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N° 4790

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 décembre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

dÉposÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1]) 

 

visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures
permettant de renforcer la participation électorale

et prÉsentÉ par

M. Xavier BRETON, Président,

M. StÉphane TRAVERT, Rapporteur,

Députés.

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La mission d’information, créée par la Conférence des présidents, visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale est composée de : M. Xavier Breton, président ; M. Stéphane Travert, rapporteur ; M. François Cornut-Gentille, Mme Isabelle Florennes, MM. Gérard Leseul, Pacôme Rupin, vice-présidents ; Mmes Jacqueline Dubois, Valérie Petit, MM. Stéphane Peu, Sylvain Templier, secrétaires ; Mme Clémentine Autain, MM. Erwan Balanant, Bruno Bilde, Mme Yaël Braun-Pivet, MM. Jean-René Cazeneuve, Pierre Cordier, Mmes Monique Iborra, Marion Lenne, M. Roland Lescure, Mmes Jacqueline Maquet, Muriel Roques-Etienne, MM. Raphaël Schellenberger, Benoit Simian, Mme Agnès Thill, MM. Charles de la Verpillière, Guillaume Vuilletet.


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 SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du président xavier Breton

Partie I – Les constats

I. la banalisation de l’abstention entraîne de fait l’exclusion d’une partie de la population du corps électoral

A. La progression de l’abstention est une donnée incontournable du paysage politique

1. La progression de l’abstention constitue une tendance lourde depuis les années 1970, à de rares et notables exceptions

a. L’abstention est un phénomène de masse

b. L’élection présidentielle se distingue par la mobilisation qu’elle suscite

2. Elle s’explique à la fois par la hausse du vote intermittent que par celle de l’abstention systématique

a. Le vote intermittent reflète une stratégie électorale

b. L’abstention systématique indique une rupture plus nette

B. cette tendance générale n’efface pas le caractère différencié de la participation électorale

1. Les déterminants de la participation électorale s’expliquent principalement, mais pas uniquement, par des facteurs démographiques et sociaux

a. L’âge et le niveau de diplôme sont des déterminants lourds

b. L’évolution des modes d’action politique modifie surtout les pratiques des jeunes

2. La démobilisation électorale aggrave les inégalités sociales de participation, et affaiblit la représentativité des personnes élues

II. La progression de l’abstention masque une grande diversité de facteurs

A. l’abstention constitue le plus souvent un choix et Un mode d’expression politique

1. L’abstention peut s’expliquer par un manque de confiance, voire par une forme de défiance envers les élus et le système

a. Le refus du vote peut permettre d’exprimer un désaccord

b. L’abstention s’inscrit dans un rapport large de défiance

2. L’abstention traduit également un désintérêt de l’électeur pour le scrutin et pour ses conséquences

a. La perception des différences entre les candidats

b. Le désintérêt pour les choix politiques

B. l’abstention peut également être subie

1. Les modalités d’inscription sur les listes électorales peuvent éloigner durablement le citoyen de l’urne

2. La procédure d’inscription sur les listes électorales repose sur une démarche volontaire

C. La faible participation aux élections locales du printemps 2021 résulte d’une conjonction de facteurs

1. Le contexte de la pandémie constitue une explication insatisfaisante, même s’il a pu compliquer le déroulement de la campagne

2. Le double scrutin organisé en 2021 a surtout cristallisé les constats dressés précédemment

a. Les déterminants du vote se maintiennent

b. Les électeurs n’ont pas perçu d’enjeu au scrutin

Partie II – Les leviers d’action

I. lever les obstacles à l’expression du suffrage

A. mieux informer les Électeurs En amont du scrutin et faciliter l’inscription sur les listes électorales

1. Le manque d’information des citoyens sur les enjeux du scrutin et les difficultés rencontrées dans la distribution de la propagande électorale appellent des solutions complémentaires

2. L’assouplissement des modalités d’inscription sur les listes électorales permettrait de lutter contre la mal-inscription

B. élargir les possibilités de vote

1. Voter sans se déplacer

a. Assouplir le recours aux procurations afin de répondre aux aspirations des électeurs

b. Expérimenter le vote à distance

2. Voter à l’urne, plus longtemps et en tout lieu

a. Le vote à l’urne par anticipation

b. Le vote sur tout le territoire

II. Repenser la démocratie représentative

A. Faire évoluer les modalités de choix

1. Permettre de ne pas choisir : le vote blanc ?

a. Les liens distendus avec l’abstention

b. L’impossible reconnaissance

2. Mieux choisir

a. Le jugement majoritaire

b. La lisibilité des modes de scrutin

B. Rapprocher les décisions et décisionnaires des citoyens

1. Les électeurs sont demandeurs d’un lien direct avec leurs représentants

2. L’ancrage local des parlementaires doit être renforcé

III. Encourager la mobilisation éclairée des électeurs

A. Favoriser la qualité de la campagne

1. Revoir la place des sondages dans notre démocratie

a. Le bon usage des sondages dans le cadre prévu par la loi

b. La préservation de la sérénité du débat

2. Moderniser les règles de communication politique

a. Le temps de parole

b. La campagne audiovisuelle officielle

B. RÉenchanter la pratique dÉmocratique pour les jeunes gÉnÉrations

1. Remettre l’éducation à la citoyenneté au cœur du parcours scolaire

2. Favoriser l’attachement à l’acte de vote

examen du rapport

Liste des propositions de la mission d’information

Personnes entendues

Liste des contributions reÇues ()

COMPTE RENDU DE L’ENTRETIEN ENTRE LE PRésident,  le RAPPORTEUR et M. Robert BADINTER ()

Annexe I Revue des propositions de lois récentes portant sur les modalités de vote et la participation électorale

annexe 2  Étude comparée des mesures mises en place pour favoriser la participation électorale

ANNEXE 3 synthèse des résultats de la consultation numérique


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   Avant-propos du président xavier Breton

 

La mission d’information sur les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale a été créée par la conférence des Présidents, sur la proposition du Président Richard Ferrand, le 29 juin 2021, soit deux jours après le second tour des élections départementales et régionales auxquelles seulement un Français sur trois avait pris part.

Cette mission, composée de 25 membres représentant l’ensemble des groupes de l’Assemblée et d’un député non inscrit, a tenu sa réunion constitutive dès le 20 juillet et a commencé ses auditions le 1er septembre. Elle a depuis mené 25 auditions ou tables rondes, qui ont été diffusées en direct sur le site de l’Assemblée et dont les compte rendus ont été mis en ligne. Cela lui a permis de prendre directement l’avis éclairé de plus de 70 personnes.

Comme il convient dans les exercices de ce type, et même si le temps était compté, la mission a entendu des personnes très diverses : un nombre important de chercheurs, de droit public et de science politique, des experts des États-Unis et un politologue suisse, des représentants des principaux instituts de sondage, les responsables pertinents du ministère de l’Intérieur, de celui de l’Europe et des affaires étrangères et de celui de l’Éducation nationale, des spécialistes du numérique, des représentants d’élus locaux et des responsables des principaux partis politiques. Elle a abordé les questions de la communication politique à travers l’audition du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, des rédacteurs en chef de la presse écrite, des responsables de l’audiovisuel public, des représentants des réseaux sociaux. Elle a également invité les dirigeants des groupes de médias privés et de grandes agences de communication, mais ni les uns ni les autres n’ont répondu favorablement à notre sollicitation ([2]).

La mission a eu davantage de succès auprès des associations : une table ronde a réuni des associations menant des actions en faveur de la participation électorale, notamment auprès des jeunes et des habitants de quartiers en difficultés, qui sont particulièrement touchés par l’abstention ; une autre a permis d’approfondir les questions du vote blanc et du jugement majoritaire, avec les associations qui les promeuvent.

Comme la mission a été très sollicitée, elle a aussi proposé à de nombreuses structures, notamment associatives, de lui adresser une contribution écrite.

 

La mission remercie toutes les personnes qui ont pris part à ses travaux, en participant à l’une de ses réunions ou rédigeant une contribution ([3]). Des remerciements particulièrement chaleureux doivent être adressés à M. Robert Badinter, qui a accepté de s’entretenir longuement avec le Président et le Rapporteur ([4]).

Elle a en outre bénéficié de travaux réalisés à l’initiative du Président Ferrand : le CERDP, le réseau documentaire du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, a produit fin juillet une étude comparative riche d’enseignements ([5]) ; le 3 novembre, deux think tanks, la fondation Jean-Jaurès et la Fondapol, ont remis des rapports présentant les travaux qu’ils ont réalisés sur le thème de la participation électorale ([6]).

Enfin, comme cela avait été annoncé dès le lancement de la mission d’information, la mission a conduit une consultation citoyenne, afin de permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de donner leur opinion.

La consultation s’est déroulée entre le 1er et le 31 octobre. Son ouverture a été assez largement relayée par les médias et les réseaux sociaux. Finalement, près de 173 000 personnes y ont participé, ce qui témoigne de l’intérêt des Français pour ces questions essentielles pour le fonctionnement de la démocratie. Cette consultation occupe ainsi la troisième place des consultations citoyennes menées sur le site de l’Assemblée nationale pour ce qui est du nombre de réponses obtenues.

L’un des objectifs principaux était d’offrir aux personnes qui s’abstiennent une occasion d’expliquer les raisons de ce choix et de proposer des solutions. Près du tiers des personnes qui ont participé à la consultation s’abstiennent souvent ou toujours. C’est vraisemblablement moins que dans l’ensemble de la population, mais la proportion n’est pas négligeable.

En dépit de ces limites, inhérentes aux démarches de ce type, puisque répond qui veut, l’exercice s’est avéré très utile, confirmant un certain nombre de conclusions auxquelles les membres de la mission avaient pu arriver à la suite des auditions mais réservant aussi quelques surprises. La synthèse complète de ses résultats est présentée en annexe du rapport.

Il convient enfin de saluer l’assiduité de la plupart des membres de la mission aux travaux de celle-ci, y compris en pleine période budgétaire, mais aussi l’excellent esprit dans lequel ils ont travaillé. Les constats et les inquiétudes semblent largement partagés sur l’ensemble des bancs de l’Assemblée.

 

Parmi les recommandations émises par le Rapporteur, celles qui ont rencontré un assez large consensus au sein de la mission sont celles qui s’inscrivent dans une approche technique des modalités d’organisation des scrutins, comme les formalités d’inscription sur les listes électorales ou l’établissement des procurations.

En revanche les expérimentations proposées, sur le vote par anticipation, le vote électronique ou le jugement majoritaire par exemple, n’ont pas recueilli l’assentiment unanime de la mission, alors même que le Président et le Rapporteur se rejoignent sur la nécessité d’actualiser et de moderniser les modalités de vote dans notre pays.

Par ailleurs, et à titre personnel, le Président regrette qu’une fin de non-recevoir soit une nouvelle fois opposée à la proposition d’intégrer le vote blanc dans le décompte des suffrages exprimés.

Au bout du compte les travaux de cette mission d’information constituent une étape dans la réponse à apporter à l’abstention. En effet, les propositions formulées ne répondent que partiellement au cœur du problème, à savoir pourquoi nos concitoyens se sentent de moins en moins représentés.

Souhaitons toutefois que ce rapport contribue à réanimer dans notre pays « l’envie de démocratie ». N’oublions en effet jamais que la démocratie est un bien précieux, mais fragile. Notre devoir de citoyen est d’en prendre, sans relâche, le plus grand soin.

 

 

 

 

 


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La représentativité dans l’épreuve et par la preuve

 

 

La société française évolue au fil des siècles, des crises de toutes natures, des moments d’allégresse partagés, de colère, d’émotions solidaires. Notre pays vit au rythme des éternels débats sur la place de la France dans le monde et la place laissée à la démocratie dont tous les citoyens se réclament.

Avec les responsables politiques qui se sont succédé, la République s’est enrichie de nouveaux droits. Elle promeut par exemple l’égalité Femme-Homme quand les conservatismes la rejettent. Elle promeut la lutte contre les inégalités qui est l’objet de toutes les attentions et s’exerce parfois dans l’indifférence ou la colère. Ne pas parvenir à faire de ces droits les moteurs d’une démocratie vivante et apaisée serait un échec patent.

L’abstention prospère sur ces terreaux fertiles d’incompréhension, de rejet et de manque de confiance dans l’exercice même de la démocratie représentative.

L’abstention, qui s’est inscrite petit à petit dans chacun de nos scrutins depuis les années 70, jusqu’à un niveau jamais égalé lors des dernières consultations électorales de juin 2021, n’a jamais été ou peu interrogée. Il ne reste que le triste constat de commentaires désabusés de responsables politiques chaque soir d’élection. C’est un défi de taille que les citoyens et les élus d’aujourd’hui doivent relever, sous peine de ne plus pouvoir contenir cette défiance qui ronge chaque jour notre vie démocratique. L’abstention est devenue un fait majeur de nos démocraties.

Redonner le sens des devoirs citoyens qui se juxtaposent avec les droits mis en œuvre, c’est faire renaître une forme de grammaire des équilibres de nos destins communs.

Le vote pour un ou une représentante reste au cœur de la participation de chacun à la vie de la cité. C’est aussi exercer une influence sur le choix de personnes, de projets, de valeurs qui fondent un engagement pour le bien commun.

Une défiance qui perdure, un rapport nouveau à la politique, un engagement pour des causes plutôt que pour des projets collectifs… Comme ses causes, les réponses à l’abstention sont multiples. Le retour à une participation citoyenne de bon niveau prendra du temps et demandera une large mobilisation tant collective qu’individuelle.

 

 

Au cours des différentes auditions, en responsabilité, nous avons été intimement convaincus qu’un pays assure sa stabilité sur deux piliers essentiels : le respect des valeurs de la République et une démocratie représentative qui suscite la confiance, inspire le débat et porte l’élévation et la réussite de chacun comme un talisman.

Réenchanter la démocratie, c’est avant tout regagner la confiance des citoyens en nos institutions, en ses représentants. Ce sera le chemin commun que nous devrons emprunter pour préparer les futures générations à s’inscrire elles aussi dans ces combats.

 

 


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   Partie I – Les constats

I.   la banalisation de l’abstention entraîne de fait l’exclusion d’une partie de la population du corps électoral

L’abstention fait partie des aspects les plus commentés de la vie politique française. Son augmentation inquiète car elle implique, pour une part croissante des citoyens, la suspension de leur participation au fonctionnement de la démocratie représentative.

A.   La progression de l’abstention est une donnée incontournable du paysage politique

Les abstentionnistes sont de plus en plus nombreux, ce qui complexifie le suivi précis de leurs pratiques, variables selon les échéances électorales et au cours de la vie.

1.   La progression de l’abstention constitue une tendance lourde depuis les années 1970, à de rares et notables exceptions

a.   L’abstention est un phénomène de masse

À la plupart des derniers scrutins, l’abstention s’est située aux alentours de 50 % et a même atteint un pic lors des dernières élections :

– 51,3 % et 57,4 % respectivement aux premier et second tours des élections législatives de 2017 (niveaux records pour ces élections) ;

– 55,4 % et 58,6 % aux premier et second tours des élections municipales de 2020 (niveaux records) ;

– 66,7 % et 65,3 % aux premier et second tours des élections régionales de 2021 (niveaux records) ;

– 66,7 % et 65,6 % aux premier et second tours des élections départementales de 2021 (niveaux records).

Ces niveaux particulièrement élevés d’abstention aux derniers scrutins sont le produit d’une tendance de long terme, amorcée au milieu des années 1980. L’abstention aux élections législatives n’a cessé de croître à partir de 1986, année du seul scrutin s’étant déroulé à la proportionnelle à un tour.

Les élections européennes échappent à cette analyse en ce que la participation électorale a présenté récemment une augmentation. Si la première élection du Parlement européen au suffrage universel, en 1979, avait donné une participation historique en France de 60,71 %, elle a oscillé entre 40 et 43 % de 2004 à 2014, avant d’atteindre 50,12 % en 2019 ([7]). Cette situation correspond à la moyenne de l’Union européenne, au sein de laquelle seul un citoyen sur deux désigne ses représentants directs, avec d’importantes variations dues notamment au caractère obligatoire du vote dans certains États membres.

Abstention aux élections présidentielles, législatives, européennes, municipales et régionales entre 1958 et 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vincent Tiberj, données ministère de l’Intérieur ([8])

b.   L’élection présidentielle se distingue par la mobilisation qu’elle suscite

L’élection présidentielle est également sujette à la tendance générale, avec une légère progression de l’abstention depuis 2007. Les niveaux de participation les plus bas ont cependant été observés au second tour de l’élection de 1969 (68,85 %), au cours de laquelle Georges Pompidou avait été crédité de 44,5 % des suffrages dès le premier tour, puis au premier tour de 2002 (71,6 %), dont le résultat avait entraîné un sursaut de mobilisation de 7 points au second tour.

Cette élection se détache ainsi nettement par les niveaux de participation relativement élevés qu’elle continue de susciter. En 2017, la participation s’est élevée au premier tour à 77,7 %, soit 3 points de plus qu’au second tour. Ces chiffres sont très proches des niveaux observés lors des élections législatives, qui conduisent à l’élection du chef de l’exécutif, dans d’autres démocraties européennes de régime parlementaire : les élections fédérales allemandes ont mobilisé en 2021 76,6 % des électeurs, tandis que les élections générales italiennes de 2018 ont enregistré un taux de participation de 73 %.

Proportion d’inscrits sur les listes électorales ayant voté aux élections présidentielles depuis 1965

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Statista, 2021.

2.   Elle s’explique à la fois par la hausse du vote intermittent que par celle de l’abstention systématique

a.   Le vote intermittent reflète une stratégie électorale

Bien que l’abstention soit en hausse à toutes les élections, ses niveaux diffèrent d’une échéance électorale à l’autre. Ces variations traduisent l’existence d’un vote dit « intermittent » : cette pratique revient, sur une période électorale donnée, à avoir voté au moins à un tour de scrutin et à s’être abstenu également à au moins un tour. Le sociologue François Héran distingue cette « abstention stratégique » des abstentions « d’exclusion » ou « de mobilité », dans la mesure où l’électeur décide alors de prendre part au vote en fonction de l’enjeu, qu’il apprécie librement ([9]). L’individu se trouve alors, selon le politologue Pascal Perrineau, dans une « citoyenneté contractuelle et épisodique » ([10]) plutôt que dans un rapport solennel au vote empreint d’un sentiment de devoir.

La séquence regroupant, tous les cinq ans, deux élections nationales à deux tours (la présidentielle et les législatives) donne lieu à une forte progression du vote intermittent, passé de 40,4 % des inscrits en 2007 à 50,8 % en 2017. De plus en plus d’inscrits ne votent qu’aux deux tours de la présidentielle : ce profil concernait 20,5 % des inscrits en 2017 ([11]). Ce choix n’est pas anodin, l’élection présidentielle étant largement considérée comme présentant le plus fort enjeu.

b.   L’abstention systématique indique une rupture plus nette

La part des électeurs inscrits sur les listes mais qui ne se déplacent jamais pour voter, pour quelque motif que ce soit, est également en augmentation. Cette absence de mobilisation est plus préoccupante car elle indique soit un déficit structurel d’accès au vote, soit un rejet du principe-même de l’élection.

Mme Anne Muxel, sociologue et politologue, soulignait que, si le vote intermittent est à présent devenu la nouvelle norme, « il peut se transformer chez certaines catégories de la population en une abstention systématique ». L’abstention systématique a concerné en 2017 13,4 % des inscrits contre 8,6 % en 2007, ce qui reste une part modérée du corps électoral au regard de la progression de sa forme intermittente.

Le rapport au vote peut être recoupé avec les caractéristiques sociodémographiques des électeurs. L’abstention systématique concerne 24,4 % des personnes non diplômées, soit une proportion trois fois plus importante que chez les titulaires du baccalauréat ([12]). Cette forme de rupture avec les urnes est en augmentation dans toutes les tranches d’âge, mais prévaut un peu plus chez les jeunes et les personnes de plus de 80 ans ([13]). Néanmoins, aucune vraie fracture générationnelle n’est observée en matière d’abstentionnisme systématique.

B.   cette tendance générale n’efface pas le caractère différencié de la participation électorale

La progression généralisée de l’abstention masque des différences importantes au sein du corps électoral. La participation électorale s’explique en effet, en grande partie, par les variables lourdes de la sociologie électorale : de manière générale, la participation électorale croît avec l’âge et le niveau de diplôme. D’autres effets, plus structurels, sont également à l’œuvre : le renouvellement générationnel fait évoluer les modalités de participation citoyenne, et l’obligation morale que constitue l’acte de voter tend à s’étioler, cohorte après cohorte. Enfin, le dynamisme de l’abstention a pour effet d’aggraver les inégalités de participation électorale, risquant ainsi d’affaiblir la représentativité des personnes élues.


1.   Les déterminants de la participation électorale s’expliquent principalement, mais pas uniquement, par des facteurs démographiques et sociaux

a.   L’âge et le niveau de diplôme sont des déterminants lourds

L’abstention peut être vue comme le signe d’un manque d’intégration politique et sociale. Dès 1968, Alain Lancelot avançait l’idée selon laquelle « les conclusions de l’analyse politique avaient déjà permis de dégager ce facteur d’interprétation mais l’analyse sociologique en a montré la généralité. Qu’il caractérise la situation d’une catégorie sociale par rapport à l’ensemble de la société, ou la situation d’un individu par rapport à son groupe d’activité, le degré d’intégration conditionne très largement le niveau de la participation électorale » ([14]).

Les auditions organisées par la mission d’information ont fait émerger un consensus sur les déterminants de la participation électorale. Malgré la hausse continue de l’abstention, qui touche désormais toutes les composantes du corps électoral, ce phénomène s’explique encore très largement par des facteurs démographiques et sociaux.

Dans un article publié en 2017, Mme Céline Braconnier et MM. Baptiste Coulmont et Jean-Yves Dormagen relevaient que, s’agissant du premier tour de l’élection présidentielle, le faible niveau d’études et l’âge sont les facteurs les plus prédictifs de l’abstention ([15]). Ainsi, « c’est entre les différentes classes d’âge que les écarts de participation sont les plus marqués » : au premier tour de la présidentielle de 2017, l’abstention est très supérieure à la moyenne chez les jeunes (31,6 % chez les 25-29 ans), réduite entre 40 et 49 ans, et faible chez les 50-54 ans (12,3 %). Elle augmente de nouveaux chez les personnes très âgées (42,7 % chez les 85 ans et plus).

De très importants écarts s’observent également en matière de niveau d’études. Le taux d’abstention s’élève à 11,4 % chez les titulaires d’un diplôme de Bac +5, mais atteint 37,6 % (soit plus du triple) chez ceux qui n’ont aucun diplôme et ont interrompu leur scolarité avant le lycée.

Logiquement, la catégorie socio-professionnelle influe également sur la participation électorale. L’abstention des ouvriers atteint ainsi 24,6 %, soit plus du double de celle des cadres et professions intellectuelles supérieures, égale à 11,6 %.

Comme le résument les auteurs, « les chances de participation sont parfaitement ordonnées selon le volume de ressources économiques, sociales et culturelles dont disposent les électeurs. Le premier tour de la dernière présidentielle démontre encore une fois que les membres des classes populaires (faible niveau d’études, professions manuelles et/ou peu qualifiées, faibles ressources économiques) présentent des risques bien plus élevés de s’abstenir que les membres des classes supérieures ».

INÉGALITÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE PARTICIPATION

Source : Céline Braconnier, Baptiste Coulmont, Jean-Yves Dormagen, op. cit.

Cette même étude souligne que d’autres facteurs influencent également le vote. Ainsi, l’entourage immédiat de l’électeur, et notamment, sa situation matrimoniale, peuvent tempérer l’influence des déterminants sociologiques que sont l’âge ou le niveau de diplôme. Le fait de vivre en couple augmente la propension à aller voter, de même que le fait d’avoir des enfants ; à l’inverse, le veuvage augmente le risque d’abstention. Le niveau d’études du conjoint influence également la participation électorale, même si la part que joue l’homogamie est difficile à neutraliser.

Au plan géographique, les analyses cartographiques obtenues par la mission d’information semblent confirmer et prolonger ces constats.

Le rapport réalisé par la Fondapol relève ainsi qu’aux élections départementales et régionales de 2021, la cartographie de l’abstention était « profondément structurée par la place des électeurs les plus âgés. Ainsi, les zones les plus dynamiques démographiquement se distinguent par un niveau de participation très bas comme en Île-de-France ou dans les agglomérations lilloise, bordelaise, lyonnaise ou encore toulousaine. Se distinguent également les Pays-de-la-Loire, l’Alsace et les zones frontalières du nord-est du pays ou la partie nord de la région Rhône-Alpes où la part des 65 ans et plus est faible et l’abstention largement au-dessus de la moyenne nationale (33,3 %) » ([16]).

La note de MM. Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, « Les élections régionales en dix cartes », qui figure dans le rapport de la Fondation Jean‑Jaurès, formule la même analyse ([17]). D’autres facteurs géographiques influent également sur la participation électorale, tels que la distance de la commune de résidence à l’agglomération la plus proche ([18]), mais constituent, d’après les auteurs, une clé de lecture moins puissante que celle de la démographie.

 

 


 

https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2021/07/carte-1.png

Source : Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, « Les élections régionales en dix cartes », 16 juillet 2021, in Fondation Jean Jaurès, Rapport pour l’Assemblée nationale. L’abstention. Analyses et propositions, novembre 2021.

 

 

 

 

 

 


 

https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2021/07/carte-2.png

Source : Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, « Les élections régionales en dix cartes », 16 juillet 2021, in Fondation Jean‑Jaurès, rap. cit.

 

 


b.   L’évolution des modes d’action politique modifie surtout les pratiques des jeunes

Toutefois, au-delà des effets de l’âge, du niveau d’études et du niveau de vie, d’autres facteurs, plus structurels, paraissent devoir être pris en compte pour expliquer l’évolution tendancielle de l’abstention.

Comme le rappelle M. Vincent Tiberj, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, le « renouvellement générationnel » vient réinterroger « à la fois l’expression d’un vote et les significations de l’abstention ». Ainsi, « si autrefois voter ne signifiait pas nécessairement une forte implication dans la vie citoyenne, mais plutôt un sens du devoir, aujourd’hui le vote peut être vu comme un droit : les nouveaux électeurs choisissent de se déplacer s’ils considèrent l’élection importante ». L’abstention ne serait pas seulement, ou plus uniquement, le signe d’un manque d’intégration politique : elle pourrait également être considérée comme un « non-vote d’indifférence, à travers lequel les électeurs prennent leur distance avec les élus (mais pas forcément avec la politique) » ([19]).

La hausse de l’abstention pourrait ainsi s’expliquer par l’extension des « répertoires d’action citoyenne : ne pas voter se comprend également parce que les électeurs ont d’autres moyens de se faire entendre ».

Se fondant sur l’étude « Valeurs » réalisée par l’Insee en 2018, M. Tiberj rappelait, lors de son audition par la mission d’information, que « les personnes concernées, tels des virtuoses de la participation, utilisent tous les moyens d’action à leur portée. Le vote est ainsi remplacé par d’autres moyens de s’engager et de s’exprimer, tels que les pétitions, les manifestations ou encore le boycott […] L’absence de participation d’une partie des citoyens n’est pas nouvelle, mais cette enquête de 2018 montre que les non-participants constituent désormais le deuxième groupe le plus important parmi les millenials » ([20]).

2.   La démobilisation électorale aggrave les inégalités sociales de participation, et affaiblit la représentativité des personnes élues

La hausse tendancielle de l’abstention identifiée précédemment n’affecte pas uniformément les différentes catégories d’électeurs. Au contraire, des études récentes soulignent que l’accroissement de l’abstention tend à aggraver les inégalités sociales de participation.

Ainsi, d’après l’Insee, la baisse de la participation systématique observée lors des élections de 2017 touche l’ensemble des classes d’âge, des niveaux de diplôme ou des catégories sociales. Toutefois, « les différences de pratiques de vote selon le diplôme ou la catégorie sociale se sont accentuées » ([21]).

L’étude précise ainsi que les personnes sans diplôme, les plus abstentionnistes en 2002, ont connu la « plus forte progression de l’abstention », tandis qu’en sens inverse, les titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat, les moins abstentionnistes, ont connu la plus faible progression de l’abstention : l’écart de participation entre ces personnes s’est donc accru entre 2002 et 2017.

De plus, les différences de participation se sont aussi accentuées en 2017 par catégorie sociale, ce qui, précise l’étude, « n’était pas le cas auparavant ». Au total, « l’écart entre les cadres, d’une part, et les personnes exerçant une profession intermédiaire, les employés et les ouvriers, d’autre part, s’est aussi élargi en 2017 » ([22]).

Comme le constatent Mme Céline Braconnier, et MM. Baptiste Coulmont et Jean-Yves Dormagen, « la progression de l’abstention au cours de la dernière décennie opère donc bien comme un amplificateur des inégalités de participation électorale ». Le corps des votants était ainsi « moins représentatif de l’électorat dans son ensemble en 2017 qu’en 2012 et moins représentatif en 2012 qu’en 2007 » ([23]). La démobilisation électorale a ainsi des conséquences directes sur la représentativité des personnes élues.

Si l’élection présidentielle continue néanmoins d’occuper une place particulière, d’autres scrutins peinent à mobiliser certaines catégories de la population. Lors de son audition par la mission d’information, Céline Braconnier relevait ainsi que « pour la plupart des scrutins sauf la présidentielle aujourd’hui, une forte abstention signifie que des catégories entières restent à l’écart des urnes. […] Entre la présidentielle de 2017 et les législatives de 2017, la participation des jeunes s’est écroulée. Seulement 27 % des 18-30 ans ont participé à l’élection législative, contre 66 % à l’élection présidentielle. Les inégalités de participation électorale atteignent leur maximum lorsque l’abstention avoisine les 50 % » ([24]).

De son côté, M. Vincent Tiberj rappelait que « le vote des baby-boomers nés dans les années 40 et 50 s’avère peser de plus en plus dans les urnes, tandis que les générations nées ensuite pèsent de moins en moins. J’ai calculé à partir de données proposées par l’IFOP que, lors des élections régionales, la proportion des votes de personnes de plus 65 ans représente 1,4 fois leur poids dans la population, tandis que la proportion des votes des personnes de moins de 35 ans représente la moitié de leur poids dans la population » ([25]).

II.   La progression de l’abstention masque une grande diversité de facteurs

L’abstention peut être choisie ou subie. Ce phénomène complexe est le produit de facteurs multiples, dont certains se complètent et s’amplifient.

A.   l’abstention constitue le plus souvent un choix et Un mode d’expression politique

L’analyse des raisons de l’abstention invite à l’humilité. Lorsqu’elle exprime un choix politique, celui-ci est, par nature, difficilement perceptible. Mais les sondages permettent d’approcher le contenu du message que souhaitent transmettre les abstentionnistes militants, lorsqu’il ne s’agit pas d’un désintérêt.

1.   L’abstention peut s’expliquer par un manque de confiance, voire par une forme de défiance envers les élus et le système

a.   Le refus du vote peut permettre d’exprimer un désaccord

Le rapport au vote comme un devoir s’étant érodé, il est désormais employé comme mode d’expression d’une défiance envers la démocratie représentative et les élus qui l’incarnent.

Selon les résultats de la consultation publique menée sur le site de l’Assemblée nationale à la demande de la mission d’information ([26]), le mécontentement à l’égard de la classe politique apparaît comme le premier motif invoqué par les abstentionnistes. Les accusations de corruption ou de manque d’honnêteté entachent la perception qu’ont les électeurs des élus, entraînant un sentiment de rejet conduisant à une démobilisation électorale. Cette abstention n’est cependant pas tant une négation de la politique qu’un acte presque militant et donc, en cela, qui peut être considéré comme politique.

La défiance rejoint l’intermittence et la diffusion d’une culture politique protestataire pour former, selon Mme Anne Muxel, les trois piliers d’une citoyenneté d’un genre nouveau. Le message de colère, qui rejoint l’exercice d’une « citoyenneté critique », forme la part la plus dynamique de l’abstention ([27]).

b.   L’abstention s’inscrit dans un rapport large de défiance

L’analyse des opinions des abstentionnistes montre qu’ils adhèrent moins à un système de valeurs fondé sur la confiance, dans les institutions mais aussi dans le reste du tissu social. Selon les données du Baromètre de la confiance politique du Cevipof, la participation annoncée aux élections régionales est de 52 % chez les personnes qui déclarent faire tout à fait confiance à leurs voisins, contre 28 % chez ceux qui n’ont pas du tout confiance. Les partisans d’un système politique démocratique avec un Parlement élu sont à 56 % susceptibles de voter, contre 19 % des personnes qui rejettent ce régime ([28]).

Le déclinisme partagé par de nombreux Français participe de leur conviction que leur pays est « sur la mauvaise pente », privant l’élection de toute possibilité d’améliorer les choses ([29]). Les personnes ayant répondu à la consultation publique menée par l’Assemblée nationale estiment ainsi, à 89 %, que le débat public « se dégrade » ([30]).

L’absence de prise en compte du vote blanc est également fréquemment citée et contribuerait à la mobilisation de l’abstention comme seul moyen d’exprimer le désaccord avec tous les candidats. Dans ce cas, le refus du vote est aussi une manière d’exprimer le désaccord avec un mode de scrutin qui ne permet pas la représentation de toutes les sensibilités politiques, en particulier dans les scrutins à deux tours. Le caractère insatisfaisant de l’alternative proposée explique la moindre participation au second tour de l’élection présidentielle de 2017 par rapport au premier tour, pour la première fois depuis 1969.

2.   L’abstention traduit également un désintérêt de l’électeur pour le scrutin et pour ses conséquences

Le caractère intermittent du vote se retrouve dans la plupart des démocraties avancées et reflète largement une question d’offre politique ([31]). L’intérêt de l’électeur pour l’échéance, qui se matérialise dans le vote, est directement corrélé à la perception qu’il a des conséquences de son choix.

a.   La perception des différences entre les candidats

Lorsque l’enjeu de la campagne est important, les électeurs se mobilisent : c’est le sens du regain de participation au second tour de l’élection présidentielle de 2002, mais aussi, beaucoup plus récemment, l’enseignement de la mobilisation exceptionnelle des électeurs américains (66,9 %) lors du duel entre M. Donald Trump et M. Joe Biden à l’automne 2020. A contrario, la Fondapol attribue l’abstention historique du 21 avril 2002 à l’atténuation du clivage entre gauche et droite ayant succédé à une longue période de cohabitation ([32]).

 

Au premier rang des raisons citées par les personnes qui envisagent de s’abstenir au premier tour de la prochaine élection présidentielle figure « le sentiment que c’est la même politique qui est menée quel que soit le parti au pouvoir » (30 % des répondants ([33])). Si cet argument rejoint une forme de défiance envers le personnel politique, qui peut impliquer une accusation de connivence entre les partis, il entraîne surtout une lassitude, voire un sentiment de découragement lié à l’impuissance à changer le cours des choses.

Le sentiment que leur vote sera inutile entraîne la démobilisation. Cette conviction agit sur les électeurs de partis minoritaires, que le mode de scrutin ne permettra pas de faire accéder aux responsabilités électorales et qui ont un sentiment d’inutilité du vote individuel. L’idée que les politiques nationales ne peuvent pas tout, parce qu’elles s’inscrivent dans un contexte européen et mondial, complète le manque d’intérêt pour des élections dont l’issue est perçue comme dépourvue de conséquences politiques et pratiques ([34]).

b.   Le désintérêt pour les choix politiques

Le fait que les électeurs ne se rendent pas aux urnes traduit globalement un manque d’enthousiasme pour les grandes échéances de la démocratie représentative.

Si tous ne souhaitent pas exprimer un mécontentement, certains abstentionnistes déclarent une absence d’intérêt pour la politique en général. Selon un sondage réalisé par l’institut Kantar deux jours avant les scrutins locaux de juin 2021, le premier mot qui venait à l’esprit des personnes interrogées était « indifférence ». Cette observation n’est assurément pas vraie de tous les scrutins ; elle reflète cependant une rupture entre la vie médiatique, centrée sur les échéances électorales, et l’attention que les Français y consacrent réellement.

D’après les études quantitatives menées par la Fondation Jean-Jaurès sur les élections locales de 2021, ces « abstentionnistes désintéressés » sont surreprésentés parmi les jeunes des classes moyennes et supérieures, ainsi que chez les électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2017 ([35]). Parmi les personnes qui envisagent de ne pas voter au premier tour la prochaine élection présidentielle, 20 % des femmes indiquent que la politique en général ne les intéresse pas, contre 11 % des hommes ([36]).

Ils se distinguent des « abstentionnistes protestataires », qui sont, quant à eux, plutôt âgés, issus des classes populaires et ont plutôt choisi M. Jean-Luc Mélenchon ou Mme Marine Le Pen en 2017 ([37]).

B.   l’abstention peut également être subie

La décision de ne pas se rendre aux urnes relève, pour une part des abstentionnistes, de contraintes matérielles plus que de l’exercice de leur libre-arbitre. Le fait de ne pas figurer sur les listes électorales constitue un obstacle au vote évident.

1.   Les modalités d’inscription sur les listes électorales peuvent éloigner durablement le citoyen de l’urne

La « mal-inscription » désigne la situation dans laquelle se trouvent les citoyens inscrits sur les listes électorales à une autre adresse que celle de leur résidence principale, sans que cela relève d’un choix. Elle concerne ainsi principalement les individus qui ne se réinscrivent pas à la suite d’un déménagement et demeurent inscrits à leur ancienne adresse.

Elle doit être distinguée de la non-inscription sur les listes électorales, qui renvoie à la situation dans laquelle un citoyen a le droit d’être inscrit sur les listes électorales, mais n’en a pas fait la demande ou a été radié, et n’y figure donc pas. Les non-inscrits ne peuvent pas voter et ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques de l’abstention – à la différence des mal-inscrits qui n’iraient pas voter.

Selon l’Insee, 94 % des Français en âge de voter sont inscrits sur une liste électorale communale, en métropole ou dans les départements d’outre-mer ([38]). Ce taux est relativement stable : il s’élevait à 93 % en 2012, soit une légère augmentation au cours de la dernière décennie ([39]). Ces 6 % de « non-inscrits » représentent environ 3 millions de personnes.

Par ailleurs, une étude a estimé à environ 6,5 millions de personnes le nombre de « mal-inscrits » en 2012, sur un corps électoral de 43,2 millions d’inscrits, soit 15,1 % des inscrits sur les listes électorales ([40]).


Lors d’une audition en 2020 dans le cadre des travaux de la commission des Lois du Sénat, Mme Braconnier avançait le nombre de 7,6 millions de mal-inscrits sur 48 millions d’inscrits au total, soit une légère augmentation en valeur absolue comme relative ([41]).

Plusieurs cas de figure se présentent, qui permettent d’établir une échelle de qualité de la mal-inscription.

La mal-inscription en France en 2012

(en %)

 

Part des inscrits

Bien-inscrits

84,8 %

Mal-inscrits intracommunaux

5,2 %

Mal-inscrits dans le département de résidence

5,4 %

Mal-inscrits dans la région de résidence

1,8 %

Mal-inscrits dans une autre région

2,8 %

Total

100 %

Source : Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, op. cit.

Ce phénomène concerne principalement les jeunes, les diplômés, les cadres et les individus mobiles, ainsi que les personnes isolées, résidant principalement dans les grandes villes.

Si la mal-inscription peut être volontaire, elle a des conséquences importantes sur la propension des électeurs à aller voter, et constituerait même le « facteur le plus déterminant de l’abstention constante ». Ainsi, « le risque d’être un abstentionniste constant au cours des quatre tours de scrutin du printemps 2012 est trois fois plus élevé lorsqu’on est inscrit dans une autre commune que lorsqu’on est inscrit au bureau de vote le plus proche de son domicile », tandis qu’ « être mal-inscrit à l’intérieur de sa propre commune de résidence suffit à augmenter de 4,8 points les risques d’être un abstentionniste constant » ([42]).

2.   La procédure d’inscription sur les listes électorales repose sur une démarche volontaire

En France, un citoyen peut s’inscrire dans la commune dans laquelle il réside depuis au moins six mois, est assujetti au paiement des impôts locaux, ou gère ou détient la majorité des parts d’une société assujettie au paiement des impôts locaux ([43]).

Par ailleurs, les jeunes majeurs, lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, ainsi que les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française, sont inscrits d’office dans la commune de leur domicile réel ([44]).

Bien que l’inscription sur les listes électorales soit obligatoire, aux termes de l’article 9 du code électoral, cette inscription, ainsi que le changement de liste en cas de déménagement, reposent sur une démarche volontaire, qui doit être accomplie directement par le citoyen.

Ces dispositions pouvaient convenir à des époques où la mobilité géographique, à l’intérieur du territoire, était faible ; elles apparaissent désormais mal adaptées à l’accélération de la mobilité, professionnelle notamment.

C.   La faible participation aux élections locales du printemps 2021 résulte d’une conjonction de facteurs

Le fait que seul un électeur sur trois ait voté aux élections départementales et régionales de juin 2021 a suscité l’émotion, puis la réflexion de nombreux concitoyens et analystes de la vie politique. La présente mission d’information a notamment été créée pour déterminer les causes de cette situation.

1.   Le contexte de la pandémie constitue une explication insatisfaisante, même s’il a pu compliquer le déroulement de la campagne

La faiblesse inédite de la participation au premier comme au second tour des élections départementales et régionales appelle des explications conjoncturelles.

Le contexte sanitaire a été rendu responsable d’une partie des renoncements à se déplacer dans les bureaux de vote, qui sont des lieux de passage. Néanmoins, seuls 8 % des abstentionnistes ont évoqué la peur de la contamination, contre 36 % pour le premier tour des élections municipales tenu le 15 mars 2022, deux jours avant le premier confinement national ([45]). Au demeurant, les élections tenues à l’étranger dans un contexte sanitaire similaire ou plus dégradé n’ont pas permis d’observer un tel recul de la participation ([46]).

La modification de la date du scrutin a pu avoir une incidence marginale sur les niveaux de participation. Le second tour des élections municipales, décalé du 22 mars 2020 au 28 juin 2020, constitue le seul point, quoique très imparfait, de comparaison ([47]). Dans un contexte sanitaire très dégradé, la participation avait atteint 41,6 %, mais ce taux est très largement inférieur à la participation lors des précédentes élections municipales 2014, qui était de 63,5 %. De plus, les trois mois écoulés entre les deux tours relevaient d’une situation totalement exceptionnelle.

Un « large consensus politique » ([48]) a permis le report des deux tours des élections départementales et régionales de mars 2021 à juin 2021. Cependant, le report de la date initialement prévue a pu provoquer une certaine confusion chez les électeurs, au détriment de la clarté de la campagne.

