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N° 4814

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2021.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur
les groupements hospitaliers de territoire,

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

M. Marc Delatte et Pierre Dharréville,

 

Députés.

 

——

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. la réforme des groupements hospitaliers de territoire : quels moyens pour quels objectifs ?

A. une réforme d’ampleur de l’hôpital public, dont la finalité apparait comme plurielle

1. La nécessité d’une meilleure structuration de l’offre de soins publique

2. Une réforme d’ampleur, exigeante dans son calendrier

a. Un double objectif : efficience et amélioration de l’accès aux soins

b. Un calendrier très resserré

c. Une réforme accueillie avec réticence par nombre d’acteurs

3. Une finalité floue, attestée par les choix de périmètres

a. Une semi-liberté de détermination des périmètres aboutissant à des situations très hétérogènes

b. Des situations sous-optimales au regard des objectifs des GHT

c. Le positionnement problématique des CHU

B. Des leviers incertains pour transformer le sYstème de santé

1. La désignation d’un « établissement support » visant à pallier l’absence de personnalité juridique

2. Une gouvernance lourde, peu propice à l’appropriation par les acteurs hospitaliers

a. La gouvernance mise en place par la réforme de 2016

b. Une gouvernance lourde et déséquilibrée, peu porteuse pour les acteurs hospitaliers

3. Des logiques d’établissement très fortes, de faibles incitations à coopérer

a. La tarification à l’activité (T2A)

b. L’affectation des directeurs et des praticiens hospitaliers

c. Les autorisations de soins et d’activité

4. Une structuration peu ouverte à une approche populationnelle

a. Un périmètre public

b. Une focalisation sur le champ sanitaire au détriment du médico-social

c. L’hospitalisation à domicile oubliée dans les faits

II. après cinq ans d’existence, des efforts considérables, des résultats discutables

A. La structuration des GHT, une entreprise ardue et complexe

1. La structuration en GHT suppose un investissement considérable de la part des acteurs hospitaliers

a. La rédaction des PMP et PSP

b. La participation à des instances et groupes de travail multiples

2. La réforme des GHT représente un coût financier non négligeable

B. la mutualisation des fonctions support a concentré les énergies, avec des bénéfices qui se font attendre

1. Des mutualisations à évaluer sous l’angle de la qualité du service rendu

2. La mutualisation des achats

a. La mutualisation des achats est le chantier le plus avancé

b. Une lourdeur difficile à gérer pour les petits établissements

c. Des bénéfices qui ne font pas l’unanimité

3. La mutualisation des systèmes d’information

a. Un chantier clé pour la construction de filières de soins et la mise en sécurité des systèmes d’information hospitaliers

b. Des avancées lentes, liées à un accompagnement encore insuffisant

4. Les autres chantiers en cours

a. Le département de l’information médicale (DIM) de territoire

b. La gestion mutualisée de ressources humaines médicales

C. Des résultats encore modestes pour l’accès aux soins, malgré quelques succès

1. Les GHT vont-ils vers un processus de restructuration de l’offre de soins ?

2. Les GHT ont pu redynamiser ou réorienter certaines modalités de coopération préexistantes

3. Un acquis majeur de la réforme : les GHT ont créé de nouvelles habitudes de coopération entre les acteurs du territoire

4. Certains GHT obtiennent des résultats plus probants, mais en dépassant le cadre strict du GHT

D. la légitimité des ght semble aujourd’hui fragilisée

1. Vers une remise en cause croissante des GHT ?

a. L’absence de démocratie sanitaire

b. Une source de problèmes plutôt que de progrès pour les médecins et soignants

c. L’absence de bénéfices perceptibles pour les patients

2. Les GHT, une cote mal taillée pour répondre aux enjeux du système de soins ?

a. La démographie médicale, un facteur systématiquement bloquant

b. Le vieillissement de la population et la montée en puissance des maladies chroniques

III. Quel avenir pour les GHT ? plus de souplesse, de démocratie et de subsidiarité, pour mieux répondre aux besoins de santé de tous les français

A. évaluer les résultats obtenus pour réajuster certains paramètres

1. La réforme des GHT doit être précisément évaluée pour objectiver les situations polémiques

a. Réactiver le comité de suivi de la réforme sous l’égide de la DGOS

b. Déterminer le service rendu aux établissements avec la mutualisation des fonctions support

c. Faire un tour de France de ce qui fonctionne, avec le recul de la crise sanitaire

2. Les périmètres doivent être expertisés au regard d’une vision réaliste de ce qu’on peut attendre des GHT

a. Ajuster les périmètres les plus dysfonctionnels

b. Rationaliser les périmètres d’intervention avec la psychiatrie

B. pour une gouvernance recentrée sur certains enjeux prioritaires et démocratisée

1. Les évolutions permises par l’ordonnance du 17 mars 2021

a. La généralisation des commissions médicales de groupement

b. Le recentrage sur des « filières prioritaires »

c. L’ouverture aux autres acteurs du territoire

2. Des évolutions à parfaire sur certains points

a. Démocratiser la gouvernance

b. Faciliter la prise de décision et le portage de projets

c. Définir un principe explicite de subsidiarité dans l’action des GHT

C. pour une priorité absolue à la prise en charge des besoins de proximité

1. Le développement de la responsabilité populationnelle des GHT doit conduire à prioriser la proximité

2. Le GHT doit devenir un soutien pour les hôpitaux de proximité

a. L’évolution des hôpitaux de proximité, une donnée structurante pour les GHT

b. Donner de véritables moyens d’actions aux hôpitaux de proximité

D. pour un meilleur soutien au projet territorial des GHT et de leurs acteurs

1. Les ARS doivent jouer un rôle moteur pour soutenir le projet territorial des GHT

a. L’implication des ARS en soutien des projets médicaux des GHT est inégale dans les faits

b. Il importe de renforcer cette implication, les ARS disposant de leviers essentiels pour structurer l’offre de soins

2. Les acteurs hospitaliers doivent être accompagnés et valorisés pour leur investissement dans le GHT

a. Les directeurs doivent être formés, rémunérés et évalués en lien avec le projet territorial

b. La pratique territoriale des médecins doit être valorisée

E. les GHT ne pourront pas résoudre tous les problèmes de notre système de soins

1. Le serpent de mer de la démographie médicale et de sa répartition sur le territoire

2. La problématique de l’attractivité de l’hôpital public

3. Les insuffisances de la politique de santé publique

conclusion

synthèse des propositions

Travaux de la commission

Annexes

annexe  1 : Composition de la mission

Annexe  2 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs


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   introduction

Les groupements hospitaliers de territoire sont, d’après l’exposé des motifs du projet de loi de modernisation de notre système de santé qui leur a donné le jour en 2016, « responsables de l’élaboration d’un projet médical unique entre les établissements publics de santé d’un même territoire, dans le cadre d’une approche orientée vers la réponse aux besoins de santé de la population et pas seulement de coordination de l’offre de soins ».

Cette approche dite « populationnelle » est en effet primordiale aujourd’hui, alors que l’accès aux soins de nos concitoyens apparaît fragilisé, et alors que les maladies chroniques connaissent une augmentation exponentielle, qui n’en est qu’à ses débuts, liée à l’évolution des conditions de vie et au vieillissement de la population.

Cette approche populationnelle implique de structurer l’offre de soins sur le territoire en partant d’une analyse des besoins de santé de nos concitoyens, afin d’y répondre au mieux, et de garantir un égal accès de tous à des soins de qualité et de proximité.

Telle était l’une des ambitions attribuées au projet de la réforme des groupements hospitaliers de territoire, lorsqu’il a été présenté en 2015. Mais d’entrée de jeu, cette volonté s’est trouvée entravée par plusieurs facteurs.

Premièrement, la réforme des GHT poursuivait également un objectif d’efficience, qui allait avec la volonté de résorber le déficit de la sécurité sociale. De l’objectif d’efficience ou de celui d’accès aux soins, lequel devait prioritairement guider la structuration des GHT ?

La réforme devait laisser une liberté d’organisation aux acteurs de terrain, pour déterminer les modalités les plus adaptées aux territoires, dans toute leur diversité. Dans les faits, cette liberté n’a été que partielle, sous l’effet de la supervision plus ou moins resserrée des ARS, des contraintes de temps et des contraintes budgétaires. Cinq ans plus tard, il en a résulté une très grande hétérogénéité de situations, dont il est difficile de dresser un bilan univoque.

Vos rapporteurs rendent hommage au monde hospitalier pour les efforts considérables accomplis dans le cadre de cette réforme. Des effets bénéfiques en sont ressortis, en particulier concernant l’aptitude des acteurs à penser le territoire, à se connaître et à échanger entre eux. Avec l’effet cumulé de la crise sanitaire, qui a été un puissant incitatif à la coopération, des barrières sont tombées. Nul doute que des initiatives très utiles pour l’accès aux soins de nos concitoyens pourront germer sur ce terreau fertile.

Vos rapporteurs montreront cependant que ces efforts apparaissent parfois disproportionnés au regard des résultats obtenus. Ils sont allés rencontrer les personnels des hôpitaux dans les GHT. Souvent, ces derniers ne voient pas ce que les GHT apportent pour réduire et simplifier leurs tâches de gestion au quotidien, ils ont du mal à voir ce qu’ils apportent pour l’accès aux soins de leurs patients. Certains espèrent encore, d’autres se désespèrent.

Quel diagnostic porter sur ces symptômes ? Vos rapporteurs montreront que les défauts qui ont entaché la mise en œuvre des GHT sont souvent associés à un excès de « verticalité », de centralisation des décisions, à un manque de démocratie sanitaire, là où il faudrait faire confiance aux acteurs de terrain, les soutenir et les accompagner, afin qu’ils déterminent eux-mêmes les modalités d’une coopération bénéfique pour les territoires.

Vos rapporteurs feront donc des propositions pour recentrer résolument les GHT sur la réponse aux besoins de proximité. Ils estiment que cela implique l’adoption d’un principe général de subsidiarité dans le positionnement de ces GHT.

 

 


—  1  —

I.   la réforme des groupements hospitaliers de territoire : quels moyens pour quels objectifs ?

Promulguée le 26 janvier 2016, la loi relative à la modernisation de notre système de santé ([1]) a donné naissance, via son article 107, à des « groupements hospitaliers de territoire » ayant vocation à structurer l’offre de soins publique sur le territoire français.

Cette réforme affichait l’objectif d’une meilleure efficience et d’une meilleure cohérence de l’offre de soins publique, dans le but d’améliorer l’accès aux soins ; il est apparu dès sa conception que la hiérarchie entre ces différentes finalités n’était pas parfaitement claire (A).

Pour répondre à cet objectif, la loi a mis en place un outil qui se voulait pragmatique, mais qui n’offrait que des leviers assez faibles (B). De ce fait, la vocation pragmatique et fonctionnelle des GHT a, d’entrée de jeu, été entravée, tandis qu’une certaine lourdeur administrative a pu se manifester.

Il convient de noter que cette réforme a été mise en œuvre dans un contexte où l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté chaque année demandait des économies à l’hôpital public, et où persistaient des pénuries importantes de praticiens dans certaines spécialités. Bien que ces problématiques ne soient pas les paramètres exclusifs de la réorganisation du système de soins, ce sont des données structurantes pour le déploiement des GHT.

A.   une réforme d’ampleur de l’hôpital public, dont la finalité apparait comme plurielle

La création des GHT s’inscrit dans un mouvement déjà ancien visant à mieux structurer et coordonner l’offre de soins publique sur le territoire (1). Cette réforme se voit assigner l’objectif d’améliorer l’égal accès de tous à des soins sûrs et de qualité mais elle est aussi guidée par une recherche d’efficience (2). Cette dualité d’objectifs a contribué à instaurer un flou sur la finalité première des GHT, qui s’est traduit dans l’hétérogénéité des périmètres arrêtés (3).

1.   La nécessité d’une meilleure structuration de l’offre de soins publique

La volonté de « rationaliser » l’organisation hospitalière et de structurer l’offre de soins sur le territoire n’est pas nouvelle en France, et doit répondre à la nécessité de contrôler la dépense, mais aussi de proposer à toutes et tous des soins sûrs et de qualité, en lien avec les progrès de la médecine et l’essor des nouvelles technologies.

Ainsi, plus particulièrement depuis 1970, de nombreux dispositifs législatifs ont vu le jour, dans le but de structurer l’organisation sanitaire. Certains dispositifs visaient spécifiquement la coopération inter-hospitalière (syndicats inter-hospitaliers ([2]) puis communautés hospitalières de territoire ([3])), tandis que d’autres recherchaient une coordination globale des acteurs du soin publics et privés sur le territoire (création de secteurs sanitaires ([4]), puis de territoires de santé et de groupements de coopération sanitaire (GCS) ([5])).

Ces outils avaient pu donner lieu à des coopérations fructueuses dans les territoires où les acteurs s’en étaient saisis. Cependant, cette dynamique de coopération demeurait très inégale selon les territoires, et d’ampleur souvent trop restreinte au regard des attendus. Ainsi, à la fin 2014, seules 55 communautés hospitalières de territoire (CHT) avaient été constituées, et près de la moitié des hôpitaux publics n’étaient ni dans une CHT, ni en direction commune avec d’autres hôpitaux – autre piste encouragée par ailleurs. Le paysage de l’hospitalisation publique restait ainsi trop atomisé.

Par ailleurs, de nombreux groupements de coopération sanitaire avaient vu le jour, en lien avec des établissements privés, mais, comme le relevait l’étude d’impact annexée au projet de loi relatif à la santé présenté en 2014 ([6]), les coopérations demeuraient d’ampleur modeste au regard des enjeux :

« Le nombre de groupements de coopération sanitaire (GCS) de moyens, secteurs public et privé confondus, a augmenté (plus de 600 à ce jour contre 191 fin 2008). Pour autant, leur objet reste limité à quelques activités ou fonctions mises en commun. En ce qui concerne les groupements de coopération sanitaire porteurs d’une autorisation d’activité de soins (groupements érigés en établissements de santé), leur évolution reste très limitée puisque seulement une vingtaine est recensée à ce jour. »

Face au succès modeste des outils de coopération existants, l’idée a donc émergé, au cours des années 2013-2014, qu’il fallait donner une impulsion nouvelle à la coopération inter-hospitalière, dans une optique explicite d’intégration croissante des activités des hôpitaux, jugée indispensable :

« La nécessité de simplification et de sécurisation des structures apparaît comme une nécessité à l’ensemble des acteurs pour renforcer la cohérence de l’offre de soins dans les territoires, assurer une meilleure adéquation entre l’offre et les besoins de santé, garantir une plus grande évolutivité de l’offre hospitalière et enfin générer les gains d’efficience escomptés par le renforcement de coopération qui permette un recours optimal aux équipements et une mobilisation adaptée des professionnels de santé et de leurs compétences. À noter qu’il n’existe à ce jour aucune structure permettant une intégration obligatoire des établissements. ([7]) »

L’étude d’impact concluait ainsi à la nécessité d’un dispositif exclusivement public, à caractère obligatoire, permettant une intégration croissante des établissements de santé.

Il convient de souligner que l’hospitalisation privée, avait, de son côté, très largement conduit des processus de restructuration interne, dans un contexte de concentration financière, comme le montre la Cour des comptes dans un rapport, publié en juillet 2020, sur les groupements hospitaliers de territoire ([8]). Ainsi, dans le privé lucratif, le groupe Ramsay Santé avait, dès 2011, regroupé ses 121 établissements au sein de 20 pôles territoriaux. Les établissements privés non lucratifs avaient également connu d’importantes restructurations, sur des bases toutefois plus locales. Il apparaissait donc important que les établissements publics travaillent également à améliorer leur efficience et à formaliser une stratégie territoriale, afin d’être au rendez-vous des missions dévolues au service public de santé.

2.   Une réforme d’ampleur, exigeante dans son calendrier

L’article 107 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé substitue ainsi aux communautés hospitalières de territoire (CHT) les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Les caractéristiques principales de ces groupements sont les suivantes :

     Adhésion obligatoire de tous les établissements de santé publique, sauf dérogation ;

     Rédaction d’un projet médical unique du GHT, ayant vocation à entraîner la mutualisation d’équipements, d’activités et d’organisations médicales et soignantes ;

     Mutualisation obligatoire de certaines fonctions support (politiques d’achats, systèmes d’information, département d’information médicale, plans de formation continue et de développement professionnel, gestion des instituts et écoles de formation paramédicale) ;

     Absence de personnalité morale du GHT et désignation d’un établissement support chargé d’exercer certaines fonctions et compétences pour le compte des autres établissements.

a.   Un double objectif : efficience et amélioration de l’accès aux soins

Dès sa conception, la réforme des GHT est porteuse d’une tension entre deux objectifs, formulés par le nouvel article L. 6132-1 du code de la santé publique, qui dispose que le groupement hospitalier de territoire :

     « a pour objet de permettre aux établissements de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité ».

     « assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements ».

La structuration en GHT ne vise ainsi pas simplement une meilleure efficience de l’hospitalisation publique. La loi lui fixe également un objectif de gradation des soins et d’égal accès des Français à des soins sécurisés et de qualité.

Si l’on se réfère à l’ordre dans lequel ces objectifs sont présentés dans le code et aux travaux préparatoires à l’adoption de cette loi, il apparaît même que l’objectif d’amélioration de l’accès aux soins est premier et primordial dans l’esprit de cette réforme ; les objectifs de mutualisation ne doivent être que secondaires, et au service du projet médical. L’argumentaire de la ministre de la Santé de l’époque, Mme Marisol Touraine, lors des débats en séance publique, est explicite à cet égard :

« Il s’agit de mettre en place une mesure visant à faire émerger un projet médical de territoire. Bien entendu, si des hôpitaux partagent un projet médical, il est permis de penser que la mutualisation de certaines fonctions support aura lieu, ce qui permettra de rationaliser les organisations et de faire des économies. Mais je dis très clairement (…) que l’objectif des GHT n’est pas de faire des économies mais vraiment de promouvoir des projets territoriaux. »

Cependant, il demeure que cette réforme a été adoptée dans un contexte où des économies étaient demandées aux hôpitaux dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale votées annuellement ; cela suggère que l’objectif d’efficience avait en réalité un caractère assez impératif, afin de permettre des économies d’échelle.

b.   Un calendrier très resserré

La réforme des GHT impose une réorganisation massive des hôpitaux selon un calendrier particulièrement exigeant. Ainsi, en vertu de l’article 107 de la loi et de son décret d’application du 27 avril 2016 ([9]), l’échéancier établi est le suivant :

     1er juillet 2016 : la liste des GHT doit être arrêtée par les agences régionales de santé (ARS) ;

     1er janvier 2017 : le projet médical partagé de chaque GHT doit être établi dans les grandes lignes ; à cette même date, un plan d’action des achats commun au GHT doit être arrêté ;

     1er janvier 2018 : un schéma directeur des systèmes d’information du GHT doit être établi ;

     1er janvier 2021 : la convergence informatique des établissements du GHT doit être acquise.

Il s’agit d’un calendrier très exigeant, en particulier pour les groupements hospitaliers de territoire qui ne sont pas assis sur des habitudes de coopération. Le bilan après cinq années de mise en œuvre (cf. II) tendra à montrer que ce calendrier accéléré, conçu comme un moyen de stimuler les équipes, n’a pas forcément été très favorable à l’atteinte des objectifs par ailleurs assignés à la réforme des GHT. Il a notamment empêché de vraiment laisser la main aux équipes médicales et soignantes pour l’élaboration du projet médical et du projet soignant partagés, alors que l’idée était bien de partir des besoins et possibilités identifiés par les acteurs et actrices du soin eux-mêmes.

c.   Une réforme accueillie avec réticence par nombre d’acteurs

La réforme des groupements hospitaliers de territoire a été accueillie avec circonspection par nombre d’élus locaux, mais aussi d’acteurs hospitaliers, qui avaient déjà dû absorber de nombreuses réformes, et manifestaient des craintes face à ce qui était souvent perçu comme un mouvement de centralisation voué à éloigner la décision des acteurs de terrain et des enjeux territoriaux. Les GHT pouvaient être perçus comme menaçant l’identité des établissements de santé et de leurs services et, par ricochet, la cohésion des équipes médico-soignantes autour de cette identité. Ils pouvaient apparaître en rupture avec l’approche populationnelle mise en avant, autour d’un établissement de santé desservant un bassin de population, en proximité. Par ailleurs, intervenant dans un contexte de forte compression des dépenses publiques, la réforme des GHT pouvait apparaître comme un moyen de faire des économies au moyen de mutualisations forcées, l’objectif d’accès aux soins n’étant alors que secondaire.

Ainsi, la réforme des GHT n’a pas pu se fonder sur un consensus solide dans le milieu hospitalier et dans les territoires.

3.   Une finalité floue, attestée par les choix de périmètres

a.   Une semi-liberté de détermination des périmètres aboutissant à des situations très hétérogènes

« Qu’allons-nous mettre en commun au sein du GHT » ? Cette question aurait probablement eu vocation à précéder la détermination des périmètres de ces groupements, tant les possibilités varient, selon l’échelle territoriale retenue. La ministre de la santé Marisol Touraine avait d’ailleurs assez clairement énoncé cette nécessité lorsque le premier comité de suivi de la réforme s’était réuni, en mars 2016 :

« Il faudra déterminer qui travaille avec qui et autour de quelle ambition (…). La définition de ces orientations est indispensable puisque c’est seulement à l’aune de cet objectif que nous pourrons appréhender la question de la taille des GHT (…). Nous devons donc collectivement nous poser des questions simples pour avancer sur ce sujet : quelles sont les distances acceptables pour que les patients puissent bénéficier de soins de recours ? Quelle est la taille acceptable pour que les échanges et les mutualisations créent une synergie entre les professionnels ? Quelle identité commune peut-on développer quand la taille et les distances ne peuvent permettre d’échanger simplement ? La taille du GHT envisagé permettra-t-elle à sa future gouvernance de fonctionner sereinement ([10]) ? »

La loi de 2016 a laissé la liberté aux établissements de s’organiser eux-mêmes en GHT, sous le contrôle des ARS, à qui il revenait de valider la convention constitutive des GHT et de trancher en cas de difficultés.

La liberté de choix était probablement la bonne solution, dans la mesure où les territoires sont divers, par leurs établissements de santé, les besoins de leur population, leur géographie, ce qui suppose en conséquence une géométrie variable des formats de coopération.

Mais cette liberté de choix était contrainte par le calendrier très resserré imposé pour la constitution des GHT et l’élaboration de leur convention constitutive. Elle était également contrainte par la supervision des ARS, qui ont notamment pu chercher à faire coïncider les frontières des GHT avec celles des départements ou métropoles, pour des raisons compréhensibles, mais pas strictement en lien avec les besoins des territoires.

In fine, la grande hétérogénéité des périmètres arrêtés, en l’absence de tout critère absolu, laisse songeur quant à la possibilité de remplir l’ensemble des objectifs des GHT à ces différentes échelles. La carte ci-après, datée de 2017, en donne un aperçu ; quelques menues évolutions sont intervenues depuis, et l’on compte désormais 136 GHT, qui rassemblent de deux à vingt établissements, couvrant un bassin de population compris entre 100 000 et 2 millions d’habitants.

En réalité, cette absence de critères initiaux révèle un certain flou quant à la finalité véritable assignée aux GHT, au moins telle qu’elle est comprise par les acteurs du GHT eux-mêmes, ainsi que par les ARS, à qui il revenait de trancher en dernier ressort.

D’après M. Nicolas Parneix, premier conseiller à la Cour des comptes et rapporteur sur les groupements hospitaliers de territoire, le seul critère valable pour la structuration des GHT aurait dû être le périmètre dans lequel on peut développer et entretenir un plateau technique, dans une optique de qualité et de sécurité des soins. Or, dans son rapport ([11]), la Cour des comptes relève que « l’activité réunie des dix GHT de plus petite taille représente moins de 40 % de l’activité MCO totale du seul GHT des Bouches-du-Rhône ». On voit donc bien que ce critère est loin d’avoir été appliqué de manière homogène.

Le graphique suivant, issu du rapport précité de la Cour des comptes, illustre la répartition des GHT en fonction de leurs données capacitaires et de leur activité. Il fait bien apparaître la forte hétérogénéité qui prédomine, avec notamment des très petits et des très grands GHT. Il apparaît que ces deux extrêmes semblent difficilement compatibles avec le cahier des charges et les modalités de gouvernance des GHT ; la mise en œuvre de ces GHT est d’autant plus ardue.

analyse croisée des données capacitaires et de
l’activité hospitalière des GHT (2016-2018)

b.   Des situations sous-optimales au regard des objectifs des GHT

D’après le Dr Thierry Godeau, président de la Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement (CME), environ 20 % des périmètres des GHT doivent être révisés car ils ne permettent manifestement pas aux GHT de remplir les objectifs qui leur ont été assignés par la loi. La conférence nationale des directeurs généraux de centre hospitalier (CNDCH) estime que cette proportion est plus faible, de l’ordre de 10 à 15 % des GHT, l’enjeu principal étant de permettre aux groupements d’atteindre « une taille critique ».

Les observations de la Cour des comptes portent également principalement sur des GHT considérés comme trop petits au regard des attendus de la réforme. La Cour des comptes relève qu’un quart des GHT comptent au plus deux centres hospitaliers et que 15 d’entre eux ne comptent qu’un seul établissement avec une activité MCO (médecine – chirurgie – obstétrique). La Cour note que, dans cette situation, les GHT ne permettent pas de corriger les inégalités d’accès aux soins, notamment pour la prise en charge de pathologies ne souffrant pas de délais (infarctus du myocarde, accidents cardio-vasculaires par exemple).

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a également établi en 2019 un rapport d’inspection sur les GHT([12]), qui recense les activités de référence dont elle estime qu’elles doivent être présentes dans l’ensemble des GHT : urgences, plateau technique disponible 24 heures sur 24 pour les spécialités chirurgicales, pour l’obstétrique, pour les spécialités interventionnelles et pour l’imagerie ; hospitalisation complète et prise en charge d’urgence en psychiatrie ; centres d’accueil de crise.

Pour nombre de GHT, ce critère n’est pas respecté. Le rapport de la Cour des comptes révèle ainsi que près de 35 % des GHT ne disposent pas d’une unité neuro-vasculaire de référence. Cela suppose donc de nouer des coopérations hors GHT pour développer une offre de référence. Cela expose les patients de ces GHT à des pertes de chances.

Au-delà de la problématique de l’offre de soins, les GHT avec seulement un ou deux établissements connaissent des problèmes spécifiques de gouvernance (rivalités, sentiment que « l’un perd et l’autre gagne ») et de disponibilité de la ressource humaine médicale. En effet, il est fréquent que ces petits GHT se situent dans des zones connaissant une pénurie de médecins. En restant relativement isolés, les établissements de ces GHT ne peuvent pas compter sur l’apport d’établissements qui bénéficieraient d’une ressource médicale plus abondante.

Dans cette catégorie, on trouve le GHT Saphir, dans le Sud de l’Aisne, qui rassemble les hôpitaux de Château-Thierry et Soissons, que vos rapporteurs ont visités. La coopération entre ces deux établissements de taille moyenne, qui ont des filières similaires et incomplètes et connaissent le même type de difficultés concernant la démographie médicale, s’est avérée particulièrement complexe depuis la mise en place du GHT. Même si les communautés médicales commencent à se saisir de projets qui pourraient être bénéfiques pour le territoire, il est indéniable que le format « à deux » complique l’équation, s’agissant des possibilités de coopération.

À l’autre extrême – et cet aspect est moins mis en lumière par le rapport de la Cour des comptes – vos rapporteurs estiment qu’il existe des GHT manifestement trop grands, à la fois pour avoir une cohérence territoriale sur le plan des filières de soins, et pour tirer parti d’une organisation intégrée qui aurait pour effet d’éloigner déraisonnablement les décisions et les choix du terrain.

Vos rapporteurs ont ainsi visité le plus grand GHT de France, le GHT Bouches-du-Rhône. Comme sur tout le territoire de la région Provence – Alpes – Côte d’Azur (PACA), le périmètre retenu pour ce GHT a été, sous l’impulsion de l’ARS, celui du département.

Vos rapporteurs ne nient pas que le choix du GHT départemental peut avoir, dans certaines situations, une vraie cohérence, et peut offrir de réels avantages pour faciliter le dialogue avec le champ médico-social piloté par le conseil départemental, mais aussi avec les préfectures, les délégations territoriales des ARS, ou encore les Samu centres 15, les zones de défense, les services départementaux d’incendie et de secours et les ordres professionnels.

Mais les départements sont très divers, et ce choix n’est pas toujours adapté. En l’occurrence, le département des Bouches-du-Rhône est le troisième plus peuplé de France, avec plus de 2 millions d’habitants ; il se caractérise par des dynamiques territoriales et médicales très différentes selon que l’on se trouve dans l’agglomération marseillaise ou à l’ouest de l’Étang de Berre. Il est difficilement concevable de créer des filières sur un territoire aussi vaste, hormis pour les activités de recours très spécialisées, d’ores et déjà organisées autour de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), membre du GHT mais aussi centre hospitalier universitaire (CHU) de référence pour toute la région, et deuxième hôpital de France.

En outre, la gouvernance d’un GHT de cette taille s’avère particulièrement complexe, avec des instances nombreuses et pléthoriques, et un processus de prise de décision extrêmement long. Enfin, les mutualisations de fonctions support sont singulièrement difficiles à mettre en œuvre, cette harmonisation impliquant souvent en pratique un alignement sur les outils et procédures de l’AP-HM, en raison de son poids dominant, même quand ces outils et procédures paraissent moins adaptés pour la gestion d’établissements petits ou moyens.Au total, vos rapporteurs ne sont pas convaincus de l’intérêt des acteurs hospitaliers à coopérer en GHT à une si vaste échelle, pour laquelle une organisation intégrée est manifestement inconcevable.

c.   Le positionnement problématique des CHU

La situation spécifique du GHT Bouches-du-Rhône pose, outre la question de la taille, celle du positionnement des centres hospitaliers universitaires dans le cadre des GHT. Le format et le statut particulier de ces hôpitaux, chargés d’une triple mission de soin, de formation et de recherche, compliquent en effet leur insertion dans un GHT qui ne peut être qu’une de leurs modalités d’organisation territoriale parmi d’autres.

Selon les termes de l’article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé, tous les établissements de santé publics, y compris les CHU, sont tenus d’intégrer un GHT. Une dérogation a été prévue par l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) qui, en raison de son format et de ses spécificités, a mis en place sa propre organisation territoriale. Ainsi, 30 GHT sur 136 ont un CHU comme établissement support. La loi dispose que les CHU coordonnent au bénéfice de leur GHT de rattachement les missions d’enseignement et de formation initiale des professionnels médicaux, les missions de recherche, les missions de gestion de la démographie médicale et les missions de référence et de recours.

Par ailleurs, l’article 107 prévoit que les GHT qui n’incluent pas de CHU doivent obligatoirement conclure une convention d’association avec le CHU ou les CHU de leur(s) subdivision(s) universitaire(s), « au titre des activités hospitalo-universitaires » (soins de recours, recherche, formation, gestion de la démographie médicale).

Les personnels des CHU rencontrés par vos rapporteurs soulignent la difficulté pour les CHU de porter de manière équitable l’ensemble de leurs missions, dans un contexte où leurs moyens sont limités, et où beaucoup d’entre eux pâtissent d’une situation financière dégradée et, parfois, de difficultés à recruter. Ainsi, comme l’énonce le Pr Pierre Michel, président de la CME du CHU de Rouen, que vos rapporteurs ont pu rencontrer : « Si le GHT, c’est rassembler toute la misère du monde sur le CHU, cela ne peut pas aller. »

Comme l’énonce Mme Marie-Noëlle Gerain-Breuzard, présidente de la conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers universitaires, que vos rapporteurs ont auditionnée, « les CHU consacrent le peu de moyens qu’ils ont pour leur GHT », moyens médicaux en particulier, via les postes d’assistants médicaux partagés, qui profitent ainsi prioritairement aux hôpitaux parties au GHT rattaché au CHU. La Cour des comptes relève ainsi que sur les 122 conventions de partage de temps médical conclues par le CHU de Clermont-Ferrand, seules 28 % profitent aux GHT voisins.

Vos rapporteurs ont constaté cet avantage comparatif que procure l’association à un CHU lors de leur visite du GHT Rouen Cœur de Seine, dont le CHU de Rouen est l’hôpital support. Au sein de ce GHT, une équipe partagée de santé au travail pour le personnel hospitalier a pu être montée sur cinq établissements, ce qui a permis à plusieurs d’entre eux de retrouver un médecin du travail, qu’ils ne parvenaient plus à recruter. De même, l’hôpital gériatrique de Darnétal, en proximité immédiate de Rouen, se voit envoyer des externes en stage depuis le CHU, dans l’idée de susciter des vocations pour la gériatrie avant que les étudiants n’aient à effectuer un choix de spécialité. Comme le formule le Pr Pierre Michel, « pour nous, le GHT est le premier cercle ».

Cette situation induit un phénomène de « GHT à deux vitesses », selon l’expression retenue par la Cour des comptes, entre ceux qui sont rattachés à un CHU – voire un gros centre hospitalier régional (CHR) – à même de les alimenter en ressources médicales, et les autres. Cette distorsion est soulignée par de nombreux interlocuteurs rencontrés par la mission. Cette difficulté de positionnement des CHU est également soulignée par les CHU eux-mêmes, qui ne peuvent collaborer sur un pied d’égalité avec les autres hôpitaux dans le cadre du GHT, d’une part en raison de leur format souvent dominant, d’autre part parce que le rapport avec les hôpitaux parties est souvent un rapport de demande, donc très asymétrique. Cependant, la santé financière dégradée de certains CHU vient parfois modifier ce rapport : c’est le cas, par exemple, dans le GHT des Bouches-du-Rhône, du fait des difficultés considérables rencontrées par l’AP-HM.

Vos rapporteurs s’interrogent ainsi sur l’opportunité de décharger, dans certains cas, les CHU de la fonction d’hôpital support du GHT, afin de leur permettre de jouer plus sereinement leur rôle.

B.   Des leviers incertains pour transformer le sYstème de santé

Pour le Dr Jean-Yves Grall, directeur général de la santé de 2011 à 2013 et actuel directeur général de l’ARS Auvergne – Rhône-Alpes, « pour une fois, avec les GHT, nous avions une création qui n’était pas administrative, mais fonctionnelle, sans personnalité juridique, avec un objectif fondamentalement pragmatique : permettre un accès aux soins de qualité pour tous ».

