fongibilité au niveau local pour répondre à leurs priorités d’action.

([71])  La construction de 5 city parks supplémentaires est en cours.

([72]) Le Mouv’Roc est une structure modulaire compacte permettant à plusieurs usagers de pratiquer en plein air une activité physique simultanément et en un seul lieu. Il permet d'effectuer de nombreux exercices d'étirement et de renforcement musculaire sans charge additionnelle.

([73]) FreeTness consiste en des machines de fitness extérieur ainsi que des terrains et parc d’entraînement sportif à installer en accès libre.

([74]) À cet égard, la communauté de défense ne se distingue guère du reste de la société française et l’on ne peut imputer au ministère des Armées la responsabilité de l’état actuel de l’offre de logements sur le territoire français.

([75])  Enquête nationale sur l’accompagnement de l’aviateur et sa famille, réalisée entre le 9 novembre 2020 et le 5 février 2021 et portant sur 4 723 aviateurs.

([76]) 12e rapport thématique du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, « La vie des militaires et de leur famille selon le lieu d’affectation », annexe 9, p. 186.

([77]) Concernant les logements réservés, une convention de réservation est passée auprès de personnes morales distinctes de l’État. Il peut s’agir de logements appartenant à des sociétés privées, des bailleurs sociaux ou financés par l’établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique (EPFP). Les conventions de réservation, gérées par les bureaux régionaux du logement en lien avec les bases de défense, concernent des logements sociaux pour 75 % d’entre eux.

([78])  Les rapporteures notent que le plan Famille dispose que « l’ordre de mutation pourrait être adressé directement au domicile de l’intéressé ».

([79])  En 2020, dans un contexte sanitaire contraignant, les conditions d'octroi de la majoration d’indemnité pour charges militaires (MICM) ont été allégées pour les personnels logés dans le parc privé. La pérennisation de cette mesure de simplification a été actée par la DRH-MD.

([80]) Le système ATRIUM simplifie la constitution du dossier de demande et le suivi l’avancement du traitement de la demande. La simplification offerte par le numérique s’accompagne également d’un accroissement de la transparence dans le processus d’attribution, en donnant aux familles la capacité d’opérer des choix éclairés. L’objectif est de mettre à leur disposition davantage d’informations sur le parc existant, sur les logements proposés, sur le nombre d’attributions régulièrement effectué sur chaque base de défense. Ces informations sont censées permettre à chaque famille d’évaluer ses chances d’obtention d’un logement, et, le cas échéant, d’élargir ses critères de recherche.

([81]) Défense mobilité a pour missions :

– de satisfaire le besoin de jeunesse et de renouvellement des compétences ;

– de pallier la précarité du statut militaire ;

– d’accompagner la manœuvre RH du ministère des Armées en assurant une transition professionnelle vers la vie civile pour le personnel militaire et hors de la fonction publique pour le personnel civil ;

– de prendre en compte les incidences de la mobilité sur la vie de famille des ressortissants en assurant, au titre de la condition du personnel et dans un but de fidélisation, l’accompagnement vers l’emploi du conjoint.

([82]) Étendre les prestations offertes aux conjoints par Défense mobilité et bien informer les familles sur ces prestations.

([83]) Négocier avec les autres ministères des dispositions permettant de mieux prendre en compte la mobilité subie par les conjoints de militaires employés dans la fonction publique.

([84])  Qui ont pour but d’accompagner les candidats n’ayant pas réussi à définir un projet professionnel au cours des entretiens réalisés avec leur conseiller.

([85])  Il s’agit souvent de conjoints vivant une nouvelle mobilité de leur conjoint militaire ou de ceux qui quittent des emplois précaires et d’intérim.

([86])  https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/discours/discours-de-florence-parly-ministre-des-armees-pour-l-ouverture-du-rendez-vous-digital-conjoints-de-militaires-le-defi-de-l-emploi-le-27-novembre-2020

([87])  Si le premier semestre 2020 fut particulier, les rapporteures notent cependant que les nouvelles inscriptions ont augmenté de 60 % par rapport aux cinq premiers mois de l’année 2020, que la validation de projets professionnels a augmenté de 11 % par rapport à la même période de référence et que l’accès à l’emploi, de 66 %. L’accès à l’emploi pérenne a quant à lui augmenté de 45 % au premier semestre 2021, contre +31 % au cours de la même période en 2020.

([88]) Rupture conventionnelle, droit à une formation continue et compte formation.

([89])  Négociation de salaire, mise en valeur de l’expérience précédente avec une capitalisation de ses compétences.

([90])  D’où les prestations mises en place en 2021 par Défense mobilité pour faciliter l’accès aux fonctions publiques et la mobilité inter fonctions publiques.

([91])  Le HCECM rappelle à cet égard que « l’inscription d’un élève est garantie dans l’établissement public qui correspond à son lieu de résidence ; les familles ont toutefois la possibilité de formuler une demande de dérogation, assujettie à la capacité d’accueil des établissements considérés. En cas de saturation, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale accordent les dérogations en priorisant les élèves handicapés ou bénéficiant d'une prise en charge médicale, les boursiers au mérite ou sociaux, les élèves dont un frère ou une sœur est scolarisé dans l'établissement ou les élèves qui doivent suivre un parcours scolaire particulier. »

([92]) Source : Revue Défense nationale, mars 2018, les lycées de la Défense, établissements d’élite ou établissements d’excellence ? Jean-Philippe Passaqui et Michel Schmitt.

