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N° 4817

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur le logement et la précarité des étudiants, des apprentis et des jeunes actifs.

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. David Corceiro et Richard Lioger,

 

Députés

 

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  SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse des travaux de la mission

lISTE DES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

introduction

PREMIÈRE PARTIE : EN DÉPIT DES AIDES À LA PERSONNE, LE LOGEMENT est AU cœur DE LA PRÉCARITÉ DES JEUNES

I. LE LOGEMENT constitue un aspect central DE LA PRÉCARITÉ des jeunes français

A. Les jeunes sont le public le plus touchÉ par la prÉcaritÉ Économique

1. La précarité des jeunes est une tendance longue qui concerne tous les publics

a. Les étudiants, un public divers mais très affecté par la précarité économique

b. Précarité des actifs : les revenus des jeunes stagnent

c. Les étudiants internationaux sont également vulnérables

2. La crise sanitaire a encore aggravé cette situation

a. L’interruption des sources de revenus

b. L’effet d’hystérèse ou effet cicatrice

B. Le logement est un facteur clef de la PRÉcaritÉ

1. Le logement, premier poste de dépense des jeunes

2. L’accession à la propriété, de plus en plus tardive, est réservée aux jeunes les plus aisés

3. Les jeunes ont de vraies difficultés d’accès au parc social qui font l’objet d’efforts spécifiques

II. Les aides publiques permettent de limiter en partie le poids du logement dans les DÉPENSES

A. L’aide personnalisÉE au logement, dispositif historique de soutien au pouvoir d’achat des jeunes français

1. Pour de nombreux jeunes, l’accès au logement dépend des aides publiques

a. L’aide au logement joue un rôle essentiel dans la solvabilisation des jeunes

b. Une notoriété élevée, un non-recours faible

c. L’APL foyers, un dispositif en faveur des jeunes travailleurs

2. Des évolutions qui ont affecté la prestation perçue

a. Diverses évolutions ont affecté la prestation mais ses modalités de versement doivent être améliorées

b. Améliorer la prévisibilité et la compréhensibilité du versement

c. Régler le problème de l’APL en début et fin de versement

B. d’autres dispositifs apportent un soutien ponctuel bienvenu mais insuffisant

1. Les bourses sur critères sociaux

2. La garantie Visale monte en charge mais reste insuffisamment connue par les bailleurs

3. Les autres dispositifs de soutien

III. le logement doit s’insÉRER dans une politique globale de prise en charge des publics

A. L’accompagnement et l’information des publics demandeurs doivent Être des leviers d’amÉlioration

1. L’information au point de contact : le guichet unique à l’université et l’accès à l’information en ligne

2. L’accompagnement dans les procédures

B. une meilleure connaissance du parc doit Être encouragÉE par les nouveaux dispositifs d’observation fonciÈRE

1. L’émergence d’un outil commun de connaissance du parc étudiant

2. La mise en œuvre des observatoires territoriaux doit être encouragée et accompagnée

C. Le dialogue entre les diffÉRENTS intervenants du secteur

1. Les relations entre les universités et les Crous sont très développées

2. Le dialogue entre les acteurs s’est développé mais doit encore être renforcé, notamment en direction du monde HLM

SECONDE PARTIE : UN SEGMENT EMBLÉMATIQUE DE LA CRISE DU LOGEMENT, AVEC UNE RUPTURE STRUCTURELLE ENTRE LA DÉMOGRAPHIE Et LA CAPACITÉ D’ACCUEIL qu’il faut surmonter

I. L’OFFRE HISTORIQUE DE LOGEMENTS À DESTINATION DES JEUNES EST INSUFFISANTE

A. DES ACTEURS HISTORIQUEMENT ENGAGÉS qui peinent À rÉpondre seuls À la croissance de la demande

1. Les Crous, un réseau reconnu, à l’expertise éprouvée, mais dont les capacités sont insuffisantes

2. Les établissements d’enseignement supérieur ont des degrés d’investissement différents dans la thématique du logement

3. Les foyers de jeunes travailleurs (FJT) constituent un modèle d’hébergement et d’insertion dont le développement récent est trop lent

B. Les capacitÉs des acteurs historiques sont insuffisantes

1. L’expansion démographique crée un effet ciseaux

2. Le logement des jeunes, qui a des caractéristiques spécifiques, exige des compétences développées

3. La difficile coordination de l’action publique

a. Un sujet à la croisée des départements ministériels

b. À l’échelle locale, des collectivités plus ou moins investies

4. L’obstacle permanent de la rareté foncière

II. Le secteur s’est dotÉ de nouveaux outils pour affronter ces problÉmatiques

A. la mobilisation des acteurs publics A crÉÉ une conscience collective des besoins

1. Plans nationaux et financements récurrents : une succession d’efforts politiques depuis les années 1990

2. Armer les universités : autonomie et dévolution du patrimoine

3. Les bailleurs sociaux de plus en plus engagés

B. L’ouverture vers le privÉ a permis de mieux rÉPONDRE aux besoins de massification de l’offre mais ne doit pas faire oublier la vocation sociale du logement des jeunes

1. La transition vers l’investissement locatif pour un secteur à la rentabilité de placement élevée

a. Le statut de loueur meublé permet un développement fort de l’offre de logements meublés à destination des jeunes

b. Le « Censi-Bouvard » stimule l’investissement privé dans les résidences

c. Les dispositifs « Louer abordable » permettent la mise sur le marché de logements conventionnés

2. La création et l’ouverture du statut de résidence universitaire sont utiles mais ne doivent pas cantonner l’activité des bailleurs

3. D’autres dispositifs adoptés dans les dernières lois sur le logement ont renforcé l’accès des jeunes au logement

a. L’article 123 de la loi LEC permet aux gestionnaires d’optimiser l’occupation des résidences

b. L’article 109 de la loi ELAN ouvre la possibilité de la réservation de logements sociaux aux jeunes jusqu’à trente ans

c. Des baux spécifiques ont été créés, notamment à l’article 107 de la loi ELAN, pour correspondre aux particularités des publics jeunes

4. Les articles 117 et 128 de la loi ELAN : colocation et cohabitation intergénérationnelle

C. Le dÉveloppement des partenariats entre public et privÉ contribue À rÉpondre au dÉfi posÉ

1. Les dispositifs de l’occupation domaniale : autorisation d’occupation et marché de partenariat

2. Les solutions de la filialisation : les participations des Crous au capital des entreprises publiques locales et la création des sociétés publiques locales universitaires

III. mieux rÉpondre aux enjeux de la prÉcaritÉ dans l’accÈs au logement par une offre plus ciblÉE

A. L’offre De logement À destination des jeunes doit Être lisible et les acteurs centraux mieux valorisÉS

1. Une offre foisonnante et complexe, qui gagnerait à être mieux orientée vers les enjeux de la précarité

2. La typologie des structures d’accueil s’est nettement complexifiée

B. les acteurs publics doivent rester au centre de la production de logements Étudiants

1. Conforter les capacités du logement social

2. Veiller à l’offre de logement très social en faveur des jeunes

a. Renforcer la prise en charge des équipements communs

b. Élargir les prêts disponibles pour les opérations de production

Liste des personnes auditionnÉes

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

SynthÈse des travaux de la mission

lISTE DES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

introduction

PREMIÈRE PARTIE : EN DÉPIT DES AIDES À LA PERSONNE, LE LOGEMENT est AU cœur DE LA PRÉCARITÉ DES JEUNES

I. LE LOGEMENT constitue un aspect central DE LA PRÉCARITÉ des jeunes français

A. Les jeunes sont le public le plus touchÉ par la prÉcaritÉ Économique

1. La précarité des jeunes est une tendance longue qui concerne tous les publics

a. Les étudiants, un public divers mais très affecté par la précarité économique

b. Précarité des actifs : les revenus des jeunes stagnent

c. Les étudiants internationaux sont également vulnérables

2. La crise sanitaire a encore aggravé cette situation

a. L’interruption des sources de revenus

b. L’effet d’hystérèse ou effet cicatrice

B. Le logement est un facteur clef de la PRÉcaritÉ

1. Le logement, premier poste de dépense des jeunes

2. L’accession à la propriété, de plus en plus tardive, est réservée aux jeunes les plus aisés

3. Les jeunes ont de vraies difficultés d’accès au parc social qui font l’objet d’efforts spécifiques

II. Les aides publiques permettent de limiter en partie le poids du logement dans les DÉPENSES

A. L’aide personnalisÉE au logement, dispositif historique de soutien au pouvoir d’achat des jeunes français

1. Pour de nombreux jeunes, l’accès au logement dépend des aides publiques

a. L’aide au logement joue un rôle essentiel dans la solvabilisation des jeunes

b. Une notoriété élevée, un non-recours faible

c. L’APL foyers, un dispositif en faveur des jeunes travailleurs

2. Des évolutions qui ont affecté la prestation perçue

a. Diverses évolutions ont affecté la prestation mais ses modalités de versement doivent être améliorées

b. Améliorer la prévisibilité et la compréhensibilité du versement

c. Régler le problème de l’APL en début et fin de versement

B. d’autres dispositifs apportent un soutien ponctuel bienvenu mais insuffisant

1. Les bourses sur critères sociaux

2. La garantie Visale monte en charge mais reste insuffisamment connue par les bailleurs

3. Les autres dispositifs de soutien

III. le logement doit s’insÉRER dans une politique globale de prise en charge des publics

A. L’accompagnement et l’information des publics demandeurs doivent Être des leviers d’amÉlioration

1. L’information au point de contact : le guichet unique à l’université et l’accès à l’information en ligne

2. L’accompagnement dans les procédures

B. une meilleure connaissance du parc doit Être encouragÉE par les nouveaux dispositifs d’observation fonciÈRE

1. L’émergence d’un outil commun de connaissance du parc étudiant

2. La mise en œuvre des observatoires territoriaux doit être encouragée et accompagnée

C. Le dialogue entre les diffÉRENTS intervenants du secteur

1. Les relations entre les universités et les Crous sont très développées

2. Le dialogue entre les acteurs s’est développé mais doit encore être renforcé, notamment en direction du monde HLM

SECONDE PARTIE : UN SEGMENT EMBLÉMATIQUE DE LA CRISE DU LOGEMENT, AVEC UNE RUPTURE STRUCTURELLE ENTRE LA DÉMOGRAPHIE Et LA CAPACITÉ D’ACCUEIL qu’il faut surmonter

I. L’OFFRE HISTORIQUE DE LOGEMENTS À DESTINATION DES JEUNES EST INSUFFISANTE

A. DES ACTEURS HISTORIQUEMENT ENGAGÉS qui peinent À rÉpondre seuls À la croissance de la demande

1. Les Crous, un réseau reconnu, à l’expertise éprouvée, mais dont les capacités sont insuffisantes

2. Les établissements d’enseignement supérieur ont des degrés d’investissement différents dans la thématique du logement

3. Les foyers de jeunes travailleurs (FJT) constituent un modèle d’hébergement et d’insertion dont le développement récent est trop lent

B. Les capacitÉs des acteurs historiques sont insuffisantes

1. L’expansion démographique crée un effet ciseaux

2. Le logement des jeunes, qui a des caractéristiques spécifiques, exige des compétences développées

3. La difficile coordination de l’action publique

a. Un sujet à la croisée des départements ministériels

b. À l’échelle locale, des collectivités plus ou moins investies

4. L’obstacle permanent de la rareté foncière

II. Le secteur s’est dotÉ de nouveaux outils pour affronter ces problÉmatiques

A. la mobilisation des acteurs publics A crÉÉ une conscience collective des besoins

1. Plans nationaux et financements récurrents : une succession d’efforts politiques depuis les années 1990

2. Armer les universités : autonomie et dévolution du patrimoine

3. Les bailleurs sociaux de plus en plus engagés

B. L’ouverture vers le privÉ a permis de mieux rÉPONDRE aux besoins de massification de l’offre mais ne doit pas faire oublier la vocation sociale du logement des jeunes

1. La transition vers l’investissement locatif pour un secteur à la rentabilité de placement élevée

a. Le statut de loueur meublé permet un développement fort de l’offre de logements meublés à destination des jeunes

b. Le « Censi-Bouvard » stimule l’investissement privé dans les résidences

c. Les dispositifs « Louer abordable » permettent la mise sur le marché de logements conventionnés

2. La création et l’ouverture du statut de résidence universitaire sont utiles mais ne doivent pas cantonner l’activité des bailleurs

3. D’autres dispositifs adoptés dans les dernières lois sur le logement ont renforcé l’accès des jeunes au logement

a. L’article 123 de la loi LEC permet aux gestionnaires d’optimiser l’occupation des résidences

b. L’article 109 de la loi ELAN ouvre la possibilité de la réservation de logements sociaux aux jeunes jusqu’à trente ans

c. Des baux spécifiques ont été créés, notamment à l’article 107 de la loi ELAN, pour correspondre aux particularités des publics jeunes

4. Les articles 117 et 128 de la loi ELAN : colocation et cohabitation intergénérationnelle

C. Le dÉveloppement des partenariats entre public et privÉ contribue À rÉpondre au dÉfi posÉ

1. Les dispositifs de l’occupation domaniale : autorisation d’occupation et marché de partenariat

2. Les solutions de la filialisation : les participations des Crous au capital des entreprises publiques locales et la création des sociétés publiques locales universitaires

III. mieux rÉpondre aux enjeux de la prÉcaritÉ dans l’accÈs au logement par une offre plus ciblÉE

A. L’offre De logement À destination des jeunes doit Être lisible et les acteurs centraux mieux valorisÉS

1. Une offre foisonnante et complexe, qui gagnerait à être mieux orientée vers les enjeux de la précarité

2. La typologie des structures d’accueil s’est nettement complexifiée

B. les acteurs publics doivent rester au centre de la production de logements Étudiants

1. Conforter les capacités du logement social

2. Veiller à l’offre de logement très social en faveur des jeunes

a. Renforcer la prise en charge des équipements communs

b. Élargir les prêts disponibles pour les opérations de production

Liste des personnes auditionnÉes

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES


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   SynthÈse des travaux de la mission

Le logement des jeunes est une urgence absolue : une très grande partie d’entre eux, étudiants, apprentis, stagiaires, intérimaires, inactifs, fait face à une forme ou une autre de précarité, à laquelle participe la difficulté d’accéder au logement. De ce point de vue, les échanges menés par la mission d’information ont fait plus que valider l’intuition initiale qui a occasionné sa création.

Vos rapporteurs ont souhaité souligner en particulier quatre thématiques qui ont ponctué les travaux avec une grande régularité, et mettre en avant quatre préconisations qu’ils souhaitent tout spécifiquement voir prospérer :

 l’accès au foncier continue d’être le plus grand obstacle au déploiement d’une offre de logements adéquate à la demande des jeunes, dont la démographie est dynamique. Face à cela, il est nécessaire, au-delà des dispositifs de décote qui existent déjà, de porter un véritable choc de mobilisation du foncier, en exigeant de nos collectivités publiques la libération gratuite de leurs terrains en vue de projets de logement, éventuellement assortie de clauses de participation aux bénéfices créés (proposition n° 8) ;

 l’autonomisation des universités et la dévolution du patrimoine, processus enclenchés depuis maintenant treize ans, n’ont pas encore porté de fruits à la hauteur des besoins : il est donc nécessaire, à l’heure de la troisième vague de dévolution, de mettre en place un meilleur accompagnement des établissements en termes d’ingénierie et de montée en compétence pour la valorisation immobilière et la gestion d’un parc de logements (proposition n° 15) ;

 la connaissance qu’ont les jeunes du secteur du logement reste approximative, ce qui freine leur accès aux droits et à un logement correspondant à leurs besoins : c’est pourquoi il est nécessaire de massifier l’effort de création de guichets uniques d’accès aux droits pour les jeunes, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur et dans le cadre de la démarche des maisons France services (proposition n° 5) ;

 le parc social existant continue d’être insuffisamment tourné vers les jeunes, et structurellement inadapté à leurs besoins du fait de la longueur des procédures pour y accéder, qui s’accommode mal de la brièveté moyenne des séjours des jeunes : il est donc nécessaire, afin de mieux exploiter le parc social, essentiellement constitué de grandes typologies (T3 ou T4), de massifier le recours à la colocation dans le parc HLM, suivant les possibilités ouvertes par l’article 128 de la loi ELAN (proposition n° 13).

*

La mission d’information s’est en effet attachée, dans le cours de ses travaux, à établir l’état des lieux de la situation économique des jeunes aujourd’hui ainsi que la place, centrale, qu’y tient le logement, afin de pouvoir mieux nourrir ses préconisations sur les moyens d’adapter l’offre de logement aux capacités des jeunes.

Le logement, qui constitue le premier poste de dépense des jeunes, contribue de plus en plus à leur précarisation. Face à la massification de la demande née de la croissance démographique des personnes de 18 à 30 ans, qui constituent les « jeunes » au sens usuel, les prix immobiliers augmentent et sont une dépense difficile à assumer, autant pour les étudiants que pour les jeunes actifs. La crise sanitaire, si elle n’a pas causé ce phénomène, l’a exacerbé.

Vos rapporteurs estiment que l’importance de cette question est allée croissant au cours des dernières décennies, parvenant aujourd’hui à un point critique. Un jeune sur cinq entre 18 et 29 ans, se situe sous le seuil de pauvreté fixé à 60 % du salaire médian. Quant aux étudiants, leurs ressources mensuelles moyennes sont constituées à 40 % d’aides familiales, à un quart de revenus d’activités et à un quart d’aides publiques. La crise a frappé fortement les jeunes, en affectant notamment leur employabilité.

Dans la précarité des jeunes, le logement tient la première place, car les coûts qui y sont associés ne cessent d’augmenter, de façon déconnectée de l’inflation. Pour les étudiants, le logement représente 60 % de leur budget. Les jeunes sont de loin la catégorie d’âge la plus concernée par le statut de locataire du parc privé, car leur accès au logement social est difficile, d’une part, et les portes de l’accession à la propriété se sont fermées avec la hausse des prix. Les jeunes ont un taux d’effort net de 22 % pour les 18-25 ans et de 18,5 % pour les 25-29 ans, contre un taux d’effort de 10,3 % en population générale.

*

C’est pourquoi les aides au logement sont particulièrement précieuses pour ce public : on compte parmi les bénéficiaires des APL 791 000 étudiants et 574 000 non étudiants de moins de 25 ans, dont les allocataires en foyers de jeunes travailleurs. Pour fluidifier le versement des APL et conforter la prise en charge des publics précaires qui en dépendent, il est recommandé de permettre une meilleure prise en charge des périodes de transition en supprimant le mois de carence en début de droits et en faisant durer les droits des étudiants pendant trois mois au-delà des études (proposition n° 3).

L’accès des jeunes au logement dépend aussi de leur meilleure information, et c’est pourquoi les rapporteurs mettent en avant un certain nombre de préconisations en la matière, de l’élargissement des efforts de publicité en matière d’aide au cautionnement (proposition n° 4) à la mise en œuvre à plus large échelle des guichets uniques pour l’accès aux droits dans les universités et à l’anticipation de la formation des jeunes aux problématiques du logement en amont de la décohabitation (proposition n° 6).

Au-delà de la colocation, déjà évoquée, d’autres outils sont indispensables pour faciliter l’accès des jeunes au parc social existant. L’article 109 de la loi ELAN y a contribué de manière décisive, en ouvrant la possibilité de réserver des logements à des jeunes dans les programmes de production de logements locatifs sociaux. Il est possible de renforcer encore cette tendance en remédiant aux déséquilibres du parc social : par le biais des boni de subvention attribués pour la production de logements locatifs sociaux en PLUS et PLAI, il serait possible d’encourager dans les zones tendues la production accentuée de logements en T1 et T2 (proposition n° 1).

Toujours avec le même objectif en tête, il faut prévoir une place pour les jeunes, notamment les jeunes connaissant des difficultés financières, dans les conventions intercommunales d’attribution (CIA) (proposition n° 2).

*

Dans la seconde partie de leur rapport, vos rapporteurs se sont pleinement focalisés sur la mobilisation des efforts afin de promouvoir l’accélération de la production de logements à destination des jeunes.

La France est en effet caractérisée par une démographie dynamique qui se traduit par une expansion rapide de la population âgée de 18 à 30 ans. Les effectifs des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur, qui sont aujourd’hui 2,7 millions, ont été multipliés par 9 depuis 1960 et ont connu une augmentation de plus de 50 % entre 1990 et aujourd’hui. Ils doivent encore progresser nettement sur la prochaine décennie.

Bien que le parc de logements étudiants ait crû au cours des dernières décennies, notamment avec la création d’aides fiscales à l’investissement locatif, telles que le dispositif fiscal Censi‑Bouvard, qui doit faire l’objet d’une évaluation prochaine, des efforts restent à faire. Les outils juridiques pour favoriser une offre adaptée aux besoins des étudiants ont été renforcés avec la création d’instruments comme le bail mobilité et le statut de résidence universitaire. En dépit de ces efforts, la production reste nettement insuffisante pour faire face aux besoins enregistrés.

Le logement pour jeunes est un produit spécifique qui a justifié longtemps que le secteur soit réservé aux acteurs spécialisés, notamment les résidences universitaires gérées par les Crous, et les foyers de jeunes travailleurs. Face à l’ampleur de la demande, l’offre de ces acteurs historiques ne suffit pas et doit être complétée par celle d’autres acteurs.

Néanmoins, les capacités d’action des Crous doivent être protégées, car ce sont les acteurs incontournables, sinon de la production, du moins de la gestion du parc de résidences universitaires, souvent produites par les bailleurs sociaux. Les outils de production à la main des Crous, acteur central du logement étudiant, se sont complexifiés ces dernières années, avec la fin de certaines possibilités de valorisation domaniale. Ces facultés doivent être enrichies en favorisant l’entrée des Crous au capital des entreprises publiques locales (proposition n° 14).

Les établissements publics de l’enseignement supérieur doivent également être considérés, comme évoqué à propos de la dévolution du patrimoine, comme des acteurs de premier rang dans la question du logement des jeunes. L’autonomie des universités et les trois vagues de dévolution de leur patrimoine qui ont eu lieu depuis 2008 ont porté en partie leurs fruits, et il y a lieu de continuer à inciter les établissements d’enseignement supérieur à se saisir pleinement de ces sujets. C’est pourquoi il faut aussi permettre aux universités de créer des filiales sociétés publiques locales pour gérer leurs problématiques immobilières (proposition n° 15).

Quant aux foyers de jeunes travailleurs, leur production, assez lente depuis quelque temps, doit être massifiée, en mobilisant notamment davantage l’aide à la gestion locative sociale (AGLS) (proposition n° 19).

Les outils créés ces dernières années pour lutter contre la hausse des coûts du foncier peuvent être mis à profit dans la production de logements à destination de publics spécifiques. S’agissant de secteurs particulièrement concernés par des mécanismes d’intermédiation institutionnelle, en l’occurrence par le biais d’associations d’exploitation de résidences, ces acteurs peuvent être mis en possession de moyens nouveaux. Les mécanismes de dissociation du foncier et du bâti, et notamment les baux réels solidaires, peuvent permettre l’exploitation de résidences par les gestionnaires, auxquels des organismes de foncier solidaire auront cédé la propriété du bâti, leur permettant de proposer des loyers qui n’intègrent pas pleinement les coûts du foncier (proposition n° 9).

Face à la complexité et à la multiplicité des produits proposés aux jeunes, qui ont parfois des règles d’attribution peu claires, il est également nécessaire de favoriser le montage de programmes mixtes étudiants/jeunes actifs et de casser la segmentation entre produits (proposition n° 12), comme certains bailleurs sociaux ont pris l’habitude de le faire depuis quelques années en proposant des produits intergénérationnels.

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La production de logements étudiants doit aussi être confortée dans tous ses horizons opérationnels. Ainsi, il semblerait opportun de favoriser les opérations de transformation qui impliquent la réhabilitation d’immobiliers d’activités, et notamment de bureaux, hôtels ou hôpitaux, vers des logements étudiants, la trame similaire des bâtis permettant des transitions à faible coût (proposition n° 16), le cas échéant en exploitant la possibilité de modifier les destinations des bâtiments dans les documents d’urbanisme.

Il faut aussi mieux mettre à profit le développement de la construction industrielle, et en particulier de la construction modulaire, procédé constructif permettant la livraison rapide et à coût restreint d’une offre massive de nouveaux logements, pour construire du logement à destination des jeunes (proposition n° 17).

Vos rapporteurs estiment qu’il est nécessaire de renforcer l’offre de logement très social pour jeunes, en faveur notamment des étudiants en difficulté financière, particulièrement en Île-de-France, en massifiant l’offre de logements locatifs très sociaux autour des universités nouvelles et des instituts universitaires de technologie construits dans le cadre du plan « Université 2000 » (proposition n° 18).

Les conditions de financement des structures pour jeunes étant particulièrement difficiles, il est possible de permettre un meilleur financement des espaces communs et des travailleurs sociaux pour les associations de gestion des résidences étudiantes sur le modèle des foyers de jeunes travailleurs, en ouvrant notamment la prise en charge des espaces communs et prestations communs au titre de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS) (proposition n° 19).

Il est également nécessaire de réfléchir plus largement sur les modalités du financement des opérations de logement étudiant. En effet, le financement en prêt locatif social (PLS), qui constitue aujourd’hui la norme hors Île-de-France, ne peut suffire pour relancer durablement la production de logements étudiants. Les niveaux de loyers ciblés ne correspondent pas aux ressources de la plupart des étudiants, et il en résulte une difficulté des bailleurs à équilibrer les opérations.

Le PLS n’étant pas un prêt subventionné, le bailleur bénéficie uniquement des aides fiscales qui accompagnent ces prêts, certes utiles mais qui ne permettent pas systématiquement l’équilibre. C’est la raison pour laquelle, en Île-de-France, les opérations peuvent être financées en prêt locatif à usage social (PLUS). De fait, un bailleur admet que les opérations parisiennes qui fonctionnent financièrement sont celles qui sont financées à plus de 50 % par les aides publiques.

L’expérimentation, lancée en octobre 2021 et que vos rapporteurs avaient souhaitée, du financement en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) des résidences universitaires destinées aux étudiants boursiers en Île-de-France, est une très bonne chose, et, à l’instar de cette initiative, il apparaît nécessaire d’ouvrir de nouvelles possibilités de financement pour les opérations de production de logements à destination des étudiants.

À cet effet, vos rapporteurs préconisent d’ouvrir, à titre expérimental, des appels à projets en PLUS pour des projets de construction de logements à destination des étudiants dans le reste du territoire (proposition n° 2).

 


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   lISTE DES PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1. Par le biais des boni de subvention attribués pour la production de logements locatifs sociaux en PLUS et PLAI, équilibrer la production de logements de façon à obtenir, dans les zones tendues marquées par une forte demande pour les petites surfaces, une production accentuée de logements en typologie T1 et T2.

Proposition n° 2. Prévoir une place explicite pour les jeunes, notamment les jeunes connaissant des difficultés financières, dans les dispositifs des conventions intercommunales d’attribution (CIA), afin de faciliter l’accès des jeunes au parc social existant.

Proposition  3. Supprimer le mois de carence en début de droits à l’aide personnalisée au logement (APL) et faire durer les droits des étudiants pendant trois mois au-delà des études, afin de permettre une meilleure prise en charge des périodes de transition des jeunes. Lisser les périodes de transition pendant les études en assurant une reprise des versements rapide à l’issue des déménagements.

Proposition  4. Élargir les critères d’attribution de la garantie Visale en rehaussant les plafonds de ressources applicables, de façon à permettre, pour les jeunes de 18 à 30 ans, une couverture universelle, et améliorer l’information sur les aides au cautionnement.

Proposition n° 5. Systématiser les guichets uniques dans les établissements d’enseignement supérieur afin de renseigner les étudiants, en début de scolarité, sur les aides disponibles et sur les démarches à accomplir, et mettre en œuvre une démarche logement, notamment conçue en direction des jeunes, dans le cadre des maisons France services.

Proposition  6. Anticiper la formation des jeunes aux problématiques du logement en offrant des séances d’information en amont de la décohabitation, en classe de terminale, afin de les préparer au mieux au passage dans le supérieur.

Proposition n° 7. Prévoir la délimitation par les collectivités, dans leur plan local d’urbanisme, de secteurs propices au développement du logement des étudiants et des jeunes actifs, en se fondant notamment sur des critères de proximité des établissements d’enseignement supérieur et d’accessibilité en transport public.

Proposition n° 8. Libérer gratuitement, ou à prix fortement décoté, le foncier public pour des projets de production de logements avec des parts obligatoires destinées aux jeunes, en assortissant la cession de clauses de participation de la collectivité publique cédante aux bénéfices des logements créés.

Proposition n° 9. Encourager l’usage des baux réels solidaires à destination du logement des jeunes en renforçant les missions des organismes de foncier solidaire dans ce sens et en les sensibilisant à la possibilité de conclure avec une association d’exploitation de résidence étudiante un bail de longue durée.

Proposition n° 10. Dans le cadre de la troisième vague de dévolution du patrimoine universitaire, mieux accompagner les établissements d’enseignement supérieur dans le renforcement de leurs capacités d’ingénierie et de maîtrise des projets de développement immobilier et de développement de l’habitat.

Proposition n° 11. Dans le cadre de la démarche d’évaluation de la réduction d’impôt Censi-Bouvard, mener une réflexion générale sur les moyens de financement des résidences pour jeunes et comparer la dépense publique en faveur de l’investissement public et privé.

Proposition n° 12. Favoriser les programmes mixtes et casser la segmentation des logements à destination des jeunes en produits étudiants et jeunes actifs, comme le font localement certains organismes de logement social. Encourager le recours par les bailleurs sociaux et autres maîtres d’ouvrage à des solutions d’investissement hybrides mêlant différentes typologies de logement, afin de favoriser la mixité sociale des opérations et de maximiser les opportunités de création de logement à destination des jeunes.

Proposition n° 13. Massifier le recours par les organismes de logement social à la colocation de façon à exploiter de manière optimale les superficies disponibles. Mieux informer les locataires aux possibilités offertes par la colocation en HLM.

Proposition n° 14. Ouvrir aux Crous la faculté d’entrer au capital des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte, afin de favoriser les projets menés en partenariat avec les autres acteurs locaux et notamment les collectivités et les bailleurs sociaux.

Proposition n° 15. Permettre aux établissements publics de l’enseignement supérieur de mieux diversifier leurs activités en direction de la création de logements en leur ouvrant la possibilité de créer des filiales sociétés publiques locales universitaires.

Proposition n° 16. Faciliter la réhabilitation par trame des patrimoines fonciers facilement transformables, notamment les immeubles de bureaux, cliniques, complexes hôteliers, etc. Faire conduire par les opérateurs pertinents, une coordination des recensements territoriaux des espaces concernés.

Proposition n° 17. Mobiliser les possibilités de la construction modulaire en simplifiant l’octroi des autorisations d’urbanisme pour ces projets, afin d’accélérer la construction de logements économes.

Proposition n° 18. Massifier l’offre de logements locatifs très sociaux à destination des étudiants en difficulté financière, notamment en résidence universitaire, autour des universités nouvelles et des instituts universitaires de technologie construits dans le cadre du plan « Université 2000 ».

Proposition n° 19. Permettre un meilleur financement des espaces communs et des travailleurs sociaux pour les associations de gestion des résidences étudiantes sur le modèle des foyers de jeunes travailleurs, en ouvrant notamment la prise en charge des espaces communs et prestations communs au titre de l’AGLS.

Proposition n° 20. À l’instar de l’expérimentation menée en matière de financement en PLAI en Île-de-France, ouvrir de nouvelles possibilités de financement pour les opérations de production de logements à destination des étudiants. Expérimenter l’ouverture d’appels à projets en PLUS pour des projets de construction dans le reste du territoire.


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   introduction

 

En fin de législature et après une période particulièrement difficile pour notre jeunesse du fait de la crise sanitaire, vos rapporteurs ont souhaité dresser le bilan des politiques menées en faveur de la réalisation de logements à destination de ces publics marqués par la précarité.

La crise du logement des jeunes ne date pas de la crise sanitaire. En 2013 déjà, la fondation Abbé Pierre notait que les personnes âgées de 18 à 30 ans connaissaient des difficultés particulières dans l’habitat, près d’un tiers d’entre eux occupant un logement trop exigu, et un autre tiers éprouvant des difficultés à chauffer leur logement ([1]). Avant cette date, deux rapports réalisés en 2004 et en 2008 par le député Jean‑Paul Anciaux avaient attiré l’attention collective sur les difficultés croissantes éprouvées par les étudiants pour se loger ([2]) .

Il s’agit en effet d’une situation durable, ancrée depuis longtemps dans le paysage français. Résultat à la fois des difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail et d’une production insuffisante de logements correspondant aux besoins de ces publics, la crise du logement des jeunes se situe à la confluence de questions de précarité et de logement.

En 2021, la population âgée de 15 à 29 ans s’élevait à plus de 11,5 millions de personnes, représentant plus de 17 % de l’ensemble des Français. À cela s’ajoutent 370 000 étudiants étrangers. Nombre de ces jeunes sont aujourd’hui déclassés, appauvris, déshérités et inquiets pour leur avenir. Face aux enjeux préoccupants qui se dressent devant eux, comme le changement climatique, leur impuissance vécue est forte. En même temps, leurs moyens sont réduits pour faire face aux problèmes du quotidien.

La mission d’information issue de la volonté des deux rapporteurs a été créée le 1er juin 2021. Son origine résulte de ce double constat : celui d’une précarité persistante des jeunes de tous profils, et celui de la difficulté que nous avons à loger nos jeunes dans de bonnes conditions. Les travaux des deux co-rapporteurs ont donc visé à mesurer et évaluer le poids du logement dans la précarité économique des jeunes Français, qu’ils soient étudiants, jeunes salariés, en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, ou sans emploi ni formation.

Ce diagnostic établi, les rapporteurs ont pu recueillir et mûrir des préconisations en vue d’agir sur la part des ressources consacrée au logement, notamment par le biais des aides publiques, des dispositifs de soutien ou encore d’une augmentation de la production de logements.

La mission a porté aussi, dès le début de ses travaux, sur les conditions de la production de logements à destination des jeunes. Vos rapporteurs se sont attachés à comprendre les raisons, en dépit du volontarisme politique de plusieurs majorités successives, de l’insuffisance structurelle de cette offre. À cette fin, ils ont échangé avec l’ensemble des acteurs du secteur : administrations, collectivités, chercheurs, bailleurs sociaux, Crous, promoteurs, investisseurs, associations de gestion et d’exploitation de résidences étudiantes, syndicats étudiants, présidents d’université et de grandes écoles, etc. Cette mise en commun permet d’élaborer des solutions nouvelles pour fluidifier et intensifier la production de logements abordables et de bonne qualité pour les jeunes, afin de résorber durablement la crise du logement qui les concerne.

Le logement, qui constitue le premier poste de dépense des jeunes, contribue de plus en plus à leur précarisation. Face à la massification de la demande née de la croissance démographique des personnes de 18 à 30 ans, qui constituent les « jeunes » au sens usuel, les prix immobiliers augmentent et sont une dépense difficile à assumer, autant pour les étudiants que pour les jeunes actifs. La crise sanitaire, si elle n’a pas causé ce phénomène, l’a exacerbé.

Les jeunes rencontrent en effet des problématiques spécifiques et des difficultés importantes dans leur accès au logement : beaucoup n’ont pas les moyens de payer un loyer au prix du marché. Quand ils le peuvent, il arrive fréquemment qu’ils subissent une méfiance particulière de la part des bailleurs privés. De plus, alors que le taux de chômage des jeunes est presque deux fois supérieur à celui des autres actifs, ils ne bénéficient pas toujours d’allocations ou de revenus sociaux qui les aideraient dans leur insertion. Enfin, pour les plus précaires, il est difficile de mobiliser l’accompagnement dont ils auraient besoin.

Du point de vue universitaire, le logement des étudiants, comme l’affirme la Conférence des présidents d’université, est indissociable de leur réussite. Une concentration exclusive sur la qualité des formations, au détriment des conditions de vie et de travail matérielles des étudiants, affecterait fortement le succès des études. C’est pourquoi vos rapporteurs estiment qu’il est de première importance que les établissements d’enseignement supérieur se saisissent pleinement de cette problématique et deviennent des acteurs de premier rang sur la question du logement. Cette dynamique, encore depuis l’automisation des universités et le lancement de la dévolution de leur patrimoine en 2007, gagnerait à être encore nettement amplifiée et accélérée.

Il en va de même pour les jeunes travailleurs, qu’ils soient en contrat, en stage, en intérim ou en alternance : leur travail a moins de chances de d’être performant et d’aboutir à un accès pérenne à l’emploi s’il n’est pas adossé à une situation de logement compatible et pertinente, autant en termes de confort, de qualité du cadre de vie et d’accessibilité.

Le logement n’est pas seulement pour ces publics un produit de première nécessité mais un service, qui participe de leur mobilité ainsi que de l’attractivité et de la notoriété des établissements : une université moins dotée en résidences éprouvera davantage de peine à positionner son offre vis-à-vis des étudiants prospectifs, notamment internationaux.

C’est pourquoi il a semblé particulièrement essentiel de consacrer les travaux de la mission d’information à la recherche des moyens qui pourraient nous permettre, collectivement, de mieux traiter cette question en massifiant durablement la production de logements à destination des étudiants et des jeunes actifs.

Les solutions évoquées couvrent, du point de vue de l’usager, l’ensemble du parcours de l’accès au logement pour les jeunes, de l’information sur les dispositifs qu’ils peuvent recevoir au travail ou à l’université, à l’accès concret à un bail dans le parc social ou le parc privé, en passant par la perception des aides publiques qui leur sont ouvertes.

Il est également nécessaire de réfléchir en adoptant la perspective des différents acteurs de la chaîne du logement : celle des collectivités territoriales, par exemple, qui ne sont pas toujours des intervenants directs dans le logement des étudiants, mais peuvent agir, par leurs documents d’urbanisme, pour en encourager la création ; ou encore celle des administrations, qui peuvent mieux associer les gestionnaires des résidences étudiantes aux thématiques de la gouvernance et de la production de nouvelles places.

La mise en œuvre des recommandations contenues dans ce rapport nécessite avant tout un volontarisme résolu, prêt à affronter les difficultés particulières dues à la rareté foncière, à la longueur des projets de construction ou aux problématiques inhérentes à la gestion des résidences pour jeunes, qui caractérisent le sujet. Il est nécessaire de construire un environnement local, avec les élus, les établissements, les Crous, les associations, qui soit propice au développement des questions de logement. La responsabilisation des acteurs est ainsi au cœur de la plupart des questions ouvertes par les travaux des rapporteurs.

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
EN DÉPIT DES AIDES À LA PERSONNE, LE LOGEMENT est AU cœur DE LA PRÉCARITÉ DES JEUNES

La mission d’information s’est attachée, dans le cours de ses travaux, à établir l’état des lieux de la situation économique des jeunes aujourd’hui ainsi que la place, centrale, qu’y tient le logement, afin de pouvoir mieux nourrir ses préconisations sur les moyens d’adapter l’offre de logement à leurs capacités.

I.   LE LOGEMENT constitue un aspect central DE LA PRÉCARITÉ des jeunes français

Le logement, qui constitue le premier poste de dépense des jeunes, contribue de plus en plus à leur précarisation. Face à la massification de la demande née de la croissance démographique des personnes de 18 à 30 ans, qui constituent les « jeunes » au sens usuel, les prix immobiliers augmentent et sont une dépense difficile à assumer, autant pour les étudiants que pour les jeunes actifs. La crise sanitaire, si elle n’a pas causé ce phénomène, l’a exacerbé.

A.   Les jeunes sont le public le plus touchÉ par la prÉcaritÉ Économique

Au-delà du nombre de jeunes touchés par la pauvreté – un sur cinq – la plupart des étudiants, des jeunes actifs et des jeunes sans emploi ni formation connaissent des difficultés économiques dont l’importance se renforce.

1.   La précarité des jeunes est une tendance longue qui concerne tous les publics

La précarité des jeunes n’est pas une problématique nouvelle, loin s’en faut, mais il s’agit bel et bien d’une question dont l’importance est allée croissant au cours des dernières décennies, comme l’ont reconnu l’ensemble des acteurs rencontrés par vos rapporteurs. Ainsi, selon les représentants de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), les acteurs sociaux avec lesquels ils travaillent font régulièrement le constat inquiétant du rajeunissement de la population pauvre à laquelle ils ont affaire.

Cette réalité est d’autant plus préoccupante que les populations précaires sont plus difficiles à suivre, et qu’une partie des jeunes les moins aisés, au moment de quitter le domicile familial, ne sont plus éligibles aux prestations sociales (aide au logement, prime d’activité, revenu de solidarité active) et « disparaissent des radars » des caisses d’allocations familiales. La Cnaf a ainsi estimé que les 50 000 lits des foyers de jeunes travailleurs ne sont pas suffisants pour répondre entièrement à la question.

 

a.   Les étudiants, un public divers mais très affecté par la précarité économique

La population jeune est plus touchée par la précarité que la population générale. Selon les données annuelles publiées par l’Insee en octobre 2021, d’après les chiffres de 2019, 12,3 % des 18-29 ans et 11,5 % des moins de 18 ans se trouvaient sous le seuil de pauvreté fixé à 50 % du salaire médian, soit, respectivement, 4 et 3 points de plus que l’ensemble de la population. Ils sont également 19 % et 20,2 % à vivre sous le seuil de pauvreté à 60 % du salaire médian, soit 6 points de plus que l’ensemble de la population.

taux de pauvretÉ au seuil de 60 % DU SALAIRE mÉdian, par tranche d’âge
en 2019

Source : Insee, Pauvreté selon l’âge et le seuil en 2019, octobre 2021.