Enfin, l’ensemble de la campagne avait été limité dans son ampleur par les règles sanitaires. Dans son guide pour la campagne transmis aux candidats, le ministère de l’Intérieur rappelait que l’accueil était interdit dans les permanences ([49]). Les meetings et réunions de campagne n’ont pu être tenus, dans les établissements recevant du public, qu’à partir du 9 juin, dans la limite des jauges de 35 % des capacités. Certaines mesures compensatoires ont été mises en œuvre par les pouvoirs publics, comme l’augmentation de 20 % du plafond des dépenses électorales et l’avancement du début de la campagne officielle ([50]).

2.   Le double scrutin organisé en 2021 a surtout cristallisé les constats dressés précédemment

a.   Les déterminants du vote se maintiennent

En premier lieu, les variables démographiques montrent que le profil des abstentionnistes de juin 2021 n’est pas différent des précédents scrutins.

Les chiffres très décevants de la participation des jeunes ont été largement commentés. Lors du premier tour des élections régionales et départementales du 20 juin 2021, 87 % des 18-24 ans se sont abstenus, contre 53 % des plus de 65 ans. L’écart de mobilisation entre ces deux tranches d’âge est passé de 20 points aux municipales de 2020, pour lesquelles les personnes âgées et vulnérables s’étaient démobilisées, à 32 points en 2021. Les élections au niveau des collectivités locales ne bénéficient donc d’aucune mobilisation particulière des jeunes générations, contrairement aux élections européennes.

Les catégories socio-professionnelles continuent de déterminer la participation, mais l’abstention aux régionales a été si forte qu’elle a réduit les écarts en progressant plus rapidement chez les CSP+. Au premier tour des législatives en 2017, l’abstention avait déjà concerné 45 % des cadres contre 66 % des ouvriers ([51]), mais cet écart s’était réduit à 6 points aux dernières élections. 

 

De plus, les raisons invoquées de l’abstention sont assez similaires aux autres scrutins. Les abstentionnistes évoquent toujours le défaut de confiance dans les responsables politiques comme la principale explication de leur décision. Une raison plus spécifique tient à l’argument que l’issue du scrutin n’aura pas d’effet sur leur vie quotidienne ([52]).

b.   Les électeurs n’ont pas perçu d’enjeu au scrutin

i. Un défaut de connaissances

Les débats n’ont pas suscité l’engouement. Certaines analyses ont pu invoquer une défaillance de la part des médias dans la transmission des informations essentielles à la formation des opinions. M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), faisait cependant le constat que « il n’apparaît pas que cette campagne a fait l’objet d’une couverture éditoriale moindre que les précédents scrutins en raison de la crise sanitaire. Ces dernières consultations ont donné lieu à une bonne couverture médiatique par les antennes des réseaux locaux du service public, France 3 Régions, France Bleu, Outre-mer La Première et les télévisions locales. […] La forte abstention observée lors des deux tours ne semble pas imputable à un défaut d’attention des médias audiovisuels » ([53]). De fait, les représentants des médias publics auditionnés par la mission ont souligné le souci des chaînes de programmer des émissions consacrées aux élections ([54]).

Une autre hypothèse tient à la place particulièrement importante dans les débats des dernières élections locales des sujets de politique nationale, c’est-à-dire portant sur des compétences ne relevant ni du département, ni de la région. Parmi les thèmes qui ont le plus compté, 39 % des personnes interrogées citent la sécurité, qui est revenue le plus souvent, et 24 % l’immigration ([55]). Les véritables enjeux locaux n’ont pas pu émerger, alors même que les prérogatives des collectivités concernées sont largement méconnues des citoyens.

ii. Un manque d’intérêt

Les compétences du département et de la région sont perçues comme ayant peu d’intérêt : parmi les abstentionnistes, 31 % avouent tout simplement ne pas être intéressés par les élections régionales ([56]). Pourtant, ils sont nombreux, en particulier les jeunes, à attacher une grande importance aux questions environnementales, non sans lien avec la compétence des régions en matière de transports, par exemple.

 

Deux explications principales à ce paradoxe sont envisageables. L’une tient à un problème de perception de la part des citoyens du fait d’un défaut de culture politique et institutionnelle : ils ne s’intéressent pas aux élections car ils connaissent mal les compétences des collectivités concernées. Cette méconnaissance spécifique peut être renforcée par un défaut d’incarnation, dans le cas des élections régionales, du fait du nouveau découpage en « grandes régions ». Ces treize circonscriptions sont accusées d’éloigner l’échelon décisionnel du citoyen et, concrètement, les capitales régionales des points les plus excentrés du territoire concerné ([57]). Il est vrai que la Nouvelle-Aquitaine est plus étendue que les trois pays du Benelux réunis.

L’autre explication implique que les citoyens posent leur propre diagnostic sur l’impact sur leur vie des pouvoirs des collectivités territoriales. Selon M. Romain Rambaud, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, « l’enseignement est clair : la décentralisation ne fonctionne pas assez efficacement pour que les électeurs pensent que le choix d’un président de conseil régional plutôt qu’un autre peut être déterminant » ([58]).  En creux, apparaît toujours la centralité de l’élection présidentielle dans la Vème République, qui définit largement la politique menée pendant cinq ans, quels que soient les contre-pouvoirs exécutifs locaux. La vérité sur le désintérêt des électeurs se situe probablement au carrefour de ces justifications.


   Partie II – Les leviers d’action

I.   lever les obstacles à l’expression du suffrage

Les responsables politiques auditionnés ont estimé que les causes principales de l’abstention relèvent de la confiance des électeurs dans la démocratie et les élus, ce qui nécessite des solutions d’envergure ancrées dans le temps long ([59]). Nonobstant ce constat partagé, la mission estime qu’il existe des marges de progrès pour rendre les élections plus commodes et accessibles. Faciliter les opérations de vote implique d’agir en amont du scrutin, mais aussi sur les modalités concrètes d’expression du suffrage, en s’inspirant de pratiques déjà largement en place dans les grandes démocraties.

A.   mieux informer les Électeurs En amont du scrutin et faciliter l’inscription sur les listes électorales

1.   Le manque d’information des citoyens sur les enjeux du scrutin et les difficultés rencontrées dans la distribution de la propagande électorale appellent des solutions complémentaires

Les travaux de la mission ont fait émerger le constat selon lequel les électeurs ne seraient pas toujours suffisamment informés des modalités pratiques des scrutins ni des compétences des collectivités au sein desquelles ils s’apprêtent à élire des représentants.

La mission a pris connaissance d’initiatives particulièrement intéressantes mises en œuvre dans des pays étrangers. Ainsi, comme le rappelait M. Benjamin Kurc, président de l’association Vote & vous, lors de son audition par la mission d’information, il existe en Allemagne une « Agence fédérale de l’éducation citoyenne » (Bundeszentrale für politische Bildung, ou « bpb ») qui dépend du ministère de l’Intérieur, et bénéficie d’une « grande indépendance et d’une bonne confiance de la part des citoyens ». Pour chaque élection, cette agence publie un « outil d’aide au vote », qui permet aux citoyens de « se forger leur propre opinion par rapport aux positions des partis en lice dans une élection ». Le guide est construit autour d’une « approche de vulgarisation et d’une démarche pédagogique, avec notamment des questions/réponses. En Allemagne, on dénombre 23 millions d’utilisateurs pour les élections législatives. Il s’agit d’autant de citoyens qui se positionnent et montrent un intérêt pour le fait électoral. Il ne s’agit pas de sondages. Les citoyens sont invités à donner leur opinion, et peuvent parfois découvrir l’existence de partis politiques » ([60]).

M. Pascal Sciarini, professeur à l’université de Genève, rappelait par ailleurs qu’en Suisse, « pour les votations fédérales, avant tout vote de démocratie directe, chaque citoyen reçoit la traditionnelle brochure du Conseil fédéral, qui présente les objets soumis au vote ainsi que la position des autorités, à savoir le Conseil fédéral et le Parlement. Ils exposent donc leurs recommandations ainsi que les raisons de cellesci » ([61]).

La mission suggère de s’inspirer de ces expériences, et encourage la réalisation de campagnes de communication en amont des élections, destinées à mieux informer les citoyens de leurs modalités pratiques, mais également des compétences et du rôle de l’institution qui est renouvelée.

Cette campagne de communication pourrait être réalisée sur l’ensemble des supports médiatiques (télévision, radio, presse, internet et réseaux sociaux).

Auditionnée par la mission d’information, la ministre déléguée à la citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, relevait qu’« il est de notre responsabilité collective de réussir à bien informer les citoyens sur les élections et sur l’importance du vote. Les partis politiques contribuaient jadis à ce travail de propagande, au sens premier du terme. Cette information doit être adaptée à l’évolution des outils de communication et utiliser les bons arguments ». La ministre indiquait qu’elle présidait un groupe de travail sur cette question, dont l’objectif était de « mettre en place des actions concrètes en 2022 pour inciter à s’inscrire sur les listes électorales et à voter » ([62]).

La ministre insistait par ailleurs sur le « caractère essentiel de ce premier niveau d’information : les modalités d’inscription sur ces listes, celles d’établissement des procurations, mais aussi les dates des élections sont encore trop souvent méconnues d’un grand nombre de nos concitoyens ». Pour les atteindre, il faut une diffusion plus large de l’information, ce qui suppose de s’appuyer sur de nouveaux supports – notamment des sites internet –, de créer des partenariats et de trouver des solutions innovantes.

La ministre a indiqué qu’une « grande campagne d’information sur l’engagement et la participation électorale » était en cours d’élaboration : celle-ci pourrait « mettre en valeur la pluralité des engagements des Français et présenter le vote comme leur concrétisation », et recourrait à de multiples supports.

Proposition  1 : Mieux informer les citoyens au moyen d’une campagne sur la procédure électorale, mobilisant différents médias (radio, télévision, presse, internet et réseaux sociaux), ainsi que sur les compétences et le rôle de l’institution qui est renouvelée.

La mission propose par ailleurs de permettre une diffusion dématérialisée de la propagande électorale, par mail ou sur une application dédiée.

Il s’agirait de mettre en ligne les documents de propagande de l’ensemble des candidats sur un site officiel créé à cette fin, ou sur une application téléchargeable par les électeurs, et de leur envoyer ces documents par courriel.

Les graves dysfonctionnements rencontrés dans la distribution de la propagande électorale au mois de juin 2021 conduisent à envisager des compléments à la distribution de documents imprimés ([63]).

La création récente du répertoire électoral unique, qui a permis la constitution d’un fichier national regroupant l’ensemble des électeurs inscrits sur les listes électorales, pourrait être utilement mise à profit.

En effet, ce fichier pourrait être facilement complété par des informations de contact relatives aux électeurs. En juin 2020, 10 % des électeurs avaient déjà une adresse de messagerie renseignée dans le REU ([64]).

La mission considère que cette mesure devrait constituer un complément à la distribution de la propagande électorale au format papier, mais ne devrait pas, dans un premier temps du moins, la remplacer : les électeurs devraient pouvoir continuer à recevoir chez eux la propagande électorale imprimée.

Proposition  2 : Permettre la diffusion dématérialisée de la propagande électorale, par mail ou sur une application particulière, tout en maintenant la distribution du matériel de vote chez chaque électeur.

2.   L’assouplissement des modalités d’inscription sur les listes électorales permettrait de lutter contre la mal-inscription

Comme la mission a eu l’occasion de le relever, la « mal-inscription » constitue un important facteur d’abstention. Par ailleurs, une petite partie des Français ne sont pas inscrits sur les listes électorales.

Depuis le 1er janvier 2019, il est possible de déposer une demande d’inscription sur les listes électorales jusqu’au sixième vendredi précédant le scrutin ([65]), et non plus avant le 31 décembre de l’année qui précède le scrutin, comme cela était le cas jusqu’alors.

 

De plus, la direction de l’information légale et administrative (DILA) a mis en place, en 2019, le télé-service « interroger sa situation électorale » (ISE), accessible sur le site service-public.fr ([66]), qui permet à l’électeur de vérifier qu’il est bien inscrit sur la liste d’une commune ou une liste électorale consulaire préalablement sélectionnée. Pour des raisons de confidentialité, ce système ne permet cependant pas de connaître, en cas de réponse négative, la commune où l’électeur est effectivement inscrit.

La mission considère que ces possibilités nouvelles doivent être mises à profit de manière bien plus volontariste qu’elles ne le sont actuellement, afin de permettre l’inscription des personnes ne figurant pas sur les listes électorales et de remédier au problème de la mal-inscription.

Dans un rapport publié en 2014, l’Inspection générale de l’administration relevait que la mise à jour automatique du fichier électoral à partir d’autres fichiers était déjà utilisée dans certains pays, et notamment au Canada, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas ([67]).

Le rapport relevait par ailleurs que l’administration française avait d’ores et déjà recours à l’exploitation de certains fichiers pour la mise à jour des listes électorales. Ainsi, « l’inscription d’office des jeunes majeurs est principalement fondée sur l’exploitation du fichier de recensement géré par le ministère de la défense. La loi prévoit aussi, aux mêmes fins, l’exploitation par l’Insee de données transmises par les organismes de sécurité sociale. Enfin, les communes sont censées vérifier, avant la radiation d’électeurs, sur la base de fichiers transmis annuellement par l’administration fiscale, leur absence au rôle des contributions directes locales ». Selon l’administration de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), « l’interconnexion de fichiers en vue de la mise à jour des adresses du fichier électoral [ne serait pas], a priori, contraire au principe de finalité « déterminée » des fichiers de données personnelles » : rien n’interdirait d’envisager des autorisations d’interconnexion de fichiers aux seules fins de mise à jour des listes électorales.

Le rapport précisait enfin que d’autres pays ne procédaient pas à la mise à jour automatique des listes électorales, mais menaient des politiques d’incitation à l’inscription. Aux États-Unis, et comme le rappelait également Mme Elizabeth Zoller, professeure émérite de droit public des pays de common law et de droit constitutionnel comparé à l’université Paris 2 Panthéon-Assas lors de son audition par la mission d’information, Ainsi, aux États-Unis, le National Voter Registration Act de 1993 oblige les États à proposer l’inscription sur les listes électorales lors de l’établissement du permis de conduire et lors de toute demande d’aide sociale, afin notamment de cibler les populations les plus affectées par la non-inscription ([68]). En Grande-Bretagne, une campagne de mise à jour exhaustive est conduite annuellement (annual canvass).

 

La mission propose de permettre l’inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau domicile à la suite d’un déménagement. L’électeur conserverait le choix d’accepter ou non le changement d’inscription sur la liste : ce changement devrait lui être proposé, sans lui être imposé.

Dans la logique du guichet « Dites-le-nous une fois », il pourrait ainsi être envisagé que tout changement d’adresse signalé à l’administration, à l’occasion de la réalisation d’une démarche, conduise à proposer automatiquement à la personne concernée l’inscription sur la liste électorale de la commune de son nouveau domicile.

L’inscription sur les nouvelles listes électorales pourrait être proposée, soit concomitamment à la réalisation de la démarche, soit a posteriori, à l’occasion d’une opération de croisement de fichier avec le répertoire électoral unique.

La mission considère qu’un rapprochement pourrait être prioritairement effectué avec les fichiers dont disposent les administrations fiscales et sociales pour le recouvrement de l’impôt et des cotisations sociales, et le versement des prestations, puisque ces fichiers sont régulièrement mis à jour. Lors de son audition par la mission d’information, le directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, M. Olivier Jacob, indiquait que l’administration réfléchissait actuellement « à un système rendant automatique l’inscription sur la liste électorale en cas de déménagement, à partir du moment où l’adresse est modifiée dans la déclaration fiscale ou lors d’un changement de carte grise » ([69]).

A minima, il conviendrait d’ajouter à la liste des services couverts par le télé-service « changement d’adresse en ligne » l’inscription sur une nouvelle liste électorale ([70]).

La mission souhaite par ailleurs insister sur la situation des étudiants, qui peuvent être conduits à déménager fréquemment et n’ont pas toujours le réflexe de s’inscrire sur les listes électorales de leur nouveau domicile. Les jeunes sont pourtant particulièrement concernés par la « mal-inscription » ([71]). Une solution pourrait être de proposer à l’étudiant de s’inscrire sur la liste électorale de la commune dans laquelle il réside au moment de l’inscription dans l’établissement d’enseignement supérieur, ou lors de la réalisation d’une démarche auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires ou des caisses d’allocations familiales.

Proposition  3 : Organiser l’inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu de domicile en cas de déménagement.

La mission considère par ailleurs que les potentialités ouvertes par la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’au sixième vendredi précédant le scrutin n’ont pas encore été exploitées jusqu’au bout.

La mission considère que l’administration devrait communiquer plus largement, et de manière personnalisée, sur les possibilités ouvertes aux citoyens en matière d’inscription sur les listes électorales.

L’administration pourrait ainsi diffuser, par courriel ou par SMS, à l’électeur, dix à douze semaines avant le scrutin, les coordonnées de son bureau de vote, ainsi que le lien vers le télé-service « interroger sa situation électorale ». Cette communication indiquerait également à l’électeur la date limite jusqu’à laquelle il a la possibilité de demander son inscription sur la liste électorale de la commune dans laquelle il réside.

Une telle initiative pourrait être conduite à l’occasion de la campagne d’information évoquée au 1 du présent A.

Une action plus ambitieuse consisterait à organiser des campagnes d’incitation à l’inscription sur les listes électorales.

Lors de son audition, M. Jean-Yves Dormagen, professeur de science politique à l’université de Montpellier, rappelait avoir mené des expérimentations sur les effets des dispositifs de facilitation du vote en France, en amont de l’élection présidentielle de 2012 ([72]). L’expérience consistait, à l’occasion d’une opération de porte-à-porte, à proposer à des personnes qui n’étaient pas inscrites sur les listes électorales, de s’occuper pour eux des formalités administratives nécessaires à leur inscription. Les résultats étaient éloquents : 93 % des personnes ayant été inscrites par ce moyen ont voté au moins une fois en 2012. M. Dormagen a toutefois attiré l’attention de la mission sur le coût important d’un tel dispositif, s’il devait être mis en œuvre par la puissance publique, coût qu’il identifiait comme étant la limite principale du dispositif.

Proposition  4 : Mener des campagnes d’incitation à l’inscription sur les listes électorales.

B.   élargir les possibilités de vote

Les citoyens souhaitent majoritairement disposer de plus de liberté dans la manière d’exprimer leur vote. Les recherches des politologues concluent que le vote de « convenance », c’est-à-dire le vote facilité permettant de prendre en compte des situations d’indisponibilité personnelle, a un impact statistiquement significatif sur la participation, la plupart des estimations situant l’augmentation entre 2 et 4 points de pourcentage ([73]).

1.   Voter sans se déplacer

Plusieurs modalités de vote permettent d’exprimer un suffrage sans se rendre en personne à l’urne. Elles ont pour défaut commun de ne pas permettre l’accomplissement du rituel républicain qu’implique le déplacement au bureau du quartier ou de la commune lors des dimanches de vote. Cependant, elles doivent être envisagées avec pragmatisme sous l’angle de la participation électorale. Comme le résumait le professeur de droit public M. Jean-Philippe Derosier, « je préfère un vote à l’urne plutôt qu’un vote par correspondance, mais je préfère un vote par correspondance à l’abstention » ([74]).

a.   Assouplir le recours aux procurations afin de répondre aux aspirations des électeurs

i.   Dédoubler

Le portage des procurations est actuellement limité à deux procurations, une établie en France et une établie à l’étranger. En pratique, cela limite dans la majorité des cas à une seule par mandataire.

Les scrutins tenus depuis le début de la pandémie sur le territoire français ont été l’occasion d’expérimenter la double procuration. Pour le second tour des élections municipales de 2020, l’article 1er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires a permis à chaque mandataire de disposer de deux procurations, y compris si elles avaient été établies en France. Cette loi prévoyait également, en cas d’impossibilité de se déplacer en raison de l’épidémie, la faculté de solliciter la venue à domicile des officiers et agents de police judiciaire pour l’établissement de la procuration.

Pour les élections locales de 2021, la disposition relative aux deux procurations a été reconduite, toujours par dérogation à l’article L. 73 du code électoral, par l’article 2 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

Ces élections locales ont ainsi constitué une forme d’expérimentation qui n’a, sur ce point, donné lieu à aucune difficulté particulière. Interrogée sur la pérennisation de ce dispositif, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, a indiqué que cette possibilité n’avait été ouverte qu’en raison de la crise sanitaire et que toute évolution exigerait une nouvelle intervention du législateur ([75]).


La mission considère la limite maximale de deux procurations par mandataire comme un bon compromis. Elle permet de faciliter effectivement la recherche d’un proche disponible pour aller voter. Pour les personnes vulnérables, la procuration, valable jusqu’à un an, permet de ne pas avoir à se déplacer (hormis le passage devant un officier de police judiciaire, évoqué infra, pour l’établir). En période de crise sanitaire, réduire le nombre de personnes présentes dans les bureaux de vote est également souhaitable.

La limitation demeure cependant nécessaire afin de lutter contre les risques de manipulation, en particulier de la part de mandataires qui seraient potentiellement proches d’un candidat. Or, il ressort de la consultation citoyenne menée par l’Assemblée nationale que les inquiétudes relatives aux possibilités de fraude électorale sont une préoccupation majeure des Français à l’évocation de toute évolution possible des modalités de vote.

Proposition  5 : Généraliser la faculté d’établir deux procurations à l’ensemble des scrutins nationaux, locaux et européens.

ii.   Dézoner

Actuellement, un mandataire doit être inscrit sur les listes électorales de la même commune que le mandant pour être titulaire de sa procuration, quel que soit le bureau de vote de rattachement. À partir du 1er janvier 2022, les procurations seront déterritorialisées : elles pourront être établies pour un électeur inscrit dans une autre commune. La seule condition sera que le mandataire jouisse de ses droits civiques, ce qui facilitera les procurations entre membres d’une même famille ou entre amis.

La mission salue l’engagement du ministère de l’Intérieur dans la mise en œuvre de cette faculté, qui sera opérationnelle pour les prochaines élections présidentielle et législatives.

iii.   Faciliter

Les procurations font l’objet d’une modernisation continue. La plateforme « Maprocuration », lancée en avril 2021, a permis la dématérialisation d’une partie de la procédure – le remplissage du formulaire Cerfa – et, ainsi, l’établissement d’environ 42 % des 675 000 procurations établies pour le double scrutin de juin 2021. Ce service en ligne est complémentaire des formulaires papier, ce qui permet à chaque citoyen de choisir la modalité qui lui convient.

La mission souhaite qu’à terme, l’établissement d’une procuration puisse être entièrement dématérialisé. Le déplacement du mandant dans un tribunal, un commissariat ou une gendarmerie, afin de faire établir son identité par un officier ou agent de police judiciaire, peut décourager certains citoyens, notamment les plus jeunes ou ceux, en zone rurale, qui ne vivent pas à proximité immédiate de ces services publics. Le délai nécessaire à la validation par l’officier ou agent de police judiciaire avant transmission à la commune concernée entraîne des déperditions, car certaines n’arrivent pas à temps pour le scrutin concerné.

Il convient d’étudier la possibilité de substituer au passage devant un officier de police judiciaire une modalité plus commode de validation des demandes. Plusieurs pistes sont envisageables, parmi lesquelles figure la reconnaissance de l’identité des personnes à distance, notamment par visioconférence. Les efforts des autorités françaises vers le développement de l’identité numérique permettront assurément de progresser dans cette voie.

À défaut de parvenir à cette dématérialisation, la mission souhaite apporter son soutien à la proposition formulée par la Commission supérieure du numérique et des postes, qui recommande « d’ouvrir une réflexion sur la mobilisation des tiers de confiance, au rang desquels le facteur dûment assermenté, soumis au devoir d’honnêteté et de probité pour faciliter les démarches de nos concitoyens » ([76]). Cet acteur semble particulièrement indiqué du fait du maillage territorial quasi parfait de la distribution du courrier, qui éviterait en particulier aux personnes vulnérables de se déplacer.

Cette alternative répondrait également au constat sur la diminution progressive du taux de participation à partir de 70 ans. Lors de son audition, M. Jean-Yves Dormagen relevait que « la participation […] atteint un plateau vers 70 ans, puis elle se stabilise en étant légèrement déclinante et elle s’effondre à partir de 83 ans pour basculer vers la très grande abstention. Nous ne pensons peut-être pas assez au vieillissement de nos populations qui est un facteur abstentionniste structurel auquel il conviendra de réfléchir […]. Je formule l’hypothèse que cette abstention est parfois contrainte chez des personnes âgées qui continuent de s’intéresser à la politique, mais qui, pour des raisons d’isolement ou de santé physique, éprouvent une très grande difficulté à voter. Nous devrons réfléchir à des dispositifs qui leur permettraient de rester dans la civilisation électorale » ([77]).

Proposition n° 6 : Faciliter l’établissement des procurations par la possibilité de les obtenir via un système de visioconférence ou par l’intermédiaire des facteurs, évitant un déplacement dans un commissariat, une gendarmerie ou un tribunal.

Dans le prolongement du précédent constat, la mission considère que, pour permettre aux personnes âgées de voter, il serait pertinent de mettre en place un service public de transport des personnes en situation de dépendance, le jour du vote.

L’organisation de tels moyens de transport ne paraît pas contraire à notre droit électoral, dès lors qu’ils ne sont pas instrumentalisés. Le Conseil d’État a ainsi par exemple considéré que « l’organisation de transports au profit d’électeurs se rendant dans les bureaux de vote n’est pas de nature, en l’absence de toute preuve que des pressions auraient été exercées sur eux, à fausser la sincérité du scrutin » ([78]).

Ce service devrait être assuré par l’État, via les préfectures, et sur inscription.

Proposition n° 7 : Mettre en place un service public de transport des personnes en situation de dépendance, le jour du vote.

b.   Expérimenter le vote à distance

L’expression « vote à distance » renvoie à trois modalités très différentes, dont la France a une expérience passée ou présente :

– le vote par procuration, évoqué supra ;

– le vote par correspondance en version papier, dont l’expérience faite entre 1946 et 1975 a été émaillée de plusieurs cas d’annulations de scrutins en raison de fraudes électorales. Il demeure possible pour les élections législatives des Français de l’étranger ;

– le vote par internet, expérimenté par les Français de l’étranger pour les élections législatives de 2012 et consulaires depuis 2013.

i.   Le vote par voie postale

La faculté de recourir au vote par correspondance existe dans de nombreux pays démocratiques mais selon des périmètres variables. Cette faculté peut être très largement ouverte à tous les électeurs, comme c’est le cas au Royaume-Uni ou au Luxembourg. Elle peut être limitée aux personnes résidant à l’étranger (comme en Suède, Roumanie, Corée du Sud) ou empêchées par des raisons sérieuses, comme leur état de santé ou leur emprisonnement (Autriche, Irlande, Lituanie, entre autres) ([79]).

Au demeurant, le vote par correspondance sous pli fermé a déjà existé en France entre 1946 et 1975. Il était alors réservé aux électeurs empêchés pour des motifs dûment justifiés. Les nombreuses fraudes électorales ayant émaillé les scrutins durant les dix-neuf années de son utilisation ont conduit le législateur à le supprimer, en élargissant parallèlement les possibilités de procuration ([80]).

Le vote par correspondance subsiste pour deux catégories de citoyens se trouvant dans des situations particulières eu égard à la difficulté d’accéder à un bureau de vote ou encore, du fait notamment de leur nombre, à établir une procuration :

– les personnes incarcérées ayant conservé la jouissance de leurs droits civiques peuvent y avoir recours. Après une expérimentation encourageante ayant porté la participation électorale des détenus concernés à 8 % aux élections européennes de 2019 (contre 2 % à la présidentielle) ([81]), le législateur a élargi cette faculté à tous les détenus ([82]) ;

– les Français de l’étranger, pour les seules élections législatives, peuvent voter par correspondance par voie postale, possibilité qui complète alors le vote à l’urne, par procuration et par internet.

Le vote par correspondance des Français établis hors de France

Du fait de la situation géographique particulière de nos compatriotes résidant à l’étranger, certaines modalités de vote à distance leur sont appliquées et adaptées.

Le vote par correspondance postale est ouvert uniquement pour l’élection des députés : l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 a autorisé le vote par correspondance sous pli fermé pour l’élection des onze députés représentant les Français de l’étranger. Cette faculté était ouverte pour les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) jusqu’à la loi du 22 juillet 2013 (1).

Le recours au vote par correspondance est marginal : il a concerné 2 % des votants lors des élections législatives de 2012 et 6 % en 2017.

La modalité de vote par correspondance sous pli fermé, telle qu’elle est actuellement pratiquée, est complexe et présente de nombreuses causes de nullité : conformément au premier alinéa de l’article R. 176-4-1 ainsi qu’aux articles R. 176-4-2 et R. 176-4-3 du code électoral, le bulletin de vote doit être introduit dans une enveloppe de scrutin, elle-même placée dans une enveloppe d’identification qui doit être complétée, cachetée, signée et être accompagnée d’un justificatif d’identité, elle-même adressée dans une enveloppe d’expédition. En 2017, lors de l’élection législative des députés représentant les Français de l’étranger, près d’un quart des votes par correspondance reçus n’ont pas pu faire l’objet d’un émargement en raison d’irrégularités.

Parmi les contentieux électoraux liés au vote par correspondance, le Conseil constitutionnel a annulé l’élection de 2017 dans la cinquième circonscription (Espagne, Portugal, Monaco, Andorre) (2).

(1)    La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France instaure notamment l’élection des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires.

(2)    Conseil constitutionnel, décision n° 2017-5052 AN du 2 février 2018.

Source : Contribution écrite adressée à la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à la mission d’information.

Le vote par correspondance présente des faiblesses. Son coût administratif et financier en fait partie. Il repose sur une multitude d’acteurs, parmi lesquels des transporteurs et systèmes postaux, dont la coordination peut être complexe. Cependant, au même titre que les procurations, il permet assurément à certains électeurs de faire valoir plus facilement leur voix et représente ainsi un outil pour faciliter la participation électorale. Le succès de cette méthode dans les pays qui l’ont généralisée indique qu’il est possible de la mettre en place. En Allemagne, la proportion des votants par correspondance aux élections fédérales est passé de 21,4 % en 2009 à 36 % en 2021 ; la tendance croissante a été amplifiée par le contexte pandémique.

Le vote par correspondance a aussi été le choix de 64 millions d’électeurs aux États-Unis lors de l’élection de 2020. Ce pays offre un exemple édifiant des conséquences que peut avoir cette modalité de vote sur le résultat : lors de l’élection présidentielle de 2016, les électeurs qui ont voté durant la période où subsistait un doute sur la gestion des emails de Mme Hillary Clinton, du fait la réouverture de l’affaire par le FBI, ont fait basculer le vote en faveur de M. Donald Trump ([83]). Aussi, le rapport de M. François-Noël Buffet comme la proposition de loi de M. Éric Kerrouche ([84]) insistent sur la nécessité d’ouvrir la faculté de revenir sur sa décision par un vote à l’urne le jour du scrutin.

Aussi, la mission considère que le vote par correspondance doit pouvoir faire l’objet d’une réflexion renouvelée s’incarnant dans des expérimentations locales, en s’appuyant sur les expériences nationales et étrangères, afin de ne pas s’arrêter aux difficultés posées par cette modalité de vote mais plutôt de chercher de manière lucide et volontariste à les résoudre.

ii.   Le vote par internet

Le vote par internet, qui est une forme de vote par correspondance suivant la voie électronique, est à distinguer du recours aux machines à voter, qui sont utilisées au sein des bureaux de vote.

Le vote par internet a pour lui sa modernité et son apparente grande simplicité.

Cette modalité peut sembler familière aux Français qui y ont déjà eu recours pour des élections professionnelles, conformément à la faculté ouverte par l’article L. 2314-26 du code du travail depuis le 1er janvier 2018, ou pour la participation à des primaires comme celle des Républicains dès 2016 et en 2021, ou encore du parti Europe Écologie Les Verts, également en vue de la désignation du candidat à l’élection présidentielle de 2022.

Cependant, le vote par internet n’est ouvert dans le cadre d’élections politiques que pour les Français de l’étranger, pour les élections législatives et consulaires. Dans ce cadre, il rencontre un succès bien plus marqué que le vote par correspondance. Pour les élections consulaires, entre 2014 et 2017, l’augmentation de 28 points de la part des votants ayant eu recours au vote par internet n’a pas eu d’effet sur la participation globale, permettant au ministère de l’Intérieur de conclure que cela n’aura pas permis de mobiliser d’autres électeurs que ceux qui comptaient de toute façon participer ([85]). Cependant, les élections législatives de 2017 semblent infirmer ce constat. Alors que le Gouvernement avait écarté le vote par internet du fait des risques de cyberattaque, la participation a été inférieure de 4 points au premier tour et 1,6 point au second aux niveaux observés en 2012. Lors des élections législatives de 2012, 53 % des votants avaient eu recours au vote par internet. Il est possible d’en conclure qu’une partie de ces électeurs ont renoncé à voter de ce fait.

Par-delà l’effet sur la participation électorale, qui reste difficile à extrapoler, le vote par internet permet d’accélérer considérablement les opérations de dépouillement sans requérir de manipulation de papier – un avantage appréciable en période de pandémie. Les erreurs de comptage et leur corollaire, les demandes de recomptage, sont théoriquement impossibles si l’on met de côté les risques de fraude informatique.

Son coût demeurerait modéré : un marché pour l’ensemble du territoire pourrait représenter 2 à 3 millions d’euros ([86]).

Proposition  8 : Expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet lors de prochaines élections locales ou de référendums d’initiative locale, dans les communes volontaires.

En tout état de cause, le vote par internet ne peut demeurer, pour des élections, qu’une alternative à d’autres modes d’expression du suffrage. La fracture numérique dans l’accès aux services publics ([87]) ou, plus communément encore, des problèmes de connexion, ne sauraient en effet priver des citoyens électeurs de leurs droits civiques.

La question de la sécurité informatique est au cœur des débats sur le vote par internet et ne sera pas résolue de sitôt.

La première inquiétude porte sur la confidentialité du vote. Mme Laure Salvaing, directrice générale de Kantar Public France, souligne le degré élevé de méfiance des citoyens à l’égard de l’emploi de leurs données personnelles par la puissance publique : « C’est paradoxal, car les citoyens donnent toute la journée des informations sur les réseaux sociaux ou s’inscrivent sur des applications, et cela en connaissance de cause. Mais dans le domaine politique, ou social, le sujet leur importe et ils attendent en tout cas des politiques qu’ils y apportent une solution. » ([88])

Les experts de la sécurité informatique s’inquiètent surtout des risques de piratage informatique aux fins de manipulation du vote. M. Guillaume Poupard directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) exprimait ainsi une de ses préoccupations : « Nos processus démocratiques sont ciblés par des adversaires ayant différentes motivations et dont la volonté principale demeure la déstabilisation […] Ces derniers sont très joueurs et ont peu de limites en matière de moyens financiers. Leur volonté est de créer le chaos. » ([89]) L’attaque informatique a, au demeurant, toujours un temps d’avance sur la défense. En pratique, l’ampleur de la menace rend le vote par internet difficilement envisageable à ce stade.

Des pistes existent pour sécuriser les votes en ligne. D’abord, une réelle culture de la cybersécurité pourrait émerger chez les citoyens. La sensibilisation aux bonnes pratiques est actuellement faible, ce qui génère des failles de sécurité. Une escroquerie fondée sur des méthodes rudimentaires a ainsi permis de récupérer les adresses de messagerie et mots de passe des proches du candidat Emmanuel Macron en 2017 ([90]). L’influence potentielle sur le cours de la campagne d’une telle manœuvre, à laquelle nombre de structures sont faillibles, est réelle. Au niveau de l’État, la conscience que les systèmes doivent être sans cesse éprouvés dans leur robustesse est présente. Une manière de s’en assurer est d’employer des « hackers blancs », qui testent l’intégrité des systèmes pour le compte de la puissance publique, comme le suggérait M. Gilles Babinet, co-président du Conseil national numérique ([91]).

Proposition  9 : Poursuivre le développement des systèmes permettant, à terme, d’envisager le vote en ligne pour des élections nationales, ainsi que des capacités de cyberdéfense.

2.   Voter à l’urne, plus longtemps et en tout lieu

a.   Le vote à l’urne par anticipation

Actuellement, l’ouverture des bureaux de vote est prévue sur un seul jour, et uniquement le dimanche ([92]).

Cette situation a pour effet de limiter la possibilité pour certaines personnes, et notamment pour celles qui s’absentent de leur commune de résidence le week‑end de l’élection, ainsi qu’aux personnes qui travaillent le dimanche, de participer au scrutin.

La mission considère que le vote par anticipation apporterait une souplesse supplémentaire permettant l’exercice du droit de vote, sans apporter de bouleversement majeur à la procédure électorale ni aux habitudes des citoyens, puisque l’électeur continuerait de se déplacer dans le bureau de vote.

Le vote par anticipation est d’ores et déjà possible dans de nombreux pays, où il est souvent, mais pas toujours, associé à la possibilité de voter par correspondance ([93]).

La mission rappelle qu’à l’occasion de l’examen par le Sénat, en séance publique, du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République, en première lecture, le 18 février 2021, le Gouvernement avait déposé un amendement ayant pour objet d’instaurer un vote par anticipation à l’élection présidentielle, qui avait été finalement rejeté ([94]).

 

La mission propose d’expérimenter de manière territorialisée la possibilité de voter par anticipation à certaines élections. Cette mesure pose toutefois des questions techniques délicates, qui nécessitent de bien encadrer le dispositif.

Le vote par anticipation pourrait avoir lieu sur un ou plusieurs jours, à une date prévue par décret, au cours de la semaine qui précède le dimanche du vote.

Afin d’éviter que le résultat des votes anticipés n’ait d’influence sur le vote des autres électeurs, les suffrages ainsi recueillis devraient être dépouillés en même temps que les autres bureaux de la commune, ce qui implique de réaliser le vote sur une machine à voter. En effet, la conservation de l’urne contenant les bulletins déposés par les électeurs ayant voté de manière anticipée pendant plusieurs jours ne semble pas envisageable, car elle créerait un risque de fraude trop important et nuirait à la confiance dans les opérations de vote.

En raison de l’impossibilité pratique de déployer des machines à voter dans tous les bureaux de vote, seuls certains d’entre eux pourraient offrir cette possibilité. Afin de veiller à une couverture équitable du corps électoral, il pourrait être envisagé de couvrir a minima l’ensemble des préfectures et des sous-préfectures du pays et, dans les territoires les plus densément peuplés, de doter plusieurs bureaux de vote de machines à voter.

La possibilité de voter de manière anticipée serait ouverte à tous les électeurs et devrait être conditionnée à une demande de leur part. En tout état de cause, afin d’empêcher qu’un électeur ayant voté de manière anticipée ne vote une seconde fois le jour du scrutin, une mention particulière devrait être portée sur la liste électorale de la commune d’inscription de l’électeur. Les listes utilisées le dimanche ne pourraient ainsi être qu’éditées que tardivement, après la clôture du vote anticipé.

Ces contraintes techniques impliquent d’avancer sur ce sujet avec prudence.

S’agissant en particulier des machines à voter, à la suite de l’expérience des élections présidentielle et législative de 2007, le Gouvernement a décidé, l’année suivante, d’instaurer un moratoire sur le renouvellement des machines à voter empêchant les communes de s’équiper de nouvelles machines. Ce moratoire a été renouvelé depuis.

Lors de son audition par la mission d’information, Mme Lucile Minéo, directrice de l’accueil citoyen à la mairie de Rosny-sous-Bois, relevait que les justifications sur lesquelles s’appuie le moratoire « ne sont en réalité pas d’actualité et ne l’étaient pas plus en 2007, puisqu’il n’existe pas d’arguments techniques actuels concrets à l’encontre du vote électronique. L’argumentation de nature psychosociale avancée par les opposants au vote électronique ne justifie pas le blocage de l’utilisation des machines » ([95]).

Comme l’a rappelé lors de son audition M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint du ministère de l’Intérieur, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, 82 communes avaient recours aux machines à voter en 2008, « ce nombre […] ne pouvant pas augmenter. Depuis, ce ne sont plus que 63 communes, représentant 1 500 bureaux de vote et 1,3 million d’électeurs, c’est-à-dire 3 % du corps électoral [qui y ont recours]. Le moratoire posé depuis une douzaine d’années commence à poser des problèmes. Il concerne les communes, mais aussi les matériels utilisés, si bien que ceux-ci ne peuvent pas être renouvelés. Certaines machines ont considérablement vieilli et sont de plus en plus fragiles. » ([96])

La question de la fiabilité de ces machines, et de leur vulnérabilité à d’éventuelles cyber-attaques, se pose par ailleurs.

L’article 10 de la loi du 22 février 2021 prévoyait la remise par le Gouvernement, avant le 1er octobre 2021, d’un rapport sur la possibilité de recourir aux machines à voter pour les communes qui le souhaitent, dans la perspective des prochaines échéances électorales ([97]). Ce rapport devait notamment préciser les conditions dans lesquelles les communes souhaitant recourir à ce dispositif pourraient le faire. Malgré de nombreuses demandes, ce rapport n’a toujours pas été remis au Parlement.

Lors de la discussion de l’amendement proposé par le Gouvernement pour instaurer un vote par anticipation à l’élection présidentielle, outre les interrogations portant sur la fiabilité des machines à voter, et le bref délai dans lequel cet amendement avait dû être examiné, certaines critiques avaient été formulées par les sénateurs. En particulier, avait été soulevé l’argument selon lequel la campagne électorale officielle ne serait pas terminée : des événements pourraient toujours survenir, au dernier moment, susceptibles de modifier l’opinion des électeurs ([98]).

 

M. Olivier Jacob rappelait également au cours de son audition que « la tradition électorale française […] est fortement ancrée dans notre esprit national et […] est celle du lien avec le bureau de vote. Un peu comme dans une tragédie, il y a une unité de temps, de lieu et d’action. Le vote se tient sur une seule journée. D’autres pays, comme les États-Unis, ont des traditions différentes et votent sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Nous sommes rattachés à un bureau de vote, qui est souvent très accessible. Enfin, il y a unité d’action car le moment politique se joue et s’arrête à un moment donné. La campagne s’arrête, il y a une journée de pause, puis c’est le vote. D’autres systèmes, comme le vote par anticipation et le vote à distance, remettent en cause cette tradition électorale ».

Consciente de ces réserves, mais convaincue que la possibilité du vote par anticipation permettrait de faciliter le retour aux urnes de nos concitoyens, la mission propose d’ouvrir cette possibilité, dans un premier temps sous la forme d’une expérimentation territorialisée.

Proposition  10 : Expérimenter de manière territorialisée le vote par anticipation.

b.   Le vote sur tout le territoire

La mission recommande par ailleurs d’envisager de donner à tout électeur la possibilité de voter dans la commune de son choix, à sa demande et pour un scrutin donné.

