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N° 4892

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’avenir du secteur aéronautique en France

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Jean-Luc LAGLEIZE et Mme Sylvia PINEL

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

Récapitulatif des propositions

Introduction

Première partie : le secteur aéronautique est fortement remis en question alors qu’il est un atout essentiel pour la France

I. L’épidémie de la covid-19 a contracté la demande de manière inédite et fragilisé toute une filière

A. La pandémie a provoqué une baisse inédite du trafic aérien

1. La situation européenne et mondiale

2. La situation française

B. Les compagnies aériennes et les aéroports ont été brutalement impactés par la baisse de trafic

1. Les compagnies aériennes font face à une restriction contrainte de la demande

2. Les aéroports ont également été touchés au premier plan

C. L’industrie aéronautique, tributaire de l’activité des compagnies aériennes, est également touchée

1. Une baisse des commandes, des chiffres d’affaires et des cadences de production

2. Des conséquences importantes sur les emplois de l’industrie aéronautique

II. La contribution du secteur aérien au réchauffement climatique est source de nouveaux enjeux

A. La contribution du transport aérien au réchauffement climatique doit inciter à des actionS de décarbonation ambitieuses du secteur aéronautique

1. La contribution du transport aérien au changement climatique

2. Il convient cependant de remettre les émissions du transport aérien en perspective

B. Les effets non-CO2 du transport aérien sont encore mal connus et nécessitent un effort de recherche soutenu

C. Le secteur aérien est soumis à une réglementation environnementale croissante

1. En France : la loi climat-résilience et la fiscalité incitative à l’utilisation de carburants alternatifs

a. Les dispositions de la loi climat-résilience

b. La taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT)

2. Au niveau européen : les dispositions prévues dans le paquet Fit for 55

3. Au niveau international : le programme CORSIA

III. Alors que la défiance vis-à-vis du secteur aéronautique est importante, celui-ci demeure un atout capital pour le pays

A. Longtemps vu comme un progrès, l’avion fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques

1. L’avion est source de progrès, de développement des relations internationales et de désenclavement des territoires

2. L’avion est pourtant largement remis en cause aujourd’hui, même si les pratiques ne suivent pas toujours les courants d’opinion

B. Un atout économique décisif dont il faut absolument préserver la compétitivité

C. L’industrie aéronautique est nécessaire à la vitalité de l’économie française

1. L’industrie aéronautique est un rouage essentiel de l’économie française

2. Des emplois et des compétences qui irriguent l’ensemble du territoire

Deuxième partie : relever le défi de la décarbonation par le soutien aux solutions technologiques

I. À court terme, trois leviers majeurs à soutenir : le renouvellement des flottes, les carburants alternatifs et l’optimisation de la gestion du trafic aérien

A. Le renouvellement des flottes doit être soutenu

1. Les aéronefs bénéficient de progrès technologiques constants qui améliorent leurs performances environnementales

a. Les gains de performance environnementale des dernières générations d’aéronefs mises sur le marché

b. Sur la motorisation

i. Turboréacteurs

ii. Turbopropulseurs

c. Sur les aérostructures

d. Sur l’aménagement de la cabine de l’avion

e. Sur l’avionique

2. Les compagnies aériennes doivent renouveler leurs flottes au profit des aéronefs disposant des meilleures performances environnementales

a. Des efforts déjà en cours par les compagnies aériennes

b. Il faut soutenir financièrement le renouvellement des flottes des compagnies aériennes

3. Le recyclage des avions est un point essentiel du cycle de vie des aéronefs et il doit être développé

B. L’utilisation des carburants d’aviation durableS nécessite d’accélérer la structuration de l’offre

1. Les différentes technologies de production de SAF (carburants d’aviation durables)

a. Les SAF produits à partir de biomasse

b. Les carburants de synthèse

c. Les atouts des carburants aéronautiques durables

2. La filière des SAF a encore de nombreux défis à relever pour permettre une décarbonation massive du transport aérien

a. Une disponibilité insuffisante nécessitant de véritables choix politiques

b. L’absence de filière industrielle structurée

c. Un coût trop élevé

3. Les SAF sont un levier mobilisable à court terme qui nécessite la définition d’objectifs ambitieux, accompagnés d’un fort soutien public

a. Les dispositifs de soutien en France

b. ReFuelEU Aviation, un cadre réglementaire européen en cours de construction

C. L’optimisation de la gestion du trafic aérien et des opérations au sol : des solutions déjà existantes dont il convient de systématiser l’application

1. Des solutions pour une gestion du trafic aérien plus respectueuse de l’environnement disponibles à plus ou moins brève échéance

a. L’amélioration de la disponibilité et de la gestion des données

b. L’éco-pilotage doit être facilité et valorisé

c. Les procédures de descente continue peuvent être rapidement systématisées

d. À plus long terme, les vols en formation sont à l’étude

2. La gestion des opérations au sol

a. L’électrification des tarmacs, une priorité

b. Un roulage des avions plus propre

II. À moyen terme, d’autres solutions sur lesquelles il faut maintenir les efforts de recherche et de développement

A. L’avion électrique, une opportunité pour améliorer les interconnexions régionales

1. Des avions de petite capacité très décarbonés

2. L’avion électrique pourra contribuer au désenclavement territorial

B. L’avion à hydrogène, une innovation de rupture sur laquelle mise fortement l’union européenne

1. Présentation de la technologie et du marché associé

a. L’avion à hydrogène : de quoi parle-t-on ?

b. Les difficultés techniques restant à surmonter pour le déploiement des avions à hydrogène

2. Des enjeux majeurs de structuration de la production et de la distribution de l’hydrogène qui dépassent le seul secteur aéronautique

a. Une production massive d’hydrogène décarboné est nécessaire

b. Un modèle de distribution dans les aéroports autour de hubs

c. Il convient d’accélérer le déploiement du cadre juridique relatif à l’hydrogène

i. Le soutien à la production

ii. La réglementation relative aux sites classés

Troisième partie : relever le défi d’une industrie aéronautique compétitive, innovante, dynamique et attractive

I. Les soutiens publics sont nécessaires pour maintenir la France dans la compétition aéronautique mondiale

A. Des programmes de soutien particulièrement ambitieux à destination de l’aéronautique

1. Au niveau européen, les programmes de soutien structurels viennent d’être renouvelés

2. Au niveau national, les dispositifs de soutien liés à la crise sanitaire doivent s’accompagner de financements de long terme

a. Le plan de soutien à l’aéronautique, un soutien déterminant pour la sortie de crise

i. Le soutien à la demande

ii. Le soutien à l’offre

b. Les autres dispositifs de soutien à la filière ont également joué leur rôle

3. Au niveau régional

B. La vigilance à l’égard du secteur aéronautique doit être maintenue en sortie de crise

1. Le redémarrage post-crise de la covid19 demeure la priorité des industriels à ce jour

2. Les dispositifs de soutien doivent bénéficier à tous les acteurs de la filière et gagner en lisibilité

II. Les qualités de la filière aéronautique doivent lui permettre de poursuivre sa transformation

A. Une filière qui doit tirer tous les bénéfices de sa bonne structuration

1. La filière industrielle aéronautique dispose d’atouts majeurs, de l’amont à l’aval de la chaîne de production

a. La dualité de la filière permet d’ajuster la production au contexte économique

b. L’excellence de la recherche aéronautique française

c. Des relations entre les entreprises de la filière plutôt satisfaisantes grâce à une bonne structuration de celle-ci

2. Afin de maintenir la compétitivité et la résilience de la filière, la nécessité d’entreprises consolidées et moins dépendantes à un seul programme de construction

a. Une consolidation indispensable pour une meilleure résilience

b. Une diversification des activités au sein de la filière aérospatiale

B. La nécessaire poursuite des investissements pour s’emparer pleinement des solutions « industrie du futur »

1. La mise en place des procédés « industrie du futur » nécessite un accompagnement important des entreprises de l’aéronautique

2. La déclinaison opérationnelle de la modernisation des procédés de production

III. Les emplois et les compétences du secteur aéronautique sont DES déterminantS essentiels de sa réussite

A. L’attractivité de la filière est un enjeu majeur

1. L’aéronautique reste un secteur attractif mais des risques existent sur certains emplois

a. Les formations permettant d’accéder aux emplois les plus qualifiés bénéficient toujours d’une bonne dynamique

b. Les métiers de la maintenance et de la production doivent faire l’objet d’une attention particulière

2. Les besoins de recrutement de la filière sont pourtant bien présents

a. Les recrutements dans la filière se poursuivent en dépit de la crise

b. La transformation de la production et les avions de demain nécessitent pourtant de nouvelles compétences

B. Une politique de formation ambitieuse maintiendra l’excellence des savoir-faire du secteur aéronautique

1. En amont, il est fondamental de maintenir l’attractivité des formations initiales et de communiquer sur cellesci

a. Un besoin de revalorisation des formations, notamment techniques

b. Répondre à la demande de formation sur les conséquences environnementales du transport aérien

c. Une nécessaire communication sur les formations et les métiers de la filière

2. Il est important de préserver l’employabilité des salariés

a. Un effort d’adéquation entre la formation et les besoins en compétences grâce à l’EDEC Aéronautique

b. Encourager les autres dispositifs de soutien à la formation continue

c. La mise à disposition temporaire au sein de la filière peut permettre de résoudre des sujets main-d’œuvre tout en préservant l’employabilité

Conclusion

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des principaux sigles et abréviations utilisés

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Contributions écrites


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   SYNTHÈSE

Le secteur aéronautique français est une incontestable réussite nationale. Dynamique et compétitif, il bénéficie d’une importante structuration et d’une bonne solidarité entre les différents acteurs de la filière.

L’épidémie de la covid‑19 n’a cependant pas épargné le secteur. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) estime la baisse du trafic aérien international de passagers à 60 % en 2020, par rapport à 2019. La reprise du trafic à son niveau d’avant‑crise demeure encore largement tributaire des évolutions de la situation épidémique : l’irruption du variant Omicron en est une illustration éclairante. Les compagnies aériennes et les aéroports ont été les premiers à subir les conséquences de la pandémie. Mais l’industrie aéronautique a également souffert, avec des effectifs en baisse de 8 % dans la filière aérospatiale, soit une baisse 4 fois plus élevée que dans le reste de l’économie (Insee).

De plus, les conséquences environnementales du transport aérien nourrissent aujourd’hui les débats quant à la place que l’avion doit occuper dans la société. Les conséquences du réchauffement climatique plaident évidemment pour une accélération de la décarbonation du secteur. Le trafic aérien représente de l’ordre de 2 % à 3 % des émissions anthropiques mondiales de CO2.

À l’aune de ces deux constats, le présent rapport d’information, articulé en trois parties, brosse un large portrait du secteur aéronautique français et formule 46 recommandations pour son avenir.

La première partie du rapport dresse un état des lieux des enjeux liés au secteur aéronautique. Elle revient sur les conséquences de la crise sanitaire pour les acteurs de l’industrie aéronautique et du transport aérien. Les principaux enjeux environnementaux liés au transport aérien sont également rappelés. La contribution de ce dernier au réchauffement climatique explique l’accélération du déploiement d’un cadre réglementaire visant à juguler les émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, d’autres secteurs d’activité très émetteurs de GES sont bien moins encadrés sur ce sujet, tels que l’industrie textile ou le numérique.

L’état des lieux dressé en première partie du rapport rappelle aussi l’utilité économique et sociale de l’avion. Il est avant tout une source de progrès technologique et d’innovation, mais aussi un vecteur de désenclavement des territoires. L’aéronautique constitue aussi un gisement d’emplois important et ce sur l’ensemble du territoire national. Pour autant, c’est un secteur extrêmement compétitif au niveau mondial. Airbus est en concurrence directe avec les avionneurs Boeing (États-Unis) ou Comac (Chine) et une telle concurrence se rencontre sur l’ensemble des étapes de la chaîne de production d’un aéronef. Les enjeux propres à l’aéronautique et, en particulier, à sa décarbonation, ne peuvent donc se concevoir qu’à l’échelle internationale. En 2022, la présidence française de l’Union européenne au premier semestre et la tenue de l’assemblée de l’OACI à l’automne constituent autant d’opportunités d’adopter des stratégies et des obligations coordonnées au niveau mondial, afin d’éviter toute distorsion de concurrence (au plan économique) et toute fuite de carbone (au plan environnemental).

La deuxième partie du rapport présente les leviers technologiques qu’il convient de mobiliser pour accélérer la décarbonation du transport aérien. À court terme, trois leviers principaux sont mobilisables :

– le renouvellement des flottes. Les compagnies aériennes doivent pouvoir s’équiper des dernières générations d’aéronefs, qui permettent des gains de carburant et d’émissions de CO2 de l’ordre de 15 % à 25 %. Chaque élément d’un aéronef contribue à ces performances. Les moteurs gagnent continûment en efficacité et des architectures innovantes sont développées, tel que le moteur non caréné sur lequel travaille Safran. Le recours croissant aux matériaux composites permet d’alléger le poids de l’avion. Pour que ces technologies puissent produire tous leurs effets, il est impératif que les compagnies aériennes s’en équipent, soutenues financièrement par les pouvoirs publics. Ce renouvellement est indissociable de la question du traitement des aéronefs retirés de l’exploitation : il convient de redoubler d’efforts pour améliorer le recyclage des aéronefs et inciter l’industrie à utiliser des composants qui en sont issus ;

– l’utilisation des carburants d’aviation durables (CAD ou SAF). C’est un vecteur majeur de décarbonation du secteur à court terme et il est essentiel pour décarboner les vols long-courrier. Les CAD sont aujourd’hui essentiellement issus de la biomasse. En parallèle, le développement des carburants synthétiques est prometteur car non soumis à la disponibilité de la biomasse. Dans les deux cas, ces carburants ne sont aujourd’hui pas assez utilisés, faute d’une demande suffisante et d’une bonne structuration de la filière de production. Cette structuration doit être encouragée, tout autant que l’adoption de mandats d’incorporation obligatoires ambitieux aux niveaux européen mais surtout international ;

– l’optimisation de la gestion du trafic aérien et des opérations au sol. Sur les tarmacs, cela passe par l’électrification, tant des engins au sol que de l’alimentation de l’avion lorsqu’il est en phase de roulage ou à l’arrêt. En vol, la systématisation des approches en descente continue lors de l’atterrissage et le déploiement progressif des pratiques d’écopilotage permettront de mieux optimiser la consommation de carburant.

À moyen terme, le développement de l’avion électrique et de l’avion à hydrogène sont des projets particulièrement intéressants. Si certaines limites techniques ne permettent pas d’envisager leur utilisation, à ce stade, sur des vols long‑courrier, ils constituent, chacun à leur échelle, une véritable opportunité pour désenclaver les territoires et décarboner efficacement le transport aérien. Les entreprises qui construisent les avions électriques de demain peinent encore à trouver les fonds nécessaires à leur développement et leur soutien est donc un enjeu primordial. S’agissant de l’avion à hydrogène, la production massive d’hydrogène décarboné sera naturellement l’un des grands défis à relever. Mais il faut aussi convaincre les instances internationales de développer dès à présent le cadre réglementaire nécessaire à la certification de ces avions.

La troisième et dernière partie du rapport traite du fonctionnement de l’industrie aéronautique proprement dite. Celle‑ci doit maintenir son excellence au regard de la compétition internationale à l’œuvre et demeurer tout à la fois innovante, dynamique et attractive. Les acteurs du secteur ont reconnu les bénéfices du plan de soutien à l’aéronautique mis en place par le Gouvernement mi-2020. Alors que le début de l’année 2022 est marqué par la reprise des commandes d’aéronefs et des embauches, il conviendra néanmoins de veiller aux conséquences de l’arrêt progressif des aides conjoncturelles, notamment pour les plus petites entreprises de la filière. Il importe par ailleurs que les soutiens mis en place au niveau national puissent bénéficier à l’ensemble de la chaîne de production. Un meilleur suivi de ces aides grâce à une plate-forme dédiée est proposé.

La filière aéronautique dispose de nombreuses qualités qui doivent lui permettre de poursuivre sa modernisation vers les techniques de production les plus innovantes. Elle dispose d’atouts déterminants pour ce faire. La structuration et la solidarité de la filière ont été évoquées. Mais d’autres points forts sont à mettre au crédit de la filière, en particulier une bonne articulation entre la recherche et ses débouchés industriels, ainsi que la double dualité des activités, entre civil et militaire, d’une part, et entre aéronautique et spatial, d’autre part. Le potentiel de l’industrie aéronautique pourrait encore être amélioré grâce à une diversification des activités chez les sous-traitants très dépendants d’un seul programme de construction. De même, la consolidation de certaines petites entreprises serait opportune. Par ailleurs, il est important que l’ensemble de la chaîne s’approprie les technologies caractéristiques de l’industrie du futur.

Enfin, l’industrie aéronautique est riche d’un niveau de compétences particulièrement élevé. Il faut maintenir l’attractivité des emplois de la filière, alors que l’inquiétude est palpable concernant les besoins de main‑d’œuvre dans certains métiers de la maintenance et de la production. Dans les écoles d’ingénieurs, le recrutement gagnera à être diversifié. Plus généralement, le renforcement du lien entre l’éducation nationale et le monde de l’entreprise ne pourra que favoriser l’attractivité de la filière. Autre sujet, les conséquences environnementales du transport aérien doivent également figurer en bonne place dans les cursus d’études, afin que progrès et environnement ne soient pas opposés. Enfin, ce sont les compétences des salariés en place qui doivent être préservées et développées, afin de s’adapter aux défis technologiques de demain. Les mises à disposition ponctuelles de salariés d’une entreprise vers une autre en cas de variation ponctuelle d’activité, au sein de la filière aérospatiale, peuvent être source d’enrichissement des compétences.

 


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   Récapitulatif des propositions

Proposition n° 1 : universaliser les standards sanitaires de voyage en avion afin de faciliter la reprise du transport aérien de passagers

Proposition n° 2 : poursuivre les efforts de recherche publique et les investissements associés sur les effets non-CO2 du transport aérien et sur les interactions de ces derniers avec les effets CO2

Proposition n° 3 : transmettre dans les meilleurs délais au Parlement les rapports prévus à l’article 142 de la loi climat-résilience

Proposition n° 4 : publier dans les meilleurs délais le décret d’application prévu à l’article 145 de la loi climat-résilience, qui doit préciser les modalités de dérogation à l’interdiction des vols de mois de 2 h 30 sur le territoire français sous conditions de décarbonation

Proposition n° 5 : porter une attention particulière aux distorsions de concurrence qui pourraient résulter de la réduction progressive de l’allocation de quotas gratuits pour le secteur aérien

Proposition n° 6 : flécher les recettes issues du système EU-ETS et liées aux émissions du secteur aérien vers les efforts en faveur de la décarbonation du secteur

Proposition n° 7 : créer un pôle national de formation aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien à Toulouse pour renforcer le leadership français en la matière

Proposition n° 8 : harmoniser, lors de l’assemblée 2022 de l’OACI, les objectifs et leviers de décarbonation du secteur aérien, afin de disposer d’une feuille de route et d’objectifs communs

Proposition n° 9 : lors de la conception des avions, intégrer autant que possible des technologies de type quick change permettant d’optimiser l’utilisation de la cabine en fonction de la demande

Proposition n° 10 : mettre en place des actions de communication plus ambitieuses au niveau des têtes de filière pour porter à la connaissance du grand public les efforts continus du secteur aéronautique pour décarboner l’aviation

Proposition n° 11 : mettre en place un mécanisme d’incitation fiscale au renouvellement des flottes pour les compagnies aériennes, qui pourrait prendre la forme d’un mécanisme de suramortissement. L’éligibilité à un tel dispositif serait conditionnée à des réductions significatives des émissions de CO2 grâce au nouvel aéronef acquis et à un mécanisme de certification des performances environnementales de l’avion par un organisme indépendant

Proposition n° 12 : intégrer des critères environnementaux dans les DSP pour favoriser l’utilisation des aéronefs les plus décarbonés possibles par les compagnies aériennes sur ces liaisons (recommandation déjà formulée dans le rapport sénatorial de Mme Josiane Costes sur la contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires)

Proposition n° 13 : réfléchir à un mécanisme incitant au recyclage des aéronefs, d’une part, et à l’utilisation de produits issus du démantèlement des avions par les entreprises de l’industrie d’autre part

Proposition n° 14 : maintenir les efforts de R&D, pour améliorer le rendement des procédés de production de SAF et pour assurer que les moteurs d’avion en cours de développement soient compatibles 100 % SAF

Proposition n° 15 : établir une cartographie européenne définissant les volumes de gisement de biomasse disponibles pour la production de SAF, ainsi que les capacités de production de carburant de synthèse. Cette cartographie devra préciser à quelle quantité effective de SAF ces gisements correspondent, en fonction notamment des besoins en alimentation des différents moyens de transport

Proposition n° 16 : plutôt que d’instaurer des mécanismes de taxation, élaborer des appels à projets plus ambitieux et dotés des moyens financiers adéquats pour structurer une filière française de SAF. D’autres moyens de soutien à la filière doivent également être instaurés (crédit d’impôt, par exemple)

Proposition n° 17 : adopter une réglementation OACI sur les mandats d’incorporation de SAF

Proposition n° 18 : rehausser les objectifs d’incorporation prévus dans ReFuelEU Aviation, en prévoyant un mandat d’incorporation de SAF de 10 % dès 2030

Proposition n° 19 : soutenir la création d’une alliance industrielle européenne pour les SAF lors de la présidence française de l’Union européenne au 1er semestre 2022

Proposition n° 20 : inciter les pilotes à communiquer aux passagers des indicateurs sur le bilan environnemental du vol, en chiffrant l’amélioration de la performance environnementale de l’avion permise par l’emploi d’une technique particulière (descente continue et autres pratiques d’éco-pilotage, nouvelle motorisation, utilisation de SAF, etc.)

Proposition n° 21 : étudier l’opportunité de généraliser les approches en descente continue sur l’ensemble des grands aéroports français

Proposition n° 22 : systématiser dès à présent l’alimentation électrique pour les besoins des aéronefs en stationnement. Lorsque ces infrastructures existent dans l’aéroport, interdire l’utilisation des APU

Proposition n° 23 : fixer un objectif temporel pour la fin de l’utilisation de moteurs thermiques pour les véhicules de piste dans les aéroports

Proposition n° 24 : imposer le roulage sur un seul moteur des aéronefs sur le tarmac et poursuivre le développement des autres technologies de green taxiing

Proposition n° 25 : faire des aérodromes, des écoles de pilotage et de l’aviation générale un laboratoire de l’aviation électrique, en facilitant l’acquisition de ces avions par les aéroclubs et l’installation de bornes de recharge associées

Proposition n° 26 : développer et faciliter l’obtention de financements en faveur de l’aviation électrique

Proposition n° 27 : mener une expertise approfondie sur les effets non‑CO2 de l’avion à hydrogène

Proposition n° 28 : mener un solide travail préparatoire sur une réglementation hydrogène avec l’EASA pour garantir ensuite une bonne défense de l’avion à hydrogène au niveau de l’OACI

Proposition n° 29 : réaliser une cartographie européenne de l’hydrogène, pour recenser les projets existants et décider de l’emplacement stratégique de hubs, notamment par rapport aux usages dans le secteur aérien

Proposition n° 30 : soutenir le déploiement de hubs à hydrogène sur les plus grands aéroports, tout en réfléchissant aux systèmes alternatifs de distribution pour les infrastructures aéroportuaires plus modestes

Proposition n° 31 : instaurer au plus vite les soutiens à la production d’hydrogène décarboné, en prenant les mesures réglementaires d’application qui s’imposent, afin de pouvoir démarrer les appels d’offres

Proposition n° 32 : comme cela est recommandé par France Hydrogène, réfléchir à une évolution de la réglementation ICPE relative à l’hydrogène afin de faciliter le déploiement de projets, en particulier dans les infrastructures aéroportuaires

Proposition n° 33 : bâtir un plan de soutien de long terme à la R&D dans l’industrie aéronautique pour l’après 2022, piloté par le CORAC

Proposition n° 34 : préciser comment seront déclinés les fonds prévus dans France 2030 et par qui sera assuré leur pilotage. Le CORAC doit préserver un rôle leader sur le pilotage des aides à l’industrie aéronautique, afin d’assurer la cohérence des orientations R&D de la filière

Proposition n° 35 : inclure les TPE de la filière aéronautique dans les entreprises éligibles au rallongement de la durée d’amortissement du PGE de 6 à 10 ans

Proposition n° 36 : assurer davantage de transparence quant aux bénéficiaires des dispositifs de soutien, afin de s’assurer leur correcte ventilation sur l’ensemble de la chaîne de sous‑traitance. Une plate-forme de suivi de l’attribution des fonds pilotés par le CORAC, à l’instar de ce qui existe pour le fonds de modernisation, pourrait notamment être déployée

Proposition n° 37 : créer un site internet regroupant tous les dispositifs de soutien existants pour les entreprises du secteur aéronautique, afin de permettre à celles‑ci de les connaître et d’y accéder plus aisément

Proposition n° 38 : maintenir une vigilance sur la place des activités de défense dans la taxonomie verte européenne, afin que ne soit pas remise en cause la dualité des entreprises du secteur aéronautique

Proposition n° 39 : assurer le suivi de la mise en œuvre et du respect de la charte d’engagement sur les relations entre clients et fournisseurs au sein de la filière aéronautique française

Proposition n° 40 : poursuivre les efforts de consolidation de la filière, en particulier grâce aux fonds d’investissements dédiés, tout en veillant à prendre en compte les conséquences sociales de ces restructurations

Proposition n° 41 : développer les outils numériques permettant la digitalisation des procédés de production, au besoin par des appels à projets. Il faut veiller en parallèle à investir dans les compétences nécessaires à la maîtrise de ces outils et dans la lutte contre les risques cyber

Proposition n° 42 : effectuer un recensement national des métiers en tension au sein de l’industrie aéronautique

Proposition n° 43 : systématiser les modules d’enseignement obligatoires sur les interactions entre transport aérien et changement climatique dans les formations aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien

Proposition n° 44 : encourager les contacts entre les entreprises et l’enseignement secondaire ainsi que les initiatives de mentoring afin de sensibiliser les plus jeunes publics aux métiers de l’aéronautique.

Proposition n° 45 : faire un bilan de l’accord-cadre de l’EDEC conclu entre l’État et la filière aéronautique en 2018

Proposition n° 46 : encourager les solutions de mise à disposition temporaire de salariés au sein de la filière aérospatiale en cas de baisse ponctuelle d’activité

 

 


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   Introduction

Le secteur aéronautique est une composante incontournable du paysage économique et social français. Berceau des pionniers de l’aviation, la France reste encore aujourd’hui une grande nation aéronautique, qui bénéficie d’une filière industrielle particulièrement dynamique et structurée.

Le Conseil national de l’industrie définit la filière aéronautique comme la filière comprenant « l’ensemble des entreprises du territoire français concourant à la conception, la production et la maintenance de matériels aéronautiques – avions, hélicoptères, drones, dirigeables – civils et militaires ». Ce rapport étudie donc en priorité les problématiques relatives à l’industrie aéronautique. Mais il s’intéresse nécessairement au transport aérien, qui constitue le volet « clientèle » du secteur en offrant à l’industrie aéronautique ses débouchés commerciaux.

L’avenir du secteur aéronautique s’apprécie aujourd’hui à l’aune de deux phénomènes majeurs :

– d’une part, l’épidémie de la covid‑19 a considérablement impacté le trafic aérien, avec une baisse de 66 % de la demande en 2020 par rapport à l’année 2019, selon l’Association du transport aérien international (IATA) ([1]). Les acteurs du secteur estiment que la reprise du trafic aérien à son niveau d’avant-crise ne se réalisera pas avant 2024, et plus tard encore concernant les vols intercontinentaux. La chute du trafic aérien a inévitablement des conséquences sur l’activité industrielle du secteur : malgré les mesures de soutien mises en place par l’État français, les effectifs de la filière aérospatiale ont diminué de 8 % en 2020, cette baisse étant quatre fois plus élevée que dans le reste de l’économie ;

– d’autre part, les conséquences environnementales du transport aérien nourrissent de vifs débats quant à la place que doit occuper l’avion dans les modes de vie de demain.

Vos rapporteurs sont convaincus que c’est le progrès technologique et les capacités d’innovation de la filière aéronautique qui permettront d’accélérer la transition du secteur vers une aviation décarbonée. Les conséquences du changement climatique rendent impérative une telle transition et l’industrie française dispose des moyens pour y répondre. Les nombreuses auditions menées durant la mission d’information ont permis de constater la pleine mobilisation du secteur sur le sujet de la décarbonation. Les dernières annonces des représentants de l’aéronautique et du transport aérien le montrent : tous s’engagent pour la neutralité carbone du transport aérien en 2050. On peut évoquer à ce sujet le plan Fly Net Zero de l’IATA, le plan européen « Destination 2050 » des professionnels européens du secteur et la nouvelle feuille de route du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) pour la décarbonation du transport aérien.

Le secteur aéronautique est vital à l’économie nationale. La filière aérospatiale, dont 90 % du chiffre d’affaires est issu des activités aéronautiques, représente 4 480 sociétés en France (hors Guyane). Plus de 75 % sont des petites et moyennes entreprises (PME). Fin 2020, les salariés de la filière représentaient 7 % des emplois salariés industriels français. L’industrie aérospatiale est par ailleurs le principal moteur du commerce extérieur français.

L’aéronautique est un secteur très compétitif au niveau mondial : une vigilance particulière doit être portée au maintien de l’industrie française parmi les champions internationaux. Les enjeux de décarbonation sont une opportunité pour la filière de mettre à profit ses compétences et son savoir-faire technologique.

Toutefois, l’avenir du secteur aéronautique ne peut s’entendre au seul niveau français et les mesures visant à réduire l’impact climatique du transport aérien doivent être adoptées au niveau mondial pour leur assurer une pleine effectivité et empêcher toute distorsion de concurrence et tout risque de fuite de carbone.

En 2022, deux événements doivent être l’occasion de faire progresser les enjeux de la décarbonation du secteur aéronautique. Au premier semestre, la présidence française de l’Union européenne (PFUE) permettra de faire avancer les débats sur le paquet législatif européen Fit for 55 ([2]), qui contient des dispositions relatives au transport aérien. La 41e session de l’Assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui se déroulera du 27 septembre au 7 octobre 2022, doit être l’occasion d’instaurer un cadre international contraignant en matière de décarbonation du transport aérien.

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Le présent rapport s’articule en trois axes. Il propose premièrement un état des lieux du secteur aéronautique et des enjeux environnementaux, économiques et sociétaux qui lui sont associés. Deuxièmement, sont abordés les leviers technologiques permettant de décarboner le transport aérien. Enfin, il s’agit d’étudier comment l’industrie aéronautique sera en mesure de relever de tels défis technologiques. Les propos se concentrent essentiellement sur les enjeux de l’aéronautique civile et de l’aviation commerciale de transport de passagers.


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   Première partie :
le secteur aéronautique est fortement remis en question alors qu’il est un atout essentiel pour la France

I.   L’épidémie de la covid-19 a contracté la demande de manière inédite et fragilisé toute une filière

A.   La pandémie a provoqué une baisse inédite du trafic aérien

1.   La situation européenne et mondiale

Alors que le taux de croissance du trafic aérien mondial était estimé à 5 % par an environ, la survenance de l’épidémie de la covid‑19 a porté un coup très dur à l’ensemble du secteur aéronautique, causant la fermeture des frontières et restreignant considérablement les déplacements. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a estimé la baisse du trafic aérien international de passagers à 60 % en 2020, le trafic retrouvant dès lors son niveau de 2003 ([3]). Le nombre de passagers aériens sur cette même année est estimé à 1,8 milliard, contre 4,5 milliards en 2019. Sur l’ensemble des vols intérieurs, le trafic de passagers a diminué de 50 % en moyenne, avec des situations inégales selon les restrictions mises en œuvre par les pays.

Source : OACI

Le trafic domestique et régional a progressivement repris en 2021, plus ou moins rapidement selon les pays. L’OACI relève que la Chine et la Russie ont retrouvé un trafic intérieur équivalent à leur niveau d’avant‑crise au mois de janvier 2021. Certaines décisions telles que la réouverture des frontières des États-Unis aux touristes étrangers en novembre 2021 favorisent la reprise du trafic mondial. Mais la reprise du trafic demeure modeste : en septembre 2021, l’Association du transport aérien international (IATA) estimait que le trafic de passagers internationaux était toujours inférieur de 69,2 % par rapport à son niveau de septembre 2019 ([4]). En Europe, selon les données de l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol), au 10 novembre 2021, le trafic total sur le réseau européen s’établissait à 78 % de son niveau de 2019 ([5]).

Certains segments de l’aviation ont mieux résisté à la crise. C’est le cas de l’aviation cargo et de l’aviation d’affaires, qui ont respectivement progressé de 10 % et 28 % par rapport à leur niveau de 2019 sur le réseau Eurocontrol. Concernant le trafic cargo, la réduction des vols commerciaux disponibles pour embarquer des marchandises de fret dans les soutes des avions passagers explique notamment cette tendance. Concernant l’aviation d’affaires, outre sa contribution aux besoins sanitaires, il existe un phénomène de report d’une partie de la clientèle de l’aviation commerciale vers ce segment de marché.

Le trafic aérien mondial pourrait retrouver son niveau d’avant-crise en 2024. Cette reprise demeure incertaine, contrastée selon le type de déplacement (domestique, régional ou international) et reste largement tributaire de l’évolution de la situation épidémique. La propagation extrêmement rapide du variant Omicron du virus de la covid19, provoquant l’annulation de milliers de vols, en témoigne.

2.   La situation française

En France, sur les 9 premiers mois de l’année 2021, le nombre de passagers transportés en métropole était inférieur de 67,7 % par rapport à la même période en 2019 selon la direction générale de l’aviation civile (DGAC), cette baisse étant essentiellement expliquée par la baisse du trafic international.

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : DGAC

 

– le nombre de mouvements a baissé de 25 % entre 2019 et 2020 pour l’aviation légère, la DGAC soulignant que « plus de 45 % des heures de vol en avions sont des heures d’apprentissage du pilotage » au sein de cette catégorie ;

– comme cela a été constaté au niveau international, l’aviation d’affaires a moins subi le choc de la crise, atteignant en août 2021 un niveau supérieur de 23 % par rapport à la même période en 2019 ;

–  le fret aérien est en baisse de 15,7 % en 2021 par rapport à son niveau de 2019 sur les 9 premiers mois de l’année, avec une forte progression du fret tout cargo des aéroports métropolitains (+ 24 %) et une baisse du fret en soute (- 53,7 %).

Un trafic spécifique : le fret aérien

Le fret aérien est l’activité de transport de marchandises par avion. Il permet de transporter aisément des marchandises à haute valeur ajoutée ou à péremption rapide (alimentaire, produits médicaux). Le fret aérien facilite une gestion optimale de la chaîne logistique en évitant la constitution de stocks et en permettant des approvisionnements rapides. L’IATA estimait en 2014 que 35 % de la valeur des biens internationaux commercialisés étaient transférées par avion.

Le transport de marchandises est pour l’essentiel réalisé dans les soutes des avions passagers. Selon la DGAC, avant la crise, 75 % du fret au niveau mondial était acheminé dans les soutes des avions passagers plutôt que dans des avions-cargos dédiés. La tendance s’est désormais inversée : l’IATA estime que 72 % du fret aérien mondial s’effectue désormais en vol tout cargo.

L’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle est le premier aéroport cargo d’Europe. L’Air Cargo France Association, qui regroupe les acteurs du fret aérien des aéroports de Paris, observe que les volumes de fret transportés en France durant la crise sanitaire ont baissé de 18 % par rapport à 2019, en raison d’une baisse de capacité.