Toujours en études ou tout juste sortis de celles-ci, les jeunes ne disposent pas de revenus similaires aux personnes plus engagées dans la vie active. Cette constante économique est bien documentée par la théorie économique. Par exemple, la théorie des cycles de vie développée par l’économiste Franco Modigliani a permis de démontrer que le début de la vie d’adulte est un temps de désépargne pour l’individu, caractérisé par des revenus inférieurs à sa fonction de consommation.

Au-delà de l’excédent de précarité des jeunes par rapport aux autres classes d’âge, qui s’explique facilement (voir encadré), l’évolution tendancielle de la précarité des jeunes en termes absolus pose question. Entre 2002 et 2011, la part des jeunes situés sous le seuil de pauvreté a augmenté de 5 points. Elle stagne depuis entre 19 et 20 %. Il y a donc, à moyen terme, une hausse substantielle en valeur absolue des jeunes qui subissent une situation de précarité économique. Cette hausse, apparue lors de la crise financière de 2008 et de la crise de la dette dans la zone euro, ne s’est pas résorbée malgré la stabilisation des indicateurs de croissance et l’inversion du cycle économique.

évolution du taux de pauvreté au seuil de 60 % du salaire médian,
par tranche d’âge

Capture d’écran 2021-11-16 à 15.34.18.png
Source : Insee, Pauvreté selon l’âge et le seuil 2019, octobre 2021.

Néanmoins, l’accroissement récent de la précarité étudiante ne fait pas l’objet d’un consensus. Pour sa part, l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) rapporte, entre les années 2016 et 2020, une baisse de trois points de pourcentage, de 29 % à 26 %, des populations étudiantes qui disent vivre de manière précaire.

Cette tendance, saluée par certaines des personnes que vos rapporteurs ont auditionnées, bien que d’autres aient soutenu plutôt l’idée d’une dégradation du niveau de vie étudiant, pourrait traduire selon elles une amélioration générale de la situation économique des étudiantes, sans que ces résultats ne puissent être confirmés en 2021 du fait de la crise sanitaire. Selon les chiffres de l’OVE, près d’un tiers des étudiants sondés ont rapporté avoir traversé des difficultés financières du fait de la crise sanitaire.

Le public jeune représente des millions de personnes confrontées à des réalités différentes et à des difficultés propres. Elles ne subissent pas tous la précarité de la même façon. Au sein de ce public certains font des études, sont apprentis ou stagiaires, d’autres encore sont des actifs déjà au travail, enfin un nombre d’entre eux ne sont ni en emploi, ni en étude. Il convient également de distinguer les jeunes étudiants nationaux et les étrangers.

L’Observatoire national de la vie étudiante, dans le cadre des études statistiques qu’il entreprend de manière régulière, a eu l’occasion de quantifier précisément la précarité des jeunes de 18 à 30 ans, ce qui permet d’établir une typologie des catégories les plus touchées par la précarité :

– les jeunes actifs, âgés de plus de 26 ans ;

– les étudiants étrangers ;

– les étudiants ayant dû cesser l’exercice de leur activité professionnelle.

Les ressources des jeunes sont corrélées à leur situation. Les étudiants ont les revenus les plus instables, puisque leurs études contraignent leurs opportunités d’emploi. Selon la dernière enquête de l’OVE sur les conditions de vie des étudiants ([3]), réalisée entre le 12 mars et le 25 mai 2020, les ressources mensuelles moyennes des étudiants sont de 919 euros. D’après cette enquête, les budgets étudiants laissent apparaître trois sources principales de revenus, qui composent ensemble 90 % des ressources :

– les aides de la famille, qui constituent en moyenne 42 % des ressources des étudiants ;

– les revenus d’activité (25 %) pour un montant moyen de 728 euros. En réalité, si on conclut à une part moindre des revenus d’activité dans la répartition générale du budget étudiant, ceux-ci représentent – lorsque l’étudiant est salarié – la source de revenus la plus importante en termes de montant ;

– les aides publiques (23 %) : ces aides sont multiples. Si l’aide au logement et la bourse sur critères sociaux (BCS) restent les plus connues, il en existe un grand nombre, telles que les aides au mérite, le prêt étudiant garanti par l’État, les aides d’urgence ou encore les bourses de mobilité.

Lorsque l’une de ces trois sources vient à manquer, le pouvoir d’achat des étudiants est directement affecté. Cela peut être le fait, ces dernières années, d’une baisse de l’une ou l’autre aide publique ou la perte de l’emploi étudiant.

En dehors des ressources, les dépenses des étudiants peuvent également être affectées, du fait notamment de la hausse des frais de vie et particulièrement des coûts des études.

Si la règle de la quasi-gratuité s’applique à plus de 82 % des étudiants de l’enseignement supérieur public, elle ne vaut pas pour ceux inscrits dans les établissements publics ayant entrepris, à des degrés divers et depuis plusieurs années, d’utiliser les droits comme des instruments financiers à part entière dans une stratégie d’accroissement de leurs ressources propres. Ce mouvement ne concerne, à ce stade, qu’une partie réduite de l’enseignement supérieur public, que ce soit en termes de catégorie d’établissement, de profil d’étudiants ou de nature de formation ([4]).

b.   Précarité des actifs : les revenus des jeunes stagnent

En premier lieu, les rémunérations des apprentis et des stagiaires doivent interroger quant à leur niveau.

Être apprenti permet de toucher, au minimum, entre 410,70 euros et 1 522 euros bruts, en fonction de l’âge et du niveau d’études. Il faut ajouter à cela plusieurs aides qui leur sont spécifiques. Leurs frais de scolarité seront ainsi pris en charge par l’entreprise, ils bénéficieront de la prime d’activité. Néanmoins, la majorité d’entre eux ont un salaire inférieur au salaire minimum et ils constituent donc un public précaire.

En 2020, la gratification moyenne des stagiaires s’élevait à 935 euros par mois, en baisse de 9,7 % par rapport à 2019 (1 036 euros). Cette gratification moyenne recouvre des réalités multiples avec des grandes disparités. Un stagiaire ne peut être rémunéré en dessous du minimum légal fixé à 3,90 euros de l’heure, soit 600,60 euros par mois. Le niveau d’études, le secteur d’activité, la taille de l’entreprise et la ville du stage influent grandement sur les rémunérations. Ainsi, la gratification moyenne d’un stagiaire en finance de marché s’élève à 1 676 euros, contre 703 euros pour un stagiaire en communication.

De façon générale, les études sur le niveau salarial des jeunes sur le marché de l’emploi font ressortir que l’âge fait partie des critères déterminants qui affectent les rémunérations des salariés. Le revenu annuel salarial moyen des moins de 25 ans est à 7 490 euros, celui des 25-39 ans à 19 220 euros et celui des 40-49 ans à 30 150 euros.

Le niveau de vie des jeunes a globalement progressé entre 1998 et 2018, l’augmentation mesurée se situant autour de 17 %. C’est moins que l’augmentation du niveau de vie de l’ensemble de la population (19 %) et que celle des 65-74 ans (22 %) en particulier. Cette hausse n’a pas été linéaire : alors que les jeunes ont largement profité de la reprise économique de la fin des années 1990, et ont presque rattrapé le reste de la population, un ralentissement à partir de 2002 a amplifié l’écart intergénérationnel. Au cours des quatorze années suivantes, le niveau de vie annuel des jeunes n’a augmenté que de 67 euros, alors que celui des 65-74 ans a grimpé de 2 900 euros.

La crise sanitaire a largement dégradé l’employabilité des jeunes. Selon le baromètre de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), 69 % des diplômés avec un niveau bac + 5 de la promotion 2019 ont trouvé un emploi dans l’année qui a suivi leur sortie du système scolaire ([5]), contre 85 % pour ce qui concerne la promotion 2018. De plus, cette génération a été plus durement touchée par les emplois précaires, 59 % seulement d’entre eux ayant trouvé un emploi en contrat à durée indéterminée (CDI), ce qui représente une baisse de dix points par rapport à l’année précédente. Ils ont, en outre, connu une baisse moyenne du salaire brut annuel de 3 %, cette baisse ayant été plus prononcée chez les femmes (7 %) que chez les hommes (1 %).

Il apparaît aussi à partir des auditions menées par vos rapporteurs que la tendance croissante au cumul emploi-études, si elle peut emporter des conséquences positives, ne résorbe pas, loin s’en faut, la vulnérabilité des étudiants. La part des jeunes de 20 à 24 ans qui occupent un emploi tout en poursuivant leur formation initiale a progressé entre le début des années 2000 et la fin des années 2010, passant de 18 % à 25 %, celle des 15 à 19 ans étant restée, elle, stable.

Évolution de la part des jeunes qui ont un emploi parmi ceux qui poursuivent leurs Études initiales, entre 2003 et 2016

Source : données de l’Institut national de la statistique et des études économiques, enquêtes « Emploi » (MEFR/INSEE) ; calculs de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (MENJS/DEPP).

Le cumul emploi-études, s’il permet d’assurer un certain apport financier, impose un rythme plus soutenu aux jeunes qui y ont recours. Les représentantes de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) auditionnées par vos rapporteurs ont souligné l’importance de ce sujet et ont tenu à rappeler que les étudiants n’ont pas vocation à travailler en parallèle de leurs études, mais à suivre leurs cours. Selon l’organisation syndicale, une activité salariée pendant la formation conduit inévitablement à un taux d’échec plus important des étudiants.

Les représentants de la Conférence des présidents d’universités (CPU) ont proposé, pour pallier ces difficultés, l’ouverture d’un plus grand nombre de postes, notamment de tutorat et d’enseignement, à destination des jeunes au sein même des universités, pour leur permettre d’accéder à un revenu. Plusieurs études ont mesuré le rôle de ses activités dans la réussite des étudiants ([6]).

Le cas des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation

Selon une étude de l’Insee de 2021, les jeunes de 15 à 29 ans, ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) sont près de 1,5 million ([7]). Ils représentent 12,9 % de l’ensemble de cette population. Au sein de la tranche d’âge 25 à 29 ans, le ratio atteint même un jeune sur cinq.

Parmi eux, 47 % de ces jeunes NEET se trouvent au chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) ([8]), 20 % sont inactifs et souhaitent travailler mais ne remplissent pas les critères nécessaires pour être considérés chômeurs, enfin, 33 % sont inactifs et ne souhaitent pas travailler (problèmes de santé, enfant à charge, etc.)

Le statut NEET varie selon le sexe et l’âge. Avant 21 ans, les femmes ont plus tendance à suivre des études et sont donc moins susceptibles de relever ce statut. Après 22 ans, la tendance s’inverse, le taux d’emploi des jeunes femmes progressant moins malgré un taux de chômage plus faible, elles sont plus souvent inactives, souvent en raison de la naissance d’un enfant. En moyenne, près de deux femmes NEET sur trois sont mères.

c.   Les étudiants internationaux sont également vulnérables

La plupart des acteurs ont attiré l’attention de vos rapporteurs sur le cas particulier des étudiants internationaux. En 2020-2021, 365 000 étudiants étrangers sont présents en France en mobilité longue, selon les chiffres communiqués par le ministère chargé de l’enseignement supérieur. Ceux-ci sont plus vulnérables et souvent moins bien aidés que les locaux. La crise sanitaire les a également affectés, ceux qui ne pouvaient retourner chez eux s’étant parfois retrouvés dans des situations de grand isolement, et d’autres ayant dû poursuivre leur cursus avec parfois un décalage horaire important.

La situation des étudiants extracommunautaires a également pu être aggravée du fait de l’augmentation des frais de scolarité qui leur sont demandés depuis la réforme des frais différenciés, intervenue dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie « Bienvenue en France ». Les montants des droits d’inscription pour les étudiants internationaux extracommunautaires sont fixés, hors taux réduits, à 2 770 euros par an en licence et 3 770 par an pour le grade master ([9]).

Comme le relève la Cour des comptes dans une communication de novembre 2018, certains établissements portent des stratégies de développement axées sur l’attractivité à l’étranger ([10]). Ces stratégies ont pour résultat, en cas de réussite, d’accroître le nombre d’étudiants étrangers présents.

Problématiques spécifiques des étudiants internationaux

Les représentants de Campus France auditionnés par votre rapporteur ont caractérisé comme suit les difficultés les plus fréquentes auxquelles font face les étudiants internationaux en matière de logement :

– la barrière de la langue dans les procédures ;

– les discriminations aux origines dans les contacts avec les bailleurs ;

– la méconnaissance géographique des sites d’accueil ;

– la difficulté de constitution de dossiers très administratifs ;

– la différence des modalités d’accès au logement en fonction des types de logement : réservation en ligne pour les Crous à partir de juillet, admission sur dossier et passage en commission d’attribution pour les foyers jeunes travailleurs… ;

– la complexité de la réservation à distance, qui conduit souvent l’étudiant à réserver un logement temporaire pour son arrivée en France, dans l’attente d’un logement définitif ;

– l’absence de garant en France : l’étudiant doit faire preuve de sa solvabilité auprès des bailleurs qui recherchent des garanties, le plus souvent une caution personnelle, de la part d’un résident français (pour pallier les difficultés liées à la mise en œuvre de Visale, Campus France a travaillé avec des assureurs privés pour une proposition d’assurance privée à la charge de l’étudiant, coûtant entre 300 et 400 euros par an ;

– l’absence de compte bancaire et de moyen de paiement en France pour régler les frais inhérents à la prise de logement (l’adresse est un préalable pour ouvrir le compte) ;

– le coût du logement : les étudiants étrangers font l’objet au cours de leur demande de visa d’un contrôle des ressources, avec un minimum demandé à 615 euros par mois. Cette somme peut être insuffisante pour couvrir les frais de vie et les frais de logement et conduit les étudiants étrangers à travailler une fois arrivés, quoique les revenus du travail à temps partiel soient souvent insuffisants ;

– le ciblage par des fraudes et arnaques en ligne.

Ainsi, à titre d’exemple, les grands établissements ([11]) que sont l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po Paris) et l’université Paris-Dauphine comptent, respectivement, 10 327 étudiants, dont 50 % d’étudiants étrangers, et 6 246 étudiants, dont 20 % d’étudiants étrangers. Les diplômes nationaux y sont soumis aux droits d’inscription nationaux fixés par décret, ce qui signifie que ces étudiants sont affectés par la réforme de 2019. Ces frais d’inscription aux diplômes nationaux s’ajoutent à ceux qui doivent être versés pour les diplômes propres de l’établissement, fixés respectivement par le conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques et de l’université Paris-Dauphine.

Il est à noter également un effet inflationniste de la présence d’étudiants internationaux sur les prix des loyers, du fait d’un effet masse simple causé par l’augmentation numérique de la demande, doublé d’un effet de revenu, certaines catégories d’étudiants internationaux ayant des ressources supérieures à celles de leurs homologues français.

Le système des Studentenwerken en Allemagne

Selon les représentants de Campus France auditionnés par vos rapporteurs, le système allemand fournit un contrepoint intéressant. Les universités, qui sont de taille importante, ont un fort ancrage local : ainsi par exemple l’université de la Ruhr, à Bochum, compte-t-elle 43 000 étudiants, dont 6 000 internationaux.

Le Studentenwerk, équivalent d’un Crous, est une résidence établissement public, établi par la loi au niveau du Land. Au niveau fédéral, une association des Studentwerken gère la coopération internationale, comme le Cnous, avec un rôle d’animation de réseau, un service interculturel et des formations pour soutenir les activités des Studentenwerken.

Contrairement au système des Crous, il n’y a pas de lien direct entre l’attribution des bourses, gérée par le Service allemand d’échange universitaire (DAAD), et l’attribution des logements. L’Allemagne accorde plus de bourses que la France, notamment en période de crise. Un programme fédéral entre Studentenwerken, lié à la précarité étudiante pendant la crise, a été mis en place, doté de 60 millions d’euros.

La gestion du logement étudiant est assurée au niveau local, par des conventions entre les établissements et le Studentenwerk. On y retrouve la gestion des pratiques d’accueil, les tuteurs en résidence, des activités culturelles et sociales et un travail d’intégration à la vie nationale au sein de la résidence.

Afin d’apporter un soutien à ce public spécifique, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) agit de trois façons :

– une convention a été signée avec Campus France, et des places de logements sont réservées pour les boursiers des gouvernements français et étrangers qui participent à des programmes d’échange ;

– une autre convention engage les Crous et les établissements d’enseignement supérieur pour accueillir des étudiants dans le cadre d’un programme international, à l’instar du programme européen Erasmus ;

– les étudiants internationaux peuvent, enfin, solliciter directement et à titre individuel des places dans les logements Crous. Leur dossier est évalué au deuxième tour d’attribution, en septembre.

L’attribution des places en résidence Crous pour les étudiants étrangers a suscité des critiques, notamment de la part des représentants de l’association Fac‑Habitat lors de leur audition, car celle-ci n’est soumise à aucun critère social et ne se fonde pas sur des conditions de revenus.

Selon l’Unef, ces aides ne sont pas suffisantes. Les représentantes auditionnées soulignent que les étudiants étrangers ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux et proposent de leur permettre l’accès à ces dispositifs. Une telle évolution permettrait également d’attribuer les logements Crous en fonction de l’attribution d’une bourse.

L’attribution aux étudiants étrangers des places dans les Crous

Les établissements d’enseignement supérieur ont la faculté de constituer une offre de logements en leur nom, par la contractualisation avec les exploitants, qui doivent remplir leurs résidences à chaque rentrée universitaire. Cette contractualisation prend la forme d’un contrat de partenariat qui formalise la demande de l’établissement de se voir mettre à disposition un nombre de places donné à compter de la rentrée universitaire jusqu’à une date déterminée. Si certaines places ne sont pas pourvues par l’établissement à la date indiquée, l’exploitant peut les commercialiser auprès de tous les publics.

Ainsi les universités parisiennes réservent-elles, depuis une dizaine d’années, des places auprès du service logement du Crous de Paris pour loger des étudiants en mobilité Erasmus. Par exemple, la Comue Sorbonne Paris-Cité a signé une convention de partenariat avec le Crous de Paris lui octroyant 120 logements réservés à chaque rentrée pour ses étudiants Erasmus. L’étudiant, une fois son inscription universitaire validée, est mis en contact avec le Crous. Ce système est parfois semestrialisé pour les séjours Erasmus trimestriels.

Par ailleurs, depuis 2015, une convention signée entre le Campus France et le Cnous encadre les conditions des boursiers gérés par Campus France, permettant le logement de 3 500 boursiers internationaux par an.

2.   La crise sanitaire a encore aggravé cette situation

a.   L’interruption des sources de revenus

Les conséquences de la crise n’ont pas encore été mesurées et compilées d’un point de vue empirique, par des organismes comme l’Insee. Néanmoins, des études d’opinion sur la « pauvreté perçue », ou le « sentiment de pauvreté » ont également été menées. Elles s’intéressent au phénomène d’insécurité sociale ([12]). Ces études d’opinion sont sensibles aux biais intrinsèques à leur méthodologie mais elles permettent d’apprécier l’image que les sondés ont de leur situation.

En juillet 2021, la direction de la recherche, des études et de l’évaluation statistiques (Drees) a mené une enquête sur l’évolution du sentiment de pauvreté entre fin 2019 et fin 2020. Cette enquête permet de prendre en compte les effets de la crise sanitaire dans les perspectives économiques et sociales des populations. Sur cette période, le sentiment d’être pauvre ou de risquer de devenir pauvre n’a que très légèrement augmenté dans l’ensemble de la population (deux points au total). Mais cette stabilité n’est pas homogène. Alors que les personnes de 30 ans et plus n’ont pas été touchées par un excès de pessimisme, les 18-29 ans ont fait part d’une hausse de leurs inquiétudes. Ils étaient, à la fin 2019, 39 % à se sentir pauvres ou à ressentir un risque de le devenir, ce chiffre ayant augmenté de 8 points en un an. Cette crainte spécifique à la jeunesse est par ailleurs partagée par la population. 53 % des sondés, contre 43 % en 2019, estiment que les 18-29 ans ont un risque accru de pauvreté comparativement à la moyenne des Français ([13]).

Les jeunes ont été les plus concernés par les pertes d’emploi liées à la situation sanitaire, notamment les petits boulots dans la restauration, ainsi que les emplois non déclarés, de type garde d’enfants, qui n’ont pas été indemnisés avec le chômage partiel. Les jeunes en emploi ne représentent que 33 % des moins de 25 ans, selon les chiffres 2019 de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), avec un revenu moyen très faible de 625 euros nets par mois.

L’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) a réinterrogé, dans le prolongement de l’enquête « Conditions de vie 2020 », 130 étudiants entre le 26 juin et le 8 juillet 2020. S’agissant des effets ressentis lors du premier confinement généralisé de la population, 36 % des étudiants sondés ont déclaré avoir dû interrompre leur activité. En moyenne, ceci a généré une perte financière de 214 euros par mois.

En ce qui concerne les difficultés financières vécues pendant le premier confinement de mars à mai 2020, 16,8 % ont rencontré davantage de difficultés financières qu’en temps normal, 15,7 % des répondants en ont rencontrées autant qu’en temps normal, et 67,5 % n’ont pas rencontré de difficultés financières. En ce qui concerne les conséquences de ces difficultés financières, 18,7 % des étudiants ont dû se restreindre sur leurs achats de première nécessité pendant le confinement. Les achats de première nécessité concernent les médicaments, la nourriture, les produits d’hygiène, etc. En outre, 44,6 % des étudiants décohabitant ([14]) ont rencontré des difficultés financières pendant le confinement et ont eu des difficultés à payer leur loyer.

L’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) a fait part de son inquiétude quant aux conséquences de la crise sanitaire dans certains bassins d’emploi comme l’aéroport de Roissy, durement touché par les restrictions de libre circulation. Cela s’est traduit par un recours plus conséquent à l’aide alimentaire et une augmentation des impayés. Pour lutter contre ces difficultés, l’UNAFO a proposé des dispositifs d’accompagnement au sein de logements dédiés. Ces dispositifs s’adressent à des jeunes aux très faibles ressources, situés autour de 800 euros par mois en moyenne. Comme l’UNAFO, l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) a rapporté globalement une instabilité accrue de ces publics, de nombreux jeunes ayant en effet perdu leur emploi.

De son côté, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a également reconnu que la situation des jeunes précaires avait été aggravée par la crise sanitaire. Des mesures ont été prises pour juguler ce phénomène. Deux aides ponctuelles et exceptionnelles, d’un montant de 150 euros, ont été accordées en juin et septembre de l’année dernière. Ces aides ont été octroyées à 533 000 foyers en juin et 560 000 en septembre de l’année 2020. Leur champ était circonscrit aux jeunes de moins de 25 ans, non étudiants, allocataires de l’aide personnalisée au logement (APL). De plus, en coordination avec le ministère chargé du logement, un montant de 50 millions d’euros d’aides individuelles a été distribué à la fin de l’année 2020. Au premier trimestre 2021, 10 millions d’euros ont à nouveau été octroyés. Enfin, des initiatives locales ont vu le jour, la caisse des allocations familiales (Caf) du Val d’Oise ayant, par exemple, monté un dispositif d’aides alimentaires spécifiques aux 18-25 ans à partir de 2020.

b.   L’effet d’hystérèse ou effet cicatrice

La crise sanitaire a eu des conséquences rapides sur l’employabilité des jeunes. Le taux de diplômés en 2020 qui ont trouvé un emploi à la fin de l’année a diminué de 19 points en un an, passant de 74 % à 55 %. Mais elle pourrait également avoir des effets négatifs sur les carrières des membres de cette promotion et des suivantes de façon durable, du fait de l’effet d’hystérèse, également désigné sous le terme effet cicatrice.

L’effet d’hystérèse du chômage

L’effet d’hystérèse du chômage est un phénomène économique qui correspond à une croissance du taux de chômage d’équilibre ou à une stagnation à un niveau élevé. Dans un cycle économique, une crise se définit comme le retournement de cycle qui implique une dégradation des perspectives. Elle peut se traduire par un ralentissement du taux de croissance – on parlera alors de récession – ou à un taux négatif – signe d’une dépression. La crise laisse ensuite place à la reprise et à un taux de croissance plus fort.

L’effet d’hystérèse est la persistance des effets de la crise alors que le choc qui l’a causé a déjà disparu. Théorisé par Olivier Blanchard et Lawrence Summers ([15]), il vise à expliquer le fort chômage structurel des pays européens en période d’expansion économique.

L’effet d’hystérèse s’explique par la dévalorisation du capital humain que portent les chômeurs de longue durée. Les derniers étant moins productifs et moins rentables selon les employeurs, le chômage s’autoentretient. De plus, les taux d’intérêts élevés consécutifs à la crise limitent les investissements des entreprises qui rechignent à embaucher. Enfin, les insiders (personnes intégrées sur le marché du travail) bénéficiant d’un nouveau pouvoir de négociation salariale, l’entreprise, averse au risque, préfère augmenter le salaire de ses propres employés plutôt que d’en engager de nouveaux.

Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer le potentiel effet d’hystérèse que produira la crise de la Covid-19, le Centre d’étude et de recherches sur les qualifications (Céreq) a mené une étude sur les générations arrivées sur le marché du travail juste après la crise financière de 2008-2009. La crise a eu une incidence négative sur les parcours professionnels de ces entrants. Après sept ans de vie active, 73 % du parcours de ces jeunes s’étaient déroulés au travail, contre 80 % pour les jeunes sortis de formation en 1998. 13 % d’entre eux avaient une trajectoire professionnelle profondément marquée par le chômage, contre 7 % pour leurs aînés.

Néanmoins, les études menées sur les différences entre générations entrées sur le marché du travail dans des conjonctures plus ou moins favorables font apparaître des contrastes moins marqués en France que dans la plupart des autres pays comparables, phénomène qui s’explique éventuellement par la forte part de jeunes embauchés au salaire minimum dans notre pays ([16]).

B.   Le logement est un facteur clef de la PRÉcaritÉ

Tous nos concitoyens ne sont pas égaux devant les difficultés de l’accès au logement. S’il est fréquent d’évoquer généralement une « crise du logement », les jeunes de moins de 30 ans font partie des populations qui sont les plus exposées à cette réalité.

Comme l’ont fait remarquer dans leur contribution les représentants de la Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement (Fapil), les jeunes rencontrent des problématiques spécifiques lorsqu’ils cherchent à se loger. Premièrement, un certain nombre d’entre eux n’ont pas les moyens de payer un loyer au prix du marché. Sur le marché privé, ils doivent faire face à une méfiance particulière de la part des bailleurs privés. De plus, alors que le taux de chômage des jeunes est presque deux fois supérieur à celui des autres actifs, ils ne bénéficient pas systématiquement, notamment lorsqu’ils sont étudiants, des allocations et des revenus sociaux qui aident les autres publics dans leur insertion. Enfin, pour les plus précaires, il peut être très difficile de mobiliser l’accompagnement dont ils auraient besoin, ce pour quoi les dispositifs publics mis en œuvre ne sont pas toujours suffisants.

1.   Le logement, premier poste de dépense des jeunes

La hausse de la place du logement dans le budget concerne l’ensemble des ménages et constitue une dynamique sur le temps long. Depuis 2000, les prix de l’immobilier ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus des ménages. À Paris, le cœur de cette bulle dans notre pays, l’augmentation atteint le niveau impressionnant de 350 %. Les Français ont accumulé plus de 1 000 milliards d’euros de dettes immobilières. Depuis 2000, le rapport entre cet endettement et leurs revenus a doublé. Par exemple, depuis vingt ans, les loyers et charges évoluent en général plus vite (en moyenne pour la France entière, 1,9 % par an de 1998 à 2018) que l’inflation d’ensemble (1,4 %). À la fin de la période, cette évolution signifie une augmentation de + 46 % pour les loyers contre + 32 % pour les biens de consommation.

Les dépenses consacrées au logement constituent de ce fait une part croissante du budget des ménages. Selon l’Insee, en 1963, en moyenne nationale, les locataires consacraient 6,3 % de leurs revenus au loyer. Cinquante ans plus tard, en 2013, ce taux d’effort était passé à 26 % des revenus (24 % pour les locataires dans le parc social, 28 % dans le parc privé, 26 % pour les accédants à la propriété). Cette évolution considérable aboutit à une situation qui voit les ménages consacrer plus du quart de leurs revenus aux dépenses de logement. Et les chiffres montrent que cette tendance ne s’infléchit pas : dans la courte période qui court de 2001 à 2013, le taux d’effort a connu une progression de cinq points, en particulier pour les locataires du secteur privé ([17]). Plus d’un tiers de la population a aujourd’hui un taux d’effort supérieur à 30 % ([18]).

Les jeunes ne dérogent pas à cette tendance, le logement pesant particulièrement lourd dans leur budget en moyenne nationale. Selon les données de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), les dépenses totales moyennes mensuelles des étudiants concernés étant de 635 euros. Ces dépenses concernant environ la moitié des étudiants, le logement représente en moyenne, le premier poste de leurs dépenses, avec un montant moyen de 484 euros mensuels (388 euros de dépenses de loyer et 96 euros de frais liés au logement).

Selon l’enquête sur le coût de la vie étudiante 2021 de l’Unef, le logement représente 60,58 % du budget des étudiants ([19]). Le coût de la vie étudiante, qui résulte en moyenne de l’addition des coûts du logement, des transports et des biens de consommation courante, augmente donc fortement à raison de l’augmentation du coût du logement. Pour cette raison, le syndicat a accueilli très favorablement l’encadrement des loyers mis en œuvre à Paris et à Lille, et a salué les choix de Lyon et Bordeaux d’entrer dans le dispositif. Les représentantes auditionnées par vos rapporteurs ont appelé à renforcer cet encadrement dans d’autres grandes villes.

Pour cette raison, vos rapporteurs se réjouissent de la prolongation de l’expérimentation de l’encadrement des loyers en cours et de la réouverture de la possibilité de commencer une expérimentation. Ces mesures sont portées dans le cadre du projet de loi portant différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification (3DS), actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Le niveau de loyer ne varie pas en fonction des catégories sociales, mais selon le lieu de résidence et notamment selon la localisation du bien loué en zone tendue ou détendue. Les données de LocService font ainsi apparaître que le loyer moyen d’un studio à Paris s’élève à 850 euros, là où il s’élève à 659 euros à Nice, 619 euros à Lyon et seulement 357 euros à Limoges.

2.   L’accession à la propriété, de plus en plus tardive, est réservée aux jeunes les plus aisés

Devant la recrudescence des inquiétudes quant à la crise du logement, vos rapporteurs ont eu à cœur de cerner avec précision la réalité, dans le vécu des jeunes, de la difficulté renforcée de l’accession à la propriété.

L’augmentation prononcée du prix de l’accession est un déterminant incontournable de l’évolution du marché du logement au cours des deux dernières décennies. La décennie 2000 ainsi que la deuxième moitié de la décennie 2010 voient des dynamiques particulièrement marquées : de 2001 à 2008, la hausse des prix de l’immobilier est très supérieure à la croissance du revenu disponible par ménage : + 95 % contre + 21 %. Sur l’ensemble du territoire français, les prix des logements ont fortement augmenté de 2001 à 2007. Après le retournement de 2007 et la crise immobilière qui s’en est suivi, les prix ont baissé avant de connaître une hausse modérée conduisant à une croissance d’environ 3 % en euros courants entre 2008 et 2018.

ÉVOLUTION DES PRIX DES LOGEMENTS NEUFS ET ANCIENS DEPUIS 2000 (2015 Base 100)

Source : Insee, série des indices Insee des logements neufs, série des indices Insee‑Notaires des logements anciens.

La hausse des prix de l’accession en France

Entre 1996 et 2016, les prix à la consommation ont augmenté de 31 %, le revenu disponible brut par ménage de 40 %, tandis que le prix des logements anciens était multiplié par 2,52 (2,67 en Île-de-France). Après une baisse consécutive à la crise de 2008, la reprise a été soutenue, notamment en Île-de-France. Les prix ont ensuite diminué légèrement à partir de 2012, mais connaissent une reprise en 2016.

Pour les primo-accédants, la hausse des prix freine l’achat. Elle a été en partie compensée par l’allongement de la durée des emprunts (19,6 ans entre 2009 et 2013, contre 17,2 ans entre 2002 et 2006 et 14,6 ans entre 1997 et 2001) et la baisse des taux d’intérêt (3,5 % entre 2009 et 2013, contre 4,1 % entre 2001 et 2006, 5,2 % entre 1997 et 2001). Pour les accédants récents, il a aussi fallu maintenir le taux d’apport personnel autour du tiers, c’est-à-dire consentir à une hausse de sa valeur absolue compte tenu de la hausse des prix.

L’accession est devenue plus dépendante des revenus : le revenu est devenu un déterminant plus important de l’accès à la propriété qu’il y a trente ans. Les chances d’accès à la propriété d’un ménage du premier quartile de revenu par unité de consommation sont de 33 % de celles d’un ménage du deuxième quartile en 2013 ; elles étaient de 71 % en 1984.

Former un couple avec deux apporteurs de ressources, plutôt qu’un, à quartile de revenu égal, est devenu une nécessité plus prégnante pour acquérir un logement. La stabilité de l’emploi est aussi une condition plus forte pour emprunter, les banques recherchant en priorité les personnes en contrat à durée indéterminée. L’aide des parents est devenue plus fréquente (un quart des accédants récents âgés de 25 à 44 ans ont reçu un don au moment de l’achat en 2013, contre un cinquième en 2001, et plus importante. Sa progression a accompagné celle de l’apport personnel, qui représente en 2013 comme en 2001 de l’ordre d’un tiers du montant de l’achat, alors que ce dernier équivaut aujourd’hui à quatre ans et demi de revenu, contre un peu plus de trois années au début de la décennie 2000. Même si l’aide des parents a toujours été importante, il est probable que les inégalités intragénérationnelles se sont accrues, entre ceux que leurs parents peuvent aider et les autres.

Source : Insee Références, édition 2017, « Le logement en France depuis trente ans » ([20]).

C’est la raison pour laquelle le logement occupe une place importante parmi les facteurs qui favorisent le déclassement. Ce constat est partagé par différents acteurs. Selon Louis Chauvel, les difficultés grandissantes qui accompagnent depuis plusieurs années l’accession à la propriété, par exemple, expliquent en grande partie l’accroissement de la mobilité descendante ([21]). Le logement se situe, quelle que soit la tranche d’âge considérée, parmi les premières dépenses. Que ce soit par ses caractéristiques techniques (surface, aménagement, confort, qualités esthétiques) ou sa localisation, il expose la condition de son acquéreur ou de son locataire.

Depuis les années 2000, le prix des logements a connu une envolée extrêmement forte. Entre le milieu des années 60 et la fin des années 90, l’évolution du prix du logement a suivi, peu ou prou, celle du revenu des ménages, corrélation représentée statistiquement par une fourchette qualifiée de « tunnel de Friggit », c’est-à-dire un ratio compris entre 0,9 et 1,1. Cette évolution a, depuis 2002, complètement quitté ce tunnel et est désormais très supérieure aux fluctuations des revenus disponibles. Cette évolution correspond à une nette désarticulation entre l’inflation des biens immobiliers et celle des biens de consommation.

évolution comparÉE des INDICES DES prix des logements et de l’IPC ([22]), 2000-2018

Source : séries d’indices de l’Institut national de la statistique et des études économiques, 2021

Ces évolutions sont nettement renforcées, du point de vue des jeunes, par le recentrage des aides au logement et la suppression de certaines d’entre elles. C’est notamment le cas avec la suppression de l’APL accession, décidée en 2017. Le prêt à taux zéro, le prêt social location-accession (PSLA) et le prêt à l’accession sociale (PAS) continuent cependant de jouer un rôle important dans la promotion de l’accession à la propriété des jeunes précaires.

Plusieurs personnes auditionnées ont mis l’accent sur la difficulté qu’il y a aujourd’hui à accéder à la propriété pour les personnes de moins de trente ans. La suppression de l’APL accession en 2017 a rendu d’autant plus difficiles les opérations d’achat dans les quartiles intermédiaires de revenus. Disponible sous conditions de ressources (en moyenne, le plafond était fixé à 14 000 euros par an pour une personne seule et à 26 000 euros pour un couple avec deux enfants) et axée sur les primo-accédants souhaitant devenir propriétaires de leur résidence principale, l’APL accession visait à réduire les mensualités de remboursement lors de l’acquisition d’un bien. L’aide était octroyée aussi bien pour l’achat ou la construction d’un bien que pour les opérations assimilées, telles que l’acquisition-amélioration, l’agrandissement-amélioration ou l’achat en viager.

Il est à noter cependant que, d’après les données transmises par le ministère de la transition écologique, le profil des accédants aidés au titre de l’APL est sensiblement différent de celui des locataires. En effet, l’accession à la propriété nécessite un minimum de moyens, à la fois en termes de capacité de remboursement et d’épargne préalable. De fait, les revenus des ménages bénéficiaires des aides personnelles à l’accession sont en moyenne plus élevés que ceux des bénéficiaires en secteur locatif (1,42 SMIC par ménage), si bien qu’en accession, la part des bénéficiaires disposant de revenus inférieurs au SMIC est plus faible que celle observée en locatif. Cet effet sur les accédants est renforcé par la typologie des ménages concernés, majoritairement des couples avec deux enfants ou plus pour lesquels les revenus sont plus élevés. L’accession n’est donc pas une problématique qui affecte directement les ménages en situation de précarité.

Vos rapporteurs tiennent aussi à souligner le rôle du prêt à taux zéro (PTZ), un dispositif fortement plébiscité, qui constitue un levier privilégié permettant à des ménages aux revenus modestes et intermédiaires de bénéficier d’un prêt à taux nul pour favoriser leur accession à la propriété. C’est un outil particulièrement adapté à une situation économique difficile et qui doit permettre aux ménages de continuer à accéder à la propriété. Il limite efficacement le taux d’effort de ces ménages, dans un contexte de croissance des prix du foncier et de la construction. Il s’agit en outre d’un outil très apprécié, qui connaît une hausse de notoriété ces dernières années.

Les personnes auditionnées ont exprimé dans ce sens leur approbation face à la prolongation du PTZ en faveur des zones B2 et C. Ce dispositif, déjà prolongé en loi de finances pour 2020 jusqu’en décembre 2021, a été à nouveau prorogé. Il bénéficie à des ménages qui sont de fait exclus des zones tendues car les prix sont trop élevés. Il a un caractère social marqué, puisqu’il est octroyé sous conditions de ressources. Sa suppression dans certains territoires toucherait donc une population modeste résidant en zones rurales ou périurbaines. Il s’agit bien souvent de jeunes ménages qui souhaitent faire bâtir leur propre logement, une population qui doit pourtant être prioritairement accompagnée dans l’accès au logement. En l’état, la suppression du PTZ en zones dites « détendues » ne ferait que diminuer la solvabilité des ménages, ce qui les inciterait à rechercher un foncier moins cher, en s’éloignant encore plus des zones d’habitation.

Le recours au PTZ peut augmenter d’environ 15 % la capacité d’investissement des ménages, permettant ainsi à des couples primo-accédants de boucler leur dossier de financement. C’est un garant rassurant pour les banques qui attendent bien souvent la validation d’un dossier de PTZ pour accorder un prêt immobilier. Il convient donc de maintenir, au-delà du 31 décembre 2021, l’accès à ce financement pour les accédants à la propriété des territoires ruraux ou des villes moyennes, ce qui participera également à la redynamisation et à la revitalisation de ces centres-villes et centres-bourgs.

Le PTZ constitue de ce fait un outil puissant et efficace pour permettre aux jeunes ménages aux ressources modestes mais stables d’avoir un parcours résidentiel abouti, et vos rapporteurs souhaitent voir cet outil pérennisé et élargi.

les diffÉrents types d’aides en faveur de l’accession À la propriÉtÉ

Source : Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des finances, « Évaluation du prêt à taux zéro », octobre 2019.

Afin de faire face à la hausse des coûts du foncier, le bail réel solidaire (BRS) constitue un outil important pour promouvoir de nouvelles formes d’accession. Les représentants de l’Association pour le logement des familles et des isolés (ALFI, groupe Arcade-VYV) ont fait valoir les opportunités que fournit cet instrument, créé à l’occasion de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). En produisant davantage en BRS, certains bailleurs sociaux, à l’image d’Antin Résidences, agréé organisme de foncier solidaire, permettent à des ménages de devenir propriétaires d’un logement neuf dans des quartiers où l’achat du terrain sous-jacent est trop coûteux.

Le BRS, qui dissocie de la valeur du bien immobilier son assiette foncière, qui en représente en général au moins 15 à 30 %, permet ainsi de diminuer la valeur vénale des biens et de faciliter l’accession. En outre, les nouveaux propriétaires en BRS bénéficient d’une taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 % et d’un abattement de taxe foncière s’élevant jusqu’à 30 %.

