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N° 4902

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION (1)

sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences,
des éditeurs et professionnels du secteur de la presse

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Virginie Duby-Muller, Présidente

et

M. Laurent Garcia, rapporteur

Députés

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.


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La mission d’information sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, des éditeurs et professionnels du secteur de la presse est composée de :

Mme Virginie Duby-Muller, présidente ; M. Pierre-Yves Bournazel, M. Alexandre Freschi, M. Patrick Mignola et Mme Michèle Victory, vice-présidents ; M. Grégory Labille, Mme Constance Le Grip, Mme Marie-Ange Magne et M. Jean-François Portarrieu, secrétaires ; M. Laurent Garcia, rapporteur ; M. Pascal Bois, Mme Céline Calvez, Mme Émilie Cariou, Mme Fannette Charvier, Mme Catherine Daufès-Roux, M. Pierre Dharréville, Mme Frédérique Dumas, M. Michel Larive, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Béatrice Piron, M. Bruno Studer, Mme Souad Zitouni.

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos de Mme Virginie Duby-Muller, présidente

Introduction

Première partie : L’instauration d’un droit voisin du droit d’auteur pour la presse, un enjeu économique et démocratique

I. Un secteur économique fragile, bouleversé par l’arrivée des géants du numérique

A. L’inexorable déclin de la presse papier…

B. … accéléré par un transfert de ses revenus publicitaires vers les plateformes

C. Les opportunités du numérique pour la presse…

D. … résultent d’investissements importants

II. Un enjeu démocratique

A. Le pluralisme de la presse, enjeu démocratique d’une intervention publique

1. Un enjeu démocratique…

2. … Qui justifie un soutien public conséquent

B. L’indépendance et le pluralisme de la presse mis en question par la puissance des plateformes numériques

1. Une protection nécessaire reconnue dans la directive droits d’auteurs

2. Une protection conditionnée aux principes de non-discrimination et de transparence

Deuxième partie : un droit qui peine à s’appliquer

I. Une directive européenne peu transposée

A. La directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

1. L’objet de la protection accordée par la directive

2. Le titulaire du droit voisin

3. Le débiteur du droit voisin

4. L’étendue de la protection

5. L’articulation de ce droit avec les droits d’auteurs et les autres droits voisins

B. Des retards de transposition

1. Les pionniers : l’Allemagne et l’Espagne

2. Les transpositions nationales à la date de publication du rapport

C. Plusieurs modèles de gestion des droits

1. La gestion collective volontaire

2. La licence collective étendue : le modèle nordique

3. La licence collective obligatoire

4. Le recours à l’arbitrage

a. La loi italienne du 12 décembre 2021

b. Hors d’Europe, la loi australienne du 25 février 2021

II. En France, une loi partiellement appliquée

A. Les choix du législateur français, précisés par l’Autorité de la concurrence

1. L’objet du droit voisin : la publication de presse et l’exclusion des très courts extraits

a. La publication de presse

b. Une interprétation restrictive de la notion de « court extrait »

2. Les bénéficiaires du droit voisin : l’inclusion sans équivoque de la presse non certifiée IPG (« information politique et générale ») et des agences de presse

3. Une gestion collective en cours de constitution

a. Gage d’un rapport de force plus équilibré

b. Gage d’une équité de traitement des ayants-droits

4. Le nœud gordien du barème de la rémunération

a. Des critères de rémunération sujets à discussion

b. Le piège de la rémunération forfaitaire

c. Une expertise publique nécessaire

5. L’articulation du droit d’auteur et du droit voisin

a. La situation des entreprises de veille media et des crawlers

b. La rémunération due aux journalistes

B. Chronologie du feuilleton juridique

C. Le point sur les accords conclus

III. La perspective d’une action sur les contrôleurs d’accès via les projets de rÉglements « Digital service act » (DSA) et « Digital market act » (DMA)

A. Un projet de régulation numérique à l’échelle européenne

1. Le projet de règlement sur les services numériques (DSA)

2. Le projet de règlement sur les marchés numériques (DMA)

B. Les obligations pertinentes en matière de droits voisins : opportunités

Troisième partie : une double asymétrie, qu’il convient de combler

I. Résorber l’asymétrie d’information

1. Contraindre les plateformes numériques à communiquer leurs données pour définir l’assiette de la rémunération

2. Se doter de l’appui technique du Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique pour l’analyse des données

3. Rendre publics les accords

II. Remédier à l’asymétrie de négociation

1. 4. Inciter tous les éditeurs et agences de presse à rejoindre la Société des droits voisins de la presse

5. Intégrer la SACEM et le CFC à la Société des droits voisins de la presse

6. Mieux identifier les redevables du droit voisin

7. Recourir à l’arbitrage d’une autorité administrative indépendante

8. Veiller à la rémunération des journalistes

III. Mettre à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022

1. 9. Créer une dynamique pour la mise en œuvre européenne de la directive

10. Se saisir des projets de règlements européens Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA)

Travaux de la mission d’information

ANNEXE : L’article 2 bis du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (n° 4187)

Personnes auditionnées par la mission d’information

PERSONNES auditionnées LORS d’un DÉPLACEMENT


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   Avant-propos de Mme Virginie Duby-Muller, présidente

Constituée le 13 juillet 2021 à l’initiative du groupe MODEM, la mission d’information sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse achève ses travaux en ce début d’année 2022.

J’ai eu l’honneur d’orchestrer plusieurs mois d’un travail dense – plus de quarante entités ont été auditionnées – et riche en échanges avec les professionnels du secteur de la presse, mobilisés depuis toujours sur la défense du droit voisin du droit d’auteur. Ils ont légitimement été entendus par le rapporteur et les membres de la mission pour établir un état des lieux de l’application de ce nouveau droit.

En nous déplaçant à Bruxelles et en échangeant plus particulièrement avec la presse allemande, nous avons pu constater combien notre pays a été exemplaire dans ce combat, dans une logique transpartisane bien trop rare aujourd’hui.

Il est toujours intéressant pour le législateur de prendre le temps d’évaluer son propre travail a fortiori lorsqu’il s’agit d’une innovation juridique. C’est ce qui a fait la richesse de notre démarche d’évaluation mais également sa complexité. À la décharge des redevables du droit voisin, il n’est jamais aisé – tant que les concepts n’ont pas été éprouvés par la réalité économique et sociale d’un environnement juridique – de rendre effective et incontestable la mise en œuvre d’un nouveau droit. Les enjeux démocratiques et financiers sont d’ampleur et il est normal que la mise en œuvre ait pris du temps. Mais le temps du débat juridique n’est pas compatible avec l’urgence économique à laquelle sont confrontés les éditeurs et les agences de presse. Du reste, la rapidité des évolutions techniques des plateformes numériques et la dépendance de nombre d’acteurs à leur égard peut également mettre à mal l’application de la loi.

Le fait le plus marquant du travail qui a été conduit est le manque de transparence des acteurs du numérique vis-à-vis de ceux dont ils exploitent les contenus à leur propre intérêt. En proposant aux plateformes numériques d’être auditionnées à huis-clos, la représentation nationale aurait souhaité accéder à des informations lui permettant de comprendre les modes de calcul de la rémunération proposée. Le rapporteur et moi-même partageons une même déception sur le contenu de ces auditions. Évaluer la justesse de la rémunération proposée implique de lever l’opacité du fonctionnement des plateformes et des revenus qu’elles tirent de l’exploitation des données des tiers, y compris de leurs utilisateurs. L’omniprésence de ces plateformes dans le quotidien des Français et le souhait de celles-ci de devenir l’unique porte d’accès à l’information rend d’autant plus urgente la mise en œuvre du droit voisin. Le rapporteur ne manquera pas de rappeler l’enjeu démocratique que sous-tend ce droit. Il est trop de sujets sur lesquels les plateformes tentent d’échapper à la régulation alors que leur incombent de plus en plus de responsabilités. Il est impératif qu’elles respectent le cadre démocratique, cela passe par la mise en conformité de leurs services vis-à-vis du droit et par leur consentement à l’impôt. La régulation européenne peut y contribuer mais la France est aux avant-postes.

Deux ans après l’adoption de la loi, nous n’avons pu que constater et regretter collectivement que les redevables du droit voisin ont tout fait pour freiner l’application du droit, après l’avoir même parfois nié. Les précieuses décisions de l’Autorité de la concurrence ont apporté des éléments de clarification, ils devront être rendus effectifs dans la suite de la procédure. C’est grâce à cette saisine que les lignes ont pu bouger, sous la pression des sanctions financières et d’injonctions utilement détaillées. La France n’est d’ailleurs pas la seule à avoir utilisé le droit de la concurrence pour compléter le pouvoir de contrainte insuffisant dans la loi et plus généralement réguler les plateformes.

Est-ce à dire que la loi est mal faite ? Dans un contexte où se cumulent le manque de bonne foi des uns et l’attentisme des autres, la liberté contractuelle prévue par la loi semble avoir atteint ses limites.

 


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   Introduction

« Les grandes histoires de droits d’auteur commencent toujours par des procès. » ([1]) affirmait en audition M. David El Sayegh, secrétaire général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM). « La SACEM l’a vécu au XIXe siècle et les droits voisins des producteurs et des artistes interprètes ont été mis en place à la suite de nombreux procès dans les années quatre-vingt. » complétait-il. La mise en œuvre du droit voisin dans le secteur de la presse n’échappe pas à cette constante.

Historiquement, les droits voisins du droit d’auteur sont nés de l’apparition de nouvelles techniques d’enregistrement et de diffusion des œuvres dans le domaine de la musique et de la vidéo. La prestation artistique de l’artiste interprète et les investissements des producteurs et des diffuseurs d’une œuvre ont appelé une protection juridique de leurs droits, enrichissant ainsi le droit de la propriété littéraire et artistique.

Les droits voisins ont été reconnus au plan international avec la Convention de Rome du 26 octobre 1961 ; ils ont été consacrés en droit français par la loi n° 85‑660 du 3 juillet 1985 relative au droit d’auteur et aux droits des artistes‑interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle qui accorde ce droit aux professionnels cités dans le titre de la loi.

S’agissant du monde de la presse, l’essor des plateformes numériques a bouleversé un secteur qui avait pour socle le papier. Il est dès lors devenu impossible de faire respecter le droit d’auteur dans un environnement numérique contrôlé par des plateformes qui niaient le droit de la propriété intellectuelle. Dans les faits, les agences et les éditeurs de presse, cessionnaires du droit d’auteur que les journalistes possèdent sur leurs œuvres, se trouvaient dans l’incapacité matérielle d’autoriser ou d’interdire la reproduction ou mise à disposition de leurs contenus par le biais de cet outil.

Alors que la France s’était saisie de la question en 2013 et que l’Allemagne et l’Espagne avaient adopté des dispositions législatives en 2014, la nécessité d’agir à l’échelle européenne a émergé. Le 23 mars 2016, dans la continuité de sa communication « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d’auteur » du 9 décembre 2015, la Commission européenne lançait une consultation pour « recueillir des avis sur la question de savoir si les éditeurs de journaux, magazines, livres et revues scientifiques rencontrent des problèmes dans l’environnement numérique en raison du cadre juridique actuel, notamment pour ce qui concerne leur capacité à délivrer des licences et à être rémunérés pour l’utilisation en ligne de leurs contenus ». La perspective européenne de la création d’un droit voisin accordé aux éditeurs de presse était lancée.

La réponse française à cette consultation fut alimentée par le premier rapport ([2]) de Mme Laurence Franceschini, conseillère d’État et membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Ce rapport concluait à la nécessité de consacrer le droit voisin au niveau de l’Union européenne en adaptant le droit de la propriété littéraire « pour permettre l’essor de modèles économiques innovants et […] assurer un partage équitable de la valeur ».

La France avait déjà émis le souhait de légiférer sur le droit voisin au début des années 2010 sous l’impulsion des entreprises de presse. Un projet de loi avait été envisagé mais il fut abandonné avec la création en 2013 par Google d’un fonds dit « fonds Google-AIPG pour l’innovation numérique » doté de 60 millions d’euros sur 3 ans, fruit d’un accord entre l’Association de la presse d’information politique et générale et Google en contrepartie du renoncement de la presse française à sa demande d’un texte législatif. Ce fonds est devenu européen en 2017 « Digital news initiative », mais les sommes engagées sont restées bien inférieures au montant de la captation de valeur constatée.

Le contexte économique résultant de la diminution des revenus de la presse due à l’essor de nouveaux acteurs du numérique qui exploitent gratuitement les publications de presse a rendue inéluctable l’intervention du législateur national et européen. L’instauration d’un droit voisin a pour objectif affiché de restaurer, au bénéfice des entreprises de presse et des journalistes, l’équilibre de la chaîne de valeur, partagée malgré eux avec les plateformes numériques ([3]). Plus qu’un partage à leur détriment, certains vont jusqu’à parler de pillage des contenus : l’exploitation gratuite des publications de presse est à l’origine de revenus exponentiels pour les plateformes numériques, via, notamment, leurs revenus publicitaires.

Au-delà de la pérennité économique des entreprises de presse, l’enjeu est également démocratique. Ces entreprises investissent pour produire une information fiable et de qualité, en particulier dans un contexte de diffusion massive de fake news, elles alimentent le pluralisme des médias et la liberté de la presse, indispensables au débat démocratique pour éclairer les citoyens.

C’est par la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (DAMUN) que l’Union européenne a créé, au profit des éditeurs de publications de presse, un droit voisin du droit d’auteur.

Comme le résumait M. Patrick Mignola, rapporteur de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse ([4]), transposant l’article 15 de la directive précitée, « il est en effet légitime de protéger non plus seulement le contenu des titres de presse par les droits d’auteur des journalistes, mais également les titres de presse eux-mêmes, en tant que contenants, afin de reconnaître et de protéger pleinement l’acte de création résidant dans l’agencement de l’information et dans la singularité du traitement éditorial ».

L’article 15 de la directive prévoit ainsi que les éditeurs de « publications de presse » disposent du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction ou la mise à disposition du public de leurs publications par un service en ligne, et ce pendant deux ans à compter du 1er janvier suivant la première publication de l’œuvre en question. Il devait permettre l’émergence, par le biais d’une redevance ou d’une licence octroyée en échange de l’autorisation des éditeurs, de nouveaux revenus au profit de ces derniers.

Au-delà des interrogations liées aux titulaires de ce nouveau droit, celui-ci est assorti d’exceptions notables relatives aux liens hypertexte et aux « mots isolés » et « très courts extraits » d’articles de presse, qui appellent à être plus strictement définies par les lois de transpositions nationales pour ne pas priver la directive de tout effet utile.

Ces lacunes, qui devaient permettre aux États membres d’adapter au mieux ce nouveau droit à leurs propres législations, sont aujourd’hui largement exploitées par les débiteurs du droit voisin pour retarder son application.

C’est la loi française du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse qui a transposé pour la première fois en Europe l’article 15 de la directive, trois mois après sa publication. Les transpositions nationales devaient intervenir au plus tard le 7 juin 2021, or à la date de publication de ce rapport, seuls neuf États membres avaient achevé le processus de transposition.

Par la mise en place de ce nouveau droit patrimonial, l’objectif de la loi était de mettre en place les conditions d’une négociation équilibrée et de bonne foi entre plateformes et entreprises de presse (agences et éditeurs de presse) afin de redéfinir le partage de la valeur et protéger les investissements consentis.

Deux ans après l’adoption de la directive et la promulgation de la loi, le nombre d’accords de rémunération au titre du droit voisin est tout à fait marginal et l’intention du législateur n’a pas été respectée à savoir que :

-          les éditeurs et les agences de presse n’ont pas les moyens d’une coopération assainie avec les plateformes numériques compte tenu de l’opacité de leur fonctionnement ;

-          rares sont ceux à avoir perçu une rémunération au titre du droit voisin. Le contenu des accords passés est opaque.

Saisie de la question, l’Autorité de la concurrence a, le 12 juillet 2021 ([5]), infligé à Google une sanction de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires d’avril 2020 ([6]). L’Autorité avait alors estimé que les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse.

Les agences et les éditeurs de presse qui négociaient en ordre dispersé n’avaient jusqu’à récemment pas fait usage de la possibilité de créer un organisme de gestion collective (OGC) de leurs droits. C’est chose faite avec la création de la Société des droits voisins de la presse en octobre 2021 mais cet OGC n’est pas encore parvenu à fédérer l’ensemble de la presse française. De ce fait, le rapport de négociation demeure asymétrique. Dans l’immédiat, il se heurte également à l’asymétrie de l’information relative à l’assiette de la rémunération à laquelle ses adhérents ont droit. Sans ces données, il est impossible de faire le lien entre l’utilisation de contenus protégés, les revenus que les plateformes en tirent, et une proposition financière. L’opacité empêche la négociation libre et éclairée des éditeurs et agences de presse dans l’évaluation de la rémunération qui leur est due.

Les 10 propositions formulées en troisième partie du présent rapport ont vocation à mettre fin à cette double asymétrie d’information et de négociation afin d’aboutir à des accords totalement transparents, enfin équitables et volontairement collectifs ([7]).

Votre rapporteur tient ici à rappeler que le droit voisin est un droit, il n’est ni le résultat d’un accord commercial, ni une faveur rendue à un secteur en souffrance. La rémunération des contenus utilisés doit être à la hauteur du travail des auteurs et des investissements des entreprises de presse. Protéger les entreprises de presse, c’est protéger le travail journalistique pour une presse libre, indépendante et pluraliste.

 


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   Première partie : L’instauration d’un droit voisin du droit d’auteur pour la presse, un enjeu économique et démocratique

I.   Un secteur économique fragile, bouleversé par l’arrivée des géants du numérique

Le droit voisin créé au bénéfice des éditeurs, agences et professionnels de la presse est une innovation juridique née de l'absence de rémunération des auteurs de publications de presse pour l’affichage et l’exploitation de leurs contenus sur les plateformes numériques. Cet outil juridique doit permettre de rééquilibrer économiquement un secteur bouleversé par le transfert massif des revenus publicitaires de la presse écrite vers les géants du numérique et compenser les investissements consentis par les éditeurs et les agences de presse.

Cet inexorable déclin de la presse papier et des agences de presse, qui se poursuit en dépit d’opportunités apportées par la transition numérique, tient au fait que la presse est le média le plus touché par cette transition.

A.   L’inexorable déclin de la presse papier…

Le présent rapport ne pouvait que s’ouvrir sur le constat désolant d’un déclin long et continu de la presse papier en France.

Le ministère de la Culture, dont le département des études, de la prospective et des statistiques publie annuellement les chiffres clefs du secteur ([8]), comptait en 2019 « près de 4 300 entreprises d’édition de journaux de revues et périodiques (et agences de presse), ainsi que 7 200 entreprises spécialisées dans le commerce de détail de journaux et papeterie ». Parmi ces entreprises ne figuraient en 2020 que 76 titres de quotidiens d’information générale et politique soit 62 % de moins qu’en 1946. Tiré de cette même étude, le graphique ci-dessous illustre la baisse du tirage total moyen journalier des quotidiens d’information générale et politique entre 1945 et 2020. Le ministère de la Culture précise ainsi que « le tirage total moyen est passé sur la période de 9 millions à 3 millions pour la presse régionale et de 6 millions à 1,6 million pour la presse nationale ».

Tirage total moyen journalier des quotidiens d’information
générale et politique, 1945-2020

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Source : ACPM – Ministère de la Culture DGMIC/Deps-Doc, Ministère de la Culture, 2021

Au vu de cette baisse structurelle qui touche la diffusion de la presse papier sur le temps long, votre rapporteur ne peut que s’inquiéter d’une dégradation accrue de la situation sur les deux dernières décennies. Ce constat est évidemment partagé par les professionnels du secteur de la presse entendus par la mission.

M. Pierre Louette, président de l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), rappelait ainsi lors de son audition que « depuis une dizaine d’années, la presse quotidienne nationale fait face à une baisse annuelle de 10 à 15 % des ventes de journaux papier » ([9]). L’année 2021, avec une baisse de 13 % de la diffusion papier pour la plupart des titres, ne fera pas exception. Pour quelques grands titres nationaux d’information politique et générale, la baisse conjoncturelle due à la pandémie de la covid-19 est particulièrement visible. Si M. Louette notait un impact moindre sur la presse quotidienne régionale, qui enregistre tout de même une baisse annuelle de 3 à 4 %, c’est bien sur les quotidiens locaux d’information générale et politique que la baisse des tirages moyens journaliers semble la plus préoccupante au cours des deux dernières décennies.

En France, cette attrition de la diffusion de la presse papier s’explique également par la mutation des sources de l’information, particulièrement chez les populations jeunes. Dans son Digital News Report de 2021, l’institut Reuters rapporte que l’utilisation des réseaux sociaux pour l’information a détrôné la presse papier dès 2014, occupant la troisième place derrière la presse en ligne et la télévision.

Les sources de l’information en France

Source : Reuters Institute, Digital News Report 2021, 10ème édition, p. 79.

