N° 4752

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er décembre 2021

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

ET À LA DÉCENTRALISATION

 

 

 

SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,

relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration

et portant diverses mesures de simplification

de l’action publique locale,

(n° 4406)

 

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE

 

Député

——

 

Voir les numéros :

                           Sénat : 588 rect., 723, 724, 719720721 et T.A. 144 (2020‑2021).

     Assemblée nationale : 4406, 4721, 4721-AO

                         


—  1  —

 

 

SOMMAIRE

 ___ 

  Pages

INTRODUCTION

I. Le projet de loi permet de rÉaffirmer et de mettre en œuvre concrÈtement les principes de diffÉrenciation et de dÉcentralisation tout en confortant l’objectif de mixitÉ sociale

1. Un texte qui ancre fermement la notion de différenciation dans le droit des collectivités territoriales et de leurs groupements, notamment par la concrétisation du pouvoir réglementaire local

2. Des dispositions qui visent à clarifier l’articulation des compétences dans le domaine désormais majeur de la transition écologique, à reconnaitre une nouvelle autorité organisatrice dans le domaine de l’habitat et à promouvoir le dialogue interterritorial

3. Le renouvellement de l’ambition de mixité sociale et de meilleure répartition des logements sociaux sur notre territoire

II. LES DISPOSITIONS DU TEXTE adoptÉ par le sénat QUI FONT L’oBJET d’amendements de la part dU rapporteur

1. Les dispositions du Titre Ier consacré à l’organisation des compétences et à la différenciation territoriale

ARTICLE 1er - Introduire le principe de différenciation dans le code général des collectivités territoriales

ARTICLE 1er ter – Actions pouvant être mises en œuvre par les départements transfrontaliers

ARTICLE 2 – Extension du pouvoir règlementaire local

ARTICLE 3 – Conférences territoriales de l’action publique : possibilité de délégation de compétences entre collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre pour la réalisation de projets structurants

ARTICLE 3 bis A – Compétences en matière de tourisme des communes érigées en stations classées de tourisme

ARTICLE 4 bis C – Renforcement des attributions des communes d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération pour procéder à une scission de l’intercommunalité dont elles sont membres

ARTICLE 4 bis D – Seuil de population requis pour permettre le retrait d’une commune d’un EPCI

ARTICLE 4 bis – Transfert de compétences « à la carte » des communes membres vers leur établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

ARTICLE 4 ter – Critère de l'intérêt communautaire ou métropolitain pour l'exercice de diverses compétences au sein du bloc communal

2. Les dispositions du Titre II consacrées à la transition écologique

ARTICLE  5 – Répartition des compétences et des qualités de chef de file des collectivités territoriales dans le domaine de la transition écologique

ARTICLE  5 bis – Suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines »

ARTICLE  5 quinquies – Affectation du produit de la taxe dite « GEMAPI »

ARTICLE  12 – Réforme de la gouvernance de l’ADEME et délégation d’une partie du fonds chaleur et du fonds économie circulaire aux régions

ARTICLE  13 – Gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres par les régions

ARTICLE  13 bis – Dérogation au seuil de participation minimale du maître d'ouvrage pour le financement d'une opération en faveur de la restauration de la biodiversité

3. Les dispositions du Titre III consacré à l’urbanisme et au logement

ARTICLE  15 – Modifier le mécanisme d’exemption de communes de l’application des obligations SRU

ARTICLE  15 bis – Décompte des logements sociaux : majoration des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et minoration de ceux financés en prêts locatifs sociaux (PLS)

ARTICLE  20 – Suppression de la procédure nationale d’aménagement des obligations triennales en matière de réalisation de logements sociaux

ARTICLE  30 bis B – Modalités du transfert de la compétence en matière de PLU

ARTICLE  30 bis C – Droit de veto des communes lorsque l’établissement public de coopération intercommunale souhaite diminuer leurs droits à construire

4. Les dispositions du Titre IV: la cohésion sociale, la sécurité sanitaire et l’éducation

ARTICLE  31 – Réforme de la gouvernance des Agences régionales de santé

ARTICLE  32 – Financement des établissements de santé par les collectivités territoriales

ARTICLE  35 – Expérimentation de la recentralisation du RSA

ARTICLE  41 – Pouvoir d'instruction des présidents de conseils départemental et régional sur les personnels gestionnaires de collèges et lycées

5. Les dispositions du Titre V: modalités financières et statutaires de transfert des compétences

ARTICLE  43 bis – Exclusion des dépenses de solidarité sociale des « contrats de Cahors »

6. Les dispositions du Titre VI : La déconcentration

ARTICLE  46 – Renforcement du rôle du préfet dans l’attribution des aides des agences de l’eau

ARTICLE  46 bis – Possibilité pour les collectivités territoriales de déroger, dans leurs domaines de compétences, aux règles fixées par les décrets lorsque le législateur a attribué au pouvoir réglementaire national l’édiction des normes d’application

ARTICLE  46 quinquies – Principe selon lequel toute décision prise au niveau territorial relève prioritairement du préfet de département

7. Les dispositions du Titre VII: La simplification de l’action publique locale

ARTICLE  50 – Partages de données entre administrations

ARTICLE ADDITIONNEL après l’article 53 bis – création d’une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve

ARTICLE  73 bis – Statut des élus locaux siégeant au sein des organes des filiales d'entreprises publiques locales

ARTICLE  73 ter – Règles relatives aux conflits d'intérêts applicables aux élus locaux qui représentent une collectivité territoriale ou un groupement au sein d'organismes extérieurs

ARTICLE  73 quater – Habilitation des sociétés publiques locales à exercer des activités accessoires

ARTICLE  74 quater A – Modalités de remplacement des membres du CNEN

liste des amendements proposÉs

LISTE DES groupes de travail

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION


—  1  —

 

 

   INTRODUCTION

La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) a décidé de se saisir pour information de l’intégralité du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, à l’exception du Titre VIII relatif à l’Outre-mer. Ce projet de loi fait l’objet d’un examen au fond par la commission des lois (M. Bruno Questel, Mme Elodie Jacquier-Laforge, et Mme Maïna Sage, co-rapporteurs) qui a délégué un certain nombre d’articles à trois autres commissions permanentes, saisies pour avis selon la procédure prévue à l’article 87 alinéa 2 du Règlement de l’Assemblée nationale[1].

L’ambition du texte, dont le dépôt a été précédé d’une importante phase de concertation en région, est de « répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années » pour construire « une décentralisation de liberté et de confiance ». En ce sens, le Gouvernement considère qu’il n’est pas « souhaitable de modifier les grands équilibres institutionnels » et que la priorité est de donner aux acteurs territoriaux les « moyens d’être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face ».

La DCTD a été associée à la phase de concertation en participant, via ses membres, aux différentes réunions organisées en région par la Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Elle a également créé deux missions flash sur des thématiques abordées lors de l’élaboration du texte que sont le pouvoir réglementaire local et la contractualisation [2].

Le projet de loi comprenait à l’origine 83 articles, puis 84 après le dépôt par le Gouvernement le 23 juin 2021 d’une lettre rectificative ajoutant un Titre IX comprenant un article unique consacré à la dissolution de l'établissement public administratif « Haras national du Pin ».

Lors de sa réunion du 9 juin 2021, le Bureau de la DCTD a décidé de créer cinq groupes de travail thématiques [3], animés par deux ou trois rapporteur(e)s, selon les cas, chargés de suivre la discussion en commission puis en séance au Sénat et de présenter à la DCTD les dispositions du texte qui les concernent. Ces travaux ont permis de sensibiliser en amont les délégués aux principaux enjeux du texte.

Après l’examen par le Sénat, le projet de loi comprend désormais 217 articles, dont 4 articles supprimés mais formellement encore mentionnés, soit 133 articles supplémentaires qui sont de portée très variable.

La DCTD ayant choisi de se saisir pour avis de l’ensemble du texte à l’exception du Titre VIII, l’articulation de ses travaux s’est opérée avec la commission des lois saisie au fond et les trois autres commissions saisies pour avis avec délégation d’articles, comme en témoigne les auditions ouvertes aux membres de ces différentes instances.

D’une manière générale, votre rapporteur souligne l’importance et la qualité du travail de concertation mené par le Gouvernement dans le cadre de l’élaboration de ce texte. Les associations d’élus locaux y ont largement participé et leurs avis ont été pris en compte.

Dans le cadre de cette saisine, la DCTD n’a pas vocation à intervenir sur l’ensemble des articles qui font l’objet d’un examen au fond dans le cadre des quatre commissions saisies, même si elle a participé aux auditions organisées par ces commissions sur les différentes thématiques du texte.

Les amendements proposés par le rapporteur lors de l’examen en commission s’inscrivent dans une série de principes qui structurent les travaux de la DCTD depuis sa création au mois de novembre 2017 :

 Favoriser la stabilité de la répartition des compétences entre collectivités telle qu’issue de la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), corrigée et assouplie par la loi « Engagement et proximité » de décembre 2019. Sont notamment concernées ici les acquis de l’intercommunalité et les chefs de filât confiés aux différents échelons territoriaux ;

 Favoriser la mise en œuvre des principes de différenciation et de décentralisation, ainsi que le recours à l’expérimentation ;

 Apporter une grande attention au caractère opérationnel et à l’efficacité pratique des dispositions proposées ;

 Ne pas surcharger les textes de loi de mesures trop détaillées qui sont du domaine réglementaire et qui aboutissent à rigidifier l’application des textes ;

 Ne pas surcharger les textes de loi de dispositions dépourvues de normativités et faire confiance aux initiatives locales et à la contractualisation interterritoriale pour mettre en œuvre le principe de subsidiarité.


—  1  —

 

I.   Le projet de loi permet de rÉaffirmer et de mettre en œuvre concrÈtement les principes de diffÉrenciation et de dÉcentralisation tout en confortant l’objectif de mixitÉ sociale

Le projet de loi est un texte très attendu qui résulte d’une importante phase de concertation avec les élus, des apports issus du grand débat national comme la nécessité de mieux prendre en compte la diversité des territoires, ainsi que des enseignements à tirer de la crise sanitaire liée au Covid 19.

Ce projet de loi peut, à certains égards, apparaître comme un texte essentiellement technique comportant de nombreuses mesures de portée inégale. Votre rapporteur considère qu’il est aussi un texte qui ancre fermement la notion de différenciation dans le droit des collectivités territoriales et de leurs groupements, notamment par la concrétisation du pouvoir réglementaire local.

Il permet également de clarifier l’articulation des compétences dans le domaine désormais majeur de la transition écologique, de reconnaitre une nouvelle autorité organisatrice dans le domaine de l’habitat, de promouvoir le dialogue interterritorial et d’ouvrir de nouvelles possibilités de décentralisation dans les domaines de la voirie et des petites lignes ferroviaires.

Il prolonge enfin l’ambition de mixité sociale et de meilleure répartition des logements sociaux sur notre territoire en ajustant la loi SRU à la réalité du terrain.

1.   Un texte qui ancre fermement la notion de différenciation dans le droit des collectivités territoriales et de leurs groupements, notamment par la concrétisation du pouvoir réglementaire local

Le titre I du projet de loi traite de plusieurs sujets très important pour permettre aux élus locaux de gagner en marge d’autonomie et adapter plus finement leur action aux réalités territoriales. La Ministre, Mme Jacqueline Gourault, a souligné durant la discussion du texte au Sénat que « la différenciation, fil rouge de ce texte, redonne toute sa force au principe d'égalité ». Celui-ci, quand il se traduit par l'uniformité, n'assure en effet plus l'égalité des chances sur les territoires.

La Ministre a également fait part de sa conviction sur la possibilité de concilier différenciation et respect du principe d’égalité. Elle a ainsi affirmé : « Une République différenciée n'est pas une République morcelée ; elle valorise les différences sans chercher à les niveler. Elle suppose un État plus agile, réactif, une administration plus efficace qui simplifie ses procédures. » [4]

Votre rapporteur partage l’idée que cette loi doit être une loi de clarification et d’assouplissements au service des élus. Deux dispositions sur lesquelles la DCTD a particulièrement travaillé [5], le principe de différenciation et le pouvoir réglementaire local, participent de cette volonté et figurent en bonne place dans le projet de loi au sein du Titre Ier consacré à la « Différenciation territoriale ».

Il s’agit tout d’abord de l’article 1er du projet de loi qui a pour objet de donner une définition de la différenciation et de l’introduire en exergue du code général des collectivités territoriales, dans une section de ce code relative « à l’exercice différencié des compétences ».

Il énonce ainsi que « les règles relatives à l’attribution des compétences et à leur exercice applicable à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées dans le respect du principe d’égalité. »

Dans l’attente d’une révision constitutionnelle qui permettrait d’aller au-delà et de consacrer une véritable différenciation, cet article n’apporte certes pas de réelle avancée normative dès lors qu’il ne fait que reprendre l’état de la jurisprudence constitutionnelle, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis du 6 mai 2021 sur ce projet de loi.

Mais cet article, placé en tête du projet de loi, revêt une indéniable portée pédagogique, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la différenciation est souvent éclipsée par la prégnance du principe d’égalité, entendu sous son acception formelle.

Il n’est donc pas inutile de faire figurer dans le CGCT une définition du principe de différenciation, cet objectif constituant une composante essentielle du principe de libre administration des collectivités territoriales, tel qu’il est entendu par le législateur.

Le pouvoir réglementaire local ensuite car, comme le souligne les rapporteures de la mission flash sur ce sujet, « un des moyens de favoriser la différenciation serait de renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités locales. Cette question du pouvoir réglementaire local peut, à premier vue, apparaître comme très technique au plan juridique mais elle pose en réalité un véritable problème politique[6] »

S’inspirant des conclusions du rapport demandé à l'inspection générale de l'administration (IGA) par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales [7], le projet de loi élargit le pouvoir réglementaire local sur différents points de compétence identifiés dans le cadre des concertations territoriales, notamment la fixation du nombre d’élus au conseil d’administration des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, le délai de publication de la liste des terrains qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en défens et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage ou encore la facturation de redevance d’occupation pour travaux.

Ces dispositions ont pu apparaître trop limitées au regard des enjeux portés par la réforme constitutionnelle de 2003 qui a consacré le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales à l’article 72 alinéa 3 [8]. Votre rapporteur entend également faire œuvre de pédagogie sur ce sujet en proposant que ce principe figure au sein du Code général des collectivités territoriales parmi les principes généraux de la décentralisation.

2.   Des dispositions qui visent à clarifier l’articulation des compétences dans le domaine désormais majeur de la transition écologique, à reconnaitre une nouvelle autorité organisatrice dans le domaine de l’habitat et à promouvoir le dialogue interterritorial

Comme il n’apparait pas nécessaire, ni d’ailleurs souhaité, d’opérer une nouvelle série de transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, les principaux enjeux sont ceux de la clarification de l’articulation des compétences partagées entre plusieurs échelons territoriaux.

Cette articulation pose la question du degré de contrainte que peut exercer une collectivité, via son pouvoir normatif ou la réalisation de schémas à caractère prescriptif, à l’égard des autres échelons territoriaux. En pratique, cette organisation se traduit par l’instauration législative d’une collectivité « chef de file » ou « autorité organisatrice ».

La question n’est pas nouvelle puisque la notion de collectivité chef de file a été mise en avant dès la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995. Le II de l'article 65 de cette loi prévoit en effet qu'une loi de clarification des compétences entre l'État et les collectivités locales devra définir « les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales ». Une telle loi de clarification n’est malheureusement jamais intervenue. De ce fait, la notion de collectivité « chef de file » a été posée sans « mode d’emploi » et demeure une notion à construire, comme bon nombre des nouveaux principes posés lors de la révision constitutionnelle de mars 2003.

Dans cette optique, l’article 5 du projet de loi précise la répartition des compétences que les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre dans le domaine de la transition écologique.

La navette parlementaire a également permis l’émergence d’une nouvelle catégorie d’autorité organisatrice, celle de l’habitat définie à l’article 25 bis A, qui pourra être attribuée aux intercommunalités les plus intégrées si elles sont dotées des documents de programmation et de planification (PLUi, PLH, délégation des aides à la pierre) qui permettent de définir et de mettre en œuvre leur stratégie et dont l’élaboration est le fruit d’un dialogue indispensable entre communes et avec l’intercommunalité.

