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N° 4753

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 1458 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

 

 

sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information
relative aux crypto-actifs

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Éric WOERTH, rapporteur

 

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Le cadre lÉgislatif mis en place en 2019 reprend plusieurs propositions de la mission d’information

A. La finalisation du cadre juridique dÉdiÉ À l’utilisation des technologies blockchain en matiÈre financiÈre

B. La dÉfinition juridique des CRYPTO-ACTIFS

1. La définition des actifs numériques

2. La définition des services sur actifs numériques

C. L’encadrement des Émissions de jetons numÉriques

1. L’encadrement des émissions de jetons assimilables à des titres financiers

2. L’encadrement des émissions de jetons de service

a. La précision des obligations imposées aux prestataires de services sur actifs numériques

b. L’avertissement des souscripteurs potentiels

c. L’application rétroactive des visas de l’AMF

d. L’instauration d’un délai maximum d’instruction des dossiers

e. L’instauration d’une étude technique ou scientifique

3. Un bilan contrasté

D. L’encadrement des prestataires de services sur actifs numÉriques

1. Un visa différencié par type d’activité

2. Les services de self-custody

3. Une mise en œuvre inachevée

E. L’accÈs des acteurs du secteur des actifs numÉriques aux services bancaires

F. La clarification du cadre fiscal relatif aux actifs numÉriques

1. La fiscalité des personnes physiques

a. L’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre occasionnel

b. L’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre habituel

c. Les jetons non fongibles

2. La fiscalité des personnes morales

a. Les opérations d’échange entre actifs numériques

b. La date d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée

c. Les attributions de jetons gratuites

d. Le statut des jeunes entreprises innovantes

3. La fiscalité des activités de minage

G. L’avenir de l’Économie et de la sociÉtÉ françaises grÂce aux technologies blockchain et aux crypto-actifs

1. La nécessité de former les Français aux technologies blockchain

2. Rassembler les professionnels du secteur des actifs numériques

3. Ériger la blockchain en filière prioritaire

II. DE nouveaux enjeux rÉglementaires Face aux Évolutions rapides du secteur des actifs numÉriques

A. Le marchÉ des actifs numÉriques confrontÉ À de nouveaux dÉfis

1. Le développement des stablecoins

a. Un potentiel d’innovation considérable

b. Des risques potentiellement systémiques

2. La monnaie numérique de banque centrale

B. Le besoin d’une nouvelle rÉglementation qui encadre les actifs numÉriques sans freiner les innovations

1. La nécessité de réguler les stablecoins au niveau européen

2. Éviter l’excès de régulation pour sauvegarder la compétitivité de l’Europe sur le marché des actifs numériques

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   INTRODUCTION

Depuis la publication du rapport de la mission d’information relative aux monnaies virtuelles, le 30 janvier 2019, le marché des crypto-actifs n’a cessé de se développer. En mai 2021, la capitalisation des actifs numériques – c’est-à-dire des actifs dont l’existence se matérialise par leur enregistrement sur une blockchain ([1]) – a atteint 2 500 milliards de dollars ([2]), un niveau record plus de trois fois supérieur au pic de 800 milliards de dollars observé en janvier 2018. Malgré la forte volatilité des cours, il n’aura fallu attendre que quelques mois pour que ce record soit dépassé, avec une capitalisation totale de 3 000 milliards de dollars en novembre 2021.

Capitalisation totale des actifs numÉriques

Source : coinmarketcap.com (consulté le 9 novembre 2021).

Le développement des actifs numériques va de pair avec leur diversification croissante. Si les crypto-actifs de première génération, au premier rang desquels le bitcoin, dominent encore largement le marché, ils cohabitent de plus en plus avec d’autres familles d’actifs dont les caractéristiques, les usages, les objectifs, les modes d’émission, les possibilités d’échange ou encore les droits associés diffèrent.

Il y a deux ans, la mission d’information créée par la commission des finances, rapportée par M. Pierre Person et présidée par M. Éric Woerth, avait été conduite à travailler sur trois types d’actifs numériques :

– les jetons de protocole (currency tokens) : des crypto-actifs qui ont principalement vocation à être utilisés à des fins de paiement, mais qui à ce stade servent souvent à des fins spéculatives ;

– des jetons de service (utility tokens) : des actifs numériques qui confèrent un statut ou un droit d’utilisation à leur propriétaire et lui octroient un accès privilégié à un bien ou un service ;

– les security tokens : des crypto-actifs qui donnent droit à une rémunération et qui sont assimilables à des titres financiers inscrits sur une blockchain.

Depuis deux ans, d’autres actifs se sont développés et connaissent un succès croissant. Il s’agit en premier lieu des actifs numériques stables (stablecoins), qui sont conçus pour que la volatilité de leur cours par rapport à une monnaie légale ou un autre actif de référence soit la plus faible possible. Utilisés comme une valeur refuge par les investisseurs en actifs numériques, les stablecoins contribuent à l’arrivée massive de liquidité sur le marché des crypto-actifs. La capitalisation totale du marché des stablecoins est en forte augmentation, de 16 milliards de dollars en août 2020 à plus de 120 milliards de dollars en août 2021 ([3]).

On ne peut pas non plus ignorer l’avènement des jetons non fongibles (nonfungible tokens ou NFT), des actifs numériques rendus uniques et non interchangeables par le biais d’une blockchain. Contrairement aux actifs numériques classiques qui sont fongibles – on peut échanger deux bitcoins de façon indifférente –, les NFT sont non réplicables et détiennent un numéro d’identification numérique qui leur sert de certificat d’authenticité. Les jetons non-fongibles suscitent un intérêt croissant dans des domaines de plus en plus variés : les cartes de collection, les jeux vidéo, les ventes d’œuvres numériques… Dans le domaine sportif, ils sont même utilisés pour rémunérer certains joueurs professionnels. Les ventes de NFT ont atteint près de 2,5 milliards de dollars au cours du premier semestre 2021, contre à peine 14 millions de dollars sur la même période en 2020.

En parallèle, la blockchain permet également le développement des smart contracts, sur lesquels la mission d’information avait déjà travaillé. En français, un smart contract est le plus souvent traduit à tort par les termes « contrat intelligent », alors qu’il s’agit d’un faux ami. Un smart contract est en réalité un protocole informatique basé sur une blockchain qui intègre une fonction « si / alors » : si telles conditions sont remplies, alors telle action est exécutée. Un smart contract permet donc d’exécuter automatiquement un transfert ou un échange d’actifs numériques si certaines conditions préalablement définies se réalisent. Les smart contracts trouvent à s’appliquer dans de nombreux domaines, notamment celui des assurances ([4]).

La France participe pleinement à ces évolutions. Portée par le cadre juridique mis en place dans la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, qui a donné un cadre clair et de la visibilité aux investisseurs, elle se distingue aujourd’hui comme un des principaux pays en Europe en termes d’utilisation des actifs numériques : elle se place au troisième rang européen en matière d’utilisation des actifs numériques et au premier rang en termes de volumes de transactions entre particuliers ([5]).

L’expansion des actifs numériques et des services basés sur les technologies blockchain présente de nombreuses potentialités pour rendre le système financier plus efficient, en réduisant les coûts et les délais de transaction, en facilitant les paiements internationaux et en renforçant la transparence des informations. En outre, les actifs numériques pourraient contribuer au développement de l’économie réelle, par exemple en renforçant l’inclusion financière auprès des populations peu bancarisées, en diversifiant les possibilités de levée de fonds des entrepreneurs ou encore en permettant une meilleure rémunération des artistes.

Il est de la responsabilité du législateur de reconnaître le potentiel de ces progrès technologiques afin de les mettre au service de la croissance économique, des entreprises et des particuliers. La mission d’information avait formulé une proposition en ce sens, qui n’a pu aboutir. Dans le contexte de crise actuel, il était opportun de rouvrir ce débat. C’est dans cette optique que votre rapporteur a présenté, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 et de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, des amendements proposant de mettre en place une fiscalité incitative qui encouragerait les personnes ayant réalisé des plus-values sur actifs numériques à les réinvestir dans l’économie réelle.

Il est toutefois nécessaire de rester lucide sur les risques inhérents aux actifs numériques. À ce stade, les crypto-actifs ne remplissent pas, ou de manière très imparfaite, les fonctions de la monnaie : ils ne sont ni une unité de compte permettant de libeller le prix des biens et services, ni un instrument de transaction puisqu’ils ne servent pour le moment assez peu à régler des achats de biens ou services dans l’économie réelle, ni une véritable réserve de valeur car leur cours contre les monnaies légales est encore trop volatil. Dans son rapport, la mission d’information avait d’ailleurs préféré le terme de « crypto-actifs » à celui de « monnaies virtuelles » pour marquer la différence avec les monnaies ayant cours légal.

À ce stade, les actifs numériques demeurent avant tout des actifs spéculatifs, qui sont porteurs de risques. L’anonymat consubstantiel aux crypto-actifs protège la vie privée de leurs utilisateurs, mais peut aussi en faire le support de transactions illicites, d’opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. En outre, le marché des crypto-actifs doit encore faire ses preuves en termes de résilience face aux cyberattaques et de protection des informations confidentielles des usagers. Par ailleurs, si certains protocoles sont désormais moins énergivores, l’impact environnemental des technologies blockchain et des actifs numériques n’est pas négligeable dans le contexte du changement climatique. Enfin, l’irruption de grands groupes internationaux dans le monde des crypto-actifs ne va pas sans poser des enjeux de souveraineté pour les États.

En tout état de cause, la démocratisation du secteur des actifs numériques demeure limitée puisque, selon une étude publiée par l’Association pour le développement des actifs numériques (ADAN) en 2020 ([6]), 74 % des Français connaissent les actifs numériques mais seulement 23 % s’estiment bien informés à leur sujet. L’utilisation et l’échange d’actifs numériques restent peu répandus dans la population et concernent surtout les plus jeunes (23 % des 23-35 ans souhaiteraient acheter des actifs numériques).

Dans ce contexte, il appartient au régulateur de maintenir une position équilibrée, en encourageant les innovations tout en protégeant les investisseurs et les petits porteurs, en garantissant le respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme, et en préservant la souveraineté monétaire ainsi que la stabilité financière.

C’est là tout l’enjeu de la nouvelle réglementation présentée par la Commission européenne sous la forme d’une proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA). Jusqu’où est-il nécessaire et proportionné de réguler les actifs numériques ? Comment maîtriser les risques inhérents aux technologies blockchain sans freiner les projets innovants ? Comment réduire les risques de transactions illicites sans porter une atteinte non justifiée aux libertés publiques ? Comment réguler les entreprises européennes sans réduire leur compétitivité par rapport à leurs concurrents internationaux ?

C’est aussi tout le débat qui monte autour des monnaies numériques de banque centrale. Après plusieurs mois d’expérimentations au sein de l’Eurosystème, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a annoncé, le 14 juillet 2021, le lancement d’une phase d’étude visant à la mise en place d’un euro numérique. En quoi une monnaie numérique de banque serait-elle souhaitable voire nécessaire pour protéger la souveraineté monétaire et la stabilité financière ? En quoi consisterait une telle monnaie numérique publique ? Comment s’articulerait-elle avec les actifs numériques privés ?

Ces débats s’imposent à nous et ne doivent pas être évités. Nous ne pouvons plus faire comme si les crypto-actifs n’existaient pas. Il nous faut rester attentifs à leurs évolutions, nous préparer dès à présent à leur montée en puissance et adapter sans trop tarder notre cadre juridique afin d’en maximiser les potentialités tout en en maîtrisant les risques.

 


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I.   Le cadre lÉgislatif mis en place en 2019 reprend plusieurs propositions de la mission d’information

Entre 2016 et 2019, la France a entrepris de mettre en place un cadre juridique complet dédié aux technologies blockchain et aux actifs numériques. Ces efforts se sont concrétisés avec les articles 85 et 86 de la loi de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi PACTE) ([7]), qui ont encadré à la fois les initial coin offerings (ICO), c’est-à-dire les émissions de jetons sur le marché primaire, et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) sur le marché secondaire. En parallèle, l’article 41 de la loi de finances pour 2019 ([8]) est venu préciser le cadre fiscal des actifs numériques, notamment les modalités de l’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre occasionnel.

Une partie des propositions formulées par la mission d’information relative aux crypto-actifs ont été satisfaites dans le cadre de la loi PACTE et de la loi de finances pour 2019 ainsi que dans les mesures réglementaires qui en ont résulté, qu’il s’agisse des décrets d’application, des évolutions de la doctrine fiscale, des modifications du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou encore des recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Parmi les 27 propositions formulées, 11 ont été satisfaites et 5 sont partiellement satisfaites, soit un taux d’application de 60 %.

Liste des recommandations formulÉes dans le rapport de la mission d’information

Application des ordonnances relatives à l’utilisation des technologies blockchain

Proposition n° 1

Adopter rapidement les décrets d’application de l’ordonnance n° 2016‑520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse et de l’ordonnance n° 2017‑1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.

Satisfaite

Définition juridique des actifs numériques

Proposition n° 2

Réglementer les crypto-actifs de manière suffisamment souple, sans les cloisonner à des définitions juridiques existantes. Une diversité d’approche semble la voie à privilégier, s’agissant d’actifs aux objectifs, aux modes d’émission et aux utilités très différentes.

Satisfaite

Fiscalité relative aux actifs numériques

Fiscalité des personnes physiques

Proposition n° 3

Retenir le taux d’imposition des revenus de capitaux mobiliers, gains et profits assimilés de 30 % pour l’imposition des plus-values en crypto-actifs.

Satisfaite

Proposition n° 4

Clarifier la notion d’activité à titre « habituel » dans la doctrine administrative fiscale.

Partiellement satisfaite

Proposition n° 5

Imposer les personnes réalisant des opérations en crypto-actifs à titre habituel selon le même régime que les personnes réalisant une activité de minage.

Non satisfaite

Proposition n° 6

Définir le rapatriement sur un compte bancaire comme fait générateur de l’impôt sur la plus-value en crypto-actifs.

Non satisfaite

Proposition n° 7

Élever l’abattement annuel sur les opérations de cession en crypto-actifs de 305 euros à 3 000 euros.

Non satisfaite

Proposition n° 8

Permettre un report d’imposition des plus-values en crypto-actifs dans le cadre d’un apport de crypto-actifs à une société, dans les conditions prévues à l’article 150-0-D du code général des impôts pour les plus-values réalisées dans le cadre du rachat d’actions, de parts de société ou de titres assimilés.

Non satisfaite

Fiscalité des personnes morales

Proposition n° 9

Dans le cadre d’une initial coin offering, définir la date d’exigibilité de la TVA collectée au moment de la fourniture du service ou de la livraison du bien en contrepartie de la vente du jeton.

Satisfaite

Proposition n° 10

Aligner le régime fiscal applicable aux attributions de jetons gratuits sur le régime applicable aux attributions d’actions gratuites.

Non satisfait

Proposition n° 11

Exclure les pertes liées à la dépréciation des crypto-actifs des charges fiscalement déductibles pour les jeunes entreprises innovantes.

Satisfaite

Fiscalité des mineurs

Proposition n° 12

Prévoir, dans la loi, une exonération de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour les centres de minage en crypto-actifs, dans l’attente d’une nouvelle actualisation des nomenclatures.

Non satisfaite

Proposition n° 13

Inclure dans le BOFiP une interprétation précisant que la validation d’une transaction en crypto-actifs ne constitue pas un service soumis à la TVA tout en tenant compte du droit à la déduction de la TVA pour les sociétés de minage.

Satisfaite

Droit au compte bancaire

Proposition n° 14

Veiller à un droit au compte effectif pour toutes les entreprises de la blockchain – y compris celles n’ayant pas vocation à solliciter un visa auprès de l’AMF – par la définition de règles objectives, reconnues par l’ensemble des acteurs (institutionnels, bancaires, privés).

Partiellement satisfaite

Proposition n° 15

Permettre à une start-up, en cas de difficulté persistante d’accès à des services de dépôts et de paiement, de faire appel en dernier ressort à la Caisse des dépôts et consignations pour solliciter auprès d’elle lesdits services.

Non satisfaite

Proposition n° 16

Pour les autorités de régulation, notamment l’ACPR : édicter des recommandations à l’attention des établissements bancaires afin de les guider dans l’instruction du dossier d’une entreprise blockchain.

Partiellement satisfaite

Encadrement des initial coin offerings (ICO)

Proposition n° 17

Préciser le white paper en donnant des garanties aux investisseurs et au secteur institutionnel sans brider les initiatives entrepreneuriales en :

– précisant les informations à fournir à l’AMF dans le cadre de la sollicitation d’un agrément ;

– encadrant la relation contractuelle ;

– renforçant le suivi des opérations d’ICO ;

– encadrant la communication afin de protéger les investisseurs.

Satisfaite

Proposition n° 18

Imposer que les offres réalisées sans le label contiennent un avertissement indiquant qu’elles n’ont pas reçu de visa et que l’opération présente des risques financiers.

Non satisfaite

Proposition n° 19

Permettre d’obtenir le label AMF a posteriori pour les ICO dont les jetons ont été émis avant la promulgation de la loi en respectant le cahier des charges.

Non satisfaite

Proposition n° 20

Fixer un délai d’instruction des dossiers de demande de visa optionnel.

Satisfaite

Proposition n° 21

Instaurer une étude technique ou scientifique de la réalité du projet adossé à l’offre au public de jetons.

Non satisfaite

Proposition n° 22

Envisager un aménagement de la directive « Prospectus » pour les start-up, afin de prendre en considération des paramètres tels que la taille et les revenus de l’entreprise.

Non satisfaite

Encadrement des prestataires de services sur actifs numériques

Proposition n° 23

Mettre en place un visa optionnel différencié par type d’activité pour les prestataires de services en crypto-actifs.

Satisfaite

Proposition n° 24

Clarifier au sein du décret prévu par la loi Pacte, qui précisera la définition des services sur actifs numériques, que les services de conservation excluent les fournisseurs de solutions de self-custody.

Satisfaite

Quel avenir pour l’économie et la société françaises grâce à la blockchain et aux crypto-actifs ?

Proposition n° 25

Inclure des modules de formation à la blockchain dans les cours de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur pour former les entrepreneurs de demain. Développer des parcours de formation continue et interdisciplinaire sur la blockchain afin d’accompagner les salariés des entreprises dans cette transformation digitale.

Partiellement satisfaite

Proposition n° 26

Créer une association de place de marché nationale, réunissant l’ensemble des acteurs du secteur (entreprises d’investissement, établissements de crédit, opérateurs d’infrastructures de marché), afin de constituer un espace de dialogue et d’anticiper les évolutions législatives et réglementaires.

Satisfaite

Proposition n° 27

Ériger la blockchain en filière prioritaire bénéficiant du fonds de l’innovation et de l’industrie aux côtés de l’intelligence artificielle, du véhicule autonome, de la bio-production et de la nanoélectronique.

Partiellement satisfaite

Si la loi PACTE a été accueillie de manière positive par les entreprises de la blockchain et les prestataires de services sur actifs numériques, sa mise en œuvre souffre de retards dans plusieurs domaines. La période de transition durant laquelle les prestataires de services sur actifs numériques ayant démarré leur activité avant l’entrée en vigueur de la loi devaient s’enregistrer auprès de l’AMF est arrivée à échéance sans que l’ensemble des prestataires qui y étaient tenus n’aient pu s’enregistrer. En outre, les relations entre le monde des crypto-actifs et le secteur bancaire peinent encore à se normaliser.