Vos rapporteurs estiment néanmoins que l’outil GHT a pâti d’emblée de plusieurs « défauts structurels », pour reprendre la terminologie de la Cour des comptes ([13]), qui ont fortement perturbé cette vocation fonctionnelle. En effet, sans une articulation avec la médecine de ville, l’hospitalisation privée, le médico-social et l’hospitalisation à domicile, les GHT sont en difficulté pour promouvoir une véritable stratégie territoriale, inconcevable sans ces acteurs. En outre, les logiques de notre système de santé prennent encore insuffisamment en compte les dimensions territoriales et coopératives pour concourir à renforcer les GHT.

1.   La désignation d’un « établissement support » visant à pallier l’absence de personnalité juridique

Dans le cadre de la réforme de 2016, le choix a été fait de ne pas doter les GHT de la personnalité juridique, contrairement aux groupements de coopération sanitaire (GCS) qui avaient vu le jour en 2003. Ce choix rejoint la vocation fonctionnelle visée pour les GHT, et résulte aussi de la volonté de ne pas créer un acteur supplémentaire de l’offre de soins dans le paysage sanitaire.

Cette décision doit cependant être mise en relation avec les objectifs assignés aux GHT, qui ont vocation à devenir des acteurs de premier plan de l’offre de soins publique. Pour pallier cette absence de personnalité juridique, la loi a prévu que la convention constitutive de chaque GHT désignerait un établissement support « chargé d’assurer, pour le compte des autres établissements parties au groupement, les fonctions et les activités déléguées ». Le directeur de l’établissement support est aussi en charge de la gouvernance du GHT et notamment de son comité stratégique, principale instance décisionnelle.

De facto, l’établissement support se trouve ainsi responsable du pilotage du GHT, même si, comme le relève la Cour des comptes, « le législateur n’a pas introduit de hiérarchie entre les établissements du groupement », sa désignation ne lui conférant « pas d’autre droit que celui de gérer les fonctions et activités mutualisées pour le compte des autres parties » ([14]). Ce système de pilotage par l’établissement support est néanmoins malaisé, car toutes les décisions prises dans le cadre du GHT doivent être validées par l’ensemble des établissements parties, l’établissement support n’ayant aucun moyen, autre que son poids relatif et son influence, pour imposer une décision.

Au total, le choix fait en 2016 de l’absence de personnalité juridique pour les GHT pouvait suggérer une volonté de faire travailler les établissements de santé sur un mode collaboratif ; cependant, les limites de ce format collaboratif au regard de l’objectif de restructuration de l’offre de soins suggèrent, en creux, l’objectif d’une intégration plus avancée autour de l’établissement support du GHT (direction commune, voire fusion).

Le rapport de la Cour des comptes relève ainsi que « la prise de décision au sein de la plupart des GHT nécessite un passage devant un nombre déraisonnable d’instances » et recommande « l’émergence à moyen terme d’une personnalité morale unique au sein du GHT, effaçant la notion d’établissement ». Cette position a également été défendue par M. Benoît Vallet, directeur de l’ARS des Hauts-de-France, lors de son audition.

Vos rapporteurs estiment que cette conclusion ne peut pas être généralisée. Dans de nombreuses situations, en particulier au sein des GHT de grande taille, la fusion des établissements est très difficilement concevable. Cela impacterait profondément le paysage hospitalier, les relations sociales au sein de l’hôpital, les relations aux territoires et à la démocratie sanitaire. À terme, dans un contexte de pénuries de personnels et de financements, cette logique de fusion pourrait, si elle était poursuivie de manière systématique, altérer le maillage et l’ancrage territorial, donc l’accès aux soins.

Au total, l’étude d’impact de la réforme des GHT visait « une approche orientée patient et non plus structurelle ». Néanmoins, vos rapporteurs estiment que, pour bien prendre en charge les patients, il importe d’avoir des structures qui fonctionnent. Ainsi, il aurait probablement été nécessaire de mieux définir la structure des GHT du point de vue de l’intérêt des patients. Par ailleurs, certains enjeux de la réforme portaient sur la structure elle-même, parfois devenue l’objectif, au lieu d’être l’outil.

2.   Une gouvernance lourde, peu propice à l’appropriation par les acteurs hospitaliers

La contrepartie de l’absence de personnalité juridique et de structure autonome du GHT est la lourdeur de la gouvernance, mise en avant par tous les acteurs rencontrés par vos rapporteurs.

a.   La gouvernance mise en place par la réforme de 2016

Le décret du 27 avril 2016 relatif aux groupements hospitaliers de territoire ([15]) crée six nouvelles instances à l’échelle du GHT :

     Le comité stratégique, composé des directeurs d’établissements, des présidents des commissions médicales d’établissement, et des présidents des commissions de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de l’ensemble des établissements membres, ainsi que le président du collège médical ou de la commission médicale de groupement, le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire et le directeur de l’unité de formation et de recherche médicale lorsqu’un CHU est membre du GHT. Il est chargé de se prononcer sur la mise en œuvre de la convention constitutive, du projet médical partagé ainsi que sur la gestion et la conduite de la mutualisation des fonctions.

 

     Le collège médical, dont la composition et les missions sont fixées par la convention constitutive du GHT, ou la commission médicale de groupement, qui rassemble les directeurs et représentants des CME de l’ensemble des établissements parties. Il émet des avis concernant le projet médical partagé et des propositions de nomination pour les fonctions médicales territorialisées.

 

     La commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), présidée par un coordonnateur général des soins de l’un des établissements partie, désigné par le directeur de l’établissement support, et composée des présidents et de représentants des commissions de CSIRMT des établissements de santé parties. Elle donne des avis au comité stratégique.

 

     Le comité des usagers, présidé par le directeur de l’établissement support et chargé de rendre des avis sur des sujets limitativement énumérés par la convention constitutive.

 

     Le comité territorial des élus locaux (CTEL) qui « évalue et contrôle les actions mises en œuvre par le groupement pour garantir l’égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité sur l’ensemble du territoire du groupement ». À compter du 1er janvier 2022, ses pouvoirs seront étendus, en vertu de la loi du 24 juillet 2019 ; le CTEL sera ainsi consulté sur la stratégie du GHT et sera appelé à donner un avis sur les documents les plus structurants : projet médical partagé, projet de soins partagé, conventions de partenariat et d’association entre le groupement hospitalier de territoire et des établissements non parties au groupement.

 

     La conférence territoriale de dialogue social, présidée par le directeur de l’établissement support. Elle « est informée des projets de mutualisation, concernant notamment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les conditions de travail et la politique de formation au sein du GHT ».

b.   Une gouvernance lourde et déséquilibrée, peu porteuse pour les acteurs hospitaliers

Toutes ces instances se superposent aux instances des établissements membres du GHT, ce qui implique une réelle lourdeur du processus de prise de décision. La Cour des comptes donne l’exemple du GHT Limousin, qui doit actuellement « consulter environ 90 instances pour faire évoluer sa convention constitutive ou son projet médical partagé ».

Cette situation représente une nuisance très importante pour les acteurs hospitaliers, équipes de direction qui s’épuisent dans l’organisation de ces instances, mais aussi responsables médicaux et soignants, qui sont d’autant moins disponibles pour leur pratique médicale ou soignante et pour leurs équipes. Vos rapporteurs ont été marqués, à cet égard, par les échanges qu’ils ont eus avec l’équipe soignante de l’hôpital de Gournay-en-Bray, rattaché au GHT Rouen Cœur de Seine. Dans cet hôpital de petite taille, isolé, éprouvé par d’importantes difficultés de recrutement, l’impact visible du GHT est, du point de vue des soignants, qu’ils ne voient plus leurs cadres de santé, mobilisés par les multiples réunions organisées dans le cadre du GHT, dont l’établissement support, le CHU de Rouen, est à une heure de route.

La lourdeur tient à la multiplication des instances mais aussi à leur format parfois pléthorique, en particulier dans les gros GHT. Mme Christine Franckhauser, coordonnatrice générale des soins de l’hôpital de Martigues, a, lors de la visite du GHT Bouches-du-Rhône par vos rapporteurs, qualifié le GHT de « frein organisationnel majeur », soulignant qu’à « 39 autour de la table », il était très compliqué de travailler.

A la lourdeur de la gouvernance s’ajoute parfois son caractère faiblement opérationnel, en raison de prérogatives trop restreintes de certaines instances et d’une faible mobilisation des acteurs.

C’est parfois le cas du comité territorial des élus locaux, ces derniers peinant à trouver un véritable sens pour mener à bien, collectivement, sur le terrain, des actions concrètes en faveur de l’intérêt général.

C’est aussi le cas de la conférence territoriale de dialogue social, également peu dynamique en moyenne. L’opposition de principe de certains syndicats à l’existence même des GHT n’y est sans doute pas étrangère, mais c’est également lié à l’absence de pouvoir de cette instance, qui n’est pas une instance de consultation des représentants du personnel en tant que telle, puisqu’elle n’est pas appelée à rendre des avis, les participants étant simplement « informés » des décisions.

Prenant acte de ces défauts, les rapports de l’IGAS et de la Cour des comptes appellent à une rénovation de la gouvernance des GHT, afin de la re-médicaliser, mais aussi de renforcer le poids des élus, des usagers et des représentants du personnel en son sein.

L’ordonnance du 17 mars 2021 ([16]), prise en application de la loi du 24 juillet 2019 ([17]) prévoit qu’à partir du 1er janvier 2022, tous les GHT devront obligatoirement se doter d’une commission médicale de groupement (CMG) aux pouvoirs élargis. Vos rapporteurs estiment que si cette instance permet de renforcer la dimension médicale pour contrebalancer les enjeux administratifs et financiers, la CMG pourra être utile. Ils appellent néanmoins à veiller à ce que la CMG ne contribue pas à centraliser encore davantage la gouvernance du GHT.

Pour réduire le nombre d’instances, le texte de cette ordonnance ouvre par ailleurs la voie à des fusions d’instances, entre les instances des établissements et celles du GHT. Cette option ne saurait convenir qu’à des établissements dont les communautés médicales et les établissements seraient déjà fortement intégrés. Vos rapporteurs attirent l’attention sur la nécessité de limiter ces modalités centralisatrices, qui peuvent conduire à priver l’hôpital des lieux où s’examinent les problèmes du réel.

3.   Des logiques d’établissement très fortes, de faibles incitations à coopérer

Comme le souligne M. Nicolas Parneix, premier conseiller à la Cour des comptes, lors de son audition par la mission, « les leviers qui font aujourd’hui fonctionner l’hôpital ne sont pas favorables au développement des GHT (…). On continue à raisonner en établissements, cela bloque les GHT. C’est vrai aussi pour les élus, en termes de comptes rendus à leurs administrés ».

Cette analyse est partagée par M. François Crémieux, directeur général de l’AP-HM, que vos rapporteurs ont rencontré : « Est-ce qu’on s’est donné les moyens pour mettre en œuvre les GHT ? Notre modèle économique et de financement reste très compétitif, notre intérêt à coopérer est faible. Je trouve que nous avons très peu de leviers pour mettre en place cette stratégie coopérative. »

Vos rapporteurs estiment en effet que la réforme des GHT a imposé des objectifs en termes de restructuration des activités de soins qui semblent discordantes avec les logiques réelles du système hospitalier. Les établissements font ainsi face à des injonctions contradictoires.

a.   La tarification à l’activité (T2A)

La tarification à l’activité (T2A) est évidemment largement en cause. Introduite à partir de 2004 et progressivement généralisée, cette méthode de financement repose sur la mesure et l’évaluation de l’activité effective des établissements, qui détermine les ressources allouées. Concrètement, le prix de chaque activité est fixé chaque année par le ministre chargé de la santé, puis appliqué à l’activité d’un établissement mesurée à partir du recueil des données d’hospitalisation des patients dans le cadre du programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI). Ce financement à l’activité est complété par des dotations forfaitaires, notamment dans le cadre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation interne (MIGAC), destinées à financer certaines activités insuffisamment valorisées par la T2A.

L’effet mécanique de la T2A est un puissant facteur de blocage au sein des GHT : en effet, tout redéploiement d’une activité au sein d’un GHT conduit à faire des « gagnants » (le ou les établissements qui récupèrent l’activité et le financement assorti) et des « perdants » (ceux qui au contraire voient cette activité se réduire, voire disparaître, et leur financement diminuer). Cette logique financière incontournable a créé des phénomènes de concurrence entre les établissements publics, au point que les GHT doivent raisonner en termes d’activités compensatoires pour les établissements qui se trouveraient « lésés », ne serait-ce que pour permettre leur équilibre financier.

La T2A s’apparente ainsi à une incitation à ne pas coopérer. Finalement la seule solution à cette logique implacable de la T2A, à système de financement inchangé, semble être la fusion des budgets voire des établissements du GHT, mais vos rapporteurs estiment que cette solution est inadaptée dans de nombreux cas.

b.   L’affectation des directeurs et des praticiens hospitaliers

Pratiquement tous les acteurs hospitaliers – direction, médecins, soignants – sont des acteurs de leur établissement avant d’être des acteurs du GHT. Leur loyauté première, leur cadre d’exercice voire d’évaluation est ainsi prioritairement celui de leur établissement de rattachement.

C’est notamment le cas pour les directeurs d’hôpital, qui sont pratiquement tous (à l’exception des fonctions mutualisées : direction des achats, des systèmes d’information) affectés à un établissement du GHT et prioritairement évalués par les ARS en fonction des résultats financiers de cet établissement. M. Lionel Calenge, directeur du CHU de la Réunion, établissement support du GHT Océan Indien, que vos rapporteurs ont auditionné, note ainsi que « nous sommes plus évalués par l’ARS en tant que directeurs de nos établissements que par nos projets de restructuration et d’offre de soins sur le territoire ».

Plusieurs interlocuteurs de la mission ont souligné, à cet égard, la situation de « conflit d’intérêt » dans laquelle se trouve le directeur d’un établissement support de GHT, censé promouvoir des projets territoriaux bénéfiques pour l’ensemble du territoire, mais évalué sur la réussite du seul hôpital support. La situation est certes différente lorsque les hôpitaux du GHT sont en direction commune, l’équipe de direction devant alors répondre des performances de l’ensemble des établissements, mais cette situation est loin d’être systématique et systématiquement souhaitable, en particulier pour les grands GHT, et pour les établissements éloignés géographiquement de l’hôpital support.

Vos rapporteurs estiment que cela pose, de manière plus générale, la question du mode de management et d’évaluation, ainsi que la nature des objectifs qui sont assignés aux directeurs et aux cadres des établissements de santé. La politique centrée sur le retour à l’équilibre financier des établissements semble ainsi, de manière systématique, aller à rebours des grands objectifs affichés en matière d’accès aux soins, ou encore de qualité de vie au travail.

Par ailleurs, les médecins hospitaliers sont toujours nommés ou recrutés par un établissement en particulier, et jamais par le GHT, même lorsque les établissements sont en direction commune et même lorsqu’un pôle inter-établissement a été créé. De ce fait, pour employer un praticien sur plusieurs établissements du GHT dans le cadre d’un temps partagé, il faut à chaque fois conclure une convention entre les établissements concernés, répartir la rémunération, etc. Il semblerait ainsi indispensable de pouvoir recourir à des procédures plus souples pour employer un praticien dans plusieurs établissements du GHT.

Par ailleurs, une prime d’exercice territorial a été mise en place en 2017 afin d’inciter les praticiens, indépendamment de leur statut, à développer un exercice multi-sites entre plusieurs hôpitaux publics distants d’au moins 20 kilomètres, ou avec des établissements médico-sociaux. Cependant, cette prime d’exercice territorial, calculée en fonction du nombre de demi-journées dédiées à l’exercice sur des sites secondaires, pour des montants d’étalant de 250 euros à 1 000 euros bruts mensuels, s’avère insuffisante pour jouer un rôle incitatif fort pour les médecins. Or, les logiques de partage du personnel médical doivent être un élément structurant des coopérations au sein du GHT.

c.   Les autorisations de soins et d’activité

Ainsi que le formule la Cour des comptes, « les autorisations sanitaires constituent le principal outil permettant de structurer l’offre de soins sur le territoire ». Les agences régionales de santé sont ainsi appelées à délivrer des autorisations pour toute création, conversion ou regroupement d’activités de soins, ainsi que pour l’installation d’équipements matériels lourds. Ces autorisations, dont le régime juridique est en cours de réforme depuis la loi de modernisation de la santé du 26 janvier 2016, sont délivrées aux établissements de santé et soumises à renouvellement. En vertu de l’article L. 6122-2 du code de la santé publique, elles sont accordées si la demande est compatible avec les objectifs du projet régional de santé, répond aux besoins de santé de la population et satisfait à des conditions d’implantation et des conditions techniques de fonctionnement.

En dépit de l’impact majeur des autorisations sanitaires sur la structuration territoriale des soins, celles-ci n’ont pas, jusqu’à aujourd’hui, été utilisées comme un outil pour encourager la structuration des GHT, notamment parce que le régime juridique de ces autorisations ne s’y prête pas. La loi du 24 juillet 2019 ([18]) a ouvert la voie à une adaptation de ce régime qui pourrait permettre de mieux prendre en compte les organisations territoriales. Elle prévoit en effet que le Gouvernement peut adopter par ordonnance des mesures visant à « adapter le régime des autorisations aux activités réalisées dans le cadre des dispositifs de coopération et de coordination des acteurs de santé ».

L’idée sous-jacente était, entre autres, de pouvoir disposer d’autorisations sanitaires collectives dans le cadre de groupements, notamment de GHT. Interrogée par la Cour des comptes à la fin de l’année 2020, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé avait cependant expliqué plutôt réfléchir à une procédure de demande d’avis du comité stratégique du GHT sur toute demande d’autorisation sanitaire déposée par un établissement partie, pour s’assurer de la cohérence de cette demande avec le projet médical du GHT.

L’ordonnance du 12 mai 2021 ([19]) prise en application de la loi OTSS ne comporte cependant aucune disposition de cette nature. L’évolution du régime des autorisations sanitaires ne bouleversera ainsi probablement pas l’équilibre actuel, qui veut que ces autorisations soient demandées et détenues individuellement par les établissements.

Vos rapporteurs estiment qu’il ne serait pas souhaitable que les autorisations soient rattachées au GHT, ce qui n’en ferait plus un levier efficace pour l’ARS, alors qu’elles doivent à l’évidence y recourir en tenant compte des logiques territoriales, sans parcimonie, avec la volonté de renforcer l’offre publique de soins au sein de l’offre globale, ce qui semblait être un objectif implicite des GHT.

4.   Une structuration peu ouverte à une approche populationnelle

La volonté d’organiser des filières de prise en charge pour répondre aux besoins de santé de la population impose en réalité, dans une approche populationnelle, une articulation à l’échelle des bassins de vie avec l’ensemble des acteurs de l’hospitalisation publique, de l’hospitalisation à domicile, de la médecine de ville, des cliniques privées et des acteurs du médico-social.

Or ces dimensions, sans être totalement occultées par la réforme de 2016, étaient secondaires, les GHT étant d’abord conçus comme des outils de structuration de l’offre de soins publique. Cette approche populationnelle nécessaire n’a donc pas réellement été pensée et facilitée dans le cadre de la structuration en GHT.

a.   Un périmètre public

La réforme des GHT est une réforme de l’hospitalisation publique et non une réforme du système de santé. Cela fait dire aux fédérations de l’hospitalisation privée que ces groupements auraient dû porter le nom de « groupements hospitaliers publics de territoire », afin de lever toute ambiguïté sur le fait que les GHT n’ont pas vocation à organiser l’ensemble de la réponse territoriale. Selon les termes de l’article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé, tous les établissements publics et seuls les établissements publics ont vocation à en être membres.

La loi a cependant prévu la possibilité d’associer des établissements privés, via des conventions de partenariat permettant de les faire participer à la définition et à la mise en œuvre du projet médical partagé, pour ce qui les concerne. D’après le rapport d’étape publié par l’IGAS ([20]), en 2019, moins de la moitié des GHT avaient conclu un partenariat avec un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) et un tiers avec un établissement de santé privé à but lucratif. Le rapport note par ailleurs « dans certaines régions un mouvement de repli par rapport au secteur privé, peut-être temporaire, et lié aux travaux très mobilisateurs de constitution des groupements publics, mais peut-être également structurel, en relation avec des conditions concurrentielles qui se tendent ».

À l’évidence, dans beaucoup de territoires, le recul de l’hôpital public ne se fait pas au bénéfice des patients. La focalisation sur la coopération intra-GHT y est d’ailleurs parfois dénoncée comme une perte de temps, face aux enjeux plus urgents du bassin de vie. Ainsi le Dr Stéphane Luigi, président de la CME de l’hôpital de Martigues, a exprimé à vos rapporteurs son sentiment que « ce qu’on fait ne répond pas à la question » : « Nous avons des partenaires privés à côté, des professions libérales, c’est ça le territoire. C’est ici qu’il faut qu’on parle de parcours patients. On peut avoir un lien avec un support pour des surspécialités, mais ce n’est pas prioritaire. Or, on gaspille notre énergie à discuter avec l’établissement support ! »

Pour les fédérations de l’hospitalisation privée, qu’il s’agisse de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (FEHAP) ou de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), si l’enjeu visé par les GHT est la structuration de l’offre de soins sur le territoire, alors leurs établissements doivent être parties prenantes, sur un pied d’égalité avec les établissements publics. Les fédérations soulignent qu’il est d’ailleurs indispensable de structurer un espace pour organiser cette coopération territoriale.

Les GHT n’ont pas vocation à mélanger public et privé sans distinction. En revanche, ils peuvent constituer des interlocuteurs pour des groupes privés souvent structurés à l’échelle des territoires. La stabilisation des GHT pourrait ainsi voir s’améliorer la coordination et l’information réciproques.

Par ailleurs, vos rapporteurs soulignent que la réforme des GHT ne prévoit rien au sujet de la coopération avec la médecine de ville, alors que cela représente également un enjeu important dans une optique de parcours de soins.

b.   Une focalisation sur le champ sanitaire au détriment du médico-social

La réforme de 2016 n’a pas complètement occulté la thématique du médico-social, mais elle a créé un outil peu propice à la participation de ces établissements, qui pouvaient craindre de se trouver dilués dans un ensemble avant tout focalisé sur les problématiques sanitaires.

La loi prévoit ainsi que les établissements et services médico-sociaux (ESMS) publics peuvent être membres d’un GHT ; les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) hospitaliers, dépourvus d’autonomie, sont quant à eux englobés d’office dans le GHT de leur hôpital de rattachement. Enfin, les ESMS privés peuvent conclure avec les GHT des conventions d’association ou de partenariat.

Dans la pratique, et bien que les projets médicaux partagés des GHT soient nombreux à englober la thématique du médico-social, ces possibilités ont été peu usitées, et le médico-social est resté largement en marge de la réforme des GHT. D’après les statistiques fournies par le rapport de la Cour des comptes, au 1er janvier 2020, seuls 7,5 % des ESMS étaient « associés », indépendamment des modalités de cette association et du statut des établissements. On comptait ainsi 78 ESMS autonomes membres de 28 GHT, en plus des EHPAD hospitaliers automatiquement intégrés.

Vos rapporteurs ont auditionné les associations de directeurs d’établissements pour personnes âgées, afin de recueillir leur analyse sur ce relatif échec des GHT à englober le médico-social. Ils mettent en avant « un écosystème pas tourné vers le médico-social », « l’absence des logiques politiques et financières qui auraient permis de rendre cet outil fonctionnel », avec notamment le cloisonnement persistant entre le champ sanitaire et le champ médico-social, s’agissant en particulier des financeurs.

Ils invoquent le fait que l’échelle naturelle des coopérations pour le médico-social est plus petite que celle des GHT, et soulignent un regain d’intérêt de leurs établissements pour la formule du groupement de coopération médico-sociale (GCMS), dans lequel ils peuvent coopérer sur un pied d’égalité avec les autres acteurs, y compris le domicile, avec beaucoup de souplesse dans le contenu et le format de la coopération.

Les EHPAD soulignent que leur intérêt à coopérer dans le cadre du GHT est assez faible : il s’agit d’organiser la prise en charge de leurs pensionnaires dans le cadre des urgences et, en aval, de se voir adresser des patients de la part du GHT, ce qui ne représente pas « une raison suffisante ».

La crise sanitaire a montré que les EHPAD liés à un hôpital – davantage qu’à un GHT – ont nettement bénéficié de cette attache, qui a permis à leurs pensionnaires atteints du covid-19 d’être plus vite pris en charge, et à leurs équipes d’être soutenues pour la mise en place des protocoles sanitaires, de la vaccination, etc.

Plus largement, à la faveur de la crise sanitaire, de nombreux partenariats souples ont vu le jour entre EHPAD et hôpitaux, dans les GHT et en dehors. Cependant, ces signaux encourageants ne sauraient constituer une réponse suffisante à l’impératif que constitue le virage médico-social de notre système de soins. En effet, l’impératif d’une prise en charge globale de la personne entre en contradiction avec les logiques de production d’actes qui structurent l’hôpital.

c.   L’hospitalisation à domicile oubliée dans les faits

Autant l’association des établissements privés et/ou médico-sociaux aux GHT est facultative, autant celle de l’hospitalisation à domicile est-elle, selon les termes de l’article L. 6132-1 du code de la santé publique, obligatoire, du moins en théorie : « les établissements assurant une activité d’hospitalisation à domicile sont associés à l’élaboration du projet médical partagé des groupements hospitaliers de territoire situés sur leur aire géographique d’autorisation et dont ils ne sont ni parties ni partenaires ».

La Cour des comptes qualifie cependant la première génération des projets médicaux partagés des GHT « d’occasion manquée en matière de HAD » ([21]). Elle note qu’un tiers des établissements HAD privés autonomes n’ont pas été associés à l’élaboration des PMP, en contradiction avec la loi. En outre, Mme Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), que vos rapporteurs ont auditionnée, souligne que « nombre d’établissements de HAD publics n’ont pas été associés à l’élaboration du projet médical du GHT auquel appartient leur établissement » et qu’au total, la HAD a rarement été pleinement associée à ces travaux.

La Cour des comptes note ainsi que les orientations retenues par les GHT en matière de HAD « paraissent bien en deçà des attentes en matière de virage ambulatoire et témoignent d’une vision hospitalo-centrée ». Elle explique ce déficit notamment par le caractère précipité de la réforme.

Mme Hubert confirme que les GHT auraient pu constituer une opportunité de « mieux intégrer la HAD dans l’offre sanitaire d’un territoire » en intégrant « à chaque fois que cela est possible, une prise en charge de niveau hospitalier à domicile » dans les parcours ; mais elle observe qu’en réalité, « les GHT n’ont rien changé ».

 

Vos rapporteurs estiment que cette place marginale de la HAD dans les projets médicaux des GHT est regrettable, dans un contexte où cette activité est encore bien trop peu développée en France au regard des enjeux, avec la montée en charge des maladies chroniques.

*

Au total, il s’avère que la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a créé, avec les groupements hospitaliers de territoire, le cadre d’une restructuration d’ampleur de l’offre de soins hospitalière.

Le bilan des GHT après cinq années d’existence fait cependant ressortir des résultats qui, bien que n’étant pas négligeables, sont en-deçà des objectifs et des efforts consentis. Il pose la question de l’adéquation entre l’outil GHT et les enjeux auxquels est confronté le système de soins.


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II.   après cinq ans d’existence, des efforts considérables, des résultats discutables

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Cour des comptes se sont successivement livrées à un bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire ; ces rapports mettent en avant des résultats « hétérogènes », « inégaux », « en demi-teinte », pour en arriver à la conclusion que les GHT seraient actuellement « au milieu du gué ».

Ces constats rejoignent en partie ceux effectués par vos rapporteurs au cours de leurs auditions et déplacements. Certains GHT ont connu de vraies réussites et il ne s’agit pas de les minimiser. Il convient simplement de rapporter ces avancées aux efforts et investissements consentis pour la structuration des GHT ; il s’agit également d’interroger la pertinence de l’outil GHT pour répondre aux enjeux les plus urgents du système de soins.

A.   La structuration des GHT, une entreprise ardue et complexe

Avant d’évaluer les résultats de la réforme des GHT au regard de ses objectifs initiaux, vos rapporteurs jugent indispensable de bien mesurer l’ampleur de la tâche que cela a représentée, et représente encore, pour les acteurs hospitaliers : directions, médecins et soignants, en particulier. Cette réforme est aussi à l’origine de coûts, directs et indirects, qu’il conviendrait de pouvoir mieux apprécier.

1.   La structuration en GHT suppose un investissement considérable de la part des acteurs hospitaliers

Lors de leurs déplacements dans plusieurs GHT, vos rapporteurs ont pu constater combien les acteurs hospitaliers, notamment les responsables administratifs et médicaux, ont donné de leur personne pour conduire cette réforme, à travers la rédaction des projets médico-soignants partagés, la participation à des instances devenues foisonnantes et la conduite d’un travail de fond, dans le cadre de groupes informels, visant à faire remonter des projets avec une vraie plus-value territoriale.

a.   La rédaction des PMP et PSP

Ainsi que vos rapporteurs l’ont souligné (cf. I.A.1), la loi du 26 janvier 2016 et son décret d’application du 27 avril 2016 ont imposé la rédaction de projets médicaux et de projets soignants partagés dans des délais très contraints, avec une première mouture arrêtée dès le 1er janvier 2017, les périmètres et les conventions constitutives des GHT ayant été adoptés au plus tard le 1er juillet 2016. Cela laissait donc six mois pour bâtir ces projets médicaux partagés (PMP), et six mois encore pour les arrêter définitivement (au 1er juillet 2017), ainsi que pour rédiger les projets de soins partagés (PSP) censés décliner dans le domaine paramédical les orientations du PMP. Plus rarement, ces efforts ont été conduits de concert, aboutissant à la rédaction de projets médico-soignants partagés (PMSP).

La Cour des comptes relève ([22]) que la rédaction de ces PMP a représenté « un travail collectif considérable avec plus de 17 400 pages rédigées et validées par les différentes instances et l’identification de 1 902 filières de soins, soit en moyenne près de 15 filières par GHT, couvrant ainsi une très large partie de l’activité hospitalière ». Elle estime que ce travail a représenté « entre 118 000 et 198 000 heures mobilisées au plan national, soit l’équivalent de 74 à 124 ETP [équivalents temps plein] de médecins, directeurs et cadres, consacrés exclusivement et durant une année à la préparation de ces documents ». M. Nicolas Parneix, premier conseiller à la Cour des comptes, estime ainsi que « des millions d’euros » ont été investis dans la rédaction de ces PMP.

En dépit de ce réel investissement, les PMP n’ont cependant pas toujours pu suffisamment associer les personnels médicaux et hospitaliers, en raison des délais impartis. Ils n’ont souvent pas assez priorisé les filières à développer dans le cadre du GHT, sans doute faute d’avoir pu conduire une vraie réflexion de fond sur ce que devaient et pouvaient raisonnablement être les objectifs de chaque GHT. Ce travail n’en demeure pas moins « un effort de dialogue inédit au sein des territoires ».

décompte des filières de soins recensées dans les pmp

 

b.   La participation à des instances et groupes de travail multiples

L’investissement des acteurs hospitaliers ne s’est pas limité à la phase – intense mais limitée dans le temps – de rédaction des projets médico-soignants partagés. La structuration et le fonctionnement du GHT continuent de supposer un investissement très important de la part de la communauté médicale et soignante.

Comme vos rapporteurs l’ont exposé en première partie, cette problématique est très prégnante pour les responsables de la gouvernance des hôpitaux – équipes de direction, membres de la CME, cadres de santé, etc. – qui doivent cumuler la participation aux instances du GHT et à celles de leur établissement de rattachement, avec les conséquences nuisibles qui ont été exposées sur la disponibilité de ces responsables pour leurs équipes.

Mais cela concerne, plus largement, l’ensemble des personnels médicaux et soignants des hôpitaux, qui ont « joué le jeu » du GHT et participé à de multiples réunions de travail thématiques avec leurs homologues des autres hôpitaux, dans le but de faire émerger des projets conformes aux besoins de terrain.

Ce laborieux travail préparatoire mérite d’autant plus d’être souligné qu’il semble parfois bien peu valorisé à travers les décisions prises par les instances du GHT. Ainsi, lors des visites de terrain effectuées par vos rapporteurs, plusieurs médecins et soignants se sont interrogés sur l’utilité pratique du travail considérable accompli lors de ces réunions, dans la mesure où les constats et préconisations effectués semblaient ne jamais déboucher sur des actions concrètes. La communauté médicale du centre hospitalier spécialisé Edouard Toulouse, au nord de Marseille, s’interroge ainsi : « On nous a beaucoup fait travailler. Nous pensions que l’ARS allait nous faire des propositions. À quoi servent les conclusions des groupes de travail, s’il n’y a rien derrière ? »

Parfois même, les décisions prises peuvent sembler en contradiction avec les consensus dégagés dans le cadre de ces groupes de travail. Les psychiatres d’Edouard Toulouse ont ainsi exprimé leur amertume face à l’imposition, dans le cadre du GHT, du système d’information de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille, alors que les groupes de travail avaient vu les avis converger vers une solution différente, qui semblait mieux adaptée en particulier aux spécificités de la psychiatrie.

Ces médecins et soignants regrettent aussi parfois le manque de valorisation par l’ARS de ce travail de concertation territoriale, via les décisions d’autorisations sanitaires et l’allocation des dotations budgétaires. La communauté médico-soignante de l’hôpital de Martigues souligne ainsi que les travaux conduits dans le cadre du GHT ont convergé sur le constat d’un déficit de lits de psychiatrie dans cet hôpital, et sur la nécessité d’ouvrir 25 lits supplémentaires ; mais ce projet demeure bloqué au niveau de l’ARS, dont l’autorisation est indispensable.

Vos rapporteurs saluent cet important travail accompli par les acteurs hospitaliers, et estiment qu’il est essentiel de pleinement l’intégrer aux orientations choisies dans le cadre du projet médico-soignant partagé du GHT, en particulier de la nouvelle version de ces PMSP qui sera élaborée à partir de 2022. En effet, les GHT n’ont d’avenir que s’ils partent des besoins du terrain, dans une logique ascendante ; cette logique doit impérativement être conservée, et être restaurée là où elle a été mise à mal.

Par ailleurs, vos rapporteurs alertent sur l’incompréhension et la fatigue des équipes médicales et soignantes, qui s’investissent dans la mise en place des GHT mais ont le sentiment de ne pas être entendues. La logique trop verticale des GHT est ici en cause.