Les auditions de la mission d’information ont permis d’établir ce constat à l’échelle européenne et mondiale. Par une réponse écrite au questionnaire d’audition de votre rapporteur ([10]), News Media Europe a souligné la baisse structurelle de la proportion de lecteurs de presse écrite au Portugal, en Suisse, en Pologne et en Allemagne, bien avant l’effondrement de la diffusion papier de la presse durant la pandémie de la covid-19. Cette dernière tendance a été soulignée depuis 2020 par l’Institut Reuters, dont le Digital News Report 2021 rapporte que « les journaux papiers ont poursuivi une forte baisse presque partout, alors que les confinements impactaient la distribution physique, accélérant ainsi la transition vers un futur principalement digital [pour la presse] » ([11]) .

Proportion des lecteurs de la presse papier au cours de la dernière semaine dans la population générale suisse, polonaise, portugaise, brésilienne et allemande

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Source : Reuters Institute, Digital News Report 2021, 10ème édition, p. 79.

La situation des agences de presse semble tout aussi alarmante. Elles sont pourtant absolument essentielles au bon fonctionnement économique du secteur. La Fédération française des agences de presse (FFAP), créée le 21 décembre 1945, représente, promeut et défend les intérêts de 90 agences qui pèsent 650 millions d’euros de chiffre d’affaire. Lors de son audition, Mme Florence Braka, directrice générale de la FFAP, précisait que les deux tiers des informations générales et 80 % des photos publiées proviennent des agences de presse ([12]).

Les agences de presse françaises n’en sont pas moins touchées par la crise structurelle qui touche le secteur d’une part, et l’exploitation de leurs contenus par les plateformes en ligne d’autre part. Ainsi, Mme Florence Braka précisait en audition qu’« entre 2012 et 2020 le nombre d’agences de presse a baissé de 30 %, leur chiffre d’affaires de 7 % ». Le constat est encore plus inquiétant pour les agences de presse photographiques, dont le nombre a baissé de 44 %, et le chiffre d’affaire total de 32 %.

L’Agence France-Presse (AFP), est dans une situation différente des autres agences du pays, en raison de sa présence mondiale ([13]). Bénéficiant de moyens humains et financiers plus importants que la FFAP, l’AFP a pu poursuivre Google devant l’Autorité de la concurrence pour qu’elle confirme l’éligibilité de toutes les agences de presse sur l’ensemble de leurs contenus à la rémunération due au titre des droits voisins. M. Fabrice Fries, directeur de l’AFP, a ainsi affirmé en audition que l’AFP crée un « mouvement vertueux » pour les autres agences ([14]). L’AFP a d’ailleurs récemment passé un accord bilatéral avec Google pour sa rémunération au titre du droit voisin (voir infra).

Votre rapporteur sait l’importance que conserve le poids économique de la presse dans le secteur des industries culturelles ; M. François Claverie, vice-président du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) rappelait lors de son audition que « la filière presse représente 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les 100 milliards générés par les industries culturelles » ([15]) . La situation du secteur n’en demeure pas moins préoccupante. Le déclin de la diffusion de la presse papier s’inscrit dans une dégradation générale des résultats financiers du secteur.

B.   … accéléré par un transfert de ses revenus publicitaires vers les plateformes

Très durement touchée par la transition numérique, la presse a connu entre 2006 et 2019 une chute de son chiffre d’affaires de 11 à 6,2 milliards d’euros, soit - 43 %. Le ministère de la Culture souligne que si « le secteur de la presse écrite était le deuxième secteur culturel en 2000, son poids dans l’ensemble des branches culturelles est passé des 18 % à 10 % en 2019 » ([16]). Les résultats de la presse papier ne sont pas en reste : M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture, notait lors de son audition l’effondrement du chiffre d’affaire généré par la vente au numéro, de 6 à 4 milliards d’euros entre 2000 et 2020 ([17]) .

Ces résultats doivent être lus à l’aune du modèle économique du secteur de la presse, qui « repose traditionnellement sur deux sources de revenus : la vente de contenus, quel que soit le canal ou le modèle (vente au numéro, abonnements, etc.) et la publicité » ([18]). Sur les 6,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la presse écrite en 2017, 2,1 milliards d’euros, provenaient des recettes publicitaires ([19]). Or, c’est principalement l’effondrement des revenus publicitaires de la presse (- 57 % entre 2006 et 2019), et subsidiairement la forte réduction des recettes de ventes (- 22 %), qui sont responsables de la baisse du chiffre d’affaires global.

Évolution du chiffre d’affaires de la presse écrite, 2009-2019

C:\Users\orouzeau\Desktop\evolution CA presse écrite 2009 2019.PNG

Source : DGMIC/Deps-Doc, Ministère de la Culture, 2021

Évolution des recettes de la presse depuis 1990 (base 100 en 2000)

Source : enquête annuelle DGMIC

D’une part, la « désaffection des lecteurs pour le format papier » aurait accéléré le report des annonceurs sur la publicité en ligne, entraînant un véritable effondrement des recettes publicitaires pour les éditeurs de presse ([20]). En avril 2020, l’Autorité de la concurrence soulignait que « 2,7 milliards d’euros, soit plus des deux tiers de la baisse totale de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires » provient d’une baisse des revenus publicitaires de la presse écrite. En croisant les données issues de la décision de l’Autorité de la concurrence ([21]) et du tableau ci-dessous, on peut retracer l’évolution du pourcentage des revenus publicitaires dans le chiffre d’affaires de la presse : de 41,8 % en 1998, il passe à 31 % en 2017 et seulement 27,2 % en 2020.

D’autre part, force est de constater que la baisse de la diffusion de la presse papier accompagne de près la transition numérique du secteur de la presse. Le nombre de titres vendus, qui s’était stabilisé à 7 milliards d’exemplaires annuels entre 1980 et 2010, a chuté de 53,6 % entre 2009 et 2019, passant sous la barre des 3 milliards d’exemplaires. Cette tendance s’accompagne d’une très forte érosion des recettes de vente de la presse écrite sur la même période (- 44 %). Comme le montre le tableau ci-dessous, une enquête annuelle de la DGMIC du ministère de la Culture chiffrait ces recettes à 4,05 milliards d’euros en 2020, soit 72,8 % du chiffre d’affaires global de la presse, dont 28,3 % pour les ventes au numéro et 44,4 % pour les ventes par abonnements.

Chiffre d’affaires de la presse

 

1998

2019

Évolution

 

Poids
dans le CA

en %

En milliers d’euros

Poids dans le CA en %

En milliers d’euros

En pourcentage

Recettes de Ventes, dont :

57,9

7 500 000

69,6

4 295 187

- 42,73

Ventes au numéro

37,8

4 890 000

30,3

1 869 114

- 61,78

Vente par abonnement

20,2

2 610 000

39,3

2 426 073

- 7,05

Recettes de Publicité, dont :

42,1

5 450 000

30,4

1 877 738

- 65,55

Publicité commerciale

33,6

4 350 000

24,0

1 482 295

- 65,92

Petites annonces

8,5

1 100 000

6,4

395 443

- 64,05

CA de la presse écrite

100

12 950 000

100

6 172 925

- 52,33

Source : enquête annuelle de la DGMIC, chiffres provisoires (pour 2020) et enquête annuelle sur la presse du ministère de la culture 1998, convertis à euros constants (pour 1998).

Le constat d’un report massif des annonceurs vers internet est partagé par l’ensemble des personnes auditionnées par la mission. M. Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles, soulignait ainsi lors de son audition que les recettes publicitaires de la presse papier « sont très attaquées puisqu’elles sont passées de 5 milliards d’euros en 2000 à 2 milliards en 2020 » ([22]). M. Benjamin Sabbah, économiste ([23]), ajoutait pour sa part que « le marché de la publicité pour la presse (quotidiens et magazine) représentait 4,5 milliards d’euros [en 2008] alors qu’aujourd’hui il représente moins de 2,5 milliards. Ce transfert s’est évidemment opéré en faveur d’internet, qui est passé de 1,4 à 4 milliards d’euros de recettes » ([24]).

Or, ce transfert semble s’être opéré au profit de plusieurs plateformes captant la quasi-totalité des revenus publicitaires en ligne. M. Sabbah précisait ainsi lors de son audition que deux plateformes - en particulier Google et Facebook - représentaient 75 % du marché de la publicité en ligne. Ce constat est partagé par M. Louette, président de l’APIG, qui estimait lors de son audition la captation par ces deux plateformes de « 70 % des dépenses publicitaires en ligne, et 83 % de la croissance de ces dépenses ». Bien sûr, cette situation ne se limite pas à la France, et M. Louette rappelait également qu’à échelle mondiale, « les investissements publicitaires mondiaux représentent 700 milliards de dollars, dont 400 milliards d’investissements classiques et 300 milliards d’investissements dans le numérique. Sur ces 300 milliards, Google et Facebook représentent 100 milliards chacun, soit deux tiers des parts de marché. Aussi, ces deux acteurs captent plus de 25 % des investissements publicitaires mondiaux » ([25]).

Ces chiffres font indubitablement de Google et Facebook, en dépit de leurs modèles technologiques et économiques distincts, les deux plateformes les plus directement concernées par l’application du droit voisin au bénéfice des éditeurs, agences et professionnels de la presse. En effet, « les utilisateurs qui tapent directement l’URL d’un site d’information dans leur navigateur représentent, en moyenne, le quart du trafic de ce site (28 % pour les médias sociaux, 25 % pour le search, Google représentant 90 % des requêtes). Un quart du trafic des sites de presse vient des réseaux sociaux et un autre quart de Google » ([26]) .

Cette exploitation des contenus de presse en ligne, opérée par quelques grandes plateformes dans le but de capter la quasi-totalité des revenus du marché publicitaire semble désormais caractérisée. Comme l’écrivait Mme Franceschini, elle est non seulement « destructrice de valeur », mais elle pose encore « une question d’équité concurrentielle : d’un côté, ceux qui investissent dans la production de contenu original, les éditeurs de presse, et de l’autre, ceux qui réutilisent et redistribuent ce contenu, souvent sans autorisation ou accord préalable, tout en en retirant des bénéfices commerciaux » ([27]). M. Alain Augé, président du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), relevait l’extravagance de la situation : « il est assez rare de voir des entreprises créer des modèles d’affaires en utilisant une production nombreuse, constante, de qualité, réalisée par des professionnels, pour la vendre sur les marchés publicitaires, en qualifiant les internautes, avec des intermédiations publicitaires très sophistiquées et avec un taux de commission de 100 % » ([28]).

Un tel modèle d’affaires ne peut qu’être fructueux, et votre rapporteur ne s’étonnera pas de ce que l’Autorité de la concurrence relève une « très forte progression des performances financières de Google » : « la publication des résultats d’Alphabet sur la période janvier-mars 2021, société mère de Google, [fait] état d’une augmentation de 34 % de son chiffre d’affaires et de 163 % de son résultat net » ([29]). Cette performance ne semble cependant pas compatible avec le respect des auteurs, des entreprises, et, à plus forte raison, avec la préservation d’une presse libre, indépendante et pluraliste, qu’à la condition d’un respect absolu du droit de la concurrence et du droit de la propriété intellectuelle.

C.   Les opportunités du numérique pour la presse…

La transition numérique offre pourtant de nombreuses opportunités au secteur de la presse. D’une part, elle abat un certain nombre de barrières à l’entrée pour les éditeurs, telles que le coût de l’impression papier et l’intégration d’un système de distribution (voir infra). D’autre part, elle a vu le développement de plateformes que M. Arthur Fouvez, directeur général délégué de l’Express, jugeait lors de son audition « essentielles au rayonnement de [leurs] contenus et à la création de nouvelles habitudes avec [leurs] lecteurs » ([30]).

Ces plateformes, entendues à huis clos par la mission, ont précisé lors de leurs auditions que leurs modèles d’affaires participaient activement et gratuitement à une élévation substantielle de l’audience de la presse écrite via un service gratuit pour les professionnels de la presse, tout comme pour les lecteurs. Il faut d’ailleurs relever que l’accompagnement technique et économique des plateformes auprès des services de presse en ligne pour l’amélioration de leurs audiences et de leurs abonnés ne manquera pas d’interroger à l’avenir si tout citoyen souhaitant s’informer était contraint d’en passer par ces mêmes plateformes.

Lors du 31ème Observatoire de la Presse et des Médias organisé le 29 avril 2021 par l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM), il a été constaté que 72 % des lectures de presse sont effectuées en ligne.

Ces chiffres ne résultent pas uniquement de l’activité des grandes plateformes. Depuis l’essor d’internet, les éditeurs et agences de presse ont accéléré leur transition numérique en rendent leurs contenus disponibles en ligne, sous différents formats et pour différents terminaux de lecture. Une première étape a consisté pour les éditeurs à promouvoir des éditions gratuites en ligne, ce qui aurait grandement « contribué à la fragilisation du secteur au cours des années 2000 » selon le département des études du ministère de la Culture ([31]). Pour ces éditeurs, le pari de la gratuité a laissé place à l’enjeu de la monétisation des contenus en ligne, notamment par le développement d’offres d’abonnement numérique payantes qui profitent principalement à la presse quotidienne nationale d’information politique et générale. À titre d’exemple, Le Monde comptait 400 000 abonnés numériques en septembre 2021 ([32]) et 100 000 de plus le 14 décembre de la même année, contre 200 000 pour Le Figaro en novembre 2020 ([33]), et 24 000 pour La Croix en décembre 2021 ([34]) .

Le Monde : bon élève de la transition numérique ?

M. Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde, a mentionné lors de son audition une coopération vertueuse du journal avec les grandes plateformes du numérique, soulignant que « si les GAFA ont gagné une partie importante du marché publicitaire, ils représentent à [ses] yeux un moteur de croissance de [leur] activité numérique » ([35]).

Les partenariats passés de longue date entre Le Monde et plusieurs plateformes, qui contribuent à la fidélisation des lecteurs via l’abonnement numérique, s’inscrivent dans une tendance générale des éditeurs de presse à multiplier « les offres numériques payantes, qui représentent désormais leur principal levier de croissance ». Le 23 septembre 2021, M. Dreyfus affirmait lors de son audition que l’abonnement numérique permettait de « réaliser un chiffre d’affaires de l’ordre de 50 millions d’euros, qui finance entièrement la rédaction du journal, print et numérique » ([36]).

Le 14 décembre 2021, M. Dreyfus annonçait sur les réseaux sociaux que plus de 500 000 lecteurs étaient abonnés à l’édition papier ou numérique du Monde.

Si votre rapporteur se réjouit du développement d’une telle économie vertueuse pour la presse en ligne, celle-ci ne semble pas moins subordonnée à une intervention étatique pour le rééquilibrage du transfert de la valeur publicitaire. Il convient de rappeler que le poids économique du journal Le Monde lui a permis de dépasser le point mort atteint par l’APIG dans ses négociations avec Google, et de négocier directement avec la plateforme un accord jugé satisfaisant par M. Dreyfus. Tous les éditeurs, agences et professionnels de la presse ne peuvent se prévaloir d’une situation aussi avantageuse.

D.   … résultent d’investissements importants

Pour les éditeurs et agences de presse, les opportunités du numérique sont subordonnées à des investissements très importants. Comme le soulignait la conseillère d’État Mme Laurence Franceschini dans son premier rapport de la mission de réflexion sur la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse en 2016, l’éditeur de presse « assume la production technique et de la toute première distribution du journal ou du magazine, que ce soit par abonnement où à la vente au numéro en kiosque ou chez les diffuseurs de presse », ce qui constitue « des investissements très lourds » ([37]). Auditionnée à ce propos par la mission d’information, Mme Franceschini ajoutait que « le droit voisin est la contrepartie, dans le droit français de la propriété littéraire et artistique, des investissements consentis pour la rédaction des articles, mais aussi pour des investissements techniques, liés à la création des sites de presse en ligne » ([38]).

Tous les éditeurs et agences de presse auditionnés par la mission ont insisté sur l’importance de ces investissements. M. Christophe Petit, directeur juridique de l’AFP, rappelait à titre d’exemple que l’AFP est « la seule agence internationale à être présente en Afghanistan ». L’Autorité de la concurrence a pour sa part rappelé que l’AFP indique produire quotidiennement environ 5 000 dépêches et 3 000 photographies grâce à 2 400 collaborateurs répartis dans 151 pays du monde. Or, les investissements consentis par l’AFP pour garantir une information dans un contexte sécuritaire aussi difficile ne font l’objet d’aucune rétribution par les plateformes qui exploitent ce contenu : « Au moment de la prise de pouvoir par les talibans, c’était la seule à pouvoir fournir des photos et des vidéos au monde entier, au prix de lourds investissements financiers. Avoir un bureau à Kaboul coûte très cher en termes d’investissement humain et d’investissement en risque. Ce sont bien des contenus des publications de presse des journalistes de l’agence qui ont été repris par les journaux du monde entier. Ce sont ces investissements que Google doit rétribuer et la valeur que l’agence apporte au monde entier » ([39]).

M. Anthony Level, directeur affaires publiques numériques et européennes du groupe TF1, a insisté quant à lui sur la prise en compte de l’« investissement matériel, financier et humain des éditeurs », dans l’esprit de ce que prévoit la loi, nous y reviendrons.

Or, le financement publicitaire et la vente des numéros constituent le socle de ces investissements. Au fur et à mesure que ces ressources s’étiolent pour les éditeurs et agences de presse, il devient urgent d’intervenir pour forcer la rétribution de ces investissements par les plateformes qui exploitent les contenus.

II.   Un enjeu démocratique

A.   Le pluralisme de la presse, enjeu démocratique d’une intervention publique

Le pluralisme de l’information, c’est-à-dire « la pluralité et la variété des sources et des organes d’information » ([40]), est une condition sine qua non du bon fonctionnement des sociétés démocratiques. Cette contribution nécessaire de la presse au débat public justifie l’existence d’un cadre juridique ancien qui garantit le pluralisme, ainsi que des mesures de soutien public conséquentes.

1.   Un enjeu démocratique…

Le Conseil constitutionnel a fait du pluralisme des quotidiens d’information politique et générale un objectif à valeur constitutionnelle en référence à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme » ([41]). Dans sa décision du 11 octobre 1984, il considère que « la libre communication des pensées et des opinions […] ne serait pas effective si le public auquel s’adressent [les quotidiens d’information politique et générale] n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et caractères différents » ([42]). Reprise dans sa décision du 29 juillet 1986, cette formulation ne concerne alors que la presse écrite d’information politique et générale. Elle a ensuite été appliquée au secteur de la communication audiovisuelle par la décision du 18 septembre 1986 ([43]). C’est donc sur le fondement de la liberté de communication que le pluralisme des médias est devenu « un des principes et des fondements du droit français » ([44]).

Le pluralisme des médias a depuis été consacré par l’article 11 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 portant modification de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui l’intègre désormais au domaine de la loi.

Le législateur n’a pas attendu la révision constitutionnelle de 2008 pour s’emparer de la question : la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse comporte un dispositif anti-concentration dans le domaine des médias. Aucun groupe ne peut posséder, contrôler ou éditer « des publications quotidiennes imprimées d’information politique et générale dont le total de la diffusion excède 30 % de la diffusion sur le territoire national » ([45]). Ces seuils anti-concentration font l’objet de contrôles par l’Autorité de la concurrence ([46]). Le cadre posé par la loi du 1er août 1986 a cependant montré ses limites, comme le constatait déjà le rapport sur les problèmes de concentration dans le domaine des médias rendu au Premier Ministre le 8 mars 2005 ([47]). Une commission d’enquête « Concentration des médias en France » est en cours au Sénat, qui entendra plusieurs des acteurs de la presse auditionnés par votre rapporteur ([48]).

Le législateur a également entendu renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias par la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016, visant à protéger les journalistes contre les pressions visant à la révélation de leurs sources.

Une condition du pluralisme de la presse est sa distribution effective sur l’ensemble du territoire. La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques dites « loi Bichet » dispose en son article 1er que « la diffusion de la presse est libre ». L’essor du numérique a bouleversé le monopole de distribution de la presse institué par cette loi, suscitant la réaction du législateur par l’adoption de la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse qui transfère la régulation du secteur à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). La distribution de la presse est cependant mise à mal par la baisse continue des ventes de titres de presse-papiers, ainsi que par la défaillance du distributeur Presstalis, dont les activités ont en partie été reprises par France Messagerie ([49]) depuis le 1er juillet 2020.

2.   … Qui justifie un soutien public conséquent

Afin de garantir la liberté de la presse, le pluralisme des opinions et l’information des citoyens, l’État accorde au secteur de la presse des aides substantielles. Elles concernent les publications inscrites aux registres de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), qui peut seul émettre un avis favorable à leur éligibilité.

Le ministère de la Culture accorde ainsi cinq aides directes au pluralisme, qui sont l’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires, l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces, l’aide au pluralisme de la presse périodique, régionale et locale, l’aide au pluralisme des titres ultramarins et l’aide aux services de presse en ligne. S’y ajoutent l’aide au portage, les aides du fonds stratégique pour le développement de la presse, et celles du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse. La filière bénéficie également d’une aide pour la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit 179,2 millions d’euros aux aides à la presse du programme 180 « Presse et Médias ». 57 % de ces aides (101,7 millions d’euros), sont consacrés à l’aide à la diffusion, contre 31 % (55,4 millions d’euros) aux aides à la modernisation.