Vos rapporteurs se réjouissent à cet égard des évolutions amenées par le projet de loi portant différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification (3DS), actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

3.   Les jeunes ont de vraies difficultés d’accès au parc social qui font l’objet d’efforts spécifiques

Les jeunes ont, de l’avis de l’ensemble des spécialistes, des difficultés particulières pour accéder au parc locatif social, difficultés qui ont aussi été reconnues par les représentants du mouvement HLM. Les données montrent systématiquement une sous-représentation des personnes âgées de 18 à 30 ans parmi les locataires de ce parc. Les explications de ce phénomène sont multiples :

– les jeunes, quelle que soit leur situation professionnelle, ont une mobilité nettement supérieure à la moyenne des ménages, 40 % des moins de 25 ans et 25 % des 25-34 changeant de logement chaque année ([23]), ce qui occasionne des difficultés à s’inscrire dans les démarches de demande de logement pour l’accès au logement social, qui prennent un temps très long et en tout état de cause plus d’un an, puisque le temps d’atteinte pour se voir attribuer un logement social est en moyenne de deux ans ;

– les jeunes ont des besoins très spécifiques en matière d’emplacement et de caractéristiques physiques du logement : ils recherchent un logement de superficie réduite, afin d’éviter de payer du mètre carré supplémentaire, puisqu’il s’agit d’un public qui a peu de marge financière ; et bien situé, de façon à la fois proche du centre urbain et du lieu d’activité, ou au moins permettant un accès en transport en commun rapide (le taux de possession d’une voiture individuelle étant très bas). Ce besoin se heurte au fait que seuls 26 % des logements sociaux sont des logements T1 ou T2 ;

– une concurrence très rude a lieu entre les publics prioritaires sur l’offre de logements à très bas niveau de loyers, 21 % des jeunes de moins de 25 ans se situant en-dessous des seuils de pauvreté contre 12 % en population générale ([24]) ;

– enfin, le faible renouvellement des locataires du parc social, qui connaît, dans certaines zones tendues en particulier, des taux de rotation des occupants très bas, amène les jeunes ménages, plus modestes, à se tourner vers le secteur privé, ce qui réduit mécaniquement l’écart de revenu entre les deux secteurs ([25]).

Ces dynamiques ont pour résultat la surreprésentation des jeunes dans le parc locatif privé, tandis que les personnes de plus de soixante ans y sont très nettement sous-représentées (voir graphique). Comme le fait remarquer l’Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes (UNCLLAJ), le parc de logement est marqué en France, d’un côté, par une part importante de propriétaires occupants (58 % en 2018), et de l’autre, par une part de locataires d’un parc social de plus en plus sollicité (17 % des logements) et d’un parc locatif privé très hétérogène, dont le coût augmente fortement (23 % des logements) ([26]).

Les 18-30 ans, étant à 59 % des locataires du parc privé, sont concernés au premier chef par cette distinction.

rÉpartition des chefs de mÉnage selon l’âge et le statut d’occupation
 

Source : recensement 2016, Union sociale de l’habitat.

Ces difficultés sont d’autant plus importantes que les jeunes sont nettement surreprésentés parmi les demandeurs de logement social : alors qu’ils ne pèsent que pour 11 % de la population et pour 10 % des ménages, ils constituent plus de 20 % des demandeurs de logement social. Selon les représentants de l’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO), le logement social souffre aussi auprès des jeunes d’une réputation négative, notamment au sujet de son organisation qui serait perçue comme inadaptée aux besoins des jeunes.

âge des demandeurs de logement social et structure de la population

Sources : Infocentre du système national d’enregistrement (SNE), demande actives au 31 décembre 2020 (direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature) ; Insee, RP 2017 pour les structures de population.

En dépit de ces difficultés, les jeunes ménages bénéficient, relativement aux autres catégories de demandeurs, d’un accès légèrement meilleur au parc social en fonction des demandes, avec un taux d’attributions au moins de 30 ans de 30 %, alors qu’il est de 25 % pour l’ensemble des demandeurs. Cette donnée, qui découle principalement de la faiblesse des ressources de ces demandeurs, a pour résultat que, lorsqu’on additionne les capacités du parc familial et celles de l’habitat spécifique, le parc social accueille plus de 500 000 jeunes (voir précisions en seconde partie).

L’une des solutions afin d’améliorer l’accès des jeunes au parc social consiste à y développer la place des petites surfaces, notamment en T1 et T2. En effet, le parc social historique est marqué par une forte part de logement familial constitué d’appartements de trois pièces et plus. Depuis quelques années, les administrations publiques, et notamment les collectivités territoriales, favorisent, dans les zones tendues, les opérations faisant une place aux petites surfaces afin de répondre aux besoins avérés (voir seconde partie). Cependant, les retards à combler demeurent importants. En Île-de-France par exemple, si 40 % de l’offre récente porte sur des logements de petites typologies, le stock de T1 et T2 ne représente que 30 % du parc, alors que 50 % des demandeurs de logement social ciblent ces logements.

prise en compte des petites typologies dans la politique d’agrÉment
de la DRIHL d’Île-de-france

Source : Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) d’Île-de-France, « Guide de financement du logement social 2021 : conditions d’agrément et modalités d’instruction pour le Val-de-Marne », avril 2021.

Proposition n° 1. Par le biais des boni de subvention attribués pour la production de logements locatifs sociaux en PLUS et PLAI, équilibrer la production de logements de façon à obtenir, dans les zones tendues marquées par une forte demande pour les petites surfaces, une production accentuée de logements en T1 et T2.

Certaines des personnes auditionnées, et notamment les représentants des organismes de logement social, ont également appelé à faire une place aux publics jeunes dans les dispositifs existants d’attribution de logements à l’échelle intercommunale. En effet, dans la mesure où l’accès des jeunes au logement concerne le parc social existant, ces problématiques peuvent être partiellement résolues à parc constant, sans augmenter les capacités de production. Ainsi les conventions intercommunales d’attribution (CIA) désignent-elles des listes de publics d’attribution, détaillées par les conférences intercommunales du logement (CIL), qui pourraient, à l’avenir, voir les jeunes mieux intégrés dans les dispositifs de cotation de la demande de logement social.

Publics prioritaires au sens de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH)

L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation régit les attributions de logements sociaux dans le parc HLM. Les publics prioritaires sont :

– les personnes ayant bénéficié d’une décision au titre du droit au logement opposable (DALO) ;

– les personnes en situation de handicap, ou les familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;

– les personnes sortant d’un appartement de coordination thérapeutique ;

– les personnes mal logées ou défavorisées et les personnes rencontrant des difficultés de logement pour des raisons financières ou tenant à leurs conditions d’existence ou confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ;

– les personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;

– les personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;

– les personnes exposées à des situations d’habitat indigne ;

– les conjoints justifiant de violences au sein du couple ;

– les personnes victimes de viol ou d’agression sexuelle à leur domicile ou à ses abords ;

– les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ;

– les personnes victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme ;

– les personnes ayant à leur charge un enfant mineur et logées dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent ;

– les personnes dépourvues de logement, y compris si elles sont hébergées par des tiers ;

– les personnes menacées d’expulsion sans relogement.

Proposition n° 2. Afin de faciliter l’accès des jeunes au parc social existant, prévoir une place pour les jeunes, notamment les jeunes connaissant des difficultés financières, dans les conventions intercommunales d’attribution (CIA).

II.   Les aides publiques permettent de limiter en partie le poids du logement dans les DÉPENSES

L’accroissement de l’effort des ménages en direction du logement pèse particulièrement sur les ménages modestes. Parmi eux, les jeunes ont un taux d’effort net de 22 % pour les 18-25 ans et de 18,5 % pour les 25-29 ans, contre un taux d’effort de 10,3 % en population générale. Ces populations ont donc un besoin particulier en matière d’aides publiques, afin de limiter la part des revenus consacrée au logement, ou encore de garantir la disponibilité de certains revenus après la prise en charge des dépenses de logement.

Parmi ces aides, l’aide personnalisée au logement tient la plus grande part, ainsi que les bourses attribuées par l’État. D’autres dispositifs de soutien, notamment ceux apportés par le groupe Action Logement, à partir de la ressource de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), ont également une place importante.

A.   L’aide personnalisÉE au logement, dispositif historique de soutien au pouvoir d’achat des jeunes français

Pour les ménages modestes, les aides au logement représentaient en 2013, selon l’Insee, plus de 30 % du montant de leurs ressources ([27]). Les jeunes sont de longue date un public privilégié des aides au logement et notamment de l’aide personnalisée au logement, du fait qu’ils sont moins souvent allocataires d’aides familiales que les autres catégories d’âge.

1.   Pour de nombreux jeunes, l’accès au logement dépend des aides publiques

a.   L’aide au logement joue un rôle essentiel dans la solvabilisation des jeunes

Historiquement, l’intervention publique en faveur du logement s’est centrée sur la construction, avec le logement social, l’aide à l’accession via le développement du crédit et les taux aidés, et les aides monétaires directes au revenu des locataires (APL). Dans les années 1970, devant une certaine faillite des grands ensembles de logements sociaux qui concentraient géographiquement les problèmes économiques et sociaux, et dans l’idée que la reconstruction d’après-guerre était achevée, les aides directes aux habitants ont été étendues à de nouvelles catégories de bénéficiaires, notamment les étudiants. Parallèlement, depuis 1984, pour lutter contre la baisse de l’offre locative libre, de nombreux encouragements fiscaux à l’investissement locatif privé ont été mis en place, prenant diverses formes (du dispositif « Quilès-Méhaignerie » en 1984 au dispositif « Pinel » en 2014) ([28]).

Le logement des jeunes est un exemple type de ces deux évolutions, puisque ses piliers financiers principaux sont, du point de vue des aides à la personne, l’aide personnalisée au logement (APL) et l’allocation de logement sociale (ALS), et, du point de vue de l’investissement dans la pierre, la réduction d’impôt pour l’investissement locatif (dispositif Censi-Bouvard, voir seconde partie).

Les allocations de logement, dites aussi collectivement aides personnelles au logement (APL) sont la première prestation de la branche Famille de la sécurité sociale. La Caisse nationale des allocations familiales verse à 6,5 millions d’allocataires un montant total de 16 à 17 milliards d’euros, répartis entre l’aide personnalisée au logement (APL), l’aide au logement social (ALS), et l’allocation de logement familiale (ALF). Il n’existe pas, dans aucun de ces versements, de distinction des allocataires en fonction de leur âge ou de leur situation professionnelle.

Les locataires (y compris les résidents de foyers) représentent 96 % des bénéficiaires et 97 % des prestations. Parmi ceux-ci, les ménages logés dans le parc non conventionné, qui bénéficient des allocations de logement (AL), sont majoritaires (55 %). Les bénéficiaires des aides personnelles au logement sont en majeure partie des ménages sans enfant : on compte ainsi 57 % de personnes seules et 6 % de couples sans enfant.

Les étudiants représentent un effectif de 791 000 bénéficiaires (12 % des ménages). S’ajoutent à eux 574 000 bénéficiaires de moins de 25 ans non étudiants, soit 8,6 % de la population concernée, dont certains habitent en foyer (voir infra).

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN FAVEUR DES TROIS APL

(Md€)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Location hors foyers

14,37

14,74

15,39

15,72

16,03

16,07

16,09

15,13

14,93

14,97

Foyers

1,05

1,06

1,09

1,11

1,11

1,21

1,14

1,12

1,09

1,1

Accession

0,94

0,93

0,91

0,89

0,87

0,83

0,78

0,71

0,64

0,55

Ensemble

16,36

16,73

17,39

17,71

18,01

18,11

18,01

16,96

16,66

16,62

Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (ministère de la transition écologique)

Le ralentissement du recours aux aides à l’accession se poursuit en conséquence de leur mise en extinction à compter du 1er janvier 2018. Dans le secteur locatif, les trois aides évoluent différemment. On constate, pour ce qui concerne spécifiquement l’APL, qui concerne les jeunes plus que les autres,, un ralentissement de l’augmentation des bénéficiaires ([29]).

Néanmoins, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), le versement de l’APL pour les publics jeunes constitue une aide indispensable pour leur faciliter le premier accès au logement, qui s’accompagne de nombreuses dépenses – d’équipement et d’ouverture de compteurs notamment – difficiles à absorber sur des petits budgets. L’APL est donc une aide à la consommation au rôle essentiel pour équilibrer les budgets de tous les jeunes qui la perçoivent.

D’après l’Insee, les aides à la consommation de logement sont de 266 euros par mois en moyenne. Elles bénéficient à 40 % des locataires, la moitié résidant dans le secteur social, proportions qui ont augmenté après 1984 pour se stabiliser depuis 1996. Ces aides personnelles concernent aussi quelque 6 % des accédants, une proportion en baisse sous l’effet de leur ciblage pour les plus modestes depuis la fin des années 1980 ainsi que de la diminution de l’accès à la propriété des ménages modestes (voir partie précédente sur l’accession).

Les aides financières aux ménages ont contribué au desserrement des ménages ([30]), ce qui est particulièrement clair pour les étudiants, et à améliorer le confort dans le parc locatif privé. Plusieurs études convergentes montrent cependant qu’elles ont aussi été en partie absorbées par des hausses de loyer. Par ailleurs, l’encouragement à la construction locative privée n’est pas non plus sans possibles effets pervers : outre la mauvaise répartition géographique, un effet de hausse des prix est aussi mis en évidence dans certaines localisations.

b.   Une notoriété élevée, un non-recours faible

L’aide au logement dispose d’une bonne notoriété auprès des jeunes. En effet, les représentants de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), interrogés par vos rapporteurs, ont mis en avant la notoriété des aides auprès des bailleurs privés et sociaux, qui en parlent systématiquement aux locataires. Le mécanisme du tiers payant dans le logement social, qui voit la caisse d’allocations familiales (Caf) verser directement l’aide au logement au bailleur social, en simplifie l’accès dans le parc social.

Ces qualités en termes d’image amplifient, par contraste avec d’autres aides sociales moins connues, le recours effectif à cette aide constaté chez les jeunes. Au total, une étude interne réalisée par la Cnaf fait état, sur un échantillon de 18 000 dossiers, d’un taux de non-recours de 1.1 %. Le directeur général a apporté un élément de précaution, insistant sur le nombre restreint de cas pris en considération et le fait que les dossiers sélectionnés provenaient de foyers déjà connus des CAF. Il est très difficile d’analyser les cas des publics véritablement éloignés des prestations sociales ([31]).

L’APL est également nécessaire, du point de vue des exploitants, pour permettre aux Crous et aux résidences étudiantes conventionnées d’équilibrer leur bilan financier : avec la réduction de loyer de solidarité et la baisse de l’APL, les associations gestionnaires auraient perdu une partie de leur chiffre d’affaires, tout en continuant à verser le même loyer au bailleur social. À l’occasion de la réforme, les organismes gestionnaires avaient été exclus du dispositif.

c.   L’APL foyers, un dispositif en faveur des jeunes travailleurs

L’aide personnalisée au logement concerne 482 000 ménages qui résident dans des foyers (foyers de personnes âgées, de travailleurs migrants, de jeunes travailleurs, de personnes handicapées, résidences sociales et pensions de famille en APL, chambres de foyers universitaires, maisons de retraite, ou encore foyers de jeunes travailleurs en ALS) et bénéficient d’une aide au logement, représentant 8 % des allocataires ainsi que 7 % des prestations versées.

Selon les données de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), 116 000 allocataires des aides au logement sont logés en foyer de jeunes travailleurs (FJT, voir seconde partie pour davantage d’informations sur ces structures). En plus de ces prestations, la branche Famille de la sécurité sociale soutient directement 500 foyers pour un total de 50 000 lits. Ce soutien s’opère de deux façons :

– un concours financier, encadré par des critères, versés par la CNAF, à hauteur de 30 M€ par an ;

– chaque caisse dispose de fonds locaux pour le soutien de projet avec un montant de 10 M€ alloués au FJT. 10 % des ressources de ces foyers proviennent de la CNAF.

La législation du logement social distingue deux types de logements : le logement ordinaire, destiné en principe à un public universel, et le logement-foyer, destiné à des publics spécifiques. Le logement-foyer est, en outre, caractérisé par la présence de locaux collectifs et l’existence de prestations, dont certaines peuvent être obligatoires ([32]) .

Comme l’ont rapporté les représentants de l’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO), le marché est historiquement divisé entre les FJT, qui accueillent des jeunes travailleurs à faible niveau d’études ; et le logement étudiant sur des parcours d’enseignement supérieur :

– pour les FJT et les résidences jeunes actifs, le financement des structures se fait sur le fondement de prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI). En FJT, l’APL‑foyers est très solvabilisatrice : une APL de 400 euros conduira typiquement vers un reste à charge de 64 euros ;

– pour le logement étudiant, en Île-de-France, un financement en prêt locatif à usage social (PLUS) est accordé, grâce à la région qui apporte la subvention qui accompagne nécessairement l’octroi d’un agrément PLUS à la suite d’un accord avec l’État. Hors Île-de-France, le financement se fait en prêt locatif social (PLS). En résidence étudiante, avec une même APL de 400 euros, le reste à charge sera de 200 euros.

Logements-foyers considérés comme du logement social

Les logements-foyers prévus à l’inventaire SRU sont les suivants :

– les logements-foyers hébergeant à titre principal des personnes handicapées ou des personnes âgées :

          les « résidences autonomie », appelées avant la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV), les établissements d’hébergement de personnes âgées (EHPA) ;

           les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

          les foyers d’hébergement pour adultes handicapés (hors structures d’accueil des personnes polyhandicapées telles que les maisons d’accueil spécialisées et les foyers d’accueil médicalisés) ;

– les « résidences sociales » destinées aux personnes ou familles éprouvant des difficultés particulières pour accéder à un logement décent et indépendant :

          les résidences sociales ordinaires, qui sont destinées à l’accueil de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants ou de personnes éprouvant des difficultés sociales et économiques particulières ;

          les pensions de famille, qui accueillent des personnes dont la situation sociale et psychologique rend difficile leur accès à un logement ordinaire ;

          les « résidences accueil », qui sont des pensions de famille destinées aux personnes ayant un handicap psychique ;

          les foyers de jeunes travailleurs (FJT) ;

          les foyers de travailleurs migrants (FTM).

Pour être pris en compte dans l’inventaire, les lits ou les chambres des logements-foyers doivent être conventionnés à l’APL. C’est tout à fait nécessaire pour éviter que des résidences privées qui facturent cher leurs services soit comptabilisées comme des logements sociaux.

2.   Des évolutions qui ont affecté la prestation perçue

a.   Diverses évolutions ont affecté la prestation mais ses modalités de versement doivent être améliorées

Depuis 2017, plusieurs évolutions dans le dispositif des aides au logement ont touché les jeunes. Ces réformes ont été mises en avant par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), entendue par vos rapporteurs, pour expliquer les pertes de pouvoir d’achat des jeunes. Deux mesures budgétaires en particulier sont perçues comme ayant entraîné des conséquences négatives sur le budget des jeunes :

– pensée comme une mesure d’économie budgétaire mais aussi de réduction du coût des loyers, la baisse de cinq euros mensuels du montant de l’APL a touché au 1er octobre 2017 les 6,5 millions d’allocataires de la prestation. Elle a été compensée, pour certains allocataires, par la baisse des loyers dans le parc social et par la revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) de 1,62 % en septembre 2017 ;

– la désindexation des APL par rapport à l’inflation, intervenue en 2018 et suivi par des revalorisations annuelles inférieures à l’inflation, avec une augmentation de 0,3 %.

Annoncée depuis plusieurs années et survenue au 1er janvier 2021, la réforme du versement contemporain des aides au logement, dite réforme des « APL en temps réel », a eu un impact particulier sur les publics jeunes, très concernés par des évolutions soudaines de revenus.

La réforme, adoptée en 2019 et dont l’échéance avait précédemment été reportée deux fois ([33]), a visé, dans le même esprit que la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, à ajuster la méthode de calcul des aides au logement afin que les revenus pris en compte pour déterminer leur niveau soient ceux de l’année n et non plus ceux de l’année n - 2. Ayant pour ambition d’accorder des versements au plus près des besoins des personnes et de soutenir les personnes qui en ont le plus besoin pour se loger, le versement en temps réel doit permettre un ajustement plus rapide en fonction de la réalité des ressources perçues.

Le mode de calcul a subi une évolution majeure. Avant la réforme, le montant des APL était calculé à partir des ressources perçues deux ans avant le versement de la prestation. Lorsque le revenu ne rentrait pas en compte, ce qui est souvent le cas pour les étudiants, il existait un forfait unique, dépendant de la surface du logement et de sa localisation. Depuis la réforme, les APL tiennent compte des revenus récents, avec une mise à jour des données de revenus et un calcul du montant dû qui se font trimestriellement.

Ce changement affecte en premier lieu les jeunes qui rentrent dans la vie active, plutôt que les étudiants. Le forfait est aujourd’hui variable, selon qu’on soit boursier ou non, dans un logement individuel ou collectif.

Concernant les effets budgétaires de la réforme, les témoignages des personnes auditionnées par vos rapporteurs n’ont pas concordé. D’après l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ), en dépit de la forfaitisation qui devait prémunir des baisses, plusieurs témoignages ont rapporté des pertes significatives, de cinquante à cent euros, les boursiers, salariés et alternants étant frappés au premier chef. Les étudiants boursiers ont perdu en moyenne 63 euros par mois. D’après les chiffres recueillis par l’UNHAJ au mois de mai 2021, 39 % des jeunes ont connu une baisse des APL, mais 15 % ont bénéficié d’une hausse.

L’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) a corroboré ces retours. Dans une étude menée sur un échantillon de 25 000 logements, elle a constaté une diminution des montants des aides perçues, particulièrement à destination des jeunes, et du nombre des allocataires. Comme l’ont rapporté ses représentants, ces impacts négatifs sont sans doute à mettre sur le compte d’une reprise de travail ou de l’arrivée de nouvelles ressources.

De même, selon les représentants du mouvement HLM entendus par vos rapporteurs, concernant les aides au logement, les premières analyses conduites par l’Union sociale pour l’habitat relatives à l’impact de la réforme du calcul des APL ont montré que cette évolution avait eu pour effet de réduire les aides en direction des jeunes actifs dont les ressources se situent entre 800 et 1 300 euros.

Face à ce constat, le Gouvernement a élargi la forfaitisation des ressources, d’abord appliquée seulement aux étudiants, aux apprentis et aux jeunes en contrat de professionnalisation (voir encadré). Selon les chiffres transmis par les services du ministère de la transition écologique, la majorité des allocataires (52 %) ont vu leur situation inchangée avec les APL en temps réel. Ainsi, en janvier 2021, pour 52,2 % des allocataires, la réforme des APL en temps réel est sans impact sur le montant de leur allocation. Pour 29,6 % d’entre eux, la réforme conduit à une baisse des APL d’un montant moyen de 73 euros. Parmi eux, 6,6 % perdent leur droit aux APL. Pour 18,2 % d’entre eux, la réforme conduit à une hausse de leur montant d’APL de 49 euros en moyenne. Parmi eux, 115 000 allocataires n’auraient pas bénéficié d’APL en 2021 sans la réforme.

Aménagements de la réforme des APL à destination des jeunes

La réforme des APL a fait l’objet de plusieurs ajustements visant à mieux prendre en compte la situation des jeunes :

– les ressources des étudiants sont prises en compte sur la base d’un forfait, de sorte que la réforme ne modifie pas leur APL à situation inchangée et améliore l’APL des étudiants salariés (en d’autres termes, quel que soit le montant de leur rémunération, leur APL ne varie pas, contrairement au système précédent) ;

– les apprentis bénéficient d’un abattement sur leurs ressources ;

– les titulaires d’un contrat de professionnalisation bénéficieront également de cet abattement en septembre, avec effet rétroactif pour les nouveaux allocataires. D’ici là, les allocataires bénéficient du maintien de leur droit de décembre 2020 avec un abattement sur le revenu équivalent au SMIC ;

– pour les jeunes actifs, par ailleurs, le groupe Action Logement propose une aide gratuite de 1 000 euros pour aider à s’installer dans leur logement ceux dont les revenus bruts sont compris entre 30 % (467 euros) et 110 % (1 711 euros) du SMIC brut (1 554,58 euros au 1er janvier 2021).

Cette réforme a permis de dégager une économie actuellement estimée à 1,1 milliard d’euros (Md€). La prévision retenue dans la loi de finances initiale pour 2021, qui était de l’ordre de 750 millions d’euros (M€), a été fortement rehaussée. Cette évolution est à mettre au crédit de la préservation des ressources des allocataires pendant la crise sanitaire du fait des mesures de soutien déployées par le Gouvernement : activité partielle, prêts et subventions, prolongement de droits, aides individuelles d’urgence, etc.

b.   Améliorer la prévisibilité et la compréhensibilité du versement

De l’aveu des représentants de la Caisse nationale des allocations familiales, certaines difficultés persistent aujourd’hui dans l’adaptation du versement des aides. Il n’est pas toujours évident pour les services de déterminer la place de l’allocataire dans une grille administrative : la question du statut, et notamment l’intersection entre les étudiants et les apprentis, peut poser problème. Le statut d’apprenti donne lieu à un abattement fiscal et une assiette sociale diminuée de moitié. En revanche, les personnes en contrat de professionnalisation ne sont pas considérées comme des apprentis, ce qui a justifié un abattement réglementaire spécifique en juin 2021.

Les personnes auditionnées ont régulièrement souligné que cette difficulté de détermination du statut est propre aux plus jeunes. En outre, ces publics sont ceux qui sont les moins familiers des formalités administratives, et il arrive fréquemment qu’ils vivent un sentiment d’impuissance ou de résignation face aux complexités engendrées par leur situation. C’est pourquoi les Caf mettent en place une pratique spécifique de soutien en matière d’étudiants.

Des problèmes persistent également avec le simulateur des aides au logement proposé par la branche Famille : avec une marge d’erreur moyenne de 40 euros, il est moins performant que le simulateur des droits sociaux du portail national des droits sociaux tenu par le ministère des solidarités et de la santé. Ces décalages sont mal compris et justifient un objectif de convergence entre les deux simulateurs.

Certaines personnes auditionnées ont également fait mention d’inégalités de traitement qui subsisteraient dans le versement des APL, même depuis la suppression de la taxe d’habitation, qui a vu la fin de l’inégalité qui voyaient les étudiants en résidence Crous en être exonérés tandis que les étudiants en résidence gérée devaient s’en acquitter. Il demeurerait aujourd’hui, à loyer égal entre une demande pour un logement en résidence conventionnée gérée par le Crous et une résidence conventionnée gérée par une association, des différences dans les montants d’APL proposés.

Plusieurs acteurs, notamment l’Union sociale pour l’habitat, ont mis l’accent sur la nécessité d’améliorer la prévisibilité, pour les publics allocataires, des aides au logement. Les fluctuations des niveaux des aides, rendues plus prégnantes avec le versement contemporain, affectent en effet fortement le niveau de vie des allocataires. Le taux élevé des aides perçues dans les ressources des jeunes allocataires se traduit par des variations importantes du budget total lorsque les aides évoluent.

c.   Régler le problème de l’APL en début et fin de versement

Deux problématiques régulièrement soulevées au cours des auditions menées par vos rapporteurs ont concerné le versement des aides en début et en fin de droits, moments de transition dans les vies des jeunes où la précarité économique est encore renforcée, et qui appellent donc une vigilance particulière.

La première question évoquée est celle du mois de carence. Les acteurs ont souvent mentionné que les étudiants, quand ils emménagent dans leurs nouveaux logements, voient leur aide versée pour la première fois après deux mois. Dans le cas des logements conventionnés, le paiement des loyers à terme échu permet d’expliquer le décalage temporel d’un mois, car la prestation vient compenser ce versement. En revanche, le deuxième mois ne s’explique pas, d’après les acteurs, et signifie en réalité que le premier mois n’est pas couvert par les aides. Les représentants de l’Aires ont souligné que cette pratique est d’autant moins compréhensible que les baux en logements conventionnés sont des baux à durée déterminée, et que sous l’effet des mobilités répétées, la pratique se reproduit à chaque changement de logement. La Cnaf a reconnu la nécessité de travailler sur ce décalage d’environ deux mois entre la validation du dossier d’aide au logement et le premier versement de celle-ci.

Une autre difficulté, encore plus pressante dans une situation de difficultés économiques, concerne le versement des aides aux jeunes, et notamment aux étudiants, lorsqu’ils arrivent en fin de droits. Il arrive fréquemment que les jeunes connaissent, avec leur arrivée dans l’emploi, une baisse brutale des sommes perçues, ce qui peut engendrer des difficultés financières.

De même, d’après les remontées faites aux rapporteurs, il arrive fréquemment, à l’issue d’un déménagement lié à ses études, qu’un étudiant doive attendre jusqu’à trois mois pour percevoir à nouveau les allocations de logement auxquelles il a droit. Ces problématiques doivent être réglées afin d’améliorer l’accompagnement des personnes au cours de leurs études.

Proposition n° 3. Permettre une meilleure prise en charge des périodes de transition, en supprimant le mois de carence en début de droits et en faisant durer les droits des étudiants pendant trois mois au-delà des études. Lisser les périodes de transition pendant les études, en assurant une reprise des versements rapide à l’issue des déménagements.

B.   d’autres dispositifs apportent un soutien ponctuel bienvenu mais insuffisant

1.   Les bourses sur critères sociaux

Le système des bourses sur critères sociaux (BCS) est particulièrement important pour accompagner les jeunes qui sont en situation de précarité. Ces aides versées par l’État sous conditions de ressources contribuent de deux façons à aider les jeunes à se loger. En effet, en venant soutenir le budget des jeunes, elles constituent d’une part une aide essentielle à la dépense en faveur du logement. D’autre part, au-delà de la simple perception des aides, le réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) réserve des places dans les résidences aux étudiants boursiers (voir la seconde partie).

Comme cela a été confirmé par les représentants du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) qui ont été auditionnés par vos rapporteurs, la réponse aux besoins des étudiants boursiers sur critères sociaux demeure le premier et le plus important souci du réseau des Crous. Ainsi, le premier tour d’attribution des logements, qui a lieu chaque année au mois de juin, attribue les logements exclusivement aux étudiants boursiers sur critères sociaux.

Le système des bourses sur critères sociaux (BCS) est public. Les conditions d’accès et leurs montants sont décidés par arrêté, tandis que le traitement des dossiers et le versement des bourses sont gérés directement par les Crous eux‑mêmes. Pour percevoir une bourse, en plus d’être inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur à temps-plein, les étudiants doivent remplir certains critères de ressources, ce qui permet de s’assurer que l’aide publique est ciblée sur ceux dont les besoins sont les plus prononcés. Une revendication fréquemment entendue consisterait à élargir l’attribution des bourses en rehaussant les plafonds de ressources fixés par arrêté.

L’avis fiscal des parents ou du tuteur légal est la base du calcul du montant des droits. Le calcul prend également en compte les points de charge (c’est-à-dire le nombre d’enfants rattaché au foyer fiscal inscrit dans l’enseignement supérieur) et l’éloignement kilométrique du foyer fiscal par rapport au lieu d’enseignement. Le système des bourses est stratifié en huit échelons, du 0 bis au 7, qui déterminent la prestation versée.

Il existe aujourd’hui 710 000 boursiers de l’État, dont près d’un quart est logé dans des résidences des Crous.

 

 

 

 

Montant de la bourse sur critÈres sociaux pour l’annÉe 2021-2022

Type de bourses

Taux annuel sur 10 mois
(en euros)

Taux pour les étudiants bénéficiant du maintien de la bourse pendant les grandes vacances (en euros)

Échelon 0 bis

1 042 €

1 250 €

Échelon 1

1 724 €

2 069 €

Échelon 2

2 597 €

3 116 €

Échelon 3

3 325 €

3 990 €

Échelon 4

4 055 €

4 866 €

Échelon 5

4 656 €

5 587 €

Échelon 6

4 938 €

5 926 €

Échelon 7

5 736 €

6 883 €

Source : arrêté du 27 juillet 2021 relatif aux taux des bourses d’enseignement supérieur.

2.   La garantie Visale monte en charge mais reste insuffisamment connue par les bailleurs

L’ensemble des acteurs auditionnés par vos rapporteurs ont salué l’efficacité du dispositif Visale, qui facilite, pour les étudiants, l’obtention d’un garant. Ce dispositif est distribué directement et gratuitement par le réseau Action Logement pour le compte de sa filiale, l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) ([34]). En outre, Action Logement est en charge du recouvrement des créances auprès des locataires en impayés, par voies amiable et contentieuse. Que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social, cette solution a fait ses preuves, et vos rapporteurs se réjouissent de ce succès, qui a vu des vagues d’élargissement successives des bénéficiaires (voir encadré).

La garantie Visale a contribué au logement de 550 000 foyers depuis le 1er janvier 2016 (chiffre arrêté en octobre 2021), après un démarrage très lent au cours des premières années du dispositif. Le taux de pénétration du produit sur le marché est de 30 %. D’après l’Aires, « Visale s’est installée dans le paysage », et elle joue un rôle bénéfique sur le montant des loyers, car les exploitants de résidences la prennent de plus en plus en compte en amont, pour construire leur offre, puisque la garantie diminue le risque de l’activité d’exploitation.

Le dispositif Visale prend la forme d’un contrat de cautionnement dans lequel Action Logement s’engage à payer au bailleur les loyers et charges récupérables non payées par son locataire, dans la limite d’un plafond fixé à 50 % des ressources, avec un plafonnement à 1 500 euros de ressources en Île-de-France et 1 300 euros pour le reste du territoire. Pour les étudiants et alternants sans justification de ressources, le loyer maximum est fixé à 800 euros en Île-de-France et 600 euros dans le reste du territoire. À ce jour, le taux d’impayés moyen des étudiants est de 4,6 %.

Le dispositif Visale a été progressivement élargi pour couvrir tous les jeunes

Il a été convenu à l’occasion de la convention quinquennale 2015-2019 entre l’État et l’organisme gestionnaire de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), signée le 2 décembre 2014, et la convention État-Action Logement du 24 décembre 2015 pour la mise en œuvre de Visale, de mettre en place un dispositif permettant de « sécuriser les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail, y compris mission d’intérim, ou par promesse d’embauche, hors contrat à durée indéterminée (CDI) confirmé, d’une entreprise du secteur dit assujetti (secteur privé hors agricole) et entrant dans un logement du parc locatif privé ».

Ces deux conventions ont fait l’objet de deux avenants, signés le 21 juillet 2016 et prévoyant l’élargissement du dispositif Visale à compter du 30 septembre 2016 :

– à l’ensemble des jeunes de moins de 30 ans, salariés ou non, hormis les étudiants non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents ;

– aux salariés du secteur privé agricole ou d’organismes du secteur non assujetti à la PEEC, en échange de contributions financières.

La nouvelle convention quinquennale 2018-2022 et l’avenant à la convention Visale du 19 juin 2018 prévoient une nouvelle extension du dispositif, pour les publics suivants :

– tous les étudiants sans distinction (notamment en incluant les publics non boursiers et rattachés au foyer fiscal de leurs parents, dans tous les parcs de logement) ;

– les titulaires d’un « bail mobilité » et bénéficiaires du dispositif de mobilisation des logements vacants du parc privé « Louer pour l’emploi » ;

– les salariés de plus de 30 ans en double mobilité professionnelle et résidentielle, y compris ceux en CDI confirmé.

À la suite des dispositions de l’avenant de relance du 15 février 2021 et à compter de juin 2021, les salariés de plus de 30 ans sous conditions de ressources peuvent également bénéficier de la garantie.

La couverture par Visale comprend 36 mois de loyers maximum dans le parc privé, et 9 mois dans le parc social. Visale couvre par ailleurs les dégradations locatives pour les logements relevant du parc locatif privé. Les frais de remise en état, en cas de dégradations imputables au locataire, sont couverts jusqu’à deux mois de loyer et charges inscrits au bail, après déduction du dépôt de garantie (sauf pour le bail mobilité qui n’autorise pas de dépôt de garantie).

Tout en saluant l’efficacité de la garantie Visale, les représentantes de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) ont regretté la précipitation avec laquelle certains Crous se saisissent du dispositif dès le moindre litige avec un occupant. Cette tendance est néfaste car elle interdit à l’étudiant pour lequel Visale a dû intervenir de solliciter une nouvelle place dans les résidences gérées par les Crous.

D’autres acteurs ont également loué le caractère utile de cette aide, tout en en regrettant le manque de visibilité. Les représentants de Campus France ont souligné qu’un trop grand nombre de bailleurs privés continuent d’exprimer des réticences vis-à-vis des outils par manque de connaissance, ce qui nuit fortement au logement des internationaux pour lesquels Visale est parfois la seule caution disponible. Ils ont invité à consolider l’universalité de l’outil en sensibilisant davantage les bailleurs à ses avantages.

Proposition n° 4. Élargir les critères d’attribution de la garantie Visale en rehaussant les plafonds de ressources applicables, de façon à permettre, pour les jeunes de 18 à 30 ans, une couverture universelle. Améliorer la connaissance des publics jeunes sur les aides à l’accès au logement, en amplifiant notamment la publicité en faveur des aides au cautionnement.

3.   Les autres dispositifs de soutien

Les représentants du groupe Action Logement que vos rapporteurs ont auditionnés leur ont présenté les différents produits développés par le groupe, en plus de la garantie Visale, afin de venir au soutien des jeunes dans l’accès au logement, notamment en ce qui concerne l’accès au parc privé.

Le groupe a développé, à destination spécifique des jeunes de 18 à 30 ans, l’aide Mobili-Jeunes, une subvention mensuelle d’un montant de 10 à 100 euros qui allège, à la demande, la quittance de loyer. 74 000 alternants en ont bénéficié au cours de l’année 2018. En parallèle, dans le cadre de la crise sanitaire, le groupe a débloqué une nouvelle aide pour les jeunes entrés dans l’emploi entre 0,3 SMIC et 1 250 euros nets, avec la volonté d’aider les jeunes en précarité : 11 000 aides ont été engagées au 20 septembre 2021 sur une enveloppe totale de 110 millions d’euros.

Dans le cadre du dispositif Loca-Pass, un prêt sans intérêt peut être accordé par Action Logement à un locataire pour financer le dépôt de garantie exigé par le propriétaire à l’entrée dans les lieux. Le montant maximum de l’avance est de 1 200 euros. Au-delà des salariés des entreprises du secteur privé et des préretraités, Loca-Pass peut également être attribué à un jeune de moins de 30 ans, en formation professionnelle, en recherche d’emploi ou en situation d’emploi, à l’exclusion des fonctionnaires titulaires, ou à un étudiant salarié, sous réserve des justificatifs pertinents.

La demande d’avance est faite par le locataire et doit être présentée au plus tard deux mois après l’entrée dans le logement. Elle se fait via le site d’Action Logement. Action Logement procède à une étude de solvabilité financière du demandeur à partir des informations communiquées afin d’apprécier la recevabilité du dossier. Si l’avance est accordée, elle fait l’objet d’une annexe au bail et sera versée au propriétaire à l’entrée dans le logement, directement par Action Logement. Dans ce cas, le propriétaire la restituera à Action Logement au départ du locataire. Toutefois, si pour un motif justifié le locataire doit des loyers, charges ou réparations, le propriétaire conservera une partie ou la totalité du dépôt de garantie et son locataire remboursera l’équivalent à Action Logement. L’avance peut aussi être versée au bailleur par le locataire, qui la remboursera à son départ à Action Logement.

III.   le logement doit s’insÉRER dans une politique globale de prise en charge des publics

La première des difficultés pour un étudiant, comme le confirment toutes les personnes que vos rapporteurs ont auditionnées, est de pouvoir accéder à un logement, à une période unique et très particulière qui est celle de la rentrée universitaire de chaque année. L’engorgement annuel des demandes au mois de septembre est lié, comme le rapportent les représentants de l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires), à un phénomène d’entonnoir. À ce moment de l’année, la grande majorité des corps étudiants entre en formation simultanément et recherche un logement pour cette date.

Dans d’autres pays, par contraste, le rythme de l’année universitaire est différent de celui de notre pays, l’année universitaire aménageant parfois deux ou trois rentrées. Ce séquencement des périodes permet de mieux lisser la demande tout au long de l’année.

En l’absence d’un tel aménagement, il est nécessaire d’agir sur le levier de l’information pour améliorer la coordination entre les acteurs qui agissent dans le secteur, en particulier lors de la période critique de la rentrée. Les acteurs auditionnés, s’ils soutiennent la nécessité de renforcer l’information des acteurs et en particulier des étudiants, avertissent néanmoins que l’accès à l’information ne saurait être envisagé comme une solution miracle, et en particulier qu’il ne peut se substituer à un renforcement de la capacité d’accueil du parc.

A.   L’accompagnement et l’information des publics demandeurs doivent Être des leviers d’amÉlioration

1.   L’information au point de contact : le guichet unique à l’université et l’accès à l’information en ligne

À de multiples reprises lors des auditions, et notamment à l’occasion des échanges avec les représentants de l’Agence nationale pour l’information sur le logement, la question de la transmission des informations aux jeunes quant au parc de logements disponibles a été soulevée. Il apparaît notamment qu’il n’existe pas d’organisme qui centralise l’ensemble des informations qui ont trait aux droits et aux aides dont ils peuvent bénéficier. Les jeunes ont parfois des difficultés à connaître les personnes auxquelles ils doivent s’adresser.

Pour la plupart des jeunes en effet, l’année qui suit le lycée est la première qui les voit, dans le processus de décohabitation, confrontés à la problématique du logement. C’est à ce moment clef de leur parcours que l’accompagnement s’avère le plus nécessaire.