([93])  Accueillis dans le cadre de contrats jeune majeur permettant à ces jeunes de poursuivre leurs études en étant soutenu par les maisons FARÉ.

([94]) Cette maison peut accueillir jusqu’à 65 enfants.

([95])  L’établissement peut accueillir jusqu’à 55 enfants

([96]) Aide sociale à l’enfance.

([97]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4601-tviii_rapport-avis#

 

([98]) L’espace Atlas est un point unique pour entreprendre les démarches administratives et de soutien : il permet un accès rapide à l’information grâce à des bornes numériques, la prise en charge des dossiers complexes, l’accès à l’offre de loisirs. Commande habillement, dépôt/réception de courrier, rendez-vous administratif, coiffeur, renouvellement de la carte SNCF, sont autant de démarches qui peuvent être entreprises via Atlas. Il se situe dans les zones les plus fréquentées, comme les sites de restauration. Un interlocuteur du soutien du service du commissariat des armées y est présent pour accompagner le militaire. L’offre Atlas est délivrée de manière différenciée, en fonction des spécificités opérationnelles des unités soutenues.

([99])  C’est-à-dire de garnison.

[100] D’après les informations recueillies auprès de la DRH-MD.

([101])  Enquête SGA 2020.

([102])  L’hébergement en OPEX et l’hôtellerie ne font pas partie du plan Hébergement.

([103]) Dont 73 millions d’euros au profit des lycées militaires d’Autun, de La Flèche et de Mont Bonnot.

([104])  CEGeLog : Contrat d’Externalisation pour la Gestion des Logements domaniaux du Ministère des Armées.

([105])  Enquête du SGA menée en 2020.

([106]) La ministre des Armées, Florence Parly, rappelait lors d’une allocution au personnel du service du commissariat des armées (SCA), le 8 février 2021 que « depuis son entrée en fonction le 1er octobre 2011, le logiciel LOUVOIS s’est fait un nom, celui du désastre, et une sinistre réputation, celle du fiasco. Pendant des années, c’est un calculateur incontrôlable qui a arrêté le montant de la solde des hommes et des femmes qui servent notre pays. Pendant des années, ce sont les erreurs d’un logiciel qui ont rythmé la vie des militaires et lourdement pesé sur leur quotidien ».

([107]) Délégation à l’information et à la communication de la Défense.

([108])  Par exemple en avril et octobre lors du plan annuel de mutation, en octobre avec l’anniversaire du plan Famille, en décembre avec le bilan d’étape lors de la session CSFM.

([109])  Ce magazine trimestriel dont la cible est interarmées, est un vecteur privilégié d’information et de communication interne. Il est utilisé pour informer le personnel et les agents du ministère (publi rédactionnel de novembre).

([110]) Cet hebdomadaire de sensibilisation sur l’actualité du ministère, diffusé numériquement aussi bien en interne (1 900 cibles) qu’en externe (1 800 journalistes), permet de publier régulièrement des informations liées au plan Famille.

([111])  Source : sondage de climat interne gendarmerie 2020.

([112]) Un produit minimum viable est une version d'un produit rassemblant seulement les fonctionnalités élémentaires lors de son lancement sur le marché.

([113]) Dans le cadre de l’opération Barkhane, par exemple, 45 % des personnels militaires projetés sont des personnels de soutien.

([114]) Le référentiel en organisation (REO) instauré en 2017 est un outil de gestion dans lequel chaque employeur exprime ses besoins en matière de ressources humaines. Ce REO est exprimé pour l’année N+1 (à court terme) et l’année N+6, au moyen d’emplois-types définis dans le référentiel des emplois ministériels.

([115])  Le dispositif « Écoute Défense » anonyme et gratuit, armé par les psychologues du SSA, est disponible 24 heures sur 24.

([116]) Assistance digitale santé assurant une offre d'agenda et de téléconsultation.

([117])  Mesure très appréciée des célibataires, l’inauguration d’un kiosque à pizzas, distributeur automatique qui permet d’acheter une pizza cuite en six minutes pour un prix modique (entre 4,50 et 6,50 euros).

([118]) L’octroi de mer, qui vise à protéger la production locale, renchérit de façon importante le coût des produits importés.

([119]) Sauf à Mayotte où le ministère des Armées a acquis des logements à un promoteur, pour des raisons foncières.

([120]) Comme on l’a souligné supra, si le ministère des Armées privilégie le logement domanial sur son propre foncier en outre-mer, c’est que la gestion de prises à bail y est très compliquée, les propriétaires ayant tendance à ne pas entretenir les logements – alors même qu’ils les ont acquis grâce à un avantage financier.

([121])  Les rapporteures notent que Défense mobilité ne dispose pas d’un dispositif dédié à l’étranger. La prestation d’accompagnement vers l’emploi à distance des conjoints que le service a déployé depuis fin 2019 via un prestataire extérieur devrait néanmoins pouvoir pallier en partie la difficulté pour préparer dans l’année qui précède un retour en métropole dans de bonnes conditions.

([122])  Conformément à l’annexe II de l’instruction ministérielle n° 144.

([123]) Notamment le mobilier.