En effet, la mise en œuvre du répertoire électoral unique apporte une souplesse importante dans la gestion des listes. Cette souplesse permettrait à l’électeur de formuler une demande tendant à lui permettre de voter dans une autre commune dans les jours qui précèdent le scrutin.

La possibilité de voter dans une autre commune ne pourrait être ouverte qu’à l’occasion des élections organisées dans une circonscription électorale unique, c’est-à-dire aux élections présidentielle et européennes, ainsi qu’aux référendums.

En revanche, afin d’éviter tout risque de double vote, et sauf à ce qu’un émargement électronique soit mis en place, l’électeur qui a demandé à voter dans une autre commune ne pourrait plus voter dans celle dans laquelle il est régulièrement inscrit, pour le scrutin en question.

Lors de son audition par la mission d’information, M. Olivier Jacob relevait que si cette solution était « simple dans l’idée, […] cela l’est moins dans les faits, car nous sommes toujours rattachés à un bureau de vote. Dans les bureaux de vote, il faudrait réserver des urnes pour les personnes votant ainsi. Cela aurait des conséquences sur les analyses électorales, qui seraient plus compliquées à réaliser si les Français s’emparaient vraiment de l’outil ».

La mission considère toutefois que, compte tenu des avancées déjà réalisées grâce à la mise en œuvre du REU, cette mesure devrait pouvoir être mise en œuvre à moyen terme.

Proposition  11 : Permettre à tout électeur de voter dans la commune de son choix, à l’occasion des élections présidentielle et européennes, ainsi qu’aux référendums, en s’appuyant sur le répertoire électoral unique.

II.   Repenser la démocratie représentative

Lorsque l’abstention relève d’un choix politique, elle ne peut être réduite que par des transformations structurelles. Les modes de scrutin ne sont pas neutres et peuvent permettre de résoudre le hiatus entre les citoyens et leurs représentants.

A.   Faire évoluer les modalités de choix

Les élections ont pour objectif premier de départager des candidats. Elles sont aussi un baromètre de l’opinion publique, à travers l’adhésion à des partis, qui « concourent à l’expression du suffrage » ([99]). La qualité du choix opéré est un élément essentiel du bon fonctionnement démocratique.

1.   Permettre de ne pas choisir : le vote blanc ?

Le vote blanc est un non-choix : il ne permet la désignation d’aucun candidat, ce qui est pourtant la fonction de l’élection.

a.   Les liens distendus avec l’abstention

Les motifs invoqués par les défenseurs du vote blanc peuvent paraître similaires à ceux qui animent les abstentionnistes. Cependant, la raison première des personnes se déclarant prêtes à voter blanc est que les candidats ne leur conviennent pas (31 %, soit 5 points de plus que les abstentionnistes) ; le pourcentage de vote blanc ou nul aux élections départementales de 2015 décroît linéairement avec le nombre de binômes candidats, alors que l’abstention augmente selon un mouvement inverse ([100]). Ainsi, c’est le signe que l’offre politique est trop restreinte plutôt qu’un désintérêt pour cette offre ou pour le scrutin.

Pour Mme Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion, il existe une différence de motivation et de profil entre les gens qui votent blanc et ceux qui s’abstiennent. Ainsi, le vote blanc est plutôt le fait d’électeurs dotés d’un sens civique très aigu, qui n’imaginent pas ne pas voter : « À la différence de certains abstentionnistes dont le désintérêt pour la politique est né, au départ, d’un sentiment de déception, l’électeur qui vote blanc ne se détourne pas pour autant de la politique. Il considère son vote comme une expression, il attend de la politique des changements, et a parfois des revendications précises. » ([101])

Logiquement, les profils sociologiques des « votants blancs » et des abstentionnistes sont assez différents. Les travaux d’Alain Lancelot précédemment cités lient la propension au vote à la proximité avec la vie politique, c’est-à-dire au niveau de revenus et aux diplômes ([102]). Cette équation se vérifie dans le cas du vote blanc, qui est plus souvent intermittent que systématique ; il reflète le choix d’électeurs plutôt dotés d’un bon capital culturel, économique et social, qui participent au jeu électoral. Ainsi, abstention et vote blanc sont loin de se recouper intégralement.

b.   L’impossible reconnaissance

La comptabilisation du vote blanc comme un suffrage exprimé est une proposition revenant régulièrement dans le débat public, comme en témoignent les huit propositions de lois ordinaires et organiques déposées, en ce sens, par des députés de sensibilités politiques très diverses depuis janvier 2020 ([103]). Une écrasante majorité (95,9 %) des répondants à la consultation menée par l’Assemblée nationale s’y déclare favorable ([104]).

L’argument principal des tenants de cette proposition tient à l’égalité de tous les citoyens qui se déplacent pour exprimer un suffrage et doivent être intégrés au résultat de l’élection ([105]).

Depuis la loi du 21 février 2014 ([106]), les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal, et il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins : ils ne sont donc plus assimilés, comme c’était le cas auparavant, aux bulletins nuls. Les bulletins blancs ne sont toutefois pas pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés ([107]).

La mission considère que le choix du vote blanc, comme l’abstention, doit être respecté. Cependant, décompter les votes blancs dans les suffrages exprimés revient à les intégrer dans le calcul des majorités. Pour prendre l’exemple de l’élection présidentielle, rappelons l’article 7 de la Constitution qui prévoit que « le Président est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés », au premier ou, à défaut, au second tour. Ainsi, un candidat arrivé en tête au second tour mais ne remportant pas strictement plus que les voix de son adversaire ajoutées aux votes blancs ne pourrait pas être élu. Le risque d’une impasse est réel, obérant la confiance dans la capacité de notre démocratie à assurer la stabilité des institutions.

Le risque de paralysie ou de multiples tenues du scrutin s’accompagnerait d’une atteinte à la légitimité des élus. Or l’adhésion des électeurs au résultat de l’élection comme produit d’un exercice démocratique est indispensable à la confiance dans la décision publique.

Votre Rapporteur estime que le corollaire d’une comptabilisation de l’abstention est l’instauration du vote obligatoire. Or, cette mesure doit être écartée dans la mesure où la coercition est très mal perçue par les Français en matière électorale : 48 % des répondants à la consultation publique menée par l’Assemblée nationale s’y déclarent opposés ([108]). De plus, elle pose nécessairement la question de la sanction associée et ne répond pas au problème de fond posé par l’abstention, qui est le défaut d’adhésion des citoyens. Ainsi, ces évolutions conjointes ne lui apparaissent pas souhaitables.

2.   Mieux choisir

a.   Le jugement majoritaire

Dans le cadre de ses travaux, la mission s’est penchée sur des modes de scrutin alternatifs qui pourraient permettre aux électeurs d’exprimer plus finement leur opinion dans le cadre des élections. Cette démarche peut répondre à un mouvement d’individualisation des convictions ainsi qu’au déclin des logiques de partis.

Constatant que « l’électeur qui n’apprécie aucune candidature ne peut pas l’exprimer dans le cadre du scrutin, et se retrouve contraint au vote blanc (non comptabilisé) ou à l’abstention » ([109]), les partisans du jugement majoritaire proposent d’évaluer les candidats aux élections en leur attribuant une mention sur une échelle commune, allant par exemple de « excellent » à « à rejeter ». Les candidats se voient attribuer un « profil de mérite » indiquant la proportion de chacune des mentions recueillies. Leur « mention majoritaire » est la mention médiane qui leur a été attribuée, ce qui permet de les classer et d’obtenir le résultat de l’élection. Cette méthode, qui peut sembler complexe, est en réalité assez connue : elle est par exemple employée par les instituts de sondage qui demandent de donner un avis entre « très favorable » et « pas du tout favorable ».

Ce mode de scrutin présente l’avantage de mettre fin au vote utile ou par défaut : chaque électeur peut exprimer avec finesse sa position à l’égard de tous les candidats et pas seulement attribuer sa voix à l’un d’entre eux. Cette méthode a été testée lors de plusieurs élections présidentielles et bouleverse le classement sans changer la personne élue. En 2012, elle aurait aussi conduit à la victoire de M. François Hollande, mais M. François Bayrou aurait été deuxième à la place de M. Nicolas Sarkozy et Mme Marine Le Pen classée huitième plutôt que troisième ([110]).

Aucune disposition réglementaire ou législative ne fait obstacle à l’usage du scrutin à jugement majoritaire pour les budgets participatifs communaux ou régionaux, initiatives peu encadrées par la loi ([111]). Ainsi, la ville de Paris a tenu un scrutin au jugement majoritaire dans l’édition 2021 de son budget participatif ([112]).

En revanche, permettre l’utilisation du scrutin à jugement majoritaire par les collectivités locales pour des référendums locaux ou des consultations, il convient de modifier des textes de niveau législatif et réglementaire afin de permettre aux collectivités territoriales de choisir. Actuellement, l’article L. 1112-20 du code général des collectivités territoriales dispose que « les électeurs font connaître par oui ou par non s’ils approuvent le projet de délibération ou d’acte qui leur est présenté ». La mission estime qu’il est souhaitable de faire évoluer ces dispositions inutilement restrictives relatives aux modes de scrutin pour les demandes d’avis au niveau local.

Proposition  12 : Permettre l’utilisation du jugement majoritaire pour les consultations menées au niveau local.

b.   La lisibilité des modes de scrutin

La conjonction des élections départementales et régionales de juin 2021 a mis en évidence les raffinements des modes de scrutin, mais aussi leurs différences. Cette situation a désormais vocation à se reproduire, les mandats ayant la même durée de six ans, sauf à dissocier de nouveau volontairement ces élections.

Les élections départementales ont lieu au scrutin majoritaire binominal à deux tours. La circonscription électorale des conseillers départementaux est le canton. Les candidatures sont présentées sont la forme d’un binôme paritaire, ainsi que d’un binôme de suppléants. Si aucun binôme n’est élu au premier tour, seuls peuvent se présenter au second tour les binômes qui ont obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits, sans possibilité pour les binômes de fusionner. Si un seul ou aucun binôme n’obtient 12,5 %, les deux binômes ayant obtenu le plus de voix au premier tour peuvent se présenter. Au second tour, le binôme obtenant la majorité relative est élu. Avec l’augmentation de l’abstention, les hypothèses où plus de deux binômes sont au second tour se raréfient.

Les élections régionales se tiennent au scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire. Les listes sont régionales et présentent les candidats par section départementale. Elles doivent être paritaires par région et par département. L’attribution des sièges a lieu au premier tour si une liste obtient plus de 50 % des suffrages, ou au second tour, auquel peuvent se présenter les listes ayant recueilli au moins 10 % des suffrages. Les listes ayant recueilli au moins 5 % des voix peuvent fusionner avec une liste maintenue. 25 % des sièges sont attribués à la liste qui arrive en tête. Les sièges attribués à chaque liste sont ensuite répartis entre les sections départementales au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département.

La complexité des règles relatives à ces élections a contribué au manque de lisibilité des élections. Les citoyens peinent à comprendre pourquoi les conseillers départementaux et régionaux, qui siègent au sein d’assemblées exécutives locales, sont élus selon des modalités si différentes.

Proposition  13 : Réfléchir à un rapprochement des modes d’élection des conseillers départementaux et régionaux.

Votre Rapporteur préconise une mesure de simplification par l’alignement du mode de désignation des conseillers départementaux sur les conseillers généraux. Les citoyens pourraient beaucoup plus facilement s’approprier les règles de désignation de leurs représentants, ce qui est nécessaire au sentiment d’exprimer un choix en toute connaissance de cause. Par ailleurs, cette mesure permettrait de mettre fin au canton comme circonscription électorale. Cet échelon a déjà fait l’objet d’un redécoupage en 2014 ([113]) ; les Français n’y sont pas particulièrement attachés. Le scrutin des départementales évoluerait vers un scrutin de liste proportionnel paritaire avec prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête.

L’harmonisation des modes de scrutin ouvre la voie à une nouvelle réflexion sur la possibilité de rapprocher les figures du conseiller départemental et régional. La réforme portant création du conseiller territorial, initialement prévue par la loi du 16 décembre 2010 et supprimée par la nouvelle majorité parlementaire avant d’avoir pu être mise en pratique, présentait l’avantage d’une meilleure coordination des assemblées au sein duquel ce double conseiller aurait siégé. Du point de vue de l’électeur, l’identification des élus aurait également pu être facilitée par l’émergence d’une figure locale plus visible.

De manière plus structurelle, le vaste chantier de la simplification du mille-feuille administratif permettrait de rendre les compétences territoriales plus lisibles.

Enfin, le défaut d’identification des élus territoriaux contribue à la confusion des citoyens face à l’enchevêtrement des compétences. Une mesure simple et visuelle portant sur la période électorale consisterait à afficher systématiquement la photo du ou des candidats (pour les binômes) ou de la tête de liste sur les supports de propagande officiels. Cette obligation pourrait concerner les affiches disposées sur les panneaux d’affichage communal et les « professions de foi », qui sont transmises par le ministère de l’Intérieur ([114]).

Proposition n° 14 : Faire figurer obligatoirement la photo du candidat tête de liste ou du binôme de candidats sur les affiches et les professions de foi.

B.   Rapprocher les décisions et décisionnaires des citoyens

Les citoyens du XXIème siècle, et particulièrement les plus jeunes, souhaitent moins de verticalité dans le rapport aux décideurs publics. La démocratie représentative ne doit pas être synonyme de déconnexion.

1.   Les électeurs sont demandeurs d’un lien direct avec leurs représentants

Le souhait de plus de démocratie participative, qui a été au cœur des revendications des Gilets jaunes et a conduit le Président de la République à engager en janvier 2019 le Grand débat national, est largement partagé et bien connu. L’articulation de la démocratie participative et des initiatives de démocratie directe ne doit pas être redoutée : l’implication des citoyens dans la décision publique leur permet de mieux en cerner les contraintes et renforce leur confiance dans les institutions.

Cet enseignement ressort de l’expérience suisse des votations : lors de son audition par la mission d’information, M. Pascal Sciarini relevait ainsi qu’en Suisse, « la tradition du vote et l’adhésion au principe de démocratie directe sont telles que la remise en cause d’un vote est un phénomène très rare. Malgré les inévitables déceptions, le verdict est généralement bien accepté, la démocratie directe apportant une très grande légitimité aux décisions politiques. […] La démocratie directe représente donc […] un instrument très moderne qui permet l’adhésion de la population aux décisions prises par les autorités » ([115]).

Les élus paraissent éloignés aux citoyens. L’enquête menée par l’Assemblée nationale sur la perception des députés montre que seuls 50 % des Français connaissent leur député et 30 % sont déjà entrés en contact avec lui. 43 % des personnes interrogées souhaiteraient que les députés organisent plus régulièrement des réunions publiques dans leur circonscription ([116]).

Le droit d’interpellation est une nécessité pour assainir le rapport aux élus. Le droit de pétition local figure, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, à l’article 72-1 de la Constitution : « Les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence ». Au niveau national, le référendum d’initiative partagée ([117]) ou la saisine du Conseil économique, social et environnemental (CESE) relèvent également des facultés ouvertes aux citoyens de s’impliquer dans le choix des sujets traités par les institutions.

Malgré l’existence de ces facultés, les citoyens ont trop peu l’occasion de faire connaître leurs avis aux élus, ce que regrettait M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France, lors de son audition : « Cette consultation doit faire partie intégrante de l’action politique, en particulier dans les régions. […] Les bénéficiaires d’une politique publique devraient être face à celui qui la délivre et non face à des intermédiaires qui effacent la responsabilité politique » ([118]). Cependant, la demande légitime de plus de participation fait essaimer de nombreuses initiatives locales, comme les budgets participatifs, mis en place par un tiers des départements ([119]), qui permettent au contribuable d’orienter une partie du budget de la collectivité vers des projets de son choix.

La mission estime que ces initiatives sont positives, sans porter préjudice aux fonctions des représentants élus, qui conservent toute leur légitimité.

Proposition n° 15 : Développer les référendums d’initiative locale, les consultations citoyennes et les ateliers citoyens.

La faculté pour les citoyens de s’adresser directement aux élus pourrait prendre la forme d’une plateforme de la vie démocratique, qui serait établie et modérée par une autorité indépendante et permettrait d’interpeler directement tous les élus, du maire au député européen. L’objectif d’une telle initiative est de bâtir un dialogue constructif avec les électeurs, pour pallier les faiblesses du débat sur les réseaux sociaux. Les limites du nombre de signes sur Twitter, en durée sur Snapchat ou le manque de visibilité des élus, observé sur toutes les plateformes existantes, concourent à la nécessité d’un support spécifique pour des échanges de qualité.

Proposition  16 : Créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d’interpeller les élus, à tous les niveaux.

2.   L’ancrage local des parlementaires doit être renforcé

La question de l’ancrage local des parlementaires a été régulièrement relevée lors des auditions conduites par la mission.

Ainsi, au cours de la table-ronde organisée avec les associations d’élus locaux, M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville et président de l’association des maires de Seine-et-Marne, représentant l’Association des maires de France (AMF), relevait « la nécessité de l’exercice simultané de fonctions nationales et locales afin d’aider le Parlement à ne pas se trouver de facto déconnecté du terrain où s’appliqueront les lois. Il existe encore heureusement, dans le Parlement, des élus ayant été élus locaux et connaissant le terrain. Au fur et à mesure, le danger de fracture et d’évanouissement potentiel de la loi dans son application locale ainsi que de la crédibilité de l’action publique sera considérable ». Il encourageait, « non pas à revenir au cumul dans son aspect péjoratif, mais à travailler sur la nécessaire complémentarité dans l’exercice simultané de mandats nationaux et locaux » ([120]).

M. Jean-François Doridot, directeur général d’IPSOS, relevait de son côté que « certaines mesures a priori judicieuses, comme le non-cumul des mandats, peuvent avoir joué, quoiqu’à la marge, sur la participation, dans la mesure où les gens votent aussi pour une personnalité. Aujourd’hui, les candidats sont moins connus et cela incite moins les électeurs à se déplacer » ([121]).

M. Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, soulignait enfin qu’« à force de vouloir bien faire, avec l’idée de céder à une pression, à l’air du temps, de vouloir complaire à ce qui semble être la volonté des citoyens, vous avez ramené la fonction d’élus à trop peu de chose. Il faut réfléchir à la restauration du pouvoir des élus. Je pense qu’il faut revenir sur la loi anti-cumul. Vous ne pouvez pas désarmer à ce point les élus, puis devoir expliquer à vos électeurs que cela, ce n’est plus vous, et qu’il faut aller voir ailleurs – ailleurs où l’on dira, et ce sera la vérité, que c’est un peu ailleurs mais un peu chez vous aussi : les électeurs auront le sentiment de se trouver dans un labyrinthe de responsabilités ! Je ne trouve pas que, depuis la loi contre le cumul, on ait amélioré quoi que ce soit, et notamment pas la participation » ([122]).

La mission estime que l’ancrage local des parlementaires gagnerait effectivement à être renforcé. Plusieurs leviers peuvent pour cela être mobilisés.

Premièrement, la mission propose de permettre la participation des parlementaires, avec voix consultative, aux bureaux des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés sur leur circonscription, ainsi qu’aux conférences territoriales de l’action publique.

La présence des parlementaires dans ces instances garantirait qu’ils soient mieux associés aux enjeux concernant les collectivités de leurs circonscriptions et aux discussions relatives à la mise en œuvre des compétences des collectivités dans les territoires.

Le bureau de l’EPCI est composé du président, d’un ou plusieurs vice-présidents et, éventuellement, d’un ou plusieurs autres membres de l’organe délibérant. Le nombre de vice-présidents est librement déterminé par l’organe délibérant, et ne peut excéder 20 % de l’effectif de celui-ci et quinze vice-présidents, ou vingt dans les métropoles. Le bureau se réunit pour traiter les affaires courantes, programmer et préparer les commissions, et établir l’ordre du jour du conseil communautaire.

Instaurées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « MAPTAM », les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) sont chargées, dans chaque région, de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics ([123]). La CTAP peut ainsi débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités et leurs groupements. Elle peut être saisie de la coordination des relations transfrontalières avec les collectivités territoriales étrangères situées dans le voisinage de la région.

La composition des CTAP

La CTAP comprend le président du conseil régional, qui préside la CTAP, les présidents des conseils départementaux, les présidents des EPCI de plus de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de la région, un représentant élu des EPCI de moins de 30 000 habitants ayant leur siège dans chaque département, ainsi qu’un représentant élu pour chaque catégorie de communes (2) dans chaque département.

Par ailleurs, le préfet de région est informé des séances de la CTAP. Il y participe de droit lorsque la conférence donne son avis sur une demande d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI à fiscalité propre tendant à obtenir la délégation de l’exercice d’une compétence de l’État, et, à sa demande, peut participer aux autres séances.

(1)    Communes de moins de 3 500 habitants, entre 3 500 et 30 000 habitants, et de plus de 30 000 habitants.

Deuxièmement, la mission juge également essentiel de renforcer les outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l’application des lois ainsi que l’action du Gouvernement à l’échelle de leur circonscription ou de leur département d’élection.

Elle suggère ainsi d’étendre les pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place des parlementaires dans ces domaines. Cette question a déjà fait l’objet de réflexions au sein de notre Assemblée, et a notamment été traitée par la mission d’information sur la concrétisation des lois, créée par la Conférence des Présidents ([124]), qui jugeait qu’une telle extension était souhaitable.

Proposition  17 : Améliorer l’ancrage local des parlementaires :

– permettre la participation des parlementaires, avec voix consultative, dans les bureaux des conseils communautaires des EPCI situés sur leur territoire, ainsi que dans les conférences territoriales de l’action publique ;

– renforcer les outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l’application des lois ainsi que l’action du Gouvernement à l’échelle de leur circonscription.

La question du cumul du mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale fait l’objet de débats récurrents, en particulier au Parlement. Alors que la mission d’information conduisait ses travaux, l’Assemblée nationale a ainsi examiné, et rejeté, la proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, qui avait été adoptée par le Sénat quelques semaines plus tôt ([125]).

Votre Rapporteur estime pour sa part qu’un assouplissement des interdictions applicables au cumul des mandats des parlementaires doit être envisagé. Le mandat de parlementaire pourrait ainsi être exercé en même temps que celui de maire, ou qu’une fonction exécutive locale autre que la présidence d’une collectivité ou d’un groupement (adjoint au maire, vice-président d’EPCI ou de conseil départemental).

III.   Encourager la mobilisation éclairée des électeurs

Une bonne campagne est celle qui informe les électeurs, leur donne envie d’exprimer une opinion et leur permet de le faire en conscience. La puissance publique dispose d’outils pour encourager le pluralisme et la sincérité des scrutins, dimensions essentielles à la mobilisation des électeurs.

A.   Favoriser la qualité de la campagne

Les règles existantes en matière de campagnes électorales ont pour objectif de garantir l’égal accès des citoyens à l’information et l’équitable accès des candidats à la tribune.

1.   Revoir la place des sondages dans notre démocratie

a.   Le bon usage des sondages dans le cadre prévu par la loi

i.   L’influence des sondages sur la vie politique

Les sondages font partie de notre vie démocratique. L’attention et les commentaires qui les accompagnent sont plutôt considérés comme favorables à la participation électorale. Lors de son audition par la mission, M. Jules Nyssen rappelait qu’« en principe, les sondages créent le sentiment qu’une compétition se joue et attirent plutôt l’attention des électeurs » ([126]).

Cependant, il ne faut pas négliger deux corollaires de la multiplication des sondages.

Le premier est que les instituts de sondage, comme les médias qui leur commandent des enquêtes, opèrent un choix nécessairement subjectif dans les questions qu’ils posent. Les enquêtes qualitatives à réponses purement ouvertes étant rares car coûteuses, ils opèrent une forme de mise à l’agenda des sujets. Ce biais des sondages d’opinion est exploré dans une célèbre contribution de Pierre Bourdieu, qui affirmait en 1972 que « dans le simple fait de poser la même question à tout le monde se trouve impliquée l’hypothèse qu’il y a un consensus sur les problèmes, autrement dit qu’il y a un accord sur les questions qui méritent d’être posées » ([127]). Cette réflexion s’étend aux candidats « testés », qui bénéficient nécessairement, de ce fait, d’une publicité.

Le second est que les sondages ont une influence sur l’opinion publique : ce phénomène n’est pas nécessairement à combattre, mais il ne doit pas être ignoré. M. Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive, s’appuie sur l’exemple de 2007 : « Si l’on ne croit pas suffisamment à ce qui peut être fait par le responsable politique, on utilise le sondage pour savoir si l’on a intérêt à voter pour lui. Cela s’est vu par exemple au cours de la dernière élection présidentielle. Une partie de l’électorat a voté au premier tour en faveur d’Emmanuel Macron, considérant que c’était le plus petit dénominateur commun pour éviter un second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ou François Fillon. » ([128]) Un phénomène similaire a conduit au déport des voix, selon une évolution « quasi mécanique » des courbes, de M. Benoît Hamon vers le candidat de gauche le mieux placé dans les sondages, M. Jean‑Luc Mélenchon.

En tout état de cause, en donnant le sentiment que l’élection est déjà jouée, les sondages peuvent obérer l’une des principales motivations des électeurs à participer, qui est la perception de l’enjeu du scrutin (voir développements supra).

ii.   L’encadrement de leur usage

Du fait de leur importance, les sondages font l’objet d’un encadrement par le législateur depuis la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion, modifiée notamment par l’article 6 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections. La commission des sondages, composée de magistrats administratifs, financiers et judiciaires, ainsi que de personnalités qualifiées, est l’autorité chargée de veiller au respect de la réglementation sur la publication ou la diffusion des sondages.

La publication des sondages doit obligatoirement s’accompagner de certaines indications, comme le nombre de personnes interrogées, le texte intégral de toutes les questions posées, ou encore une mention précisant que tout sondage est affecté d’une marge d’erreur. La commission des sondages veille à ce que les mentions imposées par la loi accompagnent tout sondage. À défaut, la publication est irrégulière et peut donner lieu à publication d’une mise au point ou, plus rarement, à des sanctions pénales.

Exemple tiré d’une mise au point du 14 mars 2019 de la commission des sondages

« Après en avoir délibéré lors de sa séance du 14 mars 2019, la commission des sondages a décidé d’ordonner au journal La Provence, en application de l’article 9 de la loi du 19 juillet 1977, la publication de la mise au point suivante :

— « Dans son édition du 1er mars 2019, sous le titre "Avignon, les municipales sont lancées, Jean-Marc Roubaud donné favori" La Provence a publié les résultats d’un sondage relatif aux élections municipales de 2020 à Avignon présenté comme ayant été réalisé par l’institut IFOP. La commission des sondages s’est procuré la notice du sondage effectivement réalisé par cet institut. Il s’avère que les résultats publiés ne correspondent en rien à ceux établis par l’IFOP. Dans ces conditions, la commission fait savoir aux lecteurs qu’il convient de ne tenir aucun compte de cette publication qui porte sur une enquête dont l’existence n’est pas avérée et dont les résultats sont en tout état de cause dépourvus de toute fiabilité. » —

Il convient de préciser que les résultats publiés par la presse étant sans rapport avec le sondage confidentiel effectivement réalisé (candidats différents, étiquettes de ceux-ci différentes, nombre de tours, résultats divergents de 10 %), il n’appartient pas à la commission de rendre publics ni la notice ni les résultats de cette étude. »

La mission souhaite saluer le rôle de la commission des sondages qui participe de l’intérêt, de la qualité et de l’objectivité du débat public. Son existence et son travail pourraient faire l’objet d’une meilleure communication, dans la mesure où son activité de régulateur est essentiellement fondée sur son autorité morale.

Proposition  18 : Faire mieux connaître et diffuser les avis, mises au point et communiqués de la commission des sondages.

b.   La préservation de la sérénité du débat

Votre Rapporteur souhaite mettre en avant le manifeste rédigé par la rédaction du journal La Croix en septembre 2021, alors que la France entrait en période pré-électorale. Signé par des personnalités médiatiques et politiques, il comporte notamment la proposition suivante : « Accepter la complexité, dire les nuances, pour ne pas s’en tenir à des oppositions frontales. » ([129]) Lorsque l’approche des scrutins devient imminente, le commentaire des sondages prend une place très importante dans le débat public, qui ne permet pas d’aborder les questions de fond avec la nécessaire nuance qu’elles méritent.

La période de réserve vise précisément à garantir une respiration aux électeurs avant l’expression finale de leur choix. Conformément à l’article L. 49 du code électoral, le débat électoral est suspendu à la télévision et à la radio la veille et le jour du scrutin. Aucun sondage, résultat ou propos électoral ne peut être diffusé durant cette période de réserve. Par ailleurs, aucun résultat, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public par quelque moyen que ce soit avant la fermeture du dernier bureau de vote.

La mission propose d’étendre cette période de réserve, concernant la réalisation ou la publication de sondages, à une semaine avant chaque tour de scrutin pour l’élection présidentielle. Pour les élections dont les deux tours ne sont espacés que d’une semaine, cette extension ne pourrait concerner que la période précédant le premier tour.

Proposition  19 : Interdire la communication des sondages d’opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections, et une semaine avant le second tour pour l’élection présidentielle.

Les sondages portant sur le niveau de participation au vote, ainsi que les chiffres traditionnellement transmis par le ministère de l’Intérieur à 12 heures et 17 heures, sont très abondamment commentés lors des journées électorales. Il ressort des auditions menées que des chiffres peu élevés peuvent, dans certains cas, susciter la mobilisation des électeurs en cours de journée, sans que leur effet sur le niveau final de l’abstention ait jamais pu être établi ; la mission ne recommande donc pas leur interdiction.

2.   Moderniser les règles de communication politique

L’existence de règles relatives à la représentation des courants politiques est liée à la mise en œuvre du principe constitutionnel de pluralisme politique. La diversité des courants de pensée et d’opinions est indispensable à la mobilisation des citoyens.

a.   Le temps de parole

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est l’autorité indépendante chargée de garantir « l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent » ([130]). Il dispose d’un pouvoir de sanction comprenant la faculté de suspendre l’autorisation de diffusion ou d’infliger des sanctions pécuniaires. Il adopte une approche quantitative des temps de parole des représentants politiques. Ainsi, le CSA communique chaque mois aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’aux responsables des partis politiques représentés au Parlement, le relevé des temps de parole à la télévision et à la radio. Ce décompte concerne tous les services de radio et de télévision qui relèvent du CSA ([131]) sans distinction entre les émissions.

Le pouvoir exécutif a accès à l’antenne pour un tiers du temps total d’intervention. Il recouvre le Président de la République, ses collaborateurs et les membres du Gouvernement. Le reste du temps total est réparti entre les partis et mouvements qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale.

 

Les éditeurs de services de radio et de télévision veillent à assurer aux partis et groupements politiques un temps d’intervention équitable au regard de leur représentativité (résultats électoraux, nombre d’élus, groupe parlementaire, indications de sondages d’opinion). Le CSA, dans son rôle de contrôle, tient compte d’éventuelles exceptions liées à l’actualité et se place sur le temps long afin d’en lisser les effets.

Temps de parole en campagne : la particularité de l’élection présidentielle

Le cadre général applicable aux périodes électorales a été fixé par une délibération du CSA (1) et fait l’objet de précisions à chaque campagne électorale. Ces règles s’appliquent généralement pendant les six semaines précédant le scrutin.

Le respect de l’équité entre les listes ou entre les candidats est apprécié tout au long de la campagne. Cette notion se fonde sur la représentativité du candidat et sa capacité à manifester concrètement son implication dans la campagne, comme l’organisation de réunions publiques ou la participation à des débats.

L’élection présidentielle présente des règles particulières et, en raison de l’enjeu, plus strictes. Le déroulement de la campagne se déroule en trois temps :

– une première période dont la durée est déterminée par le CSA qui s’étend jusqu’à la veille de la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel, pendant laquelle le principe d’équité s’applique entre les candidats déclarés ou présumés ;

– une seconde période qui s’étend du jour de la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel jusqu’à la veille de l’ouverture de la campagne électorale proprement dite, pendant laquelle le principe d’équité s’applique dans des conditions de programmation comparables ;

– la campagne électorale qui s’ouvre le deuxième lundi précédant le premier tour de scrutin, pendant laquelle le principe d’égalité s’applique entre les candidats dans des conditions de programmation comparables.

(1)    Délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale.

La régulation du temps de parole par le CSA se heurte au fait que la communication politique passe désormais beaucoup par les réseaux sociaux, qui échappent à son contrôle. L’extension de sa surveillance à ces nouveaux canaux de communication est illusoire ; cependant, il est nécessaire de tenir compte de cette donnée pour faire évoluer les règles relatives à la campagne audiovisuelle officielle.

b.   La campagne audiovisuelle officielle

Dans le cadre des élections présidentielle, législatives et européennes, le CSA fait produire des émissions télévisées et radiodiffusées (« spots » de campagne) pour chaque candidat ou liste de candidats. Le contenu de cette campagne audiovisuelle, dont le coût est pris en charge par l’État afin de permettre à tous les partis d’y participer, est encadré. Il est notamment interdit d’y tourner en dérision d’autres candidats, d’apparaître dans des bâtiments publics ou encore de faire apparaître un emblème national ou européen.

Le CSA s’assure de la diffusion de ces courts modules sur les antennes du service public (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde) à des heures d’écoute significative, imposées après négociation. L’ordre de passage des spots est fixé par tirage au sort. Ainsi, les formations politiques de moindre notoriété ont la garantie d’un accès minimal à l’antenne. En cela, la campagne audiovisuelle officielle est un élément important de promotion des nouveaux courants idéologiques et, partant, du pluralisme.

La mission considère que l’utilité de ce format justifie de l’étendre à d’autres scrutins. Une première étape serait de réaliser ces spots pour les élections régionales, afin de mesurer leur audience et la mettre en regard du coût généré. Les élections départementales devraient également bénéficier de cette visibilité, mais le grand nombre de listes peut représenter un frein financier à cette mesure.

Proposition  20 : Élargir la réalisation de spots de campagne aux élections régionales.

Afin de maximiser leur diffusion, celle-ci devrait être étendue aux réseaux sociaux, qui collaborent d’ores et déjà avec les services gouvernementaux dans le cadre de la communication d’informations officielles ou de la lutte contre les fake news. À titre d’exemple, Google et Facebook effectuent déjà un travail de promotion des contenus vérifiés et d’origine institutionnelle.

Enfin, la campagne audiovisuelle officielle pourrait être diffusée par l’intermédiaire de l’application spécifique au vote dont la création a été précédemment proposée.

Proposition  21 : Prévoir la diffusion des clips de campagne sur les réseaux sociaux et les applications

B.   RÉenchanter la pratique dÉmocratique pour les jeunes gÉnÉrations

1.   Remettre l’éducation à la citoyenneté au cœur du parcours scolaire

Dans son étude annuelle de 2018, consacrée à la citoyenneté ([132]), le Conseil d’État relevait que « la citoyenneté, comme sentiment et volonté d’appartenance active à la collectivité, locale, nationale ou européenne, n’est pas innée. Elle ne peut résulter que d’un apprentissage, d’une éducation ».

La mission partage ce constat, et souligne l’importance de l’éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire pour sensibiliser les futurs citoyens.

 

 

En effet, notre pays a fait de l’école l’un des piliers de la République. La loi du 28 mars 1882 plaçait ainsi l’instruction morale et civique au premier rang des objectifs de l’enseignement primaire ([133]). Dans sa lettre aux instituteurs du 27 novembre 1883, Jules Ferry soulignait que cette loi affirmait la volonté de fonder l’éducation nationale « sur des notions du devoir et du droit que le législateur n’hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer » et invitait les instituteurs à faire l’éloge du dévouement et « à redoubler d’efforts pour préparer à notre pays une génération de bons citoyens » attentifs au respect de la loi, de la justice et de la vérité ([134]).

L’introduction de l’instruction civique dans l’enseignement secondaire est plus tardive. Au collège, elle apparaît en 1945, en complément de l’histoire-géographie, et devient une discipline à part entière à partir de 1985. Au lycée, l’enseignement est créé en 1998, sous la dénomination d’« éducation civique, juridique et sociale » (ECJS).

Actuellement, et depuis la loi du 23 avril 2005, l’article L. 111-1 du code de l’éducation prévoit que « la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République », et la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a intégré l’enseignement moral et civique dans le socle commun de connaissances et de compétences des élèves, du primaire au lycée.

Cet enseignement est censé permettre l’apprentissage pratique de la citoyenneté. Lors de son audition par la mission d’information, M. Didier Lacroix, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives, rappelait que « l’accent [était] porté sur la participation de nos élèves à la démocratie scolaire, comme propédeutique à cet engagement citoyen » ([135]).

Le « parcours citoyen » et l’enseignement moral et civique

Les parcours éducatifs sont inscrits dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 qui introduit également la notion de socle commun de connaissances, de compétences et de culture. En 2016, quatre parcours éducatifs (santé, citoyenneté, avenir, artistique et culturel) ont ainsi été mis en place.

Un parcours éducatif désigne un ensemble structuré, progressif et continu d’enseignements, non limité à une discipline, et de pratiques éducatives, scolaires et extrascolaires, centrés autour d’un thème.

Le parcours citoyen se déroule tout au long de la scolarité de l’élève, du cours préparatoire jusqu’à la fin du lycée. Deux enseignements spécifiques (enseignement moral et civique – EMC, éducation aux médias et à l’information – EMI) sont dispensés tout au long de la scolarité.

Par ailleurs, le parcours concerne tous les enseignements et s’appuie sur la transdisciplinarité : chaque enseignant doit introduire dans sa discipline des éléments d’EMC et d’EMI, et les projets pluridisciplinaires sont un vecteur privilégié.

L’enseignement moral et civique (EMC) remplace ainsi « l’instruction civique et morale » de l’école, « l’éducation civique » du collège, « l’éducation, civique, juridique et sociale » du lycée général, « l’éducation civique » du lycée technologique et du lycée professionnel. Ce nouvel enseignement s’applique à l’ensemble du secteur public d’enseignement et au secteur privé sous contrat.

L’article L. 312-15 du code de l’éducation prévoit ainsi que « l’enseignement moral et civique vise notamment à amener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi, y compris dans leur usage de l’internet et des services de communication au public en ligne. Cet enseignement comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République, à la connaissance et au respect des droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales œuvrant pour la protection de l’enfant ».

Source : Cour des comptes, La formation à la citoyenneté, Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, octobre 2021.

Les travaux de la mission ont fait émerger un consensus sur le caractère trop théorique de l’enseignement moral et civique tel qu’il est actuellement dispensé, ainsi que sur les vertus de la mise en situation pratique des élèves.

Lors de son audition par la mission d’information, Mme Céline Braconnier insistait « sur le rôle des instances de socialisation, et notamment de l’école, qui doivent pouvoir limiter en partie les inégalités de participation électorale ». Elle relevait que « la question de l’entraînement au vote et des instances d’entraînement au vote se pose de manière tout à fait cruciale, notamment au début de la carrière électorale. M. Dormagen a insisté avec raison sur le fait que le vote était une habitude. Nous devons parvenir à entraîner les jeunes, à accompagner les premières expériences électorales, notamment en repensant le rôle de l’école. En effet, il existe actuellement un décalage entre ce rôle consenti, théorique de l’école, et la nécessité que cet accompagnement soit plus pratique et tourné vers la réalité de la citoyenneté telle qu’elle est mise en œuvre à la majorité ». Lors de la même audition, Mme Anne Muxel relevait également l’importance de l’institution scolaire « en tant qu’espace public de l’éducation du citoyen », et soulignait que, « très certainement, des leviers sont à mobiliser dans l’apprentissage du rapport au vote » ([136]).

Mme Soraya Touimi Benjelloun, bénévole de l’association Servir, indiquait par ailleurs qu’« en matière d’éducation, le programme d’éducation civique est souvent la cinquième roue du carrosse. J’en ai uniquement retenu les dates de mandats des présidents de la Vème République. Il ne s’agit pas d’un accès à la citoyenneté. J’ai regardé les programmes actuels. Au collège, cet enseignement porte sur le respect des autres, en seconde sont abordées les libertés, tandis qu’en première le cours porte sur la recomposition du lien social. Il s’agit certes de sujets majeurs, mais le vote et l’éducation à la citoyenneté n’apparaissent nulle part » ([137]).

Ces constats rejoignent ceux formulés dans le récent rapport de la Commission supérieure du numérique et des postes. Celle-ci relevait que « l’accompagnement dans le processus électoral reste trop dépendant de l’enseignement dispensé par la cellule familiale générant ainsi de très fortes inégalités alors même que le vote est un phénomène collectif ». Il soulignait par ailleurs la dimension très théorique des enseignements civiques, dénués d’ « implications concrètes sur la pratique citoyenne ». Il suggérait un « apprentissage concret de la pratique du vote dans les programmes scolaires [qui] pourrait générer une habitude que les élèves conserveront tout au long de leur vie de citoyens » ([138]).

Par ailleurs, dans le récent rapport d’évaluation qu’elle a consacré à la formation à la citoyenneté, la Cour des comptes relevait que si l’école restait le creuset de la formation à la citoyenneté, cette « initiation essentielle » manquait de force ([139]).

La Cour soulignait en particulier l’existence de « nombreux freins », de nature à « brider » l’apprentissage de cet enseignement.

Certains seraient liés à l’organisation scolaire. La Cour relevait ainsi le faible poids de l’EMC dans les emplois du temps (une heure hebdomadaire à l’école élémentaire, et une demi-heure au collège et au lycée), ainsi que la contrainte des programmes, qui tendent à faire de cette discipline une « variable d’ajustement ». L’enseignement est rarement pensé de manière pluridisciplinaire.

S’agissant de l’éducation aux médias et à l’information (EMI), ni les horaires devant y être consacrés, ni le programme ne sont définis.

Enfin, le dispositif d’évaluation du parcours citoyen reste très incomplet, ce qui n’incite pas les élèves à s’y investir.

D’autres freins proviendraient de l’insuffisante formation initiale et continue des enseignants sur ces sujets et de l’organisation inadaptée des échelons académiques et départementaux pour les soutenir.

La Cour relève que, dans les faits, la place de l’EMC est trop souvent secondaire, ce qui a des conséquences sur le niveau de connaissances et de compétences des élèves : la proportion d’élèves en difficulté sur le parcours citoyen est « supérieure à ce que l’on observe sur l’ensemble des disciplines », et ce constat est d’autant plus préoccupant que ce sont les élèves issus de milieux défavorisés qui s’approprient le moins bien cet enseignement ([140]).

De plus, le dispositif permettant l’apprentissage pratique de la citoyenneté était « étoffé », mais « insuffisamment valorisé ». Les élèves ont ainsi la possibilité d’élire leurs représentants, au sein de la classe, ainsi qu’à l’échelle de l’établissement. L’élection de délégués dans le primaire n’est pas obligatoire ; elle est prévue depuis 1969 dans le second degré. Le dispositif s’est par la suite enrichi : les élèves peuvent désigner leurs représentants aux conseils de la vie lycéenne (CVL) et collégienne (CVC), créés respectivement en 2000 et 2016. Les lycéens envoient par ailleurs leurs représentants au niveau académique (il s’agit du conseil académique de la vie lycéenne, ou CAVL), et au niveau national (le conseil national de la vie lycéenne, ou CNVL).