Le dialogue et la coopération interterritoriale constituent les raisons d’être des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) que le projet de loi entend assouplir à l’article 3 en permettant la délégation des compétences entre collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre pour la réalisation de projets structurants sur les territoires et non sur l’ensemble d’une compétence.

3.   Le renouvellement de l’ambition de mixité sociale et de meilleure répartition des logements sociaux sur notre territoire

Le projet de loi pérennise, au-delà de son échéance de 2025, l’application du dispositif SRU d’obligation d’un taux légal de logement social (20 % ou 25 % selon le niveau de tension locative des territoires).

Cette ambition renouvelée s’accompagne d’améliorations concernant le mécanisme d’exemption, du renforcement du rôle des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans la définition des objectifs de mixité sociale dans le cadre des attributions de logements sociaux, mais aussi de souplesse pour tenir compte des difficultés objectives rencontrées par certaines communes pour l’atteinte de leurs objectifs, une adaptation temporaire du rythme de rattrapage est ainsi prévue, dans une logique de contractualisation d’objectifs et de moyens, au travers de la signature d’un contrat de mixité sociale entre la commune, l’EPCI et l’État.

Là encore, la prise en compte des réalités locales et des différences objectives de situation témoignent de la volonté de promouvoir la différenciation comme méthode de mise en œuvre des politiques publiques.

Le présent rapport n’aborde pas l’intégralité des articles du projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, votre rapporteur renvoie pour ce faire au rapport de la commission des lois [9].


—  1  —

 

 

II.   LES DISPOSITIONS DU TEXTE adoptÉ par le sénat QUI FONT L’oBJET d’amendements de la part dU rapporteur

1.   Les dispositions du Titre Ier consacré à l’organisation des compétences et à la différenciation territoriale

Le titre Ier du projet de loi traite de plusieurs sujets très important pour permettre aux élus locaux de gagner en marge d’autonomie et d’adapter plus finement leur action aux réalités territoriales. Il définit tout d’abord le principe de différenciation, cherche à renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales et à faciliter la coordination des collectivités par le biais des délégations de compétences au sein des conférences territoriales de l’action publique (CTAP).

La Ministre, Mme Jacqueline Gourault a souligné durant la discussion du texte au Sénat : « la différenciation, fil rouge de ce texte, redonne toute sa force au principe d'égalité ». Celui-ci, quand il se traduit par l'uniformité, n'assure plus l'égalité des chances sur les territoires.

Ce Titre comportait quatre articles dans sa version initiale, treize à la suite de l’examen en commission et vingt dans le texte adopté par le Sénat.

ARTICLE 1er - Introduire le principe de différenciation dans le code général des collectivités territoriales

a.   Le texte du projet de loi

L’article 1er du projet de loi a pour objet de donner une définition de la différenciation et de l’introduire en exergue du code général des collectivités territoriales, dans une section de ce code relative « à l’exercice différencié des compétences ».

Il énonce ainsi que « les règles relatives à l’attribution des compétences et à leur exercice applicable à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées dans le respect du principe d’égalité. »

Cet article est sans réelle portée normative dès lors qu’il ne fait que reprendre l’état de la jurisprudence constitutionnelle, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.

Se fondant sur cette jurisprudence constitutionnelle, le Conseil d’État dans son avis du 7 décembre 2017, a estimé que même si les règles d’attribution et d’exercice des compétences étaient, en principe, les mêmes au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales de droit commun (communes, départements, régions), il n’en résultait pas pour autant que les règles relatives aux compétences devaient « être identiques pour toutes les collectivités relevant de la même catégorie ».

La révision constitutionnelle n’ayant pu être menée à son terme, cet article du projet de loi a surtout une portée pédagogique, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, relative à la différenciation étant peu connue, selon la Ministre Jacqueline Gourault.

b.   Le texte issu du Sénat

La commission des Lois du Sénat, sur proposition de ses rapporteurs M. Darnaud et Mme Gatel, a souhaité insister sur la différenciation comme objectif à part entière du législateur et du pouvoir réglementaire.

La rédaction du Sénat met en avant la prise en compte des spécificités locales dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant d’une même catégorie, pour la définition des règles relatives à l’attribution et à l’exercice de leurs compétences.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur considère qu’il est utile de faire figurer dans le CGCT une définition du principe de différenciation, cet objectif constituant une composante essentielle du principe de libre administration des collectivités territoriales, tel qu’il est entendu par le législateur. Par souci de clarification, votre rapporteur propose une rédaction mettant plus nettement en exergue l’idée que les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situation.

Proposition n° 1 : Mettre plus clairement en exergue l’idée que les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situation.

ARTICLE 1er ter – Actions pouvant être mises en œuvre par les départements transfrontaliers 

Adopté en Séance au Sénat à l’initiative de Mmes Muller-Bronn et Drexler, malgré les avis défavorables de la Commission et du Gouvernement, le présent article a pour objet de permettre aux départements frontaliers de mettre en œuvre ou de soutenir toute action présentant un intérêt pour leur territoire dans le cadre de la coopération transfrontalière et dans le respect des engagements internationaux de la France.

Il rétablit ainsi une forme de clause de compétence générale en faveur des départements transfrontaliers. Cette question a été tranchée dans la loi NOTRe du 7 août 2015 et il n’apparait pas souhaitable de rouvrir ce débat.

Votre rapporteur propose donc de supprimer cet article.

Proposition n° 2 : Supprimer l’article 1er ter qui a pour objet de permettre aux départements frontaliers de mettre en œuvre ou de soutenir toute action présentant un intérêt pour leur territoire dans le cadre de la coopération transfrontalière et dans le respect des engagements internationaux de la France.

ARTICLE 2 – Extension du pouvoir règlementaire local

a.   Le texte du projet de loi

Comme l’a souligné le rapport de la mission flash sur le pouvoir réglementaire local, seule une révision constitutionnelle permettrait de reconnaitre pleinement le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales pour la mise en œuvre de leurs compétences que leur a reconnues le Législateur.

À droit constitutionnel constant, il semble difficile d’énoncer un principe général permettant de réduire l’intervention du pouvoir réglementaire national, alors que le Premier ministre reste le détenteur du pouvoir réglementaire de droit commun en application de l’article 21 de la Constitution. 

C’est pourquoi, le projet de loi cherchant à étendre le pouvoir réglementaire local se cantonne à lister certaines compétences ciblées. L’article 2 prévoit une extension de ce pouvoir dans trois domaines : 

 Fixer le nombre d’élus au conseil d’administration des CCAS ou CIAS ;

 Fixer le délai de publication de la liste des terrains qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en défens et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage ;

 Fixer le régime des redevances dues aux communes pour l’occupation de leur domaine public pour travaux.

b.   Le texte issu du Sénat

Le Sénat a regretté la très faible portée de cet article au regard des ambitions affichées en matière de pouvoir réglementaire local. Auditionnée par la Commission des lois du Sénat, la ministre Jacqueline Gourault a reconnu que cet article devait être enrichi au cours de la navette législative.

La commission des lois, a profondément remanié la portée de l’article en adoptant un amendement des rapporteurs visant à étendre le pouvoir réglementaire dans plusieurs champs de compétences :

 Renforcer la portée juridique du règlement départemental d’aide sociale en permettant le refus d’admission à une prestation relevant de la compétence du département sur le seul motif que le postulant ne remplit pas les conditions fixées par ce règlement ;

 Autoriser les départements à affecter la prestation de compensation du handicap (PCH) à d’autres charges que celles prévues aujourd’hui par la loi ;

 Autoriser la délégation de la tutelle aux biens à un notaire, ou à tout autre personne inscrite sur une liste dressée par le procureur de la République sur décision du président du conseil départemental ;

 Prévoir que la liste des travaux dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme soit fixée par délibération du conseil municipal ou communautaire (à défaut un décret en CE) ;

 Modifier la procédure d’élaboration des SCOT et PLU afin que le préfet ne puisse conditionner leur entrée en vigueur à la prise en compte de ses observations ;

 Assouplir les marges de manœuvre dont disposent les conseils départementaux dans le cadre du versement du revenu de solidarité active (RSA). Il tend ainsi à modifier les conditions de ressources auxquelles est soumis le bénéfice des prestations d’aide sociale et à autoriser le département à exercer un recours en récupération des sommes versées au titre du RSA, contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, ou contre sa succession ;

 Faire en sorte que les quotas de places pour les formations paramédicales soient désormais fixés par la délibération du conseil.

Pour renforcer le pouvoir réglementaire, la Commission des lois a aussi utilisé une autre méthode, en supprimant les renvois de la loi à des décrets pour fixer les modalités d’application de certaines dispositions comme pour l'installation ou le maintien de professionnels de santé, dans la gestion des établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique, dans la gestion des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional et dans la prise de participations au sein de sociétés commerciales relatives aux infrastructures numériques. Dans tous ces cas, les modalités d’application seront décidées par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée.

En séance publique, des amendements sont venus compléter les dispositions de l’article 2, en prévoyant notamment :

 La création d’un plafond au pouvoir réglementaire des communes en matière de redevances pour occupation du domaine public pour des travaux sur les ouvrages de transport et de distribution d'électricité et de gaz ;

 De confier à la région le soin de fixer le nombre minimal de places de vélos dans les TER.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur partage l’avis du Gouvernement, certaines modifications introduites par le Sénat posent des problèmes de constitutionnalité comme les amendements prévoyant de modifier les conditions d’attribution de prestations sociales légales (PCH, RSA).  

Surtout, votre rapporteur considère qu’il est plus pertinent d’affirmer un principe de portée générale selon lequel les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues par la loi.

Au lieu d’établir une liste de politiques publiques pour lesquelles il y a lieu de renforcer le pouvoir normatif local, il semble préférable de faire figurer en exergue du CGCT le principe selon lequel ce sont les organes délibérants des Collectivités territoriales qui décident des mesures d’application, sauf si un texte de loi renvoie à un décret en Conseil d’État ou à un texte réglementaire national.

Rappelons que lors de la révision constitutionnelle de 2003, M. Patrick Devedjian, alors Ministre délégué aux Libertés locales, a justifié la décision d’inscrire le pouvoir réglementaire local dans la constitution en expliquant que cela devait permettre à « la loi de renvoyer plus systématiquement au pouvoir règlementaire local et non au pouvoir règlementaire national le soin de fixer les modalités d'application de la loi (...) et de lever un doute quant à la capacité de la loi de disposer d'une réelle latitude afin de confier à une catégorie de collectivités locales le soin de prendre les mesures d'application de la loi ».

Le projet de loi 3DS doit être l’occasion de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle de 2003 qui a consacré l’existence d’un pouvoir réglementaire local. 

Conformément aux préconisations de la mission d’information de la DCTD sur le pouvoir réglementaire local, il est nécessaire de changer de méthode lorsque nous adoptons des lois relatives aux compétences des Collectivités territoriales.

Ainsi, il est préférable d’adopter des « lois cadre » qui fixent de grands principes et des objectifs, leurs modalités d’application étant renvoyées aux assemblées délibérantes des collectivités.

Il convient d’être rigoureux dans la formulation des habilitations législatives renvoyant au pouvoir réglementaire afin de distinguer clairement ce qui relève de la compétence du Premier ministre de ce qui relève du pouvoir normatif local.  Il convient notamment de proscrire les articles de renvoi à un décret en Conseil d’État « en tant que de besoin », en fin de texte (ou article « balai »), afin de protéger les prérogatives des Collectivités territoriales.

Pour la discussion en séance publique, le rapporteur proposera un amendement énonçant au début du Code général des collectivités territoriales le principe selon lequel les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences, dans les conditions prévues par la loi. Cet amendement portera article additionnel avant l’article 2, qui traite de l’extension du pouvoir normatif local et modifiera l’article L 1111-2 du CGCT. Il s’agit ainsi d’expliciter le principe de libre administration reconnue aux collectivités territoriales qui fait l’objet du Livre Ier de ce code et de faire échec à une jurisprudence centralisatrice du Conseil d’État qui veut que lorsque la loi n’est pas suffisamment précise, celle-ci doit faire l’objet d’un complément réglementaire du gouvernement pour être applicable, même s’il s’agit d’un domaine relevant d’une compétence locale.

Pour la mise en œuvre de leurs compétences, les collectivités territoriales disposeraient d’un pouvoir réglementaire de droit commun, le pouvoir réglementaire du Premier ministre ne devant intervenir qu’à titre exceptionnel et uniquement lorsque la loi l’a formellement prévu.

Proposition n° 3 : Affirmer un principe de portée générale selon lequel les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir reglementaire  pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues par la loi.

ARTICLE 3 – Conférences territoriales de l’action publique : possibilité de délégation de compétences entre collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre pour la réalisation de projets structurants

a.   Le texte du projet de loi

De multiples compétences étant partagées entre les différents niveaux de collectivités, il est primordial de faciliter leur coopération car elles doivent fréquemment œuvrer en commun pour mener à bien des projets locaux ou mettre en œuvre des politiques publiques. C’est pourquoi le projet de loi cherche à améliorer le fonctionnement des Conférences territoriales de l’action publique (CTAP).

Dans le cadre de ces CTAP, il est proposé d’autoriser la délégation de compétences entre collectivités et EPCI pour la réalisation d’un projet identifié – et non pour l’ensemble d’une compétence.

Cette mesure s’inscrit dans le droit fil des recommandations de la Délégation [10] qui proposait d’assouplir les modalités de délégations de compétences entre collectivités territoriales et qui suggérait d’améliorer l’articulation entre les différentes collectivités intervenant dans le champ d’une même compétence en précisant les notions de chef de filât et d’autorité organisatrice.

Le mécanisme actuel permettant la délégation de compétences est peu utilisé car trop complexe et trop strictement encadré : les délégations ne sont autorisées qu’entre des collectivités de niveau différent et les EPCI ne peuvent déléguer leurs compétences alors qu’ils peuvent être délégataires d’une compétence d’une autre collectivité territoriale (article L. 1111-8 du CGCT).

De plus, le mécanisme de la délégation est très complexe car de multiples dispositifs sectoriels comme par exemple en matière de transports scolaires sont venus déroger au mécanisme de droit commun.

Cet article vise donc à pallier l’insuffisant usage des délégations de compétences par la création d’une procédure ad hoc, adossée aux conférences territoriales de l’action publique (CTAP), prévoyant une procédure spécifique de délégation des compétences pour les « projets structurants pour les territoires ».

b.   Le texte issu du Sénat

Le Sénat a considéré que cette procédure était trop rigide et que la rédaction proposée semblait attribuer à la CTAP un pouvoir de blocage de certaines délégations, dans le cas où elle se prononcerait en défaveur de leur principe.

Afin d’éviter de rigidifier les mécanismes de délégation de compétences et de donner un pouvoir de blocage aux CTAP, la commission des lois du Sénat a réécrit dans son intégralité l’article 3, par l’adoption d’un amendement de ses rapporteurs.

En premier lieu, la composition de la CTAP serait définie librement par les assemblées délibérantes du Conseil régional et des conseils départementaux (après avis favorable de la majorité des conseils municipaux). Cette faculté serait néanmoins encadrée ; dans le cas où un accord ne serait pas atteint dans les conditions prévues par la loi, la composition de la CTAP serait celle actuellement fixée par la loi.

En second lieu, la commission a ouvert plus largement les possibilités de délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements. D’une part, elle a permis aux EPCI à fiscalité propre, dès lors que leurs statuts le prévoient expressément, de déléguer leurs compétences à un département ou à une région dans le cadre d’une « délégation ascendante ».

D’autre part, elle a assoupli les mécanismes spéciaux de délégation en permettant, d’une part, aux départements de se voir déléguer l’octroi et le financement d’aides aux entreprises, et, d’autre part, aux métropoles de se voir déléguer, à leur demande, l’attribution de subventions de fonctionnement aux organisations syndicales locales.

En séance publique, le Sénat a complété cette nouvelle rédaction en adoptant un amendement visant à rendre obligatoire un débat sur les modalités de fonctionnement des conférences territoriales de l’action publique (CTAP), dans les douze mois qui suivent l’élection des conseillers régionaux, afin notamment de donner la possibilité aux élus de constituer des commissions thématiques ou géographiques.

c.   Les propositions du rapporteur

La nouvelle rédaction du Sénat ne peut être acceptée globalement car elle remet en cause la répartition des compétences relative au développement économique et qu’elle affaiblit l’organisation des EPCI.

