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N° 4786

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 décembre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-8 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Pascale Boyer et M. Julien Dive,

 

Députés

 

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS

Première partie : état des lieux – l’autonomie alimentaire française en question

I. la France est une grande puissance agricole et alimentaire

A. Des atouts majeurs…

B. … qui font de la France une grande puissance agricole

1. La France : premier producteur agricole européen

2. Une force pour l’économie française

a. L’excédent agricole et agroalimentaire

b. Des secteurs clés en termes de valeur ajoutée et d’emploi

3. Des filières qui tirent leur épingle du jeu

a. Les vins et spiritueux

b. Les céréales

c. Les produits laitiers

d. Les autres filières excédentaires

II. … MAIS NOTRE autonomie alimentaire est fragilisée et loin d’être acquise

A. La puissance agricole française s’érode

B. Des filières fragilisées

1. Une situation très contrastée

2. Un panorama des dépendances filière par filière

a. Les fruits et légumes

b. Les protéines végétales

c. La viande et les produits d’élevage

d. La pêche et l’aquaculture

e. L’agriculture biologique

3. Les filières excédentaires ne sont pas exemptes de difficultés

4. Des niveaux d’importation particulièrement élevés pour répondre à la demande des circuits hors domicile et de l’industrie agroalimentaire

5. La dépendance aux facteurs de production

III. Des facteurs d’explication multiples

A. Les facteurs tenant à la compétitivité prix

B. Les facteurs tenant à la compétitivité hors prix

seconde partie :  reconquérir l’autonomie alimentaire française

I. restaurer la compétitivité du modèle alimentaire français

A. accompagner la structuration de l’offre : construire une stratégie de filières plus offensive

1. Garantir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande

2. Favoriser une structuration de filières en rapprochant le maillon agricole du maillon industriel

3. Soutenir les filières fragilisées et stratégiques

B. ASSURER UN JEU CONCURRENTIEL À armes Égales

1. Le cadre juridique applicable aux importations et ses limites

a. Le cadre applicable

i. Au niveau européen

ii. Avec les pays tiers

b. Des failles nombreuses

2. Des distorsions qui pénalisent doublement la France

3. Des évolutions nécessaires

a. Garantir l’équité entre pays membres de l’Union européenne : harmoniser le cadre européen et limiter les sur-transpositions

b. Assurer l’équité avec les pays tiers : renforcer les contrôles et garantir la réciprocité des conditions de production

i. La politique de contrôle

ii. Exiger la réciprocité : une condition non négociable

C. tirer la demande pour les produits français

1. Mieux informer le consommateur sur l’origine des produits

a. Un cadre applicable insuffisant malgré de récentes évolutions positives

b. Réviser le règlement INCO pour rendre obligatoire l’information sur l’origine des produits alimentaires

2. Mobiliser davantage le levier de la restauration hors domicile

a. Un levier massif

b. Une dépendance forte aux importations

c. Des évolutions importantes du cadre législatif, qui doivent encore se traduire dans les faits

i. Une impulsion donnée par la loi EGALIM

ii. La capacité du secteur à remplir les obligations de la loi EGALIM est à ce stade incertaine

iii. Accompagner les acteurs pour permettre la réalisation des quotas de la loi EGALIM

iv. Ouvrir le chantier de la restauration commerciale

II. Accompagner le monde agricole pour répondre au double défi humain et climatique

A. Un défi humain : Faire face à la crise des vocations des métiers du vivant

1. Une crise des vocations qui touche le secteur agricole et agroalimentaire

a. Une crise de la vocation agricole

b. La pénurie de main-d’œuvre dans les exploitations agricoles

c. Les difficultés à recruter de l’industrie agroalimentaire

2. Revaloriser les métiers du vivant et susciter des vocations nouvelles

a. La question du revenu agricole, la mère des batailles

b. Améliorer les conditions du travail saisonnier

c. Améliorer les conditions de travail dans l’industrie agroalimentaire

d. Mieux faire connaître les métiers du vivant et les débouchés professionnels qu’ils représentent

B. Un défi cLimatique : accompagner les agriculteurs pour réduire les dépendances climatiques et prendre le chemin de la transition agroécologique

1. Les défis environnementaux pour le monde agricole sont majeurs

2. Accompagner le monde agricole vers la transition agroécologique

a. Soutenir l’investissement dans les agro-équipements

b. Une nécessaire politique publique ambitieuse concernant la gestion de l’eau

c. Investir dans la recherche et le déploiement de solutions alternatives

i. Soutenir les solutions de bio-contrôle

ii. Avancer sur les enjeux de recherche et de sélection variétale

d. Soutenir le développement de l’agriculture biologique et de la haute valorisation environnementale (HVE)

i. Le soutien à l’agriculture biologique

ii. Les enjeux liés à la certification HVE

3. Mieux s’armer pour faire face aux chocs climatiques

III. Décliner l’autonomie alimentaire à l’échelle des territoires

A. renforcer l’efficacité des projets alimentaires territoriaux

B. ENCOURAGER LA CONSOMMATION DE PRODUITS LOCAUX ET PROMOUVOIR LES CIRCUITS DE PROXIMITÉ

1. La place actuelle des circuits courts et des produits locaux dans la consommation des Français

2. Des leviers pour favoriser le recours aux produits locaux et aux circuits de proximité

a. Un cadre actuel trop limitatif

b. Mieux faire connaître les outils existants et garantir leur bon usage

c. Porter une réforme du cadre européen

d. D’autres leviers pour encourager le développement des circuits de proximité

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes

 


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introduction

« Déléguer notre alimentation [...] est une folie ». Tels sont les mots prononcés par le Président de la République dans son discours aux Français du 12 mars 2020, à la veille du premier confinement. La crise de la Covid-19 a ravivé les craintes anciennes de pénuries alimentaires que l’on pensait disparues. Si la chaîne alimentaire s’est montrée résiliente, les confinements successifs n’en ont pas moins révélé un certain nombre de faiblesses structurelles et de dépendances de notre système. C’est à partir de ce constat que vos rapporteurs ont souhaité engager une réflexion pour dresser un état des lieux sur la question de l’autonomie alimentaire de la France et dégager des pistes d’action en la matière.

La notion d’autonomie alimentaire est à la croisée de différents concepts qui irriguent les politiques publiques agricoles et alimentaires. Elle est proche du principe de souveraineté alimentaire, qui émerge dans le débat public au cours des années 1990. En 1996, dans le contexte du sommet mondial de l’agriculture, le mouvement paysan Via campesina consacre cette notion, en déclarant : « se nourrir est un droit humain de base. La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base, en respectant la diversité des cultures et des produits. ». Sans se confondre avec l’idée d’autarcie, la notion d’autonomie alimentaire fait donc référence à la capacité d’une nation à décider souverainement de ses politiques alimentaires et à satisfaire globalement les besoins alimentaires de la population, en qualité et en quantité. Cette idée figure dans le code rural et de la pêche maritime affirme dont l’article L. 1 prévoit que les politiques en faveur de l’agriculture et de l’alimentation ont pour finalité « de sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France et de promouvoir l’indépendance alimentaire de la France à l’international, en préservant son modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de son alimentation et en préservant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ».

Grande puissance agricole mondiale, premier producteur agricole de l’Union Européenne, l’autonomie alimentaire de la France a longtemps été considérée comme un acquis. Force est de constater que la dynamique a beaucoup changé.

Le modèle français est fort de ses nombreux atouts : la réputation, la qualité, et la diversité des productions agricoles françaises en font toute la richesse. Depuis plus d’un demi-siècle, la balance commerciale agricole française est excédentaire. Le secteur occupe la troisième place du podium des secteurs excédentaires ([1]) de notre balance commerciale, dont le déficit tend à s’accroître année après année. Dans le détail notre excédent commercial s’appuie surtout sur le succès de plusieurs grandes filières agricoles françaises, et en particulier les vins et spiritueux, les céréales, les produits laitiers, le sucre, les semences et les bovins vivants.

Pour autant, l’autonomie et la souveraineté alimentaire de la France sont loin d’être conquises et la situation se dégrade depuis plusieurs années. Selon FranceAgriMer, depuis 2006, le solde commercial des produits agroalimentaires transformés hors vins et spiritueux est déficitaire. Au niveau mondial, la France est passée du deuxième pays exportateur derrière les États-Unis au début des années 2000 au sixième depuis 2015. Elle s’est fait dépasser successivement par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Brésil. Au niveau européen, la France n’est plus que le troisième pays exportateur.

La France importe environ 20 % de sa consommation alimentaire. Pour certaines filières, les taux de dépendance aux importations sont supérieurs à 50 %. La part de produits importés est particulièrement élevée dans la restauration hors domicile ainsi que dans les produits transformés de l’industrie agroalimentaire. Ces dépendances interrogent les capacités de notre modèle à garantir une capacité d’approvisionnement en cas de crise majeure. Elles témoignent également des difficultés du modèle actuel à répondre aux aspirations des citoyens, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir consommer local. Enfin, elles représentent un défi majeur sur le plan environnemental au vu de l’impact carbone des importations alimentaires.

Face à ce constat, une nécessité s’impose : bâtir une stratégie pour reconquérir notre autonomie alimentaire. Cette stratégie doit s’orienter autour des réponses à apporter à trois grands défis :

 le premier défi est celui de la compétitivité prix et hors prix. Il s’agit là de trouver les moyens de reconquête de l’assiette des Français. Pour y répondre, trois grands leviers d’action se dégagent. En premier lieu, les pouvoirs publics doivent accompagner davantage la structuration de l’offre pour construire des stratégies de filières plus offensives et plus en phase avec les évolutions de la demande. En deuxième lieu, l’une des grandes priorités doit également être de garantir un jeu commercial à armes égales avec nos partenaires européens et internationaux, en œuvrant pour que les produits importés soient soumis aux mêmes règles de production que les produits français. En troisième lieu, il faut agir sur la demande, en donnant aux consommateurs les moyens d’effectuer leurs achats de la manière la plus éclairée possible et en exploitant davantage le potentiel que représentent les circuits de la restauration hors domicile ;

 le deuxième défi est humain. Le secteur agricole et agroalimentaire fait face à une profonde crise des vocations. Notre autonomie alimentaire ne pourra être garantie sans les hommes et les femmes qui permettent aux Français de se nourrir et de s’approvisionner chaque jour. La population agricole a massivement reculé en l’espace de quelques décennies. Le nombre d’agriculteurs a été divisé par quatre en quarante ans. Cette crise des vocations touche aussi le travail saisonnier et l’industrie agroalimentaire. Au total, le Gouvernement estime à 70 000 le nombre d’offres d’emploi à pourvoir dans les métiers du vivant. Face à ce constat très préoccupant, vos rapporteurs dégagent plusieurs pistes d’action pour revaloriser ces métiers et susciter de nouvelles vocations ;

 le troisième défi est environnemental. À terme, seul un modèle d’agriculture soutenable pourra garantir l’autonomie alimentaire du pays. Face aux défis climatiques et aux menaces que ces derniers font peser sur notre autonomie alimentaire, il faut armer notre modèle pour s’adapter aux changements et accompagner l’ensemble des agriculteurs français vers la transition agroécologique.

Enfin, l’autonomie alimentaire doit également se concevoir à l’échelle locale. Les dynamiques territoriales doivent être favorisées et l’alimentation peut devenir un levier essentiel du développement économique et social d’un territoire, tout en diminuant l’impact carbone de la consommation alimentaire.

Après avoir entendu les grands spécialistes du sujet et les acteurs du secteur, vos rapporteurs identifient dans le présent rapport 20 propositions pour reconquérir l’autonomie alimentaire de la France et de ses territoires.

 

 

 


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   RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS

 

Proposition n° 1 : Bâtir des stratégies de filière plus offensive grâce à l’affirmation d’un État stratège sur les questions de souveraineté alimentaire

Adapter l’offre à la demande des consommateurs français, en promouvant une approche à flux tiré par la demande des consommateurs et grâce à la mise en place d’un observatoire de la souveraineté alimentaire, chargé d’étudier les évolutions de l’offre et de la demande.

Garantir une meilleure structuration des filières entre l’amont agricole et l’aval agroalimentaire et soutenir pour cela l’investissement productif pour favoriser la relocalisation des industries agroalimentaires françaises.

Identifier et soutenir les filières les plus stratégiques et les plus fragilisées via des plans spécifiques, sur le modèle du plan « Protéines végétales ».

 

Proposition n° 2 : Œuvrer pour une harmonisation par le haut à l’échelle européenne du cadre normatif applicable

Mettre en place une revue des écarts normatifs sur le plan environnemental.

Réduire les écarts normatifs environnementaux, fiscaux et sociaux pour approfondir le marché unique et garantir des justes conditions de concurrence aux producteurs et entreprises françaises.

En parallèle, limiter les sur-transpositions en droit national qui freinent la compétitivité du modèle français.

 

Proposition n° 3 : Renforcer les politiques de contrôle

Soutenir les moyens financiers des autorités de contrôle et assurer une plus grande coordination à l’échelle européenne entre les différentes polices de contrôle.

 

Proposition n° 4 : Exiger la réciprocité pour assurer l’équité du jeu concurrentiel

Prévoir a minima une négociation systématique de clauses miroirs dans le cadre des traités internationaux de libre-échange.

Au-delà, envisager la mise en place d’un règlement européen sur les clauses miroirs, ce qui nécessite une réflexion poussée à l’échelle de l’OMC pour éviter les risques de représailles commerciales.

Intégrer le secteur agricole dans le dispositif de compensation carbone aux frontières.

 

Proposition n° 5 : Réformer les règles applicables en matière de limites maximales de résidus de pesticides (LMR)

Supprimer le principe des tolérances à l’importation.

Raccourcir les délais entre le non-renouvellement de l’approbation d’une substance dangereuse et l’abaissement effectif des LMR.

 

Proposition  6 : Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, lancer la révision du règlement INCO afin de rendre obligatoires les informations relatives à l’origine géographique des produits.

 

Proposition n° 7 : Accompagner les acheteurs publics et les acteurs de la restauration collective pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGALIM

Renforcer la transparence sur les approvisionnements de la restauration collective, prévoir dans le cadre de ces outils de suivi des indicateurs concernant la part de produits importés et la part de produits d’origine française.

Actionner des leviers pour répondre à la question des surcoûts en réformant les règles de grammage et en luttant contre le gaspillage alimentaire.

 

Proposition n° 8 : Mobiliser les acteurs de la restauration commerciale

Renforcer la transparence sur les approvisionnements de la restauration commerciale.

Prévoir une mobilisation collective via les fédérations professionnelles pour promouvoir une production française de qualité dans la restauration commerciale.

Dans le cadre de la révision du règlement INCO proposé par vos rapporteurs, aligner les obligations d’affichage de l’origine des produits tous circuits confondus.

Prendre le décret d’application de l’article L. 412-9 concernant les obligations d’indication d’origine des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volaille.

 

 

 

 

 

Proposition n° 9 : Poursuivre les efforts pour revaloriser le revenu des agriculteurs

Évaluer les effets des lois EGALIM 1 et 2 pour identifier de nouvelles voies d’action pour rééquilibrer les relations entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire. Soutenir les organisations de producteurs. Identifier de nouveaux leviers pour réduire les charges d’exploitation supportées par les agriculteurs.

Sensibiliser le consommateur aux enjeux de la rémunération des agriculteurs et généraliser le rémunérascore.

Mettre en place un dispositif de soutien aux consommateurs les plus modestes pour diminuer la « sensibilité prix » des achats alimentaires. Assurer un ciblage de ce dispositif sur les produits locaux.

 

Proposition n° 10 : Améliorer les conditions de travail des travailleurs saisonniers pour pallier la pénurie de main-d’œuvre

Renforcer le rôle des groupements d’employeurs et donner une nouvelle impulsion à la politique de labellisation de ces groupements, pour en faire de véritables leviers d’amélioration des conditions de travail.

 

Proposition n° 11 : Alléger les charges sociales pesant sur les exploitants agricoles

Maintenir et pérenniser le dispositif d’allégement des charges pour les travailleurs occasionnels (TO-DE).

Amplifier le mouvement de fiscalisation du financement de la protection sociale pour alléger le financement basé sur le travail.

 

Proposition n° 12 : Mieux faire connaître les métiers du vivant et renforcer les actions de formations

Poursuivre les actions de communication auprès du grand public pour rénover et revaloriser l’image des métiers du vivant.

Soutenir le réseau de l’enseignement et de la formation agricoles, renforcer la lisibilité des différentes formations existantes en rapprochant certains cursus, favoriser les liens entre les établissements de formations et les futurs employeurs.

Soutenir l’apprentissage, en particulier pour la filière agroalimentaire.

Développer les expérimentations pour rapprocher les personnes éloignées de l’emploi des métiers du vivant.

 

Proposition n° 13 : Soutenir l’investissement pour l’agro-équipement

Pérenniser le soutien financier à l’investissement pour l’achat d’agro-équipements en créant un fonds pour la transition agro-écologique.

 

Proposition n° 14 : Encourager la recherche agronomique pour développer de nouvelles variétés plus résistantes et moins consommatrices d’intrants

Permettre le développement des NBT en faisant évoluer le cadre juridique européen et soutenir la recherche publique et privée.

 

Proposition n° 15 : Développer une politique publique ambitieuse pour améliorer la gestion de l’eau en agriculture

Soutenir les projets territoriaux de gestion de l’eau, optimiser la gestion des eaux usées, réduire les délais administratifs, former les exploitants aux pratiques permettant une gestion plus économe de cette ressource.

 

Proposition n° 16 : Soutenir l’agriculture biologique et l’agriculture certifiée « haute valeur environnementale »

Maintenir le soutien financier au fonds avenir bio.

Réviser les critères de la certification HVE pour en assurer la fiabilité.

Promouvoir la certification HVE révisée par une visibilité accrue donnée au logo « produit issu d’une exploitation HVE » et créer un fonds HVE sur le modèle du fonds Avenir Bio.

 

Proposition n° 17 : Encourager le déploiement des projets alimentaires territoriaux

Poursuivre et pérenniser le soutien financier alloué au développement des PAT et fixer un objectif de 600 PAT à horizon 2025.

Créer un référentiel d’évaluation des PAT pour améliorer le suivi et l’efficience de cet outil de politiques publiques.

Promouvoir une approche transversale et systémique des PAT, permettant aux collectivités d’actionner les différents leviers à leur disposition.

 

Proposition  18 : À court terme, agir à droit constant pour mieux faire connaître les leviers de la commande publique pour favoriser la consommation de produits locaux tout en restant dans le cadre du droit européen

Mettre à jour le guide Localim.

Renforcer les actions de formation auprès des acheteurs publics.

Confier aux conseils départementaux et régionaux les compétences de gestion et d’intendance de la restauration collective des collèges et lycées.

 

Proposition n ° 19 : Modifier le droit européen de la commande publique pour sécuriser les personnes publiques et leur permettre de favoriser les produits locaux dans leurs achats

Faire de ce sujet une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

 

Proposition  20 : Encourager le développement des circuits de proximité et de la production locale

Mieux faire connaître les lieux de commercialisation des produits locaux et les circuits courts et de proximité pour favoriser leur consommation.

Promouvoir les lieux de commercialisation. Pour cela, les collectivités pourraient fixer des places réservées aux producteurs locaux dans les marchés de plein vent.

Favoriser dans le cadre des PAT des stratégies de relocalisation des filières.

Mener une action d’ampleur pour accompagner les filières et les agriculteurs sur les questions logistiques, qui freinent le développement des circuits de proximité et rendent aujourd’hui parfois ambigu leur bénéfice environnemental.

Encourager le développement de l’agriculture urbaine pour la faire changer d’échelle, via une politique foncière appropriée et des appels à projet dédiés.

 


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   Première partie :
état des lieux – l’autonomie alimentaire française en question

I.   la France est une grande puissance agricole et alimentaire

L’affirmation de la France comme grande puissance agroalimentaire date de la seconde moitié du XXème siècle. Marqué par les pénuries alimentaires de la seconde guerre mondiale, le modèle agricole français entame une profonde mutation à partir des années 1950, favorisée par la mécanisation et la modernisation des exploitations agricoles. La politique agricole commune (PAC), créée en 1962, joue un rôle décisif dans le succès du modèle français. Les surplus apparaissent dans les années 1970 et la France devient progressivement la première puissance agricole européenne.

A.   Des atouts majeurs…

La réputation, la qualité, et la diversité des productions agricoles françaises font la richesse et la force de notre modèle. Comme le résume M. Thierry Pouch, économiste et chef du service des études économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), la France doit sa puissance agricole « non seulement aux bénéfices qu’elle a pu retirer de la PAC, aux avantages comparatifs dont elle a su se doter, mais aussi à la réputation de ses produits auprès des consommateurs du monde entier. La qualité sanitaire et gastronomique des productions françaises a joué et continue de jouer un rôle décisif dans la dynamique des exportations » ([2]). Les produits français jouissent d’une excellente image de marque, dont le secteur viticole profite particulièrement. Le système français de sécurité sanitaire des aliments, avec une réglementation particulièrement stricte, notamment en matière de traçabilité des produits, est gage de produits de grande qualité.

La France peut compter sur la diversité de ses territoires et son climat globalement tempéré, propice aux productions. Par exemple, et même si elles connaissent des variations de plus en plus marquées en raison du dérèglement climatique, les productions céréalières françaises ont des rendements en moyenne plus stables que les productions concurrentes du bassin de la mer Noire, où les fortes sécheresses sont plus fréquentes. Avec 30 millions d’hectares, la France détient la plus grande surface agricole utile de l’Union européenne. 50 % de l’Hexagone est couvert de surfaces agricoles, même si cette proportion recule depuis plusieurs années.

Cette puissance repose depuis plusieurs décennies sur un certain nombre de dispositifs de politiques publiques qui jouent un rôle majeur dans la force du modèle français. Outre la PAC, citons également le cadre juridique applicable en matière de foncier agricole qui garantit, bien que le système reste largement perfectible, un accès aux terres à des prix plus abordables que dans la plupart des autres pays. À titre d’exemple, sur la période 2012-2017, les terres arables et les prairies permanentes ont été louées à une valeur moyenne de 148 euros par hectare, alors que ces fermages atteignent 273 euros en Irlande et 741 euros aux Pays-Bas ([3]). La France dispose enfin d’un système de formation et de recherche publique agricole parmi les plus avancés au monde.

B.   … qui font de la France une grande puissance agricole

1.   La France : premier producteur agricole européen

La France demeure de loin le premier producteur agricole de l’Union européenne. Avec 75,5 milliards d’euros de produits agricoles (selon les chiffres de l’INSEE de 2020 ([4])), notre pays représente à lui seul environ 18 % de la production agricole européenne, même si cette part est en recul.

Valeur de la production agricole en 2019 (en euros)

 

Source : Toute l’Europe, chiffres Eurostat

2.   Une force pour l’économie française

a.   L’excédent agricole et agroalimentaire

Depuis près d’un demi-siècle, la balance commerciale agricole est excédentaire. Le dernier déficit remonte à 1976, année de grande sécheresse, ayant nécessité un recours accru aux importations ([5]).

Le secteur agricole et agroalimentaire occupe le troisième rang des secteurs excédentaires de notre balance commerciale, après le secteur aéronautique et spatial et l’industrie des produits chimiques de la parfumerie et des cosmétiques ([6]). De 2010 à 2020, cet excédent s’est établi en moyenne à 8,4 milliards d’euros ([7]). Dans un contexte où la balance commerciale ne cesse de se dégrader (79,8 milliards d’euros de déficit en 2019), le maintien de cet excédent constitue l’une des forces sur laquelle la France peut compter. En 2019, l’excédent agricole et agroalimentaire français s’est élevé à 7,9 milliards d’euros, en 2020, il baisse mais reste largement excédentaire avec 6,3 milliards d’euros ([8]), cette diminution étant attribuée aux effets de la crise sanitaire et à la baisse des exportations de vins et spiritueux.