La mission considère que l’éducation à la citoyenneté doit occuper une place centrale dans le parcours scolaire. Elle suggère pour cela, d’une part, de renforcer le contenu des enseignements théoriques et leur évaluation, et d’autre part, de mieux reconnaître l’engagement en tant que délégué de classe et au sein des conseils de la vie lycéenne et collégienne, notamment dans le dossier scolaire et lors des examens.

Proposition  22 : Renforcer l’éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire :

– développer la place du parcours citoyen dans la scolarité des élèves, en augmentant le nombre d’heures y étant consacrées, et en prévoyant l’évaluation des connaissances acquises ;

– mieux reconnaître l’engagement en tant que délégué de classe et au sein des conseils de la vie lycéenne et collégienne, notamment dans le dossier scolaire et lors des examens.

 

La mission constate par ailleurs que certains dispositifs, tels que les conseils municipaux des enfants, ou les conseils des jeunes, permettent de faire découvrir aux jeunes générations le fonctionnement de la démocratie représentative, en les associant concrètement à la préparation de délibérations d’instances élues.

Ces dispositifs ne sont pas nouveaux – le premier conseil municipal des jeunes a été créé en 1978, dans le département de l’Essonne –, mais ils se sont développés au cours du temps. Une enquête récente conduite par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a ainsi permis de recenser 1 454 conseils de jeunes au niveau communal ([141]), tandis que selon l’Assemblée des départements de France, un département sur trois aurait mis en place un conseil de jeunes ([142]).

La loi du 27 janvier 2017, dite « Égalité et citoyenneté », a généralisé la possibilité de créer des conseils de jeunes dans l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements ([143]). Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale peut ainsi créer un conseil de jeunes pour « émettre un avis sur les décisions relevant notamment de la politique de jeunesse ». Cette instance peut par ailleurs « formuler des propositions d’actions ». Le conseil est paritaire, et composé de jeunes de moins de trente ans, domiciliés sur le territoire de la collectivité ou de l’établissement, ou qui suivent un enseignement annuel de niveau secondaire ou post-baccalauréat dans un établissement d’enseignement situé sur ce même territoire. L’organisation est souple, car ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale.

Ce dispositif répondait à la volonté « d’inciter les jeunes à s’impliquer et à construire une future élite au meilleur sens du terme » et de « favoriser l’expression de la jeunesse dans notre société » ; il recherchait la « participation active des jeunes aux décisions locales […] dans une démarche de coconstruction des politiques publiques » ([144]). S’il ne crée pas d’obligation, l’article constitue une incitation à ce que les collectivités territoriales, et en particulier les EPCI, se dotent de conseils de jeunes.

Dans l’étude précitée consacrée à la citoyenneté, le Conseil d’État regrettait toutefois que « ces expériences ne se développent que de façon ponctuelle et qu’elles concernent un trop petit nombre de jeunes ». Il suggérait de « faciliter l’organisation des formules pédagogiques permettant aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire de découvrir le fonctionnement et les ressorts des assemblées locales délibérantes » ([145]).

La mission rappelle que les assemblées parlementaires participent également à la formation des enfants à la citoyenneté.

Organisé conjointement par l’Assemblée nationale et le ministère chargé de l’éducation nationale depuis 1994, le Parlement des enfants permet à des élèves de CM2 de participer à un exercice démocratique original et d’une grande valeur pédagogique, en travaillant avec leur enseignant à l’élaboration d’une proposition de loi sur un thème de société. L’opération est également ouverte aux classes ou groupes d’élèves d’établissements spécialisés dès lors que la majorité des enfants y participant sont en CM2.

Cette action s’inscrit dans le parcours citoyen de l’élève, visant à la construction d’un jugement moral et civique et à l’acquisition d’un esprit critique et d’une culture de l’engagement. Deux classes de CM2 par circonscription sont invitées à élaborer une proposition de loi sur un thème défini.

La participation au dispositif est importante : 717 classes y ont ainsi pris part en 2021, après 795 en 2020 et 858 en 2019.

Depuis 2015, un thème unique est proposé ([146]). Au cours des trois dernières années, les élèves ont ainsi été invités à travailler sur le bon usage du numérique (en 2019), sur l’égalité entre les femmes et les hommes (en 2020), et sur l’alimentation durable et équilibrée (en 2021).

Depuis la création du dispositif, quatre propositions de loi issues du Parlement des enfants sont devenues des lois de la République ([147]).

Le format de l’opération

Jusqu’en 2013, 577 délégués juniors étaient accueillis à l’Assemblée nationale, chaque délégué junior représentant une circonscription.

Entre 2014 et 2018, une classe était invitée à passer une journée à l’Assemblée nationale pour une visite de l’institution, un échange avec la commission compétente sur sa proposition de loi, une rencontre avec le Président de l’Assemblée nationale et la remise de prix.

Depuis 2019, deux classes de CM2 par circonscription législative peuvent désormais participer et quatre classes finalistes sont accueillies à l’Assemblée.

Source : direction de la Communication et de la valorisation patrimoniale.

Le Parlement des enfants constitue ainsi une démarche exemplaire dans son principe, un moment fort de citoyenneté active, exercice grandeur nature de démocratie parlementaire.

La mission considère que ce dispositif a fait ses preuves, et constitue une excellente manière d’éduquer les jeunes générations et de les associer à la vie démocratique.

Elle propose de créer un « Parlement des collégiens et des lycéens », qui fonctionnerait selon les mêmes règles.

Proposition  23 : Développer les partenariats avec les acteurs locaux et nationaux :

– encourager le développement des conseils de jeunes dans les collectivités territoriales et les EPCI ;

– envisager la création d’un « Parlement des collégiens et des lycéens », sur le modèle du « Parlement des enfants ».

La mission rappelle par ailleurs que le processus d’acquisition des connaissances citoyennes ne peut reposer que sur les institutions publiques. La famille tient également un rôle dans l’éducation démocratique et la socialisation des enfants, qui ne peut être négligé.

D’autres acteurs peuvent également être mobilisés par la puissance publique pour agir en faveur de la citoyenneté.

Ainsi, le secteur des associations d’éducation populaire constitue un relais important. Il représente en effet plus de 70 fédérations nationales et 430 000 associations, qui emploient environ 680 000 personnes et associent près de 6 millions de bénévoles ([148]).

Comme le rappelle la Cour des comptes dans le rapport précité, l’éducation populaire est en France un « acteur incontournable de l’engagement citoyen » : « son émergence durant la deuxième moitié du XIXème siècle est liée à la promotion de la République. L’éducation est alors placée au centre d’un programme d’émancipation du peuple visant à le rendre apte à l’usage de ses droits politiques : le citoyen doit être éduqué contre les anciens préjugés, les croyances religieuses surannées, les superstitions, les localismes, les intérêts particuliers. » ([149])

La table ronde organisée par la mission d’information témoigne du vif intérêt que présentent les associations d’éducation populaire pour renforcer la participation électorale auprès des jeunes générations ([150]). Comme le relevait Mme Manon Schricke, secrétaire générale nationale de l’association Jeunesse ouvrière chrétienne : « voter est un premier pas qui procure de la fierté et un sentiment d’appartenance à la société ». Afin que les jeunes s’engagent tout au long de l’année, l’association a mis en place des formations, et créé un outil nommé « Impose ta voix » : il s’agit d’un jeu de cartes qui permet de découvrir le rôle des élus au sein de la société.

La mission recommande de mobiliser plus fortement ces associations, par exemple en créant une dotation budgétaire spécifique pour le financement d’actions destinées à encourager la participation électorale.

Proposition  24 : Mobiliser les mouvements d’éducation populaire pour former à la citoyenneté.

2.   Favoriser l’attachement à l’acte de vote

De nombreuses personnes auditionnées ont relevé que le vote constituait une pratique sociale symbolique. M. Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université Paris Descartes, soulignait ainsi que « lorsque nous nous rendons un dimanche dans un bureau de vote, quelque chose relie les citoyens entre eux, un lien important et essentiel au centre d’une sorte de rituel républicain » ([151]).

La mission considère qu’il est primordial de développer l’attachement des citoyens à l’acte de voter.

Pour cela, il conviendrait de renforcer la dimension symbolique de la carte électorale.

L’article R. 22 du code électoral dispose en effet qu’une carte électorale valable pour toutes les consultations politiques au suffrage direct est délivrée à tout électeur inscrit sur la liste électorale ([152]).

Apparue sous la Révolution, la carte électorale a été généralisée aux élections municipales avec la loi du 5 avril 1884 ([153]), tandis que la loi du 23 mars 1932 en a encadré le contenu. Conçue initialement comme un « instrument permettant la convocation de l’électeur » ([154]), la carte électorale s’inscrit par la suite dans le processus de création des papiers d’identité.

Accessoire en droit, elle constitue un outil « au service de l’identité électorale et de l’intégration sociale » ([155]), et remplit ainsi une triple fonction :

– une fonction pratique : elle permet à l’électeur d’identifier le bureau de vote dans lequel il est inscrit, et facilite l’identification de l’électeur dans la liste d’émargement ;

– une fonction administrative, dans la mesure où elle permet la mise à jour des listes électorales ([156]). Elle constitue également un outil d’identification : elle n’est pas nécessaire pour voter, mais dispense de présenter une pièce d’identité dans les communes de moins de 1 000 habitants ([157]) ;

– une fonction symbolique : elle comporte la mention « Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique », en référence à l’obligation morale du vote. 

Les informations présentes sur la carte électorale

L’article R. 23 du code électoral précise que la carte doit obligatoirement comporter :

– les nom, prénoms, domicile ou résidence et date de naissance de l’électeur ;

– l’identifiant national d’électeur (INE) qui, depuis la mise en œuvre du numéro national unique, permet d’associer à chaque électeur un numéro permanent ;

– l’indication du lieu du bureau de vote où doit se présenter l’électeur.

La conception graphique de la carte (format, couleur…) est coutumière.

Le code électoral précise que les cartes électorales sont distribuées aux électeurs par les soins du maire. La fréquence de leur remise varie selon que l’on se trouve ou non dans une année électorale, mais la distribution des cartes électorales doit, en tout état de cause, être achevée trois jours avant le scrutin ([158]).

Historiquement, une nouvelle carte électorale était envoyée à l’ensemble des électeurs, qu’ils soient anciennement ou nouvellement inscrits sur la liste électorale, tous les trois à cinq ans en moyenne (et en pratique, lors de chaque année d’élection présidentielle ou législative). Cette périodicité était liée à la nécessité pour les communes de procéder à la « refonte » des listes électorales ([159]). De tels renouvellements sont ainsi intervenus en 2007, 2012, 2017, ainsi qu’en 2018/2019, du fait de la mise en place du répertoire électoral unique (REU) au 1er janvier 2019, et dans la perspective des élections européennes. 54 millions de cartes ont été remises lors de la dernière refonte.

Par ailleurs, lors de chaque année électorale, le maire adresse une carte électorale à tout nouvel inscrit dans la commune, ainsi qu’aux électeurs dont le numéro ou dont l’adresse du bureau de vote a changé. En moyenne, 7 millions de cartes sont ainsi délivrées chaque année.

La carte est valable jusqu’à son remplacement par la suivante.

Si la mise en place du répertoire électoral unique a réduit l’intérêt des opérations de refonte, le répertoire étant mis à jour en continu, la périodicité devrait être maintenue : un envoi de cartes d’électeurs à l’ensemble des inscrits est ainsi prévu au début de l’année 2022.

Le coût associé au renouvellement des cartes électorales représente un enjeu budgétaire limité. Ce coût est partagé entre l’État ([160]) et les communes : l’État prend en charge la fourniture des formulaires cartonnés vierges aux communes, qui assument l’impression et l’envoi postal. Le coût total moyen estimé varie selon qu’une refonte des listes électorales doive intervenir ou non : en année de refonte, il est évalué à environ 7 millions d’euros, contre 1 million d’euros les autres années ([161]).

La distribution des cartes électorales est principalement opérée par courrier. Toutefois, depuis 2007, les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune qui ont atteint l’âge de dix-huit ans peuvent se voir remettre leur première carte électorale lors d’une cérémonie de citoyenneté organisée par le maire, à laquelle sont également invités le préfet et le président du tribunal judiciaire ([162]).

Au cours de cette cérémonie sont par ailleurs évoqués les principes fondamentaux de la République, de la démocratie et de notre système politique. Les jeunes majeurs sont également sensibilisés aux droits et devoirs du citoyen ([163]).

Depuis le 1er janvier 2020, cette cérémonie peut être organisée à tout moment, et non plus seulement au cours des trois premiers mois de l’année.

Malgré la dimension symbolique très forte que présentent de telles cérémonies, celles-ci paraissent peu organisées en pratique, et la très grande majorité des jeunes citoyens reçoivent leur carte électorale par courrier ([164]).

La mission considère que l’atteinte de la majorité civile, et l’entrée dans la vie civique, constituent un moment charnière qu’il convient d’accompagner et de célébrer.

Interrogée sur ce sujet lors de son audition par la mission d’information, la ministre déléguée à la Citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, indiquait : « nous étudions très sérieusement la possibilité de convoquer les jeunes de dix-huit ans à une cérémonie citoyenne de réception de leur carte électorale afin de solenniser leur entrée dans la vie civique. Nous examinons son éventuelle organisation avec les mairies ou les préfectures » ([165]).

La mission se félicite de ces bonnes intentions, et recommande de systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté.

Proposition  25 : Systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté.

La mission recommande par ailleurs de conserver le format actuel de la carte électorale.

Des pistes d’évolution de la carte électorale ont en effet été envisagées à l’occasion de récents rapports ([166]), et notamment sa dématérialisation et son remplacement par un document pérenne. Ces réflexions sont intéressantes mais ne paraissent pas devoir être retenues.

La création d’une carte électorale dématérialisée lui ferait perdre son caractère symbolique, et serait par ailleurs redondante avec la possibilité désormais ouverte de télécharger une attestation d’inscription sur les listes électorales via la plateforme « interroger sa situation électorale ».

Le remplacement de la carte électorale cartonnée par un document pérenne permettrait de limiter les opérations de production et d’acheminement de la carte, tout en maintenant une dimension symbolique forte. Ce nouveau document indiquerait le numéro INE de l’électeur, et contribuerait ainsi à sa diffusion. Toutefois, il ne permettrait plus d’indiquer le bureau de vote, et ne pourrait donc plus servir à prouver l’inscription de l’électeur sur les listes électorales de sa commune.

Le rapport de juin 2020 portant sur le bilan du répertoire électoral unique relevait qu’à terme, le développement d’une identité numérique pourrait conduire à une évolution de la carte électorale, voire à son remplacement par la carte nationale d’identité électronique, dont la généralisation est envisagée à l’horizon 2026/2030 ([167]). Cette échéance reste encore lointaine.

La mission considère toutefois que des éléments complémentaires pourraient figurer sur la carte électorale, afin d’en renforcer l’utilité. Les services du ministère de l’Intérieur ont ainsi indiqué à la mission que les cartes électorales qui seront éditées en 2022 feront figurer l’identifiant national d’électeur de manière plus lisible. Elles devraient par ailleurs comporter un QR Code renvoyant à une page du site internet du ministère présentant des informations sur les procédures électorales. La mission se félicite de cette initiative, qui permettra d’améliorer l’information des électeurs sur les modalités pratiques du scrutin et la procédure électorale (modalités d’établissement des procurations, par exemple).

Proposition n° 26 : Conserver le format actuel de la carte électorale, et enrichir les informations y figurant pour permettre d’accéder facilement à des informations sur les modalités pratiques du scrutin et la procédure électorale.

La tenue d’un bureau vote constitue une expérience forte, au cours de laquelle le citoyen participe à la vie démocratique, et contribue à la bonne réalisation des opérations de scrutin.

Comme le rappelle M. Yves Deloye, professeur des universités à Sciences Po Bordeaux, « l’acte électoral comme expérience rituelle, activité sociale et politique, est le territoire autant que le répertoire du processus désormais ancien d’intégration civique. Parce qu’elle nécessite la reproduction d’une séquence d’activités routinisées à laquelle l’électeur s’est progressivement mais inégalement familiarisé, l’activité électorale n’existe ainsi qu’actualisée dans les pratiques et les actes ». ([168])

La mission considère qu’une telle expérience doit être valorisée et encouragée.

Elle propose ainsi que les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales, et en particulier les jeunes majeurs, soient invités à tenir un bureau de vote au cours du premier scrutin qui suit leur inscription.

La composition des bureaux de vote

Le code électoral encadre les modalités de composition des bureaux de vote.

Chaque bureau de vote est composé d’un président, d’au moins deux assesseurs et d’un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune. Deux membres du bureau au moins doivent être présents pendant tout le cours des opérations électorales (1).

Les assesseurs de chaque bureau sont chargés de faire signer les électrices et les électeurs sur les feuilles d’émargement et de tamponner les cartes électorales. Ils ne sont pas rémunérés, et sont désignés de la manière suivante :

– chaque candidat, binôme ou liste en présence, a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ;

– des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune ;

– enfin, si, pour une cause quelconque, le jour du scrutin, le nombre des assesseurs se trouve être inférieur à deux, les assesseurs manquants sont pris parmi les électeurs présents sachant lire et écrire le français, selon l’ordre de priorité suivant : l’électeur le plus jeune, puis l’électeur le plus âgé.

(1)    Article R. 42 du code électoral.

Cette mesure permettrait d’augmenter fortement le nombre d’assesseurs potentiels, facilitant ainsi l’organisation matérielle du scrutin, tout en incitant fortement les nouveaux inscrits à voter, puisqu’ils seraient conduits à se déplacer au bureau de vote.

Les municipalités connaissent en effet des difficultés de plus en plus importantes à trouver un nombre suffisant d’assesseurs pour tenir les bureaux de vote. Ce problème s’est posé de manière particulièrement forte au cours des dernières élections départementales et régionales, puisque l’organisation simultanée de deux scrutins a nécessité la mobilisation de deux fois plus d’assesseurs, les bureaux de vote n’ayant pas été mutualisés ([169]).

Elle permettrait surtout de favoriser l’attachement au vote, et ce dès l’entrée dans la vie citoyenne.

Proposition  27 : Inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote, une demi-journée, au cours du premier scrutin organisé après leur inscription.


La mission considère également que, lorsque, dans certaines communes, le nombre d’électeurs nouvellement inscrits serait trop faible pour tenir les bureaux de vote, les citoyens assesseurs devraient pouvoir être tirés au sort, à l’image de ce qui est fait pour les jurys d’assise.

Le tirage au sort des assesseurs aux élections politiques constituerait un symbole fort.

Proposition  28 : Tirer au sort les citoyens assesseurs qui pourront être requis pour tenir les bureaux de vote.

 


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   examen du rapport

Au cours de sa réunion du 8 décembre 2021, la mission d’information procède à l’examen du rapport.

M. le président Xavier Breton. Notre mission d’information a été créée par la conférence des présidents sur proposition du président de notre assemblée, Richard Ferrand, le 29 juin dernier, deux jours après le second tour des élections régionales et départementales, auquel seul un Français sur trois avait pris part. Elle est composée de vingt-six membres représentant l’ensemble des sensibilités de notre assemblée.

Nous avons tenu notre réunion constitutive le 20 juillet, commencé nos auditions le 1er septembre et les avons achevées le 1er décembre. Nous avons mené vingt-cinq auditions ou tables rondes qui ont été diffusées en direct sur le site de l’Assemblée et dont les comptes rendus y ont été mis en ligne. Nous avons ainsi pu entendre l’avis de plus de soixante-dix personnes ; nous remercions toutes celles qui ont pris part à nos travaux.

Notre mission a également bénéficié de ceux réalisés sur le sujet, à l’initiative du président Ferrand, par la fondation Jean-Jaurès et par la Fondation pour l’innovation politique.

Nous avons aussi organisé une consultation citoyenne sur le site de l’Assemblée, comme annoncé dès le lancement de notre mission. Sans revenir sur son contenu et ses enseignements, je salue son beau succès : 173 000 personnes y ont participé.

Je note aussi, au terme de nos travaux, l’assiduité des membres de notre mission, qui n’est pas toujours de règle dans les missions d’information, où l’on se retrouve parfois à deux, président et rapporteur, face aux personnes auditionnées. Il ne s’agit pas de ma part de distribuer des bons points, simplement de relever que notre mission sur la participation s’est elle-même caractérisée par une bonne participation !

Demain matin, le rapporteur et moi-même remettrons le rapport au président Ferrand. Je vous demande donc d’en garder le contenu pour vous jusqu’à ce moment – même si certains quotidiens en parleront peut-être… sans toutefois en révéler la totalité. Nous tiendrons demain à dix heures quarante-cinq un point presse auquel vous êtes tous les bienvenus.

La présente réunion n’est ni ouverte à la presse ni retransmise en direct, mais elle fera l’objet d’un compte rendu qui sera publié dans le rapport. Cela permettra à chacun de faire connaître sa position ; il n’y aura pas de contributions écrites insérées dans le rapport. À l’issue de nos échanges, nous voterons ; notre mission d’information émanant de la conférence des présidents, elle échappe à l’exercice habituel consistant à faire voter le rapport par la mission, puis l’autorisation de sa publication par la commission qui l’a commandé : nous ferons d’une pierre deux coups et notre vote sur le rapport en permettra également la publication.

M. Pierre Cordier. Notre collègue Balanant nous apprend que Le Monde du jour présente déjà des éléments du rapport. J’ai souvenir d’une situation comparable en commission des Lois, ce qui avait agacé sa présidente. J’en suis très étonné et chagriné, et je souhaite que le compte rendu en atteste.

M. le président Xavier Breton. Ce sera noté. La diffusion de l’information est irrépressible ; on peut s’en agacer, mais c’est désormais la règle du jeu : on parle la veille des rapports présentés le lendemain !

M. Pierre Cordier. Il faut tout de même le relever ; sinon, l’exception devient la règle.

M. le président Xavier Breton. Bien sûr, et nous regrettons tous, je crois, ces pratiques ; mais c’est ainsi, et ce qui compte, c’est que nous restions bien concentrés sur notre travail, qui, lui, portera durablement ses fruits, espérons-le.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous remercie toutes et tous de votre participation pendant ces trois mois de travail.

J’ai été surpris de recevoir par email la dépêche parue dans Le Monde ce matin. Nous avions été très sollicités pour envoyer des exemplaires du rapport, mais nous avons tenu bon ; d’ailleurs, une chaîne de télévision a appelé mon assistante pour se plaindre de voir repris dans Le Monde des éléments qu’elle nous avait demandés en vain. Il est vrai qu’il est difficile de garder un secret que connaissent plus de deux personnes…

Quoi qu’il en soit, j’ai le plaisir de vous présenter le fruit de nos travaux, qui ont été à la fois éclairants et exigeants. Nous avons couvert de nombreux aspects du sujet et abordé avec un esprit très ouvert les différentes évolutions du droit positif qui pourraient avoir un effet d’entraînement sur la participation électorale.

Nous formulons quatre principaux constats.

Premièrement, l’abstention augmente tendanciellement depuis les années 1980. En 2017, 41 % des électeurs n’ont participé à aucun tour des élections législatives. En juin dernier, près des deux tiers des inscrits ne se sont pas déplacés pour élire leurs représentants au sein des conseils départementaux et régionaux.

En s’abstenant de voter, ces citoyens renoncent à leur faculté de participer à la vie publique. Cette situation est regrettable pour les individus, pour la collectivité et pour les représentants politiques. Il faut donner aux citoyens les moyens et l’envie de revenir aux urnes – voilà qui fait l’unanimité des courants politiques et des analystes que nous avons entendus.

Les électeurs votent de moins en moins. Chez certains d’entre ceux, les « électeurs intermittents », cela reflète une stratégie électorale : ces électeurs décident de prendre part au vote en fonction des enjeux et de l’importance que ceux-ci revêtent à leurs yeux. Le professeur Pascal Perrineau évoquait ainsi l’apparition d’une « citoyenneté contractuelle et épisodique » qui remplace l’ancien rapport solennel au vote, empreint d’un sentiment de devoir. Ce vote intermittent est devenu, d’une certaine manière, la nouvelle norme, comme le rappelait la sociologue Anne Muxel.

D’autres abstentionnistes, en revanche, sont en rupture plus nette avec les urnes. Il s’agit des abstentionnistes « systématiques », qui ne se déplacent jamais pour voter, pour quelque motif que ce soit. Cette attitude traduit soit un déficit structurel d’accès au vote, soit un rejet du principe même de l’élection.

Deuxième constat : la progression généralisée de l’abstention masque des différences importantes au sein du corps électoral.

La participation électorale s’explique en effet, en grande partie, par les variables lourdes de la sociologie électorale : de manière générale, la participation électorale croît avec l’âge et le niveau de diplôme.

D’autres effets, plus structurels, sont également à l’œuvre : le renouvellement générationnel fait évoluer les modalités de participation citoyenne, et l’obligation morale que constitue l’acte de voter tend à s’étioler, cohorte après cohorte.

Le dynamisme de l’abstention a pour effet d’aggraver ce que les chercheurs appellent les « inégalités de participation électorale » : de manière générale, les gens votent de moins en moins, mais certaines catégories de population votent encore moins que d’autres. Les chercheurs que nous avons auditionnés le relevaient avec justesse : pour la plupart des scrutins, sauf la présidentielle, une forte abstention signifie que des catégories entières restent à l’écart des urnes. Par exemple, le vote des baby-boomers pèse de plus en plus dans les urnes – 1,4 fois leur poids dans la population – alors que la proportion des votes des personnes de moins de 35 ans représente la moitié de leur poids dans la population. L’abstention affaiblit ainsi la représentativité des personnes élues, donc leur légitimité.

Troisième constat : les causes de l’abstention sont multiples. L’abstention constitue, le plus souvent, un choix et un mode d’expression politique ; elle peut également être subie, car les modalités d’inscription sur les listes électorales peuvent éloigner durablement le citoyen de l’urne.

Le tableau ne serait pas complet si je n’évoquais pas les deux termes qui ont été martelés au cours de ces auditions : « défiance » et « indifférence ».

L’abstention peut s’expliquer par un manque de confiance, voire par une forme de défiance envers les élus et la démocratie représentative dans son ensemble. L’analyse des opinions des abstentionnistes fait apparaître plusieurs causes profondes : souvent, leur mécontentement vis-à-vis de la classe politique ; parfois, leur moindre adhésion à un système de valeurs fondé sur la confiance ; dans certains cas, le désaccord avec un mode de scrutin qui ne permet pas la représentation de toutes les sensibilités politiques. La défiance est une terrible sentence pour les responsables politiques dont la légitimité repose sur l’élection, donc sur l’adhésion populaire.

L’indifférence, quant à elle, évoque un mur à escalader qui ne présenterait pas la moindre aspérité : comment intéresser les citoyens à un programme s’ils ne souhaitent pas entendre parler de politique ? La démobilisation électorale peut ainsi reposer sur une indifférence à l’égard des candidats, par lassitude à l’égard des conséquences de l’alternance, voire à cause d’un sentiment d’inutilité du vote. Aux abstentionnistes mécontents s’ajoutent ainsi ceux ne parviennent pas à trouver d’intérêt à la politique en général.

L’abstention peut enfin s’expliquer par des contraintes matérielles, liées à la procédure électorale. Je pense surtout à l’inscription sur les listes électorales. Environ 6 % des Français en âge de voter n’y sont pas inscrits, tandis que 15 % des inscrits sont « mal inscrits », c’est-à-dire qu’ils sont inscrits à une autre adresse que celle de leur résidence principale, sans que cela relève d’un choix. La non-inscription ne fait pas augmenter l’abstention statistique, mais réduit le nombre potentiel de votants. La mal-inscription, de son côté, est un déterminant majeur de l’abstention.

Quatrième constat, enfin : la faible participation aux élections départementales et régionales du printemps 2021, qui a été l’élément déclencheur de la constitution de notre mission, résulte d’une conjonction de facteurs.

Le scrutin a été organisé dans un moment particulier : le contexte sanitaire difficile, la modification de la date du scrutin et le caractère limité de la campagne électorale ont pu expliquer une partie des renoncements à se déplacer dans les bureaux de vote. Ces causes conjoncturelles sont réelles, mais leurs conséquences sur la participation électorale apparaissent réduites.

Le double scrutin de 2021 aura surtout cristallisé les phénomènes dont je viens de dresser le constat. De manière particulièrement frappante, les électeurs n’ont pas perçu d’enjeu du scrutin. Cela tient peut-être au fait que les débats n’ont pas suscité suffisamment d’engouement ; cela tient sans doute également, et plus profondément, à la complexité du « millefeuille administratif » et à la faible connaissance qui en découle des compétences des collectivités.

Ces constats sont inquiétants. Ils appellent de notre part une réponse forte et globale. Il nous faut actionner tous les leviers qui sont à notre disposition pour redonner aux citoyens l’envie de voter et réenchanter la démocratie.

Il a donc fallu se plier à l’exercice, difficile mais nécessaire, de formuler des propositions pour le moyen et le long terme. Vingt-huit propositions sont ainsi nées de nos travaux. Elles suivent trois axes forts : premièrement, lever les obstacles à l’expression du suffrage ; deuxièmement, repenser la démocratie représentative ; troisièmement, encourager la mobilisation éclairée des électeurs.

S’agissant du premier grand axe, dans la lignée du souhait exprimé par le président de l’Assemblée nationale, nous nous sommes interrogés sur les moyens permettant de faciliter l’expression du vote. Ces obstacles au vote ne sont certes pas la solution à toutes les formes d’abstention, mais ils n’en demeurent pas moins bien réels.

Trois leviers peuvent ainsi être mobilisés.

Le premier consiste à remédier au manque d’information des citoyens sur les enjeux du scrutin ainsi qu’aux difficultés rencontrées lors de la distribution de la propagande électorale. Je propose pour cela d’organiser une grande campagne médiatique en amont de l’élection, qui porterait tant sur la procédure électorale que sur les compétences et le rôle de l’institution concernée. Il me paraît également nécessaire de permettre la diffusion dématérialisée de la propagande électorale, par mail ou sur une application particulière, tout en maintenant la distribution du matériel de vote chez chaque électeur.

Le deuxième levier consiste à résoudre le problème de la mal-inscription sur les listes électorales. Il me paraît ainsi essentiel de permettre l’inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu de domicile de l’électeur en cas de déménagement déclaré à l’administration. Les bases de données des administrations fiscales et sociales pourraient ainsi être croisées avec le répertoire électoral unique afin de systématiser ces opérations. Le dispositif Dites-le nous une fois (DLNUF) permettrait de simplifier la procédure de changement de liste. Je précise que cette inscription devrait être proposée à l’électeur, non lui être imposée. Des campagnes d’incitation à l’inscription sur les listes électorales pourraient également être menées en amont de la campagne.

Dernier levier de ce premier axe : je vous propose d’étendre les possibilités de vote. Les études concluent que le vote dit de convenance, c’est-à-dire la facilitation du vote permettant de tenir compte des situations d’indisponibilité personnelle, a un impact statistiquement significatif sur la participation, situé entre deux et quatre points de pourcentage.

Certaines propositions paraissent simples à mettre en œuvre. Je pense notamment à la généralisation à l’ensemble des scrutins nationaux, locaux et européens de la faculté d’établir deux procurations. Je pense également à la possibilité d’établir une procuration par un système de visioconférence ou par l’intermédiaire des facteurs, ce qui éviterait un déplacement dans un commissariat, une gendarmerie ou un tribunal. Je pense enfin à l’instauration pour le jour du vote d’un service public de transport des personnes en situation de dépendance.

D’autres propositions, plus ambitieuses, méritent de faire l’objet d’une expérimentation locale avant d’être généralisées.

Je propose ainsi d’expérimenter dans les communes volontaires le vote par correspondance et le vote par internet lors de prochaines élections locales ou de référendums d’initiative locale. Le vote par anticipation, qui permettrait de voter un autre jour que le dimanche, devrait également faire l’objet d’une expérimentation territorialisée.

Ces outils permettraient de faciliter le vote pour de nombreux concitoyens, mais le risque de fraude est encore important : il nous faut avancer avec prudence.

Les avancées obtenues grâce au répertoire électoral unique devraient permettre à tout électeur de voter dans la commune de son choix à l’occasion des élections présidentielle et européennes, ainsi qu’aux référendums nationaux. S’agissant du vote en ligne, nos travaux ont montré qu’il ne pouvait actuellement être sécurisé. Je suggère donc que l’on poursuive le développement des systèmes permettant, à terme, d’envisager cette modalité pour des élections nationales, ainsi que des capacités de cyberdéfense.

Deuxième grand axe : repenser la démocratie représentative.

Nous avons longuement réfléchi ensemble aux questions du vote blanc et du vote obligatoire. La comptabilisation du vote blanc comme un suffrage exprimé est une proposition qui revient régulièrement dans le débat public, comme en témoignent les huit propositions de lois ordinaires et organiques en ce sens déposées par des députés de sensibilités politiques très diverses depuis janvier 2020. L’écrasante majorité des répondants à la consultation que nous avons menée s’y déclare favorable. Je considère pour ma part que le choix du vote blanc, comme l’abstention, doit être respecté, mais je ne suis pas favorable au décompte des votes blancs dans les suffrages exprimés, car le risque d’impasse est réel.

J’ai en revanche été sensible aux arguments en faveur du jugement majoritaire, qui présente l’avantage de mettre fin au vote utile ou par défaut. Je propose de permettre le recours à ce mode de scrutin pour les consultations menées au niveau local.

Je vous propose également de réfléchir à un rapprochement des modes d’élection des conseillers départementaux et régionaux, et de faire figurer obligatoirement la photographie du candidat tête de liste ou du binôme de candidats sur les affiches et les professions de foi, afin d’améliorer la lisibilité des élections.

La question de la démocratie participative doit également être abordée. À ce sujet, deux propositions ont émergé de nos travaux : d’une part, développer les référendums d’initiative locale, les consultations citoyennes et les ateliers citoyens ; d’autre part, créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d’interpeller les élus à tous les niveaux.

Enfin, la participation des parlementaires, avec voix consultative, aux bureaux des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés sur leur territoire, ainsi qu’aux conférences territoriales de l’action publique (CTAP), permettrait de consolider leur ancrage local. Je propose également de renforcer les outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l’application des lois ainsi que l’action du Gouvernement à l’échelle de leur circonscription.

Troisième et dernier axe : encourager la mobilisation éclairée des électeurs.

Une bonne campagne est celle qui informe les électeurs, leur donne envie d’exprimer une opinion et leur permet de le faire en conscience. La puissance publique dispose d’outils pour encourager le pluralisme et la sincérité des scrutins, dimensions essentielles à la mobilisation des électeurs.

Je vous propose d’encadrer davantage les sondages, en faisant mieux connaître et diffuser les avis de la Commission des sondages, et d’interdire la communication des sondages d’opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections, et avant le second tour pour l’élection présidentielle.

Il paraît également important d’étendre aux élections régionales la réalisation de spots de campagne et de prévoir la diffusion des clips de campagne sur les réseaux sociaux et sur des applications.

Enfin, il me paraît essentiel de réenchanter la pratique démocratique pour les jeunes générations, en replaçant l’éducation à la citoyenneté au cœur du parcours scolaire et en favorisant l’attachement à l’acte de vote.

L’éducation à la citoyenneté doit ainsi être renforcée, dans le parcours scolaire, mais pas seulement. Le contenu des enseignements théoriques et leur évaluation doivent être renforcés, et il faut aussi développer l’aspect pratique. Les expériences d’engagement, telles que la participation au conseil de la vie lycéenne, et les structures permettant aux jeunes de se confronter aux réalités de la vie démocratique, telles que les conseils des jeunes, doivent être encouragées. Je propose également de créer un Parlement des collégiens et des lycéens sur le modèle du Parlement des enfants. Les mouvements d’éducation populaire doivent enfin être mobilisés pour former à la citoyenneté.

Le réenchantement de la pratique démocratique passe également par l’attachement à l’acte simple et concret, mais aussi fortement symbolique, qu’est le vote. Je propose pour cela de systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté, de renforcer l’intérêt et l’utilité de cette carte, d’inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote, une demi-journée, au cours du premier scrutin organisé après leur inscription, et de tirer au sort les citoyens assesseurs qui pourront être requis pour tenir les bureaux de vote.

Alors que nos travaux s’achèvent, je souhaite vous témoigner ma reconnaissance pour la qualité des débats qui se sont tenus au sein de cette mission. Ils m’ont conforté dans l’idée que le travail transpartisan peut avoir bien des vertus, notamment quand il porte sur des sujets qui touchent au cœur du fonctionnement des institutions et qui nous concernent tous.

M. le président Xavier Breton. Je vous remercie de votre apport à nos travaux et du climat dans lequel nous les avons menés, caractérisé par l’envie de travailler ensemble et l’écoute mutuelle.

Voici mon sentiment personnel sur vos propositions. Il varie sensiblement selon les différents axes que vous avez présentés.

Les propositions 1 à 11, destinées à « lever les obstacles à l’expression du suffrage », sont des mesures soit techniques – les ajustements qu’il est proposé d’apporter aux modalités de scrutin –, soit expérimentales, qui vont dans le bon sens. Je songe à l’automaticité de l’inscription sur les listes électorales, à la double procuration – nous avons tous été surpris d’entendre la ministre déléguée chargée de la citoyenneté nous dire que ce système ne serait pas reconduit en 2022 ; nous aurions pu nous mettre d’accord pour le permettre, même si, ainsi qu’elle l’a rappelé en nous renvoyant la balle, nous avions nous-même encadré par notre vote l’usage des doubles procurations. La dématérialisation de la procuration, dans un premier temps grâce à la visioconférence, me paraît également indispensable.

En ce qui concerne le vote en ligne, si nous sommes très loin de pouvoir envisager un tel système pour des raisons de sécurité, ne nous interdisons pas de réfléchir à cette possibilité, vis-à-vis de laquelle je suis assez partant.

Enfin, il serait intéressant d’expérimenter le vote par anticipation, le dimanche n’étant plus – on peut le regretter – le jour réservé aux activités collectives ; j’y suis personnellement ouvert, comme à la possibilité de voter sur tout le territoire lors des élections présidentielle et européennes.

Je suis plus interrogatif s’agissant de la deuxième partie, « Repenser la démocratie participative ». S’agissant du jugement majoritaire, nous avons eu un débat approfondi et j’ai constaté que la position de ses défenseurs était argumentée, mais il me semble compliqué à mettre en œuvre. En revanche, je suis personnellement plus ouvert que vous, monsieur le rapporteur, à la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé, même si ce n’est pas la position de mon groupe.

En ce qui concerne le rapprochement entre élections départementales et régionales, nous sommes d’accord sur l’objectif, mais non sur les moyens : je suis favorable à la formule du conseiller territorial plutôt qu’à l’alignement des modes de scrutin.

Je m’interroge aussi sur la « plateforme de la vie démocratique », car le contact avec les citoyens doit se faire à tous les niveaux et je me méfie des supports uniques et centralisés.

En revanche, vous avez tout à fait raison de proposer que nous réfléchissions au contrôle local de l’application des lois par les parlementaires – à cet objectif comme aux moyens de l’atteindre.

Enfin, mon point de vue sur la troisième partie, « Encourager la mobilisation éclairée des électeurs », est mitigé. L’interdiction de communiquer les résultats des sondages la semaine précédant le premier tour me paraît inapplicable. Il est impossible de maîtriser l’information – la fuite de votre rapport vient de nous le rappeler. Il faudrait interdire la réalisation même de sondages, à supposer que ce soit possible ; mais, s’ils restent autorisés, leurs résultats nous parviendront de l’étranger. Faisons confiance à l’information et à la maturité de nos concitoyens lorsqu’il s’agit d’interpréter ces résultats.

Je trouve intéressants la modernisation de la campagne que vous proposez par les mesures 20 et 21, ainsi que le renforcement de l’éducation, au-delà même de l’école, mais il y a là beaucoup à faire et il faudrait préciser ce que l’on entend par citoyenneté.

Enfin, nous aurions pu aller plus loin dans l’utilisation des cartes d’électeur comme outil de mobilisation et de formalisation de cette citoyenneté – un format comparable à celui des cartes de crédit et de fidélité serait préférable à celui d’une carte papier, et le renvoi systématique de la carte aux électeurs quelques semaines avant le scrutin servirait de rappel utile.

M. François Cornut-Gentille. Le résultat de notre mission d’information est un peu paradoxal. Nous pouvions d’ailleurs déjà pressentir ce dilemme lors de notre réunion constitutive en juillet : soit nous traitions des modalités de vote, mais les mesures que nous aurions proposées n’auraient pas eu beaucoup d’impact, soit nous nous attaquions à la crise de la représentation, mais il aurait alors fallu que notre mission d’information travaille plus longtemps, tant cette crise est ancienne et a des causes multiples et profondes. N’étant pas des surhommes, nous sommes malheureusement restés prisonniers de cette difficulté. J’ajouterai donc à mes remarques positives relatives à la qualité de nos travaux des réserves et des critiques assez fortes, qui n’ont rien de personnel, monsieur le rapporteur – c’est la situation qui est compliquée.

Nous sommes tous conscients de l’importance des enjeux que nous avons abordés. La discussion a été très fluide et nous avons réussi, dans une certaine mesure, à dépasser les clivages sur un certain nombre de sujets, comme le président et le rapporteur nous y ont incités. Nous avons organisé de nombreuses auditions, dont certaines étaient très intéressantes. Pour ma part, j’ai été particulièrement intéressé par l’intervention des spécialistes des États-Unis, qui nous ont montré à quel point les lieux communs véhiculés sur ce pays sont éloignés de la réalité. Monsieur Sciarini, professeur à l’université de Genève, a également bien expliqué la dimension culturelle du vote et la différence entre les situations française et suisse. Je remercie donc monsieur le président et l’ensemble de mes collègues, avec lesquels j’ai été très heureux de partager ces réflexions.

S’agissant des modalités du vote, certaines propositions ne posent pas de difficultés – je pense à l’inscription automatique sur les listes électorales, à la généralisation de la faculté d’établir deux procurations, ou encore à la possibilité pour les électeurs de voter dans la commune de leur choix. Il en va de même du renforcement des outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l’application des lois et l’action du Gouvernement à l’échelle de leur circonscription.