 


A.   La finalisation du cadre juridique dÉdiÉ À l’utilisation des technologies blockchain en matiÈre financiÈre

La France a été l’un des premiers pays à mettre en place un cadre juridique dédié aux technologies blockchain et à leurs applications en matière financière. Dans un premier temps, l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé a été autorisée, par une ordonnance du 28 avril 2016 ([9]), pour le transfert de minibons ([10]). Dans un second temps, elle a été autorisée, par une ordonnance du 8 décembre 2017 ([11]), pour les titres financiers non admis aux opérations d’un dépositaire central de titres, notamment les titres de créance négociables, les parts ou actions d’organisme de placement collectif, les titres de capital émis par une société par actions et les titres de créance négociables en dehors d’une plateforme de négociation. L’inscription d’une émission ou d’une cession de titres financiers sur une blockchain s’est ainsi vue conférer les mêmes effets que l’inscription en compte de titres financiers.

Les deux ordonnances blockchain ont été ratifiées à l’article 206 de la loi PACTE. En parallèle, la proposition n° 1 de la mission d’information recommandait d’assurer « la bonne application des ordonnances du 28 avril 2016 et du 8 décembre 2017 relatives à l’utilisation de la blockchain et d’adopter rapidement les mesures d’application prévues ».

 Les mesures d’application des ordonnances blockchain de 2016 et 2017 ont bien été adoptées. Un décret en Conseil d’État du 24 décembre 2018 ([12]) est venu préciser les conditions applicables à l’inscription de titres financiers sur une blockchain. En application de l’article R. 211-9-7 du code monétaire et financier, tout dispositif d’enregistrement électronique partagée doit être « conçu et mis en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions » et permettre « d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus ». Les inscriptions qui y sont réalisées doivent faire « l’objet d’un plan de continuité d’activité actualisé comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données ». Enfin, le propriétaire des titres doit pouvoir « disposer de relevés des opérations qui lui sont propres ».

Le décret précise également les modalités d’application de l’article L. 211‑20 du code monétaire et financier et les conditions dans lesquelles des titres inscrits sur une blockchain peuvent faire l’objet d’un nantissement.


B.   La dÉfinition juridique des CRYPTO-ACTIFS

Après les premières ordonnances de 2016 et 2017 relatives aux technologies blockchain, ce n’est que dans un deuxième temps qu’un cadre juridique spécifique aux actifs numériques a été mis en place. La régulation des actifs numériques nécessitait en premier lieu de les définir juridiquement. En conséquence, la proposition n° 2 de la mission d’information recommandait de « préciser la définition juridique des actifs numériques en les réglementant de manière souple, sans les cloisonner à des définitions juridiques existantes et en privilégiant une diversité d’approche qui tienne compte des différents objectifs, modes d’émission et modes d’utilisation propres à chaque type d’actif numérique ».

 Cette proposition a été satisfaite par l’article 41 de la loi de finances pour 2019 et par les articles 85 et 86 de la loi PACTE, qui définissent à la fois les actifs numériques et les services sur actifs numériques.

1.   La définition des actifs numériques

Une définition juridique des actifs numériques a été élaborée lors de l’examen en première lecture du projet de loi PACTE. Dans l’attente de l’adoption définitive de la loi PACTE, l’article 41 de la loi de finances pour 2019 l’a reprise pour l’inscrire de manière temporaire à l’article 150 VH bis du code général des impôts, grâce à un amendement présenté par le rapporteur ([13]). Dans un second temps, l’article 86 de la loi PACTE a inscrit cette définition à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier.

Selon cette définition, les actifs numériques comprennent :

– les jetons mentionnés à l’article L. 552-2 du code monétaire et financier ([14]), à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 du même code et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223‑1 dudit code ;

– toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

2.   La définition des services sur actifs numériques

En outre, l’article 86 de la loi PACTE a défini cinq catégories de services sur actifs numériques.

● Ils comprennent tout d’abord deux catégories de services dits « crypto-to-fiat », qui font intervenir à la fois des crypto-actifs et de la monnaie ayant cours légale dite « monnaie fiat ». Il s’agit, en application des 1° et 2° de l’article L. 54‑10-2 du code monétaire et financier :

– des services d’achat ou de vente d’actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal ;

– des services de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques.

● Les services sur actifs numériques englobent aussi deux catégories de services dits « crypto-to-crypto », qui ne font intervenir que des actifs numériques. Il s’agit, en application des 3° et 4° du même article L. 54-10-2 :

– des services d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;

– de l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques.

Le 5° dudit article L. 54-10-2 identifie également au nombre des services sur actifs numériques les services suivants : la réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers, la gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers, le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, la prise ferme d’actifs numériques, le placement garanti d’actifs numériques et le placement non garanti d’actifs numériques.

Ces définitions sont la base sur laquelle s’est construit le cadre dédié aux actifs numériques, à la fois sur le marché primaire au niveau des émissions de jetons numériques et sur le marché secondaire s’agissant des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).

 


C.   L’encadrement des Émissions de jetons numÉriques

Portées par le niveau élevé du cours des actifs numériques et par l’engouement des investisseurs, les émissions d’actifs numériques sur le marché primaire avaient permis de lever près de 130 millions d’euros pour des projets français en 2017. La correction de marché intervenue début 2018 ([15]) n’a pas totalement remis en cause cette dynamique, puisque les levées de fonds se sont poursuivies à hauteur de 80 millions d’euros en 2018 et 90 millions d’euros en 2019.

 

 

Les ICO françaises les plus réussies :

– iExec : une société lyonnaise spécialisée dans les marchés de puissance de calcul (cloud computing) qui a levé 15 millions d’euros en vendant le token RLC ;

– Ark Ecosystem : un projet de blockchain publique qui a réalisé une levée de fonds de 700 000 euros en 2016, dans le Jura, avec le token ARK ;

– Kelros : un protocole de règlement de litiges utilisant une blockchain publique et des mécanismes d’incitation économiques, qui a vendu le token PNK dans plusieurs opérations successives totalisant 2,5 millions d’euros ;

– LGO : une plateforme d’échange de crypto-actifs (40 millions d’euros), depuis rachetée par la société américaine Voyager.

 

 

Malgré ce succès, la première vague d’ICO a aussi mis en évidence les risques associés à certains projets insuffisamment aboutis, manquant de solidité ou de sérieux, et la nécessité de réguler les émissions de jetons, qui était l’un des enjeux de la loi PACTE.

Comme la mission d’information l’avait souligné, il n’est pas possible de réguler tous les crypto-actifs de la même manière en se fondant uniquement sur leur nature numérique. Aussi les émissions d’actifs numériques ont été soumises à des réglementations différentes, quoique voisines, selon que les actifs émis sont assimilables à des titres financiers classiques ou non.

1.   L’encadrement des émissions de jetons assimilables à des titres financiers

Les émissions de jetons assimilables à des titres financiers (security token offerings) sont soumises à la réglementation applicable aux instruments financiers et sont donc exclues du dispositif mis en place dans la loi PACTE.

Les règles applicables aux offres au public de titres financiers (initial public offerings) ont été harmonisées au niveau européen avec la directive 2003/71/CE ([16]) puis révisées avec la directive 2010/73/UE ([17]) et le règlement (UE) 2017/1129 (dit règlement Prospectus) ([18]). Ces règles garantissent que des normes de divulgation adéquates et équivalentes existent dans tous les États membres de l’Union européenne afin que les investisseurs puissent partout bénéficier d’un niveau d’information et de protection minimal.

En France, toute offre au public de titres financiers doit être précédée de l’établissement, par la société qui entreprend de céder ou d’émettre des instruments financiers auprès d’un large public, d’un prospectus approuvé par l’AMF. Ce document permet de communiquer aux investisseurs les informations essentielles sur l’opération pour évaluer le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de la société ainsi que les valeurs mobilières qui sont émises ou admises à la négociation.

Conformément au règlement Prospectus et au règlement délégué (UE) 2019/980 ([19]), le contenu du prospectus est harmonisé au niveau européen et varie en fonction du type d’instruments financiers et du type d’opération considérés. Pour approuver un prospectus, l’AMF vérifie que les informations figurant dans le prospectus sont complètes, cohérentes et compréhensibles. Une fois qu’un prospectus a été approuvé en France, il est valable dans toute l’Union européenne (passeport unique pour les émetteurs).

Certains actifs numériques, qui ont des caractéristiques similaires aux titres financiers classiques – on les qualifie de security tokens –, ont été soumis à la réglementation Prospectus. Ainsi, pour toute security token offering, dès lors que les titres offerts au public relèvent de la notion de valeur mobilière au sens du droit européen, l’émetteur a l’obligation d’établir un prospectus approuvé par l’AMF.

Dans ce cadre, la proposition n° 22 de la mission d’information recommandait d’aménager la directive Prospectus pour les start-up de la blockchain et des crypto-actifs, afin de ne pas appliquer aux security tokens la même réglementation qu’aux titres financiers classiques et de « prendre en considération des paramètres tels que la taille et les revenus de l’entreprise ».

 

 À ce jour, la réglementation Prospectus n’a pas été modifiée en ce sens. Contactée par le rapporteur dans le cadre du suivi de la mission d’information, la direction générale du trésor a toutefois indiqué qu’une modification ciblée du règlement délégué (UE) 2019/980 précité pourrait à terme s’avérer nécessaire pour adapter les informations demandées par la réglementation aux spécificités des security tokens.

2.   L’encadrement des émissions de jetons de service

Pour les autres actifs numériques, notamment les jetons de service (utility tokens), la loi PACTE a créé un cadre spécifique, en partie calqué sur la réglementation applicable aux instruments financiers, visant de la même manière à garantir une plus grande sécurité juridique aux investisseurs et aux émetteurs.

En application de l’article 85 de la loi PACTE, les articles L. 552‑1 à L. 552‑7 du code monétaire et financier donnent la possibilité – et non l’obligation – aux émetteurs de jetons de solliciter un visa auprès de l’AMF, leur permettant de prouver leur sérieux et la qualité de leur offre. Le visa optionnel de l’AMF n’est pas délivré à l’émetteur de jetons mais à une offre de jetons spécifique ([20]).

Pour obtenir un visa de l’AMF sur une offre au public de jetons, un émetteur de jetons doit être constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France et respecter la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Il doit aussi produire préalablement un document d’information public comportant les informations nécessaires pour permettre aux souscripteurs potentiels de fonder leurs décisions d’investissement et de comprendre les risques afférents à l’offre ; ce document est appelé « white paper ».

Plusieurs des propositions formulées par la mission d’information afin d’améliorer le dispositif alors en cours d’élaboration dans le projet de loi PACTE ont été satisfaites.

a.   La précision des obligations imposées aux prestataires de services sur actifs numériques

La proposition n° 17 de la mission d’information recommandait de « préciser le white paper que sont tenus de présenter les émetteurs de jetons sollicitant un visa pour une ICO, en donnant des garanties aux investisseurs et au secteur institutionnel, sans brider le développement des initiatives entrepreneuriales, et notamment en précisant les informations à fournir à l’AMF dans le cadre de la sollicitation d’un agrément, en encadrant la relation contractuelle, en renforçant le suivi des opérations d’ICO et en en encadrant la communication afin de protéger les investisseurs ».

 

 Les dispositions de la loi PACTE ont été précisées dans le règlement général de l’AMF, avec la création d’un livre VII (articles 711‑1 à 715-2) relatif aux émetteurs de jetons et prestataires de services sur actifs numériques. Le nouveau règlement de l’AMF a été homologué par un arrêté du 5 décembre 2019 ([21]).

● En application de l’article L. 552-2 du code monétaire et financier, tout émetteur souhaitant obtenir un visa sur une offre au public de jetons doit préalablement mettre en place un dispositif de suivi et de sauvegarde des fonds et des actifs numériques recueillis dans le cadre de l’offre. Cette obligation a été précisée aux articles 712-6 et 712-7 du règlement général de l’AMF :

– l’émetteur est tenu de définir un seuil minimum de réussite de son offre. Tant qu’il n’a pas atteint ce seuil, il ne peut pas disposer des fonds et actifs numériques reçus. S’il n’atteint pas ce seuil à l’issue de la période d’offre définie, il est contraint de rembourser intégralement tous les souscripteurs. Cette garantie vise à s’assurer que l’émetteur recueillera suffisamment de fonds pour financer son projet et développer le service auquel les jetons émis donnent droit ;

– en outre, l’émetteur doit déterminer à l’avance les conditions dans lesquelles il pourra disposer des fonds et actifs numériques investis. Tant que ces conditions ne sont pas réunies, les fonds ne peuvent être utilisés. Cette disposition vise à protéger les investisseurs contre une utilisation abusive ou frauduleuse des fonds levés. Toutefois, l’émetteur peut être autorisé à disposer d’une partie des fonds levés avant la clôture de l’offre, notamment pour couvrir les frais liés à l’offre ou initier le développement du projet, selon des modalités strictement définies.

● S’agissant plus spécifiquement du white paper, les articles 712‑2 et 712‑3 du règlement général de l’AMF prévoient plusieurs obligations :

– le document d’information doit contenir des informations énoncées « sous une forme concise et compréhensible » et présentant « un caractère exact, clair et non trompeur » ;

– le document d’information doit comporter un avertissement mentionnant les risques associés à la souscription à une offre au public de jetons ;

– il doit identifier clairement la personne qui est responsable de l’offre ainsi que le droit applicable, afin de protéger les souscripteurs en cas de litige potentiel.

Le format du document d’information est imposé par une instruction de l’AMF ([22]), ce qui simplifie la lecture et garantit une bonne comparabilité des offres. Certaines informations, comme les principaux risques liés à un investissement dans une offre au public de jetons, doivent obligatoirement y figurer ; d’autres sont facultatives.

L’AMF contrôle la qualité et l’exhaustivité des informations fournies dans le document d’information. Elle apprécie l’expérience et les compétences du porteur de projet, les compétences et la réputation des tiers auxquels le porteur de projet fait appel dans le cadre de son offre au public de jetons (conseils ou prestataires) ainsi que la cohérence du projet avec les données chiffrées avancées par l’émetteur (business plan, montant de l’émission, utilisation du produit de l’offre).

● Par ailleurs, les articles 712-10 et 712-11 du règlement général de l’AMF prévoient que la durée de l’offre ne peut excéder six mois et que tout changement ou fait nouveau susceptible d’avoir une influence significative sur les décisions d’investissement des souscripteurs doit faire l’objet d’un document d’information amendé, également soumis au visa de l’AMF. Ces dispositions permettent à l’émetteur de modifier son projet en cours de route mais protègent les investisseurs en cas de modification substantielle du projet ou des conditions de l’offre.

b.   L’avertissement des souscripteurs potentiels

La proposition n° 18 de la mission d’information recommandait d’imposer que les ICO réalisées non visées par l’AMF contiennent « un avertissement indiquant qu’elles n’ont pas reçu de visa et que l’opération présente des risques financiers ».

 La loi PACTE n’impose pas d’avertissement aux ICO réalisées sans visa de l’AMF. Le visa étant optionnel, les ICO sans visa demeurent légales et ne sont soumises à aucun formalisme supplémentaire. Toutefois, seules les offres au public de jetons ayant reçu le visa de l’AMF peuvent faire l’objet, en France, d’un démarchage auprès du public ou d’un parrainage, d’un mécénat ou d’une publicité au sens du b de l’article L. 222-16-1 du code de la consommation.

Il existe par ailleurs une liste noire publiée par l’AMF, qui énumère, en application de l’article 715-2 du règlement général de l’AMF, les offres de jetons ayant fait l’objet d’un retrait de visa ainsi que, en application de l’article L. 552-6 du code monétaire et financier, les offres pour lesquelles ont été diffusées des informations comportant des indications inexactes ou trompeuses concernant la délivrance du visa, sa portée ou ses conséquences. Toutefois, il ne s’agit pas d’une liste des ICO frauduleuses.

c.   L’application rétroactive des visas de l’AMF

La proposition n° 19 de la mission d’information recommandait de permettre aux ICO dont les jetons avaient été émis avant la promulgation de la loi PACTE mais qui en respectaient le cahier des charges d’obtenir a posteriori le visa de l’AMF.

Cette proposition n’a pas été retenue. L’article L. 552-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l’article 85 de la loi PACTE, prévoit que les émetteurs peuvent solliciter un visa de l’AMF « préalablement à toute offre au public de jetons », ce qui exclut la possibilité d’obtenir un visa a posteriori.

La disposition n’a pas été jugée souhaitable, dans la mesure où certaines garanties attachées au visa, telles que la mise en œuvre d’une procédure de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ou d’un dispositif de suivi et de sauvegarde des fonds recueillis, peuvent difficilement être contrôlées a posteriori. En outre, certains éléments auraient nécessairement été manquants, comme l’avertissement relatif à la portée du visa et aux risques afférents à l’investissement dans une ICO. Enfin, un visa a posteriori n’aurait eu qu’une portée limitée, dans la mesure où la durée d’un visa est limitée à la durée de l’offre, soit six mois au maximum.

d.   L’instauration d’un délai maximum d’instruction des dossiers

La proposition n° 20 de la mission d’information recommandait de fixer un délai d’instruction des dossiers de demande de visa.

 La proposition est satisfaite. L’article 712-8 du règlement de l’AMF prévoit que l’AMF notifie son visa dans les vingt jours ouvrés qui suivent l’accusé de réception du dossier. Toutefois, si le dossier présenté est incomplet, le délai de vingt jours ne court qu’à compter de la réception par l’AMF de l’ensemble des compléments d’information demandés.

e.   L’instauration d’une étude technique ou scientifique

La proposition n° 21 de la mission d’information recommandait d’instaurer « une étude technique ou scientifique de la réalité du projet adossé à une ICO pour permettre à l’AMF de fonder sa décision sur d’autres informations que les seuls documents fournis par l’émetteur de jetons ».

 Cette proposition n’a pas été retenue dans la loi PACTE. L’article 712-3 du règlement général de l’AMF prévoit que le document d’information comprend obligatoirement un avertissement sur la portée du visa de l’AMF : « Le visa a été attribué conformément aux dispositions de l’article 712-1 du règlement général de l’AMF après que l’AMF a vérifié que le document d’information est complet et compréhensible. Le visa n’implique ni approbation de l’opportunité du projet de l’émetteur, ni authentification des éléments financiers, comptables et techniques présentés. En outre, l’AMF n’a procédé à aucune vérification des programmes informatiques associés à l’offre et n’a pas vérifié l’adéquation entre ces programmes et le contenu du document d’information. »

Par ailleurs, le règlement général de l’AMF précise que les émetteurs peuvent, sans y être obligés, décrire les modalités techniques de leur émission de jetons, notamment le protocole blockchain et l’architecture technique utilisés. Les émetteurs peuvent ainsi donner accès au programme informatique permettant l’exécution de l’émission de jetons, accompagné de commentaires décrivant les paramètres automatisés et l’objectif de chaque fonction. Ils ont aussi la possibilité de renvoyer à l’audit de leur projet par un tiers.