Pour lutter contre ce phénomène qui engendre parfois le non-recours à des aides, il a été proposé de systématiser la création de guichet unique au sein des universités. Ces guichets, qui prennent la forme de services logement, dont l’Union nationale des étudiants de France a salué l’action, existent d’ores et déjà dans des facultés comme sur le campus Talence de l’université de Bordeaux, Paris‑Saclay ou Paris-Dauphine ou l’Université de Toulouse.

Les représentants de l’Aires ont attiré l’attention cependant sur un risque pouvant résulter de la création du guichet unique. D’après eux, si le guichet unique diffuse l’offre existante, il a un effet positif. Si la mission de ce guichet est de s’instaurer comme intermédiaire entre les étudiants et les exploitants, il peut avoir l’effet inverse à celui souhaité. L’Aires considère en effet que la multiplicité des canaux demeure la meilleure des garanties pour fluidifier l’accès des étudiants.

Des guichets plus spécifiques, dont la création est encouragée notamment par la Caisse nationale des allocations familiales, permettent d’accompagner les étudiants dans leurs démarches, leur apportent du soutien et de l’aide pour qu’ils puissent connaître leurs droits. En Haute-Garonne, la caisse d’allocations familiales locale a déployé un guichet similaire dans l’université afin d’être en contact direct avec les étudiants, mais ce guichet ne concerne que les allocations familiales.

L’accès à l’information sur le logement pour les étudiants prospectifs s’est nettement amélioré avec l’internet, comme l’ont rapporté les représentants de l’Aires. Ainsi, une grande quantité des plateformes privées (Adele, Studapart, Immojeune) ou publiques (Locaviz) se font maintenant la concurrence en ligne. Des exploitants individuels de groupes de résidences et des établissements d’enseignement supérieur développent également de tels outils.

Néanmoins, les représentantes de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), acteur principal de l’accompagnement des particuliers dans leurs démarches liées à l’habitat, ont confirmé que la recherche d’un logement ou l’acquisition d’un premier logement constitue le second motif de consultation par les publics jeunes. Les jeunes sont en effet en proie à des problématiques particulières : difficulté à trouver et à convaincre un bailleur de leur louer le logement, difficulté de justifier leur solvabilité face à des propriétaires privés. Globalement, les sollicitations mettent également en lumière le fait que les jeunes manquent d’apport personnel pour l’accession ou qu’ils ne connaissent pas les rouages de l’accession.

Selon ces professionnels, il demeure donc important de continuer à privilégier l’information de proximité.

 

Proposition n° 5. Systématiser les guichets uniques dans les établissements d’enseignement supérieur afin de renseigner les étudiants, en début de scolarité, sur les aides disponibles et sur les démarches à accomplir, et mettre en œuvre une démarche logement, notamment conçue en direction des jeunes, dans le cadre des maisons France services.

Dans une contribution écrite, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a reconnu le manque de connaissance des jeunes actifs, salariés, stagiaires ou apprentis. Selon cette organisation, les dispositifs existent, dans le parc privé comme dans le parc public mais ils sont mal connus. Il apparaît également que la domiciliation dans des résidences privées constitue un poids financier important pour les jeunes salariés. Le recrutement de jeunes salariés, lorsque celui-ci est lié à une nouvelle installation ou mobilité professionnelle, est de ce fait conditionné, pour sa réussite, à la capacité qu’aura ce dernier à trouver une réponse adaptée en termes de logement, pour pouvoir se stabiliser.

Le Mouvement des entreprises de France (Medef) a attiré l’attention de vos rapporteurs sur les comités locaux pour le logement autonome, qui peuvent être une porte d’entrée au logement. Les jeunes et leurs familles n’en connaissent pas toujours l’existence. Les jeunes apprentis, stagiaires ou salariés juniors se trouvent ainsi, à l’âge des premières expériences professionnelles, sans connaissance des ressources qui leur sont ouvertes, et éprouvant de ce fait des difficultés pour trouver un logement.

Les comités locaux pour le logement autonome des jeunes

Les comités locaux pour le logement autonome des jeunes (CLLAJ) visent à contribuer à l’installation des jeunes de moins de 30 ans. Leur statut est précisé par une circulaire interministérielle n° 383 du 29 juin 1990.

Au nombre de 90, ils sont répartis sur l’ensemble du territoire et sont créés à l’initiative d’acteurs locaux et financés par les collectivités et l’État.

Leur mission consiste à informer les jeunes sur les conditions d’accès au logement, leur offrir des services techniques et financiers, comme des bourses au logement ou des prêts matériels, et conclure des partenariats locaux pour trouver des solutions à leurs besoins.

Les CLLAJ travaillent directement avec des acteurs institutionnels comme les EPCI, les Adil ou les Caf et les parties prenantes du logement et de l’hébergement.

2.   L’accompagnement dans les procédures

Bien que constituant un problème plus à la marge, la lourdeur administrative intrinsèque au dépôt de dossier dans le cadre de la conclusion d’un bail peut freiner l’accès à la location. Cette difficulté s’est réduite ces dernières années grâce à l’essor de l’utilisation d’internet et à la transmission des pièces jointes par courriel, mais il persiste une fracture numérique qui mine ces nouvelles méthodes.

Lancé en 2020, le site public dossierfacile.fr vise à aider le locataire dans la constitution de son dossier de location. La plateforme en ligne est gratuite, elle permet au locataire de déposer les documents exigés qui seront ensuite vérifiés pour s’assurer que le dossier est complet. À la fin de l’année 2020, 250 000 locataires utilisent la plateforme. Le service DossierFacile est une jeune entreprise d’État, gérée par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages au ministère de la transition écologique, qui devrait être mise davantage en avant pour que plus de jeunes puissent y avoir accès et ainsi constituer de manière plus précise leurs dossiers.

Il semblerait donc opportun d’accélérer, par une campagne publique, la diffusion du site dossierfacile.fr auprès des jeunes et notamment dans les universités, afin de sécuriser les dossiers de location des jeunes et de rassurer les bailleurs.

Comme l’ont rapporté les représentantes de l’Anil, les jeunes qui consultent les Adil sont davantage en recherche d’informations sur le cautionnement, la restitution du dépôt de garantie, la réalisation d’un état des lieux, les charges, les aides possibles ou les préavis. Ces questions se posent en effet souvent à la première entrée dans un logement locatif ou à sa sortie et reflètent le manque d’expérience dans le parcours logement qui caractérise les jeunes. Ils consultent souvent au moment d’un problème, rarement en anticipation. Souvent, ils n’ont pas pris la pleine mesure de ce qu’implique de prendre un logement et les engagements que cela représente.

L’Anil a de ce fait appelé à ce que cette offre soit présentée aux jeunes en amont de leur décohabitation, dès le lycée.

Proposition n° 6. Anticiper la formation des jeunes aux problématiques du logement en offrant des séances d’information en amont de la décohabitation, en classe de terminale, afin de les préparer au mieux au passage dans le supérieur.

Quelques actions menées par les Adil en direction des publics jeunes

Les représentantes du réseau Anil/Adil ont fourni certains exemples d’actions menées localement par les Adil en faveur de ce public spécifique.

L’Adil de l’Eure intervient habituellement avec Action Logement dans le centre de formation d’apprentis du département afin de sensibiliser les jeunes sur les aides, notamment l’aide mobili-jeune et la garantie Visale, ainsi que sur les droits et obligations en matière locative : 1 000 jeunes sont sensibilisés chaque année. L’Adil de la Loire participe régulièrement aux forums pour les jeunes (étudiants, apprentis) au côté d’Action Logement et informe sur les produits Action Logement comme Visale, Loca-Pass et Mobili-jeunes. L’Adil du Tarn informe les jeunes sur les produits Loca-Pass et Visale lors d’ateliers sur l’accès au logement locatif. En Isère, l’Adil anime en binôme avec Action Logement des formations en direction des alternants. Dans le Tarn-et-Garonne, l’Adil a associé Action Logement aux réflexions portées autour du projet « logement des jeunes ».

L’Adil des Ardennes intervient chaque mois devant un public jeune suivi par la mission locale de Charleville-Mézières pour présenter le logement intergénérationnel, nouvelle mission qu’elle assure. En Charente-Maritime, ces réunions en partenariat avec le CLLAJ ou les associations habitat jeune ont eu lieu deux fois pour présenter les règles et les aides à l’accès au logement. En Seine-Saint-Denis, l’Adil poursuit son partenariat auprès des jeunes résidents en foyers gérés ALJT en faisant des sessions d’information sur l’accès au logement.

Dans l’Hérault, un forum intitulé « Trouver mon premier appart » en direction des jeunes (étudiants, demandeurs d’emploi, stagiaires en garantie jeunes) organisé par le CRIJ Occitanie en partenariat avec Action Logement, Habitat jeunes, CLCV et la Caf a permis aux jeunes d’être renseignés sur toutes les aides existantes pour l’accès au logement. En Corrèze, 25 réunions ont eu lieu avec la mission locale et l’Insup sur l’accès au logement pour le même type de public. Dans le Finistère, l’Adil intervient dans le cadre des missions locales de Brest et de Carhaix.

Ces actions menées dans le cadre de la Garantie jeune (Lozère, Yonne) ou, plus largement, en lien avec les missions locales sont réalisées aussi dans les Landes, où l’Adil intervient auprès de jeunes pour présenter les aides à la mobilité. Dans l’Indre, l’AdiL anime le relais logement qui met en relation les bailleurs et locataires pour des locations de courte durée afin de faciliter la mobilité liée à l’emploi.

L’Adil de Haute-Saône, avec l’outil pédagogique « jeu m’loge », a réalisé 14 ateliers logement « Autonomie pour le logement » pour plus de 98 jeunes bénéficiaires de la garantie jeune. Elle intervient également auprès des jeunes des lycées ou issus de l’aide sociale à l’enfance. Elle a également rédigé des fiches pratiques pour les jeunes en phase d’autonomie. Dans l’Orne, ce même outil est utilisé pour animer des ateliers avec des jeunes en difficulté.

Source : Agence nationale pour l’information sur le logement.

B.   une meilleure connaissance du parc doit Être encouragÉE par les nouveaux dispositifs d’observation fonciÈRE

Les divers représentants auditionnés par vos rapporteurs ont souligné que les jeunes ne disposent pas d’une connaissance claire de l’ensemble et de la diversité de l’offre.

1.   L’émergence d’un outil commun de connaissance du parc étudiant

Les diverses personnes auditionnées ont fréquemment évoqué la problématique de la connaissance du parc orienté vers les jeunes, en mettant en avant qu’une meilleure connaissance permet une meilleure mobilisation.

Dès 2011, il a été question au ministère chargé de l’enseignement supérieur de mettre en place un « tableau de bord national du logement étudiant » ([35]). L’objectif de cette recension est d’avoir une meilleure appréhension des possibilités et des manques, notamment avec une focale territoriale qui permet de sortir de l’ornière nationale et centralisée, qui n’est pas à même de cibler les difficultés de chaque territoire.

À cet effet, vos rapporteurs ont auditionné les représentants de l’Association des villes universitaires de France (AVUF) et de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), qui portent un projet de connaissance foncière très développé. Les observatoires territoriaux du logement étudiant (OTLE) sont le fruit d’une réflexion qui remonte à l’année 2015, lorsque le réseau des « collectivités ESR » (enseignement supérieur et recherche), qui rassemble des associations de collectivités, dont l’AVUF et la FNAU, s’est saisi de l’enjeu du logement des étudiants. Le réseau avait fait le constat que le logement étudiant se trouvait aux marges des compétences et des préoccupations des collectivités territoriales, des universités et des acteurs du logement. L’objectif était de réunir ces acteurs pour trouver localement un cadre de dialogue et des solutions partagées.

Le projet des observatoires a débuté en 2018 par une expérimentation, un appel à manifestation d’intérêt auprès des différents acteurs pour constituer les observatoires. Les acteurs locaux d’une vingtaine de territoires ont répondu à cet appel, ce qui a montré l’étendue des besoins. Un second appel à manifestation d’intérêt a intégré dix autres territoires en 2021.

Afin d’accompagner la création et le déploiement des observatoires, un dispositif d’animation nationale a été créé. Ce dispositif regroupe les ministères concernés, les associations, les représentants des collectivités territoriales, les acteurs de la Conférence des présidents d’université, les acteurs du logement, publics comme privés (Cnous, Union sociale de l’habitat, Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services), et l’Observatoire national de la vie étudiante. La FNAU, quant à elle, apporte un soutien local aux observatoires.

Une double labellisation a été instaurée dans l’objectif de conférer une certaine robustesse aux observatoires. La première labellisation, sur un an, permet d’appréhender la structure de la gouvernance. Elle s’opère sur deux niveaux, politique et technique. Du point de vue politique, une collectivité ou une université doit prendre part à l’observatoire. À l’échelle technique, la présence d’un acteur capable de traiter et d’analyser les données, de préparer les éléments de débat est nécessaire (par exemple une agence d’urbanisme, Adil, bureau d’études etc.) La seconde labellisation a lieu après trois ans, en se basant sur les premiers résultats. Les observatoires découlant de la volonté des acteurs locaux, ni la FNAU ni l’AVUF ne participent au financement.

L’objectif principal des OTLE est de comprendre au niveau local l’évolution des besoins et de l’offre du logement étudiant, dans une démarche similaire aux observatoires du foncier et de l’habitat. Les observations doivent permettre d’orienter le processus décisionnel et d’intégrer les connaissances partagées des différents acteurs aux politiques locales de l’habitat intégrées dans le plan local d’urbanisme et dans le programme local de l’habitat, et d’orienter les décisions de développement des Crous. Selon Hénéo, filiale de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), auditionnée par vos rapporteurs, l’État gagnerait à utiliser les informations mises à sa disposition par les gestionnaires au titre :

– des observatoires territoriaux, en confrontant les données qui y sont présentes avec les propres bases de données des gestionnaires et les remontées du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) pour le parc propriété des bailleurs sociaux ;

– des comités d’orientation créés par les conseils d’administration des bailleurs sociaux ([36]), qui dressent annuellement le bilan, chez chaque gestionnaire de résidence universitaire, des attributions de l’année précédente, et dont les données pourraient être consolidées au niveau national, sous réserve de produire un modèle redditionnel commun à tous les gestionnaires.

2.   La mise en œuvre des observatoires territoriaux doit être encouragée et accompagnée

Les OTLE, après trois ans d’existence, arrivent en phase de production de données. À partir de 2022, les réflexions et études conduites seront valorisées dans les politiques locales de l’habitat. L’enjeu futur principal des observatoires est désormais leur pérennisation, et des moyens incitatifs sont recherchés pour les inscrire dans la durée, le financement par les deux ministères demeurant fragile.

Les représentants des OTLE ont tenu à cet égard à souligner la spécificité et la technicité de leur travail, ainsi que son adéquation avec les mutations récentes et les nouveaux enjeux de la vie étudiante, qui rendent nécessaires des structures entièrement consacrées à l’étude de ces évolutions. Ainsi, les enjeux liés à la crise sanitaire ou encore à la mise en œuvre, tout en répondant à la demande de logements, de l’objectif de l’absence de toute artificialisation nette des sols (ATANS), sont cités comme des exemples de viviers de recherches spécifiques de ces observatoires.

La volonté des OTLE d’intégrer les résultats de leurs observations aux documents d’urbanisme n’est pas isolée, d’autres acteurs appelant à une meilleure planification du logement étudiant au cœur des politiques locales de l’habitat.

La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) ainsi que l’Union sociale de l’habitat (USH) ont appuyé la volonté des acteurs de voir apparaître une déclinaison territoriale des objectifs en matière de logements étudiant à la faveur de la révision constante des documents d’urbanisme, notamment le plan local d’urbanisme (PLU). Ces révisions doivent permettre de rapprocher les acteurs et de cibler les surfaces constructibles en tenant compte des règles d’artificialisation des sols.

Il ressort des travaux de vos rapporteurs que la question du logement étudiant, si elle reste un enjeu national, doit également être davantage pensée à l’échelle locale, plus à même d’identifier les problèmes et les solutions d’aménagement et d’urbanisme.

C.   Le dialogue entre les diffÉRENTS intervenants du secteur

1.   Les relations entre les universités et les Crous sont très développées

Particulièrement liés de par leurs relations complémentaires, les universités et les Crous ont développé, au fil des décennies, des relations qui doivent leur permettre de partager leurs compétences et de contribuer au déploiement du logement étudiant là où sont les besoins.

Ces relations ont conduit, en 2016, à la signature d’un accord-cadre entre la Conférence des présidents d’université et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires ([37]) concernant particulièrement la vie étudiante et la vie de campus, la démocratisation de l’enseignement supérieur et la prise en compte des enjeux environnementaux. Il a visé à donner des outils aux universités et aux Crous pour intensifier leurs partenariats locaux autour de quatre axes : l’approfondissement des coopérations entre la CPU et le Cnous ; l’amélioration de l’accompagnement des étudiants ; l’adaptation des services aux besoins de la communauté universitaire ; le développement de la vie de campus.

Cet accord national est venu parachever des initiatives similaires qui avaient déjà vu le jour à l’échelle locale. En décembre 2013, par exemple, le Crous de Nancy-Metz et l’Université de Lorraine s’étaient ainsi associés pour décliner des schémas directeurs stratégiques de la vie étudiante.

De l’avis des personnes auditionnées par vos rapporteurs, ces initiatives ont permis des avancées communes entre les établissements d’enseignement et les exploitants des résidences en termes de partage des analyses, de définition de stratégies communes, de prise en compte des avis des usagers, de meilleure information, de simplification des procédures, de développement en commun de la prévention et de la promotion de la santé et du bien-être, et d’accompagnement des étudiants en situation de handicap. Ils ont également, outre les avancées sur le logement, permis des concertations renforcées en matière de réflexion sur les rythmes de l’année universitaire, de restauration et de développement de services numériques.

 

Article 11 de l’accord-cadre de 2016 concernant le logement

L’amélioration de l’offre de logements étudiants favorise la démocratisation de l’enseignement supérieur, facilite le parcours des jeunes vers l’autonomie et contribue à l’attractivité internationale des universités françaises.

Les universités et les Crous conjuguent leurs efforts pour poursuivre ensemble des plans opérationnels et coordonnés pour le logement étudiant, sur la base de diagnostics précis, en lien avec les collectivités territoriales, les services compétents de l’État et l’ensemble des partenaires pertinents. Ces plans doivent notamment permettre la réalisation des objectifs de construction de logements sociaux étudiants identifiés dans le cadre du « plan 40 000 » en :

– explicitant d’un point de vue quantitatif, les besoins au niveau de chaque agglomération ;

– prenant en compte la situation sociale des étudiants et en visant à ce que les logements construits soient proposés à des tarifs adaptés à leur capacité contributive ;

– articulant les stratégies pédagogiques et immobilières des établissements et urbanistiques des collectivités ;

– contribuant à la transition énergétique, par les choix techniques les plus respectueux de l’environnement ;

– adaptant ces logements au mode de vie et aux besoins des étudiants et en proposant un bouquet de services pour favoriser l’épanouissement des étudiants et leur réussite studieuse, notamment à travers l’intensification de l’animation en résidences.

L’amélioration de l’accès au parc locatif privé et diffus est un enjeu pour le logement des étudiants : la CPU et le Cnous conviennent de promouvoir le label Lokaviz, et les universités et le Crous sont invités à promouvoir les déclinaisons territoriales « MyLoka » auprès des collectivités, afin d’améliorer la visibilité du service et l’abondement en offres locatives.

La CPU et le Cnous incitent les Crous à poursuivre leur engagement en faveur des dynamiques universitaires,en proposant des résidences adaptées notamment :

– aux apprentis, alternants, stagiaires, étudiants en formation continue ;

– aux étudiants en situation de handicap ;

– aux auditeurs d’« universités d’été » ;

– aux étudiants, enseignants et chercheurs internationaux accueillis pour des courts, moyens ou longs séjours.

2.   Le dialogue entre les acteurs s’est développé mais doit encore être renforcé, notamment en direction du monde HLM

Réunis à Metz en octobre 2020, et sous l’égide des ministres chargés de l’enseignement supérieur et du logement, l’Union sociale pour l’habitat, la CPU et le Cnous ont signé un protocole d’accord en faveur du logement des étudiants et des jeunes ([38]). Par ce protocole, les acteurs se sont engagés à unir leurs efforts pour favoriser la croissance de l’offre de logements destinés aux étudiants et aux jeunes.

Cette convention vise notamment à favoriser le dialogue entre les Crous et les bailleurs sociaux et ainsi faciliter la coopération entre les acteurs pour la production de logements qui prennent en compte les enjeux nouveaux tels que l’accès au numérique et l’efficacité énergétique. Elle propose aussi de s’appuyer sur les diagnostics réalisés par les observatoires territoriaux du logement étudiant, afin de développer une meilleure connaissance des besoins et de l’offre existante sur les territoires.

Lors de leur audition, les représentants de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle ont souhaité attirer l’attention des rapporteurs sur la nécessité d’une coopération efficace entre les établissements universitaires, l’opérateur historique Crous et le monde des bailleurs HLM.

Ces initiatives, si elles vont dans le bon sens, restent encore insuffisantes pour assurer une bonne entente entre toutes les parties prenantes. Les accords entre les bailleurs sociaux et les Crous restent difficiles. Au cours de leur audition, les représentants de l’Union nationale des étudiants de France ont par exemple présenté comme modèle le cas du Crous de Versailles, qui a conclu une convention avec l’office public de l’habitat de Nanterre pour la mise à disposition de studios des étudiants. Cette offre était restreinte aux étudiants salariés et en grande détresse. De plus, l’Unef a fait remarquer que les loyers étaient plus élevés qu’en résidence étudiante.

Malgré les accords qui se nouent entre les différents acteurs publics, certaines personnes auditionnées comme l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires), qui représentent la plupart des gestionnaires associatifs du secteur, regrettent que ces accords n’intègrent pas les protagonistes hors Crous, comme Action Logement ou les gestionnaires des résidences.

Il semblerait en effet opportun de mieux intégrer les associations de gestion des résidences étudiantes à la coordination nationale de la production de logements étudiants, aujourd’hui resserrée autour de l’État, des établissements, des Crous et des bailleurs sociaux.


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   SECONDE PARTIE :
UN SEGMENT EMBLÉMATIQUE DE LA CRISE DU LOGEMENT, AVEC UNE RUPTURE STRUCTURELLE ENTRE LA DÉMOGRAPHIE Et LA CAPACITÉ D’ACCUEIL qu’il faut surmonter

Les problématiques exposées en matière de précarité des jeunes se doublent en France d’une démographie dynamique qui se traduit par en une expansion rapide de la population âgée de 18 à 30 ans. Les effectifs des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur ont connu une augmentation de plus de 50 % entre 1990 et aujourd’hui et doivent encore progresser nettement sur la prochaine décennie.

Dans ce contexte, les efforts de production mobilisés par collectivités publiques et notamment par l’État sont conséquents. Toutefois, jusqu’à présent, la croissance de la demande, qui impose 40 000 logements supplémentaires par an, n’est pas égalée par la dynamique de l’offre. En conséquence, dans les années 2010, l’opération Campus a fait porter la grande part de l’effort sur l’enjeu de la réhabilitation du parc étudiant, devenu vétuste.

Aujourd’hui deux enjeux continuent de se poser : la réhabilitation des logements vétustes, notamment ceux du parc Crous ; et celui de la production de nouveaux logements, enjeu qui se situe de plus en plus à la croisée de l’offre publique traditionnelle et de l’offre privée.

Avec les dispositifs d’investissement locatif, et notamment la réduction d’impôt Censi-Bouvard, le parc des logements meublés à destination des jeunes et celui des résidences étudiantes ont crû. Dans le même temps, les bailleurs sociaux sont de plus en plus impliqués dans le secteur et fournissent une grande partie des nouvelles résidences, souvent dans des montages privilégiant la mixité des publics et la cohabitation intergénérationnelle. Les lois LEC et ELAN ont également permis de renforcer les capacités de gestion des organismes de logement social dans ce domaine.

I.   L’OFFRE HISTORIQUE DE LOGEMENTS À DESTINATION DES JEUNES EST INSUFFISANTE

En dépit des volontés fortes qui ont ponctué les précédentes législatures successives, marquées chacune par le lancement de missions d’évaluation de la politique du logement et d’opérations de construction de logements à destination des jeunes, de nettes insuffisances apparaissent à partir de la massification démographique des jeunes et notamment de l’enseignement supérieur qui a lieu dans les années 1990. Ces carences demeurent et se creusent dans les années 2000 et 2010, et les acteurs historiques ont eu des difficultés à assumer seuls la charge de production nécessaire.

A.   DES ACTEURS HISTORIQUEMENT ENGAGÉS qui peinent À rÉpondre seuls À la croissance de la demande

1.   Les Crous, un réseau reconnu, à l’expertise éprouvée, mais dont les capacités sont insuffisantes

Vos rapporteurs ont recueilli, tout au long des travaux de leur mission, des propos positifs de tous les acteurs au sujet des Crous, en particulier sur la qualité de leur travail et leur aptitude à s’adapter à un environnement changeant. Leur activité, qui est au cœur du soutien public apporté aux étudiants, notamment les plus précaires, doit demeurer l’un des piliers sur lesquels s’appuie l’action de l’État en faveur de la jeunesse.

Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) sont impliqués tout au long de la chaîne du logement étudiant, de la production à l’exploitation. Ils gèrent aujourd’hui la majorité des résidences étudiantes réalisées par les bailleurs sociaux, en particulier celles des offices publics de l’habitat, et surtout le parc public de résidences universitaires développé depuis la création du réseau en 1955.

Sur les 40 000 « lits » mis en service sur les cinq années 2013-2017, la part du Crous a représenté :

– moins de 10 % en maîtrise d’ouvrage directe (3 800 « lits »). Sur la période 2018-2020, on ne compte que 7 opérations à maîtrise d’ouvrage Crous, sur quelque 220 opérations agréées de logements sociaux étudiants au cours de ces trois années, étant précisé que les Crous ont accès aux prêts locatifs sociaux (PLS), mais qu’une opération peut être réalisée sous maîtrise d’ouvrage Crous sans nécessairement mobiliser un prêt PLS. Toutefois, les autres opérations à maîtrise d’ouvrage Crous qui n’apparaissent pas dans les prêts PLS agréés sont très peu nombreuses ;

– plus de 40 % en gestion (maîtrise d’ouvrage directe Crous et partenariat avec des bailleurs sociaux) : une part significative des résidences construites par les bailleurs est en effet exploitée par les Crous en partenariat avec des bailleurs sociaux maîtres d’ouvrage.

Ces proportions amènent vos rapporteurs à observer, en accord avec les conclusions de la mission d’évaluation interministérielle du réseau des Crous, menée en 2019, qu’il est nécessaire d’adapter notre représentation mentale de ces structures. Il convient de sortir de la représentation des Crous « bâtisseurs historiques » pour les concevoir davantage comme des gestionnaires du parc des résidences étudiantes, partenaires des bailleurs sociaux.

Les Crous ont l’obligation d’attribuer prioritairement les logements qu’ils gèrent selon des critères fixés par voie réglementaire, et principalement sociaux. Ils subissent d’autres contraintes, telles que l’impossibilité de louer les logements en amont de la rentrée universitaire, ce que font tous les autres gestionnaires dans les villes où le marché locatif est tendu. À côté de leur mission sociale, les Crous accompagnent les universités dans leurs partenariats internationaux, puisqu’une partie importante des logements qu’ils gèrent (15 à 30 %) est réservée par convention aux étudiants étrangers accueillis dans le cadre d’échanges ; c’est aussi le cas d’une partie des boursiers du gouvernement français ou des gouvernements étrangers accompagnés par Campus France.

Les Crous, qui sont des établissements publics à caractère administratif répartis par académie, ont des obligations réglementaires qui découlent de leur mission de service public. Ils sont chargés d’instruire les dossiers sociaux étudiants (DES), pierre angulaire de leurs prestations. Ils ont l’obligation d’attribuer prioritairement les logements qu’ils gèrent selon des critères fixés par la voie réglementaire, à visée principalement sociale (voir encadré).

Les centres régionaux contribuent notamment, dans leur ressort géographique, à la mise en œuvre de la politique nationale de vie étudiante définie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en proposant les prestations et les services propres à améliorer les conditions de vie et d’étude. Ils créent, dans ce but, les services leur permettant d’adapter et de diversifier les prestations qu’ils proposent aux usagers en tenant compte de leurs besoins.

Publics relevant de l’action des Crous (art. R. 822-2 du code de l’éducation)

1° Les étudiants ou élèves en formation initiale ou continue inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur, les écoles techniques supérieures, les grandes écoles et les classes des établissements du second degré préparatoires à ces écoles ou dans lesquelles est dispensé un enseignement postbaccalauréat ;

2° Les titulaires d’une carte d’étudiants des métiers ;

3° Les personnes accomplissant un service civique ;

4° L’ensemble des usagers et personnels membres de la communauté universitaire ;

5° À titre secondaire, d’autres catégories de personnes déterminées par le conseil d’administration des centres régionaux, après avis du centre national. L’admission au bénéfice des prestations du centre régional est faite dans la limite des capacités d’accueil des services assurant les prestations et en tenant compte des coûts réels de fonctionnement de ces services.

L’attribution se fait, dans un premier temps, lors de la session d’attribution qui a lieu au mois de juin précédant la rentrée académique, à destination des étudiants qui répondent aux mêmes critères que ceux du versement des bourses, sous réserve des places disponibles. Sont également visés les étudiants en mobilité accueillis par un établissement dans le cadre d’un échange universitaire, ainsi que les étudiants handicapés moteurs ou malvoyants qui disposent d’une carte d’invalidité de plus de 80 %.

Toutefois, en dépit de la qualité du travail réalisé par le réseau qu’anime le Cnous, l’ensemble des personnes auditionnées a estimé que le parc des Crous est insuffisant pour faire face à la demande considérable et dynamique émanant des étudiants. Les 175 000 places du parc, sur un total de 355 000 places en résidence étudiante en France, ne permettent de loger que près de 25 % des boursiers de l’État, représentant 7 % de l’ensemble des 2,7 millions d’étudiants en France. Par ailleurs, comme le remarque l’association Fac-Habitat, un tiers des places du parc est occupé par des étudiants internationaux, qui ne sont pas soumis à des critères de ressources, mais dont l’admission dans les résidences des Crous résulte des partenariats conclus avec les établissements (voir première partie).

RÉPARTITION DANS LE PARC DE LOGEMENTS DU 1,9 million
D’ÉTUDIANTS DÉCOHABITANTs EN 2019

Afin de s’adapter au contexte de demande excédentaire par rapport à l’offre, les Crous ont développé le service en ligne Locaviz, qui permet d’offrir aux universités et à leurs étudiants un accès à des offres de logements hors résidences, avec des solutions diverses sélectionnées avec attention.

Vos rapporteurs considèrent qu’en vertu de leur histoire et de leur place centrale au sein du tissu des acteurs de l’enseignement supérieur, les Crous doivent rester l’acteur central du logement étudiant, en lien avec les établissements de l’enseignement supérieur, qui sont seuls capables de toucher l’ensemble de la population étudiante, comme l’ont rappelé les représentants de la Conférence des présidents d’université.

Le Cnous maintient le dynamisme et l’engagement de son réseau en faveur du logement des jeunes, comme en témoigne la signature de la convention du 2 octobre 2020 pour la mobilisation des acteurs en faveur du logement des étudiants et des jeunes avec la Conférence des présidents d’université et l’Union sociale pour l’habitat. Par ailleurs, les gouvernements successifs ont toujours cherché à encourager la création de logements par les Crous, par la priorité pour l’usage du foncier, la priorité pour la réhabilitation de certains bâtiments inhabités, et l’ouverture dérogatoire des marchés de conception-réalisation. En outre, les Crous bénéficient de certaines dispositions fiscales spécifiques.

Dispositions fiscales s’appliquant aux Crous

En application de la loi n° 55-425 du 16 avril 1955, les Crous sont des établissements publics à caractère administratif dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière, placés sous la tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur. Ils ont pour mission de favoriser l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants et de gérer les services propres à satisfaire ces besoins. Compte tenu de leur vocation, les Crous sont assimilés à des établissements publics d’assistance et exercent une mission d’utilité publique.

En application des dispositions combinées du 1° de l’article 206 et de l’article 1654 du code général des impôts (CGI), les établissements publics sont passibles de l’impôt sur les sociétés (IS) de droit commun à raison des activités lucratives qu’ils exercent ([39]). Les Crous étant assimilés à des établissements publics d’enseignement ou d’assistance, ils bénéficient en revanche des dispositions du 5° de l’article 206 du CGI qui prévoient qu’ils peuvent être exonérés à raison de leurs revenus patrimoniaux.

En ce qui concerne les taxes foncières, aux termes du 1° de l’article 1382 du CGI, sont exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les propriétés appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et à certains établissements publics dont les établissements publics d’assistance, sous réserve d’être affectées à un service public ou d’utilité générale et d’être non productifs de revenus.

Ces résidences universitaires peuvent être regardées comme improductives de revenus dès lors que, si elles appartiennent à l’État, ce dernier ne perçoit pas de loyer et que, si elles sont la propriété d’un Crous, les loyers et autres prestations payés par les étudiants ne suffisent pas à compenser les dépenses de fonctionnement, qui ne peuvent être couvertes que grâce aux subventions versées par l’État ([40]).

Dans ces conditions, conformément à la doctrine administrative, les résidences universitaires qui sont la propriété de l’État ou des Crous bénéficient de l’exonération permanente de TFPB prévue à l’article 1382 du CGI.

En revanche, les locaux gérés par les Crous, dans le cadre de contrats de location conclus avec des tiers, notamment des organismes de logement social, sont soumis à la TFPB au nom du propriétaire ; à charge pour ce dernier – si le contrat de location le prévoit – d’en obtenir le remboursement par son locataire.

Source : direction de la législation fiscale (ministère chargé du budget).

2.   Les établissements d’enseignement supérieur ont des degrés d’investissement différents dans la thématique du logement

Longtemps, le modèle universitaire français n’a pas fait de l’offre de logement associée à l’offre d’enseignement un élément déterminant de son organisation. De l’avis de la Conférence des présidents d’université, l’autonomie récente des établissements ainsi que leurs moyens historiquement limités ont abouti à une découverte et à une prise en main relativement tardives de la problématique du logement des effectifs ([41]). Les représentants de la direction de l’immobilier de l’État ont par ailleurs rappelé que les universités sont soumises au principe de spécialité qui s’impose à tous les établissements publics, disposant qu’un établissement public ne peut se livrer à des activités excédant le cadre des missions qui lui sont assignées par les textes qui l’ont institué.

Pour diverses raisons historiques, l’offre de logement des établissements d’enseignement supérieur, et en particulier des universités, est donc inférieure en France en comparaison avec celle de la majorité des pays comparables. Certaines initiatives existent cependant, d’après la Conférence des présidents d’université (CPU), depuis une ou deux décennies pour développer des stratégies de logement pour la communauté universitaire (étudiants, personnels, chercheurs invités). Trois impératifs guident cette recherche renouvelée : la recherche d’attractivité en France et à l’étranger ; le besoin de dynamiser la vie de campus ; la prise de conscience d’occasions de valorisation du patrimoine foncier.

La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) corrobore l’idée selon laquelle les universités découvrent la problématique du logement étudiant. En cela, la prise d’information par l’ensemble des gestionnaires, comme les Crous, constitue un levier d’avenir pour l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Ainsi, c’est la première fois cette année, selon l’administration, que les universités prennent part véritablement à cette question sous l’impulsion de l’action des observatoires territoriaux du logement étudiant (OTLE).

Par contraste, les grandes écoles déploient de longue date une offre de logement associée à la scolarité au sein de leurs établissements. Il s’agit d’une question particulièrement importante pour elles du fait que l’entrée dans ces établissements n’est pas soumise à une condition de localisation, comme cela peut être le cas à l’université, mais à la réussite d’un concours, qui emporte dans de nombreux cas une obligation de déménager pour l’étudiant. Les écoles ont développé des informations spécifiques présentant les différentes solutions d’hébergement, et noué des partenariats avec des résidences voisines des sites d’implantation afin de mieux accompagner les étudiants.

Les représentants de la Conférence des grandes écoles (CGE) ont cependant admis que si l’entièreté des écoles prend en compte l’accès au logement parmi leurs politiques, les politiques des établissements sont radicalement différentes entre elles. Pour ces écoles, la priorité d’accès à ces logements s’établit au regard de deux facteurs : la précarité (cas des étudiants handicapés, boursiers ou mineurs) et l’éloignement. Certaines d’entre elles, à l’instar de l’École normale supérieure ou de l’École polytechnique, font le choix et ont les capacités de loger une grande partie ou l’intégralité de leur corps étudiant sur le site. D’autres, comme l’École supérieure des sciences économiques et commerciales, proposent des résidences gérées par l’association des anciens élèves, et accompagnent les étudiants qui s’installent en dehors du site.

Les universités et la gestion du patrimoine

Selon les données transmises par la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, le patrimoine immobilier des universités et des écoles comprend 6 300 biens pour 15 millions de mètres carrés de surface utile que se partagent 138 établissements, sur un foncier de l’ordre de 5 300 hectares. Le parc universitaire représente ainsi à lui seul près de 20 % du patrimoine immobilier de l’État.

Selon la mission sénatoriale à ce sujet, l’étendue de ce parc résulte en partie de la forte pression démographique à l’université, qui a entraîné une hausse de 50 % de l’immobilier universitaire entre 1995 et 2010. À compter de cette date, si les effectifs ont continué de progresser, la surface immobilière est restée constante, la politique immobilière faisant de l’entretien et de la rénovation du parc existant une priorité, notamment dans le cadre de l’opération Campus.

Le patrimoine immobilier universitaire se compose aujourd’hui :

– de bâtiments historiques qui, s’ils sont globalement dans un état correct, nécessitent d’importants travaux de mise aux normes (sécurité, accessibilité, etc.) ;

– de constructions datant des années 1960, qui arrivent souvent en fin de cycle de vie ;

du bâti issu des deux vagues de constructions lancées dans les années 1990 – les plans « Université 2000 » (1990-1995) et « Université du troisième millénaire » (à compter de 1998), qui a mal vieilli, en raison des choix architecturaux et constructifs réalisés.

Dans ce contexte, et en dépit des investissements réalisés dans le cadre du plan Campus – qui ne concernait, au demeurant, que les deux tiers des surfaces universitaires – force est de constater que le patrimoine immobilier des établissements publics d’enseignement supérieur demeure en grande partie vétuste, même s’il existe de grandes disparités entre les sites.

Ainsi, selon les données issues du référentiel technique pour l’enseignement supérieur et la recherche (RT-ESR), 31 % du bâti universitaire serait actuellement dans un état peu ou pas satisfaisant et 9 % du parc ne répondrait pas aux normes de sécurité des établissements recevant du public (ERP).

La Conférence des présidents d’université (CPU) tient, comme en atteste l’action conjointe menée avec l’Union sociale pour l’habitat, un rôle moteur dans le développement de cette offre, qu’elle souhaite être globale afin de ne pas donner lieu à des concurrences entre les publics. La CPU a défini comme suit en 2020 les objectifs de la politique générale des établissements universitaires sur les problématiques du logement de leurs effectifs : clarifier le rôle des établissements en matière de production de logements ; accorder une plus grande autonomie aux établissements volontaires ; écouter davantage les besoins des étudiants pour des logements qualitatifs.

Elle a proposé les voies d’amélioration suivantes : reconfigurer les logements et services universitaires en période de vacances ; favoriser le mélange des publics par la création de logements intergénérationnels ; encourager l’usage de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) pour la création de lieux de vie collectifs.

3.   Les foyers de jeunes travailleurs (FJT) constituent un modèle d’hébergement et d’insertion dont le développement récent est trop lent

Les foyers de jeunes travailleurs, aujourd’hui également désignés « habitat jeunes », constituent, d’après les services du ministère de la transition écologique, l’outil historique de l’habitat jeunes.

Champ et missions des foyers de jeunes travailleurs

Les dispositions minimales fixant l’organisation et le fonctionnement des foyers jeunes travailleurs ont été définies par un décret du 31 juillet 2015 ([42]), qui circonscrit notamment le public qui peut être accueilli par une FJT, qui doit être prioritairement constitué de jeunes âgés de 16 à 25 ans, et à l’issue d’une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Les FJT ne peuvent recevoir un public âgé de plus de 30 ans.

Le décret précise aussi les missions des FJT ainsi que leur contenu socio-éducatif. Leur objectif est de favoriser l’accès au logement indépendant des jeunes qu’ils logent. À ce titre, trois types d’actions sont exercées par les établissements :

– accueil, information et orientation en matière de logement ;

– accompagnement dans le domaine du travail, de l’éducation civique, de la culture, de la santé, du sport, de la mobilité, de la formation, etc. ;

– restauration sur place ou à proximité ; cette restauration pouvant être délivrée par un organisme extérieur.

Les FJT ont en outre une double appartenance réglementaire : ils relèvent à la fois de la catégorie des établissements et des services sanitaires et médico-sociaux (ESSMS) dont la réalisation doit répondre à un appel à projets ([43]) et de la catégorie des logements-foyers dits « résidences sociales » créées par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ([44]). De ce fait, ils sont à la fois éligibles à la prestation socio-éducative de la Caf et au conventionnement à l’APL, en l’occurrence l’APL foyers, dont les conditions sont plus avantageuses pour les allocataires que l’APL de droit commun.