Les chiffres de la balance agricole et agroalimentaire pour l’année 2020

D’après la note de l’Agreste, « sur l’ensemble de l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19, l’excédent des échanges agroalimentaires français atteint 6,3 milliards d’euros, en baisse de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2019 du fait d’un recul des exportations (- 2,3 milliards d’euros) et plus particulièrement des exportations de vins et spiritueux, supérieur à celui des importations (- 0,9 milliard d’euros). Ainsi, l’excédent des produits transformés (un peu moins de 5 milliards) se contracte de près d’un milliard d’euros à travers la baisse plus marquée des exportations que des importations. La baisse de 0,4 milliard d’euros de l’excédent des produits bruts (1,4 milliard) résulte à la fois de la hausse des importations et de la baisse des exportations (excepté pour les céréales et, à un degré moindre, pour les fruits). Géographiquement, la détérioration des échanges avec les pays tiers contribue pour près des deux tiers à la baisse de l’excédent global et le déficit des échanges agroalimentaires avec l’UE continue de se creuser ([9]) ».

Une étude de FranceAgriMer permet de compléter cette analyse concernant l’année 2020, par une approche par filière et par pays de destination : « La filière vins et spiritueux est à l’origine de 90 % de la baisse de la valeur de nos exportations de produits agricoles et agroalimentaires vers le reste du monde en 2020. Avec la filière pêche et aquaculture, il s’agit des deux filières pour lesquelles la baisse a été la plus forte, à hauteur de 12 % pour les vins et spiritueux et de 11 % pour la pêche et l’aquaculture. Il s’agit également des deux filières pour lesquelles l’impact négatif du premier confinement a été le plus marqué. Pour toutes les autres filières, la variation de la valeur des exportations entre 2019 et 2020 est restée comprise entre - 5 % et 5 %.

« En 2020 comme en 2019, les exportations à destination des autres pays de l’Union européenne à 27 représentent 55 % de la valeur totale des exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires, de bois et dérivés et de biodiesel. Ces exportations sont très concentrées vers un petit nombre de pays puisque nos cinq premiers clients États membres absorbent plus de 80 % de nos exportations. En 2020, ces cinq premiers clients sont l’Allemagne (8,1 Md€ d’exportations, - 3 % par rapport à 2019), la Belgique (7,5 Md€, - 2 %), l’Italie (5,9 Md€, - 9 %), l’Espagne (5,8 Md€, - 7 %) et les Pays-Bas (4,5 Md€, + 2 %). Il faut noter cependant que les exportations vers les Pays-Bas et dans une moindre mesure vers la Belgique sont souvent destinées à de la réexportation, aussi bien à l’intérieur de l’Union européenne que vers les pays tiers. Les statistiques douanières disponibles ne permettent pas de quantifier ces flux de transit ni de déterminer les destinations finales ([10]) ».

L’excédent français est marqué par la prédominance des produits issus de la transformation. En s’appuyant sur les chiffres de 2019, on peut ainsi relever que les produits transformés pèsent pour 6,6 milliards d’euros, soit plus de 90 % de l’excédent commercial. Ainsi, sur la scène internationale, comme l’illustre le tableau ci-dessous, la France est le neuvième exportateur de produits bruts et le quatrième exportateur de produits transformés.

 

CLASSEMENT MONDIAL DES EXPORTATEURS AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES (2019)

Source : Note du Haut-Commissariat au plan, « la France est-elle une grande puissance agricole et agroalimentaire ? », juillet 2021.

b.   Des secteurs clés en termes de valeur ajoutée et d’emploi

L’agriculture est le premier maillon de la filière agroalimentaire, premier secteur industriel français aussi bien en termes de chiffre d’affaires (180 milliards d’euros en 2017) que d’emploi (430 000 emplois directs). Les industries agroalimentaires sont constituées à 98 % de très petites et de petites et moyennes entreprises (TPE et PME), qui participent à la vitalité des territoires français.

3.   Des filières qui tirent leur épingle du jeu

Notre excédent commercial s’appuie sur le succès de plusieurs grandes filières agricoles françaises. Les vins et spiritueux se démarquent particulièrement. Cette filière est la première contributrice de l’excédent commercial agroalimentaire. Les autres principales filières contributrices sont les céréales, les produits laitiers, le sucre, les semences et les bovins vivants.

a.   Les vins et spiritueux

La France est le leader mondial sur le marché des vins et des spiritueux. En 2019, l’excédent commercial sur ce segment s’est élevé à 12,4 milliards d’euros. Notre pays exporte 90 % de sa production de spiritueux et 30 % de sa production de vin. Les exportations de vin sont majoritairement composées de vins sous signes de qualité (appellation d’origine contrôlée ou protégée, ou bien encore indication géographique protégée). À eux seuls, les vins de Bordeaux rapportent un excédent de 2 milliards d’euros. Les principaux importateurs sont la Chine, les États-Unis, le Royaume-Uni et HongKong ([11]). Les exportations de vin ont toutefois été lourdement pénalisées en 2020 sous le double effet de la crise sanitaire et de la taxation américaine sur les vins français, à hauteur de 25 %.

b.   Les céréales

En matière de céréales, l’excédent commercial est de l’ordre de 6,2 milliards d’euros pour l’année 2019. La France se distingue par l’importance de sa production, de l’ordre de 70 millions de tonnes, dont 35 à 40 millions pour le blé selon les années. La France participe ainsi aux équilibres alimentaires d’un certain nombre de pays, en particulier en Afrique du Nord : le Maroc et l’Algérie captent environ 20 % de nos exportations de blé ([12]).

c.   Les produits laitiers

Les produits laitiers constituent également une force du modèle agricole français. L’excédent commercial s’élève à 3,3 milliards d’euros en 2019. 10 % de la production est exportée, essentiellement sous forme de poudre de lait et de fromages. Avec ses 3,5 millions de vaches laitières, 1 200 sortes de fromages, de beurres et crèmes, environ 55 000 exploitations laitières et 750 sites de transformation, la France est le quatrième exportateur mondial de produits laitiers et détient 8,8 % des parts de marché. Il faut toutefois noter que la France est déficitaire concernant le beurre, avec un solde négatif de l’ordre de 0,6 milliard d’euros. Ce déficit provient de l’importation de beurre industriel destiné à être utilisé dans la fabrication de produits transformés et non de beurre de consommation courante.

d.   Les autres filières excédentaires

La France est également premier exportateur sur le segment des semences. L’excédent commercial en la matière est de près d’1 milliard d’euros. La production de semences et plants en France est en progression constante, les surfaces de production de semences agricoles (hors plants de pommes de terre), sont passées de 344 573 hectares en 2012, à 403 389 hectares en 2020 ([13]). Dans le même temps, le système semencier français est aussi un système importateur, la France étant le deuxième importateur mondial de semences.

Pour le sucre, l’excédent est de l’ordre d’un demi-milliard d’euros. La France produit environ 5 millions de tonnes de sucre par an, dont 2 millions de tonnes partent à l’export, principalement à destination de pays membres de l’Union européenne. Il faut, néanmoins, en ce domaine, noter une exception importante pour le miel : la France importe 70 à 80 % de ses besoins en miel ([14]).

On peut également citer les bons résultats du poste bovins vivants (1,9 milliard d’euros).

II.   … MAIS NOTRE autonomie alimentaire est fragilisée et loin d’être acquise

L’excédent commercial agricole français diminue en tendance depuis les années 2000 et certaines filières présentent des fragilités préoccupantes. La contribution de l’agriculture à la valeur ajoutée de l’économie française se réduit d’année en année, en passant de 18 % dans les années 1950 à 4 % aujourd’hui (en prenant en compte les industries agroalimentaires) et la production stagne en volume. La France compte aujourd’hui environ 400 000 exploitations agricoles, soit deux fois moins qu’à la fin des années 1980.

A.   La puissance agricole française s’érode

Selon FranceAgriMer, depuis 2006, le solde commercial des produits agroalimentaires transformés hors vins et spiritueux est déficitaire et la tendance est à l’augmentation de ce déficit, bien que l’on observe une légère amélioration en 2018 et 2019 ([15]), stoppée par la crise sanitaire.

Au total, la France importe environ 20 % de sa consommation alimentaire ([16]). Cette dépendance a doublé en l’espace de 20 ans. Ce chiffre global masque des réalités contrastées selon les filières, qui pour certaines atteignent des taux de dépendance aux importations supérieurs à 50 %.

Si l’augmentation de la dépendance aux importations reflète en partie l’internationalisation croissante des filières, les parts de marché françaises baissent plus fortement que celles des autres pays : en dix ans, la France a perdu de l’ordre de 22 % de ses parts de marché sur les produits agricoles et alimentaires, tandis que cette baisse n’est que de 5 % dans les 26 autres pays européens ([17]).

La dégradation du solde commercial agricole est le résultat d’une relative stagnation des exportations et d’une augmentation significative des importations ([18]). Ainsi, corrigées de l’inflation, les exportations françaises ont stagné entre 2011 et 2017 avant de repartir légèrement à la hausse en 2018 et 2019. Dans le même temps, les importations ont poursuivi leur croissance avant de marquer légèrement le pas depuis 2017.

 

 

Solde commercial français des produits agricoles et agroalimentaires
en milliards d’euros 2004 corrigés de l’inflation

Source : FranceAgriMer

Du côté des exportations, la stagnation se traduit par une perte importante de parts de marché sur la scène internationale, dans un contexte d’intensification de la concurrence sous l’effet de nouveaux arrivants. Ainsi :

– au niveau mondial (voir le graphique ci-dessous), la France est passée du rang de deuxième pays exportateur derrière les États-Unis au début des années 2000 à celui de sixième depuis 2015. Elle s’est fait dépasser successivement par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Brésil ;

– au niveau européen, la France n’est plus que le troisième pays exportateur. La première place est occupée par les Pays-Bas (16,4 %), suivis de l’Allemagne (14,4 %) et de la France (11,5 %), l’Espagne se classant au quatrième rang (9 %) ([19]).

Évolution des parts de marché de la France et de son rang d’exportateur agricole et agroalimentaire vis-à-vis du reste du monde

Source : FranceAgriMer

Concernant les importations, deux tiers d’entre elles sont d’origine européenne ([20]). L’Espagne est notre principal pays fournisseur, suivie de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Italie. Les huit premiers pays fournisseurs de la France sont européens. En neuvième et dixième positions, on trouve, respectivement, le Brésil et le Maroc.

Le déficit de compétitivité est donc particulièrement marqué vis-à-vis de nos partenaires européens. Si la France a progressé en matière de pénétration des marchés tiers à l’Union européenne, sa position sur les marchés européens s’est très nettement dégradée, alors qu’il s’agit là de ses principaux débouchés (62 % des exportations françaises ([21])). La France importe davantage de produits européens qu’elle n’exporte ses produits chez les autres pays membres de l’Union européenne. Ainsi, comme l’indique FranceAgriMer : « alors que le solde grand export a progressé (+ 70 % d’exportations vers les pays tiers en 15 ans), tiré par les exportations vers l’Asie et l’Amérique du Nord, la balance commerciale avec le reste de l’Union européenne est devenue négative en 2015 et ce déficit ne cesse de s’accroître depuis lors ([22]) ». D’après le Trésor, la dégradation de la position française s’est effectuée au profit notamment de la Pologne (+ 2,8 points), de l’Allemagne (+ 1,7 point) et de la République Tchèque (+ 1,1 point). Par grande zone géographique, il n’y a qu’en Asie, notamment en Asie du Nord-Est, que la France gagne des parts de marché (+ 0,3 point), la Chine constituant la première contribution à la croissance des exportations françaises agricoles et agroalimentaires ([23]).

Le tableau ci-dessous illustre la perte de compétitivité du modèle français.

Les performances de la France sur le marché mondial

Une image contenant table

Description générée automatiquement

Source : FranceAgriMer

              B. Des filières fragilisées

1.   Une situation très contrastée

L’excédent agricole français masque en réalité des situations très contrastées en fonction des filières. Certaines enregistrent des déficits commerciaux depuis des années. Le graphique ci-dessous présente une version décomposée de la balance commerciale agricole, qui montre qu’à l’exception des principales filières excédentaires déjà évoquées, la situation sur les autres segments s’avère critique.

La balance commerciale agricole et agroalimentaire filière par filière

Source : FranceAgriMer à partir des données des douanes.

Certaines catégories de produits présentent des taux d’importation très élevés. Selon les données de FranceAgriMer, sur un total de 24 catégories de produits, 11 présentent ainsi un taux de dépendance aux importations supérieur à 30 % (voir le tableau ci-dessous).


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Bilan d’approvisionnement par catégorie de produits

Source : FranceAgriMer

2.   Un panorama des dépendances filière par filière

a.   Les fruits et légumes

Le secteur des fruits et légumes enregistre depuis les années 1970 des déficits chroniques, du fait d’importations massives. En 2019, ce déficit s’élève à 5,9 milliards d’euros.

La situation est particulièrement problématique pour ce qui concerne les fruits, à quelques exceptions près comme les pommes. L’augmentation des importations s’explique en partie par l’augmentation de la demande de fruits exotiques (mangues ou avocats) et les jus de fruit (demande tirée par l’industrie agroalimentaire). Pour les légumes, la dégradation est légèrement moins marquée, avec des disparités importantes selon les variétés. Il faut noter ainsi l’exception que constituent les pommes de terre fraîches, pour lesquelles la France est le premier exportateur mondial. Au total, plus de la moitié des fruits et légumes consommés en France est importée, contre environ un tiers il y a 20 ans. Moins d’un fruit sur trois consommés en France est d’origine française. Le nombre d’exploitations fruitières ou légumières a sensiblement plus baissé que l’ensemble des exploitations agricoles (- 32 % depuis 2000 et - 52 % depuis 1988, contre - 26 % pour l’ensemble des exploitations depuis 2000 et - 50 % depuis 1988) ([24]).

Évolution de la part des fruits et légumes français dans la consommation métropolitaine

Source : FranceAgriMer

b.   Les protéines végétales

Environ 40 % des protéines végétales consommées en France sont importées. La production française en matière de colza et de tournesol permet de répondre au reste de la demande, ce qui place la France en relative bonne position par rapport aux autres pays européens, où la dépendance aux oléo-protéagineux atteint des taux de l’ordre de 60 à 70 %. Les importations de soja représentent 6 millions de tonnes, dont la moitié en provenance du Brésil.

La dépendance protéinique, et en particulier la dépendance au soja, de la France constitue l’un des points les plus préoccupants au regard des enjeux d’autonomie alimentaire. À la base de l’alimentation animale, la dépendance aux protéines végétales est de nature à fragiliser l’ensemble de la chaîne alimentaire de production de viande. La dépendance protéinique est également à l’origine d’une déforestation importée. Notons que cette dépendance protéinique concerne également les légumineuses à graines pour la consommation humaine (lentilles, pois chiches), dont 70 % de la consommation est importée (300 000 tonnes) ([25]).

c.   La viande et les produits d’élevage

La France est le dixième exportateur mondial de viande et produits carnés, avec un solde commercial négatif de l’ordre d’1,4 Md€ ([26]). Dans le détail :

– entre un tiers ([27]) et 40 % ([28]) de la consommation française de volaille est importé, contre 13 % en 2000. Les importations de volaille en provenance de Pologne ont été multipliées par cinq depuis 2010. L’Ukraine et le Vietnam jouent également un rôle croissant. Ces augmentations des importations traduisent également la forte croissance de la consommation de poulet, à laquelle la production française n’a pas su faire face, avec une faiblesse importante sur le segment de la transformation et de la préparation. Selon le rapport établi par la Coopération agricole sur la souveraineté alimentaire de la France, « en 8 ans, entre 2010 et 2018, la consommation de poulet a crû de 953 à 1 307 millions de tonnes équivalent-carcasse, soit une augmentation de 37 % ([29]) » ;

– un quart de la consommation de porc est importé, le solde de la viande porcine se dégrade, sous l’effet de la concurrence espagnole ;

– la viande de bœuf vendue dans la grande distribution est très largement d’origine française (93 %) mais plus de la moitié de la viande bovine vendue dans les circuits hors-domicile est importée ;

 56 % de la viande ovine consommée en France est d’origine importée, en provenance des pays anglo-saxons.

L’analyse de la Coopération agricole sur les évolutions du segment du poulet

« En première analyse, le déficit commercial de la France sur le segment du poulet provient :

« – de l’écart entre la hausse de la consommation et la hausse moindre de la production ;

« – du décalage en les produits français et les attentes des consommateurs (produits découpés, morceaux de poulet, etc.) ;

« – de ne pas avoir saisi les segments de croissance récents (saucisses et saucissons...).

« Le déficit sur le segment du poulet semble découler d’un enjeu de productivité industrielle (qualité et productivité des abattoirs et unités de découpe) mais également d’éléments relevant de la compétitivité hors prix (adaptation aux attentes du consommateur et aux nouvelles tendances). La situation pointe vers l’activité de découpe et sa compétitivité en France. Le coût du travail est souvent invoqué comme la première cause du manque de compétitivité française alors que la France importe son poulet découpé de Belgique, où se situent les sites les plus importants de transformation et où le coût du travail semble être supérieur. La cause est donc sans doute ailleurs : à l’heure de la robotisation de la transformation de la viande, la productivité des sites de transformation apparaît comme la principale difficulté française. Une nouvelle fois, le segment purement industriel de la production de biens alimentaires apparaît être le maillon faible et le sous-investissement dans les machines et le retard dans la robotisation, comme les causes principales de l’aggravation de notre déficit commercial ([30])

d.   La pêche et l’aquaculture

Alors qu’elle est considérée comme la deuxième puissance océanique mondiale avec 10,2 millions de kilomètres carrés et 18 000 kilomètres de littoral (dont 5 800 en métropole), la France souffre d’un très important déficit de compétitivité et n’est que 24ème exportateur mondial de produits de la pêche et de l’aquaculture. Le déficit commercial affiche 4,4 milliards d’euros. L’étude précitée du
Haut-Commissariat au plan donne sur cette question des chiffres éloquents : « La France importe deux fois plus de sardines qu’elle n’en exporte, cinq fois plus de coquilles Saint-Jacques fraîches et six fois plus de coquilles Saint-Jacques congelées. Au total, deux tiers des poissons consommés par les Français sont importés ». On peut noter que la France combine un taux de dépendance aux importations et des exportations significatives. Ce paradoxe apparent s’explique là aussi par une inadéquation entre l’offre et la demande, la demande des consommateurs français vers le cabillaud et le saumon ne correspondant pas aux ressources halieutiques françaises.

e.   L’agriculture biologique

Le tableau infra fait état de la forte dynamique de progression du bio en France. On note en particulier qu’en 15 ans, le nombre des exploitations a été multiplié 4,8, les surfaces en mode de production biologique par 5 et la part des exploitations agricoles bio en proportion de l’ensemble des exploitations agricoles par 6,5. Comme l’illustre le graphique ci‑dessous, la France est l’un des pays européens où cette tendance est la plus dynamique. En parallèle, la demande augmente de façon exponentielle. La France est aujourd’hui le deuxième marché bio d’Europe, derrière l’Allemagne, avec 11,93 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, en croissance de 13,5 % par rapport à 2018.

Évolution de l’agriculture biologique en France depuis 2005

 

2005

2010

2015

2019

2020

Évol. /2019

Nombre d’exploitations en mode de production biologique

11 401

20 675

28 854

47 261

53 255

+13%

Nombre d’entreprises de l’aval certifiées pour une activité bio

5 252

10 480

13 507

23 059

25 763

+12%

Nombre total d’opérateurs certifiés pour une activité bio

 

31 155

42 361

70 320

79 018

+12%

Surfaces en mode de production biologique (ha)

550 539

814 811

1 311 273

2 283 661

2 548 677

+12%

dont surfaces certifiées bio

504 565

559 333

1 011 818

1 706 114

1 956 085

+15%

dont surfaces en conversion :

45 974

255 478

299 456

577 547

592 592

+3%

Surfaces en 1ère année

 

148 889

215 173

270 090

278 677

+3%

Surfaces en 2e ou 3e année

 

106 589

84 283

307 457

313 916

+2%

Part des surfaces en mode de production bio dans la SAU

2,00%

3,01%

4,86%

8,48%

9,49%

+12%

Part des exploitations bio dans l’ensemble des exploitations agricoles

1,89%

3,90%

6,22%

10,44%

11,77%

+13%

Source : Agence Bio

 

Évolution des surfaces cultivées en bio de l’Union européenne
et des six principaux pays agricoles

Source : Agence Bio d’après différentes sources européennes, 2020

Malgré cette dynamique encourageante, la production française bio est loin de couvrir l’ensemble de la demande nationale. Environ 33 % des produits bio consommés en France sont importés ([31]). Le solde commercial affiche un déficit de l’ordre de 1,7 milliard d’euros. Si certains segments de marché sont
auto-suffisants (vins alcools, lait, viande – sauf charcuterie –), d’autres sont très dépendants et reflètent en partie les difficultés rencontrées par l’agriculture conventionnelle (fruits et légumes, produits de la mer notamment).

3.   Les filières excédentaires ne sont pas exemptes de difficultés

Les filières excédentaires rencontrent aussi des difficultés, notamment du fait d’une inadéquation entre la production nationale et la demande nationale. La France rencontre des difficultés importantes sur le vin et importe une part significative de vins espagnols afin de répondre à la demande pour des vins moins coûteux que les vins français. Les céréales sont loin d’être épargnées, avec une perte de part de marché de plus de 25 % sur dix ans. Pour les produits laitiers, qui constituent comme on l’a vu une filière largement excédentaire, la France importe une part significative de sa consommation. Comme le montre l’étude conduite par FranceAgriMer, ce paradoxe s’explique « par un déséquilibre entre matières protéiques (excédentaires) et matières grasses (déficitaires) du fait des produits laitiers consommés localement (importance relative des fromages par exemple) ».

4.   Des niveaux d’importation particulièrement élevés pour répondre à la demande des circuits hors domicile et de l’industrie agroalimentaire

La pénétration des produits étrangers paraît être largement le fait de l’industrie agroalimentaire et des circuits hors domicile, les consommateurs étant plus regardants, dans leur consommation de produits non transformés achetés dans les circuits de la grande distribution ou dans les commerces de proximité. L’exemple des produits laitiers permet d’illustrer cette problématique : 91 % des produits laitiers achetés en France par les ménages sont fabriqués à base de lait français. Dans le même temps, seulement 45 % des produits laitiers achetés par les industries agroalimentaires sont à base de lait français. Concernant la restauration hors domicile, la tendance, détaillée dans la seconde partie du présent rapport, est également préoccupante bien qu’il soit difficile d’obtenir des données consolidées.

5.   La dépendance aux facteurs de production

La notion d’autonomie alimentaire nécessite également d’observer la chaîne alimentaire dans sa globalité et la dépendance aux facteurs de production.

Concernant les consommations intermédiaires et les matières premières, il faut relever la dépendance de la France aux engrais : les importations d’engrais ont augmenté de 75 % entre 2001 et 2019, passant de 1,05 Md€ à 1,84 Md€. La France est également dépendante sur plusieurs facteurs de production stratégiques, tels que l’énergie, essentielle au fonctionnement des machines agricoles. Le Haut‑Commissariat au plan souligne qu’une crise d’approvisionnement sur ces facteurs de production pourrait avoir des conséquences majeures sur notre sécurité et notre souveraineté alimentaire.

Notons également que les fragilités de l’indépendance alimentaire de la France tiennent aussi à la question de la main-d’œuvre. La France est aujourd’hui confrontée à la diminution du nombre d’agriculteurs ainsi qu’à la pénurie de main-d’œuvre agricole et agroalimentaire. Cet enjeu pose également la question sous‑jacente de la disponibilité de la terre, qui tend elle aussi à diminuer.

III.   Des facteurs d’explication multiples

La dégradation du solde commercial et l’érosion de la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires françaises ces dix dernières années peuvent se comprendre au regard de difficultés de compétitivité prix et hors prix.

A.   Les facteurs tenant à la compétitivité prix

Le modèle agricole et agroalimentaire français souffre en premier lieu d’un problème de compétitivité prix. De nombreux produits importés sur le sol français sont choisis – par les consommateurs ou par les acheteurs de la restauration hors domicile ou de l’industrie agroalimentaire – car leur prix est plus faible.