Tout comme le transport de passagers, le fret aérien est soumis à une intense concurrence. En particulier, la France a été plus touchée par les conséquences de la pandémie que d’autres places aéroportuaires européennes de fret, telles que Bruxelles, Amsterdam ou Francfort. En effet, la proportion de cargo effectuée en avion passager est plus importante en France que dans ces autres places aéroportuaires. Il en a résulté des situations parfois paradoxales : des marchandises en provenance ou à destination de la France ont été acheminées depuis ou vers d’autres aéroports européens disposant de davantage de trafic tout cargo.

En décembre 2021, la DGAC estimait que le trafic aérien de passagers s’établirait à 78 % de son niveau de 2019 pour l’année 2022, voire 65 % dans un scénario s’appuyant sur des perspectives sanitaires dégradées.

La baisse du trafic aérien a eu des conséquences négatives très importantes sur l’ensemble des acteurs des secteurs aéronautique et aérien, dont les principales seront décrites ci‑après. C’est d’autant plus préjudiciable que cela nuit à leurs capacités d’investissement dans la décarbonation de leur activité.

B.   Les compagnies aériennes et les aéroports ont été brutalement impactés par la baisse de trafic

Les conséquences financières de la crise sanitaire pour les acteurs du transport aérien sont majeures compte tenu du choc de demande qu’ils ont subi. Au niveau mondial, au mois de janvier 2021, les compagnies aériennes avaient subi des pertes de 370 milliards de dollars (Md$) en raison de l’épidémie, les aéroports de 115 Md$ et les services de navigation aérienne de 13 Md$ (données OACI).

1.   Les compagnies aériennes font face à une restriction contrainte de la demande

De nombreuses compagnies aériennes ont vu leurs avions cloués au sol au plus fort de la pandémie, entre les mois de mars et de juin 2020, en particulier les compagnies low cost. Si l’été 2020 avait permis une certaine reprise du trafic aérien, l’automne avait amené de nouvelles difficultés avec la reprise de l’épidémie. L’année 2021, bien que non satisfaisante, a permis une reprise modérée du trafic. Par exemple, la compagnie Transavia disposait d’un coefficient de remplissage supérieur à 80 % en août 2021 et son offre pour l’été 2021 était quasi équivalente à son niveau d’avant-crise.

Les conséquences de la baisse de trafic sur le bilan financier des compagnies aériennes sont sans appel. Le chiffre d’affaires d’Air France a chuté de plus de 60 % en 2020 et la compagnie aérienne a subi des pertes nettes de l’ordre de 7 milliards d’euros (Md€) sur la même année. La baisse de capacité de la compagnie en 2020 par rapport à l’année 2019 a été de 53 % sur les vols court‑courrier, de 60 % sur les vols moyen‑courrier et de 50 % sur les vols long‑courrier.

Le trafic aérien affinitaire ([6]) ou de loisir devrait repartir à la hausse à l’issue de la pandémie mais la baisse du nombre de voyages d’affaires pourrait s’inscrire dans le long terme. Le télétravail et l’utilisation de la visioconférence expliquent la diminution de ce type de voyages. Cela pèse sur l’équation financière des compagnies aériennes. Selon une étude de la chaire Pégase ([7]), les voyageurs d’affaires représentent 25 % des passagers des compagnies aériennes mais 55 % à 75 % de leurs revenus. Cette étude anticipe une baisse de long terme de ces déplacements : 38 % des déplacements professionnels en avion pourraient être remplacés par des visioconférences.

Les compagnies proposant des vols d’affaires ou de la location d’avions ont mieux résisté à la crise, à l’image des chiffres du trafic aérien sur ces segments de marché.

Il est important de maintenir une vigilance particulière sur la situation financière des compagnies aériennes, alors que les perspectives de reprise du trafic demeurent incertaines et que le budget de la DGAC est fortement grevé par la baisse mécanique du produit des taxes et redevances aéroportuaires.

2.   Les aéroports ont également été touchés au premier plan

Les aéroports ont subi de plein fouet les conséquences de la chute du trafic aérien international. Certains terminaux ont même fermé durant quelques mois faute de trafic, à l’image du terminal 4 de l’aéroport d’Orly. L’Union des aéroports français (UAF) indique, en comparaison avec 2019, une chute de 68,4 % du trafic dans les aéroports métropolitains français et de 50,5 % dans les aéroports d’outremer ([8]).

Le groupe Aéroports de Paris (ADP) a connu au total une baisse de trafic de 69 % en 2020 par rapport à l’année 2019, conduisant à un résultat net de - 1,7 Md€ (milliards d’euros). Plus spécifiquement, le trafic des aéroports de CharlesdeGaulle et d’Orly a baissé de 15,1 % en 2021, s’établissant à 21,6 millions de passagers. Les aéroports accueillant plutôt du trafic affaires ont également été touchés : l’aéroport du Bourget a connu une chute de 33 % des mouvements sur la plateforme sur les 5 premiers mois de l’année 2021 par rapport à la même période en 2020 (données de la Fédération nationale de l’aviation marchande).

Au niveau européen, le nombre de passagers dans les aéroports commerciaux était équivalent à son niveau de 1995 en 2020, avec seulement 728 millions de passagers dans les aéroports, contre 2,4 milliards en 2019.

Tous les acteurs de l’aéroportuaire ont été touchés. La chambre syndicale de l’assistance en escale (CSAE) indiquait en mars 2021 que la crise sanitaire avait déjà entraîné la perte de plus de 7 000 emplois sur son secteur, qui en comptait plus de 40 000 fin 2019. Les métiers liés à l’entretien des aéronefs ont également pâti de la situation. L’activité de maintenance est habituellement le troisième métier du groupe Air France (8 % du chiffre d’affaires) mais celui‑ci a connu une perte de 2,4 Md$ sur cette activité en 2020.

Les compagnies aériennes et les gestionnaires d’aéroport ont souligné que l’harmonisation et la prévisibilité des consignes sanitaires au niveau mondial est un élément déterminant de la reprise de leur activité. Vos rapporteurs rappellent qu’il est indispensable de poursuivre les efforts en ce sens afin de fluidifier les procédures et de ne pas décourager les passagers à réserver des billets, tout en garantissant un haut niveau de sécurité sanitaire.

Proposition n° 1 : universaliser les standards sanitaires de voyage en avion afin de faciliter la reprise du transport aérien de passagers

C.   L’industrie aéronautique, tributaire de l’activité des compagnies aériennes, est également touchée

L’industrie aéronautique, volet « offre » du secteur, a subi les conséquences de la pandémie de manière plus différée, en raison des engagements de long terme qui caractérisent la construction d’un aéronef. Il n’en demeure pas moins que les conséquences de la crise sont extrêmement importantes pour l’industrie aéronautique. Selon le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), l’activité a chuté de 30 % en moyenne dans la filière aéronautique en 2020, conduisant à la suppression de 8 000 emplois.

1.   Une baisse des commandes, des chiffres d’affaires et des cadences de production

Les compagnies aériennes ont diminué leurs commandes de nouveaux aéronefs en raison de la pandémie, quand elles ne les ont pas tout simplement annulées, ce qui a eu des conséquences directes sur toute la chaîne de production aéronautique en amont. En septembre 2021, selon l’Insee, l’indice de production industrielle française aéronautique était encore à - 40 % par rapport à son niveau d’avant-crise.

En 2020, le secteur aéronautique et spatial représentait 50,9 Md€ de chiffre d’affaires (CA), soit une baisse de 30 % du CA par rapport à 2019. Les commandes ont représenté 28,2 Md € en 2020, dont 49 % réalisées à l’export. Cela représente une baisse de 54,5 % du nombre de commandes par rapport à 2019 ([9]). Habituellement principal moteur du commerce extérieur français, la part du secteur aéronautique et spatial dans les exportations françaises s’établissait à 8,4 % en 2020, soit son plus bas niveau depuis 2005. Au total, les exportations aéronautiques et spatiales ont diminué de près de moitié en 2020 par rapport à l’année 2019 (35 Md€, contre 64,3 Md€ en 2019) ([10]). Quelques exemples concrets peuvent être donnés pour illustrer ces tendances :

– Airbus a connu des cadences de production d’avions commerciaux réduites de 40 % par rapport à la normale durant la crise. La reprise du trafic ayant d’abord lieu sur les vols domestiques, les chaînes de production des court et moyen-courrier sont moins impactées que celles des long-courrier ;

– ATR, a produit 28 avions en 2020 et en a livré 10, contre, en moyenne, 75 avions livrés par an sur les 5 exercices précédents ;

– le CA de Safran réalisé en France est en baisse de 33 % ;

– Thalès a connu des pertes de 40 % environ sur ses activités d’aéronautique civile en 2020.

De telles tendances se sont évidemment répercutées sur l’activité de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance.

Les activités de défense sont celles qui ont le mieux résisté à la crise. Le CA généré par celles‑ci dans le secteur aéronautique et spatial a baissé de 3 % seulement en 2020 par rapport à 2019 et le CA à l’export est en hausse de 7 % sur la même période.

Par ailleurs, si la filière aéronautique a souffert moins immédiatement que d’autres des tensions d’approvisionnement, elle est également touchée par cette problématique. La pénurie de semiconducteurs commence à créer des difficultés chez les sous-traitants du secteur. Des réflexions sur la relocalisation de certains intrants stratégiques seraient opportunes, notamment sur le titane ou la fonderie.

2.   Des conséquences importantes sur les emplois de l’industrie aéronautique

En 2020, les effectifs de la filière aéronautique et spatiale ont baissé de 8 %, ce qui représente 23 300 salariés en moins, totalisant 263 000 salariés dédiés fin 2020 ([11]). Cette baisse est quatre fois plus élevée que dans l’ensemble de l’économie. Ce sont les PME qui ont été les plus touchées, leurs effectifs ayant baissé de 16 % en moyenne.

Effectif salarié selon le secteur salarié
dans la filière aéronautique et spatiale

29 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été initiés en 2020 dans le secteur aéronautique. De grands noms de l’aéronautique tels qu’Airbus, ATR, Latécoère ou Daher ont dû y recourir. Le recours au chômage partiel a également été très important, mais dans des proportions variables selon les secteurs d’activité :  jusqu’à 63 % des salariés ont été placés en chômage partiel dans le secteur de la maintenance d’aéronefs et d’engins spatiaux au mois de mai 2020 ([12]).

Surtout, les effets de la crise sanitaire persistent davantage dans la filière aéronautique que dans le reste de l’industrie. Alors qu’en octobre 2020, les emplois dans l’industrie avaient reculé de 2,7 % sur un an, ceux du secteur aéronautique avaient connu un recul de 6,5 % dans le même temps.

II.   La contribution du secteur aérien au réchauffement climatique est source de nouveaux enjeux

Il est estimé que le trafic aérien représente 2 % à 3 % des émissions anthropiques mondiales de CO2. Il y a urgence à agir : selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le réchauffement de la température de +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels pourrait intervenir dès 2030. Cette hausse de température pourrait atteindre +4 à +5 °C d’ici la fin du siècle, contrairement aux engagements pris lors de l’accord de Paris de 2015.

Face à l’urgence climatique, le secteur aérien fait l’objet d’une forte remise en cause en raison de sa contribution aux émissions de GES. Pourtant, l’ensemble du secteur est pleinement conscient de ces enjeux et porte des actions volontaristes visant à décarboner le transport aérien, tout en étant soumis à une réglementation de plus en plus rigoureuse en la matière.

Vos rapporteurs se réjouissent que les initiatives se multiplient pour permettre un débat objectif autour de la contribution du changement climatique au transport aérien. Début décembre 2021, le ministre chargé des transports, M. Jean‑Baptiste Djebbari, a annoncé le lancement de l’Observatoire de l’aviation durable, qui doit permettre de mesurer les conséquences du transport aérien sur le réchauffement climatique. Cet organisme associera des représentants du secteur et un comité d’experts indépendants. La publication du Référentiel aviation et climat par l’école d’ingénieurs en aérospatiale ISAE-Supaéro préalablement à la tenue de la COP 26 participe de la même logique ([13]).

A.   La contribution du transport aérien au réchauffement climatique doit inciter à des actionS de décarbonation ambitieuses du secteur aéronautique

1.   La contribution du transport aérien au changement climatique

Les émissions de CO2 du transport aérien « sont en hausse de 38 % depuis 1990, soit une augmentation presque 5 fois supérieure à celle du transport routier (+8 %) » selon les données fournies par le Haut Conseil pour le climat. Les principaux effets du transport aérien sur le changement climatique sont résumés dans l’illustration ci‑dessous.

Source : Lee et al., « The contribution of global aviation to anthropogenic climate forcing for 2000 to 2018 », Atmospheric Environment, 2021, vol. 244

Comme indiqué supra, le trafic aérien représenterait 2 % à 3 % des émissions anthropiques mondiales de CO2. Les émissions cumulées depuis 1940 représentent 32,6 milliards de tonnes de CO2, dont 50 % émises au cours des 20 dernières années. Concernant la répartition des émissions entre les différents types de transport aérien, selon le climatologue Olivier Boucher, « En recoupant les estimations de Lee et al. (2021) et de l’ICCT (2019), on peut chiffrer les émissions totales à 1 034 Mt CO2/an dont aviation militaire, 11 % (116 Mt CO2/an), transport de fret, 17 % (171 Mt CO2/an), et transport de passagers, 72 % (747 Mt CO2/an) ».

Le changement climatique a lui-même des conséquences sur le trafic aérien. Le réchauffement climatique peut nécessiter une modification des routes aériennes, conduire à une augmentation des turbulences, des phénomènes climatiques extrêmes, rallonger les trajets, etc.

Selon la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte et en se référant au scénario Aviation and environmental outlook publié en 2019 par l’OACI, en cas de gains d’efficacité modérés sur la technologie et les opérations, combinés à une faible utilisation de carburants alternatifs et à une forte hausse de la demande, les émissions liées au secteur seront multipliées par 2 à 4 en 2050. C’est pourquoi il est impératif d’accélérer la prise des mesures de décarbonation ambitieuses du secteur.

L’avenir du secteur aérien est aujourd’hui largement conditionné à celui des énergies fossiles : cela devrait être un aiguillon majeur pour encourager le développement de technologies aéronautiques propres, en particulier des carburants d’aviation durables.

65 % des émissions proviennent des liaisons internationales. Cette donnée souligne qu’il est nécessaire d’adopter une stratégie de réduction des émissions de GES du secteur aérien au niveau mondial. Agir au niveau d’une maille trop petite ne pourrait avoir des conséquences satisfaisantes et peut conduire à des phénomènes de fuites de carbone entre différentes zones géographiques qui ne seraient pas soumises aux mêmes impératifs environnementaux.

Concernant les émissions sur le territoire français, selon les données du ministère de la transition écologique et solidaire ([14]), en 2019, « le trafic aérien intérieur (y compris outre-mer et non commercial) représentait 3,8 % des émissions de CO2 du secteur des transports et 1,5 % des émissions totales de la France ; après réintégration des soutes internationales (aériennes et maritimes) dans les bilans, le secteur aérien était à l’origine de 6,8 % des émissions de CO2 de la France en 2019 ».

2.   Il convient cependant de remettre les émissions du transport aérien en perspective

La contribution du secteur aérien au réchauffement climatique est incontestable et doit inciter à des actions ambitieuses pour en réduire les conséquences. Pour autant, il est nécessaire de disposer d’une vue d’ensemble de la contribution des différents secteurs d’activité au réchauffement climatique, ce qui est encore trop rarement le cas aujourd’hui.

Il convient également de remettre en perspective la croissance des émissions de CO2 et la croissance du trafic aérien associée. Selon des données issues de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et de la Banque mondiale citées par la chaire Pégase, si les émissions de CO2 issues du transport aérien au niveau mondial ont augmenté de 28,5 % de 2000 à 2018, dans la même période, le trafic aérien a augmenté de 153 % ([15]).

En ce qui concerne la contribution des autres moyens de transport aux émissions de GES, le graphique ci-dessous donne quelques points de comparaison. Les émissions du secteur ont augmenté moins vite et sont moins élevées que les émissions liées au transport routier de fret et de passagers. En France, l’ADEME souligne qu’en 2019, « les transports routiers contribuent à la quasi-totalité (94 %) des émissions du secteur des transports ».

Émissions de CO2 dans le secteur des transports par mode de transport
dans le cadre de son Sustainable development scenario

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Source : Agence internationale de l’énergie (novembre 2019)

Si le transport aérien et le secteur des transports en général sont un émetteur important de CO2, d’autres secteurs mériteraient une attention mondiale encore plus importante et de faire l’objet de politiques de décarbonation plus ambitieuses au regard de leur important niveau d’émissions. Une étude de la chaire Pégase effectuée en février 2020 ([16]) donne à cet égard des points de comparaison intéressants :

– le secteur du textile contribuerait à 10 % des émissions globales de CO2, selon l’Organisation des Nations Unies (ONU) ;

– la contribution d’internet aux émissions globales de CO2 est estimée autour de 3,5 % à 4 %, cette part étant susceptible d’atteindre les 8 % en 2025.

B.   Les effets non-CO2 du transport aérien sont encore mal connus et nécessitent un effort de recherche soutenu 

M. Olivier Boucher, climatologue, explique que les effets non-CO2 du transport aérien « se matérialisent via les émissions de NOx (oxydes d’azote) qui influencent les concentrations atmosphériques d’ozone (à la hausse) et de méthane (à la baisse), la formation de traînées de condensation qui peuvent évoluer en nuage de type cirrus (ces nuages sont responsables d’un effet de serre qui réchauffe la planète plus important que leur effet réfléchissant qui la refroidit), les émissions de vapeur d’eau (un autre gaz à effet de serre), et les émissions d’aérosols qui interagissent avec le rayonnement et peuvent aussi modifier les propriétés des nuages ». Cependant, les effets nonCO2 sont moins persistants sur l’atmosphère que les effets CO2 et les efforts de décarbonation du secteur doivent donc rester concentrés prioritairement sur la diminution des émissions carbonées.

Les effets non-CO2 pourraient dégrader les chiffres du bilan environnemental du transport aérien. Ces effets ne sont pas totalement cernés ni quantifiés à ce jour mais ils pourraient multiplier par 2 ou 3 l’impact climatique du CO2 selon le chercheur O. Boucher.

Il est donc primordial de maintenir l’effort de recherche sur ce sujet et d’intensifier les financements qui y sont associés. Dès 2019, la stratégie nationale du transport aérien (SNTA) encourageait déjà à des méthodes d’évaluation en la matière. Cela est d’autant plus important que, comme le souligne O. Boucher, « Il peut exister des synergies entre les réductions des effets CO2 et non-CO2 (par exemple il est possible que l’introduction de biocarburants diminue un petit peu l’effet réchauffant des traînées) mais il peut aussi y avoir des solutions qui requièrent de faire des compromis (par exemple les stratégies d’évitement des traînées de condensation entraînent généralement une pénalité en CO2) ».

Des travaux de recherche sont naturellement déjà en cours. Un document de travail de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a récemment été publié ([17]). En France, le programme de recherche « Climaviation », de l’Institut Pierre-Simon Laplace et de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), financé par la DGAC sur la période 2021‑2026, a notamment vocation à travailler sur de tels effets. Les recherches de ce programme s’articulent autour de trois axes : mieux quantifier les mécanismes les plus incertains de l’impact climatique de l’aviation, évaluer les impacts liés aux nouveaux combustibles et, enfin, étudier et proposer des stratégies de minimisation de l’impact total de l’aviation.

Proposition n° 2 : poursuivre les efforts de recherche publique et les investissements associés sur les effets non-CO2 du transport aérien et sur les interactions de ces derniers avec les effets CO2

C.   Le secteur aérien est soumis à une réglementation environnementale croissante

De nombreuses dispositions juridiques existent, aux niveaux national, européen et international, afin d’enrayer la contribution du secteur aérien au réchauffement climatique. Outre la mise en place de dispositions législatives et réglementaires contraignantes, il existe également des documents programmatiques (en France la SNTA, la stratégie nationale bas-carbone ([SNBC], etc.), qui fixent des objectifs en matière environnementale au secteur.

1.   En France : la loi climat-résilience et la fiscalité incitative à l’utilisation de carburants alternatifs

a.   Les dispositions de la loi climat-résilience

En premier lieu, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat‑résilience », prévoit plusieurs dispositions propres au secteur aérien :

– l’article 142 fixe pour objectif que le transport aérien s’acquitte d’un prix du carbone à compter de 2025. Un rapport doit être remis au Parlement en 2022 pour préciser les dispositions nationales à mettre en place, à défaut d’un dispositif européen, dès lors que le trafic aérien français retrouverait son niveau de l’année 2019. Il est également prévu un objectif d’amélioration de la « performance environnementale de la navigation aérienne » d’ici 2025, qui passe notamment par des routes plus directes, des temps d’attente et de roulage au sol réduits et la généralisation de l’atterrissage en descente continue. Un rapport doit être remis sur « l’accompagnement du secteur du transport aérien dans sa stratégie de réduction de son empreinte carbone », en particulier concernant le développement d’une filière de biocarburants. Outre la mise en place de dispositions législatives et réglementaires contraignantes, il existe également des documents programmatiques (stratégie nationale pour le transport aérien, stratégie nationale bas-carbone…), qui fixent des objectifs en matière environnementale pour le secteur. Vos rapporteurs ne peuvent qu’appeler de leurs vœux la remise rapide de ces rapports au Parlement en 2022 afin qu’ils puissent nourrir la réflexion, en particulier compte tenu de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022.

Proposition n° 3 : transmettre dans les meilleurs délais au Parlement les rapports prévus à l’article 142 de la loi climat-résilience

– l’article 143 vise à augmenter la part modale du transport ferroviaire de voyageurs définie par la SNBC ;

– l’article 144 a pour objectif de lutter contre la revente à perte de billets d’avion, notamment en faisant évoluer la réglementation européenne et en instaurant un prix de vente minimal, et ce afin de favoriser le report modal de l’avion vers le train ;

– l’article 145 interdit les services réguliers de transport aérien public de passagers en France en avion lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 2 h 30 et hors correspondance, à compter du 31 mars 2022, avec une évaluation du dispositif au bout de 3 ans. Un décret en Conseil d’État doit préciser, entre autres, « les modalités selon lesquelles il peut être dérogé à cette interdiction lorsque les services aériens (…) peuvent être regardés comme assurant un transport aérien décarboné ». Il est souhaitable de publier ce décret au plus tôt, car il peut être important pour arbitrer les choix stratégiques de décarbonation du secteur. Il est également prévu la remise d’un rapport au Parlement sur l’opportunité d’étendre de telles dispositions au fret. Il convient de noter qu’un recours a été intenté auprès de la Commission européenne par l’UAF contre l’interdiction des vols de moins de 2 h 30 ;

Proposition n° 4 : publier dans les meilleurs délais le décret d’application prévu à l’article 145 de la loi climat-résilience, qui doit préciser les modalités de dérogation à l’interdiction des vols de mois de 2 h 30 sur le territoire français sous conditions de décarbonation

– l’article 146 dispose que les projets d’extension d’aéroport ne peuvent être déclarés comme étant d’utilité publique dès lors qu’ils ont pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de GES générées par l’activité portuaire par rapport à l’année 2019. Certaines exceptions sont prévues ;

– l’article 147 crée une nouvelle section dans le code de l’environnement intitulée « Réductions d’émissions issues de projets de compensation des émissions de gaz à effet de serre ».

b.   La taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT)

À compter du 1er janvier 2022, le transport aérien sera soumis à la taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (TIRUERT), jusqu’à présent appelée taxe incitative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB). Le régime d’application de la TIRUERT est précisé à l’article 266 quindecies du code des douanes ([18]). Ce dernier fixe des objectifs d’incorporation d’énergies renouvelables dans les différents types de carburant. Pour les carburéacteurs, cet objectif d’incorporation est de 1 % et le tarif de la taxe de 125 € par hectolitre.

Le montant de la taxe est calculé en fonction de ce tarif et de l’écart entre l’objectif cible d’1 % et l’incorporation réellement effectuée. Lorsque l’objectif d’incorporation est atteint ou dépassé par le redevable, le montant de la taxe est nul.

Avec l’instauration de ce mandat d’incorporation dans les carburéacteurs applicable dès 2022, la France traduit ses ambitions de décarbonation du secteur aérien de manière opérationnelle, anticipant la fixation d’objectifs similaires au niveau européen dans le règlement ReFuelEU Aviation.

2.   Au niveau européen : les dispositions prévues dans le paquet Fit for 55

En juillet 2021, la Commission européenne a présenté un « paquet » de 12 mesures législatives, dénommé Fit for 55, qui traduit les engagements du Pacte vert pour le climat. Le but de ces mesures est de réduire les émissions de GES d’au moins 55 % d’ici 2030. Dans ce paquet législatif, 4 textes intéressent particulièrement les secteurs aérien et aéronautique :

– la proposition de directive modifiant la directive 2003/87/CE ([19])  prévoit la fin progressive de l’allocation de quotas gratuits pour le transport aérien dans le cadre du système EU-ETS ([20]) d’ici 2027. Durant la période 2013-2020 (phase III du SEQE), 85 % des quotas ont été alloués gratuitement au secteur aérien. Il convient cependant de rappeler que l’aérien est à ce jour le seul mode de transport soumis au système EU-ETS, pour les seuls vols internes à l’espace économique européen (EEE). La proposition de directive prévoit une réduction progressive de quotas gratuits, ainsi que les modalités d’articulation des quotas EU‑ETS avec le dispositif CORSIA (Carbon offsetting and reduction scheme for international aviation), applicable pour les vols extra-européens.

La DGAC souligne que, « tout en étant favorable à la diminution rapide des quotas gratuits, la France a exprimé des inquiétudes quant à l’absence d’étude d’impact cumulée des différentes propositions du Paquet Fit for 55 impactant le secteur aérien. Elle demande dans le cadre des négociations en cours une meilleure prise en compte des risques de fuite de carbone et de distorsion de concurrence pour les hubs, qui pourraient limiter les gains environnementaux des mesures proposées et mettre en difficulté le transport aérien européen ». Vos rapporteurs partagent de telles préoccupations et soulignent que les recettes issues du système EU-ETS liées aux émissions du secteur aérien doivent bénéficier en premier lieu aux acteurs de ce secteur, afin d’encourager les projets de décarbonation ;

Proposition n° 5 : porter une attention particulière aux distorsions de concurrence qui pourraient résulter de la réduction progressive de l’allocation de quotas gratuits pour le secteur aérien

Proposition n° 6 : flécher les recettes issues du système EU-ETS et liées aux émissions du secteur aérien vers les efforts en faveur de la décarbonation du secteur

– l’article 14 de la proposition de directive dite « RED III » ([21]) ouvre la voie à une taxation du kérosène s’agissant des vols intra-européens, avec un alignement progressif sur la fiscalité du transport routier ;

– la proposition de règlement « AFIR » sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs ([22]) fixe des objectifs en matière de fourniture d’électricité aux aéronefs en stationnement, à horizon 2025 et 2030 ;

– enfin, la proposition de règlement dite « ReFuelEU Aviation » ([23]) fixe des mandats d’incorporation de carburants d’aviation durable pour les vols au départ de l’UE, tant pour les fournisseurs de carburants que pour les exploitants d’aéronefs.

3.   Au niveau international : le programme CORSIA

CORSIA (Carbon offsetting and reduction scheme for international aviation) est un programme de réduction des émissions du secteur aérien pour les vols internationaux établi par l’OACI, qui fonctionne sur la base de systèmes de compensation des émissions carbone. Sur la période 2021‑2026, l’adhésion des États au programme se fait sur la base du volontariat. 65 pays participent à la phase volontaire, représentant 87 % du trafic aérien international. Ils ne doivent pas dépasser le niveau d’émissions de l’année 2019. Puis le dispositif deviendra obligatoire, avec des exceptions prévues pour les pays les moins développés ou qui contribuent de manière négligeable au trafic aérien international.

L’UE, dans sa décision (UE) 2020/954 du Conseil du 25 juin 2020, a accepté volontairement de rentrer dans le programme CORSIA sur une première phase pilote 2021-2023. Il faut être particulièrement vigilant au double comptage avec la compilation des mécanismes de compensation, notamment à l’articulation entre CORSIA et EU-ETS : un crédit de compensation doit correspondre à une tonne de CO2.

III.   Alors que la défiance vis-à-vis du secteur aéronautique est importante, celui-ci demeure un atout capital pour le pays

Alors que l’avion fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, particulièrement quant à son impact environnemental, il convient plus que jamais de rappeler l’importance du secteur aéronautique pour le pays à maints égards, tout en communiquant de manière plus intense sur les actions entreprises pour décarboner le secteur.

A.   Longtemps vu comme un progrès, l’avion fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques

1.   L’avion est source de progrès, de développement des relations internationales et de désenclavement des territoires

L’avion est un progrès technologique qui a permis de réduire les distances et de faciliter les échanges internationaux. Comme le souligne l’économiste Yves Crozet, spécialiste des transports, il a longtemps été vu comme une solution plutôt que comme un problème. Il a notamment permis de générer de nombreux emplois, de faire des progrès en matière de recherche dans de nombreux domaines, d’améliorer la compétitivité de l’économie française, etc.

L’avion est sans conteste un facteur de désenclavement territorial important. C’est particulièrement visible en France avec la Corse et les outremer, qui demeurent largement tributaires de ce moyen de transport. Plus généralement, il existe sur le territoire français des délégations de service public, pour assurer une bonne connectivité des territoires les plus enclavés. L’importance du trafic affinitaire n’est par ailleurs plus à démontrer.

L’aéronautique est également source d’attractivité pour les territoires. Un site bien desservi peut favoriser les implantations d’entreprises et favoriser une meilleure répartition de celles-ci sur l’ensemble du territoire français. Dans le même esprit, c’est un acteur indéniable de la politique touristique française. Il est indispensable pour maintenir la France dans le haut du classement des destinations touristiques mondiales.

Plus généralement, l’avion est un acteur incontournable des relations internationales et de la diplomatie mondiale. Il permet d’accéder à des zones de conflit et de mener des opérations humanitaires et de maintien de la paix, par exemple en mettant en place des ponts aériens. Les évacuations opérées depuis l’Afghanistan à la fin de l’été 2021 témoignent si besoin est de l’importance de ce moyen de transport pour réaliser des évacuations civiles. Durant la crise sanitaire, de nombreux rapatriements sanitaires ont été opérés par avion. Hors période de crise, Air France effectue d’ailleurs environ 1 300 rapatriements sanitaires chaque année.

Prendre l’avion n’est pas toujours un choix : il n’est pas systématiquement substituable à un autre moyen de transport et notamment au train. L’étude des sociologues Yoann Demoli et Jeanne Subtil sur la démocratisation du transport aérien en France fait observer à ce propos que le recours à l’avion est moins substituable au train que le train ne l’est à la voiture ([24]). À l’échelle de pays très vastes, comme l’Inde ou les États-Unis, ou dans des régions aux topographies complexes, comme en Indonésie ou en Amérique du Sud, il est un moyen de transport incontournable. Quant aux vols long‑courrier, en particulier pour les vols transatlantiques et transpacifiques, la question du report modal ne peut se poser.

Il existe des avis partagés sur une réelle « démocratisation » du transport aérien. Yoann Demoli et Jeanne Subtil évoquent une « démocratisation en trompe-l’œil », avec une multiplication du nombre de voyages plutôt que du nombre de voyageurs sur la période étudiée. Selon le rapport « Pouvoir voler en 2050 » précité, les cadres supérieurs français prendraient 17 fois plus l’avion que les ouvriers et 1 % de la population mondiale serait responsable de 50 % des émissions dues à l’aviation ([25]).

2.   L’avion est pourtant largement remis en cause aujourd’hui, même si les pratiques ne suivent pas toujours les courants d’opinion

Il existe un discours hostile important vis-à-vis du transport aérien et en particulier le flygskam, qui est un terme traduisant le phénomène de honte de prendre l’avion. Ce mouvement en provenance de l’Europe du Nord existe depuis 2017 et a pris une certaine importance.

Cependant, les répercussions de tels courants d’opinion ne se traduisent pas de manière significative sur le niveau de trafic aérien à ce stade. De l’avis de nombreux acteurs auditionnés – agences de voyages, compagnies aériennes, mais aussi économistes et sociologues – le prix demeure à ce jour le facteur déterminant à l’achat d’un billet de transport, bien plus que les considérations environnementales. Selon le chercheur en sociologie Hadrien Coutant, « réduire significativement son usage de l’avion exige aujourd’hui un niveau de militantisme écologiste trop rare pour que ses effets soient significatifs ».

Les réservations de vols ont d’ailleurs battu leur plein à la réouverture des liaisons aériennes lorsque la situation épidémique s’est améliorée, certains évoquant même une forme de revenge travel. La volonté de prendre l’avion est demeurée quasi intacte : en décembre 2020, 61 % des Français de 20 ans et plus comptaient prendre l’avion dans les 12 prochains mois. Ils étaient déjà 63 % à la même période en 2019 ([26]). Si les pratiques évoluent, elles le font très lentement. Selon Y. Demoli, il existe une certaine inertie des comportements en matière de mobilité.

Enfin, le flygskam n’est pas universellement partagé et demeure parfois un débat très occidental, voire nord‑européen. Il faut avoir conscience que dans d’autres régions du monde, comme en Asie, aux États-Unis ou en Amérique du Sud, les préoccupations relatives aux conséquences environnementales du transport aérien sont beaucoup moins présentes.

B.   Un atout économique décisif dont il faut absolument préserver la compétitivité

L’industrie aéronautique est soumise à une forte concurrence internationale. Le France et l’UE doivent absolument rester compétitifs sur ce segment pour se maintenir sur le marché. Si la France venait à perdre sa place mondiale de choix dans l’industrie aéronautique, certaines régions hautement spécialisées, notamment le sud-ouest de la France, pourraient pâtir de ce que certains ont déjà appelé un risque de « syndrome de Détroit » ([27]). Des avionneurs tels que l’américain Boeing ou le chinois Comac sont de sérieux concurrents qui ne se priveront pas de prendre des parts de marché en cas de déclin de l’industrie aéronautique française. À titre d’exemple, COMAC devait livrer fin 2021 les premiers exemplaires du C919, concurrent direct de l’A320 d’Airbus et du Boeing 737.

De plus, les commandes d’aéronefs sont largement issues de clients situés en dehors du continent européen. Le principal marché de l’avionneur franco-italien ATR se trouve en Asie-Pacifique (39 % de sa flotte totale). Pour Airbus, les revenus issus de cette zone géographique représentaient 32 % environ de ses revenus totaux en 2019. La demande asiatique devrait croître dans les prochaines années. Il est donc primordial de maintenir l’attractivité et la compétitivité françaises pour assurer un niveau de demande suffisamment élevé, garantissant les débouchés nécessaires à notre industrie.

Des signes positifs de reprise grâce à des commandes importantes
passées auprès des avionneurs français

 L’amélioration de la situation épidémique à la mi-2021 a permis aux avionneurs de remplir à nouveau leurs carnets de commandes. À la fin de l’été 2021, Airbus avait en commande 6 900 avions, dont 6 156 pour la seule famille A320-A220. Boeing estime par ailleurs que « les compagnies aériennes auront besoin de plus de 7 500 nouveaux avions gros porteurs d’ici 2040 » et prévoient une augmentation de 70 % de la flotte cargo horizon 2040.