Comme la plupart des personnes qu’ils ont auditionnées, vos rapporteurs estiment que ces foyers, qui bénéficient d’atouts qui en font des modèles d’accompagnement et d’insertion, ne sont pas aujourd’hui suffisamment nombreux par rapport aux publics cibles. Bien que la création des foyers de jeunes travailleurs se soit inscrite dans un contexte marqué par les mouvements d’éducation populaire très différent du temps présent, ils continuent de représenter une réponse importante aux défis du logement des jeunes actifs.

Les FJT se sont surtout développés pendant l’après-guerre, pour faire face à deux problèmes connexes : la crise du logement et l’exode rural. Dans les années 1950 et 1960, ils étaient principalement destinés aux jeunes ayant quitté leur famille pour travailler en ville, qui, bien qu’ils perçussent un salaire, ne trouvaient pas à se loger dans des conditions salubres et décentes. En 1955 est née l’Union nationale des foyers de jeunes travailleurs, devenue en 2006 l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj).

À partir des années 1970, les FJT se sont orientés vers des fonctions socioéducatives et d’insertion professionnelle, profitant de chambres vacantes pour accueillir un public sans emploi, pratique qui a perduré. La crise qui a résulté du choc pétrolier de 1973 a précarisé davantage les populations jeunes, et les FJT ont accueilli plus de personnes au chômage afin de les mélanger aux actifs. Le passage aux années 2000, marqué par des épisodes de récession économique et une nouvelle crise du logement avec une décohérence accrue entre la croissance des prix de l’immobilier et la stagnation relative des revenus, a suscité un regain d’intérêt pour la mission des FJT.

Les modalités de l’action des FJT sont très spécifiques et diffèrent en particulier nettement de celles des résidences étudiantes, qui constituent pourtant leur pendant pour les populations étudiantes. Le financement des projets de FJT se fait par une demande d’agrément pour un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), et les opérations de construction sont la plupart du temps menées par un organisme de logement social.

La branche Famille de la sécurité sociale finance directement 500 foyers, pour un total de 500 000 lits. Ce soutien s’opère de trois façons, dont deux ressources directement versées aux foyers, et en conséquence 10 % des ressources des foyers proviennent de la CNAF :

– un concours financier est versé par la CNAF, à hauteur de 30 M€ par an, en fonction de certains critères ;

– chaque caisse d’allocations familiales dispose de fonds locaux pour le soutien de projets, avec un montant de 10 M€ alloués au FJT ;

– les personnes hébergées perçoivent l’APL foyers, qui concerne 116 000 allocataires (voir la première partie).

Les représentants de l’Union nationale de l’habitat des jeunes (Unhaj) ont souligné l’importance pour les FJT de la problématique de la rotation des effectifs. La mission sociale de ces structures étant d’aider les jeunes à accéder à l’autonomie, les séjours peuvent être courts. Néanmoins, le parc connaît en moyenne un taux de 96 % de places occupées, celles qui ne le sont pas se trouvant quasi exclusivement dans des zones non tendues. La demande est forte et le temps d’attente pour obtenir une place est long.

Le public des FJT s’est diversifié au cours des dernières années, et comprend de moins en moins de jeunes travailleurs à proprement parler. De plus en plus de jeunes en situation de mobilité professionnelle, qui peuvent donc être en apprentissage ou en stage, plébiscitent ce mode d’hébergement. Ce changement structurel, qui fait naître des débats sur la mission intrinsèque des FJT, interroge également sur les moyens des autres acteurs, qui ne bénéficient pas toujours de mécanismes d’aides analogues qui leur permettraient d’accueillir ces publics aux besoins spécifiques.

Vos rapporteurs considèrent donc qu’il est nécessaire de s’inspirer du modèle des FJT pour permettre l’éclosion d’autres initiatives à destination d’autres jeunes, afin que ceux-ci ne se substituent pas aux jeunes travailleurs dans le besoin. Le soutien à ces initiatives pourrait passer par un meilleur financement, notamment dans le cadre de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS).

Comme l’ont relayé cependant les services du ministère de la transition écologique, différents indicateurs soulèvent aujourd’hui des questions : alors que des financements sont disponibles (crédits du Fonds national des aides à la pierre ; plan de relance ; enveloppes des Caf pour la prestation de service FJT), un trop faible nombre de FJT existants sont réhabilités et peu de nouveaux FJT sont créés.

Par ailleurs, peu de départements renseignent l’intégralité des places de FJT dans le système d’information du service intégré de l’accueil et de l’orientation (SI‑SIAO) et le SI est peu utilisé pour orienter les jeunes vers ces structures.

Dispositions fiscales s’appliquant aux FJT

Relevant à la fois du code de l’action sociale et des familles (article L. 312‑1) en leur qualité d’établissements sociaux et médico-sociaux et du code de la construction et de l’habitation (article L. 831‑1) en leur qualité de logements-foyers, les foyers de jeunes travailleurs sont des institutions à but non lucratif qui mettent à la disposition des jeunes qui vivent hors de leur famille un ensemble d’installations matérielles pour leur hébergement et leur restauration ainsi que des moyens qui permettent directement ou indirectement de favoriser leur insertion dans la vie sociale.

Ils s’adressent principalement à la population des jeunes en voie d’insertion sociale et professionnelle âgés de 16 à 25 ans. Toutefois, les foyers peuvent également héberger d’autres résidents, notamment des jeunes de 25 à 30 ans, à condition qu’ils ne représentent qu’une fraction des résidents (jeunes demandeurs d’emploi, jeunes couples, adultes isolés, familles monoparentales, étudiants en rupture sociale et familiale).

Les foyers de jeunes travailleurs sont gérés par des organismes qui sont principalement des associations ([45]). En application des dispositions du 1 de l’article 206 du CGI, les organismes sans but lucratif (OSBL), notamment les associations régies par la loi de 1901, ne sont imposables à l’impôt sur les sociétés (IS) que lorsqu’ils se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif.

Conformément aux dispositions combinées du 5 de l’article 206 et de l’article 219 bis du CGI, les associations sont assujetties aux taux réduits d’IS à raison de certains revenus fonciers, agricoles, mobiliers ou des dividendes qui ne se rattachent pas à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif ([46]).

En ce qui concerne la fiscalité foncière, si les locaux utilisés par les FJT appartiennent à des collectivités territoriales, ils peuvent bénéficier d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), sous réserve du respect des conditions d’affectation à un service public ou d’utilité générale et de non-productivité de revenus pour la collectivité publique.

S’agissant des locaux appartenant à des FTJ publics, ces derniers peuvent avoir la qualité d’établissement public d’assistance. Ils exercent donc une activité qui revêt un caractère sanitaire et social et qui est susceptible d’être regardée comme affectée à un service public ou d’intérêt général. Sous réserve du respect de la condition d’improductivité de revenus, ils bénéficient de l’exonération prévue à l’article 1382 du CGI.

Les logements des FJT appartenant à des organismes HLM peuvent bénéficier des exonérations en faveur des logements sociaux, sous réserve du respect des conditions posées, notamment la condition de financement et de conventionnement d’allocation.

Source : direction de la législation fiscale (ministère chargé du budget).

C’est la raison pour laquelle la ministre chargée du logement a confié en juin 2021 une mission d’évaluation des résidences sociales au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), afin :

– de favoriser le développement de l’offre nouvelle et la requalification de l’offre existante ;

– de veiller à l’accueil, au sein de ces structures, des jeunes en plus grande rupture sociale et en plus grande précarité économique.

Les problématiques spécifiques des foyers de jeunes travailleurs justifieraient, au sein de la démarche d’évaluation des résidences sociales actuellement en cours, une réflexion spécifique sur la mission des foyers de jeunes travailleurs. Cette réflexion devrait, en particulier, s’attacher à sonder les moyens pour massifier les appels à projets avec comme objectif la relance de leur construction.

 

Le versement de l’aide à la gestion locative sociale

L’aide à la gestion locative sociale (AGLS) a été mise en place pour soutenir les acteurs du logement accompagné dans l’action qu’ils mènent pour offrir à leurs résidants une gestion locative sociale adaptée à leurs besoins. Définie par une circulaire du 31 août 2000, il s’agit d’une aide spécifique destinée aux résidences sociales, prenant en compte les contraintes de gestion occasionnées par la présence de publics en difficulté dans ces résidences. Elle vise à « soutenir les résidences sociales recevant des personnes en difficulté d’insertion du fait de leurs conditions de vie économiques et sociales ou de la spécificité de leur parcours résidentiel ».

Cette circulaire a défini, à côté de cette nouvelle aide financière pour les résidences, un nouveau concept d’intervention, la gestion locative sociale (GLS). La circulaire reconnaît qu’il existe désormais, au sein des résidences sociales, une nouvelle « fonction de gestion locative sociale », qui, « à la différence de la gestion locative classique, n’est qu’imparfaitement couverte par la redevance ». En 2013, une nouvelle circulaire précise l’objet, les missions et les règles d’attribution de l’AGLS ([47]) . La définition de la gestion locative sociale se décline en quatre grandes catégories d’interventions :

– la régulation de la vie collective au sein de la résidence : accueil et intégration des nouveaux résidents, présentation et explicitation du règlement intérieur et du contrat d’occupation, veille et suivi au quotidien, prévention et gestion des incidents ;

– la prévention et la gestion des impayés : suivi des dossiers d’aide au logement, suivi rapproché des dettes et plan d’apurement, orientation vers les services sociaux ;

– la lutte contre l’isolement : écoute individuelle, actions favorisant le lien social à l’intérieur de la résidence, inscription de la structure dans la vie sociale locale ;

– la médiation vers les services extérieurs mobilisables pour résoudre les difficultés des résidents : aide aux démarches administratives et aux procédures d’accès au logement, mise en contact des résidents avec les services extérieurs (éducatifs, sanitaires, sociaux, culturels), et médiation renforcée (aide directe et suivi de situations).

La GLS se distingue des autres aides et services de droit commun existants, et notamment des services sociaux de secteur, du fonds de solidarité logement (FSL), et de l’accompagnement vers et dans le logement (AVDL).

La circulaire réactualise les montants plafonds de subvention en fonction de la taille des résidences, ces montants n’ayant pas été réévalués depuis la création de l’aide en 2000 :

– 12 200 euros pour moins de 50 logements ;

– 20 400 euros entre 50 et 100 logements ;

– 25 000 euros au-delà de 100 logements.

B.   Les capacitÉs des acteurs historiques sont insuffisantes

1.   L’expansion démographique crée un effet ciseaux

Tout au long des travaux de vos rapporteurs, les personnes auditionnées n’ont eu de cesse de souligner l’important dynamisme de la population jeune en France en comparaison internationale. Au 1er janvier 2019, selon l’Insee, 9,2 millions de personnes résidant en France ont entre 18 et 29 ans, soit 13,7 % de la population.

À la rentrée 2019, 2,7 millions d’étudiants étaient inscrits dans l’enseignement supérieur en France, ce qui représentait une hausse de 1,6 % par rapport à la rentrée précédente (+ 43 300 étudiants). Cette hausse atteint + 2,2 % en 2020, et la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a fait part d’une prévision de 31 500 étudiants supplémentaires en 2021. La croissance du nombre d’étudiants depuis 2000 (+ 518 000 inscriptions) a été portée pour un peu moins de la moitié par l’université (+ 218 000 inscriptions), notamment en santé, puis par les écoles de commerce et les formations d’ingénieurs. La part des inscriptions à l’université reste dominante (60 %). Les filières générales, notamment en arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales ou en sciences, mais aussi en santé représentent la majorité des inscriptions universitaires. En dehors de l’université, les sections de techniciens supérieurs (STS) et formations assimilées regroupent 10 % des effectifs.

À plus long terme et en prenant en compte l’évolution sur une décennie, le nombre d’étudiants inscrits a progressé de 18,5 %. En soixante ans, le nombre d’étudiants a été multiplié par 9 (310 000 inscrits en 1960). Les principaux déterminants de cette croissance sont démographiques, mais il faut y voir aussi l’effet de l’ouverture plus massive de l’enseignement supérieur aux élèves arrivant de lycée.

NOMBRE D’ÉTUDIANTS INSCRITS DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DEPUIS 1960

En milliers d’étudiants. 
Source : sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (MESRI/DGESIP-DGRI/SIES).

Les résidences étudiantes en Île-de-France en 2019

Selon l’Institut Paris Région, en 2019, l’offre de logements pour étudiants en Île-de-France était de l’ordre de 89 000 places pour près de 707 000 étudiants, soit 12,6 places pour 100 étudiants au total, une moyenne désormais voisine de la moyenne nationale (12,4 places pour 100 étudiants).

Avec près de 51 000 places, l’offre sociale représentait 57 % de l’offre totale, 68 % si l’on compte l’offre directement gérée par les établissements d’enseignement. Elle restait globalement déficitaire avec 7,2 places pour 100 étudiants (8,4 en moyenne à l’échelle nationale). Ce niveau d’équipement se rapproche des moyennes nationales mais, compte tenu du poids de l’Île-de-France dans l’offre d’enseignement supérieur et de l’accueil de nombreux étudiants étrangers, il reste insuffisant.

Près de la moitié des places sociales, plus de 29 000 places, sont gérées par des associations pour le compte de bailleurs sociaux, et 43 % (21 700 places) par les Crous franciliens, dont 5 000 places sur du foncier appartenant aux Crous et 16 700 pour le compte de bailleurs sociaux. À l’offre sociale s’ajoutent 9 200 places réservées ou gérées directement par des établissements d’enseignement supérieur, ouvertes à tarif préférentiel et parfois conventionnées. Doivent également être ajoutées les 6 800 places de la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP).

À ces plus de 67 000 places à prix maîtrisés mais aux conditions d’accès disparates, s’ajoutent également 21 900 places privées.

En terme de géographie, l’offre s’est encore densifiée en petite couronne, et encore très fortement dans la première couronne nord de Paris (Saint-Denis, Bobigny). On n’observe pas de transformation profonde des logiques de développement avec cependant une croissance un peu plus soutenue autour de Nanterre, dans les boucles nord des Hauts-de-Seine et le long des axes de transports s’éloignant un peu plus loin du centre de l’agglomération. L’offre se répartit de la manière suivante entre académies : à Paris, 22 000 places, à Creteil, 31 000 places, à Versailles, 36 000 places.

Source : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, « Logements étudiants et jeunes actifs : vers une territorialisation des besoins en Île-de-France », novembre 2020.

Les effectifs étudiants devraient continuer de croître, mais de façon plus modérée du fait du fléchissement relatif de la dynamique des naissances enregistré à partir de 2001. La récession économique pourrait néanmoins, selon certaines analyses, contribuer à l’avenir à orienter à la hausse le nombre d’étudiants : depuis 2000, lorsque la conjoncture économique offre peu de perspectives de débouchés professionnels, les étudiants auraient tendance à prolonger leurs études, voire à se tourner vers une reprise de cursus.

À cette dynamique s’ajoute celle, souvent citée au cours des travaux de vos rapporteurs, résultant de la forte hausse des effectifs des étudiants internationaux, sous l’effet conjugué de l’internationalisation des établissements (multiplication des programmes d’échanges, succursales à l’étranger) et de l’augmentation du nombre de cursus proposés en anglais. Le nombre d’étudiants étrangers inscrits en France est en hausse de plus de 20 % sur les cinq dernières années. Selon l’OCDE, les étudiants étrangers représenteront 17 % de la population étudiante en 2025 contre 11 % en 2019.

La croissance de la population étudiante a pour conséquence une hausse de la demande de logements étudiants qui met en tension un parc dont la croissance n’a pas suivi celle de la demande et dont la capacité d’accueil est donc nettement insuffisante. Face à ce besoin, l’offre de logements à destination des jeunes n’est pas en mesure d’absorber les hausses de la demande. Vos rapporteurs constatent qu’en France, depuis au moins les années 1990, le nombre de logements pour les jeunes est systématiquement et structurellement déconnecté de la démographie et très en retard par rapport à elle.

2.   Le logement des jeunes, qui a des caractéristiques spécifiques, exige des compétences développées

Selon la Fédération des élus des entreprises locales, les caractéristiques du logement étudiant en font un produit tout à fait spécifique au sein du secteur du logement. Il se démarque en particulier par un très fort taux de rotation, les étudiants demeurant pour des périodes parfois aussi réduites que trois mois, ainsi qu’un taux de vacance élevé. C’est ce qui expliquerait la différenciation des métiers, les bailleurs sociaux n’ayant pas de spécialisation dans la gestion de ce genre de problématique. En effet, dans le logement social traditionnel, le taux de vacance est quasi constant sur la totalité de la durée d’amortissement du prêt, à savoir 25 ans. Cette situation les amène donc à chercher des partenaires exploitants pour leur céder la gestion du bien. Il peut s’agir de Crous ou d’associations étudiantes.

Ces spécificités engendrent des difficultés à la gestion pour les établissements d’enseignement supérieur. Même les gestionnaires spécialisés font face à des problèmes difficiles à résoudre, comme l’ont rapporté les représentants de l’Association des résidences pour étudiants et jeunes (Arpej). Selon cette association, du fait de l’importance du taux de rotation, qui peut s’élever à 55 ou 59 % selon les années, l’intégralité du processus de location est dématérialisée, ainsi que les états des lieux. Afin d’assurer l’occupation optimale des résidences, le gestionnaire a recours à des séjours de courte durée pendant la période où les candidatures d’étudiants sont insuffisantes. L’association a cependant souligné que cette problématique est inexistante en Île-de-France, compte tenu de la tension permanente du marché.

L’Association des résidences pour étudiants et jeunes (Arpej)

L’association Arpej, fondée en 1989 par la Caisse des dépôts et consignations mais aujourd’hui distincte du groupe CDC, gère 74 résidences représentant 10 200 logements, soit 11 400 places. L’association loue et exploite des résidences qui appartiennent à 25 bailleurs sociaux. Les redevances dont s’acquittent les sous-locataires étudiants et jeunes, qui comprennent le loyer, les charges et les prestations annexes, s’élèvent, pour une surface moyenne de 20 mètres carrés, à 502 euros mensuels. La plupart des biens sous-loués sont des studios de 18 mètres carrés, mais le parc compte également des logements plus grands pour les couples, des logements en colocation et des unités de vie.

Les cas de précarité surviennent dans toutes les résidences pour étudiants et pour jeunes actifs : à cet effet, l’Arpej, comme la plupart des associations gestionnaires, dispose d’un service social intégré constitué de neuf travailleurs sociaux diplômés d’État, qui assurent le suivi des locataires. Ils appuient particulièrement pour ce qui concerne les problématiques de logement : parcours résidentiels, gestion du budget, autonomie dans le logement. Ces services contribuent également à la construction du lien social dans les résidences, pour confronter le sentiment d’isolement qui est fréquent.

Le Cnous a également détaillé pour vos rapporteurs les disparités fortes selon les villes et les niveaux d’attractivité du territoire. Par exemple, Bordeaux, très attractif, connaît un coût du foncier élevé qui complexifie les démarches de production de logement étudiant. Pourtant, le projet Opération Campus Bordeaux a déjà vu un effort considérable du Cnous avec la région pour construire 4 500 places ces dernières années, mais l’augmentation des effectifs fait que le pourcentage de logements disponibles ne s’améliore pas.

Dans ces villes, des difficultés à trouver le foncier et donc à produire des logements inhibent durablement la situation de logement des étudiants. En revanche, d’autres villes ont un parc de logement étudiant suffisant du fait notamment que le parc locatif privé peut avoir un niveau de loyer peu élevé. Dans ces cas, le Cnous considère que l’offre privée permet de subvenir aux besoins et ces territoires ne sont pas prioritaires en termes de production.

Par contraste, l’Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) a mis en cause les inégalités de répartition des dispositifs de logement jeune selon les territoires. Ainsi, là où des communes comme Nantes sont bien pourvues, d’autres comme Strasbourg ou Lille le sont très peu. Pour ces raisons, les démarches d’observation et de connaissance foncières sont essentielles. Les représentants de la CPU ont également souligné que la question du logement des jeunes doit être appréhendée de manière entièrement différente selon les territoires et leurs spécificités.

Ces caractéristiques rendent d’autant plus difficile la tâche des établissements d’enseignement supérieur et notamment des universités lorsqu’ils souhaitent se détacher de leur spécialisation pour se saisir de cette problématique, ce qui explique, selon les représentants de la direction de l’immobilier de l’État entendus par vos rapporteurs, une partie des réticences exprimées. Même en dehors de la dévolution du patrimoine (voir plus loin), les universités ne sont pas outillées pour faire face aux défis qui émergent avec la gestion d’opérations de construction immobilière : diagnostic du parc, compréhension des règles d’urbanisme applicables et qui pourraient s’appliquer, échanges avec les collectivités.

3.   La difficile coordination de l’action publique

a.   Un sujet à la croisée des départements ministériels

Comme l’habitat spécifique à destination des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap, le logement à destination des jeunes se situe à la croisée des secteurs et des problématiques. Le sujet se situe également au croisement d’au moins deux portefeuilles ministériels.

En premier lieu, le ministère chargé de l’enseignement supérieur est chargé de certaines missions en matière de politique immobilière et de stratégie patrimoniale de ses opérateurs, qui comprennent la majorité des établissements d’enseignement supérieur. La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP), auditionnée par vos rapporteurs, a pour mission d’accompagner les opérateurs dans la gestion de leur parc immobilier, action pilotée par sa sous-direction de l’immobilier. Cette sous-direction exerce trois missions principales :

– élaborer le cadre national de la stratégie patrimoniale des établissements d’enseignement supérieur, en lien notamment avec la direction de l’immobilier de l’État. Elle encourage les établissements à améliorer la connaissance de leur patrimoine, à professionnaliser leurs équipes et à développer des outils de gestion et de programmation des travaux ;

– piloter la politique immobilière de l’État au niveau des sites, en relayant la mise en œuvre des différents aspects de cette politique auprès des opérateurs, tout en faisant connaître les spécificités du parc des établissements d’enseignement supérieur ;

– piloter les grands projets immobiliers, ainsi que la programmation et la gestion des crédits attribués à la sécurité et aux contrats de plan État-région.

Pour mener ces missions, elle s’appuie sur les services déconcentrés des ministères chargés de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur, à commencer par les services immobiliers des rectorats, dirigés par les ingénieurs régionaux de l’équipement (IRE). Chargés de l’élaboration et de la mise en œuvre des contrats de plan État-région, les IRE ont également à charge l’expertise des opérations immobilières, la maîtrise d’ouvrage d’opérations, la coordination des enquêtes ministérielles, l’accompagnement des opérateurs dans leurs échanges avec les responsables régionaux de la politique immobilière de l’État (RRPIE), et l’avis sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) élaborés par les universités.

De son côté, lors de son audition par vos rapporteurs, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), qui travaille sous l’autorité de la ministre de la transition écologique et de la ministre déléguée chargée du logement, a précisé les actions qu’elle menait directement pour favoriser le logement des jeunes. La DHUP a pour mission d’élaborer, animer et évaluer les politiques du logement et de l’urbanisme. Sur le logement des jeunes, la DHUP agit à différents niveaux :

– en termes de production de logements, elle coordonne l’atteinte des objectifs, fixés par le Gouvernement, de 60 000 places nouvelles pour les étudiants et de 20 000 places réservées aux jeunes de moins de 30 ans. Elle assure le suivi de ces nouvelles constructions et est force de propositions dans le cadre de leur réalisation. Elle se rapproche également des acteurs du logement pour confirmer le périmètre de ces objectifs et peut effectuer une évaluation budgétaire des opérations en cours ;

– en termes de connaissance de l’offre : en lien avec la DGESIP, elle aspire à établir un état des lieux précis du logement pour les étudiants et les jeunes actifs. Pour cela, elle mutualise les informations données par les parties prenantes comme les Crous, l’Association interprofessionnelle des gestionnaires de résidences étudiantes et services (Aires), ou encore la plateforme Adele. Elle s’appuie également sur les observations issues des travaux des observatoires territoriaux du logement étudiant ;

– en termes de simplification des démarches, la DHUP s’associe avec le Cnous pour faciliter les démarches des étudiants dans leur recherche d’un logement. À ce titre, un travail a été fait pour la création d’un dossier unique de demande de logement universitaire.

Enfin, il faut ajouter l’action menée par la direction de l’immobilier de l’État (DIE, ex-France Domaines), service de la direction générale des finances publiques qui relève du ministère chargé des finances. Cette direction, dont vos rapporteurs ont rencontré les représentants à l’échelle nationale et en région, assure la gestion du patrimoine de l’État et notamment de celui qui relève de ses opérateurs.

b.   À l’échelle locale, des collectivités plus ou moins investies

Les collectivités territoriales déploient progressivement une activité de plus en plus intense en faveur du logement des jeunes. Un certain nombre d’entre elles se sont saisies des possibilités offertes par le dispositif de production obligatoire de logements sociaux, créé par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) pour augmenter leur offre de logements à destination des jeunes. En effet, l’inventaire SRU comprend un décompte des places dans les structures collectives comme les résidences étudiantes, à condition que ces logements soient conventionnés à l’APL. Les places en FJT sont également comptabilisées.

Les structures collectives destinées aux jeunes dans l’inventaire SRU

Le périmètre de la loi SRU devait, dans l’esprit du législateur de l’époque, concerner en priorité le logement familial ordinaire, conçu comme le meilleur vecteur d’une mixité sociale dans la durée. Depuis 2000 et au fil des évolutions législatives successives, les catégories de logements locatifs sociaux retenues pour le calcul du taux ont été progressivement élargies. Cet élargissement se traduit en particulier par une multiplication des structures collectives qui accueillent de façon temporaire des publics spécifiques, notamment des résidences universitaires ou des établissements d’accueil de personnes âgées, qui constituent pour certaines communes un levier central pour l’atteinte des objectifs. Plusieurs catégories peuvent concerner les jeunes :

– parmi les logements familiaux classiques, les logements conventionnés à l’aide personnalisée au logement (APL) dont l’accès est soumis à des conditions de ressources, notamment ceux appartenant aux organismes HLM et ceux des parcs social ou privé qui font l’objet d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat et ceux appartenant aux sociétés d’économie mixte (SEM) agréées habitat. Le nombre de logements familiaux classiques de type studio ou T1 s’est développé depuis l’entrée en vigueur de la loi ;

– parmi l’habitat spécifique composé de logements situés en structures collectives : les logements ou les lits des logements-foyers de jeunes travailleurs et des résidences sociales, notamment étudiantes, conventionnés à l’APL, à raison de trois lits ou trois places pour un logement lorsqu’ils ne sont pas constitués de logements autonomes ;

– les structures d’hébergement : les logements du parc privé mobilisés à des fins sociales faisant l’objet d’un dispositif d’intermédiation locative (IML) pour loger des personnes rencontrant des difficultés d’accès au logement, y compris hors conventionnement en cas de location/sous-location.

Comme le relève le géographe Grégoire Fauconnier, si la croissance des structures collectives a été continue depuis 2000, elle a changé de nature après la loi du 18 janvier 2013 relative au renforcement des obligations de production de logement social (« loi Duflot »). Celle-ci impose en effet, pour la première fois, des « obligations qualitatives » à la production de logements : un plancher de 30 % de logements financés en PLAI et un plafond de 30 % en PLS. De cette façon, les types de structures créées ont évolué : alors qu’ils représentent 58 % des logements temporaires réalisés entre 2002 et 2012, ils n’en représentaient plus que 27 % entre 2013 et 2016.

Afin de satisfaire à leurs obligations, les communes déficitaires choisissent de donner la priorité aux petits logements sociaux au détriment des grands. Si cette évolution correspond à des évolutions démographiques avérées dues aux dynamiques de desserrement des ménages, la construction de T1 et T2 présente également des avantages pour les communes déficitaires. En effet, la production de ces petits appartements permet de réaliser un plus grand nombre de logements sur une même surface, et limite leur impact sur le peuplement de la commune.

les pourcentages Élevés des T1 dans les communes déficitaires des yvelines

Source : Grégoire Fauconnier, Loi SRU et mixité sociale : le vivre-ensemble en échec, éd. Omniscience, 2020, p. 152, d’après les données du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (2012, 2017).

En effet, si les collectivités, notamment celles du bloc communal, ne sont pas à proprement parler des acteurs du logement étudiant, elles y jouent néanmoins un rôle d’impulsion, de facilitation ou de régulation :

 elles accordent les autorisations d’urbanisme avec des contraintes de plan local d’urbanisme (PLU) plus ou moins développées en termes, par exemple, de nombre maximal de lots ou encore de création d’aires de stationnement ;

– le PLU peut définir des zonages spécifiques pour le développement de logements à destination de certains publics ;

 elles peuvent être dotées d’un programme local de l’habitat (PLH) qui oriente des objectifs de développement de résidences étudiantes ;

 elles peuvent inciter leurs offices HLM à construire des résidences étudiantes et les mettre en lien avec des gestionnaires ;

 elles peuvent accorder une garantie d’emprunt aux bailleurs sociaux pour la construction de résidences étudiantes ;

– lorsqu’elles sont délégataires des aides à la pierre, elles peuvent orienter l’octroi du prêt locatif social (PLS) vers des projets de résidences étudiantes.

Les régions peuvent également soutenir la production de logements à destination d’étudiants ou de chercheurs internationaux. Il arrive en effet, notamment en Île-de-France, que les contrats de plan État-région financent des actions à destination du logement des jeunes, en particulier les actions de construction et de réhabilitation engagées par les Crous. Certaines régions ont élaboré un schéma régional du logement étudiant (SRLE), accompagné d’une politique de subventions à la création de résidences.

Proposition n° 7. Prévoir la délimitation par les collectivités, dans leur plan local d’urbanisme, de secteurs propices au développement du logement des étudiants et des jeunes actifs, en se fondant notamment sur des critères de proximité des établissements d’enseignement supérieur et d’accessibilité en transport public.

4.   L’obstacle permanent de la rareté foncière

Au cours des travaux menés par vos rapporteurs, la question foncière a été l’obstacle le plus fréquemment soulevé par l’ensemble des personnes auditionnées. Dès juin 2005, le rapport de nos collègues alors sénateurs, MM. Dominique Braye et Thierry Repentin, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement ([48]), faisait déjà apparaître des constats, établis certes il y a une plus d’une quinzaine d’années sur les freins à la construction de logements, mais qui sont sensiblement les mêmes que ceux qui nous intéressent aujourd’hui. Cette immuabilité des problématiques qui pèsent sur le secteur de la construction montre que la vraie difficulté pour les pouvoirs publics est de déployer des leviers efficaces pour lutter contre ces phénomènes profondément ancrés dans notre paysage du logement.

Dans son rapport sur la maîtrise des coûts du foncier, rendu en novembre 2019, le député Jean-Luc Lagleize axait son propos sur trois thèmes forts ([49]) : supprimer les ventes aux enchères du foncier public, améliorer l’évaluation foncière au service des élus et instaurer la transparence du foncier privé. Ces constats clairs sont partagés par vos rapporteurs. Le travail de recension foncière effectué par la direction de l’immobilier de l’État est à ce titre une bonne chose. En effet, cette question du diagnostic foncier ne peut se traiter sans une connaissance exhaustive de sa répartition sur le territoire.

Il semble également nécessaire d’agir sur la fiscalité du foncier en limitant les mécanismes encourageant la rétention foncière, par exemple en inversant la logique d’abattement sur les plus-values, en taxant plus fortement la détention de foncier présentant un potentiel de constructibilité et en confortant les dispositifs incitant à la cession directe aux organismes HLM. Vos rapporteurs estiment en tout état de cause qu’il est nécessaire de relancer une politique ambitieuse de cession du foncier et de l’immobilier de l’État à destination d’opérations de logement social, notamment orientées vers le logement étudiant.

Depuis 2013, la mobilisation du foncier public en faveur du logement a été facilitée par le renforcement du dispositif de cession du foncier de l’État ([50]). Il est prévu que l’État peut aliéner de terrains à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de logements sociaux. Cette décote peut s’élever jusqu’à 100 % de la valeur du terrain. Il s’agit donc d’un outil facilement mobilisable pour favoriser la construction de logements, notamment à destination des étudiants.

Récemment, les préfets ont encore recensé, comme susceptibles d’une cession à destination de logements, 90 terrains constructibles, dont certains ne sont pas immédiatement disponibles. Leur aménagement nécessite de définir les règles d’urbanisme avec les collectivités locales. Il y a un réel enjeu, selon l’Union sociale pour l’habitat, à ce que la production du logement étudiant soit prise en compte dans les documents d’urbanisme, notamment le plan local d’urbanisme (PLU) et le programme local de l’habitat (PLH).

Le Cnous mène de manière continue des expérimentations et des études pour optimiser la gestion foncière des logements à destination des jeunes. Les Crous opèrent d’ores et déjà sur des assiettes foncières mises à disposition à titre gratuit. Les opérations peuvent impliquer par exemple un Crous sur du patrimoine appartenant au ministère chargé des armées. Ces opérations, qui peuvent s’avérer compliquées du fait des transferts de crédits avec un compte d’affectation spéciale (CAS), sont utiles. Le Cnous a travaillé à créer une filiale partenariale entre l’université de Tours et le Crous de Tours pour l’exploitation commune du foncier, avec une gestion du rez-de-chaussée par l’université, et l’étage par le Crous. Il y a un sujet d’équilibre économique de l’opération pour l’université, qui, dans le cadre de la dévolution, doit valoriser son patrimoine.

La décote sur la cession du foncier public

La décote sur le foncier public, instituée par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public (« loi Duflot ») et modifiée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi ELAN »), vise à mobiliser le foncier public pour contribuer au développement de l’offre de logements sociaux, notamment étudiants. Dans ce cadre, une décote est opérée sur la valeur vénale des terrains publics mobilisés, pour aboutir à des prix de cession facilitant l’équilibre économique prévisionnel des programmes de production de logements.

Quatre outils ont été introduits :

– un dispositif de décote renforcé, pouvant aller jusqu’à 100 % pour le logement social sur les terrains concernés : l’État et les opérateurs dans le champ d’application de la loi peuvent céder des biens de leur domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, contribuant ainsi à l’équilibre financier des opérations de logement concernées ;

– les garanties nécessaires pour que l’avantage consenti serve bien à réduire le prix de revient des logements locatifs sociaux ou équivalents au sens de ce dispositif ;

– des clauses de sauvegarde en cas de non-réalisation du programme de logements prévu dans un délai de cinq ans ;

– une commission nationale de suivi et d’accompagnement du dispositif.

Le dispositif s’applique pour les terrains cessibles, bâtis ou non bâtis, relevant du domaine privé de l’État ou de ceux de ses établissements publics qui sont dans le champ d’application de la loi : SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, RATP, Voies navigables de France. Les préfets de région arrêtent une liste régionale des terrains à céder (pour les terrains relevant des établissements publics, ceux-ci émettent un avis conforme) qui ouvre, pour les opérations éligibles, un droit à la décote, qui s’applique aussi pour l’assiette foncière nécessaire à la production d’équipements publics de proximité justifiée par les logements sociaux construits (petite enfance, enseignement scolaire, équipements à caractère social, sportif ou culturel).

Les acteurs pouvant bénéficier de la décote de droit sont les collectivités territoriales, les EPCI à fiscalité propre, les établissements publics fonciers et d’aménagement, les bailleurs sociaux et enfin les opérateurs liés à une collectivité ou un EPCI à fiscalité propre par une concession d’aménagement et dont l’objet prévoit la réalisation de logement social.

La cession avec décote est possible lorsque les terrains sont destinés à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, pour au moins 75 % de la surface de plancher, dont une partie est constituée de logement social. La décote s’applique au prorata de la part des logements sociaux dans le programme de construction : le taux de décote applicable dépend de la catégorie de logements sociaux construits et peut atteindre 100 % de la valeur vénale pour le logement très social. Il tient par ailleurs compte du contexte local : tension du marché immobilier, pression foncière, respect par la commune des obligations SRU.

La catégorie 1 comporte les logements financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) : le taux de décote peut atteindre 100 % en zone très tendue. La catégorie 2 comporte les logements financés en prêt locatif à usage social (PLUS), qui comprennent les opérations de logement étudiant en Île-de-France : le taux de décote peut atteindre 75 % en zone très tendue. La catégorie 3 comporte les logements financés en prêt locatif social (PLS), qui comprennent les logements sociaux, et des logements en accession sociale : le taux de décote peut atteindre 50 % en zone très tendue.

Du reste, l’effort collectif autour de la connaissance du foncier public progresse. La mise en place, par le ministère chargé du domaine, de missions régionales de la politique immobilière de l’État (MRPIE) et l’organisation régulière, depuis 2019, à l’échelle régionale, en coordination avec les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, de revues des actifs publics dont l’exploitation a cessé, contribue à la meilleure information des administrations et des collectivités. L’analyse de faisabilité sur les fonciers permet d’identifier les possibilités de réalisation d’équipements d’hébergement ou de logement. Vos rapporteurs attachent une grande importance à cette dynamique d’inventaire du foncier public, qui doit permettre d’exploiter au mieux les gisements fonciers existants afin de produire du logement pour les jeunes.

Certains acteurs, à l’instar de la direction de l’immobilier de l’État, ont néanmoins rappelé que, avant de penser à la libération de nouvelles assiettes foncières, les établissements d’enseignement supérieur, et les universités en particulier, sont d’ores et déjà dotés d’un patrimoine conséquent. L’immobilier des universités représente 18 millions de mètres carrés, sur une assiette foncière de 53 millions de mètres carrés. La valorisation de ce patrimoine est donc considérée, depuis plusieurs années, comme une première réponse au problème, et a justifié la création de nouveaux instruments.

Proposition n° 8. Libérer gratuitement, ou à prix fortement décoté, le foncier public pour des projets de production de logements avec des parts obligatoires destinées aux jeunes, en assortissant éventuellement la cession de clauses de participation de la collectivité publique cédante aux résultats d’exploitation.

Comme l’ont fait remarquer les représentants de la Fédération des élus des entreprises publiques locales (Fed EPL), ces questions concernant le foncier se posent en matière de logement étudiant comme en matière de logement social en général. Certains acteurs invitent à s’orienter vers la dissociation du foncier et du bâti, solution plébiscitée depuis la création du bail réel solidaire (BRS) à l’occasion de la loi du 27 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Cet outil a l’avantage de ne pas faire reposer le foncier sur les structures d’exploitation des résidences et donc de le sortir partiellement de l’assiette du loyer versé aux exploitants.

Proposition n° 9. Encourager l’usage des baux réels solidaires à destination du logement des jeunes en renforçant les missions des organismes de foncier solidaire dans ce sens et en les sensibilisant à la possibilité de conclure avec une association d’exploitation de résidence étudiante un bail de longue durée.

II.   Le secteur s’est dotÉ de nouveaux outils pour affronter ces problÉmatiques

A.   la mobilisation des acteurs publics A crÉÉ une conscience collective des besoins

Depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont mobilisé des instruments divers pour accélérer et amplifier la production de logements à destination des jeunes et notamment des étudiants.

1.   Plans nationaux et financements récurrents : une succession d’efforts politiques depuis les années 1990

En 2004, le député Jean-Paul Anciaux fixait dans son rapport sur l’avenir du logement étudiant, réalisé à la demande du Premier ministre, un objectif de création de 5 000 logements sociaux étudiants par an. Dans un deuxième rapport réalisé en 2008, M. Anciaux rapportait que, en dépit de la mise en œuvre de 13 des 27 propositions de son premier rapport, l’objectif n’avait pas été atteint. Néanmoins, le dispositif « logement en ville », qui permettait à des propriétaires privés de louer leurs biens par l’intermédiaire des Crous, avait augmenté l’offre de logements étudiants, passée de 30 000 à 50 000 transactions.

Le rapport Anciaux de 2004

En octobre 2003, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin chargeait le député Jean-Paul Anciaux (UMP) d’une mission consacrée au logement des étudiants et aux aides qui leur sont apportées ([51]). Cette demande a abouti à un premier rapport, en janvier 2004, qui inscrivait l’action sur le logement étudiant dans une perspective décennale. Un second rapport, en janvier 2008, fut remis, en réponse à la demande du Premier ministre François Fillon ([52]) . Le rapport de 2004 propose 27 solutions dans quatre domaines :

– En ce qui concerne la définition des politiques de partenariat : favoriser la contractualisation entre les Crous et les universités afin de renforcer la complémentarité de la production des Crous et des besoins des universités, et élargir cette contractualisation aux collectivités ; favoriser l’émergence de politiques de sites associant l’ensemble des acteurs du logement, notamment l’intégration d’un volet de logement étudiant aux documents de programmation locale, et adapter sur chaque site l’offre de logements à la mobilité étudiante et au développement international des universités dans le sillage du processus de Bologne ;

– En ce qui concerne le renforcement de l’offre publique : accélérer les programmes de réhabilitation et de construction de résidences Crous avec la mise en place d’un contingent de prêts aidés de 165 millions d’euros par an spécifique au logement étudiant, étendre l’exonération de la taxe foncière assise sur les résidences étudiantes des Crous au-delà des 15 ans à partir de la construction alors prévus, et élaborer un référentiel de la résidence universitaire moderne pour garantir un confort minimal et la possibilité d’accueil des étudiants handicapés ;

– En ce qui concerne la mobilisation du secteur de l’immobilier, le rapport appelait à construire de nouvelles résidences privées en facilitant l’utilisation du dispositif fiscal « Robien » ([53])  et à mieux utiliser l’offre existante en encourageant la mise sur le marché de petites surfaces (conventionnement Agence nationale de l’habitat, logement en ville des Crous, colocation, etc.), en établissant des chartes locales de l’habitat étudiant et en corrigeant, en Île-de-France, les « effets négatifs » du décret du 30 janvier 2002 sur le logement décent qui impose des dimensions minimales ([54]) ;

– En ce qui concerne le renforcement de l’efficacité des aides personnelles et la facilitation de l’accès au logement, le rapport appelait à maintenir une offre très sociale dans les résidences gérées par les Crous à travers la revalorisation de l’ALS et son versement direct aux Crous, à rendre plus lisibles et redistributives les APL, et à sécuriser l’accès au logement en facilitant l’accès au dispositif Loca-Pass.