2.   La réforme des GHT représente un coût financier non négligeable

À l’heure d’évaluer les bénéfices, notamment en termes d’efficience, de la réforme des GHT, il importe d’avoir à l’esprit que cette réforme suscite également des coûts. En référence à la partie précédente, on peut souligner qu’il existe, à l’évidence, des coûts d’opportunité, du fait de la non-disponibilité des acteurs impliqués dans ces travaux pour leurs autres activités.

Mais au-delà, la réforme des GHT a engendré des coûts bruts assez substantiels, qui sont retracés dans le rapport précité de la Cour des comptes. Ainsi, dans le cadre de deux plans nationaux d’accompagnement des GHT, lancés en 2016 et en 2019, la DGOS a mis sur la table 85 millions d’euros au total, délégués aux opérateurs nationaux, aux ARS et aux établissements entre 2016 et 2020. La Cour des comptes estime qu’en tenant compte des charges et recettes des budgets mis en commun dans le GHT (budget G) et des coûts associés à la rédaction des PMSP, le « poids financier » des GHT s’élève à 140 millions d’euros. C’est sans compter les crédits complémentaires octroyés aux établissements par les ARS, dans le cadre du fonds d’intervention régional (FIR).

Vos rapporteurs estiment qu’il conviendrait par ailleurs de produire une estimation du bilan carbone des GHT. En effet, la multiplication des instances, les transits multiples des personnels de direction entre les sites, les déplacements supplémentaires induits par les mutualisations, notamment des achats, ont pour effet d’accroître les émissions de gaz à effet de serre par rapport à la situation antérieure. Ce phénomène mériterait d’être documenté sur le plan écologique et économique. Il en va de même lorsque les patients doivent se déplacer vers un établissement plus lointain pour se faire soigner ; il conviendrait de conduire une évaluation fiable des conséquences financières de ces déplacements supplémentaires sur le budget de la sécurité sociale.

B.   la mutualisation des fonctions support a concentré les énergies, avec des bénéfices qui se font attendre

Alors que la mutualisation des fonctions support était présentée comme secondaire dans l’esprit de la réforme de 2016, et comme devant découler naturellement de la mise en œuvre du projet médical partagé, plutôt que comme un objectif en soi, ce chantier a, en réalité, bénéficié d’une priorité dans la mise en œuvre. Cette priorité s’explique, d’une part, par les faibles leviers disponibles pour la transformation de l’offre de soins, qui empêchaient de progresser de manière importante sur ces aspects. Elle s’explique aussi par l’imposition de délais législatifs et réglementaires pour ces mutualisations, délais qui ont été décrits en première partie. Enfin, parfois, la mutualisation de certaines fonctions constitue un préalable nécessaire à l’approfondissement de la coopération, en particulier pour les systèmes d’information.

Ainsi, cinq ans après la mise en place des GHT, le bilan semble devoir porter d’abord sur ces chantiers de nature administrative. À cet égard, « la rationalisation des modes de gestion » visée par la loi de 2016 semble ne pas s’être encore vraiment matérialisée, si c’est bien une simplification et une fluidification qui sont ici souhaitées.

1.   Des mutualisations à évaluer sous l’angle de la qualité du service rendu

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de ne pas analyser la plus-value des mutualisations de fonctions support sous un angle uniquement budgétaire et financier, mais bien davantage sous l’angle du service rendu aux patients, de la qualité de vie au travail ou encore de l’impact social et environnemental de ces choix.

Mme Christine Franckhauser, coordinatrice générale des soins de l’hôpital de Martigues, souligne ainsi :

« Nous devons arrêter de faire chacun dans notre coin des choses qui peuvent être mutualisées. Nous avons tous fait nos procédures « covid » ; cela aurait été bien que le GHT nous soulage un peu. L’archaïsme de ce fonctionnement est source de pénibilité pour nos professionnels. Je pense donc que le GHT, en optimisant les fonctions support, peut nous redonner une puissance d’investissement qui améliorerait l’exercice de nos soignants ».

Vos rapporteurs estiment que ce point de vue doit guider la réflexion sur les mutualisations de fonctions support. Cela pourrait conduire à réévaluer certaines mutualisations prescrites par la loi, mais dont l’effet pour les équipes médicales et soignantes serait négatif. Vos rapporteurs ont, par exemple, été alertés au sujet de difficultés liées à la mutualisation de certains services comme la blanchisserie ou la stérilisation, à l’origine de délais et de pénuries. Par ailleurs, il paraît indispensable de prendre le temps d’écouter la communauté hospitalière pour nourrir un climat social de qualité et ne pas rompre la confiance.

À l’inverse, cela pourrait aussi inciter à développer des mutualisations non obligatoires, au-delà de ce qu’imposent les textes, si elles apparaissent bénéfiques. C’est la position retenue par le GHT Rouen Cœur de Seine ; la directrice générale du CHU de Rouen, Mme Véronique Desjardins, souligne ainsi : « nous allons plus loin que ce que disent les textes, sur des sujets qui émergent et peuvent rendre service aux établissements du GHT ». Dans cet esprit, le GHT envisage de procéder à une mutualisation du stockage.

En somme, vos rapporteurs jugent qu’il serait sans doute opportun de laisser davantage de souplesse aux GHT pour organiser les mutualisations qui leur semblent les plus utiles, eu égard à leurs propres paramètres. Cette attitude permettrait probablement de prendre des décisions réactives, mieux adaptées aux besoins des acteurs et plus faciles à mettre en œuvre.

2.   La mutualisation des achats

a.   La mutualisation des achats est le chantier le plus avancé

En raison notamment des échéances imposées dans le code de la santé publique, et aussi parce qu’il s’agit d’un domaine où il existe une antériorité de coopération inter-hospitalière ([23]), la mutualisation des achats semble aujourd’hui le chantier le plus avancé pour l’ensemble des GHT.

D’après le rapport précité de la Cour des comptes, tous les GHT se sont effectivement dotés d’une direction des achats commune, soit entièrement centralisée au sein de l’hôpital support, soit, le plus souvent, en maintenant un référent achats dans les hôpitaux parties au groupement.

En vertu de la loi, il revient en effet à l’établissement support d’exercer la fonction achats pour le compte de l’ensemble des hôpitaux du GHT. Concrètement, cela signifie que le directeur de l’établissement support est responsable de la passation de l’ensemble des marchés du GHT, dès le premier euro. À cette fin, les ressources humaines affectées à la fonction achats au sein des hôpitaux parties ont été transférées, en tout (modèle centralisé) ou partie (modèle déconcentré), à l’hôpital support. La plupart des GHT ont maintenu une délégation de signature pour les référents achat des hôpitaux parties, pour des petites commandes dont le montant total peut aller jusqu’à 25 000 euros hors taxes.

Conséquence logique de cette mutualisation, les seuils relatifs aux passations des marchés s’appliquent désormais à la valeur totale des fournitures et services considérés comme homogènes au sein du GHT, en vertu de la règle de la computation des seuils. Cela signifie que des achats qui ne devaient pas être soumis aux règles des marchés publics – publicité et appel d’offres en particulier – lorsqu’ils étaient effectués par un établissement à titre individuel peuvent désormais l’être par effet d’agrégation.

Cette mutualisation est censée engendrer des gains d’efficience, des économies sur les coûts unitaires mais aussi une meilleure sécurité juridique des achats hospitaliers, du fait d’une spécialisation accrue et d’une montée en compétences de la fonction achat ainsi centralisée.

b.   Une lourdeur difficile à gérer pour les petits établissements

L’ensemble des petits et moyens hôpitaux visités par vos rapporteurs ont mis en avant les difficultés importantes suscités pour eux par la mutualisation de la fonction achat, en soulignant l’impact quotidien de ces difficultés.

Ils déplorent tous une complexification considérable de la fonction achats, complexité qu’ils ont d’autant plus de mal à gérer que les ressources humaines plus spécialisées ont été concentrées au sein de l’hôpital support. Si la passation des marchés est du ressort de l’hôpital support, tout un travail préparatoire échoit au référent achats de l’hôpital partie, qui s’avère long et complexe, et pour lequel ces référents s’estiment souvent insuffisamment formés et accompagnés par la cellule marchés de l’hôpital support.

Les hôpitaux parties déplorent aussi souvent la perte de leurs fournisseurs locaux, comme conséquence de la centralisation des achats au sein de l’hôpital support. Cette situation a évidemment un impact sur le territoire et son tissu économique, et tend à favoriser les grosses entreprises, par exemple sur le marché des ascenseurs. Mais elle peut aussi avoir des effets très concrets, au quotidien, sur les soins. Par exemple, l’hôpital gériatrique de Darnétal a, avec la mutualisation des achats, cessé de recourir aux services d’une société d’ambulances locale, au profit des ambulanciers du CHU de Rouen, hôpital support du GHT Rouen Coeur de Seine. Pourtant, le service fourni par l’opérateur historique de l’hôpital était jugé de très bonne qualité, avec des ambulanciers attentifs aux personnes âgées, qui les connaissaient et qu’ils connaissaient. L’hôpital déplore une baisse de la qualité de service depuis. Ces données, difficilement objectivables sur le plan financier, mériteraient d’être prises en compte.

Lorsque les hôpitaux parviennent à conserver leurs prestataires locaux, cela peut être au prix de difficultés assez importantes pour ces prestataires surtout s’ils sont « petits », en raison de l’application des règles de passation des marchés publics. La référente achats de l’hôpital de Gournay-en-Bray, partie au GHT Rouen Coeur de Seine, souligne l’épreuve que représente, pour le boulanger qui livre le pain à l’hôpital, le respect de ces règles dont cette petite structure n’est pas du tout familière.

Enfin, les hôpitaux parties soulignent que la mutualisation des achats dans le cadre du GHT se traduit fréquemment par une moins bonne spécificité des produits au regard des besoins de l’établissement. Dans le GHT Bouches-du-Rhône, les hôpitaux parties estiment ainsi que le recours à UniHa, la centrale d’achats du CHU, du fait de leur rattachement à l’AP-HM, n’est souvent pas approprié pour eux.

Le médecin gériatre de l’hôpital de Château-Thierry, dans l’Aisne, regrette aussi des délais importants, préjudiciables à la prise en charge des patients, en particulier pour la commande de fauteuils adaptés « qui se perd dans les méandres du GHT ».

Ainsi, les bénéfices attendus de la mutualisation des achats – économies, professionnalisation de la fonction et allègement de la tâche pour les petits hôpitaux, sécurité juridique – semblent au total assez peu visibles pour les équipes des hôpitaux parties visités par vos rapporteurs, alors que les difficultés mentionnées paraissent, à l’inverse, très réelles, dans le quotidien de ces personnels.

c.   Des bénéfices qui ne font pas l’unanimité

Au-delà des exemples mentionnés par vos rapporteurs, qui correspondent aux retours de terrain dont ils ont bénéficié, il semblerait utile de pouvoir apprécier les effets macroéconomiques de la mutualisation des achats, à l’échelle de l’ensemble des GHT.

Le rapport précité de la Cour des comptes donne quelques éléments d’appréciation à ce sujet. Elle confirme que la sécurisation juridique des achats hospitaliers est un acquis important de cette mutualisation.

S’agissant des économies budgétaires engendrées par la mutualisation des achats, il s’agit d’un sujet qui comporte encore certaines zones d’ombre, raison pour laquelle vos rapporteurs appellent, en troisième partie, à un renforcement de l’évaluation de la réforme, dans le but d’objectiver les gains éventuels et de ne pas prêter le flanc aux polémiques.

La DGOS estime que ces gains sont avérés et qu’ils profitent principalement aux hôpitaux parties des GHT, davantage qu’aux hôpitaux supports. La directrice générale adjointe de l’AP-HM, Mme Sylvia Breton, souligne également qu’« en 2020, les gains liés à la convergence sur les achats de santé représentent plus d’un million d’euros » sur le périmètre du GHT Bouches-du-Rhône.

La Cour des comptes conteste néanmoins la méthodologie retenue par la DGOS, qui repose sur le calcul de « gains achats » en réalité peu corrélés aux gains budgétaires : « il n’y a pas de corrélation systématique entre les gains achats et les économies budgétaires effectives. Les difficultés de mesure des résultats des dynamiques achats, identifiées dès le début de la démarche, à savoir la différence entre les gains achats – théoriques et difficilement contrôlables – et les gains budgétaires – tangibles – ne sont toujours pas résolues. » La Cour des comptes souligne par ailleurs une augmentation de la dépense budgétaire liée aux achats hospitaliers depuis la création des GHT, y compris une fois les évolutions de prix neutralisées ; cette analyse porte néanmoins sur une période où la mutualisation des achats n’était pas pleinement effective (2015-2018).

Au total, il importera donc de clarifier les bénéfices résultants de la mutualisation des achats et de procéder, le cas échéant, aux réajustements qui apparaîtraient nécessaires.

3.   La mutualisation des systèmes d’information

a.   Un chantier clé pour la construction de filières de soins et la mise en sécurité des systèmes d’information hospitaliers

Parmi les autres chantiers qui étaient assortis d’un calendrier contraignant dans le cadre de la réforme de 2016, figure la mutualisation des systèmes d’information (SI).

Il s’agit là en réalité d’un chantier indispensable pour la mise en œuvre des projets médicaux des GHT. Lors des visites et auditions de la mission, les acteurs hospitaliers, à commencer par les médecins, ont régulièrement souligné les difficultés engendrées par l’hétérogénéité des systèmes d’information, qui est un frein manifeste aux coopérations.

Ainsi, tous les acteurs hospitaliers reconnaissent que l’harmonisation des systèmes d’information doit être une priorité, à l’intérieur des GHT et au-delà. En effet, il importe que cette harmonisation concerne l’ensemble des acteurs des filières de soins mais aussi des filières médico-techniques, lesquelles ne sauraient se concevoir uniquement à l’échelle des GHT, sans la médecine de ville, sans l’hospitalisation privée et sans le médico-social.

Par ailleurs, la mutualisation des systèmes d’information doit permettre de spécialiser les équipes et ainsi de généraliser la présence d’un responsable de la sécurité informatique intervenant au bénéfice de l’ensemble des établissements du GHT. Cela permet de mutualiser le coût de ce poste, mais aussi de le rendre plus attractif, paramètre crucial s’agissant de fonctions très recherchées, y compris dans le secteur privé. La recrudescence des cyber-attaques à l’encontre des hôpitaux rappelle qu’il s’agit là d’un sujet urgent et hautement prioritaire, une attaque informatique pouvant avoir pour effet de paralyser totalement les activités d’un hôpital, avec des conséquences, humaines et financières, potentiellement très graves.

Au sein des GHT, le mouvement a été engagé avec l’élaboration de schémas directeurs des systèmes d’information communs aux GHT, qui effectuent une cartographie des applicatifs existants et définissent la stratégie de convergence informatique du GHT. D’après la direction générale de l’offre de soins, ce schéma directeur serait à présent arrêté pour 85 % des GHT.

L’étape suivante est celle de la convergence, qui consiste principalement à mettre en place un dossier patient informatisé (DPI) commun au GHT, ainsi qu’un identifiant unique commun pour chaque patient.

Cette étape, qui devait se concrétiser au 1er janvier 2021, est nettement plus complexe à mettre en œuvre, tant l’hétérogénéité des applicatifs utilisés au sein d’un GHT est grande. Il s’avère particulièrement ardu, pour les établissements d’un GHT, de se mettre d’accord sur un système d’application unique, et ce, d’autant plus que le GHT comporte un nombre important d’établissements. Parfois, il peut s’agir d’acquérir un système d’information nouveau pour l’ensemble des établissements. Mais il arrive aussi que des établissements soient invités à renoncer à leur système d’information pour adopter celui de l’établissement support, à l’image des établissements du GHT Bouches-du-Rhône. Dans cette situation, les personnels des établissements parties estiment qu’ils sont doublement pénalisés, puisqu’ils doivent abandonner leur outil de travail et « payer pour ».

b.   Des avancées lentes, liées à un accompagnement encore insuffisant

En réalité, ces difficultés soulignent la nécessité d’accompagner beaucoup plus massivement cette convergence informatique, sur le plan financier en particulier.

En l’état actuel des choses, par réalisme, de nombreux GHT se replient sur une solution d’interopérabilité entre les DPI du GHT, en lieu et place d’un DPI unique. La Cour des comptes note ainsi que seuls 45 % des GHT vont opter pour un DPI unique, en raison de la difficulté portant sur le choix de ce DPI (cf. supra), mais aussi du fait de « moyens insuffisants nécessaires à l’acquisition d’un logiciel commun ».

Vos rapporteurs ont auditionné la Délégation du numérique en santé (DNS) ainsi que le bureau des systèmes d’information des acteurs de l’offre de soins de la DGOS, afin de mieux évaluer l’accompagnement dont bénéficient les GHT et les apports spécifiques du « Ségur numérique » de ce point de vue.

Il s’avère que les financements mobilisés en faveur de la convergence informatique des GHT ne leur sont pas spécifiques, et sont, de plus, partiellement régis par la règle du « financement à l’usage », qui veut que l’établissement ne touche une dotation qu’une fois certains usages informatiques prédéterminés acquis. En conséquence, seule une proportion des hôpitaux bénéficie de ces financements.

Il s’agit, en premier lieu, du programme Hop’en. Lancé par la DGOS en 2017 afin de moderniser les systèmes d’information hospitaliers, ce programme est doté de 420 millions d’euros sur la période 2018-2022, délégués aux ARS à qui il revient de sélectionner les dossiers. Pour en bénéficier, les GHT auxquels appartiennent les établissements doivent avoir désigné un directeur des systèmes d’information et mis au point un schéma directeur comportant un projet de SI convergent. Cependant, seuls 60 % des financements d’Hop’en reviennent à des établissements de santé publics, destinés à 680 hôpitaux, sur 1 400 établissements de santé financés par ce programme. Cela signifie que seulement la moitié des 1 300 établissements publics en profitent.

Le Ségur numérique va permettre, à partir de 2022-2023, de mobiliser des financements supplémentaires en faveur de l’interopérabilité des établissements de santé. Deux programmes sont prévus : une enveloppe de 465 millions d’euros doit financer un volet « équipement », tandis que 210 millions d’euros ont vocation à alimenter un volet « usage ». Ces montants doivent bénéficier aux établissements de santé publics et privés, et ont pour principale vocation d’appuyer la mise en œuvre des référentiels socles : identité nationale de santé, dossier médical partagé et messagerie sécurisée de santé. Ils ne visent donc pas directement la convergence des systèmes informatiques des GHT, même s’ils amélioreront l’interopérabilité de manière générale.Au total, les financements mobilisés pour la convergence informatique des GHT apparaissent encore nettement en-deçà des besoins. En octobre 2020, la Cour des comptes estimait le montant total nécessaire au financement d’un système d’information convergent pour l’ensemble des GHT à 1,15 milliard d’euros au total. Elle soulignait que, pour atteindre cet objectif, il faudrait accroître le budget dédié au système d’information de 1,6 % des charges d’exploitation (moyenne actuelle) à 2 %, ce qui représenterait un budget supplémentaire annuel de 250 millions d’euros.

4.   Les autres chantiers en cours

a.   Le département de l’information médicale (DIM) de territoire

Parmi les autres fonctions d’ores et déjà mutualisées dans la quasi-totalité des GHT, figure l’information médicale, avec la création de départements de l’information médicale de territoire. Le DIM de territoire doit permettre de disposer d’une vision globale des données d’activité de l’ensemble des établissements du GHT. Il convient, pour cela, d’harmoniser les pratiques de codage dans les différents établissements. Ce chantier est en cours, avec d’ores et déjà un DIM de territoire actif dans la plupart des GHT.

b.   La gestion mutualisée de ressources humaines médicales

La loi sur l’organisation et la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 prévoit une nouvelle étape dans la mutualisation des fonctions support, avec l’idée d’aller vers une gestion mutualisée des ressources humaines médicales. Cette loi renvoie néanmoins à une ordonnance pour définir plus précisément la répartition des compétences entre l’hôpital support et les hôpitaux parties.

Les mesures adoptées dans le cadre de l’ordonnance du 17 mars 2021 ([24]) constituent en réalité une version très largement atténuée de l’ambition initiale d’une gestion centralisée des ressources humaines médicales. Ainsi, selon la version de l’article L. 6132-3 du code de la santé publique qui sera en vigueur au 1er janvier 2022, il revient désormais à l’établissement support d’assurer, pour le compte des établissements parties au GHT, « la définition d’orientations stratégiques communes pour la gestion prospective des emplois et des compétences, l’attractivité et le recrutement, la rémunération et le temps de travail des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques », et de veiller au respect de ces orientations stratégiques, qui doivent être approuvées par le comité stratégique. Le code prévoit en outre que ces compétences doivent s’exercer « dans les limites des compétences des établissements parties à l’égard de ces personnels ».

L’ordonnance du 17 mars 2021 est ainsi restée très prudente sur la question de la mutualisation des ressources humaines médicales, en impulsant une réflexion commune et une coordination à l’échelle du GHT, mais en veillant à laisser la main aux établissements parties.

Vos rapporteurs estiment que cet ajustement du niveau d’ambition est une attitude réaliste face à l’hétérogénéité des GHT. Si une gestion centralisée se conçoit dans des établissements fortement intégrés, avec une équipe de direction commune, afin d’éviter la concurrence entre établissements et d’optimiser les parcours professionnels à l’échelle du GHT, elle serait extrêmement néfaste dans les nombreux GHT qui ne sont pas sur un modèle intégratif et ne le seront, pour certains, probablement jamais, ne serait-ce qu’en raison de leur taille.

Il convient par ailleurs de noter que les GHT ont, depuis 2016, la faculté de déléguer à l’établissement support la gestion des équipes médicales de territoire.

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Au terme de cet examen de la mutualisation des fonctions support, vos rapporteurs observent que « la réduction du coût des fonctions techniques, administratives et logistiques » était un objectif mis en avant par la loi de 2016, avec des économies évaluées à 270 millions d’euros. Ils s’interrogent sur la réalité de ces économies et, plus généralement, sur l’évaluation globale des mutualisations conduites dans ce cadre (cf. III).

C.   Des résultats encore modestes pour l’accès aux soins, malgré quelques succès

D’après le Dr Grall, directeur général de l’ARS Auvergne – Rhône-Alpes, « les GHT ont été beaucoup trop vus par les acteurs eux-mêmes comme de la tuyauterie, de la comitologie, plutôt qu’à travers leur objectif fondamental : permettre un accès aux soins de qualité pour tous ».

Il est indéniable que, sur cette problématique de l’accès aux soins, le bilan des GHT semble, pour l’heure, très modeste. En témoigne, entre autres, le décalage avec les effets annoncés par l’étude d’impact du projet de loi de 2016, qui prévoyait la réduction du recours à l’intérim médical, ou encore celle du nombre d’astreintes et de gardes.

Vos rapporteurs n’entendent pas dire que rien n’a été fait : de belles dynamiques et de belles réussites sont certainement à souligner. Seulement, ces réussites demeurent trop rares, et ont souvent « débordé » du cadre du GHT pour voir le jour, ce qui suggère qu’elles ne peuvent pas être entièrement mises au crédit de cette réforme.

1.   Les GHT vont-ils vers un processus de restructuration de l’offre de soins ?

Au sein des GHT visités par vos rapporteurs, la structuration du GHT n’a généralement pas conduit à une réorganisation de l’activité hospitalière entre les différents sites, dans une optique de gradation des soins qui était celle de la réforme. Ce constat rejoint celui de la Cour des comptes.

Partant d’une analyse du contenu des projets médicaux partagés (PMP), la Cour des comptes déduit que les GHT, « dans leur format actuel, ne conduiront pas à une restructuration de l’offre de soins ». En cause : la logique majoritairement fédérative de ces PMP, qui conduit plutôt à vouloir renforcer le maillage territorial du GHT qu’à restructurer l’activité hospitalière.

La Cour des comptes constate d’ailleurs une absence d’impact des GHT sur le nombre de plateaux techniques hospitaliers entre 2014 et 2018. Elle note que les PMP ont « largement retenu une approche centrifuge de la compétence médicale » qui peut être « analysée comme une dispersion inquiétante des forces médicales lorsqu’elle concerne des spécialités nécessitant un plateau technique lourd ».

La Cour reconnaît néanmoins que cette approche « témoigne aussi d’une réelle prise de conscience de la dimension territoriale de l’offre de soins par les praticiens des établissements support ». Cet aspect doit être considéré comme prioritaire, si l’on adopte une approche populationnelle. Vos rapporteurs estiment en effet que l’objectif de restructuration hospitalière ne doit pas être recherché en soi, mais uniquement s’il permet d’améliorer la réponse aux besoins de santé de la population, en termes de qualité et de proximité.

Le bilan des GHT en matière d’offre de soins doit donc être analysé en fonction de l’amélioration de la capacité des structures hospitalières à proposer une offre de qualité, en adéquation avec les besoins de la population.

Si l’on adopte ce critère, plutôt que celui des restructurations hospitalières, le bilan des GHT demeure néanmoins mitigé à ce stade. Au-delà de la nature fédérative ou intégrative des coopérations envisagées dans le cadre des PMP, ceux-ci pèchent souvent dans la mise en œuvre, soit parce que les actions prévues manquaient de réalisme au regard des moyens disponibles, soit parce que les problèmes de gouvernance ont eu tendance à paralyser la mise en œuvre des projets, soit aussi parce que la crise sanitaire est venue perturber une dynamique déjà laborieuse.

Ainsi, au total, les représentants d’usagers estiment, par la voix de France Assos Santé, qu’avec les GHT, « on a mis le paquet sur la conception mais pas grand-chose sur les filières ». En conséquence, « on ne voit pas vraiment les bienfaits des GHT », qui restent « invisibles pour la population, laquelle n’identifie pas le service rendu ».

C’est un sentiment qui rejoint parfois celui de la communauté médicale et soignante. Ainsi, le Pr Jean-Luc Jouve, président de la CME de l’AP-HM, pose la question :

« Tout ça pour quoi ? C’est une question que se posent beaucoup de praticiens qui ne sont pas immergés dans le GHT. Le GHT pourra-t-il inverser la tendance de l’inclinaison d’Arles vers Nîmes ? Va-t-il être capable de fédérer les hôpitaux, dans un contexte où le privé est très puissant ? Il va y avoir des réponses à ces questions dans les deux années qui viennent, et cela risque d’être sévère ».

C’est aussi le sentiment très largement exprimé par les organisations syndicales rencontrées par vos rapporteurs. Certaines estiment que la mise en place des GHT a en réalité accompagné la gestion des économies demandées à l’hôpital public et les restructurations. Elles considèrent que les GHT n’ont généralement pas permis un renforcement du service public de santé.

Plusieurs acteurs ont également noté que les GHT peuvent parfois être à l’origine d’un moindre recours au service public. Certains estiment que les restructurations de l’hôpital public laissent trop le champ libre à des opérateurs privés. Plus gravement, elles pourraient accroître le non-recours aux soins, lorsque la distance devient un obstacle rédhibitoire. Ces évolutions pourraient altérer la fluidité du parcours patient, voire être à l’origine de ruptures.

2.   Les GHT ont pu redynamiser ou réorienter certaines modalités de coopération préexistantes

Lors de leurs visites de terrain, vos rapporteurs ont constaté que si le GHT n’avait pas été un vecteur de restructuration de l’offre de soins, il avait tout de même permis de donner une nouvelle dynamique à des coopérations préexistantes, ou de réorienter ces coopérations pour les inscrire dans le cadre du GHT.

Ainsi, par exemple, au centre hospitalier de Château-Thierry, préexistait une organisation pour la prise en charge des accidents cardio-vasculaires (AVC) établie avec le CHU de Reims, au moyen du télé-AVC. Lorsque le GHT Saphir a été mis en place, un nouveau parcours patient a été établi en lien avec l’hôpital de Soissons, support du GHT. Ce nouveau parcours a été source d’améliorations pour les patients, car l’hôpital de Château-Thierry a pu mettre en place la thrombolyse sur place, avant le départ des patients vers Soissons. La communauté médicale et soignante de l’hôpital s’accorde à dire que ce parcours fonctionne bien.

De même, la pharmacie à usage intérieur (PUI) du CHU de Rouen coopère de longue date avec les autres PUI du territoire. Lorsque le GHT Rouen Cœur de Seine s’est constitué, les PUI de l’ensemble des établissements se sont rassemblées au sein d’une fédération médicale inter-hospitalière (FMIH). Cela a permis de constituer une équipe de pharmaciens, à même notamment d’assurer plus facilement les remplacements dans les différents hôpitaux du GHT, grâce au recrutement mutualisé de deux assistants. Cependant, le périmètre de cette FMIH s’avère trop restreint au regard des coopérations mises en place par la PUI de Rouen, qui travaille beaucoup, par exemple, avec la PUI du Havre, en-dehors du GHT.

Dans le même GHT, préexistait une filière gériatrique organisée autour du CHU de Rouen. Celle-ci a été retravaillée à l’échelle du GHT afin de construire des parcours patients englobant les problématiques d’adressage et l’aval. Le Dr Emmanuel Lefebvre, président de la CME de l’hôpital gériatrique de Darnétal et co-pilote de cette filière, souligne que « le caractère paritaire du GHT a permis d’avoir des échanges très libres », élargis aux autres acteurs du territoire (méthodes d'action pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'Autonomie – MAIA, communautés professionnelles territoriales de santé, usagers) ; il estime que cette filière est ainsi « une belle réussite » du GHT. Tous les acteurs rencontrés se sont dits satisfaits du travail en commun réalisé dans ce cadre, lequel a été utile lors de la crise sanitaire.

Ces exemples suggèrent ainsi que le travail conduit dans le cadre des instances du GHT n’a peut-être pas été à la hauteur des attentes de la réforme de 2016, mais qu’il a pu produire des effets bénéfiques. Dans de nombreux territoires, y compris au sein de GHT considérés comme « peu avancés » dans la mise en œuvre de la réforme, de belles dynamiques ont pu voir le jour. L’IGAS souligne ainsi, dans son rapport daté de 2019, que le bilan des GHT en trois ans de coopération serait considérablement plus significatif que celui de toutes les formes de coopération hospitalière mises en œuvre auparavant.

3.   Un acquis majeur de la réforme : les GHT ont créé de nouvelles habitudes de coopération entre les acteurs du territoire

Le principal acquis de la réforme des GHT, au-delà des résultats tangibles en termes budgétaires ou d’offre de soins, semble ainsi bien être celui-ci : les acteurs du territoire se sont rencontrés, ont appris à se connaître, ont échangé sur leurs pratiques. Cet acquis est loin d’être négligeable. La Cour des comptes souligne en effet, dans son rapport, que l’un des facteurs déterminants pour la conduite de projets médicaux ambitieux, de nature intégrative, au sein d’un GHT, est « l’antériorité des liens entre équipes médicales » et « l’ancienneté des coopérations entre établissements ».

Lors des visites conduites par vos rapporteurs, le développement des échanges entre acteurs du GHT, à tous les niveaux, a unanimement été présenté comme un apport majeur de la réforme des GHT.

Ce sentiment était très largement partagé à l’hôpital de Martigues, où la communauté médicale et soignante est pourtant réservée sur l’apport du GHT. Le Dr Thierry Bottai, vice-président de la CME, note ainsi que « la seule chose positive avec le GHT, c’est que ça m’a permis de rencontrer mes collègues (…). Cela nous a permis de créer un séminaire universitaire au niveau des GHT pour la psychiatrie. Il faut garder la connexion au niveau du GHT ».

Dans le même GHT, au sein du centre hospitalier spécialisé Edouard Toulouse, les psychiatres estiment qu’un bon travail a été accompli dans le cadre des groupes de travail du GHT sur la filière psychiatrique, et que cela leur a permis de connaître les projets de leurs collègues des autres hôpitaux. Ils regrettent néanmoins que les travaux de ces groupes n’aient pas été pris en compte dans les décisions prises par le comité stratégique du GHT ou par l’ARS (cf. II.A.1).

L’état d’esprit est similaire au sein du GHT Rouen Cœur de Seine. Le Pr Frédéric Di Fiore, responsable du pôle viscéral du CHU de Rouen, souligne que le GHT a permis « d’avoir des échanges très intéressants avec des collègues, de voir ce qu’est leur quotidien ». D’ores et déjà, ces échanges ont débouché sur des partages de protocoles, et une amélioration sensible du parcours patient, notamment sur la gestion des lits d’aval.

Au total, en rendant la coopération entre établissements obligatoire, la réforme des GHT a eu le mérite de créer ce terrain commun sur lequel pourront germer de nouvelles initiatives. Les échanges sur les pratiques s’avèrent enrichissants pour les équipes soignantes et médicales, et évitent « la bunkérisation sur les anciennes façons de faire », pour reprendre les termes du Dr Grall, directeur général de l’ARS Auvergne – Rhône-Alpes. Comme le note la Cour des comptes dans son rapport, « ces actions comportent de réels effets positifs à attendre pour les patients ».

4.   Certains GHT obtiennent des résultats plus probants, mais en dépassant le cadre strict du GHT

Dans certains GHT, les résultats obtenus en matière d’offre de soins paraissent nettement plus à la hauteur des ambitions de la réforme de 2016. Cependant, l’analyse des caractéristiques de ces GHT et des projets entrepris révèle que ce succès a été possible en dépassant les paramètres initiaux de la réforme des GHT – en d’autres termes, il n’est pas forcément dû à la réforme.

En particulier, certains GHT ont choisi d’aller vers la fusion au sein d’un établissement de santé unique, s’affranchissant du modèle proposé, pour aller vers une unité managériale et une personnalité morale unique. Selon les termes de la Cour des comptes, « ces fusions se sont traduites par la mise en œuvre de projets plus structurants, déclinant réellement les objectifs assignés par la loi aux GHT, alors même que, paradoxalement, ces GHT fusionnés ne répondent plus réellement à la définition d’un GHT en tant que regroupements d’établissements autonomes ».

Par exemple, le GHT Nord-Ardennes a fusionné l’ensemble de ses établissements en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), ce qui lui a permis de réorganiser globalement l’offre de soins sur le territoire. Ainsi, en 2019, il a regroupé la chirurgie orthopédique, traumatologique, viscérale et urologique en hospitalisation complète au centre hospitalier de Charleville-Mézières, tout en maintenant une activité de chirurgie ambulatoire à Sedan.