 Par ailleurs, le salon aéronautique de Dubaï (Dubaï Airshow), qui s’est tenu au mois de novembre 2021, a permis de nouvelles commandes d’avions pour l’industrie aéronautique française. Au total, Airbus a engrangé 408 commandes d’aéronefs lors de ce salon (269 commandes fermes et 139 engagements). Indigo Partners a commandé 255 avions de la famille A321neo, Jazeera Airways 28 A321neo, la compagnie nigérienne Ibom Air 10 A220, etc. En décembre 2021, Air France a de nouveau commandé une centaine d’avions de type A320neo et 4 versions cargo de l’A350 (données commandes fermes).

Il faut donc soutenir plutôt qu’agir par la contrainte sur la filière aéronautique, afin qu’elle puisse préserver son leadership mondial. La filière possède de beaux atouts, à commencer par son haut niveau de qualification, sa très bonne structuration et sa capacité de planification de long terme. Des difficultés sur certains modèles tels que le 737 Max de Boeing ou l’A380 d’Airbus reflètent le caractère impitoyable de la concurrence aéronautique mondiale.

La France doit se maintenir dans la compétition internationale tout en accélérant la réduction des conséquences environnementales du trafic aérien. Or l’innovation et la recherche sont aussi des facteurs sur lesquels il existe une forte compétition, au sein même de l’Europe. Le pays dispose de sérieux avantages sur ce point, notamment grâce à l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales) et au Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC). Mais certains autres centres de recherches européens, tels que le centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique (DLR), pourraient être amenés à prendre davantage d’importance. C’était du reste l’alerte donnée par un récent rapport sénatorial sur l’ONERA, qui relevait qu’en matière spatiale, « les représentants du DLR à l’Agence spatiale européenne (ESA) ont indiqué sans ambages qu’ils avaient pour objectif de devenir les premiers en Europe, devant les Français » ([28]).

L’effort de soutien à la R&D française doit être maintenu pour maintenir celle-ci en tête de la compétition internationale : vos rapporteurs ont déposé un amendement au PLF pour 2022 en ce sens, qui prévoyait 5 M€ supplémentaires en faveur de la recherche en aéronautique civile, sur le programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement des mobilités durables » ([29]). Cet amendement n’a pas été adopté.

Les États-Unis disposent d’une politique commerciale qui a pu se montrer très offensive en matière d’industrie aéronautique. Le contrat de filière aéronautique de 2018 souligne l’utilisation « de la réglementation comme arme commerciale » de leur part et la nécessité de défendre la filière française et européenne en réponse. Les différends entre l’UE et les ÉtatsUnis au sujet des aides publiques versées à Airbus et Boeing témoignent également de la place stratégique de l’aéronautique dans les relations commerciales internationales. Les deux puissances sont parvenues à la conclusion d’une trêve de 5 ans dans la mise en place de mesures de rétorsion douanières.

Les écoles d’ingénieur formant aux métiers de l’aéronautique sont tout autant soumises à une importante concurrence internationale. L’ISAE-Supaéro, leader mondial en la matière, doit rivaliser avec les grandes universités américaines mais aussi avec une concurrence européenne. Par exemple, l’université technique de Munich a créé un département Aerospace financé à hauteur de 700 M€ par le Land de Bavière. Pour résister à cette concurrence, la création d’un « champion national », de formation aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien à Toulouse, regroupant l’ISAE-Supaéro, l’ENAC, l’ONERA et l’IRT Saint-Exupéry pourrait permettre de s’imposer définitivement dans la compétition mondiale en la matière. Cette idée a notamment été évoquée par le directeur général de l’ISAE‑Supaéro, auditionné par vos rapporteurs.

Proposition n° 7 : créer un pôle national de formation aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien à Toulouse pour renforcer le leadership français en la matière

C.   L’industrie aéronautique est nécessaire à la vitalité de l’économie française

1.   L’industrie aéronautique est un rouage essentiel de l’économie française

La France peut être fière de son industrie aéronautique, véritable fleuron national. Elle dispose d’une chaîne industrielle complète et intégrée, ce qui permet une meilleure résilience en temps de crise grâce à une très bonne solidarité de la filière.

En 2018, la filière aéronautique française représentait 1 300 entreprises industrielles et 58 Md€ de CA, dont 44 % réalisés à l’export. Environ 70 % du CA du secteur aéronautique et spatial est réalisé dans le secteur civil et 30 % dans le militaire. En 2019, le secteur de l’aviation civile, construction aéronautique incluse, contribuait pour 4,3 % du produit intérieur brut (PIB) national et disposait d’une balance commerciale excédentaire de 34 Md€. Concernant les grandes entreprises du secteur aéronautique :

– Air France contribue pour 22 Md€ à l’économie nationale et dispose d’une flotte de 300 appareils ;

– Safran et Thalès comptent parmi les 10 premiers déposants de brevets en France ([30]) ;

– Airbus représente 45 % de la flotte mondiale d’appareils moyen et long‑courrier ;

– Safran motorise plus de 70 % des avions moyen‑courrier dans le monde.

Le secteur aéronautique est également un moteur du commerce extérieur français. Il était le secteur le plus dynamique à l’export en 2019. L’industrie aéronautique a représenté 12 % des exportations de biens en moyenne sur les dix dernières années. Le secteur est de fait très dépendant du commerce extérieur, réalisant 86 % de son chiffre d’affaires à l’export ([31]).

Exportations et importations dans le secteur aéronautique et spatial

Source : Rapport sur le commerce extérieur de la France 2021

2.   Des emplois et des compétences qui irriguent l’ensemble du territoire

Selon les dernières données de l’Insee ([32]), la filière aérospatiale française emploie 263 000 salariés pour son activité aérospatiale, l’aéronautique représentant elle-même 88 % des effectifs de la filière. Dans le grand Sud-Ouest (Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), la filière aérospatiale représente environ 147 000 emplois, dont 71 % des effectifs pour l’aéronautique ([33]). La filière aérospatiale représente ainsi 40 % environ de l’emploi industriel de ces régions. Avant la crise, l’emploi dans le secteur aéronautique bénéficiait d’un rythme de croissance annuelle moyenne d’environ 1,7 % entre 2007 et 2019, contre une baisse de 1 % dans l’industrie sur la même période.

Le transport aérien générerait quant à lui 1 million d’emplois en France. Hors temps de crise, les plateformes aéroportuaires parisiennes représentent près de 120 000 emplois directs.

Les différentes branches du secteur aéronautique donnent lieu à des synergies importantes et facilitent ainsi la création ou le maintien de bassins d’emplois. Par exemple, Edeis, exploitant d’aéroports, a investi 9 M€ sur la base de Toulouse‑Francazal, permettant notamment l’implantation de nombreuses entreprises du secteur de l’aéronautique sur le site. Dans le même esprit, à l’aéroport de Dijon Longvic, Edeis fait observer que « la reprise de la partie militaire de la base a permis l’installation d’entreprises et même d’associations de réinsertion, avec 300 emplois à la clé pour le territoire ».

Concernant la répartition géographique des emplois, 30 % des emplois du secteur aéronautique et spatial ([34]) se trouvent en Île‑de‑France, 27 % en Occitanie et 10 % en Nouvelle Aquitaine. L’aéronautique est caractéristique du tissu industriel du sud-ouest de la France, mais elle irrigue en réalité tout le territoire. Il existe d’ailleurs des régions caractérisées par un domaine de compétences propre au sein de la production aéronautique, par exemple la « pointe avant » de l’avion dans les Hauts-de-France ou l’ensemble propulsif en Île‑de‑France ([35]). Notre commission des affaires économiques avait d’ailleurs visité le site de Méaulte de l’entreprises Stelia Aerospace, dans la Somme, en novembre 2018.

Les concurrents étrangers reconnaissent la qualité du tissu industriel aéronautique français. Par exemple, Boeing a récemment fait un « Tour de France » en partenariat avec le GIFAS pour trouver de nouveaux partenaires. Boeing est d’ailleurs le premier client à l’export des équipements aéronautiques français.

Il est donc primordial de maintenir l’attractivité du secteur aéronautique français et de préserver l’excellent niveau de compétences dont la filière dispose. La compétition est à l’œuvre y compris en termes d’emplois et il existe une véritable « guerre des talents » au niveau mondial. Or la capacité à maintenir des emplois qualifiés et à attirer les jeunes générations dans l’industrie aéronautique sont deux conditions majeures de la réussite de la décarbonation du secteur aérien.


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   Deuxième partie :
relever le défi de la décarbonation par le soutien aux solutions technologiques

La décarbonation du secteur aérien est une priorité pour répondre aux objectifs de l’accord de Paris. Les innovations technologiques ont un rôle majeur à jouer en l’espèce. Les exigences environnementales doivent naturellement être conciliées avec le maintien d’un niveau de sécurité inchangé, tant s’agissant des aéronefs proprement dits que de la navigation aérienne.

Au niveau européen et international, plusieurs feuilles de route ont récemment été adoptées afin de fixer des objectifs de décarbonation :

– à l’OACI, une stratégie de long terme, baptisée LTAG (Long-term global aspirational goal), pourrait être adoptée lors de la 41e session de l’Assemblée de l’OACI, qui aura lieu du 27 septembre au 7 octobre 2022. Une session de travail en novembre 2021 ([36]) a permis d’identifier les principaux leviers en la matière. Par ailleurs, l’OACI a adopté dès 2017 des normes sur les émissions de CO2 pour les avions à réaction. Selon la SNTA, « le secteur aéronautique est à cette occasion devenu le premier secteur industriel à se doter d’une référence mondiale de certification qui incite les constructeurs à renforcer l’efficacité énergétique de leurs appareils » ;

– l’IATA s’est engagée à la neutralité carbone du transport aérien en 2050, à l’occasion de son 77e meeting annuel en octobre 2021, avec son plan Fly Net Zero. Il est prévu que l’atteinte d’un tel objectif se fasse grâce au déploiement massif des SAF (sustainable aviation fuels, autrement dit, des carburants d’aviation durables) à hauteur de 65 %, grâce aux nouvelles technologies à hauteur de 13 %, par l’amélioration des opérations à hauteur de 3 % et par des mécanismes de compensation carbone à hauteur de 19 %. L’ATAG (Air Transport Action Group), qui regroupe les industriels du secteur aéronautique au niveau mondial, s’est aligné sur les objectifs fixés par l’IATA ;

– au niveau européen, l’étude Destination 2050 ([37]), commandée par les acteurs du secteur aérien, donne également des objectifs pour atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050 pour les vols au départ et au sein de l’Europe. La décarbonation serait permise grâce aux SAF pour 46 %, aux nouvelles technologies pour 38 %, à des mesures économiques de type compensation des émissions pour 10 % et à l’amélioration des opérations pour 6 %.

Leviers de décarbonation du transport aérien à horizon 2050 en Europe

Source : rapport Destination 2050

– au niveau national, voici pour rappel la vision donnée dans le plan de soutien à l’aéronautique du Gouvernement de juin 2020 sur la décarbonation de la filière :

Source : dossier de presse du plan de soutien à l’aéronautique (mai 2020)

Il conviendrait de pouvoir harmoniser, au niveau mondial et lors de la prochaine assemblée de l’OACI, les objectifs de décarbonation pris à ces différents échelons.

Proposition n° 8 : harmoniser, lors de l’assemblée 2022 de l’OACI, les objectifs et leviers de décarbonation du secteur aérien, afin de disposer d’une feuille de route et d’objectifs communs

Par ailleurs, le collectif « Supaéro Décarbo » et le Shift Project ont publié en mars 2021 un rapport intitulé « Pouvoir voler en 2050 : quelle aviation dans un monde contraint ? » ([38]). Ce rapport propose plusieurs solutions pour décarboner le transport aérien en s’intéressant également aux conséquences que cela implique sur l’industrie aéronautique et sur l’emploi. Deux scénarios de décarbonation par la technologie sont établis : Maverick et Iceman, qui partent d’hypothèses d’accélération des progrès technologiques différentes.

I.   À court terme, trois leviers majeurs à soutenir : le renouvellement des flottes, les carburants alternatifs et l’optimisation de la gestion du trafic aérien

A.   Le renouvellement des flottes doit être soutenu

Le premier levier de décarbonation est le renouvellement des flottes. D’une part, l’industrie aéronautique doit poursuivre ses efforts pour produire des avions plus propres. D’autre part, les compagnies aériennes doivent pouvoir s’équiper rapidement de tels aéronefs, avec le nécessaire soutien des pouvoirs publics.

1.   Les aéronefs bénéficient de progrès technologiques constants qui améliorent leurs performances environnementales

a.   Les gains de performance environnementale des dernières générations d’aéronefs mises sur le marché

Les constructeurs aéronautiques ont bâti de nouvelles générations d’avions qui permettent des progrès significatifs, tant en matière de réduction de la consommation de carburant et d’émissions que de réduction d’empreinte sonore. Le graphique ci-dessous illustre les progrès déjà accomplis en termes d’utilisation de kérosène avec les nouveaux modèles d’avion entre 1955 et 2015.

Améliorations de l’efficacité énergétique des aéronefs entre 1995 et 2015

Actuellement, il est estimé que les gains de carburant et d’émissions de CO2 d’une génération d’avions à l’autre sont de 15 % à 25 %. Dans le long terme, avec certaines ruptures technologiques (hydrogène notamment), les constructeurs espèrent proposer des avions avec des gains d’efficacité encore plus élevés, autour de 25 % à 30 %.

Le tableau ci-dessous donne, pour les principaux appareils Airbus sur le marché, les améliorations permises par les derniers appareils par rapport à la génération précédente. À noter qu’Airbus fournit un effort d’investissement majeur dans sa R&D, avec 3,4 Md€ investis en 2020.

Gains d’efficacité énergétique des nouvelles gammes d’Airbus

Modèle

Type et capacité

Gains permis

A350 et A330neo

Long-courrier
Fuselage large. Entre 300 et 450 places environ pour l’A350 ; 250-300 pour l’A330

- 25 % de consommation de carburant

A320neo

Moyen-courrier
Monocouloir, 150 sièges

- 20 % de consommation de carburant

A220

Moyen-courrier
Monocouloir, 100-160 sièges

- 25 % d’émissions de CO2 par siège par rapport à la génération précédente
- 50 % d’émissions de NOx par rapport aux normes

Les avions monocouloir bénéficient d’un fort potentiel. La demande est importante compte tenu notamment des incertitudes pesant sur la reprise du trafic aérien international. Boeing estime ainsi que les monocouloirs représenteront 75 % des livraisons effectuées au cours des vingt prochaines années.

L’A321 XLR, dont les premières livraisons interviendront en 2023, dispose d’un potentiel très intéressant, avec un rayon d’action long‑courrier (8 700 km, vols de 10 heures) capable de concurrencer des appareils plus encombrants. Les économies de carburant par siège seraient de l’ordre de 30 %. L’A320 est également un enjeu majeur pour la France, le plan de soutien à l’aéronautique visant entre autres mesures à préparer son successeur. Celui‑ci devra permettre des gains de consommation de carburant de l’ordre de 30 % et une compatibilité à 100 % des moteurs avec des carburants durables, avec une mise en service envisagée entre 2033 et 2035.

b.   Sur la motorisation

i.   Turboréacteurs

Tout comme les modèles d’aéronefs, la motorisation des avions connaît des améliorations de performance continues. La France dispose sur son sol de l’un des fleurons internationaux en la matière : le motoriste Safran. Les motoristes mobilisent pleinement leurs efforts de recherche pour décarboner l’aviation : Safran a ainsi investi 1,21 Md€ de R&D en France en 2020 et 75 % de sa R&T (recherche et technologie) est tournée vers la décarbonation.

Le dernier moteur de Safran mis en service est le moteur « Leap ». Il est entré en service en 2016 et son développement a été assuré par Safran Aircraft Engines et GE, au sein de leur société commune CFM International. Selon Safran, ce moteur permet des économies de 15 % de consommation de carburant et d’émissions de GES par rapport à la précédente génération de moteurs. Il permet également de réduire de moitié les émissions de NOx, par rapport à la norme environnementale OACI CAEP/6. Début mai 2021, le moteur LEAP équipait environ 1 400 appareils, répartis entre 136 opérateurs, et avait totalisé 10 millions d’heures de vol.

Safran travaille actuellement sur une nouvelle technologie de rupture : la technologie open rotor. Ce nouveau moteur est développé dans le cadre du programme « RISE », lancé en juin 2021 au sein de CFM International. C’est un moteur à l’architecture non carénée. Il doit permettre des économies de carburant en augmentant le taux de dilution du moteur, facteur essentiel de performance d’un moteur. Safran indique que « l’hybridation électrique fait également partie des pistes étudiées pour optimiser l’efficacité propulsive, tout en permettant l’électrification de nombreux systèmes avion ».

Moteur RISE non caréné développé par General electric et Safran

Source : Safran

Le moteur RISE, qualifié de moteur « agnostique », pourrait fonctionner aux carburants durables ou à l’hydrogène. Son entrée en service est estimée à 2035. Il doit permettre une réduction de 20 % de la consommation de carburant par rapport à la génération de moteurs actuelle. En l’utilisant avec 100 % de carburants alternatifs, il est attendu une réduction de 80 % des émissions de GES. En revanche, le moteur RISE, de par son architecture particulière, peut nécessiter des adaptations de la structure de l’aéronef.

ii.   Turbopropulseurs

Les turbopropulseurs disposent d’atouts particulièrement intéressants d’un point de vue environnemental. ATR, spécialiste du marché, explique que « les avions à turbopropulseurs utilisent les mêmes technologies que les avions à réacteurs mais leurs hélices externes permettent de consommer moins de carburant et ont un rendement significativement supérieur dans les phases de montée et de descente ». Leur utilisation est cependant plutôt réservée à une aviation régionale ou aux vols moyen-courrier, compte tenu de leur vitesse de croisière moins élevée que les turboréacteurs.

D’après ATR, les turbopropulseurs permettent une réduction de près de 40 % des émissions de CO2 par siège par rapport à un turboréacteur. Les émissions de NOx seraient divisées par trois, par rapport à un A320neo, à proximité de l’aéroport. Les turbopropulseurs généreraient également moins de traînées de condensation : les performances en termes d’effets non-CO2 de ce type de moteurs sont donc intéressantes. Le constructeur fait observer qu’« à l’échelle seule de l’Europe, le remplacement des jets régionaux par des turbopropulseurs sur les routes dont la distance de vol est inférieure à 1 000 km permettrait d’éviter près de 1,4 Mt d’émissions de CO2 chaque année, soit une diminution des émissions de 17 % ».

ATR a par ailleurs annoncé en novembre 2021 que ses avions ATR 72 et ATR 42 seraient désormais équipés du moteur PW127XT de Pratt & Whitney Canada, qui permet d’améliorer le rendement du carburant de 3 % et une réduction des coûts de maintenance de l’ordre de 20 %. Enfin, dans le cadre d’un projet de recherche du CORAC, ATR travaille sur un nouveau moteur qui devrait permettre des économies de carburant de l’ordre de 20 %, avec une possibilité d’hybridation à l’hydrogène.

c.   Sur les aérostructures

Pour la conception des aérostructures (ailes, nacelles, fuselage), l’une des innovations majeures consiste au recours croissant aux matériaux composites. Un matériau composite est formé de plusieurs composants élémentaires, dont l’association confère à l’ensemble des propriétés qu’aucun des composants pris séparément ne possède. Ces matériaux permettent de réduire le poids des structures et d’améliorer leur résistance. Ils peuvent d’ailleurs être utilisés dans d’autres parties de l’avion, notamment dans les moteurs (fibres de carbone pour les aubes de turbine, matrice céramique, etc.). Le Boeing 787 Dreamliner, produit depuis 2009, fut le premier avion commercial fabriqué avec une proportion significative de matériaux composites.

Aujourd’hui largement répandus, les matériaux composites constituent une source constante d’amélioration des performances des aéronefs. L’avionneur et équipementier Daher travaille par exemple avec des thermoplastiques, qui permettent tout à la fois d’alléger le poids de l’avion, de disposer de meilleures cadences de production et d’une meilleure recyclabilité.

Par ailleurs, sur chaque partie de l’avion, des améliorations significatives peuvent permettre d’en diminuer le poids et, par conséquent, sa consommation en carburant et son impact environnemental. Air France souligne dans son plan « Horizon 2030 » qu’1 kg de moins dans tous les avions de sa flotte représenterait une économie de 69 tonnes de CO2 chaque année.

Au niveau des ailes par exemple, les winglets, sortes d’ailettes situées à l’extrémité des ailes d’un avion, permettent de réduire les traînées. Certaines entreprises sous-traitantes spécialisées sur une partie du fuselage apportent des améliorations à leur échelle : c’est le cas de l’équipementier toulousain Latécoère, leader mondial des fabricants indépendants de portes d’avion. Un travail constant est opéré sur la réduction du poids de celles‑ci. Latécoère coordonne le projet ELCOCOS de porte composite, utilisant les technologies d’infusion de résine liquide (LRI), dans le cadre du programme Clean Sky 2. Cela doit permettre une réduction du poids structurel de la porte d’environ 20 %.

d.   Sur l’aménagement de la cabine de l’avion

Comme dans le cas des aérostructures, certaines parties internes à l’avion peuvent encore être allégées. Safran Seats travaille sur des sièges plus légers et compacts, pesant environ 9 kg, contre 13 à 15 kg pour un siège en moyenne aujourd’hui. Les sièges peuvent être renouvelés indépendamment de l’aéronef, ce qui permet un rythme de renouvellement plus rapide et donc une possibilité d’action de très court terme pour améliorer le bilan environnemental d’un avion, grâce au retrofit des cabines. Latécoère travaille sur le passage du cuivre vers l’optique pour le transport des données à bord, permettant ainsi des débits de meilleure qualité et un allègement du poids de l’équipement. Selon l’équipementier, « un monocouloir de capacité classique compte environ 200 km de câbles en cuivre installés derrière l’habillage de la cabine, pour une masse totale approximative de 800 kg, soit entre 1 et 3 % de la masse de l’appareil ».

La densification des cabines doit aussi être considérée. Le but est de transporter davantage de passagers dans un même avion et donc de diminuer l’empreinte CO2 du vol par passager. Cela peut se traduire par la réduction de l’encombrement des sièges mais aussi par le développement de cabines convertibles. Les classes Affaires, où les sièges sont plus espacés, peuvent ainsi être remises en question – mais cela pose d’autres problèmes de viabilité des modèles financiers des compagnies aériennes concernées.

Une solution intermédiaire à la suppression de la classe Affaires est la conversion temporaire d’un avion en tout économique, alors qu’il dispose habituellement d’une classe Affaires (systèmes dits « quick change »). Cela permet par exemple à Air France de réduire le nombre de sièges business en période estivale. La conversion entre des capacités cargo et passager est un autre développement utile afin d’optimiser les usages des aéronefs. ATR s’est emparé de cette solution avec son option Cargo Flex, qui permet d’augmenter les capacités de fret d’un avion passager en supprimant 4 à 7 rangées de sièges et en les remplaçant par des containers modulaires.

Vos rapporteurs considèrent que ces solutions de conversion des cabines doivent être encouragées : elles permettent de la flexibilité dans l’aménagement de la cabine en fonction de la demande et un meilleur taux de remplissage des avions.

Proposition n° 9 : lors de la conception des avions, intégrer autant que possible des technologies de type quick change permettant d’optimiser l’utilisation de la cabine en fonction de la demande

e.   Sur l’avionique

L’avionique concerne l’ensemble des systèmes électroniques, électriques et informatiques qui aident au pilotage des aéronefs. Les systèmes avioniques sont aussi l’objet de nombreuses innovations. Celles-ci visent principalement à améliorer les performances de l’avion, le confort du pilotage et la sécurité des vols. Les commandes de vol, les supports de radio-télécommunication aéronautique ou les systèmes de gestion de vol et de navigation sont des exemples d’instruments avioniques traditionnels.

Dans ce domaine, vos rapporteurs soulignent que la France peut, une fois de plus, s’enorgueillir d’être sur le devant de la scène aéronautique internationale, grâce au groupe Thales, qui se situe en tête de peloton dans le développement des technologies de pointe du secteur.

Par ailleurs, la numérisation des systèmes avioniques, qui a permis un gain de masse considérable sur les aéronefs, a été nettement portée par Airbus et s’est opérée dans les années 1990. Cela a permis des gains de masse significatifs sur l’avion. À la même époque, la substitution progressive des écrans cathodiques par des écrans à cristaux liquides a constitué une étape importante. Aujourd’hui, c’est l’arrivée des tablettes dans les cockpits qui permet des améliorations des performances environnementales de l’avion. En se substituant à la documentation papier, elles permettent un nouvel allègement du poids de celui-ci. Surtout, elles offrent de nouvelles potentialités pour affiner les stratégies de consommation de carburant en vol.

À l’heure actuelle, de nouvelles technologies de rupture se développent. Parmi les principales innovations de rupture en matière de systèmes avioniques peuvent être citées :

– la nouvelle suite avionique FlytX de Thales : mise sur le marché en 2019, FlytX digitalise complètement les cockpits. Grâce à des tableaux de bord modernes composés d’écrans tactiles de grande taille, ces interfaces optimisent l’attention et la charge de travail des pilotes en ne présentant que les informations pertinentes. Elles permettent une réduction de 30 % à 40 % en termes de volume, de masse et de consommation électrique en comparaison avec les systèmes précédents. Ces gains sont permis par l’avionique modulaire intégrée (AMI) et par la virtualisation des commandes, passant du bouton au tactile. Cette suite avionique de pointe est notamment le fruit de la collaboration que Thales avait entamée avec Airbus en 2008 sur la suite de l’A350 XWB ;

L’avionique modulaire intégrée (AMI)

Le principe d’architecture modulaire consiste à regrouper les différentes applications avioniques sur des composants standards interopérables afin de ne plus s’encombrer d’équipements spécifiques à chaque système (les équipements dits « propriétaires »). Ceci permet de répondre à l’inflation de calculateurs embarqués. Par exemple, grâce à l’AMI, FlytX permet de réunir des applications telles que le Flight Management System (FMS) ou le Radio Management System (RMS), deux applications avioniques différentes, sur un même composant (ou un même hardware). Cela permet une meilleure utilisation des ressources, et donc une meilleure optimisation de la masse.

– PureFlyt est le dernier système de gestion de vol développé par Thales. Il sera disponible en 2024. Le système calcule une trajectoire complète, du décollage à l’atterrissage, optimisant la consommation de l’avion et la réduction des nuisances sonores. Il est fondé sur des algorithmes prenant en compte les informations disponibles en temps réel grâce à une connexion au monde ouvert (données météorologiques…). L’optimisation s’applique à la phase de croisière (niveau de vol, vitesse) ainsi qu’à la descente. Ce système permet aux pilotes de bénéficier d’un temps de réponse cinq à dix fois plus rapide sur les ordres qu’ils donnent à l’appareil, améliorant tout à la fois la sécurité et les performances environnementales de l’avion. Les économies d’émission de CO2 permises par PureFlyt sont d’environ 3 % à 4 % par rapport aux technologies antérieures.

2.   Les compagnies aériennes doivent renouveler leurs flottes au profit des aéronefs disposant des meilleures performances environnementales

Afin de permettre une décarbonation du transport aérien à court terme grâce aux innovations déjà développées par l’industrie aéronautique, il faut que les compagnies aériennes puissent s’équiper rapidement des aéronefs disposant des dernières technologies. Les compagnies aériennes font aussi office de débouchés garantis pour les constructeurs, sécurisant ainsi les stratégies d’investissement de ces derniers.

a.   Des efforts déjà en cours par les compagnies aériennes

Les compagnies aériennes ont tout intérêt à s’équiper d’appareils plus performants, une flotte plus propre étant synonyme d’une consommation de kérosène moindre et donc d’une réduction d’une partie significative des coûts d’exploitation de l’aéronef. Selon le projet de règlement ReFuelEU Aviation, le carburant d’aviation représente jusqu’à 25 % des coûts d’exploitation d’un aéronef.

Certaines compagnies ont déjà pris des engagements importants pour la décarbonation de leurs flottes. Air France, qui s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 sur le réseau domestique à hauteur de 50 % horizon 2024, souhaite réduire de 50 % les émissions de CO2 par passager kilomètre en 2030, par rapport à leur niveau de 2005. Au global, Air France investit près d’1 Md€ par an dans le renouvellement de sa flotte. La compagnie a récemment passé des appels d’offres ambitieux dans le cadre de ce renouvellement, parmi lesquels la commandes de 10 Airbus A350 ou encore la commande de 60 Airbus A220-300, dont le premier a été livré en septembre 2021. En décembre 2021, Air France a de nouveau annoncé une commande ferme de 100 monocouloirs de la famille A320neo et de 4 versions cargo de l’A350.

Plus généralement, les compagnies aériennes s’engagent toutes vers des flottes plus propres. Par exemple :

– Air Caraïbes a renouvelé sa flotte à 80 % afin de disposer d’appareils consommant 25 % de carburant en moins, en utilisant notamment des A350 900‑1000 pour ses vols long-courrier ;

– Air Corsica exploite l’A320neo et dispose de deux échéances prochaines pour le renouvellement de sa flotte : 5 ATR 72-500 seront renouvelés à l’hiver 2022‑2023 et les deux A320 les plus anciens de la flotte seront renouvelés à l’hiver 2023‑2024.

Le secteur aéronautique doit davantage communiquer
sur ses efforts de décarbonation

L’ensemble du secteur aéronautique français est mobilisé pour réduire les émissions de GES causées par le transport aérien. Vos rapporteurs ne peuvent qu’inciter les compagnies aériennes vertueuses à communiquer davantage sur de tels efforts, souvent peu connus du grand public.

Les compagnies aériennes renouvellent leurs flottes et prennent des engagements sur la réduction de leurs émissions. Par exemple, Air France‑KLM a réduit ses émissions de CO2 de 7 % en valeur absolue entre 2005 et 2018, alors que le nombre de passagers a augmenté de 20 % dans le même temps ([39]). La DGAC souligne que « les progrès technologiques et opérationnels ont permis au cours des 30 dernières années une division par deux de la consommation de kérosène et donc des émissions de CO2 par passager kilomètre ».

Le secteur a cependant commencé à mener des actions de communication en la matière, en particulier par l’intermédiaire du GIFAS. Un document « Stop aux idées reçues sur le transport aérien » a été édité fin 2019 et un plan de communication sur l’environnement a été lancé au second semestre 2020, pour donner davantage de visibilité au sujet dans les médias et sur les réseaux sociaux. Cependant ces efforts sont trop timides : cette communication doit être beaucoup plus soutenue et étayée par des données objectives.

Proposition n° 10 : mettre en place des actions de communication plus ambitieuses au niveau des têtes de filière pour porter à la connaissance du grand public les efforts continus du secteur aéronautique pour décarboner l’aviation

b.   Il faut soutenir financièrement le renouvellement des flottes des compagnies aériennes

Les compagnies aériennes ne sont aujourd’hui pas suffisamment aidées dans leurs efforts d’investissement pour le renouvellement de leurs flottes et doivent en supporter seules le coût financier, sans incitation autre que celle de la diminution de leurs postes de dépenses liés à la consommation de carburant.

Il faut accélérer ce renouvellement par des mécanismes d’incitation fiscale ou de soutien financier publics. En effet, la stratégie nationale du transport aérien (SNTA) de 2019 indiquait qu’une compagnie renouvelle ses avions en moyenne tous les 18 ans, alors même qu’il convient d’accélérer la transition vers une aviation plus propre.

Concernant le choix du mécanisme de soutien, plusieurs hypothèses sont envisagées. Certains plaident pour l’instauration d’un mécanisme de « prime à la casse », à l’instar de ce qui existe dans le secteur automobile. D’autres lui préfèrent un mécanisme de suramortissement fiscal pour le renouvellement des flottes, dès lors que le nouvel appareil acquis permet des réductions significatives d’émissions de CO2. Cela serait naturellement adossé à un système de certification des performances environnementales de l’avion. Un tel mécanisme de suramortissement avait été adopté par le Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2021 ([40]), puis supprimé en nouvelle lecture. Vos rapporteurs ont également déposé des amendements en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022 en première lecture à l’Assemblée nationale ([41]), en proposant un droit à suramortissement lorsque le nouvel aéronef permet de diminuer de 15 % les émissions de CO2 par rapport à l’avion remplacé. Ces amendements n’ont pas été adoptés.

Les pays scandinaves sont particulièrement en pointe sur le sujet. L’ATR 72-600 utilisé par la compagnie régionale suédoise Braathern Airlines a été acquis grâce à un « financement vert », adossé à une certification par une agence indépendante de notation environnementale (Vigeo Eiris), qui a indiqué qu’un tel remplacement d’aéronef « respectait les principes des crédits et obligations verts établis par la Loan Market Association en 2018 ».

Proposition n° 11 : mettre en place un mécanisme d’incitation fiscale au renouvellement des flottes pour les compagnies aériennes, qui pourrait prendre la forme d’un mécanisme de suramortissement. L’éligibilité à un tel dispositif serait conditionnée à des réductions significatives des émissions de CO2 grâce au nouvel aéronef acquis et à un mécanisme de certification des performances environnementales de l’avion par un organisme indépendant

Par ailleurs, lorsque vos rapporteurs ont auditionné des compagnies aériennes régionales, une carence particulièrement regrettable est apparue : il n’existe pas de critères environnementaux dans les appels d’offres pour les délégations de service public (DSP) auxquelles sont soumises certaines dessertes aériennes françaises, en métropole, vers les outre-mer ou internes aux outre-mer. Schématiquement, les lignes soumises à DSP ont pour objectif d’assurer le bon fonctionnement de la liaison aérienne grâce à l’attribution de celle‑ci en exclusivité à une compagnie aérienne. Une compensation financière peut être versée à la compagnie opérant la DSP, ces liaisons étant souvent déficitaires. Par exemple, les liaisons Paris-Rodez ou Limoges-Lyon sont soumises à DSP.

L’instauration d’un critère environnemental pour les DSP permettrait d’inciter les compagnies aériennes candidates à disposer de flottes plus propres. Une telle recommandation a récemment été formulée dans un rapport sénatorial sur la contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires ([42]) et vos rapporteurs y souscrivent pleinement. Cela pourrait permettre, par exemple, de favoriser les turbopropulseurs plutôt que des turboréacteurs, sur les trajets courts.

Proposition n° 12 : intégrer des critères environnementaux dans les DSP pour favoriser l’utilisation des aéronefs les plus décarbonés possibles par les compagnies aériennes sur ces liaisons (recommandation déjà formulée dans le rapport sénatorial de Mme Josiane Costes sur la contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires)

3.   Le recyclage des avions est un point essentiel du cycle de vie des aéronefs et il doit être développé

Si l’on accélère le renouvellement des flottes, cela signifie davantage d’avions mis hors de service. Or une analyse en cycle de vie est nécessaire pour disposer d’un bilan environnemental le plus satisfaisant possible. Dès 2019, la Stratégie nationale pour le transport aérien soulignait l’intérêt du recyclage des aéronefs, « tant pour ses effets environnementaux qu’économiques au regard du gisement d’emplois possibles dans cette filière ». Selon l’entreprise Tarmac Aerosave, spécialiste du recyclage des avions, un avion peut être recyclé jusqu’à 90 % en moyenne, le taux de recyclabilité dépendant de l’âge de l’aéronef et de la demande de pièces d’occasion sur le marché.

Tarmac Aerosave souligne que les principales matières qui ne peuvent pas être recyclées aujourd’hui sont certains matériaux composites (carbone, fibre de verre), le plastique et les textiles. Il reste notamment une marge de progression quant à la recyclabilité des matériaux composites : les filières sont distantes des sites de production et certains types de matériaux ne sont aujourd’hui pas recyclés par une filière industrielle, notamment les fibres de carbone longues. Le plastique constitue un gisement très hétérogène, avec de nombreux types de plastiques différents mais présents en faible quantité. Enfin, le recyclage des textiles est contraint à la fois par un gisement trop faible et des sites de production distants des filières de recyclage. En outre, Boeing souligne que la technologie disponible ne permet pas d’extraire certaines parties de l’avion, notamment celles avec des retardateurs de flamme.