En avril 2011, à l’occasion de la conférence nationale sur le logement étudiant, la ministre chargée de l’enseignement supérieur annonçait le lancement d’un plan de doublement des logements étudiants à l’horizon 2020. Elle souhaitait le passage de 340 000 à 680 000 logements à destination des étudiants, dont 161 500 chambres en Crous, et mettait en avant, dans cet objectif, les possibilités de la colocation en HLM ainsi que le logement intergénérationnel. L’idée de mettre à profit les formes de logements modulaires, développés à l’époque au Havre et à Angers, était également soulevée.

Des moyens furent mobilisés dans le cadre du plan de relance qui fit suite à la crise financière de 2008. Le gouvernement de l’époque annonça une mobilisation de l’investissement de l’État en faveur du logement étudiant. Selon les chiffres qu’il communiqua, cet effort passa de 64 millions d’euros en 2006 à plus de 110 millions en 2010, dont 47 millions provenant directement du plan de relance. Par la même occasion, fut annoncée la création d’indicateurs plus fiables pour consolider l’information qui est à la disposition des acteurs, en partant d’un tableau de bord national du logement étudiant à destination des Crous, des bailleurs sociaux et des promoteurs.

Quelques années plus tard, c’est le plan « 40 000 logements étudiants » qui fut lancé en 2013, fixant un objectif de construction ambitieux à l’échéance de la fin de la quatorzième législature, qui ont été globalement atteints cinq années plus tard.

Le plan 40 000 logements étudiants

Le plan 40 000 logements étudiants résulte d’un engagement du Président de la République, M. François Hollande, sur la production de 40 000 places supplémentaires en résidence universitaire entre début 2013 et fin 2017. Une mission est confiée à M. Marc Prévot, ancien inspecteur général au ministère chargé du logement, pour concrétiser cet objectif ([55])([56]) :

– recenser dans un tableau de bord national l’ensemble des opérations mises en chantier entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 ;

– proposer des mesures de simplification, d’allègement, d’amélioration, ou de déblocage qui seraient de nature à lever les obstacles ou les freins à la réalisation de l’objectif ;

– concentrer la construction de résidences en fonction des besoins, selon une recommandation émise par la Cour des comptes, en poursuivant l’effort dans environ une région sur trois, là où la pénurie et les besoins sont importants et incontestables ;

– préfigurer la convergence entre les systèmes d’information du Cnous, des Crous et du ministère chargé de l’enseignement supérieur et le système d’information Système de programmation des logements sociaux (SPLS) ;

– proposer des initiatives de simplification ou d’allégement en matière d’obligations de construction et d’urbanisme (abaissement des ratios en matière de parking, de logements pour personnes à mobilité réduite, mutualisation du PLS étudiants...).

Les derniers résultats ont été publiés le 31 mars 2017 ([57]), à l’issue d’un recensement auprès des préfets de région et des recteurs d’académie :

– 27 144 logements sociaux étudiants ont été livrés entre 2013 et 2016 et près de 4 000 nouveaux logements ont été livrés entre le 1er janvier et le 31 mars 2017, portant à 31 144 le nombre de nouveaux logements étudiants construits au 31 mars 2017 ;

– 13 121 nouveaux logements sociaux étudiants étaient en cours de construction, programmés pour la livraison avant le 31 décembre 2017, portant ainsi à 40 265 le nombre de places créées entre 2013 et 2017, dont 19 904 en Île-de-France ;

– 48% des nouveaux logements construits ont été confiés en gestion aux Crous.

Le plan a donc atteint ses objectifs. Il a permis notamment, en Île-de-France, d’atteindre un taux de progression de la production régionale de logements étudiants de + 89 % sur la décennie 2009-2019, avec un doublement (+ 119 %) de l’offre sociale. En région Île‑de-France, qui comprend trois académies, ce sont près de 20 000 logements qui sont créés sur les cinq années du plan.

Par une lettre de mission de juillet 2019 ([58]), les ministres concernés annonçaient le plan « 60 000 logements étudiants et 20 000 logements jeunes actifs », qui devait « poursuivre et amplifier l’effort engagé » en atteignant ces objectifs dans les cinq années. Une mission de suivi de la progression de ces objectifs est lancée concurremment, pour encourager la production pendant la durée du quinquennat. En particulier, cette mission est chargée d’identifier les leviers pouvant permettre d’optimiser et de fluidifier le développement de l’offre. Ces leviers sont déjà suggérés dans la lettre de mission :

– mobilisation des réserves foncières et du bâti public ;

– développement des ressources propres des opérateurs ;

– optimisation des outils de la commande publique ;

– diversification des procédés constructifs ;

– typologie des logements et conditions d’accès.

Dans cet objectif, les directions compétentes des ministères chargés du logement et de l’enseignement supérieur sont chargées :

– d’établir « un état des lieux précis » et une « synthèse des informations disponibles » en mobilisant les acteurs concernés : administrations, Cnous, Crous, gestionnaires, plateformes, représentants des étudiants, des universités, des écoles, collectivités, des entreprises publiques locales, des agences d’urbanisme, des chambres consulaires, et organisations d’employeurs et de salariés ;

– de faire émerger des stratégies locales et des projets immobiliers ;

– de finaliser la préparation d’une circulaire aux préfets et recteurs pour l’établissement des stratégies territoriales de développement de l’offre de logements étudiants et pour les jeunes actifs ;

– en lien avec la direction de l’immobilier de l’État (DIE) et les différents acteurs locaux des grands bassins universitaires, de faire émerger des propositions relatives aux réserves foncières ou bâties à mobiliser ;

– de mobiliser les opérateurs pour qu’ils exploitent les dispositions leur permettant de construire, d’acquérir et de gérer des résidences universitaires.

Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) a défini un objectif de 10 000 agréments par an en prêt locatif social (et, en Île-de-France, en prêt locatif à usage social). Depuis 2018, 21 859 logements étudiants ont été créés dont 4 973 en 2018,7 679 en 2019 et 9 207 en 2020. L’USH a salué une bonne année 2019, avec quelque 150 opérations agréées en 2018 et 2019, dont trois portées par des Crous et 47 par des bailleurs sociaux. En 2020, la réalisation s’élève à 5 539 logements financés à destination des étudiants, recul expliqué notamment par la crise sanitaire.

Nombre de logements agrÉÉs destinÉs aux Étudiants depuis 2013

Source : Fonds national des aides à la pierre, bilan des agréments 2020.

La dynamique négative de production est particulièrement prononcée en Île-de-France. Là où le Fonds national des aides à la pierre fixait pour objectif l’octroi, à l’échelle régionale, de 4 833 agréments de logements locatifs sociaux (LLS) à destination des étudiants en 2019, seuls 2 077 LLS ont en fait été agréés sur cet exercice. De fait, d’une moyenne de plus de 4 000 logements agréés annuellement dans la région entre 2012 et 2017, les années 2018 et suivantes ont vu ce nombre s’effondrer à quelque 2 000 LLS agréés.

Environ 35 000 logements étudiants ont été agréés depuis 2009 en Îlede-France, soit une moyenne de 3 500 logements par an. Ce sont les départements de petite couronne qui ont agréé le plus de logements sociaux, Paris et la Seine-Saint-Denis en premier lieu. En 2018, une chute des agréments touche l’ensemble des départements, notamment l’Essonne.

Lors de son audition, Hénéo, filiale de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), a tenu à souligner les efforts consentis par la mairie de Paris en faveur du logement :

– volonté politique de l’exécutif en faveur du développement de 1 000 logements étudiants par an, afin de répondre aux besoins du territoire et de contribuer à l’atteinte des objectifs SRU ;

– dispositifs de financement pérennes dans le temps et affichés sous forme de forfait de subvention commune de l’État et de la Ville, simplifiant les montages et permettant l’étude d’opérations sur plusieurs années sans remise en cause des modalités de financement : forfaits maximaux à 20 000 euros par logement en PLS et 40 000 euros par logement en PLUS ;

– ventes en état futur d’achèvement (VEFA) à prix administré imposés aux promoteurs dans un équilibre d’opération acceptable pour les bailleurs sociaux ;

– règles d’urbanisme souples qui ont permis le classement, au titre du PLU, des résidences étudiantes en constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC).

Dans le cadre du plan de relance décidé après la crise sanitaire de 2020, le Gouvernement a affecté 254 millions d’euros à la réhabilitation des résidences pour étudiants et jeunes. Les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), sollicitées par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), ont identifié une quarantaine de foyers de jeunes travailleurs qui pourront être concernés.

2.   Armer les universités : autonomie et dévolution du patrimoine

Depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), les opérateurs du ministère chargé de l’enseignement supérieur, et notamment les universités, se sont vu conférer un statut d’autonomie.

Les opérateurs ont notamment acquis à cette occasion la compétence de gestion du patrimoine immobilier qui est mis à leur disposition par l’État. Dans ce cadre, l’État, représenté par la DIE – et non par les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur – et par le préfet ([59]), conserve la propriété du bâti, mais conclut des conventions d’utilisation avec les établissements, qui assument, sous le contrôle de l’État, l’ensemble des responsabilités de contrôle, de gestion et d’entretien des immeubles occupés ([60]).

Le ministère chargé de l’enseignement supérieur, bien qu’il n’intervienne pas directement dans la gestion de leur patrimoine immobilier, accompagne et appuie la performance de ses opérateurs en matière de gestion immobilière.

La même loi a ouvert la possibilité, dans un cadre expérimental, du transfert, gratuit et en pleine propriété, des biens appartenant à l’État et précédemment mis à leur disposition, au profit de certains établissements d’enseignement supérieur.

À compter de 2011, la première génération des universités ayant participé à ce programme, constituée des universités de Clermont-Ferrand 1 (fusionnée au sein de l’université Clermont-Auvergne depuis le 1er janvier 2017), Poitiers et Toulouse‑I-Capitole, ont pu accéder à la pleine propriété de leur patrimoine, bénéficiant de ce fait de nouvelles possibilités d’action en termes de cession et de valorisation. Dans ce cadre, un accompagnement financier spécifique de l’État a été mis en place, par le biais :

– d’une dotation initiale de remise à niveau en matière de mise en sécurité et d’accessibilité ;

– d’une dotation annuelle récurrente sur une période de 25 ans, destinée à couvrir la charge transférée en matière de gros entretien renouvellement (GER) et à se substituer aux financements antérieurs de l’État (opération Campus, contrat de plan État-région, crédits de sécurité-sûreté-accessibilité, subvention pour charge de service public).

Dotations versées aux trois universités propriétaires depuis 2011 (euros)

 

Dotation initiale de mise aux normes (unique)

Dotation de dévolution annuelle

Université de Poitiers

6 987 000

10 800 000

Université Toulouse-I-Capitole

5 930 000

5 000 000

Université Clermont-Ferrand 1

14 000 000

6 135 000

Source : commission des finances du Sénat

En 2016, un rapport interministériel ayant dressé un bilan positif de l’impact de ce dispositif expérimental, une nouvelle vague de dévolution est lancée ([61]). En 2017, quatre universités signent des accords de dévolution : Aix‑Marseille, Bordeaux, Caen Normandie et Tours. Contrairement à la première vague, aucune dotation financière exceptionnelle n’est prévue, les financements existants étant en revanche maintenus (Campus, CPER, sécurité-sûreté, accessibilité, SCSP) Cependant, en 2019, deux ajustements ont été réalisés :

– une dotation exceptionnelle d’initialisation d’un montant de 6 millions d’euros pour les quatre candidats à la dévolution a été proposée au titre de la mise en sécurité et en accessibilité ;

– le principe d’un taux de retour à 100 % des produits de cession et de valorisation du patrimoine immobilier a été acté.

En 2019, la ministre chargée de l’enseignement supérieur a annoncé le lancement d’une « vague continue de dévolution » qui doit permettre à chaque établissement qui le souhaite d’accéder à ce dispositif avant la fin de l’année 2022. Sept établissements ont été identifiés : Nantes, Strasbourg, Bordeaux Montaigne, Valenciennes, CentraleSupelec, Angers, AgroparisTech.

Auditionnés, les représentants de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion (DGESIP) ont évoqué la possibilité de dévolutions partielles ou progressives, à la condition que les établissements soient en mesure d’assumer techniquement et financièrement les retombées de ces évolutions. Le ministère souhaite également mettre à la disposition des établissements qui s’y engagent un vademecum.

Comme l’a rappelé le Cnous, les projections immobilières des établissements se font aujourd’hui entièrement dans le contexte de la dévolution : car si les universités souhaitent valoriser leur patrimoine, elles sont tenues de le faire dans le respect des obligations de l’ouverture des marchés à la concurrence. Pour les Crous, cela implique des opportunités mais aussi des sujétions, et notamment la nécessité de s’allier à des bailleurs sociaux pour être à même de répondre aux appels d’offres des universités.

L’Union nationale des étudiants de France (Unef) a rappelé, en ce qui concerne la dévolution, que le logement étudiant doit rester, autant que possible, une mission sociale avec des tarifications basses. Dans cet esprit, les Crous et certains bailleurs sociaux sont les mieux à même d’assurer ces prestations. Les représentants de l’Unef ont exprimé l’appréhension de voir les universités, si elles venaient à gérer en autonomie leurs logements, augmenter les loyers de manière peu concertée, comme il arrive dans d’autres pays lorsque les marges des établissements se trouvent contraintes.

En tout état de cause, selon ces mêmes représentants, des mesures de soutien aux populations étudiantes, comme celles qui ont été déployées pendant la crise sanitaire, à l’instar du gel ou de l’exonération de loyers, seraient difficiles à mettre en œuvre pour les établissements d’enseignement supérieur lorsqu’ils ont accédé à la dévolution du patrimoine et sont dans l’obligation de gérer leurs opérations à l’équilibre.

Les représentants de la direction de l’immobilier de l’État ont rappelé que les efforts pour renforcer et améliorer la valorisation de leur patrimoine par les universités ont abouti, pendant la législature actuelle, à l’inscription, en loi de finances pour 2018, dans le code général de la propriété des personnes publiques, du principe de valorisation patrimoniale par les universités. À cette occasion, sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, les représentants des établissements, des Crous, des collectivités territoriales et des différentes administrations ont produit, à l’issue d’un groupe de travail, un guide de valorisation immobilière à l’usage de tous les établissements publics d’enseignement supérieur ([62]).

La problématique de la professionnalisation des effectifs a été soulevée par le ministère chargé de l’enseignement supérieur, qui a créé dès 2015 un service consacré à la gestion patrimoniale. De la même façon, depuis quelques années, les universités se sont dotées de vice-présidents chargés du patrimoine.

Article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques ([63])

Les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ou conjointement des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’agriculture sont compétents pour assurer l’entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l’État ainsi que la valorisation immobilière de ces biens et les opérations immobilières d’aménagement des campus, hors cession des biens mis à leur disposition par l État.

Ils sont compétents pour délivrer sur ces biens des titres constitutifs de droits réels à un tiers et pour en fixer les conditions financières.

Cette délivrance est soumise à l’autorisation préalable de l’autorité administrative lorsqu’elle concerne des biens immobiliers mis à leur disposition par l’État et nécessaires à la continuité du service public.

Indépendamment du cadre juridique applicable – simple autonomie ou dévolution – le parc immobilier universitaire représente à la fois, pour les établissements, une charge financière à optimiser et un actif à valoriser, afin de répondre aux multiples enjeux afférents au service public de l’enseignement supérieur.

Proposition n° 10. Dans le cadre de la troisième vague de dévolution du patrimoine universitaire, mieux accompagner les établissements d’enseignement supérieur pour renforcer leurs capacités d’ingénierie et de maîtrise des projets de développement immobilier et de gestion d’un portefeuille de logements à destination de leurs publics spécifiques.

3.   Les bailleurs sociaux de plus en plus engagés

En ce qui concerne les prêts sociaux, de l’avis des représentants de la Caisse des dépôts et consignations, les outils de financement ont d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses évolutions et améliorations si bien qu’il est aujourd’hui difficile de les optimiser davantage.

Les jeunes sont principalement accueillis dans les résidences universitaires, les foyers de jeunes travailleurs et les résidences pour jeunes actifs ([64]). Les organismes HLM sont propriétaires de 120 000 places en résidences universitaires et de 50 000 places en foyers de jeunes travailleurs et résidences pour jeunes actifs.

D’après les propos des représentants de l’Union sociale pour l’habitat, il faut ajouter, aux occupants des résidences, les 360 000 titulaires ayant moins de trente ans de baux classiques dans le parc de logements dits « familiaux » ([65]). On peut donc estimer que le parc social contribue au total, toutes solutions confondues, au logement d’environ 530 000 jeunes. À ces données, pour être totalement exhaustif si on souhaitait évaluer l’effort apporté par le parc social en la matière, il conviendrait d’ajouter les jeunes occupant un logement social familial attribué à leurs parents.

Plafonds de ressources des locataires des logements financés

L’octroi des subventions et prêts PLAI, PLUS et PLS est subordonné à la conclusion d’une convention, d’une durée au moins égale à la durée de remboursement du prêt, à l’aide personnalisée au logement (APL) pour les locataires sous conditions de ressources et qui fixe le loyer maximum autorisé.

En financement PLUS, et pendant toute la durée des conventions, l’occupation sociale doit respecter les règles ci-après pour assurer la mixité sociale des opérations :

– au moins 30 % des logements doivent être occupés par des ménages dont les ressources n’excèdent pas 60 % des plafonds de ressources du PLUS ;

– 10 % maximum des logements de chaque opération peuvent être loués à des locataires dont les ressources excèdent, dans la limite de 120 %, les plafonds PLUS.

Chaque convention doit indiquer les logements correspondant à chacune de ces catégories. Les logements financés en PLAI sont destinés à héberger des ménages qui rencontrent des difficultés d’insertion particulières ; les ressources de ces ménages doivent être inférieures à entre 55 et 60 % des plafonds de ressources pris en compte pour l’accès au PLUS, sauf dérogation préfectorale. Pour les logements financés en PLS, les plafonds de ressources applicables aux ménages candidats sont égaux à ceux du PLUS majorés de 30 %.

Le parc HLM est composé, pour 26 %, d’appartements de petite taille en T1 ou T2, cette part s’élevant à 34 % dans l’offre récente compte tenu du resserrement des besoins sur les petites surfaces pour une part importante des demandeurs. Les dynamiques impulsées par les élus en réponse aux obligations issues de la loi SRU ont renforcé la production de petites superficies (voir supra). Si l’on raisonne en termes d’offre mise en location chaque année, la part de T1 et de T2 s’élève à 30 %, ce qui s’explique par le fait que les petites typologies ont un taux de rotation plus élevé que les grands logements.

Depuis 2018, la Banque de développement du Conseil de l’Europe permet d’avoir un taux fixe plus intéressant, de l’ordre de 0.85 % sur 30 ans. Cette offre est issue d’un partenariat avec les institutions européennes. L’action de la Banque européenne d’investissement (BEI), pour sa part, est fléchée vers les bailleurs sociaux et la rénovation, tandis que celle de la Banque du Conseil de l’Europe est orientée vers l’habitat spécifique et les personnes fragiles.

B.   L’ouverture vers le privÉ a permis de mieux rÉPONDRE aux besoins de massification de l’offre mais ne doit pas faire oublier la vocation sociale du logement des jeunes

1.   La transition vers l’investissement locatif pour un secteur à la rentabilité de placement élevée

a.   Le statut de loueur meublé permet un développement fort de l’offre de logements meublés à destination des jeunes

On assiste depuis 1990 à un développement continu de l’offre de logements meublés, couplé à une recomposition de l’offre en faveur du meublé diffus. Le logement locatif meublé s’adresse à une demande croissante d’étudiants et de salariés en mobilité temporaire, dont une part significative de jeunes. Les propriétaires bailleurs y sont orientés par la souplesse du cadre réglementaire de ces locations, la recherche d’une rentabilité supérieure à celle d’une location nue et le souci d’une plus grande sécurité des rapports locatifs. Le niveau de rentabilité locative, bien qu’il connaisse des variations, est systématiquement supérieur en location meublée par rapport à la location nue, principalement en raison du régime fiscal des revenus de la location meublée.

Il existe aussi une tendance à la location de pièces meublées au sein de logements plus vastes. Un dispositif temporaire prévu à l’article 35 bis du code général des impôts est incitatif à la mise en location meublée et est susceptible de s’adresser aux publics visés :

– les personnes qui louent ou sous-louent jusqu’au 31 décembre 2023 en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de l’impôt sur le revenu pour les produits de cette location, sous réserve que les pièces louées constituent pour le locataire ou le sous-locataire en meublé sa résidence principale ou sa résidence temporaire, dès lors qu’il justifie d’un contrat de travail à durée déterminée, et que le prix de location demeure fixé dans des limites raisonnables (l’administration publie à titre indicatif deux plafonds annuels par mètre carré de surface habitable selon les régions, réévalués chaque année) ;

– également jusqu’au 31 décembre 2023, les personnes qui mettent de façon habituelle à la disposition du public une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de l’impôt sur le revenu sur le produit de ces locations lorsque celui-ci n’excède pas 760 euros par an (cette disposition date de 1979).

En 2016, l’inspection générale des finances a publié un rapport d’évaluation de la politique publique sur le logement locatif meublé. La mission s’interrogeait sur la pertinence de l’existence de deux régimes fiscaux pour les revenus d’une même activité de location de logement (meublé ou non), relevant que cette dualité de régimes n’était satisfaisante ni du point de vue de l’intelligibilité du droit fiscal, ni de celui de l’égalité devant l’impôt, ni encore du fait du manque à gagner fiscal qu’elle représente.

La mission préconisait de réduire le biais introduit par la fiscalité des revenus en faveur de la location meublée en conservant un unique régime fiscal pour l’activité de location, tout en tenant compte des spécificités de la location meublée, en soumettant les revenus de la location meublée à un régime foncier adapté : régime micro avec un taux d’abattement de 40 % ; suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) sur la location meublée ; en régime réel, déduction d’un amortissement restreinte aux seuls meublés ; déficits imputables sur l’ensemble des revenus du contribuable (et non plus sur les seuls revenus de l’activité de location), dans la limite d’un certain plafond.

En zone urbaine et touristique, le secteur de la location meublée est caractérisé depuis 2015 par l’augmentation conséquente de l’offre locative meublée de courte durée, dans un cadre réglementaire et fiscal insuffisamment respecté. Comme l’a noté le rapport d’inspection en 2016, la problématique du marché locatif est moins la concurrence entre location nue et location meublée que le risque de voir une partie de l’offre de logements se détourner de la location à usage de résidence principale pour se consacrer à la location de courte durée à une clientèle touristique, en particulier dans les zones tendues et singulièrement à Paris.

Le statut de loueur meublé non professionnel (LMNP)

Par principe, l’activité de location d’immeubles est une activité civile. Toutefois, selon une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’État, les bénéfices tirés de la location de locaux meublés relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), alors que les revenus tirés de la location nue relèvent des revenus fonciers (RF). Cette qualification fiscale s’applique à toutes les activités de location meublée, indépendamment de leur caractère professionnel ou non.

Le caractère professionnel de l’activité de location en meublé est acquis dès lors que les recettes annuelles tirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 euros et qu’elles excèdent les revenus du foyer fiscal, ouvrant droit au statut de loueur meublé professionnel (LMP). À défaut, les revenus tirés de la location en meublé sont considérés comme des BIC non professionnels.

Cette distinction se fonde sur le constat selon lequel la location meublée est, dans bien des cas, une activité de placement patrimonial qui ne correspond pas à une activité professionnelle effective. En conséquence, lorsque le caractère professionnel n’est pas établi, certains avantages fiscaux sont limités, voire interdits pour la location meublée non professionnelle (LMNP), afin de limiter les éventuels effets d’optimisation sur le plan fiscal de cette activité patrimoniale :

– les déficits du foyer fiscal provenant de l’activité de location meublée exercée à titre non professionnel ne peuvent pas être imputés sur le revenu global, mais exclusivement sur les revenus provenant d’une telle activité au cours de celles des dix années suivantes pendant lesquelles l’activité n’est pas exercée à titre professionnel ;

– le régime des plus-values des particuliers est seul applicable.

Le régime LMNP n’a donc pas été initialement conçu comme un dispositif incitatif à l’investissement, ni comme permettant de répondre aux besoins de certains publics en particulier, tels que les publics jeunes.

b.   Le « Censi-Bouvard » stimule l’investissement privé dans les résidences

Le dispositif « Censi-Bouvard », qui devait s’appliquer aux logements éligibles acquis jusqu’au 31 décembre 2021 et prendre fin, après plusieurs prorogations, à cette date, sera finalement prorogé d’une année dans le cadre du présent projet de loi de finances. Plusieurs évolutions législatives avaient déjà restreint les avantages de cette mesure. Alors que la réduction d’impôt s’élevait à 25 % du prix du bien à la naissance du dispositif, celle-ci a été revue à 18 % en 2011 et 11 % à compter de 2012 ([66]). De plus, la loi de finances pour 2017 a limité son champ d’application en excluant les résidences de tourisme classées ([67]).

Un investissement dans le secteur de la location meublée non professionnelle ouvre droit, sur le fondement du dispositif dit « Censi-Bouvard », à une réduction d’impôt sur le revenu de 11 % du montant de l’investissement, plafonnée à 300 000 euros ([68]). Cette réduction d’impôt s’applique aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement ou un logement achevé depuis au moins quinze ans ayant fait ou faisant l’objet d’une réhabilitation ou d’une rénovation.

Le coût de cette dépense fiscale s’élève à 132 M€ au titre de 2020 et est estimé, en prévisionnel, à 92 M€ au titre des années 2021 et 2022. Le nombre de bénéficiaires est estimé à 52 891 en 2020. Si les investissements en Censi-Bouvard se sont contractés après le pic de 2010, du fait notamment de la baisse du taux de réduction d’impôt, la construction de résidences a bien résisté, notamment en comparaison avec les secteurs du logement individuel et collectif, qui ont connu un ralentissement au début des années 2010 ([69]). En 2019, le dispositif avait été prorogé, au motif qu’il s’agissait d’un outil efficace pour faire face au besoin en matière de résidences étudiantes et pour personnes âgées ([70]).

En 2021, le Censi-Bouvard a de nouveau été prorogé d’une année. La ministre chargée du logement s’est engagée à faire réaliser, au sujet de ce dispositif, une évaluation interministérielle au cours de l’exercice à venir pour mieux cerner ses avantages et ses inconvénients. Il apparaît nécessaire de mettre à profit cette échéance pour relancer la réflexion sur les meilleurs moyens de stimuler l’investissement collectif dans le logement de nos jeunes.

Placements immobiliers éligibles au Censi-Bouvard

Cette réduction d’impôt concerne l’investissement locatif dans les résidences de services neuves, ainsi que les logements achevés depuis au moins 15 ans et qui font l’objet de travaux de réhabilitation.

Le dispositif permet à l’investisseur d’obtenir une réduction d’impôt sur le revenu de 11 % sur 9 ans du prix de revient du bien, plafonné à 300 000 euros. En contrepartie, l’acquéreur doit céder la gestion de son bien à un gestionnaire pendant une période de 9 ans. Les loyers sont garantis par ce gestionnaire.

Les logements éligibles doivent être situés dans l’une des structures limitativement énumérées, à savoir :

– une résidence avec services pour étudiants ;

– un établissement social ou médico-social qui accueille des personnes âgées (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 312-1, I-6°) ou handicapées (CASF, art. L. 312-1, I-7°) ;

– une résidence avec services pour personnes âgées ou handicapées ayant obtenu l’agrément « qualité » visé à l’article L. 7232-1 du code du travail ou l’autorisation prévue à l’article L. 313-1 du CASF pour son service d’aide et d’accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l’article L. 312-1 du CASF ;

– un ensemble de logements géré par un groupement de coopération social ou médico-social et affecté à l’accueil familial salarié de personnes âgées ou handicapées (CASF, art. L. 444-1 à CASF, art. L. 444-9) ;

– un établissement délivrant des soins de longue durée, mentionné au dixième alinéa du 3° de l’article L. 6143 5 du code de la santé publique, et comportant un hébergement, à des personnes n’ayant pas leur autonomie de vie dont l’état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d’entretien.

Il semble nécessaire de mettre à profit la prorogation du dispositif Censi-Bouvard et son évaluation interministérielle pour lancer une réflexion sur les meilleurs moyens de stimuler l’investissement dans la production de logements économes et durables, en résidence et dans le parc diffus, à destination des jeunes, étudiants ou travailleurs.

Proposition n° 11. Dans le cadre de la démarche d’évaluation de la réduction d’impôt Censi-Bouvard, mener une réflexion générale sur les moyens de financement des résidences pour jeunes et comparer la dépense publique en faveur de l’investissement public et privé.

c.   Les dispositifs « Louer abordable » permettent la mise sur le marché de logements conventionnés

Les réductions d’impôt « Louer abordable » sont des déductions fiscales spécifiques sur les revenus issus de certains baux. Ils ont vocation à favoriser la mise en location par les particuliers de leur bien à des personnes aux ressources modestes ou avec des besoins particuliers. Ils peuvent être mis en œuvre à destination de publics jeunes, notamment s’agissant de jeunes actifs ou sans ressources.

Les dispositifs « Louer abordable » sont des déductions spécifiques appliquées aux revenus fonciers des propriétaires bailleurs lorsque ceux-ci donnent en location des logements à loyers maîtrisés en application de leurs engagements dans le cadre d’une convention conclue avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Le dispositif actuel, appelé « Cosse », s’est substitué en 2016 au « Borloo ancien » ([71]) en :

– zonant le taux de déduction pour mieux tenir compte de la situation de tension sur le marché locatif, excluant ainsi le bénéfice de tout avantage en zone C lorsque le bien n’est pas loué dans le cadre d’une intermédiation locative sociale à un organisme agréé ([72]) ;

– accentuant la variation des taux de déduction afin d’encourager la location sociale ou très sociale par rapport à la location intermédiaire ([73]).

La déduction spécifique s’applique à compter de la date de prise d’effet de la convention avec l’ANAH et pendant toute sa durée. Elle est aujourd’hui calculée sur le revenu brut tiré de la location du logement conventionné, aux taux suivants :

– en zones A bis, A et B1, se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements : 30 % pour les conventions à loyer intermédiaire et 70 % pour les conventions à loyer social ou très social ;

– en zone B2, se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements : 15 % pour les conventions à loyer intermédiaire ; 50 % pour les conventions à loyer social ou très social ;

– en zone C : 50 % pour les conventions à loyer social ou très social uniquement, lorsque cette convention prévoit la réalisation de travaux.

Les logements donnés en location dans le cadre d’une intermédiation locative sociale à des organismes agréés, quelle que soit la zone géographique dans laquelle ils se situent, bénéficient d’un taux de déduction de 85 %. Le coût de cette dépense fiscale s’élève à 20 millions d’euros et le nombre de bénéficiaires est estimé à 11 000 en 2020.

Lorsque la maîtrise d’ouvrage est assurée par un promoteur immobilier, il est investisseur au départ, mais n’a pas vocation à rester propriétaire et doit donc trouver d’autres investisseurs dans la durée. La plupart des résidences étudiantes réalisées depuis une trentaine d’années par les promoteurs immobiliers se sont développées grâce à l’épargne populaire, c’est-à-dire avec l’acquisition de logements par des particuliers dans une logique de placements, plus ou moins intéressants selon les dispositifs d’accompagnement fiscaux mis en place par l’État en faveur des résidences avec services (amortissement d’une partie de l’investissement, récupération de taxe sur la valeur ajoutée, voir supra la section sur le Censi-Bouvard).

Cependant, une part croissante des résidences étudiantes se développe grâce à des investisseurs en bloc, c’est-à-dire des institutions financières ou des sociétés foncières qui s’inscrivent dans une logique de diversification de leur patrimoine. Certains ont pu réaliser ces investissements au profit de leurs sociétaires, de leurs enfants ou de leurs futurs sociétaires, comme la Mutuelle générale des étudiants de l’est (MGEL), mutuelle étudiante, ou la Mutuelle d’assurances du corps de santé français (MACSF), assureur mutualiste des professionnels de la santé, avec des résidences affectées principalement aux étudiants en médecine.

En outre, depuis quelques années, émergent sur le segment du logement étudiant des fonds internationaux, déjà propriétaires de résidences étudiantes à l’étranger. Ces structures développent surtout des programmes de très grande capacité, afin d’amortir suffisamment les services et espaces communs et de dégager ainsi une rentabilité minimale.

Pour le logement privé non conventionné dont les niveaux de loyer sont librement fixés, les maîtres d’ouvrage sont très souvent des promoteurs immobiliers, dont certains ont leurs propres services d’architecture, de construction ou de gestion immobilière, mais dont la plupart sous-traitent ces travaux par contrat. Leur objectif est toujours de céder l’immeuble réalisé, soit en bloc (à un seul acheteur) soit en parties divises (à une multiplicité d’acquéreurs en copropriété) avant même la livraison des logements. Il arrive de temps en temps que des promoteurs immobiliers vendent les immeubles réalisés à des bailleurs sociaux dans le cadre d’une vente en état futur d’achèvement (VEFA), et notamment lorsqu’il s’agit de résidences universitaires.

2.   La création et l’ouverture du statut de résidence universitaire sont utiles mais ne doivent pas cantonner l’activité des bailleurs

Le statut de la résidence universitaire a été créé par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). À l’occasion de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (LEC), a été ouverte aux bailleurs sociaux la possibilité de construire et gérer de telles résidences. Ceux-ci ont néanmoins fait part à vos rapporteurs leur préférence pour les produits multi-publics qui peuvent favoriser la mixité entre les étudiants et les autres jeunes.

Le statut de résidence universitaire

Le statut de résidence universitaire est défini à l’article L. 631-12 du code de la construction et de l’habitation. Il impose à la résidence de ne recevoir, à titre de résidence principale, que des étudiants, des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage, des personnes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation et, exceptionnellement, des enseignants et chercheurs.

La résidence doit contenir des logements privatifs et des espaces collectifs comme de la restauration, une laverie etc. Les gérants des résidences ont la possibilité de recourir au conventionnement à l’aide personnalisée au logement (APL).

Le bail en résidence universitaire est limité à un an. Le résidant ne bénéficie pas du droit de maintien mais le bail peut être renouvelé s’il remplit toujours les conditions d’accès. Le bail ne peut pas non plus être cédé et le logement ne peut pas être sous-loué. Outre ces spécificités, la loi ALUR renvoie au régime du bail d’habitation de la loi du 6 juillet 1989.

À la différence des résidences étudiantes, les résidences universitaires restent la propriété d’organismes publics comme le Crous. Les places disponibles sont prioritairement accordées aux étudiants les plus en difficulté et à ceux qui connaissent le plus d’éloignement vis-à-vis de leur famille.

Le code de l’éducation précise les catégories de résidences universitaires ([74]) :

– logements conventionnés à l’APL, propriété de l’État et gérés par les Crous (parc ancien des cités universitaires) ;

– logements conventionnés à l’APL, propriétés de l’État et gérés par les Crous ;

– logements conventionnés à l’APL, propriétés des bailleurs sociaux et gérés par les Crous ;

– logements conventionnés à l’APL, propriétés des bailleurs sociaux et gérés par une association autre qu’un Crous, ou gérés par un bailleur social.

3.   D’autres dispositifs adoptés dans les dernières lois sur le logement ont renforcé l’accès des jeunes au logement

Les lois des dernières années ont ouvert plusieurs dispositifs nouveaux offrant des possibilités renforcées pour les exploitants de résidences universitaires.

a.   L’article 123 de la loi LEC permet aux gestionnaires d’optimiser l’occupation des résidences

L’article 123 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (LEC) a ouvert, pour quatre années et à titre expérimental, la possibilité pour les gestionnaires de résidences universitaires qui ne sont pas totalement occupées après le 31 décembre de chaque année de louer les locaux vacants pour des séjours d’une durée inférieure à trois mois s’achevant au plus tard le 1er septembre, notamment à des publics prioritaires au sens de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation.

La pérennisation de ce dispositif a été proposée par l’Union sociale pour l’habitat, la Conférence des présidents d’université et le Cnous dès le protocole qu’ils ont signé en octobre 2020. Le rapport d’évaluation de cette expérimentation, remis par le Gouvernement au Parlement le 25 mai 2021, a fait état d’un taux de vacance des résidences étudiantes pouvant atteindre 40 à 50 % lors des mois de juillet et août.

Les acteurs entendus par vos rapporteurs ont salué ce dispositif, qui permet aux gestionnaires des résidences de mieux équilibrer leurs exercices et, partant, de mieux se projeter dans l’avenir. Il répond en outre à de nombreuses demandes de courts séjours, notamment de la part de jeunes actifs tels que les saisonniers, les stagiaires, ou les jeunes en service civique.

Vos rapporteurs se réjouissent de ce fait que la prorogation de ce dispositif ait été incorporée, au Sénat, à l’article 36 bis du projet de loi portant différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

b.   L’article 109 de la loi ELAN ouvre la possibilité de la réservation de logements sociaux aux jeunes jusqu’à trente ans

Face aux enjeux posés par la mobilité et la recherche de solutions rapides qui caractérise le logement des jeunes, de nouvelles solutions ont été conçues. Les jeunes ont en effet tendance à chercher du logement de plus courte durée, avant de s’établir dans l’emploi et de développer un parcours résidentiel.

Avant la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) l’accès des jeunes au parc locatif social était de ce fait peu fluide du fait de la prise en compte de l’ancienneté des demandes et des critères de priorité pour les publics dans les critères d’attribution du logement social définis à l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation.

L’article 109 de la loi ELAN ([75]) a ouvert de nouvelles opportunités en rendant possible, sur la base d’autorisations spécifiques, la réservation de tout ou partie de programmes de logements locatifs sociaux « ordinaires » à des jeunes de moins de trente ans pour des contrats de location d’une durée maximale d’un an, renouvelables dès lors que l’occupant continue de remplir les conditions d’accès à ce logement.

Tous les programmes de logements locatifs sociaux sont concernés :

– il est possible d’associer l’autorisation spécifique à la décision d’agrément du financement (octroi des subventions et des prêts) d’une nouvelle opération de logements locatifs sociaux ; plusieurs opérations nouvelles ont été agréées en 2020 ;

– le décret du 12 février 2021 permet d’associer l’autorisation spécifique à la décision de subvention d’une opération d’amélioration de logements locatifs sociaux ;

– la possibilité est ouverte de prendre une autorisation spécifique pour tout programme de logements locatifs sociaux existants, en fonction des besoins.

Les logements loués à des jeunes de moins de trente ans peuvent être meublés ou non meublés ([76]). Il peut s’agir de petits logements mais aussi de plus grands logements qui peuvent être proposés en colocation ([77]).

Vos rapporteurs ont recueilli des avis très positifs sur cette nouvelle faculté ouverte aux bailleurs sociaux, qui leur a permis d’accueillir des publics jeunes et d’optimiser leur gestion de leur parc de logements.

c.   Des baux spécifiques ont été créés, notamment à l’article 107 de la loi ELAN, pour correspondre aux particularités des publics jeunes

Le bail meublé a longtemps fait l’objet d’un statut particulier, principalement régi par les dispositions du code civil, puis par un régime inspiré du bail nu, avec des caractéristiques calquées : indexation du loyer sur l’indice de référence des loyers (IRL), motifs de congé du bailleur, tacite reconduction, ou encore renouvellement du bail sous réserve de l’acceptation du locataire. En dehors de ces règles, le contenu du contrat était déterminé librement par les parties, conformément à l’esprit des dispositions du code civil.

Cependant, à l’occasion de l’examen de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et avec la volonté de sécuriser davantage la situation des locataires, le législateur a intégré le régime juridique du bail meublé au domaine de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ce qui a permis de limiter la marge de discrétion du bailleur quant au contenu du contrat de bail. Depuis cette date, le bail meublé est donc mieux sécurisé. Aux termes de l’article 25-4 de la loi, le logement meublé est « un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante ».

Mobilier minimal exigible au titre d’un bail meublé

Le mobilier minimal exigible par le locataire d’un logement meublé est précisément et exhaustivement qualifié par le pouvoir réglementaire dans un décret pris pour l’application des dispositions nouvelles de la loi ALUR ([78]). Le bailleur qui ne fournit pas le mobilier minimal exigible s’expose à une requalification judiciaire du bail meublé en bail nu. Ce mobilier minimal comporte au minimum les éléments suivants :

1° Literie comprenant couette ou couverture ;

2° Dispositif d’occultation des fenêtres dans les pièces destinées à être utilisées comme chambre à coucher ;

3° Plaques de cuisson ;

4° Four ou four à micro-ondes ;

5° Réfrigérateur et congélateur ou, au minimum, un réfrigérateur doté d’un compartiment permettant de disposer d’une température inférieure ou égale à – 6° C ;

6° Vaisselle nécessaire à la prise des repas ;

7° Ustensiles de cuisine ;

8° Table et sièges ;

9° Étagères de rangement ;

10° Luminaires ;

11° Matériel d’entretien ménager adapté aux caractéristiques du logement.