Aides directes à la presse

 

LFI 2016

PLF 2022

Évolution 2016/2022

 

Montant

% Total

Montant

% total

Total

128,8

100

179,2

100

50,4

Aides à la diffusion

57,7

45

101,7

57

44

dont Exonération de charges patronales pour les vendeurs colporteurs et porteurs de presse

21,7

17

12,9

7

-8,8

Aides au pluralisme

15,5

12

22

12

6,5

dont Aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale et à faibles ressources publicitaires

12,7

10

13,15

7

0,45

Aides à la modernisation

55,6

43

55,5

31

-0,1

dont Aide à la modernisation de la distribution de la presse

18,8

15

27,8

16

9

dont Fonds stratégique pour le développement de la presse

29,7

23

16,5

9

-13,2

Sources : Chiffres clés 2021, département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation, p. 248. (Actualisé avec les chiffres du projet de loi de finances 2022).

L’aide au pluralisme prend également la forme de dépenses fiscales importantes, la presse écrite bénéficiant d’un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 2,1 % ([50]), ainsi que de tarifs postaux avantageux ([51]). Les aides publiques apportées au secteur de la presse répondent à une exigence de transparence : la plus récente publication des principaux groupes et sociétés de presse aidés par l’État date de 2019. Les cinq groupes bénéficiaires des aides directes les plus importantes sont Sipa-Ouest-France, à hauteur de 5,24 millions d’euros, EBRA (5,12 millions d’euros), Bayard Presse (4,52 millions d’euros), SFR Presse (4,18 millions d’euros) et Société nouvelle du journal l’Humanité (3,3 millions d’euros) ([52]). Le ministère de la Culture a publié la même année un tableau des 409 titres de presse aidés ([53]).

Durement touché par la crise sanitaire, le secteur de la presse a bénéficié de plusieurs aides conjoncturelles. En 2020, un communiqué du ministère de la Culture annonçait 666 millions d’euros d’aides à la presse, dont 450 millions d’euros provenant de dispositifs transversaux, et 156 millions d’euros alloués au redressement de Presstalis, devenu France Messagerie ([54]).

La prise en compte d’une vision critique de ces aides est essentielle pour évaluer correctement l’opportunité d’une rémunération des droits voisins pour le secteur de la presse. À ce titre, M. Edwy Plenel, directeur de la publication de Mediapart, affirmait en audition ([55]) s’interroger « sur un secteur qui, plutôt que d’affronter les questions, cherche des béquilles, dont l’une est notable : l’augmentation des aides. »

La part des aides dans le chiffre d’affaire de la presse étant passée de 12,9 % à 23,3 % entre 2008 et 2021, il semble légitime de se questionner sur la mise en place d’un droit voisin que M. Plenel désigne comme « une subvention privée » susceptible de créer des distorsions de concurrence et des inégalités, et que l’économiste M. Pierre Bentata comparait à un « cas typique de recherche de rente ».

Si votre rapporteur prend note de ces critiques à l’encontre d’un modèle d’affaires en pleine mutation, il semble également que l’effondrement des recettes des éditeurs et agences de presse consécutif au déplacement de leurs revenus vers les plateformes démontre de manière flagrante la nécessité d’une rémunération au titre de l’utilisation des contenus de presse qu’ils produisent. Il en va de la survie d’une presse libre, indépendante et pluraliste.

B.   L’indépendance et le pluralisme de la presse mis en question par la puissance des plateformes numériques

1.   Une protection nécessaire reconnue dans la directive droits d’auteurs

Le considérant 54 de la directive 2019-790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique reconnaît la nécessité de préserver une presse libre et pluraliste, « indispensable pour garantir un journalisme de qualité et l’accès des citoyens à l’information », et souligne qu’elle « apporte une contribution fondamentale au débat public et au bon fonctionnement d’une société démocratique » ([56]). Comme l’a signalé M. Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture lors de son audition ([57]), le principe selon lequel « ceux qui créent des œuvres de l’esprit et ceux qui financent leur création doivent être rémunérés par ceux qui tirent un profit commercial de leur circulation […] revêt une importance toute particulière [dans le secteur de la presse] car il apporte une contribution essentielle au pluralisme des idées et à la qualité du débat public. »

Si les nouveaux services en ligne tels que les agrégateurs de contenus de presse permettent au citoyen de trouver et sélectionner les informations qu’il juge utile, il n’en reste pas moins crucial de préserver la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias face à ces plateformes. Or, les difficultés rencontrées par les éditeurs de publications de presse pour l’octroi de licences relatives à l’utilisation en ligne de leurs publications, qui compliquent l’amortissement de leurs investissements ([58]), comportent des risques pour l’indépendance et le pluralisme de la presse.

Comme le disait M. Anthony Level, directeur affaires publiques numériques et européennes du groupe TF1 lors de son audition, la question des droits voisins est au croisement « de la capacité à investir dans des contenus de qualité, de la liberté éditoriale, de la capacité à découvrir des contenus d’information, du pluralisme, de la lutte contre les infox » ([59]).

De même, la directive souligne que le manque de reconnaissance de la contribution organisationnelle et financière des éditeurs dans la production de publications de presse comporte un danger pour la pérennité du secteur de l’édition, ce qui menace indirectement la production et la publication d’informations fiables ([60]).

2.   Une protection conditionnée aux principes de non-discrimination et de transparence

Les modalités de mise en application du droit voisin au bénéfice des éditeurs, agences et professionnels de la presse peuvent présenter des risques pour l’objectif constitutionnel de pluralisme. Lors de son audition, M. Gourdin affirmait que cet impératif « serait mis à mal si, par des négociations individuelles et bilatérales, le bénéfice du droit voisin était réservé à quelques titres ou si elles aboutissaient à des discriminations injustifiées quant au montant des rémunérations perçues » ([61]).

D’une part, il semble en effet qu’un manque de concertation entre éditeurs a mené en France à la conclusion d’accords individuels et bilatéraux qui, s’ils profitent aux acteurs les plus importants du secteur, ne rendent la rémunération effective que pour une minorité d’éditeurs. M. Plenel a souligné lors de son audition avoir « alerté sur une pratique qui [lui] semblait très opaque, très inéquitable et très nuisible à l’indépendance de la presse », en référence aux discussions menées par l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) avec Google. Mme Isabelle de Silva, ancienne présidente de l’Autorité de la concurrence, a quant à elle mentionné lors de son audition « le refus de Google d’inclure certaines familles de presse » dans la rémunération au titre du droit voisin ([62]) : ce refus unilatéral constitue un réel danger pour le pluralisme de la presse.

D’autre part, votre rapporteur regrette que le secret des affaires lui soit opposé pour la consultation des accords individuels passés entre les éditeurs et les plateformes. Il n’y a par conséquent aucune garantie que ces accords n’aient pas produit de discriminations. À cet égard, M. Plenel alertait également « sur l’absence de transparence sur le montant et le mode de calcul des subventions privées portant sur un élément essentiel de la démocratie : l’information ». Votre rapporteur partage l’avis de M. Plenel pour lequel les chiffres des accords doivent être rendus publics pour « la qualité, l’indépendance et la loyauté de l’information ».

 


—  1  —

   Deuxième partie : un droit qui peine à s’appliquer

Deux ans après l’adoption de la directive et la promulgation de la loi, le nombre d’accords de rémunération au titre du droit voisin est tout à fait marginal et l’intention du législateur n’a pas été respectée :

- les éditeurs et les agences de presse n’ont pas les moyens d’une coopération saine avec les plateformes numériques ;

- ils ne perçoivent pas une rémunération en adéquation avec les revenus que tirent ces plateformes de l’exploitation de leurs contenus.

Le poids économique et politique de l’Union européenne dont les États membres sont unis autour de la problématique du droit voisin aurait pourtant dû permettre une mise en œuvre unifiée et rapide.

Les initiatives dans les autres pays du monde se sont multipliées, à l’image de l’Australie dont le Parlement a adopté, le 25 février 2021, un code de conduite (News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code) qui partage les objectifs de la directive européenne mais met en place des outils plus contraignants pour imposer une rémunération des contenus d’information par les plateformes numériques. En effet, en cas de désaccord des parties, la loi australienne prévoit le recours à une commission d’arbitrage habilitée à fixer elle-même le niveau de rémunération, sur la base d’un certain nombre d’indicateurs.

En complément de la législation, l’approche des titulaires australiens du droit voisin a été de se tourner vers leur autorité nationale en charge du respect du droit de la concurrence aux fins d’un rééquilibrage du rapport de force économique et du partage de la valeur entre médias et plateformes. C’est également le choix qui a été fait en France et en Allemagne.

I.   Une directive européenne peu transposée

A.   La directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

L’article 15 de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique prévoit l’introduction, au profit des « éditeurs de publication de presse », d’un droit voisin du droit d’auteur limité à la seule « utilisation en ligne de leurs publications de presse par des fournisseurs de services de la société de l’information ». Ce droit de propriété doit permettre à l’éditeur d’une publication de presse d’interdire ou d’autoriser, éventuellement contre rémunération, toute reproduction ou mise à disposition du public de l’objet protégé.

Article 15 de la directive 2019/790

Protection des publications de presse en ce qui concerne les utilisations en ligne

« 1. Les États membres confèrent aux éditeurs de publications de presse établis dans un État membre les droits prévus à l’article 2 ([63]) et à l’article 3, paragraphe 2 ([64]), de la directive 2001/29/CE pour l’utilisation en ligne de leurs publications de presse par des fournisseurs de services de la société de l’information.

Les droits prévus au premier alinéa ne s’appliquent pas aux utilisations, à titre privé ou non commercial, de publications de presse faites par des utilisateurs individuels.

La protection accordée en vertu du premier alinéa ne s’applique pas aux actes d’hyperliens.

Les droits prévus au premier alinéa ne s’appliquent pas en ce qui concerne l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse.

2. Les droits prévus au paragraphe 1 laissent intacts et n’affectent en aucune façon les droits conférés par le droit de l’Union aux auteurs et autres titulaires de droits, à l’égard des œuvres et autres objets protégés intégrés dans une publication de presse. Les droits prévus au paragraphe 1 sont inopposables aux auteurs et autres titulaires de droits et, en particulier, ne doivent pas les priver de leur droit d’exploiter leurs œuvres et autres objets protégés indépendamment de la publication de presse dans laquelle ils sont intégrés.

Lorsqu’une œuvre ou autre objet protégé est intégré dans une publication de presse sur la base d’une licence non exclusive, les droits prévus au paragraphe 1 ne doivent pas être invoqués pour interdire l’utilisation par d’autres utilisateurs autorisés. Les droits prévus au paragraphe 1 ne doivent pas être invoqués pour interdire l’utilisation d’œuvres ou d’autres objets dont la protection a expiré.

3. Les articles 5 à 8 de la directive 2001/29/CE, la directive 2012/28/UE et la directive (UE) 2017/1564 du Parlement européen et du Conseil s’appliquent mutatis mutandis aux droits prévus au paragraphe 1 du présent article.

4. Les droits prévus au paragraphe 1 expirent deux ans après que la publication de presse a été publiée. Cette durée est calculée à partir du 1er janvier de l’année suivant la date à laquelle la publication de presse a été publiée.

Le paragraphe 1 ne s’applique pas aux publications de presse publiées pour la première fois avant le 6 juin 2019.

5. Les États membres prévoient que les auteurs d’œuvres intégrées dans une publication de presse reçoivent une part appropriée des revenus que les éditeurs de presse perçoivent des fournisseurs de services de la société de l’information pour l’utilisation de leurs publications de presse. »

Tant l’objet et l’étendue de la protection ainsi conférée, que l’identification du titulaire de ce droit nouveau, font aujourd’hui l’objet de débats nourris, opposant les éditeurs et agences de presse aux principales plateformes en ligne.

1.   L’objet de la protection accordée par la directive

L’article 15 de la directive précitée protège les « publications de presse ». Celles-ci sont définies par l’article 2 de la directive comme une « collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, mais qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés, et qui : a) constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée sous un titre unique, telle qu’un journal ou un magazine généraliste ou spécialisé ; b) a pour but de fournir au public en général des informations liées à l’actualité ou d’autres sujets ; et c) est publiée sur tout support à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle d’un fournisseur de services. »

Plusieurs critères doivent donc être réunis pour constituer une publication de presse.

Une publication de presse au sens de la directive doit, en premier lieu, rassembler des œuvres littéraires répondant à un traitement journalistique et peut comporter d’autres œuvres ou objets protégés par le droit d’auteur ou d’autres droits voisins, comme les photographies, les vidéos ou les infographies. Ainsi, en l’absence d’un objet protégé par le droit d’auteur, le droit voisin ne saurait exister.

Ensuite, cette collection doit constituer l’unité d’une publication plus vaste répondant à un titre unique, faisant l’objet d’une certaine périodicité ou, dans le cas d’un site internet, d’une actualisation régulière. Ainsi, comme l’explicite le considérant 56 de la directive précitée, « les publications de presse qui devraient être couvertes comprennent, par exemple, des journaux quotidiens, des magazines hebdomadaires ou mensuels généralistes ou spécialisés, y compris les magazines vendus sur abonnement, et des sites internet d’information ». En revanche, pour une raison qui n’a pas été clairement explicitée au cours des débats, les périodiques publiés à des fins scientifiques ou universitaires, tels que les revues scientifiques, sont expressément exclus du champ de la directive et ne peuvent donc bénéficier d’une protection au titre du droit voisin reconnu aux éditeurs de publication de presse.

Par ailleurs, cette publication doit s’adresser au public et avoir pour objet de lui fournir des informations liées à l’actualité ou à « d’autres sujets », formulation qui permet d’inclure un large ensemble de publications, contrecarrant ainsi la notion de « public en général », qui pourrait, prise isolément, conduire à exclure les publications spécialisées ne s’adressant qu’à une partie de la population.

Enfin, la publication est réalisée à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et le contrôle d’un fournisseur ou prestataire de services au sens du droit de l’Union européenne. Il importe ici de noter que c’est l’acte de publication qui constitue le point de départ de la protection accordée à l’objet publié, qui est de deux ans à compter du 1er janvier suivant la publication : cet acte est à la fois le fait générateur du droit mais également l’objet du droit voisin.

2.   Le titulaire du droit voisin

Le titulaire du droit voisin est, de façon logique, l’éditeur de la publication de presse. Les éditeurs de publication de presse sont définis par le considérant 55 de la directive précitée comme les « prestataires de services, tels que les éditeurs de presse ou les agences de presse, lorsqu’ils publient des publications de presse au sens de la présente directive ».

La mention des agences de presse a suscité des interrogations quant à leur capacité à être titulaires, en tant que telles, d’un droit voisin sur leurs dépêches, photographies, vidéos voire infographies.

Certains considèrent que les agences de presse ne peuvent prétendre à ce droit que sur les publications qu’elles publient elles-mêmes, notamment sur leurs sites internet, mais qu’elles ne possèdent aucun droit sur leurs dépêches reprises, même in extenso, par les éditeurs à qui elles vendent leurs services, ces dépêches n’étant pas des publications de presse à proprement parler, soit qu’elles ne constituent pas des œuvres, soit qu’elles ne soient pas publiées à l’initiative de leur fournisseur. En réalité, l’acte de publication peut avoir lieu indirectement, par l’intermédiaire d’un autre éditeur, et il n’est pas nécessaire qu’une seule et même personne morale soit en charge de la création du contenu et de sa publication, nous y reviendrons.

3.   Le débiteur du droit voisin

Les débiteurs du droit voisin sont les « fournisseurs de services de la société de l’information ».

L’article 2-5 de la directive invite à se référer à la définition qu’en donne l’article 1-1, b) de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information. Selon cet article, un « service de la société de l’information » se définit comme étant « tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services ». Le droit peut être opposable à un fournisseur de la société de l’information dont les services ne sont pas forcément payants pour les utilisateurs mais qui va, d’une manière ou d’une autre, se rémunérer grâce à ces derniers

Ainsi, sont concernés par la directive 2019-790 tous les services de moteur de recherche, de référencement, de partage de contenus, les réseaux sociaux etc. qui reprennent tout ou partie d’une publication de presse.

M. Mignola, rapporteur de la loi de 2019, évoquait dans son rapport les « infomédiaires » c’est-à-dire les moteurs de recherche, réseaux sociaux, plateformes d’échange et autres acteurs technologiques qui, de façon générale, organisent l’accès à l’information pour les internautes.

4.   L’étendue de la protection

La protection accordée par le nouveau droit voisin reconnu aux éditeurs de presse ne vaut que pour l’utilisation de leurs publications en ligne et ne saurait être invoquée à l’égard d’autres types de reproduction ou mise à disposition. Elle est valable pendant deux ans à compter du 1er janvier suivant la première publication et la publication de presse peut donc, passé ce délai, être librement reprise par les services de communication au public en ligne.

Le droit voisin permet aux éditeurs d’autoriser ou d’interdire la reproduction ou la mise à disposition de leurs publications, et est soumis aux mêmes exceptions que les droits d’auteur, notamment : les utilisations à des fins d’enseignement ou de recherche, les reproductions au profit des personnes en situation de handicap, les citations à des fins de critique et de revue, etc.

L’article 15 de la directive prévoit cependant des exceptions propres au droit voisin des éditeurs de presse. Ainsi, les « actes d’hyperliens », processus technique permettant de renvoyer vers une page internet en intégrant son URL ([65]), et les « mots isolés ou très courts extraits » ne peuvent faire l’objet de cette protection. Or, les liens hypertextes, associés à des résumés ou citations du contenu des publications de presse, peuvent être en eux-mêmes porteurs d’une information qui peut sembler suffisante au lecteur, contrairement à d’autres œuvres protégées par les droits d’auteur ou les droits voisins, comme les œuvres cinématographiques ou musicales, où la fourniture d’un extrait ne saurait satisfaire pleinement le consommateur. 

C’est ce que confirme le considérant 58 de la directive, « compte tenu de l’agrégation et de l’utilisation massives de publications de presse par les prestataires de services de la société de l’information, il importe que l’exclusion des très courts extraits soit interprétée de manière à ne pas affecter l’efficacité des droits ». Ainsi, la définition des termes employés par la directive est déterminante pour l’application du droit voisin des éditeurs de presse, dont l’objectif est précisément de permettre aux éditeurs de tirer profit de la reprise de leurs publications par les services de communication en ligne dans de tels cas de figure.

5.   L’articulation de ce droit avec les droits d’auteurs et les autres droits voisins

Le droit voisin reconnu aux éditeurs de presse est un droit de second rang par rapport aux droits d’auteur et aux autres droits voisins. Son application ne peut ainsi nullement affecter le titulaire de ces autres droits et ne doit pas les priver du droit d’exploiter leurs propres œuvres ou objets protégés.

Par exemple, la publication d’une œuvre photographique sur internet entraîne, en droit français, une mise en gestion collective obligatoire pour son auteur ([66]), auquel le titulaire du droit voisin qui l’a utilisée dans le cadre d’une publication de presse ne peut s’opposer ; en revanche, l’utilisateur de cette photographie devra payer deux redevances, l’une au titre du droit d’auteur, l’autre au titre du droit voisin.

L’article 15 de la directive prévoit enfin, au profit des auteurs d’œuvres intégrées au sein de publications de presse, la perception d’une « part appropriée des revenus que les éditeurs perçoivent », le cas échéant, de l’exercice du droit voisin.

B.   Des retards de transposition

Les États membres devaient transposer la directive au plus tard le 7 juin 2021. La Commission européenne est informée des mesures de transposition des directives et les États membres doivent l’informer de toute disposition de droit interne adoptée entrant dans le champ de cette directive.

Lors de leur déplacement à Bruxelles le 10 novembre 2021, la présidente et le rapporteur ont interrogé la Commission sur l’état de la transposition. Celle-ci s’avère être plus que partielle, comme le laissait déjà percevoir l’ouverture le 26 juillet 2021, par la Commission européenne, de procédures d’infraction à l’encontre de 23 États membres, dont la France, sur la transposition de la directive dans son ensemble.

S’agissant spécifiquement de l’article 15 de la directive, la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG Connect) de la Commission européenne recense les mesures de transposition des États membres. Elle prendra position, en 2022, sur la compatibilité de ces dispositions avec la directive. La Commission européenne pourrait être amenée à engager une procédure de sanction en cas de défaut de transposition.

1.   Les pionniers : l’Allemagne et l’Espagne

En Allemagne une loi instaurant un droit voisin au bénéfice de la presse a été adoptée le 7 mai 2013 ([67]). Il s’agit de la première codification d’un droit de propriété intellectuelle de la presse en Allemagne. Ce droit était prévu pour une durée d’un an à compter de la publication du contenu.

Mais comme l’a rappelé Mme Franceschini, la loi allemande n’a pas produit les effets escomptés et sa mise en œuvre est restée largement théorique : « La société Google a en effet refusé de négocier avec les éditeurs qui demandaient entre 6 % et 11 % du chiffre d’affaires réalisé avec leurs contenus. Après que l’autorité allemande de la concurrence ait essayé en vain de déclencher une action contre Google, nombre d’éditeurs allemands ont fini par accorder une licence gratuite mais révocable à la société américaine pour utiliser leurs contenus. » ([68]).