Toutefois, on peut espérer des progrès en matière de recyclage dans les années à venir. Il existe des projets au sein du CORAC, notamment pour améliorer la recyclabilité des composites thermoplastiques. Le but est de pouvoir réutiliser les chutes de thermoplastique lors de la fabrication directement au sein de l’usine, sur des pièces d’avion. L’entreprise Daher, leader sur ce projet, indique que certains pédaliers de ses avions de tourisme TBM sont construits avec des thermoplastiques recyclables.

Il existe déjà des circuits de recyclage des avions, même si les opérateurs sont peu nombreux. L’entreprise Tarmac Aerosave effectue cette activité à hauteur de 15 % de son CA, le reste de son activité étant composée à parts égales de ses activités de stockage et de ses activités de maintenance. Au niveau mondial, l’Aircraft Fleet Recycling Association fédère les entreprises qui effectuent des opérations de démantèlement et de recyclage des avions.

La réglementation sur le recyclage des aéronefs est peu développée. Il n’existe pas d’incitations, pour l’industrie aéronautique, à utiliser des pièces détachées ou des matériaux issus du recyclage. Pourtant, les pièces détachées représentent un gisement particulièrement intéressant, pour la construction et pour la maintenance des avions. La sécurité des aéronefs doit évidemment rester prioritaire. Mais il serait intéressant de réfléchir à une réglementation incitative pour développer l’utilisation de pièces détachées et de matériaux issus de filières de recyclage des aéronefs.

Proposition n° 13 : réfléchir à un mécanisme incitant au recyclage des aéronefs, d’une part, et à l’utilisation de produits issus du démantèlement des avions par les entreprises de l’industrie d’autre part

B.   L’utilisation des carburants d’aviation durableS nécessite d’accélérer la structuration de l’offre

Le développement des carburants d’aviation durables (CAD), aussi appelés sustainable aviation fuels (SAF), est le principal vecteur de décarbonation à court terme du secteur aérien. Le projet de règlement ReFuelEU Aviation souligne que c’est « la seule solution pour une décarbonation significative de toutes les distances de vol, dès le court terme ». En particulier, les SAF ont un rôle majeur à jouer pour réduire les émissions de CO2 sur les vols long‑courrier, pour lesquels il ne sera probablement pas possible d’utiliser des avions à hydrogène ou électriques sur la totalité du vol.

Le projet de règlement ReFuelEU Aviation définit les SAF comme des « carburants liquides de substitution entièrement fongibles avec le carburant d’aviation conventionnel et compatibles avec les moteurs d’aéronefs existants ». C’est une technologie drop-in, directement utilisable dans les moteurs actuels et sans changement des procédures d’avitaillement. Ces carburants ont en effet des propriétés similaires au kérosène et peuvent être mélangés avec celui‑ci sans contrainte particulière. Il reste cependant de nombreux obstacles avant une utilisation optimale des SAF, liés à leur disponibilité, au manque de structuration de la filière industrielle et à leur coût.

1.   Les différentes technologies de production de SAF (carburants d’aviation durables)

Il existe plusieurs types de carburants aéronautiques durables. On peut les séparer en deux grandes catégories, qui présentent des degrés de maturité différents : les biocarburants d’une part et les carburants synthétiques d’autre part, ces derniers étant encore en cours de développement.

Les SAF doivent faire l’objet d’une certification ASTM ([43])  pour pouvoir être utilisés dans les aéronefs. À ce jour, 7 modes de fabrication sont certifiés, avec des taux d’incorporation maximaux qui diffèrent en fonction de la technologie utilisée. Ils sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.

 

Annexe de la norme D7566

Type de technologie

Taux d’incorporation max [%vol]

A1

FT SPK, Fischer-Tropsch Synthetized Paraffinc Kerosine

50

A2

HEFA SPK, Hydroprocessed esters and fatty acids

50

A3

SIP, synthetized iso-paraffins

10

A4

SPK/A, Synthetized Paraffinc Kerosine plus Aromatics

50

A5

ATJ, Alcohol-to-Jet

50

A6

CHJ, Catalytic Hydrothermolysis Jet

50

A7

HC-HEFA SPK

10

Source : IFPEN

a.   Les SAF produits à partir de biomasse

Les ressources de la biomasse utilisables pour produire des SAF sont définies par la directive dite « RED II » ([44]) sur les énergies renouvelables et plus particulièrement aux A (biomasse lignocellulosique ou algale) et B (huiles de cuisson usagées et graisses animales, sous certaines conditions) de son annexe IX. Le projet de règlement ReFuelEU Aviation exclut les biocarburants produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale et qui pourraient conduire à un changement indirect dans l’affectation des sols. Certains acteurs du secteur plaident pour des gisements élargis, en particulier pour utiliser les huiles issues d’intercultures ou de terres dégradées ou en élargissant les déchets municipaux et des particuliers éligibles. Il est fondamental de porter une attention particulière au bilan environnemental en analyse de cycle de vie pour décider de toute nouvelle utilisation de biomasse.

Le procédé « HEFA » (hydroprocessed esters and fatty acids) permet de transformer les huiles usagées et graisses animales en carburant par hydrotraitement. C’est la technologie « la plus mature à court terme » pour produire des SAF selon le projet de règlement précité. Certains producteurs, tels que Neste ou TotalEnergies, l’utilisent déjà. TotalEnergies dispose en France d’un site de production HEFA à La Mède (capacité de 5 kt par an environ), complété par l’usine d’Oudalle en Normandie (en coprocessing, capacité de 7 kt par an environ à compter de 2022). Une nouvelle usine doit ouvrir à Grandpuits avec un démarrage de la production prévu fin 2024, permettant de fabriquer 170 kt de biocarburants aériens durables. Mais c’est aussi la ressource qui risque d’être le plus rapidement limitée en raison d’un gisement peu extensible de matière.

Le traitement des matières mentionnées à l’annexe IX A à la directive RED II (biomasse lignocellulosique ou algale, certains déchets, etc.) est moins avancé, mais plus intéressant sur le long terme et en raisonnant par analyse du cycle de vie. Par exemple, les plantes desquelles sont issues une partie de ces ressources captent du CO2 durant leur croissance. Plusieurs procédés techniques peuvent alors être utilisés pour produire du SAF et notamment :

– la synthèse Fischer-Tropsch. IFPEN travaille sur ce procédé grâce à sa technologie « BioTfueL », par le biais d’un démonstrateur situé à Dunkerque, qui transforme des déchets bois en carburant. La technologie BioTfueL pourrait être mise sur le marché dès 2022 ;

– le procédé alcohol-to-jet, qui utilise soit la gazéification, soit la fermentation. IFPEN a également développé une technologie en la matière, baptisée « Futurol » (voie gazéification). Un projet pilote a été construit dès 2008 et la technologie est désormais commercialisée. Elle a été achetée par le pétrolier croate INA en 2020, qui envisage de produire ainsi 55 000 tonnes annuelles de bioéthanol. Le groupe Suez développe également des projets à partir de déchets, par l’intermédiaire des combustibles solides de récupération (CSR) pour la voie gazéification et à partir de papiers cartons pour la voie fermentation. Un démonstrateur est prévu sur cette dernière technique d’ici 2025. Les CSR et papiers cartons ont l’avantage d’être un flux constant, contrairement à la biomasse provenant des résidus agricoles ou forestiers, nécessairement soumise à une certaine saisonnalité ;

– le procédé « SIP » (synthetic iso parraffins), par la fermentation de sucres.

b.   Les carburants de synthèse

À l’inverse des biocarburants, les carburants de synthèse, ou e-fuels, sont des carburants renouvelables qui ne sont pas d’origine biologique. Leur avantage est qu’ils permettraient une production de SAF à grande échelle, non soumise à la disponibilité de la biomasse. Ils présentent aussi un potentiel de décarbonation plus élevé.

Les carburants de synthèse sont produits à partir d’hydrogène « vert » qui, combiné à du CO2, permet la production de SAF grâce un procédé dit Power to liquid (PTL). La production de carburants de synthèse implique donc la disponibilité massive d’hydrogène décarboné. De telles technologies peuvent d’ailleurs opportunément être combinées avec la production de SAF à partir de biomasse, par exemple dans un procédé Fischer-Tropsch. Cela permettrait, selon l’IFPEN, « de produire le double de biocarburants avancés à partir de la même quantité de biomasse ». De plus, les installations industrielles de production de SAF à partir de la biomasse pourraient évoluer progressivement vers la production de carburants de synthèse.

Les mises au point sur de telles technologies sont encore en cours et il convient de maintenir les efforts de recherche en la matière, notamment sur l’efficacité énergétique de tels carburants. Selon l’IFPEN, l’arrivée sur le marché des e-fuels n’est pas envisagée avant 2030 et dépendra du coût et de la disponibilité de l’hydrogène décarboné. À ce stade, ReFuelEU Aviation ne considère pas l’hydrogène décarboné seul comme un SAF, au regret de certains acteurs tels qu’Air Liquide ou France Hydrogène.

c.   Les atouts des carburants aéronautiques durables

De manière générale, on estime que les SAF pourraient réduire les émissions de l’avion de 80 % environ. S’agissant des carburants de synthèse, ReFuelEu Aviation souligne que les carburants de synthèse pourraient permettre de réduire les émissions de 85 % ou plus par rapport au carburant fossile d’aviation, voire jusqu’à 100 %. De plus, les SAF peuvent avoir des effets non-CO2 intéressants, en raison de leur teneur réduite en aromatiques.

Les dernières générations de moteurs sur le marché sont certifiées pour fonctionner avec 50 % de SAF ayant obtenu une certification ASTM. Il faut désormais travailler, sur les nouvelles technologies développées, à une compatibilité 100 % SAF systématique. Le principal obstacle à ce stade est l’absence d’aromatiques, alors que ce sont ces derniers qui assurent l’étanchéité du circuit de carburant. En revanche, les infrastructures d’avitaillement ne nécessiteraient pas d’adaptation particulière. Les tests et les initiatives se multiplient pour développer l’usage des SAF :

– entre 2008 et 2019, plus de 150 000 vols ont utilisé des biofuels, selon l’AIE ;

– en 2018, Boeing a fait voler le premier avion de ligne au monde avec 100 % de SAF, (ecoDemonstrator 777 Cargo opéré par Fedex) ;

– en janvier 2021 a eu lieu le premier vol commercial (Amsterdam‑Madrid), opéré par KLM, utilisant 500 litres de SAF synthétique dérivé de l’hydrogène, soit 5 % du plein, produit par Shell ;

– en mai 2021 a eu lieu le premier vol long-courrier Paris‑Montréal avec du SAF produit en France (projet commun entre Air France-KLM, TotalEnergies, ADP et Airbus). L’incorporation de 16 % de SAF a permis d’éviter l’émission de 20 tonnes de CO2 ;

– fin octobre 2021, un A319neo a fait un vol avec un moteur utilisant 100 % de SAF, dans le cadre du projet VOLCAN ([45]). Les SAF utilisés par ce programme sont fournis par TotalEnergies ;

– ATR, en partenariat avec Neste et Braathern Airlines, prévoit un vol en 2022 avec un moteur fonctionnant avec 100 % de SAF et l’autre avec 50 % de SAF, pour une réduction envisagée de 64 % des émissions de CO2.

Des études sont en cours pour monter jusqu’à une compatibilité de 100 % de SAF au niveau des moteurs. Fin novembre 2021, les premiers résultats de l’étude ECLIF3 ont été dévoilés, dont la publication est attendue pour fin 2022‑2023. Cette étude réunit Airbus, le motoriste britannique Rolls-Royce, le centre de recherche allemand DLR et Neste. Un A350 a déjà fait 3 vols au-dessus de la mer Méditerranée avec 100 % de SAF dans le cadre de cette étude ; « aucun impact opérationnel » n’a été relevé.

Proposition n° 14 : maintenir les efforts de R&D, pour améliorer le rendement des procédés de production de SAF et pour assurer que les moteurs d’avion en cours de développement soient compatibles 100 % SAF

2.   La filière des SAF a encore de nombreux défis à relever pour permettre une décarbonation massive du transport aérien

a.   Une disponibilité insuffisante nécessitant de véritables choix politiques

En 2018, les SAF représentaient seulement 0,1 % des carburants utilisés pour l’aviation, selon l’AIE. Cela s’explique par une disponibilité insuffisante, alors même qu’ils sont une composante majeure des scénarios de décarbonation du transport aérien. L’IATA estime qu’il faut augmenter la production de SAF jusqu’à 449 milliards de litres par an en 2050, alors qu’elle est d’environ 100 millions de litres par an aujourd’hui. À titre d’exemple, le finlandais Neste, l’un des gros producteurs de la filière résidus/déchets, disposait d’une capacité de production 100 000 t de SAF en 2021 et vise une capacité de 1,5 million de tonnes (Mt) en 2023, grâce à l’extension de ses capacités de production à Singapour et à Rotterdam. À titre de comparaison, la France produit environ 7 Mt de kérosène conventionnel par an.

Assurer une disponibilité suffisante de SAF nécessite un soutien politique fort au développement des biocarburants et des carburants de synthèse pour l’ensemble des moyens de transports.

Un premier état des lieux des ressources disponibles en France a d’ailleurs été piloté par Suez, dans le cadre de l’engagement pour la croissance verte (ECV) relatif à la mise en place d’une filière de biocarburants aéronautiques durables en France. Les principaux gisements identifiés pour le développement d’une filière dans l’ECV, leur échéance et leur volume sont résumés dans le tableau suivant.

Principaux gisements de biocarburants identifiés
dans le cadre de l’ECV de 2018 (publication 2020)

Nature

Horizon de disponibilité

Gisement

Huiles et graisses

Court terme

500 000 t/an (300 000 t/an collectées aujourd’hui)

Ressources à dominante lignite

Déchets verts

Court-moyen terme

10 Mt collectées/an

Bois de classe B

5 Mt collectées en 2017 ; 7,5 Mt par an horizon 2025-2030

Refus de crible de compostage

Moins de 100 000 t

Résidus forestiers

5 Mt/an hors produits connexes (14 Mt/an avec)

Ressources à dominante cellulose

Résidus agricoles

Court-moyen terme

14,4 Mt/an ; 2,2 Mt/an mobilisables à court terme, 5,8 Mt/ an à moyen terme

Fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM)

7 Mt en mélange ; évolution difficile à évaluer

Biodéchets

près de 4,8 Mt/an aujourd’hui : 22 Mt/an horizon 2025

Papier/carton

plus de 7 Mt/an, dont 4,5 Mt collectés actuellement

Boues et digestats

1 Mt de matières sèches ; leur évolution dépendra du développement de la méthanisation

Combustibles solides de récupération

Long terme

1 Mt/an actuellement, avec une disponibilité à court terme de 600 000 t ; gisement attendu de 2,5 Mt/an à moyen terme

Plastiques non recyclables mécaniquement

2,4 Mt/an ; 490 000 t/an mobilisables à court terme

Ce premier état des lieux constitue un outil précieux pour le déploiement d’une stratégie ambitieuse en la matière. Par ailleurs, le projet ENERGIA de l’ONERA vise à analyser les filières de production de carburant alternatif pour l’aviation : le rapport devrait être rendu prochainement. Il conviendrait de pouvoir décliner de tels travaux au niveau européen, à l’heure des débats sur le projet de règlement ReFuelEU Aviation. Cela permettrait de s’assurer que les ambitions fixées dans ce texte sont en adéquation avec l’état des ressources disponibles et en développement. Il conviendrait d’inclure dans cette cartographie le potentiel de production de carburant synthétique.

Cette cartographie européenne des capacités est d’autant plus importante que certains pays disposent déjà de moyens de production en forte croissance. Aux États-Unis, un partenariat entre Boeing et SkyNRG a été annoncé en juillet 2021 pour développer la production et l’approvisionnement en SAF sur la côte Ouest du pays. La première unité de production à partir de lignocellulosique devrait bientôt entrer en service (Red Rock biofuels). La société Lanzajet est également très investie sur les sujets SAF et dispose d’un site industriel basé sur le procédé alcoholtojet ouvert en 2021 et qui permettra de produire 38 000 tonnes annuelles de carburant d’aviation dès 2022 ([46]).

Proposition n° 15 : établir une cartographie européenne définissant les volumes de gisement de biomasse disponibles pour la production de SAF, ainsi que les capacités de production de carburant de synthèse. Cette cartographie devra préciser à quelle quantité effective de SAF ces gisements correspondent, en fonction notamment des besoins en alimentation des différents moyens de transport

b.   L’absence de filière industrielle structurée

Le manque de structuration de la filière des SAF pénalise également leur déploiement massif. Alors que la filière SAF présente des perspectives économiques plus qu’intéressantes compte tenu des ambitions affichées par les acteurs de l’aérien, il est paradoxal d’observer un certain attentisme concernant la structuration de la filière et l’affirmation d’un leadership sur cette question. Cela est d’autant plus regrettable que certains investisseurs sont déjà prêts à apporter les fonds nécessaires et que la structuration d’une telle filière participe de la volonté actuelle de redynamiser l’industrie française. La DGAC souligne que « le déploiement industriel de la filière nécessitera un soutien public important sur le temps long ».

Même sur les filières les plus structurées, les capacités de production sont insuffisantes, comme l’analyse Air Liquide : « Les biofuels4 - ATJ, SIP et HEFA ont des niveaux de maturité industrielle élevés (technology readiness level ou TRL 7 à 8), des coûts modérés (rappelons que le prix du marché pour la tonne de kérosène fossile se situe à environ 550 $), mais il faudrait multiplier les capacités de production de biomasse et de carburant entre 10 et 70 fois pour couvrir les besoins de l’aviation ».

Des problèmes opérationnels de distribution se posent par ailleurs : comment acheminer le biocarburant de l’usine vers l’aéroport ? C’est un aspect qui a été traité dans le cadre de l’ECV de 2018, qui étudie la chaîne d’approvisionnement logistique pour les aéroports Paris – Charles-de-Gaulle et Toulouse‑Blagnac. L’utilisation d’un circuit indifférencié de distribution par rapport au kérosène conventionnel est recommandée. Il existe une initiative intéressante de Vinci en ce sens, qui étudie l’implantation d’une usine de production de SAF à partir de déchets de la filière bois à proximité immédiate de l’aéroport Lyon Saint‑Exupéry.

c.   Un coût trop élevé

Les SAF sont encore très chers à la production puis à l’achat, ce qui s’explique logiquement considérant la disponibilité insuffisante des intrants nécessaires à leur fabrication et l’absence de structuration de la filière. Le projet de règlement ReFuelEU Aviation rappelle que les coûts de production des carburants de synthèse « sont actuellement estimés à 3 à 6 fois le prix du marché en cours du carburant d’aviation fossile », ce qui a nécessairement des conséquences sur le prix de vente. Les SAF issus de la biomasse sont 3 à 4 fois plus chers que les carburants conventionnels pour les compagnies aériennes. Le coût de production des biocarburants avancés s’explique pour 50 % par les coûts d’investissement et à 30 % par le coût de la biomasse, selon l’IFPEN.

Source : France Hydrogène

Des coûts de production et d’achat plus élevés peuvent également avoir des conséquences sur le prix du billet d’avion. À titre d’illustration, l’AIE a estimé ce que coûterait une utilisation de SAF à hauteur de 15 % du plein sur un vol entre Londres et plusieurs destinations (données 2019) :

Surcoût dans le prix du billet d’avion lié à l’utilisation de biocarburants
à hauteur de 15 % du plein depuis Londres vers différentes destinations

Source : Agence internationale de l’énergie

Un autre effet indésirable du prix élevé des SAF est la création potentielle de distorsions de concurrence au niveau mondial. Si un pays ou une zone géographique impose l’utilisation d’un certain pourcentage de SAF dans les pleins des avions au départ de ses aéroports, certains exploitants d’aéronefs pourraient contourner la contrainte en faisant leur plein dans d’autres aéroports non soumis à de telles obligations et en faisant du suremport. Le suremport est défini dans le projet de règlement européen ReFuelEU Aviation comme la pratique consistant « à embarquer plus de carburant d’aviation que nécessaire dans un aéroport donné dans le but d’éviter le ravitaillement partiel ou total dans un aéroport de destination où le carburant est plus cher ». Le suremport conduit à un surpoids inutile de l’avion, donc à une consommation de carburant plus élevée que nécessaire et donc à une pollution accrue. Le projet de règlement précité prévoit des dispositions pour contrer de telles pratiques.

Il est donc nécessaire de soutenir les compagnies aériennes dans leur utilisation de SAF, tout en empêchant les stratégies de contournement des obligations imposées. Autrement, ces stratégies de contournement créeront mécaniquement des fuites de carbone et une concurrence déloyale de la part de compagnies moins vertueuses.

3.   Les SAF sont un levier mobilisable à court terme qui nécessite la définition d’objectifs ambitieux, accompagnés d’un fort soutien public

a.   Les dispositifs de soutien en France

En 2020, l’engagement pour la croissance verte (ECV) pour la mise en place d’une filière de biocarburants aéronautiques durables en France a rendu ses travaux ([47]). Cet ECV réunissait l’État et les entreprises du secteur, afin de dresser un état des lieux et d’identifier les différentes solutions à adopter sur le sujet. L’ECV s’est intéressé uniquement aux biocarburants et non aux carburants de synthèse. Il rappelle notamment que « les conditions ne sont aujourd’hui pas réunies pour qu’une filière de biocarburants émerge en comptant uniquement sur les mécanismes de marché ». Des solutions sont donc proposées pour pallier cette difficulté et pour encourager la production de biocarburants à court terme.

Cet ECV a donné lieu à la publication d’une feuille de route française pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables ([48]), traduisant la stratégie du Gouvernement sur ce point. Elle fixe des objectifs d’incorporation de biocarburants : 2 % en 2025, 5 % en 2030 et 50 % en 2050. Ces objectifs d’incorporation sont cohérents avec ceux en cours de fixation au niveau de l’UE, sauf à l’horizon 2050 (63 % dans RefuelEU Aviation). Il aurait pu être intéressant de décliner de tels objectifs pour les carburants de synthèse, en cohérence avec ce qui est fait dans le projet de règlement européen.

L’accent est mis sur la nécessité de disposer d’une diversité de gisements pour la production de SAF. Parmi les moyens de soutien à la production envisagés par la feuille de route, figurent le soutien au démarrage de la production par le biais d’appels à manifestations d’intérêt (AMI) et le suivi des incorporations par un système d’achat et de vente de certificats d’incorporation.

Un premier appel à manifestations d’intérêt a été initié, qui a, selon la direction générale des entreprises (DGE), « permis de montrer que le niveau de maturité des industriels n’est pas encore suffisant pour passer au stade de production de masse des SAF », tant dans les technologies de production employées que dans le modèle d’affaires associé.

À la suite de cet AMI a été lancé un appel à projets pour développer la filière, fin juillet 2021 ([49]). Compte tenu des résultats de l’AMI, il est orienté « vers la maturation des porteurs de projets, en soutenant prioritairement les travaux de démonstrateurs industriels et non directement les installations industrielles ». Il s’inscrit dans le cadre du PIA (plan d’investissements d’avenir) 4, pour un montant total de 200 M€. La clôture finale de l’appel à projets aura lieu fin avril 2022.

Vos rapporteurs constatent que, contrairement à la feuille de route, l’appel à projets intègre les projets de carburants de synthèse, ce qui est un point positif. En revanche, le budget consacré à l’appel à projets leur paraît insuffisamment élevé au regard des besoins. C’est pourquoi ils ont déposé plusieurs amendements au PLF 2022 pour augmenter les crédits budgétaires consacrés au soutien à la production de SAF et à l’industrialisation de la filière. Ont été proposés :

– la création d’un nouveau programme « Soutien à la filière des biocarburants » au sein de la mission Relance, avec 300 M€ en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) ([50]) ;

– un crédit d’impôt pour les compagnies aériennes achetant des biocarburants durables provenant de projets industriels français ([51]).

Ces amendements ont tous été rejetés ; parmi les raisons justifiant ce rejet ont notamment été cités les investissements prévus dans le plan France 2030 en faveur des mobilités vertes. Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs à ce que les SAF fassent l’objet d’un soutien ambitieux dans ce plan de relance.

Par ailleurs, la TIRUERT ([52])  est applicable aux carburants aériens depuis le 1er janvier 2022. Bien qu’il s’agisse d’une mesure ayant vocation à inciter à l’utilisation de SAF, vos rapporteurs lui préfèrent néanmoins des politiques de soutien financier direct qui ne conduisent pas à une taxation des acteurs du secteur, déjà suffisamment ébranlé par la pandémie. D’autres mécanismes de soutien à la filière SAF pourraient être envisagés : suramortissement des unités industrielles, octroi de prêts garantis par l’État pour financer ces usines, etc.

Le plan Biden de soutien aux SAF ([53])

Début septembre 2021, le président des États-Unis d’Amérique Joe Biden a annoncé un plan de soutien aux SAF particulièrement ambitieux, afin de réduire les émissions de l’aviation de 20 % d’ici 2030 et d’aboutir à une neutralité carbone d’ici 2050. Cet objectif doit être accompli par une production nationale de 3 milliards de gallons de SAF par an à horizon 2030 (soit 11 milliards de litres environ). Le but est que la production de SAF puisse totalement satisfaire la demande en carburant à l’horizon 2050. Cette demande est estimée à cet horizon à 35 Md gallons par an. Actuellement, la production annuelle nationale est estimée à 4,6 Md gallons.

Un « Grand challenge SAF » a été lancé pour stimuler la production de SAF, permettant notamment le financement pour des projets à hauteur de 4,3 Md$. Il existe des appels à projets mais également des garanties de prêt par des organismes d’État, pour un montant de 3 Md$. L’effort de R&D en matière de SAF est par ailleurs maintenu. Pour favoriser la demande un crédit d’impôt « SAF » est créé, dont l’octroi est soumis à une réduction minimale de 50 % des émissions de GES sur l’ensemble du cycle de vie.

Il existe aussi des politiques d’incitations locales, comme le LCFS (low carbon fuel standard) en Californie, qui attire de nombreux producteurs de SAF sur la côte ouest des États-Unis.

La DGAC fait toutefois observer que « la réglementation concernant les carburants avancés éligibles pour l’atteinte de l’objectif est plus stricte au niveau européen s’agissant en particulier des matières premières utilisables pour leur production ». Il est pourtant essentiel d’être particulièrement attentif au bilan environnemental global des biocarburants utilisés et de ne pas encourager l’utilisation de biomasse pouvant conduire à une concurrence avec les cultures destinées à l’alimentation.

Proposition n° 16 : plutôt que d’instaurer des mécanismes de taxation, élaborer des appels à projets plus ambitieux et dotés des moyens financiers adéquats pour structurer une filière française de SAF. D’autres moyens de soutien à la filière doivent également être instaurés (crédit d’impôt, par exemple)

b.   ReFuelEU Aviation, un cadre réglementaire européen en cours de construction

La réglementation européenne existante, en particulier la directive « RED II », s’est avérée trop peu efficace pour développer la production de SAF. C’est pourquoi un projet de règlement dédié, baptisé « ReFuelEU Aviation », a été intégré au paquet législatif Fit for 55. Il a fait l’objet d’une consultation publique.

Le choix du règlement a été privilégié sur celui d’une directive afin d’assurer des objectifs d’incorporation parfaitement harmonisés au sein de l’UE. Cela permet de donner des perspectives de développement plus claires pour les porteurs de projets industriels, mais aussi de prévenir toute distorsion de concurrence via les pratiques de suremport. Enfin, la prise de mesures harmonisées à l’échelle du continent européen est un signe d’exemplarité et doit inciter à l’adoption rapide de mesures internationales identiques en la matière au niveau de l’OACI.

Proposition n° 17 : adopter une réglementation OACI sur les mandats d’incorporation de SAF

Les nouvelles obligations du projet de règlement doivent permettre de réduire d’environ 60 % les émissions de CO2, de la production à la combustion du carburant. Pour cela, les capacités de production doivent permettre de produire 25,5 à 25,6 Mt de SAF supplémentaires d’ici 2050, nécessitant la construction de 104 à 106 usines supplémentaires sur le continent. Les SAF produits dans l’UE représenteraient ainsi 92 % du total de SAF utilisé en 2050 dans le cadre de ces nouvelles obligations. Le projet de règlement souligne également que l’accroissement de la production de SAF permettrait la création nette de 202 100 emplois.

ReFuelEU Aviation prévoit à la fois une obligation de mélange pour les fournisseurs de carburant et une obligation d’embarquement pour les exploitants d’aéronefs. Des mandats d’incorporation de SAF sont donc fixés, avec un sous-objectif pour les carburants de synthèse, selon la ventilation suivante :

 

 

2025

2030

2035

2040

2045

2050

Volume de SAF

2 %

5 %

20 %

32 %

38 %

63 %

Part minimale de carburant de synthèse

-

  0,7 %

5 %

8 %

11 %

28 %

Il peut être noté que l’accélération des obligations d’incorporation sera importante entre 2030 et 2035, passant de 5 % à 20 %. Afin de laisser le temps aux acteurs de s’organiser pour atteindre de tels objectifs, une période transitoire entre 2025 et 2029 est prévue avec des obligations plus souples : les fournisseurs pourront compenser les volumes de SAF délivrés entre les différents aéroports qu’ils ont approvisionnés.

L’article 5 du projet de règlement précise que « la quantité annuelle de carburant d’aviation embarquée par un exploitant d’aéronef donné dans un aéroport de l’Union donné représente au moins 90 % de la quantité annuelle de carburant d’aviation requise ».

Les dispositions du projet de règlement devraient permettre de couvrir 95 % du trafic (fret et passagers) au départ de l’UE. Les plus petites infrastructures aéroportuaires sont exclues du dispositif. Des mécanismes de sanction seront applicables en cas de non-respect des obligations d’incorporation.

Un rapport, remis à échéances régulières par les services de la Commission au Parlement européen et au Conseil, permettra d’apprécier l’opportunité de l’extension du champ d’application du règlement à d’autres sources d’énergie et à d’autres types de carburant de synthèse.

Enfin, il est prévu que l’utilisation de SAF puisse être prise en compte dans les systèmes CORSIA et EU-ETS, en ouvrant droit à une modulation des exigences demandées à hauteur du volume de SAF utilisé.

Vos rapporteurs jugent trop timides les mandats d’incorporation fixés dans le projet de règlement à horizon 2030. Dans le cadre des discussions sur celui‑ci, le mandat d’incorporation pourrait être relevé de 5 % à 10 % pour 2030. De nombreux acteurs auditionnés ont d’ailleurs plaidé pour un tel relèvement de cet objectif. Une véritable course de vitesse va s’engager sur la production de SAF avec les États-Unis et les autres pays. Les initiatives se multiplient : au Canada, un conseil dédié a été mis en place, le C-SAF. Mais des initiatives similaires existent également aux Émirats Arabes Unis par exemple (comité dédié), ou au Brésil (Renovabio). Il convient donc de créer un niveau de demande suffisant pour stimuler la production européenne de SAF.

Proposition n° 18 : rehausser les objectifs d’incorporation prévus dans ReFuelEU Aviation, en prévoyant un mandat d’incorporation de SAF de 10 % dès 2030

Pour stimuler une telle production, il est également important de créer des projets communs au niveau européen, afin de disposer d’une capacité de production suffisamment développée. Les alliances industrielles ont vocation à stimuler les partenariats entre les entreprises et à structurer l’intégralité d’une chaîne industrielle. La constitution d’une alliance industrielle pour les SAF apparaîtrait dès lors opportune compte tenu des difficultés de structuration observées.

Proposition n° 19 : soutenir la création d’une alliance industrielle européenne pour les SAF lors de la présidence française de l’Union européenne au 1er semestre 2022

C.   L’optimisation de la gestion du trafic aérien et des opérations au sol : des solutions déjà existantes dont il convient de systématiser l’application

Le rapport Destination 2050 souligne que l’amélioration de la gestion du trafic aérien et des opérations au sol permettrait de réduire de 6 % les émissions de CO2 du secteur aérien européen d’ici 2050. Si certaines évolutions dans la gestion du trafic aérien nécessitent encore des développements, d’autres solutions sont immédiatement déployables, en particulier concernant la décarbonation des opérations au sol.

 

1.   Des solutions pour une gestion du trafic aérien plus respectueuse de l’environnement disponibles à plus ou moins brève échéance

En 2010, l’OACI dans sa résolution A37-11 a souhaité que les États puissent mettre en œuvre un plan PBN (performance based navigation), afin d’améliorer tant l’efficacité environnementale des vols que la régularité du trafic. La France a établi un schéma directeur en ce sens. Plusieurs dispositions réglementaires ont été instaurées au niveau européen concernant la navigation PBN. Dans le même temps, d’autres avancées permettent une meilleure gestion du trafic aérien.

a.   L’amélioration de la disponibilité et de la gestion des données

Le programme 4-Flight, développé par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et par Thales, permet de moderniser les systèmes français de navigation aérienne pour les centres en-route. Le traitement des données de vol est amélioré et permet une meilleure optimisation de l’espace aérien. Les progrès permis par ce système en termes de sécurisation des vols et de baisse des émissions carbone font de lui l’un des piliers de l’évolution actuelle de la gestion du trafic aérien. L’outil 4-Flight appelle à une évolution des méthodes de travail des contrôleurs, auxquels ces derniers doivent être continuellement formés.

D’autre part, le projet Albatross a pour objectif de conduire une série de vols tests dont l’ensemble de la trajectoire est optimisé, du décollage à l’atterrissage, grâce aux dernières innovations techniques et opérationnelles disponibles. Il est coordonné par Airbus dans le cadre du programme SESAR (Single European Sky ATM Research). Airbus décrit Albatross comme un projet « holistique », car il intègre toutes les parties prenantes et concerne toutes les phases du vol.

Le but est de pouvoir démontrer la faisabilité à court terme de vols disposant d’une empreinte environnementale réduite. Cela passe notamment par une mise à jour améliorée du plan de vol grâce aux dernières technologies avioniques, une définition de la trajectoire en 4 dimensions (3 dimensions et temps) et une précision accrue de l’heure d’arrivée estimée. Les pilotes et le contrôle aérien disposent ainsi de données améliorées, permettant une prise de décision optimale. Le projet Albatross prévoit plus de 1 000 vols de démonstration sur les années 2021 et 2022.

b.   L’éco-pilotage doit être facilité et valorisé

La mise en place progressive du « Free Route Airspace » va permettre aux avions d’emprunter des routes plus directes. Ces derniers doivent normalement suivre des routes prédéfinies. Les « itinéraires libres », qui s’inscrivent dans le cadre du projet européen SESAR, permettent aux pilotes de choisir la trajectoire la plus optimale sans subir la contrainte d’une route préexistante, tout en conservant à ce stade des points d’entrée, intermédiaires et de sortie. Cela permet de réduire le temps de vol et donc d’améliorer les performances environnementales. Les contrôleurs aériens surveillent bien évidemment de près ces zones, afin d’assurer un haut niveau de sécurité.

Depuis le 2 décembre 2021, 50 % de l’espace aérien français à une altitude supérieure à 6 000 mètres est converti en route libre, sur la partie ouest du territoire. Ces espaces sont gérés par les centres de contrôle de Bordeaux, Brest et Paris. Au niveau européen, l’objectif fixé par la réglementation est un déploiement du Free Route sur l’ensemble du continent à horizon 2025.