La sensibilité des consommateurs au prix des aliments

Le poids relatif du prix dans la décision d’achat diminue, même s’il reste le premier critère de choix pour 66 % des personnes sondées en 2015, contre 73 % en 2013 ([32]). Selon une étude citée dans le rapport de l’Institut Montaigne « En campagne pour l’agriculture de demain », 54 % des Français déclaraient, avant la crise sanitaire, faire ses courses alimentaires à 10 euros près ; un sur sept (14 %) indiquait compter à 1 euro près.

L’alimentation représente aujourd’hui 20 % du budget des ménages les plus modestes (1er décile), 14 % du budget des ménages les plus aisés (10ème décile), 20 % du budget des ménages de plus de 75 ans et 15 % du budget des ménages entre 25 et 34 ans.

Toutefois, la part de produits alimentaires dans le panier de consommation des ménages s’élève aujourd’hui à 12 %, contre 24 % en 1960. La situation est encore plus critique en Allemagne (de l’ordre de 10 %) et chez les Anglais (8 %). L’alimentation a laissé place au fil du temps à d’autres postes de dépenses dans le budget des ménages, comme l’illustre le graphique ci-dessous.


—  1  —

 

 

Source : FranceAgriMer d’après des données de l’INSEE

 


—  1  —

Plusieurs facteurs permettent de comprendre ce manque de compétitivité prix du modèle français :

 les prix plus faibles à l’étranger s’expliquent en grande partie par les différences normatives environnementales et sociales, à l’origine d’une situation de concurrence inéquitable ([33]). Si les choix français peuvent pleinement se justifier au regard des objectifs qu’ils poursuivent, en particulier dans un contexte où la transition agroécologique doit être une priorité des politiques agricoles, le manque d’harmonisation des règles applicables au sein de l’Union européenne pénalise la production française et les distorsions sont d’autant plus marquées avec les pays tiers ;

– le coût du travail pénalise également le modèle français. C’est particulièrement vrai pour l’industrie agroalimentaire. Selon la note du Trésor-éco précitée, le coût du travail dans l’industrie agroalimentaire est plus élevé en France et a crû plus vite ces vingt dernières années qu’ailleurs en Europe : « le coût horaire français dans les industries agroalimentaires s’est accru de 58 % entre 2000 et 2017 contre une hausse de 34 % en Allemagne. La hausse est 1,8 fois plus rapide en France qu’en Allemagne dans ce secteur, contre 1,4 fois dans l’ensemble de l’industrie manufacturière ». Du côté du secteur agricole, les effets tenant au coût du travail sont plus ambigus. Ainsi, selon la même note du Trésor-éco, « les niveaux de salaire sont plus élevés mais l’importance de l’emploi familial non salarié fait que, toutes productions confondues, ce poste de coût est moins élevé que chez nos concurrents européens (hors Pologne) ». Toutefois, certaines filières particulièrement intensives en facteur travail, telles que l’arboriculture et le maraîchage, voient clairement leur compétitivité grevée par le coût du travail. Ces difficultés sont amplifiées par le recours important au travail détaché en particulier en Allemagne et aux Pays-Bas, notamment pour l’abattage et la découpe de la viande. À cela, il faut ajouter le recours illégal aux travailleurs non déclarés, qui reste aujourd’hui difficile à chiffrer. Selon un rapport du CGAER et de l’IGAS, en Italie, 40 % des travailleurs de l’agriculture, de sylviculture et de la pêche auraient été en situation irrégulière en 2012 ;

– le coût des consommations intermédiaires (engrais, phytosanitaires, énergie) contribue à la moindre compétitivité des exploitations françaises par rapport à leurs concurrentes étrangères ;

–  d’autres facteurs entrent en ligne de compte, telle que la fiscalité sur la production, plus élevée en France que chez nos concurrents européens. Ce point a notamment été souligné lors des auditions par Coopérations agricoles, qui déplore le fait que les impôts de production soient deux fois supérieurs à la moyenne de l’Union européenne ;

– le déficit de compétitivité s’explique également par une structuration insuffisante des filières et par une intégration trop faible des filières entre l’amont et l’aval.

B.   Les facteurs tenant à la compétitivité hors prix

La compétitivité hors prix désigne la capacité à gagner des parts de marché en jouant sur des critères autres que le prix.

La France dispose d’atouts indéniables en matière de compétitivité hors prix, notamment grâce aux signes officiels de qualité et d’origine : selon FranceAgriMer, un fromage AOP est exporté en moyenne 11,5 % plus cher qu’un fromage sans appellation.

Mais notre modèle souffre aussi d’un certain nombre de faiblesses en la matière. Ainsi, certaines filières pâtissent d’un mauvais positionnement, à la fois en termes de produits et de gamme. Certains produits sont touchés par des évolutions profondes et parfois difficiles à décrypter et à anticiper de la consommation des Français (voir l’encadré ci-après). La filière viande doit ainsi s’adapter face à la montée des régimes flexitariens et végétariens. Ces difficultés de positionnement sont également liées au choix de spécialisation vers l’alimentation haut de gamme qui a pu conduire à laisser de côté les entrées et milieux de gammes, compensé par conséquent par une augmentation des importations sur ces segments.

Évolution des régimes alimentaires des Français

 

La segmentation du panier alimentaire est un bon indicateur des évolutions des régimes alimentaires des Français. Les dynamiques les plus notables sont la baisse de la consommation de produits carnés et laitiers alors que celle de fruits et légumes augmente. Certes, la viande demeure le premier poste de dépenses, mais sa consommation diminue continuellement depuis les années 1980 et cette baisse s’accélère depuis 2013, passant ainsi de 93 kilogrammes par personne et par an en 1990 à 85 et 2019 ([34]). A l’intérieur de la catégorie « viande » on observe également d’importantes évolutions : l’attractivité des produits bovins diminue alors que la volaille pourrait devenir le produit carné le plus consommé dans les cinq prochaines années. Or, cette hausse de la consommation de volailles ne s’accompagne pas d’une hausse des volumes d’abattage en France, ce qui crée depuis 2015 un déficit croissant du solde commercial.

 

Ces évolutions s’inscrivent dans deux tendances de fond : l’augmentation de la consommation de viande hors domicile et la diversification des sources de protéines. La viande, et particulièrement la viande blanche, est de plus en plus consommée hors domicile : elle représente le premier poste de dépenses de restauration hors domicile et les Français préfèrent consommer de manière plus occasionnelle une pièce de qualité au restaurant que d’en acheter au supermarché. En outre, les alternatives à la viande et aux produits d’origine animale (lait et produits laitiers) sont de plus en plus plébiscitées (produits de substitution, légumineuses). 24 % des Français déclarent ainsi limiter volontairement leur consommation de viande et se classent parmi les « flexitariens ». A noter que l’augmentation de la consommation de fruits et légumes est assez récente et a pris une nouvelle dimension avec la crise sanitaire. Selon la dernière étude conduite par FranceAgriMer, seuls 2,2 % des Français ont un régime végétarien.

 

LA CONSOMMATION DE PRODUITS CARNÉS DIMINUE ANNÉE APRÈS ANNÉE

 

Le rapport de FranceAgriMer sur la compétitivité du modèle français souligne également les faiblesses suivantes :

– la faiblesse de l’investissement par rapport aux concurrents (même si le taux d’investissement dans les industries agroalimentaires est supérieur ces dernières années à l’ensemble du secteur manufacturier), qui s’explique notamment en raison de la faiblesse des taux de marge. Ainsi, les taux d’investissement n’ont pas augmenté ces dernières années, contrairement à certains de nos concurrents : + 1,9 point en Allemagne ou + 2,2 points aux Pays-Bas ([35]) ;

– le rapport insiste également sur les questions de logistique, avec notamment la perte de compétitivité des ports français, le manque de containers maritimes frigorifiques, de chauffeurs routiers et le coût d’accès au consommateur dans le dernier kilomètre ;

– enfin, la complexité administrative est avancée comme l’une des difficultés de notre modèle, ralentissant un certain nombre de projets notamment sur les questions de gestion de l’eau et de construction des bâtiments d’élevage.

 


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   seconde partie :
reconquérir l’autonomie alimentaire française

 

Face au constat établi dans la première partie du présent rapport, une nécessité s’impose : bâtir une stratégie pour reconquérir notre autonomie alimentaire. Cette stratégie doit en premier lieu permettre à la France d’accroître sa compétitivité pour reconquérir les marchés français. Elle doit en second lieu apporter des réponses au double défi humain et environnemental auquel notre modèle fait aujourd’hui face. Enfin, la sauvegarde et la reconquête de notre autonomie alimentaire doivent également se penser et se décliner à l’échelle locale.

I.   restaurer la compétitivité du modèle alimentaire français

A.   accompagner la structuration de l’offre : construire une stratégie de filières plus offensive

Vos rapporteurs appellent à mettre en place des stratégies de filières plus offensives et à renforcer le rôle de l’État stratège en matière d’alimentation, au service de l’autonomie et de la souveraineté alimentaires.

1.   Garantir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande

En premier lieu, il paraît nécessaire de s’orienter vers une stratégie à flux tirés par la demande des consommateurs. Vos rapporteurs considèrent nécessaire de promouvoir plus systématiquement une approche « de la fourchette à la fourche », ce qui nécessite de mieux prendre en compte les demandes des consommateurs français. En effet, certains segments de production sont marqués par une logique de flux poussés par la production, avec un décalage important entre l’offre et la demande. La filière bovine illustre cette problématique, avec une production d’animaux lourds de race à viande, tandis que la demande pousse plutôt pour des carcasses légères. Cette réorientation de la production en fonction de la demande doit se traduire dans le cadre des plans de filière mis en place dans le prolongement de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM ». Les pouvoirs publics pourraient jouer un rôle plus stratégique dans la planification de la production en fonction des besoins. Dans cette perspective, un observatoire de la souveraineté alimentaire pourrait utilement voir le jour, comme le Sénat l’a proposé dans un récent rapport. Vos rapporteurs suggèrent que cet observatoire assure un suivi filière par filière des dépendances aux importations en établissant le lien avec les évolutions de la demande. Il s’agit là de donner aux filières et aux pouvoirs publics un nouvel outil pour anticiper les évolutions de la demande et faire évoluer les productions pour être en mesure de mieux y répondre.

Cette recherche d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande nécessite également une analyse fine par filière pour garantir un juste équilibre entre la stratégie haut de gamme et la nécessité de répondre à la diversité des demandes des consommateurs Français. S’il est possible d’activer des leviers pour que la demande des consommateurs français s’oriente vers une offre plus qualitative – information du consommateur y compris sur les produits transformés, encadrement de la restauration collective –  une part de la sensibilité des consommateurs français au prix reste incompressible. La fédération des coopérations agricoles dresse ainsi le constat suivant, partagé par un certain nombre d’acteurs du monde agricole : « les stratégies de compétitivité hors prix et de positionnement haut de gamme, si elles sont efficaces pour un nombre restreint de produits de terroirs, peuvent également détourner certains producteurs et transformateurs des marchés de moyenne gamme pourtant prépondérants dans les marchés de la restauration hors domicile (RHD). À titre d’exemple, la labellisation a permis de préserver des parts de marché en poulet frais (plus de 80 % des poulets vendus en supermarché sont produits en France). Mais ce n’est pas le cas sur le secteur le plus dynamique, le poulet « ingrédient » utilisé dans les sandwichs ou la restauration rapide (charcuterie de poulet, nuggets). Sur ce segment, les importations représenteraient 70 % du marché français ».

2.   Favoriser une structuration de filières en rapprochant le maillon agricole du maillon industriel

En deuxième lieu, cette stratégie de filières plus offensives devra également permettre une intégration plus forte des chaînes de production agricole, de l’amont à l’aval : « la France se positionne de façon encore plus accentuée que par le passé comme un exportateur de produits bruts et un importateur de produits transformés, cédant ainsi du terrain à des partenaires européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie ou la Belgique ([36]) ». La France souffre d’une cohérence insuffisante entre les productions agricoles françaises et les capacités des industries de transformation de ces productions. L’exemple de la pomme de terre l’illustre bien (voir encadré ci-dessous). Entendus en audition, les représentants du secteur affirment avoir besoin d’une « politique favorable à l’industrialisation pour faciliter l’implantation d’industries de transformation sur le territoire français ».

L’exemple de la pomme de terre

Alors que la France est le premier exportateur mondial de pommes de terre fraîches, elle importe massivement des pommes de terre transformées, en particulier en provenance de Belgique. Un chiffre parlant : la France importe 5 fois plus de chips qu’elle n’en exporte. Sur les 2 millions de tonnes de pommes de terre consommées en France sous forme de produits finis (frites, chips, purée), plus de 50 % viennent de pays voisins (Belgique et Pays-Bas).

Selon la fédération des coopératives agricoles, ce phénomène s’explique notamment en raison d’un déficit d’investissement productif dans les entreprises de l’agroalimentaire. La fédération propose la mise en place d’un dispositif d’incitation à l’investissement productif. Ce dispositif aurait d’une part pour objectif d’augmenter la productivité et la valeur ajoutée grâce au développement des capacités de transformation, et d’autre part d’élever la qualité environnementale des productions grâce à la diffusion de nouvelles technologies, innovations et modèles de production.

3.   Soutenir les filières fragilisées et stratégiques

La stratégie que vos rapporteurs appellent de leurs vœux doit également être l’occasion d’identifier les filières les plus fragilisées et les plus stratégiques en matière d’autonomie alimentaire et de construire une politique de soutien à la reconquête du marché français. Le plan de promotion de la filière protéine (voir l’encadré ci-dessous) s’inscrit pleinement dans cette dynamique et d’autres stratégies nationales par filières pourraient voir le jour sur ce modèle.

Plan protéines végétales

Le plan protéines végétales vise à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers, à permettre aux éleveurs d’améliorer leur autonomie pour l’alimentation de leurs animaux et à encourager les Français à augmenter leur consommation de protéines végétales, pour répondre aux nouvelles recommandations nutritionnelles. On peut également noter que la promotion des protéines végétales apporte une réponse à certaines préoccupations agroécologiques puisque les protéines végétales permettent notamment de diminuer les besoins en fertilisation azotée. Les protéines végétales sont en effet des plantes qui fixent naturellement l’azote de l’air et enrichissent ainsi progressivement les sols en azote, ce qui fertilise les sols et bénéficie aux cultures à court et moyen terme.

Au total, 120 millions d’euros de crédits sont consacrés au plan protéines végétales.

Concrètement, il se décompose en six volets :

– Volet A – un soutien amont aux investissements, chez les agriculteurs, géré par FranceAgriMer ;

– Volet B – un soutien à la structuration des filières de protéines végétales et aux investissements pour l’aval des filières ;

– Volet B’ – un soutien consacré à recherche variétale dans les entreprises via FranceAgriMer ;

– Volet C – un soutien à la recherche, au développement et à l’innovation dans le cadre d’un partenariat avec la filière ;

– Volet D – la promotion des légumes secs dans l’alimentation selon les recommandations du programme national nutrition santé ;

– Volet E – l’accompagnement des entreprises valorisant des protéines végétales par Bpifrance.

En outre, les filières d’excellence doivent être soutenues, tout comme les outils permettant à la production française de dégager des avantages comparatifs en matière de compétitivité hors prix. À cet égard, les signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO) doivent être davantage valorisés, tout comme les filières de l’agriculture biologique et de la haute valeur environnementale.

Proposition n° 1 : Bâtir des stratégies de filière plus offensive grâce à l’affirmation d’un État stratège sur les questions de souveraineté alimentaire

Adapter l’offre à la demande des consommateurs français, en promouvant une approche à flux tiré par la demande des consommateurs et grâce à la mise en place d’un observatoire de la souveraineté alimentaire, chargé d’étudier les évolutions de l’offre et de la demande.

Garantir une meilleure structuration des filières entre l’amont agricole et l’aval agroalimentaire et soutenir pour cela l’investissement productif pour favoriser la relocalisation des industries agroalimentaires françaises.

Identifier et soutenir les filières les plus stratégiques et les plus fragilisées via des plans spécifiques, sur le modèle du plan « Protéines végétales ».

B.   ASSURER UN JEU CONCURRENTIEL À armes Égales

La sensibilité des consommateurs au prix conduit souvent ces derniers à préférer les productions étrangères aux productions françaises, plus coûteuses. Or, les règles fiscales, sociales et environnementales qui s’imposent aux producteurs et entreprises françaises ne sont pas les mêmes que celles qui prévalent pour les productions étrangères. Un impératif stratégique essentiel est de garantir aux acteurs du système alimentaire français l’équité et la loyauté de la concurrence face aux productions étrangères, qu’elles soient européennes ou issues de pays tiers.

1.   Le cadre juridique applicable aux importations et ses limites

a.   Le cadre applicable

En France, les règles de production et de mise sur le marché des aliments sont soumises à une réglementation à la fois nationale et européenne. Ce cadre normatif vise globalement à assurer des conditions de production des aliments respectueuses de l’environnement et garantissant au consommateur un haut niveau d’exigence sanitaire.

i.   Au niveau européen

En tant que membre du marché unique, la France est soumise aux règles européennes de libre circulation des produits. La libre circulation des produits s’accompagne logiquement de règles communes auxquelles sont soumis l’ensemble des pays membre de l’UE. Ces règles communes portent en particulier sur l’utilisation de pesticides ou sur les obligations applicables en matière d’alimentation animale. Ainsi, la commercialisation et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques font l’objet d’un important corpus normatif européen et la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques est soumise à un principe d’autorisation préalable ([37]). Le règlement (CE) n° 1107/2009 détermine les principales règles applicables concernant les produits pharmaceutiques. Sur la question de l’alimentation animale, le cadre juridique européen interdit les hormones de croissances et l’utilisation des antibiotiques activateurs de croissance, ainsi que l’utilisation des farines animales.

Les pays membres de l’Union européenne peuvent faire le choix d’appliquer sur leur territoire des règles plus exigeantes que celles fixées au niveau européen. Dans ce cas, les règles sont contraignantes pour les producteurs locaux mais ne peuvent en revanche s’appliquer aux produits importés d’autres pays membres du marché unique, au nom du principe de libre circulation des marchandises.

ii.   Avec les pays tiers

Concernant les importations venues de pays tiers, des règles sont également fixées par le droit européen, en cohérence avec les principes fixés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les produits importés de pays tiers sur le sol européen doivent respecter un certain nombre d’obligations afin de garantir la sécurité sanitaire des citoyens européens. Ces règles visent à assurer un niveau de protection équivalent vis-à-vis des aliments mis sur le marché, quelles que soient leurs origines. En ce qui concerne l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, les exigences à l’importation ne portent pas sur le régime d’autorisation des pesticides dans le pays de production, mais se limitent à la quantité de résidus détectables dans les aliments importés, qui doit être inférieure à la limite maximale de résidus (LMR) applicable pour le produit considéré. Les LMR sont déterminées par la Commission européenne afin de protéger la santé des consommateurs, dans le cadre des principes fixés dans le règlement européen (CE) n° 396/2005. Le droit européen prévoit que les LMR puissent être révisées à la demande de toute partie justifiant d’un intérêt légitime. Ainsi des limites maximales de résidus spécifiques dérogatoires peuvent être accordées, dans le cadre de « tolérances à l’importation ». Dans cette configuration, il est possible de fixer une LMR à un niveau supérieur au niveau initialement défini, « après une évaluation des risques concluant à l’absence d’effet inacceptable pour l’exposition alimentaire ([38]) ».

Ce cadre de droit commun est assorti de possibilités pour la Commission européenne de prendre des mesures d’urgence en cas de risque grave pour la santé humaine, animale ou l’environnement. Les États membres peuvent prendre des mesures conservatoires provisoires lorsque la Commission n’a pas adopté les mesures nécessaires. À titre d’exemple, c’est sur ce fondement et en considération de dépassements systématiques de LMR que la France suspend l’importation de cerises en provenance d’États autorisant l’utilisation du diméthoate pour le traitement des cerisiers.

Des contrôles sont conduits par les autorités administratives compétentes pour vérifier que les produits importés respectent les normes applicables. Le contrôle repose sur un principe de contrôle documentaire systématique (première phase), suivi le cas échéant d’un contrôle d’identité et d’un contrôle physique consistant en des prélèvements et analyses (deuxième phase). En France, ces contrôles sont réalisés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale de l’alimentation (DGAL) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Les contrôles de la deuxième phase reposent sur une analyse des risques et leur mise en œuvre varie selon la provenance et la nature des produits. Pour certains produits, un contrôle renforcé à l’importation s’exerce, lorsqu’un risque particulier a été identifié (en fonction du produit ou du pays d’origine). En cas de mesures d’urgence, un certificat sanitaire est exigé ainsi qu’un rapport d’échantillonnage. Notons que les marchandises concernées sont soumises à un contrôle phytosanitaire à l’importation, via une notification au service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire (SIVEP), autorité compétente pour les contrôles phytosanitaires à l’importation ([39]). Comme l’indique le site internet de l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) : « Concernant le contrôle des LMR, afin de veiller à ce que les aliments mis sur le marché se conforment à ces limites légales, les États membres de l’UE (ainsi que la Norvège et l’Islande) prélèvent des échantillons issus de divers produits alimentaires qui sont testés pour y détecter d’éventuels résidus de pesticides. Ces données sont ensuite analysées et compilées par l’EFSA dans un rapport annuel afin de fournir un aperçu des niveaux de conformité dans l’UE et de l’exposition des consommateurs européens aux résidus de pesticides ».

b.   Des failles nombreuses

Si les fraudes sont difficiles à chiffrer, plusieurs signaux d’alerte existent. Le taux de non-conformité global des contrôles réalisés par la DGCCRF est de 8,1 %. Pour certaines denrées ces taux atteignent des niveaux bien plus élevés. En particulier, un taux de plus de 10 % a été mis en évidence pour la présence de pesticides pour les baies de Goji originaires de Chine (17 %), les piments originaires d’Égypte (23 %) et les doliques asperges (22,5 %) de République Dominicaine. Pour le risque de contamination aux aflatoxines, 80 % des arachides du Sénégal présentent un taux de non-conformité ([40]). Le bio est particulièrement concerné par le risque de fraude, avec des taux de l’ordre de 17 % de non-conformité (données DGCCRF 2017).

Selon le rapport du sénateur Laurent Duplomb ([41]), on peut estimer qu’entre 8 et 12 % des denrées alimentaires importées de pays tiers ne respectent pas les normes européennes de production.

Concernant les LMR, les dernières données de l’ESFA montrent que 4,5 % des 91 015 échantillons analysés se situent au-delà de la limite maximale de résidus autorisée (LMR) ; 2,7 % d’échantillons étaient effectivement non conformes, c’est‑à‑dire qu’ils dépassaient la LMR après prise en compte de l’incertitude relative à la mesure. Des résidus multiples ont été détectés dans un peu plus du quart des échantillons. Comme le précise l’EFSA, « la présence de résidus multiples ne constitue pas une infraction à la législation en matière de LMR, pour autant que les résidus de pesticides individuels ne dépassent pas les limites autorisées. Toutefois, les produits alimentaires contenant des résidus de multiples pesticides devraient être évalués attentivement par les autorités nationales (par exemple, pour vérifier si des combinaisons de pesticides ont été utilisées délibérément de façon à contourner les LMR fixées pour chaque substance individuelle) ». Récemment, la crise du sésame a illustré cette problématique. Les contrôles réalisés ont montré des teneurs très supérieures à la limite maximale de résidus (LMR) de 0,05 mg/kg autorisée au niveau européen, allant jusqu’à 186 mg/kg, soit 3 700 fois plus que le plafond autorisé ! ([42]).

2. Des distorsions qui pénalisent doublement la France

Le cadre juridique actuel est impuissant en tant que tel pour prévenir certaines distorsions normatives qui se font au détriment des producteurs européens et français. Les importations qui sont soumises à un cadre normatif moins exigeant bénéficient d’un avantage comparatif sur le prix qui accroît nos dépendances aux importations. Les différences normatives, en particulier sur les questions environnementales, sont donc à l’origine de distorsions de concurrence qui pénalisent doublement la France et les agriculteurs français.