Il existe également des spécificités pour ce qui concerne le régime du bail meublé dans les résidences avec services. Certains baux meublés à usage de résidence principale peuvent être consentis dans le cadre de résidences avec services, relevant de ce fait d’un statut particulier. C’est notamment le cas des résidences services, des résidences universitaires et des logements-foyers.

Ces baux sont conclus dans le cadre de la location meublée gérée sous bail commercial, qui débute avec un placement immobilier dans une chambre ou un appartement meublé dans une résidence de services ([79]). Dans ces opérations, l’investisseur, qui bénéficie d’une réduction d’impôt au titre du dispositif Censi‑Bouvard, achète un bien dans une résidence existante ou en construction pour le mettre en location meublée. Cette résidence sera ensuite gérée par un professionnel appelé « exploitant » ou « gestionnaire » avec qui l’investisseur signe un bail commercial (par opposition à un bail d’habitation classique). Conformément au contrat établi avec l’investisseur propriétaire, l’exploitant gère en toute autonomie la résidence de services où se trouve le bien. Dans ce dispositif, le titulaire du placement bénéficie de l’amortissement réputé différé (ARD).

Le bail mobilité, qui résulte de l’article 107 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), connaît pour l’instant des résultats mitigés. Il est issu de la recommandation d’une mission d’inspection sur le logement locatif meublé en 2016 ([80]). Celle-ci préconisait la création d’un « bail de location meublée à titre de résidence principale, de durée comprise entre trois mois et un an, non renouvelable sauf à l’initiative du locataire, permettant à la fois l’affectation des pied-à-terre à cette activité et le logement d’étudiants et de salariés en mobilité ».

Il apparaît aujourd’hui, trois ans après leur création, nécessaire d’évaluer la pertinence des baux mobilité et de modifier le dispositif afin d’en renforcer, le cas échéant, l’attractivité pour les publics jeunes, étudiants ou jeunes actifs.

4.   Les articles 117 et 128 de la loi ELAN : colocation et cohabitation intergénérationnelle

La Fédération des élus des entreprises locales (Fed EPL) estime qu’il convient de favoriser massivement d’autres types d’opérations que le logement étudiant classique : colocation, logement intergénérationnel, opérations mixtes.

Selon le géographe Grégoire Fauconnier, pour des raisons liées notamment aux modalités du décompte des logements au titre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) (voir aussi 3 du B du I de la seconde partie), la période est marquée par la montée en puissance des résidences intergénérationnelles, qui sont près d’un cinquième de la production de structures collectives. Invention des bailleurs sociaux et encore sans définition juridique à ce jour, elles mélangent logements destinés aux personnes âgées, aux jeunes actifs, aux étudiants et aux familles.

Certains acteurs auditionnés se sont réjouis d’une « tendance à la mixité » qui caractériserait le secteur depuis une décennie, mettant en avant l’idée que cette diversité d’offres permet de répondre à la diversité des demandes des territoires et des établissements. Selon les représentants de l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo), certains acteurs proposent utilement de nouvelles formules. Hénéo, société anonyme sans but lucratif, filiale de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), dont vos rapporteurs ont entendu le directeur général, produit des unités mixtes logements étudiants/résidences jeunes travailleurs. Les étudiants payent les tarifs étudiants et perçoivent les APL à proportion, tandis que les jeunes travailleurs payent les tarifs jeunes travailleurs en percevant l’APL foyers. D’autres bailleurs, comme la filiale AMLI du groupe Batigère, proposent également des solutions innovantes.

La Fédération des élus des entreprises publiques locales (Fed EPL) a souligné la difficulté qu’il y a à équilibrer les projets d’investissement en mono-produit. D’après ses représentants, il n’est plus possible de réaliser des résidences en barres de logements étudiants PLUS ou PLS. Il faut donc, d’après eux, favoriser les opérations mixtes, comme celle de la société d’économie mixte (SEM) locale Grenoble Habitat qui mène une opération de construction de 300 logements sociaux, 300 logements intermédiaires et 300 logements privés. Cette opération permet de dégager des marges sur la partie non sociale de l’opération et de l’équilibrer dans le temps.

TYPOLOGIE DES LOGEMENTS TEMPORAIRES EN STRUCTURE COLLECTIVE
AGRÉÉS PAR LES COMMUNES DÉFICITAIRES YVELINOISES

Source : Grégoire Fauconnier, Loi SRU et mixité sociale : le vivre-ensemble en échec, éd. Omniscience, 2020, p. 178, d’après les archives municipales des communes déficitaires yvelinoises.

Ces acteurs plaident également en faveur des opérations globales où l’on intègre des logements étudiants, afin de penser l’aménagement et la mobilité en même temps que le logement. Selon les représentants des entreprises publiques locales, là où les modes de construction existent et sont suffisamment développés, il manque le caractère global des opérations. Pour eux, le regard d’ensemble des SEM multi-activités dispose d’un avantage considérable dans ce genre d’opérations.

Vos rapporteurs entendent et partagent cette volonté de renforcer la mixité des projets et des publics, à condition qu’une telle dynamique ne nuise pas à la mission sociale des logements sociaux à destination des jeunes et ne conduise pas à en réduire la place dans les opérations qui sont entreprises.

Proposition n° 12. Encourager le recours par les bailleurs sociaux et autres maîtres d’ouvrage à des solutions d’investissement hybrides mêlant différentes typologies de logement et casser la segmentation des logements à destination des jeunes en produits étudiants et jeunes actifs, afin de favoriser la mixité sociale des opérations et de maximiser les opportunités de création de logement à destination des jeunes.

Plus encore, il semble nécessaire d’accélérer encore le développement de la colocation en HLM. Face à un parc social historiquement marqué par la prédominance des appartements familiaux (la typologie du parc est constituée aux trois quarts, pour des raisons historiques, de moyens et grands logements, avec 3,5 millions d’appartements comptant trois à cinq pièces), sa meilleure mobilisation peut être facilitée par une exploitation plus assurée des outils existants.

Le potentiel du parc social est un gisement de places dont l’exploitation doit être optimisée. Comme l’a montré le rapport de M. Nicolas Démoulin sur la prévention des expulsions locatives, les deux tiers des logements des bailleurs sociaux sont très faiblement occupés : 1,8 million de logements sont occupés par une personne seule, et 1,2 million de logements sont occupés par deux personnes, ce qui totalise 3 millions de logements sur les 4,7 millions du parc social ([81]).

La colocation en HLM

Le dispositif de colocation, introduit par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), à l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, est applicable dans le parc privé, mais l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 écarte expressément l’application de la colocation :

– aux logements appartenant aux organismes HLM et ne faisant pas l’objet d’une convention APL ;

– aux logements faisant l’objet d’une convention APL.

Dans le parc social, l’article L. 442-8-4 du code de la construction et de l’habitation prévoyait, dès avant la loi ELAN, une exception pour les étudiants, les personnes de moins de trente ans et les personnes titulaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Un contrat de location, d’une durée d’un an, pouvait être conclu dans ce cadre par des organismes HLM, des SEM agréées et des Crous. Le dispositif, peu lisible et peu connu, était peu usité.

L’article 128 de la loi ELAN a renforcé et clarifié considérablement les possibilités ouvertes par la colocation. Dans ce nouveau cadre, le bailleur social signe avec chaque colocataire du logement un bail. Chaque bail doit préciser les informations suivantes :

– pièce du logement dont chaque colocataire a la jouissance exclusive ;

– parties communes mises à la disposition de l’ensemble des colocataires (cuisine, salle de bain, salon, etc.).

Chaque colocataire doit disposer d’une surface au moins égale à 9 mètres carrés et d’un volume au moins égal à 20 mètres cubes, hors parties communes.

Cette sous-occupation du parc social doit être corrigée par la mise en œuvre à plus grande échelle des possibilités offertes par la colocation. Cette possibilité a été renforcée dans la loi ELAN (voir encadré), et les bailleurs sociaux doivent désormais s’en saisir pleinement.

En ce qui concerne les dispositifs réglementaires, l’Union sociale pour l’habitat a invité à permettre la colocation en sous-location afin d’offrir la possibilité aux bailleurs de s’appuyer sur des associations spécialisées. De même, elle a proposé une réflexion sur la diversification des statuts en colocation, notamment sur la co-titularité. Enfin, elle a souhaité le développement des mécanismes de « location active » qui permettent aux publics de prendre connaissance des logements disponibles et d’y postuler par le biais d’offres en ligne.

Dans les logements « article 109 » et en résidence universitaire, l’USH a invité à autoriser la gestion des charges de manière forfaitisée tout en veillant à leur bonne indexation, notamment pour la colocation.

Proposition n° 13. Massifier le recours par les organismes de logement social à la colocation de façon à exploiter de manière optimale les superficies disponibles, en mettant à profit les apports de l’article 128 de la loi ELAN. Mieux informer les locataires aux possibilités offertes par la colocation en HLM.

C.   Le dÉveloppement des partenariats entre public et privÉ contribue À rÉpondre au dÉfi posÉ

À partir du lancement du « plan Campus » en 2008, fondé sur la conviction que les capacités publiques ne pouvaient plus suffire à subvenir aux besoins créés par l’expansion de la démographie étudiante, les pouvoirs publics ont fait une large part aux partenariats public-privé pour le développement du logement étudiant.

1.   Les dispositifs de l’occupation domaniale : autorisation d’occupation et marché de partenariat

Jusqu’en 2015, les Crous pouvaient avoir recours aux AOT (autorisations d’occupation temporaire) aller-retour, montages contractuels assis sur des dépendances domaniales auxquels l’ordonnance du 23 juillet 2015 a mis fin. Ces outils reposaient sur des conventions de mise à disposition de dépendances domaniales et avaient pour objet de « lisser » le financement d’un équipement public réalisé sous maîtrise d’ouvrage privée. Les montages « aller-retour » confiaient à un opérateur économique, souvent bailleur social, la charge de réaliser, sur une dépendance domaniale, un ouvrage public qui était ensuite immédiatement loué à la personne publique, laquelle versait en contrepartie, et pendant toute la durée de la mise à disposition, des loyers qui couvraient les investissements réalisés.

Le financement de l’offre de logements pour étudiants ou chercheurs est généralement assuré par un recours à l’emprunt, qui est souscrit, soit par le maître d’ouvrage, soit par les acquéreurs. La logique financière est celle du remboursement des échéances par le maître d’ouvrage, par le biais des loyers collectés auprès des résidents, nets des frais d’exploitation et de marge. Ils peuvent donc être considérés comme investisseurs, dans la mesure où ils doivent généralement amorcer le montage avec un apport de fonds propres plus ou moins important.

Lorsque la maîtrise d’ouvrage est assurée par un bailleur social, il souscrit les emprunts, principalement PLUS et PLS, sur de très longues durées, de 30 à 50 ans. Il reste propriétaire du bâti, et peut bénéficier de subventions. Sur les fonciers appartenant aux établissements d’enseignement supérieur, les bailleurs sociaux construisaient dans le cadre d’autorisations d’occupation temporaire. Au terme de l’AOT, les bailleurs perdaient le bénéfice de la rente, au profit de l’État, qui affectait alors le patrimoine à ses opérateurs, les Crous. Ceux-ci avaient généralement assuré l’exploitation des logements depuis leur livraison.

La production de résidences pour étudiants exige des compétences approfondies dans la conception, le montage économique et financier et la construction de bâtiments consacrés à l’hébergement et à la vie quotidienne. Les bailleurs sociaux sont des maîtres d’ouvrage privilégiés, car ils maîtrisent ces différentes compétences, et peuvent conserver l’ouvrage réalisé en pleine propriété ou bien le céder. Comme les promoteurs, ils ont des rapports établis avec les architectes maîtres d’œuvre et les entreprises du BTP.

Bailleurs sociaux agréés pour produire des logements étudiants conventionnés

La production de logements étudiants conventionnés est le fait des organismes de logement social suivants :

 les offices publics de l’habitat (OPH, très souvent adossés à des collectivités territoriales) ;

 les sociétés anonymes d’HLM (notamment celles créées par les collecteurs du 1 % logement, aujourd’hui réunies au sein du groupe Action Logement) ;

 les sociétés coopératives d’HLM ;

 les sociétés d’économie mixte (SEM, également liées à des collectivités territoriales) ;

 certains autres organismes agréés pour leur activité de maîtrise d’ouvrage d’insertion, comme c’est le cas de certains Crous.

Les bailleurs sociaux ont pour habitude de conserver leur ouvrage en pleine propriété et d’en assurer eux-mêmes la gestion. Ce modèle, qui a historiquement moins bien fonctionné pour le logement étudiant et a fortiori pour le logement des chercheurs, tend cependant à se développer aujourd’hui.

En ce qui concerne les universités, l’usage de ces autorisations d’occupation concernait principalement des baux emphytéotiques administratifs auxquels on attachait une convention de mise à disposition indissociable (dispositif dit « BEA aller-retour ») et des autorisations temporaires d’occupation du domaine public constitutives de droits réels auxquelles est attachée une convention de location avec option d’achat (AOT/LOA) ([82]).

Selon le Cnous, l’AOT aller-retour constituait le mode de fonctionnement privilégié de l’administration sur le patrimoine de l’État, avec une subvention de la collectivité. L’instrument offrait en effet l’avantage de favoriser une association étroite et tout au long du projet du Crous et du bailleur social, dès l’origine de l’opération de construction jusqu’au design intérieur. Le bailleur y trouvait son compte, puisque le Crous lui était lié par une convention de longue durée, de l’ordre de 20 à 30 ans et lui versait une redevance permettant d’amortir ses frais. En même temps, le dispositif permettait d’éviter l’aliénation du domaine public, puisqu’au bout de la période, le bâtiment revenait au Crous et donc à l’État. Il s’agissait donc d’une valorisation opportune du patrimoine de l’État qui permettait au Crous de profiter gratuitement du terrain.

Il n’est plus possible d’avoir recours à ce mécanisme, car la mise en concurrence est considérée comme insuffisante. Les outils AOT et bail emphytéotique ont été recentrés sur leur vocation domaniale, notamment pour produire des revenus. Cette abrogation met davantage l’accent sur deux autres méthodes de montage de projet, la maîtrise d’ouvrage directe et le marché de partenariat. Selon le Cnous, et il en va de même pour les Crous, quand il s’agit de construire soit, s’ils ont des ressources propres et sachant qu’ils peuvent emprunter, contrairement aux universités, ils construisent en maîtrise d’ouvrage directe, soit ils construisent un partenariat avec un bailleur privé.

La maîtrise d’ouvrage directe présente l’avantage de permettre un meilleur contrôle du Crous sur l’opération lancée. En revanche, elle exige une part de financements en provenance des collectivités publiques estimée à 20 % au moins du montant de l’opération, afin que les tarifs sociaux proposés aux étudiants soient acceptables.

Dans ce contexte, le Cnous a assuré à vos rapporteurs que la possibilité ouverte aux Crous, à l’article 69 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), d’avoir recours à des marchés de conception-réalisation, a été un vrai levier d’accélération pour leurs opérations. S’agissant d’une mesure dérogatoire qui arrive à échéance au 31 décembre 2021, les Crous auraient souhaité une extension de ce dispositif fort mobilisé pour les réhabilitations, notamment dans le cadre de la relance. Le dispositif n’ayant pas été évalué et son impact sur la structure du secteur de la construction étant incertain, il n’est pas évident qu’une telle prorogation soit opportune.

Depuis la fin des AOT aller-retour, le marché de partenariat est devenu l’un des principaux outils pour la production de logements étudiants. Néanmoins, les seuils fixés nécessitent des projets d’ampleur qui doivent atteindre un minimum de 5 millions d’euros hors taxes. De plus, les dispositions du code de la commande publique obligent à la réalisation de deux études afin de valider le projet, notamment en terme de soutenabilité budgétaire. Ce processus long et coûteux ne permet pas la réactivité nécessaire pour s’adapter aux demandes des étudiants.

Le marché de partenariat

Un marché de partenariat ([83]) est un marché public qui a pour objet de confier à un opérateur économique ou à un groupement d’opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général.

Le titulaire du marché de partenariat assure la maîtrise d’ouvrage de l’opération à réaliser ([84]). Exceptés les organismes autres que l’État relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, ainsi que les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, tout acheteur est autorisé à conclure des marchés de partenariat. Il n’y a pas de durée minimale ou maximale consacrée par les textes dans le cadre de ces marchés. En général, ils s’étalent sur vingt-cinq années et dépendent de la durée de l’amortissement ou des méthodes de financements retenues.

Deux conditions sont nécessaires pour conclure un marché de partenariat. Il doit correspondre à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à un seuil fixé par décret ([85]), et l’acheteur doit démontrer que le recours au marché de partenariat est plus favorable que les autres méthodes de réalisation du projet.

Afin de vérifier la conformité avec les conditions requises par les textes, deux études doivent être menées : l’évaluation préalable du mode de réalisation du projet (EMRP) et l’étude de soutenabilité budgétaire ([86]), qui sont menées par des organismes dépendant du ministère chargé des finances.

Selon le Cnous, l’outil voit sa mise en œuvre excessivement alourdie et allongée du fait de la réalisation préalable d’études d’expertise. De ce fait, un seul Crous a une telle opération en cours, à Lyon, tandis que quelques autres sont à l’étude. Le recours au marché de partenariat ne se substitue pas à l’AOT aller-retour, du fait de la complexité de la mise en œuvre du dispositif. De ce fait, il n’est adapté que pour les opérations de grande ampleur, là où les acteurs ont besoin d’outils agiles pour mener des opérations de moindre envergure.

La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a présenté à vos rapporteurs quelques projets alternatifs réalisés actuellement en partenariat entre les secteurs public et privé.

À Paris, la Ville de Paris, la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), le Crous de Paris et l’université expérimentale Sorbonne université ont conclu, le 17 décembre 2020, un protocole pour la construction d’une résidence étudiante sur le campus Pierre-et-Marie-Curie dans le cinquième arrondissement.

Ce programme de 15 000 mètres carrés de surface de plancher comportera 565 logements à caractère social, dont 400 T1 pour des étudiants et doctorants, financés en PLUS et avec un loyer plafonné à 7 euros/mètre carré, et 165 logements pour les post-doctorants, chercheurs et enseignants répartis en 25 % de T1, 50 % de T2 et 25 % de T3, avec un loyer plafonné à 13 euros/mètre carré.

La programmation prévoit également des « espaces annexes », à savoir un espace étudiant, une salle polyvalente et un studio de musique (2 747 m²), des bureaux (230 m²) et des locaux techniques et d’entretien, dont un garage à vélos (717 m2). Pour porter ce projet, Sorbonne université et la RIVP ont conclu un protocole sous la forme d’un « bail à construction » qui permettra à la RIVP, en qualité de maître d’ouvrage, de réaliser un programme de résidence universitaire. Le bâtiment F de la barre Cassan, construit en 1962 pour les besoins de l’enseignement et de la recherche et qui a abrité des salles d’enseignement et de laboratoires, ainsi que des services administratifs de l’université, aujourd’hui désaffecté, sera préservé et entièrement transformé. La gestion de cette nouvelle résidence sera confiée au Crous de Paris. La livraison de cette opération, dont le montant prévisionnel est estimé à 100 millions d’euros, est prévue pour la fin de l’année 2024. Le coût de la réalisation de la cité universitaire de 100 millions d’euros est réparti entre les financeurs :

– fraction RIVP, financée en prêts octroyés par la Caisse des dépôts et consignations : 76,4 millions d’euros (M€) ;

– conseil régional d’Île-de-France : 3,90 M€ ;

– Ville de Paris : 17,50 M€ ;

– État : 2,14 M€ ([87]).

Un autre exemple concerne, sur le territoire de la commune de Bron dans la métropole de Lyon, un projet mené par le Crous de Lyon, mené en partenariat avec l’université Lumière Lyon 2 sur un foncier appartenant à l’État. Au sein du campus Porte des Alpes, le projet prévoit la création de 700 lits étudiants sur le campus à paris de 2022, dans un projet privilégiant la mixité fonctionnelle et la végétalisation.

La typologie des logements créés doit être variée : studios, colocations, « ruches ». Là où la majorité des étudiants du campus vivent actuellement à Lyon, cette initiative a vocation à faire émerger une communauté d’habitants. Ainsi les espaces communs sont complétés par des équipements publics, notamment un nouveau centre de ressources multifonctionnel, et des commerces prévus en rez-de-chaussée. La métropole axe en effet ses efforts sur la création de logements étudiants, car seules 36 000 places en résidences étudiantes existent en 2016 pour 150 000 étudiants dont 85 000 décohabitants ([88]).

2.   Les solutions de la filialisation : les participations des Crous au capital des entreprises publiques locales et la création des sociétés publiques locales universitaires

Tout au long de la mission, vos rapporteurs ont sondé les personnes auditionnées quant aux possibilités ouvertes par l’extension des possibilités de filialisation par les établissements d’enseignement supérieur ou les Crous. Ainsi a été évoquée la possibilité de confier aux Crous la faculté de participer au capital des sociétés d’économie mixte (SEM) ou des sociétés publiques locales (SPL) afin de participer par ce biais à des opérations d’urbanisme et de logement.

Vos rapporteurs estiment que le logement étudiant doit être pensé en coordination avec une opération d’urbanisme à l’échelle locale, maîtrisée par la collectivité. La maîtrise d’œuvre d’une société d’économie mixte, qui se place sous le contrôle de la chambre régionale des comptes territorialement compétente, est plus efficace et, par rapport à la maîtrise d’œuvre directe de la collectivité, diminue par deux les temps de construction.

Les Crous ont fait remarquer la difficulté pour eux d’assurer leurs missions sans pouvoir être associés à l’action des entreprises publiques locales. Les Crous pourraient éventuellement avoir vocation à être au capital de filiales qui soient des entreprises publiques locales, tout en préservant la capacité de gérer les logements produits, ce qui doit permettre, outre les avantages financiers pour les étudiants, d’assurer la qualité des résidences.

Proposition n° 14. Ouvrir aux Crous la faculté d’entrer au capital des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte, afin de favoriser les projets menés en partenariat avec les autres acteurs locaux et notamment les collectivités et les bailleurs sociaux.

Les entreprises publiques locales (EPL)

Les entreprises publiques locales (EPL) sont des entreprises, au capital majoritairement ou exclusivement détenu par des personnes publiques, qui ont vocation à être au service des collectivités et des territoires. Elles interviennent dans divers secteurs d’activité comme le logement, l’énergie, la gestion des déchets, le transport, et le tourisme. Elles peuvent prendre trois formes. Rassemblées en fédération, une charte commune établit les principes généraux de leur action ([89]).

Les sociétés d’économie mixte (SEM)

Les sociétés d’économie mixte, dont le fonctionnement a été codifié dès 1926, sont la plus ancienne forme d’entreprise publique locale. Régies par le droit commun des sociétés et par les dispositions du code général des collectivités territoriales, elles peuvent être créées par les collectivités territoriales dans le cadre d’opérations d’aménagement, de construction ou de toute autre mission d’intérêt général.

Les SEM sont des sociétés anonymes dont le capital social est détenu, à plus de 50 %, par des collectivités territoriales (qui détiennent aussi plus de 50 % des droits de vote en conseil d’administration) et, à plus de 15 %, par des personnes privées ([90]).

Les sociétés d’économie mixte peuvent être agréées par le ministre chargé du logement afin d’exercer une activité de construction et de gestion de logements sociaux ([91]), activité pour laquelle elles sont soumises aux règles applicables aux autres bailleurs sociaux.

Les collectivités ont la possibilité d’accorder à des sociétés d’économie mixte des subventions ou des avances dans le cadre de programmes de logements ([92]).

Les sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP)

Les SEMOP sont des sociétés d’économie mixte visant à l’exécution d’un unique contrat conclu avec une collectivité territoriale. Elles ont pour objectif la conduite d’une opération de construction, la gestion d’un service public ou toute autre mission d’intérêt général. La société est dissoute au terme du contrat.

La collectivité doit détenir entre 34 % et 85 % du capital social, les acteurs privés ne pouvant en détenir moins de 15 %. Le choix du ou des opérateurs économiques et l’attribution du contrat à la SEMOP sont soumis à un appel public unique à la concurrence respectant les dispositions du code de la commande publique.

Les sociétés publiques locales (SPL)

Les sociétés publiques locales sont des sociétés créées par des collectivités territoriales, qui détiennent l’intégralité de leur capital. Elles ont des activités d’aménagement, de construction, ou d’exploitation de services publics. Elles exercent leurs activités exclusivement sur le territoire des collectivités qui en sont membres et pour le compte de leurs actionnaires.

Outre ces dispositions particulières relatives à leur actionnariat et à la délimitation de leur champ d’action, elles sont soumises aux mêmes règles que les SEM.

Selon les chiffres transmis par la Fédération des élus des entreprises publiques locales (Fed EPL), 120 EPL sont des SEM qui font exclusivement du logement social. Les EPL gèrent 600 000 logements, dont 500 000 logements sociaux. Les EPL représentent ainsi 10 % du logement social, et plus ou moins la même proportion pour les logements étudiants et jeunes actifs. Une vingtaine de SEM interviennent dans les grandes métropoles et font du logement étudiant.

En ce qui concerne les différents types d’EPL, seules les SEM agréées peuvent faire du logement social (ni les SPL, ni les SEMOP n’ont la capacité juridique d’en faire). Les SEM agissent de manière quasi identique aux bailleurs sociaux liés à l’USH. Comme le souligne cependant la Fed EPL, les SEM font aussi du logement privé, et à ce titre elles ont davantage la possibilité de mener des opérations mixtes. C’est d’ores et déjà le cas de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) ou d’Élogie-Siemp à Paris ou de la Société anonyme de construction de la ville de Lyon (SACVL) à Lyon. A contrario, les organismes HLM peuvent moins facilement produire du logement privé.

Dans cet esprit, la Fédération des élus des entreprises publiques locales a proposé la création de sociétés publiques locales universitaires qui pourraient intégrer au capital, comme actionnaires, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Ceux-ci se verraient dotés d’un outil capable d’entretenir, de maintenir et de gérer le parc de logements (mais pas de construire ou de créer des logements).

L’intérêt pour ces établissements serait de participer au contrôle et à la gouvernance de l’outil en interne, sans être soumis aux procédures de publicité et de mise en concurrence ([93]), vectrices de lourdeurs et de rigidités. Ce serait aussi la possibilité d’externaliser, ce qui implique la capacité de financer par l’emprunt, et d’avoir un savoir-faire particulier, tout en exerçant un contrôle analogue à celui exercé sur les services internes, qui permet de garantir la prise en compte de leurs intérêts. Pour ces établissements, qui sont soumis au principe de spécialité, ces outils serviraient donc à diversifier leur activité. Les SPL pourraient avoir d’autres missions en lien avec la vie de campus, comme, par exemple, la restauration collective ou le stationnement.

Le foncier du domaine universitaire est un foncier public : pour mener des opérations, il faut déclasser les terrains, sans quoi la construction est difficile. Dans le cadre de la dévolution du patrimoine aux universités, pour les 10 % des universités qui ont demandé la dévolution, on pourrait imaginer que la SPL interviendrait sur l’ensemble du patrimoine dévolu.

En allant plus loin, s’est posée la question de doter ces filiales de la faculté de produire du logement social. Les sociétés publiques locales, si elles peuvent construire, ne peuvent bénéficier d’un agrément préfectoral pour la réalisation de logements sociaux, cette faculté étant réservée aux seules sociétés d’économie mixte. Il semble donc opportun de s’interroger quant à la possibilité de créer des sociétés d’économie mixte universitaires. La question se pose d’autant plus dans le contexte de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) à l’Assemblée nationale.

Proposition n° 15. Ouvrir la possibilité aux établissements d’enseignement supérieur de créer des filiales constituant des sociétés publiques locales universitaires, afin de leur permettre de mieux diversifier leurs activités en direction de la gestion immobilière et de la création de logements.

III.   mieux rÉpondre aux enjeux de la prÉcaritÉ dans l’accÈs au logement par une offre plus ciblÉE

A.   L’offre De logement À destination des jeunes doit Être lisible et les acteurs centraux mieux valorisÉS

1.   Une offre foisonnante et complexe, qui gagnerait à être mieux orientée vers les enjeux de la précarité

Le parc des logements disponibles pour les jeunes, qu’ils soient étudiants ou travailleurs, a pour particularité de se situer principalement dans des établissements de logement collectif. Ces établissements, comme ceux du logement social, emportent le plus souvent, non seulement une division entre propriétaires et locataires comme dans le parc diffus, mais aussi une distinction entre les propriétaires et les gestionnaires. Ainsi, les Crous gèrent fréquemment des résidences qui appartiennent à des bailleurs sociaux.

Les acteurs les plus visibles de l’offre de logement universitaire sont donc les gestionnaires de ces structures, qui exploitent les immeubles en assurant à la fois l’attribution des logements et le recouvrement des loyers, l’entretien et l’animation des résidences. La plupart du temps, ils assument aussi le risque de carence locative, puisque l’insuffisance de loyers encaissés peut les empêcher d’honorer leurs engagements vis-à-vis des propriétaires ou de leurs financeurs.

Les Crous, qui gèrent aujourd’hui la majorité des résidences étudiantes réalisées par les bailleurs sociaux ainsi que le parc public de résidences universitaires, disposent d’un parc de 175 000 logements. Hormis ces acteurs historiques, les autres exploitants des résidences universitaires, dont l’importance ne cesse de croître, peuvent être répartis en cinq catégories :

 les organismes de logement social gestionnaires, qui ont souhaité exploiter eux-mêmes les résidences étudiantes qu’ils ont réalisées, ce qui suppose un nombre important de logements sur un même lieu et une orga­nisation spécifique. En effet, la population étudiante est très différente de leur public habituel : concentration de la demande à la fin de l’été, rotation des effectifs, nécessité de logements meublés, de services et d’espaces communs. La plupart des bailleurs concernés sont des sociétés anonymes d’HLM du groupe Action Logement et notamment de sa filiale Espacil, et de CDC Habitat ;

Les opérations de CDC Habitat à destination du public étudiant

Un exemple montre l’investissement d’un acteur traditionnel du logement social sur le segment du logement étudiant, celui de CDC Habitat, filiale du groupe Caisse des dépôts et consignations, qui regroupe ses opérateurs SA d’HLM.

Particulièrement en Île-de-France, le groupe développe une activité ciblée sur les étudiants. Dans cette région, la marque Studefi, quatrième opérateur francilien pour les résidences étudiantes conventionnées, comprend plus de 4 000 logements répartis dans 23 résidences, logements financés principalement en PLS et en PLUS. La quittance moyenne est d’environ 400 euros par mois, ce qui permet l’accueil de 27 % de boursiers parmi les locataires. Cinq nouvelles résidences de 850 logements sont en cours de développement.

Hors Île-de-France, CDC Habitat social possède et gère trois résidences étudiantes à Toulouse et une résidence à Avignon. Adoma, filiale orientée vers le logement très social, gère 830 logements dans deux résidences étudiantes dans le département du Rhône.

 les associations agréées, ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire à des personnes répondant à des critères déterminés peuvent louer en bloc des résidences conventionnées ([94]). Quand il ne gère pas en direct ses logements étudiants, un bailleur social peut passer par ces tiers qui prennent à bail la résidence. Cette solution s’est développée dans les années 1990. Ces associations sont locataires de résidences conventionnées sur des durées moyennes de 15 ans et elles sous-louent aux étudiants, en principe sélectionnés sur critères sociaux. Elles se répartissent en général en trois catégories :

 les associations de mutuelles étudiantes, comme Logifac, filiale de la Société mutualiste des étudiants des régions Rhône-Alpes et Auvergne (SMERRA), qui exploite 60 résidences et 8 000 logements, ou MGEL Logement, filiale de la Mutuelle générale des étudiants de l’Est (MGEL-VYV), exploitant 3 516 logements ;

 les associations de logement social, initialement déployées dès les années 1950 par le groupe Caisse des dépôts et consignations, à l’image de l’Association pour le logement des jeunes travailleurs (ALJT), qui gère 70 résidences et 7 500 logements en Île-de-France, ou encore, plus récemment de l’Association de résidences pour les étudiants et jeunes (ARPEJ), qui gère 74 résidences et 10 000 logements. La formule est reprise aujourd’hui par d’autres structures comme Fac-Habitat, avec ses 80 résidences et 9 000 logements, ou encore par Stud-City AREF avec ses 13 résidences ;

Les associations de logement social gestionnaires de résidences étudiantes et l’exemple de l’association Fac-Habitat

L’offre de logements et de services à destination des étudiantes doit être la résultante de l’action des acteurs du public et du privé, ainsi que de celle des acteurs qui émanent du secteur non lucratif de l’économie sociale et solidaire. Ces acteurs représentent le deuxième réseau en logements conventionnés après celui des Crous.

Ces associations prennent à bail, par le biais de conventions de location, des résidences consacrées au logement des étudiants et appartenant à des bailleurs sociaux. Constituées par exemple de jeunes et étudiants locataires intégrés dans leur gouvernance, elles ne sont donc pas propriétaires du patrimoine immobilier qu’elles sous-louent et qui est principalement implanté dans les secteurs en demande de logements étudiants.

Ces associations versent au bailleur social une redevance annuelle globale. La gestion, au-delà de la mise en location des logements, comprend l’implantation de personnel sur place dans les résidences, dont le rôle est d’animer, accompagner, et intégrer les locataires. Ces personnels sont régulièrement formés pour ces tâches ainsi que pour le premier secours et la sécurité incendie.

Fac-Habitat est une association gestionnaire qui s’est récemment rapprochée de la mutuelle étudiante SMERRA et des acteurs du logement étudiant fédérés par elle dans le cadre du réseau Logifac, pour former un réseau d’acteurs non lucratifs consacrés au logement des jeunes.

Les résidences Fac-Habitat proposent des espaces communs (cotravail, salle de sport), avec des appartements dont la surface minimale n’est jamais inférieure à 17 mètres carrés et proposant un accompagnement des locataires vers l’autonomie, tout en veillant à la mixité sociale et à l’intégration des résidences dans leur quartier d’implantation.

L’association gère actuellement environ 8 300 logements répartis dans près de 80 résidences sur l’ensemble du territoire. 65 % de ces logements se trouvent en Île‑de‑France (41 résidences représentant 5 200 logements). Le groupe compte également 7 résidences dans l’Ouest pour 800 logements, 24 résidences dans le Sud pour 2 000 logements et 3 résidences dans le Nord pour 360 logements. L’implantation se fait dans des villes moyennes à grandes : Bastia, Fréjus, Avignon, Loos, Le Mans, Rennes, Strasbourg, Toulon, Nice, Lyon, Marseille et Paris.

Dans les résidences, près de 90 % des logements sont des T1 (logements constitués d’une pièce à vivre avec espace séparé, cuisine ouverte ou fermée, d’une salle de bains et de toilettes), tandis que 7 % sont des T1 bis (T1 offrant un espace supplémentaire – alcôve, mezzanine) et 3 % des T2.

 les associations créées par des grandes écoles ou leurs associations d’anciens élèves, qui gèrent les résidences réservées aux étudiants de l’établissement ;

 les établissements d’enseignement supérieur peuvent être gestion­naires de logements qui font partie de leur patrimoine ou pour lesquels ils ont signé un bail avec le propriétaire. Il s’agit d’une pratique courante à l’étranger mais encore peu fréquente en France, et qui se pratique davantage au sein des grandes écoles qu’au sein des universités. La destination exclusive des logements pour les ressortissants de l’établissement, qui génère de fortes vacances locatives, est souvent un handicap pour l’équilibre économique de cette activité ;

 les gestionnaires privés sont des so­ciétés créées spécifiquement pour exploi­ter des résidences étudiantes avec services dans le cadre de baux commerciaux avec les propriétaires des logements. Comme les Crous ou les associations, ils doivent assurer l’ameublement et l’équipement des logements, ainsi que l’entretien et l’animation des parties communes. Ils correspondent à des typologies différentes :

 les entreprises spécialisées, comme Réside Etudes, gérant 16 600 logements ou Cap’Études, gérant 600 logements ;

 les filiales de grands groupes : Studettes, filiale de BNP Paribas gérant 6 300 logements, Studéa, filiale de Nexity gérant 15 200 logements ;

 les filiales d’entreprises de gestion immobilière : Twenty Campus, filiale de Sergic qui gère 38 résidences et 5 300 logements, Student Factory, filiale de Vinci Immobilier gérant 600 logements, ou Cardinal Campus, filiale de Cardinal, gérant 4 000 logements ;

 les résidences exploitées par des investisseurs institutionnels : sociétés foncières (Cam­puséa, devenue YouFirst Campus, filiale de Gecina), fonds internationaux (Kley ou SwissLife) ;

 les structures d’exploitation régionales ;

 cas particulier, la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP) est gérée par une fondation nationale reconnue d’utilité publique. Cette fondation assure l’exploitation du domaine privé, de la maison internationale et de sa plateforme de services et des 18 maisons dites « rattachées ». En outre, 22 maisons sont des fondations juridique­ment autonomes qui dépendent le plus souvent des États concernés mais qui doivent néanmoins se soumettre au règlement de la CIUP.

Les gestionnaires associatifs et privés peuvent s’appuyer sur des plateformes numériques permettant aux étudiants de réserver facilement en ligne. Bien qu’il en existe une grande quantité, la plus ancienne, adele.org, offre un positionnement global et un service téléphonique associé.

Les personnes auditionnées de l’Union nationale du logement accompagné (UNAFO) ont souligné les difficultés de compréhension du public face aux complexités du logement accompagné à destination des jeunes. En effet, il s’agit d’un secteur segmenté, marqué par une absence de pilotage et de coordination. Des dispositifs différents reposent sur des principes variés et des réalités parfois contradictoires. La lisibilité est très faible, d’autant plus pour les jeunes qui découvrent à la fois le logement et l’habitat spécifique. En dépit de travaux de clarification en cours sur les résidences sociales à destination des jeunes actifs, un manque de clarté subsiste sur l’accompagnement fourni dans les différentes résidences.

Comme d’autres personnes auditionnées, les représentants de l’UNAFO ont également souligné l’interpénétration des différentes catégories de publics, la frontière entre un étudiant et un jeune travailleur n’étant ni claire, ni hermétique. Selon cette association, la diversité de cette offre et le manque de visibilité nuit à la production, et est partiellement responsable du ralentissement durable de la production de résidences sociales jeunes actifs en Île-de-France.

Vos rapporteurs retiennent de ces échanges que la question de la complexité, si elle est importante, ne doit pas estomper les problèmes de fond. Le système du logement à destination des jeunes sera toujours complexe, du point de vue de la production et de la gestion, car il y a une multiplicité de publics et de besoins. Mais l’usager, lui, a besoin de simplicité : peu importe que les ressorts sectoriels soient complexes, tant que les choses apparaissent simples pour l’usager.

2.   La typologie des structures d’accueil s’est nettement complexifiée

Les logements à destination des jeunes font partie, pour certains d’entre eux, des logements accompagnés. Les adhérents de l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo), comptent 50 0000 jeunes logés dont 17 000 logements en résidences sociales jeunes actifs, 15 000 en logements FJT, 10 000 logements en résidence étudiante, et également les jeunes logés en résidence sociale, car 30 % des entrants en résidence sociale ont moins de 30 ans.

Ces statuts différents font s’interroger sur la pertinence de dispositifs consacrés spécifiquement au logement des jeunes tandis que d’autres, qui n’y sont pas consacrés, remplissent les mêmes fonctions, en proposant des logements adaptés, accessibles, pour personnes isolées, solvabilisées souvent par l’APL-foyers. La réflexion récemment lancée par le Gouvernement sur le développement d’une feuille de route de la résidence sociale ([95]) doit, selon vos rapporteurs, amener à mieux déterminer les liens entre les résidences sociales et les besoins spécifiques des publics jeunes et notamment étudiants.

Le logement des jeunes dans le parc social recouvre une diversité de situations : étudiants ou jeunes actifs, isolés ou en couple avec ou sans enfants, familles monoparentales, etc. D’après les représentants du mouvement HLM, au regard de cette diversité, le parc social offre une diversité de solutions dédiées ou « généralistes » :

– les logements en résidences universitaires ;

– les places en foyers de jeunes travailleurs (FJT) ;

– les logements en « résidences sociales jeunes actifs » (« RJA ») ;

– les logements « article 109 de la loi ELAN » (pour le moment possible avec autorisation préalable du préfet, dans le parc neuf et le parc existant faisant l’objet de travaux de réhabilitation) ;

– les logements en colocation (article 128 de la loi ELAN) ;

– l’émergence de la cohabitation intergénérationnelle solidaire (article 117 de la loi ELAN).

– l’offre en logement familial.

L’offre de logement en RÉsidence collective consacrÉE aux Étudiants : capacitÉs d’accueil des Étudiants (total : 335 000 places)

Source : direction des politiques urbaines et sociales de l’Union sociale pour l’habitat (USH/DPUS), 2021.

Les maisons d’étudiants, quant à elles, sont un mode d’hébergement situé à la limite entre le foyer et le logement. À la différence des résidences de services, les maisons d’étudiants mettent la vie collective au cœur de leur mission. Fortement liées à des mouvements confessionnaux, particulièrement catholiques, elles promeuvent également un soutien éducatif et psychologique pour leurs résidents. Elles accueillent principalement des étudiants dans les deux premières années après le baccalauréat.