Plus généralement, les dernières technologies avioniques précédemment présentées et l’amélioration de la disponibilité et de l’utilisation des données permettent aux pilotes une meilleure optimisation des performances de l’avion en termes de consommation de carburant. Les pilotes peuvent se familiariser aux pratiques d’éco-pilotage au travers de leurs obligations de formation continue (5 à 6 jours de formation continue par an, dont 4 sur simulateur selon le Syndicat national des pilotes de ligne). Ils sont par ailleurs fortement sensibilisés sur le sujet de l’éco-pilotage avec l’apparition des « green operating procedures » dans les manuels de pilotage ces dernières années.

Les compagnies aériennes sont déjà investies dans l’éco‑pilotage : la solution Skybreathe de la start-up Open Airlines, développée en partenariat avec Transavia, a été adoptée par Air France en 2020 pour améliorer ses performances environnementales. Cette technologie permet l’analyse des données issues des vols de la compagnie pour trouver des solutions permettant des économies de carburant et formuler des recommandations opérationnelles en ce sens à Air France. La réduction de la consommation de carburant prévue par la solution Skybreathe est estimée à 5 %. 42 compagnies aériennes dans le monde utilisent aujourd’hui la solution Skybreathe. Elle a permis l’économie de 590 000 tonnes de CO2 en 2019 ([54]).

Les améliorations permises par l’éco-pilotage en termes de réduction de CO2 doivent être davantage valorisées et portées à la connaissance du grand public. Elles se combinent avec l’ensemble des progrès technologiques mis en œuvre pour décarboner le transport aérien. Lors des vols commerciaux, les pilotes pourraient communiquer davantage sur le bilan environnemental du vol au regard des innovations mises en place.

Proposition n° 20 : inciter les pilotes à communiquer aux passagers des indicateurs sur le bilan environnemental du vol, en chiffrant l’amélioration de la performance environnementale de l’avion permise par l’emploi d’une technique particulière (descente continue et autres pratiques d’éco-pilotage, nouvelle motorisation, utilisation de SAF, etc.)

c.   Les procédures de descente continue peuvent être rapidement systématisées

Les procédures de descente continue (ou continuous descent approach, CDA) consistent pour un aéronef à descendre de manière régulière plutôt que d’effectuer des paliers, ces derniers étant une source importante de gêne sonore et d’émissions de CO2. Elles font l’objet de nombreuses expérimentations, en particulier dans le cadre du programme Albatross précité.

À Paris-Charles-de-Gaulle, les CDA sont utilisées depuis 2016 sur certaines périodes (vols de nuit et périodes de moindre trafic notamment). Entre janvier et avril 2021, 756 vols commerciaux ont effectué une approche en descente continue à leur arrivée à cet aéroport. La DGAC relève que « Les résultats sont significatifs en termes de réduction des émissions de CO2, moins 7 %, et jusqu’à moins 5 décibels  (dB) sous trace par rapport aux survols les plus bas ».

La généralisation des descentes douces est prévue pour 2023 à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Vos rapporteurs souhaitent que ce calendrier puisse véritablement être tenu, ce qui nécessite un volontarisme suffisant de l’ensemble des acteurs concernés. Il serait opportun d’étudier la généralisation des descentes continues pour l’ensemble des grands aéroports français.

Proposition n° 21 : étudier l’opportunité de généraliser les approches en descente continue sur l’ensemble des grands aéroports français

d.   À plus long terme, les vols en formation sont à l’étude

Les vols en formation constituent une perspective de navigation aérienne très différente des vols commerciaux actuellement opérés. À l’image de ce qui est observé chez certains oiseaux migrateurs qui volent en « V », le principe est de faire voler des avions en formation pour que le ou les avions suiveurs puissent bénéficier du courant d’air ascendant créé par l’avion de tête. L’avion suiveur dispose dès lors d’une meilleure portance, en volant dans le sillage de l’avion de tête et cela permet une moindre consommation de carburant. La DGAC évoque « des gains constatés de 6 % de consommation de carburant, donc d’émissions pour l’avion suiveur ».

Des projets sont en cours pour étudier la faisabilité opérationnelle des vols en formation. Chez Airbus, le projet Fello’Fly a été lancé en novembre 2019 en ce sens. Fin 2020, le constructeur avait signé des partenariats avec des compagnies aériennes (FrenchBee et SAS Scandinavian Airlines) ainsi qu’avec les services de navigation français, britannique et européen pour effectuer des vols de démonstration. En novembre 2021, le premier vol en formation de ce projet a eu lieu entre Toulouse et Montréal : deux A350 ont volé l’un dans le sillage de l’autre. Ce vol aurait permis d’économiser 6 tonnes de CO2. Cela confirme les estimations données par Airbus quant aux économies de consommation de carburant possibles, de plus de 5 % sur les vols long-courrier.

Toutefois, beaucoup de travail reste à mener pour faire du vol en formation une réalité. Les sujets techniques demeurent nombreux tout autant que les procédures de contrôle aérien associées à ce type de vol. Le cadre réglementaire devra nécessairement être adapté, la DGAC ayant ponctuellement autorisé des dérogations à la réglementation en vigueur pour que les vols tests puissent être effectués.

2.   La gestion des opérations au sol

a.   L’électrification des tarmacs, une priorité

Il est estimé que les aéroports sont responsables de 5 % environ des émissions de GES imputables au transport aérien. Les gestionnaires d’aéroports s’engagent résolument dans la décarbonation de leurs structures. Le groupe Vinci Airports a réduit son empreinte carbone de 22 % depuis 2018. L’aéroport de Lyon Saint-Exupéry, exploité par le groupe, devrait devenir le premier aéroport zéro émission nette de France en 2026.

Plusieurs initiatives existent pour encourager le développement d’aéroports plus « verts ». Au niveau européen, le programme Air Carbon Accreditation (ACA) est un programme basé sur le volontariat dans lequel les aéroports s’engagent à réduire leurs émissions de CO2. La France comptait 44 aéroports accrédités ACA début janvier 2021.

Un levier significatif de décarbonation des tarmacs réside dans la gestion de l’utilisation des groupes auxiliaires de puissance (APU). L’APU permet de fournir de l’énergie à un avion sans avoir recours aux moteurs de l’engin. Il permet notamment d’alimenter les différents systèmes à bord lorsque l’avion est au sol. L’APU est généralement situé à l’arrière de l’aéronef.

À terme, les APU pourraient être alimentés avec des technologies plus propres, telles que les piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène. Leur utilisation pourrait ne plus être nécessaire grâce à la mise en place d’infrastructures d’électrification suffisantes dans les aéroports. Le groupe ADP indique, par exemple, que de tels moyens de substitution à l’utilisation des APU devraient être mis en place grâce à la mise à disposition « de l’électrification de 100 % des points de parking, au contact comme au large d’ici 2025 ». L’aéroport Toulouse-Blagnac est déjà intégralement équipé de groupes électriques 400 hertz (Hz), permettant aux avions de ne pas utiliser leurs APU.

Le déploiement de réseaux 400 Hz dans les aéroports doit être généralisé afin d’éviter l’utilisation des APU. L’article 12 du projet de règlement « AFIR » (paquet fit for 55) prévoit des dispositions en ce sens, avec une fourniture obligatoire d’électricité aux aéronefs en stationnement pour tous les postes au contact en 2025 et tous les postes au large en 2030. Il pourrait être envisagé dès à présent d’imposer aux exploitants d’aéronefs de ne pas utiliser l’APU lorsqu’une infrastructure d’électrification est disponible pour alimenter l’aéronef.

Proposition n° 22 : systématiser dès à présent l’alimentation électrique pour les besoins des aéronefs en stationnement. Lorsque ces infrastructures existent dans l’aéroport, interdire l’utilisation des APU

L’électrification des véhicules de piste permettrait de réduire les émissions de GES et le bruit dus aux moteurs thermiques de ces engins. Air France dispose déjà d’un partenariat avec la société Carwatt pour le remplacement des véhicules thermiques par une motorisation électrique, issue du recyclage. Le groupe disposait de 58 % de véhicules de piste électriques en 2020 et compte atteindre une proportion de 90 % d’ici 2025, ce qui permettrait d’éviter l’émission de 10 000 tonnes de CO2. ADP disposait d’une flotte de véhicules légers composée à 33 % d’engins électriques en 2020, et compte atteindre les 100 % de véhicules électriques ou hydrogène d’ici 2030.

Un objectif d’électrification ou de propulsion à l’hydrogène de 100 % des véhicules légers pourrait être fixé à un horizon défini. Toutefois, une telle ambition nécessite d’importants investissements, l’UAF soulignant que la partie la plus complexe réside dans l’installation d’un « réseau électrique (avec de l’énergie verte) avec la puissance nécessaire pour alimenter les véhicules ». Cependant, cette décarbonation permettrait des améliorations significatives, avec une réduction des émissions de GES de 40 % d’ici 2030 et de 90 % d’ici 2050.

Proposition n° 23 : fixer un objectif temporel pour la fin de l’utilisation de moteurs thermiques pour les véhicules de piste dans les aéroports

b.   Un roulage des avions plus propre

Plusieurs vecteurs existent pour permettre un roulage des avions au sol soit moins polluant. Les solutions sont à rechercher tant dans la gestion du trafic aérien, afin de réduire le temps de roulage au sol, que dans le green taxiing, c’est-à-dire le fait d’éviter d’utiliser les moteurs de l’avion lors du roulage au sol.

S’agissant de la réduction du temps de roulage au sol, les méthodes de collaborative decision making (CDM) peuvent permettre des améliorations importantes, en fluidifiant le trafic et en réduisant les délais d’attente sur piste autant que possible. Le groupe ADP applique déjà ces méthodes, en collaboration avec les compagnies aériennes ainsi que les services d’assistance en escale et de navigation aérienne. La DGAC souligne également que « dans les plus gros aéroports français (Paris CDG, Orly, Lyon, Nice), une gestion locale des départs (GLD) a été mise en œuvre. L’objectif est de réduire au maximum les attentes avant décollage en optimisant le moment où les avions quittent leur point de stationnement. Cela a conduit pour Paris CDG à des réductions de l’ordre de 10 % des temps de roulage ce qui correspond à une diminution brute des émissions de CO2 d’environ 20 000 t ».

Le green taxiing repose sur plusieurs leviers. Le plus immédiat est de ne rouler sur le tarmac qu’avec un seul moteur allumé. Cette pratique existe déjà mais elle pourrait être rendue obligatoire. Surtout, les avions pourraient rouler au sol sans utiliser leurs moteurs, grâce à des systèmes électriques. Safran travaille par exemple à l’intégration d’un système électrique dans les trains d’atterrissage. Une autre solution consiste à utiliser un engin qui tracte l’avion.

Proposition n° 24 : imposer le roulage sur un seul moteur des aéronefs sur le tarmac et poursuivre le développement des autres technologies de green taxiing

II.   À moyen terme, d’autres solutions sur lesquelles il faut maintenir les efforts de recherche et de développement

Outre le renouvellement des flottes, le recours croissant aux SAF et l’optimisation des opérations aériennes en vol et au sol, d’autres solutions de plus long terme existent pour décarboner l’aviation. Pour rappel, l’IATA et Horizon 2050 attribuent respectivement à la mise en place de telles technologies 13 % et 38 % de l’effort de décarbonation pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Les technologies associées n’ont cependant pas atteint un degré de maturité suffisant, ce qui ne permettra leur déploiement qu’à moyen ou long terme. C’est d’ailleurs l’un des axes du plan français de soutien au secteur aéronautique, qui évoque la préparation d’un « nouvel appareil régional, soit ultrasobre et hybride électrique, soit ultrasobre et alimenté à l’hydrogène, qui entrerait en service vers 2030 ». Un point important est que ces deux technologies (hydrogène et électrique) ne pourraient a priori pas être déployées sur des vols longcourrier, d’où la nécessité de poursuivre les investissements dans les SAF.

Sur ces technologies de rupture, on constate que les trajectoires stratégiques américaine et européenne diffèrent : alors que l’UE voit dans l’avion à hydrogène un levier essentiel de décarbonation, les États-Unis investissent peu dans cette technologie. La réussite du déploiement d’un avion à hydrogène pourrait dès lors constituer un atout stratégique de poids face à l’industrie américaine.

A.   L’avion électrique, une opportunité pour améliorer les interconnexions régionales

1.   Des avions de petite capacité très décarbonés

Ces avions fonctionnent à l’aide d’une batterie électrique ou utilisent un mode de propulsion hybride électrique et thermique. D’une capacité variant généralement de deux à une vingtaine de places sur les modèles en cours de développement ([55]), ce type d’appareil serait réservé plutôt à de courtes distances. Par exemple, l’avion slovène Pipistrel Velis Electro, seul avion électrique certifié à ce jour par l’EASA, est un biplace qui peut voler 200 km, à une vitesse de croisière de 160 km/h. L’avion Spirit of Innovation conçu par le motoriste Rolls Royce, prévoit une vitesse de vol supérieure à 500 km/h et un rayon d’action qui pourrait atteindre 2 000 km.

Les potentialités restreintes en termes de vitesse et de rayon d’action s’expliquent par la limite physique du poids des batteries, qui disposent à ce jour d’une faible densité énergétique. Une marge de progrès existe cependant sur ce point, d’autant plus que le sujet intéresse d’autres secteurs tels que l’industrie automobile, ce qui peut stimuler les efforts de recherche.

Le projet IMOTHEP ([56]) (Investigation and Maturation of Technologies for Hybrid Electric Propulsion), dirigé par l’ONERA et regroupant 33 acteurs, travaille sur une propulsion électrique hybride pour l’aviation commerciale. Ce projet est financé par la Commission européenne à hauteur de 10,4 M€. Parmi les sujets étudiés figurent la compatibilité électromagnétique, l’échauffement des câbles ou plus généralement le développement « de nouvelles synergies entre cellule et propulsion ». Dans le cadre des programmes du CORAC, le démonstrateur Ecopulse, conçu par Daher, Safran, et Airbus, est un modèle hybride, dont les essais en soufflerie ont eu lieu à l’été 2021.

Des enjeux de certification des avions électriques ne manqueront pas de se poser, en particulier concernant la sécurité des batteries. Il sera également nécessaire d’adapter les infrastructures aéroportuaires, afin de pouvoir disposer de bornes de recharge suffisamment performantes pour ces aéronefs ; la systématisation de l’électrification des véhicules de piste précédemment évoquée pourrait permettre des synergies intéressantes. Enfin, la question du recyclage des batteries des avions se pose. Selon VoltAéro, celles‑ci pourraient être réutilisées « dans d’autres industries moins exigeantes, lorsqu’elles ne sont pas encore en fin de vie mais que leur performance n’autorise plus l’usage pour les avions électriques ».

Plusieurs projets de constructeurs sont en cours pour commercialiser des avions électriques. En France, vos rapporteurs ont notamment rencontré deux acteurs du secteur, VoltAéro et Aura Aéro.

Aura Aéro développe un modèle électrique baptisé ERA. C’est un avion électrique de 19 places, qui devrait effectuer son premier vol en 2024. La société travaille aussi sur un avion biplace électrique, destiné aux écoles de pilotage (modèle Integral E). Aura Aéro vient d’obtenir l’agrément PART 21G pour l’ensemble de ses installations industrielles. Ils ont bénéficié en octobre d’une commande de 200 exemplaires d’ERA par le loueur d’avion irlandais Amedeo. Ils disposent par ailleurs d’environ 150 à 200 intentions d’achat pour leur avion biplace.

VoltAéro travaille sur un modèle électrique hybride de 4 à 10 places, appelé Cassio. L’avion de démonstration Cassio 1 a déjà parcouru plus de 7 300 km. L’entreprise prévoit de produire des avions 4 places (Cassio 330) à partir de 2023, puis de développer des modèles 6 places (Cassio 480) et 10 places (Cassio 600). Les cadences de production devraient progressivement augmenter pour atteindre 150 avions par an. Il est estimé que la réduction d’émissions de CO2 pourrait être de 35 % en moyenne. Cassio volerait à une altitude de croisière de 3 600 m et à une vitesse de 360 km/h, pour un rayon d’action de 1 200 km. Cet avion pourrait décoller sur des distances inférieures à 600 m.

Les avions ERA (à g.) et Cassio (à d.). Source : Aura Aéro et VoltAero

Certains autres acteurs du secteur misent sur l’hydrogène : c’est le cas d’Avions Mauboussin, qui travaille sur une motorisation hybride « évolutive vers l’hydrogène » avec son modèle Zéphyr.

Objectif « taxis volants » aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024

Les aéronefs électriques à décollage vertical, ou eVTOL (electric vertical takeoff and landing) connaissent actuellement de nombreux développements. Ces appareils pourraient être utilisés pour parcourir de courtes distances et ainsi répondre à de nouveaux besoins de mobilité urbaine.

Fin novembre 2021, des expérimentations ont débuté à l’aérodrome de Pontoise – Cormeilles-en-Vexin. Différents scénarios sont étudiés dans la perspective d’utiliser de tels aéronefs lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024, entre Issy‑les‑Moulineaux et Saint-Cyr, d’une part, et entre les aéroports Paris – Charles‑de‑Gaulle et celui du Bourget, d’autre part.

Le déploiement de tels engins soulève de nombreuses problématiques qui seront étudiées à l’occasion de ces expérimentations : aménagement de vertiports, nuisances sonores, gestion du trafic aérien, acceptabilité sociale, etc. Comme pour les avions électriques classiques, des enjeux de certification se posent mais des réglementations commencent à voir le jour sur le sujet. L’EASA a publié un nouveau code technique relatif à ces aéronefs (SC-VTOL) et des normes relatives aux vertiports vont être développées.

2.   L’avion électrique pourra contribuer au désenclavement territorial

L’avion électrique ne pourra pas parcourir de grandes distances en raison du poids des batteries. Mais il demeure un vecteur intéressant de décarbonation du secteur aérien, en particulier pour opérer du transport régional et permettre la desserte de zones enclavées. L’avion électrique peut aussi être pensé comme un moyen de transport du « dernier kilomètre », en particulier en s’approchant davantage des zones urbaines que les aéronefs plus gros, grâce à des nuisances sonores et une pollution réduites.

L’avion électrique constitue une opportunité importante pour l’aviation générale et les aéroclubs français en raison de leur capacité. Les avions électriques pourraient aussi être utilisés pour former les pilotes. Plusieurs acteurs ont relevé que l’aviation générale, l’aviation d’affaires ou encore les écoles de pilotage pouvaient constituer des terrains d’expérimentation intéressants pour les avions électriques, tout comme pour les avions à hydrogène. Vos rapporteurs partagent ce point de vue.

L’École nationale de l’aviation civile (ENAC) a déjà mené une expérimentation en 2021 sur la possibilité d’utiliser les avions électriques pour la formation des élèves pilotes, grâce à 2 avions Pipistrel Velis Electro.

La Fédération française aéronautique (FFA) est fortement impliquée sur ce sujet. L’aéroport de Toussus-le-Noble (Yvelines) accueille déjà le Pipistrel Alpha Electro, afin de travailler sur son utilisation en conditions réelles d’exploitation. Des instructeurs ont été formés à l’utilisation de ces avions, afin de favoriser leur utilisation dans les aéroclubs. Des acteurs du marché de la location d’avions tels que Green Aerolease (groupe W3), dont l’activité a débuté en 2021, proposent de louer des avions électriques à des aéroclubs, à des écoles de formation et prochainement à des compagnies aériennes. Green Aerolease a déjà commandé 50 Pipistrel Velis Electro.

Proposition n° 25 : faire des aérodromes, des écoles de pilotage et de l’aviation générale un laboratoire de l’aviation électrique, en facilitant l’acquisition de ces avions par les aéroclubs et l’installation de bornes de recharge associées

Il est cependant nécessaire de développer des soutiens appropriés à ce type de projet. Les entrepreneurs développant des projets d’avion électrique regrettent le peu de fonds d’investissement spécialisés ou prêts à soutenir ces avions innovants. Il faut en effet pouvoir accepter de financer des projets dont la rentabilité se fait sur le long terme. Les dispositifs nationaux semblent trop peu orientés en ce sens. Certaines initiatives commencent toutefois à émerger, à l’image de l’incubateur d’entreprises Starbust Accelerator, entièrement consacré au secteur aérospatial et de défense.

BPIFrance souligne, au sujet des start-ups construisant des avions bas carbone de tourisme ou de formation : « Ces acteurs ne trouvent pas de financement autre que celui des conseils régionaux. Ils pourraient cependant "transformer l’essai" beaucoup plus rapidement que les OEM ([57]) de l’aviation commerciale, parce que créés nativement pour faire de l’avion bas carbone et donc sans contraintes économiques sur la nécessité d’amortir les capex ([58]) réalisés dans le thermique ».

Les régions constituent des soutiens intéressants. Par exemple, Aura Aéro a levé 1,70 M€ grâce au crowdfunding par le biais de la plateforme WiSEED, mise en place par la région Occitanie, sous forme d’obligations convertibles. Plus largement, l’orientation de l’épargne des Français vers le financement de projets industriels pourrait bénéficier à de telles entreprises innovantes.

Dans la même région Occitanie, un appel à manifestations d’intérêt est actuellement en cours dans le cadre d’Aerospace Valley, baptisé MAELE (mobilité aérienne légère environnementalement responsable), destiné à soutenir les innovations pour l’aviation générale.

L’UE a également son rôle à jouer : c’est ainsi que l’avion Cassio de VoltAéro a notamment été financé grâce au Conseil européen de l’innovation (2,1 M€ de dotation et jusqu’à 11 M€ de prise de participation). En contrepartie, il est exigé un investissement d’investisseurs qualifiés (aéronautique ou énergie) du même montant – le problème étant de trouver de tels investisseurs.

Ces soutiens régionaux et européens méritent d’être salués mais il faut renforcer les solutions de financement françaises existantes. Faute de soutiens adéquats, il y a un risque que de tels projets se détournent vers les États-Unis par exemple, où les financements sont plus faciles à trouver. Mais cela peut conduire à des transferts technologiques, de propriété intellectuelle et de savoir‑faire dommageables pour la compétitivité et l’innovation françaises.

Proposition n° 26 : développer et faciliter l’obtention de financements en faveur de l’aviation électrique

Un autre modèle d’innovation de rupture : Flying Whales

Pour permettre de transporter des charges lourdes et volumineuses (bois, éoliennes…) et d’atteindre des endroits difficiles d’accès, Flying Whales développe un dirigeable à hélium. Baptisé LCA60T, c’est une structure rigide, de 200 mètres de long par 50 mètres de diamètre, dotée d’une capacité d’emport de 60 tonnes. Ce dirigeable aura une vitesse maximale de 100 km/h environ et évoluera à une distance maximale de 3 000 m du sol. Il fonctionne grâce à une propulsion hybride (4MW). À terme, le dirigeable pourrait fonctionner grâce à une pile à hydrogène.

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Le LCA60T permet de transporter des charges lourdes sans nécessiter le déploiement d’infrastructures importantes au sol. Il peut consommer jusqu’à 30 fois moins d’énergie qu’un hélicoptère gros porteur.

Les premiers tests en simulateur ont commencé et le vol inaugural du LCA60T est prévu en 2024, pour une mise en service au plus tôt fin 2025. Les lignes d’assemblage seraient situées en France, au Québec et en Asie et permettraient de produire 150 unités durant les dix premières années. L’un des enjeux majeurs sera celui de la certification du dirigeable.

B.   L’avion à hydrogène, une innovation de rupture sur laquelle mise fortement l’union européenne

L’avion à hydrogène est le deuxième vecteur de décarbonation du secteur aérien à moyen terme. Cette technologie fait l’objet d’ambitions importantes au niveau européen. De nombreux défis restent encore à relever, en particulier parvenir à un premier vol de démonstration et massifier la production d’hydrogène décarboné.

La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France

Présentée en septembre 2020 par le Gouvernement, la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France prévoit un soutien de 7 Md€ orienté selon les trois priorités suivantes :

– décarboner l’industrie en faisant émerger une filière française d’électrolyse. L’objectif est de disposer de 6,5 GW d’électrolyseurs installés en 2030, pouvant produire jusqu’à 680 000 t d’hydrogène renouvelable ou bas carbone ;

– développer une mobilité lourde à l’hydrogène décarboné. Cela doit notamment passer par la mutualisation des usages. Les efforts de développement en faveur d’un avion à hydrogène font partie intégrante de cette priorité ;

– soutenir la recherche, l’innovation et le développement des compétences afin de favoriser les usages de demain. Cela se traduit à la fois par un soutien à la R&D et par le développement des compétences associées, l’objectif étant de créer de 50 000 à 150 000 emplois directs et indirects en France.

Lors de la présentation du plan France 2030 en novembre 2021, le Président de la République a rappelé son ambition de faire du pays le « leader de l’hydrogène vert ». À ce titre, 2 Md€ supplémentaires seront prévus en faveur de la filière. La France devrait par ailleurs se doter d’au moins 2 gigafactories d’électrolyseurs d’ici 2030.

France Hydrogène, qui regroupe les acteurs du secteur de l’hydrogène, estime que les besoins de financement de la filière s’élèvent à 24 Md€ à horizon 2030 : des investissements complémentaires sont donc inévitables pour atteindre ces objectifs.

1.   Présentation de la technologie et du marché associé

a.   L’avion à hydrogène : de quoi parle-t-on ?

L’hydrogène en aéronautique peut avoir plusieurs usages, plus ou moins directs :

– combiné à du CO2, il peut être utilisé pour produire du carburant synthétique. Cette solution a déjà été présentée supra dans la partie relative aux SAF ;

– l’hydrogène peut alimenter des flottes de véhicules à hydrogène au sol dans les aéroports (transport des bagages, nacelles, chariots élévateurs, mais aussi moyens de transport au sein même de l’aéroport) ;

– il peut alimenter une pile à combustible qui, combinée à de l’oxygène, produit de l’électricité et relargue de l’eau. La pile à combustible peut servir à la propulsion électrique de l’avion ou bien à d’autres usages électriques, notamment pour les opérations au sol ;

– enfin, l’hydrogène peut directement alimenter une turbine à gaz, permettant ainsi la propulsion de l’aéronef. Un premier essai avait d’ailleurs eu lieu dès 1988 : un Tupolev TU-155 avait volé avec trois moteurs dont un alimenté à l’hydrogène. Ce programme avait pris fin avec la chute de l’URSS.

L’hydrogène peut soit être stocké sous forme pressurisée, soit sous forme liquide. Selon France Hydrogène, les rendements de l’hydrogène dans les turbines sont globalement du même ordre que le rendement global d’un turboréacteur alimenté au kérosène.

Airbus souhaite construire un avion « zéro émission » à hydrogène d’ici 2035 (programme « ZEROe »). Plus généralement, c’est la principale technologie de rupture sur laquelle l’UE s’appuie pour décarboner l’aviation commerciale courte et moyenne distance. Les avis continuent cependant d’être contrastés sur la possibilité de mettre en service un tel avion d’ici 2035. La Commission de régulation de l’énergie souligne dans les conclusions d’un groupe de travail consacré à ce sujet qu’« à l’horizon 2030, l’avion à hydrogène ne devrait pas apparaître, hormis certains micromarchés tels que les roulages sur tarmac » ([59]).

Trois modèles d’aéronefs sont actuellement à l’étude dans le cadre du programme ZEROe d’Airbus, tous basés sur l’utilisation de turbines à gaz modifiées fonctionnant à l’hydrogène, stocké sous forme liquide :

– un turboréacteur, d’un rayon d’action de 3 500 km et pouvant transporter de 120 à 200 passagers ;

– un turbopropulseur, d’un rayon d’action de 1 800 km et pouvant transporter une centaine de passagers ;

– un aéronef à fuselage intégré, d’un rayon d’action de 3 500 km et pouvant transporter 200 passagers. Ce dernier modèle est particulièrement intéressant car il répond à des contraintes techniques liées au stockage et à l’utilisation de l’hydrogène.

Les choix technologiques sur ces développements devraient avoir lieu en 2025. De l’avis d’Air Liquide, le développement des usages de l’hydrogène dans le secteur aérien représente en réalité davantage un défi de compétitivité économique qu’un défi technologique.

Les trois modèles à hydrogène d’Airbus fonctionnant avec des turbines à gaz. Source : Airbus

Airbus travaille également sur un quatrième modèle fonctionnant sur pile à combustible, alimentée par de l’hydrogène liquide. Six capsules amovibles seraient placées sous les ailes de l’avion, chacune d’entre elles contenant à la fois une pile et un réservoir d’hydrogène liquide. Boeing avait effectué dès 2008 un vol avec des piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène, sur un Diamond DA20.

Il existe un projet européen de développement d’un aéronef avec pile à combustible, le projet HEAVEN ([60]) (High powEr density FC System for Aerial Passenger VEhicle fueled by liquid HydrogeN). Il vise à construire un avion de 4 passagers dont la propulsion fonctionne sur une pile à hydrogène de 90 kW et sans besoin de batterie complémentaire.

L’avion à hydrogène présente des performances environnementales particulièrement intéressantes. La combustion de l’hydrogène produit essentiellement de la vapeur d’eau, ce qui en fait une technologie décarbonée à condition que la production d’hydrogène le soit également. L’hydrogène pourrait de plus avoir de multiples usages à bord d’un aéronef (alimentation du système électrique par exemple).

La France dispose déjà d’atouts importants sur le développement de technologies à base d’hydrogène. Air Liquide est un leader mondial sur le marché des gaz industriels, ce qui peut permettre des transferts de compétences intéressants vers le secteur aéronautique. Ce dernier peut aussi bénéficier des avancées effectuées en matière spatiale (propulsion de lanceurs spatiaux à l’hydrogène) grâce aux synergies existantes entre les filières aéronautique et spatiale françaises.

b.   Les difficultés techniques restant à surmonter pour le déploiement des avions à hydrogène

Il existe plusieurs obstacles techniques à surmonter avant la mise en service d’avions à hydrogène. La sécurité de ces aéronefs demeure évidemment fondamentale et leur certification sera un enjeu majeur.

La première difficulté technique réside dans le stockage de l’hydrogène à bord des avions. Selon France Hydrogène, l’hydrogène « possède une énergie massique de combustion exceptionnelle (120 MJ/kg, trois fois celle du kérosène d’aviation) ; mais son énergie volumique est faible, jusqu’à 3,7 fois plus faible que celle du kérosène. Au final, l’hydrogène est certes trois fois plus léger que le kérosène, mais presque quatre fois plus volumineux sous forme liquide, et huit fois plus sous forme de gaz comprimé ». Cela explique que les constructeurs s’orientent vers un transport de l’hydrogène sous forme liquéfiée plutôt que comprimée, afin de gagner en capacité.

Or l’hydrogène liquéfié doit être conservé à une température de - 253 °C, ce qui suppose des réservoirs cryogéniques adaptés, étanches et résistants. Cela peut nécessiter d’adapter la forme de l’avion : il conviendrait de privilégier des réservoirs cylindriques ou sphériques afin de limiter les échanges de chaleur. Une telle contrainte explique l’idée d’un avion à fuselage intégré d’Airbus. Cet aéronef, grâce à un réservoir situé à l’arrière de l’appareil, pourrait embarquer environ 1 100 m3 d’hydrogène liquide. Une autre possibilité pour répondre à cette contrainte de stockage serait de construire des avions au fuselage plus long. Enfin, il est nécessaire d’étudier la compatibilité de l’hydrogène avec le reste du circuit de l’avion et avec les systèmes auxiliaires.

Les contraintes d’embarquement de carburant affectent la distance qu’il est possible de parcourir et réduisent le rayon d’action des avions à hydrogène aux segments court et moyen-courrier, même si certains développements ont lieu sur des projets d’avions long-courrier ([61]). Mais l’hydrogène peut être un atout déterminant pour les vols régionaux et continentaux. Il constituera un bon complément à l’avion électrique en permettant de parcourir des distances plus importantes. Des avions de type ATR pourraient constituer un terrain d’expérimentation particulièrement adapté pour les solutions hydrogène.

Par ailleurs, des interrogations demeurent sur les effets non-CO2 de l’hydrogène. Sa combustion produit deux fois plus de vapeur d’eau que la combustion de kérosène. Le comité de prospective de la CRE souligne dans le rapport précité que « l’impact du rejet de la vapeur d’eau à la limite de la troposphère par un avion à hydrogène doit être expertisé ». La combustion de l’hydrogène émet également des NOx mais en très faible proportion – environ 80 % à 90 % de moins que la combustion de kérosène.

Proposition n° 27 : mener une expertise approfondie sur les effets non‑CO2 de l’avion à hydrogène

Airbus travaille à la résolution de ces sujets techniques. Ses usines de Nantes (Loire‑Atlantique) et de Brême (Allemagne), accueilleront des « centres de développement devant parvenir à industrialiser des réservoirs à hydrogène », comme cela est relevé par France Hydrogène. Ces derniers précisent que « les développements technologiques couvriront l’ensemble du produit et des équipements industriels, des pièces élémentaires à l’assemblage, en passant par l’intégration des systèmes et les essais cryogéniques sur les réservoirs d’hydrogène liquide ».

Un « Campus Hydrogène » est en cours de création à Toulouse, sur le site de l’ancienne base militaire de Francazal. D’une surface de 12 000 m2, cette base doit devenir le plus grand centre d’Europe consacré aux développements sur l’hydrogène vert d’ici 2024. L’initiative sera financée dans le cadre du contrat de plan État-région 2021-2027. La région, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’ONERA, de même que des groupes tels que Safran et Airbus, y participent. Certains projets innovants sont déjà installés à Francazal, tels que la société d’avions électriques Aura Aéro ou le futuriste hyperloop porté par la société Hyperloop TT.

Il est essentiel de réfléchir dès à présent aux fondements d’une certification pour les avions à hydrogène, une telle réglementation n’existant pas aujourd’hui. En ce sens, la DGAC souligne que les industriels informent l’EASA de leurs travaux de recherche, afin de faciliter ce travail. Mais si l’avion à hydrogène trouve une résonance européenne, c’est au niveau de l’OACI qu’il va surtout falloir défendre cet avion. Les États-Unis étant moins allants sur la propulsion à l’hydrogène, la DGAC souligne qu’« Il y a donc un risque réel que les USA, moins investis dans la R&D pour l’avion commercial à hydrogène, ne fassent obstruction au développement de normes internationales relatives à ce type d’appareil ou les retardent ». Il est donc primordial de construire des bases solides avec l’EASA au niveau européen pour pouvoir défendre solidement l’hydrogène à l’OACI.

Proposition n° 28 : mener un solide travail préparatoire sur une réglementation hydrogène avec l’EASA pour garantir ensuite une bonne défense de l’avion à hydrogène au niveau de l’OACI

2.   Des enjeux majeurs de structuration de la production et de la distribution de l’hydrogène qui dépassent le seul secteur aéronautique

Outre les développements technologiques encore nécessaires, il reste encore à assurer la structuration de la production et de la distribution de l’hydrogène décarboné. L’hydrogène suscite un grand engouement et de nombreux investissements en France, au-delà du seul secteur aéronautique. Il est donc important d’avoir une réelle vision stratégique de la filière sur ces enjeux.

a.   Une production massive d’hydrogène décarboné est nécessaire

L’utilisation d’hydrogène pour la propulsion des aéronefs nécessitera la production de grandes quantités d’hydrogène décarboné. De la même manière que pour les biocarburants et les carburants de synthèse, la concurrence des usages entre les différentes filières industrielles est à prendre en compte. L’hydrogène peut notamment intéresser les autres types de transport (routier en particulier). Les échéances de maturité des différentes filières sont cependant différentes : la demande devrait dans un premier temps se concentrer sur l’industrie et les mobilités terrestres, jusqu’en 2030‑2040, pour ensuite se développer davantage dans les transports aérien et maritime, selon France Hydrogène. Pour autant, la demande en hydrogène pour le secteur aérien pourrait rapidement atteindre un niveau important. Dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 », RTE estime dans sa trajectoire « hydrogène + » qu’elle pourrait constituer environ un tiers de la consommation d’hydrogène en 2050.