3.   Un bilan contrasté

Si le cadre juridique relatif aux ICO est désormais en place, sa mise en œuvre n’a été que très progressive. Au 1er septembre 2021, l’AMF n’a délivré que trois visas :

– le 17 décembre 2019 pour French-ICO, une plateforme de levée de fonds en actifs numériques via la blockchain Ethereum ;

– le 12 mai 2020 pour WPO, un groupe européen de gestion d’actifs dans le domaine des énergies renouvelables ; l’offre n’a pas été menée à terme, le seuil minimum de fonds devant être récoltés par l’émetteur pour assurer son succès n’ayant pas été atteint ;

– le 13 octobre 2020 pour iExec, une société lyonnaise spécialisée dans les marchés de puissance de calcul (cloud computing).

Les services de l’AMF ont aussi comptabilisé une quinzaine de prises de contact pour des projets insuffisamment préparés qui n’ont pas abouti.

Dans le cadre du suivi de la mission d’information, l’AMF a indiqué au rapporteur que les porteurs de projet sont en grande majorité de petites structures, qui commencent leur activité et dont les projets ne sont pas encore en phase de développement actif. Contrairement aux émetteurs de titres financiers, elles ne sont souvent pas accompagnées d’un conseil juridique et sont donc peu habituées à appliquer des réglementations aussi complexes que celle relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

De son côté, l’ADAN relève que les services de l’AMF et de l’ACPR sont encore peu habitués aux actifs numériques et continuent, dans certains cas, de vouloir appliquer les règles relatives aux marchés financiers traditionnels, sans tenir compte des spécificités inhérentes aux crypto-actifs.

La mise en pratique de la nouvelle réglementation n’a donc pas été immédiatement optimale, mais les porteurs de projet et les autorités de régulation progressent dans le sens d’une meilleure compréhension mutuelle. L’AMF a indiqué avoir constaté des améliorations. Les porteurs de projet sont désormais plus fréquemment accompagnés d’un conseil juridique. En outre, la publication des documents d’information relatifs aux ICO ayant obtenu un visa sur le site de l’AMF contribue à une meilleure appréhension des règles.

 


D.   L’encadrement des prestataires de services sur actifs numÉriques

S’agissant du marché secondaire des actifs numériques, l’article 86 de la loi PACTE a assujetti les prestataires de services sur actifs numériques tels que définis aux articles L. 54-10-2 du code monétaire et financier à de nouvelles obligations, en créant deux procédures distinctes :

– en application des articles L. 54-10-3 et L. 54-10-4 du code monétaire et financier, les prestataires de services « crypto-to-fiat » – c’est-à-dire les services d’échange d’actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal et les services de conservation d’actifs numériques – sont soumis à un enregistrement obligatoire auprès de l’AMF sur avis conforme de l’ACPR ;

– en application de l’article L. 54-10-5 du code monétaire et financier, un agrément facultatif peut être accordé à l’ensemble des prestataires de services sur actifs numériques par les autorités de régulation.

Les dispositions de la loi PACTE ont été détaillées par voie réglementaire. Un décret simple du 21 novembre 2019 ([23]) a précisé la définition des services sur actifs numériques concernés et les informations devant être transmises aux autorités de régulation dans le cadre des procédures d’enregistrement ou d’obtention d’un agrément. En outre, un décret en Conseil d’État du 28 novembre 2019 ([24]) a prévu que le délai à l’expiration duquel le silence gardé par les autorités de régulation sur les demandes d’enregistrement ou d’agrément vaut décision d’acception est fixé à six mois à compter de la date de réception du dossier complet. Enfin, les procédures et obligations ont été complétées dans le règlement général de l’AMF.

Là encore, plusieurs des propositions formulées par la mission d’information en vue de la nouvelle lecture du projet de loi PACTE ont été satisfaites.

1.   Un visa différencié par type d’activité

La proposition n° 23 de la mission d’information recommandait de mettre en place un visa optionnel différencié par type d’activité pour les prestataires de services sur actifs numériques.

 La proposition a été satisfaite. Les articles L. 54-10-2 à L. 54-10-5 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de l’article 86 de la loi PACTE, distinguent bien, d’une part, les prestataires de services « crypto-to-fiat » et, d’autre part, les prestataires de services « crypto-to-crypto ». Seuls les premiers ont l’obligation de s’enregistrer auprès de l’AMF et de l’ACPR. Par ailleurs, l’ensemble des prestataires de services ont la possibilité de solliciter un agrément auprès des autorités de régulation.

Toutefois, il convient de souligner que le dispositif initialement prévu dans la loi PACTE a été modifié par une ordonnance du 9 décembre 2020 ([25]) et un décret du 2 avril 2021 ([26]). En effet, il était aligné sur le cadre juridique européen, notamment la cinquième directive anti‑blanchiment ([27]), qui ne prévoyait d’appliquer la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme qu’aux services « crypto-to-fiat » et non aux services « crypto-to-crypto ». Or, les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) publiées en juin 2019 se sont révélées plus larges et incluent les services « crypto-to-crypto ». En conséquence, une mise en conformité du cadre juridique français avec les recommandations du GAFI était souhaitable pour assurer la crédibilité internationale de la France en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Désormais, l’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques est obligatoire non seulement pour les activités de conservation d’actifs numériques et d’achat ou de vente d’actifs numériques contre de la monnaie fiduciaire, mais aussi pour les activités d’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques et d’achat ou de vente d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques. L’enregistrement se fait auprès de l’AMF, qui exerce à cette occasion un contrôle sur l’honorabilité et la compétence des dirigeants.

La procédure d’enregistrement demeure toutefois plus exigeante pour les services « crypto-to-fiat » en ce qui concerne le respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Les services « crypto-to-fiat » continuent de faire l’objet d’un contrôle a priori par l’ACPR de leur dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme, même si ce contrôle est allégé par rapport à la rédaction initiale de la loi PACTE afin d’accélérer le temps de traitement des dossiers. À l’inverse, l’enregistrement des prestataires de services « crypto-to-crypto » ne comprend pas de contrôle a priori mais uniquement un contrôle a posteriori, une fois leur inscription effective.

Par ailleurs, les nouvelles règles imposent aux prestataires de services sur actifs numériques enregistrés ou agréés et aux émetteurs de jetons ayant reçu un visa de l’AMF d’identifier leurs clients – selon le principe KYC (« know your costumer ») – pour tous les types de transactions, tous les montants et tous les types de clients. Est donc supprimée l’exception qui existait auparavant pour les clients occasionnels lorsque les transactions étaient inférieures à 1 000 euros.

Si la mise en conformité du cadre juridique français avec les recommandations du GAFI était souhaitable, on peut toutefois regretter l’instabilité du cadre législatif français, modifié par voie d’ordonnance un an à peine après son entrée en vigueur. Cela nuit à sa lisibilité ainsi qu’à la prévisibilité dont ont besoin les acteurs du secteur.

En outre, cela nuit à l’acceptabilité de ce cadre par les acteurs de la blockchain et des crypto-actifs, qui n’ont pas manqué de souligner le durcissement des règles par rapport à la version initiale de la loi PACTE. Selon l’ADAN, aucun acteur certifié n’est aujourd’hui en mesure de mettre en œuvre l’intégralité de ses obligations, notamment pour les clients localisés en dehors de France. La mise en œuvre pratique de l’ordonnance du 9 décembre 2020 rend donc nécessaire l’édiction de nouvelles lignes directrices par les superviseurs, afin de permettre aux professionnels de se mettre en conformité avec la réglementation.

2.   Les services de self-custody

La proposition n° 24 de la mission recommandait de clarifier, au sein du décret prévu par la loi PACTE pour préciser la définition des services sur actifs numériques, que les services de conservation d’actifs numériques excluent les fournisseurs de solutions de self-custody. Les services de self-custody permettent le stockage non pas des actifs numériques eux-mêmes mais des clés privées qui donnent accès à ces actifs.

Une clé privée permet à l’utilisateur d’une blockchain « d’initier une transaction en signant cryptographiquement son message » ([28]). La clé privée lui est donc indispensable pour pouvoir utiliser ses actifs numériques. S’il la perd, il lui est impossible de la retrouver et ses actifs demeurent inaccessibles, sauf à avoir contracté une assurance spécifique. Un récent rapport de Chainanalysis, une société spécialisée dans l’étude de la blockchain, estime ainsi que 20 % des bitcoins existants n’ont plus été manipulés depuis au moins cinq ans et en déduit qu’ils ont été perdus par leur propriétaire ([29]).

 Le décret du 21 novembre 2019 précité permet d’exclure de la définition d’un service de conservation le service de self-custody. L’article D. 54‑10‑1 du code monétaire et financier définit le service de conservation d’actifs numériques au sens de l’article L. 54‑10-2 du même code comme « le fait de maîtriser, pour le compte d’un tiers, les moyens d’accès aux actifs numériques inscrits dans le dispositif d’enregistrement électronique partagé et de tenir un registre de positions, ouvert au nom du tiers, correspondants à ses droits sur lesdits actifs numériques ». La maîtrise des moyens d’accès pour le compte d’un tiers constitue l’un des critères essentiels. Or, en cas de self-custody, le prestataire ne maîtrise pas les actifs ou moyens d’accès aux actifs numériques.

En outre, l’AMF précise que « ne constitue pas un service de conservation le fait de proposer des solutions technologiques assurant le stockage des clés numériques restant sous la seule maîtrise et responsabilité du client » ([30]).

Les prestataires de services de self-custody sont donc bien exclus de la définition du service de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers et de la catégorie des services sur actifs numériques. Ils ne sont pas soumis à l’enregistrement obligatoire et ne peuvent postuler pour un agrément facultatif.

3.   Une mise en œuvre inachevée

Si la loi PACTE a été accueillie de manière positive par les entreprises de la blockchain et des crypto-actifs établis en France, sa mise en pratique est moins facile et plus lente qu’anticipé. La durée de la procédure d’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques demeure trop longue.

Au 9 novembre 2021, seulement vingt-sept prestataires de services sur actifs numériques ont été enregistrés auprès de l’AMF sur avis conforme de l’ACPR. En outre, la période de transition, durant laquelle les prestataires de services sur actifs numériques devaient s’enregistrer, est arrivée à échéance – le délai fixé par la loi PACTE a expiré le 18 décembre 2020 ([31]) et celui fixé par l’ordonnance du 9 décembre 2020 a expiré le 10 juin 2021 ([32]) – sans que l’ensemble des prestataires n’aient pu s’enregistrer. Selon les informations transmises par l’AMF, une vingtaine de dossiers sont encore en cours d’examen.

S’agissant des agréments optionnels, à ce jour, aucun n’a été délivré par l’AMF à des prestataires de services sur actifs numériques. Selon les informations transmises par l’AMF, une demande d’agrément est actuellement en cours de traitement. Une seconde demande a été déposée mais a été mise en suspens à la demande de l’acteur.

Les raisons de ces retards sont similaires à celles qui concernent les ICO. D’un côté, les prestataires de services sur actifs numériques sont peu familiers des réglementations. Ainsi, l’AMF indique que la plupart des dossiers présentés sont incomplets lors de leur dépôt, soit parce qu’ils ne comportent pas toutes les pièces requises, soit parce que les éléments communiqués présentent des lacunes sur le fond, ce qui nécessite un important travail d’accompagnement et contribue à allonger les délais d’enregistrement. De l’autre, les autorités de régulation sont peu habituées aux actifs numériques et continuent, dans certains cas, de vouloir appliquer les règles relatives aux marchés financiers traditionnels, sans tenir compte des spécificités inhérentes aux crypto-actifs.

En outre, les procédures d’enregistrement sont ralenties par la dissymétrie des règles applicables aux prestataires de services sur actifs numériques, non seulement pour les services « crypto-to-fiat » vis-à-vis des « crypto-to-crypto », mais aussi pour les prestataires ayant l’obligation d’obtenir un agrément pour une de leurs autres activités (services de paiement, émission de monnaie électronique) ainsi que pour les prestataires déjà immatriculés dans un autre État membre de l’Union européenne.

E.   L’accÈs des acteurs du secteur des actifs numÉriques aux services bancaires

Parmi les enjeux sur lesquels avait travaillé la mission d’information, l’accès des acteurs du secteur des actifs numériques aux services bancaires demeure l’un des plus épineux. Les usagers d’actifs numériques demeurent confrontés à des blocages d’opérations. Surtout, les prestataires de services sur actifs numériques expérimentent des difficultés pour ouvrir un compte bancaire en euros. Ainsi, un rapport ([33]) de l’ADAN indique que 50 % des acteurs ont expérimenté des difficultés pour ouvrir leur compte bancaire actuel, dont 68 % ont essuyé des refus, ce qui les conduit parfois à recourir à des établissements bancaires étrangers.

La mission d’information avait formulé trois propositions visant à améliorer l’articulation entre le monde des actifs numériques et le secteur bancaire :

– la proposition n° 14 recommandait de « veiller à un droit au compte effectif pour toutes les entreprises de la blockchain – y compris celles n’ayant pas vocation à solliciter un visa auprès de l’AMF – par la définition de règles objectives, reconnues par l’ensemble des acteurs (institutionnels, bancaires, privés) » ;

 la proposition n° 15 recommandait de « permettre à une startup, en cas de difficulté persistante d’accès à des services de dépôts et de paiement, de faire appel en dernier ressort à la Caisse des dépôts et consignations pour solliciter auprès d’elle lesdits services » ;

 la proposition n° 16 recommandait aux autorités de régulation, notamment l’ACPR, d’édicter « des recommandations à l’attention des établissements bancaires afin de les guider dans l’instruction du dossier d’une entreprise blockchain ».

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que votre rapporteur avait, dans le cadre du rapport de la mission d’information, souligné l’incohérence de ces propositions : « Il ne semble pas […] nécessaire, comme le suggère le rapport, de garantir un droit au compte à tout entrepreneur en crypto-actifs, y compris à ceux qui n’ont pas reçu de visa de l’AMF, et encore moins à demander à des institutions financières publiques, type Caisse des dépôts et consignations, de garantir l’ouverture de comptes à ces entrepreneurs, ce qui transférerait le risque financier qu’ils courent vers la collectivité nationale. On ne peut pas plaider la liberté et la non-régulation d’un côté et en appeler de l’autre à la garantie sociale sur des activités lucratives privées » ([34]).

 La proposition n° 15 visant à faire intervenir la Caisse des dépôts et consignations a fait l’objet de discussions dans le cadre du projet de loi PACTE mais a elle a finalement été écartée : un amendement en ce sens avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui a été supprimé par le Sénat et qui n’a pas été rétabli avant l’adoption définitive de la loi.

 La proposition n° 14 n’a été que partiellement satisfaite. L’article L. 312‑23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l’article 85 de la loi PACTE, impose bien aux établissements de crédit de mettre en place des règles objectives, non discriminatoires et proportionnées pour régir l’accès aux services bancaires, mais uniquement pour les émetteurs de jetons ayant obtenu un visa de l’AMF et pour les prestataires de services sur actifs numériques enregistrés ou agréés en application des articles L. 54-10-3 à L. 54-10-5 du même code.

Par ailleurs, le décret du 21 novembre 2019 précité a prévu la possibilité pour un prestataire de services sur actifs numériques de saisir l’ACPR en cas de refus d’un ou plusieurs établissements de crédit de lui accorder un accès aux services bancaires. Ce refus peut naître du silence d’un établissement à l’issue d’un délai de deux mois. Si l’APCR constate que les règles objectives, non discriminatoires et proportionnées ne sont pas respectées, elle peut saisir la Banque de France d’une demande de droit au compte classique. La Banque de France désigne alors un établissement qui doit ouvrir un compte.

Toutefois, à ce jour, ce recours n’a jamais été exercé. Compte tenu du nombre encore limité de visas et d’enregistrements délivrés par les autorités de régulation, peu d’acteurs sont susceptibles de s’engager dans la procédure à ce stade. En outre, le dispositif a vocation à être utilisé en dernier recours.

 La proposition n° 16 n’est elle aussi que partiellement satisfaite. L’accès des entreprises de la blockchain et des actifs numériques aux services bancaires a fait l’objet de discussions dans le cadre du forum Fintech AMF-ACPR, un groupe de travail piloté par l’ACPR qui réunissait des acteurs des crypto-actifs et des institutions financières afin de faire converger les points de vue. Bien que le compte rendu des travaux du groupe de travail n’ait pas de valeur juridique contraignante, la Fédération bancaire française (FBF) s’est désolidarisée de ses conclusions. La FBF estime que les solutions proposées « ne répondent pas aux interrogations du secteur bancaire en termes d’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présentés par chaque service en actifs numériques ni en termes de surveillance des opérations réalisées par les différents prestataires » ([35]).

Les avancées de la loi PACTE en termes d’accès aux services bancaires ne se vérifient donc pas encore sur le terrain. Il convient de reconnaître que certains réseaux bancaires conservent une perception négative des actifs numériques et demeurent réticents – par principe – à s’ouvrir aux professionnels du secteur, au risque de freiner leur développement.

L’amélioration des relations entre les acteurs de la blockchain et des crypto-actifs et les institutions financières nécessite de finaliser la mise en œuvre des procédures d’enregistrement et d’obtention d’un agrément prévues dans la loi PACTE, mais aussi de continuer à travailler à une meilleure compréhension commune permettant aux premiers d’être sensibilisés aux contraintes de la conformité bancaire et aux seconds de mieux appréhender les spécificités des services sur actifs numériques.

F.   La clarification du cadre fiscal relatif aux actifs numÉriques

En parallèle de la loi PACTE, l’article 41 de la loi de finances pour 2019 est venu préciser la fiscalité applicable aux actifs numériques. Dans cette perspective, la mission d’information a formulé onze propositions, à la fois en ce qui concerne la fiscalité des personnes physiques, la fiscalité des personnes morales et la fiscalité relative aux activités de minage ([36]).

1.   La fiscalité des personnes physiques

Avant 2019, le cadre fiscal relatif aux actifs numériques était entouré d’incertitude. Par une décision du 26 avril 2018, le Conseil d’État ([37]) avait précisé les modalités d’imposition des gains résultant des cessions de crypto-actifs réalisées par les particuliers à titre occasionnel, en jugeant que leur imposition devait relever du régime des plus-values sur biens meubles prévu à l’article 150 UA du code général des impôts, et non du régime des bénéfices non commerciaux, comme le proposait alors la doctrine fiscale. Or, le régime prévu à l’article 150 UA du code général des impôts est apparu inadapté aux crypto-actifs, notamment en raison du caractère particulièrement liquide de ces biens ainsi que de la fréquence et de la complexité des opérations susceptibles d’intervenir dans un court laps de temps.

En conséquence, l’article 41 de la loi de finances pour 2019 a créé, à l’article 150 VH bis du code général des impôts, un nouveau régime d’imposition des plus‑values sur actifs numériques réalisées par des particuliers lors de la cession d’actifs numériques à titre occasionnel. Ce régime se rapproche du régime applicable aux plus-values mobilières, mais présente plusieurs spécificités.

Entrent dans le champ de l’article 150 VH bis du code général des impôts les actifs numériques tels que définis à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier, c’est-à-dire à la fois les actifs assimilables à des moyens de paiement (currency tokens) et les actifs utilitaires conférant un statut ou un droit d’utilisation (utility tokens). Demeurent hors du champ de l’article les actifs assimilables à des titres financiers traditionnels (security tokens).