D.   la légitimité des ght semble aujourd’hui fragilisée

La réforme des GHT avait été accueillie avec un scepticisme mêlé d’appréhensions par la communauté hospitalière, qui voyait arriver une énième réforme de l’hôpital public, dans un contexte où ses conditions de travail se dégradaient. Les cinq premières années de vie des GHT n’ont pas permis d’emporter une adhésion large autour de ce nouveau modèle pour l’hôpital public, qui semble aujourd’hui pâtir d’une légitimité fragilisée, alors que les doutes persistent sur l’adéquation de cet outil aux enjeux de notre système de soins.

1.   Vers une remise en cause croissante des GHT ?

Trois grands motifs conduisent aujourd’hui diverses catégories d’acteurs hospitaliers et des territoires à remettre en cause les GHT.

a.   L’absence de démocratie sanitaire

En dépit de la structuration d’institutions dédiées, la démocratie sanitaire n’est pas véritablement parvenue à voir le jour à l’échelle des GHT. Les acteurs concernés – élus locaux, partenaires sociaux, usagers – n’ont pas réussi à trouver leur place au sein de cette gouvernance complexe, dans des structures dont la finalité n’est pas toujours bien identifiée.

C’est en particulier le cas des usagers qui, n’ayant pas été associés à la détermination des périmètres et à la structuration des GHT, n’identifient pas véritablement cet acteur dans le paysage hospitalier, non plus que les problématiques qui ressortent de cette échelle. C’est le diagnostic posé par Mme Claude Rambaud et M. Alexis Vervialle, vice-présidente et conseiller technique offre de soins de France Assos Santé : « En l’absence de filière, les représentants d’usagers ne voient pas bien ce qu’ils doivent faire dans les instances du groupement ». C’est bien la question des parcours de soins, incluant l’amont et l’aval de l’hôpital, qui est susceptible de mobiliser les usagers.

Ces derniers estiment pourtant qu’il aurait été possible de faire porter les GHT par les usagers dès le départ, par exemple en envoyant des questionnaires à la population, afin de mieux appréhender les besoins de santé et les dynamiques de soins sur le territoire. Un seul GHT se serait à ce jour structuré avec une démarche participative, le GHT de la Mayenne et du Haut-Anjou.

Parfois, la faible mobilisation des acteurs résulte d’une opposition de principe sur la question du GHT, d’un constat d’éloignement ou d’un sentiment d’inutilité de ces instances, essentiellement consultatives. C’est souvent le cas pour les partenaires sociaux, dans un contexte où une partie des syndicats continue à rejeter en bloc la réforme des GHT, allant jusqu’à refuser de participer aux instances. Lorsqu’ils s’y associent, les partenaires sociaux dénoncent l’absence d’une réelle démocratie sanitaire, du fait de l’absence de pouvoirs de la commission territoriale de dialogue social (CTDS). Le responsable CFTC du CHU de Rouen exprime ainsi qu’il n’a « pas l’impression de participer aux décisions du GHT », les propositions faites dans le cadre de la CTDS restant « sans lendemain », et en l’absence de participation aux instances décisionnelles du GHT : « la direction n’est pas là pour nous écouter, mais pour nous informer, c’est ça, le dialogue social ».

Le fait que les élus locaux demeurent essentiellement investis dans le cadre du conseil de surveillance de leur établissement local, où leur semble se jouer prioritairement l’accès aux soins de leurs administrés, constitue également un témoignage d’une démocratie sanitaire qui n’est pas accomplie.

Cette carence démocratique des GHT les handicape pour répondre pleinement à leur vocation essentielle, qui est la réponse aux besoins de santé, dans une approche populationnelle. Pour connaître ces besoins, les GHT ont besoin d’assimiler dans leur fonctionnement le dialogue avec les personnels, les usagers et les élus locaux, qui connaissent souvent bien leurs administrés.

Vos rapporteurs estiment que cette situation, si elle venait à se prolonger, risquerait de voir les GHT s’installer dans une position de superstructure tournée vers son propre fonctionnement, déconnectée des besoins du territoire.

b.   Une source de problèmes plutôt que de progrès pour les médecins et soignants

Il est ressorti très clairement des auditions et visites effectuées par vos rapporteurs qu’une proportion importante des personnels médicaux et soignants considère aujourd’hui le GHT plutôt comme une source d’ennuis que de progrès.

Cela résulte des exigences supplémentaires pouvant être induites par le GHT, comme la lourdeur de fonctionnement qui a été décrite, pour des personnels déjà soumis à des conditions de travail souvent compliquées : multiplication des groupes de travail et instances, lourdeurs des procédures d’achats, etc. Cette lourdeur a pour effet d’accroître le temps administratif des médecins et soignants, au détriment de leur pratique.

Face à cette situation vécue comme une dégradation de leurs conditions de travail, ces médecins et soignants ne voient pas la valeur ajoutée du GHT, qui n’apporte souvent pas vraiment de réponse à leurs problèmes du quotidien, qu’il s’agisse de la situation défavorable de la psychiatrie pour les établissements spécialisés, du manque de médecins, des problèmes liés à la permanence des soins, etc.

Vos rapporteurs estiment que cette perception doit nous interpeller, alors que l’étude d’impact du projet de loi de 2016 projetait que « les incidences sur les organisations de travail s[eraie]nt de nature à améliorer la qualité des conditions de travail, l’efficience et la productivité du service public ».

c.   L’absence de bénéfices perceptibles pour les patients

Vos rapporteurs ne reviendront pas sur ce qui a été dit sur l’invisibilité des GHT du point de vue des usagers du système de soins, qui résulte de leur éloignement, et de l’intérêt principal des usagers pour un accès aux soins dans les meilleures conditions en proximité.

En tout état de cause, les Français n’ont pas vu leur accès aux soins s’améliorer de manière décisive depuis la mise en place des GHT en 2016. Dès lors, c’est souvent sous un angle négatif qu’ils ont eu à connaître de ces groupements, en particulier lorsqu’une mobilisation locale a été conduite, notamment sur des questions de périmètre.

Ce constat est néanmoins à nuancer avec le prisme de la crise sanitaire, qui a permis aux Français de prendre conscience du rôle central et de la faculté d’adaptation de l’hôpital et de ses soignants en situation dégradée. Cela ne concerne cependant que très secondairement les GHT, qui souvent demeurent largement en dehors du champ de conscience des usagers.

Ces sentiments répandus de doute à l’encontre des GHT imposent de questionner le caractère adapté de cet outil pour répondre aux enjeux urgents auxquels notre système de soins est confronté.

2.   Les GHT, une cote mal taillée pour répondre aux enjeux du système de soins ?

Lors des travaux de vos rapporteurs, est revenue fréquemment l’idée que le GHT n’était pas la solution adaptée aux enjeux qui se posent concrètement aux acteurs de la santé sur le terrain. Vos rapporteurs souhaitent mettre en lumière ces questionnements légitimes et esquisser une réponse.

a.   La démographie médicale, un facteur systématiquement bloquant

Cette problématique est revenue de manière systématique lors des travaux de la mission. Pour pouvoir mettre en œuvre des projets médicaux fondés sur les besoins de santé de la population, il faut avoir des médecins. Or, la plupart des établissements rencontrés se trouvent déjà dans une situation déficitaire en ressources médicales, plus ou moins accentuée selon les spécialités.

Il existe, à l’échelle nationale, un déficit global de spécialistes formés dans certaines spécialités, comme la psychiatrie ou encore la gériatrie. Pour l’ensemble des spécialités, mais de manière plus ou moins critique, vient s’ajouter une problématique de trop faible attractivité de l’exercice à l’hôpital public – des spécialités comme la radiologie ou l’anesthésie comptant parmi les plus concernées. Ces déficits structurels dans l’ensemble des hôpitaux sont aggravés, dans certains territoires, par un manque d’attractivité géographique global, lié à leur caractère rural, enclavé, éloigné des métropoles.

Ainsi, tous les hôpitaux connaissent une situation de tension au regard de la démographie médicale, illustrée par le taux de vacance des postes de praticiens hospitaliers, de l’ordre de 30 % à l’échelle nationale, et le recours important à l’intérim médical. Indépendamment des mesures prises pour améliorer l’attractivité de l’exercice à l’hôpital public ([25]) et des mesures prises pour augmenter le nombre de médecins formés, cette situation de tension est appelée à être durable dans de nombreux territoires, en particulier en raison du vieillissement de la population et du monde médical, et de l’augmentation corrélative de la prévalence des maladies chroniques (cf. infra). Le graphique suivant, qui illustre l’évolution globale du nombre de spécialistes disponibles en fonction des besoins de santé des territoires à l’horizon 2040, révèle ainsi qu’une grande majorité d’entre eux seront encore en situation défavorable – voire très défavorable – à cette échéance.

évolution du nombre de la densité médicale en spécialistes au regard de l’évolution de l’âge moyen de la population

 

 

Les GHT doivent ainsi se structurer et déployer leur activité dans ce contexte durable de démographie médicale insuffisante, qui est, par endroits, particulièrement grave. Vos rapporteurs ont pu rencontrer l’unique praticien hospitalier de l’hôpital de Gournay-en-Bray. Le service de gériatrie de cet hôpital tournait jusqu’ici avec le renfort de quatre médecins contractuels, dont l’un vient de partir à la retraite. L’hôpital est mis au défi de trouver une solution pour remplacer ce médecin, les trois médecins restants ayant annoncé qu’ils quitteraient l’hôpital s’ils devaient assurer un tableau d’astreinte à eux seuls, cette contrainte étant jugée trop lourde.

Pourtant, l’hôpital de Gournay-en-Bray appartient à un GHT rattaché à un CHU, celui de Rouen. Cette situation est a priori la plus favorable, les CHU étant « producteurs » de ressources humaines médicales, via la formation des étudiants en médecine. Cependant, le CHU connaît lui-même une situation difficile pour le recrutement des gériatres.

Dans une certaine limite, les GHT peuvent améliorer l’organisation des établissements face à cette pénurie de médecins et renforcer l’attractivité de l’exercice à l’hôpital. Lors des visites conduites par vos rapporteurs, il est apparu, en particulier, que le développement de l’exercice médical à temps partagé entre plusieurs sites du GHT était une modalité considérée comme prometteuse de la part de la plupart des acteurs, y compris des étudiants en médecine. Souvent cofinancés par l’ARS, ces exercices à temps partagé permettent aux médecins de cumuler l’expérience de deux établissements différents, avec parfois des exercices très complémentaires de leur métier.

De cette manière, une unité d’urologie a pu être recréée au centre hospitalier de Martigues, grâce à la création de postes partagés avec l’AP-HM, qui sont attractifs pour les médecins, lesquels peuvent profiter du plateau technique de l’AP-HM tout en bénéficiant de la souplesse associée à l’exercice dans un hôpital de taille moyenne. La limite de ce système tient cependant d’une part à l’ouverture de postes en temps partagé par l’ARS et à leur pérennisation – ce sont souvent des postes d’assistant à temps partagé, prévus pour une durée de deux ans – et d’autre part, à la distance entre les hôpitaux. L’hôpital de Gournay-en-Bray se situe à une heure de route du CHU de Rouen, cette distance semble rédhibitoire pour les internes – l’hôpital n’en a aucun – et dissuasive pour les médecins.

L’exercice en temps partagé devient d’autant plus attractif pour les médecins lorsqu’il peut être structuré dans le cadre d’une équipe médicale de territoire (EMT), reposant sur une organisation bien établie, un projet, des moyens définis. Cette équipe se définit comme une équipe de médecins qui assument la responsabilité de l’organisation de leurs missions sur plusieurs établissements au service d’un territoire, conformément au projet médical partagé, dans le cadre d’une organisation des soins entre les différents sites permettant de répondre aux besoins des patients. La gestion peut en être confiée à l’hôpital support du GHT, sans que ce soit une obligation.

Les hôpitaux attendent généralement beaucoup des temps partagés et des équipes médicales de territoire, et pourtant, tous reconnaissent les limites de ce système, qui ne peut pas résoudre, à lui seul, le problème de la démographie médicale, essentiellement exogène aux GHT. La situation du GHT Allier – Puy-de-Dôme est éclairante à cet égard : 40 postes d’urgentistes sont vacants dans le seul département de l’Allier, mais l’établissement support, le CHU de Clermont-Ferrand, ne dispose que de 38 postes d’urgentistes ; il n’est donc pas question de combler ce déficit par la seule mutualisation des ressources de l’hôpital support.

b.   Le vieillissement de la population et la montée en puissance des maladies chroniques

Selon les données de Santé publique France, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent aujourd’hui le quart de la population française, et pourraient en représenter le tiers en 2040. Or, si l’espérance de vie en France après 50 ans s’avère la plus élevée de l’Union européenne chez les femmes (37,4 ans contre 34,9 ans en 2014 dans l’Union européenne), le nombre d’années vécues en bonne santé reste inférieur à celui de plusieurs pays. On observe ainsi une évolution globalement moins favorable de l’espérance de vie en bonne santé en France, qui pourrait se traduire par une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes de 1,2 million actuellement à 2,3 millions en 2060. Le vieillissement de la population va, au-delà des problématiques de dépendance, être associé à une explosion de la prévalence des maladies chroniques : maladies cardio-vasculaires, neurodégénératives, cancers, montée en puissance de poly-pathologies, également associée à l’augmentation de la durée de vie de ces malades chroniques, en lien avec les progrès de la médecine.

Cette tendance, d’ores et déjà visible aujourd’hui, suscite un défi inédit pour le système de soins. Cette situation est mise en évidence par le rapport du Conseil économique, social et environnemental sur les maladies chroniques ([26]), qui souligne que 25 % de la population pourrait être atteinte d’une maladie chronique en 2025, et que le système de santé paraît mal armé pour y faire face : « Organisé de façon cloisonnée, le système français de santé ne propose pas au malade un parcours de soins suffisamment coordonné entre les secteurs sanitaire, médico-social et social. »

L’enjeu immédiat auquel notre système de soins est confronté est donc celui de la construction de parcours de soins gradués, coordonnés et décloisonnés, pour pouvoir prendre en charge l’ensemble de ces malades chroniques en proximité, ce dernier paramètre étant indispensable eu égard à la fréquence des soins nécessaires.

Les GHT pourront-ils permettre de relever ce défi ou y contribuer ? Les premières années d’exercice ne sont pas très concluantes à cet égard. Comme vos rapporteurs l’ont exposé, les GHT n’ont pas résolu le problème du cloisonnement entre le sanitaire et le médico-social, ce secteur étant resté largement à l’écart d’une réforme jugée peu adaptée aux problématiques du médico-social. Si la crise sanitaire a pu casser certaines barrières et impulser des échanges entre ces deux milieux, le GHT n’en constitue pas le lieu privilégié.

De manière plus préoccupante encore, le GHT est perçu comme une structure peu favorable à la proximité, en centralisant un nombre croissant de fonctions, de personnels et d’activités au sein de l’hôpital support, au détriment des territoires. Cette perception répandue n’est pourtant pas une fatalité. Le GHT pourrait permettre de centraliser certaines fonctions et certains plateaux techniques dans un objectif d’efficience et de qualité des soins, dans l’intérêt des équipes professionnelles et du patient, tout en irriguant le territoire des spécialistes nécessaires à la prise en charge de ces maladies chroniques, en particulier via le développement de consultations avancées. Cependant, s’il s’agissait d’abandonner toute ambition pour les hôpitaux qui ne sont ni CHU, ni hôpital support, et de tout concentrer dans des « usines à soins », à l’évidence, les GHT s’inscriraient en contradiction totale avec les attentes et besoins des patients.

*

Au total, après cinq ans d’existence, vos rapporteurs ne peuvent que reconnaître que les GHT ne sont pas parvenus à produire des résultats suffisamment décisifs pour l’amélioration de l’accès aux soins, en dépit d’un investissement considérable des acteurs hospitaliers. De surcroît, ils paraissent mal armés à ce stade pour faire face aux défis les plus urgents de notre système de santé.

Pour autant, vos rapporteurs observent que, derrière la lenteur des évolutions, des dynamiques territoriales encourageantes ont émergé, des échanges et des pratiques se développent, et rencontrent l’adhésion des professionnels de santé. Les coopérations qui fonctionnent sont souvent celles qui ont été choisies et pilotées par les acteurs eux-mêmes, ce qui montre l’enjeu de ne pas chercher à tout prix à « plaquer » un modèle ou à forcer des logiques d’intégration.

Ils estiment ainsi qu’il importe de capitaliser sur le travail accompli par les acteurs hospitaliers depuis cinq ans. Pour avoir un avenir, les GHT doivent devenir des outils plus souples, plus fonctionnels, plus démocratiques, véritablement fondés sur une logique populationnelle et donnant la priorité absolue aux besoins de proximité.


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III.   Quel avenir pour les GHT ? plus de souplesse, de démocratie et de subsidiarité, pour mieux répondre aux besoins de santé de tous les français

Les travaux conduits par la mission conduisent vos rapporteurs à préconiser des adaptations dans le fonctionnement des GHT.

En première et deuxième parties, vos rapporteurs ont porté un regard critique sur la réforme des GHT telle qu’elle a été initialement paramétrée et mise en œuvre. Leur analyse globale de ces « défauts » peut être sensiblement différente. Ainsi, votre rapporteur Marc Delatte estime que cette réforme était nécessaire et souhaitable, même si des ajustements sont nécessaires, alors que votre rapporteur Pierre Dharréville, favorable au développement de coopérations, juge qu’il s’agissait d’une réforme avant tout conditionnée par l’obsession de comprimer les dépenses hospitalières – d’où les résultats mitigés présentés en seconde partie.

Vos deux rapporteurs en arrivent cependant à la conclusion conjointe qu’il faut prendre appui sur ce qui a été fait depuis cinq ans, au prix d’efforts importants de la part de la communauté hospitalière, alors que des habitudes ont été prises et que des projets, même modestes, ont vu le jour. Toute réforme ultérieure des GHT devra en effet avoir pour impératif d’alléger et de simplifier la tâche de ces personnels déjà fortement éprouvés, et non de rajouter une énième couche d’obligations juridiques et pratiques.

Si l’on veut encourager des coopérations territoriales fructueuses, des ajustements et adaptations apparaissent indispensables pour soulager les acteurs hospitaliers et permettre à des projets habités par une véritable logique populationnelle de voir le jour.

A.   évaluer les résultats obtenus pour réajuster certains paramètres

Vos rapporteurs sont interpellés par le manque d’appréciation partagée à l’échelle nationale sur la réforme des GHT, selon le point de vue de l’interlocuteur rencontré – membre d’un hôpital support ou partie, élu local ou administration centrale… Cette carence se nourrit d’un manque de données objectives susceptibles d’éclairer, de manière décisive, les avancées permises ou non par les GHT.

Vos rapporteurs estiment ainsi que la première des nécessités consiste à renforcer l’évaluation de la réforme des GHT afin d’objectiver certaines situations et de procéder aux ajustements qui s’avéreront utiles. Ce chantier doit être lancé dès le début de l’année 2022 car il apparaît indispensable de le conduire bien en amont de la rédaction de la deuxième génération des projets médico-soignants partagés.

1.   La réforme des GHT doit être précisément évaluée pour objectiver les situations polémiques

a.   Réactiver le comité de suivi de la réforme sous l’égide de la DGOS

Au mois de mars 2016, a été mis en place un comité national de suivi de la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, rassemblant l’ensemble des acteurs directement concernés par cette réforme : directeurs généraux d’ARS, conférences de directeurs d’hôpital et de présidents de CME, Fédération hospitalière de France (FHF), représentants syndicaux et représentants des usagers.

En outre, au sein de la DGOS, une chefferie de projet dédiée aux GHT a été instituée, animée par un directeur d’hôpital et initialement dotée de quatre équivalents temps plein, pour assurer le pilotage et le suivi de cette réforme.

Cependant, ce dispositif de pilotage et de suivi de la réforme a été progressivement allégé, à mesure que les années passaient et que la crise sanitaire venait bouleverser les priorités du ministère de la Santé. Ainsi, la chefferie de projet a été recentrée autour du seul chef de mission. Par ailleurs, les réunions du comité de suivi se sont espacées : la Cour des comptes en a recensé 25 entre mars 2016 et la fin 2019. Malgré les demandes de vos rapporteurs, la DGOS n’a pas été en mesure de fournir le calendrier des réunions du comité organisées depuis cette date.

En outre, si le comité de suivi a travaillé sur des problématiques variées dont l’intérêt n’est pas en cause (mise en œuvre réglementaire des dispositions législatives, construction des PMP, ressources humaines, etc.), il n’a jamais rempli le rôle d’ouverture qui lui avait initialement été assigné, selon les propres paroles de la ministre : « J’ajoute que ce comité s’ouvrira à d’autres partenaires en fonction des sujets traités, je pense par exemple aux fédérations hospitalières représentant le secteur privé lucratif et non lucratif ([27]) ». Le rapport de la Cour des comptes souligne ainsi que la coopération des GHT avec l’hospitalisation privée et la médecine de ville, de même que la problématique de la psychiatrie, sont des sujets d’investigation qui ont clairement fait défaut dans le cadre des travaux du comité de suivi.

La Cour souligne que, globalement, le pilotage et le suivi de la réforme par la DGOS ont été hétérogènes et discontinus, s’agissant en particulier de la mesure des résultats de la réforme. Elle en déduit que « la réforme des GHT a donc expressément reposé sur une grande part de confiance et d’autonomie des pilotes des établissements de santé ».

Cependant, dans la mesure où il n’existe pas d’appréciation partagée et consensuelle de ces résultats, et à l’heure où un « acte II des GHT » est censé être engagé, avec la mise en œuvre des dispositions de la loi du 24 juillet 2019, il semble indispensable d’approfondir au plus vite l’évaluation de ces résultats.

Auditionnée par vos rapporteurs, la directrice générale de l’offre de soins, Mme Katia Julienne, souligne qu’une évaluation détaillée de la mise en œuvre des projets médicaux partagés de l’ensemble des GHT est en cours, « plus ou moins avancée » selon les ARS et les GHT. Elle fixe pour échéance à cette évaluation le mois de juin 2022, date à laquelle les projets médico-soignants partagés de deuxième génération ont vocation à être adoptés.

Vos rapporteurs soulignent l’importance de ne pas reproduire les erreurs de la mise en place des GHT, en imposant un calendrier excessivement contraignant qui ne permettrait pas de tirer pleinement les fruits de cette démarche d’évaluation pour la rédaction des PMSP de deuxième génération. Il importe en outre que ces PMSP puissent résulter d’une vraie démarche de consultation de l’ensemble des acteurs concernés, dans les GHT et au-dehors, en conformité avec l’esprit de la réforme de 2016. Il semble donc essentiel de réserver un temps pour l’évaluation qui soit distinct du temps de la rédaction.

Recommandation n° 1 : Conduire, en amont de la rédaction des prochains projets médico-soignants partagés, une évaluation approfondie des résultats obtenus par les GHT depuis 2016.

De ce point de vue, la date de juin 2022 peut d’ores et déjà sembler prématurée, alors que la DGOS n’est pas en mesure de fournir un point d’étape précis de cette démarche d’évaluation. En outre, alors que la crise sanitaire se poursuit – même si la cinquième vague du covid-19 semble donner des signes encourageants de reflux –, il paraît souhaitable de laisser davantage de recul aux établissements.

Recommandation n° 2 : Ne pas fixer d’échéance trop rigide pour l’adoption des prochains projets médico-soignants partagés afin de laisser le temps de l’évaluation et de la concertation.

b.   Déterminer le service rendu aux établissements avec la mutualisation des fonctions support

La mutualisation des fonctions support peut être source d’efficience, elle peut permettre une spécialisation et une montée en compétence des équipes gestionnaires, elle peut ainsi améliorer la qualité de service, voire générer des économies. Mais au-delà de ces critères, il semble impératif de bien apprécier l’impact des mutualisations de fonction support sur les activités de soins et sur les soignants, ainsi que leur impact social et environnemental, y compris au-delà de l’hôpital. Il s’agit, en quelque sorte, de revenir à l’esprit de la réforme de 2016 : le projet médical en faveur de l’accès aux soins des habitantes et habitants de nos territoires doit primer, les mutualisations pouvant venir en appui de cette démarche.

La question se pose en particulier s’agissant de la mutualisation des achats, dont vos rapporteurs ont montré en deuxième partie qu’elle était diversement perçue dans les hôpitaux.

Vos rapporteurs ont montré que nous manquions de données objectives permettant d’apprécier finement les gains financiers associés à la mutualisation des achats au sein des GHT ; la DGOS travaille actuellement à une nouvelle méthodologie qui devrait permettre de traduire ces gains achats en coûts complets.

Au-delà de cet aspect purement financier, il importerait de pouvoir analyser les difficultés remontées par les petits établissements parties des GHT, qui évoquent tous une lourdeur et une complexité excessives associées aux procédures d’achats mutualisées. Ces échos récurrents doivent nous interpeller, dans la mesure où l’on aurait pu attendre que la gestion de la fonction achats par l’hôpital support « pour le compte » des hôpitaux parties ait pour effet de décharger ces derniers, par rapport à la situation antérieure. Or, les visites de vos rapporteurs ont toutes révélé que c’était le contraire qui s’était produit : dans ces établissements, la fonction achats a perdu en flexibilité et mobilise davantage les personnels. Il semble dès lors indispensable de pouvoir démontrer ce qu’ils y ont gagné. Vos rapporteurs estiment qu’il importe de ne pas se focaliser sur l’idée selon laquelle ce qui se fait dans l’hôpital support est nécessairement meilleur que dans un plus petit hôpital : il convient de documenter précisément les situations.

Une évaluation précise de la mutualisation des achats doit ainsi permettre de déterminer l’ensemble des coûts et bénéfices associés à cette mutualisation pour chacun des établissements du GHT. Dans cette évaluation, il importera de bien prendre en compte le temps passé par les équipes à gérer ces achats, ainsi que les temps de trajet supplémentaires induits par les transits éventuels par l’hôpital support pour les approvisionnements et le bilan carbone associé. Il sera ainsi possible de déterminer de manière plus précise et objective le service rendu par cette mutualisation des achats, et d’évaluer la nécessité de réintroduire plus de flexibilité, en particulier pour les petits établissements.

Vos rapporteurs estiment qu’il conviendrait également d’évaluer les effets des mutualisations requises dans le cadre des GHT sur l’évolution du recours à la sous-traitance.

Recommandation n° 3 : Conduire une évaluation approfondie des effets de la mutualisation de la fonction achats au sein des GHT, qui rendra compte : de l’ensemble des coûts financiers directs et indirects induits par cette mutualisation ; de l’évolution du temps administratif dédié à ces achats au sein des différents établissements des GHT ; de la qualité du service rendu aux équipes médicales et soignantes et aux usagers dans les différents établissements ; du bilan carbone et de l’évolution du recours à la sous-traitance associés à cette mutualisation.

 

c.   Faire un tour de France de ce qui fonctionne, avec le recul de la crise sanitaire

Plusieurs interlocuteurs rencontrés par la mission ont souligné à quel point la crise sanitaire avait été un accélérateur de la coopération entre les différents acteurs du soin et du médico-social dans les territoires. Parfois, les GHT ont constitué un point d’appui pour mettre en œuvre des coopérations. Mais il est aussi arrivé que ces coopérations empruntent d’autres canaux. En tout état de cause, les acteurs rencontrés semblent avoir apprécié les coopérations qui ont pu se nouer, dans le dialogue, sur un pied d’égalité, selon des modalités souples, avec pour objectifs primordiaux l’intérêt des patients et la préservation de la santé publique.

Il semble que certains GHT aient joué un rôle positif remarquable lors de la crise sanitaire. Ce rôle est souligné par la Cour des comptes, qui y voit un argument en faveur d’une intégration plus poussée de l’ensemble des GHT. Elle distingue en particulier les GHT Brocéliande-Atlantique, Bretagne occidentale et Cœur Grand Est, qui ont adopté une organisation territoriale intégrée permettant, par une réorganisation globale des activités de soins, « d’accroître leurs capacités de dépistage, d’orientation des patients, de prise en charge en service de médecine, de soins continus ou de réanimation » et pouvant aller jusqu’à répartir les personnels soignants, le matériel et les médicaments sur l’ensemble du GHT.

Mais vos rapporteurs estiment qu’il serait utile d’avoir aussi une vision plus précise des autres modalités de coopération qui se sont nouées ailleurs, lorsque le GHT n’a pas été mobilisé au premier chef – voire pas du tout. Ces coopérations se sont en effet entièrement fondées sur les besoins du terrain, dans une logique populationnelle, trop souvent sur les ressources propres des établissements. L’analyse de ces situations permettrait sans doute de mieux comprendre comment le GHT peut, dans ces territoires, améliorer son positionnement et trouver son utilité et sa juste place. Les GHT pourraient ainsi, localement, capitaliser sur l’expérience de la crise sanitaire, dans une logique de subsidiarité et en pérennisant les dispositifs de coopération complémentaires dont la valeur ajoutée est apparue.

Vos rapporteurs estiment ainsi qu’il importe de réaliser un « tour de France » des modalités et dispositifs de coopération qui ont bien fonctionné pendant la crise sanitaire. Cette évaluation devrait être conduite par la DGOS en même temps que celle des PMP des GHT, afin d’en tirer des leçons dans la perspective de la rédaction des PMSP de deuxième génération.

Il conviendra néanmoins de garder à l’esprit que les hôpitaux accompagnent la vie des femmes et des hommes, dans le respect éthique de leur intégrité, avant d’être des structures. C’est pourquoi ce qui marche à tel endroit ne marche pas de la même façon à tel autre. Il importera donc de ne pas chercher à « protocoliser » à outrance ce qui résulte de cette évaluation, et d’avoir une vision globale des situations intégrant tous les paramètres et l’ensemble des acteurs du parcours de soins des patients.

Recommandation n° 4 : Conduire, territoire par territoire, un « tour de France » des dispositifs de coopération mis en place pendant la crise sanitaire entre acteurs du soin et du médico-social. Le but ne sera pas de chercher à généraliser ces modalités de coopération, mais d’en tirer des enseignements sur celles qui apparaissent les plus efficaces et prometteuses, selon les territoires.

2.   Les périmètres doivent être expertisés au regard d’une vision réaliste de ce qu’on peut attendre des GHT

a.   Ajuster les périmètres les plus dysfonctionnels

Lors des travaux de la mission, la question des périmètres est revenue, telle un serpent de mer, de façon quasi-systématique. Pourtant, Mme Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins, estime qu’« il n’y a pas de demande forte pour remettre en cause les périmètres », et qu’ainsi nous nous trouvons plutôt « dans une phase d’approfondissement des GHT ».

Il est certain que la structuration des GHT, de leur PMP, de leur gouvernance, a nécessité un tel investissement des acteurs hospitaliers qu’il convient d’examiner avec circonspection toute perspective de modification. Globalement, les acteurs rencontrés par la mission reconnaissent que le périmètre de leur GHT est un compromis plus ou moins bon, qui permet d’aller plus ou moins loin, et qu’il convient à présent de savoir dépasser pour conduire des projets parfois plus structurants à des échelles différentes. Mme Katia Julienne souligne ainsi : « Nous avons l’impression que les organisations se sont adaptées, avec des coopérations « supra-GHT » et des coopérations « infra-GHT ». »

Vos rapporteurs ne peuvent que souscrire à l’idée que le GHT n’a pas vocation à incarner l’alpha et l’oméga des coopérations territoriales. Néanmoins, l’idée qu’il faille accepter des périmètres manifestement dysfonctionnels au motif que les coopérations se feront en-dehors du GHT leur semble insatisfaisante. Lors de leurs visites, vos rapporteurs ont ainsi eu le récit d’une réussite attribuée au GHT, mais qui impliquait en réalité le CHU avec un établissement d’un autre GHT !

Vos rapporteurs jugent qu’il faut avoir à l’esprit que la seule « maintenance » du GHT a un « coût » très important pour les personnels, ne serait-ce que pour faire vivre ses instances de gouvernance. Il importe donc que le GHT ait une valeur ajoutée démontrée, une cohérence et une taille qui permettent à chaque établissement d’y trouver sa place.

Vos rapporteurs engagent ainsi la DGOS à questionner de manière proactive l’ensemble des périmètres litigieux pour lesquels aucune solution consensuelle n’a pu être trouvée. Cet examen relève en premier lieu des ARS ; les audits effectués dans ce cadre doivent être rendus publics, afin que les motifs présidant à la détermination des périmètres soient lisibles et compréhensibles pour chacun.

Un examen de ce type a été conduit à propos du GHT Saphir, dans le sud de l’Aisne, en raison d’oppositions importantes des acteurs du territoire, qui contestaient le rattachement de l’hôpital de Château-Thierry à celui de Soissons, désigné établissement support du GHT. L’audit conduit par l’ARS et présenté en avril 2021 aux établissements n’a pas conclu à la nécessité de revoir le périmètre du GHT, s’attachant davantage à mettre en avant les projets conduits dans ce cadre, et ceux qui pourraient voir le jour. Cet audit ayant par ailleurs évalué qu’aucun des deux établissements n’était « perdant » en termes d’activité, les communautés médicales de deux hôpitaux ont repris un dialogue d’autant plus investi qu’il est porteur de projets concrets pour le territoire.

Vos rapporteurs estiment que ce travail de remise en question doit être conduit partout où les GHT semblent « bloqués », en ayant à l’esprit que le « coût » d’une modification d’un GHT doit être rapporté à celui de la maintenance d’un GHT dysfonctionnel, qui ne porterait pas de projets avec un vrai bénéfice pour le territoire.

Recommandation n° 5 : Ne pas s’interdire d’ajuster les périmètres de GHT qui apparaissent dysfonctionnels, afin que tous puissent avoir une valeur ajoutée démontrée.

b.   Rationaliser les périmètres d’intervention avec la psychiatrie

La problématique de l’intégration des établissements publics de santé mentale (EPSM) dans les GHT a constitué, dès 2016, un sujet de controverses. D’après la loi, ces établissements publics ont pleinement vocation à intégrer les GHT aux côtés d’hôpitaux généralistes. Cependant, les établissements de santé mentale se sont d’emblée montrés réticents à cette perspective.

Cette réticence s’explique par la crainte de la psychiatrie de se trouver diluée dans un ensemble généraliste, où ses spécificités seraient mal prises en compte. Les hôpitaux psychiatriques redoutaient également de devenir la « variable d’ajustement » budgétaire de ces hôpitaux, dans un contexte de compression budgétaire. Ils craignaient une remise en cause de la psychiatrie de secteur, organisation qui a fait ses preuves et dont les contours ne correspondent souvent pas à ceux des GHT.