Consommation d’hydrogène (hors utilisation pour la production électrique) dans les trajectoires de référence et « hydrogène + »

Source : France Hydrogène/RTE

L’hydrogène devra être produit massivement à la fois pour une combustion directe dans les avions à hydrogène mais aussi pour la fabrication des carburants de synthèse. Il faut, selon France Hydrogène, environ 0,32 à 0,58 tonne d’hydrogène pour produire une tonne d’e-kérosène. L’association effectue le calcul suivant : « Dans le cadre du règlement Refuel Aviation, l’application en France du quota de 0,7 % de carburants synthétiques en 2030 représenterait environ 60 000 tonnes de carburants de synthèse (pour 8,8 Mt de consommation de carburant d’aviation anticipée en France), nécessitant près de 35 000 tonnes/an d’hydrogène ». Aujourd’hui, la France produit actuellement 1,3 % de la production mondiale d’hydrogène, soit près d’1 Mt d’hydrogène par an contre 75 Mt environ au niveau mondial.

La production d’hydrogène décarboné doit être massive pour couvrir tous les usages alors qu’aujourd’hui, la production d’hydrogène est carbonée à plus de 95 %. C’est principalement la technologie de l’électrolyseur qui est développée en ce sens. La plus grande unité du monde de production d’hydrogène décarboné par électrolyse à membrane a été inaugurée au Canada par Air Liquide en janvier 2021. Il existerait 67 projets opérationnels de production dans 13 pays, avec une capacité de production de 4 700 tonnes d’hydrogène vert par an. L’Allemagne représente 50 % de la capacité actuelle des électrolyseurs en Europe ([62]). Il conviendrait d’établir un état des lieux précis des capacités de production d’hydrogène en Europe, afin de pouvoir mesurer les investissements nécessaires pour stimuler une telle production et atteindre les niveaux de production nécessaires pour couvrir la demande.

Proposition n° 29 : réaliser une cartographie européenne de l’hydrogène, pour recenser les projets existants et décider de l’emplacement stratégique de hubs, notamment par rapport aux usages dans le secteur aérien

La structuration d’une filière hydrogène aux niveaux français et européen nécessite des soutiens publics massifs.

Au niveau national, il existe plusieurs soutiens dans le cadre de la stratégie nationale pour l’hydrogène et de France 2030, sous la forme d’appels à projets.

Au niveau européen, les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) constituent un cadre intéressant pour le développement de l’hydrogène. Les PIIEC permettent de soutenir des projets qui peuvent présenter un haut niveau de risque mais qui permettent de structurer une chaîne de valeur stratégique. Une dérogation à la réglementation européenne en matière d’aides d’État est possible dans ce cadre. La France a prénotifié une quinzaine de projets à ce titre, portant sur l’industrialisation de briques technologies clefs (électrolyseurs sous forme de gigafactories, piles à combustible, réservoirs, etc.) et sur la décarbonation de l’industrie. Une alliance industrielle pour l’hydrogène a également été créée au niveau européen.

Vos rapporteurs rappellent qu’il est fondamental de maintenir un soutien continu à la filière, de l’amont (R&D) à l’aval (industrialisation des procédés).

b.   Un modèle de distribution dans les aéroports autour de hubs

La question de la distribution de l’hydrogène constitue un autre sujet central. Il faut pouvoir transporter l’hydrogène, éventuellement sous forme cryogénisée, de son lieu de production jusqu’à l’aéroport et que les opérations d’avitaillement des aéronefs puissent être réalisées avec la sûreté et l’efficacité nécessaires. Le transport de l’hydrogène peut se faire soit par voie terrestre classique (camion, train), soit grâce à des pipelines. Cela implique dans tous les cas une rupture en termes d’aménagement des infrastructures aéroportuaires.

Le choix de l’implantation des lieux de fabrication de l’hydrogène est déterminant pour flécher les usages. Pour favoriser les usages aéronautiques, des unités de production et de liquéfaction pourraient être construites directement dans les aéroports ou à proximité de ces derniers, transformant ainsi ces infrastructures en véritables hubs à hydrogène. Plusieurs projets actuellement en cours vont en ce sens :

– Vinci développe un projet pilote à l’aéroport de Lyon SaintExupéry, en partenariat avec Airbus et Air Liquide. Une station d’hydrogène gazeux doit être déployée en 2023, puis, d’ici 2030, les infrastructures pour l’hydrogène liquide alimentant les futurs aéronefs ;

– l’aéroport de Toulouse-Blagnac accueille le projet HyPort. Associant depuis 2020 l’aéroport, la région Occitanie, Engie et la société McPhy, ce projet prévoit l’installation d’une station d’hydrogène « vert » dans l’aéroport, sur un site de 2 600 m2. Elle permettrait de fournir de l’hydrogène pour les engins au sol et pour les aéronefs. À terme, deux stations d’hydrogène pressurisé, pour la recharge des véhicules, et un électrolyseur d’1MW doivent être installés. L’hydrogène ainsi produit pourrait également alimenter des sites extérieurs à l’aéroport ;

– un appel à manifestations d’intérêts a été lancé par la région ÎledeFrance, Choose Paris Region, Air France et le groupe Aéroports de Paris pour bâtir un projet similaire au niveau des aéroports parisiens. 11 lauréats ont été sélectionnés en mai 2021. Trois sujets principaux sont mis en avant dans cet AMI : le stockage, le transport et la distribution, la diversification des usages sur l’aéroport, et enfin l’économie circulaire autour de l’hydrogène (récupération de l’hydrogène dissipé lors de l’avitaillement, valorisation des co-produits, etc.). Le groupe ADP a également signé en juin 2021 un partenariat avec Airbus et Air Liquide pour réaliser des études relatives à la nécessaire adaptation des infrastructures aéroportuaires à l’arrivée de l’hydrogène.

Air Liquide relève qu’un aéroport tel que celui de Francfort pourrait consommer de 150 à 300 tonnes d’hydrogène par jour pour alimenter le trafic court et moyen-courrier, ce qui correspond à une puissance d’électrolyse associée de 300 à 600 MW.

Le rôle des aéroports comme acteurs majeurs de la mobilité du territoire sortirait renforcé de ces projets. Les aéroports deviendraient également des acteurs centraux de leur politique énergétique. Il faut donc sécuriser les investissements et la réglementation afférente, pour encourager l’émergence de tels projets sur les principales plateformes aéroportuaires. Il conviendra cependant de ne pas oublier les plus petites structures aéroportuaires, car toutes ne pourront devenir des hubs : c’est là un axe majeur à résoudre, en termes d’acheminement.

Proposition n° 30 : soutenir le déploiement de hubs à hydrogène sur les plus grands aéroports, tout en réfléchissant aux systèmes alternatifs de distribution pour les infrastructures aéroportuaires plus modestes

c.   Il convient d’accélérer le déploiement du cadre juridique relatif à l’hydrogène

Les technologies et les besoins évoluant très vite, il y a un risque que le cadre législatif et réglementaire relatif à l’hydrogène devienne obsolète avant même son application. Afin d’empêcher ce phénomène, le Conseil national de l’hydrogène a initié un recensement de l’ensemble des problématiques réglementaires de la filière hydrogène, en les hiérarchisant. Ce « pack réglementaire » devrait voir ses travaux aboutir au premier semestre 2022, avec des propositions d’action « clé en main ».

i.   Le soutien à la production

L’ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l’hydrogène, prise en application de la loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, a permis la création d’un livre VIII sur les dispositions applicables à l’hydrogène dans le code de l’énergie (articles L. 811-1 et suivants).

L’article L. 812-2 instaure la possibilité d’un soutien aux capacités de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, qui peut prendre la forme « soit d’une aide au fonctionnement, soit d’une combinaison d’une aide financière à l’investissement et d’une aide au fonctionnement ». Les candidats retenus pour de tels soutiens le sont après une procédure de mise en concurrence. Des mesures réglementaires d’application restent à prendre pour assurer la pleine effectivité de ces dispositions, notamment sur les modalités de mise en concurrence. Il convient de les prendre au plus vite afin de pouvoir initier les appels à projets.

Proposition n° 31 : instaurer au plus vite les soutiens à la production d’hydrogène décarboné, en prenant les mesures réglementaires d’application qui s’imposent, afin de pouvoir démarrer les appels d’offres

Le livre VIII du code de l’énergie prévoit des dispositions relatives à un système de garanties de traçabilité et d’origine, comme cela existe en matière de biogaz ou d’électricité d’origine renouvelable. Des mesures relatives au transport et à la distribution sont également prévues.

ii.   La réglementation relative aux sites classés

Les utilisations de l’hydrogène sont soumises à différentes normes ICPE ([63]), parmi lesquelles :

– la norme ICPE 3420 pour la production d’hydrogène en « quantité industrielle ». Le régime est celui de l’autorisation. Le problème posé par cette réglementation est l’absence de définition d’une telle notion de « quantité industrielle » : les installations sont donc soumises à autorisation dès la première unité d’hydrogène produite ;

– la norme ICPE 4715 pour le stockage et l’utilisation de l’hydrogène gazeux. Ces activités ne sont pas soumises à une formalité en dessous de 100 kg, sont soumises au régime de la déclaration jusqu’à 1 000 kg, puis à celui de l’autorisation au-delà de 1 000 kg.

De manière générale, selon cet organisme, « Une réflexion doit être menée sur les possibilités d’évolution des seuils, de procédures d’autorisation simplifiées ou d’inclusion de nouveaux standards de stockage, pour éviter tout effet de seuil ».

Proposition n° 32 : comme cela est recommandé par France Hydrogène, réfléchir à une évolution de la réglementation ICPE relative à l’hydrogène afin de faciliter le déploiement de projets, en particulier dans les infrastructures aéroportuaires

 


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   Troisième partie :
relever le défi d’une industrie aéronautique compétitive, innovante, dynamique et attractive

La décarbonation du transport aérien est l’occasion pour l’industrie aéronautique de se mobiliser autour des projets structurants, qui s’accompagnent d’une évolution des procédés et des compétences. De l’avis du Haut Conseil pour le climat, « la préservation de l’industrie aéronautique passe indubitablement par la recherche et le maintien d’un leadership technologique sur l’aviation décarbonée ». Pour ce faire, il est essentiel de maintenir le soutien à la filière, qui se relève tout juste du plus fort de la pandémie. Dans le même temps, une transformation des procédés de production s’engage pour maintenir la compétitivité à long terme. Alors que le transport aérien fait l’objet d’une forte remise en question dans le débat public, la question de l’attractivité de la filière et du maintien d’un haut niveau de compétences est également fondamentale.

I.   Les soutiens publics sont nécessaires pour maintenir la France dans la compétition aéronautique mondiale

L’industrie aéronautique se trouve à une période charnière de son évolution. Ayant subi les conséquences de la crise de la covid-19, des soutiens ambitieux ont été mis en place pour accompagner les grands projets de demain. Il est essentiel de les maintenir, tout en s’assurant de leur ciblage correct et des effets structurels qui en découlent.

A.   Des programmes de soutien particulièrement ambitieux à destination de l’aéronautique

1.   Au niveau européen, les programmes de soutien structurels viennent d’être renouvelés

L’UE est un acteur clé du soutien à la filière aéronautique, en instaurant de grands programmes structurels de soutien facilitant le travail conjoint des différents acteurs européens. Au mois de juin 2021, le commissaire européen au marché intérieur, M. Thierry Breton, avait d’ailleurs annoncé la création d’une « Alliance pour l’aviation zéro émission », ayant pour but de fédérer les acteurs autour de l’avion décarboné et de faciliter les investissements nécessaires.

Il existe des dispositifs transverses, qui ne sont pas propres à l’aéronautique, accompagnant la structuration de filières innovantes ou de secteurs particulièrement stratégiques : ce sont les projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) et les alliances industrielles précédemment évoqués. Les appels à projets par le biais d’alliances ou d’entreprises communes constituent donc des soutiens importants : l’article 187 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose en effet que « L’Union peut créer des entreprises communes ou toute autre structure nécessaire à la bonne exécution des programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration de l’Union ».

Le règlement (UE) 2021/2085 ([64]) du 19 novembre 2021 définit 9 nouvelles entreprises communes dans le cadre d’Horizon Europe, pour des appels à projets qui doivent avoir lieu entre 2021 et 2027. Les entreprises communes permettent de structurer des appels à projets au sein de l’UE autour d’objectifs communs. Deux de ces entreprises communes concernent directement l’aéronautique :

– « Recherche sur la gestion du trafic aérien dans le ciel unique européen 3 », qui prend la suite de l’entreprise commune SESAR (Single european sky air traffic management research). Cette entreprise commune permettra de coordonner les efforts de R&D en la matière, notamment sur les sujets environnementaux. Elle est dotée de 600 M€ de fonds issus de l’UE jusqu’au 21 décembre 2031, de 500 M€ abondés par Eurocontrol et de 500 M€ abondés par les membres privés de l’entreprise commune ;

– « Aviation propre » ([65]), qui prend la suite de l’entreprise commune Clean Sky et porte majoritairement sur la décarbonation de l’aviation par le développement des technologies aéronautiques idoines. Elle est dotée de 1,7 Md€ provenant de l’UE et de 2,4 Md€ de la part des autres membres de l’entreprise commune.

Il y a aussi les financements en provenance du Conseil européen de l’innovation pour les innovations de rupture, qui sont davantage destinés aux start‑up et PME qui développent des projets innovants. De tels fonds peuvent donc bénéficier aux jeunes entreprises innovantes de l’industrie aéronautique, comme cela a été le cas pour Volt Aéro.

Il conviendra de suivre de près le déploiement de ces nouvelles entreprises communes afin de s’assurer que les projets français éligibles puissent être efficacement soutenus au niveau européen.

2.   Au niveau national, les dispositifs de soutien liés à la crise sanitaire doivent s’accompagner de financements de long terme

a.   Le plan de soutien à l’aéronautique, un soutien déterminant pour la sortie de crise

La crise sanitaire a considérablement ralenti l’activité des entreprises de la filière aéronautique. Les représentants de la filière se sont mobilisés très rapidement pour demander des mesures de soutien à l’État.

Le 20 mai 2020, trois organisations syndicales représentatives du secteur de la métallurgie (CFE-CGC, CFDT et FO) et l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ont signé un manifeste « pour préserver l’emploi et les compétences et construire l’industrie de demain » ([66]). Celui‑ci est organisé autour de trois axes : la préservation des emplois, le développement des compétences de demain et le soutien à l’alternance et à l’emploi des jeunes. Il propose plusieurs pistes de soutien à la filière métallurgique, intimement liée à l’industrie aéronautique. Parmi ces propositions figuraient la prolongation du dispositif d’activité partielle, un soutien important au financement de l’apprentissage ou encore la nécessité de valoriser la formation continue en période d’activité restreinte.

Notre collègue de la commission des affaires économiques, Mickaël Nogal, en lien avec le Gouvernement, a également proposé des mesures de soutien en faveur du secteur aéronautique ([67]). Certaines d’entre elles ont directement été reprises dans le plan de soutien à l’aéronautique mis en place par le Gouvernement en juin 2020 ([68]). Ce plan de soutien constitue une réponse à une situation conjoncturelle, tout en assurant le financement de projets de long terme. Les dispositifs mis en place ont été cruciaux pour assurer la survie du secteur aéronautique, en lui permettant de traverser la crise malgré un trafic aérien quasi interrompu. Ce plan de soutien prévoit plus de 15 Md€ initiaux d’aides à la filière. Les trois grandes orientations du plan sont les suivantes :

– répondre à l’urgence en soutenant les entreprises en difficulté et protéger leurs salariés ;

– investir dans les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) pour accompagner la transformation de la filière ;

– investir pour concevoir et produire en France les appareils de demain.

i.   Le soutien à la demande

Afin de stimuler la demande, l’État a renforcé plusieurs soutiens préexistants. Le levier de la commande publique a été utilisé : l’État s’est engagé à anticiper des commandes d’aéronefs militaires à hauteur de 832 M€. Au total, ces commandes devaient permettre de préserver l’équivalent de 1 865 emplois environ, sur 2 à 3 ans. Les mesures de soutien à l’export des entreprises aéronautiques françaises restent mobilisées grâce aux dispositifs de garantie de Bpifrance Assurance Export. Les compagnies aériennes déjà dans l’encours de Bpifrance Assurance Export ont ainsi pu bénéficier d’un moratoire d’un an sur les remboursements en principal de leurs crédits. Enfin, les modalités de remboursement des achats de nouveaux aéronefs ont été assouplies de manière commune au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), jusqu’au 30 octobre 2021, dans le cadre de l’accord sectoriel sur les crédits à l’exportation d’aéronefs civils (ASU) ([69]), afin de faciliter les livraisons d’appareils aux compagnies aériennes. Cela a consisté en un différé de paiement de 12 à 18 mois pour ces acquisitions, adossé à des critères environnementaux.

Un plan d’aide à Air France a par ailleurs été conclu dès le mois de mai 2020. Il prévoyait le versement de 7 Md€ à la compagnie, en échange de certaines contreparties de réformes structurelles et d’engagements environnementaux – réduction de 50 % des émissions de CO2 pour les vols métropolitains au départ des aéroports d’Orly et de région à région d’ici fin 2024, modernisation de la flotte et incorporation de 2 % de SAF dès 2025. Un second plan de sauvetage de la compagnie aérienne a été initié en avril 2021. Il convertit 3 Md€ de prêts déjà accordés au titre du premier plan en fonds propres de l’entreprise et prévoit une augmentation de capital supplémentaire pouvant atteindre 1 Md€. Les difficultés persistent cependant : une nouvelle levée de fonds doit intervenir pour permettre de renflouer les fonds propres d’Air France-KLM. Cette levée de fonds représenterait 4 à 6 Md€, dont 1 à 2 Md€ dès 2022, et nécessiterait de mobiliser l’investissement privé ([70]).

ii.   Le soutien à l’offre

Pour stimuler l’offre, deux fonds ont été mis en place :

un fonds d’investissement spécialisé dans l’aéronautique, baptisé « Ace Aéro Partenaires », abondé à la fois par l’État et par les industriels du secteur, afin de préserver la compétitivité des entreprises de la filière. Il apporte un soutien aux fonds propres des PME et ETI de la filière aéronautique par le biais de prises de participation dans celles-ci et dans une perspective de consolidation ou de transformation de leurs activités. Ce fonds était déjà doté de 741 M€ ([71]) en novembre 2021, et il devrait atteindre 1 Md€. Quatre entreprises avaient déjà bénéficié du soutien d’Ace Aéro Partenaires fin novembre 2021 : Aries Alliance, Mecachrome, Brown Europe et Figeac Aero ;

un fonds de soutien à la diversification, à la modernisation et à la transformation environnementale des procédés de 300 M€ ([72]). Il est financé par l’État sur une durée de 3 ans et doit permettre de diversifier, de digitaliser et de verdir les procédés industriels des entreprises de la filière en soutenant leurs investissements en la matière. À la mi‑novembre 2021, la DGE indiquait que 385 projets de la filière aéronautique avaient été annoncés, pour un montant d’aides de l’État de 293 M€, représentant au total un investissement industriel de 669 M€. Le fonds bénéficie à hauteur de 57 % à des PME de plus de 10 salariés et principalement au secteur de l’industrie métallurgique (39 %), puis à celui de la construction aéronautique (15 %). Les entreprises utilisent ce fonds en premier lieu pour moderniser leurs outils de production (80 % des projets).

En complément de ces deux fonds, le soutien à l’offre passe également par un investissement important dans la R&D à hauteur d’1,5 Md€ sur trois ans. Il s’agit d’un niveau de soutien particulièrement important. La DGAC relève à titre de comparaison que les soutiens s’élevaient à moins de 200 M€ annuels sur la décennie précédente. Ces fonds sont pilotés par le CORAC et doivent permettre de soutenir les technologies de décarbonation de l’aviation. En 2020, le Gouvernement a déjà cofinancé 62 projets à hauteur de 376 M€. Ces soutiens devant prendre fin en 2022, il conviendra de voir comment prendre le relais. De nombreux projets seront encore en cours de développement à cette échéance et les industriels ont besoin de prévisibilité afin de pouvoir les mener à bien.

Proposition n° 33 : bâtir un plan de soutien de long terme à la R&D dans l’industrie aéronautique pour l’après 2022, piloté par le CORAC

b.   Les autres dispositifs de soutien à la filière ont également joué leur rôle

En complément de ce plan de soutien, d’autres dispositifs ont bénéficié au secteur durant la crise sanitaire.

Il a été vu que Bpifrance Assurance Export permet de sécuriser les exports des entreprises du secteur aéronautique et ainsi d’éviter les annulations ou reports de commandes. Ainsi, 800 M€ ont été accordés au titre de reports d’échéances de prêts pour des compagnies aériennes ou des loueurs d’avion. Par ailleurs, Bpifrance souligne que « depuis le début de la crise, les agences de crédit à l’exportation française, britannique et allemande qui partagent systématiquement les risques sur les contrats Airbus, ont accepté de prendre en garantie de nouveaux contrats d’exportation dont le montant s’élève à plus de 6,7 Md€ pour la livraison de 102 nouveaux appareils entre 2020 et 2021 ». Plus généralement, Bpifrance est un acteur important du soutien à la filière en tant que gestionnaire d’appels à projets. La banque publique a aussi lancé un « Accélérateur aéronautique », qui propose aux dirigeants de PME et ETI du secteur aéronautique des conseils et des formations sur leurs orientations stratégiques ([73]).

La filière aéronautique a aussi bénéficié des dispositifs de droit commun mis en place durant la crise sanitaire, notamment de l’activité partielle longue durée (APLD) – dispositif jugé comme salutaire par les entreprises du secteur auditionnées par vos rapporteurs – et du prêt garanti par l’État (PGE). En complément, un PGE « Aéro » spécifique a également été mis en place au mois de septembre 2020. Il permet, selon la Cour des comptes, « à des plateformes dédiées d’acquérir les stocks excédentaires de matières ou de pièces détachées des entreprises du secteur pour réduire leur endettement, ou à certaines entreprises de porter elles-mêmes leurs stocks excédentaires en s’endettant » ([74]). Le plafond du PGE est dès lors porté à 25 % du chiffre d’affaires et au double de la moyenne des stocks sur les deux derniers exercices. Cela peut permettre à des entreprises trop endettées de revendre leurs pièces à des plateformes spécialisées et ainsi de dégager de la trésorerie.

De manière plus structurelle les dispositifs de financement à l’investissement qui soutiennent la filière aéronautique sont essentiellement les suivants :

– le programme d’investissements d’avenir (PIA), qui finance des investissements innovants par le biais d’appels à projets ;

– le CORAC, indispensable pilier du soutien à la recherche en aéronautique civile. Créé en 2008, c’est une instance de concertation entre l’État et l’industrie aéronautique, permettant la mise en place et le financement de programmes de recherche dédiés. Son rôle de pilote et de coordination des financements de projets en direction de l’industrie aéronautique doit absolument être préservé, car il assure la cohérence et la lisibilité des mesures de soutien ;

– plus récemment, le programme France 2030 annoncé par le Président de la République prévoirait 1,2 Md€ de soutien à l’avion bas-carbone. Des interrogations subsistent encore quant au pilotage et au mode opérationnel de déploiement de ce financement.

Proposition n° 34 : préciser comment seront déclinés les fonds prévus dans France 2030 et par qui sera assuré leur pilotage. Le CORAC doit préserver un rôle leader sur le pilotage des aides à l’industrie aéronautique, afin d’assurer la cohérence des orientations R&D de la filière

3.   Au niveau régional

Les régions sont un acteur clé du soutien aux entreprises de l’industrie aéronautique, particulièrement pour les plus petites d’entre elles, tant durant la crise que de manière plus structurelle.

Grâce aux directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et aux services économiques de l’État en région (SEER), les services déconcentrés de l’État assurent un suivi important des sujets relatifs à l’aéronautique. Il y a notamment un référent aéronautique dans chaque SEER.

Le GIFAS, fédération professionnelle du secteur, assure des relais précieux entre le terrain et les pouvoirs publics. Une « task force » a notamment été créée par le GIFAS, associant les différents échelons de la filière, afin de gérer au mieux les conséquences de la crise. Cela a permis un dialogue de qualité avec les régions, avec en particulier l’instauration de représentants du GIFAS dans chacune des 13 régions de métropole.

Compte tenu de l’importance du secteur aéronautique dans l’ensemble des régions françaises, vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’une association systématique des régions à la définition des orientations stratégiques de la filière aéronautique. Les régions disposent d’une vision de terrain sur les qualités et les difficultés de l’industrie et permettent une bonne granularité dans la mise en œuvre des dispositifs de soutien. Le lancement d’AéroRégions 2021 en novembre 2021, co-présidé par Mme Carole Delga, présidente de Régions de France et M. Guillaume Faury, président du GIFAS et président exécutif d’Airbus, est un signal très positif en ce sens.

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont également des acteurs importants du soutien à l’aéronautique de par leur bonne connaissance des territoires et leur rôle important en matière de formation. Elles permettent à la fois de porter à la connaissance des entreprises les soutiens auxquelles elles peuvent prétendre et de les aider concrètement à bâtir des dossiers de demande. Les CCI soutiennent par ailleurs les actions de prospection à l’export et peuvent prendre des participations dans des fonds d’investissement orientés vers la filière. Par exemple, la CCI Nantes-Saint-Nazaire est entrée au capital de la société Neopolia, qui œuvre à la structuration des filières industrielles dans les Pays de la Loire.

Les plans de soutien à l’aéronautique en région Occitanie

Avant l’épidémie de la covid‑19, la région Occitanie avait déjà instauré des plans de soutien spécifiques au secteur aéronautique : les plans ADER. La dernière version de ces plans, ADER 4, date de 2018 et s’élève à 200 M€. Ont ainsi été créés un pass relance aéronautique-aérospatial, qui consiste en des subventions d’investissement pour la diversification et l’amélioration des performances, un fonds impulsion (50 M€) pour assurer des prises de participation dans des PME/ETI fragilisées et enfin une agence régionale des investissements stratégiques (ARIS, 30 M€), pour soutenir ces investissements.

Un dispositif exceptionnel de soutien complémentaire de 100 M€ (90 M€ pour l’aéronautique et 10 M€ pour le spatial) a été décidé en juillet 2020. Il résulte d’une collaboration entre la région, la CCI Occitanie et le GIFAS. Outre des soutiens à la production, à la diversification et à l’innovation, notamment pour l’avion vert (43 M€) et un fonds de soutien à la capitalisation (12 M€), une attention particulière a été portée à la préservation des emplois et des compétences des entreprises du tissu aéronautique, avec un soutien de 35 M€. Ainsi, un fonds régional de sauvegarde et de développement de l’emploi dans les territoires a été créé et abondé à hauteur de 15 M€. Sont également versés 1 000 € supplémentaires aux centres de formation d’apprentis (CFA) par contrat d’apprentissage. La filière bénéficie d’un fléchage de 10 M€ du pacte régional d’investissement dans les compétences. Une plateforme de promotion des savoir-faire et des compétences a également été créée.

Depuis le mois de mai 2020, 150 entreprises ont été aidées par ce dispositif exceptionnel. Près de 200 subventions ont été accordées, pour un montant de 52 M€.

B.   La vigilance à l’égard du secteur aéronautique doit être maintenue en sortie de crise

1.   Le redémarrage post-crise de la covid‑19 demeure la priorité des industriels à ce jour

À l’instar d’autres filières industrielles, de nombreuses entreprises de l’industrie aéronautique sont inquiètes quant aux conséquences de l’arrêt des soutiens conjoncturels et du remboursement des aides qui leur ont été octroyées. Or il faut à nouveau pouvoir dégager les marges de manœuvre financières nécessaires aux investissements pour la modernisation de leurs usines et pour le financement de leurs projets. La filière est caractérisée par des cycles de long terme, avec des retours sur investissement qui peuvent être tardifs. Il faut rappeler sur ce point que les efforts importants de coordination qui ont eu lieu entre les différents acteurs ont permis de n’avoir que très peu de défaillances d’entreprises dans la filière aéronautique.

Le défi de ces PME et ETI est dès lors de pouvoir survivre financièrement et de résister face à la remontée des cadences de production annoncées par les grands donneurs d’ordre. L’aéronautique se caractérise par de faibles volumes de production et par des variations de cadences parfois importantes, ce qui peut générer certaines difficultés lors de variations d’activité brutales (gestion des stocks accumulés, redémarrage très progressif par exemple). En fin d’année 2021, Airbus estimait être 10 points en dessous de la normale en matière d’OTD (on time delivery).

Il est donc nécessaire, pour les donneurs d’ordre de la filière, de communiquer le plus en amont possible sur leurs remontées de cadence. C’est d’ailleurs ce qui avait été fait, dès le deuxième trimestre 2021. En outre, les conditions de la reprise d’activité vont être différentes selon le modèle d’avion sur lequel fournisseurs et sous‑traitants travaillent. Si l’activité liée à la fabrication des avions monocouloir reprendra plus rapidement, les délais seront plus longs sur les chaînes long-courrier, notamment pour l’A350, en raison des incertitudes liées à la reprise du trafic aérien international. Cela pourrait constituer une occasion pour les entreprises travaillant pour des avions long‑courrier de diversifier leur activité vers d’autres activités aérospatiales. Mais cela nécessite des investissements et donc de pouvoir retrouver les marges de manœuvre financières nécessaires.

Ainsi, malgré la reprise de l’activité, tous les risques ne sont pas écartés pour le secteur aéronautique. L’une de solutions pour soulager la pression qui pèse sur les sous-traitants et les plus petites entreprises serait de leur laisser davantage de temps pour rembourser le PGE. Les prêts ainsi contractés peuvent être remboursés sur 4 ou 5 ans maximum, après les 1 ou 2 années initiales sans remboursement, soit 6 ans au total. Il pourrait être opportun de pouvoir amortir un tel prêt sur une période plus importante, afin de permettre aux entreprises de retrouver des moyens d’investissement. Le rapport Nogal précité sur le soutien à la filière, proposait un différé d’amortissement sur 1 à 3 ans avec une durée d’amortissement de 5 à 10 ans.

Le ministère de l’économie et des finances a indiqué début janvier 2022 qu’un décret serait pris pour allonger la durée d’amortissement du PGE de 6 à 10 ans, pour les TPE « en situation de grave tension de trésorerie ». Pour bénéficier de ce dispositif, les entreprises devront s’adresser à la Médiation du crédit de la Banque de France ou aux conseillers départementaux de sortie de crise ([75]). Vos rapporteurs veilleront à ce que l’allongement de la durée d’amortissement du PGE puisse bénéficier aux entreprises de l’industrie aéronautique qui en ont besoin.

Proposition n° 35 : inclure les TPE de la filière aéronautique dans les entreprises éligibles au rallongement de la durée d’amortissement du PGE de 6 à 10 ans

Enfin, certaines entreprises ont été contraintes de licencier des salariés. Pour les salariés qui sont restés dans les entreprises, la période a pu être éprouvante : ils ont subi de plein fouet les difficultés économiques alors que le secteur aéronautique était jusqu’ici présenté comme un secteur à l’abri de tout choc de demande. La reprise de l’activité est d’autant plus complexe. Les effectifs sont réduits et le départ de salariés très expérimentés, avec des compétences et une expérience parfois difficilement remplaçables, pèsent sur les capacités de production.

2.   Les dispositifs de soutien doivent bénéficier à tous les acteurs de la filière et gagner en lisibilité

De l’avis des entreprises du secteur, les soutiens mis en place par l’État et les régions au secteur aéronautique ont été salvateurs. Certains points de vigilance méritent cependant d’être relevés.

Une attention particulière doit être portée sur l’inclusion de l’ensemble acteurs de la filière aéronautique dans les dispositifs de soutien, afin que la solidarité de la filière si souvent évoquée puisse jouer à plein son rôle et demeurer une réalité. Certains acteurs rencontrés par vos rapporteurs ont eu l’impression d’être « oubliés » du plan de relance par rapport aux constructeurs par exemple, en particulier dans certaines professions de l’aviation générale. De même, les aéroports et les métiers de l’aéroportuaire ont eu l’impression d’être moins soutenus, malgré les aides consenties aux exploitants d’aéroports touchés par la crise et un accompagnement important des personnels par la DGAC.

Un autre point de vigilance doit porter sur la transparence de l’utilisation des fonds et leur bonne ventilation sur l’ensemble de la chaîne, des donneurs d’ordre aux sous-traitants. Cela permet une bonne appropriation des dispositifs par l’ensemble des acteurs et permettra de juger de leur efficacité et de leur bonne adaptation. Il est important d’associer autant que possible les instances représentatives du personnel et les organisations syndicales au sein de chaque entreprise aux mesures d’information relatives à l’emploi et à l’évaluation des fonds de soutien. Pour les fonds issus du CORAC, un outil permettant de recenser à qui vont les fonds et pourquoi, afin de constater si l’ensemble de la chaîne est bien irrigué, serait le bienvenu. Un dispositif de suivi similaire à celui mis en place pour le fonds de modernisation ([76]), c’est-à‑dire une plate‑forme recensant les entreprises soutenues selon différentes catégories (type d’entreprise, objectif recherché, etc.) et les montants associés, pourrait être opportun.

Proposition n° 36 : assurer davantage de transparence quant aux bénéficiaires des dispositifs de soutien, afin de s’assurer leur correcte ventilation sur l’ensemble de la chaîne de sous‑traitance. Une plate-forme de suivi de l’attribution des fonds pilotés par le CORAC, à l’instar de ce qui existe pour le fonds de modernisation, pourrait notamment être déployée.

Il serait utile de mettre en place une plate-forme transversale rassemblant l’ensemble des dispositifs de soutien existants pour le secteur aéronautique, avec des outils permettant de cibler l’entreprise selon sa situation. Un tel dispositif existe déjà pour les aides destinées aux acteurs du tourisme ([77]). BpiFrance a d’ailleurs mentionné cette proposition dans sa contribution aux travaux de la mission d’information, afin de disposer d’« une vision complète et structurée des guichets nationaux disponibles ». Cela assurerait une meilleure connaissance des dispositifs de soutien auprès des entreprises et de sélectionner ceux qui sont les plus adaptés à leur situation.

Proposition n° 37 : créer un site internet regroupant tous les dispositifs de soutien existants pour les entreprises du secteur aéronautique, afin de permettre à celles‑ci de les connaître et d’y accéder plus aisément

II.   Les qualités de la filière aéronautique doivent lui permettre de poursuivre sa transformation

La filière aéronautique est une filière d’excellence française, tant du point de vue de ses compétences, de son extrême structuration que de sa compétitivité. Elle bénéficie, en amont de la filière, d’une recherche particulièrement en pointe. L’aéronautique doit capitaliser sur ces atouts pour parachever sa transformation et gagner encore en performance, en particulier grâce à une consolidation, à une diversification au sein de la filière et à une modernisation des procédés de production accrues.

A.   Une filière qui doit tirer tous les bénéfices de sa bonne structuration

1.   La filière industrielle aéronautique dispose d’atouts majeurs, de l’amont à l’aval de la chaîne de production

a.   La dualité de la filière permet d’ajuster la production au contexte économique

La dualité de la filière aéronautique, c’est-à-dire la coexistence d’activités militaires et civiles au sein même des entreprises qui la composent, est un atout majeur du dynamisme et de la résilience de la filière. Il existe par ailleurs une dualité entre les activités aéronautiques et spatiales. Ces doubles dualités ont été déterminantes pour affronter les conséquences de la crise : alors que les activités aéronautiques civiles ont diminué, les entreprises ont pu augmenter la part de leur chiffre d’affaires consacrée aux activités militaires et spatiales.