C’est ce que confirme Corint media, principal organisme de gestion collective des droits des éditeurs allemands, en réponse à un questionnaire du rapporteur : « Dès le début, l’entreprise Google a refusé de conclure un contrat de licence avec Corint Media. La stratégie de défense de l’entreprise a été complète. Elle a notamment déjà contesté la légitimité active de Corint Media et l’exécution d’utilisations relevant du droit d’auteur. Google a notamment invoqué l’exception (déjà) prévue par l’ancienne législation allemande, selon laquelle l’utilisation de "mots isolés ou de très petits extraits de texte" pouvait se faire sans autorisation. En outre, en ce qui concerne les publications de presse représentées par Corint Media, Google a exigé que Corint Media donne son accord pour des utilisations sans rémunération. En raison de la dépendance considérable des éditeurs de presse à l’égard de l’affichage de leurs publications de presse dans le moteur de recherche Google, qui domine le marché, cette autorisation a été accordée, faute de quoi Google laissait entrevoir la perspective d’une présentation moins bonne, voire d’un déréférencement. »

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 12 septembre 2019 ([69]) a fragilisé la loi de 2013 du fait d’un défaut de notification à la Commission européenne. La disposition allemande interdisant aux moteurs de recherche d’utiliser des « snippets » de presse sans l’autorisation de l’éditeur a été déclarée inapplicable faute de notification préalable à la Commission car il s’agissait d’une règle relative à un service de la société de l’information et donc d’une « règle technique » dont le projet devait être notifié à la Commission conformément à la directive 98/34. Rendue en 2019, la décision a conclu à la nécessité de transposer la directive rapidement.

Depuis, l’article 15 de la directive de 2019 a été transposé en Allemagne presque ne varietur par la loi sur l’adaptation du droit d’auteur aux exigences du marché unique numérique du 31 mai 2021.

Avec l’Allemagne, l’Espagne a été une des premières à modifier le droit de la propriété intellectuelle par un amendement - adopté le 28 octobre 2014 - à la loi de propriété intellectuelle du 12 avril 1996.

Cette modification législative connue en Espagne sous le nom « Canon Asociación de Editores de Diarios Españoles » ou « taxe AEDE » du nom des éditeurs de presse espagnols, assortissait le droit inaliénable des éditeurs à être rémunérés par les agrégateurs de contenus de presse d’une obligation de conduire les négociations relatives aux autorisations de publication et leur rémunération de façon collective par des entités de gestion dédiées, notamment le CEDRO. Les médias ne pouvaient « renoncer au droit de percevoir une compensation ».

Mme Franceschini a précisé dans un article que « le montant de cette rémunération, à laquelle les éditeurs ne peuvent renoncer, [devait] être fixé par la voie contractuelle ou, à défaut, par la commission de la propriété intellectuelle. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2015 mais aucune rémunération n’a été versée aux éditeurs [par Google]  » ([70]).

En 2015, CEDRO a négocié un accord avec quatre plateformes : Upday, Squid, Huawei et Microsoft pour une rémunération de 9 à 11% de leurs revenus. Il a engagé une procédure judiciaire contre Google, le préjudice subi pourrait s’élever à 12 millions d’euros.

Les obligations de rémunérer la reprise des contenus et de négocier collectivement les droits étaient contestées par Google. En réaction, l’entreprise, qui a longtemps considéré qu’elle n’avait pas à payer pour les extraits de publications repris sur ses pages de résultats, avait fermé son service d’actualité espagnol le 16 décembre 2014. En juillet 2017 elle a installé un « feed » d’actualités via son application pour mobiles et tablettes. En septembre 2018, elle a remplacé ce service par Google Discover qui offre des contenus courts basés sur l’historique de recherche des internautes.

En parallèle, Google a fait pression sur les entreprises pour qu’elles renoncent à la gestion collective. La transposition de l’article 15 de la directive a été l’occasion pour le Gouvernement de trouver une voie médiane.

Le décret royal du 2 novembre 2021 introduit un nouvel article 129 bis dans la loi de propriété intellectuelle. Cet article ne formule plus d’obligation particulière au sujet de la gestion collective obligatoire, laissant de fait aux éditeurs et aux auteurs la possibilité de conduire seuls, ou collectivement, les négociations relatives à la publication et la rémunération de leurs contenus.

Le décret impose aux agrégateurs de contenus l’obligation de conduire les négociations de bonne foi et dans des conditions de transparence, de respect des règles de libre-concurrence et du principe de diligence raisonnable, interdisant en droit les abus de position dominante.

Les agrégateurs de contenus devront communiquer de façon périodique, détaillée et suffisante les paramètres qui régissent la classification des contenus et leur importance relative : en pratique, il leur appartiendra d’informer les médias et les auteurs de tout changement dans leurs algorithmes.

Une disposition a également été introduite afin d’éviter que les plateformes américaines puissent tenter de régler d’éventuels conflits avec les éditeurs de presse devant des tribunaux californiens. 

2.   Les transpositions nationales à la date de publication du rapport

Selon la DG Connect, seuls neuf États membres ont transposé l’article 15 de la directive : la France, l’Allemagne, le Danemark, la Hongrie, les Pays-Bas, Malte, la Croatie, l’Italie et l’Espagne.

Le croisement des informations fournies par la Commission européenne et celles fournies par les représentants des éditeurs européens ont permis d’élaborer un état des lieux.

Outre les neuf États membres précités, six États membres ont débuté la procédure de transposition de la directive en droit national. Reste que l’on peut déduire de l’absence d’information que douze des vingt-sept États membres en sont « au point mort ».

État des lieux de la transposition de l’article 15 de la directive

ALLEMAGNE

Transposition effectuée

Gesetz zur Anpassung des Urheberrechts an die Erfordernisse des digitalen Binnenmarkts vom 31 mai 2021

AUTRICHE

Pas d’information

 

BELGIQUE

Avant-projet de loi transmis au Conseil d’État

 

BULGARIE

Pas d’information

 

CHYPRE

Pas d’information

 

CROATIE

Transposition effectuée

Zakon o autorskom pravu i srodnim pravima

DANEMARK

Transposition effectuée

Lov om ændring af lov om ophavsret (no 1121)

ESPAGNE

Transposition effectuée

Real Decreto-ley 24/2021, de 2 de noviembre, de transposición de directivas de la Unión Europea en las materias de [...] ejercicio de derechos de autor y derechos aplicables a determinadas transmisiones en línea y a las Retransmisiones de programas de radio y televisión [...]

ESTONIE

Projet de loi déposé au Parlement

 

FINLANDE

Projet de loi présenté en septembre 2021, ouverture d’une consultation publique jusqu’à la mi-décembre 2021

 

FRANCE

Transposition effectuée

Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

GRÈCE

Pas d’information

 

HONGRIE

Transposition effectuée

2021. évi XXXVII. törvény a szerzői jogról szóló 1999. évi LXXVI. törvény és a szerzői jogok és a szerzői joghoz kapcsolódó jogok közös kezeléséről szóló 2016. évi XCIII. törvény Jogharmonizácisú

IRLANDE

Projet de loi en cours

S.I. no 567 du 2021 European Union (Copyright and Related Rights in the Digital Single Market) Regulations 2021

ITALIE

Transposition effectuée (entrée en vigueur le 12 décembre 2021)

Attuazione della direttiva (UE) 2019/790 del Parlamento europeo e del Consiglio, del 17 aprile 2019, sul diritto d’autore e sui diritti connessi nel mercato unico digitale e che modifica le direttive 96/9/CE e 2001/29/CE

LETTONIE

Pas d’information

 

LITUANIE

Pas d’information

 

MALTE

Transposition effectuée

Copyright act (CAP. 415) Copyright and related rights in the Digital Single Market Regulations, 2021,

LUXEMBOURG

Pas d’information

 

PAYS-BAS

Transposition effectuée

Wet van 16 décembre 2020 tot wijziging van de Auteurswet, de Wet op de naburige rechten, de Databankenwet en de Wet toezicht en geschillenbeslechting collectieve beheersorganisaties auteurs

POLOGNE

Pas d’information

 

PORTUGAL

Pas d’information

 

REPUBLIQUE TCHÈQUE

Pas d’information

 

ROUMANIE

Projet de loi bientôt soumis au Parlement

 

SLOVAQUIE

Pas d’information

 

SLOVÉNIE

Pas d’information

 

SUÈDE

Loi publiée en octobre 2021 (à confirmer)

 

Source : Commission européenne

La directive est d’interprétation maximale, ce qui signifie que chaque État membre est libre d’adopter des mesures nationales de précision ou plus contraignantes. Le choix de la directive apparaît comme problématique pour la DG connect qui a estimé qu’il faudrait peut-être, à l’avenir, prendre la voie d’un projet de règlement dont la vertu est d’être d’application directe. Nul doute que les discussions pour l’adoption d’un règlement au niveau de l’Union européenne pourraient prendre plusieurs années mais un tel règlement permettrait d’avoir une législation unique en Europe, comme c’est le cas pour la protection des données personnelles avec le RGPD.

Il est d’ailleurs possible que les plateformes numériques soient intéressées pour avoir un règlement unique. Elles chercheraient aujourd’hui à obtenir, toujours selon la DG connect, des modes d’emploi pour respecter le droit (« compliance plans »), de préférence de façon harmonisée.

Le grand nombre d’éditeurs de presse et d’agences de presse bénéficiaires du droit voisin est un autre obstacle que font valoir les plateformes numériques pour justifier le retard des discussions, y compris lorsque l’État membre est à jour de la transposition. Pour cette raison, les modalités de gestion des droits des bénéficiaires apparaissent fondamentales pour rendre effective l’application du droit voisin.

C.   Plusieurs modèles de gestion des droits

Les expériences allemande et espagnole ont eu la vertu de mettre l’accent sur la nécessité de mettre en place un système de gestion collective des droits : « Loin de rendre caduque l’idée de droits voisins établis au niveau national, les expériences mitigées en Espagne et en Allemagne ont surtout montré la nécessité de créer les conditions d’un réel rapport de force entre les éditeurs et les grandes plateformes. Or tel n’a pas été le cas dans ces pays, qui ont plutôt privilégié la voie de négociations de gré à gré. » ([71]).

Pour autant, les droits voisins sont exclusifs, cela signifie que l’ayant-droit doit rester libre d’autoriser ou d’interdire la reproduction ou l’exploitation de la publication de presse.

1.   La gestion collective volontaire

La France (voir infra), l’Espagne (voir supra), l’Allemagne (voir supra) et la Roumanie ont mis en place une gestion collective des droits sur la base du volontariat des titulaires de droits.

Dans ces pays, les organismes de gestion collective ont vocation à négocier des accords-cadres qui se déclinent en des accords individuels pour chaque membre de l’organisation.

2.   La licence collective étendue : le modèle nordique

Dans les autres pays tels que la Pologne, la République tchèque, le Danemark, la Finlande, la Hongrie et la Suède, c’est le choix de la licence collective étendue aux autres opérateurs du secteur qui a été retenu, suivant ainsi une tradition juridique propre au secteur de la création des pays nordiques depuis les années 1960.

Dans ce modèle, les organismes de gestion collective des droits peuvent voir leurs accords de licence conclus au nom des titulaires de droits qui l’ont mandaté étendus aux titulaires de droits qui ne sont pas membres de l’organisme de gestion collective. De facto, l’OGC représente ainsi tous les titulaires de droits. Pour autant, il ne s’agit pas d’une licence collective obligatoire car les titulaires de droits qui ont expressément refusé la licence sont exclus de l’effet étendu. Dans la durée, les non-membres de l’OGC ont également une clause d’ « opt out » leur permettant, à tout moment, de se retirer du système.

3.   La licence collective obligatoire

La Croatie semble être le seul pays à avoir fait le choix de la licence collective obligatoire, mécanisme qui devrait être, selon votre rapporteur, mis en question par la Commission européenne.

L’Espagne avait privilégié cette option dès 2014 avant de revenir sur sa position après que les plateformes, alors engagées dans des procédures judiciaires, s’y soient opposées.

4.   Le recours à l’arbitrage

Plusieurs pays européens ont prévu un mécanisme d’arbitrage à défaut d’entente entre les parties.

La Croatie, l’Italie, l’Irlande et l’Espagne ont fait ce choix doublé, dans le cas de l’Espagne, d’une obligation de reporting pour les plateformes.

a.   La loi italienne du 12 décembre 2021

Le cas de l’Italie est particulièrement intéressant, ainsi que l’a présenté le ministère de la culture à la mission.

« L’attuazione della direttiva (UE) 2019/790 del Parlamento europeo e del Consiglio, del 17 aprile 2019, sul diritto d’autore e sui diritti connessi nel mercato unico digitale e che modifica le direttive 96/9/CE e 2001/29/CE » transposant ladite directive est entré en vigueur le 12 décembre 2021. Cette législation prévoit que dans un délai de soixante jours à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, une autorité indépendante (l’AGCOM, Autorita per le garanzie nelle comunicazioni) identifiera les critères de référence pour la détermination du montant du droit voisin, en tenant compte, entre autres, du nombre de consultations en ligne des articles, des années d’activité et de la pertinence du marché des éditeurs visés et du nombre de journalistes employés, des investissements technologiques et infrastructurels des deux parties, et des avantages économiques découlant, pour les parties, des publications de presse en termes de visibilité et de revenus publicitaires.

Si, dans les trente jours suivant la demande d’ouverture de négociation, aucun accord n’est trouvé sur le montant de la compensation, l’une ou l’autre des parties peut saisir l’AGCOM qui déterminera, sur la base des critères qu’elle aura préalablement établis, laquelle des propositions économiques formulées est conforme auxdits critères. Si aucune des propositions n’est conforme à ces critères, l’AGCOM fixera unilatéralement le montant de la rémunération due.

Par ailleurs, les fournisseurs de services de la société de l’information sont tenus de mettre à disposition, à la demande des éditeurs ou de l’AGCOM, toute donnée permettant de déterminer le montant de la compensation équitable. L’AGCOM surveille le respect de cette obligation d’information. En cas de non communication de ces données dans les trente jours à compter de la demande des éditeurs, l’AGCOM peut infliger une amende administrative pouvant aller jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires réalisé au cours du dernier exercice.

b.   Hors d’Europe, la loi australienne du 25 février 2021

La loi du 25 février 2021 (News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code) qui amende le Competition and Consumer Act de 2010 impose aux sociétés gérant des plateformes de réseaux sociaux une rémunération des contenus fournis par des organes d’information australiens et crée un cadre de négociations. La loi demande également aux sociétés concernées de prévenir ces organes de tout changement d’algorithme sur leur plateforme.

Le principe est celui d’une négociation « de bonne foi » (good faith), démarrée à l’initiative d’un média qui « notifie » le diffuseur numérique de sa volonté de négocier. Cette notification entraîne des échanges durant au maximum 90 jours entre les parties impliquées qui doivent permettre d’aboutir à un consensus. Un éventuel accord permet au partenaire numérique de s’exonérer d’une intervention directe des autorités fédérales (contracting out). La loi encourage les entreprises du numérique à définir des propositions standards à leurs partenaires afin de limiter les ressources consacrées aux négociations.

Toutefois, si les négociations n’aboutissent pas, les groupes médias et presse ont le droit de demander un arbitrage à une commission arbitrale qui est en position de rendre une décision d’arbitrage (compulsory arbitration). L’instance chargée de la surveillance de l’application des règles peut décider de pénalités en cas de non-application de l’accord. Enfin, en l’absence de négociation concluantes ou de bonne foi, si une entreprise a été spécifiquement désignée par le ministre compétent, elle peut théoriquement se voir imposer des règles de rémunération automatiques, mais cette possibilité n’a jamais été utilisée.

Il n’existe pas de commission d’arbitrage unique mais des commissions ad hoc formées par les parties lorsqu’un processus de discussion bilatéral ne permet pas d’atteindre un consensus satisfaisant. Chaque commission arbitrale est obligatoirement formée lorsque les parties ont échoué à parvenir à un accord trois mois après la notification du lancement des négociations. Sa constitution est déterminée d’un commun accord entre les parties, qui doivent la notifier à la fois l’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) et à l’Australian Communications and Media Authority (ACMA), agence indépendante. Si aucun accord ne peut être trouvé entre les parties, l’ACMA a la possibilité de désigner elle-même des arbitres parmi ceux officiellement enregistrés et supervise la tenue du processus d’arbitrage.

Le code australien prévoit également des dispositions que la législation européenne ne connaît pas : transparence sur les données collectées auprès des usagers, sur les modifications des algorithmes, ainsi que l’obligation de proposer des modalités d’identification des contenus de presse originaux. Les dispositions complémentaires à la rémunération des contenus ont pu susciter des réticences de la part des plateformes. S’agissant des modalités de négociation, le code australien prévoit explicitement que les éditeurs peuvent négocier collectivement et il impose aux plateformes de transmettre aux éditeurs les informations pertinentes.

La version de la loi adoptée en 2021 a été adoucie par rapport au projet initial sous la pression des plateformes. Ces entreprises ont obtenu une clause d’exception permettant d’être exonérées de paiements si elles étaient capables de démontrer qu’elles contribuaient de façon significative à la viabilité des entreprises de presse australiennes. Elles ont également obtenu un allongement des délais de recours et d’arbitrage en cas de litige. L’ACCC estime que le cadre législatif actuel est encore insuffisamment protecteur et incitatif et devrait chercher à le modifier en 2022.

II.   En France, une loi partiellement appliquée

La France est le premier pays de l’Union européenne à avoir transposé la directive, trois mois après sa publication. Transposant l’article 15 de la directive précitée, la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse a introduit en droit français (code de la propriété intellectuelle) ce droit voisin du droit d’auteur, reconnu aux agences de presse et aux éditeurs de presse pour les contenus qu’ils produisent.

Si le législateur peut regretter le fait qu’aucune plateforme numérique ne rémunère l’ensemble de la presse française, il faut cependant relever que plusieurs accords ont été signés (par Facebook et Google). Il s’agit là des prémices de la concrétisation d’un droit auquel aspire l’ensemble de la presse mondiale. La France est ainsi précurseure et, de ce fait, observée et attendue. Les montants et les critères de rémunération seront scrutés car ils serviront de base aux discussions dans les autres pays mais également pour les autres opérateurs du numérique présents en France, à ce jour en position attentiste.

A.   Les choix du législateur français, précisés par l’Autorité de la concurrence

1.   L’objet du droit voisin : la publication de presse et l’exclusion des très courts extraits

a.   La publication de presse

L’article L. 218-1 du code de la propriété intellectuelle définit la publication de presse comme « une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés, notamment des photographies ou des vidéogrammes, et qui constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique, dans le but de fournir au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets publiées, sur tout support, à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle des éditeurs de presse ou d’une agence de presse ».

La publication de presse est par nature une œuvre composite qui peut comporter des photographies et des vidéos, ce que confirme expressément le considérant 56 de la directive. La Cour d’appel de Paris, dans sa décision du 8 octobre 2020 sur le recours formé par Google contre la décision de l’Autorité de la concurrence du 9 avril 2020, a confirmé ce point.

Les périodiques qui sont publiés à des fins scientifiques ou universitaires, tels que les revues scientifiques, n’entrent pas dans le champ du texte.

La définition de la notion de publication de presse est large en ce qu’elle englobe toute la presse, y compris les sites internet d’actualités. Mais, en définitive, seule la presse présente sur les supports numériques est concernée puisque l’article 15 de la directive précise que le droit ne peut s’exercer qu’à propos de « l’utilisation en ligne » des publications de presse.

b.   Une interprétation restrictive de la notion de « court extrait »

L’article L. 218-2 du même code précise que le droit voisin couvre l’utilisation « totale ou partielle » des publications de presse. Des articles extraits d’une publication de presse sont donc couverts par le droit voisin. En application de l’article L. 211-3-1, les bénéficiaires des droits ne peuvent en revanche interdire :

1° les actes d’hyperlien ;

2° l’utilisation de mots isolés et les très courts extraits d’une publication de presse.

Le législateur français a souhaité, conformément au considérant 58 de la directive, imposer une interprétation restrictive de la notion de « court extrait » afin de ne pas vider le droit voisin de toute portée. En effet, ce considérant laisse entendre que les plateformes ne sauraient se prévaloir de manière abusive de l’exception relative aux très courts extraits. L’exception ne vaut plus dès lors que « l’utilisation de très courts extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou dispense le lecteur de s’y référer » (article L. 211-3-1 précité).

Ainsi, les snippets - quelques lignes résumant un article - ne sont pas couverts par l’exception et doivent donner lieu à une rémunération au titre du droit voisin. Mme Laurence Franceschini s’est essayée à définir le snippet : « un certain nombre d’éléments éclairent cette notion. Il s’agit parfois d’une sorte de très courte synthèse de l’article qui peut prendre des formes très diverses : véritable résumé ou citation des premières lignes du texte ou encore un mélange des deux. » ([72]).