En revanche, monsieur le rapporteur, le décalage entre les grands axes que vous avez cités et la réalité me paraît saisissant. Vous voulez « repenser la démocratie représentative » et « réenchanter la pratique démocratique ». J’adhère pleinement à ces formules formidables mais, au regard du contenu de votre rapport, je suis désolé de vous dire qu’il y a tromperie sur la marchandise ! Certaines propositions ne me paraissent pas mûres ou très ambiguës ; j’ai l’impression que vous n’en êtes vous-même pas très convaincu mais que vous les avez formulées parce que vous n’aviez pas grand-chose à dire. Cette remarque concerne notamment l’expérimentation du vote par correspondance, le développement des systèmes permettant d’envisager un vote en ligne, l’expérimentation territorialisée du vote par anticipation, ou encore la mise en œuvre du jugement majoritaire. S’il est utile de travailler sur ces sujets, il est indéniable que ces propositions ne sont pas mûres. Laisser croire à nos concitoyens que de telles mesures permettront de simplifier les choses s’apparente à de la vente abusive. Cela m’amène à porter un jugement assez négatif sur votre rapport.

Les sujets de fond n’ont été qu’entraperçus de temps à autre. Aussi le rapport ne répond-il pas complètement à la question qui nous était posée. La résolution du malaise démocratique ambiant passe sans doute par une réarticulation entre les pouvoirs locaux et nationaux, que vous avez évoquée sans aller plus loin. En Suisse, le taux de participation aux différentes consultations électorales est très différent selon les questions posées : quand les citoyens perçoivent les enjeux, ils votent. Pourquoi les Français ne sont-ils plus conscients des enjeux des scrutins ? Pourquoi les électeurs pensent-ils que la politique ne change rien ? Pour répondre à toutes ces questions, nous aurions dû poursuivre les travaux de notre mission d’information. Un sujet aussi lourd et difficile devait-il être traité en fin de législature, alors que les uns et les autres pouvaient être soupçonnés de nourrir des arrière-pensées sur telle ou telle question ?

Parce que certaines propositions nous paraissent hasardeuses et parce que le rapport ne répond pas aux questions de fond, le vote des membres du groupe Les Républicains de cette mission sera négatif, mais il vise à nous inciter à continuer notre travail sur tous ces sujets.

M. Pacôme Rupin. Je veux souligner la grande qualité de ce rapport. Les commentateurs ne parlent malheureusement que des propositions qui ont fuité dans Le Monde, mais il faut insister sur le fait que ces dernières ne visent pas à répondre aux causes profondes de l’abstention, qui sont multiples et qui ne pourront être résolues par un coup de baguette magique. Nous y répondrons dans le temps long. Il était très important de dresser un constat précis, comme le fait ce rapport, qui développe notamment le concept de vote intermittent. On parle souvent de « ceux qui participent » et de « ceux qui s’abstiennent », alors que la situation est beaucoup plus complexe : une partie importante de nos concitoyens participent à certaines élections, parce qu’ils en perçoivent l’enjeu, et s’abstiennent à d’autres, parce qu’il leur importe peu que tel ou tel candidat l’emporte plutôt qu’un autre. En termes de communication, nous devons donc nous attarder sur le constat dressé par ce rapport et ne pas limiter ce dernier aux préconisations qu’il contient. Cela ne veut pas dire que les solutions proposées sont mauvaises – au contraire, un grand nombre d’entre elles vont dans le bon sens –, mais qu’elles ne sont pas suffisantes. En tout cas, il ne faut surtout pas s’empêcher d’explorer ces pistes et de les approfondir.

Nous sommes tous conscients qu’une réforme des modalités du vote ne permettra pas de réduire l’abstention. En revanche, l’objectif de rendre le vote plus accessible pour nos concitoyens me paraît tout à fait intéressant, et les expérimentations proposées dans ce rapport me semblent aller dans le bon sens. Nous ne sommes pas prêts à aller jusqu’au bout, pour des raisons tenant notamment à la confiance dans la sincérité du scrutin, mais les élections locales doivent nous permettre d’expérimenter certaines choses.

S’agissant des institutions, peut-être aurions-nous dû travailler plus longtemps, mais notre objectif était d’adopter un rapport assez consensuel – c’est pourquoi je regrette le vote négatif de nos collègues du groupe Les Républicains. Or il me semble compliqué, pour vous, monsieur le rapporteur, comme pour nous tous, de faire des propositions révolutionnaires, qui « cassent la baraque », sans s’éloigner du consensus. C’est dans le cadre des prochaines échéances électorales que ces questions devront être tranchées.

Je suis plutôt favorable à un certain nombre de ces propositions, mais nous aurions dû aller plus loin en termes d’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Je regrette que nous ne nous soyons pas plus interrogés sur notre propre rôle, alors que les élections législatives comptent parmi celles qui souffrent le plus de l’abstention. Je ne suis pas favorable à ce que les parlementaires participent avec voix consultative au bureau des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pour une raison fondamentale tenant à la séparation des pouvoirs, en l’occurrence entre le pouvoir législatif et les pouvoirs locaux. Imaginez qu’il faille inviter au bureau de la métropole du Grand Paris la cinquantaine de parlementaires concernés : il y aurait plus de parlementaires que de membres de droit ! Au-delà du principe, cette proposition pose donc un problème opérationnel. Cessons de confondre les rôles : de même que j’ai critiqué la figure du député-maire, qui était souvent davantage maire que député, j’en appelle à une séparation nette des différentes responsabilités afin que nos concitoyens comprennent clairement les compétences de chacun. Le rôle d’un parlementaire est de légiférer, non de participer au bureau du conseil communautaire d’un EPCI.

Je suis également défavorable à l’interdiction de la communication des sondages d’opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections. Cette proposition cède un peu à la démagogie – un défaut qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans le rapport. Il est trop facile de toujours rejeter la faute sur les sondages ! Chacun sait que ces derniers correspondent à une photographie de l’opinion à un instant t, et que ces outils aident nos concitoyens à prendre leur décision – j’ai toujours pensé que les Français étaient très tactiques, très stratégiques, et qu’ils tenaient compte des sondages dans leurs choix électoraux. Cette information doit rester transparente : s’il est opportun d’imposer un silence républicain à compter du samedi précédant un scrutin, il est intéressant, pour les candidats comme pour les électeurs, d’autoriser la publication des sondages jusqu’au vendredi.

Je me suis concentré sur les aspects négatifs, car mon temps de parole est limité, mais je n’en suis pas moins convaincu que ce rapport va dans le bon sens. Je ne pourrai pas prendre part au vote car je dois maintenant m’absenter, mais je suis favorable à l’adoption du rapport et à sa publication.

M. Erwan Balanant. Le constat dressé par le groupe Les Républicains est un peu dur. On ne peut pas demander l’impossible à un rapport rédigé à l’issue de trois mois de travaux ! Évidemment, nous avons plaisir à travailler ensemble et nous pourrions très bien continuer, mais le rapport devait dresser un certain nombre de constats et proposer quelques pistes de solution, et il le fait brillamment. Pacôme Rupin vient d’expliquer pourquoi ce rapport ne pouvait pas proposer le grand soir. Certes, la résolution de la crise démocratique nécessite peut-être une transformation plus forte de nos institutions, mais elle ne peut être entreprise par des parlementaires à ce moment du quinquennat ; ce sujet important commence à être évoqué, depuis quelques jours, dans le cadre de la campagne présidentielle.

Ce rapport dresse des constats intéressants, dont certains vont plus loin que ce que nous imaginions. Il contient des propositions sur lesquelles nous devons continuer à travailler et qui s’imposeront naturellement du fait de l’évolution de notre société. J’ai déjà dit que je n’étais pas forcément très favorable au vote en ligne, mais je remarque que certaines personnes de 18 à 40 ans ne jouent au loto que par internet et n’achètent jamais un ticket à un guichet. S’il existe une application sécurisée permettant de faire gagner 130 millions d’euros, il est forcément possible de créer une autre application permettant de voter de façon sécurisée. Je suis sûr que cette nécessité finira par s’imposer, même si je redis mon attachement à la « liturgie républicaine » du dimanche – j’utilise cette expression pour vous faire plaisir, monsieur le président.

M. Xavier Breton. Le mot « rituel » me convient mieux. Ne confondons pas tout ! Après tout, vous êtes vous-même démocrate-chrétien…

M. Erwan Balanant. Le rapport souligne que 15 % des électeurs figurant sur les listes électorales sont mal inscrits : cela signifie que nous commençons chaque scrutin avec 85 % de participation. Il faudra y remédier.

Je regrette que ce rapport ne fasse pas l’objet d’un vote unanime – nous en sortirions pourtant tous grandis. Si je vous ai bien compris, monsieur Cornut-Gentille, vous déplorez qu’il fasse trop de promesses. Une autre rédaction de certains passages de l’introduction vous inciterait-elle à vous joindre à nous ? En tant que membre du MODEM, je considère que la représentation nationale s’honorerait à mettre collectivement un certain nombre de sujets sur la table, ce qui inciterait les candidats à l’élection présidentielle à formuler des propositions fortes visant à refonder notre République et réenchanter notre démocratie. Cela passera par une nouvelle articulation entre le désir de démocratie participative et la stabilité des institutions de la Ve République, ainsi que par un renforcement du rôle du Parlement. Nous verrons l’avènement, en quelque sorte, d’une « Ve République augmentée » ou d’une « République 5.2 », pour parler comme les jeunes.

Les membres du groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés voteront des deux mains ce rapport, et j’invite l’ensemble des membres de notre mission d’information à faire de même.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je vous remercie pour vos remarques. Je ne me formalise jamais que l’on ne vote pas un rapport : la politique est ainsi faite, et il faut assumer ses choix. Certes, nous pouvons considérer que ce n’est pas le grand soir, mais pour faire ce grand soir, encore faut-il avoir la matière permettant de résoudre le problème de l’abstention. En juin dernier, lorsque nous étions sollicités par les journalistes pour commenter les chiffres de l’abstention, qui étaient énormes, nous avons tous dit la même chose, que nous venions de gagner ou de perdre l’élection : nous nous sommes bornés à regretter le faible niveau de participation. Cela fait des années que je suis personnellement engagé en politique, et à chaque fois que je commente les résultats d’un scrutin, je fais le triste constat de la hausse de l’abstention et nous promettons tous de tout faire pour que pareille situation ne se reproduise plus. C’est le jour sans fin, l’éternel recommencement. Nous aurions pu « casser la baraque », changer de République, revoir tous les modes de scrutin, ou encore supprimer les départements pour donner de l’air au millefeuille territorial, mais aurions-nous obtenu un consensus, y compris au sein de nos familles politiques respectives ? À titre personnel, je suis favorable à la suppression des départements, mais je ne l’ai pas proposée car je sais bien que cela ne recueillera pas l’approbation de tout le monde.

Un certain nombre de propositions ont été formulées. Je ne les survends pas : elles sont en vitrine, et ce rapport n’est qu’un appel à travailler. C’est maintenant aux mouvements politiques de faire leur part de travail et, à partir des constats que nous avons dressés, de reprendre et de développer certaines des solutions que nous avons proposées. Bien évidemment, nous ne sommes pas prêts dans de nombreux domaines : c’est la raison pour laquelle nous proposons d’engager des expérimentations. Par exemple, nous ne sommes pas prêts à autoriser le vote par correspondance parce que nous avons besoin de sécuriser les choses ; pour ce faire, nos successeurs devront peut-être constituer une mission d’information ou un groupe de travail chargé de définir les conditions dans lesquelles les électeurs pourront voter par correspondance en confiance. Le même constat vaut pour le vote par anticipation et pour le vote électronique – le représentant de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) que nous avons auditionné a insisté sur le fait que chaque électeur devait avoir une identité numérique, qui n’existe pas encore et qui nécessitera un immense travail de préparation. Je préconise donc de mener des actions volontaires, dans certains territoires, qui permettront de tester les différentes solutions envisagées. Les Républicains ont récemment procédé à un vote électronique pour désigner leur candidat à l’élection présidentielle : ce scrutin s’est bien passé, mais le périmètre des électeurs était très restreint. Comment peut-on garantir le même fonctionnement, la même sécurité et la même sincérité pour un scrutin à 45 millions d’électeurs ? Quoi qu’il en soit, nous devons avancer sur l’ensemble de ces sujets.

Comme vous, je suis favorable à une amélioration des modalités de vote – en effet, il est souhaitable de régler le problème des mal-inscrits et de partir d’un taux de participation de 100 % plutôt que d’un taux de 85 % –, mais il ne s’agit que d’outils techniques. La consultation en ligne que nous avons organisée et qui a recueilli plus de 170 000 contributions a bien montré que le problème de fond était celui de la confiance, ou plutôt de la défiance vis-à-vis des institutions politiques. J’ai entendu dire que nous aurions pu nous pencher davantage sur le rôle des parlementaires, mais je m’en suis abstenu parce que je savais que la présidente de la commission des Lois, madame Yaël Braun-Pivet, menait des travaux sur ce sujet avec la fondation Jean-Jaurès, et parce que je ne voulais pas non plus que ce rapport paraisse trop nombriliste.

Travailler sur la question de la confiance, c’est faire en sorte que les électeurs considèrent que leur vote va changer les choses. Pour ce faire, nous devons être exemplaires, dire ce que nous faisons et faire ce que nous disons. Nous devons utiliser les institutions de la démocratie représentative et les outils de la démocratie participative pour entraîner derrière nous nos concitoyens. Il ne s’agit pas ici de faire des propositions, mais d’agir au quotidien. C’est aussi ce que j’ai voulu esquisser dans ce rapport.

Nous sommes nombreux à nous méfier des outils numériques. Les plateformes sont utiles mais viennent en complément de ce qui existe déjà. Nous devons utiliser tout un panel de solutions permettant d’avoir des résultats probants pour l’ensemble des élections.

J’ai été très sensible à l’initiative prise par Ouest-France et La Croix, qui se sont interdit de commenter les sondages. En effet, un sondage à huit jours de l’élection ne porte pas sur le fond des programmes mais uniquement sur la personnalité des candidats. Or, pour réfléchir et déterminer sa position politique, un électeur a besoin de revenir au fond. Alors que notre société s’individualise de plus en plus et que l’on nous demande d’avoir une pensée ramassée, exprimable en 140 signes, nous devons aider nos concitoyens à construire leur pensée et à faire des choix totalement éclairés. Je ne rejette pas la faute sur les sondages, car chacun doit assumer ses responsabilités, mais ces études doivent rester des outils d’aide à la décision et non geler l’offre électorale.

C’est donc sur l’amélioration des commodités de vote et sur le rétablissement de la confiance que nous avons à travailler. Les travaux de notre mission d’information ont été de bonne tenue et nos débats ont été très cordiaux, ce qui ne peut que nous inciter à poursuivre nos réflexions et à inviter les mouvements politiques à se saisir de nos propositions.

M. Benoit Simian. Au nom du groupe Libertés et territoires, je salue la qualité de ce rapport.

Vous l’avez dit, notre société s’individualise, et la vie politique aussi s’est individualisée. Les partis n’ont plus le poids qu’ils avaient il y a encore quelques années et l’on assiste à une véritable ubérisation de la vie politique.

Les propositions contenues dans ce rapport vont dans le bon sens, mais il faudra aller plus loin et conduire une réforme constitutionnelle. Ce qu’il faut, ce n’est pas une VIe République, ni une république 3.0, compte tenu des cyberattaques qui viennent de l’étranger, mais une république des territoires, une république girondine. Les derniers travaux qui ont été remis à la présidence de l’Assemblée nationale montrent combien les Français sont attachés à l’échelon communal. C’est dans leurs élus locaux qu’ils ont le plus confiance.

Au sujet de la proposition n° 17, qui vise à améliorer l’ancrage local des députés, je ne serai pas aussi sévère que Pacôme Rupin. Nous avons essayé d’avancer, en auditionnant les associations d’élus, mais c’est une question difficile. Sur le fond, et le Président de la République l’a dit hier à l’occasion de son déplacement à Vierzon, il faudra rouvrir le dossier du cumul des mandats de député et de maire pour les petites communes. On pourrait retenir un seuil de 1 000 ou 3 500 habitants. Cela permettrait d’ancrer les parlementaires dans la vie locale.

Je souscris à la proposition n° 13, qui invite à « réfléchir à un rapprochement des modes d’élection des conseillers départementaux et régionaux ». Je crois qu’il faut aller au-delà de la réflexion et appeler à ce rapprochement, car nos concitoyens ne comprennent plus rien à ce millefeuille territorial. Il faut réfléchir par bloc de compétences : c’est ce que défend notre groupe, en ce moment même, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS).

Enfin, j’estime moi aussi que les fuites dans Le Monde sont inadmissibles.

Mme Muriel Roques-Etienne. Nous avons eu des auditions de qualité, mais je suis très choquée que les chaînes privées de télévision n’aient pas répondu à l’invitation de la représentation nationale, alors même qu’elles jouent un rôle majeur en matière d’information politique et qu’elles ont une responsabilité dans la crise que nous connaissons.

Ce rapport vise à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, pas à régler en un claquement de doigts la crise institutionnelle que nous traversons. Il fait des constats clairs et des propositions pragmatiques, ce dont nous pouvons être fiers, car on reproche très souvent à la représentation nationale d’être déconnectée de la réalité. Je ne suis pas favorable au jugement majoritaire, mais cela ne m’empêchera pas de voter le rapport.

Cette mission a été courte, mais nous réfléchissions à ces questions depuis longtemps. J’aimerais faire une proposition à nos collègues du groupe Les Républicains : nous pourrions considérer qu’il s’agit là d’un point de départ et que c’est à nous de faire quelque chose de ce rapport, de l’utiliser comme une boîte à outils pour aller à la rencontre de nos concitoyens. C’est en tout cas ce que j’ai l’intention de faire, car j’ai hâte d’avoir des retours sur ces propositions. Elles ont vocation à alimenter les programmes présidentiels et à nourrir de futures réflexions, au cours de la prochaine législature. La mission d’information a au moins le mérite d’avoir existé, d’avoir posé des questions et d’avoir fait des propositions. Nous n’avons pas fui devant les difficultés, nous avons fait un constat clair et des propositions pragmatiques.

M. Jean-René Cazeneuve. Je veux, moi aussi, souligner la qualité de ce travail. Chacun est libre, évidemment, mais, comme Erwan Balanant, je trouverais presque dommage que nous ne votions pas tous ce rapport. Ce travail, qui a associé de nombreux groupes, est de très grande qualité et il doit nous aider à relever un défi majeur. Ce qui se passe, scrutin après scrutin, est presque un piège mortel pour nous tous. Je me demandais, par conséquent, si le président et le rapporteur ne pourraient pas, d’ici demain, essayer d’aboutir à un texte qui fasse consensus, en ajoutant ou en retirant une ou deux propositions, au besoin. Je crois que cela vaudrait le coup.

Évidemment, ce n’est pas le grand soir. On peut perdre la confiance en deux minutes et il faut des années pour la regagner. Nous n’allons pas régler le problème de la défiance du jour au lendemain. Mais je crois vraiment que si tout ce qui est dans ce rapport était appliqué, on pourrait inverser la tendance. On ne retrouverait peut-être pas tout de suite un niveau de participation électorale satisfaisant, mais on pourrait au moins inverser la tendance.

Toutes les propositions n’ont pas la même portée. S’agissant de la proposition n° 7, qui propose de mettre en place un transport des votants, je suis un peu méfiant, compte tenu de certaines expériences passées, et il faudrait au moins encadrer cette disposition.

Sur la proposition n° 12 et la question du vote blanc, je suis absolument d’accord avec vous : pour moi, le vote blanc est une impasse. Mais j’aimerais qu’on le démontre. Pourquoi ne pas l’expérimenter et dire par exemple que, pour telle élection, s’il y a 30 % de votes blancs, on organisera de nouvelles élections deux mois plus tard ?

Je crois au renforcement de l’ancrage local et je crois même qu’on peut aller plus loin. Je suis d’accord avec Pacôme Rupin sur le risque d’une confusion des genres, mais je crois aussi qu’on a besoin de renforcer cet ancrage. Vous avez fait deux propositions en ce sens et je pense qu’on pourrait encore en faire d’autres.

S’agissant de la proposition n° 13, je serais allé plus loin. Il y a un problème dans le problème : les électeurs ont du mal à comprendre l’enjeu des élections départementales et régionales. Faut-il revenir au conseiller territorial ? J’y suis plutôt favorable, mais peut-être faudrait-il redéfinir son rôle, dix ans après. La proposition que vous faites, en tout cas, me paraît insuffisante.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous sommes effectivement face à un défi majeur et il est bien difficile de trouver la martingale. J’ai conscience qu’on aurait pu aller plus loin mais, lors de nos premiers échanges, la question a été posée de façon assez brutale : nous avions le choix entre un retour au scrutin départemental par liste, avec une prime de 25 % pour la liste qui arrive en tête, et le retour au conseiller territorial. Je crois que ce n’était pas à la mission de trancher cette question. Il faut simplifier le millefeuille territorial et clarifier les choses pour les électeurs. Il faudra faire un choix, mais ce n’était pas à nous de le faire. Je crois qu’il faut laisser la question suffisamment ouverte pour qu’une prochaine majorité puisse s’en emparer et fasse une proposition.

La mise en place d’un service public de transport le jour du vote peut être intéressante. Je comprends vos réserves, dans la mesure où cette pratique a pu donner lieu à des excès ou à des abus par le passé. Il faudrait que cela soit organisé par les services de l’État, et non par la mairie, afin d’éviter tout soupçon. L’État doit mettre en place ce service, il en a les moyens. Il suffirait aux électeurs de s’inscrire sur une application, du type de BlaBlaCar.

J’entends que la proposition n° 7, appliquée à Paris, poserait des problèmes. Mais nous sommes un certain nombre à constater qu’il y a aujourd’hui une opposition entre le bloc local et le bloc national. Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé dans son discours devant les maires. Or on ne peut pas continuer à avoir une opposition entre les élus nationaux et les élus locaux, car ce n’est pas de cette manière que les choses fonctionnent. Nous avons besoin les uns des autres pour avancer. Le fait de pouvoir participer à des conseils communautaires ou à des conférences territoriales de l’action publique pourrait être un moyen de remettre les parlementaires au cœur des débats locaux.

Une proposition de loi visant à revenir partiellement au cumul des mandats a été rejetée la semaine dernière par notre assemblée. Ce n’était pas notre rôle que de proposer le retour au cumul des mandats. Je l’avais évoqué, au début de nos débats sur les propositions, pour voir quelles seraient les réactions au sein de la mission ; or ses membres étaient très partagés. Il faudra débattre de la place du parlementaire et de la manière de le remettre au cœur de l’action locale. On avait même évoqué la réintroduction de la réserve parlementaire. Je n’ai pas repris cette proposition dans le rapport, même si j’y suis favorable. Ce seront aux différents courants politiques de prendre position sur cette question et de faire des propositions au cours de la campagne.

D’une manière générale, cette mission avait aussi pour objectif de nourrir les programmes et les débats de la campagne électorale à venir. Comme madame Muriel Roques-Etienne, je m’étonne de la politique de la chaise vide des chaînes privées de télévision. Le service public s’est grandi en venant participer à nos débats. Les chaînes privées ont une responsabilité ; par leurs contenus éditoriaux, elles influent sur la manière dont est perçue la politique. Nous aurions donc aimé les entendre.

M. Sylvain Templier. Les propositions contenues dans ce rapport sont essentielles : grâce à celles, ce sont 15 % d’électeurs de plus qui pourraient voter.

Le retour au cumul des mandats ne figure pas dans ce rapport, alors que plusieurs personnes auditionnées l’avaient suggéré, et j’en suis ravi.

On peut être un peu déçu, car monsieur le rapporteur avait dit, lors de notre première réunion du mois de juillet, qu’il fallait ne rien s’interdire. Or nous nous sommes interdit certaines choses. Nous n’avons eu que trois mois, ce qui ne nous a pas laissé le temps de nous pencher sur la réforme des institutions, comme nous avions prévu de le faire. Nous ne nous sommes pas penchés non plus sur nos comportements d’élus, ni sur la manière dont nous faisons de la politique, alors que ces questions ont de l’importance, quand on réfléchit à la défiance actuelle de nos concitoyens pour la politique.

Je suis très satisfait de ce rapport et le voterai, car il apporte de vraies solutions.

M. Charles de La Verpillière. Les critiques que nous avons émises ne remettent pas en cause la qualité de ce travail, bien au contraire. Ce rapport est très fouillé, mais c’est sa mise en œuvre qui va poser problème.

Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la faiblesse de la participation s’explique par trois grands types de causes. Le premier, c’est tout ce qui relève de l’organisation du scrutin et de la commodité du vote – vote par procuration, par correspondance, par internet, etc. Le deuxième ensemble, c’est que j’appelle « les trois i » : l’incompréhension, l’ignorance et l’indifférence, et c’est là que les difficultés commencent. Le troisième étage, c’est le refus, alimenté par le sentiment que cela ne sert à rien et que les élus sont tous pourris. Ne pas aller voter, c’est même leur faire un pied de nez. Plus on monte dans l’échelle et plus c’est difficile.

Vous nous dites que ce n’est qu’un début et que vous n’avez retenu ici qu’une série de mesures à peu près consensuelles. Mais si nous ne voulons pas voter ce rapport, c’est parce qu’aucune de ces mesures – même si elles sont consensuelles, et pas très ambitieuses – ne pourra entrer en vigueur avant les élections présidentielles et législatives de 2022. Ce rapport contient des idées intéressantes, mais il faut aller plus loin et être plus ambitieux. Et, de toute façon, cela ne pourra se faire qu’au cours de la prochaine législature. C’est pour cette raison que nous voterons contre ce rapport, dont je répète que nous ne méconnaissons pas la qualité.

Mme Marion Lenne. Je suis ravie de ce rapport, que je trouve très bien construit et très bien fait. Il contient beaucoup de mesures relatives à l’éducation des jeunes, notamment les propositions n° 22 et 23. Il est question de renforcer la proximité avec les élus. Même au sein de l’Assemblée nationale, ce n’est pas facile. Je souhaite avoir des jeunes en stage de découverte, mais l’Assemblée ne prévoit que des stages de quatre mois – j’ai dû trouver une parade, en utilisant mon assurance personnelle De même, mon apprentie stagiaire ne peut pas assister aux réunions de la commission des Affaires étrangères. Même au sein de notre assemblée, des freins empêchent de créer cette proximité.

Vous proposez aussi de « mieux reconnaître l’engagement en tant que délégué de classe ». Il y a un lycée, à Thonon-les-Bains, dont tous les délégués de classe font un voyage à Paris pour découvrir les institutions parisiennes : c’est une démarche très intéressante qui permet de valoriser ces délégués. Mais, une fois qu’ils sont bien engagés dans la démocratie, les portes se referment. Renouveau Collectif est une association transpartisane qui est très engagée et qui promeut la citoyenneté au cœur des lycées – elle a gagné deux sièges au Conseil supérieur de l’éducation. Elle aimerait être reçue au ministère pour exposer son projet, mais elle n’y arrive pas. Cela ne pousse pas les jeunes à aller voter. Je suis extrêmement favorable aux propositions qui concernent les jeunes car, une fois qu’ils décrochent, il est très difficile de les faire revenir.

M. Pierre Cordier. Il est vrai que le calendrier pose problème en raison de la proximité des élections législatives et présidentielle. En outre, la commission des Lois réalise, sur la même question, des travaux concomitants aux nôtres.

Je comprends que notre rapporteur se soit montré prudent, estimant que c’était aux formations politiques de formuler, précisément à l’occasion des prochains scrutins, des propositions courageuses dans ce domaine. Mais nous devons prendre nos responsabilités et, si le calendrier a été fixé de manière à nous permettre de faire des propositions à quelques mois des prochaines élections, pourquoi ne pas être allé plus loin ? Il est vrai, monsieur le rapporteur, que, dans ce cas, nous aurions eu des arguments faciles pour nous opposer à votre rapport.

Cela dit, je m’étonne que les propositions qu’il contient reprennent des choses qui existent déjà. Je citerai quelques exemples.

« Inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote » : de nombreuses communes mènent déjà des expérimentations de ce type.

« Systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté » : dans tous les départements, des maires organisent une cérémonie, avant les élections, en espérant peut-être que les gamins voteront pour eux – nous ne sommes pas des lapins de six semaines…

« Mobiliser les mouvements d’éducation populaire pour former à la citoyenneté » : de nombreuses associations sensibilisent déjà la jeunesse à l’importance du vote.

« Renforcer l’éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire » : au collège, notamment dans les cours d’histoire et géographie, certaines heures sont déjà réservées à l’éducation civique, avec pour objectif de sensibiliser les jeunes à la citoyenneté.

« Prévoir la diffusion de clips de campagne sur les réseaux sociaux et les applications » : les élus que nous sommes savent que les réseaux sociaux sont importants. Ainsi, j’ai pu constater, lors des dernières élections cantonales et régionales, que des candidats utilisaient Facebook ou Twitter.

« Élargir la réalisation de spots de campagne aux élections régionales » : là encore, lors des derniers scrutins, j’ai vu, à la télévision, des clips expliquant à quoi servent le département et la région.

« Créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d’interpeller les élus, à tous les niveaux » : j’ai été maire, conseiller départemental, vice-président d’une intercommunalité, président d’un service départemental d’incendie et de secours : quel que soit mon mandat, j’ai toujours reçu les citoyens qui souhaitaient me voir. Et, en tant que députés, nous les accueillons avec plaisir dans nos permanences, pour écouter leurs doléances et leurs souhaits.

Bref : beaucoup de choses existent déjà. Peut-être faut-il mettre l’accent sur certaines d’entre elles, je n’en disconviens pas, mais j’ai le sentiment qu’on réinvente l’eau chaude.

Quant à la proposition n° 17, elle a trait à l’amélioration de l’ancrage local des parlementaires. Pour ma part, je n’aurais pas pu comprendre beaucoup des questions qui sont discutées à l’Assemblée si je n’avais pas eu un parcours d’élu local : j’ai beaucoup appris, au contact de nos concitoyens. Or, récemment, la majorité a rejeté abruptement une proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires. Il s’agissait pourtant de leur permettre notamment d’être maire, non pas d’une ville de 500 000 ou d’1 million d’habitants, mais d’une petite commune, pour qu’ils puissent mieux appréhender les problèmes de leurs concitoyens.

Après les dernières élections départementales et régionales, j’ai demandé aux gens pourquoi ils n’étaient pas allés voter – dans mon canton, très urbain, la participation n’a été que de 30 %. Ils m’ont répondu qu’ils ne comprenaient plus rien ! De fait, le redécoupage cantonal réalisé sous la précédente législature, parfois motivé par des préoccupations politiciennes, a fait exploser les anciens cantons. Auparavant, chacun d’entre eux était organisé autour d’un chef-lieu de canton, et les électeurs pouvaient rencontrer facilement leur conseiller général, qui était à portée d’engueulade. Par ailleurs, avant la création de la région Grand Est, qui a la même superficie que la Belgique et qui a pour capitale Strasbourg – il me faut trois heures trente pour m’y rendre depuis les Ardennes ! –, notre région était la région Champagne-Ardenne, elle avait pour capitale Châlons-en-Champagne et il y avait une forme de proximité des conseillers régionaux. Les gens n’y comprennent plus rien, à cause des réformes dévastatrices de François Hollande.

Quant à l’inscription automatique sur les listes électorales, des jeunes me disent qu’ils s’en moquent : de toute façon, ils ne veulent pas voter. On a augmenté la base électorale mais, de ce fait, comme l’a dit Erwan Balanant, 15 % des inscrits ne votent pas. Or on n’obligera pas ceux qui sont réfractaires au vote – et il y en a toujours eu – à mettre un bulletin dans l’urne. Même la prise en considération du vote blanc ne les inciterait pas à se déplacer : cela ne les intéresse pas.

Ces remarques n’enlèvent rien à la qualité du travail réalisé. Je comprends la prudence de Stéphane Travert, qui n’a pas voulu trop s’avancer, mais je vous donne rendez-vous, mes chers collègues, aux scrutins des mois d’avril et de juin prochain.

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le rapporteur, vous abordez à très juste titre, dans le rapport, la question de l’éducation morale et civique, car la formation des jeunes est un véritable enjeu. Certes, il est prévu dans les programmes de consacrer un certain nombre d’heures à cette question, mais on ignore quels sont les sujets traités et comment ils le sont. Il faut, me semble-t-il, revoir les choses – plusieurs des personnes auditionnées l’ont dit. J’ai d’ailleurs signé, avec plusieurs de nos collègues, une tribune qui a paru dans Le Monde la semaine dernière, rédigée par un collectif d’étudiants qui alertent l’Éducation nationale sur cette question.

Je vous remercie d’avoir pris en considération un certain nombre des propositions que nous vous avions transmises lors de l’audition du président et de représentants du MODEM, propositions qui figurent également dans notre Livre blanc sur l’abstention. Je pense à la facilitation de l’inscription sur les listes électorales, à l’expérimentation du vote par correspondance et par anticipation et à l’étude sur le vote électronique.

Enfin, je suis d’accord avec vous, nos travaux doivent trouver un prolongement dans les propositions que feront, je l’espère, un certain nombre de mouvements et partis politiques lors de la campagne électorale. Du reste, je viens d’apprendre que le Président de la République s’est exprimé aujourd’hui même sur la question du cumul des mandats. C’est une bonne chose : cela signifie que nos débats intéressent l’exécutif, ce dont je ne doutais pas.

En tout cas, les propositions contenues dans le rapport permettront de nourrir la discussion à venir. Je me retrouve dans ces travaux, dont nous ferons bon usage.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Il faut toujours prendre les critiques en bonne part, et réfléchir à la manière dont on peut améliorer la compréhension de nos propositions.

Je rejoins les propos de Charles de La Verpillière sur les trois axes du rapport. Il était indispensable de dresser certains constats pour bien comprendre les phénomènes qui contribuent à l’abstention. Il a été dit qu’aucune mesure ne pouvait être prise avant les échéances de 2022. Pour ma part, je crois qu’il est possible d’appliquer l’utilisation du répertoire électoral unique, qui permettrait de voter en tout lieu, pour l’élection présidentielle. Le deuxième tour de cette élection interviendra, je le rappelle, à une date où les trois zones seront en vacances, de sorte qu’un grand nombre d’électeurs ne seront pas chez eux et ne pourront donc pas voter. Quoi qu’il en soit, nous remettrons, la semaine prochaine, notre rapport à la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté ; nous pourrons examiner avec elle si un certain nombre de nos propositions peuvent être mises en œuvre d’ici aux prochaines élections ; tel était en tout cas notre objectif pour plusieurs d’entre elles. Pour ce qui est des tests, il faudra attendre les prochaines élections locales.

Je souscris aux propos de Marion Lenne et d’Isabelle Florennes sur la question de l’éducation. Au collège, la part du programme réservée à l’instruction civique a diminué au profit d’autres enseignements. Ainsi, les enfants connaissent désormais très bien le tri sélectif. Des ambassadeurs du tri ont été désignés au sein de chaque école, et c’est une très bonne chose. Mais pourquoi n’organiserait-on pas des opérations de ce type concernant l’action citoyenne, le vote ? Nous pouvons aller plus loin dans ce domaine – je sais que le ministre de l’Éducation nationale partage ce constat. Autrefois, il existait des cours d’éducation civique qui permettaient de ne parler pendant une heure que de la vie citoyenne. Aujourd’hui, ces cours sont fondus dans ceux d’histoire-géographie. Des enseignants font bien leur travail, mais il faut redonner un peu plus d’importance au corpus citoyen dans les programmes scolaires.

Certaines des expérimentations proposées concernent, c’est vrai, des dispositifs qui existent déjà. Je connais en effet des maires qui organisent des réceptions pour la remise de leur carte électorale à des jeunes ou des conseils municipaux de jeunes. Mais ce n’est pas le cas partout, et cela se traduit, du reste, dans le taux de participation : l’abstention est beaucoup plus élevée dans les communes qui ne font rien dans ce domaine. Si les dispositifs existent, il faut les amplifier et les sanctuariser dans l’ensemble du territoire.

En ce qui concerne l’ancrage local des parlementaires, ceux d’entre eux qui font de la politique depuis longtemps n’ont pas besoin d’avoir un mandat local : les gens les connaissent. Mais ceux qui seront élus pour la première fois en 2022 et qui ne souhaitent pas avoir d’autre mandat doivent pouvoir faire leur travail de législateur tout en étant mieux intégrés dans la vie locale. Cet ancrage dépend en partie d’un travail personnel, bien entendu, mais on a besoin de structures où ils puissent prendre part à la décision et donner leur éclairage de parlementaire.

Enfin, il est vrai qu’il est plus simple, lorsqu’on est député, d’être maire d’une commune de 500 ou de 1 000 habitants que d’être maire d’une commune de 100 000 ou 150 000 habitants. Mais si l’on inscrit un seuil dans la loi, nous nous heurterons à l’obstacle du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi le rapport ne comporte pas de proposition de ce type.

La mission d’information adopte le rapport d’information et en autorise ainsi la publication, conformément aux dispositions de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale.

 


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   Liste des propositions de la mission d’information

Proposition  1 : Mieux informer les citoyens au moyen d’une campagne sur la procédure électorale, mobilisant différents médias (radio, télévision, presse, internet et réseaux sociaux), ainsi que sur les compétences et le rôle de l’institution qui est renouvelée.

Proposition  2 : Permettre la diffusion dématérialisée de la propagande électorale, par mail ou sur une application particulière, tout en maintenant la distribution du matériel de vote chez chaque électeur.

Proposition  3 : Organiser l’inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu de domicile en cas de déménagement.

Proposition  4 : Mener des campagnes d’incitation à l’inscription sur les listes électorales.

Proposition  5 : Généraliser la faculté d’établir deux procurations à l’ensemble des scrutins nationaux, locaux et européens.

Proposition n° 6 : Faciliter l’établissement des procurations par la possibilité de les obtenir via un système de visioconférence ou par l’intermédiaire des facteurs, évitant un déplacement dans un commissariat, une gendarmerie ou un tribunal.

Proposition n° 7 : Mettre en place un service public de transport des personnes en situation de dépendance, le jour du vote.

Proposition  8 : Expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet lors de prochaines élections locales ou de référendums d’initiative locale, dans les communes volontaires.

Proposition  9 : Poursuivre le développement des systèmes permettant, à terme, d’envisager le vote en ligne pour des élections nationales, ainsi que des capacités de cyberdéfense.

Proposition  10 : Expérimenter de manière territorialisée le vote par anticipation.

Proposition  11 : Permettre à tout électeur de voter dans la commune de son choix, à l’occasion des élections présidentielle et européennes, ainsi qu’aux référendums, en s’appuyant sur le répertoire électoral unique.

Proposition  12 : Permettre l’utilisation du jugement majoritaire pour les consultations menées au niveau local.

Proposition  13 : Réfléchir à un rapprochement des modes d’élection des conseillers départementaux et régionaux.

Proposition  14 : Faire figurer obligatoirement la photo du candidat tête de liste ou du binôme de candidats sur les affiches et les professions de foi.

Proposition  15 : Développer les référendums d’initiative locale, les consultations citoyennes et les ateliers citoyens.

Proposition  16 : Créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d’interpeller les élus, à tous les niveaux.

Proposition  17 : Améliorer l’ancrage local des parlementaires :

– permettre la participation des parlementaires, avec voix consultative, dans les bureaux des conseils communautaires des EPCI situés sur leur territoire, ainsi que dans les conférences territoriales de l’action publique ;

– renforcer les outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l’application des lois ainsi que l’action du Gouvernement à l’échelle de leur circonscription.

Proposition  18 : Faire mieux connaître et diffuser les avis, mises au point et communiqués de la commission des sondages.

Proposition  19 : Interdire la communication des sondages d’opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections, et une semaine avant le second tour pour l’élection présidentielle.

Proposition  20 : Élargir la réalisation de spots de campagne aux élections régionales.

Proposition  21 : Prévoir la diffusion des clips de campagne sur les réseaux sociaux et les applications

Proposition  22 : Renforcer l’éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire :

– développer la place du parcours citoyen dans la scolarité des élèves, en augmentant le nombre d’heures y étant consacrées, et en prévoyant l’évaluation des connaissances acquises ;

– mieux reconnaître l’engagement en tant que délégué de classe et au sein des conseils de la vie lycéenne et collégienne, notamment dans le dossier scolaire et lors des examens.

Proposition  23 : Développer les partenariats avec les acteurs locaux et nationaux :

– encourager le développement des conseils de jeunes dans les collectivités territoriales et les EPCI ;

– envisager la création d’un « Parlement des collégiens et des lycéens », sur le modèle du « Parlement des enfants ».

Proposition  24 : Mobiliser les mouvements d’éducation populaire pour former à la citoyenneté.

Proposition  25 : Systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté.

Proposition n° 26 : Conserver le format actuel de la carte électorale, et enrichir les informations y figurant pour permettre d’accéder facilement à des informations sur les modalités pratiques du scrutin et la procédure électorale.

Proposition  27 : Inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote, une demi-journée, au cours du premier scrutin organisé après leur inscription.

Proposition  28 : Tirer au sort les citoyens assesseurs qui pourront être requis pour tenir les bureaux de vote.


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   Personnes entendues

Les enregistrements vidéo ([170]) et les comptes rendus ([171]) de ces auditions sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.

Mercredi 1er septembre 2021

   M. Jean-François Doridot, directeur général d’IPSOS

   M. Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d’Harris Interactive France

   Mme Laure Salvaing, directrice générale de Kantar Public France

   Mme Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinions

Mercredi 8 septembre 2021

Mercredi 15 septembre 2021

   M. Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) 

   M. Gérard Grunberg, directeur de la publication de Télos 

   M. Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès

   M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint, directeur

   M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur

   M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections et des études politiques

 

Mercredi 22 septembre 2021

   M. Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université Paris Descartes

   M. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille

   M. Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes

   M. Didier Lacroix, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives

   Mme Judith Klein, cheffe du bureau de l’égalité et de la lutte contre les discriminations

Mercredi 29 septembre 2021

   Mme Chloé Ridel, présidente de l’association Mieux voter, Mme Paloma Moritz, co‑fondatrice, et M. Pierre-Louis Guhur, membre

   M. Olivier Durand, fondateur de l’Association pour la reconnaissance du vote blanc

   M. Yann-Maël Larher, représentant de l’Association pour le tirage au sort - Collectif 25-Avril

   Mme Joséphine Staron, directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia

   Mme Elizabeth Zoller, professeure émérite de droit public des pays de common law et de droit constitutionnel comparé à l’université Paris 2 Panthéon-Assas

   M. François Vergniolle de Chantal, professeur de civilisation américaine au Laboratoire de recherche sur les cultures anglophones (unité mixte Université de ParisCNRS)

   M. Olivier Richomme, maître de conférences de civilisation américaine à l’université Lumière Lyon 2

 

Mercredi 6 octobre 2021

   M. M’hamed Kaki, fondateur de l’association Les Oranges 

   M. Benjamin Kurc, président de l’association Vote&vous 

   Mme Fatiha Touimi Mouhsaine, directrice de l’association Servir, M. Hubert Couvreur, membre du conseil d’administration, Mmes Maria Touimi Benjelloun et Soraya Touimi Benjelloun, bénévoles

   Mme Manon Schricke, secrétaire générale nationale de l’association Jeunesse ouvrière chrétienne

Mercredi 13 octobre

   M. Séverin Husson, rédacteur en chef adjoint de La Croix

   M. François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef de Ouest-France

   M. Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions et M. Laurent Guimier, directeur de l’information

   M. Éric Valmir, secrétaire général de l’information de radio France, et M. Benjamin Amalric, responsable des relations institutionnelles

Mercredi 20 octobre 2021

   M. Pascal Perrineau, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Paris

   M. Vincent Tiberj, professeur de science politique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux

   M.  Jean-Paul Fauconnet, président, maire de Rosny-sous-Bois, accompagné par M. Xavier Bongibault, directeur de cabinet, et Lucile Mineo, directrice de l’accueil citoyen, à la mairie de Rosny-sous-Bois

 

 

   M. Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant l’Association des maires de France, accompagné par Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement ;

   M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France.