L’article 150 VH bis du code général des impôts s’applique « sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels ». Le nouveau régime est donc sans incidence sur les modalités d’imposition des cessions d’actifs numériques à caractère habituel, pour lesquelles le régime d’imposition des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ([38]) continue de s’appliquer. En outre, le nouveau régime n’est pas applicable aux cessions d’actifs numériques qui sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement d’un système d’unité de compte virtuelle – c’est-à-dire aux activités de minage –, pour lesquelles le régime d’imposition des bénéfices non commerciaux (BNC) ([39]) continue de s’appliquer.

a.   L’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre occasionnel

● Dans le cadre du nouveau régime d’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre occasionnel, la proposition n°°3 de la mission d’information recommandait de « retenir le taux d’imposition des revenus de capitaux mobiliers, gains et profits assimilés de 30 % pour l’imposition des plus-values en crypto-actifs ».

 Cette recommandation a été satisfaite avant même la publication du rapport de la mission d’information : l’article 41 de la loi de finances pour 2019 prévoit un taux d’imposition global de 30 % identique à celui du prélèvement forfaitaire unique, combinant un taux de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et un taux de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux ([40]).

En outre, l’Assemblée nationale, lors de l’examen en première lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, a adopté un amendement ([41]) qui permet à tout investisseur de choisir d’être imposé, pour une plus-value sur actifs numériques, soit au taux forfaitaire de 12,8 %, soit au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Cette mesure permettra de favoriser les contribuables les plus modestes souhaitant investir dans les actifs numériques. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

● La proposition n° 6 recommandait de définir le rapatriement sur un compte bancaire comme fait générateur de l’impôt sur la plus‑value en crypto-actifs. Votre rapporteur avait tenu à en nuancer la nécessité : « si le rapatriement sur un compte bancaire constitue la seule action conduisant à la taxation, alors les achats de biens et services en crypto-actifs, ainsi que les plusvalues réalisées à l’occasion de la conversion sur une plateforme d’un crypto-actif en une monnaie ayant cours légal, seraient exonérés de toute fiscalité. Par ailleurs, certaines plateformes agissent comme des comptes en banque sur lesquelles on peut laisser des sommes liquides, qui seraient ainsi exonérées de toute taxation, pendant une durée indéterminée » ([42]).

 La proposition n’a pas été satisfaite. L’article 41 de la loi de finances pour 2019 prévoit l’imposition des plus‑values sur actifs numériques lorsque les crypto-actifs sont convertis en monnaie ayant cours légal ou utilisés pour acquérir un bien ou un service. Il est donc plus contraignant que la proposition n° 6. Toutefois, les plus-values réalisées sur les échanges entre actifs numériques demeurent non imposables.

Il convient, en outre, de souligner que l’article 150 VH bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de report d’imposition d’une moins-value sur actifs numériques uniquement au titre de l’année durant laquelle cette moins-value est constatée et non sur les années suivantes. Ce point a fait l’objet d’un débat à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, avec des amendements proposant d’étendre l’imputation des moins-values sur les plus-values dans un délai de trois à dix ans, comme cela existe pour les actifs financiers traditionnels ([43]). Le rapporteur rappelle que, malgré cette divergence, ce sont bien les actifs numériques qui bénéficient d’un avantage fiscal par rapport aux actifs financiers classiques, puisque les plus-values latentes réalisées lors des échanges entre actifs numériques sont reportées jusqu’à la conversion de ces actifs en monnaie légale ou leur utilisation pour l’achat d’un bien ou d’un service.

● La proposition n° 7 recommandait d’instaurer « un abattement annuel sur le montant des cessions de crypto-actifs à hauteur de 3 000 euros ».

 La proposition de la mission d’information, qui n’avait pas reçu l’assentiment de votre rapporteur, n’a pas été satisfaite. L’article 41 de la loi de finances pour 2019 prévoit bien un abattement annuel sur les plus-values dégagées lors de la cession de crypto-actifs. Toutefois, ne sont exonérées de l’imposition sur les plus-values que les personnes réalisant des cessions dont la somme des prix de cession n’excède pas 305 euros sur l’année. Un amendement proposant de relever ce seuil de 305 euros à 3 000 euros a une nouvelle fois été rejeté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 ([44]).

● La proposition n° 8 recommandait de « permettre un report d’imposition des plus-values en crypto-actifs dans le cadre d’un apport de crypto-actifs à une société, dans les conditions prévues à l’article 150-0-D du code général des impôts pour les plus-values réalisées dans le cadre du rachat d’actions, de parts de société ou de titres assimilés ».

 À ce stade, la proposition n’a pas été mise en œuvre. Elle s’inspirait d’un ancien dispositif en vigueur entre 2011 et 2013, qui permettait un report de l’imposition à l’impôt sur le revenu des plus‑values de cession de titres allant jusqu’à une exonération en cas de conservation des titres. Contactée dans le cadre du suivi de la mission d’information, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a indiqué que ce régime « a été abrogé en raison des effets d’aubaine et des abus qu’il suscitait » et que sa transposition aux crypto-actifs est apparue inopportune dans la mesure où elle aurait été particulièrement favorable.

Bien que cette proposition n’ait pu aboutir, il demeure de la responsabilité du législateur de reconnaître le potentiel de développement des actifs numériques afin de les mettre au service de la croissance économique, des entreprises et des particuliers. C’est dans cette optique que le rapporteur a présenté, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, puis lors de l’examen en première lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, des amendements proposant de mettre en place une fiscalité incitative qui encouragerait les personnes ayant réalisé des plus-values sur actifs numériques à les réinvestir dans l’économie réelle. Cela pourrait permettre de soutenir les petites et moyennes entreprises établies en France, qui sont confrontées à une sous‑capitalisation persistante, mais aussi des secteurs d’activité en manque de financement.

Les amendements discutés lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 ([45]) proposaient de mettre en place une réduction de l’imposition de la plus-value dégagée lors de la cession d’actifs numériques lorsque celle-ci est réinvestie pendant une durée minimale de trois ans, et une exonération de cette imposition en cas d’investissement d’au moins cinq ans. Ces amendements étaient conditionnés à un investissement dans une microentreprise, une petite ou moyenne entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire. Le premier concernait toutes les entreprises exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole, culturelle ou de services. Le second, plus restreint, ne concernait que les entreprises du secteur de la culture, notamment celles qui exercent des activités de rénovation ou de restauration de sites et monuments historiques.

Ces amendements ont été rejetés, avec un avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Ils ont néanmoins permis d’ouvrir un débat, qui est loin d’être refermé. Il est nécessaire et il sera à terme inévitable de rapprocher le monde des actifs numériques de la sphère réelle, en permettant à l’argent investi dans les crypto-actifs de bénéficier à l’économie réelle.

b.   L’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre habituel

● La proposition n° 4 recommandait de clarifier la notion d’activité exercée à titre « habituel » dans la doctrine fiscale, afin de mieux distinguer les gains réalisés à titre occasionnel et ceux réalisés à titre professionnel.

Le régime d’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées par des particuliers lors de la cession d’actifs numériques à titre occasionnel, prévu à l’article 150 VH bis du code général des impôts, n’est pas applicable aux plus-values réalisées par des particuliers à titre professionnel, qui restent imposées selon le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Néanmoins, la distinction entre les opérations réalisées à titre occasionnel et celles réalisées à titre professionnel n’est pas évidente. En effet, les critères permettant de qualifier une activité de professionnelle – la fréquence des opérations, le montant des opérations ou encore les conditions d’exercice de l’activité – sont difficilement applicables aux actifs numériques. Un particulier peut, même à titre occasionnel, procéder à des échanges au quotidien, réaliser un nombre important d’opérations sur l’année et bénéficier de plus-values conséquentes. Dans un tel cas, même si cette activité n’est pas pour lui une activité professionnelle, le risque que ces gains soient imposés selon le régime des BIC est réel.

 La mission d’information relative aux monnaies virtuelles de 2019 avait recommandé de clarifier la notion d’activité exercée à titre « habituel » dans la doctrine fiscale (proposition n° 4). Elle n’a pas été entièrement satisfaite. Si le BOFiP précise désormais que « les critères d’exercice habituel ou occasionnel de l’activité résultent de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d’achat et de revente, le nombre de bitcoins vendus, les conditions de leur acquisition, etc.) », les critères de distinction demeurent flous.

En conséquence, lors de l’examen en première lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, l’Assemblée nationale a adopté des amendements ([46]) pour modifier l’article 92 du code général des impôts afin de préciser que les opérations de cession d’actifs numériques réalisées « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations » se voient appliquer le régime des bénéfices non commerciaux (BNC) et non plus celui des BIC ([47]).

En effet, dans le régime des BNC, la distinction entre les activités occasionnelles et les activités professionnelles se fonde davantage sur des critères qualitatifs – supériorité de la somme annuelle globale des plus-values provenant de l’activité au regard des autres revenus du foyer fiscal, utilisation d’outils professionnels, complexité des opérations réalisées – qui contrebalancent les seuls critères quantitatifs. La disposition vise ainsi à clarifier la distinction entre les activités occasionnelles et professionnelles.

Il convient de saluer cette avancée. Une évolution de la doctrine fiscale, en concertation avec les acteurs du secteur, demeure néanmoins nécessaire. Le report de l’entrée en vigueur de la mesure du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2023, souhaité par le Gouvernement, doit permettre de finaliser l’évolution du cadre juridique.

● Par ailleurs, la proposition n° 5 recommandait d’« imposer les personnes réalisant des opérations en crypto-actifs à titre habituel selon le même régime que les personnes réalisant une activité de minage ».

 Cette proposition n’a pas été satisfaite. Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, le régime des bénéfices non commerciaux continue de s’appliquer pour l’activité de minage. Dans le cadre du suivi de la mission d’information, la DGFiP a indiqué à votre rapporteur que « l’opportunité de modifier les conditions dans lesquelles sont déterminées les catégories dont relèvent les différents revenus évoqués n’est pas démontrée à ce stade » ([48]).

c.   Les jetons non fongibles

Si le régime d’imposition prévu à l’article 150 VH bis du code général des impôts est novateur, il demeure perfectible. Il est, notamment, particulièrement inadapté aux NFT. En effet, le calcul d’une plus-value sur actifs numériques, au moment de la conversion d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou de leur utilisation pour acquérir un bien ou un service, suppose pour un investisseur de connaître la valeur totale de son portefeuille, ce qui s’avère difficile lorsque ce portefeuille contient un ou plusieurs NFT dont la valeur est indéfinie et subjective.

Le rapporteur souligne que la France pourrait, une nouvelle fois, être un pays précurseur. Un amendement d’appel, travaillé avec l’ADAN, a été discuté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 ([49]), qui pose une première définition juridique des NFT et propose de les imposer selon le régime fiscal applicable à leur sous-jacent. Même si l’incertitude pesant sur cette définition du sous-jacent et, par voie de conséquence, sur le régime fiscal d’imposition des NFT qui aurait résulté de l’amendement, a conduit l’Assemblée nationale à ne pas adopter ce dernier, cette proposition constitue une première étape dans l’établissement d’un régime juridique et fiscal spécifique aux NFT, qui sera plus que nécessaire à moyen terme.

2.   La fiscalité des personnes morales

La mission d’information avait proposé trois recommandations relatives à la fiscalité des personnes morales en matière d’actifs numériques. Ce sujet a également fait l’objet de débats dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022.

a.   Les opérations d’échange entre actifs numériques

L’article 150 VH bis du code général des impôts est uniquement applicable aux plus-values sur actifs numériques réalisées par des particuliers à titre occasionnel. Les personnes morales ne bénéficient pas d’un report d’imposition de leurs plus-values latentes jusqu’à la conversion des actifs numériques en monnaie légale ou leur utilisation pour acquérir un bien ou un service. Au contraire, chaque échange d’un actif numérique contre un autre actif numérique réalisé par une entreprise impose de constater la plus-value ou la moins-value réalisée.

L’ADAN indique, non sans raison, la complexité du droit actuel pour les entreprises. En effet, une entreprise qui effectue un nombre important d’échanges entre actifs numériques se voit contrainte de calculer la plus-value ou la moins-value associée à chaque échange. En outre, l’imposition des opérations d’échange entre actifs numériques peut conduire à :

 un problème de liquidité : l’impôt sur la plus-value dont l’entreprise est redevable doit être réglé en euros, mais l’échange entre crypto-actifs ne génère aucune recette en euros pour l’entreprise, qui est donc contrainte de convertir une partie de ses actifs numériques en monnaie légale ;

 un problème lié à la volatilité des actifs numériques : si l’entreprise ne convertit pas immédiatement les actifs numériques qu’elle vient d’acquérir et que le cours de ces actifs diminue, elle doit s’acquitter de l’impôt sur une plus-value qui a entre-temps diminué ou disparu.

Aucune solution juridique n’a été trouvée à ce stade. Plusieurs amendements proposant d’aligner le régime fiscal des entreprises sur celui des particuliers ont été rejetés lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 ([50]). Il s’agissait notamment d’éviter le risque d’une exonération de fait des gains réalisés par des entreprises qui ne convertiraient pas ou très peu leurs actifs numériques en monnaie légale. Il serait sans doute possible, pour prendre en compte ce risque, de concevoir un régime ne comptabilisant les opérations d’échange entre actifs numériques qu’à l’échelle d’une journée, d’une semaine voire du mois. En tout état de cause, la réflexion doit se poursuivre sur ce point.

b.   La date d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée

● Par ailleurs, s’agissant de la fiscalité des personnes morales, la proposition n° 9 de la mission d’information recommandait, au stade de l’émission de jetons, de « définir la date d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée non pas au moment de l’achat du jeton mais au moment où ce jeton est utilisé en contrepartie de la fourniture d’un service ou de la livraison d’un bien ».

 En matière de TVA, la loi de finances pour 2019 ne contient pas de dispositif spécifique aux crypto-actifs, mais a transposé la directive (UE) 2016/2065 du 27 juin 2019 ([51]). Les règles applicables aux jetons émis dans le cadre d’une ICO ont été précisées dans le cadre de la publication d’un rescrit au BOFIP ([52]).

Une opération entre dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’il existe un lien direct entre le service rendu ou le bien acquis et la contre-valeur reçue. Or, les jetons d’usage pouvant être échangés contre des biens et services ne donnent à leur acquéreur que le droit de bénéficier potentiellement d’un bien ou d’un service, notamment si l’activité pour laquelle l’émission a été réalisée est effectivement lancée. En raison de l’existence d’un aléa sur le principe même des contreparties futures, il n’existe pas de lien direct avec un bien ou un service au moment de l’émission et de l’acquisition du jeton.

Il s’ensuit qu’au moment de la levée des fonds donnant lieu à la remise de jetons dans le cadre de l’ICO, les sommes perçues par la société émettrice des jetons n’ont pas à être soumises à la TVA. En revanche, si, ultérieurement, les jetons sont utilisés par leurs bénéficiaires pour obtenir un bien ou un service individualisé auprès de la société émettrice, cette opération est soumise à la TVA dans les conditions de droit commun.

Les échanges d’actifs numériques sont quant à eux assimilés à des opérations financières exonérées de TVA.

c.   Les attributions de jetons gratuites

Par ailleurs, la proposition n° 10 recommandait d’« aligner le régime fiscal applicable aux attributions de jetons gratuits sur le régime applicable aux attributions d’actions gratuites ». Le régime de l’actionnariat salarié correspond à la détention par le salarié d’une participation dans le capital de la société et permet d’accorder une rémunération sous forme de titres de sociétés dans le cadre d’un régime d’imposition dérogatoire.

 Cette proposition n’a pas été satisfaite. Plusieurs amendements sur le sujet ont été discutés à l’Assemblée nationale, lors de l’examen en première lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 ([53]), qui ont été rejetés.

Dans le cadre du suivi de la mission, la DGFiP a indiqué à votre rapporteur que seul l’objectif de développer l’actionnariat salarié justifie que les actions gratuites bénéficient d’un régime aussi favorable : « Ce régime ne saurait servir de modèle pour d’autres modes de rémunérations qui ne répondent pas au même objectif, en particulier pour des jetons qui, par nature, ne constituent pas des titres financiers. Ces jetons n’ont en effet pas vocation à conférer à leur détenteur des droits politiques ou financiers similaires à une action. Ainsi, sauf à créer une rupture d’égalité injustifiée devant les charges publiques, l’avantage salarial résultant de l’attribution gratuite de jetons doit, en totalité, continuer d’être imposé, lors de son attribution, selon le droit commun des salaires, à l’instar de tout autre élément de rémunération de droit commun (primes, avantages en nature, etc.) » ([54]).

On peut objecter aux arguments de la DGFiP qu’il existe, sur certaines plateformes de crypto-actifs décentralisées, des jetons de gouvernance octroyant des droits de vote et des pouvoirs de décision à leurs titulaires. Toutefois, il convient de reconnaître que les attributions d’actions gratuites sont un cas particulier de partage de la valeur d’une entreprise et que les salariés qui les détiennent sont, par leur travail, directement intéressés à l’augmentation de cette valeur. Tel n’est pas le cas des attributions de jetons gratuites.

d.   Le statut des jeunes entreprises innovantes

La proposition n° 11 recommandait d’exclure les pertes liées à la dépréciation des crypto‑actifs des charges fiscalement déductibles pour les jeunes entreprises innovantes.

 L’obtention du statut de jeune entreprise innovante est subordonnée à la réalisation de dépenses de recherche représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles de l’entreprise au titre d’un exercice. L’article 46 de la loi de finances pour 2020 ([55]) a assoupli ce critère en neutralisant les pertes de change et les charges nettes sur cessions de valeurs mobilières de placement – dont les cessions d’actifs numériques – qui, en raison de la volatilité de leurs cours, peuvent entraîner une augmentation mécanique du niveau des charges financières prises en compte pour le calcul de ce ratio et sont donc susceptibles d’aboutir à la perte des exonérations fiscales.

3.   La fiscalité des activités de minage

● Concernant la fiscalité des activités de minage, la proposition n° 12 recommandait d’« exonérer de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) les centres de minage en crypto-actifs ». Il s’agissait d’inciter au développement des activités de minage, très consommatrices d’énergie, en réduisant les coûts de l’électricité.

 Cette proposition n’a pas été satisfaite et aucune exonération de ce type n’a été adoptée en loi de finances. Votre rapporteur souligne qu’il avait donné un avis défavorable à cette proposition formulée par la mission d’information : « L’exonération de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) qui concerne ces dernières a été pensée pour conduire la transition écologique sans pénaliser trop fortement l’emploi dans des industries fragilisées. Elle n’a absolument pas pour vocation d’attirer ici de multiples fermes de minage, très consommatrices en énergie (la consommation énergétique de l’Islande a doublé depuis l’arrivée sur son sol de ces « mineurs »). Certains vont d’ailleurs aujourd’hui s’implanter en Ukraine ou dans d’autres pays dans lequel la production électrique repose essentiellement sur le charbon, entraînant ainsi un impact climatique non négligeable bien que non mesurable avec précision » ([56]).

En tout état de cause, les méthodes de minage ont évolué depuis la publication du rapport de la mission d’information. La validation par preuve de travail (proof of work), qui impose de résoudre des algorithmes mathématiques très complexes, ce qui requiert une grande puissance de calcul informatique et donc énormément d’énergie, n’est plus l’unique manière de miner. Ainsi, la validation par preuve d’intérêt (proof of stake) demande uniquement au mineur de mettre en jeu un certain montant de crypto-actifs, qu’il récupère lorsqu’il a correctement exécuté son travail de minage, avec un niveau de consommation énergétique beaucoup plus faible.

● La proposition n° 13 visait à inclure dans le BOFiP « une interprétation précisant que la validation d’une transaction en crypto-actifs ne constitue pas un service soumis à la TVA tout en tenant compte du droit à la déduction de la TVA pour les sociétés de minage ».