La dualité de la filière permet également des transferts de technologie. Actuellement, ce sont plutôt les développements issus de l’activité civile qui irriguent le domaine militaire. L’aéronautique civile nécessite une forte adaptation aux contraintes économiques, ce qui stimule l’innovation tout en y adossant des modèles financiers compatibles avec l’état du marché. De tels transferts technologiques ont par exemple eu lieu sur le développement des avions ravitailleurs MRTT et l’hélicoptère interarmées léger (HIL) chez Airbus. En son temps, le Concorde a également permis des développements dans le domaine de l’aéronautique militaire, même si c’était alors plutôt les technologies militaires qui jouaient un rôle d’entraînement vis-à-vis des activités civiles.

Selon l’enquête 2020 sur la filière aéronautique et spatiale de l’Insee précitée, un tiers des sociétés de la filière aéronautique et spatiale travaillait sur des programmes militaires en 2020. De tels programmes représentaient 17 % de l’activité de la filière. Les entreprises travaillant sur des programmes militaires ont mieux résisté à la crise : l’Insee indique que « les effectifs dédiés à l’aérospatiale des sociétés travaillant sur des programmes militaires diminuent moins (-7 %, contre -12 % pour celles qui n’ont aucun marché militaire) ».

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de préserver une telle dualité, qui permet à la filière d’établir des synergies intéressantes. Il existe une certaine inquiétude des entreprises disposant d’activités duales sur le projet de taxonomie européenne sur la finance verte, qui pourrait fragiliser les investissements des industries de défense. Une proposition de résolution européenne sur ce sujet a d’ailleurs été déposée à l’Assemblée nationale ([78]). Une attention particulière devra être portée à ce sujet durant la présidence française de l’Union européenne, afin de ne pas remettre en question cette précieuse dualité.

Proposition n° 38 : maintenir une vigilance sur la place des activités de défense dans la taxonomie verte européenne, afin que ne soit pas remise en cause la dualité des entreprises du secteur aéronautique

b.   L’excellence de la recherche aéronautique française

Les activités de recherche en aéronautique peuvent elles aussi bénéficier de la dualité de la filière, tant entre le civil et le militaire qu’entre l’aéronautique et le spatial. C’est le cas sur le développement de l’avion à hydrogène, qui profite des avancées déjà réalisées dans le domaine spatial. Cette excellence de la recherche française se double d’un autre atout de la filière, selon la DGE : celui de travailler en même temps sur le développement d’un produit et son industrialisation.

Les politiques de soutien à la R&D en matière aéronautique sont pilotées depuis 1976 par la DGAC. En sus des divers programmes conjoncturels de relance, les crédits budgétaires correspondants sont essentiellement imputés sur le programme 190 ([79]) de la loi de finances.

L’ONERA est un acteur majeur en la matière. L’office dispose du plus grand parc de souffleries d’Europe, ces installations étant capitales dans le développement des grands programmes aéronautiques. L’actuel PDG de l’ONERA, M. Bruno Sainjon, a été élu vice‑président de l’International Forum for Aviation Research (IFAR) en octobre 2021, pour un mandat de 2 ans. Cela permettra à la recherche aéronautique française de disposer d’une résonance mondiale accrue.

Le CORAC est l’acteur pivot de la recherche aéronautique civile et permet un lien efficace entre recherche et entreprises. Il concentrait plus de 50 % de l’activité de R&T de la filière entre 2010 et 2019. Une feuille de route partagée est construite, permettant l’émergence de projets structurants, tels que l’avion zéro émission. Les financements associés bénéficient ainsi d’une cohérence, tout autant que les grandes orientations des programmes industriels de toute la filière. Le contrat de filière aéronautique de 2018, dont le fonctionnement sera expliqué infra, précise les huit chapitres de la feuille de route technologique nationale ([80]). Ceux‑ci peuvent être regroupés en trois grands axes : aéronef à énergie optimisée, aéronef autonome et connecté, nouvelles méthodes de développement et de production.

Une évaluation des aides R&D mises en place par l’intermédiaire du CORAC dans le plan de soutien à l’aéronautique est prévue par la DGAC, en application de la réglementation européenne relative aux aides d’État ([81]). Le plan d’évaluation de cette aide a été notifié à la Commission européenne et approuvé par celle-ci en avril 2021. L’évaluation doit être confiée « à un organisme indépendant, sélectionné par appel d’offres », selon les indications fournies par la DGAC. Cette dernière a lancé l’appel d’offres mi‑octobre 2021, ce qui devrait conduire au choix du prestataire au premier trimestre 2022. Toujours selon la DGAC, cette évaluation « devra permettre de mesurer l’impact direct du soutien sur les bénéficiaires, de mesurer l’impact indirect du soutien sur l’économie en général et d’évaluer la proportionnalité et le caractère approprié du régime d’aides. Le rapport final est attendu pour fin 2023 et sera rendu public une fois validé par la Commission européenne ».

Les multiples subventions accordées dans le cadre des différents plans de soutien au secteur aéronautique ne doivent pas être synonymes d’une baisse des budgets R&D propres aux différentes entreprises, notamment chez les donneurs d’ordre. L’engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) signé au niveau de la filière en 2018 soulignait que les industries aéronautiques et spatiales consacraient alors l’équivalent de 14 % de leur chiffre d’affaires à la R&D, dont plus de la moitié autofinancée par les industriels eux-mêmes.

c.   Des relations entre les entreprises de la filière plutôt satisfaisantes grâce à une bonne structuration de celle-ci

La filière aéronautique est très bien structurée, ce qui lui a permis de résister du mieux possible aux conséquences de la crise sanitaire, tout en limitant les défaillances d’entreprises. De l’avis de la CFTC Métallurgie, la relation entre donneurs d’ordre et sous-traitants y est plutôt « moins agressive » que dans d’autres secteurs, sans être pour autant « dépourvues de tensions ». Cette filière possède aussi l’avantage de disposer de l’intégralité des maillons de la chaîne de valeur sur son sol.

Cette structuration est entretenue grâce à plusieurs outils. En premier lieu, l’aéronautique fait l’objet d’un contrat de filière. Les contrats de filière structurent l’action des comités stratégiques de filière qui ont été créés au niveau du Conseil national de l’industrie (CNI). Le but est d’assurer un dialogue entre l’État, les entreprises et les représentants des salariés, dans une perspective de reconquête industrielle. Les contrats de filière mettent en avant des thématiques transversales à toutes les industries, telles que la digitalisation, l’innovation, la problématique des compétences ou encore celle de l’accompagnement des PME.

Le GIFAS est un organe structurant de la filière aéronautique. Fédérant les acteurs de l’industrie aéronautique, il fait aussi office d’intermédiaire avec les pouvoirs publics pour la mise en œuvre opérationnelle des dispositifs d’accompagnement. Outre les outils présentés supra une charte d’engagement sur les relations entre clients et fournisseurs au sein de la filière aéronautique française ([82]) a également été mise en place dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique de 2020. Elle a vocation à assurer la qualité du dialogue entre donneurs d’ordre et sous-traitants et à limiter les risques de défaillance. Un webinaire a été organisé en mars 2021 pour présenter cette charte. Elle comporte plusieurs objectifs qui peuvent être résumés ainsi :

– renforcer la compétitivité de l’offre française et assurer sa pérennité ;

– assurer des relations contractuelles équilibrées, ainsi que de bonnes relations au sein de la filière avec des outils adaptés, en particulier la médiation ;

– mobiliser la filière autour d’objectifs communs de décarbonation du secteur.

Un groupe de travail a été créé au sein du GIFAS pour assurer le suivi de celle‑ci, composé notamment des médiateurs internes aux entreprises et présidé par le médiateur de la filière aéronautique et spatiale, M. Philippe Berna. De manière plus générale, le collège des médiateurs du GIFAS permet de gérer les difficultés relationnelles entre les entreprises du secteur. Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter du choix fait de privilégier les outils de dialogue social et de médiation. Il serait intéressant de pouvoir disposer de retours sur la mise en œuvre de cette charte ; le plan de soutien prévoyait d’ailleurs un suivi régulier du respect de celle‑ci.

Proposition n° 39 : assurer le suivi de la mise en œuvre et du respect de la charte d’engagement sur les relations entre clients et fournisseurs au sein de la filière aéronautique française

Le GIFAS possède en outre des outils de long terme pour soutenir tous les acteurs de la filière de manière cohérente. Des questionnaires circulent régulièrement au sein de la filière. Le comité AERO PME, créé en 1996 en son sein, valorise les PME du secteur aéronautique et permet de faire remonter leurs sujets de préoccupation.

La structuration et la solidarité de la filière ont été un atout pendant la crise. Les donneurs d’ordre ont joué leur rôle en maintenant les commandes et en faisant des stocks au besoin. La reprise de certaines activités en interne demeure marginale : l’enquête Insee précitée souligne que seulement 4 % des sociétés de la filière aéronautique et spatiale ont déclaré avoir repris en interne une activité auparavant externalisée.

De manière générale, le dialogue entre les différentes parties prenantes est essentiel. La structuration dépasse le cadre de la filière aéronautique stricto sensu. En 2005 a été créé le pôle de compétitivité Aerospace Valley pour les activités aéronautiques, spatiales et de systèmes embarqués, situées sur les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Il s’agit du premier pôle de compétitivité mondial de la filière aérospatiale. Aerospace Valley regroupe 146 000 emplois industriels, soit un tiers des effectifs aéronautiques français et plus de 50 % des effectifs du spatial, mais aussi 8 500 chercheurs. Plusieurs types d’acteurs sont impliqués : entreprises (dont plus de 590 PME), laboratoires de recherche, établissements de formation, collectivités territoriales, structures de développement économique, etc. Ce pôle permet de donner une vision stratégique à l’ensemble des acteurs tout en leur offrant un soutien opérationnel.

Il existe également une synergie entre acteurs de l’industrie aéronautique proprement dite et acteurs du transport aérien. Les activités de maintenance semblent jouer un rôle déterminant sur ces synergies : l’Institut Paris Région, sur l’ensemble des aéroports de Paris, identifie 51 établissements, employant 11 000 salariés relevant de la maintenance aéronautique. Les activités dites MRO (Maintenance, Repair and Overhaul) occupent d’ailleurs une part croissante du chiffre d’affaires des grands donneurs d’ordre de la filière.

2.   Afin de maintenir la compétitivité et la résilience de la filière, la nécessité d’entreprises consolidées et moins dépendantes à un seul programme de construction

a.   Une consolidation indispensable pour une meilleure résilience

La crise a mis en lumière la fragilité de certaines entreprises du secteur aéronautique. Cela illustre l’opportunité de consolider la filière sur certains pans d’activité. Certaines fusions d’entreprises ont déjà eu lieu avec succès, telles que pour Nexteam ou Weare Aerospace. C’est le sens des fonds d’investissement mis en place au niveau de l’État et des régions pour prise de participations dans le capital des sociétés. Ace Aéro Partenaires, mis en place au niveau de l’État, s’adresse majoritairement à des entreprises qui ont déjà atteint une taille critique. Ce fonds est complémentaire avec ceux mis en place au niveau régional et qui permettent d’aider des entreprises de taille plus modeste. On peut par exemple citer IRDI Capital Investissement ou le fonds de soutien de la région en Occitanie.

Quels bénéfices attendre de la consolidation ? Un maillage d’entreprises bénéficiant d’une taille suffisamment importante permet de faire face plus aisément aux variations de cadence. Les plus grandes entreprises du secteur ont pu absorber leurs propres variations d’activité et celles de leurs sous-traitants pendant la crise. Cela aide aussi ces entreprises à faire face à la concurrence internationale. Une prise de participations d’acteurs nationaux dans celles-ci peut désinciter la prédation étrangère sur ce type d’entreprises.

Par ailleurs, sur certains segments d’activité, il existe un manque de différenciation entre les entreprises de la filière aéronautique, ce qui peut justifier des mouvements de fusion. C’est notamment le cas pour l’usinage. Un mouvement de consolidation peut alors permettre davantage de lisibilité et d’avoir des entreprises plus compétitives sur le marché.

Les plus grandes entreprises de l’aéronautique ne sont pas étrangères à certains mouvements de restructuration. La création d’Airbus Atlantic, qui regroupe le site Airbus de Montoir-Saint-Nazaire et les sites Stelia Aerospace de Saint‑Nazaire et de Nantes, doit devenir la seconde entreprise mondiale de fabrication d’aérostructures. Il existe cependant plusieurs acteurs de taille moyenne sur le marché des aérostructures.

Ces mouvements de consolidation doivent néanmoins préserver la pluralité des compétences de la filière sur l’ensemble de la supply chain. Si la consolidation de la filière peut permettre d’en renforcer la compétitivité et la résilience, vos rapporteurs rappelle que chaque mouvement de ce type doit prendre en considération les questions d’emploi et d’aménagement du territoire associées.

Proposition n° 40 : poursuivre les efforts de consolidation de la filière, en particulier grâce aux fonds d’investissements dédiés, tout en veillant à prendre en compte les conséquences sociales de ces restructurations

b.   Une diversification des activités au sein de la filière aérospatiale

La diversification des activités d’une entreprise peut lui permettre de rebondir plus aisément face aux aléas économiques. La diversification en dehors des activités de la filière aéronautique et spatiale a permis à certaines entreprises de se maintenir sur le marché. C’est du reste l’une des ambitions du fonds de modernisation. Parmi les lauréats de ce fonds, l’entreprise Aurock, dans le Tarn, qui conçoit des moules pour la production de pièces aéronautiques, a diversifié sa production dans les meubles haut de gamme en métal. ST Composites, qui fabrique des pièces en matériaux composites pour l’aménagement de l’intérieur des avions, a diversifié ses activités vers la bagagerie et le luxe. Par ailleurs, les secteurs médicaux ou de l’énergie sont souvent cités comme étant des secteurs d’activités vers lesquels l’aéronautique pourrait se diversifier.

Pour vos rapporteurs, la diversification des activités doit prioritairement être réalisée au sein même de la filière aérospatiale. Celle-ci peut ainsi conserver sa bonne intégration et son haut degré de qualification, sans provoquer une fuite des compétences vers d’autres secteurs d’activité.

Cette diversification est déjà une réalité dans de nombreuses entreprises. Les grands donneurs d’ordre de la filière en sont évidemment un exemple. La réalité est plus diverse au niveau de la chaîne de sous-traitance. La dernière enquête de l’Insee sur la filière aérospatiale souligne qu’« une société sur dix dépend à la fois de la filière à plus de 80 % et d’un client principal à plus de 50 % ». La dépendance à un seul type d’avion peut être problématique. C’est particulièrement le cas des entreprises travaillant aujourd’hui sur la chaîne de production des long-courrier type A350, qui peinent à retrouver leur niveau de production d’avant-crise. Les programmes longcourrier ont en effet subi des réductions de l’ordre de 50 % d’activité durant la crise, contre 33 % pour les moyencourrier ([83]). À l’inverse, des entreprises diversifiées telles que Daher ont pu limiter les conséquences de la crise. Cette entreprise familiale dispose en effet de trois métiers différents : avionneur, équipementier et systémier aéronautique et enfin services logistiques et supply chain.

La diversification des activités nécessite cependant des investissements importants. Ils sont difficiles à mobiliser pour les plus petites entreprises disposant d’une trésorerie encore fragile, alors que ce sont elles qui auraient le plus besoin de cette diversification.

B.   La nécessaire poursuite des investissements pour s’emparer pleinement des solutions « industrie du futur »

La filière aéronautique doit maintenir ses efforts en faveur de la modernisation de ses procédés de production, afin d’engager un virage résolu vers les organisations de type « industrie du futur ». L’industrie du futur consiste à la fois, selon la définition qui en est donnée par Bpifrance, en la modernisation des outils de production et en la transformation numérique des entreprises industrielles.

Une première étude PIPAME (pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques) sur l’industrie du futur au sein de la filière aéronautique, en date de 2018, avait déjà posé certains diagnostics en la matière ([84]). Parmi les freins substantiels au développement de ces procédés, avait été relevé le constat d’une « filière à deux vitesses » sur le déploiement des outils de type « industrie du futur ». Les plus grandes entreprises (CA supérieur à 100 M€) avaient pour la plupart déjà engagé des actions ou une feuille de route en la matière, alors que les entreprises de taille plus modeste étaient beaucoup moins investies sur ces sujets. Cette étude a d’ailleurs débouché sur le lancement d’un programme « industrie du futur » par le GIFAS, tourné vers l’accompagnement des PME, avec un financement initial de 23 M€ pour 300 entreprises ([85]) sur la période 2019‑2022.

1.   La mise en place des procédés « industrie du futur » nécessite un accompagnement important des entreprises de l’aéronautique

Renouveler les procédés et les outils de production n’est pas chose aisée, particulièrement dans les plus petites entreprises de la filière aéronautique. Cela nécessite des moyens et une stratégie bien définis. Cette modernisation est néanmoins cruciale pour préserver la compétitivité des entreprises. La supply chain pourra opportunément bénéficier d’un effet d’entraînement des entreprises déjà modernisées, afin d’assurer l’implication de toute la filière.

Il est tout d’abord nécessaire d’améliorer l’automatisation et la robotisation des procédés de production, afin de gagner en performance. Ce sont ensuite les enjeux de digitalisation et de numérisation qui sont centraux. Le traitement de masse des données permet d’améliorer les performances des technologies et des procédés de production, une meilleure traçabilité ou encore la dématérialisation des procédures et la fluidité des relations inter‑entreprises. L’exploitation des données joue un rôle important en matière d’amélioration de la maintenance prédictive sur les aéronefs par exemple. Les équipements industriels peuvent aussi bénéficier d’une meilleure interconnexion par ce biais, grâce à une standardisation des machines et des usages. Le passage à des procédés de type « industrie du futur » va également dans le sens d’une décarbonation de l’industrie, avec le remplacement d’outils vieillissants.

Une telle modernisation ne peut pas se faire à tout instant et va généralement de pair avec le début d’un nouveau programme de construction. Les conséquences associées au déploiement de telles technologies doivent également être prises en compte. Les enjeux de cybersécurité sont fondamentaux. La formation continue est également indispensable pour faire évoluer les compétences.

Si toute la filière doit être associée aux démarches « industrie du futur », une analyse au cas par cas demeure nécessaire. La DGE précise : « les transformations vers l’industrie du futur permettent une amélioration significative de la performance industrielle, en intégrant automatiquement les variations de cadence et en rendant la production plus flexible. Cependant, du fait des faibles volumes de l’aéronautique (quelques centaines d’unités par an, contre plusieurs millions pour l’automobile par exemple), beaucoup d’opérations sont encore manuelles et il n’est pas rentable de les automatiser. De plus, de nombreuses entreprises de petite taille peuvent ne pas avoir la capacité financière à mener ces investissements ».

Pour soutenir ces dernières, plusieurs dispositifs de soutien ont été mis en place. Les soutiens européens sont encore trop timides en la matière et vos rapporteurs espèrent qu’ils pourront se renforcer à l’avenir. Voici quelques‑unes des principales mesures à ce sujet qui existent en France :

– les transitions réussies doivent avoir un effet d’entraînement. C’est l’objectif du label « vitrine industrie du futur », décerné aux entreprises ayant « développé concrètement un projet novateur pour l’organisation de leur production, via le numérique le plus souvent, et en plaçant l’Homme au cœur de la transformation engagée ». Des entreprises disposant d’activités aéronautique telles que Lacroix Electronics, Latécoère et Lisi Aerospace ont été labellisées ([86])  ;

– les appels à projet du fonds de modernisation soutiennent les initiatives allant dans le sens de la transformation des procédés de production. La DGE indique que la modernisation des outils de production est le principal enjeu pour 80 % des projets sélectionnés ;

– un relais CORAC-PME mis en place par le GIFAS, notamment pour faciliter l’intégration de technologies innovantes en provenance des PME et dont les plus grandes entreprises ont besoin ;

– le programme « industrie du futur » du GIFAS, initié en 2019. Il aide les PME et ETI du secteur « à s’approprier les nouvelles technologies du numérique et de production ». Il doit à la fois convaincre de la nécessité d’engager ces transformations et accompagner dans les débuts de la transformation. Les entreprises sont accompagnées pour 18 mois. 300 entreprises sont soutenues par ce programme. Le contrat de filière prévoit une évaluation annuelle du dispositif de soutien ;

– il existe par ailleurs des outils transverses dans le cadre de Boost Aerospace. Cette plate‑forme numérique a été fondée par les quatre grands donneurs d’ordre de la filière aérospatiale. Elle doit faciliter les collaborations entre entreprises grâce à la digitalisation et sécuriser les échanges entre cellesci. Parmi ces outils figurent notamment AirSupply (digitalisation de la supply chain), AirCollab (sécurisation des échanges d’information lors de projets communs), AirDesign (traçage des données techniques du produit) ou encore AirCyber (standardisation des exigences de sécurité informatique). Les entreprises accompagnées grâce au programme « industrie du futur » du GIFAS précité le sont également pour le développement de certains de ces outils transverses (AirSupply, AirConnect et AirCyber).

Proposition n° 41 : développer les outils numériques permettant la digitalisation des procédés de production, au besoin par des appels à projets. Il faut veiller en parallèle à investir dans les compétences nécessaires à la maîtrise de ces outils et dans la lutte contre les risques cyber

2.   La déclinaison opérationnelle de la modernisation des procédés de production

Parmi les déploiements concrets de procédés de type « industrie du futur », figure la fabrication additive (impression en trois dimensions) pour la production de certaines pièces. Elle permet de produire des pièces plus rapidement et facilite la production de celles qui sont particulièrement complexes. Ce procédé est déjà en place dans de nombreuses entreprises de la filière, chez Safran sur le programme RISE ou chez ATR par exemple. Safran dispose notamment du premier site européen et du second site au monde de fabrication additive dans l’aéronautique, au Haillan (Gironde).

Les jumeaux numériques sont un autre outil disposant d’un fort potentiel. Le principe est de disposer, pour un aéronef ou un procédé de production donné, d’une version numérique qui soit « jumelle » de l’original. Une communication entre les deux permet de transmettre les données récupérées sur la version originale vers le jumeau numérique. Ce dernier a de nombreuses utilités : il permet d’analyser les données récoltées et de modéliser des scénarios, en faisant varier des paramètres donnés. Cela permet d’optimiser le procédé ou l’aéronef considéré. Il permet également une sécurité accrue, de faire de la maintenance prédictive, de la formation, etc.

Les entreprises du secteur de l’aéronautique se sont déjà emparées des potentialités de telles techniques. Les jumeaux numériques sont déjà utilisés dans l’aéronautique, sur des programmes tels que le Rafale ou chez Airbus. Les grandes entreprises comptent en accélérer le déploiement : il serait même possible de créer un jumeau numérique complet d’une entreprise.

Plus généralement, Airbus a mis en place une approche transversale DDMS (digital design, manufacturing and services) de sa production, qui regroupe plusieurs procédés innovants centrés sur l’utilisation du digital. Ces procédés ont vocation à irriguer l’ensemble du cycle de vie du produit à horizon 2025. Ils ont déjà été testés sur la conception de l’A350 ou de l’A320neo.

La nouvelle chaîne d’assemblage de l’A320 et de l’A321 à Toulouse Lagardère est un autre bon exemple de modernisation des procédés de production, avec une chaîne très numérisée. Les premières livraisons de l’A321XLR sont prévues en 2023. Le coût total du projet est de 130 M€ et il devrait permettre la création de 600 postes. Cela permettra également de disposer d’une chaîne d’assemblage de ce type d’aéronefs en France et de réduire la dépendance de la région aux avions long-courrier de type A350 ou A330. Cette chaîne d’assemblage devrait être opérationnelle fin 2022.

L’entreprise Stelia Aerospace dispose quant à elle d’une « usine du futur » sur son site de Méaulte (Somme). L’usine disposait dès 2017 d’une ligne d’assemblage automatisée pour l’A320. Stelia a annoncé un nouveau plan d’investissement de 110 M€ sur 4 ans au printemps 2021, financé à 50 % par le CORAC. Son but est notamment d’améliorer la robotisation et de disposer de lignes d’assemblage plus flexibles pouvant servir à assembler différents modèles d’aéronefs, avec un contrôle qualité en temps réel. L’interconnexion des systèmes de production avec les sous-traitants sera également développée.

La modernisation des procédés de production ne touche cependant pas que des grandes entreprises. L’entreprise Tarmac Aerosave a démarré en 2021 le projet Tarmac Air, qui est une nouvelle conception de la manière de démanteler les avions. Cette transformation répond à trois objectifs : la sécurité des opérateurs – en particulier par la mécanisation et par la digitalisation –, la maîtrise des conséquences environnementales de l’activité et une augmentation des capacités d’accueil et des cadences de traitement.

III.   Les emplois et les compétences du secteur aéronautique sont DES déterminantS essentiels de sa réussite

A.   L’attractivité de la filière est un enjeu majeur

1.   L’aéronautique reste un secteur attractif mais des risques existent sur certains emplois

La branche aéronautique est composée de métiers très variés : selon les données du GIFAS, la branche aéronautique est composée à 25 % d’opérateurs et de techniciens d’ateliers, à 32 % de techniciens supérieurs et à 43 % d’ingénieurs et cadres. Il faut en revanche travailler à la parité femmes-hommes dans la filière, celle-ci étant encore très loin d’être atteinte.

Répartition femmes-hommes
dans la filière aéronautique et spatiale

Source : GIFAS, rapport annuel 2021-2021

a.   Les formations permettant d’accéder aux emplois les plus qualifiés bénéficient toujours d’une bonne dynamique

La survenance de la crise sanitaire et les conséquences du changement climatique pourraient conduire à réinterroger l’attractivité des métiers de l’aéronautique et de l’aérien. Une bonne mesure de cette attractivité est de regarder l’attractivité des formations associées : or les grandes écoles du secteur bénéficient toujours du même dynamisme. Ce constat a été dressé à la fois par l’ISAE-Supaéro, école leader en ingénierie aérospatiale, et par l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), qui forme les professionnels du transport aérien :

– à l’ISAE-Supaéro, il n’a pas été constaté de baisses de candidatures. L’école d’ingénieurs est toujours la cinquième école demandée dans les concours d’écoles d’ingénieur en France, sur le parcours ingénieur. De plus, sur les 830 étudiants recrutés en 2021, 40 % viennent de l’étranger, ce qui témoigne du rayonnement international de l’école. Les embauches en sortie d’école ont été réalisées dans l’aéronautique civile à hauteur de 18 % en 2020, contre 30 % généralement, compte tenu des difficultés du secteur. Mais, en général, 50 % à 80 % des diplômés sont embauchés dans le secteur aérospatial et de défense. En revanche, il est constaté une préférence croissante pour les petites structures en sortie d’école, plutôt que des postes dans de grandes entreprises ;

– l’ENAC ne constate pas de désaffection pour les métiers de l’aérien. Il y a par exemple toujours plus d’un millier de candidats pour une vingtaine de places en formation de pilote. Plus de 90 % de leurs étudiants se maintiennent dans le secteur de l’aéronautique ou du transport aérien en sortie d’école.

b.   Les métiers de la maintenance et de la production doivent faire l’objet d’une attention particulière

En revanche, les métiers de la production et de la maintenance ont davantage de difficultés à recruter, phénomène qui n’est d’ailleurs pas propre uniquement au secteur aéronautique. Certains salariés sont partis dans d’autres secteurs d’activité qui ont moins souffert de la crise. Le GIFAS souligne que « la filière est très préoccupée par les difficultés de recrutement d’opérateurs et techniciens de production (ajusteurs structures aéronautiques, peintres aéronautiques, opérateurs régleurs commandes numériques, soudeurs, chaudronniers aéronautiques…) rencontrées depuis quelques mois par les agences aéronautiques de recrutement et de travail temporaire ». Il est également constaté une pénurie de mécaniciens pour la maintenance des aéronefs, un tel constat s’appliquant également à l’aviation générale.

La maintenance aéroportuaire peine aussi à attirer de nouveaux salariés, de l’avis des fédérations représentant les métiers de l’aéroportuaire. Une étude de l’UAF sur les besoins dans les métiers de l’aéroportuaire et les réponses à y apporter devrait être publiée en juin 2022.

Si les grandes écoles continuent à attirer les étudiants, les retours de terrain sont préoccupants sur le niveau de remplissage des formations professionnelles menant aux métiers de l’aéronautique. Certaines entreprises sous-traitantes auditionnées ont fait état de difficultés d’attractivité au lycée professionnel d’Airbus ou dans les centres de formation d’apprentis (CFA) dédiés.

2.   Les besoins de recrutement de la filière sont pourtant bien présents

a.   Les recrutements dans la filière se poursuivent en dépit de la crise

La filière dispose de compétences importantes, qui ont pu être mises en difficulté par la crise. Celle-ci a provoqué le départ de profils expérimentés et un recours croissant à l’intérim, avec un risque associé de perte irrévocable de compétences.

La remontée des cadences entraîne des besoins importants que la filière peine parfois à combler, notamment dans le sud-ouest de la France. Ces dernières semaines, les entreprises ont multiplié les initiatives innovantes pour attirer de nouvelles recrues. L’entreprise Sabena Technics a par exemple organisé un « job dating » en décembre 2021 pour recruter des peintres aéronautiques, directement dans ses ateliers, à Toulouse. Dans les Landes, Potez Aéronautique a conclu des partenariats avec des clubs sportifs en échange de la transmission de curriculum vitae.

Au niveau mondial, Boeing estime la demande de personnel aéronautique prévue à plus de 2,1 millions de personnes pour piloter et entretenir la flotte commerciale mondiale au cours des 20 prochaines années, avec notamment 626 000 techniciens de maintenance. Selon le GIFAS, 6 000 à 8 000 recrutements dans la filière étaient attendus en 2021. En France, les entreprises les plus innovantes présentent aussi un fort potentiel d’embauche : VoltAéro par exemple prévoit de créer en France 100 emplois directs et 400 emplois indirects, sur le seul projet Cassio.

b.   La transformation de la production et les avions de demain nécessitent pourtant de nouvelles compétences

Avec le développement des procédés « industrie du futur », le besoin d’adaptation et de renouvellement est particulièrement prégnant sur l’ensemble de la chaîne de production, en particulier dans les métiers du digital, de la cybersécurité et du big data. Or cet enjeu n’est pas propre à la filière aéronautique et il peut donc y avoir une forte concurrence entre les entreprises pour recruter ces profils.

De plus, le défi de la décarbonation du secteur aérien doit être perçu comme une opportunité en termes d’embauches et de renouvellement des compétences. L’énergie est l’un des domaines de compétences qui sera très recherché. L’arrivée de l’avion à hydrogène conduira aussi à la création de nouveaux métiers. France Hydrogène a rédigé un livre blanc à ce sujet ([87]) et les besoins identifiés sont majeurs. La filière pourrait créer ou maintenir entre 50 000 et 150 000 emplois, répartis sur 84 métiers. Parmi ces derniers, 17 sont identifiés comme étant déjà en tension.

La filière aéronautique fait face à un renouvellement important en termes de besoins de compétences, comme le relève la DGE : « Certaines compétences sont en cours d’obsolescence (notamment dans le domaine technique : décolleteurs conventionnels, outilleurs sur établi, tourneurs conventionnels, etc.), alors que des compétences naissantes sont en tension : les compétences numériques, les compétences techniques nouvelles (fabrication additive, mécatronique, écologie industrielle, etc.) et les compétences organisationnelles ».

Une étude sur l’évolution des besoins en compétences aéronautiques a été réalisée en Occitanie en décembre 2020, financée dans le cadre de l’engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) de la filière. Les entreprises effectuent également ce travail de suivi des compétences en interne. Par exemple, le groupe Latécoère dresse une cartographie des métiers et des compétences, afin de disposer d’une vision stratégique de leur politique de ressources humaines. Les métiers identifiés comme critiques font l’objet d’un suivi renforcé. Il conviendrait de recenser les besoins de la filière au niveau national en menant une enquête de grande envergure auprès des entreprises. Cela permettrait d’identifier les métiers en tension, de quantifier les besoins nécessaires et d’agir en amont sur les dispositifs de formation initiale et continue.

Proposition n° 42 : effectuer un recensement national des métiers en tension au sein de l’industrie aéronautique

B.   Une politique de formation ambitieuse maintiendra l’excellence des savoir-faire du secteur aéronautique

Selon le Haut Conseil pour le climat, « Pour les entreprises du secteur aéronautique et les pouvoirs publics, il s’agit de mettre en place des stratégies et politiques industrielles qui maintiennent l’employabilité des salariés dans différents scénarios d’évolution de la demande, et qui portent une attention particulière aux équilibres territoriaux, l’industrie aéronautique française étant concentrée dans le Grand sud-Ouest ». La formation, tant initiale que continue, est un volet particulièrement important de cette employabilité et qui fait l’objet d’une attention particulière de la part de vos rapporteurs.

1.   En amont, il est fondamental de maintenir l’attractivité des formations initiales et de communiquer sur celles‑ci

a.   Un besoin de revalorisation des formations, notamment techniques

Les formations techniques souffrent d’un déficit d’attractivité tout autant que d’une certaine méconnaissance. Les unions professionnelles, et notamment l’UIMM, jouent un rôle important pour combler cette lacune, avec l’existence de pôles formation dédiés. Il existe par exemple un centre de formation de l’industrie à Figeac dans le cadre du cluster d’entreprises Mécanic Vallée. Il offre des formations spécialisées dans l’aéronautique. En septembre 2021, la région Auvergne-Rhône-Alpes a lancé une Académie aéronautique régionale.

Le compagnonnage est une formation particulièrement opérante et précieuse pour les entreprises, qui assure la transmission des savoir‑faire. Les centres de formations d’apprentis et les formations en lycée professionnel disposent également de ce fort lien avec le monde de l’entreprise et sont autant d’atouts précieux à valoriser, considérant les difficultés à recruter sur les métiers techniques et de production.

Les formations en alternance participent de la même logique. Elles connaissent actuellement un regain d’intérêt, ce dont vos rapporteurs ne peuvent que se réjouir. La filière aéronautique et spatiale comptait 6 200 alternants au 1er janvier 2021 (données GIFAS). Les écoles d’ingénieur proposent désormais des formations de ce type. L’ISAE-Supaéro a récemment créé une formation ingénieur par apprentissage, ouverte aux titulaires de BTS ou de DUT. Il est important que les formations en apprentissage puissent bénéficier à la formation aux métiers techniques. L’ENAC a également créé une telle filière.

Les soutiens financiers à l’apprentissage ont été renforcés. Entre les mois de juillet 2020 et de décembre 2021, une aide exceptionnelle à l’embauche lors de la première année du contrat était octroyée et s’échelonnait de 5 000 € à 8 000 €. Hors de cette période, il existe une aide unique pour l’embauche d’un apprenti, versée pendant 3 à 4 ans et dégressive dans le temps, de 4 125 € à 1 200 €.

Les grandes entreprises disposent également de leurs propres formations. À titre d’exemple, le lycée professionnel d’Airbus propose 5 baccalauréats professionnels, 2 BTS et une mention complémentaire de technicien en peinture aéronautique.