   M. Bernard Schmeltz, directeur général de l’Assemblée des départements de France, accompagné par M. Jérôme Briend, conseiller affaires juridiques, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement 

Jeudi 21 octobre 2021

   Mme Céline Braconnier, directrice de Science Po Saint-Germain-en-Laye, professeure de science politique

   M. Jean-Yves Dormagen, professeur de science politique à l’université de Montpellier

   M. Abel François, professeur d’économie à l’université de Lille 

   Mme Anne Muxel, directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS

   M. Thierry Vedel, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF 

   Mme Elisa Borry-Estrade, responsable affaires publiques de Facebook France, Mme Béatrice Oeuvrard, responsable affaires publiques, et Mme Clémence Dubois, responsable des partenaires institutionnels

   M. Stéphane Harrouch, responsable relations institutionnelles de YouTube France, et Mme Charlotte Radvanyi, chargée de relations institutionnelles de Google France 

   M. Jean Gonié, directeur des affaires publiques de Snapchat, et Mme Sarah Bouchahou, responsable affaires publiques pour la France 

   M. Yohann Bénard, directeur des affaires publiques Europe du Sud d’Amazon, et Mme Philippine Colrat, responsable des affaires publiques d’Amazon.


Mercredi 27 octobre 2021

   M. Stanislas Guerini, délégué général de La République en marche

   M. Raphaël Schellenberger, secrétaire général adjoint des Républicains 

   M. Patrick Mignola, président du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés de l’Assemblée nationale

   Mme Corinne Narassiguin, secrétaire nationale à la coordination, à la communication et aux moyens du Parti socialiste 

   M. Philippe Ballard, porte-parole du Rassemblement national

   M. Olivier Henno, secrétaire général de l’Union des démocrates et indépendants

Mardi 9 novembre 2021

Jeudi 25 novembre 2021

Mercredi 1er décembre 2021

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Le Président et le Rapporteur signalent que, conformément aux souhaits de la mission, ils avaient contacté en vue de l’organisation de deux tables rondes les trois principaux groupes de télévisions privés (TF1, M6 et Canal +) d’une part, trois agences de communication politique (Publicis, Havas et Image 7) d’autre part : aucun n’a répondu positivement à ces demandes, seul TF1 envoyant in fine une contribution écrite (voir infra).

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Le Président et le Rapporteur se sont en outre entretenus avec M. Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, le 4 novembre 2021 (le compte rendu de cet entretien figure ci-après).


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   Liste des contributions reÇues ([172])

   Projet Democratia

   Jeunes de France

   Jeunes démocrates

   Groupe TF1

   Twitter

   Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)

 

Le Président et le Rapporteur remercient les auteurs de ces contributions pour leur intérêt pour les travaux de la mission et la richesse des éléments fournis.

À l’exception de celle du Groupe TF1, dont la mise en ligne n’était pas souhaitée par son auteur, les contributions sont accessibles sur le site de l’Assemblée (lien).

 


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   COMPTE RENDU DE L’ENTRETIEN ENTRE LE PRésident,
le RAPPORTEUR et M. Robert BADINTER (
[173])

M. le président Xavier Breton. Merci de nous recevoir dans le cadre de cette mission d’information sur l’abstention et la participation électorale.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Face au taux d’abstention observé lors des dernières élections, on ne peut laisser les choses en l’état.

M. Robert Badinter. Ce sera pire pour les prochaines. Nous aurons un record d’abstention pour les législatives compte tenu du désintérêt. J’en suis convaincu.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous avons déjà auditionné des universitaires, des spécialistes. Nous regardons aussi la situation des pays étrangers : les États-Unis, bientôt la Suisse…

M. Robert Badinter. Qu’en est-il des États-Unis ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Les taux d’abstention y sont également considérables, malgré des dispositifs différents de ceux que nous pouvons connaître en France, comme le vote par correspondance. Nous sommes bien sûr attentifs à tout exemple dont nous pourrions nous inspirer, mais les différences de fonctionnement des institutions entre les deux pays font qu’une transposition serait assez compliquée. Il y a une hiérarchie des pouvoirs en France qui n’existe pas aux États-Unis, l’élection présidentielle s’y joue en un seul tour, comme celle des représentants à la Chambre et au Sénat… D’ailleurs, est-il nécessaire de transposer tout ce qui vient des États-Unis ?

Le principal but de notre mission, au-delà des modalités de vote qui ne changeront finalement pas grand-chose, est de s’interroger sur notre démocratie représentative, sur notre manière de vivre dans un collectif, sur le sentiment d’appartenance à une communauté nationale, bref sur la façon dont les gens peuvent reprendre leur destin en mains à travers le vote.

M. Robert Badinter. Disposez-vous d’études récentes et exhaustives sur l’abstention en France, selon le mode de scrutin ou la région ? Sait-on pourquoi on vote ici, et pas là ? Vous ne pourrez poser un diagnostic qu’au regard des derniers scrutins intervenus.

M. le président Xavier Breton. Nous nous rendons compte qu’il y a peu d’études.

M. Robert Badinter. Du point de vue qui vous occupe, celui de la participation électorale, il serait intéressant de savoir si l’on vote davantage dans une région ou dans une autre, y compris pour les scrutins locaux, et pourquoi. Si, dans le même pays, avec le même système, on vote plus en Bretagne ou en Provence, il faut analyser pourquoi. Il y a probablement des recherches universitaires sur le sujet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous avons reçu hier deux rapports qui avaient été commandés par le président de l’Assemblée nationale, l’un de Fondapol et l’autre de la fondation Jean-Jaurès. Nous commençons à les analyser. Le Conseil économique, social et environnemental a également lancé un travail intéressant sur la participation citoyenne.

Nous nous baserons aussi, selon ce qui est exploitable, sur une consultation en ligne lancée par l’Assemblée nationale sur son site, et qui a obtenu 172 000 réponses. Nous nous apercevons d’ores et déjà que la question du vote blanc ressort tout particulièrement des réponses, avec son corollaire, le vote obligatoire. Nous allons devoir articuler tous ces éléments pour définir des propositions et des expérimentations.

M. Robert Badinter. Si le vote est obligatoire, tout manquement implique une sanction – qui peut être de quelques euros, mais une sanction. Je doute que ce soit de nature à encourager le vote. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que cela créera du ressentiment : « si c’est comme ça, je ne vais pas voter ! » D’autant que ce n’est pas la Constitution qui rend le vote obligatoire. Connaissant nos concitoyens et leur attitude souvent négative, je n’y crois pas. Le vote est un droit, pas un devoir autre que moral et civique. Je ne le vois pas assorti d’une sanction pénale : une contravention de quelques euros n’aurait aucun intérêt, et une sanction efficace devrait être d’une telle importance qu’elle conduirait à une réaction très négative. C’est un avis personnel, mais je pense que ce serait politiquement malvenu au regard de l’état d’esprit général de nos concitoyens. D’autres États, peu nombreux d’ailleurs, pratiquent le vote obligatoire, comme le Luxembourg, mais le civisme comme la population y sont très différents.

Sur le vote obligatoire donc, ma réponse personnelle est définitivement non. Et je ne suis pas partisan non plus d’un abaissement de l’âge du vote. Quand j’écoute les conversations des ados, je ne peux pas dire que leur maturité politique me semble aussi développée que par le passé. D’une façon générale, je dirais que la conscience civique et l’intérêt politique ne se sont pas développés ces dernières années, pour utiliser une formule amène. Un chanteur de rap qui se présenterait emporterait un nombre considérable de voix sans qu’on sache exactement ce qu’il pense ni ce vers quoi il tend. Avec le droit de vote à 16 ans, tel comique ou chansonnier qui s’est présenté jadis aurait recueilli toutes leurs voix… Ce n’est pas sérieux.

M. le président Xavier Breton. D’autant que lors des régionales et des départementales, en juin, le taux d’abstention des 18-34 ans a été de 85 %.

M. Robert Badinter. C’est considérable.

M. Stéphane Travert, rapporteur. À titre personnel, je ne suis pas favorable non plus au vote à 16 ans. Mon fils de 17 ans me dit même que lorsqu’il écoute certains de ses camarades, en terminale, cela lui fait très peur ! Je pense que nous ne sommes pas prêts. Nous devons préparer des citoyens éveillés.

M. Robert Badinter. Les jeunes doivent prendre l’habitude du vote, avec des délégués, de classe par exemple. On peut aussi envisager qu’ils votent un jour aux élections municipales, où il y a des questions locales à régler – un stade, des transports… Mais certainement pas nationales. On ne peut pas jeter ainsi des millions de voix dans la balance. Cela risquerait de fausser complètement le vœu de la majorité du pays, pour des raisons qui ne se justifient pas au premier abord.

J’étais très partisan du vote à 18 ans, parce qu’il était déjà appliqué dans une partie de ce qui était alors la Communauté européenne, et parce qu’en écoutant mes étudiants, à la faculté, cela me semblait justifié. Ils étaient plus politisés qu’aujourd’hui.

M. le président Xavier Breton. Vous constatez une régression, en termes de maturité politique, par rapport à ces années-là ?

M. Robert Badinter. Oui. Dans les facs que je connaissais, je ne voyais aucune raison de leur interdire de voter à partir de 18 ans. C’était très vexant, cela faisait partie des vieux préjugés. Mais 16 ans, ce n’est pas la même chose.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Ne poserait-ce pas d’ailleurs un problème constitutionnel, avec une majorité à 18 ans ? Quelqu’un qui peut aller voter est également en âge d’être élu, conseiller municipal par exemple. Se pose dès lors la question de la responsabilité. À 18 ans, on est majeur, responsable de ses actes, de ses décisions, de ses prises de parole. Mais à 16 ans, la responsabilité incombe aux parents.

M. Robert Badinter. Oui, le droit de vote entraînerait le basculement vers une majorité à 16 ans. Il y a là une logique essentielle, un lien indestructible. Dès lors qu’on vote, on doit avoir toute sa capacité civile. Si l’on a la capacité politique de choisir les élus du pays, il n’y a aucune raison de ne pas avoir la capacité civile. Non, ce n’est pas une bonne mesure. La question de départ, c’est le fait que les Français ne s’intéressent plus à l’exercice du droit de vote, pas la constatation d’une maturité telle qu’on doive abaisser l’âge du vote.

M. le président Xavier Breton. Comment expliquez-vous cette tendance à la montée de l’abstention, qui n’est d’ailleurs pas récente ? Quelles pistes faudrait-il explorer ?

M. Robert Badinter. Vous êtes mieux à même que moi de répondre à cette question. La vie politique continue évidemment de m’intéresser, mais je n’y participe plus : je suis un vieux juriste, qui regarde les choses du point de vue de Sirius ! Je soulignerai l’importance d’un facteur : le numérique. Les réseaux sociaux remplacent les mouvements politiques organisés de jadis. Il ne peut pas y avoir, ou très difficilement, de parti organisé et puissant quand règne le réseau social, que les citoyens utilisent pour exprimer leur opinion dans la minute, sans avoir réfléchi.

On n’a pas assez pris conscience de ce que j’appelle la révolution intellectuelle numérique. Manifester immédiatement son opinion sur telle question ou tel participant, avoir la possibilité de ruiner tel argumentaire ou telle personne dans la seconde, c’est un changement radical dans la vie politique. Radical. On a l’impression d’être informé, alors qu’on est soumis aux pressions des réseaux sociaux. C’est à mon avis le facteur déterminant de la désaffection pour la vie politique.

J’ai commencé mes études supérieures en 1945. Je peux vous dire que dans les facultés de droit, de sciences po, la politique était une passion ! Et je ne parle pas là des organisations de jeunesse, très encadrées, qui étaient parfaitement au point. C’était une passion, et cela a continué longtemps comme ça. Maintenant, l’interlocuteur, c’est le smartphone. Quand je me promène au jardin du Luxembourg, je reste perplexe : je vois encore des jeunes gens, mais toujours avec leurs téléphones allumés ! Comment peut-on réellement avoir une relation avec un œil rivé sur son interlocuteur et l’autre sur son téléphone ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. Vous connaissez bien la salle des conférences de l’Assemblée nationale, avec ces fauteuils confortables autour d’une grande table. Il y a quelques années, les députés bavardaient ou lisaient. Aujourd’hui, chacun est sur son téléphone. On voit aussi des gens qui déjeunent ensemble, chacun les yeux rivés sur son téléphone.

M. Robert Badinter. Voilà le sujet majeur de réflexion pour les nouveaux Tocqueville. Aux États-Unis, Trump a été élu grâce au numérique. Il est l’un des premiers à avoir tout compris de l’usage partisan du numérique à des fins personnelles, de cette espèce de dialogue qui s’instaure, étonnant mais très dangereux, avec les électeurs. Le lien entre les électeurs et l’intermédiaire politique, l’élu responsable devant ses concitoyens, a disparu au profit de l’écran. On n’en a pas encore décelé toutes les conséquences, mais c’est l’objet de la réflexion politique de demain.

M. le président Xavier Breton. Cela signifie-t-il qu’il faut aller vers une domestication de cet outil numérique, vers son utilisation dans le processus électoral ? Pour l’instant, le rapporteur et moi sommes très prudents sur le sujet.

M. Robert Badinter. Il est très difficile de répondre aujourd’hui. Mais j’ai envie de vous dire : toutes les réponses sont dans l’ordinateur, mais où sont les questions ? Quelles questions faut-il poser, sur quoi ? Il est trop tôt pour mettre au point des remèdes, mais je pense que, toute différence politique mise à part, c’est sur ce sujet que la réflexion doit s’exercer : le rapport que va avoir le numérique avec la démocratie telle que nous l’entendons, fondée sur les principes de droit que nous connaissons.

Tout a changé. Tout. C’est ce qui explique que la jeunesse n’ait pas la même culture. Elle a la culture de l’instantanéité, elle sait tout, dans la limite des capacités de l’ordinateur, et guère en dehors. Je m’éloigne du sujet, mais cette idée du vote à 16 ans ne peut pas ne pas conduire à s’interroger sur la maîtrise démocratique de l’instrument numérique. C’est la grande question de la démocratie de demain. Je souhaite pour ma part que les esprits s’interrogent sur les conséquences de cette révolution numérique. On les verra peut-être à l’occasion de l’élection présidentielle, ce grand scrutin hyperpersonnalisé.

Bref, pour ce qui est de l’âge de la majorité, ce n’est pas cela qui changera quelque chose ; pour ce qui est du vote obligatoire, je réponds non. En revanche, le vote anticipé, lui, est lié à la révolution technique. On votera en utilisant le numérique, j’en suis absolument convaincu. C’est dorénavant une question de technique, de sécurisation : dès que ces questions se trouveront résolues, cela se fera. Combien de temps à l’avance, et en s’assurant de la certitude et de la loyauté des suffrages exprimés, ce sont les spécialistes du numérique qui le diront ; mais le procédé est déjà avancé dans certains États.

Quand on pourra utiliser le numérique pour le vote, toutes les questions techniques se poseront en termes différents : lieux, horaires d’ouverture des bureaux de vote… On pourra probablement étendre la période du vote. Aujourd’hui, on ne peut pas tout installer et mobiliser le maire, les adjoints, les assesseurs pendant des jours : ce n’est pas possible, et cela ne ferait que nourrir plus de contestations. Mais avec le vote électronique, je n’y vois aucun inconvénient.

Il faut donc progresser sur le sujet, et je pense que cela devrait être fait avant les élections présidentielle et législatives de 2027. Nous avons les cinq ans qui viennent pour maîtriser la technique – et, comme je le disais, il existe déjà des expériences étrangères. L’utilisation du numérique permettra aussi de répondre à la demande de démocratisation, parce que les gens seront beaucoup plus enclins à voter s’ils n’ont qu’à tapoter sur une touche au lieu de se rendre dans un bureau de vote.

Les questions que va poser le vote numérique, vous ne pouvez pas y répondre aujourd’hui ; mais vous pouvez dire qu’il faut faire en sorte d’adapter au numérique les principes du droit que nous connaissons, et qui doivent être respectés dans une démocratie. C’est une question technique, et je pense qu’elle sera résolue.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Une des questions essentielles est celle de la confiance du vote. C’est pour cela que nous avons un moratoire sur les machines à voter.

M. Robert Badinter. On vote déjà par électronique à certains endroits, aux États-Unis ou dans le nord de l’Europe. Tout cela est à examiner par le Parlement, pendant deux ou trois ans, en se servant des expériences comparées. Nous avons d’excellents électroniciens. Ce n’est pas autre chose qu’un problème technique, qui se trouvera résolu, j’en suis convaincu, mais qu’on ne peut pas ignorer.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Mais le jour du vote, c’est la fête de la République, la fête de la démocratie. Comment faire pour conserver ce rituel démocratique où l’on vient déposer un bulletin dans l’urne pour participer au travail collectif d’un pays ? Le vote électronique viendra tôt ou tard, en tout cas sous forme d’expérimentation, ou pour un type d’élections particulier. Mais comment ne pas perdre cette sacralisation du jour du vote, ce moment important qui fixe ce qu’est la démocratie représentative ? Ou alors faut-il remettre en question ce qu’est la démocratie représentative ?

M. Robert Badinter. Je vois que vous êtes amateur de Courbet, avec ces paysans de 1848, derrière le châtelain, allant voter pour la première élection présidentielle… Si les républicains refusaient le vote des femmes, c’est essentiellement parce qu’ils pensaient qu’elles étaient sous l’influence des prêtres : on donnait les clefs de la République au parti clérical en faisant voter les femmes ! Ce n’était d’ailleurs pas faux : à l’époque, le confessionnal pouvait aussi servir à donner certaines indications… Nous l’avons complètement perdu de vue, mais c’était cela la véritable raison, plus que la misogynie, la peur du clergé. Il n’est qu’à regarder les congrès radicaux des années 1910 : on disait que la séparation de l’Église et de l’État n’aurait pas été réalisée si les femmes avaient voté.

Mais le droit de vote des femmes était juste, et le vote électronique me semble être inévitable. La culture d’aujourd’hui, c’est la culture numérique. Le jour où le vote sera électronique, la participation électorale sera très importante. Dans un autre domaine, c’est ce que je répète depuis trente ans à ceux qui se préoccupent de l’avenir de la justice : vous vous cramponnez à des rites là où il faudrait conserver les principes et les adapter au numérique. La justice telle qu’on la pratiquait, c’est fini. C’est la même chose ici. Que va-t-il se passer lors des prochaines élections ? C’est celui qui triomphera sur les smartphones qui ramassera les voix.

M. le président Xavier Breton. Ce qui est étonnant, c’est que notre droit électoral ne prend absolument pas en compte le numérique. Il reste tout simplement à côté.

M. Robert Badinter. Je pense que les démagogues à la Trump maîtriseront mieux les réseaux sociaux, parce qu’on s’y exprime en dix ou douze mots. En tout cas, le discours sera « sloganisé », et c’est un sujet de réflexion essentiel pour la démocratie.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis très attaché au rituel républicain et à la confiance dans le vote. Les isoloirs ont été créés pour que l’électeur ne puisse pas être sous influence lorsqu’il fait son choix. Le numérique ne permet pas de contrôler les pressions qui pourraient s’exercer sur une personne, âgée ou malade certes, mais aussi jeune, appartenant à un groupe, à une communauté, là où se produirait le vote. Comment faire en sorte que, comme avec un bulletin papier, les gens votent en leur âme et conscience, choisissent eux-mêmes ? Je n’ai aucune prévention contre le vote électronique dès lors qu’il ne peut être entaché de suspicion, qu’il reste un acte totalement libre pour chacun.

M. Robert Badinter. On vous répondra qu’avant de savoir comment exprimer une opinion selon le rituel républicain, la grande question est de savoir comment se forge cette opinion. J’ai évoqué tout à l’heure la hantise des républicains devant l’influence de l’Église sur l’électorat féminin, qui paraît dérisoire aujourd’hui, mais qui n’était pas complètement infondée alors. Les problèmes que pose le numérique ne touchent pas seulement à la sécurité et à la loyauté du vote – cela, c’est une question qui peut être résolue, et qui l’est déjà dans certains États – mais se trouvent en amont, dans la façon dont le numérique détermine les choix.

Je me dis parfois qu’avec la pensée d’un Goebbels accessible en version numérique, l’idéologie nazie aurait gagné bien au-delà de ce que nous savons. L’utilisation à des fins de propagande du numérique me paraît une menace plus redoutable pour la démocratie que la taille des bulletins ou les horaires des bureaux de vote ! Mais nous sortons là de votre sujet, qui est d’améliorer le système existant, et non de s’interroger sur la révolution du numérique.

Je le répète, il faut analyser la campagne électorale de Trump. C’est un avertissement pour le jour où nous aurons un démagogue de cette envergure qui utilise si bien le numérique – nous l’avons peut-être déjà, et le rituel du bureau de vote n’y changera pas grand-chose. En tout cas, pour ce qui est de la technique électorale, vous ne pouvez pas négliger le numérique. Il permet d’étendre la période de vote, de faciliter les opérations. Vous savez combien la permanence des bureaux de vote est lourde et difficile à organiser : tout est bien contrôlé maintenant, mais c’est tout de même très mobilisateur. Quand il n’y a qu’à appuyer sur un bouton, tout est plus facile. Je pense aux hôpitaux, aux EHPAD, et aussi aux prisons.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Dans les catégories de population qui ne se sont pas rendues aux urnes aux dernières élections, outre les 18-34 ans qu’on évoquait tout à l’heure, on trouve les plus de 80 ans. Ce n’est pas lié à un désir d’abstention, mais à un empêchement physique qu’on peut facilement comprendre.

M. Robert Badinter. Vous mentionnerez sans doute dans votre rapport les difficultés, voire l’impossibilité qu’il y a à se rendre dans certains bureaux de vote pour ceux qui ont du mal à se déplacer. Il faut faciliter l’accès aux bureaux de vote. La procuration existe bien sûr, mais c’est un système compliqué.

M. le président Xavier Breton. Peut-on envisager de s’accommoder d’une forte abstention ? Est-ce vraiment une menace pour la démocratie ? D’autres pays se sont habitués de plus longue date que nous à de forts taux d’abstention, et vivent avec. Certains partis de gouvernement, plutôt modérés – centre droit et centre gauche pour être clair – n’ont peut-être pas intérêt à ce que ceux qui aujourd’hui ne s’expriment pas aillent voter, parce qu’ils pourraient alimenter un vote radical, protestataire, extrémiste. La baisse de la participation est-elle la plus grande menace pour la démocratie ? Bref, pourrait-on s’en accommoder ?

M. Stéphane Travert, rapporteur. C’est un peu ce que vous aviez théorisé par le réveil de la bête…

M. Robert Badinter. Je pense qu’il faut formuler les règles d’une démocratie idéale pour que puisse fonctionner une démocratie d’aujourd’hui satisfaisante ! Mais ces règles du jeu doivent correspondre aux exigences de demain, et ne pas méconnaître le développement de la technologie. À ce stade, vous devez poser les questions, pas donner les réponses.

Les réponses ressortent d’une réflexion majeure pour l’avenir de la démocratie, qu’il faudra mener. Mais je ne crois pas, même si vous avez des sentiments, des convictions, que vous puissiez formuler autre chose qu’un avertissement ou un questionnement. Si vous en arriviez aux recommandations, on vous répondrait que vous n’avez pas pris en compte telle évolution ou tel exemple…

La problématique est aujourd’hui posée, et brutalement. Votre rapport doit éclairer les problèmes qui vont nous prendre demain à la gorge, et qu’on observera peut-être déjà lors des prochaines élections. Cela ne vous empêche pas, la plume à la main, voire l’ordinateur, de préparer un ouvrage sur les solutions envisageables ; mais dans votre rapport, vous ne pouvez pas dépasser à ce point le cadre qui vous est assigné en parlant de l’avenir de la démocratie. C’est au Parlement et au peuple qu’il appartient de le définir !

M. Stéphane Travert, rapporteur. Mais si nous devons faire évoluer notre système, faut-il envisager cette part d’accommodement dont parlait le président Breton ? Peut-on se satisfaire d’un pays qui, en dépit de taux d’abstention élevés, trouve une majorité et réussit malgré tout à fonctionner ? Est-ce durable ?

M. Robert Badinter. Sur les problèmes institutionnels, parce que c’est de cela qu’il s’agit, chacun de nous, chacun de ceux qui aiment la chose publique s’interroge. Chacun rêve d’une Constitution idéale, sinon d’une sixième, septième, huitième République… Mais ramener les électeurs aux urnes et s’assurer que le vote exprime le vœu du pays sont deux choses différentes. L’objet de votre mission est d’améliorer la participation, de développer le désir des citoyens de participer à la vie publique. Vous ne pouvez pas proposer une réforme structurelle des institutions à cette occasion. En revanche, votre rapport sera utile s’il dépasse l’avenir immédiat pour poser les problèmes de demain – ou plutôt d’après-demain : pour demain, il faut s’interroger sur des campagnes de publicité, demander aux spécialistes de l’opinion publique comment attirer à nouveau les Français, qui ont beaucoup voté jadis, vers les urnes…

M. Stéphane Travert, rapporteur. Pensez-vous qu’un recours plus fréquent, au plan national ou local, à des référendums ou des votations serait de cette nature ?

M. Robert Badinter. Je suis un partisan des référendums d’intérêt municipal et régional. En revanche, je suis hostile au référendum national d’initiative populaire. Le problème, c’est la campagne. Je peux vous assurer que les questions posées par un référendum d’initiative populaire seront les plus démagogiques et les plus dangereuses qui soient. Imaginez une question venant de l’extrême droite sur la préférence nationale : dans le débat, on entendra que bien sûr, les hôpitaux doivent être ouverts aux étrangers, et les HLM aussi… mais aux Français d’abord ! Imaginez le résultat, dans le climat actuel. C’est avec de telles campagnes qu’on forge une mentalité collective.

S’agissant donc de la vie locale – de l’endroit où l’on construira le pont ou des horaires d’ouverture des services publics – le référendum d’initiative populaire est un outil important. Mais au niveau national, la xénophobie et le racisme se libéreront à la faveur de ces campagnes dites « d’initiative populaire ». Nous ne sommes pas un canton suisse. Cela dit, à Genève, cela fait quarante ans qu’on débat du point de savoir s’il faut un tunnel ou un nouveau pont pour rejoindre les rives du lac, et ce n’est toujours pas réglé !

Si vous me permettez une anecdote, à propos de la liaison Paris-Londres, j’ai vu le Président Mitterrand vouloir un tunnel sous la Manche alors que Madame Thatcher ne jurait que par le pont, financé par des banques. Chacun campait sur ses positions. Finalement, Mitterrand a accepté l’intervention des banques privées, mais seulement pour un tunnel. Sa motivation, en réalité, était qu’avec l’impression de continuité territoriale que donne le tunnel, Londres devenait une partie de l’Europe, alors que sur un pont on verrait tout le temps que l’Angleterre est une île, et lointaine… Quelle vision ! Quoi qu’il en soit, c’était une décision autocratique qui a fonctionné alors qu’à Genève, malgré tous les outils démocratiques dont ils disposent, le débat ne débouche pas.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Merci pour tous ces éléments de réflexion, à commencer par tout ce qui a trait à la question du numérique.

M. Robert Badinter. Nous sommes dans une époque de transition, ce n’est pas discutable. Il faut réfléchir au moyen de maintenir nos principes pendant cette période, et surtout dans celle qu’elle annonce. Vous devez évoquer les problèmes, montrer que vous n’êtes pas sans avoir mesuré leur importance, mais il me paraît difficile de les résoudre dans le cadre de votre mission. Cela sera un autre travail, qui se fera j’imagine après les élections législatives.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Pensez-vous que les gens ne se déplacent désormais pour aller voter que s’il y a un véritable enjeu ? Pour les départementales et les régionales, les gens ont pu considérer que, quelle que soit la personne élue, elle continuerait à financer les transports, les lycées, les universités, et que les différences étaient négligeables. Et si les gens ne se déplacent que pour un enjeu particulier, la présidentielle en est-elle un ?

M. Robert Badinter. Je pense que oui. Le système de la Ve République – sa structure, son inspiration, la personnalisation font que le Président est « l’homme de la nation ». Il fallait l’entendre de la bouche du Général : l’homme de la nation, élu par la nation tout entière pour définir les voies dans lesquelles elle s’engage… Superbe ! Chaque représentant a une circonscription, et en l’occurrence, c’est la France. Les Français aiment l’élection directe du Président de la République parce que cela en fait vraiment l’homme de la nation. Avec d’autres systèmes, notamment le scrutin de liste, on a pu assister à des escamotages successifs de la volonté populaire : j’ai vécu la IVe République et j’ai vu les meilleurs tomber ! Des hommes de qualité politique et intellectuelle restaient en poste six ou sept mois. Alors le régime actuel pose certes le problème de l’équilibre des pouvoirs –  n’est-on pas passé de pas assez à trop de pouvoirs pour le Président ? – mais cela nous éloigne de votre sujet.

M. Stéphane Travert, rapporteur. Certains considèrent que cela revient à élire le syndic de copropriété pour cinq ans, et à se laver les mains de ce qui peut advenir ensuite. On attend énormément de l’homme ou de la femme à la tête d’un État, et on se désintéresse de la chose publique, qui fait pourtant vivre les territoires et tout le champ démocratique.

M. Robert Badinter. Vous le savez pour le vivre plus intensément, mieux que moi. Dans le monde si difficile où nous sommes, je ne suis pas sûr que le régime parlementaire réponde encore à ces exigences techniques. Regardez les réunions intereuropéennes : si un président a une opinion, les autres savent bien que tout pourra changer dès qu’il sera remplacé. Le rôle du Président de la République ne doit pas tendre à tout régler. Ils jurent au départ qu’ils seront attentifs aux droits du Parlement mais, le pouvoir étant le pouvoir, j’ai observé cette dérive chez tous ! Il est vrai que pour se présenter à la présidence de la République, il faut un degré de confiance en soi particulièrement élevé...

Je crois que votre rapport doit montrer toute l’importance du vote électronique. C’est aussi un remède à l’abstention. Les gens ont des portables, des ordinateurs, ils sont habitués à passer leurs commandes par internet. Le jour où cela sera mis au point pour le vote, ils l’utiliseront. Il faut s’assurer de la sécurité et de la sincérité du procédé, ce qui est un problème technologique ; et il faut établir les règles, penser aux délais. C’est votre deuxième mission. La première est de consulter les spécialistes, d’aller voir à l’étranger ce qui fonctionne ou pas, quels sont les défauts et les dangers. Mais pour le prochain scrutin, il faut vraiment avoir maîtrisé cette question. C’est ça, l’avenir.

M. le président Xavier Breton. Merci infiniment pour cet entretien et pour l’éclairage précieux que vous nous apportez.


 

   Annexe I
Revue des propositions de lois récentes portant sur les modalités de vote et la participation électorale

Assemblée nationale :

Intitulé et numéro de la proposition

Premier signataire

Groupe du premier signataire

Date de dépôt

Observations / résumé de la proposition

Proposition de loi nº 4683 relative à l’organisation du scrutin sur deux jours

M. Vincent ROLLAND

Les Républicains

 

 

 

 

 

 

 

16 novembre 2021

STATUT : texte déposé le 16 novembre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Prône l’organisation des scrutins sur deux jours, à savoir le dimanche et le lundi.
  • La proposition concerne tous les scrutins et toutes les élections.
  • Cet allongement de la période de vote n’impliquerait pas une hausse du nombre d’assesseurs à mobiliser dans la mesure où le nombre de bureaux de vote serait réduit.

Proposition de loi nº 4682 pour une nouvelle démocratie

Mme Paula FORTEZA

Non inscrite

16 novembre 2021

STATUT : texte déposé le 16 novembre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Prône la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé. Des bulletins de types « vote blanc » devront en outre être mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote.
  • Rôle de blocage du vote blanc et d’invalidation du suffrage si les votes blancs représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. Un nouveau scrutin doit, dans ce cas, être organisé.
  • Propose d’abaisser l’âge de vote de 18 ans à 16 ans.
  • Propose d’expérimenter la méthode du vote au jugement majoritaire pour les prochaines élections municipales, dans le but de limiter les logiques de « vote utile ».
  • Prévoit que soit systématiquement proposé, lors d’une déclaration de changement de domicile auprès d’un organisme public, l’inscription sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu d’habitation.

NB : Le vote au jugement majoritaire, inventé par deux chercheurs français, Michel Balinski et Rida Lariki, est une méthode de vote par valeurs (les électeurs attribuent une mention à chaque candidat et peuvent attribuer la même mention à plusieurs candidats) pour laquelle la détermination du gagnant se fait par la médiane plutôt que par la moyenne. Elle permet ainsi de classer les candidats en fonction d’un ordre de préférence, au lieu de devoir choisir une seule candidature et éliminer les autres.

Proposition de loi nº 4681 portant mesures d’urgence pour une nouvelle démocratie

M. Matthieu ORPHELIN

Non inscrit

16 novembre 2021

STATUT : texte déposé le 16 novembre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Prône la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé (sans pour autant que la proposition ne s’attarde sur une éventuelle invalidation du scrutin du fait d’une majorité de votes blancs).
  • Prévoit que soit systématiquement proposé, lors d’une déclaration de changement de domicile auprès d’un organisme public, l’inscription sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu d’habitation.

Proposition de loi constitutionnelle nº 4661 pour une nouvelle démocratie citoyenne et participative

Mme Paula FORTEZA

Non inscrite

10 novembre 2021

STATUT : texte déposé le 10 novembre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Ladite proposition de loi constitutionnelle s’attarde davantage sur la création de mécanismes favorisant la participation politique et citoyenne, et non pas la participation électorale en elle-même (contrairement à la proposition de loi nº 4682 pour une nouvelle démocratie, présentée supra, qui s’attarde elle sur différents outils à même de lutter contre l’abstention).
  • La proposition de loi constitutionnelle accorde le droit de vote aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Proposition de loi nº 4641 actant la confiance en la jeunesse

M. François JOLIVET

La République en Marche

3 novembre 2021

STATUT : texte déposé le 3 novembre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Propose d’abaisser l’âge de vote de 18 ans à 16 ans.

Proposition de loi nº 4582 visant à renforcer la participation lors des élections en France et à améliorer notre démocratie

Mme Muriel RESSIGUIER

La France Insoumise

19 octobre 2021

STATUT : texte déposé le 19 octobre 2021 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Prône la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé.
  • Si lors du second tour, la majorité absolue n’est pas obtenue, du fait de votes blancs, de nouvelles élections doivent être organisées.
  • Rend obligatoire l’inscription sur les listes électorales et le vote dès la majorité sous peine de sanction qui prendrait la forme d’un stage civique de trois jours.

Proposition de loi nº 4469 visant à instaurer le vote par correspondance

 

Mme Cécile UNTERMAIER

Socialistes et apparentés

21 septembre 2021

STATUT : texte déposé le 21 septembre 2021 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Prône la mise en place du vote par correspondance, présenté comme un complément au vote à l’urne, outil fondamental et nécessaire pour lutter contre l’abstention.
  • Mise en place d’une commission de vote par correspondance, afin d’assurer un contrôle et la transparence du processus et ainsi neutraliser les suspicions de fraude.
  • L’acheminement du pli fermé doit être fait dans un délai contraint (sans pour autant que ce délai soit précisé dans la proposition de loi, ni le délai dans lequel l’électeur peut envoyer son vote par correspondance).
  • L’envoi du vote par correspondance sous pli fermé ne prive pas l’électeur de son droit de vote à l’urne. S’il vote à l’urne le jour du scrutin, son vote par correspondance est annulé.
  • Une refonte du calendrier électoral est nécessaire, avec au moins deux semaines, plutôt qu’une, entre les deux tours, le temps d’organiser le vote par correspondance.

Proposition de loi nº 4394 confiant à La Poste la mission de distribution de la propagande électorale et des bulletins de vote

M. Guillaume LARRIVE

Les Républicains

21 juillet 2021

STATUT : texte déposé le 21 juillet 2021 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Le mauvais acheminement de la propagande électorale est présenté comme un grave préjudice pour notre démocratie.
  • L’État a accepté la délégation de la mission de service public qu’est la distribution de la propagande, notamment lors des dernières élections. La France est l’un des seuls pays européens à organiser l’information électorale de cette manière.
  • Propose que les préfectures reprennent la main sur les opérations de mise sous pli de la propagande : ces activités peuvent et doivent être effectuées en régie, sous l’autorité des préfets, sans qu’il soit besoin de s’en remettre à des prestations de service.

 

NB : Il est probable qu’une telle disposition législative ne soit pas conforme, à ce stade, à des stipulations du droit européen, telles que les directives la directive 97/67/CE, dite directive postale cadre, et la directive 2002/39/CE précisant les étapes de la libéralisation du secteur postal.

Proposition de loi nº 4352 visant à confier à la Poste le monopole de la distribution de la propagande électorale

M. André CHASSAIGNE

Gauche démocrate et républicaine

13 juillet 2021

STATUT : texte déposé le 13 juillet 2021 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • La distribution effective de la propagande électorale est présentée comme un des principaux outils de sensibilisation, d’information des citoyens et de lutte contre l’abstention.
  • Prévoit, dans son article unique, d’intégrer au service universel postal, dont La Poste est l’unique prestataire, la mission d’acheminement et de distribution de la propagande électorale.

Proposition de loi nº 4342 visant à faire de la diffusion de la propagande électorale un service public non ouvert à la concurrence et assuré en régie par le prestataire du service universel postal

M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER

UDI et indépendants

13 juillet 2021

STATUT : texte déposé le 13 juillet 2021 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Propose que la distribution de la propagande électorale soit un service public non soumis à la concurrence, service public visant à garantir l’intérêt général attaché à l’information éclairée des citoyens en période électorale et la sincérité du scrutin, et ce faisant, luttant contre l’abstention.
  • Une cellule de suivi de distribution de la propagande électorale est systématiquement mise en place entre le prestataire du service universel postal, le ministère de l’intérieur et les préfectures pour s’assurer que ce service public est pleinement assuré et satisfait. 

Proposition de loi constitutionnelle nº 3896 relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle

M. Jean-Félix ACQUAVIVA

Libertés et territoires

17 février 2021

STATUT : texte déposé le 17 février 2021 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La proposition de loi a été discutée en Commission, et rejetée le 31 mars 2021. Elle n’a pas été examinée en séance publique.

 

  • Prône la reconnaissance du vote blanc, et sa prise en compte au titre de suffrage exprimé.
  • Rôle de blocage du vote blanc et d’invalidation du suffrage : « Si la majorité absolue n’est pas atteinte au second tour, le Conseil constitutionnel prononce l’invalidation de l’élection du Président de la République et déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales, du premier et du second tour, au plus tard trentecinq jours après cette invalidation. »

Proposition de loi nº 3294 instaurant le vote dès seize ans et l’inscription automatique sur les listes électorales

Mme Paula FORTEZA

Non inscrite

25 août 2020

STATUT : déposé le 25 août 2020 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, actuellement en première lecture.

 

  • Propose d’abaisser l’âge de vote de 18 ans à 16 ans.
  • Vise à rendre l’inscription sur les listes électorales automatique.

 

NB : l’inscription automatique sur les listes électorales existe déjà pour les jeunes de 18 ans qui se sont fait recenser au préalable. Ce n’est cependant pas le cas en cas de déménagement après le recensement ou encore un changement de lieu de résidence à 18 ans.

Proposition de loi nº 3039 visant à rétablir le vote par correspondance

M. Patrick MIGNOLA

Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

2 juin 2020

STATUT : texte déposé le 2 juin 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Il est ici proposé que les électeurs puissent également voter par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin.

Proposition de loi nº 2994 visant à garantir et faciliter l’expression démocratique lors des élections municipales

 

M. Sébastien LECLERC

Les Républicains

26 mai 2020

STATUT : texte déposé le 26 mai 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Ajout d’un nouveau critère pour être élu, pour les élections municipales, dans les communes de moins de 1000 habitants (outre le critère classique d’obtenir la majorité absolue au premier tour) : obtenir une quantité de suffrages supérieure au quart des électeurs inscrits.
  • Si ce taux n’est pas atteint, un second tour est organisé. L’abstention peut ainsi avoir un rôle d’invalidation du suffrage, et inciterait les citoyens à s’exprimer.

Proposition de loi nº 2944 visant à élargir à l’ensemble des citoyens français l’inscription d’office sur les listes électorales

M. Jean-Christophe LAGARDE

UDI et indépendants

12 mai 2020

STATUT : texte déposé le 12 mai 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Élargissement de l’inscription automatique sur les listes électorales (qui est déjà en place pour les Français naturalisés ainsi que les jeunes accédant à la majorité) à tout citoyen, lors des déménagements.
  • Sont ainsi inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande, « ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux ».

Proposition de loi nº 2811 visant à généraliser la possibilité de voter par correspondance lors des élections

Mme Josiane CORNELOUP

Les Républicains

7 avril 2020

STATUT : texte déposé le 7 avril 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Défend la mise en place du vote par correspondance, comme complément du vote à l’urne (pour les élections municipales dans un premier temps).
  • Les modalités de l’application de cette proposition de loi devront être précisées par un décret en Conseil d’État.

Proposition de loi nº 2603 relative à la reconnaissance du vote blanc

M. Fabrice BRUN

Les Républicains

21 janvier 2020

STATUT : texte déposé le 21 janvier 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

  • Vise à reconnaître pleinement le vote blanc en le comptabilisant dans les suffrages exprimés, lors de l’élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux. Il en est ainsi fait spécialement mention dans les résultats des scrutins.
  • Invalidation de l’élection si le nombre de bulletins blancs décompté représente plus de 50 % des suffrages exprimés. S’ensuit l’organisation d’un nouveau scrutin vingt jours au moins et trentecinq jours au plus, après l’invalidation. 

Proposition de loi constitutionnelle nº 2562 relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle

M. Fabrice BRUN

Les Républicains

10 janvier 2020

STATUT : texte déposé le 10 janvier 2020 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Vise à reconnaître pleinement le vote blanc en le comptabilisant dans les suffrages exprimés, lors des élections présidentielles.
  • Invalidation de l’élection si le nombre de bulletins blancs décompté représente plus de 50 % des suffrages exprimés. S’ensuit l’organisation d’un nouveau scrutin vingt jours au moins et trentecinq jours au plus, après l’invalidation. 