 

 Depuis le 7 août 2018, la doctrine fiscale précise les règles de TVA applicables aux activités de minage. Les mineurs sont rémunérés non par les parties à la transaction mais par le système de manière automatique, et la rémunération est aléatoire dans la mesure où elle intervient uniquement lorsqu’ils remportent la validation d’un bloc. En conséquence, il n’est pas possible d’identifier l’existence d’une prestation de service individualisée effectuée par le mineur au profit d’un bénéficiaire déterminé. Partant, en l’absence de lien direct entre la contrepartie et l’activité de minage, cette dernière n’entre pas dans le champ de la TVA et le mineur n’a pas à collecter de taxe au titre des actifs numériques reçus en récompense.

Par cohérence, un mineur, qui ne réalise pas d’opérations imposables, n’est pas fondé à exercer un droit à déduction au titre des dépenses exposées pour effectuer son activité de minage et pour laquelle il reçoit une récompense.

G.   L’avenir de l’Économie et de la sociÉtÉ françaises grÂce aux technologies blockchain et aux crypto-actifs

En guise de conclusion, la mission d’information avait formulé diverses propositions visant à développer les crypto-actifs en France.

1.   La nécessité de former les Français aux technologies blockchain

La proposition n° 25 recommandait d’inclure « des modules de formation à la blockchain dans les cours de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur pour former les entrepreneurs de demain et développer des parcours de formation continue et interdisciplinaire sur la blockchain afin d’accompagner les salariés des entreprises dans cette transformation digitale ».

 En 2019 et 2020, la direction générale des entreprises a assuré, aux côtés de la direction générale de la recherche et de l’innovation, de la direction interministérielle du numérique et du ministère des armées, le copilotage d’une mission prospective sur les verrous au développement des technologies blockchain en France, confiée aux instituts de recherche CEA-List, IMT et INRIA. Le rapport de cette mission a été rendu public le 16 avril 2021 ([57]).

Un des pans de l’étude a permis de dresser un panorama de l’état des formations en France sur le sujet, ainsi qu’un comparatif avec les offres de formation à l’international. Il en ressort que la grande majorité (68 %) des formations aux technologies blockchain sont des formations initiales et que les modules de formation sont délivrés dans les parcours d’enseignement (informatique, systèmes d’information, cybersécurité, sciences économiques, droit). En outre, on observe une concentration des formations dans le bassin parisien, avec 81 % des heures dispensées en 2020, tandis que près de 80 % des formations identifiées se font dans des grandes écoles qui possèdent un laboratoire étudiant la blockchain.

Le rapport conclut que la France n’est pas en retard, à condition de maintenir une dynamique de développement de modules de formation blockchain avec une approche interdisciplinaire. Le rapport recommande notamment de créer des formations spécialisées, au niveau master, pour des ingénieurs R&D et des ingénieurs d’application, et de favoriser la formation en alternance dans des laboratoires de R&D.

2.   Rassembler les professionnels du secteur des actifs numériques

La proposition n° 26 recommandait de « créer une association de place de marché nationale, réunissant l’ensemble des acteurs du secteur (entreprises d’investissement, établissements de crédit, opérateurs d’infrastructures de marché), afin de constituer un espace de dialogue et d’anticiper les évolutions législatives et réglementaires ».

 Le secteur des actifs numériques s’est en effet structuré. Les professionnels des services sur actifs numériques se sont réunis depuis le début de l’année 2020 au sein de l’Association pour le développement des actifs numériques (ADAN). Cette initiative permet à l’administration d’avoir un interlocuteur de qualité sur les sujets des crypto-actifs et de l’utilisation des technologies blockchain en matière financière. Initialement composée d’une dizaine d’entreprises, l’ADAN en compte aujourd’hui près de soixante-dix, qui couvrent l’ensemble des activités de marché, de développement des actifs numériques, de protocole, d’application ou encore de données de marché.

Il convient également de noter le rôle important joué par Paris Europlace pour réunir les interlocuteurs concernés et se positionner sur la réglementation européenne en cours de conception.

3.   Ériger la blockchain en filière prioritaire

La proposition n° 27 recommandait d’« ériger la blockchain en filière prioritaire bénéficiant du fonds de l’innovation et de l’industrie aux côtés de l’intelligence artificielle, du véhicule autonome, de la bio-production et de la nanoélectronique ».

 En premier lieu, il convient de souligner que le marché de la technologie blockchain n’a pas été identifié comme une stratégie prioritaire du plan de relance. Toutefois, face à la crise sanitaire, Bpifrance a accordé, en 2020, pas moins de 5,5 millions d’euros de prêts aux start-up de la blockchain et des actifs numériques, tandis que le secteur a bénéficié de 30 millions d’euros d’investissements réalisés via ses fonds partenaires.

En outre, depuis 2019, la direction générale des entreprises met en œuvre une stratégie nationale dédiée à la blockchain. Elle repose principalement sur un accompagnement financier des porteurs de projets, qui consiste à faciliter l’accès des entreprises aux guichets de financement existants (concours i-nov, i-phd, i‑lab, PSPC et PSPC régions, bourse French Tech Seed, aides individuelles pour les entreprises deep tech, subventions pouvant être accordées via les sociétés d’accélération du transfert de technologies en région). En 2020, 63 % des start-up blockchain candidates à des aides publiques à l’innovation de rupture les ont obtenues, pour un montant total de plus d’un million d’euros.

 


II.   DE nouveaux enjeux rÉglementaires Face aux Évolutions rapides du secteur des actifs numÉriques

La crise liée à l’épidémie de la covid-19 n’a pas freiné le développement des actifs numériques, portés par des projets de plus en plus innovants. Dans ce contexte, il appartient au régulateur de maintenir une position équilibrée, en encourageant les innovations tout en protégeant les investisseurs et les petits porteurs, en garantissant le respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme, et en préservant la souveraineté monétaire ainsi que la stabilité financière.

A.   Le marchÉ des actifs numÉriques confrontÉ À de nouveaux dÉfis

Le marché des crypto-actifs a beaucoup évolué depuis la publication du rapport de la mission d’information, le 30 janvier 2019. Jusqu’à une date récente, il aurait été impensable qu’un pays adopte le bitcoin comme monnaie légale, et c’est pourtant ce qu’a choisi de faire le Salvador en 2021. Il pourrait être suivi dans cette voie par le Zimbabwe.

 

 

Un cas particulier : le Salvador

 

En juin 2021, le Salvador a adopté le bitcoin comme seconde monnaie légale, aux côtés du dollar américain, à compter de septembre 2021. La mesure vise avant tout à favoriser les transferts de fonds en provenance de l’étranger vers le Salvador en réduisant les coûts et les délais de transaction, car le pays possède une diaspora importante : il tire plus de 20 % de son produit intérieur brut des transferts réalisés par des populations émigrées.

 

Afin de développer l’usage du bitcoin, cette réforme se combine avec l’octroi d’une valeur de 30 dollars américains en bitcoin à chaque Salvadorien ouvrant un portefeuille numérique. Le Gouvernement salvadorien a annoncé que la moitié de la population aurait déjà ouvert un tel portefeuille en octobre 2021.

 

Toutefois, cette réforme a de quoi surprendre. Le bitcoin est un actif encore trop volatil pour servir de moyen de paiement pour les achats de quotidien. Il ne s’agit pas non plus de permettre aux habitants de se protéger d’une inflation excessive, puisque la hausse des prix dans le pays demeure modérée. En outre, on peut douter que le bitcoin permette réellement de renforcer l’inclusion bancaire, en tout cas à court terme, compte tenu du taux de pauvreté (environ 30 % de la population) et de l’insuffisance des infrastructures numériques (moins de la moitié de la population dispose d’un accès à internet).

 

À titre subsidiaire, on peut noter que l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier définit les actifs numériques par la négative, comme toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie. Dès lors, il convient de se demander si l’adoption par le Salvador du bitcoin comme monnaie légale n’impose pas de repréciser cette définition.

 

Toutefois, le développement rapide et massif des actifs numériques est avant tout marqué par deux évolutions majeures : l’usage croissant des actifs numériques stables (stablecoins) et, en parallèle, les réflexions relatives aux monnaies numériques de banque centrale.

1.   Le développement des stablecoins

Les stablecoins sont des actifs numériques conçus pour que la volatilité de leur cours par rapport à une monnaie légale de référence, un panier de monnaies, un ou plusieurs crypto-actifs ou encore un panier de matières premières soit la plus faible possible. Leur cours est le plus souvent garanti par une réserve (collateral). Toutefois, certains stablecoins dits algorithmiques ne sont pas « collatéralisés », leur cours étant stabilisé par le biais d’algorithmes inscrits dans des smarts contracts qui permettent un ajustement automatique de l’émission de jetons.

Le marché des stablecoins est encore marginal par rapport à l’encours total des crypto-actifs mais il suit une évolution dynamique portée par une hausse constante de la demande. La capitalisation totale du marché des stablecoins est en forte augmentation sur la dernière année, de 16 milliards de dollars en août 2020 à plus de 120 milliards de dollars en août 2021 ([58]). Le marché est dominé par un petit nombre d’actifs. Un seul stablecoin, le tether (USDT), représente près de 55 % des montants émis, devant l’USD coin (23 %), le binance USD (10 %) et le Dai (5 %).

Si les stablecoins sont porteurs d’innovations considérables, ils présentent aussi des risques que les autorités de régulation ne peuvent ignorer.

a.   Un potentiel d’innovation considérable

Les stablecoins constituent une innovation majeure pour le secteur des actifs numériques car ils servent de valeur refuge pour protéger les investisseurs contre la forte volatilité des actifs numériques classiques. Ils facilitent les arbitrages entre crypto-actifs en permettant aux investisseurs d’acheter et de vendre leurs actifs en restant dans le monde des crypto-actifs et sans avoir à les convertir en une monnaie légale. En conséquence, ils ont favorisé une arrivée massive de liquidité sur le marché, qui a contribué à l’essor des actifs numériques depuis deux ans.

Les stablecoins ont largement participé au développement de la finance décentralisée (decentralized finance ou DeFi), un ensemble de protocoles basés sur les technologies blockchain et accessibles à tous qui permettent de réaliser des échanges de valeur sans intermédiaire bancaire ou financier. Bien qu’il s’agisse d’une activité à haut risque, la finance décentralisée a connu une croissance exponentielle, en passant de moins d’un milliard de dollars en janvier 2020 à plus de 80 milliards de dollars en juillet 2021 ([59]). Elle propose de plus en plus de services, de l’échange au prêt (lending) de crypto-actifs en passant par les produits dérivés basés sur des actifs numériques.

À ce stade, l’usage des stablecoins dans la sphère des paiements demeure limité, notamment car le paiement constitue un fait générateur de l’impôt. Toutefois, les stablecoins pourraient contribuer à améliorer l’efficience et la rapidité des infrastructures de marché traditionnelles, notamment en matière de paiements transfrontières ou d’émission et de règlement-livraison de titres financiers. En 2021, les réseaux de paiement Visa et Mastercard ont annoncé des partenariats avec certaines plateformes d’échange de crypto-actifs pour commercialiser à titre expérimental des cartes de paiement adossées à des stablecoins ([60]).

Par ailleurs, les stablecoins pourraient aussi favoriser une meilleure inclusion financière pour les populations non bancarisées, notamment dans les pays émergents, et protéger les consommateurs de la hausse des prix dans les zones à forte inflation.

b.   Des risques potentiellement systémiques

Néanmoins, comme l’indiquent – non sans raison – les autorités de régulation nationales ([61]) et internationales ([62]), les stablecoins et la finance décentralisée ne sont pas exempts de tout risque.

En premier lieu, les stablecoins impliquent le risque d’une insuffisance voire d’un défaut de la réserve censée assurer la stabilité de leur cours. À ce titre, force est de constater que le tether (USDT) et l’USD coin, les deux principaux stablecoins, n’ont pas toujours fait preuve d’une grande transparence en la matière.

En outre, comme le montre l’actualité récente, les stablecoins et la finance décentralisée ne sont pas à l’abri de failles de conception dans la programmation des smart contracts, de cyberattaques malveillantes voire tout simplement de bugs techniques, susceptibles de poser des risques non négligeables si ces actifs devaient être utilisés comme des moyens de paiement à grande échelle.

Par ailleurs, si les technologies blockchain permettent une grande traçabilité des transactions en actifs numériques, une telle transparence deviendrait excessive si les stablecoins devaient être utilisés pour des paiements du quotidien, puisqu’elle constituerait alors une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

Du point de vue des finances publiques, le développement des stablecoins permet aussi d’échapper aisément à l’impôt. Désormais, un investisseur qui réalise une plus-value sur actifs numériques n’est plus obligé de transformer ses actifs en monnaie légale pour se soustraire à la volatilité des cours. Il peut aussi, en toute légalité, transformer ses actifs en un stablecoin adossé à cette monnaie légale, sans être pour autant imposé dans la mesure où il ne sort pas du secteur des crypto-actifs.

Enfin, les stablecoins et la finance décentralisée bénéficient d’un vide juridique qui leur permet d’échapper aux contraintes réglementaires traditionnelles et présentent certaines vulnérabilités au regard de la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Ainsi, en l’état actuel du droit, les émetteurs de stablecoins n’ont pas l’obligation de s’enregistrer auprès des autorités de régulation, d’identifier leurs clients ou de signaler les transactions susceptibles d’être illicites.

Ces risques sont d’autant plus sérieux que des stablecoins à portée mondiale, émis par de grands établissements financiers ou par des entreprises multinationales – à l’image du projet de diem (ex libra) porté par Facebook –, pourraient bénéficier d’importants effets de réseau leur donnant accès à une large base d’usagers. De tels stablecoins mondiaux pourraient ainsi engendrer des défis d’importance systémique et fragiliser la transmission de la politique monétaire ainsi que la stabilité financière.

2.   La monnaie numérique de banque centrale

Parallèlement au développement des stablecoins privés, un débat émerge sur l’opportunité de créer un stablecoin public au sein de chaque zone monétaire, c’est-à-dire une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), qui serait une monnaie numérique émise par la banque centrale, inscrite au passif de son bilan et qui serait échangée à parité avec les autres formes de monnaie centrale.

L’idée de créer une MNBC vise initialement à remédier à la diminution de l’usage de la monnaie fiduciaire. En effet, les pièces et les billets de banque sont la seule forme de monnaie centrale à laquelle les particuliers peuvent avoir directement accès et constituent l’actif le plus sûr dans une économie. Ainsi, c’est pour préserver l’usage de la monnaie centrale par le public, protéger la confiance dans la monnaie et renforcer l’inclusion financière que la Riksbank de Suède étudie depuis 2016 la possibilité de mettre en place une e-krona.

Les motivations qui sous-tendent la création d’une MNBC en Chine sont toutefois différentes. La Banque populaire de Chine a lancé un projet de yuan numérique en 2014, qui se matérialise par des expériences grandeur nature depuis 2019 (attribution d’actifs sur des portefeuilles numériques à des particuliers tirés au sort, versement du traitement de certains fonctionnaires ou de subventions publiques). Ce projet s’inscrit avant tout dans une stratégie de limitation de l’influence des plateformes de paiement mobile Alipay et Wechat, en situation de duopole, utilisées par 90 % des habitants du pays et contre lesquelles le pouvoir chinois entend reprendre la main.

Le débat sur les MNBC a connu une accélération en réaction aux projets de stablecoins mondiaux et aux risques que ces derniers sont susceptibles d’entraîner. Une MNBC serait ainsi un moyen d’accompagner le développement des monnaies numériques pour préserver la confiance des citoyens dans la monnaie et pour protéger la souveraineté monétaire et la stabilité financière des États contre d’éventuels systèmes monétaires privés fonctionnant de manière autonome sans possibilité de régulation. Selon une étude de la Banque des règlements internationaux ([63]), 80 % des banques centrales envisagent désormais de mettre en place une MNBC, même si seulement 10 % d’entre elles en sont au stade d’un projet pilote.

Depuis 2020, la Banque centrale européenne (BCE) étudie la possibilité de créer un euro numérique visant à garantir que les citoyens de la zone euro « puissent bénéficier d’un moyen de paiement gratuit, simple, universellement accepté, sans risque et inspirant confiance » ([64]). Le 14 juillet 2021, après une phase de test préliminaire, durant laquelle des expérimentations ont été menées par l’Eurosystème et les banques centrales nationales, le Conseil des gouverneurs de la BCE a lancé une phase d’étude du projet d’euro numérique pour une durée de 24 mois.

Le projet d’euro numérique n’aboutira pas avant plusieurs années : c’est un délai qui paraît long par rapport à la vitesse avec laquelle les technologies financières évoluent, mais qui s’avère nécessaire pour résoudre les nombreuses questions qui demeurent en suspens et définir plus précisément les contours d’une MNBC qui, en l’état, demeurent assez flous. Il s’agira notamment de déterminer si l’euro numérique doit être émis sous la forme d’une MNBC de gros, réservée aux intermédiaires financiers pour des opérations au montant élevé, ou s’il doit aussi devenir une MNBC de détail, accessible à tous les citoyens et toutes les entreprises pour réaliser les paiements du quotidien.

Il convient de souligner qu’une MNBC ne constituerait pas nécessairement une révolution du système monétaire actuel. La banque centrale n’a pas vocation à remplacer les banques commerciales. Ainsi, un euro numérique viendrait non pas remplacer mais compléter la monnaie fiduciaire ainsi que, le cas échéant, la monnaie commerciale émises par les banques. Il constituerait ainsi une solution de paiement supplémentaire, contribuant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion financières. C’est pourquoi il semble d’ores et déjà indispensable d’assurer l’interopérabilité entre les systèmes de paiement traditionnels et les nouveaux dispositifs reposant sur une blockchain, afin d’assurer leur coexistence de manière efficiente et d’éviter une fragmentation des solutions de paiement.

B.   Le besoin d’une nouvelle rÉglementation qui encadre les actifs numÉriques sans freiner les innovations

L’évolution rapide du marché des actifs numériques oblige les régulateurs à concilier deux impératifs contradictoires. D’une part, il est nécessaire de contenir les risques de fragilisation des systèmes de paiement traditionnels et d’atteinte à la politique monétaire ainsi qu’à la stabilité financière. D’autre part, il est impératif de préserver le potentiel d’innovation technologique des crypto-actifs et de protéger la compétitivité des acteurs européens.

1.   La nécessité de réguler les stablecoins au niveau européen

Il est impensable que les évolutions du marché des actifs numériques puissent se développer en dehors de tout cadre réglementaire. Une réglementation est nécessaire pour conserver l’unité du système de paiement et assurer la confiance des citoyens dans le système monétaire et financier. Elle permettra aussi, comme la loi PACTE a pu le faire en France, d’apporter un cadre clair et protecteur qui donne de la visibilité aux investisseurs et aux entreprises du secteur.

La nature globale de certains projets de stablecoins requiert évidemment une coordination des régulateurs à l’échelle internationale. C’est pourquoi le G20 a émis des recommandations ([65]) visant à coordonner l’adaptation des standards internationaux de surveillance et de supervision aux risques posés par les stablecoins et à encourager la coopération internationale entre les autorités nationales compétentes.

Afin d’éviter une fragmentation des réglementations nationales au sein de l’Union européenne, l’échelon européen est déterminant pour bien répondre aux nouveaux défis posés par l’évolution du marché des actifs numériques. Dans ce contexte, la Commission européenne a annoncé, le 24 septembre 2020, un paquet législatif sur la finance numérique comprenant entre autres une proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA).