En effet, il n’est pas souhaitable que les EPCI disposent d’une faculté de délégation générale alors que le droit circonscrit actuellement cette possibilité à des domaines précis et justifiés (eau/assainissement ; GEMAPI ; transports scolaires) ce qui constitue déjà une dérogation aux principes de spécialité et d'exclusivité des EPCI à fiscalité propre ainsi qu’à l’exercice par le bloc communal de ses compétences.

Par ailleurs, la liberté de composition des CTAP risque d’entrainer des blocages en cas de divergences politiques entre l’échelon régional et le bloc communal. La liste des membres telle que fixée par la loi garantit actuellement une représentation équilibrée de l'ensemble des échelons de collectivités, notamment pour le bloc communal.

Votre rapporteur propose de supprimer la disposition introduite par le Sénat, tendant à permettre aux départements d’attribuer des aides aux entreprises. La DCTD s’est prononcée à plusieurs reprises sur la nécessité de stabiliser la répartition des compétences entre collectivités territoriales, les Régions devant conserver leurs attributions pour promouvoir le développement économique et la compétence de définir le régime d’aides économiques attribuées aux entreprises.

Proposition n° 4 : Supprimer les alinéas l0 à 14 de l’article 3 qui permettent aux départements d’attribuer des aides aux entreprises.

ARTICLE 3 bis A – Compétences en matière de tourisme des communes érigées en stations classées de tourisme

Introduit en commission des Lois au Sénat, à l’initiative de ses rapporteurs, le présent article a pour objet de permettre aux communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme, qui comprend notamment la création d’offices de tourisme.

En cette matière, les ajustements législatifs prévus par les lois « Engagement de proximité » et « Montagne 2 [11]» avec la création d’une compétence animation touristique apparaissent suffisants. Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 5 : Supprimer l’article 3 bis A qui ouvre aux communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération la faculté de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme.

ARTICLE 4 bis C – Renforcement des attributions des communes d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération pour procéder à une scission de l’intercommunalité dont elles sont membres

Cet amendement proposé par les rapporteurs de la commission des lois ainsi que par Mme Muriel Jourda et plusieurs de ses collègues a été adopté malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Il vise à renforcer les prérogatives des communes qui souhaitent procéder à une scission de l’intercommunalité dont elles sont membres.

Pour ce faire, il permet aux dites communes de proposer, par délibérations concordantes, un projet de périmètre du ou des EPCI à fiscalité propre qu’elles souhaitent créer par scission d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération existante.

Cet article vise ainsi à faciliter la procédure de scission d’un EPCI. Il n’apparait pas opportun de revenir sur le compromis trouvé dans la loi « Engagement et Proximité » de 2019. Cette loi a en effet introduit à l'article L. 5211-5-1 du code général des collectivités territoriales la possibilité de créer des EPCI à fiscalité propre par partage d'une communauté de communes ou d'agglomération. Cet article renvoie pour la création de ces EPCI aux conditions fixées à l'article L. 5211-5 du CGCT qui laisse au préfet un pouvoir d'appréciation quant à la fixation du périmètre des EPCI projetés.

Il n'est pas souhaitable qu’à l'occasion d'un projet de partage d'une communauté de communes ou d'agglomération, il soit permis de déroger aux règles classiques de création des EPCI en prévoyant une situation de compétence liée du préfet pour fixer le périmètre de l'EPCI. Le préfet doit pouvoir conserver son pouvoir d'appréciation en la matière, afin que la mise en œuvre de procédures de scission ne vienne pas mettre en cause la cohérence de la carte intercommunale et les solidarités économiques, financières et géographiques liées aux bassins de vie. Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 6 : Supprimer l’article 4 bis C qui vise à renforcer les prérogatives des communes qui souhaitent procéder à une scission de l’intercommunalité dont elles sont membres.

ARTICLE 4 bis D – Seuil de population requis pour permettre le retrait d’une commune d’un EPCI

Cet article résulte de l’adoption en séance d’un amendement présenté par M. Vincent Segouin malgré l’avis du défavorable du Gouvernement. Il vise à simplifier la procédure de retrait d’une commune de son intercommunalité.

À cette fin, il crée pour les communautés d'agglomération, un seuil de population de 30 000 habitants dérogatoire à celui de 50 000 habitants fixé à l'article L. 5216 - 1 du code général des collectivités territoriales, afin de faciliter le retrait d'une commune par rapport aux conditions de droit commun.

Il n'apparaît pas souhaitable de créer une dérogation permettant aux EPCI de passer en dessous des seuils de population à la suite d'un retrait de communes et de déstabiliser ainsi l’intercommunalité en lui faisant perdre plus du tiers de sa population. Cet article affaiblirait les fondements des communautés d'agglomération dont l'importance de la population est l'un des critères justifiant leurs compétences plus intégrées que celles des communautés de communes. Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 7 : Supprimer l’article 4 bis D qui crée, pour les communautés d'agglomération, un seuil de population de 30 000 habitants dérogatoire à celui de 50 000 habitants fixé à l'article L. 5216 - 1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), afin de faciliter le retrait d'une commune.

ARTICLE 4 bis – Transfert de compétences « à la carte » des communes membres vers leur établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

Introduit en commission des Lois, à l’initiative de ses rapporteurs, le présent article a pour objet de permettre un transfert « à la carte » de compétences supplémentaires à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre par ses communes membres.

Votre rapporteur considère que les EPCI à fiscalité propre ne sont pas conçus comme pouvant fonctionner « à la carte ». L'intercommunalité repose sur un principe de solidarité, conformément à l'article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) selon lequel « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ».

La transformation des EPCI à fiscalité propre en structure « à la carte » aurait surtout des conséquences importantes en termes de gouvernance car tous les élus ne voteraient pas sur l'ensemble des sujets, ce qui conduirait à remettre en cause l'homogénéité de la conduite des affaires de l'EPCI à fiscalité propre, alors même qu'il est souhaité que celui-ci soit le lieu de mise en commun des compétences, et alors surtout que les conseillers communautaires sont en partie issus du suffrage universel direct. Cet article contribuerait ainsi à affaiblir l’intégration intercommunale qui repose sur un projet de développement commun et sur la solidarité financière. Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 8 : Supprimer l’article 4 bis qui a pour objet de permettre un transfert « à la carte » de compétences supplémentaires à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre par ses communes membres.

ARTICLE 4 ter – Critère de l'intérêt communautaire ou métropolitain pour l'exercice de diverses compétences au sein du bloc communal

Introduit en commission des Lois, à l’initiative de ses rapporteurs, le présent article instaure le critère de l'intérêt communautaire ou métropolitain pour la détermination des compétences transférées aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans divers domaines (zones d'activité, voirie, environnement, politique du logement).

L'intérêt communautaire permet de distinguer, pour une catégorie de services ou d'équipements donnée, les services ou les équipements qui relèvent de la compétence de l'EPCI à fiscalité propre et ceux qui relèvent de la compétence communale.

L’article prévoit notamment de subordonner l'exercice de la compétence en matière de zones d'activité économique de l'ensemble des EPCI à fiscalité propre à la reconnaissance d'un intérêt communautaire ou métropolitain. Il fait de même pour la compétence voirie des communautés urbaines et des métropoles, ainsi que certaines de leurs compétences en matière d'habitat et d'environnement. L'élargissement du champ des compétences des EPCI à fiscalité propre soumises à la définition d'un intérêt communautaire ou métropolitain n'est pas souhaitable dès lors que le niveau intercommunal apparaît comme le niveau le plus pertinent d'exercice de ces compétences, que ce soit en termes de cohérence géographique ou d’ingénierie.

Une telle évolution serait par ailleurs un facteur de fragilisation pour les plus petites communes qui devraient exercer seules des compétences complexes et coûteuses sans pouvoir s'appuyer sur l'expertise et la solidarité de leur intercommunalité. Il est indispensable que certaines compétences soient transférées « en bloc », par exemple lorsqu'il s'agit de services de réseaux tels que la voirie qui revêt un caractère technique nécessitant du matériel coûteux ainsi que le recrutement de personnels qualifiés.

Pour ce qui concerne les zones d’activité économique, la mutualisation au sein des intercommunalités permet de limiter une concurrence entre zones gérées par les communes et favorise une vision globale de leur gestion sur le territoire de l’EPCI, dans l’intérêt de tous les acteurs économiques et de la population de l’ensemble des communes. Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 9 : Supprimer l’article 4 ter qui instaure le critère de l'intérêt communautaire ou métropolitain pour la détermination des compétences transférées aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans divers domaines.

2.   Les dispositions du Titre II consacrées à la transition écologique

Le Titre II comprend 3 chapitres respectivement consacrés à la répartition des compétences en matière de transition écologique, aux transports et à la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité.

Ce Titre comportait dix articles dans sa version initiale, vingt-trois à la suite de l’examen en commission et trente-six dans le texte adopté par le Sénat.

ARTICLE  5 – Répartition des compétences et des qualités de chef de file des collectivités territoriales dans le domaine de la transition écologique

a.   Le texte du projet de loi

Cet article modifie les dispositions du code général des collectivités territoriales qui définissent, d'une part, la liste des compétences partagées entre les différents échelons de collectivités territoriales et, d'autre part, la liste des chefs de filât attribués à certaines collectivités ou groupements pour l'exercice de certaines compétences. Il affirme tout d’abord que les départements participent aux actions de transition écologique dans le cadre de leurs compétences en matière de santé et de lutte contre la précarité énergétique et précise que les régions participent aux objectifs de transition écologique dans le cadre de leurs compétences en matière d'énergie, de mobilités et d'économie circulaire.

Il vise également à reconnaitre de nouvelles qualités de chef de file pour l'exercice de compétences en lien avec la transition écologique :

- aux régions, en matière de « planification de la transition et de l'efficacité énergétique » ainsi que de « coordination et l'animation de l'économie circulaire » ;

- aux départements, pour les « actions de transition écologique concernant la santé, l'habitat et la lutte contre la précarité » ;

- et, au bloc local, dans les domaines de la « transition énergétique au plan local », de la « gestion de l'eau, de l'assainissement des eaux usées, des eaux pluviales urbaines et de la gestion des déchets ».

b.   Le texte issu du Sénat

La commission a considéré que cet article, dans l'état actuel de sa rédaction, ne permettait pas, en lui-même, de clarifier la répartition des compétences en matière de transition écologique entre les différentes strates de collectivités territoriales. Elle a entièrement réécrit l’article avec un dispositif visant à affirmer que les collectivités et leurs groupements concourent, avec l'État, à la mise en œuvre d'actions de transition écologique et de transition vers une économie circulaire qui sont des objectifs généraux auxquels toute personne publique concoure.

Constatant l’absence de consensus pour clarifier et renforcer les compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de transition écologique, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l’article. Cet amendement a été rejeté, le texte de l’article 5 est donc celui adopté par la commission.

c.   Les propositions du rapporteur

La rédaction adoptée par le Sénat est très générale et donc peu normative, elle ne fait plus référence à la notion de chef de filât qui emporte des conséquences juridiques plus précises. Votre rapporteur appelle de ses vœux une définition législative des notions de chef de file (coordination) et d’autorité organisatrice (application concrète) pour clarifier ces sujets. Il considère que l’amendement déposé par le rapporteur de la commission des Lois, qui rétablit une rédaction proche de celle du projet de loi initial tout en y intégrant le rôle de chef de file des départements en matière de transition écologique avec le rôle de chef de file qu’ils exercent déjà en matière de résorption de la précarité énergétique, va dans le sens de la clarification des rôles dans ce champ de compétences essentiel pour l’avenir de notre pays.

ARTICLE  5 bis – Suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines »

Cet article ajouté par la commission des Lois à l'initiative de ses rapporteurs, revient sur le transfert obligatoire des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » des communes vers les communautés de communes ou d'agglomération. Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l’article qui a été rejeté.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité » a permis, par le biais d'un mécanisme de délégation, d'apporter une première souplesse aux difficultés rencontrées par les élus sur le terrain en ce qui concerne ces compétences. Les enjeux environnementaux et sociaux liées à l’eau ainsi que l’importance des investissements à réaliser rendent nécessaires la gestion intercommunale, au plus tard au 1er janvier 2026.

Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 10 : Supprimer l’article 5 bis qui prévoit la suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » aux communautés de communes et d'agglomération ainsi que, pour ces dernières, la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines ».

ARTICLE  5 quinquies – Affectation du produit de la taxe dite « GEMAPI »

Cet article introduit par la commission à la suite de l'adoption de trois amendements identiques présentés respectivement par M. André Reichardt, Mme Elsa Schalck et M. Claude Kern, sous-amendés par les rapporteurs, vise à ce que le produit de la taxe dite GEMAPI, qui peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, puisse également être affectée à des actions de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou de lutte contre l'érosion des sols, dès lors qu'elles concourent aux finalités propres à la GEMAPI.

Un tel élargissement des actions financées par la taxe GEMAPI dont le montant parvient déjà difficilement à couvrir les actions contre les inondations n’apparait pas opportun.

Votre rapporteur propose donc la suppression de cet article.

Proposition n° 11 : Supprimer l’article 5 quinquies qui vise à ce que le produit de la taxe dite GEMAPI, qui peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, puisse également être affectée à des actions de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou de lutte contre l'érosion des sols, dès lors qu'elles concourent aux finalités propres à la GEMAPI.

ARTICLE  12 – Réforme de la gouvernance de l’ADEME et délégation d’une partie du fonds chaleur et du fonds économie circulaire aux régions

a.   Le texte du projet de loi

L'article 12 tend, d'une part, à améliorer la représentation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre au sein du conseil d'administration de l'ADEME et, d'autre part, à déléguer la gestion d'un cinquième des montants des fonds « chaleur » et « économie circulaire » de l'ADEME aux régions volontaires.

En raison de son objet particulièrement transversal, le législateur a choisi d'instituer une gouvernance duale pour l'ADEME, reposant :

- d'une part, sur un conseil d'administration, chargé de gérer les affaires de l'Agence et aux attributions larges, notamment en fixant « les conditions générales d'attribution de subventions ou d'avances remboursables aux personnes publiques ou privées » ;

- d'autre part, sur un conseil scientifique, en particulier « consulté sur les programmes d'études et de recherches entrepris par l'agence ».

Seule la composition du conseil d'administration de l'ADEME, du fait de son rôle stratégique, est encadrée par de grands principes fixés par le législateur. Ainsi, il est prévu la représentation obligatoire de l'État, des élus locaux, des parlementaires, des associations de protection de l'environnement et groupements intéressés ainsi que des salariés de l'Agence, de manière à garantir la représentation des acteurs publics comme privés agissant dans les domaines d'attribution de l'Agence.

Toutefois, sur les vingt-sept sièges que comprend le conseil d'administration de l'ADEME, seuls trois sont pourvus par des représentants des collectivités territoriales. Les trois principales associations représentatives d'élus que sont l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France (ARF) disposent chacune d'un siège au conseil d'administration.

L'article 12 du projet de loi vise, en premier lieu, à ajouter à la liste des membres du conseil d'administration de l'ADEME, aux côtés des collectivités territoriales, les EPCI à fiscalité propre, afin de renforcer leur association aux décisions de l'Agence. De l'aveu même de l'étude d'impact, cette modification serait réalisée à nombre de sièges constant au sein du conseil d'administration de l'ADEME, vidant de sa portée effective l'évolution proposée.

Le Gouvernement propose également d'instituer un mécanisme de délégation aux régions volontaires de l'attribution des aides et subventions des fonds « chaleur » et « économie circulaire » gérés par l'ADEME et représentant près de 700 millions d'euros.

Dès lors, les régions qui le souhaitent seraient compétentes pour attribuer des subventions et concours financiers dans les domaines de la transition énergétique et l'économie circulaire. Il est prévu que cette délégation, inspirée par la délégation de gestion des fonds structurels européens d'investissement aux régions par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 dite « MAPTAM », soit formalisée par la signature d'une convention entre l'agence et la région volontaire.

Selon l'étude d'impact, le montant des fonds délégué aux régions serait de 70 millions d'euros pour le fonds « chaleur » et de 30 millions d'euros pour le fonds « économie circulaire », loin du montant total cumulé de ces fonds.

b.   Le texte issu du Sénat

Lors de son examen par le Sénat, cet article a été profondément modifié. La commission a souhaité, par l'adoption des amendements identiques garantir l'attribution d'un siège spécifique aux représentants des EPCI à fiscalité propre au sein du conseil d'administration de l'ADEME. Cette évolution, de nature à conférer toute sa portée au dispositif introduit par le Gouvernement, tend à modifier le nombre de membres du conseil d'administration de l'ADEME.