En premier lieu, la France est pénalisée vis-à-vis de ses partenaires européens, car le cadre normatif français est sur un certain nombre de sujets – et notamment sur l’utilisation de certains pesticides – mieux disant qu’ailleurs en Europe. À titre d’exemple, selon le Haut-Commissariat au plan, « la consommation d’engrais minéraux, à base d’azote, de phosphore ou de potasse, a par exemple baissé en France depuis 30 ans. Il en est de même pour les pesticides, ce qui n’est pas le cas par exemple en Allemagne, en Espagne ou en Pologne ».

En deuxième lieu, la France est également pénalisée en tant que membre de l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers, où les divergences normatives sont encore bien plus fortes qu’entre pays membres de l’Union européenne. Ainsi, 44 % des ingrédients actifs homologués au Brésil, l’un des principaux pays tiers de provenance des importations européennes, ne sont pas approuvés dans l’Union européenne. Un quart des molécules autorisées aux États-Unis sont interdites en France ([43]). Dans un rapport intitulé « Mondialisation, comment protéger l’environnement et les agriculteurs », présenté par la Fondation pour la nature et l’Homme, l’institut Veblen et l’interprofession INTERBEV, deux exemples sont mis en avant pour illustrer ces distorsions :

 du côté de l’élevage, l’Europe et la France soumettent la production à un cadre strict en matière d’alimentation animale, avec l’interdiction des hormones de croissance et des antibiotiques activateurs de croissance ainsi que l’interdiction des farines animales. Les règles en matière de bien-être animal se durcissent également, de même que les obligations en matière de traçabilité, en particulier en France. Or, les viandes importées sont uniquement soumises en l’état actuel aux règles applicables en matière d’hormone de croissance et bénéficient donc d’un avantage comparatif qui paraît déloyal ;

– La lentille canadienne concurrence la lentille française en raison principalement de son prix plus bas. Or, ces différences de prix s’expliquent au moins en partie par des règles de production beaucoup moins exigeantes sur le plan environnemental sur le sol canadien. Ainsi, les producteurs ont le droit d’utiliser du Sencoral, un pesticide interdit depuis 2014 dans l’Union européenne et du glyphosate jusqu’à quatre jours avant la récolte. L’utilisation de ces pesticides garantit une meilleure productivité aux exploitations canadiennes, leur permettant de produire à moindre coût, au détriment des considérations environnementales et sanitaires.

Ce décalage grandissant entre les normes qui encadrent la production en France et celles imposées aux importations fait naître une situation de concurrence déloyale, qui pénalise notre modèle. Ces distorsions résultent de trois problèmes principaux :

– une partie importante de ces distorsions est le fait d’une harmonisation insuffisante des règles au sein du marché unique ;

– certaines de ces distorsions de concurrence relèvent de comportements illégaux insuffisamment sanctionnés et repérés, faute d’une politique de contrôle adaptée ;

– enfin, ces distorsions sont également le fait d’une réglementation européenne qui laisse entrer trop facilement sur son marché des produits issus de pays tiers sans que ces derniers ne soient soumis aux mêmes exigences de production.

3.   Des évolutions nécessaires

a.   Garantir l’équité entre pays membres de l’Union européenne : harmoniser le cadre européen et limiter les sur-transpositions

L’approfondissement du marché unique nécessite une harmonisation plus forte du cadre normatif, sans faire de concession sur le plan environnemental et sanitaire. Vos rapporteurs plaident donc pour une harmonisation par le haut des règles applicables. En cela, il est d’abord nécessaire de mieux connaître la nature de ces écarts. En ce sens, une revue des écarts normatifs au sein du marché unique pourrait être mise en place, comme le suggère l’Institut Montaigne dans son rapport précité. Cette revue pourra ensuite servir de base à de nouvelles évolutions du cadre juridique européen. Sur ces questions, une attention particulière doit être portée sur les plans stratégiques nationaux de la PAC, pour éviter que ces derniers conduisent à introduire de nouvelles distorsions qui pourraient pénaliser la France. Vos rapporteurs tiennent, en outre, à souligner que le décalage normatif sur le marché unique pose également des questions importantes en matière de fiscalité et de coût du travail, questions sur lesquelles une intégration plus forte à l’échelle européenne des règles applicables est essentielle.

Cet effort d’harmonisation au niveau européen doit trouver son pendant au niveau national en évitant les sur-transpositions, qui freinent la compétitivité du tissu économique français. Si la France s’est saisie de cette question à travers notamment plusieurs circulaires du Premier ministre donnant instruction de limiter les sur-transpositions, le législateur doit également prendre ses responsabilités sur ce sujet. Ainsi, la fédération des coopérations agricoles déplore le fait qu’en France il soit aujourd’hui possible de consommer des produits qu’il est interdit de produire : « l’autorisation de l’utilisation de telle ou telle molécule en Allemagne ou aux PaysBas et son interdiction en France, en raison soit d’une sur-transposition ou d’un choix national, affaiblit notre agriculture en contraignant les producteurs sans améliorer l’alimentation des Français qui consomment des denrées produites dans des conditions de production différente ([44]) ».

Proposition n° 2 : Œuvrer pour une harmonisation par le haut à l’échelle européenne du cadre normatif applicable.

Mettre en place une revue des écarts normatifs sur le plan environnemental.

Réduire les écarts normatifs environnementaux, fiscaux et sociaux pour approfondir le marché unique et garantir des justes conditions de concurrence aux producteurs et entreprises françaises.

En parallèle, limiter les sur-transpositions en droit national qui freinent la compétitivité du modèle français.

b.   Assurer l’équité avec les pays tiers : renforcer les contrôles et garantir la réciprocité des conditions de production

i.   La politique de contrôle

Face aux taux significatifs de non-conformité des produits importés sur le sol européen évoqués plus haut, vos rapporteurs appellent à un renforcement de la politique de contrôle. Au niveau national, cela doit passer par la consolidation des moyens des autorités en charge des contrôles, dans un contexte où les années 1990 et 2000 ont été marquées par des baisses significatives et répétées des effectifs ([45]). Une attention particulière doit être portée sur les questions d’obligation d’équivalence, face aux fraudes importantes sur les produits bio, notamment.

Au niveau européen, une plus grande coordination doit être de mise entre les différentes polices de contrôle européennes. Cette dimension prend une ampleur particulière dans le contexte du Brexit. Des moyens supplémentaires doivent être déployés pour que des contrôles suffisants soient opérés dans les ports, principales portes d’entrée des marchandises.

Proposition n° 3 : Renforcer les politiques de contrôle

Soutenir les moyens financiers des autorités de contrôle et assurer une plus grande coordination à l’échelle européenne entre les différentes polices de contrôle.

ii.   Exiger la réciprocité : une condition non négociable

Exiger la réciprocité des conditions de la production agricole doit constituer un préalable à toute politique visant à reconquérir la souveraineté alimentaire française et européenne. En ce sens, la politique commerciale et la politique agricole doivent faire l’objet d’une coordination plus poussée pour mieux répondre aux exigences des citoyens européens et aux défis environnementaux. Tant que la réciprocité ne sera pas exigée aux frontières de l’Union européenne, les efforts fournis au niveau national et européen pour assurer une production plus respectueuse de l’environnement se traduiront également par une augmentation des importations. Une révision des règles du commerce international est aujourd’hui primordiale.

La réciprocité des conditions de production des produits agricoles est une question qui prend de l’ampleur dans l’agenda politique national et européen. Plusieurs évolutions récentes témoignent d’une prise de conscience salutaire.

Au niveau européen, le droit a récemment évolué pour interdire les utilisations d’antibiotiques dans les viandes importées ([46]). Néanmoins, les actes délégués nécessaires à l’entrée en vigueur de ces dispositions, prévue pour février 2022, ne sont pas encore parus. Des révisions doivent également intervenir concernant des LMR de deux néonicotinoïdes interdits dans l’Union mais présents dans des produits importés. Les clauses miroirs ont fait l’objet d’intenses débats dans le cadre des négociations de l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA) et plusieurs dispositions ont pu être introduites en ce sens. Si ces clauses comportent des limites importantes, elles ont eu le mérite de mettre la question de la réciprocité sur le devant de la scène politique ([47]). Sur la question du commerce international, la France porte une voix forte au niveau européen pour refuser certains accords considérés comme trop déséquilibrés, à l’image de l’accord du Mercosur.

En droit national, l’article L. 236-1A du code rural et de la pêche maritime introduit lors des débats du projet de loi EGALIM à la suite d’une initiative parlementaire prévoit qu’il est « interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. ». Si cet article montre la volonté du législateur français d’avancer sur ces questions, force est toutefois de constater que son application reste encore très largement imparfaite, en raison notamment des contraintes du droit européen et international.

Les clauses miroirs doivent être systématisées. Cette question doit être fixée comme une priorité centrale de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. La réciprocité des standards de production européens doit être assurée, pour des raisons tant économiques, qu’environnementales, sanitaires et sociétales.

L’imposition de clause miroir peut être négociée en bilatérale dans le cadre de chaque traité de libre-échange. Cette méthode ne permettrait pas de viser l’ensemble des productions, mais elle aurait pour avantage de s’exercer dans le cadre du jeu du commerce international, ce qui offre une protection face aux risques de représailles commerciales.

Une façon d’aller plus loin serait de mettre en place un règlement européen sur les clauses miroirs qui fixerait des principes généraux s’appliquant à l’ensemble des denrées importées, sur le modèle de l’article L. 326-1A du code rural et de la pêche maritime. Cette deuxième option, soutenue notamment dans le rapport précité « Mondialisation, comment protéger l’environnement et les agriculteurs », serait la plus ambitieuse, mais comporte des risques en matière de rétorsions commerciales de la part des pays tiers souhaitant riposter sur ce qui pourrait être considéré comme une forme de protectionnisme.

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que cette réflexion autour des clauses miroirs fasse également l’objet de discussions multilatérales, dans le cadre de l’OMC. Vos rapporteurs considèrent, comme beaucoup d’observateurs, que les clauses miroirs ne sont pas des mesures protectionnistes instaurant une concurrence déloyale, en ce qu’elles visent au contraire à rétablir des conditions de concurrence équitables. Mais en l’état actuel, l’imposition systématique de clauses miroirs risque d’être considérée comme une forme de protectionnisme déguisé du point de vue de l’OMC. En effet, l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires de l’OMC, dit accord « SPS », définit les règles fondamentales concernant l’innocuité des produits alimentaires, ainsi que les normes sanitaires pour les animaux et les végétaux. Cet accord « permet aux pays d’établir leurs propres normes mais il dispose aussi que les réglementations doivent avoir un fondement scientifique. Celles-ci ne doivent être appliquées que dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour préserver les végétaux. Elles ne doivent pas non plus entraîner de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où existent des conditions identiques ou similaires ». Comme l’analyse le réseau des chambres d’agricultures françaises « si les clauses miroirs ont déjà été mises en œuvre avec succès pour les domaines relatifs à la protection de la santé humaine (exemple des antibiotiques ou des hormones de croissance), en ce qui concerne les pratiques relatives aux conditions de production qui n’impliquent pas de résidus identifiables dans le produit fini, leur application aux produits agricoles va poser plusieurs problèmes majeurs. Ces normes de production ne se traduiront pas nécessairement par des résidus dans les produits finis : on ne retrouve pas nécessairement de résidus de pesticides selon le moment où ils ont été utilisés dans la culture, et les conditions de production liées au bien-être animal (utilisation de cages, densité de chargement par exemple) n’amènent pas de propriétés différentes aux produits animaux ». Imposées de façon unilatérale dans le cadre d’un futur règlement européen, les clauses miroirs semblent donc bien présenter un risque réel vis-à-vis des règles fixées par l’OMC. Vos rapporteurs appellent en ce sens à relancer le dialogue à l’échelle de l’OMC sur ce sujet pour réviser les accords SPS.

Ces réflexions soulèvent également la question de la compensation carbone aux frontières, aujourd’hui à l’agenda des discussions européennes. Intégrée dans le paquet « Fit for 55 », la compensation carbone aux frontières permettrait d’instaurer une tarification sur les produits importés en fonction des émissions carbone qu’ils représentent. Pour le moment, le secteur agricole est exclu du dispositif envisagé. La prise en compte des denrées agricoles dans le cadre de la compensation carbone soulève un certain nombre de questions, notamment en matière de comptabilisation des émissions de chaque exploitation et de leur répercussion sur les denrées. Il s’agit néanmoins d’une piste qui semble prometteuse pour rétablir des conditions de concurrence plus juste et garantir nos standards environnementaux.

Proposition n° 4 : Exiger la réciprocité pour assurer l’équité du jeu concurrentiel

Prévoir a minima une négociation systématique de clauses miroirs dans le cadre des traités internationaux de libre-échange.

Au-delà, envisager la mise en place d’un règlement européen sur les clauses miroirs, ce qui nécessite une réflexion poussée à l’échelle de l’OMC pour éviter les risques de représailles commerciales.

Intégrer le secteur agricole dans le dispositif de compensation carbone aux frontières.

Les règles applicables concernant les LMR méritent d’être révisées. La France doit militer pour un abaissement des seuils au plus bas possible. Le principe des tolérances à l’importation devrait être supprimé du droit européen, ou alors les demandes systématiquement refusées. Ce point a d’ailleurs déjà retenu l’attention des institutions européennes. Dans le cadre de la stratégie de la ferme à la table de l’Union européenne, il est ainsi indiqué que « l’UE envisagera, dans le respect des règles de l’OMC et après une évaluation des risques, de réexaminer des tolérances à l’importation pour les substances qui remplissent les " critères d’exclusion " ([48]) et qui présentent un niveau élevé de risque pour la santé humaine ».

À cela s’ajoute un autre problème, mis en évidence dans le rapport précité « Mondialisation, comment protéger l’environnement et les agriculteurs », qui tient au délai entre le non-renouvellement de l’approbation d’une substance dangereuse et l’abaissement effectif des LMR. Des substances interdites dans l’UE, pour certaines depuis plus de deux ans, en raison notamment de problèmes de génotoxicité ou d’effets néfastes sur les organes endocriniens, ont toujours des LMR très élevées sur plusieurs denrées, telles que les poireaux, les houblons, la camomille, les citrons, les oranges et les tomates ([49]). Il paraît donc essentiel de raccourcir les délais entre l’inscription d’une nouvelle substance dangereuse et l’acte permettant d’interdire l’importation des produits comportant de telles substances en France.

Proposition n° 5 : Réformer les règles applicables en matière de limites maximales de résidus de pesticides (LMR)

Supprimer le principe des tolérances à l’importation.

Raccourcir les délais entre le non-renouvellement de l’approbation d’une substance dangereuse et l’abaissement effectif des LMR.

C.   tirer la demande pour les produits français

La reconquête de la souveraineté alimentaire passe par la reconquête du consommateur. L’appétence croissante des citoyens à consommer français est une opportunité qu’il faut saisir en informant davantage les consommateurs sur l’origine des produits. La demande pour les produits français pourrait également être davantage tirée vers le haut par les circuits de la restauration hors foyer, au sein desquels le nombre de produits importés est significativement plus élevé que dans la moyenne de l’ensemble des circuits de distribution confondus.

1.   Mieux informer le consommateur sur l’origine des produits

Alors que le consommateur est de plus en plus sensible à la qualité et à l’origine de sa consommation, il n’est pas suffisamment informé pour pouvoir faire des choix éclairés. En effet, l’information du consommateur est à ce jour incomplète, en raison notamment d’un cadre européen qui empêche de rendre un certain nombre d’informations obligatoires.

a.   Un cadre applicable insuffisant malgré de récentes évolutions positives

Le cadre juridique actuel limite les possibilités de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine sur l’ensemble des denrées alimentaires. Si l’article L. 412-4 du code de la consommation prévoit que « sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé », cette règle est conditionnée au respect du droit européen puisque l’article prévoit un peu plus loin que « la liste des produits concernés et les modalités d’application de l’indication de l’origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article ». Les règles décidées au niveau national dépendent donc grandement du cadre européen, d’harmonisation maximale sur ces questions.

En droit européen, l’obligation d’affichage de l’origine du produit est l’exception et non la règle. Un certain nombre de denrées alimentaires doivent faire l’objet d’un affichage indiquant le pays d’origine, comme le prévoient plusieurs réglementations sectorielles spécifiques. C’est le cas de l’huile d’olive, de la viande ([50]), des fruits et légumes frais et du miel. Pour le reste, les règles qui prévalent sont celles fixées par le règlement INCO ([51]). L’indication est obligatoire uniquement dans le cas où « son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l’étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d’origine ou un lieu de provenance différent » (article 26 du règlement INCO). Les cas où les États membres peuvent introduire d’autres obligations sont très limités. Ainsi, en vertu de l’article 39 du règlement INCO, les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires seulement s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance.

L’évolution du règlement INCO du 1er avril 2020

Depuis le 1er avril 2020 ([52]), lorsque l’étiquetage fait apparaître l’origine d’une denrée alimentaire et que celle-ci diffère de celle de son ingrédient primaire, l’indication de l’origine de l’ingrédient en question devient obligatoire. L’ingrédient primaire est défini comme l’ingrédient entrant pour 50 % ou plus dans la composition d’une denrée ou le/les ingrédients qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par le consommateur. Par exemple, l’étiquetage d’un gâteau revendiquant une origine française alors que la farine mise en œuvre dans sa fabrication ne serait pas produite en France devrait renseigner le consommateur sur l’origine de la farine.

Au niveau national, les pouvoirs publics ont cherché à renforcer les obligations d’affichage du pays d’origine dans le cadre fixé par le droit européen. À la suite du scandale des lasagnes à la viande de cheval, une expérimentation a été lancée en 2016 pour prévoir des obligations d’étiquetage pour les produits transformés contenant de la viande et du lait. Cette expérimentation prévoit une obligation de faire mention de l’origine de la viande lorsque la part de viande est égale ou supérieure à 8 % du poids de la denrée. Pour le lait, cette obligation a été fixée dès lors que la part de lait est égale ou supérieure à 50 % de la denrée. Toutefois, cette expérimentation a été partiellement annulée par le Conseil d’État au motif de sa non-conformité au droit européen. Ainsi, cette expérimentation a fait l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) formulé par le groupe Lactalis, au motif que la réglementation ne respecterait pas les critères fixés par l’article 39 du règlement INCO. Le juge a considéré que le lien entre l’origine du lait et les propriétés du produit n’était pas démontré.

À noter que le législateur national a permis de nouvelles avancées récentes sur ces questions dans le cadre de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires et de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « loi EGALIM 2 », qui restent encore une fois fortement limitées en raison du cadre européen. Les avancées principales permises par ces deux lois sont les suivantes :

– la loi du 10 juin 2020 sur l’étiquetage des produits alimentaires a ainsi prévu plusieurs modifications pour renforcer les obligations d’étiquetage du pays d’origine pour le cacao, le miel, la gelée royale et la bière. Toutefois, comme le déplore le rapport d’application de cette loi, « plus d’un an après la promulgation de la loi du 10 juin 2020, aucun des décrets nécessaires à son application n’a été publié (…) Plus problématique encore, il n’existe aucune perspective de publication à court terme de ces mesures d’application ([53]) ».

– la même loi a également renforcé les obligations d’indication de l’origine de la viande dans la restauration en prévoyant de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volaille dans les établissements proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer (article L. 412‑9 du code de la consommation) ([54]). Ces dispositions ont été étendues aux « dark kitchen » par la loi EGALIM 2. Les modalités d’application de l’article L. 412-9 du code de la consommation doivent être précisées par un décret qui n’a pas encore été pris ;

– la loi EGALIM 2 a transposé en droit français l’obligation, lorsque l’origine du produit alimentaire diffère de l’origine de son ingrédient principal, de faire savoir au consommateur que cette différence existe (soit en affichant également l’origine de l’ingrédient, soit en spécifiant que les deux origines sont différentes) ;

– dans le prolongement de certaines modifications législatives votées dans le cadre de la loi Climat et résilience ([55]), la loi EGALIM 2 a ajouté à la liste des pratiques commerciales trompeuses le fait de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires tels que définis par le droit européen ne sont pas d’origine française. La loi prévoit également de nouvelles obligations d’indiquer l’origine des viandes utilisées en tant qu’ingrédients dans des préparations et des produits à base de viande tels que les saucisses, nuggets, jambons, boulettes.

Notons que le droit européen n’empêche pas les entreprises de porter sur une base volontaire une indication d’origine sur leurs produits. De fait, les entreprises prennent de plus en plus l’initiative d’informer leurs clients sur le lieu d’origine de leurs produits, car elles y trouvent un intérêt commercial. Le « made in France » peut, par exemple, guider le consommateur dans ses choix et constituer un véritable argument commercial. Mais sans obligation plus systématique, la capacité du consommateur à effectuer un choix éclairé reste limitée.

b.   Réviser le règlement INCO pour rendre obligatoire l’information sur l’origine des produits alimentaires

Vos rapporteurs plaident pour la révision du règlement INCO qui limite à l’heure actuelle les obligations d’étiquetage de l’origine du pays. La réglementation européenne paraît aujourd’hui en décalage complet avec les attentes des consommateurs européens pour plus de transparence, de traçabilité et de consommation locale. Le renforcement de l’information du consommateur sur l’origine des produits constitue un levier puissant pour mieux promouvoir les productions agricoles françaises. Notons d’ailleurs qu’aux États-Unis, l’indication de l’origine des produits est obligatoire. Ainsi, selon le paragraphe 134.11 du titre 19 du code of federal regulations (CFR), tout article d’origine étrangère importé aux États-Unis doit porter, sauf exceptions, le nom, en anglais, de son pays d’origine.

La révision du règlement INCO a été annoncée comme l’une des priorités de la présidence française et du Conseil de l’Union européenne. Cette révision doit permettre de rendre obligatoire la mention de l’origine nationale sur l’ensemble des denrées alimentaires, y compris les denrées transformées, en appliquant la règle prévue au niveau européen sur l’ingrédient primaire.

À très court terme, d’autres évolutions sont nécessaires. Le décret concernant l’étiquetage des produits en RHD n’a toujours pas été pris comme les organisations syndicales agricoles l’ont souligné lors des auditions. Ainsi, vos rapporteurs appellent le Gouvernement à prendre l’ensemble des décrets d’application de la loi étiquetage et de la loi EGALIM 2 afin de respecter la volonté du législateur.

Proposition  6 : Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, lancer la révision du règlement INCO afin de rendre obligatoires les informations relatives à l’origine géographique des produits.

2.   Mobiliser davantage le levier de la restauration hors domicile

a.   Un levier massif

La restauration hors domicile (RHD) constitue un levier massif et insuffisamment mobilisé pour reconquérir la souveraineté alimentaire du pays et favoriser la consommation locale ([56]). 15 millions de Français prennent chaque jour au moins un repas hors domicile dont la moitié dans le cadre de la restauration collective. La consommation hors domicile représente selon l’INSEE environ un tiers du budget alimentaire des ménages, une part en augmentation significative en lien avec la part plus grande de femmes dans la population active et l’évolution des modes de vie (dans les années 1960, cette part représentait environ 12 % du budget des ménages). On compte au total 100 000 structures de restauration collective, publiques ou privées, qui distribuent plus de 3,5 milliards de repas par an. À noter que la restauration collective est assurée à 60 % en autogestion et pour 40 % dans un modèle sous-contrat.

C’est donc un levier formidable pour la structuration des filières agricoles et la montée en gamme des productions. Les filières bénéficient d’acheteurs qui apportent des garanties de volumes et d’engagement dans la durée, ce qui sécurise les capacités d’engagements.

b.   Une dépendance forte aux importations

S’il n’existe pas à l’heure actuelle de chiffres consolidés concernant la part de produits importés dans la restauration hors domicile, un certain nombre de données fournissent des informations intéressantes.