Il est particulièrement important de maintenir une bonne visibilité de ces dispositifs. Les campus des métiers et des qualifications (CMQ) permettent de créer des dynamiques globales entre formations initiales et continues, sur des filières spécifiques et stratégiques. Il y a ainsi 9 CMQ qui concernent directement l’aéronautique et le spatial.

b.   Répondre à la demande de formation sur les conséquences environnementales du transport aérien

L’impact du transport aérien sur le réchauffement climatique et les enjeux de décarbonation du secteur aérien doivent désormais faire partie intégrante des formations proposées. Comme le souligne la DGAC, « un socle commun de connaissances et compétences » sur ces sujets et nécessaire, avec des précisions particulières selon le type de parcours (écopilotage pour les pilotes, solutions techniques pour les ingénieurs, etc.).

Ces formations se développent progressivement, à la fois de manière transversale dans l’ensemble des enseignements et au travers de modules spécifiques. L’ISAE-Supaéro propose des certificats « ingénierie environnementale » ou « engagement citoyen ». C’est sur leur campus qu’est née la « Fresque du climat », aujourd’hui largement utilisée dans les écoles comme dans les entreprises. Le référentiel aviation et climat mentionné supra est aussi un outil développé et utilisé dans les enseignements dispensés par l’école. L’ENAC intègre également les enjeux environnementaux dans ses formations. Dès 2022, toutes les formations initiales disposeront d’un socle commun renforcé sur les enjeux du changement climatique, avec des développements spécifiques au transport aérien. Des outils tels que la Fresque du climat seront aussi utilisés.

Proposition n° 43 : systématiser les modules d’enseignement obligatoires sur les interactions entre transport aérien et changement climatique dans les formations aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien

c.   Une nécessaire communication sur les formations et les métiers de la filière

L’effort de recensement des formations disponibles est une aide précieuse pour l’orientation des étudiants intéressés par les métiers de l’aéronautique et de l’aérien. Une brochure du GIFAS fait état des formations disponibles dans l’aéronautique et le spatial ([88]). Il existe en outre certains sites internet spécialisés sur le sujet tels qu’AEROEMPLOIFORMATION ([89]) pour l’aéronautique ou AIREMPLOI ([90]) pour les métiers de l’aérien.

Mais la sensibilisation aux carrières aéronautiques doit se faire le plus tôt possible et directement au contact des classes de l’enseignement secondaire. Les chefs d’entreprise doivent se rendre dans les établissements scolaires pour assurer la promotion des métiers de la filière. La sensibilisation à ces métiers doit se faire dès le collège, pour que les premiers choix d’orientation des élèves puissent en bénéficier. Les formations techniques souffrent d’une certaine désaffection et pourraient davantage être mises en valeur auprès des élèves. Certaines initiatives permettent d’allier utilement découverte des métiers de l’aéronautique et apprentissage : par exemple, le Flying Challenge d’Airbus mobilise les classes autour de la conception d’un avion.

Si les formations techniques doivent être valorisées, il est aussi nécessaire de « désacraliser » les formations aux métiers les plus qualifiés et d’éviter à tout prix l’autocensure en la matière. Là encore, les plus grandes écoles du secteur sont pleinement mobilisées. Le programme d’ouverture sociale « OSE l’ISAE‑Supaéro », labellisé « Cordées de la réussite », permet d’accompagner les collégiens et lycéens les plus défavorisés dans leur parcours académique. L’ENAC dispose d’une « prépa ATPL », qui permet à des élèves choisis selon des critères sociaux et pour l’excellence de leur parcours d’intégrer une formation d’un an, à l’issue de laquelle ils intègrent la formation de pilote de ligne. Les initiatives de mentoring sont à valoriser car elles permettent une vision très concrète des carrières possibles pour les élèves.

L’accès des femmes aux métiers de l’aéronautique est un autre enjeu majeur en matière de formation. Le programme « OSE l’ISAE-Supaéro » effectue un travail de promotion des métiers scientifiques et d’ingénieur auprès des jeunes filles. AIREMPLOI organise tous les deux ans un concours « Féminisions les métiers de l’aéronautique », pour faire connaître et favoriser l’accès des jeunes filles aux métiers de l’aéronautique et de l’aérien. Des marraines travaillant dans ces secteurs rencontrent les participantes. À la suite de leurs échanges, ces dernières présentent un reportage pour partager leur expérience. La 7e édition du concours a eu lieu en 2021, rassemblant 150 collégiennes et lycéennes et 100 marraines.

Proposition n° 44 : encourager les contacts entre les entreprises et l’enseignement secondaire ainsi que les initiatives de mentoring afin de sensibiliser les plus jeunes publics aux métiers de l’aéronautique

2.   Il est important de préserver l’employabilité des salariés

Si la valorisation de la formation initiale est essentielle, le développement et l’adaptation des compétences doivent être effectués en complément au sein même de la filière aéronautique, grâce à la formation continue et à la solidarité entre entreprises en cas de difficultés économiques conjoncturelles.

a.   Un effort d’adéquation entre la formation et les besoins en compétences grâce à l’EDEC Aéronautique

Un effort de structuration des besoins de la filière a été opéré avec la création d’un engagement de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) au sein du CSF aéronautique, conclu en 2018 pour une durée de 3 ans. Un EDEC est un accord, signé entre l’État et les représentants de la profession, qui établit un diagnostic sur les besoins en matière de compétences dans la filière et propose un plan d’action concerté. L’EDEC Aéronautique prévoit des actions à hauteur de 2 M€, financées par l’État et par l’organisme paritaire collecteur agréé de la filière (OPCO2i). Les trois grands axes de cet EDEC sont les suivants :

– « identifier dans la durée les évolutions des métiers et des compétences et les besoins de formation qui en découlent ». Cela passe notamment par le partage d’expériences entre entreprises de la filière et par la rédaction d’un cahier de recommandations techniques par celles-ci pour les organismes de formations ;

– « renforcer la structuration de la filière en matière d’emplois et de compétences ». Un appui soutenu aux PME est prévu, avec la facilitation de leur accès aux outils de formation et de diagnostic et aux ressources, ainsi que la promotion de l’alternance ;

– « partager et valoriser les outils de promotion de l’emploi au sein de la filière ».

L’EDEC prévoit une évaluation de l’accord-cadre à l’échéance de celuici, soit fin 2021. Cette évaluation serait bienvenue pour redéfinir les dispositifs de soutien nécessaires, particulièrement s’agissant de la formation continue.

Proposition n° 45 : faire un bilan de l’accord-cadre de l’EDEC conclu entre l’État et la filière aéronautique en 2018

b.   Encourager les autres dispositifs de soutien à la formation continue

En plus de l’EDEC propre à la filière, il existe d’autres dispositifs de formation continue à mobiliser pour maintenir et faire évoluer les compétences dans l’industrie aéronautique.

Il existe plusieurs outils nationaux propres à encourager de telles formations, tels que le compte personnel de formation, FNE‑Formation ou le dispositif « Transitions collectives ». Il existe également des dispositifs territoriaux ou régionaux :

– au sein d’Aerospace Valley, BRICKS est un service permettant une mise en relation des acteurs du secteur avec des organismes de formation continue ;

– les CCI gèrent des centres de formation spécialisés : par exemple, la CCI Tarbes Hautes-Pyrénées a créé l’Aéro Training Center, qui a vocation à former des professionnels à la maintenance aéronautique

Les employeurs doivent inciter leurs salariés à mobiliser de tels dispositifs.

c.   La mise à disposition temporaire au sein de la filière peut permettre de résoudre des sujets main-d’œuvre tout en préservant l’employabilité

La mise à disposition temporaire de salariés d’une entreprise vers une autre peut être bénéfique à double titre. Pour l’entreprise de départ, cela permet de préserver l’employabilité de ses salariés. Pour l’entreprise d’accueil, cela répond à un besoin de main-d’œuvre.

Certains acteurs auditionnés par vos rapporteurs plaident en faveur des dispositifs de mise à disposition – voire de redéploiement structurel des effectifs – vers d’autres secteurs que l’aéronautique : ont notamment été cités les secteurs médicaux, de l’énergie, ou l’industrie navale. Les personnels de l’aéronautique peuvent effectivement avoir des compétences recherchées dans les autres filières. Le rapport « Pouvoir voler en 2050 » propose par ailleurs la création d’une « Alliance industrielle pour le climat », qui accompagnerait l’industrie dans sa transition et pourrait jouer le rôle de donneur d’ordre alternatif en cas de difficultés au sein de la filière aéronautique.

Vos rapporteurs souhaitent privilégier des mises à disposition prioritairement au sein même de la filière aéronautique et spatiale. Cela est cohérent en termes de compétences : il faut tirer parti des dualités existantes, entre le civil et le militaire d’une part et entre l’aéronautique et le spatial d’autre part. Il y a en outre un intérêt stratégique à préserver les compétences au sein de la filière.

Il existe plusieurs dispositifs facilitant de telles mises à disposition, et en particulier le dispositif « Passerelles Industries », mis en place par France Industrie et l’UIMM. Des initiatives privées ont également été déployées : la plateforme Coopair, mise en place en septembre 2020, facilite la mise en relation et le partage de compétences dans le secteur aéronautique. La plate-forme recensait en novembre 2021 3 000 visiteurs uniques sur le site, 350 profils disponibles, une cinquantaine de besoins, une centaine d’entreprises inscrites et 53 mises en relations entre entreprises ou entre entreprises et candidats. Un module de partage de ressources matérielles, sur le même modèle, sera disponible début 2022.

Certaines entreprises ont effectué des redéploiements et de la mise à disposition de compétences en interne. Ainsi, Thales a créé un engineerance competence centre (ECC) durant la crise sanitaire pour préserver les compétences des salariés travaillant sur des activités aéronautiques, en les mettant à disposition sur les autres activités du groupe. Environ 200 personnes ont fait l’objet d’un tel transfert. Par ailleurs, une ligne de support et de réparation des systèmes défense a été créée à Châtellerault (Vienne), site très touché par les conséquences de la baisse des activités avioniques du groupe pendant la crise. L’installation de cette ligne de maintenance a permis de sauver 70 postes. L’entreprise Latécoère souligne quant à elle que « des mesures particulières au plan de relance, comme le soutien à 80 % des mises à disposition de nos compétences clés sur des projets de recherche collaboratifs dans des laboratoires, nous permettent de maintenir des compétences pour pouvoir redémarrer après la crise ».

Il faut cependant veiller à ce que l’ensemble de ces dispositifs de mise à disposition ne soient pas concurrents mais complémentaires. Il conviendrait peut-être de regrouper certaines initiatives. Un bilan est d’ailleurs en cours de réalisation entre le ministère du travail, le GIFAS et l’industrie métallurgique pour dresser le bilan des mobilités temporaires de compétences menées pendant la crise.

Proposition n° 46 : encourager les solutions de mise à disposition temporaire de salariés au sein de la filière aérospatiale en cas de baisse ponctuelle d’activité


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   Conclusion

L’avenir du secteur aéronautique français passe par une accélération de sa décarbonation et une compétition internationale équilibrée.

Si les perspectives de reprise du trafic aérien sont un déterminant essentiel de la capacité du secteur aéronautique à accélérer sa transformation vers l’aviation décarbonée, les marges de manœuvre financières doivent être suffisantes, à la fois pour que les industriels puissent développer les technologies idoines et pour que les compagnies aériennes puissent s’en équiper.

Un trafic aérien zéro émission nette en 2050 est possible. Il implique de mobiliser plusieurs outils. À court terme, l’utilisation d’avions de dernière génération et des SAF ainsi que l’amélioration de la gestion du trafic aérien sont des leviers qui doivent être mobilisés. Quant à l’avion électrique et à l’avion à hydrogène, ils représentent des solutions particulièrement intéressantes à moyen terme. Dans tous les cas, une réflexion en analyse de cycle de vie est indispensable : l’accélération du renouvellement des flottes doit poser la question du recyclage des aéronefs, de même que l’utilisation accrue des SAF ne peut se faire que dans le respect de critères stricts sur l’origine de la biomasse ou de l’hydrogène. Des choix politiques en faveur des secteurs aéronautique et aérien seront nécessaires, en particulier concernant la structuration des filières SAF et hydrogène et leur fléchage vers l’aérien.

L’avenir du secteur aéronautique en France, c’est aussi l’évolution d’un tissu industriel présent sur l’ensemble du territoire et vital pour l’économie. La mise au point d’avions plus respectueux de l’environnement nécessite à la fois des compétences parfaitement adaptées et des procédés de production optimisés. L’industrie aéronautique française possède à cet égard des atouts déterminants : vos rapporteurs ont pu constater à quel point la solidarité et la structuration de la filière sont une réalité. Il faut s’assurer que les soutiens ambitieux mis en place pour traverser la crise actuelle, tant par l’État que par les régions, bénéficient à tous, des plus petites entreprises aux plus innovantes. L’excellent niveau de compétences de la filière sera maintenu grâce à une vigilance constante sur l’attractivité de ses métiers, en particulier ceux de la production et de la maintenance.

Cependant, l’avenir de l’avion s’entend nécessairement au niveau mondial, afin d’assurer de réelles améliorations environnementales qui ne pâtissent pas de la forte compétitivité à l’œuvre dans le secteur aéronautique. L’Union européenne affiche des ambitions de décarbonation du transport aérien particulièrement fortes au regard de la performance de son industrie aéronautique. Elle doit être exemplaire s’agissant de l’atteinte de cet objectif, tout en veillant à entraîner les autres acteurs internationaux dans son sillage.


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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 12 janvier, la commission a examiné, le rapport de M. Jean-Luc Lagleize et de Mme Sylvia Pinel sur la mission d’information sur l’avenir aéronautique en France.

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/8ipWHC.

La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.

 


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   Liste des principaux sigles et abréviations utilisés

AIE

Agence internationale de l’énergie

AMI

Appel à manifestations d’intérêt

APLD

Activité partielle de longue durée

APU

Auxiliary power unit - Groupe auxiliaire de puissance

CAD

Carburant d’aviation durable

CCI

Chambres de commerce et d’industrie

CDA

Continuous descent approach (approche en descente continue)

CORAC

Conseil pour la recherche aéronautique civile

CORSIA

Carbon offsetting and reduction scheme for international aviation

CSF

Comité stratégique de filière

DGAC

Direction générale de l’aviation civile

DGE

Direction générale des entreprises

DSP

Délégation de service public

EASA

European Union aviation safety agency (Agence européenne de la sécurité aérienne)

ECV

Engagement pour la croissance verte

EDEC

Engagement pour le développement de l’emploi et des compétences

EU-ETS

European Union emission trading scheme (système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne)

GES

Gaz à effet de serre

HCC

Haut Conseil pour le climat

IATA

International air transport association (Association du transport aérien international)

OACI

Organisation de l'aviation civile internationale

ONERA

Office national d'études et de recherches aérospatiales

PFUE

Présidence française de l'Union européenne

PGE

Prêt garanti par l'État

PIA

Programme d'investissements d'avenir

PIEEC

Projet important d'intérêt européen commun

PSE

Plan de sauvegarde de l'emploi

SAF

Sustainable aviation fuels (carburants d'aviation durables)

SNBC

Stratégie nationale bas-carbone

SNTA

Stratégie nationale du transport aérien

TIRUERT

Taxe incitative à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Table ronde sur le tourisme et ses conséquences sur le secteur aéronautique :

Les entreprises du voyage (EDV)

M. Jean-Pierre Mas, président

Syndicat des entreprises du tour-operating (SETO) *

M. Jürgen Bachmann, secrétaire général

Association professionnelle de solidarité du tourisme

M. Emmanuel Toromanof, secrétaire général

Table ronde sur les enjeux économiques et sociologiques du secteur aéronautique :

M. Paul Chiambaretto, économiste, directeur de la Chaire Pégase

M. Gabriel Colletis, professeur de sciences économiques

M. Hadrien Coutant, maître de conférences en sociologie

M. Yoann Demoli, maître de conférences en sociologie

Table ronde sur les enjeux climatiques du secteur aéronautique :

M. Aurélien Bigo, chercheur, Chaire Énergie et Prospérité

M. Olivier Boucher, climatologue, directeur de recherche au CNRS et directeur-adjoint de l’Institut Pierre-Simon Laplace

M. Jean-Paul Ceron, chercheur associé au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED)

Mme Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC)

Table ronde réunissant des ONG environnementales :

Réseau Action Climat *

Mme Agathe Bounfour, responsable transport

Greenpeace *

Mme Sarah Fayolle, chargée de campagne

MM. Grégoire Carpentier et Olivier Del Bucchia, membres de l’équipe de rédaction du rapport : « Pouvoir voler en 2050 : quelle aviation dans un monde contraint ? » publié par The Shift Project et le collectif Supaéro Décarbo

Table ronde sur les métiers de l’aéroportuaire :

Chambre syndicale de l’assistance en escale (CSAE)

M. Didier Montégut, président

Syndicat des entreprises de sûreté aéroportuaire (SESA) *

M. Jean-Baptiste Thelot, président

M. Jean-Mary Pierre, délégué général

Groupe Edeis

M. Olivier Galzi, vice-président

M. Jérôme Arnaud, directeur général adjoint

Aéroport de Toulouse Blagnac

M. Philippe Crébassa, président du directoire

Union des aéroports français et francophones associés (UAF & FA) *

M. Nicolas Paulissen, délégué général

M. Raphaël Costa, responsable développement durable

Mme Mélanie Suescun, statisticienne et économiste pour l’UAF

Vinci Airports *

M. Pierre-Hugues Schmit, directeur commercial et opérationnel

Audition commune :

Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) *

M. Alain Battisti, président

M. Laurent Timsit, directeur général

Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA)

M. Jean-François Dominiak, président

M. Jean‑Pierre Bès, secrétaire général

Mme Claude Foucault, chargée de communication

Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL)

M. Yves Deshayes, président

M. Antoine Godier, membre du bureau exécutif

Mme Marie-Claude Amphoux, conseillère affaires publiques

Groupe ADP *

M. Augustin de Romanet, président-directeur général du groupe ADP, accompagné de M. Mathieu Cuip, directeur des affaires publiques

Table ronde « compagnies régionales » :

Amelia

M. Jean Luc Nugues, responsable développement

Chalair Aviation

M. Alain Battisti, président‑directeur général

APG Airlines

Mme Sandrine de Saint‑Sauveur, présidente‑directrice générale

Flying Whales

M. Sébastien Bougon, président-directeur général

M. Vincent Guibout, directeur technique et directeur général adjoint

M. Romain Schalck, directeur de la communication

Table ronde « Corse et outre-mer »

Air Austral

M. Dominique Dufour, secrétaire général

Corsair

M. Pascal de Izaguirre, président

Air Corsica

M. Luc Bereni, président du directoire

Air Caraïbes

M. Marc Rochet, président, accompagné de M Charles-Henry Strauss, directeur juridique

Table ronde « low cost »

Easyjet *

M. Bertrand Godinot, directeur général d’EasyJet pour la France, accompagné de Mme Carinne Heinen, responsable des relations publiques France et Europe

Transavia France

Mme Nathalie Stubler, présidente directrice générale

Volotea

Mme Céline Lacroix, International Business Development Manager de Volotea, accompagnée de Gloria Carreras, Directrice RSE et Développement Durable

Groupe Air France KLM *

Mme Anne Sophie Le Lay, secrétaire générale, accompagnée de Mme Marianne Sieg, directrice affaires internationales & institutionnelles d’Air France, et de M. Aurélien Gomez, directeur des affaires publiques

Groupe ATR *

M. Stefano Bortoli, président exécutif, accompagné de M. Frédéric Torrea, secrétaire général et directeur juridique, et de M. Nicolas Granier, directeur des affaires publiques et de l’environnement

Thales *

Mme Yannick Assouad, executive vice president avionics, en charge des activités aéronautiques

Groupement des industriels et professionnels de l’aviation générale (GIPAG) France

Mme Françoise Horiot, présidente du GIPAG France et Gérante de Troyes Aviation

M. Alexis Giordana, vice-président du GIPAG France et Dirigeant de Action Communication

M. Mathieu Corompt, responsable conformité réglementaire chez Rectimo Air Transports

M. Bruno Callabat, dirigeant d’APEI

Groupe Boeing France *

M. Jean-Marc Fron, directeur général

Mme Claire Guilhot, responsable des relations institutionnelles

Airbus *

M. Marc Hamy, vice président Head of Corporate Affairs

Mme Anne-Sophie de la Bigne, vice président Public Affairs France

M. Olivier Masseret, directeur des relations institutionnelles France

Air Cargo France Association (ACFA)

M. Christophe Boucher, executive vice president Air France Cargo et vice-président de l’ACFA

M. Edouard Mathieu, directeur du développement/relations clients et partenaires, à l’aéroport Charles-de-Gaulle et vice-président de l’ACFA

Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) *

M. Bruno Even, président-directeur général d’Airbus Helicopters et président du comité de pilotage du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC)

Mme Anne Bondiou Clergerie, directrice R&D espace et environnement du GIFAS et rapporteure des travaux du Corac

M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques

IFP Énergies nouvelles (IFPEN)

M. Jean‑Christophe Viguié responsable de programme biomasse vers carburant M. Jean‑Pierre Burzynski, directeur du centre de résultats procédés

Dassault Aviation *

M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, accompagné de M. Bruno Giorgianni, directeur de cabinet

Safran Group *

M. Alexandre Ziegler, directeur groupe international et relations institutionnelles, accompagné de M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques

 

M. Christophe Grudler, député européen et vice‑président de l’intergroupe « Ciel et espace » au Parlement européen

France Hydrogène *

M. Maxime Sagot, responsable des relations institutionnelles

Audition commune

Latécoère

M. Stéphane Molinier, directeur des opérations pour la branche Aérostructures accompagné de M. Thierry Mahé, directeur de la communication

Liebherr-Aerospace Toulouse SAS

M. Mathieu Tournier, directeur général, accompagné de M. Nicolas Bonleux, Chief Commercial Officer – Liebherr-Aerospace & Transportation SAS

Audition commune

Aura Aero

M. Jérémy Caussade, président

VoltAero

M. Jean Botti, président

Audition commune

FigeacAero Group

M. Jean-Claude Maillard, président-directeur général

Gillis Aero

M. Serge Dumas, président-directeur général

Tarmac Aerosave

M. Sébastien Medan, directeur Infrastructures & HSE, accompagné de M. Lionel G. Roques, directeur commercial, et de Mme Marion Courrèges, responsable communication

IATA *

M. Sebastien Mikosz, senior vice-president environment & sustainability

M. Robert Chad, directeur chargé de la France, Belgique, Pays-Bas et de l’Europe du Sud

ONERA

M. Bruno Sainjon, président directeur général

M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président

Groupe Neste

Mme Sandrine Nelissen Grade, directrice des affaires publiques France et Belgique, accompagnée de Mme Géraldine Pic-Paris, responsable commerciale France et de Mme Chloé Squires, consultante en affaires publiques chez Edelman France

TotalEnergies *

Mme Myriam Gourmand-Arnaud, chef du département Prospective à la direction Carburants renouvelables de la branche TotalEnergies Raffinage-chimie

M. Joël Navaron, président de TotalEnergies Aviation, de la branche TotalEnergies Marketing & Services

Suez *

Mme Anne-Valérie Goulard, directrice de cabinet de M. Fabrice Rossignol, directeur général délégué Recyclage & Valorisation France de Suez

M. Laurent Galtier, directeur technique des activités organiques de Suez

M. Hugues d’Antin, directeur des relations institutionnelles

Mapaero

M. Éric Rumeau, managing director

Daher

M. Didier Kayat, directeur général

Air Liquide *

Mme Delphine Roma, vice-présidente Fusion, Aéronautique et Spatial, GM&T, accompagnée de M. Xavier Vigor, vice-président technologies and industrial management, H2, Mme Muriel Doucet, directrice affaires publiques innovation/technologies/numérique/santé, M. Paul-Edouard Niel, directeur des affaires publiques France, et de M. Pierre Cavelan, responsable affaires publiques France

Direction générale de l’aviation civile (DGAC)

M. Damien Cazé, directeur général de l’aviation civile

M. Marc Borel, directeur du transport aérien

M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports

Mme Carole Delga, présidente de Régions de France et de la région Occitanie

Audition commune

École nationale de l’aviation civile (ENAC)

M. Olivier Chansou, directeur général

Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro)

M. Olivier Lesbre, directeur général

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


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   Contributions écrites

M. Yves Crozet, professeur émérite à l’IEP de Lyon et chercheur au Laboratoire Aménagement Economie Transport (LAET) de Lyon

M. Jean-Didier Urbain, anthropologue et spécialiste du tourisme

Association française du commerce du voyageur (AFCOV)

Mme Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe n° 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)

Institut Paris Région

Agence d’urbanisme et d’aménagement Toulouse aire métropolitaine (AUAT)

Aerospace Valley

Groupe Avril

Bpifrance *

CCI France *

Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Confédération générale du travail (CGT)

Confédération générale du travail – Force Ouvrière (FO)

Coopair

Direction générale des entreprises (DGE), ministre de l’économie, des finances et de la relance

Groupe W3

M. Jean-Louis Chauzy, président du Conseil économique, social et environnemental régional Occitanie et les membres du Groupe de réflexion Aéronautique : M. Philippe Petitcollin, M. Christian Desmoulins, M. Charles Champion, M. Gérald Lignon, M. Jean-Paul Miquel, M. Dominique Delbouis, M. Bertrand Mendez, et M. Jean-François Knepper

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Toutes les données chiffrées de l’introduction sont issues de la dernière enquête Insee sur la filière aéronautique et spatiale en France en 2020 (Insee Première, n° 1882, décembre 2021).

([2]) «  Fit for 55 » (« paré pour 55 ») est un ensemble de 12 propositions de la Commission européenne pour tenir l’objectif de réduction de 55% des gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.

([3]) https://www.icao.int/Newsroom/NewsDoc2021fix/COM.02.21.FR.pdf

([4]) https://www.iata.org/contentassets/2a6ca103ea5b4a63a71ffbb1c2901260/2021-11-03-02-fr.pdf

([5]) https://www.eurocontrol.int/sites/default/files/2021-11/covid19-eurocontrol-comprehensive-air-traffic-assessment-11112021.pdf

([6])  Le tourisme affinitaire rassemble « les personnes venues rendre visite à de la famille ou à des amis » (définition Insee).

([7]) Chiambaretto P., Bildstein C., Fernandez A-S., Alessandra P., Chappert H., Grall M., Bennouri M., Seran T., Khedhaouria A., Papaix C. (2021). « Voyages d’affaires et visioconférence : quel avenir pour le transport aérien ? », Les Carnets de la Chaire Pégase, n°3. La chaire Pégase est rattachée à la Montpellier Business School. Elle est consacrée à l’économie et management du transport aérien et de l’aérospatial.

([8]) La baisse plus modérée dans les aéroports d’outre‑mer s’explique par les obligations de desserte territoriale.

([9]) Données du GIFAS (bilan 2020)

([10]) Données issues du rapport du commerce extérieur de la France 2021 (direction générale du Trésor)

([11]) Source : Insee, enquête Filière aéronautique et spatiale 2020

([12]) Source : DARES, Coup d’arrêt de l’emploi dans l’aéronautique et le spatial en 2020, Dares Focus n° 2020, mai 2021

([13]) https://www.isae-supaero.fr/fr/actualites/l-isae-supaero-publie-un-referentiel-aviation-et-climat/

([14]) https://www.ecologie.gouv.fr/emissions-gazeuses-liees-au-trafic-aerien

([15]) Chiambaretto P., Mayenc E., Chappert H., Engsig J., Fernandez A-S., Le Roy F., Joly C. (2020). « Les Français et l’impact environnemental du transport aérien : entre mythes et réalités », Les Carnets de la Chaire Pégase, n° 1. D’autres données mènent cependant à des conclusions différentes (voir notamment : https://www.iea.org/reports/aviation)

([16]) Étude Les Français et l’impact environnemental du transport aérien : entre mythes et réalités, précitée

([17]) Updated analysis of the non-CO2 climate impacts of aviation and potential policy measures pursuant to EU Emissions Trading System Directive Article 30(4), COM [2020] 747 final, novembre 2020

([18]) Tel qu’il résulte de l’article 58 de la loi n° 2020‑1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([19]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union et mettant en œuvre de manière appropriée un mécanisme de marché mondial (COM [2021] 552 final).

([20]) Système d’échange de quotas d’émission de l’UE, aussi appelé SEQE.

([21]) Proposition de directive du Conseil restructurant le cadre de l’Union de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (refonte) (COM [2021] 563 final).

([22]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil  sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil (COM [2021] 559 final).

([23]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable (COM [2021] 561 final).

([24]) Yoann Demoli et Jeanne Subtil, « Boarding Classes – Mesurer la démocratisation du transport aérien en France (1974-2008), Sociologie, n° 2, vol. 10, 2019.

([25]) Supaéro Décarbo et The Shift Project, Pouvoir voler en 2050 : quelle aviation dans un monde contraint ?, mars 2021.

([26]) Étude sur l’impact environnemental du transport aérien de la chaire Pégase, op. cit.

([27]) Le syndrome de Détroit fait référence à l’histoire de la ville de Détroit aux États-Unis, très dépendante de l’industrie automobile et qui a connu un déclin économique majeur pour diverses raisons (hausse des prix du pétrole, subprimes, problèmes sociaux, etc.).

([28]) Rapport d’information sur l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), M. Dominique de Legge, n° 604, session extraordinaire 2019-2020.

([29]) Amendement n° II-1429 au PLF 2022.

([30]) Données Institut national de la propriété industrielle (INPI), 2018

([31]) Données issues du Rapport du commerce extérieur de la France 2021 (DG Trésor)

([32]) La filière aéronautique et spatiale en France en 2020 : Un fort décrochage de l’activité, des perspectives de reprise, Insee Première, n° 1882, décembre 2021

([33]) La filière aérospatiale du Grand Sud-Ouest : une dynamique stoppée par la crise sanitaire, Insee, n° 113, décembre 2021

([34]) Périmètre des adhérents du GIFAS fin 2020

([35]) Données issues du dossier de presse du plan de soutien à l’aéronautique, juin 2020

([36]) Voir le document « Innovation driving sustainable aviation » de l’OACI, novembre 2021.

([37]) https://www.destination2050.eu/

([38]) https://theshiftproject.org/article/quelle-aviation-dans-un-monde-contraint-nouveau-rapport-du-shift/

([39]) Données chaire Pégase.

([40]) Article 15 bis E du projet de loi de finances pour 2021, tel qu’adopté en première lecture par le Sénat.

([41]) Amendements identiques n° II-1846 de Mme Pinel et n° II-3306 de M. Lagleize, déposés en première lecture en séance publique du PLF 2022. 

([42]) Sénat, Rapport d’information sur les transports aériens et l’aménagement des territoires de Mme Josiane Costes, n° 734, session extraordinaire 2018-2019, proposition n° 28.

([43]) ATSM (American Society for Testing and Materials) est un organisme international de normalisation de produits, services et systèmes.

([44]) Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte)

([45]) Vol avec carburants alternatifs nouveaux (VOLCAN), qui réunit Airbus, Safran, Dassault, le ministère des transports et l’ONERA

([46]) Lettre de l’Académie de l’air et de l’espace, n° 122, 2021.

([47]) ECV pour la mise en place d’une filière de biocarburants aéronautiques durable en France, 2020

([48]) Feuille de route française pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables

([49]) https://www.gouvernement.fr/aeronautique-le-gouvernement-lance-un-appel-a-projets-pour-le-developpement-d-une-filiere-francaise

([50]) Amendement n° II-1928

([51]) Amendements n° I-1951 et n° II-1844

([52]) Taxe incitative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports.

([53]) https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/09/09/fact-sheet-biden-administration-advances-the-future-of-sustainable-fuels-in-american-aviation/

([54]) https://corporate.airfrance.com/fr/communique-de-presse/air-france-choisit-la-solution-deco-pilotage-skybreather-pour-reduire-sa

([55]) Certain projets prévoient des capacités plus importantes : Wright Electric, société américaine, développe à la fois un avion 9 places et un avion 50 places, et travaille même sur un projet de 150-180 places.

([56]) https://www.imothep-project.eu/

([57]) Fabricant d’équipement

([58]) Investissements.

([59]) Rapport du groupe de travail 4 du Comité de prospective de la CRE sur le vecteur hydrogène, juin 2021.

([60]) https://cordis.europa.eu/project/id/826247/fr

([61]) Projet FlyZero au Royaume-Uni

([62]) https://www.h2-mobile.fr/actus/hydrogene-electrolyse-production-europe-2-7-gw-2025/

([63]) Une ICPE est une installation classée pour la protection de l’environnement, soumise à un régime de déclaration ou d’autorisation particulier en raison des risques que peut présenter une telle installation pour l’environnement.

([64]) Règlement (UE) 2021/2085 du Conseil du 19 novembre 2021 établissant  les  entreprises  communes  dans  le  cadre  d’Horizon  Europe  et  abrogeant  les  règlements (CE)    219/2007,  (UE) n°  642/2014

([65]) https://clean-aviation.eu/

([66]) https://uimm.lafabriquedelavenir.fr/wp-content/uploads/2020/05/CP-commun-Manifeste-de-propositions-pour-lemploi-industriel.pdf

([67]) https://res.cloudinary.com/gifas/image/upload/v1591891882/plan-relance-aero/RapportNogal-relanceAERO_zna2xh.pdf  

([68]) https://www.economie.gouv.fr/plan-soutien-aeronautique  

([69]) L’ASU est une convention non contraignante qui encadre les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public d’aéronefs civils, et notamment les taux de primes et d’intérêt minimums.

([70]) https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/air-france-klm-a-besoin-de-plusieurs-milliards-pour-repartir-sur-de-bonnes-bases-1377236  

([71]) Chiffres du DGE sur la ventilation des participations à la mi-novembre 2021 : 230 M€ Tikehau, 150 M€ État, 50 M€ Bpifrance, 116 M€ Airbus, 58 M€ Safran, 13 M€ Thales, 13 M€ Dassault Aviation dans un premier temps, puis 100 M€ Crédit Agricole, 5 M€ de la mutuelle du secteur aéronautique IPECA et 6 M€ de carried interest.

([72]) https://datavision.economie.gouv.fr/relance-industrie/

([73]) https://www.bpifrance.fr/nos-evenements/candidatez-a-laccelerateur-aeronautique

([74]) Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation, Cour des comptes, juillet 2021.

([75]) https://www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises/pret-garanti-par-letat

([76]) https://datavision.economie.gouv.fr/relance-industrie/

([77]) https://www.plan-tourisme.fr/

([78]) Proposition de résolution européenne visant à protéger la base industrielle et technologique de défense et de sécurité européenne des effets de la taxonomie européenne de la finance durable, n° 4727, 29 novembre 2021.

([79]) Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables  

([80]) Ces huit chapitres sont les suivants : opérations, configurations, aérostructures, énergie-propulsion, avionique‑navigation, continuité numérique, méthodes de développement et certification

([81]) Régime d’aides exempté de notification SA.59366 relatif aux aides à la recherche et au développement pour la décarbonation, la compétitivité et la sécurité du transport aérien pour la période 2020-2023.

([82]) https://res.cloudinary.com/gifas/image/upload/plan-relance-aero/200609_CHARTE_Relations_Clients_Fournisseurs_GIFAS_djdpbo.pdf  

([83]) Source : Rapport sur le commerce extérieur de la France, 2021, DG Trésor

([84]) Industrie du futur : enjeux et perspectives pour la filière aéronautique

([85]) 5,4 M€ de l’État, 5,4 M€ des régions, 4,7 M€ des PME, 7 M€ du GIFAS et 0,5 M€ de l’OPCAIM.

([86]) La liste des entreprises labellisées est disponible sur https://vitrinesindustriedufutur.org.

([87]) « Compétences-métiers de la filière hydrogène – Anticiper pour réussir le déploiement d’une industrie stratégique »

([88]) Formations pour un métier dans l’industrie aéronautique et spatiale.

([89]) https://www.aeroemploiformation.com/

([90]) https://www.airemploi.org/