La commission a regretté le manque d'ambition de ce dispositif qui ne prévoit la délégation que d'un cinquième du montant total des deux fonds gérés par l'ADEME, alors que le Sénat avait proposé un transfert intégral de la gestion de ces fonds aux régions. Enserrée par les règles de recevabilité financière contraignant l'initiative parlementaire et souhaitant laisser aux régions la plus grande latitude dans leurs demandes, la commission n'a pu fait le choix d’un tel transfert.

Elle a préféré approfondir le dispositif proposé par le Gouvernement en permettant la délégation à toute région volontaire, de tout ou partie de l'instruction, de l'octroi et de l'attribution des aides, subventions et concours financiers en matière de transition énergétique et d'économie circulaire gérés par l'ADEME.

La commission a exclu la possibilité de déléguer aux régions moins d'un cinquième du montant total des crédits gérés en la matière par l'ADEME. Cet ajout vise, d'une part, à garantir que la délégation de gestion porte sur montant suffisamment important pour confier aux régions de nouvelles responsabilités dans le domaine de la transition énergétique et, d'autre part, à permettre une application homogène entre régions du montant minimal des fonds dont elles pourraient solliciter la gestion.

Examen en séance

Le Sénat a adopté deux amendements identiques visant à permettre la représentation des différents échelons de collectivités territoriales et de leurs groupements, qui sont impliqués fortement dans les politiques de transition écologique, et partenaires de l'ADEME. Ajouter trois membres au collège permettrait par exemple d'avoir 6 représentants pour un Conseil d'administration de 30 membres.

Il prévoit également d'élargir la composition aux acteurs locaux (PETR et Pays par exemple) fortement impliqués dans la conduite de politiques publiques en matière de transition écologique : programmes alimentaires territoriaux, PCAET, rénovation énergétique du tertiaire public.

c.   Les propositions du rapporteur

Le Sénat a ajouté un alinéa selon lequel « le montant du financement délégué à la région ne peut être inférieur au cinquième du montant total des crédits et subventions en matière de transition énergétique et d’économie circulaire gérés par l’agence ». Votre rapporteur constate que cette condition n’est pas réalisable si plus de cinq régions sont demanderesses, et qu’au surplus il est préférable de laisser la convention entre les parties fixer ce montant.

Votre rapporteur propose donc la suppression de cette disposition.

Proposition n° 12 : Supprimer l’alinéa 10 de l’article 12 qui prévoit que le montant du financement délégué à la région ne peut être inférieur au cinquième du montant total des crédits et subventions en matière de transition énergétique et d’économie circulaire gérés par l’agence.

ARTICLE  13 – Gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres par les régions

a.   Le texte du projet de loi

Cet article vise à transférer aux régions la compétence de gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres, en cohérence avec son rôle de chef de file en matière de biodiversité et d'aménagement du territoire consacré par le présent projet de loi.

La création du réseau européen Natura 2000, constitué de sites terrestres et marins, a été prévue par la directive 92/43/CEE du Conseil de l'Europe du 21 mai 1992, dite directive « Habitats », complétée par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, dite directive « Oiseaux ».

Conformément à l'article L.1111-9 du code général des collectivités territoriales, les régions ont un rôle de chef de file en matière de protection de la biodiversité. Au titre de l'article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, elles sont également les autorités de gestion des programmes relatifs aux fonds européens mobilisables à l'appui des contrats Natura 2000.

Dans ces conditions, il est apparu opportun de renforcer l'implication des régions dans la gestion des sites Natura 2000. Selon la direction de l'eau et de la biodiversité, 1 419 sites feraient l'objet d'un tel transfert, représentant une superficie totale de 6,26 millions d'hectares

Les fractions d'emplois concernés par l'exercice de la compétence transférée font l'objet d'une compensation financière aux collectivités bénéficiaires du transfert de la compétence dans les conditions prévues au IV de l'article 44 du présent projet. Le transfert entrant en vigueur en 2023, c'est au 1er janvier de cette même année que les régions recevront « une compensation financière dont le montant [sera] calculé sur la base de la rémunération du premier échelon du premier grade correspondant aux fractions d'emplois des agents, titulaires ou contractuels, chargés au sein des services de l'État de l'exercice de ces compétences au 31 décembre [2022], ainsi que des moyens de fonctionnement associés. »

L'article 43 du projet de loi prévoit que le transfert de compétence prévu au présent article 13 ouvre droit à une compensation financière, qui s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans les conditions fixées en loi de finances. L'étude d'impact signale ainsi le transfert d'une fraction supplémentaire de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE).

b.   Le texte issu du Sénat

La commission a approuvé le transfert de la compétence de gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres à la région, cohérente avec son rôle de chef de file en matière de biodiversité. Elle a également approuvé la limitation de ce transfert aux sites exclusivement terrestres au motif que la gestion des sites maritimes, en ce qu'ils appartiennent au domaine public maritime, comprend en effet une forte composante régalienne relevant de la sécurité et de la protection des frontières.

La commission a approuvé la conservation de la compétence de désignation des sites Natura 2000 par l'État, au motif que le réseau Natura 2000 doit présenter une cohérence biogéographique nationale. Les divergences qui pourraient naître entre les politiques des différentes régions risqueraient ainsi de déséquilibrer la protection des habitats et des espèces.

Afin de renforcer la place de la région dans le processus de désignation des sites, la commission a adopté deux amendements visant à :

- étendre le champ de la consultation du conseil régional à la création de tout site Natura 2000, y compris mixte et maritime ;

- faire de la région une véritable force de proposition pour la désignation des sites terrestres.

Lors de l’examen en séance, le Sénat a adopté :

- Avec avis défavorable du Gouvernement un amendement présenté par Mmes Martine Filleul et Angèle Préville ajoutant l’avis des Conseils départementaux dont les territoires sont concernés par la création d’un site Natura 2000 ;

- Avec avis défavorable du Gouvernement deux amendements identiques présentés par M. Menonville et MM. Favreau et Mouiller, indiquant que les départements gestionnaires des espaces naturels sensibles doivent eux aussi être consultés par la région sur les propositions d’inscription d’une zone spéciale de conservation ou sur un projet de désignation d’une zone de protection spéciale.

c.   Les propositions du rapporteur

Dans la mesure où le projet de loi prévoit de décentraliser la gestion des sites exclusivement terrestres aux régions, il est logique qu’elles puissent être consultées à l’occasion de la procédure de désignation, dès lors qu’elles sont territorialement concernées et que la gestion leur incombera. L’amendement proposé par votre rapporteur introduit également la consultation du conseil régional à l’occasion de la désignation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres, pour lesquels le présent projet de loi organise un transfert de compétence. En revanche, la consultation des départements ne se justifie pas dès lors qu’ils ne détiennent pas de compétence en matière de désignation ou de gestion des sites et que cette consultation alourdirait la procédure.

Votre rapporteur propose donc de supprimer cette disposition.

Proposition n° 13 : Proposer une nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article 13 qui prévoit la consultation du conseil régional à l’occasion de la désignation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres et supprime la consultation des départements qui ne se justifie pas dès lors qu’ils ne détiennent pas de compétence en matière de désignation ou de gestion des sites et que cette consultation alourdirait la procédure.

ARTICLE  13 bis – Dérogation au seuil de participation minimale du maître d'ouvrage pour le financement d'une opération en faveur de la restauration de la biodiversité

Cet article introduit par la commission à l’initiative de Mme Laurence Muller-Bronn et de M. Ronan Dantec, vise à instaurer une dérogation à la règle de la participation minimale du maître d'ouvrage au financement de certains projets s'agissant des opérations de restauration de la biodiversité.

L'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales pose le principe de la participation minimale du maître d'ouvrage à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à un projet. Des dérogations à cette obligation d'autofinancement peuvent néanmoins être accordées par le représentant de l'État dans le département. Le présent article vise à permettre d'accorder une nouvelle possibilité de déroger à cette obligation de financement minimal du maître d'ouvrage, pour les projets d'investissement destinés à restaurer la biodiversité.

L’article dispose que les projets d’investissement destinés à restaurer la biodiversité, cette participation minimale du maître d’ouvrage peut faire l’objet de dérogations accordées par le représentant de l’État dans le département ou par le président du conseil régional lorsque le projet porte sur un site Natura 2000 exclusivement terrestre, au vu de l’importance de la dégradation des habitats et des espèces et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés. Le Gouvernement a déposé en séance un amendement de suppression de l’article qui a été rejeté.

Votre rapporteur souligne que cette dérogation sectorielle apparait moins opportune que celles proposées par plusieurs rapports de la DCTD au profit des petites communes [12], notamment pour accompagner la relance [13]. Elle introduit également une inégalité entre les communes.

Au surplus, le CGEDD prépare un rapport sur les freins à l’investissement dans ce domaine, l’idée étant de proposer une réponse plus globale au financement d'opérations en faveur de la restauration de la biodiversité.

Votre rapporteur propose donc la suppression de cette disposition.

Proposition n° 14 : Supprimer l’article 13 bis qui vise à instaurer une dérogation à la règle de la participation minimale du maître d'ouvrage au financement de certains projets s'agissant des opérations de restauration de la biodiversité.

3.   Les dispositions du Titre III consacré à l’urbanisme et au logement

Le Titre III comportait seize articles dans sa version initiale (de 15 à 30), trente-cinq articles à la suite de l’examen en commission et quarante-cinq à la suite de l’examen en séance.

À elles seules les dispositions réformant la loi SRU (article 15 à 20 septies) mériteraient une présentation détaillée. Les enjeux sont importants et le Sénat a considérablement modifié ces articles. Pour l’essentiel, les articles du projet de loi sont issus des travaux de la commission nationale SRU présidée par M. Thierry Repentin. Les modifications apportées à l’initiative de la rapporteure de la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Estrosi Sassone, découlent de son rapport d’information sur l’évaluation de la loi SRU publié en mai 2021.

ARTICLE  15 – Modifier le mécanisme d’exemption de communes de l’application des obligations SRU

a.   Le texte du projet de loi

Cet article vise à adapter les critères d'exemption de loi SRU en substituant au critère de desserte insuffisante par les transports en commun un critère d'isolement, en élargissant le critère de faible tension sur la demande de logement social et en adaptant le décompte des logements sociaux à la réforme de la taxe d'habitation.

L'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », codifié aux articles L. 302-5 et suivant du code de la construction et de l'habitation, impose aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 dans l'unité urbaine de Paris) comprises dans un EPCI et/ou une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, une part de logements locatifs sociaux représentant 20 à 25 % des résidences principales, selon le niveau de tension sur la demande de logement social du territoire.

Néanmoins, certaines communes peuvent être exemptées de toute obligation sur la base de trois critères : la desserte insuffisante en transports en commun, la faible demande de logement social et l'inconstructibilité de plus de 50 % du territoire urbanisé de la commune. Ce dispositif est issu de la loi n° 2017‑86 relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, qui a refondu le mécanisme d'exemption préexistant qui était automatique et ne retenait que deux critères : la décroissance démographique et l'inconstructibilité.

Actuellement, la liste des communes exemptées est fixée par décret, pris sur proposition de l'intercommunalité d'appartenance, après avis du préfet de région et de la commission nationale SRU.

La faiblesse de l'indicateur de pression de la demande de logement social est appréciée seulement pour les communes qui appartiennent à une unité urbaine de plus de 30 000 habitants. Le taux de tension sur la demande en logement social s'entend comme le ratio entre le nombre de demandes de logements sociaux, hors mutation interne, en fin d'année, et le nombre de relogements de demandeurs. Pour les deux dernières périodes triennales, le ratio en deçà duquel un territoire est considéré comme détendu a été fixé à 2 et est le fruit d'une moyenne sur trois ans pour lisser d'éventuelles variations brutales.

L'insuffisance de sa desserte par le réseau de transports en commun aux bassins de vie et d'emploi est appréciée au cas par cas.

Enfin, l'inconstructibilité de plus de la moitié du territoire urbanisé, résulte du cumul du plan de prévention des risques, de servitudes environnementales ou du plan d'exposition au bruit.

Sur les 1 324 communes soumises à la loi SRU au titre du bilan 2020 (inventaire au 1er janvier 2019), 224 sont exemptées, dont 24 au titre de la constructibilité, 50 au titre de la faible tension et 150 pour insuffisance de la desserte.

Ces critères présentent toutefois plusieurs faiblesses.

Le critère de faible desserte en transports en commun fait l'objet d'une application hétérogène, paraît désuet au regard de la part prise par l'automobile dans les déplacements et peut, dans certains cas, provoquer le non-développement des transports en commun pour maintenir l'exemption d'une commune.

Le critère de faible tension souffre quant à lui d’un manque de cohérence car il est réservé aux communes appartenant aux unités urbaines de plus de 30 000 habitants, excluant de fait des communes isolées. Par ailleurs, la périurbanisation et la création de communes nouvelles ont fait augmenter le nombre des communes rurales soumises à la loi SRU dans lesquelles la demande de logements sociaux est faible mais qui ne peuvent être exemptées.

Enfin, le critère d'inconstructibilité est lui aussi contesté. Il ne prend pas en compte l'ensemble des inconstructibilités, et la définition de territoire urbanisé fait l'objet de différentes approches qui ne sont pas organisées. Sa non automaticité est également incomprise puisque, pour une commune, être éligible à ce titre ne garantit pas d'être exemptée.

Le dispositif envisagé remplace le critère de faible desserte par un critère de faible attractivité du fait de leur isolement ou de leurs difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants. Cette notion multifactorielle sera définie par un décret en Conseil d'État. Seraient pris en compte l'isolement géographique lié notamment à la topographie, ce qui peut concerner les communes en secteur de montagne, l'absence de liaison avec les bassins d'emplois, la décroissance de la population, le manque de dynamisme de la construction, le faible nombre de demandes de logements sociaux, le taux de vacance élevé dans le parc social ou encore le taux de chômage.

Il élargit l'application du critère de faible tension à toutes les communes.

L'article 15 modifie ensuite l'article L. 302-5 du CCH, abandonnant la référence à la taxe d'habitation pour retenir la référence à l'article 1418 du code général des impôts (CGI).

b.   Le texte issu du Sénat

Lors de son examen par le Sénat, cet article a été profondément modifié.  La commission des affaires économiques a adopté un amendement de la rapporteure traduisant la propositions n° 10 du rapport sur l'évaluation de la loi SRU.

- il rétablit la procédure de détermination de la liste des communes exemptées de l'application de l'article 55 de la loi SRU. Il apparaît pertinent que les propositions d'exemption soient à l'initiative des intercommunalités d'appartenance des communes après avis du préfet de région et de la commission nationale SRU, afin de maintenir la cohérence et une harmonisation au sein des territoires intercommunaux pour la demande d'exemptions. Cette procédure avait malencontreusement été omise du texte initial ;

- il y ajoute le préfet de département, dont l'oubli dans cette procédure était incompréhensible alors qu'il est le principal responsable de l'application de la loi dans le département ;

- il corrige une incohérence rédactionnelle, la mention d'un décret fixant la liste des communes « isolées » était inutile.

L'amendement a été complété par un sous-amendement qui vient préciser qu'en cas de désaccord entre une commune et l'EPCI, la commune peut saisir directement le préfet de département. 2 amendements identiques ont :

- rétabli l'automaticité de l'exemption pour inconstructibilité comme c'était le cas avant 2017 ;

- ajouté deux motifs d'inconstructibilité relatifs aux zones exposées au recul du trait de côte et à la protection des champs captant afin de protéger la ressource en eau potable.

Un amendement prévoit que la notion de « territoire urbanisé » soit définie par un décret en Conseil d'État et que son application soit harmonisée. La Cour des comptes, dans son rapport remis au Sénat en février 2021, avait relevé que la notion de « territoire urbanisé » pour apprécier l'inconstructibilité n'était pas définie par la loi ou par les directives et posait des problèmes d'application et de compréhension entre les préfectures et les communes.