Par ailleurs, à côté de la création des GHT, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a fait évoluer l’organisation de la psychiatrie en prévoyant la mise en œuvre de projets territoriaux de santé mentale (PTSM), élaborés à l’échelle d’un territoire par l’ensemble des acteurs concourant à cette politique. Ces projets associent ainsi les représentants des usagers, les professionnels et les établissements de santé, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d’assurance maladie et les services et les établissements publics de l’État concernés, les collectivités territoriales, ainsi que les conseils locaux de santé (CLS) et les conseils locaux de santé mentale (CLSM), dans une dynamique résolument transversale.

Ces territoires de santé mentale sont de taille variable, les acteurs ayant eu la liberté de déterminer eux-mêmes le périmètre qui leur paraissait adapté. Ainsi, certains PTSM sont départementaux (Oise, Somme par exemple), d’autres ont été définis à l’échelle du territoire de démocratie sanitaire, d’autres à des échelles encore différentes. Au total, il est rare que le territoire de santé mentale corresponde au territoire du GHT, et il est, à l’inverse, fréquent qu’il recouvre plusieurs GHT… En tout état de cause, il s’agit là d’une échelle structurante pour les établissements psychiatriques.

Au total, le GHT pouvait sembler une échelle de coopération moins pertinente pour les établissements psychiatriques, ce qui explique le fait que 27 EPSM avaient obtenu, en 2016, une dérogation les dispensant temporairement de s’affilier à un GHT.

À l’heure actuelle, seules 18 de ces dérogations subsistent. Cependant, comme le souligne M. Pascal Benard, directeur de l’Association des établissements du service public de santé mentale (ADESM), « la question du sens de ce dispositif pour nos établissements est réelle ». Ce questionnement tient à l’homogénéisation recherchée à l’intérieur du GHT, qui peut n’être pas adaptée à la psychiatrie ; ainsi la question de la convergence des systèmes d’information pose un problème spécifique aux EPSM, qui ont un SI mono-activité, globalement plus performant que les SI généralistes des hôpitaux, et sont réticents à l’abandonner. Mais il tient aussi à la question des divergences de périmètres précédemment évoquée.

Au total, vos rapporteurs estiment qu’il convient, de manière urgente, de vérifier précisément les bénéfices à attendre de l’intégration des établissements psychiatriques dans les GHT. En l’état actuel des choses, ce bénéfice paraît trop incertain pour vouloir mettre un terme aux GHT exclusivement psychiatriques, comme le préconise la Cour des comptes. En effet, ceux-ci peuvent trouver un intérêt plus fort à coopérer entre eux, étant donné les inconvénients évoqués par vos rapporteurs. En tout état de cause, il conviendra d’être extrêmement prudent sur d’éventuelles révisions des territoires de santé mentale à des fins d’alignement sur les GHT. En effet, ces territoires peuvent avoir localement un enracinement plus substantiel que ceux des GHT. La rationalisation des périmètres sanitaires apparaît nécessaire mais il conviendra d’avoir une intelligence locale sur les ajustements souhaitables, qui ne saurait être imposée aux établissements psychiatriques, déjà en grande souffrance.


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Recommandation n° 6 : Rationaliser les périmètres des GHT et les périmètres d’intervention de la psychiatrie, en privilégiant une intelligence locale sur les ajustements nécessaires, qui ne sauraient être imposés aux établissements psychiatriques.

B.   pour une gouvernance recentrée sur certains enjeux prioritaires et démocratisée

L’adaptation de la gouvernance des GHT pourrait être un moyen de revenir sur certains défauts présentés en première partie. À l’heure actuelle, cette gouvernance est à la fois lourde et déséquilibrée. Lourde, car elle impose un processus de prise de décision très complexe et long pour les GHT qui fonctionnent et portent des projets. Déséquilibrée, car elle ne permet pas une représentation satisfaisante des différents acteurs dont l’association est indispensable pour construire des parcours de soins sur le territoire.

L’ordonnance du 17 mars 2021 ([28]) et son décret d’application du 27 mai 2021 ([29]) permettent certaines évolutions positives, sans pour autant répondre à tous les enjeux.

1.   Les évolutions permises par l’ordonnance du 17 mars 2021

a.   La généralisation des commissions médicales de groupement

L’article 37 de la loi du 24 juillet 2019 avait prévu la constitution obligatoire, au sein des GHT, d’une commission médicale de groupement (CMG), destinée à renforcer la gouvernance médicale de ces GHT. Dans le cadre de la réforme de 2016, les GHT avaient eu le choix entre une formule moins intégrative, le collège médical, et la constitution d’une CMG. Tandis que le premier est une instance ad hoc dont la composition et les compétences, additionnelles à celles des CME d’établissement, sont définies par la convention constitutive du GHT, la CMG est une instance dont la composition est définie réglementairement, et qui dispose de délégations de compétences de la part des CME. Seuls 20 % des GHT ont cependant fait le choix des CMG.

La généralisation obligatoire des CMG découle de l’idée qu’il est nécessaire de renforcer la gouvernance médicale des GHT, dans le but de recentrer le groupement sur la mise en œuvre du projet médical partagé.

L’ordonnance du 17 mars 2021 prévoit ainsi la composition et les compétences des nouvelles CMG et définit la fonction de président de la CMG. Une répartition des compétences est prévue entre les CME d’établissement et la CMG, cette dernière étant avant tout compétente pour élaborer le projet médical partagé du groupement et contribuer à sa mise en œuvre. Elle doit être consultée sur une série de sujets intéressant la mise en œuvre de ce projet : constitution d’équipes médicales de territoire, de pôles inter-établissements, de fédérations médicales inter-hospitalières, etc. La mise en place de ces CMG est fixée au 1er janvier 2022.

Ce renforcement de la gouvernance médicale des GHT a néanmoins été jugé insuffisant par les syndicats de praticiens hospitaliers, qui ont voté contre l’ordonnance du 17 mars et son décret d’application du 27 mai. Ces derniers estiment qu’il aurait fallu aller plus loin et donner la présidence du comité stratégique, véritable instance décisionnelle du GHT, à un médecin.

Il convient enfin de noter que l’ordonnance du 17 mars 2021 ouvre la voie à la constitution d’une commission médicale unifiée de groupement se substituant à l’ensemble des CME des établissements parties. Cette substitution ne peut être décidée qu’en cas d’accord entre l’ensemble des parties prenantes : directeurs et CME de tous les établissements du GHT. Cette CMG unifiée aurait ainsi uniquement vocation à voir le jour dans des GHT particulièrement intégrés, avec des établissements en direction commune.

Au total, vos rapporteurs estiment que la médicalisation de la gouvernance des GHT est un point positif afin de pouvoir mieux centrer l’action de ces GHT sur des projets portés par la communauté médicale. Ils attirent l’attention sur l’importance de ne pas établir une hiérarchie entre la CMG et les CME, qui ont vocation à intervenir en complémentarité. Ils regrettent en revanche que la dimension médico-soignante ait été largement oubliée dans le cadre de cette réforme, alors que, sur le terrain, le renforcement des protocoles de coopération entre médecins et paramédicaux est de plus en plus marqué.

Recommandation n° 7 : Renforcer la place des soignants dans la gouvernance des GHT.

b.   Le recentrage sur des « filières prioritaires »

Le décret du 27 mai 2021 vient apporter une précision relative au contenu du projet médical partagé du GHT ; selon la version qui sera en vigueur au 1er janvier 2022, le contenu de ce projet a vocation à porter « en particulier » sur « des filières de soins identifiées comme prioritaires ». Ainsi la compétence des instances de gouvernance du GHT, à commencer par le comité stratégique et la CMG, qui est définie en relation avec ce PMP, a vocation à s’exercer aussi principalement dans le cadre de ces filières définies comme prioritaires.

c.   L’ouverture aux autres acteurs du territoire

Le décret du 27 mai 2021 prévoit la possibilité d’associer à la CMG, avec voix consultative, « au plus cinq invités représentant des partenaires extérieurs coopérant avec le groupement ou avec les établissements parties dans la mise en œuvre d’actions de santé publique sur le territoire ». Ces invités peuvent être permanents ou varier, selon les thématiques évoquées. Cette possibilité a vocation à permettre aux instances des GHT d’être un lieu de coordination et d’échange avec les acteurs du territoire. Dans l’esprit de cette disposition, pourraient ainsi être associés aux CMG des établissements de santé privés, des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou encore des établissements médico-sociaux non-membres du GHT, afin d’engager un dialogue lorsque cela apparaît nécessaire.

Vos rapporteurs estiment que la CMG est l’expression d’une volonté du « travailler ensemble ». Sera-t-elle pour autant une instance de réelle coordination lors de sa mise en œuvre en janvier 2022 ? Afin de décliner la mise en œuvre du projet régional de santé à l’échelle du territoire, il pourrait être utile de disposer d’un espace associant l’ensemble des acteurs. Ce point est d’ailleurs souligné par les fédérations de l’hospitalisation privée, auditionnées par vos rapporteurs. Mme Christine Schibler, déléguée générale de la FHP, souligne ainsi :

« La crise sanitaire a montré l’intérêt d’une coopération sur le territoire. Les acteurs ont su coopérer sous l’égide de l’ARS, qui a eu une approche équitable de chacun. Nous voulons que cela ne soit plus seulement conjoncturel, mais structurel. (…) Les GHT ont déjà un enjeu considérable d’organisation interne, d’efficience. Il faut débattre des enjeux du territoire en termes d’organisation des soins au sein d’un groupe plus large, avec la ville et les autres acteurs de santé. »

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont vocation à rassembler ces différents acteurs du soin et du médico-social à une échelle qui est cependant plus petite que celle du GHT, et qui correspond davantage à celle du bassin de vie. On compte d’ailleurs 670 CPTS structurées, contre 136 GHT. Ces dernières connaissent une dynamique très rapide, accentuée par la crise sanitaire. Dans la pratique, elles regroupent très majoritairement des praticiens libéraux, même si la loi prévoit que des établissements de santé peuvent en faire partie. Des inter-CPTS commencent par ailleurs à se structurer entre plusieurs CPTS, dans le but de pouvoir plus facilement interagir avec les autres acteurs à une échelle plus grande. Le Dr Nicolas Homehr, membre du bureau de la fédération des CPTS, exprime ainsi l’espoir que ces inter-CPTS puissent devenir de bons interlocuteurs pour les GHT, ce qui permettrait de décliner plus facilement une vision territoriale partagée à cette échelle. Toutefois, ce sera sous doute plutôt à l’échelle des établissements que se jouera le dynamisme de ces relations (cf. infra).

M. Jérôme Goeminne, président du Syndicat des managers publics en santé (SMPS), que vos rapporteurs ont auditionné, estime qu’il serait utile d’instituer une instance de coopération des professionnels de santé à l’échelle du GHT. Dans le même esprit, la conférence des directeurs généraux de CHU plaide pour la mise en place de groupements de professionnels de santé du territoire « sur le modèle du GHT Alpes-Dauphiné », associant l’ensemble des acteurs pour assurer la mise en œuvre d’un « projet médical unique de territoire » (cf. schéma ci-dessous).

Vos rapporteurs estiment que ces projets sont dignes d’intérêt, mais qu’avant toute création de structure, il est impératif de chercher à rationaliser les dispositifs de coopération sur le territoire ainsi que les échelles de coopération, en ayant en tête que les professionnels de santé, à commencer par les hospitaliers, sont déjà « saturés » par la participation à des instances multiples.

Enfin, au titre de l’ouverture aux acteurs du territoire, vos rapporteurs rappellent l’absolue nécessité de mettre en application la loi en associant, comme il se doit, les structures d’hospitalisation à domicile à l’élaboration des projets médico-soignants partagés.

 

Source : Conférence nationale des directeurs généraux de CHU

2.   Des évolutions à parfaire sur certains points

Si certains enjeux relatifs à la gouvernance ont été abordés, de manière plus ou moins satisfaisante, par les textes législatifs et réglementaires récents, d’autres demeurent en suspens.

a.   Démocratiser la gouvernance

Vos rapporteurs l’ont montré en deuxième partie, la démocratie sanitaire est encore quasi-inexistante à l’échelle des GHT, d’une part parce que le GHT reste un « objet non identifié » et que les élus et usagers n’ont pas trouvé leur place en son sein ; d’autre part parce que les instances de gouvernance du GHT ne les associent pas suffisamment.

Cette carence interroge, à l’heure où les GHT doivent impérativement développer leur responsabilité populationnelle. En vertu de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, ce concept implique que « l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire est responsable de l’amélioration de la santé de la population de ce territoire ainsi que de la prise en charge optimale des patients de ce territoire ». Pour déterminer les besoins du territoire et influer sur les décisions des acteurs de santé, il est impératif que les usagers et les élus soient bien davantage associés aux processus décisionnels dans les GHT.

Le bilan d’étape de l’IGAS sur les GHT souligne que si la présence d’une commission des usagers (CDU) a tout son sens au sein d’un établissement, notamment pour intervenir sur des dossiers individuels de patients, elle semble moins pertinente dans ce format à l’échelle des GHT. L’IGAS suggère ainsi de réfléchir à d’autres modalités qui permettraient aux usagers d’être associés aux décisions stratégiques, en particulier lorsqu’elles concernent l’offre de soins, sur un registre différent et complémentaire de celui sur lequel opèrent les CDU des établissements. L’IGAS préconise ainsi d’envisager de nommer des représentants d’usagers au sein du comité stratégique du GHT. Vos rapporteurs soutiennent cette proposition et estiment qu’elle devrait être mise en œuvre sans tarder, en tout état de cause en amont de l’adoption des prochains projets médico-soignants partagés.

Recommandation n° 8 : Nommer des représentants d’usagers au sein du comité stratégique des GHT, afin de les associer aux décisions stratégiques concernant l’offre de soins sur le territoire.

L’association des élus locaux aux décisions des GHT paraît tout aussi indispensable. Le comité territorial des élus locaux (CTEL) est en principe chargé « d’évaluer et contrôler les actions mises en œuvre par le groupement pour garantir l’égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité sur l’ensemble du territoire du groupement ». En outre, la loi du 24 juillet 2019 a renforcé le rôle consultatif du CTEL sur la stratégie du groupement et les documents les plus structurants (projet médico-soignant partagé, conventions d’association et de partenariat), évolution qui sera effective à partir du 1er janvier 2022.

Vos rapporteurs estiment qu’il est essentiel de redynamiser cette instance du CTEL, qui doit être réunie plus régulièrement.

Recommandation n° 9 : Veiller à associer étroitement les élus du territoire aux décisions stratégiques des GHT, notamment en réunissant régulièrement le comité territorial des élus locaux (CTEL).

Enfin, le fonctionnement démocratique des GHT implique également que tous les personnels soient consultés et écoutés. De ce point de vue, la configuration actuelle de la conférence territoriale du dialogue social (CTDS) ne saurait être considérée comme satisfaisante. On ne saurait restreindre la place des personnels dans le cadre de la gouvernance des GHT au droit d’être informé. Il importe qu’un véritable dialogue social voie le jour à l’échelle des GHT, afin que les effets des décisions du comité stratégique sur les personnels puissent être dûment anticipés et débattus. Vos rapporteurs appellent ainsi à prévoir un avis consultatif de la CTDS sur toutes les décisions du GHT susceptibles d’avoir un impact sur les conditions de travail des personnels.

Recommandation n° 10 : Faire de la conférence territoriale du dialogue social (CTDS) une véritable instance de dialogue social, dotée d’un pouvoir consultatif sur toutes les décisions du GHT susceptibles d’avoir un impact sur les conditions de travail des personnels.

b.   Faciliter la prise de décision et le portage de projets

En l’état actuel des choses, même dans les GHT qui connaissent une bonne dynamique de projets, la mise en œuvre est rendue singulièrement complexe par les conditions juridiques et budgétaires qui régissent les GHT. Les auditions et visites effectuées par vos rapporteurs ont en effet convergé sur le caractère problématique de l’absence de personnalité juridique du GHT, qui conduit à faire porter l’intégralité de la responsabilité juridique et financière associée aux projets au directeur de l’établissement support du GHT.

M. Jérôme Goeminne, que vos rapporteurs ont auditionné, est directeur général du GHT Cœur Grand-Est, qui comporte neuf établissements en direction commune, et a été mentionné par le rapport de la Cour des comptes parmi les GHT qui ont obtenu les résultats les plus substantiels en termes d’accès aux soins. Il a néanmoins souligné, lors de son audition, le caractère dommageable de cette structuration en établissements support/partie, sur le plan pratique comme sur le plan symbolique : « Il est regrettable d’avoir créé des établissements supports. Dans la plupart des territoires, on crée un seigneur et des vassaux, ce n’est bon pour personne. Dans mon territoire, on ne cite jamais l’établissement support, on travaille ensemble, dans la complémentarité ». Il estime que l’absence de personnalité morale pose problème, car un seul établissement doit « gérer tous les aspects budgétaires et juridiques », ce qui « ne marche pas ». Il dit avoir essayé, pour simplifier le portage de projets, de créer un groupement de coopération sanitaire (GCS) entre les établissements du GHT ; cette formule était cependant trop compliquée et n’a pas pu fonctionner.

Cette situation illustre l’impasse juridique dans laquelle se trouvent les GHT. La Cour des comptes estime que la solution est, à terme, la fusion des hôpitaux du GHT en un seul établissement de santé. Vos rapporteurs ont cependant manifesté leur opposition à cette éventualité, tout à fait incompatible avec la réalité de nombreux territoires de GHT. Ils estiment en revanche que les modalités d’une personnalité juridique très souple et limitée pour les GHT mériteraient d’être étudiées, à la condition qu’elle ne se substitue pas à la personnalité juridique des établissements parties.

Recommandation n° 11 : Étudier les modalités d’une personnalité juridique très souple et limitée pour faciliter le portage de projets au sein des GHT, à la condition qu’elle ne se substitue pas à la personnalité juridique des établissements parties. Reconnaître la place particulière du médico-social et de la psychiatrie

En l’état actuel des choses, la gouvernance des GHT ne permet pas de suffisamment valoriser la spécificité des établissements psychiatriques, de même que celle des établissements médico-sociaux, qui ne voient donc pas l’intérêt qu’ils ont à coopérer dans ce cadre, et qui le voient d’autant moins que ces deux catégories d’établissements sont d’ores et déjà insérées dans un maillage de coopérations territoriales très denses. Il importe ainsi de reconnaître la place particulière de ces établissements et de la valoriser dans le cadre de la gouvernance du GHT.

La Conférence des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitalier spécialisé, que vos rapporteurs ont auditionnée, formule ainsi plusieurs propositions visant à reconnaître un statut ad hoc pour les établissements psychiatriques dans la gouvernance du GHT, dans le but de garantir que leurs spécificités soient bien prises en compte. Il s’agit, en premier lieu, de confier aux établissements psychiatriques du GHT la rédaction du projet médical dans le domaine psychiatrique, ainsi que le pilotage, la gouvernance et l’évaluation de la filière psychiatrique du GHT. Cela permettrait de mieux articuler ce projet et la structuration de cette filière avec le ou les projets territoriaux de santé mentale en vigueur sur le périmètre du GHT, ainsi que d’améliorer la prise en charge globale des patients.

Il s’agirait par ailleurs de garantir la représentation de ces établissements au comité stratégique du GHT et de préserver une souplesse pour ces établissements dans la gestion des fonctions mutualisées, lorsque les spécificités de la psychiatrie le nécessitent : formations médicales, par exemple. Vos rapporteurs estiment que ces demandes doivent être entendues.

Ils jugent par ailleurs qu’une bonne prise en compte des établissements médico-sociaux nécessite des aménagements du même ordre : meilleure représentation dans la gouvernance – en particulier au comité stratégique, subsidiarité en faveur de ces établissements pour la rédaction des documents stratégiques et le pilotage des filières concernées, souplesse de gestion pour les fonctions mutualisées afin de tenir compte de besoins spécifiques de ces établissements.

Recommandation n° 12 : Définir un statut ad hoc pour les établissements psychiatriques et les établissements médico-sociaux dans le cadre de la gouvernance des GHT, dans le but de leur laisser la souplesse de gestion nécessaire et de leur donner un rôle de pilotage sur les dimensions du GHT qui les concernent principalement.

c.   Définir un principe explicite de subsidiarité dans l’action des GHT

Avec le décret du 27 mai dernier, le contenu des projets médico-soignants partagés a été recentré « en particulier » sur « des filières jugées prioritaires » (cf. supra), en vertu de la nouvelle formulation de l’article R. 6132-3 du code de la santé publique. Vos rapporteurs estiment qu’il s’agit là d’un point essentiel : le GHT n’a pas vocation à dupliquer ou à se substituer à tout ce que font les établissements ; il n’a pas vocation à traiter de tout. Certains projets sont portés, de manière plus pertinente, à l’échelle des établissements. Ainsi, il convient de n’inclure dans le projet médico-soignant partagé et donc de ne traiter dans le cadre des instances du GHT que les sujets pour lesquels il existe de bonnes raisons de penser que le GHT présente une vraie plus-value au regard de l’impératif d’accès à des soins de qualité pour tous. Seule cette façon de procéder est susceptible de créer de la confiance autour des GHT, qui pourront, dès lors, mettre en avant des résultats concrets sans s’être « encombrés » de projets avec une dynamique et une valeur ajoutée incertaines.

Ainsi, il est impératif que les projets médico-soignants partagés de deuxième génération soient beaucoup plus concis et ciblés que la première mouture. La conférence des directeurs généraux de CHU estime qu’un recentrage autour de trois à cinq filières prioritaires serait souhaitable, à comparer avec la moyenne de 15 filières par GHT dans le cadre des premiers PMSP. Vos rapporteurs reprennent à leur compte cet objectif, qui leur semble être un maximum pour les GHT où la dynamique de projet est encore faible.

Afin de garantir que cette priorisation sera bien effective dans le cadre des prochains projets médico-soignants partagés, vos rapporteurs estiment qu’il n’est pas suffisant de mentionner cet objectif, de surcroît nuancé (« en particulier ») dans un texte de niveau réglementaire. Vos rapporteurs appellent donc à consacrer dans la loi un principe de subsidiarité dans l’action des GHT. En vertu de ce principe, on ne peut réserver à l’échelon supérieur – ici, le GHT – que ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. Il semble de bon sens d’appliquer ce principe à l’organisation sanitaire, alors que l’enjeu de proximité des soins apparaît de plus en plus critique.

Recommandation n° 13 : Consacrer un principe législatif de subsidiarité dans l’action des GHT, en vertu duquel ils se concentreraient sur les filières et mutualisations pour lesquelles leur valeur ajoutée peut être démontrée.

 

C.   pour une priorité absolue à la prise en charge des besoins de proximité

Perçus par de nombreux acteurs de terrain comme une entreprise de centralisation à rebours des enjeux de proximité, les GHT doivent aujourd’hui apporter la preuve qu’ils sont au contraire au service de la proximité.

1.   Le développement de la responsabilité populationnelle des GHT doit conduire à prioriser la proximité

Inscrit dans la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé votée en 2019, le principe de responsabilité populationnelle (cf. supra) est actuellement porté par plusieurs dispositifs territoriaux destinés à améliorer la réponse aux besoins de santé de la population, y compris par une stratégie d’« aller-vers », via des actions de prévention.

Les GHT ont pleinement vocation à participer à cette démarche qui doit désormais irriguer leurs développements futurs ; la directrice générale de l’offre de soins expliquait ainsi, lors du comité de suivi des GHT de septembre 2018, que « l’acte II » des GHT devait à présent les conduire à renforcer leur « vision territoriale et leur responsabilité populationnelle ».

Cette orientation pour les GHT doit ainsi les conduire à donner la priorité aux enjeux de proximité. Comme le formule le bilan d’étape de l’IGAS, « le premier niveau de recours hospitalier, articulé avec la médecine de ville et le secteur médico-social constitue désormais, pour les GHT, une priorité en termes d’organisation, d’affectation de moyens et de service à rendre. Il doit figurer en bonne place au sein des PMSP de deuxième génération ».

Cette priorité est indispensable et urgente, alors qu’un nombre croissant de nos concitoyens est confronté à des difficultés d’accès aux soins. Le rapport de notre collègue Sébastien Jumel ([30]) sur la proposition de loi pour une santé accessible à tous et de lutte contre la désertification médicale révèle ainsi que 72 % des Français sont confrontés à des difficultés d’accès aux soins, 30,2 % d’entre eux étant classés par les ARS en « zone d’intervention prioritaire » tandis que 42 % résident dans une « zone d’action complémentaire ». Notre collègue souligne que « c’est dans les couronnes rurales des grands pôles urbains, dans les communes hors influence des pôles et dans les périphéries des petits et moyens pôles que l’accessibilité aux médecins est la plus faible ».Or, c’est à l’échelon de proximité, celui du bassin de vie, que les coopérations les plus structurantes pour l’accès aux soins des populations ont vocation à se nouer. C’est à cette échelle qu’ont vocation à se construire des filières pour la prise en charge des malades chroniques, en lien avec les CPTS, qui opèrent précisément à ce niveau, avec l’hospitalisation privée et les établissements médico-sociaux. C’est à cette échelle que l’on peut travailler, avec les médecins généralistes, à développer des consultations non programmées pour réduire les passages aux urgences.

C’est à cette échelle aussi que pourra se jouer le succès de la réforme des GHT. Si ces derniers, tout en gagnant en efficience et en centralisant certains plateaux techniques, parviennent à projeter de la compétence médicale en proximité, par exemple au moyen de consultations avancées de spécialistes, tout en faisant bénéficier aux patients d’un niveau d’expertise plus élevé, alors les GHT auront rempli leur vocation première d’améliorer l’accès aux soins des Français. C’est à l’aune de ce critère que les GHT seront jugés.

Pour cela, les GHT devront parvenir, dans le cadre de leurs équilibres internes et de leur gouvernance, à apporter un vrai soutien à leurs hôpitaux de proximité.

Recommandation n° 14 : Recentrer les GHT sur le niveau de proximité, en lui donnant la priorité en termes d’organisation, de stratégie et de moyens.

2.   Le GHT doit devenir un soutien pour les hôpitaux de proximité

Les hôpitaux de proximité ont à présent vocation à concentrer les efforts des GHT. Cependant, il existe en réalité une interdépendance profonde entre la capacité à agir du GHT et celle de l’hôpital de proximité. Seul un GHT solide, alimenté par des établissements suffisamment « bien portants », sera à même de donner à l’hôpital de proximité le contenu indispensable qu’on en attend, pour répondre aux besoins de santé des Français : vos rapporteurs alertent ainsi à nouveau sur certains périmètres de GHT, où l’offre de soins est partout structurellement faible, sans renfort possible à l’intérieur du GHT.

a.   L’évolution des hôpitaux de proximité, une donnée structurante pour les GHT

La loi du 24 juillet 2019 a redessiné la notion d’hôpital de proximité, qui avait été préalablement définie par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ([31]). Environ 240 établissements avaient été labellisés dans ce cadre, en fonction de critères fondés sur le volume et la nature des activités de ces établissements, qui pouvaient ainsi bénéficier d’un mode de financement dérogatoire à la tarification à l’activité.

La redéfinition des hôpitaux de proximité portée par la loi du 24 juillet 2019 affiche comme objectif majeur l’insertion de ces hôpitaux dans un réseau de soins de proximité constitué par l’ensemble des acteurs du territoire, à commencer par la médecine de ville. Des critères fonctionnels sont ainsi définis pour leur labellisation, fondés sur la nature de leurs activités (de la médecine et des plateaux techniques d’imagerie, de biologie et de télésanté, mais ni obstétrique ni chirurgie, sauf exception), sur les caractéristiques du territoire desservi (présence d’un enjeu particulier relatif à l’accès aux soins) et sur la mise en place d’une collaboration avec les autres acteurs du territoire.

Le Gouvernement estime que le nombre d’hôpitaux de proximité labellisés selon ces nouveaux termes pourrait atteindre 500 à 600 établissements, sur les 1 300 que compte l’hôpital public. Retardée par la crise sanitaire, la procédure de labellisation a finalement été ouverte à l’été 2021, définie par l’ordonnance du 12 mai 2021 ([32]) et les textes réglementaires d’application. L’ordonnance prévoit que l’hôpital de proximité pourra mettre en place des modalités de gouvernance spécifiques, pour remplir ses missions de proximité et faciliter la coopération avec les autres acteurs.

Elle prévoit aussi la signature d’une convention avec l’hôpital support du GHT, qui décrit « les obligations réciproques des parties et notamment l’appui de l’établissement support et des autres établissements du groupement aux missions de l’hôpital de proximité (…) et les modalités de participation de l’hôpital de proximité à la déclinaison du projet médical partagé du groupement ».

Enfin, l’ordonnance prévoit la mise en place de modalités de financement dérogatoires pour ces hôpitaux de proximité, qui doivent être définies dans le cadre d’un décret dont la parution est imminente. D’après la DGOS, elles reposeront sur une « garantie de financement pluriannuelle » fondée sur les recettes historiques, avec des correctifs possibles, assortie d’une « dotation de responsabilité territoriale » destinée à financer les missions exercées par ces établissements en dehors du cadre de droit commun.

Publiés en juillet dernier, les dossiers de candidature ont vocation à être examinés par les ARS, qui sont appelées à statuer dans un délai maximal de six mois. Les premières labellisations devraient ainsi voir le jour au début de l’année 2022.

b.   Donner de véritables moyens d’actions aux hôpitaux de proximité

Les débats autour des hôpitaux de proximité font ressortir la crainte assez largement partagée que ces hôpitaux de proximité ne soient que des « coquilles vides », faute de réels moyens d’action pour mettre en œuvre une stratégie territoriale adaptée aux besoins de la population. Cette préoccupation ressort également de la volonté exprimée par plusieurs de nos collègues d’élargir le spectre des missions de ces hôpitaux de proximité à la chirurgie et l’obstétrique, de crainte que cette labellisation soit en réalité simplement le moyen d’acter une nouvelle dégradation de l’accès aux soins en proximité. Dans cette hypothèse, le GHT est perçu comme « aspirant » l’activité de ces hôpitaux, au profit des plus gros établissements.

Vos rapporteurs estiment que les GHT peuvent trouver une utilité à condition de constituer de véritables soutiens pour ces hôpitaux de proximité, pour les aider à exercer leurs missions. Il faut à l’évidence qu’ils en aient les moyens, par leur démographie médicale et par l’offre de soins de référence et de recours qu’ils sont en mesure de déployer. La problématique des périmètres des GHT s’avérera ainsi déterminante dans leur capacité à irriguer le territoire.

Vos rapporteurs estiment que les GHT exprimeront leur pertinence s’ils parviennent à mettre en place des consultations avancées de spécialistes et les plateaux techniques indispensables à la prise en charge des malades chroniques au sein des hôpitaux de proximité ; s’ils parviennent à déployer une offre de télésanté s’intégrant dans une logique de parcours de soins ; s’ils donnent accès à des ressources mutualisées de qualité, suffisamment souples et adaptées pour répondre aux besoins de ces hôpitaux ; enfin s’ils parviennent à mettre en place la subsidiarité indispensable, dans la gouvernance et la conduite du projet médical, pour permettre à ces hôpitaux d’organiser en proximité, en relation avec les acteurs du territoire, les parcours de soins qui doivent être déclinés à cette échelle.

Ainsi, comme l’énonce le bilan d’étape de l’IGAS, « la question est posée de l’articulation entre GHT, porteurs d’une vision consolidatrice de l’offre hospitalière publique au niveau territorial, et des moyens qu’elle déploie, avec la priorité parallèlement accordée à la proximité ». L’IGAS estime que cela suppose « un pilotage parfaitement dosé du GHT, pour en tirer les avantages attendus en termes de mutualisation, tout en laissant les marges de manœuvre nécessaires aux établissements ou sites de proximité ».

Vos rapporteurs ne peuvent qu’appuyer cette analyse. Ils estiment que la fenêtre de réussite est étroite pour les GHT, tant les conditions sont complexes, eu égard aux problématiques mentionnées en première partie. Ils jugent cependant que les GHT peuvent trouver leur sens et leur légitimité dans ce redéploiement en faveur de la proximité, à condition toutefois d’y être suffisamment aidés.

Recommandation n° 15 : Faire des hôpitaux de proximité la priorité d’action des GHT, dans le but de déployer dans ces hôpitaux l’offre médicale et les plateaux techniques indispensables à la prise en charge adéquate des patients en proximité, pour toutes les pathologies qui le nécessitent.

D.   pour un meilleur soutien au projet territorial des GHT et de leurs acteurs

Vos rapporteurs estiment que les projets médicaux des GHT doivent, lorsqu’ils sont assis sur une analyse adéquate des besoins du territoire et sur une vraie dynamique des acteurs locaux, être davantage soutenus. Cela implique une implication plus homogène des ARS, qui disposent de plusieurs leviers puissants, ainsi que des incitations plus fortes à destination des acteurs hospitaliers.

1.   Les ARS doivent jouer un rôle moteur pour soutenir le projet territorial des GHT

a.   L’implication des ARS en soutien des projets médicaux des GHT est inégale dans les faits

Bien qu’elles soient en apparence en deuxième ligne sur la réforme des GHT, les agences régionales de santé sont susceptibles de jouer un rôle très important sur la manière dont ces GHT se structurent et sur leurs moyens d’action. Dans les faits, l’influence et le soutien des ARS semblent en réalité assez inégaux.

Les ARS sont, en vertu de la loi, associées aux GHT dès le stade de leur conception. En effet, elles doivent valider la convention constitutive qui donne naissance au GHT, après en avoir vérifié la conformité avec le projet régional de santé. Dans ce cadre, les ARS peuvent demander aux GHT de procéder à certaines modifications ; le bilan d’étape de l’IGAS révèle que seules trois ARS sur treize ont fait usage de ce pouvoir. Le rapport de la Cour des comptes résume l’engagement inégal des ARS lors de cette phase de naissance des GHT :

« Idéalement, les ARS devaient rendre leurs arbitrages en tenant compte des caractéristiques géographiques et populationnelles et de la densité médicale des territoires. Dans les faits, les ARS ont engagé une régulation disparate, de la simple impulsion à la supervision complète du processus de création des groupements. Cependant, dans la grande majorité des cas, les ARS ont été accompagnatrices des travaux conduits par les établissements. »

Une fois passée la phase de structuration, les ARS peuvent avoir une influence très importante sur les moyens et incitations dont les GHT disposent pour mettre en œuvre leur projet médical partagé. Par exemple, elles peuvent décider de cofinancer des postes d’assistants médicaux à temps partagé sur le périmètre d’un GHT, qui représentent un levier très efficace pour dynamiser la coopération médicale et structurer des filières territoriales. Elles peuvent également proposer des aides, dans le cadre du Fonds d’intervention régional (FIR), orientées vers l’atteinte des objectifs du GHT (par exemple, en faveur de la mutualisation des systèmes d’information). Elles peuvent délivrer les autorisations sanitaires attendues par les établissements des GHT, lorsque la mise en œuvre de leur projet médical en dépend.