Concernant la restauration collective, le syndicat national de la restauration collective (SNRC) fait état des remontées suivantes de la part de ses adhérents : 62 % de la viande de bœuf, 93 % de la volaille fraîche, 51 % de la volaille, 87 % des produits laitiers, 77 % de la viande de porc et seulement 29 % des fruits et légumes seraient ainsi d’origine française. Le SNRC indique que la part des produits français est en progression mais qu’aujourd’hui, le secteur est confronté à « un effet ciseau entre les inflations constatées et les prix des repas facturés, avec des dialogues dans l’impasse avec quelques acheteurs, notamment publics ». Selon le SNRC, plusieurs facteurs expliquent les dépendances aux importations : la compétitivité prix de certaines filières joue un rôle central, mais également la saisonnalité et les comportements des consommateurs, « il est encore attendu de la variété sur nos selfs en fruits et légumes en hiver, d’où le recours à des produits venant de pays tiers plus " chauds " ». L’organisme Restoco fait quant à lui état des chiffres suivants : 40 % de la viande et des fruits et légumes consommés par les adhérents de Restoco sont importés.

Selon les chiffres de l’Institut Montaigne, plus de la moitié de la viande bovine consommée en RHD est importée. Ces seuils atteindraient 60 % pour la volaille et 75 % pour le poulet standard. L’interprofession de la filière du bœuf indique que l’essentiel des importations de bœuf est destiné à la restauration hors domicile. Ainsi, en viande bovine, environ 60 % de la viande importée est destinée à la RHD, alors que ce circuit ne concentre que 25 % de la consommation.

c.   Des évolutions importantes du cadre législatif, qui doivent encore se traduire dans les faits

i.   Une impulsion donnée par la loi EGALIM

Pour mieux utiliser le potentiel de la restauration hors domicile, les obligations concernant ce secteur ont été peu à peu durcies. Outre les obligations d’information qui ont récemment été renforcées pour la restauration commerciale, l’action du législateur s’est jusqu’ici principalement concentrée sur la restauration collective.

Après plusieurs objectifs programmatiques fixés par le législateur ([57]) concernant la part de produits issus de l’agriculture biologique et durable dans le total des produits proposés par la restauration collective, la loi EGALIM a permis le franchissement d’un nouveau cap en prévoyant des obligations qui s’imposent aux acteurs publics. Ainsi, les personnes morales de droit public qui ont la charge d’un service de restauration collective doivent proposer aux usagers, à compter du 1er janvier 2022, une offre comprenant au moins 50 % en produits de qualité et durables, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ou en conversion. Les produits concernés ont été précisés par un décret en Conseil d’État (voir l’encadré ci-dessous). La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », est venue ajouter un nouveau critère de produits éligibles aux 50 % de la loi EGALIM en y intégrant les « produits dont l’acquisition a été fondée, principalement, sur les performances en matière de protection de l’environnement et de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, dans le respect des règles du code de la commande publique ».

Les produits éligibles aux quotas fixés par la loi EGALIM

« L’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi EGALIM liste les produits entrant dans le décompte des 50 % de produits de qualité et durables qui devront être servis dans les restaurants collectifs d’établissements chargés d’une mission de service public au 1er janvier 2022. Pour l’application générale de cet article 24, le décret  2019-351 du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs en application de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, pris après avis du Conseil d’État, précise les catégories de produits entrant dans le décompte et les modalités de suivi et de mise en œuvre de ces objectifs :

«  les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie. Il s’agit des modalités prévues au 2° de l’article R. 2152-9 du code de la commande publique (les coûts d’acquisition, de consommation d’énergie ou d’autres ressources, les frais de maintenance, de collecte ou de recyclage, les externalités environnementales, etc.) et au deuxième alinéa de l’article R. 2152-10 du même code (pour la méthode de calcul) ;

«  les produits issus de l’agriculture biologique (à hauteur de 20 % minimum) dont les produits végétaux issus d’une exploitation en conversion depuis plus d’un an ;

«  les produits bénéficiant des autres signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou des mentions valorisantes suivantes : le Label rouge, l’appellation d’origine (AOC/AOP), l’indication géographique (IGP), la spécialité traditionnelle garantie (STG), la mention « issu d’une exploitation à haute valeur environnementale » (HVE), la mention « fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », uniquement pour les produits pour lesquels existe une définition réglementaire des conditions de production ;

«  jusqu’au 31 décembre 2029 uniquement, les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de deuxième niveau mentionnée à l’article D. 617-3 du code rural et de la pêche maritime ;

«  les produits issus de la pêche maritime bénéficiant de l’écolabel « Pêche durable » ;

« «  les produits bénéficiant du logo « Région ultrapériphérique » (RUP) ;

«  les produits « équivalents » aux produits bénéficiant de ces signes, mentions, écolabels ou certifications.

« Le décret précité précise que les proportions de 50 % et 20 % de produits correspondent à leur valeur d’achat hors taxes rapportée à la valeur d’achat totale hors taxes des produits destinés à entrer dans la composition des repas servis pour chaque restaurant collectif, appréciés sur une année civile.

« Il prévoit en outre qu’un bilan statistique soit établi annuellement au 31 mars de l’année n + 1 à partir de 2023 (pour l’année 2022).

« L’article L. 230-5-1 précité prévoit que les personnes morales en question « développent par ailleurs l’acquisition de produits issus du commerce équitable » ainsi que « l’acquisition de produits dans le cadre des projets alimentaires territoriaux ».

« Enfin, l’article L. 230-5-3 prévoit, depuis le 1er janvier 2020, une obligation annuelle d’information des usagers des restaurants collectifs (par voie d’affichage et par communication électronique) sur la part des produits durables et de qualité entrant dans la composition des repas servis et des démarches entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable ([58]) ».

Les obligations de la loi EGALIM ont été élargies à la restauration collective privée par la loi « climat et résilience » à partir du 1er janvier 2025.

ii.   La capacité du secteur à remplir les obligations de la loi EGALIM est à ce stade incertaine

Concernant la mise en application des obligations de la loi EGALIM, le SNRC indique que pour le scolaire public, on compte aujourd’hui 25 % d’achats EGALIM avec un équilibre entre le bio et les autres signes de qualité. Sur les grandes villes et l’Île-de-France, cette estimation pourrait d’ores et déjà atteindre 40 %. Les résultats pour le scolaire privé et le secteur médico-social sont beaucoup moins probants (4 % pour le scolaire privé et 6 % pour la santé et le médico-social). Selon RestoCo : « un grand nombre de nos adhérents atteignent l’objectif de 50 % en comptant les produits locaux (hors EGALIM) et les équivalences aux critères EGALIM (le label MSC pour la pêche durable, par ex.). Le taux tombe à 30 % si l’on mesure uniquement les labels cités par l’article 24 de la loi EGALIM. Le secteur hospitalier est à moins de 10 % de produits EGALIM ».

D’après le rapport du Sénat établi dans le cadre de l’examen du projet de loi « climat et résilience » citant une étude de FranceAgriMer « le taux de produits dits EGALIM serait de 15 % en 2019, dont un peu moins de la moitié de bio (7 %). L’AMF estime de son côté que 19 % des collectivités respectent dès à présent l’obligation prévue par la loi EGALIM et que 36 % des collectivités pourront y répondre à la date fixée, surtout dans les grandes villes. Le seuil de 20 % de produits bio semble le plus facile à atteindre, puisque 34 % des communes auraient déjà atteint l’objectif selon l’AMF, même s’il convient de signaler qu’une commune sur cinq ignore à ce stade la part du bio dans les repas servis selon la même enquête ». Le rapport de l’Assemblée nationale indique quant à lui que « pour l’Association des départements de France, le plafond de 30 % voire de 25 % sera difficile à dépasser, même en 2022, s’agissant des collèges dont les départements ont la charge ([59]) ».

Concernant la restauration collective privée, aujourd’hui entre 6 et 8 % des cantines concernées respectent les critères fixés par la loi « climat et résilience ».

Les difficultés rencontrées par les gestionnaires tiennent pour beaucoup au problème du surcoût découlant de la mise en place des obligations de la loi EGALIM. Il est estimé entre 10 et 20 % pour 55 % des élus et au-delà de 20 % pour 31 % d’entre eux ([60]). Selon un rapport remis par le Gouvernement au Parlement en application de l’article 25 de la loi EGALIM, le surcoût moyen estimé par repas se trouve entre 0 et 0,42 euro avec plusieurs pistes de compensations, notamment via la lutte contre le gaspillage alimentaire et la diversification des protéines.

Concernant l’origine des approvisionnements des quotas fixés par la loi EGALIM, les SIQO garantissent dans leur majorité une production française, en valorisation les IGP, les AOP et les AOC. Les acteurs signalent que les obligations bio tirent la production bio française, ce dont vos rapporteurs se félicitent. La question du coût reste déterminante et la durée des contrats est aussi un enjeu important. Les contrats longs permettent de donner de la visibilité aux producteurs et d’encourager une production tirée par la demande.

iii.   Accompagner les acteurs pour permettre la réalisation des quotas de la loi EGALIM

Vos rapporteurs appellent à renforcer la transparence des approvisionnements de la restauration collective, afin de disposer des données nécessaires pour apprécier la part totale et par filière des produits importés consommés dans le cadre de la restauration collective. Comme cela a été signalé en audition, les entreprises de la restauration collective sont en train de mettre à jour leurs systèmes d’information pour avoir une vision consolidée et détaillée de la mise en œuvre des obligations fixées par la loi EGALIM. Vos rapporteurs appellent les acteurs de la filière ainsi que le Gouvernement à poursuivre cet effort et à prévoir, dans le cadre de ces outils de suivi, des indicateurs concernant la part de produits importés et la part de produits d’origine française. Les quotas imposés dans la loi EGALIM impliquent une vigilance pour vérifier que cela ne se traduise pas par une augmentation de produits importés. Il est essentiel que l’augmentation de produits bio, en particulier, se fasse à partir de la production française et non pas via une augmentation des importations.

Les acheteurs publics doivent faire preuve d’exemplarité sur ces questions, ce qui nécessite l’affirmation d’une volonté politique ambitieuse. La bonne application des obligations de la loi EGALIM, qui devrait renforcer la part des produits français dans la restauration collective, implique un accompagnement et un suivi fort de l’État. Certains secteurs doivent faire l’objet attention particulière, comme le secteur médico-social, confronté par ailleurs à des tensions financières importantes.

D’autres leviers complémentaires pourraient être mobilisés, notamment en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Les économies financières qui pourraient être libérées via une lutte plus efficace contre le gaspillage alimentaire pourraient être en partie réallouées vers des achats plus responsables et davantage tournés vers la production française. Une réforme des règles de grammage en ce sens pourrait être particulièrement opportune, comme le réclament les acteurs du secteur.

Proposition n° 7 : Accompagner les acheteurs publics et les acteurs de la restauration collective pour atteindre les objectifs fixés par la loi EGALIM

Renforcer la transparence sur les approvisionnements de la restauration collective, prévoir dans le cadre de ces outils de suivi des indicateurs concernant la part de produits importés et la part de produits d’origine française.

Actionner des leviers pour répondre à la question des surcoûts en réformant les règles de grammage et en luttant contre le gaspillage alimentaire.

iv.   Ouvrir le chantier de la restauration commerciale

Enfin, il paraît aujourd’hui nécessaire de mobiliser les acteurs de la restauration commerciale pour faire de ce secteur un levier de reconquête de notre souveraineté alimentaire. Les acteurs du secteur se sont engagés dans le cadre de la Charte Origine France à promouvoir la production française dans la restauration commerciale. L’objectif est de « valoriser et augmenter la part des produits français utilisés dans la restauration indépendante, quand 80 % des approvisionnements de la RHD proviennent des importations ([61]) ».

Vos rapporteurs appellent le secteur à se mobiliser pour assurer le suivi de cette charte, renforcer la transparence sur les approvisionnements et poursuivre les efforts pour promouvoir une production française et de qualité.

Proposition n° 8 : Mobiliser les acteurs de la restauration commerciale

Renforcer la transparence sur les approvisionnements de la restauration commerciale.

Prévoir une mobilisation collective via les fédérations professionnelles pour promouvoir une production française de qualité dans la restauration commerciale.

Dans le cadre de la révision du règlement INCO proposé par vos rapporteurs, aligner les obligations d’affichage de l’origine des produits tous circuits confondus.

Prendre le décret d’application de l’article L. 412-9 concernant les obligations d’indication d’origine des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volaille.

II.   Accompagner le monde agricole pour répondre au double défi humain et climatique

A.   Un défi humain : Faire face à la crise des vocations des métiers du vivant

Une crise des vocations frappe depuis plusieurs années déjà le monde agricole ainsi que le secteur agroalimentaire. Au total, le Gouvernement estime à 70 000 le nombre d’offres d’emploi à pourvoir dans les métiers du vivant (agriculture, agroalimentaire et pêche) ([62]).

1.   Une crise des vocations qui touche le secteur agricole et agroalimentaire

Les secteurs agricole et agroalimentaire sont confrontés à une crise des vocations à l’origine d’une pénurie de main-d’œuvre, alors que les besoins vont croissant. Ce risque latent pour notre autonomie alimentaire est devenu très concret lors de la crise sanitaire : le manque de bras de la filière a alors constitué une véritable inquiétude pour de nombreux exploitants.

a.   Une crise de la vocation agricole

Selon l’INSEE, la France compte 400 000 personnes qui sont considérées comme agriculteurs exploitants, soit 1,5 % de l’emploi. Parmi elles, 7 % effectuent des activités liées à l’exploitation de ressources naturelles, mais ne possèdent pas d’exploitation agricole, il s’agit des entrepreneurs de travaux agricoles, exploitants forestiers, patrons pêcheurs ou aquaculteurs.

La population agricole a massivement reculé en l’espace de quelques décennies, dans un contexte d’augmentation des gains de productivité et de la taille des exploitations. En 1982, on comptait 1,6 million d’agriculteurs, soit 7,1 % de l’emploi total : le nombre d’agriculteurs a donc été divisé par plus de quatre en l’espace de quatre décennies.

Part des agriculteurs exploitants dans l’emploi total entre 1982 et 2019

Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail

Cette crise se comprend notamment au regard des conditions de travail des agriculteurs, particulièrement difficiles, pour des revenus moyens incertains et bas.

Sur la question du revenu, si les indicateurs manquent de fiabilité, une étude de l’INSEE de 2019 indique que le revenu moyen des agriculteurs est de 1 390 euros net mensuel, avec de très fortes disparités en fonction des régions et des types d’exploitation, les éleveurs étant confrontés aux situations les plus difficiles. Selon cette même étude, un agriculteur français sur cinq déclare un revenu nul. Entre 15 et 25 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, avec des situations sociales particulièrement difficiles pour certaines cultures et certaines régions.

Ces faibles revenus contrastent avec des conditions de travail particulièrement exigeantes et contraignantes. On estime à 55 heures par semaine la durée hebdomadaire moyenne de travail d’un agriculteur contre une moyenne de 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi. D’après l’INSEE, « la très grande majorité des agriculteurs travaillent le week-end : en 2019, 88 % d’entre eux ont travaillé au moins un samedi au cours des quatre dernières semaines (contre 39 % de l’ensemble des personnes en emploi) et 71 % au moins un dimanche (contre 22 %). En outre, 15 % des agriculteurs ont, au cours des quatre dernières semaines, travaillé au moins une fois la nuit, entre minuit et 5 heures du matin, contre 10 % pour l’ensemble des personnes en emploi ».

Travail le samedi, le dimanche et la nuit
des agriculteurs exploitants en 2019

Source : Insee, enquête Emploi 2019

Cette crise des vocations survient alors que le monde agricole est confronté au défi du renouvellement des générations. Un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans et l’âge moyen s’élève à 52 ans. Un agriculteur sur deux doit prendre sa retraite d’ici 2030. Le modèle de l’agriculture familiale recule et les installations hors cadre familial (qui représentent 30 % des installations nouvelles aujourd’hui), ne permettent pas de compenser entièrement cette tendance. Un récent avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que « le rythme actuel des installations en agriculture (13 000 en 2019) ne permettra pas de compenser les cessations d’activités massives prévues dans les années à venir (…) un quart des exploitations pourrait ainsi disparaître en 5 ans seulement ([63]) ». Notons que ce défi concerne aussi la filière de la pêche et de l’aquaculture : un tiers des patrons pêcheurs prendront leur retraite d’ici 2030.

À cela s’ajoute la problématique du foncier agricole disponible et de l’accès au foncier. Depuis plusieurs décennies, le nombre d’exploitations diminue, tandis que leur taille augmente. Une exploitation agricole occupe en moyenne 63 hectares en France (+ 10 % en moins de dix ans). Ce phénomène va de pair avec une mécanisation accrue et une intensification des pratiques culturales. Aujourd’hui, neuf exploitations sur dix sont spécialisées dans un seul type de production, ce qui pose des difficultés en termes de diversité des productions, une question centrale en matière d’autonomie alimentaire et de transition agroécologique. Face à ce phénomène, on peut craindre une concentration excessive des terres, freinant l’installation de jeunes agriculteurs.

b.   La pénurie de main-d’œuvre dans les exploitations agricoles

La crise des vocations agricoles est aggravée par la pénurie de main-d’œuvre sur les exploitations, qui peut constituer une vraie menace en matière d’autonomie alimentaire, comme la crise sanitaire l’a mis en lumière. Au total, selon la FNSEA, 60 000 postes de saisonniers seraient non pourvus. Selon l’INSEE, le nombre d’ouvriers agricoles a baissé, en passant de 310 000 en 1982 à 250 000 en 2019.

Si 85 % du travail réalisé dans le monde agricole repose directement sur les exploitants, un certain nombre d’agriculteurs ont également recours à une main-d’œuvre souvent saisonnière pour les assister dans certains travaux. Certaines filières sont par nature particulièrement concernées par ce travail saisonnier, telles celles du maraîchage, de l’arboriculture et de la viticulture. Selon l’Office français de l’immigration, ce travail est réalisé à 80 % par une main-d’œuvre étrangère, majoritairement en provenance d’Europe de l’Est ou d’Afrique du Nord. En conséquence, la fermeture des frontières décidée par les autorités publiques dans le cadre de la crise sanitaire s’est traduite par de très fortes tensions en main-d’œuvre dans les exploitations françaises.

Le travail détaché dans les exploitations agricoles françaises

L’agriculture est le secteur qui a le plus fort taux d’emploi de travailleurs détachés par rapport au nombre d’emplois salarié total : 2,2 % en 2019 dans le secteur agricole, contre 0,4 % tous secteurs confondus (Dares, 2021). En général, le travailleur détaché est un homme (92 %) plus jeune que la moyenne des salariés sous contrat. Il provient très majoritairement d’un pays de l’Union européenne (78 %, Royaume-Uni inclus). La nationalité roumaine est la plus représentée dans le domaine agricole.

c.   Les difficultés à recruter de l’industrie agroalimentaire

Cette pénurie de main-d’œuvre touche également la filière agroalimentaire : 30 000 emplois seraient actuellement non pourvus ([64]) contre 10 000 en 2013. Comme l’a souligné l’ANIA lors de son audition par vos rapporteurs, une entreprise sur deux déclare rencontrer des difficultés de recrutement. Cette faible attractivité s’explique en partie par les conditions de travail difficiles du secteur (pénibilité, horaires décalés) avec des salaires en moyenne plus bas que dans les autres secteurs d’activité ([65]). D’après le CNAMTS, les industries agroalimentaires totalisent un quart de l’ensemble des troubles musculo-squelettiques (TMS) reconnus comme maladie professionnelle ([66]).

2.   Revaloriser les métiers du vivant et susciter des vocations nouvelles

Les enjeux sont multiples : augmenter les revenus, sécuriser les parcours, améliorer les conditions de travail et changer l’image de ces métiers dans l’opinion publique.

a.   La question du revenu agricole, la mère des batailles

La reconquête de la souveraineté alimentaire ne pourra se faire qu’avec les agriculteurs. Pour revaloriser ces métiers et susciter des vocations, la question du revenu demeure centrale. Sur ce sujet, un long chemin reste encore à parcourir malgré une prise de conscience salutaire du législateur. Comme l’a rappelé le député M. Grégory Besson Moreau, auteur et rapporteur de la loi EGALIM 2, le secteur fait aujourd’hui face à une « guerre des prix plus virulente que jamais, nourrie par les tensions que la crise économique fait peser sur les revenus des ménages ([67]) ». Si les prix bas bénéficient aux consommateurs, ils sont à l’origine de fragilités importantes pour les différents maillons de la chaîne alimentaire et surtout pour les agriculteurs. Malgré les dispositifs législatifs mis en place, les relations entre les différents acteurs de la chaîne restent fondamentalement déséquilibrées. En bout de chaîne les producteurs, très nombreux, négocient face à un faible nombre d’acheteurs, en position de force. Du côté des distributeurs, les quatre premières centrales d’achat françaises représentent 92,2 % des ventes en valeur et 88,5 % des ventes en volume de produits de grande consommation. Les transformateurs sont également en position de force dans la négociation face aux agriculteurs. Sur 100 € de consommation alimentaire, seuls 6 € reviennent au producteur agricole ([68]).

L’euro alimentaire en 2016 décomposé en valeurs ajoutées induites, importations d’intrants, importations alimentaires, et taxe

Source : calculs OFPM d’après Insee et Eurostat

Le législateur s’est saisi de cette problématique avec la loi EGALIM, suivie de la loi EGALIM 2. Ce nouveau cadre légal a introduit des outils visant à rééquilibrer les relations entre les agriculteurs et les autres maillons de la chaîne alimentaire. Vos rapporteurs tiennent à rappeler que la question du rééquilibrage du rapport de force au sein de la chaîne alimentaire doit demeurer une priorité politique pour les années à venir, à mesure que les effets des précédentes lois pourront être évalués. Sur ces enjeux, il est essentiel de favoriser au maximum la structuration des filières amont, à travers notamment la valorisation des organisations de producteurs, qui constituent un atout important pour renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs avec les autres acteurs de la chaîne. En parallèle, une réflexion doit être menée pour identifier de nouveaux leviers afin de réduire les charges d’exploitation supportées par les agriculteurs, en particulier concernant le coût des matières premières.

Des leviers complémentaires peuvent être mobilisés pour revaloriser le niveau de vie des agriculteurs.

La réflexion sur la question de la sensibilité au prix des actes d’achat des denrées alimentaires doit se poursuivre. Les actions visant à sensibiliser les consommateurs sur la question du revenu des agriculteurs vont dans le bon sens. L’expérimentation du rémunérascore prévue par l’article 10 de la loi EGALIM 2 constitue une avancée à saluer sur ce sujet. Prévue pour cinq ans, elle consiste en la mise en place d’un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles. L’objectif est de faire ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits. Les filières concernées par cette expérimentation sont celles de la viande bovine et des produits laitiers ainsi que certaines productions agricoles issues de l’agriculture biologique et d’autres productions agricoles qui seront précisées par décret. Il conviendra en temps voulu d’envisager une généralisation de cette expérimentation, tout en veillant à la lisibilité des différentes informations à destination du consommateur sur les denrées alimentaires. Les initiatives des marques de consommateur, comme « C’est qui le patron », jouent également un rôle important pour sensibiliser les consommateurs sur ces questions et favoriser une meilleure rétribution des producteurs.

En complément, et en particulier dans le contexte de la crise sanitaire qui accroît la précarité alimentaire, la mise en place d’un dispositif de soutien financier aux personnes les plus précaires peut apparaître comme l’une des solutions à développer pour garantir un accès à une alimentation saine et durable, favorable à la production française. Les contours et conditionnalités (public, montant, réseau de distribution, etc.) de ce dispositif restent à définir. Le ciblage des produits locaux devra être au cœur de cet outil.

Proposition n° 9 : Poursuivre les efforts pour revaloriser le revenu des agriculteurs

Évaluer les effets des lois EGALIM 1 et 2 pour identifier de nouvelles voies d’action pour rééquilibrer les relations entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire. Soutenir les organisations de producteurs. Identifier de nouveaux leviers pour réduire les charges d’exploitation supportées par les agriculteurs.

Sensibiliser le consommateur aux enjeux de la rémunération des agriculteurs et généraliser le rémunérascore.