Deux amendements reprenant la proposition n° 5 du rapport de la commission d'évaluation de la loi SRU, déduisent les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale, concédés par nécessité absolue de service en application de l'article L. 4145-2 du code de la défense, du total des résidences principales. Selon la rapporteure, ils sont considérés comme des résidences principales dans le cadre du décompte SRU et ne sont pas décomptés comme des logements sociaux alors qu'ils en ont le plus souvent les caractéristiques. Cette anomalie pèserait sur le calcul du taux de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU dans les communes qui comptent un grand nombre de ces logements. En les excluant du décompte des résidences principales sans les considérer comme des logements sociaux, la commission a entendu prendre en compte de manière plus équilibrée leur spécificité et leur impact.

Examen en séance

Le Sénat a adopté un amendement présenté par MM. Savin et Courtial, visant à réintroduire la disposition selon laquelle la notion de territoire urbanisé ainsi que le mode de calcul permettant d'apprécier l'inconstructibilité d'une commune sont précisés par décret en Conseil d’État qui avait été supprimé pour un problème de forme.

Il a également adopté, malgré l’avis défavorable de Gouvernement, un amendement de Mme Primas visant à déduire du décompte des résidences principales dans le cadre de la loi SRU les logements des militaires des armées (Terre, Air, Mer) situés sur le domaine de l’État, c’est à dire dans les casernes ou les camps militaires.

Le Gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer la modification du calcul des résidences principales en excluant de ces dernières les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale, il a été rejeté.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur souhaite tout d’abord proposer deux amendements symétriques pour atténuer les effets de seuil liés à la dispense d’obligations SRU pour les communes dont plus de 50 % du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité.

Il s’agit tout d’abord, dans un souci d’équité, de substituer à la dispense d’obligation de construction dans les communes concernées dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité, une obligation atténuée en fonction de la surface pouvant être utilisée.

 

Proposition n° 15 : Prévoir pour les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d’une zone A, B ou C d’un plan d’exposition au bruit approuvé en application de l’article L. 112-6 du code de l’urbanisme ou d’une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l’environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d’habitation résultant de l’application du règlement d’un plan de prévention des risques technologiques ou d’un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code, ou d’un plan de prévention des risques miniers défini à l’article L. 174-5 du code minier, ou des dispositions de l’article L. 121-22-4 du code de l’urbanisme applicables aux zones définies au 1° de l’article L. 121-22-2 du même code ou des dispositions de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, que les obligations prévues à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation sont appliquées de manière dégressive en minorant le taux applicable d’une fraction égale à la proportion de territoire frappé d’inconstructibilité.

Par ailleurs, le seuil de dispense totale, fixé à 50 % du territoire urbanisé, laisse une charge disproportionnée aux communes dont une part substantielle de superficie est soumise à de telles impossibilités de construire, et auxquelles s’applique pourtant l’intégralité de l’obligation de réalisation. Elles sont donc obligées de trouver, sur seulement 55 ou 60 % de leur territoire constructible, des disponibilités de construction requises pour 20 ou 25 % de leur parc, d’où des situations pour certaines inextricables.

Pour y répondre, le second amendement proposé, symétrique au précédent, introduit une proportionnalité dans l’obligation « SRU » pour ces communes. Ainsi une commune ayant 40 % d’inconstructibilité sur la superficie de son PLU – comme il s’en trouve bon nombre dans les secteurs urbains proches des aéroports ou dans des communes industrielles ayant des sites Seveso – l’obligation de 25 % de logements sociaux à atteindre serait ramenée à 15 %, exprimant un effort de réalisation analogue à celle des communes non soumises à ces contraintes environnementales.

Proposition n° 16 : Prévoir pour les communes auxquelles le présent article est applicable et dont le territoire urbanisé est soumis, pour une part comprise entre 20 % et 50 % de sa superficie, aux inconstructibilités mentionnées au III bis, que le taux applicable est minoré d’une fraction égale à la proportion de territoire frappé d’inconstructibilité.

Un dernier amendement a pour objet de supprimer la modification du calcul des résidences principales introduite au Sénat qui exclue de ces dernières les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale. Cette disposition reviendrait à augmenter artificiellement le taux de logement social des communes concernées en regard des résidences principales, par restriction du champ des résidences principales prises en compte. Dès lors que les logements militaires sont occupés de manière habituelle et à titre principal par un ménage, il n’existe, selon votre rapporteur, aucune raison de ne pas les décompter en tant que résidences principales.

Proposition n° 17 : supprimer la modification du calcul des résidences principales introduite au Sénat qui exclue de ces dernières les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale.

Il convient par ailleurs de saluer l’initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques [14] qui se déclarant « sensible à l’équité des collectivités entre elles et pour répondre à une problématique soulevée par une grande partie des personnes auditionnées », a souhaité introduire une disposition permettant de s’assurer que l’octroi d’une exemption au titre de l'inconstructibilité de la moitié du territoire municipal n’engendre pas l’oubli par une collectivité des obligations qui lui incombent en matière de contribution à la mixité sociale. Ainsi, les communes exemptées devront-elles prévoir une servitude de mixité sociale à hauteur de 25 % pour les opérations de logements neufs à partir de douze logements. L’effet de seuil qui caractérise, lorsqu’une commune est exemptée, le passage du taux obligatoire au taux zéro, se trouvera ainsi partiellement atténué par une poursuite de l’effort en flux de la part des communes qui n’ont pas d’obligation sur le stock.

ARTICLE  15 bis – Décompte des logements sociaux : majoration des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et minoration de ceux financés en prêts locatifs sociaux (PLS)

Cet article introduit par la commission des affaires économiques à l'initiative de sa rapporteure, met en place cette majoration et cette minoration dans le décompte afin de favoriser la construction des logements les plus sociaux. Le rapport de la commission sur l'évaluation de la loi SRU a montré que cette loi n'a pas eu les effets escomptés en termes de mixité sociale notamment parce qu'un nombre insuffisant de PLAI est produit au profit de PLS. Cet article traduit la proposition n° 14 du rapport. Il a pour but d'inciter les maires à produire plus de logements très sociaux.

L'article prévoit une surpondération de 50 % des logements PLAI dans le décompte SRU. La surpondération des logements PLAI traduit aussi le fait qu'ils sont plus coûteux à produire, car demandant des subventions plus élevées et pouvant nécessiter un accompagnement plus important des occupants qui sont en plus grande difficulté. Cette surpondération est compensée par une sous-pondération des logements les moins sociaux, les PLS, de 25 %. Cette majoration et cette minoration s'appliqueraient aux logements autorisés à compter du 1er janvier 2023.

 

Examen en séance 

Contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement présenté par Mme Lavarde complétant cette disposition en introduisant un critère lié à la taille des logements. En effet, selon son auteure, les modalités de décompte actuelles donnent la même valeur à un studio qu'à un logement de cinq pièces, or un logement de cinq pièces représente la superficie d'au moins quatre studios. Ces dispositions n'incitent pas les communes à réaliser toutes les typologies de logements, notamment ceux de grande taille qui permettent d'accueillir des familles dans des conditions décentes. Par ailleurs, de manière à ne pas retarder l'entrée en vigueur de ces dispositions si la loi venait à être adoptée avant la fin de l'année 2021, la date d'application a été définie en référence à la promulgation de la loi.

Le Sénat a rejeté l’amendement de suppression de l’article déposé par le Gouvernement.

Votre rapporteur salue la suppression de cet article par la commission des affaires économiques à laquelle cet article est délégué, au motif que, « loin de promouvoir la production de logements très sociaux en PLAI comme semblent le croire les sénateurs, cette disposition aurait pour principal effet, strictement opposé d’ailleurs, d’en diminuer nettement la production. En effet, le décompte proposé permettrait aux communes de remplir, avec un effort diminué d’un tiers, les obligations de la loi LEC en matière de production de PLAI » [15].

ARTICLE  20 – Suppression de la procédure nationale d’aménagement des obligations triennales en matière de réalisation de logements sociaux

a.   Le texte du projet de loi

Cet article supprime la procédure d'aménagement des objectifs triennaux via la commission nationale SRU et les commissions départementales SRU. La loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, a créé, à l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), la commission nationale SRU et une procédure d'aménagement des objectifs triennaux de rattrapage.

L'objectif était alors d'apporter de la souplesse dans l'application de la loi SRU en permettant un aménagement. Ainsi, lorsque la commission départementale a jugé qu'il n'est pas possible à la commune de respecter ses obligations, le préfet peut saisir la commission nationale. Deux options s'offrent alors à la commission nationale, soit fixer un échéancier de réalisation si elle estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder un aménagement, soit recommander au ministre en charge du logement une adaptation des objectifs.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, depuis l'existence de cette possibilité, les commissions départementales ont saisi la commission nationale pour moins de 2 % des communes soumises, en vue d'un aménagement de leurs objectifs triennaux.

L'article 20 tire les conséquences de l'instauration par l'article 18 du présent projet du contrat de mixité sociale, pouvant permettre une adaptation temporaire du rythme de rattrapage fixé par l'article 17. Il n'est donc plus nécessaire de conserver la procédure d'aménagement des obligations. L'article supprime en même temps le caractère public et motivé des avis de la commission nationale et les commissions départementales qui n'ont plus lieu d'être, leur vocation étant d'examiner la situation des communes n'ayant pas atteint leur objectif triennal.

b.   Le texte issu du Sénat

La commission des affaires économiques a approuvé la suppression des commissions départementales et la procédure d'aménagement des objectifs de rattrapage passant par la commission nationale SRU, en cohérence avec les articles 17 et 18 du projet de loi.

La commission a adopté les amendements identiques de la rapporteure et de Mme Valérie Létard pour modifier la composition de la commission nationale et pour rétablir le caractère public et motivé de ses avis.

La nouvelle rédaction de l'alinéa 4 modifie la composition de la commission nationale SRU dans la logique du renforcement du couple maire-préfet comme clef de voute de l'application différenciée de la loi. Elle précise que la commission est présidée par un ancien préfet de département et composée à parité d'élus locaux et nationaux et de personnalités qualifiées.

Enfin, l'amendement adopté rétablit le caractère motivé et public des avis de la commission, lequel avait été supprimé par le projet de loi, dans un souci de transparence et de pédagogie indispensable à la bonne compréhension de l'application de la loi.

c.   Les propositions du rapporteur

Le Sénat a modifié la composition et la gouvernance de la commission en décidant qu’elle est présidée par un ancien préfet de département et composée à parité d'élus locaux et nationaux et de personnalités qualifiées. Votre rapporteur considère que si la condition de parité apparait opportune, celle de nommer un ancien préfet de département est sans doute trop restrictive et contraignante. Il est préférable de revenir à la version actuelle qui fait référence à une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du logement.

Proposition n° 18 : Rétablir la disposition selon laquelle la commission nationale SRU est présidée par une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du logement.

ARTICLE  30 bis B – Modalités du transfert de la compétence en matière de PLU

Cet article résulte de l’adoption en séance d’un amendement de Daniel Laurent avec avis de sagesse de la commission et avis défavorable du gouvernement.

L’article comporte deux dispositions pour empêcher le transfert de la compétence du plan local d’urbanisme (PLU).

D’une part, en inversant le mécanisme de transfert de la compétence plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), en indiquant que ce n’est pas aux communes de délibérer pour empêcher le transfert de compétence mais que c’est ce transfert qui est conditionné à une délibération.

Et d’autre part, en faisant en sorte d’éviter que la modification du projet d’aménagement et de développement durable n’entraîne une procédure de PLUi couvrant l’intégralité du territoire de l’EPCI.

Votre rapporteur rappelle qu’actuellement, le transfert actuel ne peut pas se faire contre les élus locaux puisqu’ils disposent d’une minorité de blocage : il suffit que 25 % des communes, représentant 20 % de la population, s'y opposent pour le bloquer. Cet article remet en cause cet équilibre et doit donc être supprimé.

Proposition n° 19 : Supprimer l’article 30 bis A qui comporte deux dispositions pour empêcher le transfert de la compétence du plan local d’urbanisme (PLU).

ARTICLE  30 bis C – Droit de veto des communes lorsque l’établissement public de coopération intercommunale souhaite diminuer leurs droits à construire

Cet article résulte de l’adoption en séance d’un amendement de Mme Ventalon avec avis de sagesse de la commission et défavorable du gouvernement.

Il vise à donner aux maires un droit de veto lorsque l’établissement public de coopération intercommunale tente de diminuer leurs droits à construire.

Une telle diminution devra donc passer par une révision du PLU et non plus par une simple modification. Selon l’auteure de l’amendement, si les plans locaux d'urbanisme intercommunaux peuvent être une chance pour nos territoires et un outil utile pour rationaliser l'utilisation des sols, cet outil ne doit pas être imposé. Il doit être le fruit d'un projet commun entre maires d'un même territoire.

Votre rapporteur constate que la diminution des possibilités de construction qui résultent de l’application des règles du PLU ainsi que la réduction de la surface d’une zone urbaine (U) ou à urbaniser (AU) sont des pratiques à l’œuvre actuellement. Elles s’inscrivent dans un contexte plus large de prise de conscience des enjeux de la réduction de la consommation d’espaces et de la lutte contre l’artificialisation des sols, d’autant plus prégnant depuis l’adoption de la loi climat et résilience qui prévoit une diminution par deux des espaces consommés dans la prochaine décennie.

Dans la mesure où les communes disposent d’un droit de veto sur le transfert de la compétence d’urbanisme au niveau intercommunal et où elles donnent leur avis sur toute modification du PLU et peuvent être à l’initiative d’une modification simplifiée, votre rapporteur estime qu’il n’y a pas lieu de créer un nouveau droit de veto qui viendrait encore complexifier le droit de l’urbanisme. Il vous propose par conséquent de supprimer cet article.

Proposition n° 20 : Supprimer l’article 30 bis B qui créée un droit de veto des communes lorsque l’établissement public de coopération intercommunale souhaite diminuer leurs droits à construire.

4.   Les dispositions du Titre IV: la cohésion sociale, la sécurité sanitaire et l’éducation

Le titre IV a pour objectif de renforcer la cohésion sociale et la sécurité sanitaire au niveau territorial, ainsi que de parfaire la décentralisation en matière scolaire. Il comportait douze articles dans le projet de loi initial, dix-huit après l’examen en commission et vingt-cinq dans le texte adopté en première lecture par le Sénat.

Concernant les thématiques de santé, votre rapporteur tient à rappeler que la santé publique relève de la compétence de l’État. Le Gouvernement la conduit même si certains aspects sont en partie décentralisés. Ainsi, les collectivités territoriales cofinancent déjà des projets à différents titres : l’innovation et la formation pour les régions, la proximité pour les communes. Le projet de loi vise donc à sécuriser et à donner une base légale à ces interventions. Il faut se féliciter de cette clarification qui permettra aux collectivités territoriales de mener des politiques locales de santé en partenariat avec l’État et l’assurance maladie, plus ambitieuses et mieux sécurisées juridiquement.

ARTICLE  31 – Réforme de la gouvernance des Agences régionales de santé

a.   Le texte du projet de loi

Pour répondre à un engagement du Ségur de la Santé, l’article 31 du projet de loi transforme le conseil de surveillance des Agences régionales de santé (ARS) en conseil d’administration. La présence des élus y est renforcée avec la nomination de trois vice-présidents dont deux parmi les représentants des collectivités territoriales.

Les attributions du Conseil d’administration sont légèrement renforcées au regard de celles attribuées au Conseil de surveillance : il étend les prérogatives de ce conseil à la fixation des grandes orientations de la politique de contractualisation de l’agence avec les collectivités territoriales et prévoit la transmission d’un bilan sur l’exécution des crédits du fonds d’intervention régional (FIR).

b.   Le texte issu du Sénat

Plusieurs amendements ont été adoptés en Commission des affaires sociales tendant à :

- attribuer la coprésidence du conseil d’administration au président du conseil régional, aux côtés du préfet de région qui préside ce conseil depuis la création des ARS ;

- rééquilibrer la pondération des voix au sein de ce conseil entre les représentants de l’État–lesquels disposent à l’heure actuelle de trois voix chacun–et ceux des collectivités territoriales ;

- ajouter des groupements de collectivités à la composition du conseil ;

- renforcer les prérogatives de ce conseil –aujourd’hui ciblées sur le vote du budget de l’agence en soumettant à son approbation (plutôt qu’à son simple avis) le projet régional de santé, document stratégique de planification de la politique de santé à l’échelon régional ;

- renforcer l’échelon départemental des ARS en renvoyant au décret la définition des missions spécifiques des délégations départementales des ARS, après consultation des associations d’élus locaux.