Cela signifie qu’il faut tenir compte de la longueur ou du contenu informatif des titres d’articles de presse.

L’Autorité de la concurrence l’a précisé, en rappelant que Google considérait que les titres étaient couverts par l’exception : « Il n’est […] pas certain que les titres d’articles soient tous couverts par principe par cette exception, dès lors que le texte vise les « mots isolés ou [de] très courts extraits », ce qui pourrait inviter à une appréciation in concreto, eu égard par exemple à la longueur ou au contenu informatif des titres d’articles de presse. »

D’ailleurs, selon l’étude d’impact de la Commission de 2016, 57 % des utilisateurs consultaient la presse par le biais des réseaux sociaux, agrégateurs et moteurs de recherche. 47 % de ces utilisateurs se contentaient de « consulter et lire les extraits des informations sur ces sites sans cliquer sur les liens pour accéder à l’article complet sur la page du magazine ». Cela confirme que les extraits peuvent suffire à combler un besoin d’information.

La législation italienne (article 43 bis 7°) définit la notion de « très court extrait » dans des termes très proches de ceux de la législation française en visant toute partie d’une publication qui ne dispense pas de consulter l’article journalistique dans son intégralité.

En Allemagne, une première codification d’un droit de propriété intellectuelle dans le secteur de la presse a prévu dès 2013 l’utilisation de « mots isolés ou de très courts extraits de texte » sans autorisation préalable des titulaires de droits. C’est sur le fondement de cette exception de très courte citation que Google a refusé de conclure un contrat de licence avec l’organisme allemand chargé de la gestion collective des droits voisins de la presse ([73]). L’Allemagne a fait le choix de transposer mot à mot cette partie de la directive. Ainsi l’article 3 de la loi du 31 mai 2021 sur l’adaptation du droit d’auteur aux exigences du marché numérique prévoit que les droits voisins des éditeurs « ne s’appliquent pas en ce qui concerne l’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse » ([74]).

2.   Les bénéficiaires du droit voisin : l’inclusion sans équivoque de la presse non certifiée IPG (« information politique et générale ») et des agences de presse

Il n’existe pas de liste exhaustive des titulaires du droit voisin. En revanche, force est de constater que les définitions européenne et française de la publication de presse sont proches.

La loi française a explicitement inclus au titre des bénéficiaires les agences de presse et les éditeurs de presse, ces derniers étant entendus comme « la personne physique ou morale qui édite une publication de presse ou un service de presse en ligne au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ».

L’article 1er de la loi du 1er août 1986 précitée précise ce qui est entendu comme service de presse en ligne : « tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale. »

Votre rapporteur souligne par ailleurs que la contribution des publications de presse à l’information politique et générale n’est qu’un des critères énoncés dans la loi pour la détermination de la rémunération et non pour définir le champ d’application du droit voisin. L’Autorité de la concurrence a eu l’occasion de le préciser : « si la Loi conduit à prendre en compte la contribution des publications de presse à l’information politique et générale, celle-ci ne fait nullement de la certification IPG une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier des droits qu’elle institue, qui comportent tant le droit d’autorisation que le droit à rémunération. » ([75]).

D’ailleurs, l’article L. 218-1 du code de la propriété intellectuelle précise bien que la publication de presse est celle qui « [fournit] au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets ».

L’Autorité rappelle aussi que l’exclusion de la presse non IPG par Google « conduit à traiter différemment des contenus équivalents : un même contenu (deux articles sur le même évènement sportif, par exemple), ne sera pas nécessairement rémunéré, selon qu’il est publié par un titre bénéficiant d’une certification IPG ou non » ([76]). L’inclusion d’un tel critère discriminant est contraire à la loi.

Les agences de presse subissent le même préjudice patrimonial que les éditeurs de presse lorsque les contenus qu’elles créent sont reproduits sans leur autorisation et même partiellement par des plateformes numériques.

Le législateur français a consacré, sans équivoque, l’inclusion des publications des agences de presse dans le périmètre du droit voisin. Le titre de la loi, la mention explicite des agences de presse au livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle et les débats parlementaires en témoignent.

Une fois intégrée dans la production éditoriale des éditeurs de presse, la production des agences forme un tout avec la « publication de presse » mise à disposition des lecteurs finaux par les éditeurs de presse.

L’Autorité de la concurrence a précisé, dans sa décision du 9 avril 2020 ([77]), qu’une rémunération propre devait être accordée à tous les ayants droit proportionnellement à la contribution apportée par chacun à la production du contenu. Dans cette optique, l’Autorité a précisé dans sa deuxième décision du 12 juillet 2021 ([78]) que « l’existence de plusieurs ayants droit sur un contenu de presse n’implique pas que ces derniers soient rémunérés pour la même chose, mais qu’une rémunération propre leur soit accordée au titre de leur contribution respective, même si toutes ces contributions sont rassemblées au sein d’une même œuvre journalistique ».

L’Autorité a consacré une acception très large de la notion de « publication de presse » afin de donner une portée effective au droit voisin des agences. Le rapport du 13 février 2018 de Mme Franceschini cité par l’Autorité affirme que les agences sont en situation de revendiquer le bénéfice de ce droit tant à l’égard :

« – des productions qu’elles développent à l’attention des organes de presse (contenus « B to B ») et qui sont repris à l’identique par les éditeurs. C’est particulièrement vrai pour les photographies et les vidéographies produites par les agences de presse, et pour les dépêches AFP reprises intégralement au sein de publications de presse (qui comprennent usuellement la mention « dépêche AFP ») ;

– des productions qu’elles développent à l’attention des utilisateurs (contenus « B to C ») ([79]) ».

S’agissant des productions des éditeurs de presse qui reprennent des dépêches d’agences, Mme Franceschini anticipait que dans ce cas que « seul l’éditeur de presse doit disposer du droit voisin sur le texte de l’article et que c’est au contrat passé par l’agence avec les publications de presse, dans l’hypothèse où un droit voisin sera bien alloué à ces dernières, de prendre en compte cette utilisation nouvelle de l’information » ([80]). Pour autant, rien n’oblige l’agence à autoriser cette nouvelle utilisation de son contenu et il est conforme à l’esprit de la loi d’affirmer qu’à un même contenu peuvent correspondre plusieurs ayants-droits.

Aux yeux du rapporteur il est ici utile de réaffirmer que l’éditeur de presse tout autant que l’agence de presse disposent d’un droit voisin sur un même contenu.

Techniquement, l’Autorité rappelle qu’« il est possible d’identifier et d’individualiser, notamment s’agissant des images, les contenus journalistiques produits par une agence de presse qui sont intégrés au sein d’un article de presse publié par un éditeur de presse » ([81]).

L’emploi du mot « notamment » implique bien que le contenu textuel est également concerné, même s’il est plus difficile à identifier.

Votre rapporteur rappelle que les métadonnées permettant d’identifier l’origine d’un contenu journalistique doivent impérativement être conservées par les utilisateurs.

Pour conclure, l’Autorité indique que « Les arguments juridiques avancés par Google concernant l’absence de titularité de droits des agences de presse sur les contenus repris dans des publications de presse tierces apparaissent incompatibles avec toute forme de négociation de bonne foi avec les agences de presse. » ([82]).

3.   Une gestion collective en cours de constitution

Le temps est un luxe que certains éditeurs ne peuvent se permettre. Certaines plateformes numériques l’ont bien compris et elles en jouent en faisant durer les négociations notamment par une stratégie de recours systématique devant le juge des décisions les concernant dans plusieurs États membres. Les plateformes jouent aussi la division face à leurs interlocuteurs et l’opacité des négociations.

Pour les bénéficiaires, la meilleure stratégie à adopter est de se regrouper pour gérer collectivement leurs droits.

Le deuxième alinéa de l’article L. 218-3 du code de propriété intellectuelle prévoit la possibilité pour les éditeurs et agences de presse de « confier la gestion de leurs droits à un ou plusieurs organismes de gestion collective [OGC] régis par le titre II du livre III de la présente partie ».

a.   Gage d’un rapport de force plus équilibré

Deux ans après la promulgation de la loi seulement, la Société des droits voisins de la presse (DVP) a vu le jour le 26 octobre 2021, sous la présidence de M. Jean-Marie Cavada. Créée à l’initiative de la SEPM, les autres familles de presse l’ont rapidement rejointe. Le conseil d’administration est ainsi composé :

– 4 sièges pour le SEPM (la presse magazine) ;

– 4 sièges pour le Geste (les médias et services en ligne) ;

– 3 sièges pour la FFAP (les agences de presse) ;

– 2 sièges pour le SPIIL (la presse en ligne indépendante) ;

– 2 sièges pour la FNPS (la presse spécialisée) ;

– 1 siège pour une personnalité qualifiée : M. Jean-Marie Cavada.

Votre rapporteur regrette l’absence de l’APIG : bien qu’elle soit à l’origine de la plainte devant l’Autorité de la concurrence, elle n’a pas rejoint la Société des droits voisins de la presse. Ses membres seraient divisés sur la question mais il n’est pas exclu qu’ils la rejoignent dans un second temps.

S’agissant d’un organisme réglementé, la constitution de l’organisme prend du temps, les négociations devraient pouvoir débuter au début de l’année 2022.

En réponse au questionnaire de la mission, l’Autorité de la concurrence a précisé que l’OGC pourrait « avoir des effets pro-concurrentiels » pour les organes de presse « en renforçant leur pouvoir de négociation vis-à-vis d’acteurs en position dominante, notamment vis-à-vis des plateformes numériques ».

Dans cette perspective, l’OGC a choisi de se doter de l’expertise de la SACEM qui dispose des compétences pour négocier avec les plateformes. Son expérience dans le domaine de la musique pourra être mise à profit, puisqu’elle avait notamment été confrontée à des plateformes lui opposant le statut d’hébergeur non responsable des contenus.

C’est ce qu’a résumé M. David El Sayegh, secrétaire général de la SACEM : « Un OGC identifie les redevables et les marchés pertinents, négocie, collecte, répartit et audite. Il doit avoir la capacité de vérifier les informations qui lui sont communiquées pour mieux rémunérer les titulaires de droits voisins. C’est ce que fera la SACEM avec ses outils, pour le compte de ce nouvel OGC, qui déterminera les règles de gouvernance, de répartition et qui prendra les décisions sur les négociations importantes. Nous avons depuis longtemps développé des outils pour gérer des droits en ligne. » ([83])

b.   Gage d’une équité de traitement des ayants-droits

Si l’objet principal de l’OGC est d’éviter une négociation en ordre dispersé, il permet aussi une équité entre les différentes familles de presse.

En termes de concurrence entre les titres, l’OGC limite la distorsion en ne favorisant pas les gros titres et en permettant aux plus petits d’être défendus.

C’est tout l’enjeu de sa mission. Mais l’OGC doit aussi permettre d’identifier les ayants-droits, de collecter les droits et de les répartir entre ses membres. À ce titre, la transparence de son fonctionnement est cruciale pour garantir la confiance du public en ses activités. La nature même des OGC, organismes réglementés, implique des obligations de transparence.

Selon M. Gourdin, DGMIC, « l’union est non seulement le gage d’un rapport de force plus équilibré mais aussi le gage d’une équité de traitement entre tous les titres de presse. »

L’OGC aura notamment à se prononcer sur « le montant de la prédation [des plateformes numériques] » ([84]), et à définir un barème de rémunération ainsi qu’une clé de répartition entre les titres. Il sera financé par un prélèvement sur les droits collectés, mais il devrait permettre de réduire les coûts de transaction pour les opérateurs.

Votre rapporteur considère qu’il est important que le Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) pour la gestion des droits d’auteur des copies papier et numériques de publications ([85]) participe à l’OGC. Le CFC dispose d’une expertise dans le secteur du livre et de la presse qu’il faut mettre à profit. Il pourra veiller à une juste répartition de la rétribution.

Comme l’a rappelé M. Rony, le CFC est « la SACEM de l’écrit », ses relations sont anciennes avec les éditeurs de presse. L’OGC, appuyé par le CFC, permettra de rendre cohérente la gestion opérationnelle du droit d’auteur et du droit voisin. L’intérêt des journalistes pourra ainsi être pris en considération dans la structure d’ensemble.

4.   Le nœud gordien du barème de la rémunération

a.   Des critères de rémunération sujets à discussion

L’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle précise que le barème de la rémunération qui est due devra être « assis sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes ».

La fixation du montant de cette rémunération prend en compte les éléments suivants :

- les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les entreprises de presse ;

- la contribution des publications de presse à l’information politique et générale ;

- l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.

Il est utile ici de reproduire la réponse de M. Monnier, directeur des partenariats de Google France lors de son audition le 1er décembre 2021 : « nous avons défini, à partir de la loi, trois critères de répartition de l’enveloppe. Le premier est un indicateur d’usage, c’est l’audience. Pour le deuxième, qui est un indicateur de contribution à l’IPG, nous retenons la certification auprès de la CPPAP, avec un booster de 30 % pour une qualification IPG, et de 10 % supplémentaires si l’entreprise relève de l’article 39 bis A du code général des impôts. Les cartes de presse nous semblent un indicateur intéressant pour les investissements, mais nous avons du mal à obtenir les données. »

L’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle impose aux services de communication au public en ligne de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d’information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération et de sa répartition.

C’est précisément ce point qui est au centre des difficultés des agences de presse et des éditeurs de presse, les plateformes cumulant deux attitudes contestables :

-         minimiser le volume de leur rémunération directe tirée de l’exploitation des publications de presse via la publicité ;

-         affirmer ne pas être en mesure de quantifier la rémunération indirectement perçue grâce à l’affichage des publications de presse.

À noter que cette attitude s’inscrit dans une stratégie délibérée d’évitement de l’impôt dû aux États sur les revenus qu’ils perçoivent. La territorialité de nos systèmes fiscaux est bousculée par le caractère immatériel de la valeur créée par les plateformes numériques.

Constatant que les communications d’informations avaient été partielles, tardives et non spécifiques aux contenus protégés, l’Autorité de la concurrence a en conséquence enjoint à Google de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations prévues à l’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle afin de permettre aux agences de presse et aux éditeurs de presse de disposer des éléments nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due.

L’Autorité a précisé en 2021 que « la valeur intrinsèque d’une publication de presse doit en effet, au titre des termes et objectifs de la Loi, prendre en compte les investissements pour la produire (recours à des journalistes formés aux différents métiers de la presse, coût de l’acquisition de l’information et des moyens mis en œuvre pour l’analyser et la mettre en perspective, etc.), sa qualité, son caractère varié sur une même thématique, sa fraîcheur et sa pertinence au regard des centres d’intérêt immédiats des utilisateurs et son actualisation. » ([86]).

Il a été rappelé supra que la contribution des publications de presse à l’information politique et générale doit être prise en compte pour accroître la rémunération due. À ce titre, l’agrément délivré par la Commission paritaire des agences et des publications de presse (CPPAP) constitue en France un outil précieux.

L’Autorité de la concurrence a fourni une explication de texte du périmètre des revenus directs et indirects, appliqués au cas de la société Google.

S’agissant des revenus directs, ils proviennent essentiellement des revenus publicitaires qui résultent de la vente d’espaces auprès d’annonceurs. Google tire des revenus de l’affichage des publications de presse, notamment pour la partie Google search – « facilitée par la collecte des données des utilisateurs réalisée par Google sur ses services » ([87]) selon l’Autorité. Google développe des techniques de ciblage des annonces en fonction du profil utilisateur et donc de l’exploitation de ses données, afin de rendre ces annonces plus pertinentes et in fine, mieux les valoriser. Google affirme ne pas monétiser Google actualités et Discover en France.

S’agissant des revenus indirects, l’Autorité a montré que Google tirait « également des revenus indirects des différents services d’intermédiation publicitaire ([88]) qu’elle propose aux éditeurs de presse et qui reposent en partie sur l’utilisation de données d’utilisateurs. Plus généralement, la collecte de données d’utilisateurs contribue à améliorer les services de Google et à les rendre plus attractifs pour les utilisateurs » ([89]). Dans sa décision de 2021, l’Autorité a indiqué que « Google exclut l’existence de revenus liés à l’exploitation de données d’utilisateurs récoltées à l’occasion de l’affichage de contenus protégés sur ses différents services, ainsi que l’existence de revenus indirects résultant de l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses services. » ([90]). Or, les recettes liées aux datas et à l’amélioration de l’ergonomie et de l’attractivité de ses services doivent être prises en compte.

Les revenus indirects visent, mutatis mutandis, toute la valeur qu’apporte la présence des contenus d’information aux sites en ligne. La contrepartie de la multiplicité des services offerts par les plateformes est l’enfermement dans un unique écosystème avec pour objectif l’utilisation des données des utilisateurs.

En ce sens, pour Mme Joëlle Toledano entendue par la mission, il existe une « stratégie générale des GAFAM pour verrouiller leur écosystème et renforcer leur pouvoir de marché ». « D’une promesse d’ouverture sur le monde et d’accès à toutes les informations nous sommes passés (…) à une fermeture ». « Les grandes plateformes cherchent l’enfermement », c’est de cette manière qu’il faut appréhender les droits voisins. « Indépendamment des contenus, leur objectif est de conserver l’attention des utilisateurs pour récupérer des données et maximiser la publicité » ([91]).

News media Europe a précisé en réponse au questionnaire de la mission que « la monétisation des contenus de presse s’effectue à travers la collecte des données des utilisateurs qui, une fois passés sur la page du « gatekeeper », évoluent dans un écosystème fermé. Ainsi les utilisateurs sont attirés sur les plateformes de GAFAM grâce aux contenus de presse, sans pour autant visiter le site original de l’éditeur. »

Pour autant, M. Laurent Mauriac, co-président du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL), soulignait le danger d’une rémunération des droits voisins proportionnelle à l’audience, encourageant « les titres racoleurs, au détriment de la qualité de l’information ». Ce constat est largement partagé par les journalistes auditionnés ([92]).

Votre rapporteur insiste sur la nécessité que les plateformes communiquent ces données.

L’organisme de gestion collective allemand Corint media demande
420 millions d’euros à Google

Corint media a expliqué à la mission son mode de calcul : « En Allemagne, le calcul de la juste rémunération pour l'utilisation des droits d'auteur et des droits voisins est traditionnellement basé sur le prélèvement d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires pertinent réalisé par une entreprise exploitante. Pour une estimation du chiffre d'affaires de Google Ireland Ltd. en tant qu'exploitant du moteur de recherche en Allemagne, le chiffre d'affaires EMEA certifié de Google LLC sert de base. Celui-ci est rapporté au marché allemand en se basant sur les données économiques comparatives du marché EMEA. Pour 2022, Corint Media prévoit un chiffre d'affaires de 11,35 milliards d'euros pour Google en Allemagne sur la base de la médiane des augmentations de chiffre d'affaires des dernières années. 

En 2015, l'instance d'arbitrage de l'Office allemand des brevets et des marques (DPMA), en sa qualité de régulateur juridique de tous les organismes de gestion collective en Allemagne, avait déclaré qu'un pourcentage de 11% était en principe approprié pour la perception d'un taux de rémunération en cas de gestion de 100% des droits de la presse sur un marché (c'est-à-dire en supposant que tous les droits d'utilisation de toutes les publications de presse entrant en ligne de compte aient été apportés à Corint Media). Sur cette base, Corint Media a appliqué un pourcentage supplémentaire de majoration pour l'utilisation des droits de propriété intellectuelle de la presse allemande dans d'autres pays européens membres de l'UE. Comme Corint Media ne dispose pas encore d'un portefeuille complet de droits, avec environ 250 ayants droit, le montant de la rémunération calculé pour un portefeuille de droits de 100 % a été réduit en fonction du portefeuille de droits actuel. » ([93])

b.   Le piège de la rémunération forfaitaire

La loi permet également que la rémunération soit « à défaut, évaluée forfaitairement », notamment dans les cas prévus à l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle. Cet article liste les cas pouvant donner lieu à rémunération forfaitaire et notamment lorsque « la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée », ou lorsque « les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut ».

C’est sur la base de cette possibilité que les plateformes proposent aux bénéficiaires une somme forfaitaire qui ne tient compte ni des revenus générés pour les plateformes, ni des critères de rémunération propres aux agences de presse et aux éditeurs de presse.

Cette rémunération forfaitaire s’apparente ainsi à une enveloppe globale accordée par une plateforme numérique à une zone géographique, à répartir entre différents bénéficiaires. Votre rapporteur ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’un saupoudrage de financements qui ne diffèrent guère des financements de ces dernières années destinés à soutenir la presse. À ce titre, le droit voisin ne relève pas de « discussions commerciales » comme a pu le dire le représentant de Google auditionné le 15 décembre 2021.

La forfaitisation de la rémunération comporte d’ailleurs le risque d’un mélange des genres auquel veille l’Autorité de la concurrence s’agissant des accords commerciaux que proposent les plateformes numériques aux éditeurs et aux agences de presse sous forme de partenariats pour le recrutement de nouveaux abonnés (Subscribe with Google) ou pour la mise en avant de leurs contenus (Google news showcase, Facebook news, Apple news +, Microsoft start) par exemple.