 Proposition de loi organique nº 2500 visant à permettre l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie

M. Philippe GOMES

UDI et indépendants

11 décembre 2019

STATUT : texte déposé le 11 décembre 2019 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Inscription d’office de certaines catégories d’électeurs (à savoir ceux ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998) sur la liste électorale générale et sur la liste électorale spéciale à la consultation concernant l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

Proposition de loi constitutionnelle nº 1618 visant à développer une démocratie directe citoyenne, à moraliser la vie politique et rénover la Ve République

M. Nicolas DUPONT-AIGNAN

Non inscrit

25 janvier 2019

STATUT : texte déposé le 25 janvier 2019 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé à part entière.
  • Si les votes blancs représentent plus de 50 % des suffrages exprimés, le scrutin est annulé.

Proposition de loi nº 305 relative au devoir civique de voter

M. Christophe NAEGELEN

UDI et indépendants

17 octobre 2017

STATUT : texte déposé le 17 octobre 2017 et renvoyée à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

  • Reconnaissance du vote blanc parmi les suffrages exprimés.
  • La proposition vise également à instaurer le vote « universel » (sans qu’il soit précisé davantage de quoi il s’agit) et obligatoire en France.
  • Afin de faciliter le vote par procuration, la proposition de loi prévoit que le mandataire à qui l’électeur donne procuration pour un scrutin doit être inscrit sur les listes électorales du même département que le mandant, et non plus seulement de la même commune.

 

 

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Sénat :

Intitulé et numéro de la proposition

Premier signataire

Groupe du premier signataire

Date d’enregistrement

Résumé de la proposition

Proposition de loi visant à confier l’acheminement et la distribution de la propagande électorale au groupe public La Poste

Mmes Cécile CUKIERMAN, Éliane ASSASSI

Groupe communiste républicain citoyen et écologiste

21 juillet 2021

STATUT : texte déposé au Sénat le 21 juillet 2021.

 

  • Définir un service public national d’acheminement de distribution de la propagande électorale
  • L’intégrer au service universel postal, dont La Poste est l’unique prestataire.

Proposition de loi visant à moderniser les modalités de vote pour les scrutins électoraux et les opérations référendaires

 

M. Eric KERROUCHE

Socialiste, Écologiste et Républicain

30 mars 2021

STATUT : texte déposé au Sénat le 30 mars 2021.

  • Prône la mise en place et un accès facile au vote par correspondance, pour élections régionales et départementales et les opérations référendaires.
  • S’agissant du vote par anticipation, une nouvelle modalité de vote est ouverte : le vote sur trois jours à partir du vendredi précédant le scrutin, dans les communes de plus de 3 500 habitants.
  • Pour sécuriser cette modalité de vote, une commission de vote par correspondance présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire est créée, assurant ainsi un contrôle et une traçabilité transparente du processus et de la sorte neutraliser les suspicions de fraude.

Proposition de loi organique visant à moderniser les modalités de vote à l’élection du président de la République

M. Eric KERROUCHE

Socialiste, Écologiste et Républicain

11 mars 2021

STATUT : texte déposé au Sénat le 11 mars 2021.

 

  • Préconise la mise en place des mêmes modalités que la proposition de loi décrite ci-dessus, pour l’élection du Président de la République.

Proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l’enseignement et l’engagement

 

Mme Martine FILLEUL

Socialiste, Écologiste et Républicain

17 février 2021

STATUT : texte déposé au Sénat le 17 février 2021.

 

  • Propose d’abaisser l’âge de vote de 18 ans à 16 ans.
  • Vise à introduire un enseignement obligatoire aux sciences politiques et à l’histoire de la vie politique française et européenne à l’ensemble des collégiens, portant notamment sur l’exercice du vote et les moyens de participation citoyenne.

Proposition de loi visant à rendre obligatoire la participation au vote et pour la reconnaissance du vote blanc

 

M. Jean-Pierre CORBISEZ

 

Rassemblement démocratique et social européen

19 janvier 2021

STATUT : texte déposé au Sénat le 19 janvier 2021.

 

  • Prône la mise en place du vote obligatoire (et donc assorti d’une sanction). Rendre le vote obligatoire, ce n’est, selon la proposition, pas attentatoire à la liberté individuelle puisque le vote blanc reste une option envisageable.
  • Rendre le vote obligatoire a pour corollaire la facilitation de l’accès à l’urne. C’est pourquoi cette proposition de loi préconise de mener une réflexion sur le vote par correspondance (et notamment le e-vote).
  • Préconise enfin l’assouplissement du recours aux procurations par de nouvelles dispositions réglementaires (sans pour autant que celles-ci soient précisées).

Proposition de loi organique visant à instaurer le vote par correspondance pour l’élection du Président de la République

M. Eric KERROUCHE

Socialiste, Écologiste et Républicain

14 novembre 2020

STATUT : texte déposé au Sénat le 14 novembre 2020.

 

  • Le vote par correspondance est préconisé, et présenté comme un complément nécessaire au vote à l’urne.
  • La France, pratiquant le vote par correspondance pour les Français établis hors de France, n’est ni sans expérience, ni sans compétence ou expertise pour instaurer cette modalité de vote de manière sécurisée.
  • Selon l’auteur de la proposition, la fraude électorale relèverait davantage du mythe que de la réalité, ou serait du moins extrêmement marginale, dans le fonctionnement concret des démocraties occidentales modernes.
  • Pour des raisons pratiques, puisque le vote par correspondance est également un vote anticipé (l’envoi ou le dépôt du VPC doit être fait au plus tard le vendredi précédant le scrutin à 17h), la proposition de loi organique évoque la nécessité de systématiser un entre-deux tours de quinze jours.
  • Préconise que les votes par correspondance reçus ne soient comptabilisés qu’à la fin du processus de vote (de telle façon qu’un électeur qui aurait changé d’avis, entre le moment où il a envoyé son vote et le scrutin à proprement parler, puisse venir voter en présentiel le jour de l’élection)

Proposition de loi visant à instaurer le vote par correspondance pour les scrutins électoraux et les opérations référendaires

M. Eric KERROUCHE

Socialiste, Écologiste et Républicain

14 novembre 2020

STATUT : texte déposé au Sénat le 14 novembre 2020.

 

Les motifs et modalités présentés dans cette proposition relative aux élections régionales et départementales sont analogues à ceux mis en avant par la proposition de loi organique ci-dessus.

Proposition de loi visant à autoriser le vote par correspondance

M. Xavier IACOVELLI

Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

5 novembre 2020

STATUT : texte déposé au Sénat le 5 novembre 2020.

 

  • Le recours au vote par correspondance est préconisé, présenté comme un outil démocratique efficace pour combattre l’abstention.

Proposition de loi tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020

 

M. Cédric PERRIN

Les Républicains

27 mai 2020

NAVETTE : texte adopté par le Sénat le 2 juin 2020, et transmis à l’Assemblée nationale le 3 juin 2000.

 

  • Préconise que chaque mandataire puisse disposer de deux procurations. Ce mandataire doit être inscrit dans la même commune que le mandant, sauf lorsqu’il dispose de la procuration de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin, d’un ascendant, d’un descendant, d’un frère ou d’une sœur.
  • Propose le vote par correspondance. Quant à la sécurisation du vote en elle-même, la proposition prévoit que les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé (ces derniers étant conservés, dans l’attente du scrutin, dans un lieu sécurisé du tribunal d’instance).

Proposition de loi visant à instaurer le vote postal lors d’un scrutin électoral en période d’état d’urgence sanitaire

M. Eric KERROUCHE

Socialiste, Écologiste et Républicain

24 mai 2020

STATUT : texte déposé au Sénat le 24 mai 2020.

 

  • Préconise le vote par correspondance, assurant la « continuité démocratique » pendant la pandémie.
  • La proposition se veut « pragmatique » et « exceptionnelle », dans un contexte particulier.

Proposition de loi visant à faciliter le recours à la procuration

 

Mme Josiane COSTES

Rassemblement démocratique et social européen

4 mai 2020

STATUT : texte déposé au Sénat le 4 mai 2020.

 

  • Propose que chaque mandataire puisse disposer jusqu’à trois procurations, contre deux aujourd’hui.

Proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale

M. Emmanuel CAPUS

Les Indépendant – République et Territoires

19 juillet 2019

NAVETTE : texte adopté par le Sénat le 6 février 2020 et transmis à l’Assemblée nationale le même jour.

 

  • Allègement des contraintes pratiques et matérielles qui pèsent sur les communes en matière d’organisation et de contrôle de la propagande électorale, notamment en simplifiant le contrôle par les organisateurs du scrutin des bulletins de vote imprimés par les candidats en prévoyant que le grammage du papier utilisé pour l’impression des bulletins doit être compris entre 60 et 80 g/m².

 

NB : Les propositions de lois portant sur les modalités de vote et la participation électorale, antérieures à juin 2019 sont, au titre de l’article 28-2 du Règlement du Sénat, caduques. Elles ne figurent donc pas dans ce tableau passant en revue les propositions de lois récentes portant sur les modalités de vote et la participation électorale.

 


 

   annexe 2 
Étude comparée des mesures mises en place pour favoriser la participation électorale

 

Pays

Mesures

mises en place

Vote obligatoire

Vote par correspondance

Vote à l’urne sur plusieurs jours / vote anticipé à l’urne

Vote à 16 ans

Allemagne

Vote volontaire

Possible, par voie postale

Non

La mesure figure dans l’accord de coalition conclu en novembre 2021

Autriche

A été aboli de manière progressive : pour les élections législatives (en 1992) et présidentielles (2004)

Possible, par voie postale, dans un certain nombre de situations (mauvais état de santé de l’électeur, déplacement à l’étranger le jour du vote)

Non

Permis depuis 2007

Belgique

Obligatoire, depuis 1892. Amende comprise entre 25 et 50 euros

Non

Non

Non

Canada

Vote volontaire

Possible, par voie postale, pour l’ensemble des électeurs

Les bureaux de vote par anticipation sont ouverts les 10ème, 9ème, 8ème et 7ème jours précédant le jour du scrutin

Mesure expérimentée sur un scrutin local (Île du Prince Édouard) en 2016

Corée du Sud

Vote volontaire

Possible, par voie postale, pour les Coréens résidant à l’étranger

Possible, par vote électronique pour les personnes empêchées (handicapées, prisonniers), ainsi que les personnes hospitalisées et en quarantaine à cause de la Covid-19, aux élections législatives de 2020

En vigueur, depuis 2013, les 5ème et 4ème jours précédant le jour du scrutin

Non

Croatie

Vote volontaire

Non

Non

Non

Estonie

Vote volontaire

Possible, par vote électronique, toute la semaine précédant le vote

Tous les électeurs peuvent voter par anticipation. Le vote est autorisé entre le 10ème et le 4ème jour précédant le jour du scrutin

Permis aux élections locales

États-Unis

Vote volontaire

Possible, par voie postale

En vigueur. Les modalités dépendent selon les États

Dans 19 États, les États-uniens âgés de 16 ans peuvent voter aux référendums locaux et élections municipales

Finlande

Vote volontaire

Possible, par vote électronique, pour les Finlandais résidant à l’étranger

Tous les électeurs peuvent voter par anticipation. Vote autorisé entre le 11ème et le 5ème jour précédant le jour du scrutin

Non

Hongrie

Vote volontaire

Possible, depuis 2014, pour les Hongrois résidant à l’étranger

Non

Non

Irlande

Vote volontaire

Possible pour certaines catégories d’électeurs : les diplomates et leurs conjoints en poste à l’étranger, les membres de la police et des forces de défense, les personnes souffrant d’une maladie ou d’un handicap, ainsi que les prisonniers

Non

Non

Israël

Vote volontaire

Possible pour les diplomates et les soldats israéliens en mission à l’étranger

En vigueur dans certains cas particuliers : jusqu’à douze jours avant le jour du scrutin dans les missions diplomatiques israéliennes et pour les soldats jusqu’à 72 heures avant le jour du scrutin

Non

Lituanie

Vote volontaire

Possible pour les électeurs qui ne peuvent pas se rendre au bureau de vote (pour des raisons de santé, d’incarcération ou de service dans l’armée)

Possible, pour les électeurs qui ne peuvent pas se rendre au bureau de vote. Le vote a ainsi lieu le mercredi et le jeudi précédant le jour des élections

Non

Luxembourg

Obligatoire, depuis la loi électorale du 18 février 2003. Amende comprise entre 100 et 250 euros

Possible pour l’ensemble des électeurs

Non

Non

Norvège

Vote volontaire

Non

Tous les électeurs peuvent voter par anticipation. Le vote a lieu à partir du 10 août de l’année de l’élection et au plus tard le dernier vendredi avant le jour du scrutin

Piste évoquée pour certaines élections locales

Portugal

Vote volontaire

Possible pour l’ensemble des électeurs, depuis 2018

Possible pour les électeurs qui ne peuvent pas se rendre au bureau de vote (service militaire, hospitalisation, électeurs testés positifs à la Covid-19).

Le vote a lieu entre le 13ème et le 5ème jour avant le jour du scrutin

Non

Roumanie

Vote volontaire

Possible, pour les Roumains résidant à l’étranger

Utilisé de manière intensive lors des élections législatives de 2020, en raison des restrictions liées à la pandémie

Piste du vote électronique évoquée par le passé

Non

Non

Royaume-Uni

Vote volontaire

Possible, par voie postale, pour l’ensemble des électeurs et à toutes les élections

Non

Vote à 16 ans pour les élections locales écossaises

Slovaquie

A été aboli en 1990

Piste du vote par Internet évoquée et ayant fait l’objet d’un référendum en 2010. Malgré un vote favorable, ce référendum n’a pas été validé en raison du faible taux de participation (22,84 %)

Non

Non

Suède

Vote volontaire

Possible pour les Suédois résidant à l’étranger

Vote anticipé les trois semaines précédant le scrutin, avec possibilité de modifier son vote à l’urne le jour du scrutin

Non

NB : Parmi les pays figurant dans le tableau, le vote par procuration existe en Belgique, au Royaume-Uni et en Suède.

 

Sources :

-          Consultation du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires sur l’abstention aux élections et les mesures pour y remédier.

-          Jean-Baptiste François, « Abstention : comment s’en sortent les autres pays européens ? », La Croix, 21 juin 2021.

-          Thierry Lidoff, « Le vote par correspondance / anticipation / mobilité / procuration en Europe », metahodos.fr, 28 octobre 2020.

-          Léo Lictevout, « 18 ans, 16 ans… le droit de vote dans l’Union européenne », touteleurope.eu, 26 novembre 2019.


—  1  —

   ANNEXE 3
synthèse des résultats de la consultation numérique

 

Introduction.........................................................  141

Une consultation en ligne pour nourrir la réflexion sur l’abstention...............  141

Le rôle l’Open source Politics dans la synthèse..............................  141

Analyse des statistiques de participation..................................  142

Méthodologie........................................................  144

Participation aux élections.............................................  145

Question 1 – A quelle fréquence votez-vous ?...............................  145

Question 2 - Au cours des cinq dernières années, à quelles élections avez-vous voté ? (à au moins l’un des deux tours, le cas échéant                            146

Question 3 - Pour quelle(s) raison(s) n’êtes-vous pas allé voter ?................. 147

Question 4 - Selon vous, d’une manière générale, quelles sont la ou les principales raisons pour lesquelles une partie des électeurs ne vote pas ?                            148

Question 5 - Comment expliquez-vous l’abstention particulièrement élevée aux élections régionales et départementales de juin 2021 ?                            150

Réponses à l’abstention................................................ 151

Question 6 - Seriez-vous favorable à ce que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé, c’est-à-dire qu’il soit pris en compte lors du calcul du résultat des élections ?                            153

Question 7 - En cas de prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé, souhaitez-vous que cela puisse conduire à l’invalidation de l’élection et à un nouveau scrutin ?                            154

Question 8 - En cas de reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé, seriez-vous plus susceptible d’aller voter ?                            154

Question 9 - Seriez-vous favorable au vote obligatoire ?....................... 155

Question 10 - Seriez-vous favorable à l’ouverture du droit de vote dès 16 ans ?..... 156

Question 11 - Pensez-vous que les mesures suivantes soient susceptibles d’améliorer la participation électorale ?                            158

Question 12 - Seriez-vous personnellement opposé à certaines des mesures évoquées dans la question précédente ? Lesquelles en particulier, et pour quelle(s) raison(s) ?                            159

Question 13 - Pensez-vous que les modes de scrutin (scrutin majoritaire, scrutin proportionnel…) ont une influence sur la participation électorale ? Si oui, de quelle manière ?                            161

Question 14 - D’autres mesures seraient-elles susceptibles d’améliorer la participation électorale ? Si oui, lesquelles ?                            162

Rapport à la chose publique............................................ 164

Question 15 - Quel intérêt portez-vous à la politique (débat en famille ou entre amis, soutien à un parti politique, engagement, par exemple) ?                            164

Question 16 - Estimez-vous que les décisions des élus ont des conséquences concrètes ?  166

Question 17 - Diriez-vous que le vote constitue…............................ 169

Question 18 - Avez-vous le sentiment que le débat public….................... 169

Question 19 - Estimez-vous que notre système démocratique fonctionne ?......... 170

Question 20 - Seriez-vous favorable à une évolution vers un régime…............ 172

 

 


 

Rapport de Synthèse

 

 

Consultation numérique

sur les ressorts de l’abstention et les mesures

visant à renforcer la participation électorale

 

 

8 novembre 2021

 

 

 

 


—  1  —

 

Introduction

Une consultation en ligne pour nourrir la réflexion sur l’abstention

 

Devant la baisse de la participation électorale aux élections départementales et régionales de 2021, la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a lancé une mission d’information dans l’objectif de comprendre ce qui motive l’abstention, mais également cibler des mesures qui permettraient de renforcer la participation électorale.

Dans le cadre de cette mission d’information, une consultation citoyenne est organisée, afin de consulter directement les Français sur les causes de l’abstention, de mieux connaître les motivations des abstentionnistes, et de faire émerger des réponses pour améliorer la participation électorale.

Au-delà des questions visant à mieux connaître les répondants, cette consultation s’organise en trois étapes :

Le comportement électoral, et les raisons de l’abstention ;

Les mesures pouvant être prises pour améliorer la participation électorale ;

Le rapport à la chose publique.

Le rôle d’Open Source Politics dans la synthèse

 

Open Source Politics a été missionnée pour réaliser la synthèse des contributions citoyennes à cette consultation. La consultation a été réalisée avec l’outil d’enquête LimeSurvey, ce qui entraîne une dynamique de participation spécifique ; les contributions individuelles ne sont en effet pas visibles par les autres participants.

Cette consultation numérique n’était ni un sondage représentatif de l’opinion publique sur le sujet de l’abstention et de la participation électorale, ni un exercice contraignant pour les décisions futures des parlementaires. En revanche, une telle démarche ouverte a permis d’étendre le recueil de témoignages, d’idées et de points de vigilance à l’expertise d’usage[174] des citoyens. L’équipe d’OSP a disposé d’une semaine pour produire une synthèse qui reflète les enseignements les plus saillants au regard des clivages vifs qu’ils ont déclenchés, mais aussi de la profondeur, de la récurrence ou de l’originalité des arguments déployés.

Ce travail de synthèse n’épuise pas la richesse du corpus, dont l’analyse pourra être poursuivie par d’autres acteurs grâce à la disponibilité des données sur la plateforme data.assemblee-nationale.fr. OSP espère toutefois être parvenue à mettre en valeur la parole des personnes qui se sont mobilisées et à nourrir la réflexion de la mission d’information grâce à la reprise de témoignages ancrés dans la pratique des multiples terrains à mobiliser pour améliorer la participation électorale.


Analyse des statistiques de participation

 

Les chiffres de participation à la consultation sont impressionnants : 172 694 réponses ont été soumises. Il est à noter qu’environ 80 % des contributeurs ont bien rempli les questions dédiées au recueil d’informations socio-démographiques, ce qui nous permet de disposer d’un échantillon intéressant.

Concernant les caractéristiques propres aux contributeurs, remarquons d’abord que les répondants sont en majorité des hommes (54 % pour 40 % de femmes), soit un écart important avec la population française dans son ensemble (où l’on trouve 51,7 % de femmes).

L’âge déclaré par les répondants nous permet aussi d’insister sur l’écart entre ces contributeurs et la totalité de la population française. Les 65 ans et plus sont ainsi bien moins représentés (7,5 % ici contre 21 % dans la population entière), contrairement aux 25/34 ans et aux 35/49 ans, qui sont surreprésentés de respectivement 15 et 17 points. La participation des moins de 18 ans a en revanche été négligeable.

 

Le lieu de résidence était également demandé aux répondants. L’information contenue dans les données n’est pas surprenante ; les proportions de répondants par département sont globalement similaires à la répartition de la population sur le territoire métropolitain, comme le montre la carte des répondants ci-dessous.

 

La quatrième information socio-démographique dont nous disposons est la catégorie socio-professionnelle des répondants. On remarque ici deux choses : une surreprésentation des cadres (+5 points) et une sous-représentation massive des professions intermédiaires (-20 points) et des ouvriers (-10 points)[175].

 

Enfin, une dernière donnée relative aux répondants concerne leur positionnement politique. La question 21 leur proposait de se placer sur une échelle de 0 à 10, 0 étant considéré comme la position la plus à gauche et 10 la position la plus à droite. Il leur était également possible de répondre qu’ils ne se sentaient pas représentés par le clivage gauche/droite, ou de s’abstenir de se prononcer sur la question.

Il est remarquable que peu de personnes se réclamant de l’extrême droite aient répondu à l’enquête, ce qui marque probablement la difficulté de l’Assemblée nationale à atteindre ce public à travers sa communication et peut-être également l’éloignement structurel de cet électorat vis-à-vis de l’institution. L’échantillon est ainsi plus situé à gauche et au centre que ce qu’une enquête Ifop/Le Point de juillet 2020 montrait[176].

 


Notons enfin qu’environ un cinquième des répondants (soit le plus gros bloc) précise ne pas se reconnaître dans l’opposition gauche-droite, un chiffre qui illustre l’importance d’élargir les enquêtes d’opinion au-delà de cette simple échelle.

 

Méthodologie

Pour chaque question fermée, nous illustrons les réponses à l’aide d’un graphique général. Nous joignons à ce graphique d’autres visualisations permettant de montrer quelles variables socio-démographiques structurent ces réponses.

Enfin, l’analyse des réponses aux quatre questions ouvertes et des réponses libres des quatre questions semi-ouvertes a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité des corpus de réponses[177]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de s’approprier les subtilités de ces corpus.

De ce travail, nous tirons les principaux arguments évoqués par les contributeurs. Nous restituons de manière quantitative (les arguments les plus fréquents sont mis en avant), mais également de manière qualitative (nous rentrons dans la matière de chaque argument pour proposer des clés de compréhension des contributions qu’il recouvre).

Participation aux élections

Question 1 - À quelle fréquence votez-vous ?

 

 


Deux variables structurent les réponses à cette question. L’âge d’abord, puisque la fréquence de vote s’accroît lorsque l’on examine les segments de répondants les plus âgés :

 

La catégorie socio-professionnelle ensuite : les retraités déclarent voter beaucoup plus que les autres. Les cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que les professions intermédiaires ont également une fréquence de vote plus élevée que la moyenne dans notre échantillon.



Question 2 - Au cours des cinq dernières années, à quelles élections avez-vous voté ? (à au moins l’un des deux tours, le cas échéant)

138 742 répondants

L’information importante à retenir de cette question est que notre échantillon n’est pas exactement représentatif de la totalité de la population française sur ce point : les répondants à cette enquête votent plus que la totalité de l’électorat français pour le cas des élections testées.

 


Question 3 - Pour quelle(s) raison(s) n’êtes-vous pas allé voter ?

91 806 répondants

Le graphique illustre le nombre de répondants qui ont sélectionné chaque réponse. Les contributeurs pouvaient renseigner cinq raisons maximum.

Analyse des réponses “Autres”

13 089 répondants

Au-delà des raisons évoquées ci-dessus, les contributeurs pouvaient cocher une case “Autres” et écrire une (courte) explication de leur propre abstention. L’analyse des réponses aux questions “Autres” a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[178]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

Plusieurs catégories d’arguments ont pu être isolées par nos analystes. D’abord, nous observons un premier thème récurrent autour des idées de défiance, de corruption, et de fraude électorale (233 occurrences). Pour de nombreuses personnes ensuite, la non prise en compte du vote blanc pèse lourd dans leur choix de s’abstenir (189 occurrences), avant même les contributeurs soulevant des difficultés d’accéder à la procédure électorale (149 occurrences) ou le Covid (108 occurrences). 88 contributions relèvent des problèmes liés au mode de scrutin, quand 74 soulèvent des problèmes d’offre politique et 59 se concentrent sur des problèmes relatifs au système électoral.

Plusieurs contributions soulignent des obstacles liés à la représentation, qu’ils défendent l’idée d’un non-respect généralisé des engagements des élus et de la volonté citoyenne (126 occurrences) ou qu’ils soient contre la représentation (40 occurrences). Certains contributeurs repèrent enfin aujourd’hui une crise de la démocratie (36 occurrences), déplorent un manque de participation (sous forme de RIC ou d’autres dispositifs, 23 occurrences) ou simplement avoir eu mieux à faire le jour des élections (28 occurrences).

Par ailleurs, 14 contributions désignent les médias et les sondages comme responsables des problèmes actuels, 12 déplorent l’absence d’obligation de résultats et de possibilité de révoquer les élus, quand 10 contributeurs souhaitent changer l’échelle de décision de référence pour favoriser le local. Enfin, 57 contributeurs n’étaient pas majeurs lors des précédentes élections, 18 se revendiquent non républicains et 27 contributions sont hors sujet[179].

Question 4 - Selon vous, d’une manière générale, quelles sont la ou les principales raisons pour lesquelles une partie des électeurs ne vote pas ?

107 371 répondants

Le graphique illustre le nombre de répondants qui ont sélectionné chaque réponse. Les contributeurs pouvaient renseigner cinq raisons maximum.

 

 

Analyse des réponses “Autres”

10 023 répondants

L’analyse des réponses aux questions “Autres” a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[180]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

Les contributions de la question 4 recensent les mêmes thématiques de réponse que celles de la question précédente, qui s’adressait directement aux abstentionnistes (et ne s’ouvrait que pour les personnes ayant mentionné qu’ils ne votaient pas à toutes les élections). La question 4 était ouverte à tous les répondants.

Si contrairement à la question 3, on ne retrouve pas l’argument de la majorité non atteinte, on observe dans des proportions semblables celui de la crise de la démocratie et de la représentation (122 occurrences). Plus précisément, une grande part des contributions pointe les promesses non tenues de la classe politique et l’absence de changement malgré les différents évènements et échelons électoraux (57 occurrences). D’autres viennent alors mentionner les affaires récurrentes de corruption dans lesquelles seraient impliqués les représentants, suscitant un fort sentiment de défiance politique (185 occurrences). On peut relier ces raisons supposées de l’abstention à l’identification de la problématique de l’offre politique qui ne convient pas aux électeurs (28 occurrences) ainsi qu’au rôle et à la responsabilité des médias dans l’actualité politique (11 occurrences).

Les répondants soulèvent à nouveau la non prise en compte du vote blanc qui n’incite pas les personnes à se déplacer aux urnes (188 occurrences). Également dans des proportions semblables aux réponses de la question 3, le mode de scrutin majoritaire est identifié comme une des explications de l’abstention (35 occurrences), la proportionnelle lui étant souvent préférée.

La crise sanitaire et sa gestion sont ici moins représentées que pour la question précédente (8 occurrences) tout comme les questions d’accessibilité telles que la distance, les horaires d’ouverture et l’impossibilité de voter en ligne (50 occurrences). Enfin, si plusieurs contributions mentionnent le manque d’informations relatives aux programmes ou encore aux enjeux des élections (18 occurrences), le système électoral dans sa globalité est aussi perçu comme un frein à la participation électorale (28 occurrences).

Sur des plans plus personnels, si certains ne souhaitent pas se prononcer pour les autres (17 occurrences) une partie des répondants viennent soulever le manque d’intérêt d’une partie des électeurs (35 occurrences) ainsi que l’individualisme ou le simple choix politique de ne pas voter (15 occurrences).

Nous avons pour finir recensé un certain nombre de contributions hors-sujet[181] qu’il n’était pas possible de catégoriser en arguments (41 occurrences).


Question 5 - Comment expliquez-vous l’abstention particulièrement élevée aux élections régionales et départementales de juin 2021 ?

98 588 répondants

Analyse des contributions

 

L’analyse des réponses aux questions ouvertes a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[182]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

De ce travail, nous tirons les principaux arguments évoqués par les contributeurs. Nous restituons ce travail de manière quantitative (les arguments les plus fréquents sont mis en avant), mais également de manière qualitative (nous rentrons dans la matière de chaque argument pour proposer des clés de compréhension en fonction des contributions qu’il recouvre).

Dans le cas de cette question ouverte, six arguments se détachent en termes de fréquence. Tout comme pour la question 3, ce sont les arguments de la défiance et de la corruption (souvent trouvés ensemble), associé à celui de la fraude qui sont le plus cités (375 occurrences). Après ce premier danger exprimé par les contributeurs, ils proposent une deuxième hypothèse pour expliquer l’abstention. Selon eux, ce serait ainsi la profusion d’échelons et d’élections qui nourrit un désintérêt, sentiment encouragé par le fait que les contributeurs perçoivent assez peu les changements dans leur quotidien (243 occurrences).

En plus de nombreuses contributions concernant le manque d’informations sur les élections (264 occurrences), c’est la crise de la représentation qui agite beaucoup les répondants (281 occurrences). Cette crise suscite beaucoup de réponses, et fonde une autre hypothèse concernant l’abstention : ce serait ainsi le non-respect répété des promesses ou de la volonté du peuple qui motiverait l’abstention (124 occurrences). Autre piste, ce pourraient être le Covid (143 occurrences) ou des problèmes liés à l’offre politique (110 occurrences).

Au-delà de ces arguments principaux, les contributeurs soulèvent d’autres idées politiques d’explication du phénomène abstentionniste aux départementales et régionales 2021 : l’idée par exemple que ces élections seraient accessoires par rapport à la centralité de l’élection présidentielle ou des élections européennes (49 occurrences), celle de l’appauvrissement de la culture civique par le bas niveau des débats politiques relayés par les médias (50 occurrences), ou détaillant des problèmes relatifs au système électoral en lui-même (31 occurrences) ou encore rappelant l’existence d’une crise de la démocratie (36 occurrences). Quelques contributions proposent également des explications procédurales : le fait qu’il soit compliqué de voter en dehors du parcours présentiel (15 occurrences), les horaires d’ouverture des bureaux de vote (28 occurrences), la non prise en compte du vote blanc (44 occurrences) ou tout simplement le mode de scrutin (22 occurrences). Également, 28 contributeurs soulèvent l’idée que le manque de participation ou l’absence de référendum d’initiative citoyenne en dehors des périodes électorales pourrait également expliquer l’abstention.

 

Enfin, 63 contributeurs ont formulé des idées hors sujet[183].

 

Réponses à l’abstention

Question 6 - Seriez-vous favorable à ce que le vote blanc soit considéré comme un suffrage exprimé, c’est-à-dire qu’il soit pris en compte lors du calcul du résultat des élections ?

139 443 répondants

 


L’écrasante majorité des répondants se situe donc en faveur de la considération du vote blanc comme un suffrage exprimé. Deux variables structurent les réponses à cette question. L’âge d’abord, puisque l’adhésion à la mesure est moins forte chez les jeunes et les plus âgés :

 

Le positionnement politique est également légèrement structurant pour cette question, puisque l’on remarque que l’adhésion baisse quelque peu chez les répondants se situant à droite de l’échiquier politique. Cette baisse ne remet toutefois pas en cause le soutien écrasant à cette mesure, partagé par tous les segments de répondants.

 

 

 

 

 

 

 



Question 7 - En cas de prise en compte du vote blanc comme suffrage exprimé, souhaitez-vous que cela puisse conduire à l’invalidation de l’élection et à un nouveau scrutin ?

139 321 répondants

De manière similaire à la question précédente, le soutien à cette mesure est tellement large et transversal à tous les répondants qu’il est difficile de repérer un segment des répondants qui ne partagerait pas ce soutien massif. C’est néanmoins ici encore le cas avec le positionnement politique, puisque les répondants se situant au centre et à droite sont plus susceptibles d’être opposés à l’invalidation d’un scrutin dans le cas d’une majorité de votes blancs :

 


Question 8 - En cas de reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé, seriez-vous plus susceptible d’aller voter ?

139 186 répondants

 

Ici encore, l’écrasante majorité des répondants se dit susceptible d’aller voter si le vote blanc est reconnu comme suffrage exprimé. Cette mesure ne rebute donc pas l’échantillon, même les personnes qui vont déjà voter actuellement.

 

Seuls les retraités, étudiants et cadres et professions intellectuelles supérieures décrivent une envie d’aller voter légèrement moins importante que la moyenne de l’échantillon. Une fois encore, cela ne remet pas en cause l’adhésion large à la mesure.

Question 9 - Seriez-vous favorable au vote obligatoire ?

139 383 répondants

 

La variable qui structure les réponses à cette question semble être celle de la fréquence de vote : moins les personnes votent (et ont voté par le passé), moins elles sont susceptibles d’adhérer à cette proposition.

 

 

 


Question 10 - Seriez-vous favorable à l’ouverture du droit de vote dès 16 ans ?

139 433 répondants

 

Le positionnement politique et l’intérêt pour la politique sont ici structurants. On observe en effet que l’opposition à cette proposition décroît régulièrement au fur et à mesure que l’on examine les segments de l’échantillon situés à gauche à ceux situés à droite.

 

 


 

 

 

De même, on remarque une adhésion beaucoup plus nette à cette mesure des segments de l’échantillon qui déclarent s’intéresser à la politique :

 

 

 

 


Question 11 - Pensez-vous que les mesures suivantes soient susceptibles d’améliorer la participation électorale ?

138 578 répondants

L’adhésion des répondants aux différentes mesures est très partagée, comme le montre le graphique ci-dessous :

 

 

Si certaines remportent un soutien massif (l’inscription automatique sur les listes électorales, le vote dans d’autres bureaux que le sien, voter sur plusieurs jours, etc), certaines entraînent des réactions plus mitigées : le vote par voie postale, l’élargissement des heures de vote ou l’organisation de plusieurs élections le même jour sont soutenues par la moitié des répondants environ. Les réponses (libres) à la question suivante nous donneront des détails sur ces manques de soutien.

Question 12 - Seriez-vous personnellement opposé à certaines des mesures évoquées dans la question précédente ? Lesquelles en particulier, et pour quelle(s) raison(s) ?

71 623 répondants

Analyse des contributions

 

L’analyse des réponses aux questions ouvertes a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[184]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

De ce travail, nous tirons les arguments évoqués par les contributeurs en contradiction de chaque mesure de la précédente question. Nous restituons ce travail de manière quantitative (les arguments les plus fréquents sont mis en avant), mais également de manière qualitative (nous rentrons dans la matière de chaque argument). Il est à noter que 116 répondants ont précisé n’être opposés à aucune mesure, quand 16 ont marqué leur opposition à toutes les mesures proposées dans la question 11.

Notons avant tout que de nombreux contributeurs ont signalé leur opposition à une mesure qui regroupe plusieurs des mesures de la liste : la possibilité générale de voter autrement qu’en présentiel. Une part importante des contributions signale le risque de fraude et de défiance envers le système, qui accompagnerait ce risque de fraude (160 occurrences). Plusieurs contributeurs marquent la diminution de l’engagement citoyen que cette mesure engendrerait (14 occurrences), quand 10 contributions soulignent le risque de pression par un tiers. Lorsque les contributions mentionnaient leur opposition à une mesure plus précise que la possibilité générale de voter en présentiel, nous les avons catégorisées dans la mesure correspondante.

 

Mesure 1 - Permettre le vote à distance, par voie postale

Une quantité importante de contributeurs met en avant le risque accru de fraude électorale si le vote à distance, par voie postale, est mis en place (33 occurrences). Une minorité met également en doute l’efficacité de cette méthode, le manque d’anonymat ou encore le surcoût engendré (8 occurrences).

Mesure 2 - Permettre le vote à distance, par voie électronique (par internet)

Une large part des répondants marquent leur inquiétude vis-à-vis de la sécurité du vote électronique, et insistent sur le risque de fraude (132 occurrences). De manière complémentaire, une partie des répondants s’interroge sur la qualité du système informatique qui serait mis en place le cas échéant (23 occurrences).

Mesure 3 - Permettre le vote à l’urne par anticipation

Pour cette mesure également, le risque accru de fraude est pointé par quelques contributeurs (33 occurrences), quand le risque d’augmenter l’aspect “spectacle” de la politique et le risque de fausses annonces de candidat est soulevé par 2 contributions.

Mesure 4 - Permettre le vote dans un autre bureau que celui dans lequel on est inscrit

Peu de contributeurs ont exprimé une opposition à cette mesure : 6 pointent le risque de fraude, et 3 contributions relèvent que cette mesure fausserait la représentation des résultats par commune.

Mesure 5 - Élargir les horaires d’ouverture des bureaux de vote

Pour 13 contributeurs, il n’est pas nécessaire d’élargir l’amplitude des horaires d’ouverture des bureaux de vote, qui sont déjà suffisants pour qu’un maximum d’électeurs puissent s’y rendre. Plusieurs contributions pointent également un problème récurrent : la difficulté de trouver des personnes volontaires pour tenir les bureaux de vote (9 occurrences).

Mesure 6 - Ouvrir les bureaux de vote un jour de semaine et/ou sur plusieurs jours

Cette mesure fait l’objet d’une contestation par quelques contributeurs, qui pointent là aussi le risque de ne pas pouvoir trouver suffisamment de personnes pour tenir les bureaux de vote (12 occurrences).

Mesure 7 - Étendre les possibilités de procuration

L’extension des possibilités de procuration provoque une légère opposition, notamment au titre du manque de fiabilité du dispositif, autorisant une fraude plus importante (14 occurrences), mais également car cela permettrait l’augmentation d’abus de faiblesses permis par le système de procuration (6 occurrences).

Mesure 8 - Automatiser l’inscription sur les listes électorales en cas de déménagement

3 contributeurs critiquent cette idée, qui favoriserait selon eux une diminution de l’engagement citoyen à aller voter.

Mesure 9 - Organiser plusieurs élections le même jour

Les contributeurs sont nombreux à s’être opposés à cette mesure. 90 contributions soulèvent d’abord le risque de confusion inhérent au fait de multiplier les élections le même jour, ce qui nuirait au débat public qui se trouverait brouillé. Pour une partie des contributions, cela favoriserait grandement la majorité en place, ce qui est également un facteur d’opposition (12 occurrences). Enfin, 1 contributeur pointe le risque que l’une des élections soit beaucoup plus couverte dans le débat public, au détriment de l’autre.

 

Hors sujet

Enfin, certaines contributions n’entrent pas dans le cadre de la question et expriment leur opposition à des mesures qui ne figuraient pas dans la liste : plusieurs s’opposent ainsi à l’abaissement de l’âge légal du vote à 16 ans (87 occurrences), au vote obligatoire (44 occurrences), à la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé (3 occurrences) ou encore se disent contre le vote obligatoire si le vote blanc n’est pas reconnu comme suffrage exprimé (16 occurrences). 45 contributeurs formulent enfin un commentaire qui ne vise pas une mesure en particulier.


Question 13 - Pensez-vous que les modes de scrutin (scrutin majoritaire, scrutin proportionnel…) ont une influence sur la participation électorale ? Si oui, de quelle manière ?

70 398 répondants

Analyse des contributions

 

Comme pour les précédentes questions ouvertes, l’analyse des réponses à la question 13 a été faite sur la base d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[185], à travers l’identification des principaux arguments évoqués par les contributeurs. L’interprétation de la matière qui ressort des réponses est présentée de manière quantitative mais également qualitative, visant à donner une image fidèle des différents types d’arguments présentés, de leurs implications et de leurs poids respectifs.

Dans les réponses à cette question ouverte, se déploie d’abord une fracture importante entre les contributeurs : si la majorité des contributions juge que le mode de scrutin peut effectivement influencer la participation électorale, soit en positif soit en négatif et à travers différents arguments, un bloc important de répondants affirme néanmoins que le mode de scrutin en soi n’a aucune influence (201 occurrences). La plupart des contributeurs juge que le mode de scrutin peut effectivement influencer la participation électorale. Certains d’entre eux ne spécifient pas le détail de cette influence, en répondant simplement “Oui” à la question (39 occurrences), alors que plusieurs arguments sont proposés par d’autres contributeurs pour expliquer ce mécanisme ou suggérer des modifications qui selon eux auraient un impact positif.

Parmi les explications, les points le plus souvent soulevés avancent que le système actuel favorise les grands partis (58 occurrences) ou le vainqueur (52 occurrences). Le rôle du mode de scrutin dans la perception du poids du vote est aussi évoqué (26 occurrences). Des contributeurs considèrent ensuite que le système présente un faux choix (23 occurrences) et permet des votes calculés (17 occurrences).

Les réponses qui contiennent des recommandations portent notamment sur le mode de scrutin, proportionnel ou majoritaire. Ces arguments constituent la majorité des réponses à cette question. En général, les contributeurs expriment une claire préférence pour la proportionnelle dans le cadre d’un potentiel impact positif sur la participation électorale (186 occurrences). Le jugement majoritaire est également évoqué (32 occurrences). Néanmoins, les contributeurs ont aussi proposé d’autres modifications au système actuel. Une simplification de ce système, bien que non détaillée, est envisagée par certains (48 occurrences), alors que d’autres évoquent le sujet de la prise en compte du vote blanc (12 occurrences). Un contributeur a aussi soulevé le point du redécoupage des circonscriptions. Enfin, 65 contributeurs ne se sont pas prononcés sur le sujet et 29 n’ont pas répondu à la question.


Question 14 - D’autres mesures seraient-elles susceptibles d’améliorer la participation électorale ? Si oui, lesquelles ?

69 761 répondants

Analyse des contributions

 

L’analyse des réponses aux questions ouvertes a également été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[186]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

De ce travail, nous tirons les principaux arguments évoqués par les contributeurs. Nous restituons ce travail de manière quantitative (les arguments les plus fréquents sont mis en avant), mais également de manière qualitative (nous rentrons dans la matière de chaque argument pour proposer des clés de compréhension en fonction des contributions qu’il recouvre.