Ces maisons d’étudiants se sont regroupées pour créer l’Union nationale des maisons d’étudiants (UNME) dont les représentants ont été auditionnés par vos rapporteurs. L’UNME est une association loi 1901, créée en 1969, comptant à cette époque une centaine d’adhérents. Chaque maison doit poursuivre un but non lucratif et proposer un accompagnement à ses résidents.

La gamme de services proposée dans une résidence avec services

Les services d’une résidence varient considérablement en fonction du statut, du mode de financement et de la redevance ou du loyer acquitté par le locataire :

– présence d’un régisseur, responsable de la résidence, logé sur site, chargé de la vie quotidienne des habitants, des états des lieux, des partenariats avec les établissements ;

– contrôle d’accès et système de vidéosurveillance ;

– logement meublé et équipé, avec connexion à l’internet haut débit ou très haut débit ;

– laverie, stationnement, local vélos, réception des colis ;

– salle(s) communes : salle à manger, salle de détente, de cotravail

 animations ;

– accompagnement individualisé avec encadrement fourni par des responsables de site ou de secteur ;

– gestion numérique des prestations et des loyers, appui à la réalisation des dossiers de demande (attributions, ouverture du bail, droits APL, dépôt de garantie) ;

– partenariats avec les établissements d’enseignement, gérés par les structures d’accueil.

Plusieurs freins ralentissent le développement plus important des maisons. Alors qu’elles essayent de proposer des loyers attractifs, les charges salariales pèsent sur la viabilité financière des projets. Du fait de leur faible nombre et de leur statut hybride, la fiscalité qui s’y applique varie, et ces établissements ne font pas l’objet de subvention particulière. Enfin et surtout, elles ne bénéficient pas du conventionnement à l’APL et les résidents ne peuvent percevoir que l’allocation de logement sociale (ALS) à son montant minimal de 68 euros.

Lors de son audition, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) a appelé à autoriser le conventionnement à l’APL des logements gérés par des maisons étudiantes. L’association a également salué la gestion de ces logements, qui permettent d’afficher des tarifs raisonnables.

Il existe en outre une grande diversité de résidences, dont plusieurs peuvent se prévaloir du qualificatif « social », ce qui constitue, du point de vue de l’usager, un signal quant à la mission du gestionnaire et au caractère non lucratif de l’activité. Mais il existe une grande différence entre une résidence d’Adoma, d’une part, et certaines résidences sociales, comme l’ont remarqué certaines personnes auditionnées.

Ainsi les représentants de l’Union nationale de l’habitat des jeunes (Unhaj) ont-ils pu évoquer une « concurrence des produits jeunes ». Ils alertent sur le caractère partiel, voire mensonger, de l’idée de complémentarité de ces offres. Contrairement aux FJT, soumis à des obligations strictes dont le respect est vérifié en échange de l’octroi de l’agrément, les résidences sociales à destination des jeunes actifs ne sont pas tenues de respecter des critères prédéfinis dans un cahier des charges. Les résidences peuvent varier fortement dans le spectre des prestations rendues (voir encadré).

B.   les acteurs publics doivent rester au centre de la production de logements Étudiants

Le logement des étudiants constitue une occasion d’investissement. Plusieurs études réalisées par des cabinets de conseil en attestent ([96]). Néanmoins, il ne semble pas souhaitable à vos rapporteurs d’opposer strictement productions privée et publique. Le monde du logement fonctionne avec un certain degré d’interdépendance des acteurs de la promotion et de ceux du logement social.

En ce qui concerne le logement des jeunes, qu’il s’agisse de logement social classique ou de logement accompagné, la gestion est identique, avec une division entre propriétaires et gestionnaires. Les rapports sont donc les mêmes avec les promoteurs que pour le logement social familial, avec un développement très accentué, au cours des années 2010, des acquisitions, par les bailleurs sociaux, en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) auprès des promoteurs. Ainsi, d’après l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo), la moitié du logement étudiant en Île-de-France est produite en VEFA, proportion similaire à celle constatée pour le logement social en général.

1.   Conforter les capacités du logement social

Les organismes de logement social continuent de marquer un intérêt prononcé pour ce qu’ils considèrent comme un secteur prometteur. Ainsi, dans le cadre du protocole en faveur de la production de logements sociaux en 2021 et 2022, le groupe Action Logement s’est engagé à orienter 65 millions d’euros pour les logements consacrés aux jeunes actifs et aux étudiants, ainsi que 10 millions d’euros pour les travaux d’adaptation permettant de favoriser la colocation. Ces aides viennent en complément des aides du Fonds national des aides à la pierre, qui sont budgétées à hauteur de 560 millions d’euros en 2021, tous produits confondus.

Un programme de réhabilitation a été engagé par les Crous et devrait porter ses fruits à l’horizon 2024. Ce plan vise à rénover 95 % du parc de logements étudiants, 55 % du parc a déjà fait l’objet d’un engagement financier. Le plan de relance annoncé par le Gouvernement prévoit 254 millions d’euros d’investissements à destination des résidences étudiantes, ils permettront de réhabiliter 4 500 logements sur trois ans.

L’USH s’est fortement engagée, à continuer, en complément de son parc familial, à développer des offres spécifiques consacrées aux jeunes, en s’appuyant sur les différents produits disponibles : foyers de jeunes travailleurs, résidences sociales, résidences universitaires, ou logements familiaux article 109.

De son côté, l’Arpej a interpellé vos rapporteurs sur la nécessité de repenser la réhabilitation du patrimoine disponible. L’association a, depuis plusieurs années, pris part à des projets de transformation de bureaux désaffectés. D’autres biens comme des cliniques ou des complexes hôteliers abandonnés peuvent être facilement transformables, et vos rapporteurs estiment qu’ils doivent faire l’objet d’un recensement pour établir les espaces qui pourraient possiblement devenir des logements étudiants.

L’Arpej milite par ailleurs pour des réhabilitations par trame, c’est-à-dire par un réseau constitué d’éléments de dimensions égales, quadrillé sur plan. Le schéma de la trame permet une vivacité opérationnelle et une simplification de la construction à moindre coût. Ces opérations doivent être encouragées par la production de recensements territoriaux et leur coordination par les opérateurs pertinents, sur le modèle du projet Cartofriches, qui permet le recensement des friches industrielles qui pourraient donner lieu à des actions de réhabilitation.

Proposition n° 16. Faciliter la réhabilitation par trame des patrimoines fonciers facilement transformables, notamment les immeubles de bureaux, cliniques, complexes hôteliers, etc. Faire conduire par les opérateurs pertinents, une coordination des recensements territoriaux des espaces concernés.

Les organismes de logement social constituent donc, de par leur expérience et leurs facultés, un acteur clef de l’intégration des publics jeunes dans le logement. Des adaptations urbaines sont possibles, par la densification du tissu urbain dans les zones tendues autour des gares et des pôles de transport structurants, en permettant à l’État de définir des règles d’urbanisme imposant une densité minimale, s’imposant de fait aux PLU, qui faciliterait notamment le déploiement du logement étudiant dans ces espaces connectés aux transports. Les bailleurs proposent aussi de favoriser les outils de cession directe à leur endroit, afin qu’ils puissent réaliser des opérations en maîtrise d’ouvrage directe, et apporter ainsi des réponses plus adaptées aux besoins du territoire que ne le font les opérations en VEFA.

Vos rapporteurs estiment que la construction doit être confortée dans tous ses horizons. L’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires) propose, par exemple, de mieux mettre à profit le développement de la construction industrielle, et en particulier de la construction modulaire, procédé constructif permettant la livraison rapide et à coût restreint d’une offre massive de nouveaux logements. En 2010, un appel à projets national lancé par le Cnous avait abouti à la création d’une dizaine de résidences avec cette méthode.

L’Aires a notamment cité l’exemple d’une résidence produite dans le cadre de cet appel à projets, le Crous de Toulouse ayant fait construire en 2013 une résidence étudiante à énergie passive, labellisée bâtiment bas carbone, sur le campus de Rangueil, situé à proximité de l’université Toulouse III – Paul Sabatier et de la faculté de médecine. Cette résidence, construite avec le processus Dhomino du cabinet Patriarche & Co., se compose, pour un total de 100 logements, de 50 modules, comprenant chacune deux pièces de 18 mètres carrés et un hall central (60 mètres carrés de surface brute de plancher) ([97]).

Plusieurs acteurs auditionnés ont exprimé une attente en ce sens, et vos rapporteurs estiment également qu’un nouvel élan doit être donné pour encourager ces projets innovants qui permettent de répondre aux besoins d’une façon adéquate.

Proposition n° 17. Mobiliser les possibilités de la construction modulaire en simplifiant l’octroi des autorisations d’urbanisme pour ces projets, afin d’accélérer la construction de logements économes.

2.   Veiller à l’offre de logement très social en faveur des jeunes

L’Association des villes universitaires de France (AVUF) et la Fédération nationale des agences d’urbanismes (FNAU), qui travaillent de concert sur la question des observatoires territoriaux du logement étudiant, bien qu’elles aient salué le plan de rénovation des résidences gérées par les Crous, ont alerté vos rapporteurs quant à l’angle mort que représentent, selon elles, les universités nouvelles et les instituts universitaires de technologie créés dans le cadre du plan de modernisation « Université 2000 », lancé en 1990. Cette catégorie concerne notamment CY Cergy Paris Université et les universités Gustave Eiffel, d’Évry-Val-d’Essonne, de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, d’Artois, du Littoral-Côte-d’Opale, de la Rochelle, et de Bretagne-Sud.

En effet, selon leur témoignage, peu d’offres très social se sont développées dans les villes qui ont accueilli ces établissements. Bien que les étudiants aux ressources modestes y soient nombreux, les résidences universitaires étant, elles, peu développées, les foyers de jeunes travailleurs offrent la seule capacité d’accueil disponible. Cependant, les étudiants en difficulté ne peuvent prétendre à des places dans ces structures que par dérogation. Il conviendrait donc de massifier l’offre de logements destinés aux étudiants en difficulté dans ces villes.

Proposition n° 18. Massifier l’offre de logements locatifs très sociaux à destination des étudiants en difficulté financière, notamment en résidence universitaire, autour des universités nouvelles et des instituts universitaires de technologie construits dans le cadre du plan « Université 2000 ».

a.   Renforcer la prise en charge des équipements communs

En matière d’accompagnement social pour les étudiants, l’aide à la gestion locative sociale (AGLS, voir supra) permet de conforter les capacités de l’action sociale menée par les établissements concernés. Ainsi, d’après le témoignage des représentants de l’Association des résidences pour jeunes (Arpej), chaque projet de l’Arpej se construit avec un organisme de logement social. Lors du montage de l’opération en collaboration entre l’Arpej et le bailleur, la subvention de 0,1 % versée au titre de l’AGLS, et perçue exclusivement pour certaines résidences sociales, est utile mais largement insuffisante pour permettre le déploiement massif de résidences.

Parallèlement à ses recommandations en matière de réhabilitation du parc, rapportées plus haut, l’Arpej a en effet insisté sur la nécessité de repenser les dispositifs de subvention, la réalisation de ces réhabilitations se heurtant au coût engendré par les espaces communs et leurs équipements qui ne sont pas financés par la puissance publique. Or, au regard des mutations actuelles et du changement de paradigme dans l’acception du logement – qui ne doit plus être un lieu d’hébergement simple, mais un lieu de vie – ces espaces communs sont la condition sine qua non de la performance des résidences.

L’Arpej a particulièrement regretté, pour les résidences étudiantes, que les espaces communs ne soient pas subventionnés au titre de l’AGLS, ce qui constitue une carence considérable dans leur financement. Cette lacune se ressent d’autant plus fortement que ces espaces communs sont nécessaires dans l’accompagnement des jeunes. Comme l’Arpej, les représentants de l’Union sociale pour l’habitat ont proposé de faciliter la prise en charge du financement des espaces communs afin de mieux contribuer à l’accompagnement des publics logés.

Proposition n° 19. Permettre un meilleur financement des espaces communs et des travailleurs sociaux pour les associations de gestion des résidences étudiantes sur le modèle des foyers de jeunes travailleurs, en ouvrant notamment la prise en charge des espaces communs et prestations communes au titre de l’AGLS.

b.   Élargir les prêts disponibles pour les opérations de production

De manière plus générale, les acteurs auditionnés ont, dans leur grande majorité, considéré que, malgré la grande richesse des instruments financiers orientés vers la production de logements pour les jeunes, il demeure encore possible de faire un effort dans ce sens. C’est pourquoi une partie d’entre eux ont appelé de leurs vœux l’élargissement des possibilités de financement des opérations de construction à destination de logements étudiants.

En effet, le montage d’opérations en PLS ne suppose qu’un agrément de l’État, et non une participation financière de sa part, hormis les aides fiscales. Seuls les projets programmés en PLUS et PLAI sont susceptibles de recevoir une subvention de l’État, bien que celle-ci soit parfois minimale pour les PLUS. Les programmes en PLS sont donc plus difficiles à équilibrer. De plus, il apparaît que le financement en PLS n’est pas toujours adapté au logement étudiant. En effet, une fois construites, les résidences étudiantes accueillent aussi bien des étudiants ayant de faibles ressources que des étudiants ayant réellement des niveaux de revenus correspondant à ceux du PLS. Les données détaillées dans la première partie sur le pouvoir d’achat des étudiants, notamment ceux qui exercent un emploi, montrent qu’ils sont loin d’atteindre le niveau de ressources plafond correspondant au PLS et pratiqués pour l’attribution des logements sociaux familiaux.

Plusieurs personnes auditionnées ont fait valoir que le financement en PLS ne peut suffire pour relancer durablement la production de logements étudiants. Les niveaux de loyers ciblés ne correspondant pas aux ressources de la plupart des étudiants, il en résulte une difficulté des bailleurs à équilibrer les opérations. C’est la raison pour laquelle, en Île-de-France, les opérations peuvent être financées en PLUS. De fait, un bailleur admet que les opérations parisiennes qui fonctionnent financièrement sont celles qui sont financées à plus de 50 % par les aides publiques.

Toutefois, les conditions de l’équilibre financier de ces opérations mériteraient d’être comparées, du point de vue de l’aide octroyée, avec l’apport public par le biais de la réduction d’impôt sur le revenu pour les opérations privées réalisées en Censi-Bouvard.

Conditions financières des opérations selon le prêt locatif accordé

Les aides relatives aux logements locatifs sociaux sont des prêts et subventions qui permettent la production de logements sociaux. Trois principaux produits financiers peuvent être mobilisés : le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), le prêt locatif à usage social (PLUS) et le prêt locatif social (PLS).

Les prêts peuvent être accordés pour financer un champ large d’opérations ([98]), couvrant aussi bien la construction de logements à usage locatif, l’achat de terrains ou de logements, l’acquisition et la transformation en logements de locaux affectés à un autre usage, la réalisation de logements-foyers ([99]), ou encore, ce qui constitue une tendance aujourd’hui nettement confirmée, l’acquisition de logements à usage locatif dans le cadre de la vente, par un promoteur, en l’état futur d’achèvement (VEFA) ([100]).

Toute opération financée à l’aide de PLUS ou PLAI doit faire l’objet d’une décision portant octroi de subvention prise par le préfet. Cette décision vaut agrément pour l’obtention de la TVA au taux réduit et l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant 25 ans. Seules les opérations financées en PLUS ou PLAI peuvent bénéficier d’une subvention de l’État ; le PLS ne bénéficie pas d’une aide budgétaire mais d’une aide de circuit (prêt de long terme sur ressources du livret A avec un taux bonifié) et d’aides fiscales (TVA à taux réduit et exonération de TFPB), ce pourquoi il fait aussi l’objet d’un agrément préfectoral.

Depuis le 1er février 2020, les taux des prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) s’élèvent à 1,1 % pour le PLUS et à 0,35 % pour les PLAI. La durée de ces prêts est de 50 ans sur la partie du prêt correspondant à la charge foncière, pouvant être portée à 80 ans en zone tendue et à 40 ans pour la partie bâtiment en construction neuve.

Le taux des prêts PLS est également indexé sur le taux de rémunération du livret A. Il est fixé chaque année dans le cadre de la procédure de refinancement auprès de la Caisse des dépôts. Depuis le 1er février 2020, le taux des prêts PLS est de 1,61 %. L’établissement de crédit qui accorde le prêt PLS peut proposer un prêt complémentaire, à condition que le prêt PLS couvre au moins 50 % du prix de revient de l’opération.

Dans ce sens, les acteurs se sont globalement réjouis du lancement récent d’une expérimentation en matière de financement en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) des résidences universitaires destinées aux étudiants boursiers. Un appel à projets commun de l’État et de la région Île-de-France a été annoncé à cet effet le 1er octobre 2021.

Le choix de cette région s’explique par les facteurs déjà énoncés, qui en font une zone particulièrement difficile pour les jeunes dans l’accès au logement. Aujourd’hui 717 000 étudiants sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur en Île-de-France ; 1,2 million d’étudiants sont attendus en 2027. L’offre sociale de logement pour les étudiants étant d’ores et déjà insuffisante pour subvenir aux besoins, il a été estimé qu’un effort conséquent était nécessaire.

La région francilienne fait déjà figure d’exception en matière de financement, car le développement de l’offre sociale y est financé, comme dans le reste du territoire, en prêt locatif social (PLS), mais aussi, par dérogation, en prêt locatif à usage social (PLUS). Cette faculté résulte de la convention entre l’État et le conseil régional relative au financement du logement des jeunes et des étudiants, qui existe depuis 2010 et a encore été renouvelée en septembre 2021, avec l’objectif de financer, pour la période 2022-2024, 4 800 logements pour étudiants et 2 000 étudiants pour jeunes ([101]).

Les aides apportées aux lauréats de l’appel à projets sont, sur les logements PLAI financés, outre une taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit de 5,5 % et de la bonification des taux de prêts (voir encadré précédent), les subventions suivantes :

– pour l’État, hors territoire en délégation de compétences : subvention par logement d’un montant plancher de 7 000 euros en département de grande couronne et de 11 000 euros en département de petite couronne. Ces subventions sont issues de l’enveloppe de droit commun de crédits du Fonds national des aides à la pierre ;

– pour la région : 20 % de la dépense subventionnable dans la limite de 12 000 euros par place financée en PLAI, diverses conditions d’éligibilité devant nécessairement être respectées, en particulier en matière de plafonnement des loyers et des charges.

Les délégataires des aides à la pierre peuvent apporter leurs concours aux opérations dans les conditions précitées, mais par défaut, il est considéré que l’appel à projets ne les engage pas. L’appel à projets ne pourra pas concerner des projets situés dans les communes déficitaires au sens de la loi SRU, ni dans les communes carencées au titre de la même loi.

Vos rapporteurs considèrent, comme les personnes auditionnées, que cette expérimentation va dans le bon sens. Ils estiment qu’il est indispensable d’étudier, également dans le reste du territoire, la possibilité d’ouvrir des prêts plus avantageux pour le logement étudiant, en commençant par le PLUS, là où les opérations de logement étudiant ne peuvent en bénéficier à l’heure actuelle.

Proposition n° 20. À l’instar de l’expérimentation menée en matière de financement en PLAI en Île-de-France, ouvrir de nouvelles possibilités de financement pour les opérations de production de logements à destination des étudiants. Expérimenter l’ouverture d’appels à projets en PLUS pour des projets de construction dans le reste du territoire.

 

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation)

Mme Isabelle Prat, directrice générale adjointe, cheffe du service stratégie des formations et de la vie étudiante

Mme Aïssatou Sakho, chargée d’études logements des étudiants au département vie étudiante et de campus

M. Jean-François Clerc, chef de mission, mission du pilotage des opérations de campus

Direction de l’immobilier de l’État (direction générale des finances publiques, ministère de l’économie, des finances et de la relance)

Mme Christine Weisrock, responsable de la politique immobilière de l’État en région Île-de-France

M. Guillaume Decroix, sous-directeur en charge de l’administration et de la valorisation de l’immobilier de l’État

Mme Elisabeth Pons, cheffe du bureau administration des actifs immobiliers et domaniaux à la direction de l’immobilier de l’État

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, ministère de la transition écologique)

Mme Amélie Renaud, adjointe au directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Yves Rauch, pilote de la mission Logement étudiant

Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)

M. Vincent Mazauric, directeur général

Mme Patricia Chantin, directrice de cabinet adjointe

Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous)

Mme Dominique Marchand, présidente

M. Clément Cadoret, directeur des projets

Mme Charlotte Leca, directrice générale déléguée

 

Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France (Institut Paris Région)

M. Martin Omhovère, directeur du département Habitat et société

Mme Anne-Claire Davy, chargée de mission logement

Mme Corinne de Berny, chargée de mission enseignement supérieur

Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil)

Mme Roselyne Conan, directrice générale

Mme Odile Dubois-Joye, directrice des études

Campus France

M. Thierry Valentin, directeur général adjoint

Mme Karine Mouchelin, directrice adjointe de la vie étudiante

M. Philippe Dulbecco, recteur délégué pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation de la région académique Provence-Alpes-Côte d’Azur

Observatoire national de la vie étudiante (OVE)

Mme Odile Ferry, responsable des études

Mme Elise Tenret, chargée de mission

Association des villes universitaires de France (AVUF)

M. François Rio, délégué général

Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU)

Mme Brigitte Bariol Mathais, déléguée générale

Mme Zoé Chaloin, chargée de mission

Union nationale des étudiants de France (Unef) *

Mme Imane Ouelhadj, vice-présidente

Mme Samya Mokhtar, membre du bureau national en charge des affaires sociales

Fédération des associations générales étudiantes (Fage) *

M. Paul Mayaux, président de la Fédération des associations générales étudiantes

Conférence des grandes écoles (CGE) *

M. Thierry Rousseau, animateur du groupe de travail « Accueil » de la commission à la vie étudiante, directeur de la vie étudiante et résidentielle de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC)

Conférence des présidents d’université (CPU) *

Mme Virginie Dupont, présidente de l’université Bretagne Sud, vice-présidente de la CPU

M. Guillaume Gellé, président de l’université Reims Champagne-Ardenne, vice‑président de la CPU

Mme Clotilde Marseault, chargée de mission à la vie étudiante et de campus

Banque des territoires (groupe Caisse des dépôts et consignations) Mme Dominique N’Guyen, responsable de l’habitat spécifique à la direction des prêts

M. Pierre Laurent, responsable du développement à la direction des prêts

Mme Selda Gloanec, responsable des relations institutionnelles

CDC Habitat (groupe Caisse des dépôts et consignations) *

M. Arnaud Cursente, directeur général adjoint

Mme Anne Frémont, conseillère aux relations institutionnelles

Union sociale pour l’habitat (USH) *

M. Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Procivis Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété *

M. Yannick Borde, président

Fédération des élus des entreprises locales (Fed EPL) *

M. Philippe Clemendot, responsable du département immobilier et développement

M. Olivier Toubiana, responsable du département aménagement

M. Julien Peoc’h, chargé de mission action législative et réglementaire

Mme Isabelle de Maisonneuve, responsable des relations parlementaires

Société d’économie mixte de construction de la ville de Lyon (SACVL) M. Thierry Bergereau, directeur général

Hénéo (groupe Régie immobilière de la Ville de Paris)

M. Laurent Vuidel, président

Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires) * M. Philippe Nicolet, président

M. Philippe Campinchi, délégué général

Association des résidences pour étudiants et jeunes (Arpej)

M. Olivier Wigniolle, président

Mme Anne Gobin, directrice générale

Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj)

Mme Marianne Auffret, directrice générale

Association Fac-Habitat

M. Jean-Philippe Trédé, directeur général

Union professionnelle du logement accompagné (Unafo)

M. Arnaud de Broca, délégué général

M. Pierre-Marc Navales, chargé de mission logement jeune

Union nationale des maisons d’étudiants (UNME)

M. Rodolphe du Gardin, secrétaire général

Mme Emmanuelle Beck, directrice déléguée

Action Logement Groupe (ALG)

M. Philippe Lengrand, vice-président

M. Frederic Lauprêtre, directeur de la stratégie patrimoniale

M. Jérôme Drunat, directeur général de l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL)

Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM)

M. Jean-Marc Torollion, président

Mme Bénédicte Rouault, cheffe de cabinet

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

M. Bernard Verquerre, président de la commission Logement

M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques

Mouvement des entreprises de France (Medef) *

Mme Joséphine Esteban-Le-Hir, administratrice du Medef à Action Logement Mme Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, responsable du pôle social et directrice générale adjointe des affaires sociales

Mme Odile Menneteau, directrice adjointe veille stratégique et nouveaux enjeux sociaux à la direction générale des affaires sociales

M. Antoine Portelli, chargé de mission senior affaires publiques

Association Droit au logement (DAL)

M. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole

Mme Micheline Unger, responsable habitat

Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

Mme Alice Tallon, chargée de mission

M. Emmanuel Bougras, chargé de mission

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) *

M. Emmanuel Desmaizieres, vice-président

M. Alexis Rouque, délégué général

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

Groupe Arcade-VYV

M. Guillaume Brugidou, délégué général de l’Association pour le logement des familles et des isolés (ALFI)

M. Denis Bonnetin, directeur général de Antin Résidences ESH

M. Yann Chevert, directeur des résidences services à Antin Résidences ESH

Urban Radar

M. Philippe Rapin, président-directeur général

Gecina

M. Pierre Emmanuel Bandioli, directeur exécutif Résidentiel

M. Glenn Domingues, directeur des affaires publiques

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


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   LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil)

Association des résidences pour étudiants et jeunes (Arpej)

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (ministère de la transition écologique)

Direction de la législation fiscale (ministère de l’économie, des finances et de la relance)

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) *

Fondation Abbé Pierre

Fédération des associations et des acteurs pour l’insertion par le logement (FAPIL)

Noalis (groupe Action Logement)

Union sociale pour l’habitat (USH) *

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 


([1]) Fondation Abbé Pierre, « Les jeunes, premières victimes du mal-logement », septembre 2013.

([2]) Jean-Paul Anciaux, « Le logement étudiant et les aides personnalisées », octobre 2003, « Le logement étudiant et les aides personnelles au logement », janvier 2008. 

([3]) L’enquête triennale sur les conditions de vie des étudiants, réalisée par l’OVE, a été menée pour la première fois en 1994 ; 250 000 étudiants ont été sollicités depuis. En 2020, sur la totalité de l’échantillon, 60 000 réponses ont été remontées pour la période antérieure au confinement. Lors d’une seconde enquête, réalisée à titre exceptionnel, 6 300 réponses ont été récoltées, ce qui a permis de mesurer les effets du premier confinement.

([4]) Cour des comptes, « Les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public », communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, novembre 2018.

([5]) Association pour l’emploi des cadres, « Baromètre de l’insertion des jeunes diplômés : La promotion 2019 frappée par la crise », 2021.

([6]) Selon une étude publiée en avril 2017 dans la revue « Travail et emploi », plus de la moitié des activités exercées par des étudiants sont en lien avec leurs études. 44 % de ces activités sont donc concurrentes du parcours de l’étudiant. Parmi elles, 27 % sont des activités récurrentes et 14 % sont des activités occasionnelles. En moyenne, les activités régulières sont exercées à hauteur de 23 heures par semaine, ce qui correspond à une charge relativement lourde. Si les activités en lien avec le cursus peuvent être bénéfiques à l’étudiant, celles qui lui sont étrangères ont un impact négatif sur la réussite ainsi que sur la poursuite des études des étudiants concernés.

([7]) Insee, « Les jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation », mars 2021.

([8]) Le BIT reconnaît comme chômeuse une personne si elle est 1/ âgée de plus de 15 ans, 2/ sans emploi la semaine de référence, 3/ disponible pour travailler dans les deux semaines à venir, et 4/ si elle a effectué une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois au cours des quatre dernières semaines.

([9]) Arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription dans les établissements publics d’enseignement supérieur.

([10]) Cour des comptes, « Les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public », communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, novembre 2018, page 32.

([11]) Au sens de l’article L. 717-1 du code l’éducation, le grand établissement est une structure de l’enseignement supérieur, ni université ni grande école, qui est habilitée à délivrer des diplômes nationaux et des diplômes propres, et à fixer des frais d’inscription spécifiques pour les diplômes propres.

([12]) Nicolas Duvoux, Adrien Papuchon, « Qui se sent pauvre en France ? », Revue française de sociologie, 2018.

([13]) DREES ; Un sentiment de pauvreté en hausse chez les jeunes adultes fin 2020 ; juillet 2021

([14]) La décohabitation désigne le processus par lequel un individu quitte le logement qu’il partageait avec d’autres personnes : le plus souvent il s’agit de la décohabitation parentale, qui a lieu lorsqu’un jeune quitte le domicile parental.

([15]) Olivier Blanchard, Lawrence Summers, “Hysteresis and the European Unemployment Problem”, 1986.

([16]) Mathilde Gaini, Aude Leduc, Augustin Vicard, « Peut‑on parler de “ générations sacrifiées ” » ? Entrer sur le marché du travail dans une période de mauvaise conjoncture économique », Économie et statistique, n° 462‑463, 2013.

([17]) Insee, « Les conditions de logement en France », édition 2017, page 17.

([18]) Ces chiffres sont issus de la dernière Enquête nationale Logement réalisée par l’Insee, en 2013.

([19]) Union nationale des étudiants de France, Enquête sur le coût de la vie étudiante, août 2021.

([20]) Institut national de la statistique et des études économiques, « Les conditions de logement en France », coll. « Insee Références », édition 2017, « Le logement en France depuis trente ans ».

([21]) Louis Chauvel dans le Figaro : « Le logement, principal facteur de régression sociale » ;août 2017.

([22]) D’après l’Insee, le poids du logement dans l’IPC est très faible pour les ménages propriétaires puisqu’il se limite aux charges, dépenses d’énergie et petits travaux. Pour compléter l’analyse, des indices de prix catégoriels sont publiés : ils indiquent que la différence de panier de consommation entre locataires et propriétaires a peu d’impact sur la mesure de l’inflation relative à chacun de ces groupes.

([23]) Données transmises par l’Union sociale pour l’habitat.

([24]) Données transmises par l’Union sociale pour l’habitat.

([25]) Institut national de la statistique et des études économiques, « Les conditions de logement en France », coll. « Insee Références », édition 2017.

([26]) Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes, « Crise du logement des jeunes : comment répondre à l’urgence ? 22 propositions », avril 2021.

([27]) Institut national de la statistique et des études économiques, « Les conditions de logement en France », coll. « Insee Références », édition 2017, page 17.

([28]) Institut national de la statistique et des études économiques, « Les conditions de logement en France », coll. « Insee Références », édition 2017.

([29]) On constate aussi, sur les autres APL, une baisse régulière de l’ALF, et, plus ponctuellement, une forte hausse des bénéficiaires de l’ALS entre décembre 2019 et décembre 2020 (+ 175 000 allocataires), liée à la crise sanitaire. Cette hausse n’a concerné les jeunes que de façon marginale.

([30]) Le desserrement désigne la baisse de la taille moyenne des ménages du fait notamment de la décohabitation et du vieillissement. À population constante, une diminution de la taille moyenne des ménages induit une augmentation du nombre de ménages et donc un besoin en nouveaux logements.

([31]) Afin d’arriver à une estimation plus précise, il faudrait connaître la situation civile et en termes de revenus des personnes qui ne sont pas connues par la CAF. L’outil technique existe depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2019 : le dispositif de ressources mutualisées, qui fonctionne sur le même modèle que l’imposition à la source et permet déjà d’actualiser le calcul du montant des aides tous les trois mois. Le Gouvernement pourrait autoriser par décret l’utilisation de cet outil pour estimer le non-recours à l’AL.

([32]) Le logement-foyer, défini à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation, existe également dans le parc privé. Pour les logements-foyers conventionnés, le régime juridique applicable figure aux articles R. 353-154 à R. 353-165 du CCH.

([33]) Cf. S. Do, avis n° 3400 pour le PLF de 2020 pour 2021, 9 octobre 2020, p. 10.

([34]) L’APAGL, l’une des cinq structures-composantes du groupe AL, est prévue par l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation.

([35]) Fiche n° 1, « Mettre en place un tableau de bord national du logement étudiant ».

([36]) Ces comités sont créés en application du décret n° 2016-1020 du 26 juillet 2016.

([37]) Accord-cadre CPU-Cnous, mai 2016.

([38]) Protocole en faveur du logement des étudiants et des jeunes, octobre 2020

([39]) S’agissant des organismes de droit public, sont considérées comme lucratives les opérations qui peuvent être exercées par les entreprises du secteur concurrentiel dans des conditions similaires au regard des critères dits des « 4 P » : le « produit » proposé par l’organisme, le « public » bénéficiaire, les « prix » qui sont pratiqués, et les opérations de communication réalisées (« publicité ») . Dès lors, sous réserve de dispositions particulières, un établissement public est soumis à l’IS s’il exerce son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise commerciale. Dans l’hypothèse où un établissement public exercerait simultanément des activités non lucratives et des activités lucratives, il peut isoler les activités lucratives au sein d’un secteur distinct. Le bénéfice relatif au secteur retraçant les activités non lucratives n’est alors pas soumis à l’IS. En revanche, en l’absence de sectorisation, l’ensemble des activités de l’établissement public, lucratives et non lucratives, sont soumises à l’IS.

([40]) BOI-IF-TFB-10-50-10-30 § 290.

([41]) Conférence des présidents d’université, « Logement :guide d’accompagnement des établissements d’enseignement supérieur », novembre 2019.

([42]) Décret n° 2015-951 du 31 juillet 2015 relatif aux foyers jeunes travailleurs, dont les dispositions sont codifiées aux articles D. 312-153-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

([43]) Définis à l’alinéa 10 de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles

([44]) Article L. 633-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation

([45]) § 40 et suivants du BOI-IF-TH-10-50-20.

([46]) BOI-IS-CHAMP-10-50-10-40. Pour la définition et la sectorisation des activités considérées comme lucratives, voir plus haut l’encadré sur le statut des Crous.

 

([47]) Circulaire DGCS/DIHAL/DHUP n° 2013-219 du 30 mai 2013 relative au soutien et  au développement de l’offre de logement accompagné par un renforcement de l’AGLS des résidences sociales.

([48]) Thierry Repentin, Dominique Braye, « Les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement », rapport d’information n° 442 (2004-2005), 29 juin 2005.

([49]) Jean-Luc Lagleize, « La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction », novembre 2019.  

([50]) Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (« loi Duflot »).

([51]) Jean-Paul Anciaux, « Le logement étudiant et les aides personnalisées », octobre 2003.

([52]) Jean-Paul Anciaux, « Le logement étudiant et les aides personnelles au logement », janvier 2008.

([53]) Le dispositif Robien était une mesure fiscale en faveur de la construction consacrée par loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003. En contrepartie d’une obligation de mise en location plafonnée du bien durant 9 ans, l’investisseur bénéficiait d’une déduction d’impôt sur le montant de l’investissement (à hauteur de 50 % sur 9 ans). Ce dispositif n’est plus en vigueur depuis 2010.

([54]) Article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris en application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain.

([55]) Lettre de mission des ministres chargées du logement et de l’enseignement supérieur, 13 mai 2013.

([56]) Présentation réalisée par le ministère chargé de l’enseignement supérieur, novembre 2014.

([57]) Communiqué de presse de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre chargée de l’enseignement supérieur, 31 mars 2017.

([58]) Lettre de mission du 29 juillet 2019, adressée aux directions générales de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP).

([59]) Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.

([60]) Article L. 2341-2 du code général de la propriété des personnes publiques.

([61]) Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, Inspection générale des finances, « La dévolution du patrimoine immobilier aux universités », septembre 2016.

([62]) Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Conférence des présidents d’université, « Valorisation immobilière, vie de campus et territoire : guide méthodologique », déc. 2018.

([63]) Issu de l’article 154 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([64]) En application de l’article 109 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (voir plus loin), ils peuvent désormais être accueillis, dans certains cas, dans le parc familial classique.

([65]) Selon l’Insee, 8 % des titulaires de baux dans le parc social ont moins de trente ans.

([66]) Deuxième alinéa du II. de l’article 199 sexvicies du code général des impôts

([67]) Article 69 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

([68])  Article 199 sexvicies du code général des impôts.

([69]) « Réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement pour les logements neufs destinés à la location meublée non professionnelle : dispositif Censi-Bouvard », rapport d’évaluation n° ETLL1526004X remis au Parlement, octobre 2015, p. 21

([70]) Amendement prorogeant le Censi-Bouvard jusqu’au 31 décembre 2021, adopté n° II-2240 au projet de loi de finances n° 1255 pour 2019.

([71]) Article 46 de la loi n° 2016-1918 de finances rectificative pour 2016.

([72]) L’article 162 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a rétabli le bénéfice de la déduction en faveur des locaux loués dans les communes de la zone C pour lesquels une convention avec travaux à caractère social ou très social est conclue avec l’ANAH.

([73]) L’article 23 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prorogé le bornage du dispositif « Cosse » du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2022 et conditionné le bénéfice de la déduction au respect d’un niveau de performance énergétique du logement, fixé par arrêté.

([74]) Article R. 822-29 du code de l’éducation.

([75]) Codifié aux articles L. 353-22 et L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH) et appliqué par le biais du décret du 21 juin 2019 et de l’arrêté du 10 février 2020.

([76]) Article L. 353-22 du CCH. S’ils sont meublés, le prix de location des meubles est encadré par l’article L. 442‑8-3-1 du CCH et l’arrêté du 7 décembre 2009.

([77]) En application des dispositions de l’article L. 442-8-4 du CCH.

([78]) Dispositions de l’article 2 du décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015.

([79]) Il existe différents types de résidences de services et de secteurs sur le marché de la location meublée, comme par exemple les résidences étudiantes (les chambres étudiantes devant constituer 70 % des logements de ces résidences), les résidences de tourisme, les résidences sénior ou encore les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes. Les résidences sont constituées de plusieurs logements meublés destinés à être loués à une clientèle ciblée (personnes âgés, étudiant, touristes). La résidence propose des services adaptés aux besoins de la clientèle ciblée (le mot « clientèle » signifie ici le locataire final, à savoir le locataire à qui l’exploitant facture un loyer) : salle de sport, piscine, conciergerie, coiffeur, manucure, bibliothèque, espace wifi, salle de restauration, etc.

([80]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable, « Mission d’évaluation de politique publique : le logement locatif meublé », janvier 2016.

([81]) Nicolas Démoulin, « Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire », rapport au Premier ministre, décembre 2020.

([82]) D’autres outils souvent utilisés étaient les baux emphytéotiques hospitaliers.

([83]) Le marché de partenariat découle de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et des décrets n° 2016-360 du 25 mars 2016 et n° 2016-361 du 25 mars 2016, qui visaient à unifier les dispositifs de partenariats public/privé.

([84]) Article L. 1112-1 du code de la commande publique.

([85]) 2 millions d’euros (M€) lorsque les marchés concernent des biens immatériels, 5 M€ pour les ouvrages de réseaux et les immeubles, 10 M€ pour les autres ouvrages.

([86]) L’EMRP vise à comparer les méthodes envisageables dans le cadre de la réalisation du projet. Cette étude est couplée à une analyse à coûts réels. L’étude de soutenabilité budgétaire sert quant à elle à apprécier le poids du contrat envisagé sur les finances publiques et les crédits disponibles.

([87]) « Sorbonne Université : une nouvelle résidence universitaire de 565 logements pour 2024 », Le journal du Grand Paris », janvier 2021.

([88]) « Pour un campus plus accueillant, plus accessible, plus vert, plus vivant, plus ouvert : projets de transformation du campus Porte des Alpes », Université Lumière Lyon 2, mars 2019.

([89]) Charte des entreprises publiques locales adoptée le 9 juillet 2020.

([90]) Articles L. 1521-1, L. 1522-1 et suivants du code général des collectivités territoriales

([91]) Article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation.

([92]) Article L. 1523-5 du code général des collectivités territoriales.

([93]) Du fait de la jurisprudence Tekal de la Cour de justice

([94]) Personnes âgées, personnes présentant un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, personnes de moins de trente ans, actifs dont la mobilité professionnelle implique un changement de secteur géographique.

([95]) Feuille de route sur le développement des résidences sociales dans le cadre du plan « Logement d’abord », mai 2021.

([96]) Voir XERFI-Precepta, « Résidences étudiantes : les nouveaux usages nés de la crise », 17 novembre 2020, ou encore CBRE Marketview, « Résidences étudiantes : un potentiel à consolider », T3 2020.

([97]) Patriarche & Co., « Conception-réalisation de 100 logements modulaires », septembre 2013.

([98]) Opérations énumérées à l’article D. 331-1 du code de la construction et de l’habitation.

([99]) Le champ des opérations finançables par les PLUS et PLAI est harmonisé, à l’exception des logements-foyers pour personnes âgées et des logements-foyers pour personnes handicapées, qui ne peuvent être financés qu’en PLUS ou en PLS ; le PLAI ne peut, en effet, être accordé que pour les logements-foyers appartenant à la catégorie des résidences sociales.

([100]) Cette dernière possibilité a été ouverte dans le cadre de la loi MOLLE/

([101]) Conseil régional d’Île-de-France, rapport pour le conseil régional n° CR 2021-054, annexe n° 1 : convention avec l’État relative au logement des jeunes et des étudiants, septembre 2021.