Par le canal des appels d’offres et par leur politique de contractualisation, les ARS peuvent choisir de cibler les GHT. Ainsi, par exemple, l’ARS de Bretagne conclut-elle des contrats territoriaux hospitaliers avec les GHT de la région, qui prévoient notamment la création de postes médicaux partagés ou l’acquisition de certains équipements. De cette manière, l’ARS finance de manière opérationnelle les objectifs des projets médicaux partagés des GHT, en influençant la recomposition de l’offre de soins publique sur le territoire. Les exemples de ce type sont cependant rares, les ARS considérant généralement que l’absence de personnalité morale du GHT est un obstacle à ce type de contrat.

Par ailleurs, certaines ARS soutiennent la dynamique des GHT par délégations de crédits et de missions à l’établissement support du GHT, avec des objectifs territoriaux clairement énoncés.

Dans le cadre du pilotage de la crise sanitaire, plusieurs ARS se sont appuyées sur les GHT, à l’image de l’ARS Grand Est. Cependant, d’autres n’ont pas jugé qu’il s’agissait d’une échelle pertinente pour intervenir. Ainsi, dans les Hauts-de-France, l’ARS a organisé le pilotage de la crise sanitaire à partir de sept « territoires de santé, nés de la gestion des lits de réanimation puis de la vaccination », selon les termes de M. Benoît Vallet, directeur général de cette ARS. Ces territoires de santé – 2 dans le Nord, 2 dans le Pas-de-Calais et 1 respectivement pour l’Oise, l’Aisne et la Somme – représentent des ensembles plus vastes que les 14 GHT de la région ; en outre, ils agrègent également l’hospitalisation privée, la médecine de ville et les EHPAD. Ce format ayant été jugé fructueux pendant la crise, M. Vallet a proposé aux intéressés de le pérenniser, soulignant que la taille trop petite de certains GHT induit des parcours territoriaux complexes et peu lisibles, alors que « ces sept territoires donnent cette lisibilité, donnent le volume populationnel sans doute adapté, et donnent cette capacité de collaboration ».

Vos rapporteurs sont conscients que la propension inégale des ARS à se reposer sur les GHT pour la gestion de la crise sanitaire tient pour partie à l’hétérogénéité, déjà soulignée, des périmètres, certains ne recouvrant pas une offre de soins suffisamment cohérente et substantielle. Vos rapporteurs estiment qu’il appartient aux ARS d’accompagner les GHT dont les périmètres sont dysfonctionnels pour les aider à se restructurer à la bonne échelle.

b.   Il importe de renforcer cette implication, les ARS disposant de leviers essentiels pour structurer l’offre de soins

Vos rapporteurs estiment que lorsqu’un GHT est parvenu à formuler son projet médical, qu’il est porté par la communauté médicale et soignante, il serait souhaitable que les ARS mobilisent tous les leviers à leur disposition pour faciliter la mise en œuvre de ce projet.

Introduit par la loi du 24 juillet 2019, l’article L. 6132-5-1 du code de la santé publique autorise désormais les établissements d’un GHT, sous réserve de l’autorisation du directeur général de l’ARS « au regard de l’intention et des capacités de l’ensemble des établissements parties », à « conclure avec l’agence régionale de santé un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) unique pour l’ensemble des établissements du groupement ». Vos rapporteurs estiment cependant que le recours à ce CPOM unique, qui pourrait ainsi cibler directement les objectifs du projet médical du GHT, ne peut convenir que pour des ensembles dont les activités sont, de manière générale, très intégrées.

Pour les GHT plus collaboratifs, il serait utile de concevoir un outil de contractualisation avec l’ARS portant uniquement sur le périmètre du projet médico-soignant partagé tel qu’il sera redéfini à partir de 2022. Cet outil ne se substituerait pas aux CPOM des établissements, lesquels demeureraient indispensables pour toutes les activités qui les concernent spécifiquement, mais il leur serait complémentaire. Il permettrait à l’ARS de mobiliser des moyens directement au service de la mise en œuvre du projet médical du GHT.

Recommandation n° 16 : Inciter les ARS à soutenir massivement la mise en œuvre du projet médical des GHT par l’ensemble des leviers dont elles disposent.

Recommandation n° 17 : Étudier les modalités d’un outil qui permettrait à l’ARS de contractualiser directement avec le GHT sur le périmètre du projet médico-soignant partagé, sans pour autant supprimer la possibilité de contractualiser individuellement avec les établissements sur les autres aspects.

2.   Les acteurs hospitaliers doivent être accompagnés et valorisés pour leur investissement dans le GHT

Les logiques de carrière et de rémunération des acteurs hospitaliers – équipes de direction, communauté médicale et soignante – sont encore très centrées sur les établissements hospitaliers, à l’heure où l’on attend de ces acteurs une vraie implication en faveur d’un projet territorial. Vos rapporteurs estiment qu’il importe de corriger ce biais.

a.   Les directeurs doivent être formés, rémunérés et évalués en lien avec le projet territorial

Les directeurs d’hôpital ont vu leur profession transformée avec la restructuration en cours de l’hospitalisation publique : structuration des GHT, directions communes, fusions d’établissements sont autant d’évolutions qui leur imposent d’avoir aujourd’hui une vision résolument territoriale de leur mission. Le métier n’a donc plus rien à voir avec celui de gestionnaire d’un établissement public ; on demande aujourd’hui aux directeurs de « penser le territoire », à partir des besoins de la population.

M. Lionel Calenge, directeur général du CHU de la Réunion, estime que cette attente est en décalage avec les contraintes pratiques de la profession de directeur d’hôpital : « Il y a peut-être un biais dans le fait de penser que c’est à des directeurs d’hôpitaux de conduire cette réflexion à l’échelle territoriale, alors même qu’on nous demande de défendre aussi nos établissements. Quelle gouvernance veut-on instaurer pour avoir une réflexion territoriale ? » En effet, comme vos rapporteurs l’ont souligné en première partie, la rémunération, l’évaluation et les parcours de carrière des directeurs d’hôpital sont encore très largement fondés sur une logique d’établissement et régies par des considérations financières.

La formation des directeurs et, au-delà, des responsables de la gouvernance, s’est certes adaptée à cette nouvelle donne territoriale, via des modules de formation spécifiques dans le cadre de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), prolongés par un programme de développement professionnel dédié, mis en place par le Centre national de gestion (CNG).

Cependant, le statut et la carrière des directeurs demeurent trop figés autour des établissements. En premier lieu, il semble indispensable que l’évaluation des directeurs par l’ARS prennent pleinement en compte l’exercice de missions territoriales au sein du GHT, et pas simplement les résultats financiers de l’établissement de rattachement.

Il convient par ailleurs que ces fonctions territoriales soient valorisées, lorsqu’elles impliquent un exercice sur plusieurs sites éloignés les uns des autres. À rebours de cet objectif de valorisation de l’implication territoriale, la structuration de directions communes dans le cadre des GHT a actuellement pour effet de faire perdre au directeur du site rattaché le bénéfice de l’emploi fonctionnel, alors que sa charge n’est en rien diminuée par la direction commune. Vos rapporteurs estiment qu’il conviendrait en conséquence d’adapter le régime des emplois fonctionnels à la réalité des GHT et de valoriser les fonctions territoriales des directeurs.

Enfin, les directeurs d’hôpital doivent, dans leur mission de restructuration de l’offre de soins sur le territoire, être davantage épaulés par les ARS, qui ont la vision globale du projet régional de santé et la connaissance de l’ensemble des acteurs sur le territoire.

Recommandation n° 18 : Réviser le statut, les modalités d’évaluation et de rémunération des directeurs d’hôpital, afin de tenir compte de la dimension territoriale de leurs fonctions et de la valoriser.

b.   La pratique territoriale des médecins doit être valorisée

Il ressort des travaux de la mission que les GHT attendent beaucoup des modalités d’exercice médical partagé sur les différents établissements : postes médicaux partagés, équipes médicales de territoire, équipes mobiles, consultations avancées, etc. Ces dispositifs sont en effet un jeu à somme positive, pour le praticien, pour les établissements du GHT et pour les patients, pourvu qu’ils soient mis en place dans de bonnes conditions : conditions financières et matérielles, bonne insertion de ces dispositifs dans le cadre du projet médical des établissements. Ces temps partagés rendent les contraintes liées à l’exercice dans des établissements périphériques d’autant plus acceptables pour les praticiens qu’ils peuvent y trouver un vrai intérêt sur le plan de leur pratique professionnelle.

Ainsi, le « salut » des GHT passerait en partie par le déploiement de ces dispositifs d’exercice partagé, qui permettrait de compenser en partie les difficultés liées à la démographie médicale. Vos rapporteurs nuanceront ce propos dans la partie suivante, en rappelant que les GHT ne peuvent à eux seuls apporter la solution à ce problème. Ils considèrent néanmoins que la pratique territoriale des médecins doit être résolument encouragée, et qu’il convient à cette fin d’étudier la pertinence d’une revalorisation de la prime d’exercice territorial (PET), afin qu’elle soit incitative, même pour un seul jour par semaine d’exercice sur un autre site. L’objectif serait en effet que tous les praticiens développent un exercice territorial, plutôt que de demander à certains d’entre eux de ne faire que cela. Cela rentrerait ainsi dans les habitudes de pratique des médecins hospitaliers ; cette expérience partagée serait un facteur de cohésion des équipes.

Recommandation n° 19 : Étudier la pertinence d’une revalorisation de la prime d’exercice territorial (PET), afin de la rendre plus incitative, dès le premier jour d’exercice sur un site périphérique.

Vos rapporteurs estiment par ailleurs qu’il est indispensable de mieux répartir les internes en médecine au sein du GHT. À l’heure actuelle, la situation dépend en bonne partie de l’éloignement des établissements par rapport au CHU, dans un contexte apparemment défavorable pour les établissements périphériques. Vos rapporteurs ont reçu M. Gaëtan Casanova et M. William Haynes, respectivement président et secrétaire général de la Fédération nationale du syndicat des internes (FNSI). Ceux-ci soulignent que la configuration actuelle des maquettes de stage des internes conduit à les concentrer de plus en plus dans les services des CHU, du fait de fléchages vers des surspécialités uniquement disponibles dans les CHU. Ils expriment pourtant le souhait d’une grande partie des internes d’avoir une approche plus généraliste de leur métier, avec un moindre tropisme universitaire et une meilleure prise avec les enjeux de santé publique.

Ainsi, vos rapporteurs estiment qu’un stage d’internat qui serait partagé entre plusieurs établissements d’un GHT, pourvu que ce soit faisable sur le plan pratique (question des transports), pourrait présenter une vraie valeur ajoutée pour les internes, à condition d’être bien organisé. Ainsi, ils appellent à étudier les modalités d’une affectation des internes par GHT et non plus par établissement dans le cadre de leurs stages. Des modalités de compensation adéquates devraient également être prévues pour tenir compte des déplacements nécessaires.

Recommandation n° 20 : Étudier les modalités d’une réforme de l’attribution des stages aux internes en médecine, afin de mieux les répartir au sein des établissements périphériques au CHU et de se conformer au souhait éventuel de ces derniers d’avoir une approche généraliste de leur spécialité. Le cas échéant, envisager l’affectation des internes en stage au sein d’un GHT.

E.   les GHT ne pourront pas résoudre tous les problèmes de notre système de soins

Mme Laurence Bernard, membre du bureau de la Conférence nationale des directeurs généraux de centre hospitalier (CNDCH), souligne que si les GHT déçoivent, « c’est parce que l’ambition est mal placée, donc ils ne peuvent pas réussir. En effet, ils ne peuvent pas régler les problèmes préexistants de notre système de soins ».

Vos rapporteurs ont montré que les GHT sont affectés de défauts propres qui expliquent pour partie leur bilan « en demi-teinte ». Ils souscrivent néanmoins à l’idée que les attentes à leur égard sont parfois trop élevées, en l’absence de résolution préalable de plusieurs problématiques majeures qui affectent le système de soins dans son ensemble.

1.   Le serpent de mer de la démographie médicale et de sa répartition sur le territoire

Nous connaissons une problématique de démographie médicale durable en France, qui a même vocation à s’aggraver au cours des prochaines années, en raison du vieillissement de la population médicale et du délai nécessaire avant que la suppression du numerus clausus ne produise ses effets. Ainsi, la démographie médicale globale ne s’améliorera qu’à compter de 2030.

Par ailleurs, l’augmentation du nombre de médecins ne permettra pas d’enrayer la baisse de la densité médicale, en particulier dans certaines régions, en raison du vieillissement concomitant de la population et de la répartition très inégale des médecins sur le territoire. La Cour des comptes analyse que paradoxalement, du fait de cette inégale répartition, c’est « dans les territoires les plus jeunes et les moins exposés à l’évolution des maladies chroniques que la démographie médicale en spécialistes va le plus progresser entre 2020 et 2040 ».

Ces tendances globales de la démographie médicale sont des paramètres incontournables pour les GHT, sur lesquels ils n’ont aucune prise directe. Sans une action résolue visant à résorber les inégalités d’accès aux soins sur le territoire, de nombreux GHT vont connaître une situation de démographie médicale structurellement déficitaire, à laquelle le développement de la pratique médicale territoriale mais aussi des protocoles de coopération ne pourront pas apporter de réponse suffisante. Vos rapporteurs soulignent la contrainte excessive que cette démographie insuffisante pourrait faire peser, de manière accrue, sur les praticiens en exercice à l’hôpital. Tous les personnels médicaux des GHT ont d’ailleurs exprimé leur crainte que le spectre du « praticien hospitalier sac à dos » ne devienne une réalité dans les GHT. Dans cette situation, l’exercice territorial ne serait plus mis en œuvre pour ce qu’il a de valorisant pour les praticiens, mais uniquement pour « boucher les trous ».

Vos rapporteurs appellent donc à une action résolue pour résorber les déséquilibres médicaux sur le territoire.

En ce sens, les GHT doivent jouer pleinement leur rôle dans la formation continue, l’une des quatre fonctions mutualisées que la loi leur confie, à travers la « coordination des instituts et écoles de formation paramédicale du groupement et des plans de formations continue et de développement professionnel continu des personnels du groupement ».

2.   La problématique de l’attractivité de l’hôpital public

Au-delà de la problématique de la démographie médicale, les GHT sont confrontés à la question complexe et grave de l’attractivité de l’exercice à l’hôpital public, pour les médecins mais aussi pour les soignants.

Les GHT peuvent être un facteur d’amélioration de cette attractivité. Cependant, elle dépend de ressorts qui, pour beaucoup, se présentent comme des données pour les GHT, comme la question des rémunérations et des statuts.

La question de l’attractivité renvoie aussi aux conditions d’exercice à l’hôpital public. C’est d’ailleurs le message envoyé actuellement par les services hospitaliers qui doivent parfois fermer des lits, faute de personnel.

Cette question demeure non résolue à ce jour, même si l’ordonnance du 17 mars 2021 visant à favoriser l’attractivité des carrières médicales, prise en application de la loi du 24 juillet 2019, cherche à apporter une première réponse : création d’un statut unique de praticien hospitalier et de praticien contractuel, décloisonnement des exercices mixtes public/privé, assouplissement des conditions d’exercice d’une activité libérale intra-hospitalière, en particulier.

Il ne revient pas à vos rapporteurs d’apprécier, dans le cadre de cette mission, l’effet des mesures prises notamment dans le cadre du Ségur de la santé. Ils soulignent le fait que les conditions d’exercice des professionnels hospitaliers doivent être appréhendées de façon large. Elles englobent tout ce qui fait le quotidien de ces équipes : charge de travail, qualité et maintenance des équipements, disponibilité du matériel, présence d’un encadrement proche et réactif, souplesse et adaptation pour gérer les problèmes du quotidien, poids des tâches administratives, etc. De ce point de vue, tous les personnels rencontrés par vos rapporteurs soulignent que beaucoup reste à faire. Et à ce stade, les GHT ont plutôt eu tendance à accentuer les difficultés (réduction du temps médical et du temps de soin avec le poids de tâches administratives associées aux mutualisations et la multiplication des instances).

Les GHT pourraient, s’ils deviennent plus fonctionnels et plus démocratiques, contribuer à améliorer ces conditions de travail, mais il existe des problèmes plus structurels qui nécessitent une action globale, à l’échelle nationale. Ainsi, M. Jérôme Goeminne, président du Syndicat des managers publics en santé (SMPS), souligne que les hôpitaux reçoivent plus de 200 questionnaires, instructions et autres demandes des tutelles par an, sur les 240 jours ouvrés que compte une année ; il appelle à une « désadministration » de l’hôpital, pour recentrer les professionnels sur leur cœur de métier et améliorer ainsi les conditions de travail. Vos rapporteurs estiment que cet appel doit être entendu.

3.   Les insuffisances de la politique de santé publique

L’engorgement des hôpitaux et leur difficulté à répondre aux besoins de santé de la population résultent aussi des insuffisances de la politique de santé publique en France. C’est une donnée structurelle à laquelle les hôpitaux et les GHT sont confrontés, et dont ils subissent de plein fouet les effets, comme actuellement, avec la crise du covid-19.

Ce qui alimente les files d’attente dans les hôpitaux, ce sont souvent les complications liées aux maladies chroniques qui, prévenues ou traitées et prises en charge en amont, n’auraient pas donné lieu une hospitalisation. Vos rapporteurs rappellent ainsi que près de 12 000 personnes de plus de 65 ans décèdent chaque année après une chute accidentelle ; globalement, le coût pour l’assurance maladie des chutes de la personne âgée et des complications qui en découlent représente deux milliards d’euros chaque année. Et pourtant, ces chutes sont évitables, au moyen d’un travail sur l’équilibre des personnes âgées et d’un aménagement de leur logement, par exemple. La résolution des problèmes de l’hôpital public passe ainsi, en grande partie, par une politique de santé publique digne de ce nom.

Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) a publié le 7 juillet dernier son avis n°137 intitulé « Éthique et santé publique ». Il y définit la santé publique comme visant à « préserver et améliorer la santé, prise dans toutes ses dimensions, de la population présente sur le territoire, en mettant en place un ensemble cohérent de mesures et de moyens, mobilisant des compétences multidisciplinaires et constituant une politique publique ».

Vos rapporteurs estiment que les GHT pourraient y contribuer, cette dimension étant indispensable pour développer leur approche populationnelle. La Cour des comptes souligne que les aspects liés à la santé publique et à la prévention étaient très largement absents des projets médicaux partagés de première génération. La crise sanitaire a néanmoins induit une prise de conscience de la nécessité de renforcer l’approche non curative, et des pôles ou directions de la santé publique et de la prévention ont commencé à voir le jour au niveau de certains GHT, comme celui de la Loire.

Vos rapporteurs appellent ainsi les GHT à systématiquement retenir cette thématique – toujours pertinente, quel que soit le territoire – parmi les filières prioritaires recensées dans le cadre des projets médico-soignants de deuxième génération qui verront le jour à partir de l’an prochain. Ils soulignent néanmoins la nécessité que cette démarche soit partagée par l’ensemble des acteurs du système de soins et intégrée par les usagers eux-mêmes, actant ainsi un véritable changement de culture.

Recommandation n° 21 : Inciter les GHT à investir pleinement, dans le cadre des filières prioritaires de leur projet médico-soignant partagé, la dimension de la prévention et de la santé publique.


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   conclusion

Au terme des travaux de la mission sur les groupements hospitaliers de territoire, vos rapporteurs s’accordent pour considérer que les résultats obtenus peinent à être à la mesure des efforts fournis. Ils sont conscients de la nécessité de laisser du temps aux acteurs, pour s’approprier de nouveaux formats de coopération et pour faire mûrir des projets. Cela apparaît d’autant plus nécessaire que la crise sanitaire a pu assez fortement perturber l’ordre du jour des établissements hospitaliers.

Mais précisément, la crise sanitaire agit aussi comme un révélateur de ce qui fonctionne dans les territoires, en termes de coopérations. Sans doute les modalités mises en œuvre pendant la crise n’ont-elles pas toutes vocation à être pérennisées. Pour clarifier cette question, vos rapporteurs estiment que la priorité est à l’évaluation : évaluation précise des premiers résultats de la réforme des GHT, évaluation des modalités de coopération efficaces dans les territoires.

Sur cette base, le fonctionnement des GHT doit être résolument adapté, afin d’en faire de véritables soutiens pour les enjeux de proximité ; cela impliquera plus de souplesse, plus de démocratie sanitaire, de la subsidiarité mais aussi des moyens adaptés. Comme l’ont dit de nombreux interlocuteurs de la mission, « pour pouvoir mutualiser, encore faut-il avoir quelque chose à partager ». C’est à ce prix que les GHT pourront regagner la confiance des acteurs de terrain et faire la preuve de leur utilité.


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   synthèse des propositions

Recommandation n° 1 : Conduire, en amont de la rédaction des prochains projets médico-soignants partagés, une évaluation approfondie des résultats obtenus par les GHT depuis 2016.

Recommandation n° 2 : Ne pas fixer d’échéance trop rigide pour l’adoption des prochains projets médico-soignants partagés afin de laisser le temps de l’évaluation et de la concertation.

Recommandation n° 3 : Conduire une évaluation approfondie des effets de la mutualisation de la fonction achats au sein des GHT, qui rendra compte : de l’ensemble des coûts financiers directs et indirects induits par cette mutualisation ; de l’évolution du temps administratif dédié à ces achats au sein des différents établissements des GHT ; de la qualité du service rendu aux équipes médicales et soignantes et aux usagers dans les différents établissements ; du bilan carbone et de l’évolution du recours à la sous-traitance associés à cette mutualisation.

Recommandation n° 4 : Conduire, territoire par territoire, un « tour de France » des dispositifs de coopération mis en place pendant la crise sanitaire entre acteurs du soin et du médico-social. Le but ne sera pas de chercher à généraliser ces modalités de coopération, mais d’en tirer des enseignements sur celles qui apparaissent les plus efficaces et prometteuses, selon les territoires.

Recommandation n° 5 : Ne pas s’interdire d’ajuster les périmètres de GHT qui apparaissent dysfonctionnels, afin que tous puissent avoir une valeur ajoutée démontrée.

Recommandation n° 6 : Rationaliser les périmètres des GHT et les périmètres d’intervention de la psychiatrie, en privilégiant une intelligence locale sur les ajustements nécessaires, qui ne sauraient être imposés aux établissements psychiatriques.

Recommandation n° 7 : Renforcer la place des soignants dans la gouvernance des GHT.

Recommandation n° 8 : Nommer des représentants d’usagers au sein du comité stratégique des GHT, afin de les associer aux décisions stratégiques concernant l’offre de soins sur le territoire.

Recommandation n° 9 : Veiller à associer étroitement les élus du territoire aux décisions stratégiques des GHT, notamment en réunissant régulièrement le comité territorial des élus locaux (CTEL).

Recommandation n° 10 : Faire de la conférence territoriale du dialogue social (CTDS) une véritable instance de dialogue social, dotée d’un pouvoir consultatif sur toutes les décisions du GHT susceptibles d’avoir un impact sur les conditions de travail des personnels.

Recommandation n° 11 : Étudier les modalités d’une personnalité juridique très souple et limitée pour faciliter le portage de projets au sein des GHT, à la condition qu’elle ne se substitue pas à la personnalité juridique des établissements parties.

Recommandation n° 12 : Définir un statut ad hoc pour les établissements psychiatriques et les établissements médico-sociaux dans le cadre de la gouvernance des GHT, dans le but de leur laisser la souplesse de gestion nécessaire et de leur donner un rôle de pilotage sur les dimensions du GHT qui les concernent principalement.

Recommandation n° 13 : Consacrer un principe législatif de subsidiarité dans l’action des GHT, en vertu duquel ils se concentreraient sur les filières et mutualisations pour lesquelles leur valeur ajoutée peut être démontrée.

Recommandation n° 14 : Recentrer les GHT sur le niveau de proximité, en lui donnant la priorité en termes d’organisation, de stratégie et de moyens.

Recommandation n° 15 : Faire des hôpitaux de proximité la priorité d’action des GHT, dans le but de déployer dans ces hôpitaux l’offre médicale et les plateaux techniques indispensables à la prise en charge adéquate des patients en proximité, pour toutes les pathologies qui le nécessitent.

Recommandation n° 16 : Inciter les ARS à soutenir massivement la mise en œuvre du projet médical des GHT, par l’ensemble des leviers dont elles disposent.

Recommandation n° 17 : Étudier les modalités d’un outil qui permettrait à l’ARS de contractualiser directement avec le GHT sur le périmètre du projet médico-soignant partagé, sans pour autant supprimer la possibilité de contractualiser individuellement avec les établissements sur les autres aspects.

Recommandation n° 18 : Réviser le statut, les modalités d’évaluation et de rémunération des directeurs d’hôpital, afin de tenir compte de la dimension territoriale de leurs fonctions et de la valoriser.

Recommandation n° 19 : Étudier la pertinence d’une revalorisation de la prime d’exercice territorial (PET), afin de la rendre plus incitative, dès le premier jour d’exercice sur un site périphérique.

Recommandation n° 20 : Étudier les modalités d’une réforme de l’attribution des stages aux internes en médecine, afin de mieux les répartir au sein des établissements périphériques au CHU et de se conformer au souhait éventuel de ces derniers d’avoir une approche généraliste de leur spécialité. Le cas échéant, envisager l’affectation des internes en stage au sein d’un GHT.

Recommandation n° 21 : Inciter les GHT à investir pleinement, dans le cadre des filières prioritaires de leur projet médico-soignant partagé, la dimension de la prévention et de la santé publique.


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   Travaux de la commission

La commission des Affaires sociales a examiné le rapport d’information de MM. Marc Delatte et Pierre Dharréville en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur « les groupements hospitaliers de territoire » au cours de sa séance du mercredi 15 décembre 2021.

Mme Annie Vidal, co-présidente de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Il s’agit ce matin de la dernière évaluation structurante que la MECSS présentera à la commission des affaires sociales durant la présente législature. J’en profite pour remercier, avec mon collègue Jean-Carles Grelier, l’ensemble des commissaires de la MECSS qui se sont engagés à nos côtés pour des évaluations structurantes mais aussi pour la nouveauté de cette MECSS, le Printemps social de l’évaluation, un bel exercice que nous apprécions tous.

Chers collègues, nous examinerons ce matin les travaux de nos rapporteurs Marc Delatte et Pierre Dharréville sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces travaux ont été engagés en mai dernier. Je salue la volonté de nos deux rapporteurs de produire un rapport consensuel avec des approches différentes. Faire des évaluations objectives et transpartisanes constitue l’exigence de la MECSS. C’est un gage de sérieux pour notre mission.

La MECSS avait décidé de lancer ces travaux sur les GHT dès le début de l’année 2020. Ils ont été un peu décalés du fait de la crise sanitaire mais, finalement, ce décalage a accru l’intérêt de cette mission en lui donnant un nouveau prisme, consistant à examiner l’apport des GHT dans la réponse de notre système de soins face à une crise sanitaire de grande ampleur.

La mission a eu pour objectif de dresser un premier bilan de la création des GHT, réforme majeure engagée en 2016 pour mieux structurer et coordonner l’offre de soins publique sur le territoire. Depuis lors, la loi d’organisation et de transformation du système de santé de 2019 est venue renforcer la mise en œuvre de certaines de ces dispositions ; plusieurs de ses mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2022. Ce sont autant d’évolutions sur lesquelles nos rapporteurs ont été amenés à se pencher.

Ils se sont également appuyés sur les premiers travaux de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), tout en restant autonomes dans leurs évaluations.

La MECSS a tenu vingt-cinq auditions dans le cadre de ce rapport. Elle a procédé à plusieurs déplacements afin de recueillir les informations au plus près du terrain et d’apprécier les modalités et conséquences pratiques de la réforme, dans des configurations variées et pour des territoires très différents. Elle s’est ainsi rendue à Soissons et à Château-Thierry, à Marseille et à Martigues, à Gentilly et à Villejuif ainsi qu’à Rouen et à Darnétal.

Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, je voudrais vous donner mon sentiment personnel sur les travaux de cette mission. Avec toutes les rencontres que nous avons faites, nous avons eu à la fois l’impression d’une très grande diversité des situations et le sentiment d’une réforme globalement inaboutie, dont les objectifs en termes d’intégration des soins n’ont pas été complètement atteints et qui a rencontré des freins de différentes natures. Nous avons rencontré des acteurs à la fois très engagés dans cette réforme et un peu déconcertés, voire déçus, face aux résultats produits.

Je crois donc que la question que nous nous posons aujourd’hui, à laquelle nos rapporteurs apporteront des éléments de réponse, est bien : qu’attendons-nous des GHT pour les années à venir ? Que devons-nous changer pour qu’ils soient en mesure de répondre aux enjeux parfois critiques de notre système de santé ? Comment, par exemple, peuvent-ils mieux accompagner la problématique de la désertification médicale ?

Vous le voyez, mon point de vue est assez mitigé mais, malgré tout, plutôt optimiste car nous avons vu dans les territoires de beaux projets, des initiatives fructueuses qui suggèrent tout de même qu’une dynamique vertueuse a été enclenchée et est appelée à produire des effets dans les années à venir.

M. Jean-Carles Grelier, co-président de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Je me félicite à mon tour, après Annie Vidal, que la MECSS soit sortie de ses murs au cours de ce mandat. Sous l’impulsion d’Annie Vidal et de Gilles Lurton dans un premier temps, puis avec la poursuite du travail que nous effectuons en tant que co-présidents avec Annie Vidal depuis maintenant quelques mois, nous avons pu donner à la MECSS la vraie mission qui est la sienne, c’est‑à‑dire d’être effectivement le bras armé de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en matière d’évaluation, notamment d’évaluation des dépenses de la sécurité sociale. C’est sa fonction première.

Je voudrais aussi me féliciter que, dans les différents rapports qui ont pu être conduits, la MECSS n’ait pas été exclusivement la chambre d’écho des grands organes de contrôle de l’État, comme cela pouvait être le cas lors des précédents mandats. Elle a réussi à s’autonomiser par rapport aux rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS, à avoir sa propre doctrine, ainsi que des investigations qui lui sont propres. C’est ce qui rend encore plus pertinents les rapports qui nous sont présentés.

S’agissant de pertinence, je veux à mon tour souligner le formidable travail réalisé par Pierre Dharréville et Marc Delatte. Ils ont creusé ce sujet complexe de l’organisation territoriale de notre système de santé avec, après les agences régionales de santé (ARS), les GHT.

Nous nous apercevons à chaque fois que notre système de santé bute sur la même difficulté, cette volonté très forte, poussée par l’État, depuis de très nombreuses années, d’organiser des structures de plus en plus grosses, de plus en plus importantes. « Big is beautiful » dit-on souvent ; or, en matière de santé, nous nous rendons finalement compte que cela ne fonctionne pas souvent et que la proximité devrait continuer à guider nos interventions.

Le moment est venu, me semble-t-il, de réfléchir à cette dichotomie entre une offre de soins proposée sur les territoires à l’ensemble de nos concitoyens et ce que devrait être une demande en santé, qui est un autre paradigme selon lequel nous pourrions analyser nos questions de santé et imaginer l’avenir de notre système de santé. Ce n’est pas aux Français de s’adapter à l’offre de soins que leur propose l’État. C’est peut-être désormais à l’État de s’adapter aux besoins en santé de nos concitoyens.

M. Marc Delatte, rapporteur. Ce rapport étant un travail collectif, collaboratif, je souhaite en préambule remercier les services de la commission et avoir une pensée pour Gilles Lurton. Pierre Dharréville et moi-même sommes très heureux et honorés d’avoir conduit ces travaux sur les GHT et de vous présenter aujourd’hui ce rapport, qui sera le dernier de la MECSS sous cette législature.

S’il est le dernier, ce rapport n’est pas le moindre et il correspond à une attente réelle des Français. La santé est leur première préoccupation, c’est un truisme de le rappeler, surtout dans cette période d’inquiétude liée à la cinquième vague de covid-19. La crise sanitaire est au cœur de ce système de santé et ce rapport est aussi dédié à tous les soignants qui ont montré leur savoir-faire depuis deux ans face à cette crise. Mais nous n’oublions pas l’ensemble des forces de la Nation, les personnels administratifs, les préfectures qui ont aussi montré leur engagement et leur compétence. Cela montre ce que nous aimons de la France.

Notre système de soins est confronté à de grands enjeux avec l’accélération des connaissances, les nouvelles technologies, le virage ambulatoire mais aussi le vieillissement de notre population, avec l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques. Nous sommes par ailleurs mis au défi de développer enfin une culture de la prévention et de la santé publique.

J’aimerais m’attarder sur la raison pour laquelle le législateur en est venu à créer les GHT en 2016. Il faut avoir en mémoire que la situation était à l’époque très éclatée avec historiquement des hôpitaux gérés localement, sans coordination nationale. À partir des années 1970, des groupements inter-hospitaliers ont été créés pour mieux structurer l’offre de soins. Par la suite, les groupements de coopération sanitaire (GCS) ont été mis en place, dans lesquels il était possible d’inclure des établissements privés. En 2009, sont arrivées les communautés hospitalières de territoire (CHT).

L’objectif de la création des GHT était de rendre cette coopération obligatoire. En réalité, leur mise en place en 2016 s’est faite un peu dans l’urgence et dans l’improvisation : il a fallu très rapidement arrêter les périmètres de ces groupements et élaborer, pour chacun d’entre eux, un projet médical partagé. Il existe aujourd’hui 136 GHT.

La réforme des GHT a été conçue comme un mélange de prescriptions normatives assez contraignantes, avec parfois un fonctionnement très vertical, et un semblant de liberté laissée aux acteurs de terrain. Les GHT devaient obligatoirement mutualiser certaines fonctions support – achats, systèmes d’information, information médicale – dans des délais très brefs. Ils devaient mettre en place une gouvernance assez étoffée, avec tout de même six instances imposées par la loi, d’où la lourdeur du système. Mais par ailleurs, les acteurs hospitaliers étaient censés avoir la liberté de s’organiser eux-mêmes et la loi ne prévoyait pas de personnalité juridique pour les GHT, avec l’idée que ces structures seraient essentiellement fonctionnelles.