Mettre en place un dispositif de soutien aux consommateurs les plus modestes pour diminuer la « sensibilité prix » des achats alimentaires. Assurer un ciblage de ce dispositif sur les produits locaux.

b.   Améliorer les conditions du travail saisonnier

Pour le travail saisonnier réalisé en exploitation agricole, une amélioration des conditions de travail est nécessaire afin de répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Vos rapporteurs ont identifié un levier qui mériterait d’être davantage exploité : le recours aux groupements d’employeurs. Entités à statut associatif ou coopératif, les groupements d’employeurs permettent à plusieurs entreprises de se regrouper pour devenir employeur unique d’une main-d’œuvre mise à la disposition des membres. Les groupements d’employeurs doivent être agréés par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS). En 2019, on compte 3 832 groupements d’employeurs constitués entre exploitants agricoles. Leur nombre a progressé de 12 % en 9 ans. Ils représentent 117 000 contrats de travail (plus 85 % par rapport à 2010), correspondant à 29 697 équivalents temps plein (ETP) (plus 78 %).

Les groupements d’employeurs occupent déjà une place importante sur certains territoires et apportent une partie de la réponse à la crise de la maind’œuvre agricole. Du point de vue de l’employeur, le recours aux groupements d’employeurs permet de sécuriser et de fidéliser l’accès à la main-d’œuvre et allège l’exploitant agricole d’un certain nombre de démarches administratives. Du point de vue du salarié, les groupements d’employeurs permettent de sécuriser l’accès à l’emploi par une répartition des aléas économiques sur un collectif d’exploitations. Ils bénéficient d’un meilleur accès à leurs droits et à la protection sociale via un contrat de travail unique et leur évolution professionnelle peut être facilitée par l’acquisition d’expériences et de compétences multiples.

Ce mode d’organisation du travail peut également être le support de négociations salariales visant à améliorer les conditions de travail des ouvriers agricoles. L’accord national du 13 juin 2012, étendu par arrêté du 20 novembre 2012, définit le groupement d’employeur agricole et rural et les règles qui lui incombent, notamment en matière de droit du travail. Les groupements d’employeurs doivent ainsi mettre en place une politique de prévention des risques. Il est également prévu que les contrats de travail ou le règlement intérieur fixent des dispositions spécifiques relatives à l’indemnisation des kilomètres parcourus, si le salarié utilise son véhicule personnel dans le cadre de sa mission, et la prise des congés payés ([69]). Une politique de labellisation a également été lancée à cette occasion avec pour objectif d’y conditionner l’accès aux aides publiques. Cette labellisation vise à favoriser le recours à l’emploi en contrat à durée indéterminée (CDI) ainsi qu’une meilleure prise en compte des conditions de travail des salariés.

Du chemin reste à parcourir pour développer les groupements d’employeurs et en faire des outils au service de l’amélioration de la qualité de travail des ouvriers agricoles. D’après le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER) sur les nouvelles formes d’emploi en agriculture, « confrontés aux problématiques de saisonnalité (...), les GE n’ont pas permis, contrairement à l’ambition initiale, d’augmenter l’emploi en CDI, qui plafonne à 17 %. Cette part de CDI est cependant plus importante pour les GE de polycultureélevage, alors qu’elle est très faible dans les GE en cultures spécialisées et viticulture ».

Face à ce constat, vos rapporteurs proposent de soutenir le développement des groupements d’employeurs et de donner une nouvelle impulsion à la dynamique de labellisation. Comme le propose le rapport du CGAER, il paraît également pertinent de renforcer le rôle des fédérations départementales pour renforcer les compétences RH des petits groupements d’employeurs locaux, souvent démunis face à ces questions.

Proposition n° 10 : Améliorer les conditions de travail des travailleurs saisonniers pour pallier la pénurie de main-d’œuvre

Renforcer le rôle des groupements d’employeurs et donner une nouvelle impulsion à la politique de labellisation de ces groupements, pour en faire de véritables leviers d’amélioration des conditions de travail.

Vos rapporteurs souhaitent souligner que l’amélioration des conditions de travail des ouvriers agricoles est indissociable d’une réflexion connexe sur la question des charges sociales supportées par les exploitants agricoles pour le recours au travail saisonnier. L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime prévoit un dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (dispositif dit « TO‑DE ») dans le secteur agricole. Le TO-DE permet ainsi à un employeur agricole qui souhaite embaucher un travailleur saisonnier de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires.

En raison de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégement pérenne de cotisations sociales (de 6 points jusqu’à 2,5 SMIC) et de l’augmentation des allégements généraux sur les bas salaires (de 4 points au niveau du SMIC), le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait initialement la suppression du TO-DE à compter du 1er janvier 2019. Les débats parlementaires ont permis d’obtenir le maintien du TO-DE sous une forme nouvelle : au lieu d’une exonération totale jusqu’à 1,25 SMIC puis dégressive jusqu’à s’annuler à 1,5 SMIC, l’allégement est désormais entier jusqu’à 1,2 SMIC et décroît jusqu’à 1,6 SMIC. L’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 prévoit le maintien du dispositif TO-DE jusqu’au 1er janvier 2023. Vos rapporteurs appellent à pérenniser ce dispositif afin de donner de la visibilité aux exploitants agricoles et de sécuriser leur capacité d’investissement. Au-delà, vos rapporteurs partagent les réflexions faites par la FNSEA qui invite à amplifier le mouvement de fiscalisation du financement de la protection sociale pour alléger le financement basé sur le travail.

Proposition n° 11 : Alléger les charges sociales pesant sur les exploitants agricoles

Maintenir et pérenniser le dispositif d’allégement des charges pour les travailleurs occasionnels (TO-DE).

Amplifier le mouvement de fiscalisation du financement de la protection sociale pour alléger le financement basé sur le travail.

c.   Améliorer les conditions de travail dans l’industrie agroalimentaire

Concernant les métiers de la filière agroalimentaire, également confrontée à un risque important de pénurie, vos rapporteurs souhaitent un renouveau du dialogue social pour trouver de nouvelles pistes d’amélioration de la qualité de travail. Outre la question salariale, une réflexion doit être menée pour réduire la pénibilité de ses métiers afin de leur redonner de l’attractivité.

d.   Mieux faire connaître les métiers du vivant et les débouchés professionnels qu’ils représentent

Les métiers du vivant peuvent représenter une vraie opportunité en termes d’emploi, avec un taux de recrutement de 10 % supérieur à celui des autres entreprises, tous secteurs confondus. Une meilleure connaissance des métiers du vivant doit se développer, en rendant davantage lisibles et connus du grand public les différentes formations existantes et les besoins en emploi. La campagne de communication sur les entrepreneurs du vivant lancée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation constitue une initiative à saluer sur ces questions. Cette campagne permet de porter une vision plus moderne du monde agricole afin d’en rénover et d’en valoriser l’image. Cette revalorisation est déjà en cours : aujourd’hui « 77 % des Français estiment que les agriculteurs ont joué un rôle essentiel dans le cadre de la crise sanitaire. 71 % des Français ont une image positive de l’agriculture contre 59 % en 2015 ([70]) ».

La question de la formation est essentielle, en particulier dans un contexte de transition écologique nécessitant l’apprentissage de nouveaux savoir-faire. Avec la mise en place du plan « Enseigner à produire autrement », l’enseignement agricole s’est engagé depuis plusieurs années dans une démarche de transition agroécologique. Outre la modification des référentiels de formation, les exploitations des établissements de l’enseignement agricole ont pris ce virage. Vos rapporteurs appellent le Gouvernement à soutenir l’enseignement et la formation agricoles et à l’adapter aux besoins de demain. Les formations doivent se rapprocher le plus possible des besoins exprimés sur le marché du travail. Selon le Gouvernement, les emplois les plus recherchés par les recruteurs sont les agents d’élevage laitier, les conducteurs d’engins agricoles, les agents polyvalents d’exploitation, les chefs de culture en maraîchage ou en arboriculture ainsi que les agents viticoles.

La France est aujourd’hui forte de son réseau d’enseignement agricole et d’apprentissage, rejoint par 210 000 jeunes chaque année. Le réseau actuel compte 163 diplômes différents. Dans un rapport rendu sur la question de la formation agricole, le Sénat estime que si ce chiffre traduit la diversité des métiers et filières liés à l’enseignement agricole, « il complexifie considérablement la lisibilité de la cartographie des formations de l’enseignement agricole en France pour les élèves, pour les établissements mais également pour les employeurs ». Vos rapporteurs partagent ce constat et appellent à un renforcement de la lisibilité de la cartographie des formations existantes. Les liens entre les écoles et les entreprises et exploitations doivent se développer, à travers des partenariats plus systématiques, comme le suggère la FNSEA. Le développement de l’apprentissage est également une piste intéressante, notamment pour la filière agroalimentaire. L’ANIA considère ainsi que la filière devrait passer de 30 000 alternants en 2020 à 60 000 d’ici cinq ans.

Vos rapporteurs appellent également au développement de nouvelles expérimentations pour développer les liens entre les personnes éloignées de l’emploi et les métiers du vivant. Certaines expérimentations sont d’ores et déjà en cours sur ce sujet et pourraient être généralisées. Entendu en audition par vos rapporteurs, l’ANIA a ainsi fait mention du projet Archipel, projet expérimental visant à favoriser l’insertion professionnelle de 720 personnes éloignées de l’emploi via l’apprentissage. Ce projet permet de former des personnes peu qualifiées en lien avec les prescripteurs de l’emploi et réseaux spécialisés tels que l’École de la deuxième chance sur les métiers en tension du secteur agroalimentaire.

Proposition n° 12 : Mieux faire connaître les métiers du vivant et renforcer les actions de formations

Poursuivre les actions de communication auprès du grand public pour rénover et revaloriser l’image des métiers du vivant.

Soutenir le réseau de l’enseignement et de la formation agricoles, renforcer la lisibilité des différentes formations existantes en rapprochant certains cursus, favoriser les liens entre les établissements de formations et les futurs employeurs.

Soutenir l’apprentissage, en particulier pour la filière agroalimentaire.

Développer les expérimentations pour rapprocher les personnes éloignées de l’emploi des métiers du vivant.

B.   Un défi cLimatique : accompagner les agriculteurs pour réduire les dépendances climatiques et prendre le chemin de la transition agroécologique

1.   Les défis environnementaux pour le monde agricole sont majeurs

Le dérèglement climatique constitue un défi majeur pour l’autonomie alimentaire de la France. À terme, seul un modèle d’agriculture soutenable pourra garantir l’autonomie alimentaire du pays. Le dérèglement climatique constitue une menace pour notre agriculture :

– la multiplication des aléas et risques climatiques fait peser une menace très forte sur les agriculteurs (épisodes de gel, canicules, inondations, etc.), avec un effet important sur les pertes de récolte. Ainsi, selon l’Institut Montaigne, « les pertes de récoltes liées aux sécheresses auraient été multipliées par trois entre 1961 et 2018 en Union européenne » ;

– l’augmentation de la température se traduit par une baisse des rendements – on estime ainsi que l’augmentation d’un degré de la température mondiale moyenne se traduit par une baisse d’environ 6 % de rendement du blé, 3,2 % pour le riz et 7,4 % pour le maïs. Selon certaines études, le facteur climatique expliquerait entre 30 et 70 % de la stagnation du rendement du blé tendre en France ([71]). L’augmentation des températures a également pour effet un risque de multiplication des risques phytosanitaires avec une possible migration de certains insectes et champignons ;

– le dérèglement climatique accroît les besoins en eau, alors même que les ressources se tarissent, et affecte les cycles et les conditions de production ;

– le dérèglement climatique déstabilise également le calendrier et la géographie des productions.

Victime du dérèglement climatique, le secteur en est également l’un des principaux contributeurs. Le secteur alimentaire représente aujourd’hui entre 17 et 24 % de l’empreinte carbone des ménages ([72]). Il s’agit ainsi du deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France derrière le secteur des transports ([73]). Dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), il est prévu une réduction des émissions directes du secteur de 35 % d’ici 2030. Si le secteur agricole a déjà réduit de 10 % ses émissions de GES depuis 1990 ([74]), l’atteinte des objectifs fixés dans la SNBC nécessite une accélération des transitions. Notons que l’agriculture, à la fois victime et contributrice du dérèglement climatique, peut également être l’une des solutions pour y faire face : outre les bénéfices liés à la transition agroécologique, elle recèle un potentiel très important en matière de captation carbone.

2.   Accompagner le monde agricole vers la transition agroécologique

Face aux défis climatiques et aux menaces que ces derniers font peser sur notre autonomie alimentaire, il faut armer notre modèle pour s’adapter aux changements et s’engager vers la transition agroécologique. Pour cela, la réduction de l’utilisation d’intrants doit être promue, via le développement de l’agriculture de précision, le soutien à la recherche de solutions alternatives, le développement des rotations de cultures. Il est essentiel de ne pas laisser les agriculteurs face à des impasses techniques, qui peuvent avoir des impacts très lourds en termes de compétitivité. L’ensemble de l’agriculture française doit être accompagné vers cette transition. Il est également souhaitable de soutenir les agricultures les moins consommatrices d’intrants, qui sont à l’avant-garde de la transition agroécologique, telles que l’agriculture biologique et certaines formes d’agricultures sous certification environnementale.

a.   Soutenir l’investissement dans les agro-équipements

La réduction de la consommation d’eau et d’intrants nécessite un fléchage des investissements en agro-équipements pour développer une agriculture de précision. Les pouvoirs publics doivent soutenir financièrement l’achat d’agro‑équipements, pour que le respect de l’environnement puisse se conjuguer avec l’impératif de rentabilité des exploitations. Il faut saluer les efforts prévus dans le cadre du plan de relance en la matière, avec la prime à la conversion d’agroéquipements, dotée d’une enveloppe globale de 215 millions d’euros sur deux ans.

Les besoins financiers arrêtés dans le cadre du plan de relance pourraient être pérennisés via la création d’un fonds pour la transition agroécologique, qui permettrait de soutenir à long terme les agriculteurs dans leurs efforts d’investissements.

Proposition n° 13 : Soutenir l’investissement pour l’agro-équipement

Pérenniser le soutien financier à l’investissement pour l’achat d’agro-équipements en créant un fonds pour la transition agro-écologique.

b.   Une nécessaire politique publique ambitieuse concernant la gestion de l’eau

L’agriculture est le secteur économique le plus consommateur d’eau en France et le réchauffement climatique accroît la pression sur les besoins en eau. 5 milliards de m3 d’eau environ sont prélevés environ chaque année en France pour les besoins de l’agriculture ([75]). Les besoins en eau varient selon les cultures (avec environ 590 litres d’eau pour produire 1 kg de pommes de terre, 554 litres d’eau pour produire 1 kg de maïs grain, 590 litres d’eau pour produire 1 kg de blé ([76])). La plupart des régions françaises souffriront d’ici 2050 d’un taux d’humidité du sol très dégradé. Des territoires très productifs comme la Beauce, la Champagne ou la Picardie risquent de connaître des épisodes de sécheresse exceptionnels et inédits.

Si la France dispose de la deuxième ressource en eau en Europe après la Norvège, elle accuse un retard sur l’efficacité de la gestion de cette ressource. Notre pays n’utilise que 15 % de son eau renouvelable dans le secteur agricole, contre 20 % en Allemagne et en Italie et 30 % en Espagne. Seule 5 % de la ressource en eau est stockée, contre 50 % en Espagne. Seul 1 % des eaux usées sont utilisées pour l’irrigation contre des taux de recyclage de 8 % en Italie et 15 % en Espagne ([77]).

Face à ce constat, il est nécessaire d’agir à la fois sur l’offre et la demande. La réduction de la demande passe par une irrigation plus précise ainsi que par le développement de nouvelles variétés moins consommatrices d’eau (voir infra). En parallèle, il est également nécessaire d’agir sur les ressources disponibles. La gestion des eaux usées pourrait être davantage valorisée. Les pouvoirs publics doivent accompagner la construction d’infrastructures qui permettent le stockage de l’eau, telles que les retenues collinaires et les stockages souterrains, après une évaluation approfondie et une concertation locale essentielles pour assurer leur acceptabilité. En ce sens, les projets territoriaux de gestion de l’eau constituent des outils de politique publique utiles qu’il convient de développer. L’objectif du Gouvernement est de faire aboutir au moins 50 projets de territoire pour la gestion de l’eau d’ici 2022 et 100 d’ici 2027. Le Gouvernement a pris conscience de ces problématiques qui sont à l’ordre du jour dans le cadre du Varenne de l’eau et d’adaptation aux changements climatiques.

En audition, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) a appelé à ce que des réels budgets soient sanctuarisés sur ces questions pour identifier les besoins par département et les solutions pouvant être mises en place. La FNSEA demande de relancer et sécuriser juridiquement des projets de mobilisation de ressources d’eau, de mettre en œuvre des mesures en faveur du déploiement des projets de réutilisation des eaux usées, de mobiliser des moyens financiers pour développer une irrigation durable et de mettre en place des contrats de prestation de services environnementaux autour de l’apport du stockage de l’eau et de l’irrigation à la préservation des milieux. Il paraît également nécessaire de mieux former les exploitants aux pratiques permettant d’améliorer la rétention d’eau des sols et aux techniques d’irrigation économiques.

Proposition n° 14 : Développer une politique publique ambitieuse pour améliorer la gestion de l’eau en agriculture.

Soutenir les projets territoriaux de gestion de l’eau, optimiser la gestion des eaux usées, réduire les délais administratifs, former les exploitants aux pratiques permettant une gestion plus économe de cette ressource.

c.   Investir dans la recherche et le déploiement de solutions alternatives

L’investissement dans la recherche et le déploiement de solutions alternatives est essentiel pour encourager une production moins consommatrice d’intrants, afin que notre agriculture puisse conjuguer le respect de l’environnement avec les impératifs de rentabilité et de productivité.

i.   Soutenir les solutions de bio-contrôle

Le bio-contrôle faire référence aux méthodes de protection des végétaux basées sur l’utilisation de mécanismes naturels qui offrent des réponses complémentaires et alternatives à la chimie de synthèse. Ces méthodes sont définies à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime le bio-contrôle étant défini comme l’ensemble des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Les solutions de bio‑contrôle couvrent aujourd’hui plus de 11 % du marché de la protection des plantes avec une ambition d’atteindre 30 % en 2030, participant ainsi à l’atteinte de l’objectif de 50 % de réduction des projets phytopharmaceutiques d’ici 2030. Ces solutions sont efficaces pour les environnements contrôlés, notamment la serriculture (voir l’encadré ci-après) ainsi que pour les cultures spécialisées.

Dans l’objectif de favoriser le développement de ces solutions, plusieurs outils sont d’ores et déjà en place, telles que des procédures accélérées et une fiscalité adaptée. Le Gouvernement déploie une stratégie nationale en ce sens sur la période 2020-2025, qui s’articule autour de 4 axes :

– le soutien à la recherche et à l’innovation pour accélérer le développement et l’utilisation de ces solutions ;

– la simplification de la réglementation pour alléger les procédures d’autorisation, d’expérimentation et d’utilisation des solutions ;

– le déploiement des solutions nouvelles, à travers des expérimentations et un accent particulier mis sur la formation technique des agriculteurs ;

– la promotion du bio-contrôle au niveau européen, notamment dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et de la stratégie « De la ferme à la fourchette ».

Vos rapporteurs appellent à l’accélération des efforts de recherche pour permettre le déploiement de ces solutions dans l’ensemble des filières.

La culture sous serre et les enjeux de transition agroécologique et d’autonomie alimentaire

La culture sous serre désigne la pratique qui consiste à exploiter des cultures sous une structure à parois translucides – fixes ou mobiles – pour tout ou la plus grande partie du cycle végétatif. Sont exclus par la législation européenne les films de matière plastique posés à même le sol, ainsi que les cultures en tunnel en plastique non accessibles à l’homme, sous cloches et sous châssis portables. Les superficies cultivées en partie sous serre et en partie en plein air sont considérées comme ayant été intégralement cultivées sous serre, sauf si la période de culture sous serre est extrêmement limitée ([78]). Selon le groupe Richel, 10 000 hectares sont consacrés aux cultures sous serre en France, dont 2/3 aux productions légumières et 1/3 aux productions ornementales. Dans le domaine du maraîchage, 30 % des exploitations de légumes frais, melons et fraises étaient sous serre en 2010 d’après FranceAgriMer.

En l’état actuel, la culture sous serre présente certains risques environnementaux : non-respect du cycle des saisons, pertes nutritives et gustatives des produits, fortes consommations d’énergie en cas de serres chauffées hors saison… À titre d’exemple, selon l’enquête Agreste sur les consommations et les productions d’énergie dans les exploitations agricoles en France, 36 % des achats d’énergie dans les régions Bretagne et Pays de la Loire en 2010 provenaient de serres et abris hauts. Cependant, la récente autorisation des serres chauffées dans l’agriculture biologique semble montrer qu’elles peuvent être un outil vertueux de l’agroécologie. À la suite d’une décision du Comité national d’agriculture biologique datant de juillet 2019, le chauffage des serres sera ainsi autorisé à partir de 2025, à deux conditions : un chauffage à l’aide d’énergies renouvelables et une commercialisation des fruits et légumes toujours saisonnière. En suivant certaines règles, la culture sous serre recèle donc un potentiel pour devenir un outil de la transition agroécologique. Grâce à un environnement plus contrôlé, elle peut permettre une réduction de l’utilisation des intrants et de l’eau. Selon les professionnels du secteur entendu en audition, le besoin en eau d’une culture hors sol sous serre avec recyclage des eaux de drainage est quatre fois moins élevé qu’une culture traditionnelle aux champs.

À condition de répondre à des conditions strictes sur le plan environnemental, la culture sous serre peut aussi être mise au service de l’autonomie alimentaire, en ce qu’elle peut protéger certaines productions, garantir des rendements importants, allonger les cycles saisonniers pour faire face aux besoins.

ii.   Avancer sur les enjeux de recherche et de sélection variétale

La question de la diversité génétique végétale et animale de la production agricole française est particulièrement stratégique pour la souveraineté alimentaire de notre pays. Le dérèglement climatique rend urgent le développement de nouvelles variétés plus résistantes aux aléas climatiques et moins consommatrices d’intrants. La France est aujourd’hui leader sur ces questions notamment grâce aux travaux de l’INRAe au rôle des instituts techniques et des semenciers.

Ces enjeux nécessitent une évolution de la réglementation concernant les nouvelles techniques de sélection, ou « New Breeding Technologies » (NBT). Il s’agit là de nouvelles technologies génétiques d’amélioration végétale. Vos rapporteurs considèrent, que correctement encadré, le développement des NBT pourrait permettre de répondre aux changements induits par le dérèglement climatique et renforcer l’autonomie agricole européenne et française.

Le développement des NBT se heurte aujourd’hui au cadre européen bâti pour restreindre la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Techniquement, les produits issus des NBT sont obtenus par mutagénèse, c’est-à-dire par modification d’un gène déjà présent dans la plante. La méthode la plus connue, « Crispr-Cas9 », dite des « ciseaux moléculaires », permet de cibler une zone spécifique de l’ADN pour la découper et y insérer une autre séquence ayant certaines propriétés. La différence avec les organismes génétiquement modifiés (OGM) résiderait dans le fait ne pas introduire un gène étranger dans le génome d’un organisme, technique dite de transgénèse. En 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a néanmoins estimé, par principe de précaution, que les NBT répondaient à la définition européenne des OGM ([79]) et devaient donc être soumis à la même réglementation restrictive ([80]). Le Conseil d’État a confirmé cette décision le 7 février 2020 et a enjoint le Gouvernement à modifier l’article D. 531-2 du code de l’environnement dans un délai de six mois afin de redéfinir la liste des techniques de mutagénèse exemptées de la réglementation relative aux OGM. Ce décret est encore à l’état de projet à ce jour.