En séance publique, un amendement est venu préciser que les quatre collèges siégeant au Conseil d’administration à savoir, les représentants de l’État, les représentants des organismes locaux d’assurance maladie, ceux des collectivités territoriales et ceux représentants les usagers auraient le même nombre de membres.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur considère que la coprésidence du conseil d’administration par le Préfet de région et le président du Conseil régional présente un risque, un désaccord entre les deux coprésidents étant susceptible de bloquer le fonctionnement de l’agence.

Sur le fond, la présidence par le préfet de région est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de l’action de l’ensemble des services et opérateurs de l’État. Elle traduit le fait que la politique de santé est une compétence de l’État, ainsi que le prévoit l’article L. 1411‑1 du code de la santé publique. En outre, le conseil régional ne dispose pas, en matière sanitaire, de compétences qui justifieraient que son président copréside le futur conseil d’administration.

En accord avec le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Didier Martin, votre rapporteur est d’avis qu’une plus grande association des élus locaux à la mise en œuvre de la politique de santé à l’échelon territorial est absolument nécessaire, qui plus est au lendemain d’une crise qui a démontré l’insuffisante proximité des ARS avec le terrain. Il approuve donc l’initiative de celui-ci visant à ce que le président du conseil d’administration soit assisté de quatre vice-présidents, dont trois désignés parmi les représentants des collectivités territoriales, plutôt que de trois vice-présidents, dont deux désignés parmi ces mêmes représentants [16]. De cette manière, communes, départements et régions pourront désigner un élu à la vice-présidence du conseil et peser davantage sur les orientations de la politique conduite par les ARS.

ARTICLE  32 – Financement des établissements de santé par les collectivités territoriales

a.   Le texte du projet de loi

Cet article ouvre la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissements des établissements de santé publics et privés. En effet, en l’état actuel du droit, s’agissant des établissements de santé, il n’existe pas de base légale permettant, aux communes et à leurs groupements, comme aux départements et aux régions, de contribuer au financement des actions du programme d’investissement, notamment immobilières, de mise aux normes de sécurité ou d’investissements mobiliers importants en lien avec ces objectifs ou ceux d’adaptation ou de transformation de l’offre de soin, prévues dans le cadre de ces programmes.

Jusqu’à présent, les collectivités territoriales et leurs groupements pouvaient attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones carencées en offre de soins ou attribuer des « des aides visant à financer des structures participant à la permanence des soins, notamment des maisons médicales » comme cela est prévu par l’article L. 1511‑8 du code général des collectivités territoriales.

Pour sécuriser l’intervention des collectivités territoriales, le code de la santé publique est modifié par l’insertion de trois articles afin de permettre aux communes et leurs groupements, aux départements ainsi qu’aux régions de financer le programme d’investissement des établissements de santé.

Il convient de souligner qu’il s’agit d’une simple faculté et que l’essentiel des investissements pour les établissements de santé restera financé par des crédits de l’assurance maladie.

b.   Le texte issu du Sénat

Cet article a soulevé de vives inquiétudes, les sénateurs craignant qu’il conduise à contraindre les collectivités à devoir systématiquement contribuer au financement des investissements hospitaliers mais aussi, compte tenu des capacités financières très hétérogènes des collectivités, qu’il aggrave les inégalités territoriales en matière d’offre de soins.

Aussi, à l’initiative de son   rapporteur, la commission des affaires sociales a-t-elle adopté trois amendements visant à encadrer cette faculté nouvelle :

- en insistant sur le caractère volontaire de ce concours financier, qui doit uniquement soutenir les investissements relatifs aux équipements médicaux, à l’exclusion donc des investissements immobiliers qui doivent relever de l’État ;

- en prévoyant que ces contributions doivent être en cohérence avec le schéma régional de santé, afin d‘éviter tout doublon ou concurrence entre les établissements sur un territoire ;

- en précisant les objectifs que doivent par nature privilégier les collectivités selon leur niveau de proximité, quand les régions devraient par nature se concentrer sur les établissements de rayonnement régional ou national.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur considère que même si certains élus s’inquiètent de voir les territoires les plus à même de dégager des co-financements être aussi ceux qui accueilleront les équipements les plus performants, il apparait souhaitable de rétablir la rédaction initiale, encadrée par la notion de « concours volontaire » introduite au Sénat.

La commission des affaires sociales a opportunément prévu d’évaluer l’impact de cette disposition en adoptant un amendement [17] qui dispose que « dans un délai de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif de participation des collectivités territoriales au financement des programmes d’investissement des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés, prévu par le présent article ».

Proposition n° 21 : Rétablir la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissements des établissements de santé publics et privés.

ARTICLE  35 – Expérimentation de la recentralisation du RSA

a.   Le texte du projet de loi

L’article 35 propose d’expérimenter pendant cinq ans, dans des départements volontaires, la recentralisation du financement et de la gestion du revenu de solidarité active (RSA).

Lors de l’examen au Sénat, Mme Jacqueline Gourault a souligné que le dispositif était basé sur le volontariat. L'expérimentation prévoit que l'État prenne à sa charge l'instruction administrative, la décision d'attribution et le financement du RSA, tout en préservant la compétence des départements en matière d'insertion. L'expérimentation fera l'objet d'un contrat entre le président du conseil départemental et le préfet. L'effet sur les politiques d'insertion sera évalué.

Cette expérimentation aura pour conséquence de confier les compétences aujourd'hui exercées par les départements, aux caisses d'allocations familiales, agissant pour le compte de l'État.  Cette expérimentation s’inscrit dans le cadre de l’article 37-1 de la Constitution.

Pour mémoire, la recentralisation du financement et du service du RSA, ainsi que de l’orientation des bénéficiaires, est déjà intervenue en Guyane et Mayotte au 1er janvier 2019 (article 81 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019) et à La Réunion à compter du 1er janvier 2020 (article 77 de la loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019 pour 2020) en raison de leurs spécificités territoriales, sur le fondement de l’article 73 de la Constitution. Les modalités financières du dispositif de recentralisation, axées autour du principe de neutralité budgétaire de la mesure pour l’État, sont détaillées aux articles de loi de finances précitées.

Le poids du RSA dans les finances départementales constitue une préoccupation pour certains départements confrontés à une concentration d’allocataires sur leur territoire, la crise sanitaire ayant renforcé la vulnérabilité de certains départements. Selon le Ministère des affaires sociales, le nombre d’allocataires du RSA s’élève à 2,1 millions en octobre 2020, soit une augmentation de 8,5 % par rapport à octobre 2019. Selon les informations données par la Ministre Jacqueline Gourault, ce dispositif expérimental intéresserait en tout premier lieu le département de Seine-Saint-Denis et d’autres départements, avec des profils sociaux très différents, comme l'Aisne, la Somme, la Creuse, la Corrèze, la Gironde et les Landes.

b.   Le texte issu du Sénat

En commission des affaires sociales, le Sénat a voté la suppression de cet article considérant anormal qu’aucune évaluation n’ait été fournie à la représentation nationale pour dresser un premier bilan des recentralisations qui ont été menées Outre-mer. Le rapporteur a aussi souligné le renvoi à la loi de finances pour fixer les modalités financières de ce transfert rendait le dispositif proposé inabouti.

Le Gouvernement ayant fourni un rapport sur ces expérimentations Outre- mer, le Sénat a accepté de rétablir l’article 35 tel qu’il figurait dans le projet de loi.

c.   Les propositions du rapporteur

Constatant que les alinéas 1 à 7 de l’article 35 sont devenus redondants avec les dispositions de l’article 12 du projet de loi de finances, le rapporteur de la commission des affaires sociales a proposé de les supprimer, tout en amendant les dispositions relatives à l’évaluation de l’expérimentation.

Votre rapporteur salue l’initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales [18] consistant à permettre aux départements intéressés qui ne pourraient pas candidater avant le 15 janvier 2022, de présenter leur candidature entre le 16 janvier et le 1er octobre 2022 au plus tard. Pour ceux retenus dans ce cadre, l’expérimentation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023 et la durée de l’expérimentation sera ramenée à quatre ans afin qu’une évaluation commune à l’ensemble des territoires concernés puisse être menée.

ARTICLE  41 – Pouvoir d'instruction des présidents de conseils départemental et régional sur les personnels gestionnaires de collèges et lycées

a.   Le texte du projet de loi

L'article 41 vise à attribuer, à titre expérimental pour une durée de trois ans, aux présidents de conseils régional et départemental, un pouvoir d'instruction sur les personnels gestionnaires de collèges et lycées, pour les missions relevant de la compétence de la collectivité concernée.

b.   Le texte issu du Sénat

La Commission des Lois du Sénat a estimé que cet article manquait particulièrement d’ambition, tout d’abord parce qu’il s’agit d’un simple dispositif expérimental et, ensuite, parce qu’il  est subordonné à la signature d’une convention entre l’établissement scolaire et la collectivité locale de rattachement, le chef d'établissement pourrait refuser de passer cette convention, ce qui rendrait impossible l’expérimentation de ce pouvoir  d’instruction reconnu à la collectivité locale sur l'adjoint gestionnaire.

La commission des lois a donc voté la suppression de cet article, invitant la ministre à présenter un amendement plus ambitieux pour la séance publique du Sénat.

En séance, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement visant à rétablir le texte du projet de loi ou à le modifier. La suppression de l’article a donc été maintenue.

c.   Les propositions du rapporteur

Un bref rappel de l’historique des lois de décentralisation permet de constater le caractère inachevé du transfert des personnels gestionnaires des collèges et lycées.

Depuis la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la gestion des collèges et lycées revient respectivement aux départements et régions. Leurs missions fixées aux articles L. 213‑2 et L. 214‑6 du code de l'éducation, comprennent la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement.

Ce transfert s'est accompagné du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (dits « TOS »), désormais regroupés sous la dénomination « adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement » (dits « ATTEE »), dont les départements et régions assurent en conséquence le recrutement et la gestion au titre des articles L. 213-2-1 et L. 214-6-1 du code de l'éducation.

À l'inverse, les adjoints au chef d'établissement en charge de la gestion de l'établissement n'ont pas été transférés aux départements et aux régions relèvent, donc, de la fonction publique d'État.

Les départements et les régions demandent en conséquence, de longue date, le transfert de ces personnels pour plusieurs raisons :

- les départements et les régions rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont la charge au titre des compétences dont ils sont responsables, puisqu'ils n'ont pas d'autorité directe sur les personnels chargés de la mise en œuvre concrète de ces politiques ;

- la double tutelle - exercée conjointement par les exécutifs territoriaux et l'adjoint au chef d'établissement - sur les personnels ATTEE conduit les départements et les régions à être privés d'une autorité directe sur des agents qu'ils recrutent et rémunèrent. Cette situation suscite des difficultés pour la gestion quotidienne des établissements et est d'autant plus problématique que les adjoints au chef d'établissement en charge de la gestion de l'établissement n'ont pas toujours d'activité pédagogique relevant de la compétence de l'État et interviennent parfois uniquement sur le champ de compétences des collectivités mais sans être soumis à leur autorité ;

- enfin, les départements et les régions ne peuvent mener une politique de formation adaptée pour ces les adjoints gestionnaires concernés.

Votre rapporteur constate que le transfert de ces personnels aux collectivités territoriales concernées se heurte aux règles de recevabilité financière, il préconise de revenir à la version initiale du projet de loi comme le prévoit l’amendement adopté par la commission des lois [19].

5.   Les dispositions du Titre V: modalités financières et statutaires de transfert des compétences

Ce Titre à vocation transversal comprenait deux articles dans le projet de loi initial et en compte trois après l’examen au Sénat.

ARTICLE  43 bis – Exclusion des dépenses de solidarité sociale des « contrats de Cahors »

Introduit en commission des Lois, à l’initiative de MM. François Bonhomme et Franck Menonville, le présent article prévoit que les dépenses de solidarité sociale des collectivités territoriales sont exclues de tout objectif national visant à encadrer l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre. Le dispositif visé par cette amendement est la contractualisation financière avec l’État, également connue sous l’appellation « contrats de Cahors », puisque ce dispositif fut décidé à l'occasion de la deuxième Conférence nationale des territoires (CNT), délocalisée à Cahors.

Votre rapporteur considère que ce sujet n’a pas sa place dans ce texte et qu’en tout état de cause, la réflexion sur les éventuelles modalités d'encadrement des dépenses des collectivités locales relèvent d’une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Il salue donc la suppression de cet article intervenue à l’initiative des rapporteurs de la commission des Lois [20].

6.   Les dispositions du Titre VI : La déconcentration

Ce Titre comprenait cinq articles (45 à 49) dans le projet de loi initial, dix après l’examen en commission et onze dans le texte adopté par le Sénat en première lecture.

ARTICLE  46 – Renforcement du rôle du préfet dans l’attribution des aides des agences de l’eau

a.   Le texte du projet de loi

Cet article vise à renforcer le rôle du préfet coordonnateur de bassin dans le fonctionnement des agences de l'eau en systématisant l'attribution à celui-ci de la présidence du conseil d'administration et en renforçant son rôle dans l'attribution des aides versées par les agences de l'eau.

Pour mémoire, la France métropolitaine compte six agences de l'eau, établissements publics de l'État à caractère administratif, dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière, qui sont chargées d'assurer une gestion coordonnée de la ressource en eau à l'échelle du bassin. Elles ont notamment pour rôle de prélever des redevances en application de l'article L. 213‑10 du code de l'environnement, et de verser des subventions aux personnes publiques et privées, notamment pour financer des travaux d'intérêt commun à l'échelle du bassin.

Elles sont administrées par un conseil d'administration, dont la composition est prévue à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement. Ce conseil d'administration est adossé à un comité de bassin, qui assure une représentation des élus du territoire, dont les collectivités territoriales et leurs groupements, qui composent 40 % de celui-ci.

C’est le conseil d'administration qui est décisionnaire, mais il est tenu de consulter le comité de bassin, notamment sur les délibérations relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances, qui ne peuvent être arrêtés qu'après avis conforme du comité de bassin. Le comité de bassin dispose donc d'un rôle qui, bien que consultatif, lui permet de prendre part une pleine part aux décisions de l'agence.

L'article 46 du présent projet modifie l’organisation des agences de l'eau en procédant à un double renforcement du rôle du préfet de région coordonnateur de bassin au sein des agences de l'eau :

- les préfets coordonnateurs de bassin présideraient désormais systématiquement le conseil d'administration, ce qui n'est le cas que pour la moitié d'entre eux à l'heure actuelle ;

- ils présenteraient devant le conseil d'administration les priorités de l'État ainsi que la synthèse des projets de l'État et des collectivités territoriales.

b.   Le texte issu du Sénat

Le Sénat a cherché à garantir l'association des élus aux décisions des agences de l'eau et à éviter de marginaliser les comités de bassins.

C’est pourquoi la Commission des lois a adopté un amendement prévoyant que le rapport sur les priorités de l’État dans les territoires n’est pas fait devant le conseil d’administration, mais devant le comité de bassin, et qu’il est présenté non par le préfet de région mais par le préfet de département relevant du bassin.

La Commission a aussi complété l’article L. 213-9-2 du code de l’environnement afin de prévoir une obligation d’information des collectivités territoriales et de leurs groupements, de la part de l’agence de l’eau, sur les subventions que celle-ci leur verse.  

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur souhaite ne pas alourdir le fonctionnement des instances de l’agence de l’eau. Aussi est-il préférable, comme l’ont proposé les rapporteurs pour avis de la commission du développement durable ainsi que les rapporteurs de la commission des lois [21], que le préfet coordonnateur de bassin présente la synthèse des contributions des préfets de département, plutôt que de faire venir chacun d’entre eux pour présenter les éléments relatifs à son département.

Les priorités de l’État sont d’ores et déjà communiquées au comité de bassin par un courrier de cadrage communiqué en amont de la préparation de chaque programme d’intervention et de révision de ces programmes. Il n’est donc pas nécessaire de les faire représenter par un autre moyen. Un niveau de synthèse à l’échelle du bassin est par ailleurs essentiel afin d’intégrer les enjeux de solidarité amont-aval du bassin.

S’agissant des projets de l’État et des collectivités territoriales, ils n’ont pas lieu d’être individuellement présentés au comité de bassin, instance d’orientation stratégique sur le bassin, mais bien, comme le prévoyait la rédaction initiale du projet de loi, au conseil d’administration de l’agence de l’eau, instance décisionnelle en matière d’attribution d’aides.