La mise en œuvre n’a finalement pas été si simple et, très rapidement, des tensions – prévisibles – sur la vocation des GHT sont apparues, en raison d’une réflexion insuffisante sur toutes les implications de ce modèle.

En 2016, entre l’objectif d’efficience et celui d’accès aux soins pour tous, il n’était pas évident pour les GHT de savoir lequel devait être poursuivi en priorité.  L’accès à des soins sûrs et de qualité pour tous aurait évidemment dû primer, mais finalement c’est la mutualisation des fonctions support qui a concentré les efforts.

Ce flou sur la finalité a contribué à faire que les GHT se sont structurés à des échelles très hétérogènes. Il existe de très grosses structures comme le GHT des Bouches-du-Rhône, qui couvre deux millions d’habitants, tandis que le GHT Saphir, qui rassemble les hôpitaux de Soissons et de Château-Thierry, en couvre dix fois moins. Le général de Gaulle disait qu’il est difficile de gouverner avec 246 fromages, mais je peux vous dire que ce n’est pas simple avec 136 GHT aussi différents !

Nous avons rédigé ce rapport avec modestie et humilité. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas vous présenter un modèle unique de GHT. Chaque groupement doit avant tout privilégier la proximité, selon une logique populationnelle.

Une autre tension est apparue à l’usage, entre l’objectif de recomposition de l’offre de soins assigné aux GHT et les leviers opérationnels à leur disposition pour le faire. Dans notre rapport, nous montrons que les GHT n’ont en fait guère d’outils pour inciter les établissements à coopérer. Parfois, il existe même des incitations à ne pas coopérer. La tarification à l’activité (T2A), en particulier, est un puissant facteur bloquant.

J’évoquais aussi la tension entre le caractère normatif de la réforme et la liberté laissée aux acteurs de terrain. Nous avons le sentiment que le côté normatif l’a finalement emporté. D’une part, les délais impartis pour la rédaction des PMP étaient trop brefs pour pouvoir réellement associer des acteurs de terrain. Il faut savoir que ces PMP représentent 17 400 pages et 1 902 filières décrites – 15 par établissement. C’est l’équivalent des travaux d’Hercule en six mois !

Finalement la gouvernance des GHT, organisée autour d’un hôpital support, s’est avérée plus propice aux projets centralisateurs qu’aux initiatives sur le terrain et, alors que nous étions partis d’une réforme qui se voulait pragmatique, avec une approche populationnelle, nous avons raté le virage médico‑social.

Nous nous retrouvons avec une gouvernance très lourde, rigide, plutôt verticale, peu ouverte sur les acteurs du soin, qui a créé de la souffrance à l’hôpital, parce que les soignants veulent travailler dans de bonnes conditions et avoir du temps médical. Nous avons cherché à améliorer les choses sur ce plan depuis cinq ans et nous avançons, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin.

Voici donc le bilan de ce tour de France que nous avons effectué ensemble sur l’action des GHT. Mais il faut continuer ; nous sommes au milieu du gué et la situation est hétérogène. Nous avons vu de belles réalisations. Je pense que nous devons ne pas rater la rédaction des PMP de deuxième génération et nous donner le temps d’évaluer les premiers.

M. Pierre Dharréville, rapporteur. Je m’associe aux remerciements déjà formulés aux deux co-présidents et aux services de la commission, ainsi qu’à celles et ceux qui ont accepté d’échanger avec nous et nous ont reçus au cours de cette mission.

Marc Delatte vous a exposé sa vision d’une réforme non dénuée de bonnes intentions mais qui s’est révélée globalement assez inopérante quant aux enjeux de l’accès aux soins et de l’amélioration des conditions de travail. Je partage l’essentiel de ses observations sur les tensions qui s’expriment à travers la mise en œuvre des GHT.

Mais je ne suis pas très surpris qu’il en soit ainsi et je pense que c’était même inéluctable, s’agissant d’une réforme qui s’accompagnait d’un grand plan d’économies, imposé par le vote d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) toujours plus contraint jusqu’en 2021. Cette réforme accompagnait également une amplification du virage ambulatoire qui a débouché sur la suppression de près de 20 000 lits durant cette période. Elle devait être mise en œuvre dans le cadre d’une pénurie croissante de médecins et d’une montée en charge des maladies chroniques.

Nous avons rencontré un hôpital en crise, une crise conjoncturelle et structurelle. Cela nous a sauté aux yeux à chacune des visites que nous avons faites. Établis et pensés comme une pièce maîtresse dans la réponse aux besoins de santé, les GHT n’ont hélas rien changé à cette trajectoire de crise. Ils ont plutôt accompagné un certain nombre d’orientations déjà à l’œuvre.

Je pense que les GHT, tels qu’ils ont été imaginés, se fondent sur un paradoxe, comme nous l’ont dit de nombreux médecins et soignants rencontrés. Je cite une formule que nous avons entendue : « Pour mutualiser, encore faut-il avoir quelque chose à partager. »

Sans surprise, le bilan des GHT déçoit donc, cinq ans après leur mise en œuvre. Pour les différents acteurs rencontrés, il est difficile de dire que les GHT ont amélioré de manière significative l’accès aux soins de nos concitoyennes et concitoyens.

Des coopérations médicales entre établissements ont bien vu le jour, d’ailleurs pas toujours liées aux GHT – nous avons même observé des efforts pour raccrocher à un GHT des coopérations qui s’étaient épanouies en dehors. Il semble que, pour les coopérations médicales, le GHT ne soit pas toujours la bonne échelle, en particulier lorsqu’il s’agit de créer des parcours de soins pour la prise en charge des personnes en proximité. Cela dépend d’ailleurs de la taille des GHT concernés puisqu’il existe tellement de cas de figure différents. Il en va de même pour l’interaction avec la médecine de ville, le médico‑social et l’ensemble des acteurs de soins des territoires.

Les GHT ont eu tendance à se concentrer sur la mutualisation des fonctions support, qui était inscrite dans la loi comme obligatoire. C’est parfois un prérequis nécessaire pour coopérer, notamment pour les systèmes d’information, qui permettent de parler le même langage.

Cette mutualisation des systèmes d’information est un outil indispensable pour construire des parcours de soins coordonnés pour les patients, avec également le défi de renforcer la sécurité informatique des établissements. Cette nécessité s’étend, au-delà de l’hôpital public, à tous les acteurs du parcours de soins. Sur cette question, les GHT ont effectué un travail certain et n’ont pas tous avancé de la même façon. Nous constatons qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et que les aides financières pour soutenir cette convergence sont insuffisantes. Il faut noter la réticence des petits établissements – et des plus gros – qui doivent abandonner leur système d’information au profit de celui de l’établissement support. Cela suscite des difficultés particulières pour les établissements psychiatriques, qui doivent parfois renoncer à des systèmes mono-activité plus performants.

En revanche, la mutualisation des achats a bien avancé au sein des GHT. Tous ont désormais une direction des achats unique, gérée par l’établissement support. Pour autant, nous n’avons pas été en mesure d’identifier une amélioration du service rendu du fait de cette mutualisation, en particulier pour les médecins et soignants des établissements concernés.

Dans tous les GHT où nous sommes allés, on nous a dit combien la mutualisation des achats était source d’une complexité accrue, parfois de délais, voire d’une perte de qualité, notamment lorsque certains établissements doivent renoncer aux prestataires locaux qu’ils connaissent bien, avec lesquels ils ont une relation ancienne, avec lesquels la patientèle peut également avoir une relation privilégiée. Cela peut avoir des effets économiques et sociaux plus larges, au-delà de l’hôpital public, notamment lorsque le GHT conduit à recourir à de très grandes entreprises plutôt qu’aux fournisseurs locaux.

La formation faisait aussi partie des fonctions support que les GHT devaient mutualiser. Nous voyons bien, au stade où nous en sommes, le caractère crucial de cet enjeu sur lequel les GHT auraient sans doute pu trouver une utilité un peu plus forte que cela n’a été le cas.

La mise en place des GHT a permis une multitude d’échanges, comme cela nous a beaucoup été dit lors des auditions. Lorsque nous avons échangé avec les directions des établissements, nous avons constaté leur engagement très fort dans la construction des réponses à l’échelle du GHT, avec beaucoup de temps et d’énergie consacrés à mettre en place cette réforme. Lorsque nous interrogions les médecins, le principal apport qu’ils voyaient au GHT était l’organisation de ces rencontres, de ces échanges autour de projets pour les patients dans les territoires. Nous avons entendu parler de soignants qui découvraient leurs collègues d’autres hôpitaux, qui échangeaient sur leurs pratiques, de médecins de plus en plus nombreux à être tentés par un exercice médical à temps partagé sur plusieurs sites, dans une logique gagnant-gagnant. Il faut considérer que c’est un acquis de cette réforme.

Toutes ces dynamiques sont positives. Pour autant, pouvons-nous considérer que le résultat est à la mesure du chantier pharaonique qu’a été la mise en œuvre des GHT ? La Cour des comptes estime que la seule rédaction des projets médicaux partagés des GHT, dont les effets semblent modestes, a mobilisé entre soixante‑quatorze et cent vingt‑quatre directeurs, médecins et cadres de santé à temps plein pendant un an, durant la période de crise que nous avons traversée.

Au quotidien, la réforme se traduit par des instances de gouvernance supplémentaires, des déplacements, de longues heures de discussion dans le cadre de groupes de travail multiples pour discuter de projets qui, lorsqu’ils font consensus, se heurtent quand même parfois, voire souvent, à des problèmes de financement.

Je veux évidemment saluer, avec Marc Delatte, l’ensemble de la communauté hospitalière, qui n’a pas compté son temps et son énergie pour mettre en œuvre les obligations imposées par la loi. Je voudrais vous dire combien j’ai été marqué par une rencontre avec une soignante d’un hôpital de proximité qui, à la question de savoir ce que le GHT avait concrètement changé pour elle, nous a répondu qu’elle ne voyait plus sa cadre de santé, toujours mobilisée dans les instances et pour des réunions diverses.

Au terme de ce bilan, la question que nous posons dans notre rapport est la suivante : les GHT sont-ils l’outil adéquat pour faire face aux enjeux les plus urgents de notre système de soins ?

La direction générale de l’offre de soins (DGOS) estime que la mutualisation des achats s’est traduite par des gains sur les achats. Cela semble quand même être un concept un peu étroit, qui ne permet pas de prendre en compte les coûts complets associés à cette mutualisation, sans parler des coûts d’opportunité, de l’appréciation de la qualité du service rendu ou même du coût écologique de cette mutualisation, avec la multiplication des déplacements entre les sites des GHT. J’ai posé la question de savoir si nous avions un bilan carbone de la mise en place des GHT. Pour l’heure, nous n’en disposons pas, alors que je pense que la question serait intéressante.

Il faudrait aussi mesurer l’impact en matière de sous-traitance de la mise en œuvre des GHT et vérifier que cela permet bien un développement du service public. Un certain nombre d’interrogations nous sont parfois remontées à ce sujet. Nous devons disposer d’une évaluation plus précise, à l’échelle nationale, de ce qu’ont permis les GHT.

Nous pensons aussi qu’il serait utile de recenser les modalités de coopération hors GHT qui se sont mises en place avec la crise sanitaire, afin d’avoir un peu de recul sur ce qui fonctionne bien dans chaque territoire.

Je crois finalement qu’il nous faut interroger la logique intégrative des GHT et le risque de fuite en avant dans cette voie, pour peut-être mieux saisir les atouts d’une logique coopérative à laquelle les GHT peuvent fournir un cadre. Ils trouveront leur pleine utilité s’ils permettent le déploiement du service public et la réponse aux besoins de proximité.

Nous pensons qu’il sera impératif de corriger les dysfonctionnements constatés dans les GHT et de modifier en conséquence leur fonctionnement pour ne pas avoir des structures uniquement tournées sur elles-mêmes. Il faudra démocratiser et alléger la gouvernance, imposer un principe de subsidiarité dans l’action des GHT et faire en sorte que leur centre de gravité soit déplacé pour donner la priorité à la proximité. En effet, loin des tentations de centralisation qui ont pu se manifester, nous devons restaurer les moyens d’actions des établissements, qui doivent, à mes yeux, demeurer la cellule de base. Le GHT ne doit pas être le lieu du pouvoir concentré mais l’espace de la coopération et du partage, toujours au service du patient. Il conviendra de ne pas forcer les choses mais de prendre le meilleur de l’expérience qui a été vécue ces dernières années.

M. Marc Delatte, rapporteur. Nous avons besoin d’une réforme du système de santé et non, comme cela a été conçu en 2016, d’une réforme de l’hospitalisation publique. Il est évident que, pour la réussir, il nous faut prendre un virage médico‑social, en privilégiant une approche populationnelle de proximité.

Je pense que, depuis cinq ans, nous n’avons jamais autant fait. C’est une bonne chose mais cela ne suffit pas, parce que les conditions de travail, surtout avec le surcroît de travail lié à la pandémie, nécessitent de renforcer les effectifs et de travailler sur l’organisation.

Par exemple, les directeurs d’hôpital sont jugés sur les résultats financiers de leur propre établissement, et non sur la mission première des GHT, c’est-à-dire l’accès aux soins sur un territoire. Il faut s’interroger sur ce sujet.

De même, les médecins sont, de par leur statut, affiliés à un établissement, et pas à un GHT. Cela peut induire des rigidités importantes si vous voulez développer des pratiques médicales partagées. Il faut aussi faire évoluer la prime d’exercice territorial. La situation est la même pour les internes, qui sont internes d’un établissement et non d’un GHT. Il existe donc de nombreux leviers sur lesquels nous pourrions travailler à court terme.

Certains GHT sont plus mûrs que d’autres sur le plan de l’intégration. Je crois qu’il faut respecter le cheminement de chacun et faire confiance aux équipes médicales. Dans certains endroits, l’ancienneté des projets, les liens forts entre communautés médicales ont permis la création d’un établissement de santé unique, par un processus de fusion.

Ainsi, dans les Ardennes, un groupe hospitalier fusionné a vu le jour, ce qui fait qu’aujourd’hui, l’hôpital de Sedan s’occupe de l’ambulatoire et le centre hospitalier de Charleville-Mézières s’occupe de l’activité de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) : c’est une solution intelligente. Ailleurs, il existe de belles réalisations, comme à Soissons, où la filière « télé-AVC » permet, si vous faites un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique à Château-Thierry, de disposer d’une équipe formée sur place pour effectuer des thrombolyses, ainsi que d’avoir une imagerie par résonance magnétique (IRM). Cela pose d’ailleurs la question du maillage territorial des IRM pour l’accès à la sécurité et aux soins pour tous, dans cette notion de perte de chances. Ces exemples structurants comptent parmi les belles réalisations des GHT.

L’IGAS a finalement conclu qu’en trois ans d’existence, les GHT avaient permis plus de coopérations que pendant les vingt années précédentes : ils ont donc eu un impact positif. Ils ne sont pas toujours perçus positivement par les équipes parce que, sur le terrain, au dernier kilomètre, sur l’investissement au quotidien, les personnels disent ne pas en voir la couleur. Il reste un problème d’organisation.

Il faut amplifier l’approche populationnelle et conduire certaines adaptations juridiques. La T2A est un puissant facteur bloquant qui va à l’encontre de la coopération des établissements. Il faut laisser beaucoup de souplesse aux établissements.

Lorsque nous sommes allés à Rouen, nous avons vu que l’hôpital de Darnétal avait l’habitude de travailler avec des ambulanciers locaux. À la suite de l’appel d’offres conduit par le GHT, ceux-ci ont été remplacés par des ambulanciers de Rouen. Or, les ambulanciers locaux connaissaient bien les patients, avaient l’habitude de les prendre en charge et le faisaient avec humanité. Dans cette situation, nous perdons en proximité et en humanité, cela appelle des changements.

M. Belkhir Belhaddad (LaREM). Je tiens à remercier au nom du groupe La République en Marche nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte pour les travaux qu’ils ont menés au nom de la MECSS. Votre rapport est essentiel car il permet d’associer notre commission à l’évaluation de la réforme des GHT et de dresser un bilan d’étape très instructif des avancées issues de la loi de 2016 sur la modernisation de notre système de santé et, surtout, des efforts à poursuivre.

Vous faites le constat que la mise en place des GHT n’a que partiellement atteint ses objectifs et que les bénéfices tirés de l’intégration des établissements pour améliorer l’offre de soins sur tous les territoires apparaissent encore aujourd’hui modestes. En créant les GHT, la loi avait en effet prévu un conventionnement obligatoire entre les établissements publics de santé pour assurer une meilleure coordination de l’offre de soins hospitaliers, la qualité et la sécurité des soins en tout lieu.

Je voudrais m’attarder plus spécifiquement sur l’enjeu de la collaboration entre les secteurs public et privé. À la lumière des premiers enseignements de cette crise, je m’interroge notamment sur les conditions d’une meilleure intégration de l’ensemble du système hospitalier, public comme privé, dans la coordination territoriale de l’offre de soins. Pensez-vous qu’il soit opportun de systématiser l’intégration des offreurs de soins privés dans la structuration des GHT, en généralisant les conventions de partenariat par exemple ? Comment faire pour que les GHT constituent les interlocuteurs de référence pour les groupes privés structurés à l’échelle des territoires ?

M. Stéphane Viry (LR). Je salue à mon tour l’excellent travail de nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte. Ce très bon rapport légitime, s’il en était encore besoin, les travaux de la MECSS et son utilité dans le cadre du travail parlementaire.

Cinq ans après la mise en œuvre de cette loi, il semble que les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs assignés en 2016, alors que la mise en place des GHT a exigé du temps, des réunions et beaucoup de moyens pour avancer. L’idée de créer un projet médical unique entre les établissements de santé d’un même territoire me paraît être néanmoins utile. Il me semble que c’est un moyen de répondre aux besoins de santé.

J’ai cru comprendre en lisant votre rapport que vous êtes d’avis de ne pas modifier la donne, même si les résultats ne sont pas à la hauteur aujourd’hui, et de laisser du temps au temps en privilégiant un travail d’évaluation ultérieur pour s’assurer que l’objectif posé par la loi était bon. Par ailleurs, vous semblez préférer travailler à améliorer le fonctionnement des GHT. Vous parlez d’améliorer la démocratie sanitaire et j’aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Vous évoquez plus de souplesse, de la subsidiarité. Concrètement, comment proposez-vous de l’appliquer ?

J’ai relevé également des entraves à la réforme des GHT. Est-ce l’idée même de coopération qui peut encore poser difficulté pour certains ? Est-ce davantage la verticalité, c’est-à-dire la méthode des autorités de santé, qui peut poser difficulté ? La finalité d’un GHT est-elle d’améliorer l’offre de soins ou les GHT ont-ils été créés uniquement pour rationaliser la dépense budgétaire ? Au bout de cinq ans, avez-vous un regard et un avis sur cette question ?

Enfin, je considère que vos travaux éclairent ce que certains affirment au sein de cet hémicycle, à savoir que notre système hospitalier public est en fin de cycle ou à bout de souffle et que, en tout état de cause, il est vraiment temps de revenir sur un système bureaucratique qui est très loin de l’objectif de soigner de la population.

M. Philippe Vigier (Dem). À mon tour, je souhaite souligner que Pierre Dharréville et Marc Delatte ont réalisé un excellent travail et que cela honore le Parlement que d’avoir des travaux transpartisans. Nous ne pouvons pas laisser à la seule Cour des comptes le soin d’apporter un jugement de valeur. Ce ne peut pas être le seul jugement.

Notre collègue disait : « La MECSS est sortie hors des murs. » Oui, et elle le doit d’autant plus que, à l’heure actuelle, le problème de l’accès aux soins est une priorité majeure pour les Français, un problème sur lequel nous constatons des échecs réitérés au fil des ans. J’ai bien aimé cette expression : « Quels sont les besoins de soins et comment y répondre ? »

J’ai vécu de l’intérieur la mise en place des GHT, de ces 136 GHT dont parlait Marc Delatte et de ces « machins » qui ont été constitués. Chez nous, cela a été assez douloureux, je dois le dire.

Ce qui est essentiel pour moi est l’efficience apportée sur le terrain. Je ne suis pas persuadé que la verticalité mise en place se traduise par une offre de soins de proximité plus importante. J’ai même vécu le contraire dans un département de 450 000 habitants à 80 kilomètres de Paris.

Je voudrais revenir rapidement sur quatre de vos recommandations. Vous proposez, dans la recommandation 7, de renforcer la place des soignants dans la gouvernance des GHT. Cela me paraît essentiel tant ils en ont été écartés. Avez-vous des propositions plus concrètes ?

Dans la recommandation 9, vous dites de veiller à associer étroitement les élus du territoire. Cela me rappelle les discussions que nous avons eues ici, non sans mal, pour que les parlementaires puissent faire partie des conseils d’administration des hôpitaux.

Dans la recommandation 15, vous conseillez de faire des hôpitaux de proximité la priorité d’action des GHT. Cela pose le problème de la labellisation, pour le moment très en retard. Je sais que la pandémie est là mais elle n’explique pas tout. Il ne peut pas exister de GHT fonctionnel si les hôpitaux de proximité ne sont pas labellisés et si nous ne savons pas parfaitement ce que nous ferons. C’était d’ailleurs à l’époque un engagement d’Agnès Buzyn.

Enfin, ma quatrième question porte sur la pertinence de la revalorisation de la prime d’exercice territorial dont vous proposez l’évaluation. Il le faut car, sinon, la mobilité des professionnels de santé n’est pas assurée. Je pense qu’il faut aller plus loin qu’évaluer et la mettre vraiment en place.

M. Joël Aviragnet (SOC). La création des GHT en 2016 partait d’une intention louable. En effet, l’objectif poursuivi et annoncé par le législateur était d’encourager la coopération hospitalière afin de construire une approche populationnelle de l’offre de soins et, ainsi, d’améliorer l’accès aux soins des Français. Or, cinq ans plus tard, force est de constater que cet objectif n’a pas été rempli, comme le souligne justement votre excellent rapport.

L’autonomie laissée aux hôpitaux a engendré une hétérogénéité bien trop forte entre les différents GHT. Certains regroupent des dizaines d’établissements quand d’autres n’en regroupent que deux ou trois, ce qui accentue d’autant plus les inégalités territoriales.

Cependant, tout n’est pas à jeter dans l’idée même des GHT. Les acteurs de terrain reconnaissent tous que ces GHT leur ont permis de se rencontrer et donc de davantage travailler ensemble. Il faut les relancer en les adaptant aux retours d’expérience et, en ce sens, je rejoins les recommandations des rapporteurs.

Il faut revoir le périmètre des GHT ; cela permettrait notamment de créer des GHT de taille équivalente, qui seraient mieux à même de répondre aux enjeux sanitaires et territoriaux.

Il faut en repenser la gouvernance qui, aujourd’hui, ne permet pas une démocratie sanitaire. La multiplication des échelons constitue un frein à leur efficience. Sur ce dernier point, les rapporteurs préconisent de donner la personnalité juridique aux GHT. Cette solution semble satisfaisante, si toutefois elle est applicable. Par ailleurs, les médecins de ville et les acteurs du médicosocial participent au parcours de soins et devraient donc être associés à la gouvernance des GHT.

Pour conclure, nous pensons que les GHT n’ont pas répondu aux enjeux de la désertification médicale, les hôpitaux en territoires ruraux étant souvent désavantagés dans les différentes décisions prises par rapport aux plus grosses structures auxquelles ils sont rattachés. Mieux répartir les personnels des GHT en fonction des besoins des différents territoires demeure le seul moyen d’assurer des soins de qualité pour tous. Nous devons nous battre dans ce sens.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Je m’associe aux remerciements et félicitations de mes collègues pour l’excellent travail de Pierre Dharréville et Marc Delatte et je me félicite également du rôle joué par la MECSS durant cette mandature. Je crois important de le souligner car ce n’était pas évident voici quelques années.

Je pense que nous partagions tous l’idée de base de la création de ces GHT. Force est de constater, comme vos travaux le montrent et comme nous le ressentons tous sur le terrain, que l’objectif dévolu aux GHT avec le mot « territoire » n’est pas atteint : la proximité qui devait être celle des GHT n’a pas atteint son but, d’abord du fait de l’hétérogénéité de ces GHT, démontrée par vos chiffres et par les statistiques. Ils sont encore plus hétérogènes que les ARS, et ce n’est pas peu dire ! Nous voyons bien qu’ils ne remplissent pas le rôle qui leur a été assigné.

Ma première question concerne la coordination avec le privé. Les GHT ne comportent pas d’établissement privé et la crise sanitaire a montré que le rôle de coordination qu’ils doivent avoir en termes de santé ne peut pas être assuré si une partie du privé – et de la médecine de ville aussi d’ailleurs – n’est pas intégrée dans ces GHT.

Ma deuxième question porte sur vos recommandations 16 et 17 concernant le rôle des ARS en matière de pilotage de ces GHT. Quelles améliorations pouvons-nous apporter afin que cette coordination et ces coopérations soient meilleures, que le rôle des GHT ne se limite pas uniquement à une mutualisation des achats ? C’est certes un beau progrès mais ce n’est pas suffisant.

Ces GHT avaient aussi pour but de rendre le système plus efficient et de lutter contre les déserts médicaux. Or, nous voyons bien qu’ils ont plus mobilisé nos cadres de santé qu’ils ne les ont rendus disponibles. Quelles préconisations pouvez-vous faire ?

Mme Valérie Six (UDII). Comme mes collègues, je tiens à remercier nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte pour leur travail très en profondeur, qui montre bien l’importance de la MECSS.

Cette évaluation montre toute la complexité des différents établissements et leur difficile mutualisation. Je remarque encore une fois que la mutualisation conduit souvent à un éloignement des publics ou tout au moins des politiques de terrain. C’est toute la difficulté que nous avons lorsque nous commençons à mutualiser des établissements.

En regardant les recommandations, je rejoins mon collègue Philippe Vigier sur l’importance de travailler avec une gouvernance associant les élus du terrain, sur l’importance de travailler aussi avec les soignants et sur la place du soignant. Nous voyons bien dans votre rapport que la part administrative est importante et qu’il faut peut-être redonner une plus grande place aux soignants dans la gouvernance.

J’ai vu que vous parliez d’introduire plus de prévention dans les GHT. Comment imaginez-vous le travailler ?

Enfin, comme le disait ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, il est indispensable pour structurer l’offre de soins sur un territoire de considérer à la fois l’hospitalisation publique et l’hospitalisation privée. Ces deux offres de soins sont présentes sur le terrain et il faut les inclure dans la même évaluation.

Je suis très inquiète pour l’hospitalisation à domicile (HAD), qui a été vraiment le parent oublié. À l’aune d’une nécessaire prise en compte de l’autonomie, qu’en est-il de cette HAD ?

Mme Jeanine Dubié (LT). Je remercie Pierre Dharréville et Marc Delatte pour la qualité de ce rapport, qui est objectif et s’appuie sur des faits. Je le trouve équilibré : il ne raye pas d’un trait de plume les GHT mais nous voyons bien au travers de ce rapport les difficultés rencontrées lors de la mise en place des GHT et leurs conséquences sur les territoires.

Je salue d’abord leur prise de position, différente des divers rapports rendus notamment par la Cour des comptes, sur la personnalité morale du GHT. J’ai vécu, lors la précédente mandature pendant laquelle nous avons voté ce texte, la montée au créneau de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui tenait absolument à ce que le GHT ait la personnalité morale. Au travers d’une loi de finances, elle était plus tard revenue à la charge et nous nous y étions opposés de façon très forte. Les amendements avaient été rejetés tout simplement parce que cela permettait aussi aux élus d’avoir une prise sur ce qu’il se passe sur leur territoire.

En effet, donner la personnalité morale aux GHT faciliterait la vie des directeurs mais ferait aussi en sorte qu’il ne reste qu’une commission de surveillance, qu’une seule commission médicale d’établissement, ce qui n’était pas acceptable pour les élus, qui voulaient continuer à avoir leur mot à dire dans le fonctionnement des hôpitaux de proximité. Je vous remercie donc pour cette proposition.

Je souhaite poser une question sur la révision de la carte hospitalière et la remise en cause des périmètres de certains GHT. Pensez-vous, au travers des travaux que vous avez conduits, que ce sujet peut être réétudié ou préconisez-vous plutôt le maintien de la situation actuelle, en continuant à travailler dans les périmètres existants ?

M. Bernard Perrut. Les patients veulent les bons soins, au bon moment et au bon endroit. Nous pourrions penser que les GHT permettent justement de répondre à cette attente et, pour nos problématiques de désertification médicale, de prendre en compte les besoins de regroupement de moyens médicaux, d’avoir un effet de levier pour aménager les territoires de santé et d’offrir des parcours de soins mutualisant les ressources à une échelle dépassant le cadre de l’établissement.

Nous attendions une grande réforme mais nous voyons que la constitution des GHT a été difficile, que les fonctions support obligatoires ont d’abord primé sur les logiques médicales et qu’avec les contestations actuelles sur leur périmètre, rien n’est achevé.

Les amalgames entre directions communes, fusions et structurations de GHT ont été légion et un effet de clarification paraît nécessaire, sans ériger ce modèle en modèle unique. Il est perfectible et je pense comme vous qu’il doit rester évolutif.

Que proposez-vous notamment pour contrer le déficit d’image, améliorer les périmètres parfois peu cohérents, réduire les écarts sensibles entre les plus petits GHT et les plus grands ainsi que les variations majeures de leur échelle d’intégration et pour favoriser la difficile construction de véritables équipes médicales territoriales ?

L’IGAS évoque ces 136 groupements hospitaliers de territoire concernant 850 établissements et en dresse un bilan plutôt positif en qualifiant ce modèle de prometteur. Sa conclusion est positive sur les instances de gouvernance de GHT mais l’IGAS admet – ce que je partage – l’échec du comité territorial des élus locaux.

Peu actif, ce comité se limite globalement à une instance de partage d’informations. Les élus doivent donc être davantage associés pour partager les enjeux sensibles du GHT, notamment la recomposition de l’offre de soins, qui nécessite à la fois une pédagogie active et une connaissance du terrain pour asseoir une réelle logique territoriale. Je partage votre objectif de prise en charge des besoins de proximité. La tarification des filières de soins territorialisées et l’organisation de la gradation de l’offre de soins passent par une meilleure implication des élus locaux dans la gouvernance des regroupements hospitaliers.

Enfin, je voudrais vous demander si la mission note, lorsque les établissements se regroupent, que les GHT les plus avancés sont ceux déjà les plus intégrés. Faut-il ou non créer un établissement territorial public de santé se substituant en une fois aux établissements parties ? Cela mériterait une étude de faisabilité approfondie. Qu’en pensez-vous, messieurs les rapporteurs ?

M. Thierry Michels. Je salue la qualité de votre travail sur les GHT, qui sentent encore la peinture fraîche, si j’ose dire, car créés en 2016. Ils couvrent tout notre territoire et votre rapport vient à point nommé, à un moment où la crise sanitaire met en évidence les difficultés que connaît notre système de santé mais aussi les opportunités qui s’offrent à nous et que nous devons travailler.

J’ai deux questions concernant la territorialisation de l’accès aux soins que les GHT doivent permettre. La première est relative au rôle des collectivités locales et à leur implication dans l’investissement en santé. C’est d’ailleurs un projet largement débattu dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification (« 3DS »). Quel regard les élus que vous avez rencontrés portent‑ils sur le GHT en tant que garant d’investissements efficaces, équitables et transparents sur le territoire ?

Ma seconde question porte sur le rôle des GHT pour mieux diffuser la technicité des CHU pour la prise en charge des pathologies ou les actions de prévention en santé. Je pense notamment à la prise en charge de l’obésité lourde via les centres spécialisés en obésité concentrés dans les CHU, qui méritent d’être mis à disposition des personnes jusque sur le pas de leur porte. Je pense également au cancer du sein, pour lequel nous demandons que la chirurgie du sein soit davantage concentrée, pour des raisons de qualité et de sécurité, entre les mains des professionnels de santé.

Sur la question de la prévention en santé, nous voyons avec la crise covid et la campagne de vaccination l’importance d’aller vers les personnes les plus éloignées du système de santé.

Sur le dépistage du cancer du sein, le taux de participation en France est de 50 %, très en dessous des taux observés chez nos voisins européens. Là aussi, une présence au plus près de nos concitoyens est nécessaire.

Qu’avez-vous pu observer, messieurs les rapporteurs, comme bonnes pratiques inspirantes à l’occasion de votre tour de France des GHT et de vos travaux ?

Mme Stéphanie Rist. Je vous remercie pour ce rapport sur les GHT, qui ont vocation à aménager le territoire de santé. Vous montrez une grande hétérogénéité dans leur mise en place. Il paraît effectivement indispensable, ou au moins nécessaire, de redéfinir le périmètre de certains de ces GHT.

Votre rapport confirme, comme les rapports de l’IGAS et de la Cour des comptes le constataient, que nous sommes vraiment au milieu du gué dans la mise en place des GHT. Cela prend beaucoup de temps aux soignants, aux directions et le coût n’en semble pas neutre d’après votre rapport, même s’il est difficile d’estimer précisément combien coûte la création des GHT.

Vous proposez de laisser du temps pour améliorer les coopérations. Or, vous montrez aussi – et cela avait déjà été relevé par ailleurs – que les GHT les plus intégrés sont ceux qui permettent d’améliorer l’accès aux soins. Pourquoi ne pas aller dans ce sens, pourquoi attendre ?

M. Pierre Dharréville, rapporteur. Ce rapport est destiné à alimenter le débat pour essayer de prendre les meilleures décisions et je pense effectivement que le fardeau mis sur les épaules des GHT est un peu lourd. Même si ce n’était pas inscrit ainsi dans la loi, nous avons au fil du temps fini par penser qu’ils constituaient la solution ; ce n’est peut‑être pas tout à fait le cas en réalité. Les GHT peuvent être une partie de la solution mais peut-être faut‑il être un peu plus mesuré dans les objectifs que nous leur assignons, ne pas tout faire passer par eux.

Stéphane Viry demandait s’il s’agissait d’améliorer l’offre de soins ou de rationaliser. Dans la loi, les deux objectifs sont inscrits mais mon sentiment est que les logiques de rationalisation prennent le dessus. La rationalisation conditionne finalement la réponse en termes d’accès au soin.