L’Autorité de la concurrence a clairement affirmé que les plateformes ne sauraient conditionner l’accès à un tel partenariat à l’acceptation par les éditeurs et agences de presse d’une rémunération globale, sans rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de contenus protégés au titre des droits voisins. Les accords déjà conclus devront, au besoin, être revus pour que la part de chaque rémunération soit clairement identifiée. Il en va de l’indépendance des éditeurs, du respect de leurs droits et de la détermination de la part de rémunération qui reviendra aux auteurs.

c.   Une expertise publique nécessaire

Pour votre rapporteur, un appui technique d’experts indépendants des parties à la négociation est indispensable.

Ainsi le PEReN (Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique), créé par le décret du 31 août 2020 ([94]) et placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’économie, de la culture et du numérique constitue un centre d’expertise en science des données mobilisable par les services de l’État et les autorités administratives indépendantes qui le souhaitent. L’Autorité de la concurrence et le PEReN ont signé une convention permettant de préciser les conditions dans lesquelles le PEReN mettra à disposition de l’Autorité son assistance technique pour l’aider à accomplir ses missions. Comme l’indique le communiqué de presse : « le pôle pourra ainsi intervenir sur des sujets d’analyses de données, de codes sources, de programmes informatiques, de traitements algorithmiques, d’audit des algorithmes et apporter son expertise technique dans le cadre de contrôles, enquêtes, dossiers ou études relatifs aux plateformes numériques. Cette assistance pourra aller jusqu’à la nomination d’agents du PEReN comme rapporteurs extérieurs. ».

Si une autorité indépendante devait être désignée à la suite du présent rapport pour devenir l’arbitre des négociations, le PEReN devrait être sollicité pour lui apporter son expertise.

5.   L’articulation du droit d’auteur et du droit voisin

a.   La situation des entreprises de veille media et des crawlers

Il reviendra aux titulaires du droit voisin et notamment à l’organisme de gestion collective récemment constitué de faire savoir quels sont les débiteurs du droit voisin qu’ils identifient, au regard de la lecture combinée de la directive et de la loi française.

La rediffusion de contenus de presse sur le secteur professionnel est encadrée depuis plus de vingt ans par le centre français d’exploitation du droit de copie (CFC).

Le CFC a dressé en audition la liste des redevables du droit voisin à savoir les moteurs de recherche, les plateformes de partage de contenus, « mais aussi tous les agrégateurs de news B to C et ceux prestataires de veille média et crawlers qui agissent sur le marché B to B » ([95]).

Pour ces deux derniers cas que sont les entreprises de veille media et les crawlers (robots d’indexation de contenus exploités sous forme de données agrégées), il faut distinguer ceux qui s’acquittent déjà de droits d’auteur et ceux qui ne s’acquittent d’aucun droit.

Ainsi le CFC a pu préciser à la mission que « les prestataires de veille média classiques comme Kantar acquittent des droits d’auteur au CFC. Cette part représente environ 22 millions d’euros pour la rediffusion sur le secteur professionnel. » Les prestataires de veille répondant à la définition des services de communication au public en ligne, redevables du droit voisin, l’autorisation qui leur est accordée par le CFC pour leur utilisation des contenus doit valoir pour le droit d’auteur et le droit voisin. Le législateur ne saurait exiger un double paiement pour le même usage d’un contenu par une entreprise.

Cet exemple illustre bien l’interdépendance qui existe sur certains marchés entre le droit d’auteur et le droit voisin qui s’applique aux mêmes acteurs pour des actes identiques.

Ce sont des entreprises de veille étrangères et les nouveaux acteurs comme les crawlers qui échappent aujourd’hui au droit, étant entendu qu’ils doivent payer les droits d’auteurs via le contrat d’autorisation au titre du droit d’auteur mis en place par le CFC.

En plus d’une clarification du droit, il convient de faire respecter le droit d’auteur, afin d’éviter toute distorsion de concurrence.

b.   La rémunération due aux journalistes

La loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 dite « Hadopi 1 » a fixé le principe d’une cession automatique des droits des journalistes à l’éditeur de presse pour les diverses exploitations de leurs articles y compris en ligne. Pour autant la législation relative au droit voisin n’a pas mis de côté la situation des journalistes.

Conformément à l’article 15 de la directive, l’article L. 218-5 du code de la propriété intellectuelle précise que les journalistes professionnels et les autres auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse « ont droit à une part appropriée et équitable de la rémunération » perçue par les éditeurs et les agences de presse au titre du droit voisin. La part de droit voisin accordée aux journalistes est indépendante et ne se substitue pas à la rémunération de droit d’auteur à laquelle ils peuvent prétendre en application de l’article L. 132-38 du code de la propriété intellectuelle.

Cette part ainsi que les modalités de sa répartition entre les auteurs concernés sont fixées, selon les auteurs concernés, par un accord d’entreprise, un accord collectif ou un accord spécifique. À défaut d’accord dans un délai de 6 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi ayant institué le droit voisin des éditeurs, le montant de la rémunération due aux journalistes peut être fixé par une commission administrative.

Un décret du 29 avril 2021 a précisé les modalités d’organisation et de fonctionnement de cette commission administrative qui remplace la commission des droits d’auteur des journalistes (CDAJ) mise en place en 2011. La première présidente de la Cour de cassation a désigné le 30 juin dernier M. Bernard Chevalier, conseiller à la cour de Cassation, président de la commission.

Le ministère de la Culture a indiqué à la mission qu’il nommera très prochainement les membres de la commission : cinq membres titulaires désignés par les organisations professionnelles d’entreprises de presse représentatives, un membre titulaire désigné par les organisations professionnelles d’agences de presse représentatives, quatre membres titulaires désignés par les organisations syndicales de journalistes professionnels représentatives et deux membres titulaires désignés par les organisations professionnelles représentatives des auteurs ou les organismes de gestion collective.

Toujours selon le ministère, « cette commission n’aura vocation à se réunir qu’à partir du moment où les négociations entre les éditeurs et les agences de presse et les services de communication au public en ligne auront permis de déterminer les montants de rémunération dus au titre du droit voisin. La commission pourra alors se réunir sur saisine d’une partie concernée. »

Votre rapporteur note cependant que des accords de rémunération au titre du droit voisins ont déjà été conclus (voir infra), parfois il y a plusieurs mois pour ce qui concerne les éditeurs indépendants tels que Le Monde. Le dialogue sur la part à attribuer aux journalistes aurait déjà dû être mené.

M. Fabrice Fries a annoncé devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation ([96]) l’ouverture imminente de négociations avec les journalistes, et vanté une avance considérable dans ce domaine sur les autres signataires d’accords avec Google (nommément Le Monde, l’Express, et Le Figaro). Il affiche une intention ferme de respecter les termes de la loi, et d’attribuer ainsi une rémunération appropriée et équitable aux journalistes sur le fondement du droit voisin. Pour lui, la difficulté est de concilier l’exigence de confidentialité sur les montants dans la négociation et le versement de cette rémunération aux journalistes.

Afin de ne pas perdre plus de temps, votre rapporteur considère qu’il est important que les discussions soient menées en parallèle. La transparence qu’il attend sur le contenu des accords devrait servir à la discussion avec les journalistes.

La législation italienne précise de son côté que la part de la rémunération de droit voisin devant être reversée par les éditeurs aux journalistes est fixée de manière contractuelle et doit être comprise entre 2 % et 5 % du montant de cette rémunération.

Les législateurs allemand et néerlandais ont procédé pour leur part à une transposition très littérale de la directive. On relèvera néanmoins la précision apportée par la législation allemande suivant laquelle les auteurs doivent recevoir au moins un tiers du montant de la rémunération perçue par les éditeurs. Il est également indiqué que les auteurs ne peuvent percevoir cette rémunération que par le biais d’un organisme de gestion collective.

La précarisation des journalistes

D’après l’enquête emploi de l’INSEE repris dans les Chiffres clés de la culture et de la communication 2021 ([97]), en 2018, 54 800 personnes déclaraient être journalistes et rédacteurs en chef à titre de profession principale. Parmi eux, en 2019, 19 700 journalistes de la presse écrite étaient titulaires d’une carte de presse, en recul de 15 % en 10 ans. Les journalistes de la presse magazine ont perdu un quart de leurs effectifs en 10 ans.

En parallèle, la profession connaît une dégradation de ses conditions d’emploi qui fait dire aux représentants des journalistes entendus par la mission que leur situation ne cesse de se précariser. En dix ans, le nombre de journalistes employés en CDI a reculé de 12 % au profit du « statut » de pigiste ([98]).

B.   Chronologie du feuilleton juridique

-         elle enjoignait à Google, dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés. Cette injonction impose que les négociations aboutissent effectivement à une proposition de rémunération de la part de Google ;

-         ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ne devaient en particulier être affectés par les négociations ;

-         Google devait fournir à l’Autorité des rapports mensuels sur la manière dont elle se conforme à la décision.

 

Résumé de la décision de l’Autorité de la concurrence du 12 juillet 2021 injonctions non respectées par Google

 « Le comportement de Google relève d’une stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’injonction 1 et apparaît comme la continuation de la stratégie d’opposition de Google, mise en place depuis plusieurs années, pour s’opposer au principe même des droits voisins lors de la discussion de la directive sur les droits voisins, puis pour en minimiser au maximum ensuite la portée concrète. »

- Injonction 1 : l’obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par l’article L. 218-4 du CPI et selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires.

Le déplacement de la négociation vers le nouveau service Showcase.

Le refus de négocier avec les éditeurs de presse ne disposant pas d’une certification Information Politique et Générale (« IPG »).

Le refus de Google de négocier avec les agences de presse une rémunération au titre des droits voisins.

- Injonction 2 : l’obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due ».

Cette communication a été partielle, tardive et insuffisante.

- Injonction 5 : l’obligation de neutralité sur les modalités d’indexation, de classement et de présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services de Google au cours des négociations relatives aux droits voisins.

Google a violé l’obligation de neutralité des négociations en liant la négociation sur le droit voisin à la conclusion d’autres partenariats pouvant avoir un impact sur l’affichage et l’indexation des contenus des éditeurs et agences de presse.

- Injonction 6 : l’obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins vis-à-vis de toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse.

Google a fait un lien entre la négociation sur les droits voisins et la souscription de nouveaux services (Showcase et Subscribe with Google).

˗      « Google s’engage à négocier de bonne foi, avec les agences et éditeurs de presse qui en feraient la demande, la rémunération due pour toute reprise de contenus protégés sur ses services conformément aux modalités prévues par l’article L.218-4 du code de la propriété intellectuelle et selon des critères transparents, objectifs et non discriminatoires ;

˗      Google s’engage à communiquer aux éditeurs de presse et agences de presse les informations prévues par l’article L.218-4 du code de la propriété intellectuelle et permettant une évaluation transparente de la rémunération proposée par Google ;

˗      Google s’engage, dans les trois mois suivant le début des négociations, à faire une proposition de rémunération ;

˗      Dans l’hypothèse où les parties ne parviendraient pas à un accord, les parties négociantes auront la possibilité de saisir un tribunal arbitral chargé de déterminer le montant de la rémunération. Google s’engage à prendre en charge les honoraires des arbitres et de la procédure d’arbitrage en première instance ;

˗      Google s’engage à prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés ;

˗      Google s’engage à prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs de presse et agences de presse ;

˗      Un mandataire indépendant agréé par l’Autorité s’assurera de la mise en œuvre des engagements pris et pourra s’adjoindre, le cas échéant, les services d’un expert technique, financier ou spécialisé en propriété intellectuelle ;

˗      Les engagements s’appliqueront pour une durée de 5 ans. »

C.   Le point sur les accords conclus

Les auditions menées à huis clos par la mission n’ont pas permis d’obtenir le détail des accords de rémunération conclus au titre du droit voisin, ni même leur montant. Certains de ces accords ont même fait l’objet de clauses de confidentialité entre les contractants.

Votre rapporteur respecte ces clauses de confidentialité et la mission a d’ailleurs organisé plusieurs auditions à huis clos. Pour autant, il considère que l’enjeu en termes de pluralisme de la presse est important et les accords pourraient avoir des répercussions, à terme, sur l’ampleur du soutien public à la presse et sur la redistribution de ces revenus aux journalistes. Pour cette raison, votre rapporteur recommande que l’intégralité du contenu des accords soit rendu public.

Google a signé avec l’APIG un accord-cadre en janvier 2021. D’après le magazine Challenges ([101]), « Alphabet, la maison mère de Google, est convenue de verser 76 millions de dollars (62,7 millions d’euros) à un groupe d’éditeurs de presse français afin de mettre fin à des mois de litige sur les droits d’auteur, montrent deux documents consultés par Reuters. L’un des deux documents est un accord-cadre stipulant que Google est prêt à verser 22 millions de dollars par an pendant trois ans à un groupe de 121 publications nationales et locales, qui signeront chacune un accord individuel de licence. Le second document, baptisé "protocole transactionnel", prévoit le versement par Google de 10 millions de dollars au même groupe d’éditeurs en échange duquel ces derniers s’engagent à mettre fin à tout litige, actuel ou futur, concernant les droits voisins sur une durée de trois ans. » Cet accord a été suspendu en juin 2021 à l’approche de la décision de l’Autorité de la concurrence.

Facebook a signé avec l’APIG le 21 octobre 2021 un accord-cadre pluriannuel à décliner avec chaque éditeur qui comprend, d’après le communiqué de presse commun, deux parties distinctes : la rémunération des contenus au titre du droit voisin et la participation facultative à Facebook news qui sera lancé en 2022. D’après la Lettre A, l’accord s’élève à « environ 25 millions de dollars par an dont 5 millions seulement au titre du droit voisin » ([102]).

Google a signé avec l’AFP le 11 novembre 2021 un accord qui ne porte que sur le droit voisin, et qui ne comporte aucun aspect commercial, toutes les relations de nature commerciale entre l’AFP et Google faisant l’objet de contrats séparés. L’accord est prévu pour une durée de cinq ans. La rémunération prend la forme d’un forfait annuel qui reconnaît le droit voisin en France et dans tous les pays de l’Union européenne, indépendamment de l’avancement de la transposition de la directive droits d’auteur dans ces États. M. Fabrice Fries a indiqué que la présence internationale de l’AFP expliquait un montant assez élevé, qui ne pourra donc pas être comparé avec les contrats conclus par les éditeurs de presse ayant une présence nationale. 

Durant les négociations, la détermination des critères a été un point de blocage, Google prétendant ne pas connaître les données nécessaires au calcul. L’issue a été l’accord des deux parties sur la détermination d’une rémunération forfaitaire.

Il existe un autre accord, commercial, qui porte essentiellement sur le factchecking. L’AFP souhaite devenir leader de la lutte contre la désinformation et Google financera la formation de journalistes au fact-checking.

La situation semble encore bloquée entre le SEPM et Google, le SEPM évoquant même « un dialogue de sourds ». La constitution de la Société des droits voisins de la presse et la proposition d’engagements de Google devraient permettre de faire avancer les négociations.

Google a fait savoir à la mission qu’il avait signé, fin 2020 et début 2021 des accords avec des éditeurs français : Libération, le Groupe Le Monde (Le Monde, Huffington Post, Courrier International, La Vie et Le Monde Diplomatique), L’Express, le Groupe Le Figaro, Play Bac Presse, le Groupe Valmonde (Valeurs Actuelles), Challenges (Groupe Perdriel), La Tribune, Les Éditions Indépendantes, L’Obs et Nice Matin.

Le contenu et le montant de ces accords n’a pas été détaillé. Le dernier rapport annuel de Reuters sur la presse digitale fait état d’un accord à hauteur de 1,3 million de dollars pour Le Monde ([103]).

Selon Mediapart ([104]), les sommes engagées auprès de plusieurs éditeurs incluraient la contrepartie à des services commerciaux : 2 millions d’euros chacun et par an pour Le Monde et Le Figaro, 1 million d’euros pour Libération. À noter que Le Figaro et Libération n’ont pas honoré les demandes d’audition de la mission.

Auditionné par la mission, M. Alain Weill ([105]) président directeur général de L’Express a lui aussi fait état d’un accord de rémunération au titre d’autres services et d’une sélection de contenus mis en avant par Google. M. Weill a convenu que l’accord devra être transformé en une rémunération du droit voisin.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité de distinguer, au sein des accords, ce qui relève de la rémunération du droit voisin et ce qui résulte d’un accord commercial. Il est regrettable que les deux accords soient liés. Comme déjà relevé par votre rapporteur, cela pose le problème de la pérennité de cette rémunération, de la dépendance économique de la presse et des modalités de la redistribution des sommes aux journalistes.

III.   La perspective d’une action sur les contrôleurs d’accès via les projets de rÉglements « Digital service act » (DSA) et « Digital market act » (DMA)

Le 15 décembre 2020, la Commission européenne a présenté au Parlement européen deux propositions de règlement visant d’une part à réguler les contenus en ligne, et d’autre part à corriger les déséquilibres qui touchent les marchés numériques en raison notamment de l’activité des contrôleurs d’accès, ou gatekeepers. Il s’agit respectivement du Digital Service Act (DSA ou législation sur les services numériques) ([106]), et du Digital Market Act (DMA ou législation sur les marchés numériques) ([107]).

Plusieurs acteurs de la presse française et européenne ont exprimé lors de leur audition par la mission leurs attentes concernant ces deux projets de règlement, afin de mieux protéger la presse en général, et mieux rémunérer les droits voisins en particulier. Mme Colette Bouckaert, secrétaire générale de l’Institute for Digital Fundamental Rights, soulignait un objectif clair pour le DSA ([108]) : « les contenus seront rémunérés, ceux qui sont illégaux seront retirés. La presse pourra retrouver une certaine légitimité à travers la guerre livrée contre les fake news. » M. Jean-Pierre de Kerraoul, président de la commission juridique de l’APIG, prônait quant à lui une « régulation européenne extrêmement sévère, afin d’interdire ces pratiques inacceptables et contraires au bon fonctionnement du marché ». Ces deux propositions de règlement constituent potentiellement des outils puissants pour imposer aux plateformes des obligations de transparence et d’information à l’égard des éditeurs.

A.   Un projet de régulation numérique à l’échelle européenne

1.   Le projet de règlement sur les services numériques (DSA)

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché intérieur des services numériques a pour ambition d’améliorer la protection des droits fondamentaux des consommateurs en ligne, de déterminer les responsabilités des plateformes en ligne, et de créer de nouvelles obligations à leur égard en matière de transparence ([109]). Ses principales dispositions sont reprises dans l’encadré ci-dessous.

Synthèse des dispositions du projet de règlement DSA

Le texte vise d’abord à exempter de toute responsabilité les fournisseurs de services intermédiaires qui peuvent être des services de simple transport, de mise en cache ou d’hébergement, sur les informations qu’ils stockent et transmettent. Cependant, il prévoit que les États membres peuvent émettre à l’égard de ces fournisseurs de services des injonctions d’agir contre des contenus illicites (article 8) ou de fournir des informations sur de tels contenus (article 9).

Le projet de règlement prévoit notamment la création d’un point de contact unique permettant d’établir une communication directe avec les États membres (articles 10 et 11). Il oblige les fournisseurs de services intermédiaires à indiquer dans leurs conditions générales « les renseignements relatifs aux éventuelles restrictions qu’ils imposent en ce qui concerne l’utilisation de leur service […] » (article 12), et à publier des rapports de transparence sur leurs activités de modération de contenu (article 13).

À ces prescriptions générales s’ajoutent deux obligations propres aux fournisseurs de services d’hébergement. D’une part, ils devront garantir aux tiers la possibilité de notifier la présence de contenus illicites sur leurs services (article 14). D’autre part, les fournisseurs qui prendront la décision de retirer ou de rendre indisponible le contenu fourni par un bénéficiaire de leurs services auront l’obligation de fournir à ce bénéficiaire un exposé des motifs détaillé de cette décision (article 15).

Plusieurs obligations en matière de signalement des contenus illicites (articles 17 et 18) s’appliqueront à toutes les plateformes en ligne, à l’exclusion de celles qui émanent de microentreprises et de petites entreprises ([110]).

Enfin, le projet de règlement prévoit de soumettre les très grandes plateformes en ligne définies à l’article 25 à des obligations complémentaires de gestion des risques systémiques. Soumises à une obligation d’évaluation de ces risques (article 26), elles devront prendre des mesures raisonnables, proportionnées et efficaces pour les atténuer (article 27).

2.   Le projet de règlement sur les marchés numériques (DMA)

La proposition de règlement relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique est fondée sur la politique du marché intérieur. Elle est chargée de corriger les déséquilibres du marché numérique européen causés par le comportement de certaines grandes plateformes, qu’elle qualifie de « contrôleur d’accès ». Or, cette qualification se fera par la Commission européenne au cas par cas : cette logique de régulation ex ante intervient donc lorsque le droit de la concurrence ne permet pas de réguler le marché des plateformes numériques.