Aujourd’hui, l’avis de 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne est remis en question par différents acteurs et par les institutions européennes elles‑mêmes. Le ministre de l’agriculture, M. Julien Denormandie, estime que les NBT ne sont pas des OGM car la mutagénèse, contrairement à la transgénèse, permet d’accélérer l’apparition d’une nouvelle variété grâce à des mutations qui auraient pu apparaître naturellement. Dans une tribune du Monde en date de janvier 2021 ([81]), plusieurs scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (INRAe), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), appellent à faire évoluer le processus européen d’autorisation de culture de plantes transgéniques, qualifié du « plus verrouillé du monde », et à une réflexion nationale plus apaisée sur la question, notamment au regard des avancées permises par le génie génétique en santé humaine avec les vaccins à ARN messager. La dernière étude de l’Union européenne sur la question des NBT en avril dernier va dans ce sens ([82]). Dans ses conclusions, la Commission reconnaît que les NBT ont un réel potentiel pour contribuer à des systèmes alimentaires plus durables et compatibles avec les objectifs du Pacte vert et de la stratégie « de la ferme à la fourchette ». Elle recommande ainsi d’adapter la législation européenne aux récents progrès scientifiques et un nouveau projet de réglementation est à l’étude. La Commission précise que le texte prendra en compte l’évaluation des risques et mettra en place des mécanismes de traçabilité, d’étiquetage et d’ajustements réglementaires. Notons que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s’est également saisi du sujet dès 2017 avec la remise d’un rapport sur ces questions ([83])  et plus récemment à la suite d’une saisine du Président de la commission des affaires économiques M. Roland Lescure ([84]) .

Au regard des avancées scientifiques et des différentes auditions menées, vos rapporteurs considèrent que les NBT, judicieusement encadrés, présentent des avantages indéniables pour soutenir l’autonomie alimentaire française et répondre aux défis du changement climatique. Les NBT permettent en effet de créer rapidement des variétés plus résistantes à leur environnement sans atteindre l’apparition naturelle de mutations, notamment pour faire face au gel, à la sécheresse et aux maladies. Autres avantages, ces nouvelles variétés, intrinsèquement plus résistantes, ne nécessitent pas ou peu d’intrants et présentent des rendements importants. Pour ces raisons, SEMAE, l’interprofession des semences et plants, auditionnée par vos rapporteurs, considère les NBT comme un levier important de la transition écologique. L’association Intercéréales fait quant à elle du développement des NBT une priorité pour que la France conserve sa place de leader mondial dans le secteur des semences et pour répondre à la hausse de la demande, à l’heure où les rendements stagnent. Elle souligne également la nécessité de faire bouger les lignes rapidement car développer de nouvelles variétés prend du temps et des pays extra-européens ont déjà acquis une certaine avance sur le sujet.

Deux voies sont à privilégier pour favoriser le développement des NBT : faire évoluer le cadre juridique européen en soutenant les initiatives en ce sens et soutenir la recherche publique et privée. Il ne s’agit évidemment pas de revenir sur l’interdiction des OGM, mais d’ouvrir la voie à la recherche pour concevoir des variétés résistantes, écologiques et à haut rendement.

Proposition n° 15 : Encourager la recherche agronomique pour développer de nouvelles variétés plus résistantes et moins consommatrices d’intrants.

Permettre le développement des NBT en faisant évoluer le cadre juridique européen et soutenir la recherche publique et privée.

Notons que la nouvelle stratégie pour les semences et l’agriculture durable comporte des mesures importantes pour favoriser la diversité des productions. Ce plan s’appuie sur la sélection variétale comme un levier de transformation de l’agriculture. Des actions en faveur de la préservation des ressources génétiques doivent également être renforcées. Il s’agira, par exemple, de faciliter le retour sur le marché de variétés anciennes, et de poursuivre les engagements en vue d’une conservation durable des ressources génétiques françaises ([85]).

d.   Soutenir le développement de l’agriculture biologique et de la haute valorisation environnementale (HVE)

i.   Le soutien à l’agriculture biologique

Les modes d’agriculture biologique ou ceux bénéficiant d’une certification environnementale sont des modèles à encourager pour accélérer la transition agroécologique et assurer la durabilité de nos systèmes alimentaires. C’est un enjeu clé en matière d’autonomie alimentaire, dans la mesure où la demande des consommateurs pour ce type de production augmente fortement : sans accroissement de l’offre nationale, la crainte est donc de voir une augmentation des importations sur ces segments de marché, en particulier au vu des obligations fixées par le législateur concernant la restauration collective (pour mémoire 30 % des produits bio sont aujourd’hui importés).

La France s’est donné un objectif de 18 % de la surface agricole utile (SAU) en bio pour 2027. Au niveau européen, un seuil de 25 % pour 2030 a été fixé. Pour parvenir à ces objectifs, la période de la conversion qui entraîne un surcoût important sans valorisation du coût des produits doit faire l’objet d’un accompagnement poussé. Ces coûts de transition restent aujourd’hui un frein important au changement de système. Dans ce contexte, il est essentiel que les aides de la PAC puissent être corrélées aux exigences environnementales. La mise en place des éco-régimes prévus dans le cadre de la future PAC devrait permettre de répondre en partie à cette problématique.

Outre les aides de la PAC, l’encouragement de ces formes d’agriculture passe également par des outils fiscaux, à l’image du crédit d’impôt bio, dont la montée en puissance doit être saluée (article L. 244 quater L du code des impôts) : revalorisé de 2 500 à 3 500 euros entre 2018 et 2020, le crédit d’impôt bio devrait franchir une nouvelle étape en 2023 : son montant sera porté à 4 500 euros comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2022. Ce dispositif est prévu jusqu’en 2025.

Le soutien financier apporté à l’agriculture biologique passe également par le fonds avenir bio, géré par l’Agence bio, dont les crédits ont été portés à 13 millions d’euros par an dans le cadre du plan de relance. (4 millions en 2017 et 8 millions en 2019). Vos rapporteurs appellent à pérenniser le soutien accru au fonds avenir bio au-delà du plan de relance.

ii.   Les enjeux liés à la certification HVE

La haute valeur environnementale (HVE) constitue aussi une forme d’agriculture à encourager, à condition de s’assurer des avantages environnementaux qu’elle garantit. La HVE correspond au troisième et dernier niveau de la certification environnementale des exploitations agricoles – niveau le plus exigeant. Comme le prévoit l’article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime, cette certification est construite autour de quatre thématiques environnementales : la protection de la biodiversité, la réduction des produits phytosanitaires, la gestion de la fertilisation et la gestion de la ressource en eau.

Les deux voies de la certification HVE

Deux voies rendent accessible la certification HVE : la première méthode, appelée « option A », consiste à calculer un score pour chacune des quatre thématiques à partir de différents indicateurs ([86]). La certification HVE est attribuée si l’exploitation présente une note supérieure à 10 points pour chacune des quatre thématiques. La seconde méthode, « option B », consiste à utiliser des indicateurs globaux. La certification est attribuée si deux conditions sont respectées : (1) le pourcentage de la surface agricole utile (SAU) en infrastructures agroécologiques (IAE) est supérieur ou égal à 10 % ou le pourcentage de la SAU en prairies permanentes est supérieur ou égal à 50 ; (2) le poids des intrants dans le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 30 %. Les exploitations agricoles sont auditées au moins une fois tous les dix-huit mois par un organisme certificateur agréé par le ministère chargé de l’agriculture.

Les certifications HVE des exploitations agricoles françaises connaissent une forte dynamique. Entre juillet 2020 et juillet 2021, les effectifs ont plus que doublé, passant de 8 218 à 19 216 exploitations (+ 11 000 exploitations en un an). Pour l’agriculture HVE, l’objectif de 15 000 exploitations certifiées en 2022, fixé dans le cadre du plan biodiversité, est déjà atteint. Pour 2030, l’objectif est d’atteindre 50 000 exploitations. Les exploitations certifiées haute valeur environnementale représentent 3,1 % de la SAU française ([87]).

Nombre d’exploitations certifiées HVE par département

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Principales orientations végétales et animales
des exploitations certifiées HVE au 1er janvier 2021

 

 

Source : Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

Le plan de relance a accru le soutien à l’agriculture HVE. Un crédit d’impôt, cumulable avec le crédit d’impôt « agriculture biologique » a été mis en place depuis la loi de finances pour 2021. Il s’élève à hauteur de 2 500 euros et représente au total environ 76 millions d’euros. En parallèle, FranceAgriMer porte un appel à projet de structuration des filières visant à encourager la constitution des filières HVE.

La promotion du HVE doit se poursuivre, mais elle est indissociable d’un renforcement de la fiabilité de cette certification. Un certain nombre de critiques sont en effet régulièrement émises à l’encontre des critères du HVE. En particulier, un rapport rendu par l’Office français de la biodiversité indique que « L’analyse détaillée des indicateurs de résultats de la certification environnementale HVE démontre que les seuils retenus ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses [...]. Cette certification ne devrait pouvoir être prise en compte dans le cadre de politiques publiques environnementales, ou en tant qu’argument de commercialisation sans tromperie du consommateur, qu’à la condition d’une révision profonde des critères d’éligibilité ». Une réévaluation des critères HVE est actuellement menée par le Gouvernement avec des évolutions annoncées pour la fin 2022. Plusieurs voix s’élèvent en particulier pour demander une suppression de la méthode de l’ « option B », considérée comme trop peu exigeante.

Le rehaussement et le renforcement de la fiabilité de la certification HVE doivent aller de pair avec une meilleure visibilité des produits issus d’exploitation HVE. Il importe ainsi de mieux faire connaître la certification HVE auprès des consommateurs, ce qui peut permettre une augmentation du consentement à payer permettant de rémunérer justement l’agriculteur et pour stimuler l’offre. Un logo « produit issu d’une exploitation HVE » existe depuis peu ([88]). Il convient de mieux le faire connaître et le promouvoir. La création d’un fonds HVE sur le modèle du fonds avenir bio pourrait également être pertinente. En outre, France Stratégie propose de porter la certification HVE au niveau européen, dans une logique d’harmonisation des pratiques.

Proposition n° 16 : Soutenir l’agriculture biologique et l’agriculture certifiée « haute valeur environnementale »

Maintenir le soutien financier au fonds avenir bio.

Réviser les critères de la certification HVE pour en assurer la fiabilité.

Promouvoir la certification HVE révisée par une visibilité accrue donnée au logo « produit issu d’une exploitation HVE » et créer un fonds HVE sur le modèle du fonds avenir bio.

3.   Mieux s’armer pour faire face aux chocs climatiques

La prévention et la gestion des risques climatiques passent également par un renouvellement du matériel pour faire face aux principaux aléas et en particulier le gel et la grêle. Le Gouvernement accompagne l’investissement dans du matériel de protection dans le cadre du plan de relance. À la suite de l’épisode de gel du printemps dernier, le Premier ministre a annoncé le doublement de l’enveloppe aléas climatiques du plan de relance, soit 100 M€ supplémentaires. Le renforcement de cette mesure s’est traduit, dans un premier temps, par un relèvement des plafonds d’aide pour les équipements de protection contre les aléas gel et grêle. Les filières viticoles et arboricoles sont particulièrement concernées.

Aujourd’hui, seules 30 % des surfaces grandes cultures et des vignes ont une couverture assurantielle des risques. Pour certaines filières, les seuils sont encore bien plus bas : la couverture des risques ne concerne que 3 % des exploitations arboriculture et 1 % des prairies. L’agriculteur est confronté à des prix trop élevés tandis que l’assureur ne trouve pas assez de rentabilité. Une voie de mutualisation des risques doit être recherchée. Le futur projet de loi sur la question de la refonte de l’assurance-récolte, que la commission examinera en janvier 2022 ([89]), suscite des attentes fortes de la part des acteurs du secteur.

III.    Décliner l’autonomie alimentaire à l’échelle des territoires

La question de l’autonomie alimentaire doit également se penser et se décliner à l’échelle locale. L’alimentation peut devenir un levier important pour le développement économique et social d’un territoire, tout en diminuant l’impact carbone de la consommation alimentaire.

A.    renforcer l’efficacité des projets alimentaires territoriaux

Les projets alimentaires territoriaux (PAT) constituent le support de la politique publique alimentaire déclinée au niveau local. Consacrés par le législateur à l’occasion de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt (LAAF) de 2014, leur rôle est aujourd’hui décrit à l’article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime. En vertu de cet article, les PAT sont « élaborés de manière concertée avec l’ensemble des acteurs d’un territoire et répondent à l’objectif de structuration de l’économie agricole et de mise en œuvre d’un système alimentaire territorial. Ils participent à la consolidation de filières territorialisées, à la lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique, ou dans le cadre d’une démarche collective de certification environnementale prévue à l’article L. 611-6. Ils favorisent la résilience économique et environnementale des filières territorialisées pour une alimentation saine, durable et accessible et contribuent à la garantie de la souveraineté alimentaire nationale ». Comme cela a été ajouté par l’article 266 de la loi climat et résilience, il est également prévu que le porteur de projet du PAT puisse engager une démarche collective de certification environnementale pour l’ensemble des exploitations agricoles contractantes.

La définition légale des PAT est volontairement souple et transversale. La loi ne précise pas l’échelon territorial à partir duquel les PAT doivent être mis en place. Dans les faits, ceux-ci sont généralement déployés à l’échelle du territoire métropolitain ou de l’intercommunalité, même si l’échelon départemental est parfois utilisé (au total on compte 10 PAT mis en place à l’échelle du département ([90])). Concernant le contenu des PAT, il varie sensiblement d’un territoire à l’autre ; les PAT se caractérisent par une grande diversité et par une certaine hétérogénéité, tant dans leur nature que dans leur ampleur. Le rapport France Stratégie pour une alimentation saine et durable distingue ainsi trois générations de PAT : « la première génération de PAT a été caractérisée par des projets focalisés sur quelques problématiques ciblées, sans nécessairement de vision d’ensemble ou sans mise en œuvre opérationnelle suffisamment ambitieuse. La seconde génération a vu se dessiner un élargissement, notamment à l’ensemble de la chaîne alimentaire. La troisième génération semble se rapprocher des ambitions initiales de la loi, puisque la réflexion est élargie à de nouveaux axes tels que l’éducation alimentaire ou la justice sociale et non plus seulement des dimensions agroalimentaires ».

Concrètement, les PAT sont soutenus par l’État dans le cadre du programme national pour l’alimentation. L’État agrée officiellement les PAT et soutient financièrement ces démarches, notamment dans le cadre d’un appel à projets annuel géré par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Le développement des PAT a d’abord accusé un certain retard. En 2014, un objectif de 500 PAT avait été fixé pour l’année 2020 ([91]). Ce premier objectif n’a pas été atteint. Prenant acte de ce retard, les objectifs ont été redimensionnés par le législateur. La loi « climat et résilience » fixe ainsi l’objectif d’un PAT par département d’ici à 2023. En parallèle, un effort financier important a été consenti par l’État en soutien aux PAT dans le cadre du plan de relance, avec une enveloppe de 80 millions d’euros. Cette enveloppe comporte un premier volet visant à favoriser l’émergence de nouveaux PAT et un second volet consacré au soutien aux actions des PAT déjà labellisés ou en cours de labellisation. Au début de l’année 2021, la nouvelle édition de l’appel à projets national du programme national pour l’alimentation a été lancée, dotée d’une enveloppe de 7,5 millions d’euros, soit près de 4 fois le montant de la précédente édition, dans le cadre d’un cofinancement impliquant l’État et l’agence de la transition écologique (ADEME). La procédure de reconnaissance des PAT a été déconcentrée par instruction en fin d’année 2020 dans un objectif de réduction des délais. Aujourd’hui, 293 PAT sont labellisés auprès du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Ces 293 PAT sont présents sur 98 départements (97 % de taux de couverture, contre 65 % en 2020 et 77 % initialement prévus en 2021). Trois départements ne présentent aucun PAT labellisé : les Hauts‑de‑Seine (92), Mayotte (976) et La Guyane (973).

Vos rapporteurs saluent cette nouvelle impulsion et appellent à approfondir et pérenniser ce soutien financier. En outre, il pourrait être pertinent de fixer un objectif de nombre de PAT à horizon 2025 pour poursuivre la dynamique enclenchée, d’autant plus que l’objectif au niveau départemental paraît assez mal adapté puisque les PAT sont en pratique rarement mis en place à cet échelon. Une cible ambitieuse mais réaliste pourrait être de viser 600 PAT à horizon 2025.

Aujourd’hui, l’absence de référentiel d’évaluation national rend difficile une évaluation qualitative des PAT, alors que des crédits budgétaires conséquents y sont consacrés. On peut regretter avec France Stratégie que l’État n’ait défini « ni ambition ou attente particulière, ni cadre méthodologique et référentiel d’évaluation, ni mécanisme réellement incitatif pour un processus d’amélioration continue ». S’il est souhaitable de garder un outil souple aux mains des collectivités territoriales, il paraît toutefois nécessaire de renforcer les grilles d’évaluation de ces dispositifs. La loi « climat et résilience » a consacré la mise en place d’un réseau national des PAT, chargé de mettre en avant les bonnes pratiques et de construire des outils méthodologiques au service des collectivités territoriales. Ce réseau pourrait utilement être mobilisé en ce sens.

La mise en place d’un référentiel commun d’évaluation pourrait également être l’occasion de promouvoir davantage une approche transversale et systémique des questions alimentaires dans le cadre des PAT. Vos rapporteurs appellent les collectivités à mieux se saisir des leviers à leur disposition en matière de politique alimentaire, dans le cadre d’une stratégie globale pouvant être formalisée dans le cadre du PAT. Les leviers des collectivités sont potentiellement nombreux : protection et accessibilité du foncier agricole, instruments de planification urbaine, pilotage de la restauration collective en milieu scolaire, lutte contre le gaspillage alimentaire, actions locales de cohésion sociale et de solidarité, gestion de l’eau, collecte et gestion et prévention des déchets, etc. Le guide pour la résilience alimentaire à destination des collectivités territoriales comporte plusieurs pistes intéressantes pour favoriser le développement de politiques alimentaires territorialisées.

Il faut en parallèle noter que des enjeux spécifiques se posent sur la question de l’autonomie alimentaire dans les territoires ultramarins. Cette question d’importance n’a pas été traitée dans le présent rapport mais vos rapporteurs renvoient aux propositions formulées en ce sens dans l’avis budgétaire présenté par le député M. Max Mathiasin sur le projet de loi de finances pour l’année 2022 ([92]).

Proposition n° 17 : Encourager le déploiement des projets alimentaires territoriaux

Poursuivre et pérenniser le soutien financier alloué au développement des PAT et fixer un objectif de 600 PAT à horizon 2025.

Créer un référentiel d’évaluation des PAT pour améliorer le suivi et l’efficience de cet outil de politiques publiques.

Promouvoir une approche transversale et systémique des PAT, permettant aux collectivités d’actionner les différents leviers à leur disposition.

B.    ENCOURAGER LA CONSOMMATION DE PRODUITS LOCAUX ET PROMOUVOIR LES CIRCUITS DE PROXIMITÉ

Assurer un lien plus systématique entre la production et la consommation locale est un levier majeur pour une approche territoriale des questions d’autonomie alimentaire. Vos rapporteurs ont tâché d’identifier plusieurs leviers en ce sens.

1.    La place actuelle des circuits courts et des produits locaux dans la consommation des Français

Selon les chiffres disponibles – qui mériteraient d’être actualisés –, environ 21 % des exploitations françaises vendent en circuits courts, avec de fortes disparités régionales (2/3 en Corse, 1/3 en PACA). La commercialisation en circuits courts concerne toutes les filières, en premier lieu le miel et les légumes (50 % des exploitations impliquées), puis les fruits et le vin (25 % des exploitations) et enfin les produits animaux (10 %). Du côté de la consommation, 6 à 7 % des achats alimentaires en France se font par des circuits courts « spécialisés ». Selon le rapport du CGAER portant sur les produits locaux, les approvisionnements locaux en restauration collective (publique et privée) représenteraient environ 5 % des approvisionnements totaux en 2017 ([93]).

On note aujourd’hui une appétence croissante des consommateurs pour les circuits de proximité. D’après une étude du CREDO citée par le CGAER, 21 % des consommateurs privilégient des produits qu’ils considèrent comme fabriqués à proximité pour leurs achats alimentaires, contre 9 % en 2009. Le confinement a donné une nouvelle impulsion à ce type de commercialisation, qui se traduit notamment par le succès du réseau des AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) ou par des initiatives telles que « la Ruche qui dit oui » ou « Bienvenue à la ferme ».

Circuits courts, circuits de proximité, produits locaux, quelles définitions ?

La notion de « circuits courts » n’est pas officiellement définie en droit. Néanmoins, il est généralement admis que cette notion fait référence à un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur final. Le critère du circuit court n’est donc pas géographique. Notons que l’article R. 2152-7 du code de la commande publique fait référence aux « performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture », qui peuvent s’en rapprocher et qui peuvent être mobilisées dans le cadre des achats publics.

La notion de circuits de proximité ou celle de produits locaux n’est pas non plus définie en droit. Contrairement à l’acceptation de la notion de circuits courts, la notion de circuits de proximité fait quant à elle directement référence à un critère local. L’ADEME utilise comme terminologie les circuits courts alimentaires de proximité. Ces circuits impliquent « les circuits avec une distance raisonnable entre le lieu de production et celui de la consommation, variable selon le lieu et les produits d’une trentaine à une centaine de kilomètres ». Rappelons que la préférence géographique est interdite dans le cadre des marchés publics. Notons également que, si les produits locaux ne sont pas définis en droit, un certain nombre de SIQO reposent sur des critères en partie géographique.

2.    Des leviers pour favoriser le recours aux produits locaux et aux circuits de proximité

a.   Un cadre actuel trop limitatif

L’un des principaux outils dont les collectivités disposent pour favoriser les circuits de proximité est celui de la commande publique pour la restauration collective. Toutefois, et malgré certaines marges de manœuvre utiles, le cadre juridique actuel ne permet pas de tirer pleinement le potentiel de la commande publique en raison des règles du droit européen.

À droit constant, des marges de manœuvre existent pour promouvoir les circuits courts et les productions locales. Plusieurs outils juridiques peuvent être utilisés en ce sens. L’article R. 2111-1 du code de la commande publique encourage le sourcing, qui permet à l’acheteur de mieux connaître son territoire et ses producteurs. L’article L. 2113-10 du code de la commande publique pose quant à lui un principe d’allotissement des marchés publics qui permet de faciliter l’accès des TPE et PME, et donc notamment des producteurs locaux, à la commande publique. L’article R. 2152-7 du code de la commande publique prévoit que l’acheteur peut se fonder sur les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture pour attribuer ses marchés, ce qui constitue également un levier pour favoriser les circuits courts. Des critères tels que la rapidité, la disponibilité ou encore le type de productions (agriculture biologique, spécialités traditionnelles) peuvent également être choisis par le pouvoir adjudicateur.

Mais le droit européen et par extension le droit français posent un principe général de non-discrimination d’accès à la commande publique, qui interdit de privilégier certains produits en fonction de leur origine géographique. L’attribution des marchés sur la base d’un critère de préférence locale n’est donc en l’état pas conforme aux règles de la commande publique et peut entraîner la mise en jeu de la responsabilité administrative et pénale des collectivités pour délit de favoritisme (article 432-14 du code pénal).

b.   Mieux faire connaître les outils existants et garantir leur bon usage

Un premier impératif est donc de mieux faire connaître aux personnes publiques les leviers existants (les collectivités territoriales, mais également d’autres personnes publiques comme les hôpitaux et les EHPAD) pour favoriser l’approvisionnement local. Un guide « Localim » a été établi en ce sens en 2016 par le ministère et de l’alimentation. Comme le suggère le CGAER, une actualisation de ce guide est aujourd’hui nécessaire pour le mettre à jour des récentes évolutions juridiques et assurer sa bonne appropriation par les collectivités territoriales et les autres personnes publiques concernées. Des actions de formation en ce sens pourraient également être utilement conduites. En outre, une évolution réglementaire suggérée par le CGAER semble opportune pour confier aux conseils départementaux et régionaux les compétences de gestion et d’intendance de la restauration collective des collèges et lycées.

Proposition  18 : À court terme, agir à droit constant pour mieux faire connaître les leviers de la commande publique pour favoriser la consommation de produits locaux tout en restant dans le cadre du droit européen

Mettre à jour le guide Localim.

Renforcer les actions de formation auprès des acheteurs publics.