Dans le cas de cette question ouverte, cinq arguments se détachent en termes de fréquence. Selon les participants, la mesure la plus susceptible d’améliorer la participation électorale est l’absence de mensonge, de fraude et de corruption associée à une consultation des casiers judiciaires (111 occurrences). Nous pouvons corréler la fréquence d’apparition de cette mesure avec les résultats des questions 3 et 5 qui suggèrent que la défiance, la corruption et la fraude sont les raisons principales de l’abstention des citoyens. Ensuite, deux mesures obtiennent des fréquences similaires (79 occurrences). La première mesure porte sur le mode de scrutin (proportionnel, majoritaire). La seconde mesure vise un meilleur partage de l’information (concernant les élections, le programme des candidats et l’offre politique) ainsi qu’une amélioration de l’éducation citoyenne de la jeunesse. La quatrième mesure susceptible d’améliorer la participation est la prise en compte du vote blanc (74 occurrences). Enfin, la cinquième mesure la plus évoquée vise une amélioration de l’accessibilité aux élections. Afin d’améliorer cette dernière, les contributeurs proposent les idées suivantes : le vote numérique et postal, l’élargissement des horaires en bureau de vote ainsi que la possibilité de voter pour plusieurs élections le même jour.

Nous pouvons noter que les autres mesures largement proposées par les contributeurs peuvent être classées sous deux thématiques : le respect et la représentation de la volonté citoyenne ainsi que la mise en place d’obligations et de sanctions pour les citoyens et les représentants politiques. En effet, les référendums (tel qu’il existe aujourd’hui, ou le RIC suisse) et le respect de leur résultat (64 occurrences), la diversité ou le changement dans l’offre politique (56 occurrences), le respect des engagements et de la volonté citoyenne (46 occurrences) ainsi que la résolution de la crise de la démocratie et de la représentation (38 occurrences) sont quatre mesures qui concernent le respect et la représentation de la volonté citoyenne. L’obligation de résultats associée à la possibilité de révocation des mandats (40 occurrences) ainsi que l’obligation de vote et la mise en place de sanctions dans le cas d’abstention (40 occurrences) sont deux mesures souvent évoquées par les contributeurs afin de corréler l’amélioration de la participation électorale à la mise en place d’obligations et de sanctions (qui concernent les citoyens et les représentants politiques).

Les contributeurs proposent également une mesure qui concerne la diffusion de l’information et l’égalité des chances lors des campagnes électorales : la neutralité des médias ainsi que le respect des temps de parole lors des débats publics (37 occurrences) inciteraient à la participation électorale.

Ensuite, quatre mesures, qui représentent 70 réponses au total, peuvent être rassemblées sous la thématique de l’implication et de la représentation des citoyens. La constitution d’assemblées participatives citoyennes (28 occurrences) ainsi que la mise en place d’une démocratie directe (16 occurrences) sont deux mesures qui visent une augmentation de l’implication des citoyens par l’expression directe de la volonté collective. Afin de réduire le taux d’abstention, les contributeurs proposent également une diminution ou décentralisation du pouvoir présidentiel (17 occurrences) au profit d’une augmentation du pouvoir accordé aux régions, municipalités et quartiers (9 occurrences).

Un grand nombre de contributions n’entrent pas dans le cadre de la question et sont classées hors sujet (97 réponses). Plusieurs affirment ne pas avoir d’avis ou ne pas savoir quelle mesure pourrait améliorer la participation électorale (25 occurrences). Ces contributeurs considèrent que certaines mesures pourraient participer à l’amélioration de la participation mais ils ne formulent pas de solutions ou d’hypothèses. Certains contributeurs anticipent la réponse d’autres contributeurs et émettent un commentaire qui s’oppose à la mise en place d’une mesure spécifique. En particulier, plusieurs contributeurs émettent un commentaire négatif à l’encontre du vote électronique (5 occurrences). Plusieurs contributeurs demandent également un arrêt des sondages (4 occurrences). Enfin, 63 contributeurs ne formulent pas de commentaire visant une mesure en particulier.

Enfin, à la question de savoir si d’autres mesures seraient susceptibles d’améliorer la participation électorale, 27 participants ont répondu négativement. Ces contributeurs considèrent qu’aucune mesure ne permettra de réduire le taux d’abstention.

 

 


Rapport à la chose publique

Question 15 - Quel intérêt portez-vous à la politique (débat en famille ou entre amis, soutien à un parti politique, engagement, par exemple) ?

137 820 répondants

 

 

Pour cette question, ce sont l’âge et le positionnement politique qui structurent les réponses. Les plus jeunes et les plus âgés partagent en effet un taux très élevé de grand intérêt pour la politique. Notons toutefois que tous les segments d’âge partagent un taux assez faible de répondants ne s’intéressant pas ou peu à la politique.

 

 

 


 

 

 

 

Étudier le positionnement politique des répondants à cette question est également très instructif : ce sont les répondants se situant les plus à gauche et les plus à droite de l’échelle qui disent s’intéresser le plus à la politique.

 

 

 


Question 16 - Estimez-vous que les décisions des élus ont des conséquences concrètes ?

137 567 répondants

 

 

C’est la variable d’âge qui influe prioritairement sur les réponses à cette question. La lecture du graphique ci-dessous nous informe que plus on sélectionne un segment de l’échantillon âgé, plus les répondants sont susceptibles de partager l’idée que les décisions des élus ont des conséquences (plus ou moins importantes).

 

 


 

 

 

 

 

La variable d’intérêt pour la politique est également à prendre en compte. Plus les répondants s’intéressent à la politique, plus ils seront susceptibles de considérer que les décisions des élus ont des conséquences importantes.

 

 

 

 

 


Question 17 - Diriez-vous que le vote constitue…

139 677 répondants

Analyse des réponses “Autres”

19 107 répondants

Au-delà des définitions évoquées ci-dessus, les contributeurs pouvaient cocher une case “Autre” et écrire une (courte) explication de leur réflexion concernant la place du vote aujourd’hui. L’analyse des réponses aux questions “Autres” a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[187]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

Pour près d’un tiers des réponses analysées, le vote est une illusion, un leurre (242 occurrences). Disposer du droit de vote ferait croire aux citoyens qu’ils disposent d’un pouvoir, alors que ce n’est pas le cas selon eux. Pour une large part des contributions, le vote est vu comme un abandon de souveraineté (204 occurrences). L’acte d’élire serait dépossédant : les citoyens remettraient leur pouvoir de décision à un représentant, sur lequel ils n’auraient plus de moyen de pression.

On remarque ensuite un deuxième groupe de répondants, également désenchantés mais moins frontalement opposés à l’acte de vote. Pour une partie d’entre eux, le vote ne sert tout simplement à rien (102 occurrences). Ils ne voient pas de changement induit par le vote. Pour quelques contributeurs ensuite, le vote est tout au plus une habitude, à laquelle on souscrit sans beaucoup de motivation (21 occurrences). Un dernier ensemble de contributions se situe dans une dynamique plus positive vis-à-vis du vote, soit en le considérant encore comme un idéal à conserver, qui a été durement acquis et qu’il convient donc de préserver (116 occurrences), ou comme un héritage du passé qu’il faut adapter au monde d’aujourd’hui pour conserver son intérêt (67 occurrences). Sept contributions enfin sont hors sujet[188].

Question 18 - Avez-vous le sentiment que le débat public…

137 574 répondants

 

Le constat est identique pour une écrasante majorité des répondants : selon leur propre perception, le débat public se dégrade. Ce constat est partagé par l’ensemble des segments ; la seule variation notable se situe dans le positionnement politique des répondants. Comme on peut le remarquer ci-dessous, une légère augmentation de la part des répondants considérant que le débat public s’améliore est à noter au fur et à mesure de la progression de l’échantillon vers la droite.

 


Question 19 - Estimez-vous que notre système démocratique fonctionne ?

137 634 répondants

Le constat est donc ici également quasi-unanime : le système démocratique français fonctionne mal. Il convient néanmoins de pointer quelques variations structurant les réponses. De manière plutôt logique d’abord, les personnes votant le moins souvent sont plus susceptibles de trouver que le système démocratique fonctionne mal :

 

 

 

 

La catégorie socio-professionnelle est également un facteur de divergence important des répondants sur le sujet. Les ouvriers sont ainsi beaucoup plus nombreux à considérer que le système démocratique français fonctionne mal, de même que les agriculteurs, les artisans et les personnes sans activité professionnelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les étudiants et les cadres pensent également que ce système fonctionne mal, mais dans une moindre mesure (respectivement 75 % et 80 % de ces segments partagent ce constat).


Question 20 - Seriez-vous favorable à une évolution vers un régime…

137 341 répondants

Au-delà de ces réponses globales, il est notable que la fréquence de vote influe sur le besoin d’évolution mis en avant par les répondants à cette question. Ainsi, plus les citoyens votent, plus ils sont susceptibles de souhaiter que le Parlement ait davantage de pouvoir.

 

Analyse des réponses “Autres”

19 979 répondants

Au-delà des quatre évolutions évoquées ci-dessus, les contributeurs pouvaient cocher une case “Autre” afin de proposer une autre idée. L’analyse des réponses aux questions ouvertes a été effectuée à partir d’un échantillon représentatif de la totalité du corpus[189]. Annotées puis analysées à la main, ces contributions permettent aux analystes de véritablement rentrer dans le corpus et s’approprier ses subtilités.

Les évolutions souhaitées par les participants ayant coché la case “Autre” sont regroupées en quatre thématiques : la question de la distribution du pouvoir ; l’enjeu du pouvoir des citoyens et de leur implication dans le régime politique en place ; les enjeux intrinsèques à la représentation et donc au travail des représentants ; et enfin la forme et le cadre politique de l’organisation des pouvoirs qu’est le texte constitutionnel.

À propos de la question de l’équilibre des pouvoirs, les participants s’accordent majoritairement autour de l’idée générale de décentralisation (ou déconcentration) des pouvoirs du Président (52 occurrences). Certains précisent cet avis en identifiant comme souhaitable d’octroyer davantage de pouvoir au Parlement (43 occurrences) mais aussi d’octroyer davantage de pouvoir aux échelons plus locaux comme les régions, les départements, les municipalités ou les quartiers (39 occurrences). Certains contributeurs, au contraire, préféreraient une augmentation des pouvoirs du Président de la République (2 occurrences).

La question du pouvoir mène également les participants à souhaiter un régime dans lequel on trouverait des contre-pouvoirs plus nombreux et plus efficients (14 occurrences) et dans lequel la séparation des pouvoirs serait mieux garantie et assurée (9 occurrences). En dehors des instances traditionnelles de représentation, les contributions appellent aussi à plus de pouvoir au peuple (121 occurrences). Nombre d’entre elles mentionnent le recours plus fréquent au référendum, à condition qu’il soit entendu et respecté (beaucoup rappellent l’expérience du référendum de 2005 sur la Constitution européenne) et à la possibilité d’organiser des référendums d’initiative citoyenne (RIC) sur le modèle suisse (133). À l’inverse, une plus petite partie d’entre eux est défavorable à une fréquence plus importante de consultations de ce type (7 occurrences). Les évolutions souhaitables en matière d’implication et de pouvoir citoyen sont également nourries de demandes significatives en termes de participation.

Différents processus de démocratie participative tels que des consultations, concertations et conventions citoyennes sont en effet portés par une partie des contributeurs (99 occurrences). D’autres encore proposent un régime dans lequel on trouverait des instances citoyennes (on parle souvent d’assemblées dont les membres seraient tirés au sort) (42 occurrences). Le point commun à chacun des éléments de cette thématique est la demande quasi systématique de respect de la volonté citoyenne, qu’elle soit formulée lors d’une concertation, d’un référendum ou encore à l’occasion d’une décision en assemblée. On retrouve enfin plusieurs propositions souhaitant une évolution vers des possibilités d’autogestion et d’auto-organisation citoyenne (6 occurrences).

La question de la représentativité et du travail des élus est également décrite comme un espace de réflexion important pour penser un régime politique souhaitable. Là encore, les participants soulignent la nécessité d’un régime représentant mieux ses citoyens et prenant plus en compte leur volonté quand ils l’expriment par les urnes (programmes politiques) mais aussi par les référendums (55 occurrences).

Certaines contributions soulèvent les différentes affaires de fraude, de corruption et d’absentéisme des représentants et souhaitent un régime allant dans le sens inverse de ces éléments (27 occurrences). En ce sens, il est proposé de penser des mécanismes permettant l’évaluation des mandats, des possibilités de révocation, insistant sur le caractère impératif des engagements de campagne (37 occurrences).

Enfin, si certains repensent le système électoral dans son ensemble pour entériner un régime plus désirable (30 occurrences), d’autres souhaitent concentrer les efforts sur la question de l’élection des parlementaires. Il serait ainsi selon eux plus pertinent d’instaurer un mode de scrutin à la proportionnelle (11 occurrences). Plus généralement, une partie des contributeurs souhaiterait voir les experts, les scientifiques et la société civile intervenir davantage dans les délibérations (13 occurrences).

Pour finir, un nombre significatif de mentions vise un changement radical de régime en faveur d’une nouvelle constitution et donc d’une nouvelle République (50 occurrences). À l’inverse, 16 contributeurs souhaitent restaurer la monarchie.

Un nombre important de réponses ont été classées hors-sujet (108 occurrences)[190] sans doute parce que cette question était plus propice à controverses.

    


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

([2])  Le groupe TF1 a néanmoins envoyé une contribution écrite à la mission d’information.

([3]) La liste des personnes entendues et celle des contributions reçues figurent en fin de rapport.

([4]) Le compte rendu de cet entretien se trouve en fin de rapport.

([5]) La synthèse des résultats de cette étude est présentée sous la forme d’un tableau, en annexe n°3 du présent rapport.

([6]) Ces rapports ont été mis en ligne sur la page de la mission d’information : https://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/participation-electorale/(block)/105213

 

([7])  Historique de la participation par pays, Parlement européen en collaboration avec Kantar, 22 octobre 2019.

([8])  Compilation par Vincent Tiberj, «Voter ne suffit plus – Renouvellement générationnel, rapport à l’élection et transformation de la participation politique », Agora débats/Jeunesses n° 86, 2020/3.

([9])  François Héran, «15. Voter toujours, parfois…ou jamais », dans : Bruno Cautrès, Le nouveau désordre électoral. Les leçons du 21 avril 2002, Presses de Sciences Po, 2004.

([10]) Table ronde d’universitaires, 20 octobre 2021 (compte rendu n° 17).

([11]) Guillemette Buisson, Sandrine Penant, « Élections présidentielles et législatives de 2002 à 2017 : une participation atypique en 2017 », Insee Première, 19 octobre 2017.

([12]) Ibid.

([13]) Ibid.

([14]) Alain Lancelot, « L’abstentionnisme électoral en France », Cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, n° 162, 1968.

([15]) Céline Braconnier, Baptiste Coulmont, Jean-Yves Dormagen, « Toujours pas de chrysanthèmes pour les variables lourdes de la participation électorale. Chute de la participation et augmentation des inégalités électorales au printemps 2017 », Revue française de science politique, 2017/6, Vol. 67, pages 1023 à 1040.

([16]) Fondation pour l’innovation politique, Rapport pour l’Assemblée nationale, Mission d’information visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale. Analyses et propositions, novembre 2021.

([17]) Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, « Les élections régionales en dix cartes », 16 juillet 2021, in Fondation Jean‑Jaurès, Rapport pour l’Assemblée nationale. L’abstention. Analyses et propositions, novembre 2021.

([18])  Le rapport de la Fondation Jean‑Jaurès relève ainsi que « si l’abstention massive a été un phénomène général qui a touché toutes les catégories de communes sans exception […] c’est dans les métropoles et leurs premières couronnes que l’abstention a été la plus élevée. Cette dernière perd un peu en intensité au fur et à mesure que l’on pénètre dans les zones les plus périphériques et dans le rural profond, territoires à la population démographiquement plus âgée et plus stable et dans lesquels le poids des réseaux notabiliaires et les traces de la vieille « civilisation républicaine » demeurent un peu plus présents » (p. 39).

([19]) Vincent Tiberj, « Voter ne suffit plus. Renouvellement générationnel, rapport à l’élection et transformation de la participation politique », Agora débats/jeunesses, vol. 86, n° 3, 2020, pp. 143-159.

([20]) Table ronde d’universitaires, le 20 octobre 2021 (compte rendu n° 17).

([21]) Guillemette Buisson et Sandrine Penant, « Élections présidentielles et législatives de 2002 à 2017 : une participation atypique en 2017 », Insee Première, n° 1671, octobre 2017.

([22]) L’étude souligne qu’ « entre 2012 et 2017, la part des cadres ayant voté à tous les tours a baissé de 8 points contre 14 points pour les ouvriers et 15 points pour les personnes exerçant une profession intermédiaire et pour les employés. L’écart de participation systématique entre les cadres et ces trois catégories sociales s’est donc accru. Les agriculteurs, particuliers par leur pratique plus fréquente du vote systématique dans les élections nationales avant 2017 (six sur dix avaient voté à tous les tours en 2002), se rapprochent désormais des autres catégories sociales. La part de ceux qui ont voté systématiquement est passée de 63 % à 57 % entre 2002 et 2012 (– 6 points), puis de 57 % à 45 % entre 2012 et 2017 (– 12 points). »

([23]) Céline Braconnier, Baptiste Coulmont, Jean-Yves Dormagen, op. cit.

([24])  Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte-rendu n° 20).

([25])  Table ronde d’universitaires, le 20 octobre 2021 (compte-rendu n° 17).

([26])  La consultation a été réalisée du 1er au 31 octobre 2021 sur le site de l’Assemblée nationale (lien). Voir également le rapport de synthèse sur la consultation numérique sur les ressorts de l’abstention et les mesures visant à renforcer la participation électorale, présenté à la mission le 8 novembre 2021 par Opensource politics, en annexe de ce rapport.

([27]) Table ronde de chercheurs, 21 octobre 2021 (compte rendu n° 20).

([28]) Jérôme Jaffré, « Participation aux régionales, adhésion vaccinale : même orientation », Baromètre de la confiance politique/Vague 12 bis, Cevipof, juin 2021.

([29]) Émeric Bréhier, Frédéric Potier, « Apathie démocratique et responsabilité politique », Fondation Jean-Jaurès, juin 2021.

([30]) Consultation numérique sur les ressorts de l’abstention et les mesures visant à renforcer la participation électorale (en annexe), Question n°18, 8 novembre 2021.

([31]) M. Jean-Yves Dormagen, Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte rendu n° 20).

([32]) Fondapol, Rapport pour l’Assemblée nationale, précité.

([33]) Dominique Reynié, « 2022, le risque populiste en France (Vague 5) », Fondapol, octobre 2021.

([34])  Jean-François Doridot, Table ronde réunissant des représentants d’instituts de sondage, le 1er septembre 2021 (compte rendu n° 2).

([35]) Antoine Bristelle, Tristan Guerra, « Le grand retrait. Retour sur la participation électorale au premier tour des régionales », Fondation Jean-Jaurès, 25 juin 2021.

([36])  Op. cit. Reynié, octobre 2021.

([37]) Op. cit. Bristelle, Guerra, 2021.

([38]) Nathalie Stéphan, « 47,9 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales françaises en mai 2021 », Insee Focus n° 286, 9 juin 2021. La note précise qu’« au 24 mai 2021, 47,9 millions d’électeurs sont inscrits sur les listes électorales hors Nouvelle-Calédonie : 46,2 millions sont des électeurs français inscrits sur une liste communale principale (44,5 millions en métropole, 1,5 million dans les DOM et 241 000 dans les collectivités d’outre-mer hors Nouvelle-Calédonie), 1,4 million sont inscrits sur une liste consulaire à l’étranger et 327 000 sont des ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne inscrits sur au moins une des deux listes complémentaires des communes ». Par ailleurs, « grâce à la procédure de l’inscription d’office, 99 % des adultes de moins de 30 ans sont inscrits sur une liste électorale. Le taux d’inscription est plus faible pour les 3044 ans (91 %) ».

([39])  Xavier Niel et Liliane Lincot, « L’inscription et la participation électorales en 2012 », Insee Première, n° 1411, 6 septembre 2012.

([40]) Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, « Sociologie de la mal-inscription et de ses conséquences sur la participation électorale », Revue française de sociologie, 2016/1, Vol. 57, pages 17 à 44.

([41]) François-Noël Buffet, rapport d’information fait au nom de la commission des Lois du Sénat sur le vote à distance, session 2020-2021, n° 240, 16 décembre 2020. Enfin, dans leur article publié en 2017 précité, Mme Braconnier et MM. Coulmont et Dormagen relevaient que « la mal-inscription reste, en effet, très élevée en 2017 : 17,3 % des individus de notre base sont inscrits dans une autre commune que celle où ils ont été recensés ».

([42])  Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, op. cit. Ce constat est notamment obtenu après production d’une analyse de régression permettant de tester le poids spécifique de la mal-inscription (afin de vérifier si, par exemple, la mal-inscription ne serait pas elle-même associée à un facteur surdéterminant, tel qu’une moindre politisation ou un déficit de sens civique).

([43]) Article L. 11, I du code électoral.

([44]) Article L. 11, II du code électoral.

([45])  Béatrice Bouniol, « L’abstention, entre « effet covid » et tendance durable », La Croix, 22 juin 2021.

([46])  Pour une revue des exemples internationaux, voir Romain Rambaud, « Abstention aux élections départementales et régionales : l’échec de la stratégie de la France face au covid-19 », Le Blog du droit électoral (en ligne), 20 juin 2021.

([47]) Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

([48]) Rapport sur le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique fait par M. Rémy Rebeyrotte, XVème législature, n° 3812, 3 février 2021.

([49])  Ministère de l’Intérieur, Guide pour la campagne, 20 avril 2021.

([50]) « Élections départementales et régionales 2021 : quelles règles sanitaires pendant la campagne ? », vie‑publique.fr (en ligne), 11 juin 2021.

([51])  Sondage Ipsos-Sopra-Steria, juin 2017.

([52])  Sondage Harris interactive/M6, « Les régionales 2021 – Sondage jour du vote », 20 juin 2021.

([53])  Audition de M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le 6 octobre 2021 (compte rendu n° 12).

([54]) M. Eric Valmir, secrétaire général de l’information de Radio France, a notamment souligné le travail de France Bleu sur la politique locale lors de la table ronde du 13 octobre 2021 (compte rendu n° 16).

([55])  Sondage Harris interactive/M6, « Les régionales 2021 – Sondage jour du vote », 20 juin 2021.

([56]) Sondage Ifop – Fiducial pour TF1 et LCI, 20 juin 2021.

([57]) Voir l’analyse du géographe Laurent Chalard, « Régionales et départementales 2021 : Les grandes régions sont-elles responsables de l’abstention ? », FigaroVox (en ligne), 25 juin 2016.

([58]) Op. cit. Bouniol, 2021.

([59])  Table ronde de responsables de partis politiques, le 27 octobre 2021 (compte rendu n° 22).

([60]) Auditions de représentants d’associations en faveur de la participation électorale, le 6 octobre 2021 (compte‑rendu n° 13). M. Kurc indiquait également que son association avait mis en place en France un « système comparable en 2014 en partenariat avec le journal Le Monde, qui a rencontré un succès auprès de 300 000 utilisateurs ».

([61])  Audition de M. Pascal Sciarini, politologue, professeur à l’université de Genève, le 25 novembre 2021 (compte rendu n° 25).

([62])  Audition de Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur, le mardi 9 novembre 2021 (compte rendu n° 24).

([63])  Voir notamment le rapport d’information de MM. Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger, sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021, XVème législature, n° 4561, 13 octobre 2021, ainsi que le rapport d’information de M. François-Noël Buffet sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021, session ordinaire de 2020-2021, n° 785, 21 juillet 2021.

([64]) Inspection générale des finances, inspection générale de l’administration, inspection générale des affaires étrangères, Bilan et perspectives du répertoire électoral unique , juin 2020.

([65]) Article L. 17 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

([66])  https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/services-en-ligne-et-formulaires/ISE

([67])  Inspection générale de l’administration, Moderniser l’organisation des élections, octobre 2014.

([68]) Table ronde de professeurs spécialistes des élections aux États-Unis, le 29 septembre 2021 (compte rendu n° 11).

([69]) Audition de MM. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint du ministère de l’Intérieur, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, et Sébastien Audebert, chef du bureau des élections et des études politiques, le 15 septembre 2021 (compte rendu n° 6).

([70]) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R11193. Cette proposition a notamment été formulée dans le rapport d’inspection portant sur le « Bilan et perspectives du répertoire électoral unique », juin 2020.

([71])  Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte rendu n° 20).

([72])  Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte-rendu n° 20). Voir également Céline Braconnier, Jean‑Yves Dormagen et Vincent Pons, « Voter Registration Costs and Disenfranchisement: Experimental Evidence from France », American Political Science Review, Cambridge University Press, vol. 111, n° 3, 2017, pp. 584-604.

([73])  Contribution écrite de M. Romain Rambaud.

([74])  Jean-Philippe Derosier, Table ronde réunissant des professeurs de droit public, 22 septembre 2021 (compte rendu n° 7).

([75]) Audition de Mme Marlène Schiappa, le 9 novembre 2021 (compte rendu n° 24).

([76])  Commission supérieure du numérique et des postes, Avis n° 2021-05 du 10 novembre 2021 sur la modernisation et les apports du numérique aux processus électoraux.

([77])  Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte rendu n° 20).

([78])  Conseil d’État, 24 décembre 2020, n° 442132.

([79])  Cf. en annexe, l’étude comparée des mesures mises en place pour favoriser la participation électorale.

([80])  Rapport d’information sénatorial sur le vote à distance, précité.

([81]) Cette expérimentation prévue par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, ayant porté sur 4395 détenus, fait l’objet d’une présentation dans le rapport d’information sénatorial sur le vote à distance précité.

([82]) Article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

([83])  Jean-Philippe Derosier, Table ronde réunissant des professeurs de droit public, le 22 septembre 2021 (compte rendu n° 7).

([84]) Proposition de loi visant à instaurer le vote par correspondance pour les scrutins électoraux et les opérations référendaires, déposée à la présidence du Sénat le 14 novembre 2020. Elle est le pendant d’une proposition de loi organique visant à instaurer le vote par correspondance pour l’élection du Président de la République déposée le même jour.

([85])  Contribution écrite du ministère de l’Intérieur..

([86]) Extrapolation à partir du montant du marché passé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; contribution écrite du ministère de l’Intérieur.

([87]) Défenseur des droits, Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics, 2019.

([88]) Table ronde réunissant des représentants d’instituts de sondage, 1er septembre 2021 (compte rendu n° 2).

([89])  Audition de M. Guillaume Poupard, le 29 septembre 2021 (compte rendu n° 9).

([90])   Ibid.

([91])  Audition de M. Gilles Babinet, le 8 septembre 2021 (compte rendu n° 3).

([92])  Par exemple, pour les élections municipales : article L. 55 du code électoral : « [Le scrutin] a lieu un dimanche. » Pour les élections législatives : article L. 173 du code électoral : « Les élections ont lieu le septième dimanche qui suit la publication du décret convoquant les électeurs. »

([93])  C’est ainsi le cas au Canada, en Corée du Sud, en Estonie, aux États-Unis, en Finlande, en Israël, en Lituanie, en Norvège, au Portugal, ou en Suède, cf. étude comparative en annexe.

([94]) Voir l’amendement n° 32 ainsi que les débats sur l’amendement, en commission et en séance.

([95]) Audition de M. Jean-Paul Fauconnet, président de l’Association des villes pour le vote électronique, maire de Rosny-sous-Bois, et de Mme Lucile Mineo, directrice de l’accueil citoyen, et M. Sébastien Ballant, directeur de cabinet adjoint, à la mairie de Rosny-sous-Bois, 20 octobre 2021 (compte rendu n° 18). Mme Minéo relevait ainsi : « À l’époque, l’élection présidentielle de 2007, qui suivait celle de 2002, a conduit à des taux de participation beaucoup plus élevés que d’habitude. Or certaines villes comme Noisy-le-Sec avaient décidé de mettre en place pour la première fois l’utilisation de machines à voter lors de ce scrutin. Elles n’avaient donc aucun recul et aucune expérience, et n’avaient pu réaliser en amont aucun test afin de déterminer les configurations les plus adaptées à chaque bureau de vote et à leur électorat. Par ailleurs, le personnel administratif et les membres du bureau de vote n’étaient pas suffisamment et pas correctement formés à l’utilisation des machines à voter. Or le jour des élections, le taux de participation s’est élevé à 60 % ou 70 %, ce qui a provoqué la formation de longues files d’attente et entraîné une certaine panique. La municipalité de Noisy-le-Sec a donc décidé d’abandonner l’utilisation des machines entre les deux tours. Le ministère de l’Intérieur s’est alors interrogé sur le bien-fondé du nouveau système. Ne disposant pas d’éléments factuels et concrets sur un potentiel manque de stabilité et de transparence du vote électronique, le ministère de l’Intérieur a préféré laisser la possibilité aux municipalités qui le souhaitaient de continuer à utiliser les machines à voter. »

([96])  Audition de MM. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint du ministère de l’Intérieur, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, et Sébastien Audebert, chef du bureau des élections et des études politiques, le 15 septembre 2021 (compte rendu n° 6).

([97]) Article 10 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

([98])  M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur, compte rendu de la séance du 18 février 2021, discussion générale.

([99])  Article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958.

([100]) Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach, « Départementales de mars 2015 : le premier tour », août 2015, étude citée par le rapport pour l’Assemblée nationale de la Fondapol.

([101]) Adélaïde Zulfikarpasic, « Le vote blanc : abstention civique ou expression politique ? », Revue française de science politique, Presses de Sciences Po, 2001/1.

([102]) Alain Lancelot, op. cit.

([103]) Cf. revue des propositions de lois en annexe du présent rapport.

([104])  88,1 % des répondants sont « tout à fait favorables » et 7,7 % « plutôt favorables » à la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé. Consultation numérique sur les ressorts de l’abstention et les mesures visant à renforcer la participation électorale, Question n° 6, 8 novembre 2021.

([105])  Contribution écrite de l’Association pour la reconnaissance du vote blanc.

([106]) Loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

([107]) Article L. 65 du code électoral.

([108])  28,6 % des répondants sont « très opposés » et 19,7 % « plutôt opposés » à l’instauration du vote obligatoire. Cette proportion est très élevée chez les abstentionnistes systématiques (70 % d’opposition). Consultation numérique sur les ressorts de l’abstention et les mesures visant à renforcer la participation électorale, Question n° 9, 8 novembre 2021.

([109])  Contribution écrite de l’association Mieux voter.

([110])  Michel Balinski, Rida Laraki, « Jugement majoritaire versus vote majoritaire (via les présidentielles 2011-2012) », Revue française d’économie, 2012/4.

([111])  Léo Hamon, « Réflexions sur le cadre juridique du budget participatif », Revue française de finances publiques n° 153, p. 259, 1er février 2021.

([112])  Contribution écrite de l’association Mieux voter.

([113])  Ce redécoupage, qui a conduit à une diminution du nombre total de cantons, est intervenu à la suite de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

([114])  https://programme-candidats.interieur.gouv.fr/

([115])  Audition de M. Pascal Sciarini, politologue, professeur à l’université de Genève, le 25 novembre 2021 (compte rendu n° 25).

([116])  CSA research/Assemblée nationale, Les Français et l’Assemblée nationale : Perception du mandat et du travail des députés, novembre 2021.

([117])  Article 11 de la Constitution dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

([118])  Table ronde de représentants des principales associations d’élus locaux, 20 octobre 2021 (compte rendu n° 19).

([119])  Bernard Schmelz, Table ronde de représentants des principales associations d’élus locaux, 20 octobre 2021 (compte rendu n° 19).

([120])  Table ronde de représentants des principales associations d’élus locaux, le 20 octobre 2021 (compte rendu n° 19).

([121])  Table ronde réunissant des représentants d’instituts de sondage, le 1er septembre 2021 (compte rendu n° 2).

([122])  Table ronde réunissant des représentants de think tanks, le 15 septembre 2021 (compte rendu n° 5).

([123]) Article L. 1 111-9-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

([124])  Rapport d’information de la mission d’information sur la concrétisation des lois, présenté par Mme Cécile Untermaier, présidente, MM. Jean-Noël Barrot et Laurent Saint‑Martin, rapporteurs, XVème législature, n° 3227, 21 juillet 2020.

([125])  Proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, déposée par M. Hervé Marseille, adoptée par le Sénat le 12 octobre 2021 (texte adopté n° 005), et rejetée par l’Assemblée nationale le 26 novembre 2021 (texte adopté n° 711). Le texte proposait de rétablir la possibilité, pour un parlementaire, d’exercer simultanément la fonction de maire d’une commune de moins de 10 000 habitants, de président d’un EPCI de moins de 10 000 habitants, ou d’une fonction exécutive locale autre que la présidence d’une collectivité territoriale.

([126]) Table ronde de représentants des principales associations d’élus locaux, 20 octobre 2021 (compte rendu n° 19).

([127])  Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les temps modernes, janvier 1973.

([128])  Table ronde réunissant des représentants d’instituts de sondage, le 1er septembre 2021 (compte rendu n° 2).

([129])  Tribune « Débattre vraiment ! Les 10 engagements de La Croix pour la présidentielle », La Croix, 23 septembre 2021.

([130])  Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dite « loi Léotard ».

([131])  Il s’agit de tous les éditeurs de services de radio et de télévision, sauf Arte et la Chaîne parlementaire (LCP-AN / Public Sénat) qui ne relèvent pas du contrôle du CSA.

([132]) Conseil d’État, La citoyenneté. Être (un) citoyen aujourd’hui, étude annuelle 2018.

([133]) Article 1er de la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire : « L’enseignement primaire comprend : l’instruction morale et civique ; la lecture et l’écriture ; la langue et les éléments de la littérature française ; la géographie, particulièrement celle de la France ; l’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ; quelques notions usuelles de droit et d’économie politique ; les éléments des sciences naturelles physiques et mathématiques ; […]. »

([134]) Cité dans l’étude du Conseil d’État.

([135])  Audition de M. Didier Lacroix, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives à la direction générale de l’enseignement scolaire (ministère de l’Éducation nationale), et de Mme Judith Klein, cheffe du bureau de l’égalité et de la lutte contre les discriminations, le 22 septembre 2021 (compte-rendu n° 8).

([136]) Table ronde de chercheurs, le 21 octobre 2021 (compte rendu n° 20).

([137]) Table ronde de représentants d’associations en faveur de la participation électorale, le 6 octobre 2021 (compte rendu n° 13).

([138]) Commission supérieure du numérique et des postes, Avis n° 2021-05 du 10 novembre 2021 sur la modernisation et les apports du numérique aux processus électoraux.

([139])  Cour des comptes, La formation à la citoyenneté, Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, octobre 2021.

([140])  Comme le rappelle la Cour « la fracture est encore plus nette pour les questions internationales. Interrogés sur l’ONU, 40 % des jeunes en lycée général ont eu toutes les bonnes réponses contre 17 % parmi les jeunes du lycée technologique, et 13 % du lycée professionnel. Sur le mode d’élection des députés européens, 38 % des jeunes de lycée général ont la bonne réponse quand ils ne sont que 16 % en lycée technologique et 20 % en lycée professionnel. Seulement 16 % des jeunes des quartiers de la politique de la Ville répondent correctement sur les députés européens contre 33 % de l’ensemble des jeunes citadins. La même tendance s’observe au sujet de l’ONU : seulement 17 % des jeunes de QPV ont de bonnes réponses contre 31 % de l’ensemble des jeunes citadins. » (rap. cit., p. 28)

([141]) INJEP, « Conseils de jeunes et participation : étude auprès des collectivités et de jeunes engagés », rapport d’étude, avril 2021.

([142]) Cour des comptes, rap. cit.

([143]) Article 55 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, qui crée un article L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales.

([144]) Intervention de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, lors de l’examen du texte en commission spéciale. Voir le rapport fait Par M. Razzy Hammadi, rapporteur général, et M. Philippe Bies, Mmes Marie-Anne Chapdelaine et Valérie Corre, rapporteurs thématiques, XIVème législature, n° 3851, 17 juin 2016.

([145])  Conseil d’État, rap. cit.

([146])  Avant 2003, les thèmes étaient libres. Entre 2004 et 2006, trois thèmes identiques ont été proposés. Entre 2007 et 2014, deux thèmes étaient proposés chaque année. Depuis 2015, un thème unique est proposé.

([147])  Il s’agit de la loi n° 96‑1238 du 30 décembre 1996, relative au maintien des liens entre frères et sœurs, de la loi n° 98-381 du 14 mai 1998 permettant à l’enfant orphelin de participer au conseil de famille, de la loi n° 99‑478 du 9 juin 1999 visant à inciter au respect des droits de l’enfant dans le monde, notamment lors de l’achat des fournitures scolaires, et de la loi n° 2000‑197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants. Par ailleurs, les dispositions de la proposition de loi de la 12e édition visant à lutter contre la pollution due aux sacs plastique en rendant obligatoire l’utilisation de sacs uniquement biodégradables ont été reprises dans l’article 47 de la loi n° 2006‑11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole.

([148]) Site internet du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire.

([149]) Cour des comptes, rap. cit.

([150])  Table ronde de représentants d’associations en faveur de la participation électorale, le 6 octobre 2021 (compte rendu n° 13).

([151]) Table ronde réunissant des professeurs de droit public, le 22 septembre 2021 (compte rendu n° 7).

([152])  L’appellation « carte d’électeur », qui était parfois utilisée, a été définitivement abandonnée en 1994 au profit de celle de « carte électorale », afin d’inscrire dans son intitulé l’égalité des femmes et des hommes devant le vote. Voir la réponse du ministère de l’Intérieur du 3 mai 2001 à la question écrite n° 32314 de M. Aymeri de Montesquiou, sénateur.

([153])  Second alinéa de l’article 13 de la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale : « Il sera délivré à chaque électeur une carte électorale. Cette carte indiquera le lieu où doit siéger le bureau où il devra voter. »

([154])  Rapport du Gouvernement au Parlement sur l’utilité de la carte électorale, en application de l’article 220 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, novembre 2020.

([155])  Ibid.

([156])  Les cartes qui n’ont pu être remises à leur titulaire sont retournées à la mairie. Elles sont alors remises le jour du scrutin au bureau de vote intéressé et y sont tenues à la disposition de leur titulaire, à qui elles sont délivrées sur présentation d’une pièce d’identité. Toutefois, la procédure de radiation pour perte d’attache communale peut être initiée par le maire lorsque la carte électorale ne peut être remise par voie postale et que l’électeur ne vient pas la récupérer.

([157])  Art. R. 60 du code électoral. Ce seuil a progressivement diminué (5 000 jusqu’en 2007, et 3 500 jusqu’en 2013).

([158])  Art. R. 25 du code électoral.

([159])  L’instruction du 21 novembre 2018 précise que la refonte « a traditionnellement lieu, sans que la loi ne fixe d’obligation, tous les trois à cinq ans. Elle consiste en une simple remise en forme des listes, avec reclassement des électeurs par ordre alphabétique et attribution d’un nouveau numéro suivant cet ordre, intégrant par ailleurs les changements de périmètre des bureaux de vote intervenus depuis la refonte précédente. La refonte est en fait une simple opération matérielle qui permet d’ordonner la liste électorale et conduit à la distribution d’une nouvelle carte électorale à l’ensemble des électeurs pour faciliter le travail des assesseurs le jour du scrutin. »

([160])  L’article L. 43 du code électoral prévoit que « les dépenses résultant des cartes électorales sont à la charge de l’État ».

([161])  Rapport du Gouvernement au Parlement précité, novembre 2020.

([162])  Art. R. 24 du code électoral. Cette cérémonie ne peut être organisée durant la campagne électorale d’un scrutin concernant tout ou partie du territoire de la commune.

([163])  Circulaire n° INTA1326213C du ministère de l’intérieur du 22 octobre 2013.

([164])  Inspection générale des finances, inspection générale de l’administration, inspection générale des affaires étrangères, Bilan et perspectives du répertoire électoral unique, juin 2020.

([165])  Audition de Mme Marlène Schiappa,, le mardi 9 novembre 2021 (compte rendu n° 24).

([166])  Et notamment le rapport d’inspection précité, ainsi que le rapport du Gouvernement au Parlement de novembre 2020.

([167]) Inspection générale des finances, inspection générale de l’administration, inspection générale des affaires étrangères, rap. cit.

([168])  Yves Deloye, « Le bureau de vote », in Regards sur l’actualité: Élections et campagnes électorales, La Documentation française, n° 329, mars 2007.

([169]) Le Point.fr, « Régionales 2021 : les bureaux de vote face à un manque d’assesseurs », le 28 mai 2021. De nombreuses mairies ont par ailleurs développé des formulaires en ligne permettant de s’inscrire en tant qu’assesseur aux élections : voir par exemple les sites internet des mairies de Rouen (lien) ou de Montrouge (lien).

([170])  https://videos.assemblee-nationale.fr/commissions.participation-electorale-mission

([171])  https://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/participation-electorale/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

([172])  Cette liste ne présente que les structures ayant adressé une contribution à la mission d’information sans avoir participé à une audition ou une table ronde ; certaines des personnes entendues ont aussi envoyé une contribution ou des réponses écrites en complément de leur participation à une réunion de la mission.

([173]) Cet entretien s’est tenu le jeudi 4 novembre à 11 heures.

[174] 750 contributions tirées au sort.

[175] À retrouver ici, page 7 :

https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2020/07/117000-Positonnement-des-Fran%C3%A7ais-sur-laxe-gauche-droite.pdf

[176] Cette catégorie regroupe les contributions contenant des insultes sans autre idée et les contributions non terminées type “je crois q” ou “XXX”.

[177] 750 contributions tirées au sort.

[178] 750 contributions tirées au sort.

[179] Exemples : “NSP” (ne se prononce pas), “Idem que ma réponse précédente”, insultes visant le commanditaire de la synthèse ou le personnel politique.

[180] Exemples de contributions classées hors sujet : “retrouver l’indépendance de la France !” ; “Avantager ceux qui travaillent” ; propos anti-vaccins et insultes.

[181] Cette catégorie regroupe les contributions sans idée et les contributions non terminées type “Question mal posée”, “Je ne sais pas” ou “A”.

[182] 750 contributions tirées au sort.

[183] Il est à noter que la nomenclature adoptée dans le questionnaire n’est pas la nomenclature INSEE, l’analyse est donc incomplète : nous ne pouvons par exemple pas mettre en perspective la catégorie des étudiants.

[184] Parmi les contributions hors sujet, on trouve par exemple “parce que c’est Bilderberg qui choisit et non le peuple.”, “tous aux ordres du N.O.M” ou encore “xxx”.

[185] 750 contributions tirées au sort.

[186] 750 contributions tirées au sort.

[187] 750 contributions tirées au sort.

[188] 750 contributions tirées au sort.

[189] 750 contributions tirées au sort.

[190] L’expertise d’usage correspond dans ce contexte à l’expertise du quotidien, qui repose sur des compétences acquises par les citoyens dans le cadre de la pratique du système électoral actuel.