Synthèse des dispositions du projet de règlement DMA

Le contrôleur d’accès sera qualifié ainsi par la Commission européenne en fonction de trois critères : s’il a un poids important sur le marché intérieur, s’il assure un service de plateforme essentiel ([111]) qui constitue un point d’accès majeur permettant aux entreprises utilisatrices ([112]) d’atteindre leurs utilisateurs finaux, et s’il jouit d’une position solide et durable dans ses activités ou jouira, selon toute probabilité, d’une telle position dans un avenir proche (article 3). Le règlement prévoit différentes procédures de qualification, une obligation de réexamen régulier de ces qualifications, et la publication d’une liste à jour des contrôleurs d’accès qualifiés par la Commission (articles 3 et 4).

Le chapitre III du règlement entend réguler les pratiques des contrôleurs d’accès qui limitent la contestabilité ou sont déloyales. Il prévoit plusieurs obligations directement applicables aux contrôleurs d’accès (article 5), et d’autres susceptibles d’être précisées par la suite (article 6). Il permet par ailleurs à la Commission de décider des mesures qu’un contrôleur d’accès doit mettre en œuvre pour garantir le respect des obligations énoncées aux articles 5 et 6 (article 7), de suspendre à titre exceptionnel une de ces obligations (article 8), ou d’en exempter le contrôleur d’accès pour des raisons de moralité publique, de santé publique ou de sécurité publique (article 9). Il prévoit les modalités de mise à jour des obligations énoncées aux articles 5 et 6 (article 10), impose l’ensemble de ces obligations indépendamment de la nature contractuelle, commerciale ou technique de la pratique du contrôleur d’accès (article 11), et oblige celui-ci à informer la Commission de tout projet de concentration « impliquant un autre fournisseur de services de plateforme essentiels ou de tout autres services fournis dans le secteur numérique » (article 12).

Le chapitre IV du règlement prévoit les modalités d’ouverture d’enquêtes sur le marché (article 14), en vue de la désignation des contrôleurs d’accès (article 15), ou portant sur un non-respect systématique des obligations prévues aux articles 5 et 6 (article 16). La Commission peut aussi ouvrir une enquête portant sur les nouveaux services et les nouvelles pratiques (article 17). Enfin, le chapitre V définit les modalités de mise en œuvre et d’application du règlement (articles 18 à 33).

Cette proposition de règlement a fait l’objet de deux rapports d’information, par Mme Christine Hennion à la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale ([113]), et par Mmes Catherine Morin-Desailly et Florence Blatrix Contat, de la commission des affaires européennes du Sénat ([114]). S’ils ont été l’occasion de saluer une démarche très attendue aux objectifs légitimes, ils ont également permis de souligner des insuffisances et des imprécisions qui menacent l’efficacité du dispositif.

Avant de proposer plusieurs modifications au DMA visant à compenser les asymétries d’information et de négociation qui touchent les éditeurs de presse face aux contrôleurs d’accès, votre rapporteur tient à souligner deux imprécisions générales du texte, qu’il convient de corriger.

La première imprécision, relevée par le rapport d’information de Mme la députée Hennion ([115]) , tient à la confusion possible entre « entreprises utilisatrices » et « utilisateurs finaux », que le projet de règlement définit de manière tautologique. En effet, si l’article 2§16 définit l’utilisateur final comme « toute personne physique ou morale utilisant des services de plateforme essentiels autrement qu’en tant qu’entreprise utilisatrice », l’article 2§17 qualifie d’entreprise utilisatrice « toute personne physique ou morale agissant à titre commercial ou professionnel qui utilise des services de plateforme essentiels aux fins ou dans le cadre de la fourniture de biens ou de services à des utilisateurs finaux ». Les deux concepts sont donc définis l’un par rapport à l’autre, ce qui rend difficile et imprévisible la qualification des éditeurs de presse au titre du DMA, et donc les obligations des plateformes à leur endroit.

La deuxième imprécision, relevée par le rapport d’information de Mmes les sénatrices Morin-Desailly et Blatrix Contat, tient au fait que la liste des services de plateformes essentiels (SPE) prévue à l’article 2§2 semble à la fois inexacte et incomplète ([116]) . Mme la députée Hennion précisait également que « certains services devraient en être retirés, d’autres devraient y être ajoutés » ([117]) . Les deux rapports mentionnent ainsi une nécessaire distinction entre services de plateforme « essentiels » et « secondaires ». À titre d’exemple, où trouver dans cette liste l’assistant vocal Siri, qui peut proposer des contenus de presse en réponse à la requête d’un utilisateur ? Il semble à votre rapporteur qu’une liste plus rigoureuse des SPE est un préalable nécessaire à l’introduction de nouvelles obligations des plateformes à leur endroit.

B.   Les obligations pertinentes en matière de droits voisins : opportunités

Les deux projets de règlements sur les marchés et les services numériques, porteurs d’obligations nouvelles pour les plateformes, pourraient remédier à l’asymétrie d’information dont ces plateformes profitent durant leurs négociations avec les éditeurs et agences de presse pour la rémunération au titre du droit voisin. Ils pourraient également permettre de garantir une coopération de ces plateformes avec les autorités administratives sur la communication des montants de leurs revenus directs et indirects.

News Media Europe, groupement représentant les intérêts d’éditeurs de presse européens, a expliqué ([118]), « demander dans le cadre des obligations du DMA le partage d’informations avec les utilisateurs dépendants des gatekeepers ». Votre rapporteur exprime un avis pleinement favorable à une telle mesure, qui passe plus précisément par les modifications suivantes de la proposition de règlement DMA.

L’article 6 (i) du projet de règlement sur les marchés numériques (DMA) dispose que le contrôleur d’accès « procure gratuitement aux entreprises utilisatrices […] un accès et une utilisation effectifs, de haute qualité, continus et en temps réel » aux données générées dans le cadre de l’utilisation des services de plateforme concernées par ces entreprises. Pour votre rapporteur, il est clair qu’en matière de droits voisins, cette disposition doit être comprise comme une obligation de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse les chiffres d’audience précis de leurs contenus. Encore faudra-il que le législateur européen clarifie la notion d’entreprise utilisatrice, et y inclue les éditeurs de presse !

De même, l’article 6§1 (a) du projet de règlement DMA vise à empêcher les contrôleurs d’accès d’utiliser les données générées par les activités des entreprises utilisatrices en concurrence avec celles-ci, ce qui semble à votre rapporteur totalement incompatible avec une dissimulation des chiffres d’audience de chaque éditeur dans les négociations avec leurs syndicats ou groupements.

News Media Europe a également publié une liste de recommandations générales pour la modification du DMA, visant notamment à « inclure à la définition des services de plateforme essentiels de l’article 2 les navigateurs et les assistants vocaux pour faire face aux comportements problématiques des contrôleurs d’accès dans ces domaines » ([119]) . Cette mesure, qui va dans le sens d’une précision de la liste des SPE, semble également de bon sens.


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   Troisième partie : une double asymétrie, qu’il convient de combler

L’Autorité de la concurrence a eu l’occasion de rappeler que la recherche de rééquilibrage du rapport de force entre éditeurs de presse et agences de presse d’une part, et plateformes en ligne d’autre part, est au cœur des objectifs de la loi, qui vise à donner aux éditeurs les moyens d’une coopération assainie avec les acteurs numériques.

Deux ans après la promulgation de la loi, son application est tout à fait marginale et l’intention du législateur n’a pas été respectée à savoir :

- que les éditeurs et les agences de presse n’ont pas les moyens d’une coopération assainie avec les plateformes numériques ;

- qu’ils ne perçoivent pas une rémunération en adéquation avec les revenus que tirent ces plateformes de l’exploitation de leurs contenus.

I.   Résorber l’asymétrie d’information

1.   Contraindre les plateformes numériques à communiquer leurs données pour définir l’assiette de la rémunération

Il est impératif d’accéder aux données des plateformes numériques et de définir des critères d’assiette pour permettre le calcul de la rémunération.

Sans ces données, il est impossible de faire le lien entre l’utilisation de contenus protégés, les revenus que la plateforme en tire, et une proposition financière.

2.   Se doter de l’appui technique du Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique pour l’analyse des données

Un appui technique du PEReN (Pôle d’Expertise de la Régulation Numérique) permettra de renforcer les capacités d’analyse des données pour mieux réguler les plateformes du numérique ; le PEReN pourra apporter son expertise à l’Autorité de la concurrence dans le cadre des litiges en cours et, à l’avenir, à l’autorité d’arbitrage qui sera désignée par le législateur.

3.   Rendre publics les accords

L’enjeu du pluralisme de la presse est important, les accords pourraient avoir des répercussions sur l’ampleur du soutien public à la presse et sur la redistribution de ces revenus aux journalistes. Votre rapporteur recommande donc que le contenu des accords soit intégralement publié, ce qui inclut les modalités de calcul et les montants des rémunérations versées par les plateformes aux éditeurs et agences de presse.

II.   Remédier à l’asymétrie de négociation

1.   4. Inciter tous les éditeurs et agences de presse à rejoindre la Société des droits voisins de la presse

La mission apporte son soutien à la gestion collective, sans la rendre obligatoire, conformément à la directive. La Société des droits voisins de la presse permettra d’obtenir un meilleur rapport de force avec les tiers et une équité de traitement entre éditeurs, à condition que le maximum de titres de presse y adhère.

5.   Intégrer la SACEM et le CFC à la Société des droits voisins de la presse 

Il est par ailleurs important d’intégrer la complémentarité des expertises de la SACEM et du CFC à la Société des droits voisins de la presse.

6.   Mieux identifier les redevables du droit voisin

Ce sera une des missions de la Société des droits voisins de la presse. Il faudra notamment clarifier la situation des entreprises de veille media et les crawlers.

7.   Recourir à l’arbitrage d’une autorité administrative indépendante

La modification de la loi est nécessaire pour confier à une autorité administrative indépendante (l’ARCOM, dont les pouvoirs de régulation des plateformes numériques ont récemment été étendus) un rôle d’arbitrage en cas d’échec des négociations dans un délai à définir. Il faudra la doter d’un pouvoir d’injonction et de sanction. L’autorité pourra fixer un taux de rémunération en proportion des revenus directs et indirects dont profite le redevable, des investissements consentis par le bénéficiaire et de la contribution de son contenu à l’information politique générale.

8.   Veiller à la rémunération des journalistes

La négociation avec les journalistes doit être menée en parallèle des négociations avec les plateformes, et aboutir à des accords de branche pour garantir une équité de traitement entre journalistes.

III.   Mettre à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022

1.   9. Créer une dynamique pour la mise en œuvre européenne de la directive

Il est urgent que les États membres qui ne l’ont pas fait transposent l’article 15 de la directive de 2019. La commission européenne aura à se prononcer en 2022. Un échange d’information et d’expérience entre pays européens sera probablement nécessaire pour adopter une stratégie commune de mise en œuvre du droit voisin.

10.   Se saisir des projets de règlements européens Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA)

La présidence française du Conseil de l’Union européenne constitue une opportunité de mettre en avant l’ambition de régulation numérique des plateformes : les projets de règlements Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA) permettront de rééquilibrer les relations entre les producteurs de contenus et les distributeurs en ligne.

Il faut imposer aux plateformes des obligations de transparence et d’information à l’égard des éditeurs. Cela doit passer par une plus grande responsabilité des gatekeepers et notamment le partage d’informations avec les utilisateurs dépendants de leurs services.  Le règlement doit être aussi précis que possible sur la désignation des entités concernées, on sait que toute imprécision menace l’efficacité des dispositifs contraignants.


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   Travaux de la mission d’information

Au cours de sa réunion du mercredi 12 janvier 2022, la mission d’information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse a examiné le rapport fait au nom de la mission d’information (réunion à huis clos).

Mme la présidente Virginie Duby-Muller. Six mois après sa réunion constitutive, notre mission d’information achève ses travaux. J’ai eu l’honneur d’orchestrer plusieurs mois d’un travail dense – plus de quarante entités ont été auditionnées – et riche d’échanges avec les professionnels du secteur de la presse, mobilisés depuis toujours pour la défense du droit d’auteur et du droit voisin. Nous les avons légitimement entendus afin de dresser l’état des lieux de l’application de ce nouveau droit ; nous avons également honoré vos demandes d’auditions, monsieur le rapporteur.

En nous rendant à Bruxelles et en échangeant plus particulièrement avec la presse allemande, nous avons pu constater combien notre pays a été exemplaire dans ce combat, adoptant une logique transpartisane bien trop rare. Nos ambassades en Espagne et en Australie ont répondu par écrit à nos interrogations.

Il est toujours intéressant pour le législateur de prendre le temps d’évaluer son propre travail, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une innovation juridique. C’est ce dernier aspect qui a fait la richesse de notre démarche d’évaluation, mais aussi sa complexité. À la décharge des redevables du droit voisin, il n’est jamais aisé de rendre effective et incontestable la mise en œuvre d’un nouveau droit tant que les concepts n’ont pas subi l’épreuve de la réalité économique et sociale correspondant à un environnement juridique. Les enjeux démocratiques et financiers sont d’ampleur ; il est donc normal que cette mise en œuvre ait pris du temps. Mais le temps du débat juridique n’est pas compatible avec l’urgence économique à laquelle les éditeurs et les agences de presse sont confrontés. Du reste, la rapidité des évolutions techniques des plateformes numériques et la dépendance de nombreux acteurs à leur égard peuvent également mettre à mal l’application de la loi.

Le fait le plus marquant qui ressort de notre travail est le manque de transparence des acteurs du numérique vis-à-vis de ceux dont ils exploitent les contenus dans leur propre intérêt. En proposant aux plateformes numériques d’être auditionnées à huis clos, nous souhaitions accéder à des informations permettant de comprendre les modes de calcul de la rémunération. Le rapporteur et moi-même sommes pareillement déçus du contenu de ces auditions. Évaluer la justesse de la rémunération proposée implique de mettre fin à l’opacité du fonctionnement des plateformes et des revenus qu’elles tirent de l’exploitation des données des tiers, y compris de leurs utilisateurs.

L’omniprésence de ces plateformes dans le quotidien des Français et leur souhait de devenir la principale voie d’accès à l’information rendent d’autant plus urgente la mise en œuvre du droit voisin. Le rapporteur ne manquera pas de rappeler l’enjeu démocratique de ce droit. Sur trop de sujets, les plateformes tentent d’échapper à la régulation alors que de plus en plus de responsabilités leur incombent. Il est impératif qu’elles respectent le cadre démocratique, ce qui passe par la mise en conformité de leurs services avec le droit et par leur consentement à l’impôt.

La régulation européenne peut y contribuer, mais la France est aux avant-postes en la matière. Deux ans après l’adoption de la loi, nous n’avons pu que constater, pour le regretter, que les redevables du droit voisin avaient tout fait pour freiner l’application du droit, après être parfois allés jusqu’à nier celui-ci. Les précieuses décisions de l’Autorité de la concurrence ont apporté des éléments de clarification ; elles devront être rendues effectives dans la suite de la procédure. C’est grâce à sa saisine que les lignes ont pu bouger, sous la pression des sanctions financières et d’injonctions utilement détaillées. La France n’est d’ailleurs pas la seule à avoir utilisé le droit de la concurrence pour compléter le pouvoir de contrainte insuffisant prévu dans la loi et, plus généralement, réguler les plateformes.

Est-ce à dire que la loi est mal faite ? Dans un contexte où se cumulent le manque de bonne foi des uns et l’attentisme des autres, la liberté contractuelle prévue par la loi semble avoir atteint ses limites.

M. Laurent Garcia, rapporteur. Je m’associe à vos propos sur le travail transpartisan, madame la présidente : le respect a été de mise non seulement vis-à-vis des personnes auditionnées, mais aussi de votre part à mon égard. Je remercie également les administrateurs qui nous ont accompagnés et beaucoup aidés tout au long de cette mission.

L’objectif de la mission d’information était d’évaluer la mise en œuvre du droit voisin issu, en Europe, de l’article 15 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et, en France, de la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Ce droit devait permettre de redistribuer les revenus que tirent les plateformes numériques de l’exploitation de contenus originaux et, ainsi, de rééquilibrer économiquement un secteur bouleversé par le transfert massif des revenus publicitaires de la presse vers ces plateformes. Le chiffre d’affaires de la presse a chuté de 11 à 6,2 milliards d’euros entre 2006 et 2019 ; la part de cette baisse imputable à la chute des revenus publicitaires atteint 57 %, celle liée à la baisse des ventes est de 22 %. Google et Facebook captent à eux seuls 75 % des dépenses de publicité numérique.

Le rapport a été l’occasion de faire un tour d’Europe de la transposition de ce droit. L’Allemagne, en 2013, et l’Espagne, en 2014, ont joué un rôle précurseur, mais se sont heurtées à la contestation de Google lorsqu’il s’est agi d’appliquer le droit. Dans ces pays aussi, des recours ont été engagés. La directive européenne a eu le mérite de préciser les choses ; neuf États membres l’ont transposée, souvent au plus proche. Divers modes de gestion des droits ont été instaurés. L’arbitrage a été retenu par l’Italie et, en dehors de l’Europe, en Australie, avec la possibilité de prévoir des règles de rémunération automatiques. Il n’a pas encore été mis en œuvre, ces législations ne datant que de quelques mois.

La France a été la première à transposer la directive, sous l’impulsion du député Patrick Mignola, et elle l’a fait en clarifiant le droit – par exemple, en incluant explicitement les agences de presse et en limitant les exceptions au droit. Malgré tout, il a fallu que l’Autorité de la concurrence soit saisie pour que le droit soit à nouveau précisé. Le rapport revient sur différentes controverses et a le mérite, me semble-t-il, de clarifier à nouveau les choses. Les redevables du droit voisin s’engouffrent dans n’importe quelle brèche pour affaiblir la position des bénéficiaires de ce droit.

Il ressort clairement de nos auditions – vous avez pu le constater avec nous – que le droit voisin est loin d’être effectif. D’une part, les éditeurs et les agences de presse n’ont pas les moyens d’une coopération assainie avec les plateformes numériques, compte tenu de l’opacité du fonctionnement de ces dernières et de la mauvaise foi avec laquelle elles conduisent les négociations. D’autre part, et en conséquence, rares sont ceux à avoir perçu une rémunération au titre du droit voisin. Le contenu des accords passés est opaque.

Quelques titres indépendants ont conclu des accords avec des plateformes depuis la fin 2020. En revanche, rares sont les familles de presse à avoir passé des accords collectifs : Facebook a signé avec l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) un accord-cadre pluriannuel le 21 octobre 2021 ; Google a signé avec l’Agence France-Presse (AFP) un accord pluriannuel le 11 novembre de la même année ; le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et la Fédération française des agences de presse (FFAP) restent écartés de tout accord. La Société des droits voisins de la presse (DVP), qui vient d’être créée, n’a pas encore réellement négocié.

Le feuilleton juridique se poursuit, puisque le SEPM a fait savoir lundi qu’il saisissait à nouveau l’Autorité. Chaque jour apporte son lot de surprises ! Il semble d’ailleurs qu’à chaque fois que la mission tient une réunion importante, le dossier évolue : l’Autorité de la concurrence a rendu sa décision le jour de la réunion constitutive, en juillet dernier ; Google a fait connaître son protocole d’engagement le jour de notre dernière table ronde, en décembre dernier. Quelle sera donc la surprise du jour ?

Plus sérieusement, je formule dans le rapport dix propositions qui ont vocation à mettre fin à cette double asymétrie d’information et de négociation afin d’aboutir à des accords totalement transparents, enfin équitables et volontairement collectifs. Certaines de ces recommandations pourront faire l’objet d’une initiative législative lors de la prochaine législature.

Dans l’immédiat, l’organisme de gestion collective (OGC) se heurte à l’asymétrie de l’information relative à l’assiette de la rémunération à laquelle ses adhérents ont droit. Sans ces données, il est impossible de faire le lien entre l’utilisation de contenus protégés, les revenus engendrés pour la plateforme et une proposition financière. L’opacité empêche la négociation libre et éclairée, dans la mesure où les éditeurs et agences de presse ont du mal à évaluer la rémunération qui leur est due.

La transparence des accords doit permettre de nous assurer que les calculs réalisés pour déterminer le niveau des rémunérations sont justes et qu’il n’y a pas de mélange des genres – il est regrettable que plusieurs des accords d’ores et déjà conclus soient liés à un volet commercial. Les opérateurs doivent cette transparence à la représentation nationale et, au premier chef, à la presse dans son ensemble ; elle n’en sera pas ravie mais il y va du pluralisme des médias et de la démocratie. Par ailleurs, si les montants en question ne sont pas connus, comment peut-on s’assurer de la part de rémunération qui reviendra aux journalistes ? Si les sommes qui seront versées sont importantes, comme nous l’espérons, il est légitime que le législateur, qui vote chaque année des subventions à la presse, soit informé de ces compléments de revenus.

Aussi est-il impératif d’accéder aux données des plateformes numériques et de définir des critères d’assiette pour permettre le calcul de la rémunération. Un appui technique du pôle d’expertise de la régulation numérique (PEREN) permettra de renforcer nos capacités d’analyse des données pour mieux réguler ces plateformes.