Confier aux conseils départementaux et régionaux les compétences de gestion et d’intendance de la restauration collective des collèges et lycées.

c.   Porter une réforme du cadre européen

Il paraît nécessaire d’aller plus loin pour permettre la prise en compte de l’origine géographique dans l’attribution des marchés publics. Cet obstacle communautaire empêche aujourd’hui les pouvoirs publics d’agir sur ces questions pourtant consensuelles. Vos rapporteurs souhaitent une modification du cadre européen pour autoriser les pouvoirs adjudicateurs à poser un critère d’approvisionnement local dans le cadre des marchés publics passés pour la restauration collective. Notons que cette évolution rendrait probablement nécessaire une définition juridique des notions de produits locaux, de circuits de proximité et de circuits courts. Dans le rapport précité sur les produits locaux, le CGAER propose de permettre de faire référence à une origine ou à une provenance déterminée dans la limite de 30 % du montant des produits frais alimentaires dans le cadre des marchés publics. Une modification de l’article 42 de la directive 2014/24 sur les marchés publics serait nécessaire en ce sens. Cette question doit être fixée comme l’une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Proposition n° 19 : Modifier le droit européen de la commande publique pour sécuriser les personnes publiques et leur permettre de favoriser les produits locaux dans leurs achats

Faire de ce sujet une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

d.   D’autres leviers pour encourager le développement des circuits de proximité

Outre la question centrale de la commande publique, les produits locaux et les circuits courts de proximité peuvent également être promus par certaines politiques publiques, ainsi plusieurs pistes peuvent se dégager pour :

 mieux faire connaître les circuits courts auprès des consommateurs. Des avancées sont déjà à noter comme le montre la plateforme « frais et local », qui recense depuis janvier 2021 l’ensemble des producteurs et points de vente directs dans toute la France. Lancée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation en partenariat avec les chambres d’agriculture, elle permet aux consommateurs de retrouver les produits frais et locaux situés près de chez eux ;

 promouvoir les lieux de commercialisation des produits de proximité. En ce sens, les collectivités peuvent organiser et favoriser la présence de producteurs locaux sur les marchés de plein vent. Dans le prolongement des propositions faites par la Confédération paysanne, il pourrait être pertinent de fixer un seuil minimum de présence des producteurs locaux dans ces marchés. En moyenne, ces producteurs représentent aujourd’hui environ 16 % de l’occupation totale des marchés. En outre, l’article L. 611-8 du code rural et de la pêche maritime autorise les magasins de producteurs : « Dans une optique de valorisation de leur exploitation et de leur terroir, les producteurs agricoles locaux peuvent se réunir dans des magasins de producteurs afin de commercialiser leurs produits dans le cadre d’un circuit court organisés à l’attention des consommateurs. Ils ne peuvent y proposer que des produits de leur propre production, qu’elle soit brute ou transformée. Ces produits doivent représenter en valeur au moins 70 % du chiffre d’affaires total de ce point de vente. Pour les produits transformés ou non, non issus du groupement, les producteurs peuvent uniquement s’approvisionner directement auprès d’autres agriculteurs, y compris organisés en coopératives, ou auprès d’artisans de l’alimentation, et doivent afficher clairement l’identité de ceux-ci et l’origine du produit ». Ces magasins pourraient également être davantage promus par des outils incitatifs ;

 accompagner davantage les agriculteurs pour développer la vente directe avec des outils incitatifs et des formations spécifiques ;

 favoriser, dans le cadre des PAT, des stratégies de relocalisation de l’ensemble de la chaîne d’une filière à l’échelon locale. La majorité des produits alimentaires font l’objet de transformation, qu’il s’agisse de la meunerie pour la farine, la pression pour l’huile, la fermentation pour les produits laitiers ou l’abattage et la découpe pour la viande. Limiter la dépendance du système alimentaire aux transports et aux énergies fossiles passe également par la relocalisation d’unités de transformation. Les collectivités peuvent jouer un rôle dans la structuration des filières de la production à la commercialisation en passant par la transformation. Cela peut, par exemple, passer par la promotion de marques locales, à l’image de ce que font certains territoires comme le parc naturel régional du Perche (Eure-et-Loir), qui a impulsé la création d’une marque de pain local, ou le cluster agroalimentaire Uztartu qui a permis de relancer la culture du blé au Pays Basque et de développer une filière blé/farine/ pain entièrement locale ;

– accompagner les filières et les agriculteurs sur les questions de logistique. Le développement de la promotion de la production locale à l’échelle d’un territoire doit aller de pair avec un accompagnement des filières sur les questions logistiques, notamment pour préserver l’intérêt environnemental des circuits de proximité. À l’heure actuelle, plusieurs études montrent que l’avantage environnemental des circuits d’approvisionnements locaux n’est pas toujours assuré, en raison de chaînes logistiques moins optimisées que dans les circuits classiques. D’après l’ADEME, « plus de proximité ne signifie pas nécessairement moins d’émissions de gaz à effet de serre si les moyens de transport utilisés sont inadaptés, si la logistique est insuffisamment optimisée ou si le comportement du consommateur est inadéquat ». L’optimisation de la logistique doit devenir un axe stratégique pour favoriser les exploitations en circuits courts. Il s’agit, d’une part, d’un axe qui peut encourager les agriculteurs à développer ce mode de commercialisation et, d’autre part, d’un levier essentiel pour garantir le bilan environnemental de ce mode de commercialisation ;

 encourager le développement de l’agriculture urbaine. Selon l’association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUP), le territoire français compte aujourd’hui 600 sites exploités dans le cadre de l’agriculture urbaine, sur une surface de 80 hectares. D’après la définition qu’en donne l’ADEME, l’agriculture urbaine correspond à « tout acte maîtrisant le cycle végétal ou animal dans un but de production alimentaire ayant lieu en zone urbaine » ([94]). L’agriculture urbaine peut notamment se développer sur les toits, les murs, en milieu fermé, pour des productions adaptées à l’obscurité (champignons, endives) ou avec de la lumière artificielle. Elle se traduit également par le développement de projets de quartiers, comme les jardins partagés. Outre sa fonction pédagogique et sociale, l’agriculture urbaine est également bénéfique sur le plan environnemental puisqu’elle participe à la régulation thermique des villes ainsi qu’à la réhabilitation des sols et de la biodiversité. L’enjeu est aujourd’hui de favoriser le changement d’échelle de l’agriculture urbaine pour passer d’un outil aujourd’hui encore essentiellement pédagogique à un véritable levier pour renforcer l’autonomie alimentaire des territoires. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer en ce sens. L’État et les collectivités peuvent soutenir les projets d’agriculture urbaine. L’effort fourni en ce sens dans le cadre du plan de relance est à saluer. Le plan de relance prévoit ainsi 30 millions d’euros sur deux ans pour accompagner ces projets locaux. Ce montant est réparti entre 17 M€ pour des investissements matériels et immatériels et des prestations de formation-animation et 13 M€ pour les projets d’agriculture urbaine dans les quartiers en renouvellement urbain. Les collectivités peuvent également agir pour libérer du foncier. Plusieurs acteurs appellent également à une évolution législative pour bâtir un cadre juridique spécifique pour l’agriculture urbaine, le statut du fermage ne paraissant pas toujours adapté ([95]) ;

Proposition  20 : Encourager le développement des circuits de proximité et de la production locale

Mieux faire connaître les lieux de commercialisation des produits locaux et les circuits courts et de proximité pour favoriser leur consommation.

Promouvoir les lieux de commercialisation. Pour cela, les collectivités pourraient fixer des places réservées aux producteurs locaux dans les marchés de plein vent.

Favoriser dans le cadre des PAT des stratégies de relocalisation des filières.

Mener une action d’ampleur pour accompagner les filières et les agriculteurs sur les questions logistiques, qui freinent le développement des circuits de proximité et rendent aujourd’hui parfois ambigu leur bénéfice environnemental.

Encourager le développement de l’agriculture urbaine pour la faire changer d’échelle, via une politique foncière appropriée et des appels à projet dédiés.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

Lors de sa réunion du mercredi 8 décembre 2021, la commission a examiné le rapport de Mme Pascale Boyer et de M. Julien Dive sur la mission d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires.

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/TAPPA7

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information

 


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Liste des personnes auditionnÉes

Institut national de la recherche agronomique (INRAe)

M. Vincent Chatellier, ingénieur de recherche, directeur-adjoint de l’unité mixte de recherche (UMR) SMART-LERECO, président de la Société française d’économie rurale

M. Hervé Guyomard, directeur de recherche (économiste et statisticien, spécialiste de la modélisation des économies agricoles et de l’analyse des impacts des politiques publiques)

Mme Cécile Detang-Dessendre, directrice de recherche, directrice scientifique adjointe « Agriculture » (économiste, spécialisée en économie régionale)

Chambres d’agriculture de France (APCA)

M. Thierry Pouch, économiste, responsable du service études références et prospective, direction économie des agricultures et des territoires

Institut national de la recherche agronomique (INRAe)

M. Benjamin Allès, épidémiologiste de la nutrition, chercheur INRAe

M. Marc Gauchée, conseiller du président-directeur général pour les relations parlementaires et institutionnelle

Mme Faustine Régnier, chargée de recherche à l’unité de recherche « Alimentation et Sciences Sociales » (UR ALISS)

Mme Marie Plessz, chargée de recherche à l’unité sous contrat (USC) « Centre Maurice Halbwachs » (USC CMH)

M. Marc Gauchée, conseiller du président-directeur général pour les relations parlementaires et institutionnelles

Mme Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l’unité mixte de recherche « Innovation et développement dans l’agriculture et l’alimentation » (UMR INNOVATION)

Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

Mme Valérie Albouy, cheffe du département des ressources et conditions de vie des ménages

 

 

FranceAgriMer

Mme Christine Avelin, directrice générale

M. Pierre Claquin, directeur de marchés études et prospectives

La Coopération agricole *

M. Dominique Chargé, président

Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)

M. Guillaume Vanderheyden, sous-directeur du commerce international

Mme Andrée-Anne Tielens, inspectrice principale, cheffe de section protection du consommateur, bureau restrictions et sécurisation des échanges, sous-direction du commerce international

M. Martin Fleury, chef de cabinet, chargé des relations avec le Parlement

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Arnold Puech d’Alissac, président de la commission chaine alimentaire à la FNSEA, vice-président de l’Organisation mondiale des agriculteurs

M. Antoine Suau, département économie et développement durable

M. Benjamin Guillaumé, chef de service « Économie des filières »

Jeunes Agriculteurs *

M. Basile Faucheux, vice-président

M. Thomas Debrix, chef du service communication et affaires publiques

Coordination Rurale *

Mme Véronique Le Floc’h, vice-présidente

Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) *

M. Pierre Thomas, président

M. Clément Tardy, animateur

 

Société d’aménagement foncier d’établissement rural de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

M. Philippe Lauraire, adjoint du directeur général délégué

Association nationale pommes poires (ANPP)

M. Daniel Sauvaitre, président

Groupe Richel

M. Benjamin Richel, directeur général

Interprofession des protéines végétales

M. Laurent Rosso, directeur

Agence Bio

Mme Laure Verdeau, directrice

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

M. Jean-Philippe André, président

Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS)

Table ronde « Betteraves, céréales et pommes de terre »

Filière betterave-sucre :

M. Philippe Reiser, directeur général de Cultures Sucre

Filière pomme de terre :

M. Bertrand Houillon, délégué général du Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT) *

Filière céréales :

M. Maxime Costilhes, directeur général d’Intercéréales *

Table ronde Viandes :

INAPORC *

M. Thierry Meyer, président

ANVOL *

Mme Anne Richard, directrice

INTERBEV *

M. Denis Lerouge, directeur de la communication et responsable des études conso

Syndicat national de la restauration collective (SNRC) *

M. Philippe Pont-Nourat, président

Mme Esther Kalonji, déléguée générale

RESTAU CO

Mme Sylvie Dauriat, présidente

Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) *

M. Thierry Roquefeuil, président

Mme Caroline Le Poultier, directrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Après le secteur aéronautique et spatial et l’industrie des produits chimiques de la parfumerie et des cosmétiques

([2]) « La balance commerciale agroalimentaire française : excédentaire mais menacée », article paru sur le site vie-publique.fr le 25 novembre 2019.

([3]) Chiffres cités dans le rapport « Compétitivité des filières agroalimentaires françaises », publié par FranceAgriMer, paru en juin 2021.

([4]) Disponible au lien suivant : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2389169

([5]) Article paru sur le site vie-publique.fr, précité.

([6]) INSEE, séries longues comptes de la Nation.

([7]) Selon le rapport « Pour une alimentation saine et durable » publié par France Stratégie pour l’Assemblée nationale en septembre 2021 et disponible au lien suivant : https://www.strategie.gouv.fr/publications/une-alimentation-saine-durable-rapport-lassemblee-nationale.

([8]) Selon le rapport annuel du commerce extérieur de la France de 2021.

([9]) Selon la note de conjoncture de l’Agreste – Infos Rapides Commerce extérieur n° 2021-18.

([10]) Extrait du rapport FranceAgriMer, précité.

([11]) « La France est-elle une grande puissance alimentaire ? », note du Haut-Commissariat au plan, 2021.

([12]) Selon la note du Haut-Commissariat au plan, précitée.

([13]) Selon les chiffres indiqués par la filière.

([14]) Selon le rapport de l’Institut Montaigne, « En campagne pour l’agriculture de demain », 2021.

([15]) Son plus bas niveau est atteint en 2017 avec 4,65 Md€ (en euros de 2004, pour tenir compte de l’inflation) avant de se redresser en 2018 et 2019 (6,27 Md€, en euros de 2004).

([16]) Selon le rapport de France Stratégie, précité.

([17]) Selon la note du Haut-Commissariat au plan, précitée.

([18]) On peut toutefois relever, comme le fait la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), que la hausse des importations, en valeur depuis 2010 est essentiellement due à une hausse des valeurs unitaires, les volumes importés restant quasiment stables sur la même période.

([19]) Source Eurostat.

([20]) Selon l’étude réalisée par FranceAgriMer : sans compter le Royaume-Uni, l’Union européenne représente les deux tiers des importations françaises et l’Europe (hors Russie) couvre au total 77 % des importations françaises.

([21]) Selon le rapport de France Stratégie, précité.

([22]) Selon le rapport de FranceAgriMer, précité.

([23]) « Comment expliquer la réduction de l’excédent commercial agricole et agroalimentaire », Note Tréso-éco n° 230, parue en octobre 2018.

([24]) Chiffres issus du plan de filière Interfel

([25]) Selon la note du Haut-Commissariat au plan, précitée

([26]) Idem.

([27]) Chiffre issu du rapport France Stratégie, précité.

([28]) Chiffre de la filière.

([29]) « La souveraineté alimentaire de la France, tirer les leçons de Covid-19 », Étude et prospective économique, mai 2020 – mai 2021, publiée par La Coopération agricole.

([30]) Rapport de la Coopération agricole, précité.

([31]) Ce taux d’importation descend à 20,9 % sans les produits tropicaux dont la production métropolitaine est limitée ou impossible (café, thé, cacao, banane…).

([32]) Selon un sondage IPSOS disponible au lien suivant : https://www.ipsos.com/fr-fr/alimentation-durable-les-francais-de-plus-en-plus-attentifs-ce-quils-mangent.

([33]) Pour une analyse détaillée sur ce point, se reporter à la seconde partie du rapport.

([34]) « Consommation et pratiques alimentaires de demain : quelle incidence sur notre agriculture ? », note du Haut‑Commissariat au plan, octobre 2021.

([35]) Idem.

([36]) Extrait du rapport de la Coopération agricole, précité.

([37]) Dans le détail, un double système est en place, en vertu duquel l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) évalue chaque substance active utilisée dans les produits phytopharmaceutiques tandis que les États membres évaluent et autorisent les produits finaux au niveau national.

([38]) https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190510323.html

([39]) Au 1er janvier 2021, étaient concernées certaines espèces d’Aubergine, les piments et poivrons, le basilic, les oranges, mandarines, clémentines, tangerines. Ces produits devront être accompagnés d’un certificat phytosanitaire d’origine.

([40]) https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/controle-limportation-des-denrees-alimentaires-une-etape-essentielle-pour-garantir-la#_ftn2

([41]) Rapport d’information n° 368 (2020-2021) de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 17 février 2021.

([42]) Rapport d’information n° 368 (2020-2021) de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 17 février 2021.

([43]) Selon le rapport de l’Institut Montaigne, précité.

([44]) Selon le rapport de la Coopération agricole, précité.

([45]) C. Babusiaux, M. Guillou, Rapport sur La politique de sécurité sanitaire des aliments, juin 2014.

([46]) Article 118 du règlement UE 2019/6 sur les médicaments vétérinaires.

([47]) Le CETA prévoit ainsi de créer au Canada une filière bovine spécifique garantie sans hormone, ainsi qu’une filière porcine sans traitement à la ractopamine.

([48]) Ces substances peuvent avoir un effet sur la santé humaine et contiennent des substances classées comme mutagènes, cancérogènes, toxiques pour la reproduction, ou ayant des effets perturbateurs endocriniens conformément aux points 3.6.2 à 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement (CE) nº 1107/2009.

([49]) Le projet de règlement de la Commission envisageant d’abaisser ces LMR n’ayant pas encore été adopté.

([50]) L’indication de l’origine est obligatoire pour les viandes préemballées des espèces porcine, ovine, caprine, ainsi que pour la volaille. Cette information doit porter sur les lieux d’élevage et d’abattage. À titre volontaire, le lieu de naissance peut aussi être indiqué, sauf pour la viande bovine où il s’agit d’une obligation.

([51]) Règlement 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires.

([52]) Règlement d’exécution (UE) 2018/775 de la Commission du 28 mai 2018.

([53]) Rapport d’information déposé en application de l’article 145-7 alinéa 3 du Règlement, par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, n° 4393, déposé le mercredi 21 juillet 2021.

([54]) À ce jour, seule l’indication de l’origine des viandes bovines est obligatoire dans la restauration commerciale et collective aux termes du décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 modifié relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration.

([55]) L’article L. 121-2 du code de la consommation prévoyant désormais qu’une pratique commerciale est considérée comme trompeuse dès lors qu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur son origine « notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions " fabriqué en France " ou " origine France " ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits ».

([56]) La place que la restauration collective peut jouer pour favoriser spécifiquement la consommation locale est développée au III de la présente partie du présent rapport.

([57]) L’article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit que l’État « se donne pour objectif » de recourir, « pour l’approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ainsi que, pour une part identique, à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ou des produits issus d’exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale ». Toujours dans le registre programmatique, l’article 1er de la loi n° 2014‑1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt modifie l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que « le programme national (…) prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique ».

 

([58]) Extrait du rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rectifié), n° 3995.

([59]) Idem.

([60]) Rapport sur le projet de loi, adopté, par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 551), n° 666.

([61]) https://www.restauration21.fr/restauration21/2020/02/lumih-et-le-gni-signent-la-charte-origine-france-lanc%C3%A9e-par-metro.html

([62]) Chiffre issu du dossier de presse du Gouvernement sur la campagne de communication sur les métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, du paysage, de la forêt de l’aquaculture et de la pêche.

([63]) « Entre transmettre et s’installer, l’avenir de l’agriculture ! », avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Bertrand Coly au nom de la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, juin 2020.

([64]) https://www.lopinion.fr/edition/economie/deficit-commercial-agroalimentaire-agriculture-francaise-en-danger-192014

([65]) Le salaire moyen net en équivalent temps plein dans le secteur agroalimentaire («fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac») était de 1971 euros en 2016, alors que le salaire moyen net en équivalent temps plein tous secteurs confondus s’établissait cette année-là à 2 238 euros.

([66]) https://www.agro-media.fr/analyse/penibilite-au-travail-les-pistes-y-remedier-lagroalimentaire-15841.html

([67]) Rapport sur la proposition de loi de M. Grégory Besson-Moreau et plusieurs de ses collègues visant à protéger la rémunération des agriculteurs (4134), n° 4266

([68]) Rapport 2020 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires sur la base des données de l’année 2016.

([69]) http://leblogdesgroupementsdemployeurs.blogspot.com/2012/12/un-accord-national-pour-les-groupement.html

([70]) Baromètre Crédit Agricole-Agridemain-BVA sur l’image de l’agriculture auprès des Français.

([71]) Étude citée dans le rapport de l’Institut Montaigne, précité.

([72]) Selon les chiffres indiqués par le Gouvernement.

([73]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759

([74]) Rapport précité de l’Institut Montaigne.

([75]) Selon le rapport de France Stratégie, précité.

([76]) https://www.eaufrance.fr/chiffres-cles/volume-deau-necessaire-pour-produire-1-kg-de-ble

([77]) Selon le rapport de l’Institut Montaigne, précité.

([78]) Règlement (CE) No 543/2009 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 concernant les statistiques des produits végétaux et abrogeant les règlements (CEE) no 837/90 et (CEE) no 959/93 du Conseil

([79]) Arrêt dans l’affaire C-528/16, Confédération paysanne e.a./Premier ministre et ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

([80]) Le corpus juridique concernant la réglementation des OGM repose sur la directive 2001/18, le règlement 1829/2003 et le règlement 1830/2003. Ces textes n’interdisent pas la dissémination d’OGM ou de produits dérivés d’OGM dans l’environnement mais exigent l’évaluation des risques, la détectabilité et l’étiquetage. La directive 2001/18 détermine si un organisme doit se soumettre ou non à la réglementation relative aux OGM.

([81]) Le Monde, « Le génie génétique, paradoxalement accepté pour les vaccins mais refusé pour la betterave », janvier 2021.

([82]) Commission européenne, « Study on the status of new genomic techniques under Union law and in light of the Court of Justice ruling in Case C-528/16 », 2021.

([83]) Rapport d’information n° 507 (2016-2017) de M. Jean-Yves LE DÉAUT, député et Mme Catherine PROCACCIA, sénateur, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 14 avril 2017

([84]) Rapport n° 671 (2020-2021) de Mme Catherine PROCACCIA, sénateur et M. Loïc PRUD’HOMME, député, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 3 juin 2021

 

([85]) https://agriculture.gouv.fr/lancement-du-nouveau-plan-semences-et-plants-pour-une-agriculture-durable

([86]) Voir l’arrêté du 20 juin 2011 arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant.

([87]) https://agriculture.gouv.fr/les-chiffres-cles-de-la-haute-valeur-environnementale-hve

([88]) Ce logo illustre la mention valorisante et peut être apposé sur les produits bruts et transformés. Ces produits doivent contenir au moins 95 % de matières premières agricoles issues d’exploitations de Haute valeur environnementale.

([89]) Projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, n° 4758 , déposé le mercredi 1er décembre 2021

([90]) Voir la carte interactive : https://rnpat.fr/projets-alimentaires-territoriaux-pat/presentation-banque-pat/carte-interactive/?types=&communes=&habs=&signes=&regs_deps=

([91]) https://agriculture.gouv.fr/reconnaissance-des-projets-alimentaires-territoriaux-concretisation-du-dispositif-annonce-par

([92]) Avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), Tome XII Outre-Mer, par le député M. Max Mathiasin.

([93]) Toutefois, comme le note l’étude du CGAER : « l’étude PIPAME qui fournit cette information ne précise pas les critères de définition du produit local ayant permis de calculer cette valeur. »

([94]) ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), Villatte Magali, 2017. L’Agriculture urbaine, quels enjeux de durabilité ?

([95]) Voir sur ce sujet l’avis budgétaire de M. Sempastous présenté en 2020 : « Pour les notaires réunis en congrès en mai 2018, les dispositions impératives du statut du fermage sont un frein au développement de l’agriculture en ville. Ils recommandaient alors que le statut du fermage ne s’applique pas aux " conventions portant sur un immeuble situé en zone urbaine d’un document d’urbanisme ". Pour l’AFAUP, deux nouveaux types de baux sont nécessaires, sans modifier les contours du bail rural auquel tous les agriculteurs sont attachés : un bail spécifique à l’activité agricole sur ou dans le bâti et un bail spécifique à l’activité agricole sur le domaine public ».