Conformément au principe « mêmes activités, mêmes risques, mêmes règles » que défendent à juste titre l’ensemble des autorités de régulation nationales et internationales, le projet de règlement MiCA distingue, d’une part, les actifs numériques assimilables à des instruments financiers émis sur une blockchain (security tokens) et, d’autre part, les autres actifs numériques, y compris les stablecoins.

Les premiers, les security tokens, demeureront soumis à la réglementation applicable aux marchés financiers traditionnels, avec quelques adaptations. Le projet de règlement propose de créer un régime pilote permettant aux infrastructures de marché de bénéficier d’exemptions réglementaires ciblées pour les actifs numériques assimilables à des titres financiers. De telles dérogations seraient accordées, à titre expérimental, par les autorités de supervision nationales, afin de permettre aux acteurs de tester l’utilisation des technologies blockchain et des actifs numériques dans les activités de marché et de post-marché.

Concernant les autres actifs numériques et les fournisseurs de services non couverts par la réglementation européenne applicable aux marchés financiers, le projet de règlement propose de définir, pour chaque catégorie d’actifs – les crypto-actifs, les stablecoins assis sur des actifs et les stablecoins assis sur une monnaie fiduciaire – un régime ad hoc avec des règles d’émission, des modalités de supervision, des exigences de fonds propres ou encore des modalités de distribution spécifiques. S’agissant du marché secondaire, serait créé un statut – obligatoire – de prestataire de services sur actifs numériques permettant de fournir des services dans l’ensemble de l’Union européenne.

En outre, la Commission européenne a annoncé, le 20 juillet 2021, un renforcement de la réglementation en matière la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques. Ce renforcement s’inscrit dans la lignée des recommandations du GAFI, qui préconise depuis février 2021 de renforcer le cadre applicable aux stablecoins et à la finance décentralisée. La proposition consistera en une révision du règlement 2015/847/UE ([66]) relatif aux transferts de fonds afin d’imposer aux prestataires de services sur actifs numériques de consolider leurs moyens d’identification de leurs clients ainsi que la traçabilité des transactions.

2.   Éviter l’excès de régulation pour sauvegarder la compétitivité de l’Europe sur le marché des actifs numériques

La nouvelle réglementation européenne en cours d’élaboration est une initiative importante et ambitieuse. Elle doit permettre d’accélérer les circuits financiers, d’en réduire les coûts, de rationaliser les processus de règlement-livraison en diminuant le nombre d’étapes de traitement, de réduire les coûts de frottement ou encore de diminuer les risques induits par ces processus.

Néanmoins, il faut reconnaître que les autorités de régulation européennes font preuve d’un certain manque d’audace en optant pour une position plus prudente que leurs homologues américaines ou asiatiques, notamment vis-à-vis des stablecoins. Aux États-Unis, depuis janvier 2021, l’Office of the comptroller of the currency autorise les associations fédérales d’épargne à utiliser des monnaies numériques. Ainsi, plusieurs banques commerciales américaines ont lancé des projets de stablecoins adossés au dollar. En Europe, les projets de monnaie numérique de banque commerciale sont rares, la plupart des acteurs préférant attendre l’adoption de la future réglementation avant de lancer leurs projets.

Or, le marché des stablecoins est aujourd’hui largement dominé par le dollar. Les stablecoins adossés au dollar ne représentent pas moins de 99 % de la capitalisation de marché des stablecoins. Les projets de stablecoins adossés à l’euro sont ultra-minoritaires. Dans ce contexte, il faut saluer le lancement en mars 2021 du lugh, un stablecoin adossé à l’euro, lancé par le groupe Casino avec la société Coinhouse et la Société générale. En plus de servir d’outil d’arbitrage pour des investissements en actifs numériques, cette initiative française protège aussi les acteurs européens contre les variations du dollar par rapport à l’euro et, en cela, il répond à un réel besoin. À terme, il a vocation à devenir un moyen de paiement régulier et un outil de fidélisation au sein d’un consortium d’entreprises partenaires.

Le besoin de stablecoins en euros pourrait évidemment être comblé par un euro numérique. Toutefois, les phases d’étude et de lancement de ce projet de MNBC prendront plusieurs années et il est d’ores et déjà acquis que l’euro numérique ne sera pas opérationnel avant 2025. Dans l’intervalle, seuls des stablecoins en euros privés pourraient subvenir aux besoins des investisseurs européens et dynamiser toute l’industrie européenne des actifs numériques.

Dans ce contexte, il paraît nécessaire de veiller à ce que la future réglementation européenne – dont la nécessité ne fait aucun doute – ne fragilise pas la compétitivité de la France et de l’Union européenne sur le marché des actifs numériques, non seulement pour défendre nos intérêts économiques et ne pas accentuer la dépendance de nos infrastructures financières vis-à-vis d’acteurs étrangers, mais aussi pour sauvegarder nos valeurs.

À ce titre, il convient de souligner que les acteurs européens de la blockchain et des actifs numériques sont majoritairement de petites entreprises, contrairement à certains de leurs concurrents américains ou asiatiques à envergure mondiale. Or, une réglementation trop lourde – le seul projet de règlement MiCA représente 168 pages – risquerait de favoriser les gros acteurs, souvent étrangers, par rapport aux acteurs européens encore jeunes et fragiles.

Il paraît pourtant indispensable de maintenir une concurrence équitable entre les acteurs déjà établis sur le marché et les nouveaux entrants, afin de donner le maximum de chances aux entreprises européennes dans la course au progrès technologique et, si possible, accompagner le développement de « champions » européens capables de peser sur la scène internationale.

Les exigences imposées aux acteurs du secteur des actifs numériques doivent être d’autant plus strictes que les projets sont de grande ampleur ou susceptibles de fragiliser la politique monétaire ou la stabilité financière. À l’inverse, les projets moins risqués pourraient se voir accorder certaines exemptions pour leur permettre de contribuer au développement des innovations.

En outre, il importe de tenir compte des spécificités de certains secteurs, tels que les NFT ou les stablecoins décentralisés, dont les particularités semblent devoir appeler un traitement personnalisé.

Il incombe désormais aux régulateurs que nous sommes de travailler, en lien avec les acteurs de la blockchain et des actifs numériques, à l’établissement d’une réglementation rationnelle, proportionnée et adaptée, qui n’impose pas plus de contraintes que nécessaire aux porteurs de projet et qui tienne compte des spécificités des différentes catégories d’actifs numériques.

 

 


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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 1er décembre 2021, la commission a entendu une communication sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux monnaies virtuelles (M. Éric Woerth, rapporteur).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. L’ordre du jour appelle l’examen du rapport sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux crypto-actifs. Cette mission, qui avait été présidée par le président Éric Woerth et rapportée par Pierre Person, avait présenté ses conclusions en 2019. Depuis lors, le sujet s’est enrichi de questions nouvelles et les débats législatifs ont montré, cet automne encore, qu’il existe un certain nombre d’enjeux d’évolution de notre législation sur ce sujet.

M. Éric Woerth, rapporteur. Il me semble important qu’un travail de suivi des missions d’information soit réalisé. Le plus souvent, c’est le cas. Cela contribue à la crédibilité et à la qualité de nos travaux. Le suivi de la mission d’information relative aux crypto-actifs était d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un sujet qui évolue beaucoup.

Il y a deux ans, nous avions décidé, avec Pierre Person, et en accord avec le bureau de la commission des finances, de lancer une mission d’information sur les « crypto-actifs » – et non pas sur les « crypto-monnaies ». Le rapport, publié en janvier 2019, a permis de faire rentrer ce sujet dans l’actualité de l’Assemblée nationale, pour mieux en comprendre et en expliquer les enjeux et pour accompagner la mise en place d’une nouvelle réglementation spécifique aux actifs numériques.

Deux ans après la publication du rapport, il m’a semblé important de réaliser un bilan des propositions qui y étaient formulées, mais aussi d’effectuer un travail d’actualisation de la mission d’information, en examinant les principales évolutions du secteur depuis 2019 et les nouveaux usages qui émergent.

Le secteur des crypto-actifs continue de se développer de manière extrêmement rapide. Un chiffre l’illustre tout particulièrement : la capitalisation totale des actifs numériques, au niveau mondial, représentait 800 milliards de dollars en janvier 2018, elle s’est élevée à 2 500 milliards de dollars en mai 2021 et elle a dépassé les 3 000 milliards de dollars le mois dernier.

L’essor des crypto-actifs se traduit aussi par une diversification croissante des actifs proposés sur le marché. Nous connaissions les jetons de protocole (les currency tokens), tels que le bitcoin, les jetons de service (les utility tokens) ou encore les jetons assimilables à des titres financiers (les security tokens). Nous connaissions aussi les smart contracts, ces protocoles informatiques, basés sur la technologie blockchain, qui permettent, lorsque certaines conditions sont réalisées, d’exécuter automatiquement une action prédéfinie.

Désormais, il nous faut aussi nous intéresser aux actifs numériques stables (les stablecoins), qui sont conçus pour que la volatilité de leur cours par rapport à un actif de référence soit la plus faible possible. Il s’agit par exemple, du projet de monnaie numérique qu’entend lancer Facebook. Les stablecoins ont un potentiel de développement considérable, notamment pour renforcer l’utilisation des actifs numériques comme moyens de paiement.

Sont aussi apparus des jetons non fongibles (les non fungible tokens, dits aussi NFT), des actifs numériques rendus uniques et non interchangeables par le biais d’une blockchain. Les bitcoins sont interchangeables. Ce n’est pas le cas des NFT, qui suscitent un intérêt croissant dans des domaines extrêmement variés : les cartes de collection, les jeux vidéo, les ventes d’œuvres numériques, et même la rémunération de certains professionnels du sport. Ils vont donc au delà de simples œuvres d’art.

Évidemment, tous ces sujets sont assez techniques. Il faut faire œuvre de pédagogie, pour expliquer avec des mots simples des mécanismes souvent complexes et très sophistiqués. Le vocable n’y aide pas, car il est composé de nombreux anglicismes et de faux amis, dont il faut se défaire.

Néanmoins, les actifs numériques sont un enjeu stratégique pour l’avenir de notre système monétaire et financier. Il ne s’agit pas d’une tocade, mais d’un sujet qui intéresse de près les entreprises, les États, les banques centrales, les investisseurs, les spéculateurs, et qui concerne l’ensemble des acteurs du monde financier. Il est de notre responsabilité, en tant que législateur, en tant que régulateur, d’en avoir la connaissance la plus fine possible, mais aussi, je le crois, de faire preuve d’une certaine ouverture d’esprit, afin de sortir de nos schémas de pensée classiques, ainsi que d’une certaine modestie. C’est pourquoi, dans le cadre de ce suivi, j’ai continué d’échanger avec les acteurs du secteur et les autorités de régulation, pour sortir d’une vision purement théorique et envisager les enjeux de manière concrète.

Entre 2016 et 2019, la France a entrepris de mettre en place un cadre juridique pour les technologies blockchain et les actifs numériques. Ces efforts se sont concrétisés avec la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi PACTE), qui a encadré à la fois les initial coin offerings (les ICO), c’est-à-dire les émissions de jetons sur le marché primaire, et les prestataires de services sur actifs numériques sur le marché secondaire. En parallèle, la loi de finances pour 2019 est venue préciser le cadre fiscal des actifs numériques, notamment les modalités de l’imposition des plus-values sur actifs numériques réalisées à titre occasionnel par les particuliers, modalités dont nous avons encore eu l’occasion de débattre lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022.

Il convient d’emblée de souligner que, avec ces deux textes, la France se distingue de la plupart des autres pays, qui ne possèdent pas de cadre juridique et fiscal spécifique aux crypto-actifs. Cela a été salué par l’ensemble des acteurs auditionnés dans le cadre de ce suivi. Le droit en vigueur donne de la prévisibilité aux investisseurs et favorise le développement des actifs numériques dans notre pays.

Une partie des propositions formulées par la mission d’information relative aux crypto-actifs ont été satisfaites dans le cadre de la loi PACTE et de la loi de finances pour 2019 ainsi que dans les mesures réglementaires qui en ont résulté, qu’il s’agisse des décrets d’application, des évolutions de la doctrine fiscale, des modifications du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) ou encore des recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l’ACPR). Parmi les vingt-sept propositions formulées par la mission d’information, onze ont été satisfaites et cinq sont partiellement satisfaites, soit un taux d’application de 60 % – ce qui est plutôt correct.

Le suivi des recommandations de la mission d’information a aussi été l’occasion de dresser un premier bilan des dispositions adoptées dans la loi PACTE et dans la loi de finances pour 2019.

Grâce au cadre juridique spécifique aux crypto-actifs mis en place par la loi PACTE dans le code monétaire et financier, nous avons désormais une définition juridique des actifs numériques et des jetons, mais aussi des prestataires de services sur actifs numériques, qu’il s’agisse des services d’échange d’actifs numériques contre de la monnaie légale, des services de conservation d’actifs numériques ou encore des services d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques.

Peut-être faudra-t-il compléter ces définitions dans un futur proche ? Nous avons eu l’occasion de réfléchir ensemble à une caractérisation juridique des NFT lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, mais la rédaction proposée n’était pas encore suffisamment aboutie. Quoi qu’il en soit, ce travail de définition entamé dans la loi PACTE est nécessaire pour construire une réglementation opérante.

Sur le marché primaire, tout porteur de projet qui souhaite lancer une émission de jetons peut obtenir de l’AMF un visa optionnel lui permettant de prouver son sérieux et la qualité de son offre. Les obligations imposées aux émetteurs ont été précisées par voie réglementaire ainsi que dans le règlement général de l’AMF. Vous en trouverez un état des lieux très précis dans le rapport de suivi.

Sur le marché secondaire, les prestataires de services sur actifs numériques ont désormais l’obligation de s’enregistrer auprès de l’AMF et de l’ACPR pour pouvoir exercer leurs activités en France. Je dis bien « tous les prestataires », dans la mesure où le dispositif initial, qui ne concernait que les services dits « crypto-to-fiat », a été modifié par une ordonnance du 9 décembre 2020 et s’applique désormais aussi, avec des obligations un peu allégées, aux services dits « crypto-to-crypto ».

Dans les deux cas, pour l’attribution d’un visa aux ICO et pour l’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques, le cadre législatif et réglementaire est désormais bien en place, même si sa mise en œuvre demeure inachevée. Les sociétés qui doivent s’y soumettre ont encore du mal à respecter l’ensemble de leurs obligations. Pour les ICO, seuls trois visas ont jusqu’ici été délivrés, dont un pour une ICO dont le projet n’a pas été mené à son terme. L’outil n’a donc pas répondu à toutes les attentes. Quant à l’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques, la durée de la procédure est encore trop longue pour de nombreux entrepreneurs, dont les projets sont retardés de plusieurs mois, tant qu’ils ne sont pas parvenus à s’enregistrer, dans un secteur où ce n’est pas la lenteur qui prime.

Les torts sont partagés. D’un côté, on peut faire reproche aux autorités de régulation de vouloir appliquer aux crypto-actifs les schémas de pensée inhérents aux actifs financiers traditionnels même lorsque cela est impossible ; mais cela est de moins en moins vrai. D’un autre côté, il convient de souligner que les prestataires de services sur actifs numériques sont souvent de petites sociétés, peu habituées à mettre en œuvre des réglementations aussi complexes que, par exemple, celle relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme.

Les choses mettent donc du temps à se mettre en place. L’ensemble des acteurs, y compris les régulateurs, sont de cet avis. Elles évoluent dans le sens d’une meilleure compréhension mutuelle des entrepreneurs et des autorités de régulation. Mais il reste encore des marges d’amélioration certaines.

L’un des enjeux les plus épineux concerne l’accès des prestataires de services sur actifs numériques aux services bancaires en euros. Le droit au compte réaffirmé dans la loi PACTE demeure encore théorique pour certains prestataires, qui essuient des refus d’ouverture de compte et sont contraints de faire appel à des établissements bancaires étrangers. L’ACPR n’a jusqu’ici pas été en mesure de faire converger les positions des uns et des autres. Il faut souhaiter que la mise en œuvre de la loi PACTE et l’enregistrement de tous les prestataires de services sur actifs numériques opérant en France puissent permettre d’avancer sur ce sujet fondamental.

Le régime fiscal mis en place pour les actifs numériques est lui aussi innovant. Contrairement à ce qui existe dans de nombreux pays, les échanges d’actifs numériques contre des actifs numériques sont neutralisés et ne donnent pas lieu à imposition lorsqu’ils sont réalisés par des particuliers à titre occasionnel. C’est uniquement lorsqu’on sort du « monde crypto » – lorsqu’on convertit ses actifs dans une monnaie légale ou qu’on les utilise pour acheter un bien ou un service – que la plus-value réalisée est imposée. Conformément à une recommandation de la mission d’information, le taux d’imposition est fixé à 30 %, sur le modèle du prélèvement forfaitaire unique (PFU). C’est un gage de simplicité et de clarté pour les investisseurs.

Malgré ces avantages, le régime fiscal demeure complexe. Nul ne le nie. Le calcul des plus-values suppose de tenir une comptabilité précise de chaque transaction effectuée, mais aussi de connaître la valorisation totale de son portefeuille d’actifs à un instant T, ce qui n’est pas toujours évident. Néanmoins, les propositions de la mission d’information visant à simplifier le régime fiscal des actifs numériques n’ont pas encore pleinement abouti.

Deux amendements ont été adoptées en ce sens lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022. Désormais, un investisseur pourra choisir d’être imposé soit au prélèvement forfaitaire unique, soit au barème de l’impôt sur le revenu. Dans le prélèvement forfaitaire unique, l’impôt sur le revenu représente 12,8 % et les prélèvements sociaux 17,2 %. Une personne dont les revenus ne sont pas imposables gagne donc à pouvoir choisir le barème de l’impôt sur le revenu. C’est un progrès pour les petits investisseurs.

Par ailleurs, un amendement vise à clarifier la distinction entre les activités exercées à titre occasionnel et les activités professionnelles. Il nécessitera tout de même une évolution de la doctrine fiscale, qui tarde encore à venir. Ce point a fait l’objet de débats complexes lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022, et la solution retenue permettra, je l’espère, d’avancer sur ce sujet.

De la même manière, la proposition de la mission d’information visant à inciter les investisseurs en crypto-actifs à réinvestir leurs gains dans l’économie réelle demeure insatisfaite. Il s’agit d’un débat que j’ai voulu relancer cette année, lors du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 et lors du projet de loi de finances pour 2022. Notre collègue Pierre Person et certains d’entre vous m’ont rejoint dans cette voie. Nous n’avons pas réussi à convaincre le Gouvernement de faciliter par le biais de la fiscalité la sortie du « système crypto » pour investir dans l’économie réelle.

Ce débat est loin d’être refermé. Je pense que nous y viendrons, d’une manière ou d’une autre, dans les mois et années qui viennent, car il est nécessaire de rapprocher le « monde crypto » de la sphère réelle. Évidemment, les deux sont déjà liés – les ICO permettent de lever des fonds pour financer des projets dans l’économie réelle – mais il faudrait davantage d’incitation pour que les plus-values réalisées en actifs numériques soient réinvesties, par exemple, dans des activités de production industrielle.