S’agissant de la notification des échéanciers de versement des aides ajoutée par le Sénat, les bonnes pratiques en matière de gestion des agences de l’eau et leur respect des procédures sous le contrôle des services du ministère en charge du budget garantissent la régularité de l’attribution des aides. Cette disposition apparaît à la fois superfétatoire et ne relevant pas du domaine législatif.

ARTICLE  46 bis – Possibilité pour les collectivités territoriales de déroger, dans leurs domaines de compétences, aux règles fixées par les décrets lorsque le législateur a attribué au pouvoir réglementaire national l’édiction des normes d’application

Introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de ses rapporteurs, le présent article vise à permettre aux collectivités territoriales de déroger, dans leurs domaines de compétences, aux règles fixées par les décrets lorsque le législateur a attribué au pouvoir réglementaire national l’édiction des normes d’application. Le rôle des préfets serait également renforcé, puisqu’ils seraient chargés d’autoriser ces dérogations.

En séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de cet article, soulignant les risques juridiques d’une telle disposition, qui a été rejeté. D’une part, en effet, l’article 72 de la Constitution confie au représentant de l’État dans les collectivités territoriales la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois, et de ce fait le préfet ne pourrait contrôler et déroger dans le même temps. D’autre part, l'article 21 de la Constitution confie au seul Premier ministre le pouvoir règlementaire, faisant de lui la seule autorité à pouvoir ajuster ce pouvoir en autorisant une dérogation – comme dans le décret relatif au pouvoir de dérogation des préfets [22].

En accord avec la position du Gouvernement, votre rapporteur rappelle que les dérogations à des normes réglementaires nationales par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales ne sont aujourd’hui possibles que dans le cadre des expérimentations prévues au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, dont les conditions de mise en œuvre ont été assouplies par la loi organique du 19 avril 2021 [23] dont la DCTD s’était saisie pour avis [24].

ARTICLE  46 quinquies – Principe selon lequel toute décision prise au niveau territorial relève prioritairement du préfet de département

Introduit en commission des Lois, à l’initiative de ses rapporteurs, le présent article prévoit que toute décision de l’État territorial soit prise par défaut au niveau du préfet de département.

Les règles de répartition entre l’échelon régional et l’échelon départemental des administrations de l’État sont fixées par les articles 5 et 6 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration. Dans la région, le préfet de région anime et coordonne les politiques de L’État, programme et répartit ses crédits, impulse la modernisation des services et définit le cadre stratégique en matière de politique immobilière. Il est en outre responsable de la mise en œuvre des politiques publiques de l’État en matière d'emploi, d'innovation, de recherche, de culture, de statistiques publiques, de développement économique et social, et d'aménagement durable du territoire. Dans tous les autres domaines, l’échelon départemental est celui de la mise en œuvre des politiques publiques sous la conduite du préfet de département.

Votre rapporteur considère que l’échelon régional demeure le plus pertinent pour la mise en œuvre de certaines politiques publiques et que cette généralisation risquerait de complexifier plus que de faciliter leur mise en œuvre. Il propose en conséquence de supprimer cette disposition qui relève en outre du pouvoir réglementaire.

Proposition n° 22 : Supprimer l’article 46 quinquies qui prévoit que toute décision de l’État territorial soit prise par défaut au niveau du préfet de département.

7.   Les dispositions du Titre VII: La simplification de l’action publique locale

Ce Titre comprend huit chapitres portant sur des sujets très disparates.

Il comportait vingt-cinq articles dans sa version initiale, quarante-sept à la suite de l’examen en commission et soixante-et-un dans le texte adopté par le Sénat.

ARTICLE  50 – Partages de données entre administrations

a.   Le texte du projet de loi

Cet article prévoit de modifier les règles applicables au partage de données entre administrations afin de rendre plus effectif le principe « dites-le nous une fois ».

Il tend ainsi à ériger le partage de données en principe et non plus en exception permise par décret, comme c'est le cas en l'état actuel du droit. Il vise également à permettre le partage de données afin d'informer un usager de l'existence de droits dont il ne se prévaut pas.

b.   Le texte issu du Sénat

Lors de son examen par le Sénat, cet article a été profondément modifié.

La commission des lois a tenu à protéger les plus petits d'entre elles (Les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales de moins de dix mille habitants) en les dispensant de la transmission de données dans le cadre des échanges prévus par l'article.

Elle a également souhaité que le maire puisse bénéficier de ces échanges afin de remplir certaines des missions qui lui sont confiées en tant qu'autorité déconcentrée de l'État :

« Le maire bénéficie des échanges d’informations ou de données prévu au I lorsque, en vertu d’une obligation légale ou réglementaire, il est tenu de transmettre à une autre administration des données ou des informations qu’il ne détient pas ou que ne détient pas la commune. Les échanges sont strictement limités à ce qui est nécessaire pour remplir cette obligation. »

En séance, le Gouvernement a déposé un amendement qui a été rejeté.

Pour le Gouvernement, la mise en œuvre de ce dispositif d’échange de données pour cette nouvelle finalité est strictement encadrée par l’article 50. En effet, le Conseil d’Etat et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ont attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller au strict respect des finalités du dispositif et de ses limites, afin d’assurer le respect du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD).

Ainsi, le partage de données entre administration ne peut être exercé qu’à la demande de l’usager, ou de manière proactive toujours dans le seul intérêt de l’usager, et en lui permettant de s’opposer à la poursuite du traitement à chaque fois. Il ne peut donc être envisagé de prévoir un partage de données dans une autre finalité.

Par ailleurs, l'article L. 114-10 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) prévoit déjà qu'échappent au dispositif d’échange de données toutes les administrations qui se trouvent dans « l'impossibilité technique » d'échanger. Ainsi, toutes les communes qui se trouvent dans cette situation, quelle que soit leur taille, en sont exemptées.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement présenté par Mme Schalck qui entend répondre à un besoin des maires en permettant aux communes de disposer d’un registre à jour des personnes domiciliées sur ledit territoire, la gestion du recensement par l’INSEE ne leur permettant pas de disposer d’informations actualisées pour gérer au mieux leurs services. La Ministre a indiqué que la CNIL censurerait une telle proposition, car de tels traitements ne peuvent être réalisés que pour une finalité très précise et ne doivent pas servir de prétexte à la constitution d'un fichier de population.

c.   Les propositions du rapporteur

Votre rapporteur considère que les amendements restrictifs adoptés par le Sénat contreviennent à l’esprit de ce texte qui est de faciliter l’accès aux droits pour les citoyens et accessoirement de faciliter également la fluidité des échanges numériques pour les collectivités. L’éventuel surcoût lié à la mise à jour des logiciels afin qu’ils intègrent ces facultés pourrait être évité par la négociation avec les éditeurs, menée par les services de l’Etat. Le seuil à 10 000 habitants doit être supprimé car il a pour effet d’exclure du dispositif d’échanges plus de 97 % des communes françaises et environ la moitié de la population, c’est l’objet d’un amendement des rapporteurs de la commission des lois [25].

ARTICLE ADDITIONNEL après l’article 53 bis – création d’une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve

Votre rapporteur propose un article additionnel créant une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve.

La nature procyclique tant des recettes que des dépenses des Départements constitue une réalité. Parallèlement, la dernière réforme fiscale (transfert de leur part de taxe sur le foncier bâti aux communes) les prive de tout levier fiscal. Face aux incertitudes qui président à leur situation financière, les Départements doivent pouvoir se doter de tous les moyens prudentiels qui leur permettront de faire face à leurs engagements, plus particulièrement en matière d’investissements pluriannuels.

Ainsi, en l’absence d’une refonte d’ensemble de la fiscalité locale, l’autonomie financière des Départements pourrait être facilitée par la possibilité de constituer une mise en réserve budgétaire à partir de l’excédent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Il est nécessaire de modifier la réglementation comptable des Départements en permettant la constitution de réserves ou de provisions budgétaires les années de « vaches grasses » pour faire face aux années de « vaches maigres », afin qu’ils puissent lisser leur produit disponible en provisionnant les surplus et en ponctionnant leur provision lorsque cela s’avère nécessaire pour faire face à leurs engagements.

À législation constante, aucun mécanisme au niveau du Département (provisions pour risques ou report d’excédents) ne répond à l’enjeu soulevé. La proposition consiste à étendre au niveau individuel le dispositif déjà existant, qui participe du même esprit, de mise en réserve par le Comité des Finances Locales pour gérer la répartition du fonds globalisé des DMTO. Les fonds resteraient disponibles sur le compte de la Banque de France et des conditions à la mise en réserve de l’excédent des DMTO pourraient être posées.

En résumé, cet amendement propose la création d’une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve.

Proposition n° 23 : Créer une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve.

ARTICLE  73 bis – Statut des élus locaux siégeant au sein des organes des filiales d'entreprises publiques locales

Introduit par la commission des lois du Sénat à l'initiative de ses rapporteurs, l'article 73 bis a pour objet de fixer le statut des élus locaux qui, représentant une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités au conseil d'administration ou de surveillance d'une entreprise publique locale, siègent également au sein des organes d'une de ses filiales.

Aujourd’hui, les SEM (ou, le cas échéant, les SPL) sont représentées à l’assemblée des associés ou actionnaires de leurs filiales par leur représentant légal, à savoir le directeur général ou l'un de ses délégués (ou, dans le cas des sociétés dualistes, le président du directoire ou le directeur général unique). Même lorsqu’il s’agit d’un élu local, il n’agit pas à ce titre au sein de l’assemblée.

Quant aux dirigeants de la filiale, ils sont désignés selon les modalités de droit commun prévues par la loi ou les statuts, en fonction de la catégorie à laquelle appartient la société concernée. S’il s’agit par exemple d’une société anonyme de type moniste, les membres du conseil d’administration sont désignés par l’assemblée générale des actionnaires. Même s’ils exercent par ailleurs les fonctions d’élu local, les mandataires sociaux ainsi désignés sont soumis aux règles de droit commun, et non pas au statut propre aux représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements au conseil d’administration ou de surveillance de la SEM mère.

Cette situation n’est pas satisfaisante, car elle prive les élus et les collectivités elles-mêmes des garanties spécifiques prévues par ce statut.

En réponse, cet article prévoit que, sauf clause contraire de leurs statuts, les SEM soient représentées à l'assemblée des associés ou actionnaires de leurs filiales par l'un des élus locaux qui siègent au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance. Cette disposition déroge au droit commun des sociétés anonymes, même s'il arrive déjà, en pratique, qu'un élu exerce les fonctions de président-directeur général d'une SEM (comme la loi l'autorise) et représente donc celle-ci légalement. Le caractère supplétif de volonté de la nouvelle règle permet de conserver la souplesse nécessaire.

Votre rapporteur est favorable à cette disposition.

ARTICLE  73 ter – Règles relatives aux conflits d'intérêts applicables aux élus locaux qui représentent une collectivité territoriale ou un groupement au sein d'organismes extérieurs

Introduit par la commission des lois à l'initiative de ses rapporteurs, l'article 73 ter a pour objet de clarifier les conditions d'application aux élus locaux qui représentent une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales au sein des organes d'une entreprise publique locale, d'un établissement public local ou de certaines catégories d'associations ou de groupements d'intérêt public prévues par la loi, des règles relatives aux conflits d'intérêts et au délit de prise illégale d'intérêt. Il entend répondre à une préoccupation mise en avant par de nombreux élus.

Dans son Guide déontologique publié en février 2021, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) recommande aux élus locaux de se déporter dans le cas où, en tant que membres d'une assemblée délibérante ou en tant qu'exécutif, ils auraient à prendre ou à participer à la prise d'une décision relative aux sociétés d'économie mixte (SEM) et aux sociétés publiques (SPL) au sein desquelles ils représentent leur collectivité. La Haute Autorité considère en effet qu'une telle situation est constitutive d'un conflit d'intérêts, au sens de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, et d'une prise illégale d'intérêt au sens de l'article 432-12 du code pénal.

En séance, le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui procède à une réécriture des dispositions de l’article 73 ter adopté par la commission des lois du Sénat, afin de le préciser. Il a pour objectif de créer un cadre juridique sécurisé pour les élus locaux représentant leurs collectivités territoriales ou leurs groupements de collectivités territoriales au sein d’organismes extérieurs, lorsque la loi prévoit une telle participation.

Il s’applique ainsi à toutes les personnes morales de droit public ou de droit privé au sein desquelles la loi prévoit que des élus locaux agissent en qualité de mandataires de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements de collectivités territoriales.

Il couvre ainsi, notamment, les établissements publics locaux que sont les régies dotées de l’autonomie financière et de la personnalité morale (article L. 2221‑10 du CGCT), les associations ou groupements d’intérêt public que sont les missions locales (article L. 5314-1 du code du travail) ou les maisons de l’emploi (article L. 5313-2 du code du travail), les établissements publics locaux à caractère industriel et commercial que sont les offices publics de l’habitat (article L. 421-6 du code de la construction et de l'habitation), ou plus généralement toutes les structures de droit public ou de droit privé pour lesquelles la loi prévoit une participation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales.

Dans ces cas de figure, l’article prévoit que les élus locaux ne sont pas considérés comme intéressés à l’affaire, ni au sens du CGCT qui prévoit la nullité des délibérations auxquelles ils auraient pu prendre part, ni au sens de la loi relative à la transparence de la vie publique qui prévoit une obligation de déport, ni au sens du code pénal qui prévoit une possibilité de délit de prise illégale d’intérêt.

Les dispositions précisent toutefois les cas de figure dans lesquels les élus locaux seront en revanche amenés à se déporter, pour éviter tout risque de conflit d’intérêt : ils ne peuvent participer aux commissions d'appel d'offres ou aux commissions de délégations de service public lorsque la personne morale est candidate, ni aux délibérations attribuant un prêt, une subvention ou une aide de la collectivité ou du groupement à la personne morale ou portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de cette personne morale.

L’article prévoit également une clause de réciprocité, permettant, par symétrie, que les élus locaux agissant comme mandataires de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements dans le cadre d’organismes extérieurs ne soient pas non plus considérés comme intéressés à l’affaire lorsqu’ils sont amenés à délibérer dans le cadre de ces organismes au sujet de leurs collectivités ou de leurs groupements.

Cet article opère enfin les coordinations nécessaires au sein de l’article L. 1524-5 du CGCT relatif aux sociétés d’économie mixte locale (SEML), afin d’aligner les termes des deux articles et d’éviter toute interprétation a contrario. Il clarifie, en les renforçant, les dispositions actuelles du CGCT qui permettent à un élu local représentant la collectivité ou le groupement actionnaire au conseil d’administration ou de surveillance d’une entreprise publique locale (EPL) de participer aux délibérations de l’assemblée délibérante lorsque celle-ci statue sur ses relations avec l’EPL. Ces élus ne peuvent d’ores et déjà pas participer aux commissions d'appel d'offres ou aux commissions d'attribution de délégations de service public de la collectivité territoriale ou du groupement, lorsque la SEML est candidate. Il y a lieu de préciser qu’ils ne peuvent pas non plus participer aux délibérations accordant une aide économique à la SEML, pas plus qu’aux délibérations les désignant ou leur assurant une rémunération. Par ailleurs, les élus locaux siégeant au conseil d’administration ou de surveillance de la société ne sauraient être exposés au même risque de conflit d’intérêt, par souci de réciprocité.

Les auditions des associations d’élus et de la fédération des EPL ont permis d’affiner les problématiques et d’y répondre de la manière la plus efficace possible sans pour autant céder en rien sur la nécessaire prévention des conflits d’intérêts.

Votre rapporteur propose trois amendements tendant à améliorer le dispositif proposé :

Le premier amendement a pour objet d’étendre le régime introduit par le Sénat à tous les organismes sans en limiter la portée à ceux pour lesquels la loi prévoit explicitement que la collectivité soit représentée et d’exclure du champ de la protection les élus qui détiendraient au sein de la personne morale un intérêt distinct de l’intérêt de la collectivité locale qu’ils représentent. Il élargit ainsi le périmètre d’application à l’ensemble des organismes et cible les cas où l’intérêt public porté par la collectivité pourrait être parasité par l’intérêt privé de l’élu.