D’après l’étude d’impact, que fallait-il attendre des GHT ? Il est indiqué en tout premier lieu que « la dynamique renforcée de coopération devrait se traduire par des économies à hauteur de 400 millions d’euros sur trois ans, notamment par le biais d’une réduction des fonctions techniques, administratives et logistiques ». Nous en attendions également « la réduction du recours à l’intérim médical » et « la réduction du nombre de gardes et astreintes ». En matière d’impacts sociaux, l’étude d’impact indiquait que « les incidences sur les organisations de travail sont de nature à améliorer la qualité des conditions de travail, l’efficience et la productivité du service public ». Vous voyez bien que nous sommes quand même assez loin du compte au vu de la situation actuelle de l’hôpital public.

Ma réponse – c’est une appréciation politique – à partir de l’expérience que nous avons vécue et des auditions que nous avons menées est que le cadre budgétaire et la tendance fixés par les ONDAM ont beaucoup pesé sur l’orientation même des groupements hospitaliers de territoire et la philosophie avec laquelle ils ont été mis en œuvre.

Belkhir Belhaddad et Agnès Firmin Le Bodo demandent comment favoriser la coopération entre public et privé. Dans la loi, le choix a été fait de manière délibérée de créer des groupements hospitaliers publics et de ne pas créer de mélange, j’allais dire de confusion, car ce sont des établissements qui ne sont pas de même nature.

Il n’empêche que, pour répondre aux besoins de soins, il faut évidemment s’appuyer sur l’ensemble des acteurs disponibles. Des solutions se mettent donc en œuvre. Dans la loi proposée par Stéphanie Rist se trouvent des dispositions qui vont dans le sens d’un meilleur dialogue entre les différentes parties.

Je pense tout de même, pour répondre plus précisément à la question du rôle que peuvent jouer les GHT de ce point de vue, que des discussions sont possibles avec des structures dont les échelles territoriales ne recoupent pas exactement les territoires des GHT mais que, sans discussion à l’échelle locale, tout cela n’aura aucun effet ou seulement des effets très limités. Nous avons pu constater, notamment pour le lien avec la médecine de ville, que cela ne se joue pas à l’échelle du GHT mais à l’échelle de l’établissement. Je ne préconise donc pas d’organiser des mélanges, mais je pense qu’il faut organiser la discussion avec les autres acteurs du système de soins.

Concernant les remarques de Philippe Vigier et Jeanine Dubié sur la proximité et l’association des élus, il me semble que nous avons des efforts à faire. Des actions sont en cours à l’échelle des GHT. Les élus ont eu du mal à trouver leur utilité dans les instances sanitaires telles qu’elles existaient. Ils ont eu le sentiment que, en réalité, tout était déjà décidé et se passait sans eux, il faut le dire. La manière dont les coordinations continueront à se nouer, le respect accordé aux établissements eux-mêmes et aux élus locaux qui s’investissent en proximité dans la gestion de ces établissements par le biais des conseils de surveillance conditionneront leur investissement à une échelle plus élevée. Je ne crois pas qu’il faille remplacer l’existant ; il ne faut pas sauter l’échelon local pour que les élus puissent participer correctement.

Nous avons constaté effectivement des phénomènes d’aspiration d’un certain nombre d’activités par les établissements support qui ont créé des tensions et des difficultés concrètes dans l’accès aux soins. Cela nous a été rapporté lors de certaines auditions.

Comme Bernard Perrut l’a dit, il existe sans doute une ambiguïté dans les objectifs fixés aux GHT, dans la manière dont ces objectifs ont été formulés, dans l’amalgame « intégration-fusion-coopération » J’ai eu le sentiment que l’intégration était au bout de la ligne d’arrivée, que c’était l’étape suivante et je pense que cela a contribué à installer un trouble et des résistances. À mon sens, tel ne doit pas être l’objectif.

L’objectif doit être la coopération entre les établissements et c’est pourquoi nous n’avons pas préconisé de substituer la personnalité morale des GHT à celle des établissements. Lors des auditions, certains l’ont demandé, mais pas tous, et ce sujet faisait débat. Nous ne pensons pas que ce soit une solution, en tout cas pas une solution à généraliser. Je penche plutôt pour l’organisation de meilleures coopérations.

Pour terminer, même s’il n’existe pas de modélisation et que la variété est telle que la modélisation pourrait être discutée, la loi a fixé des cadres et il faut que nous puissions nous adapter aux besoins et aux demandes pour ne pas ajouter des difficultés aux personnels dans la réalisation de leur travail, déjà suffisamment difficile. Au stade où nous en sommes, il ne faut pas nous engager dans une sorte de course en avant mais prendre le temps de regarder ce qui a fonctionné, ce qui est utile pour le renforcer. Il ne faut pas écrire sur le papier des objectifs qui nous emmèneraient très loin des nécessités du quotidien.

M. Marc Delatte, rapporteur. Face à de nombreuses questions pertinentes qui témoignent de votre activité de parlementaires de terrain, je répondrai de façon plus globale en rappelant d’abord les deux objectifs des GHT, qui sont la stratégie d’égalité d’accès aux soins dans la sécurité et la qualité, d’une part, et la rationalisation des modes de gestion avec la mise en commun des fonctions support et les transferts d’activité entre établissements, d’autre part.

La gouvernance des GHT a ses instances, que sont le comité stratégique, le collège médical, la commission de soins infirmiers, dont l’IGAS préconise d’ailleurs la fusion avec le collège médical, le comité des usagers, qu’il ne faut pas surtout oublier, et le comité territorial des élus locaux. Il faut savoir qu’à partir du 1er janvier 2022, nous aurons des commissions médicales de groupement (CMG) qui permettront que chacun des acteurs trouve sa place dans une vision territoriale.

Cette gouvernance est lourde : dans le GHT Limousin, par exemple, il faut consulter quatre‑vingt‑dix instances pour modifier le projet médical partagé. Dans des GHT de grande taille comme celui des Bouches-du-Rhône, trente‑neuf personnes se retrouvent autour de la table. Dans notre rapport, nous sommes plutôt favorables à la CMG, mais encore faut-il que cette CMG aux pouvoirs élargis laisse toute sa place à la gouvernance médicale, sans centraliser encore cette gouvernance aux dépens des hôpitaux de proximité

Cela rejoint notre recommandation 11, qui vise à étudier les modalités d’une personnalité juridique très souple et limitée pour faciliter le portage de projets au sein des GHT, à condition qu’elle ne se substitue pas à la personnalité juridique des établissements parties.

Nous avons parlé de la T2A, qui est un facteur bloquant dans la structuration et la coopération des établissements. Cela provoque un système gagnant-perdant et des distorsions de concurrence entre établissements. C’est une puissante incitation à ne pas coopérer. Le ministre le réaffirme d’ailleurs : il faut que ce système de T2A évolue pour aller dans une logique de parcours de soins en amont et en aval, ce qui nécessite d’impliquer le secteur privé, les établissements médico‑sociaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Nous avons eu une audition très intéressante avec le représentant des CPTS. Elles sont actuellement au nombre de 670 et se multiplient rapidement. Elles s’organiseront en inter-CPTS qui seront plus à même d’interagir avec les GHT.

Nous pourrions dire que la solution serait de fusionner les budgets des établissements des GHT, mais ce n’est pas toujours adapté. Cela dépend de la maturité des coopérations. Il faut ainsi respecter le tempo de chacun et s’adapter à la dimension des projets. C’est ainsi que nous pouvons avancer et susciter la reconnaissance des personnels.

Encore faut-il leur donner les moyens nécessaires, comme nous l’avons vu avec l’« article 51 », dont les soignants se sont emparés : il a eu un succès fou, qui a dépassé les budgets, et cela montre qu’il est possible de combattre l’amertume et les souffrances des soignants en leur donnant des moyens.

Je parlais précédemment des directeurs, qui sont acteurs de leur établissement avant d’être acteurs du GHT. Ils sont évalués par les ARS en fonction des résultats financiers de leur établissement et, de ce fait, le problème est plus facile lorsque les établissements du GHT sont en direction commune. Toutefois, ce n’est pas toujours souhaitable, notamment quand les GHT sont pléthoriques ou que les établissements sont éloignés de l’hôpital support. Je pense à l’exemple de Gournay-en-Bray, qui se situe à une heure de route du CHU de Rouen.

Nous avons parlé aussi de l’évolution de la prime d’exercice territorial. Il faut voir l’effet structurant qu’il y a à employer des praticiens en temps partagé. Je ne pense pas du tout au « médecin sac-à-dos » pour pallier les manques et « boucher des trous » mais je le conçois une logique de GHT et une logique populationnelle. Pour le moment, pour employer un médecin sur plusieurs sites, il faut signer une convention avec chaque établissement concerné ; je crois qu’être médecin de GHT éviterait des redondances et permettrait des procédures plus souples. Ceci est un élément très structurant.

Vous avez parlé d’autorisations sanitaires. La Cour des comptes le dit : c’est le principal outil permettant de structurer l’offre de soins sur le territoire. Il faut essayer d’accorder le projet régional de santé (PRS) avec le PMP mais il faut que le régime juridique de ces autorisations évolue car il ne s’y prête pas. L’idée serait de disposer d’autorisations sanitaires collectives.

La DGOS préconisait plutôt une procédure de demande d’avis du comité stratégique pour toute demande d’autorisation sanitaire déposée par un établissement partie, de façon à s’assurer de la cohérence entre le PMP et le PRS. En tout cas, il faut absolument aller plus loin que ce que prévoit l’ordonnance du 12 mai 2021 sur ce point.

Vous avez judicieusement parlé de la HAD dans l’approche populationnelle. Elle en fait partie intégrante, avec la médecine de ville, les cliniques privées, le secteur médicosocial. Dans la réforme de 2016, ces aspects étaient très secondaires et la fédération de l’hospitalisation privée dit d’ailleurs qu’il s’agit d’une réforme de l’hospitalisation publique, et non d’une réforme de la santé.

La loi donne la possibilité d’associer des établissements privés aux GHT. Or, en 2019, d’après le rapport de l’IGAS, moins de 50 % des GHT avaient passé des conventions de partenariat avec un établissement de santé privé d’intérêt collectif ou avec un établissement privé à but lucratif. C’est une revendication forte de la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France et de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés. J’espère qu’elle sera entendue.

Vous avez parlé d’une focalisation sur le champ sanitaire au détriment du médico‑social et vous avez souligné la différence entre l’acte et le parcours. Finalement, même si les PMP ont englobé la thématique du médico‑social, le sujet est resté en marge de la réforme. Au 1er janvier 2020, d’après la Cour des comptes, seulement 7,5 % des établissements médico‑sociaux (EMS) étaient associés aux GHT, indépendamment des établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) hospitaliers. Cela signifie que seuls 78 EMS autonomes étaient membres de 28 GHT sur 136.

Nous constatons donc un cloisonnement, avec une absence de politique financière globale qui nous permettrait d’avoir un outil fonctionnel.

Sur la HAD, la Cour des comptes souligne effectivement qu’il s’agit d’une occasion manquée : un tiers de la HAD n’a pas été associée à l’élaboration des PMP. Luttons donc contre cette vision trop hospitalo-centrée et développons les équipes mobiles, que ce soit en gériatrie, en soins palliatifs ou en chimiothérapie par exemple. Je crois qu’il faut nous adapter. C’est une plus-value, c’est progresser vers une stratégie de l’« aller vers » face aux réalités d’aujourd’hui.

Les PMP n’ont pas toujours associé le personnel soignant et ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. Nous le voyons avec cet exemple du centre hospitalier de Martigues, dont le PMP soulignait le déficit de lits en psychiatrie et prévoyait l’ouverture de 25 lits supplémentaires ; à ce jour, il n’a pas eu l’autorisation nécessaire pour les ouvrir. Les GHT n’ont d’avenir que s’ils partent du terrain, dans une logique ascendante.

D’après la Cour des comptes, la réforme des GHT a eu un coût brut évalué à 140 millions d’euros, auxquels il faut ajouter les dotations accordées dans le cadre du fonds d’intervention régional. La mutualisation des fonctions support doit être évaluée à l’aune du service rendu au patient, de la qualité de vie au travail et de l’impact social et environnemental. Vous retrouvez dans nos recommandations le souhait de plus d’écoute, de confiance et de souplesse.

Sur la fonction achats, il faut savoir que la mutualisation permet effectivement des économies de coûts tarifaires et une meilleure sécurité juridique mais, en même temps, les établissements parties nous disent qu’il faut former un délégué achats et les accompagner davantage. Ils se plaignent aussi de perdre leurs fournisseurs locaux, d’avoir des produits moins spécifiques et de ce que les délais augmentent. Par exemple, à Château‑Thierry, où ils souhaitaient acheter des fauteuils adaptés, cela prend du temps – et même beaucoup trop de temps.

Il faut donc renforcer l’évaluation de la mutualisation des achats et en apprécier les effets macroéconomiques. La différence entre les gains théoriques et les gains budgétaires tangibles est difficilement contrôlable, comme le dit la Cour des comptes. De plus, entre 2015 et 2018, la dépense budgétaire liée aux achats a augmenté, même en neutralisant l’évolution des prix. Pour savoir où nous en sommes aujourd’hui, une évaluation est nécessaire.

La question des systèmes d’information (SI) est très importante. Nous avons parlé de la sécurité informatique et des cyberattaques mais il faut aussi développer des schémas directeurs de SI communs pour une convergence, avec un dossier patient informatisé commun, une identification unique commune. C’est assez ardu parce que l’hétérogénéité est importante. Nous avons finalement mobilisé des financements en faveur de la convergence mais de façon non spécifique et, surtout, des financements régis par la règle du financement à l’usage, c’est-à-dire octroyés une fois que le système a été mis en route.

Le programme HOP’EN doit évoluer ; 465 millions d’euros ont été ajoutés lors du Ségur numérique pour le volet « équipement » et 260 millions d’euros pour le volet « usage ». Cela va dans le bon sens pour la mise en œuvre du référentiel socle pour l’interopérabilité mais, d’après la Cour des comptes, il faudra ajouter au budget environ 250 millions d’euros pour les charges d’exploitation.

Sur les périmètres dysfonctionnels, je crois qu’il faut procéder à des audits, comme cela a été fait pour le GHT Saphir : finalement, le divorce n’a pas été prononcé car les parties sont reparties en « mode projet » et que des moyens leur ont été donnés pour le faire. Je n’ai pas de réponse générale mais je ne pense pas qu’il faille trancher à la hache les périmètres. Cela ne paraît pas pertinent.

Dans le cadre des PMP de deuxième génération, il importera de recentrer les projets des GHT sur quelques filières prioritaires. Il faudra rationaliser, en se donnant d’abord le temps d’évaluer les premiers PMP.

Il est grand temps de tenir compte de la dimension de santé publique et de la prévention. Je rappelle toujours que 12 000 décès de personnes âgées sont liés chaque année à des chutes qui, dans la majeure partie des cas, pourraient être évitées. Si nous ne développons pas en amont la prévention, nous continuerons d’alimenter nos hôpitaux avec les complications des maladies chroniques. Il est urgent de s’en occuper, avec la problématique de vieillissement que nous connaissons.

La démographie médicale reste un facteur bloquant mais il existe des solutions. Les temps médicaux partagés ne sont pas la seule réponse ; le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus mais il faut du temps pour que cela produise ses effets.

M. Pierre Dharréville, rapporteur. Nous ne préconisons pas de remettre l’ensemble de la carte des périmètres sur le métier. Ce serait un nouveau big bang et, avec tous les efforts produits jusqu’ici, ce n’est pas imaginable. En revanche, il faut regarder de près quelques GHT qui semblent dysfonctionnels pour lesquels, peut-être, il serait bon de revoir le périmètre. Nous envisageons plutôt le sujet ainsi.

Agnès Firmin Le Bodo a évoqué le rôle des ARS et elle a raison : c’est une partie de la réponse sur les relations entre les GHT, les établissements publics et le reste des acteurs de santé. Il ne faut pas oublier que les ARS ont un rôle central à jouer dans l’articulation et dans l’agencement des différents pans de l’offre de soins. Nous pensons que les GHT ne peuvent pas vouloir jouer le rôle des ARS. Les ARS doivent donc prendre en compte l’existence des GHT et de leurs projets mais elles ne doivent pas pour autant passer uniquement par les GHT et ne plus discuter avec les établissements. Il y a une dialectique à trouver, que certaines ARS ont d’ailleurs sans doute déjà commencé à mettre en œuvre.

Enfin, l’introduction de la prévention peut sans doute se faire à l’échelle des GHT par le biais du PMP.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, et vous félicite pour l’ensemble de ce travail de grande qualité sur un sujet important.

En application des dispositions de l’article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information.

*

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11657764_61b9a5b1b09ec.commission-des-affaires-sociales--lois-de-financement-de-la-securite-sociale-sur-les-groupements-ho-15-decembre-2021

 

 


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   Annexes

   annexe n° 1 : Composition de la mission

La République en marche

M. Julien Borowczyk

M. Marc Delatte

Mme Audrey Dufeu

Mme Monique Limon

M. Thomas Mesnier

Mme Annie Vidal

Les Républicains

M. Jean-Carles Grelier

M. Alain Ramadier

Mme Nadia Ramassamy

M. Stéphane Viry

Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

M. Cyrille Isaac-Sibille

Socialistes et apparentés

M. Boris Vallaud

Agir ensemble

Mme Agnès Firmin Le Bodo

UDI et Indépendants

Mme Valérie Six

Groupe Libertés et Territoires

Mme Jeanine Dubié

La France insoumise

Mme Caroline Fiat

Gauche démocrate et républicaine

M. Pierre Dharréville


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   Annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

L’ensemble des comptes rendus des auditions de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sont disponibles sur le portail de la MECSS :

http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-affaires-sociales/mecss/mission-d-evaluation-et-de-controle-des-lois-de-financement-de-la-securite-sociale

Auditions du 20 mai 2021

      9 heures 30 : M. Nicolas Parneix, rapporteur, et M. Noël Diricq, contre-rapporteur à la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête de la Cour sur les groupements hospitaliers de territoire

      10 heures 30 : Mme Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Vincent Roques, directeur de cabinet, M. Alexandre Mokédé, responsable du pôle Offre de Soins, Dr Frédéric Martineau, conseiller médical, et M. Marc Bourquin, conseiller stratégique

Auditions du 27 mai 2021

      9 heures 30 : M. Claude Dagorn, Inspecteur général des affaires sociales (IGAS), M. Alain Meunier, Inspecteur général des affaires sociales, et M. Dominique Giorgi, Inspecteur général des affaires sociales, sur le rapport d’enquête sur les groupements hospitaliers de territoire

      10 heures 30 : M. Pascal Benard, vice-président de l’Association des établissements du service public de santé mentale (AdESM) et directeur de l’EPSM Morbihan

      11 heures 30 : Table ronde des associations d’élus locaux :

- Association des maires de France – M. Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé

- Association des petites villes de France – Mme Nathalie Nieson, Maire de Bourg-de-Péage et référente « Santé »

- Association des maires ruraux de France – M. Gilles Noël, maire de Varzy (58)

Auditions du 3 juin 2021

      9 heures 30 : Dr Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d’ARS

      10 heures 30 : Table ronde des représentants des conférences nationales des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers :

- Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers - Dr Thierry Godeau, président, Dr Jean-Marie Woehl, vice-président

- Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers spécialisés - Dr. Christian Müller, président, et Dr Radoine Haoui, vice-président

- Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement de centres hospitaliers universitaires - Pr. François-René Pruvot, président

Déplacement du 5 juillet 2021

      Visite au centre hospitalier de Château-Thierry

- Mme Sylvaine Ducout, directrice du centre hospitalier

- Dr Michel Fiani, président de la commission médicale d'établissement

- Mme Annie Segretin, responsable de la coordination générale des soins

- Dr Nasri Fiani, chef de pôle urgences, consultations externes, pôle de santé public, USMP

- Dr Dany Chdid, chef de pôle femme-mère-enfant

- Dr Nazih Khayat, chef de service de chirurgie,

- Dr Laurence Bourgeois, chef de pôle Médico-social,

- Mme Florence Bertucchi, cadre de pôle urgences, consultations externes, pôle santé public, USMP,

- Mme Aurélie Cerutti, cadre de pôle femme-mère-enfant,

- Mme Nathalie Vasson, représentante syndical CFDT,

- M. Lemoine, représentant syndical CGT

      Visite au centre hospitalier de Soissons, hôpital support

- M. Eric Lagardère, directeur général du Centre hospitalier de Soissons, président du comité stratégique du groupement hospitalier de territoire Saphir

- Dr Badri Matta, président de la commission médicale d'établissement du Centre hospitalier de Soissons, co-président du collège médical du groupement hospitalier de territoire Saphir

- Dr David Molcard, chef du pôle de médecine du Centre hospitalier de Soissons

- Dr Pascal Abboud, chef du pôle femme mère enfant du Centre hospitalier de Soissons

- Mme Sandrine Wick, directrice des soins, présidente de la Commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques du groupement hospitalier de territoire Saphir

- M. Eric Heyrman, directeur de la stratégie, des affaires médicales et des activités médicales du Centre hospitalier de Soissons

- M. Frédéric Facq, directeur des affaires financières du Centre hospitalier de Soissons

- M. José Pulido, directeur des achats du groupement hospitalier de territoire Saphir, directeur des services économiques et logistiques du Centre hospitalier de Soissons

- Mme Ghislaine Girault, cadre du pôle médecine du Centre hospitalier de Soissons

- Mme Céline Facq, cadre du pôle chirurgie anesthésie réanimation urgences du Centre hospitalier de Soissons

- M. Jérôme Casola, représentant du personnel du Centre hospitalier de Soissons, syndicat CFDT

- Mme Virginie Devillers, représentant du personnel du Centre hospitalier de Soissons, syndicat CGT

Audition du 8 juillet 2021

      9 heures : Audition commune :

- Conférence des directeurs généraux de Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) – Mme Marie-Noëlle Gerain-Breuzard, présidente, directrice générale du CHU de Tours, M. Olivier Bossard, directeur général du CHU de Saint-Etienne, M. Didier Hoeltgen, directeur général du CHU de Clermont Ferrand, M. Clément Triballeau, directeur adjoint chargé du Groupement Hospitalier de Territoire de Maine-et-Loire (GHT 49), des coopérations et des parcours, et M. Alexandre Fournier, secrétaire général de la Conférence

- Conférence nationale des directeurs de centre hospitalier (CNDCH) – M. Francis Saint-Hubert, président, Mme Cécilia Waheo, secrétaire générale, et Mme Laurence Bernard, membre du Bureau

Auditions du 15 juillet 2021

      9 heures : Table ronde réunissant les praticiens hospitaliers :

- Jeunes médecins – M. Emanuel Loeb, président

- Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP) – Pr Jean-Pierre Pruvo, secrétaire général

- Action praticiens hôpital (APH) – M. Jean-François Cibien, président

- Avenir Hospitalier – Dr Yves Rébufat, président exécutif, et Dr Anne Wernet, secrétaire générale

- Confédération des Praticiens des hôpitaux – Mme Carole Poupon, présidente

      10 heures 30 : Audition commune :

- Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) – M. Eric Fregona, directeur adjoint

- Fédération Nationale des Associations de Directeurs d’établissements et Services pour Personnes Âgées (FNADEPA)* – M. Jean-Pierre Riso, président

Auditions du 22 juillet 2021

      9 heures : Auditions commune :

- M. Laurent Chambaud, directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP)

- Mme Christel Pierrat, directrice générale adjointe du Centre national de gestion (CNG)

      10 heures : M. Stéphane Pardoux, directeur général de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP)

Auditions du 8 septembre 2021

      16 heures 30 : Mme Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD)*

      17 heures 30 : M. Benoit Vallet, directeur général de l’ARS Hauts-de-France

Déplacement du 9 septembre 2021

      Visite du centre hospitalier de Martigues

- M. Loïc Mondoloni, directeur

- M. Gaby Charroux, maire de Martigues et président du Conseil de Surveillance

- Dr. Stéphane Luigi, président de la Commission médicale d’établissement (CME)

- Dr Lionel Lyes Si Ahmed, vice-président de la CME

- Mme Christine Franckhauser, coordonnatrice générale des soins

- Dr Thierry Bottai, chef de Pôle Psychiatrie adultes

- Dr Franck Hassanaly, chef de service du Laboratoire

- Dr Isabelle Straton Ferrato, chef de Pôle Médecine et chef du service de - Gérontologie

- Dr Harry Toledano, chef du service de Chirurgie Urologique

- Mmes Carine Canale, Laurence Martini et Brigitte Sanchez (CFDT)

- Mme Hélène Honde, M. Michel Nunez et Mme Sandie Pascal (CGT)

      Visite du centre hospitalier spécialisé Edouard Toulouse (Marseille)

- Mme Claire Mopin, directrice adjointe Moyens Opérationnels

- Mme Virginie Pechard, directrice adjointe Ressources Humaines

- M. Dominique Testart, directeur adjoint Finances et Pôle Patients

- M. Jean-Christophe Daly, directeur des Soins

- Dr. Yves Guillermain, président de la CME

- Dr. Gay, responsable de l’Unité Soins précoces

- Dr. Martin, cheffe du Pôle Infanto-juvénile

- Mme Peter, cadre supérieur de santé

- M. Rançon, cadre supérieur de santé

- Dr. Sirere, cheffe du Pôle Adultes Les Vallons

      Visite à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), établissement support du GHT

- Mme Sylvia Breton, directrice générale adjointe

- -Pr. Jean-Luc Jouve, président de la CME

- Mme Karen Inthavong, coordinatrice générale des soins

- Pr. Dominique Rossi, président du Collège médical de GHT

- Mme Sylvia Breton, directrice générale adjointe

- M. Marc Catanas, directeur des soins, CH Aix-en-Provence – Pertuis

- Pr. Pierre Champsaur, chef de service, pilote filière Imagerie

- M. François Giraud-Rochon, directeur des soins, Hôpital du pays Salonais

- Pr. Bruno Lacarelle, chef de pôle, pilote de la filière Biologie

- Dr. André Puget, responsable du SAMU

- Pr Laurent Suissa, chef de service, pilote de la filière Neurovasculaire

- Dr. Didier Zanini, chef de service, pilote de la filière HAD

- Mme Marie Dominique Biard et M. Eric Audouy (CNI)

- Mme Yvette Garcia et M. Sylvain Rio (CFDT)

- M. Guillaume Algrin et M. Greg Fontaine (CGT)

- M. Jean-Michel Carayol et Corinne Jerez (FO)

- M. Philippe Aramini et M. Morgan Huc (UNSA/ SMPS)

- M. Karim Djebali (Sud Santé)

Audition du 13 septembre 2021

      14 heures : M. Jean-Baptiste Lapeyrie, directeur de projet à la Direction du numérique en santé du Ministère des Solidarités et de la Santé, et Mme Caroline Le Gloan, cheffe de bureau des systèmes d'information des acteurs de l'offre de soins (DGOS)

Déplacement du 22 septembre 2021

      Visite à la Fondation Vallée (Gentilly)

- M. Pierre Malherbe, directeur délégué du centre hospitalier Fondation Vallée

- Dr Richard Buferne, praticien hospitalier

- Mme Caroline Moalic, directrice des Soins

- Mme Lydia Massolini, cadre supérieure de Pôle

- M. Patrick Mammano, cadre supérieur de Pôle

- Mme Isabelle Guery, cadre socio-éductaif

- Mme Nathalie Lerun, cadre de santé

      Visite au centre hospitalier spécialisé Paul Guiraud, établissement support du GHT (Villejuif)

- M. Didier Hotte, directeur du centre hospitalier Paul Guiraud et de la Fondation Vallée

- Mme Cécilia Boisserie, adjointe au directeur, secrétaire générale du GHT

- Mme Nadine Malavergne, coordonnatrice générale des soins

- Mme Corinne Boudin-Walter, directrice des achats et des approvisionnements

- M. Daniel Chiche, directeur des systèmes d’information

- M. Bruno Gallet, directeur des finances et du patrimoine

- M. Jean-François Dutheil, directeur des ressources humaines

- Dr Bernard Lachaux, président de la CME

- Dr Ivan Gasman, chef de pôle UMD

- Dr Jean-Louis Lavaud, chef de service 94G10

- Dr Ouardia Otmani, cheffe de pôle Clamart

- M. Noureddine Hachimi, cadre de pôle 94G15

Auditions du 23 septembre 2021

      9 heures : Audition commune des directeurs des établissements du GHT Océan indien

- Centre Hospitalier Universitaire de La Réunion (CHU) – M. Lionel Calenge, directeur général du CHU de La Réunion et du Groupe Hospitalier Est Réunion (GHER), président du Comité Stratégique du Groupement Hospitalier de Territoire de La Réunion

- Centre Hospitalier Ouest Réunion (ex CHGM) – M. Laurent Bien, directeur du CHOR et de l’établissement public de Santé Mentale de la Réunion (EPSMR)

      10 heures : M. Gaétan Casanova, président de l’Intersyndicale Nationale des Internes (ISNI) et M. William Haynes, secrétaire général

      10 heures 45 : Mme Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos santé*, et M. Alexis Vervialle, conseiller technique offre de soins

      11 heures 30 : M. Jérôme Goeminne, président du Syndicat des manageurs publics de santé

Déplacement du 29 septembre 2021

      Visite au CHU de Rouen, établissement support du GHT

- Mme Desjardins, directrice générale

- Pr Michel, président de la CME

- Mme Becret, secrétaire Générale

- Mme Delaire, coordonnatrice générale des soins

- M. François, directeur des systèmes d’information

- M. Mangot, directeur des affaires médicales

- M. Talec, directeur des achats, de l’hôtellerie, de la logistique et de l’ingénierie biomédicale

- Dr Touflet, filière gériatrique

- Pr Vérin, FMIH pharmacie

- Dr Idrissi, filière urgences

- Mme Woinet, cadre supérieur - Pôle FME

- M.  Bergeot, cadre supérieur - Pôle Viscéral

- Mme Perrin, cadre supérieur en rééducation - Pôle 3R

- Mme Vasselin, diététicienne Pôle 3R

- M. Lecompte, IDE du Pôle viscéral

- Mme Leroux, IDE du Pôle médecine

- Entretien avec les syndicats : un représentant de la CGT, de la CFDT, CFTC, de FO, de l’UNSA

      Visite au centre hospitalier Durécu-Lavoisier (Darnétal)

- Mme Séverine Vendrame, directrice

- Mme Valérie Rochette, directrice-adjointe

- M. Renaud, directeur des ressources humaines

- Dr Lefebvre, président de la CME

- Dr Barrel, chef de pôle

- Mme Dumont, cadre supérieure de santé

- M. Deschamps, responsable logistique

- Organisations syndicales FO et CFTC

      Visite au centre hospitalier de Gournay-en-Bray

- M. Olivier Delahais, directeur délégué

- Dr Abdelkader Semmak, représentant la CME

- Mme Sabrina Decagny, cadre supérieur de santé (CSS), coordonnatrice des soins

- Dr Vanessa Chauvire, pharmacien

- Mme Sandrine Fere, infirmière en service SSR, représentante de la Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico-Techniques (CSIRMT) du GHT

- Mme Vanessa Folie, Mme Delphine Boucher et Mme Marianne Hautot (Délégation de représentants élus aux instances)

 

Auditions du 30 septembre 2021

      9 heures : M. Philippe de Mester, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur

      9 heures 45 : Dr Nicolas Homehr, membre du Bureau de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) et Mme Nadie Georget, coordinatrice national

      10 heures 45 : Audition commune des fédérations de l’hospitalisation privée :

- Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP)* – M. François Grimonprez, directeur général adjoint,

- Fédération de l’hospitalisation privée (FHP)* – Mme Christine Schibler, déléguée générale, et Mme Béatrice Noellec, directrice

      12 heures : M. Thomas Deroche, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie

Audition du 28 octobre 2021

      9 heures : Mme Huguette Boissonnat, membre du département santé d’ATD Quart Monde, et Mme Micheline Adobati, militante ATD Quart Monde*

Audition du 25 novembre 2021

      16 heures : Mme Katia Julienne, directrice générale de l’offre de soins au ministère des solidarités et de la santé, Mme Caroline Le Gloan, cheffe du bureau « systèmes d’information des acteurs de l’offre de soins » et M. Hervé de Tanguy, chargé de mission

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 

 


([1]) Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([2]) Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.

([3]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([4]) Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.

([5]) Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d’établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation.

([6]) Étude d’impact annexée au projet de loi n° 2302 relatif à la santé (devenu la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé), datée du 14 octobre 2014.

([7]) Ibid.

([8]) « Les groupements hospitaliers de territoire, exercices 2014 à 2019 », communication à la commission des affaires sociales du Sénat, Cour des comptes, juillet 2020.  

([9]) Décret n° 2016-524 du 27 avril 2016 relatif aux groupements hospitaliers de territoire.

([10]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/16_03_17_intervention_mt_-_installation_comite_de_suivi_ght.pdf

([11]) « Les groupements hospitaliers de territoire, exercices 2014 à 2019 », communication à la commission des affaires sociales du Sénat, Cour des comptes, juillet 2020.  

([12]) « Bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire », C. Dagorn, D. Giorgi et A. Meunier, IGAS, 2019.   

([13])  « Les groupements hospitaliers de territoire, exercices 2014 à 2019 », communication à la commission des affaires sociales du Sénat, Cour des comptes, juillet 2020.  

([14])  Ibid.  

([15]) Décret n° 2016-524 du 27 avril 2016 relatif aux groupements hospitaliers de territoire.

([16]) Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital

 

([17]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([18])  Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([19]) Ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 portant modification du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements matériels lourds.

([20]) « Bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire », C. Dagorn, D. Giorgi et A. Meunier, IGAS, 2019.     

([21]) Ibid.

([22]) Ibid.

([23]) Lancé par la DGOS en 2011, le programme Phare (performance hospitalière pour des achats responsables) est un programme d’efficience fondé sur l’adhésion de la communauté des acteurs de l’achat, l’échange de bonnes pratiques et l’appui à des actions métier.

([24]) Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital.

 

([25]) Ordonnance n° 2021-292 du 17 mars 2021 visant à favoriser l’attractivité des carrières médicales hospitalières

([26]) « Les maladies chroniques », Michel Chassang, Anne Gautier, avis du CESE du 16 juin 2019

([27]) Ibid.  

([28]) Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital.

([29]) Décret n° 2021-675 du 27 mai 2021 relatif aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital.

([30])  Rapport n° 4711 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale, M. Sébastien Jumel, 24 novembre 2021.  

([31]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.  

([32]) Ordonnance n° 2021-582 du 12 mai 2021 relative à la labellisation, à la gouvernance et au fonctionnement des hôpitaux de proximité.