En définitive, nous pouvons être satisfaits de notre législation. La France fait partie des pays précurseurs en matière de crypto-actifs. Mais toutes les difficultés ne sont pas réglées. Il faut en avoir conscience. Le cadre juridique mis en place a vocation à s’adapter au fil du temps, au gré des évolutions du secteur et des innovations technologiques, qui vont se poursuivre.

L’expansion des actifs numériques et des services basés sur les technologies blockchain présente de nombreuses potentialités pour rendre le système financier plus efficient, en réduisant les coûts et les délais de transaction, en facilitant les paiements internationaux et en renforçant la transparence des informations. Les actifs numériques pourraient aussi renforcer l’inclusion financière des populations peu bancarisées – nous verrons si c’est le cas au Salvador, bien que cela serait étonnant –, diversifier les possibilités de levée de fonds des entrepreneurs ou encore permettre une meilleure rémunération des artistes.

Néanmoins, il est nécessaire de rester lucide sur les risques inhérents aux actifs numériques. À ce stade, les crypto-actifs ne remplissent pas, ou de manière très imparfaite, les fonctions de la monnaie. C’est pourquoi il est illusoire de les qualifier de « crypto-monnaies ». Ils ne sont pas une unité de compte permettant de libeller le prix des biens et services. Ils ne sont pas ou très peu un instrument de transaction, puisqu’ils ne servent pas à régler des achats de biens ou services dans l’économie réelle, en dehors de quelques cartes bancaires dont l’usage demeure rare. Ils ne sont pas non plus une véritable réserve de valeur, car leur cours en monnaie légale est encore trop volatil, à l’exception peut-être des stablecoins.

Les actifs numériques demeurent avant tout des actifs spéculatifs, qui sont porteurs de risques. L’anonymat consubstantiel aux crypto-actifs protège la vie privée de leurs utilisateurs, mais peut aussi servir de support à des transactions illicites et à des opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. En outre, le marché des crypto-actifs doit encore faire ses preuves en termes de résilience face aux cyberattaques et de protection des informations confidentielles des usagers.

Par ailleurs, l’impact environnemental des technologies blockchain et des actifs numériques n’est pas négligeable dans le contexte du changement climatique, même si certains protocoles de minage sont désormais moins énergivores. C’est, par exemple, le cas du protocole dit proof of stake. Enfin, l’irruption de grands groupes internationaux dans le monde des crypto-actifs ne va pas sans poser des enjeux de souveraineté pour les États, notamment s’agissant du projet de Diem (anciennement Libra) de Facebook.

Dans ce contexte, il appartient au régulateur de maintenir une position équilibrée, en encourageant les innovations tout en protégeant les investisseurs et les petits porteurs, en garantissant le respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme, et en préservant la souveraineté monétaire ainsi que la stabilité financière.

C’est d’ailleurs l’enjeu de la nouvelle réglementation présentée par la Commission européenne sous la forme d’une proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs (dit règlement MiCA). Jusqu’où est-il nécessaire et proportionné de réguler les actifs numériques ? Comment réduire les risques de transactions illicites sans porter une atteinte non justifiée aux libertés publiques ? Comment réguler les entreprises européennes sans réduire leur compétitivité par rapport à leurs concurrents internationaux ? Ce sont des questions vastes, car il s’agit d’un sujet vaste, qui englobe l’ensemble des problématiques liées à la monnaie et aux activités financières. Les problèmes de régulation se posent de manière globale.

C’est aussi tout le débat qui monte autour des monnaies numériques de banque centrale. Nous avons, à plusieurs reprises, interrogé le gouverneur de la Banque de France sur le sujet. Après la Chine et la Suède, la Banque centrale européenne (BCE) a elle aussi annoncé le lancement d’une phase d’étude visant à la mise en place d’un euro numérique, qui ne serait pas un euro numérique détenu par une banque commerciale mais qui disposerait de la garantie du système bancaire.

Les monnaies numériques de banque centrale visent à remédier à la disparition de l’argent liquide, à maintenir la confiance des citoyens dans le système monétaire, mais aussi à préserver la politique monétaire et la stabilité financière contre une dispersion des systèmes de paiement dans des monnaies privées qui pourraient être soustraites à toute réglementation et à toute légitimité étatique.

Néanmoins, on peine encore à entrevoir ce que sera un euro-numérique. Les banques centrales elles-mêmes se posent encore beaucoup de questions. S’agira-t-il uniquement d’une monnaie de gros réservée aux intermédiaires financiers ou d’une monnaie de détail accessible aux particuliers ?

En outre, je tiens à nuancer le caractère révolutionnaire d’un éventuel euro numérique. En réalité, la banque centrale n’a pas vocation à remplacer les banques commerciales. Un euro numérique viendrait non pas remplacer mais compléter la monnaie commerciale. Il n’est pas certain que nos concitoyens y voient une différence ou un avantage.

En tout état de cause, l’ensemble de ces débats s’imposent à nous et ne doivent pas être évités, même s’ils sont parfois difficiles d’accès. Nous ne pouvons plus faire comme si les crypto-actifs n’existaient pas. Il nous faut rester attentifs à leurs évolutions, nous préparer dès à présent à leur montée en puissance et adapter sans trop tarder notre cadre juridique et fiscal afin d’en maximiser les potentialités tout en en maîtrisant les risques. Il me semble important que l’Assemblée nationale soit au cœur de ces débats.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur le rapporteur, merci pour votre travail, précieux et utile, qui nous servira lorsque les débats sur les crypto-actifs reviendront, notamment lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances.

Comme vous l’avez indiqué, les dispositions adoptées dans la loi PACTE et dans les lois de finances ainsi que les deux amendements adoptés lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022 sont des avancées souhaitables. Il faut probablement aller plus loin. Ce sujet doit être appréhendé par étapes et, justement, votre rapport de suivi pose de nouvelles questions.

Depuis quelque temps, vous proposez d’inciter, par la fiscalité, les investisseurs ayant réalisé des plus-values sur actifs numériques à les réinvestir dans l’économie réelle. Je me suis souvent montré favorable, sur le principe, à cette proposition. Toutefois, j’ai finalement de plus en plus de doutes sur la pertinence et sur l’efficacité de ces incitations fiscales, notamment en découvrant et en comprenant ce que sont les NFT et en constatant la place de plus en plus importante qu’ils occupent dans le monde des crypto-actifs. Est-ce que ces NFT n’ont pas finalement pour vocation de ne jamais toucher l’économie réelle ? Si tel est le cas, aucune incitation fiscale ne pourra les faire « redescendre sur terre ».

Je m’interroge également sur les risques liés à la hausse de la capitalisation des actifs numériques. Le vice-président de la Banque centrale européenne a récemment alerté sur le fait que de plus en plus d’acquisitions de crypto-actifs se font avec de la dette. Ce lien qui se crée entre le « monde crypto » et le monde bancaire et financier via l’endettement n’est-il pas dangereux ? Ne risque-t-on pas de voir apparaître des bulles numériques liées à de l’endettement réel ? Ce phénomène ne présente-t-il pas des risques inflationnistes ? Est-ce qu’il existe des travaux de la Banque de France à ce sujet pour nous aider à anticiper ces questions et envisager des moyens de régulation ?

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. La mission d’information recommandait, dans sa proposition n° 4, de clarifier la notion d’activité exercée « à titre habituel » dans la doctrine fiscale. Elle n’a été que partiellement satisfaite. Où en est-on et quelles en sont les conséquences ?

Parmi les onze propositions qui n’ont pas été satisfaites, figure la proposition n° 7 concernant l’augmentation de l’abattement sur les opérations de cession en crypto-actifs de 305 euros à 3 000 euros, qui a fait l’objet d’un amendement de Pierre Person lors du projet de loi de finances pour 2022, lequel n’a pas été adopté. On y trouve aussi la proposition n° 10, qui visait à aligner le régime fiscal applicable aux distributions de jetons gratuites sur celui des attributions d’actions gratuites. Là encore, un amendement a été rejeté. Comment pourrions-nous avancer sur ces deux propositions ?

Mme Bénédicte Peyrol. Il y a deux semaines, j’ai participé, pendant deux jours, à la sélection des spécialistes en valeurs du Trésor, qui sont les banques qui conseillent l’État en matière de gestion de sa dette. À côté des sujets environnementaux, les enjeux liés aux actifs numériques ont été au cœur de nos discussions. D’ailleurs, l’Agence France Trésor se demande s’il faudra un jour émettre de la dette en crypto-actifs ou en monnaie numérique pour satisfaire le marché et s’assurer que notre dette reste attractive. Ces questions sont déterminantes et il est indispensable que l’Assemblée nationale participe à ces travaux.

Je m’interroge au sujet du blanchiment de capitaux et de l’évasion fiscale auxquels peuvent conduire les crypto-actifs, notamment à travers des services de « mixage » qui visent à mélanger des crypto-actifs « ordinaires » avec des crypto-actifs servant à financer des activités illégales. Le rapport de suivi mentionne le renforcement de la réglementation proposée par la Commission européenne en juillet 2021. Au niveau international, le groupe « J5 » (joint chiefs of global tax enforcement) – qui rassemble l’Australie, les États‑Unis, le Canada, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni – a été constitué pour lutter contre la criminalité fiscale internationale et en particulier contre le recours aux actifs numériques. Avez-vous connaissance d’une telle réflexion au niveau européen ? Cela vous semble-t-il pertinent ? Est-ce que la réglementation européenne en cours sur le sujet vous semble suffisante en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale liés aux crypto-actifs ?

Mme Véronique Louwagie. On peut se satisfaire que la commission des finances et l’Assemblée nationale s’approprient le sujet des crypto-actifs.

Les actifs numériques sont définis par la négative, comme toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie. Or, vous rappelez dans le rapport de suivi que le Salvador a adopté le bitcoin comme seconde monnaie légale. N’y aurait-il pas lieu de repréciser la définition des actifs numériques en prenant en compte ce fait nouveau ?

Vous indiquez que si les technologies blockchain permettent une grande traçabilité des transactions en actifs numériques, une telle transparence pourrait devenir excessive si les crypto-actifs étaient davantage utilisés pour des paiements du quotidien. Comment garantir que la vie privée ne soit pas mise à mal, et quelles garanties pourrait-on mettre en place pour que votre crainte ne se réalise pas ?

En matière de formation, il apparaît que la France n’a pas de retard particulier, on peut s’en réjouir. Avez-vous connaissance de formations initiales qui lient finance et actifs numériques ? Comment faudrait-il éventuellement favoriser le développement de ce type de formation afin de prendre de l’avance en la matière, puisque, comme vous l’indiquez dans votre propos préalable, ce n’est pas un sujet qui est manié tous les jours, mais qui a vocation à se développer ?

M. Jean-Paul Mattei. Sur ce sujet passionnant, une certaine ouverture d’esprit est nécessaire pour comprendre des concepts qui ne sont pas évidents.

Notre pays a participé très tôt à l’encadrement de la blockchain et à son ingénierie via la loi PACTE. La commission des finances continue à accompagner ce développement. À l’initiative du rapporteur, l’investissement dans l’économie réelle a été soutenu. Comment peut-on lever les freins que vous identifiez pour encadrer ce marché sans couper son élan ni renoncer à la nécessaire vigilance en matière de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, s’agissant d’outils anonymes ?

Les articles 85 et 86 de la loi PACTE, la loi de finances pour 2019 et les mesures réglementaires afférentes ont permis de répondre à 60 % des propositions du rapport de la mission d’information. Vous listez cependant, parmi celles méritant d’être approfondies, l’imposition des personnes effectuant du minage selon le même régime que celles réalisant des opérations en crypto-actifs à titre habituel. Cela ne semble pas convenir au ministère de l’économie, des finances et de la relance. Qu’en pensent vos interlocuteurs et seraient-ils ouverts à des expérimentations ?

Comment la mission Plan de relance prend-elle en compte la blockchain : des crédits sont-ils dédiés à la recherche et à la formation des jeunes ? Combien de centres de minage sont situés sur notre territoire ?

Vous proposez de soumettre les apports de crypto-actifs à des sociétés à un régime de report de l’imposition des plus-values – c’est ma marotte ! – plutôt qu’à un régime de sursis. Comment gérer ce système en cas de baisse de valeur ?

Mme Claudia Rouaux. Je remercie le rapporteur pour son rapport à la fois technique et pédagogique.

Cette monnaie, purement électronique, échappe au contrôle des États et des banques centrales et a la particularité de n’avoir ni attache, ni référence, ni valeur fondamentale. Si c’est, pour beaucoup d’entre nous, un véritable mystère, c’est aussi l’outil idéal pour les spéculateurs. En novembre dernier, un pic de capitalisation de 3 000 milliards de dollars a été atteint. Blanchiment de capitaux, transactions illicites, financement du terrorisme : que se cache-t-il réellement derrière ces actifs spéculatifs ?

La régulation des crypto-actifs est un enjeu majeur. L’État a-t-il aujourd’hui les moyens humains et matériels pour contrôler les flux des monnaies virtuelles ? Existe-t-il des cellules spécifiques et un plan de formation dans l’administration fiscale ? À l’échelle de l’Union européenne, la France a-t-elle une approche plutôt favorable ou contraignante ? Le retrait du Royaume-Uni ne risque-t-il pas de faire de Londres la place financière la plus propice aux crypto-actifs ?

Face aux cas d’escroquerie et à la forte volatilité des monnaies virtuelles, l’AMF a plusieurs fois alerté sur les risques pour les épargnants. Au regard du nombre et de la valorisation des crypto-actifs, une politique de prévention ne devrait-elle pas être renforcée ?

Mme Lise Magnier. Je remercie le rapporteur pour la qualité de ses travaux sur ce sujet technique dont on ne maîtrise pas encore tous les aspects.

Le marché des crypto-actifs est en plein essor, avec une capitalisation mondiale qui a atteint 3 000 milliards de dollars en novembre dernier. C’est donc un enjeu de l’économie de demain, et déjà de celle d’aujourd’hui. Nous savons gré à notre commission de s’en saisir pleinement.

Une partie des recommandations du rapport de la mission d’information ont été mises en œuvre, ce dont nous nous réjouissons, mais nous devons encore cheminer en bonne intelligence vers la mise en place d’un cadre juridique cohérent, juste et complet. J’avais déposé des amendements en ce sens lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022. Deux d’entre eux ont été adoptés, permettant, d’une part, que les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité professionnelle soient soumis au régime des bénéfices non commerciaux et, d’autre part, que les particuliers aient la possibilité d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu.

De manière plus générale, nous partageons le constat qu’il faut agir à l’échelon européen, développer la technologie blockchain et mettre en place une régulation protectrice de l’intérêt général, sans qu’elle pèse sur la compétitivité du marché européen.

Pouvez-vous en dire plus sur l’euro numérique : dans quelle mesure cet outil supplémentaire pourrait-il renforcer notre monnaie commune ?

MMichel Castellani. Je remercie le rapporteur.

Manifestement, les crypto-actifs ne sont pas une monnaie : ils n’en satisfont que le dernier des trois critères classiques. Ils sont très volatils, offrent peu de sécurité face aux arnaques, permettent relativement facilement le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme et ont une incidence environnementale considérable. En même temps, ils existent, montent en puissance et favorisent les échanges. Ils répondent à une demande.

Pour l’autorité publique, la question est de savoir s’il faut les laisser se développer librement au nom de la liberté d’entreprendre ou les réglementer. Si l’on choisit de les réglementer, comment le faire dans un domaine furtif qui ne connaît pas d’institution de contrôle ? L’évocation d’une monnaie numérique mise en place par une banque centrale n’est-elle pas un oxymore ?

MJean-Paul Dufrègne. Merci pour cette présentation fort utile. Les crypto-actifs sont des actifs bien plus que des monnaies. Hormis au Salvador, aucun crypto-actif n’a cours légal et ne permet, notamment, de payer ses impôts. Or une monnaie est un fait social et participe de la souveraineté.

Les crypto-actifs constituent une énième innovation financière visant à toujours plus de spéculation, comme le prouvent certains niveaux de valorisation complètement hors sol. Ces éléments font peser un certain nombre de risques. Le rapporteur a évoqué le blanchiment d’argent ou le financement d’activités illégales – l’on s’en donne à cœur joie – mais j’en vois un autre, à savoir celui de l’instabilité financière, car un tel actif sur lequel les régulateurs n’ont aucune prise demeure un candidat parfait pour l’émergence de bulles spéculatives qui pourraient se révéler particulièrement dangereuses. Il serait intéressant de savoir comment, d’un point de vue macroéconomique, les banques centrales intègrent ce nouveau risque dans leur politique de stabilité financière.

J’ai également lu dans le rapport qu’il était essentiel de soutenir l’innovation en matière de blockchain. De nombreuses banques centrales, comme la Banque centrale européenne ou la Banque d’Angleterre, ont d’ailleurs évoqué la possibilité d’utiliser cette technologie pour développer leur propre monnaie électronique. Or les activités numériques représentent aujourd’hui près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre – un chiffre en constante augmentation. La blockchain est extrêmement énergivore et sa généralisation, aussi intéressante qu’elle puisse être, pose de nombreuses difficultés, avec des coûts environnementaux majeurs pour des effets positifs qui me laissent toujours dubitatifs : spéculation et compagnie…

MJean-Louis Bricout. Il s’agit d’un univers quelque peu particulier dont la compréhension ne va pas de soi.

La proposition n° 25 de la mission d’information portait sur l’inclusion de modules dans l’enseignement secondaire et supérieur, pour former les entrepreneurs de demain. Une telle formation initiale vous paraîtrait-elle suffisante ? Une information ne devrait-elle pas être délivrée à un public plus large ? Près de 80 % des heures de formation sont dispensées dans le bassin parisien : quelles seraient les solutions contre cette fracture territoriale ?

MÉric Woerth, rapporteur. Je suis d’accord avec le rapporteur général sur la nécessité de progresser par étapes, en prenant le temps de comprendre si la régulation a un sens et de l’intégrer au moins au niveau européen. En réalité, c’est ainsi que cela se passe : des propositions émergent de projet de loi de finances en projet de loi de finances, en fonction de la création de nouveaux actifs cryptés ou des évolutions du régulateur lui-même.

La vraie question est celle des usages. Les différentes banques centrales n’ont pas nécessairement la même définition ou la même volonté politique. Les intentions de la Banque populaire de Chine ne sont pas celles de la Banque centrale européenne.

Doit-on favoriser les investissements dans l’économie réelle en modifiant le cadre fiscal applicable à la réalisation de plus-values ? C’est souvent ainsi qu’on procède en France. Chacun comprend ce que j’entends ici en parlant de l’économie réelle. Je n’ai pas la certitude que cette proposition serait suffisamment incitative. Il est vrai que les NFT sont un cas d’usage très particulier. Toutefois, quand il existe un marché de 3 000 milliards de dollars de capitalisation, il n’est pas inutile de se demander si une réorientation des flux vers l’économie réelle, qui a besoin de développer ses investissements, est possible. Si la France adoptait une telle initiative, sans doute faudrait-il la borner dans le temps afin d’éviter les abus.

Concernant les stablecoins, il est probable que les investisseurs ne souhaitent pas demeurer au cœur de la tempête après avoir réalisé une plus-value importante et décident d’aller temporairement se reposer au port. Avant l’apparition de ces actifs, il n’existait pas de port en eau tranquille dans l’univers des crypto-actifs. Les stablecoins remplissent ce rôle et permettent aux investisseurs de conserver leurs actifs dans l’univers des crypto-actifs tout en échappant à la volatilité et à la fiscalité. Pour éviter que ces capitaux dorment, des incitations fiscales sont nécessaires.