Proposition n° 24 : Etendre le régime introduit par le Sénat à tous les organismes sans en limiter la portée à ceux pour lesquels la loi prévoit explicitement que la collectivité soit représentée et d’exclure du champ de la protection les élus qui détiendraient au sein de la personne morale un intérêt distinct de l’intérêt de la collectivité locale qu’ils représentent.

Le second amendement vise à distinguer entre les élus qui ont un pouvoir d’influence caractérisé car ils siègent au sein de l’exécutif de l’organisme extérieur, dans ce cas la prévention du conflit d’intérêt doit être exigeante, des élus qui n’ont pas de fonction exécutive, il n’y aurait dans ce cas pas d’obligation de déport. Dans le cas d’un élu exerçant des fonctions exécutives, l’obligation de déport ne s’appliquera qu’aux votes attribuant un prêt ou une subvention et non à une aide qui est un terme trop imprécis.

Proposition n° 25 : Distinguer, en matière de prévention du conflit d’intérêt, entre les élus qui ont un pouvoir d’influence caractérisé car ils siègent au sein de l’exécutif de l’organisme extérieur de ceux qui n’ont pas de fonction exécutive.

Enfin, le troisième amendement précise que la légitime prévention des conflits d’intérêts ne justifie pas que les élus ne puissent pas participer aux délibérations portant sur leur désignation et risquer ainsi que le quorum ne soit pas atteint.

Proposition n° 26 : Permettre aux élus de participer aux délibérations, mais pas aux votes, portant sur leur désignation.

ARTICLE  73 quater – Habilitation des sociétés publiques locales à exercer des activités accessoires

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement de M. Patrick Chaize, sous-amendé par les rapporteurs, l'article 73 quater a pour objet d'autoriser les sociétés publiques locales (SPL) à exercer des activités accessoires, en plus de celles qu'elles exercent pour le compte de leurs actionnaires.

Les SPL ont aujourd'hui l'obligation légale d'exercer l'intégralité de leurs activités pour le compte des collectivités et groupements qui en sont actionnaires. Selon ce nouvel article, il suffirait pourtant, pour que ces derniers puissent continuer à conclure avec elles des marchés publics ou des contrats de concession sans publicité ni mise en concurrence préalable, en bénéficiant de l'exception de quasi-régie prévue par le droit européen et le droit national, que les SPL réalisent plus de 80 % de leur activité « dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ou par d'autres personnes morales contrôlées par les mêmes pouvoirs adjudicateurs ».

Les SPL auraient désormais l'obligation d'exercer, non plus la totalité, mais seulement plus de 80 % de leurs activités pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres, ce pourcentage d'activités étant déterminé selon les mêmes modalités que pour l'appréciation des conditions de l'exception de quasi-régie en matière de contrats de concession.

En séance publique, le Sénat a rejeté un amendement de suppression présenté par M. Mohamed Soilihi, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement. Selon son auteur, la réglementation européenne permet déjà la réalisation de 20 % d’activités accessoires sans remise en cause la relation de « in house ».

Toutefois, les modalités de calcul du seuil de 80 % sont incertaines, notamment en ce qu’elles peuvent viser le chiffre d’affaire ou les coûts supportés, et pourraient donc donner lieu à interprétation devant le juge. La rédaction proposée en faisant référence à une « estimation réaliste » ne permet pas d’éviter cet écueil. Or, la remise en cause de la relation de quasi régie par l’absence de l’un des critères prévus est assortie de lourdes conséquences sur le plan juridique : remise en cause des contrats passés et risque pénal pour les dirigeants.

Votre rapporteur rappelle qu’il existe une différence entre les règles européennes en matière de « in house » ou quasi régie et les règles nationales figurant à l’article L. 1531‑1 du code général des collectivités territoriales, lesquelles exigent que les SPL « exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres ». Pour des raisons de sécurité juridique, notamment pour les élus concernés, votre rapporteur considère qu’il est nécessaire de maintenir la règle selon laquelle l’activité des SPL doit être réalisée dans son intégralité au profit des collectivités et groupements actionnaires. Cette préoccupation a été satisfaite par l’amendement de suppression de l’article, déposé par les rapporteures de la commission des Lois [26].

ARTICLE  74 quater A – Modalités de remplacement des membres du CNEN

Cet article résulte de l’adoption en Séance de cinq amendements identiques malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Il vise à poser le cadre juridique encadrant le remplacement, en cours de mandat, des membres du CNEN, y compris des membres représentant l’État. Il s’inscrit dans la continuité de la position du Sénat visant à laisser davantage de marges de manœuvre aux associations nationales d’élus dans la nomination de leurs représentants au sein des instances consultatives, comme en témoigne les amendements adoptés dans le cadre de la loi « Engagement et Proximité ».

Cette modification législative est principalement justifiée par la nécessité d’ouvrir la possibilité d’une désignation des membres représentant les collectivités territoriales en cours de mandat, ce mode de nomination étant déjà prévu pour les représentants de l’État et du Parlement.

La rédaction adoptée qui prévoit que la « vacance définitive d’un siège est constatée par l’association nationale d’élus locaux représentative du collège concerné ou par l’administration de rattachement » semble juridiquement baroque.

Votre rapporteur propose de clarifier cette rédaction en précisant que la vacance est constatée par le CNEN.

Proposition n° 27 : Préciser que les vacances définitives sont constatées par le CNEN et non par l’association nationale d’élus locaux représentative du collège concerné ou par l’administration de rattachement.


—  1  —

 

 

   liste des amendements proposÉs

 

Proposition n° 1 à l’article 1er : Mettre plus clairement en exergue l’idée que les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situation.

Proposition n° 2 à l’article 1er ter : Supprimer l’article 1er ter qui a pour objet de permettre aux départements frontaliers de mettre en œuvre ou de soutenir toute action présentant un intérêt pour leur territoire dans le cadre de la coopération transfrontalière et dans le respect des engagements internationaux de la France.

Proposition n° 3 portant article additionnel avant l’article 2 : Affirmer un principe de portée générale selon lequel les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir reglementaire  pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues par la loi.

Proposition n° 4 à l’article 3 : Supprimer les alinéas l0 à 14 de l’article 3 qui permettent aux départements d’attribuer des aides aux entreprises.

Proposition n° 5 à l’article 3 bis A : Supprimer l’article 3 bis A qui ouvre aux communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération la faculté de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme.

Proposition n° 6 : Supprimer l’article 4 bis C qui vise à renforcer les prérogatives des communes qui souhaitent procéder à une scission de l’intercommunalité dont elles sont membres.

Proposition n° 7 à l’article 4 bis D : Supprimer l’article 4 bis D qui crée, pour les communautés d'agglomération, un seuil de population de 30 000 habitants dérogatoire à celui de 50 000 habitants fixé à l'article L. 5216 -1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), afin de faciliter le retrait d'une commune.

Proposition n° 8 à l’article 4 bis : Supprimer l’article 4 bis qui a pour objet de permettre un transfert « à la carte » de compétences supplémentaires à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre par ses communs membres.

 

Proposition n° 9 à l’article 4 ter : Supprimer l’article 4 ter qui instaure le critère de l'intérêt communautaire ou métropolitain pour la détermination des compétences transférées aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans divers domaines.

Proposition n° 10 à l’article 5 bis : Supprimer l’article 5 bis qui prévoit la suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » aux communautés de communes et d'agglomération ainsi que, pour ces dernières, la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines ».

Proposition n° 11 à l’article 5 quinquies : Supprimer l’article 5 quinquies qui vise à ce que le produit de la taxe dite GEMAPI, qui peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, puisse également être affectée à des actions de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou de lutte contre l'érosion des sols, dès lors qu'elles concourent aux finalités propres à la GEMAPI.

Proposition n° 12 à l’article 12 : Supprimer l’alinéa 10 de l’article 12 qui prévoit que le montant du financement délégué à la région ne peut être inférieur au cinquième du montant total des crédits et subventions en matière de transition énergétique et d’économie circulaire gérés par l’agence.

Proposition n° 13 à l’article 13 : Proposer une nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article 13 qui prévoit la consultation du conseil régional à l’occasion de la désignation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres et supprime la consultation des départements qui ne se justifie pas dès lors qu’ils ne détiennent pas de compétence en matière de désignation ou de gestion des sites et que cette consultation alourdirait la procédure.

Proposition n° 14 à l’article 13 bis : Supprimer l’article 13 bis qui vise à instaurer une dérogation à la règle de la participation minimale du maître d'ouvrage au financement de certains projets s'agissant des opérations de restauration de la biodiversité.

Proposition n° 15 à l’article 15 : Prévoir pour les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d’une zone A, B ou C d’un plan d’exposition au bruit approuvé en application de l’article L. 112‑6 du code de l’urbanisme ou d’une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l’environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d’habitation résultant de l’application du règlement d’un plan de prévention des risques technologiques ou d’un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code, ou d’un plan de prévention des risques miniers défini à l’article L. 174-5 du code minier, ou des dispositions de l’article L. 121-22-4 du code de l’urbanisme applicables aux zones définies au 1° de l’article L. 121-22-2 du même code ou des dispositions de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, que les obligations prévues à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation sont appliquées de manière dégressive en minorant le taux applicable d’une fraction égale à la proportion de territoire frappé d’inconstructibilité.

Proposition n° 16 à l’article 15 : Prévoir pour les communes auxquelles le présent article est applicable et dont le territoire urbanisé est soumis, pour une part comprise entre 20 % et 50 % de sa superficie, aux inconstructibilités mentionnées au III bis, que le taux applicable est minoré d’une fraction égale à la proportion de territoire frappé d’inconstructibilité.

Proposition n° 17 à l’article 15 : supprimer la modification du calcul des résidences principales introduite au Sénat qui exclue de ces dernières les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale.

Proposition n° 18 à l’article 20 : Rétablir la disposition selon laquelle la commission nationale SRU est présidée par une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du logement.

Proposition n° 19 à l’article 30 bis A : Supprimer l’article 30 bis A qui comporte deux dispositions pour empêcher le transfert de la compétence du plan local d’urbanisme (PLU).

Proposition n° 20 à l’article 30 bis B : Supprimer l’article 30 bis B qui créée un droit de veto des communes lorsque l’établissement public de coopération intercommunale souhaite diminuer leurs droits à construire.

Proposition n° 21 à l’article 32 : Rétablir la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissements des établissements de santé publics et privés.

Proposition n° 22 à l’article 46 quinquies : Supprimer l’article 46 quinquies qui prévoit que toute décision de l’État territorial soit prise par défaut au niveau du préfet de département.

Proposition n° 23 (Article additionnel après l’article 53 bis) : Créer une nouvelle imputation comptable permettant, de façon facultative, qu’un excédent provenant de recettes de DMTO constaté lors du compte administratif d’un Département puisse être mis en réserve.

Proposition n° 24 à l’article 73 ter : Etendre le régime introduit par le Sénat à tous les organismes sans en limiter la portée à ceux pour lesquels la loi prévoit explicitement que la collectivité soit représentée et d’exclure du champ de la protection les élus qui détiendraient au sein de la personne morale un intérêt distinct de l’intérêt de la collectivité locale qu’ils représentent.

Proposition n° 25 à l’article 73 ter : Distinguer, en matière de prévention du conflit d’intérêt, entre les élus qui ont un pouvoir d’influence caractérisé car ils siègent au sein de l’exécutif de l’organisme extérieur de ceux qui n’ont pas de fonction exécutive.

Proposition n° 26 à l’article 73 ter : Permettre aux élus de participer aux délibérations, mais pas aux votes, portant sur leur désignation.

Proposition n° 27 à l’article 74 quater A: Préciser que les vacances définitives sont constatées par le CNEN et non par l’association nationale d’élus locaux représentative du collège concerné ou par l’administration de rattachement.

 


—  1  —

 

  LISTE DES groupes de travail

 

-         M. Christophe Jerretie

-         Mme Patricia Lemoine

-         M. Arnaud Viala

-         Mme Laurence Gayte

-         Mme Isabelle Valentin

-         M. Thibault Bazin

-         Mme Catherine Kamowski

-         Mme Laurianne Rossi

-         Mme Monique Limon

-         M. Didier Martin

-         Mme Valérie Petit

-         Mme Bénédicte Taurine

 

 


—  1  —

 

   TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 30 novembre 2021, sous la présidence de M. Jean‑René Cazeneuve, président, la Délégation a examiné le présent rapport d’information (M. Jean René Cazeneuve, rapporteur).

 

Cette réunion ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/ETGRhS

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 

 

————

 

 


([1]) Commission des Affaires économiques : Articles 15 à 30 quater, à l’exception des articles 27 à 27 quater et 29) et articles 63, 63 bis, 68, 68 bis et 84 ; M. Michael Nogal, rapporteur.

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire : 9 à 9 quinquies, 13, 13 bis, 13 ter, 13 quater, 61, 62 ; Mme Laurianne Rossi, rapporteure et M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur.

Commission des Affaires sociales : Articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 ; M. Didier Martin, rapporteur.

([2]) Mission « flash » sur le pouvoir réglementaire local, Mmes Monica MICHEL et Patricia LEMOINE, rapporteures, décembre 2020, qui comporte 17 propositions pour conforter le pouvoir réglementaire local.

  Mission « flash » sur la contractualisation, Mmes Stella DUPONT et Bénédicte TAURINE, rapporteures, décembre 2020, qui comporte 13 propositions pour une nouvelle étape de la contractualisation.

([3]) Voir la composition des groupes de travail en annexe page 67.

([4]) Sénat, Compte rendu analytique officiel du 7 juillet 2021.

([5]) Mission flash "Expérimentation et différenciation territoriale", MM. Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala, rapporteurs, mai 2018, qui comporte cinq propositions, de nature constitutionnelle ou organique, visant à faciliter le recours à l'expérimentation locale et encourager la différenciation territoriale, pour une meilleure prise en compte des spécificités des territoires.

Mission « flash » sur le pouvoir réglementaire local, Mmes Monica Michel et Patricia Lemoine, rapporteures, décembre 2020, qui comporte 17 propositions pour conforter le pouvoir réglementaire local.

([6]) Communication de la Mission flash précitée, page 5.

([7]) Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales - Enjeux et perspectives, Bruno ACAR (IGA) - Noémie ANGEL (IGA), 30 juin 2021.

([8]) Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.

([9]) Rapport n° 4721, tome 1 « Synthèse et commentaires d’articles » de M. Bruno Questel, Mme Élodie Jacquier-Laforge et Mme Maina Sage, rapporteurs.

([10]) Voir la proposition n°14 de la mission flash sur le pouvoir réglementaire local.

([11]) Loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

([12]) Proposition n° 14 de la mission flash sur l’investissement des collectivités territoriales : Abaisser à 20 % la participation minimale des communes de moins de 5 000 habitants pour leurs investissements qui interviennent dans un domaine de compétence à chef de file prévues à l’article L. 1111-9 du CGCT. M. Rémy Rebeyrotte et Mme Christine Pires Beaune, rapporteurs ; 20 mars 2019.

([13]) Proposition n° 6 de la contribution du Groupe de travail sur le rôle et les moyens d’action dont disposent les Collectivités locales en faveur de la relance de l’activité, Mme Yolaine de Courson et MM. Stéphane Baudu et Didier Martin, rapporteurs, 28 juillet 2020.

([14]) Amendement CL1433 présenté par M. Nogal, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques.

([15]) Voir l’amendement CL1435 présenté par M. Nogal, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques.

([16]) Amendement CL795 présenté par M. Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales.

([17]) Amendement CL806 présenté par M. Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales et M. Touraine.

([18]) Amendement CL1173 présenté par M. Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales.

([19]) Amendement CL1385 présenté par M. Rebeyrotte et plusieurs de ses collègues.

([20]) Amendement CL1050 présenté par M. Questel, rapporteur et Mme Jacquier-Laforge, rapporteure.

([21]) Amendements n° CL763 présenté par M. Leclabart, rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et Mme Rossi et amendement n° CL1088 présenté par Mme Jacquier-Laforge, rapporteure et M. Questel, rapporteur.

([22]) Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet.

([23]) Loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

([24]) Rapport d'information N° 3943 de Mme Monica Michel sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution (n° 3523).

([25]) Amendement n° CL1514 présenté par Mme Jacquier-Laforge, rapporteure, M. Questel, rapporteur et Mme Sage, rapporteure.

([26]) Amendement n° CL1525 présentée par Mme Jacquier-Laforge, rapporteure et Mme Sage, rapporteure.