La Banque de France n’a pas évoqué de risque particulier lié aux pratiques d’acquisition de crypto-actifs par de l’endettement. Je ne peux donc vous dire s’il existe un risque de bulle numérique. Sans doute faudrait-il mener des travaux plus approfondis sur ce sujet.

Concernant le régime fiscal applicable aux personnes réalisant des plus-values à titre occasionnel, une solution a été proposée dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022. Nous constatons qu’un certain nombre de personnes agissent comme des professionnels sans en être, en raison de la nécessité de développer rapidement des compétences dans ce domaine et de s’y consacrer pleinement. Les opérations réalisées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité professionnelle sont actuellement comptabilisées comme des bénéfices industriels et commerciaux. Or les frontières permettant de distinguer l’activité professionnelle de l’activité non professionnelle dans le cadre de ce régime d’imposition ne sont pas optimales. En conséquence, l’Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant d’assujettir ces opérations aux bénéfices non commerciaux. L’application de ce régime davantage adapté permettra d’utiliser des définitions plus précises en ce qui concerne l’appréciation des plus-values perçues à titre occasionnel ou habituel. Néanmoins, la doctrine fiscale reste à développer sur ce point.

Je n’ai pas d’avis définitif concernant le montant de l’abattement forfaitaire en-dessous duquel les plus-values réalisées en crypto-actifs ne sont pas imposées. Le rapport de la mission d’information proposait de porter cet abattement de 305 euros à 3 000 euros. Je n’avais personnellement pas soutenu cette proposition. On peut sans doute discuter du montant optimal de cet abattement. Il n’existe pas de critère permettant de fixer objectivement ce seuil, ce qui explique en partie pourquoi l’Assemblée nationale a choisi, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022, de ne pas adopter cette mesure.

L’Assemblée nationale a également rejeté un amendement visant à aligner le régime fiscal des attributions de jetons gratuites sur le régime applicable aux attributions d’actions gratuites. Le législateur, tout comme Bercy, se sont montrés prudents sur ce sujet, qui n’a pas encore été totalement investigué. Comme souvent, on essaye d’étendre aux actifs numériques les régimes d’imposition existants. Il me semble malaisé de considérer que les attributions de jetons gratuites ont exactement les mêmes caractéristiques que les attributions d’actions gratuites. Je considère néanmoins que les travaux doivent se poursuivre sur ce sujet.

Si le blanchiment de capitaux et l’évasion fiscale sont des sujets indissociables des crypto-actifs, nous n’avons pas creusé les questions liées aux méthodes utilisées par les fraudeurs ou l’utilisation qu’ils font des actifs numériques. Les initiatives portées par le groupe international J5 n’ont donc pas fait l’objet de développement dans le cadre du rapport de suivi. Cela mériterait sans doute un rapport d’information à part entière.

Chaque pays est maître de sa monnaie, il n’en existe donc pas une définition mondiale. En revanche, nous avons besoin d’une définition européenne. Le projet de règlement MiCA est important, car il permettra d’harmoniser la définition des crypto-actifs au sein de l’Union européenne.

Le Salvador a effectivement adopté le bitcoin comme seconde monnaie légale, aux côtés du dollar américain. L’équivalent de 30 dollars en bitcoin a été distribué à chaque Salvadorien qui ouvrait un compte en bitcoin. L’ouverture d’un compte et l’utilisation des bitcoins requièrent certaines compétences techniques. Je ne suis pas certain que l’intégralité de la population s’en soit saisie. Par ailleurs, l’adoption du bitcoin par le Salvador est en partie liée aux flux financiers émanant des Salvadoriens résidant à l’étranger. En réalité, le Salvador essaye de substituer à une monnaie locale vacillante une autre monnaie sûrement tout aussi vacillante mais considérée comme plus forte. Je rappelle que le bitcoin n’est pas une monnaie et ne présente quasiment aucune des caractéristiques d’une monnaie. C’est une valeur spéculative.

À ce stade, les crypto-actifs ne génèrent pas d’atteinte excessive à la vie privée. Toutefois, la blockchain utilisée par des entreprises ou des particuliers pour sécuriser des transactions favorise une grande traçabilité, sous réserve de lever l’anonymat. S’ils étaient utilisés comme moyens de paiement à grande échelle, les actifs numériques seraient soumis à la même traçabilité, contrairement à l’argent liquide utilisé aujourd’hui. Il y a donc un risque potentiel d’atteinte à la vie privée.

Nous l’avions dit lors de la remise du rapport de la mission d’information, en 2019, de même que le ministre au banc lors de l’examen de la loi PACTE, il convient d’éviter que la France prenne du retard en matière de blockchain et de crypto-actifs. Personne ne sous-estime ces technologies et leurs usages. Toutefois, il est impensable que le secteur des crypto-actifs ne soit pas régulé. Il faut continuer à appliquer le principe « mêmes activités, mêmes risques, mêmes règles ». Pour certains actifs, on peut appliquer les règles existantes ; cela vaut notamment pour ceux qui sont assimilables à des titres financiers classiques. En cas d’absence de règles, il convient de développer des régimes spécifiques, par exemple pour les NFT. C’est ce que font d’autres pays et aussi ce que propose la Commission européenne.

Je ne sais pas si des crédits du plan de relance ou du plan d’investissement « France 2030 » sont consacrés aux technologies blockchain. Peut-être le rapporteur général, rapporteur de cette mission budgétaire, pourra-t-il nous le dire ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pas à ma connaissance.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je ne crois pas non plus que cela soit le cas.

Par ailleurs, il n’existe pas, à ma connaissance, de centres de minage en France, même si je reste prudent sur cette affirmation. Les activités de minage exercées sur notre territoire, s’il y en a, sont essentiellement le fait d’initiatives individuelles.

Il est difficile de dire si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne permettra aux Britanniques de bénéficier davantage des crypto-actifs. Quoi qu’il en soit, il est certain que le Royaume-Uni est très actif dans ce domaine, comme, de manière générale, en matière de services financiers. Je ne pense pas que la France ait accumulé du retard. Toutefois, nous créons certainement davantage de dispositifs de contrôle que d’autres pays. Il faut veiller à sauvegarder notre compétitivité, sans toutefois attirer des activités qui risqueraient d’être illicites.

Concernant l’euro numérique, le sujet demeure obscur. Je ne comprends pas tout. J’ai l’impression que les banques centrales parviennent difficilement à expliquer ce que seront les monnaies numériques de banque centrale. Elles n’ont pas encore arrêté de position précise. La Banque centrale européenne a présenté son projet d’euro numérique il y a de nombreux mois. Plusieurs esquisses de ce projet et des expérimentations ont été menées. Nous n’en sommes qu’à une phase d’étude, qui mettra plusieurs années à se terminer.

L’enjeu est de comprendre le rapport qu’aurait cette monnaie numérique de banque centrale avec la monnaie commerciale que tout un chacun possède sur son compte bancaire. La monnaie commerciale n’est pas la monnaie banque centrale. La monnaie banque centrale, qui correspond à la monnaie fiduciaire, est l’actif le plus sûr, car il est le seul à bénéficier de la garantie de la banque centrale. La question est donc de savoir quel usage donner à un euro numérique, que tout le monde pourrait utiliser au moyen d’un compte ouvert auprès de la banque centrale, sans nuire aux intermédiaires bancaires qui existent aujourd’hui. Cet usage reste à définir.

L’usage d’un euro numérique est plus évident dans le monde financier, pour les intermédiaires financiers et pour les opérations au montant élevé. La blockchain permettrait alors d’accélérer la vitesse des transactions et d’en réduire les coûts.

Quant à la Chine, son projet de monnaie numérique de banque centrale vise principalement à reprendre la main contre les plateformes de paiement mobile. À terme, cela pourrait aussi être le cas pour les États-Unis, et pour l’Europe.

Monsieur Dufrègne, vous dites « spéculation et compagnie »… Vous avez partiellement raison : les crypto-actifs sont d’abord un outil de spéculation. Toutefois, les usages se diversifient. Il existe aujourd’hui des cartes de crédit qui permettent de régler des achats en monnaie légale à partir de crypto-actifs. En France, les actifs numériques sont toutefois peu utilisés comme des moyens de paiement, dans la mesure où chaque sortie du « monde crypto » donne lieu à une imposition de la plus-value réalisée, au taux de 30 %. Il y a donc d’autres usages que la spéculation, même si celle-ci continue de tirer le marché.

S’agissant des questions de formation, force est de constater que les publics les plus jeunes sont ceux qui ont le moins besoin de formation. Il est important que nos systèmes de formation ne prennent pas de retard par rapport aux innovations technologiques. Il existe déjà, à l’université et dans les grandes écoles, une offre de formation portant sur la monnaie et sur toutes les questions monétaires. Il faut y intégrer une formation à la blockchain : comment elle fonctionne, qui y a accès, à quoi sert-elle ? Il y a beaucoup de choses à l’intérieur de cette technologie, qui est amenée à se développer et à être de plus en plus utilisée. Il faut aussi renforcer l’offre de formation continue, pour les salariés qui s’intéressent à la blockchain mais qui peinent à en appréhender la complexité. Nos systèmes de formation doivent fonctionner à plein régime et doivent évidemment porter sur les innovations technologiques. La formation ne doit pas avoir lieu qu’à Paris. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Toutes nos universités et tous nos centres de formation doivent y participer.

En application de l’article 145-8 du règlement de l’Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Banque de France :

– Mme Nathalie Aufauvre, directrice générale de la stabilité financière et des opérations ;

– Mme Valérie Fasquelle, directrice des infrastructures, de l’innovation et des paiements ;

– Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire.

 

Direction générale du trésor :

– M. Sébastien Raspiller, chef du service du financement de l’économie ;

– M. Pierre Offret, adjoint au chef de bureau MultiCom3 (Lutte contre la criminalité financière et sanctions internationales) ;

– M. Clément Robert, adjoint au chef de bureau BancFin4 (Services bancaires et moyens de paiement) ;

– M. Timothée Huré, adjoint au chef de bureau FinEnt1 (Epargne et marché financier).

 

Association pour le développement des actifs numériques (*) :

– M. Simon Polrot, ancien président et délégué général, directeur des affaires européennes et internationale.

 

Fédération bancaire française (*) :

– Mme Maya Atig, directrice générale ;

– Mme Solenne Lepage, directrice générale adjointe ;

– M. Maxime Durier, chargé des relations institutionnelles France.

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Une blockchain est une technologie de stockage et de transmission de données au sein d’un registre structuré sous forme de blocs liés les uns aux autres, d’où l’appellation « chaîne de blocs », qui permet de réaliser des échanges de valeur de manière décentralisée (sans intermédiaire) et sécurisée (le registre des transactions ne peut être falsifié). Une blockchain peut être publique (tout utilisateur peut accéder au registre, effectuer une transaction et valider une transaction) ou privée (certains droits, en particulier celui de valider une transaction, sont réservés à un nombre limité d’utilisateurs).

([2]) Les chiffres proviennent du site coinmarketcap.com .

([3]) Source : coinmarketcap.

([4]) En septembre 2017, l’assureur Axa a lancé Fizzy, une assurance basée sur la blockchain Ethereum et le crypto-actif Ether, qui permettait une indemnisation automatique des passagers d’un avion en cas de retard de leur vol de plus de deux heures. Faute de clients, ce produit expérimental a été abandonné.

([5]) Association pour le développement des actifs numériques, « La France des actifs numériques – État des lieux et bilan de l’écosystème à la rentrée 2020 », octobre 2020 : « En Europe, la France tire cependant son épingle du jeu et se place en première place du podium des pays d’Europe du Nord et de l’Est en termes de valeur reçue « on-chain » (plus de 7,5 milliards de dollars) –  le 11e rang mondial. En termes de volume de négociation pair à pair, la France est à la 14e place dans le classement mondial. »

([6]) Étude de l’institut CSA, en partenariat avec Global P.O.S., Ekino, EY et Smartchain, « Les Français et les nouveaux moyens de paiement », n° 1901200, janvier 2020.

([7]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([8]) Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([9]) Ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.

([10]) Les minibons sont des titres de créance utilisés dans le cadre du financement participatif. Ils font l’objet des articles L. 223-6 à L. 223-13 du code monétaire et financier.

([11]) Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.

([12]) Décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018 relatif à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l’émission et la cession de minibons.

([13]) Projet de loi de finances pour 2019, examen en première lecture à l’Assemblée nationale, sous-amendement n° II-2548 de M. Éric Woerth à l’amendement n° II-2523 du Gouvernement, déposé et discuté le 15 novembre 2018.

([14]) L’article L. 552-2 du code monétaire et financier prévoit que « constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».

([15]) Entre décembre 2017 et janvier 2018, les principaux actifs numériques ont perdu 70 % à 90 % de leur valeur (70 % pour le bitcoin, 92 % pour l’ether).

([16]) Directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE.

([17]) Directive 2010/73/UE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/71/CE concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation et la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé.

([18]) Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE.

([19]) Règlement délégué (UE) 2019/980 de la Commission du 14 mars 2019 complétant le règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la forme, le contenu, l’examen et l’approbation du prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant le règlement (CE)  809/2004 de la Commission.

([20]) Le dispositif ne s’applique qu’aux ICO ouvertes à la souscription auprès d’au moins 150 personnes.

([21]) Arrêté du 5 décembre 2019 portant homologation de modifications du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

([22]) Voir les articles 1.1 et 1.2 de l’instruction AMF DOC-2019-06.

([23]) Décret n° 2019-1213 du 21 novembre 2019 relatif aux prestataires de services sur actifs numériques.

([24]) Décret n° 2019-1248 du 28 novembre 2019 relatif au délai d’examen des demandes d’enregistrement et d’agrément des prestataires de services sur actifs numériques.

([25]) Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques.

([26]) Décret n° 2021-387 du 2 avril 2021 relatif à la lutte contre l’anonymat des actifs virtuels et renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

([27]) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE.

([28]) Définition proposée par Blockchain France : https://blockchainfrance.net/blockchain-pour-les-nuls/ .

([29]) Chainanalysis, « 60% of bitcoin is held long term as digital gold. What about the rest ? », 18 janvier 2020.

([30]) AMF, Position DOC-2020-07, « Questions-Réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs numériques », question 9.1.

([31]) Le premier alinéa du X de l’article 86 de la loi PACTE accordait aux prestataires de services sur actifs numériques un délai de douze mois à compter de la publication des textes d’application pour s’enregistrer auprès de l’AMF.

([32]) Délai fixé au premier alinéa de l’article 12 de l’ordonnance du 9 décembre 2020.

([33]) Association pour le développement des actifs numériques, « La France des actifs numériques – État des lieux et bilan de l’écosystème à la rentrée 2020 », octobre 2020.

([34]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1624 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux d’une mission d’information relative aux monnaies virtuelles, avant-propos du président, page 8.

([35]) Forum Fintech ACPR-AMF, Groupe de travail sur l’accès des prestataires de services sur actifs numériques aux comptes bancaires et sur le fonctionnement des comptes de clients bancaires lors d’achat ou de vente d’actifs numériques, compte rendu des travaux, page 26.

([36]) Minage : processus de validation et de sécurisation d’un bloc de transactions réalisées sur une blockchain. Le minage consiste notamment à vérifier la régularité des transactions figurant sur un bloc puis à « sceller » le bloc pour en fixer définitivement le contenu. Le bloc est alors rattaché au bloc précédent dans la « chaîne de blocs » et il ne peut plus être modifié. Le minage permet de créer de nouvelles unités de crypto-actifs, car les mineurs sont rémunérés en crypto‑actifs par la blockchain.

([37]) Conseil d’État, décision n° 417809 du 26 avril 2018.

([38]) Les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) sont une catégorie de revenus applicable aux personnes physiques exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Ils font partie du revenu imposable et sont soumis à des obligations déclaratives qui dépendent du régime fiscal applicable (micro BIC, réel simplifié ou réel normal). Ils sont soumis au barème de l’impôt sur le revenu.

([39]) Les bénéfices non commerciaux (BNC) sont une catégorie de revenus applicable aux personnes qui exercent une activité professionnelle non commerciale, à titre individuel ou comme associés. Ils font partie du revenu imposable et sont soumis, après déduction des charges, au barème de l’impôt sur le revenu.

([40])Une fraction correspondant à 6,8 % de prélèvements sociaux est déductible de l’assiette des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu.

([41]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1399 de la commission des finances et le sous-amendement I‑2128 du Gouvernement.

([42]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1624 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux d’une mission d’information relative aux monnaies virtuelles, avant-propos du président, page 6.

([43]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-319 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues ainsi que l’amendement I-163 de Mme Lise Magnier et plusieurs de ses collègues.

([44]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1893 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues.

([45]) Voir, au stade de la séance, les amendements I-1305 et I-1306 de M. Éric Woerth et M. Pierre Person ainsi que les amendements I-714 et I-1321 de Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues.

([46]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1362 de M. Éric Woerth et plusieurs de ses collègues ainsi que les amendements identiques I-1398 de la commission des finances, l’amendement I-318 de Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues, I-1502 de Mme Lise Magnier et plusieurs de ses collègues et I-1899 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues ainsi que le sous-amendement I-2127 du Gouvernement.

([47]) Les opérations sur actifs numériques se voient ainsi appliquer le même régime que celui qui existe pour les opérations de bourse depuis la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement.

([48]) Extrait de la contribution écrite fournie par la DGFiP en réponse au questionnaire adressé par le rapporteur dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information.

([49]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1387 de la commission des finances et l’amendement I-1894 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues.

([50]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1896 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues, l’amendement I-1488 de Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues ainsi que l’amendement I‑1489 de Mme Lise Magnier et plusieurs de ses collègues.

([51]) Directive (UE) 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le traitement des bons.

([52]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), BOI-RES-000054.

([53]) Voir, au stade de la séance, l’amendement I-1895 de M. Pierre Person et plusieurs de ses collègues ainsi que l’amendement I-317 de Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues.

([54]) Extrait de la contribution écrite fournie par la DGFiP en réponse au questionnaire adressé par le rapporteur dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information.

([55]) Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([56]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1624 déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux d’une mission d’information relative aux monnaies virtuelles, avant-propos du président, page 9.

([57]) Direction générale des entreprises, « Les verrous technologiques des blockchains », 16 avril 2021.

([58]) Les chiffres proviennent du site coinmarketcap.

([59]) Les chiffres proviennent du site DeFi pulse.

([60]) La transaction s’effectuera en deux temps : l’acquéreur transférera les fonds en stablecoin au réseau de paiement, puis ce dernier transférera la même somme en dollars au vendeur.

([61]) M. Christian Pfister, « Moyens de paiement et monnaie fiduciaire », bulletin de la Banque de France 230/1, juillet-août 2020.

([62]) Groupe de travail du G7 sur les stablecoins, dirigé par M. Benoît Coeuré, « Investigating the impact of global sablecoins », octobre 2019.

([63]) Banque des règlements internationaux (BRI), BIS Papers, n° 107, « Impending arrival – a sequel to the survey on central bank ditigal currency », janvier 2020.

([64]) Banque centrale européenne (BCE), rapport sur un euro numérique, 2 octobre 2020.

([65]) Comité de stabilité financière (Financial stability board, FSB), « Regulation, supervision and oversight of global stablecoin arrangements », octobre 2020.

([66]) Règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) n° 1781/2006.