L’équité, attendue depuis longtemps, est liée au caractère collectif des accords. Seule une négociation conduite par l’OGC et qui inclurait un maximum de familles de presse peut garantir un rapport de force plus équilibré avec les plateformes et une équité de traitement des ayants droit, petits et gros. Pour le dire plus directement, rien ne l’y oblige, mais il faudrait que l’APIG participe à l’OGC de la Société des droits voisins de la presse. La négociation avec les journalistes doit être menée parallèlement aux négociations avec les plateformes et aboutir à des accords de branche.

J’en viens au volet coercitif. Il est difficile de recommander aujourd’hui de prévoir dans la loi une sanction financière en l’absence d’accord. Alors que l’Autorité de la concurrence a déjà sanctionné Google pour les raisons que nous connaissons, la modification de la loi, dans le contexte actuel, prendra du temps. En outre, plusieurs accords sont sur le point d’être signés et Google s’est engagé à respecter les lignes directrices fixées par l’Autorité. Nous saurons dans les prochaines semaines ce qu’il en est réellement.

À plus long terme, en revanche, il faudra modifier la loi pour prévoir un mécanisme d’arbitrage obligatoire. De tels arbitrages devraient être rendus par une autorité administrative indépendante, qui pourrait être l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), laquelle a récemment vu ses pouvoirs de régulation des plateformes numériques étendus – mais nous avons également pensé à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), compétente dans le domaine de la distribution de la presse. Il est important de prévoir un arbitrage en cas d’échec des négociations à l’issue d’un délai fixe. Il faudra ensuite doter l’ARCOM d’un pouvoir d’injonction et de sanction ; elle pourra fixer un taux de rémunération en proportion des revenus perçus par le redevable, des investissements consentis par le bénéficiaire et de la contribution des contenus à l’information politique et générale.

À plus court terme, nous devrons mettre à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour créer une dynamique européenne de mise en œuvre de la directive – c’est ce que souhaitait d’ailleurs le rapporteur du texte, M. Axel Voss – et, plus largement, nous saisir des projets de règlement européen Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA) pour rééquilibrer les relations entre les producteurs de contenus et les distributeurs en ligne. Il faut imposer aux plateformes des obligations de transparence et d’information à l’égard des éditeurs.

Le droit voisin est un droit ; il n’est ni le résultat d’un accord commercial, ni une faveur rendue à un secteur en souffrance. La rémunération des contenus utilisés doit être à la hauteur du travail des auteurs et des investissements des entreprises de presse. Protéger les entreprises de presse, c’est protéger le travail journalistique pour une presse libre, indépendante et pluraliste – c’est, en somme, protéger la démocratie.

Mme Émilie Cariou. Je vous remercie pour ce rapport, qui rend bien compte de la situation actuelle. Nous devons bien constater que l’adoption de la directive européenne et sa transposition dans notre droit interne n’ont pas suffi à régler les problèmes, et que les choses sont encore en train d’évoluer.

La décision prise par certains groupes de presse de conclure individuellement avec les plateformes des contrats commerciaux intégrant la question de la rémunération va-t-elle compliquer considérablement la tâche de l’OGC ? Pensez-vous que la gestion collective pourra réellement voir le jour ?

M. Laurent Garcia, rapporteur. J’ai la faiblesse de croire que l’OGC jouera un rôle majeur. Toutefois, nous ne pourrons éviter que certains groupes décident de faire cavalier seul. Le problème, c’est que ceux qui ont déjà signé des accords avec les plateformes n’ont pas encore commencé à verser aux journalistes la part de rémunération qui leur est due. L’accord collectif aura forcément plus de poids. Il serait compliqué de l’imposer mais il ne fait aucun doute qu’il verra le jour, d’autant que le Président de la République a encore rappelé hier, lors de ses vœux à la presse, que la résolution de la question des droits voisins faisait partie de ses priorités.

Mme Émilie Cariou. Le fait que les plateformes travaillent avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est déjà un élément positif. Je remarque d’ailleurs que la SACEM a renouvelé l’accord signé avec YouTube et a conclu des accords avec la quasi-totalité des plateformes existantes : elle a donc acquis une certaine expérience de la négociation avec les acteurs américains du secteur. Néanmoins, les groupes de presse ayant conclu des accords individuels avec les plateformes ne sont pas les plus petits. Il sera très compliqué d’obtenir les données et de valoriser de façon juste la rémunération due aux entreprises de presse.

Je pense comme vous que l’implication d’une autorité publique dans les procédures d’arbitrage est une bonne idée. Avez-vous déjà échangé avec l’ARCOM à ce sujet ?

M. Laurent Garcia, rapporteur. Non.

Mme la présidente Virginie Duby-Muller. Compte tenu de nos échanges et en l’absence d’expression d’opposition ou d’abstention, la publication du présent rapport est autorisée par notre mission d’information à l’unanimité, ce dont je me félicite. Les travaux de notre mission d’information étaient attendus, et le rapporteur a rappelé qu’ils avaient eu pour effet d’accélérer certaines décisions. Nous avons joué notre rôle de parlementaires, qui est de bousculer les choses et de permettre que la loi que nous avons nous-mêmes votée soit réellement appliquée.

La mission d’information autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information.

 


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   ANNEXE : L’article 2 bis du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (n° 4187)

Introduit en commission par amendement du sénateur M. David Assouline, l’article 2 bis du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (n° 4187) proposait, au printemps 2021, de faire évoluer la législation française :

Le 1° de l’article prévoyait de contraindre les plateformes exploitant des contenus de presse à conclure un accord global avec les éditeurs et les agences de presse réunis.

Le 2° les soumettait, en cas de refus à entamer la négociation ou à conclure l’accord, à une procédure pouvant aboutir à une sanction ne pouvant excéder 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’année précédente du service concerné. La procédure, dont les modalités étaient fixées par décret, était ouverte sur saisine de l’autorité judiciaire par l’État ou « toute partie y ayant intérêt », après échec d’une nouvelle tentative de contractualisation menée sous l’égide d’un représentant du ministre chargé de la communication.

Le Gouvernement et la rapporteure de l’Assemblée nationale sont à l’origine de la suppression de cet article en commission des affaires culturelles et de l’éducation. Tout en relevant que la situation actuelle heurte la volonté du législateur, ils ont tous deux souligné :

– un risque de fragilisation juridique du cadre créé par la loi de 2019, ouvrant la voie à des recours dilatoires de la part des plateformes ;

– une possible atteinte à la liberté contractuelle du fait de l’obligation pour les plateformes concernées de conclure un accord ;

– un risque d’entrave à la procédure en cours devant l’Autorité de la concurrence.

Article 2 bis (supprimé)

L’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa, les mots : « de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse » sont remplacés par les mots : « d’entamer et de conclure des négociations globales avec les éditeurs de presse et les agences de presse réunis ensemble en vue de fixer le montant de la rémunération prévue au deuxième alinéa du présent article et de leur fournir préalablement » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Tout refus de négociation ou de conclusion de l’accord mentionné au troisième alinéa, par un service de communication au public en ligne reproduisant ou exploitant directement ou indirectement le contenu d’une publication de presse, est porté à la connaissance du ministre chargé de la communication qui mandate un représentant pour conclure l’accord. En cas de refus du service concerné de conclure l’accord, dans un délai et selon des modalités fixées par décret, le ministre ou toute partie y ayant intérêt peut saisir le juge judiciaire qui prononce une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent du service concerné. »


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   Personnes auditionnées par la mission d’information

(par ordre chronologique)

       Autorité de la concurrenceMme Isabelle de Silva, présidente

       Table ronde d’économistes :

– Mme Joelle Toledano, associée à la chaire « Gouvernance et Régulation » de l'Université Paris-Dauphine, membre du Conseil national du numérique

– M. Benjamin Sabbah, enseignant à l’ESJ – SciencesPo. Lille, membre du bureau du Spiil

       Table ronde des membres de l’organisme de gestion collective pour la collecte du droit voisin :

Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)* – M. Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse, M. François Claverie, vice président du SEPM et directeur général délégué du Point, et Mme Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

– Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) – M. Laurent Mauriac, co-président du SPIIL et président de Brief.me

Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS)*M. Laurent Bérard-Quélin, président et directeur général délégué de la Société générale de presse, Mme Catherine Chagniot, directrice générale, et M. Boris Bizic, directeur juridique

       M. Jean-Marie Cavada, président de l’Institute for Digital Fundamental Rights (IDFR), ancien député européen, et Mme Colette Bouckaert, secrétaire générale

       M. Pierre Louette, président de l’APIG (Alliance de la presse d’information générale), M. Jean-Pierre de Kerraoul, président de la commission juridique de l’APIG, M. Pierre Petillault, directeur général de l’APIG, et M. Jean-Nicolas Baylet, président de l’UPREG* (Union de la presse en régions), vice-président de l’APIG, et directeur général du groupe La Dépêche du Midi

       Audition des agences de presse :

 Fédération française des agences de presse (FFAP)* – M. Christian Gerin, président de la FFAP et du SATEV* (Syndicat des agences de presse audiovisuelles), et Mme Florence Braka, directrice générale de la FFAP

 Syndicat des agences de presse photographiques (SAPHIR) – M. Christophe Mansier, président

 Syndicat des agences de presse d’informations générales (SAPIG) – M. Jérôme Doncieux, président

       Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (GESTE) M. Bertrand Gié, président du GESTE et directeur délégué du pôle News du Figaro, M. Emmanuel Alix, vice-président du GESTE, et directeur du pôle numérique de L'Équipe, M. Valéry Gerfaud, trésorier du GESTE et directeur général Digital Innovation Technologie du groupe M6, M. Jean-Philippe Siourd, directeur du digital chez CMI, Mme Carole Boyer, juriste NTIC et Mme Laure de la taillade, directrice générale

       M. Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde et M. Grégoire de Vaissière, président du directoire du groupe L'Obs

       L’Express – M. Alain Weill, président directeur général, directeur de la publication, et M. Eric Chol, directeur de la rédaction, et M. Arthur Fouvez, directeur général adjoint

       Audition commune du ministère de la culture :

– Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles, M. Alexandre Koutchouk, sous-directeur de la presse écrite, et Mme Julie Franc, chargée de mission au bureau du régime juridique de la presse et des métiers de l’information

– Service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture – M. Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales au ministère de la Culture, et M. Hugues Ghenassia de Ferran, sous-directeur des affaires juridiques.

       Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM)* M. David El Sayegh, secrétaire général, M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles, et Mme Juliette Poiret, chargée de mission à la direction des relations institutionnelles

       Mme Laurence Franceschini, conseillère d’État, présidente de la Commission paritaire des publications et agences de presse, auteure de deux rapports sur le droit voisin des éditeurs de publications de presse présentés au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)

       Agence France-Presse (AFP) M. Fabrice Fries, président-directeur général, et M. Christophe Walter Petit, directeur juridique

       Groupe TF1* – M. Olivier Ravanello, directeur de l’information digitale LCI, et M. Anthony Level, directeur Affaires publiques numériques et européennes

       Table ronde des syndicats de journalistes :

– CFDT, communication, conseil, cultureM. Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT, et M. Laurent Villette, secrétaire national de CFDT Journalistes

 Syndicat national des journalistes CGT – M. Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT, et M. Patricio Arana, membre de la commission journalistes de la SCAM* (société civile des auteurs multimédias) au nom du SNJ-CGT

– Syndicat national des journalistes (Solidaires) –M. Olivier Da Lage, membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

       Mediapart –M. Edwy Plenel, président et directeur de la publication

       Table ronde d’universitaires :

– M. Emmanuel Derieux, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II)

– M. Pierre Bentata, maître de conférence à l’Université Aix-Marseille

       Centre français d'exploitation du droit de copie – M. Dominique Bernard, directeur général-gérant, et Mme Sandra Chastanet, directrice du département Ayants Droits

       Société civile des auteurs multimédias – M. Hervé Rony, directeur général, et Mme Nathalie Orloff, adjointe au directeur des affaires juridiques et internationales

       Facebook* –M. Martin Signoux, manager chargé des affaires publiques, et M. Mathieu Fritsch, responsable des partenariats avec les médias d'actualités

       Fédération des entreprises de veille média (FEVeM) – M. Denis Gaucher, président de la Fevem, CEO Kantar Media France, et M. Christophe Dickès membre de laFeVeM, directeur de la gestion internationale des droits d’auteur chez Kantar

       Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)* – M. Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse, M. François Claverie, vice-président du SEPM et directeur général délégué du Point, et Mme Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

       Microsoft France*– M. Jean-Renaud Roy, Corporate Affairs Director, et M. Jean-Sébastien Mariez, avocat

       Apple France* – M. Sebastien Gros, Director - Government Affairs Europe, Mme Julie Lavet, Government Affairs Senior Manager, et M. Daniel Matray directeur de l’AppStore et d’Apple Media Services en Europe

       Twitter France*– Mme Audrey Herblin-Stoop, directrice des affaires publiques

       Qwant* – Mme Corinne Lejbowicj, présidente, et M. Raphaël Auphan, directeur général

       Google France* – M. Arnaud Monnier, directeur des partenariats, M. Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques, et Mme Floriane Fay, responsable des relations institutionnelles et politiques publiques

       Table ronde des opérateurs du numérique :

– Meta* (anciennement Facebook) – M. Martin Signoux, responsable affaires publiques

 Google France* – M. Benoit Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques, et Mme Floriane Fay, responsable des relations institutionnelles et politiques publiques

 Qwant* – Mme Corinne Lejbowicj, présidente, et M. Raphaël Auphan, directeur général

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   PERSONNES auditionnées LORS d’un DÉPLACEMENT

 

Déplacement à Bruxelles – mercredi 10 novembre 2021

       European Newspaper Publishers Association

– M. Ilias Konteazs, directeur

– Mme Joy de Looz-Corswarem, directrice des affaires européennes

       Commission européenne, direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie (CNECT)

– Mme Emmanuelle du Chalard, directrice adjointe chargée de la politique des médias

– M. Marco Giorello, chef de l’unité droits d’auteurs

       Parlement européen 

– M. Axel Voss (DE-PPE), rapporteur de la directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

       News Media Europe

 M. Wout van Wijk, directeur,

– M. Iacob Gammeltoft, conseiller concurrence

 Mme Aurore Raoux, conseillère droits d’auteur

       Représentation permanente de l’Espagne auprès de l’Union européenne

 Mme Mercedes del Palacio, conseillère culture

 

 


([1])  Audition du 29 septembre 2021.

([2])  Rapport de la mission de réflexion sur la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse – Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, ministère de la culture et de la communication, juillet 2016.

([3])  Rapport sur la proposition de loi visant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de services de presse en ligne, n° 190, Assemblée nationale, 9 mai 2018.

([4])  Rapport de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (n° 1912), Assemblée nationale, 30 avril 2019

([5])  Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n°20-MC-01 du 9 avril 2020.

([6])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse.

([7]) Voir “Les medias sous la domination de google et Facebook”, Mediapart, 5 janvier 2022.

 

([8]) Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication – département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication, ministère de la Culture, 2021.

([9]) Audition du 21 septembre 2021.

([10])  Réponse écrite transmise à votre rapporteur le 15 novembre 2021.

([11]) Reuters Institute, Digital News Report 2021.

([12])  Audition du 22 septembre 2021.

([13])  Audition de M. Fabrice Fries, président de l’AFP, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, 1er décembre 2021.

([14]) Audition du 29 septembre 2021.

([15]) Audition du 15 septembre 2021.

([16])  Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication – ministère de la Culture, 2021.

([17]) Audition du 29 septembre 2021.

([18]) Autorité de la Concurrence. Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse (point 14).

([19]) Ibid, (point 14).

([20])  Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication – ministère de la Culture, 2021.

([21])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 précitée (point 16).

([22]) Audition du 29 septembre 2021.

([23]) Enseignant à l’ESJ – Sciences Po Lille.

([24]) Audition du 15 septembre 2021.

([25]) Audition du 21 septembre 2021.

([26]) Ibid.

([27])  « Le droit voisin des éditeurs de presse face aux GAFA : David contre Goliath ? », Laurence Franceschini, La semaine juridique – Edition générale – n°4 – 27 janvier 2020

([28]) Audition du 15 septembre 2021.

([29]) Autorité de la concurrence, Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 (point 351). Cette affirmation de l’Autorité de la concurrence est vérifiable sur les résultats publiés par Alphabet au premier quadrimestre 2021 : https://abc.xyz/investor/static/pdf/2021Q1_alphabet_earnings_release.pdf?cache=0cd3d78, consulté le 20/12/2021.

([30]) Audition du 23 septembre 2021.

([31])  Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication – ministère de la Culture, 2021.

([32]) Audition du 23 septembre 2021.

([33]) https://www.lefigaro.fr/medias/le-figaro-franchit-le-cap-des-200-000-abonnes-numeriques-20201103, consulté le 15/12/2021.

([34])  https://www.lefigaro.fr/flash-eco/presse-la-croix-vise-les-100-000-abonnes-d-ici-trois-ans-20210108, consulté le 15/12/2021.

([35]) Audition du 23 septembre 2021.

([36]) Audition du 23 septembre 2021.

([37])  « Le droit voisin des éditeurs de presse face aux GAFA : David contre Goliath ? », Laurence Franceschini, La semaine juridique – Edition générale – n°4 – 27 janvier 2020

([38]) Audition du 29 septembre 2021.

([39]) Audition du 29 septembre 2021.

([40]) F. Balle, Médias & Sociétés, Montchrestien, 12e éd., 2005.

([41]) Article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789.

([42]) Conseil Constitutionnel, décision 84-181 DC du 11 octobre 1984 (considérant 38).

([43]) Conseil Constitutionnel, décision 86-217 DC du 18 septembre 1986 (considérant 11).

([44]) E. Derieux, Limites à la concentration et garanties du pluralisme des médias en France, p. 105.

([45]) Article 11 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

([46])  E. DERIEUX, Limites à la concentration et garanties du pluralisme des médias en France, p. 105.

([47])  Rapport au premier ministre sur les problèmes de concentration dans le domaine des médias, commission instituée par le décret n° 2005-217 du 8 mars 2005.

([48])  Commission d’enquête « afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France, et d’évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie ». http://www.senat.fr/commission/enquete/2021_concentration_des_medias_en_france.html, consulté le 20/12/2021.

([49])  Propriété de la coopérative des quotidiens.

([50])  1,05 % à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique.

([51])  Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication – ministère de la Culture, 2019.

([52])  Tableaux des titres et groupes de presse aidés en 2019, publié par le ministère de la Culture : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Presse/Aides-a-la-Presse/Tableaux-des-titres-et-groupes-de-presse-aides-en-2019, consulté le 20/12/2021.

([53])  Ibid.

([54]) « Mobilisation exceptionnelle de 5 milliards d’euros en faveur de la culture et des médias pour répondre aux conséquences économiques de la COVID-19 », communiqué de presse du ministère de la Culture, 1er juillet 2020.

([55])  Audition du 12 octobre 2021.

([56])  Directive (UE) 2019-790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE (considérant 54).

([57])  Audition du 29 septembre 2021.

([58])  Ibid

([59])  Audition du 5 octobre 2021.

([60])  Directive (UE) 2019-790 précitée (considérant 55).

([61])  Audition du 29 septembre 2021.

([62])  Audition du 14 septembre 2021.

([63])  Droit de reproduction d’une œuvre.

([64])  Mise à disposition d’une œuvre au public.

 

([65])  Afin de ne pas constituer une atteinte à la liberté de lier en respectant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

([66])  En application des articles L. 136-1 à L. 136-4 du code de la propriété intellectuelle.

([67])  Achtes Gesetz zur Änderung des Urheberrechtsgesetzes (huitième loi portant modification de la loi sur le droit d’auteur), du 7 mai 2013 insérant la section 7 « Protection de l’éditeur de presse ».

([68])  « Le droit voisin des éditeurs de presse face aux GAFA : David contre Goliath ? », Laurence Franceschini, La semaine juridique – Edition générale – n°4 – 27 janvier 2020

([69])  CJUE, 4e chambre., 12 sept. 2019, aff. C-299/17, VG Media c/ Google LLC.

([70])  « Le droit voisin des éditeurs de presse face aux GAFA : David contre Goliath ? », Laurence Franceschini, La semaine juridique – Edition générale – n°4 – 27 janvier 2020.

([71])  Rapport n° 243 de M. Pierre Assouline, sur la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, 16 janvier 2019.

([72])  « Le droit voisin des éditeurs de presse face aux GAFA : David contre Goliath ? », Laurence Franceschini, La semaine juridique – Edition générale – n°4 – 27 janvier 2020

([73]) Réponses écrites au questionnaire transmis par votre rapporteur à Corint Media, organisme allemand de gestion collective.

([74]) « (…) die Nutzung einzelner Wörter oder sehr kurzer Auszüge aus einer Presseveröffentlichung ». Gesetz zur Anpassung des Urheberrechts an die Efordernisse des digitalen Binnenmarktes, 31 mai 2021. https://www.bgbl.de/xaver/bgbl/start.xav?startbk=Bundesanzeiger_BGBl&jumpTo=bgbl121s1204.pdf#__bgbl__%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27bgbl121s1204.pdf%27%5D__1640016610638.

([75]) Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 (point 383).

([76]) Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 (point 387).

([77])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse.

([78])  Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 précitée (point 407).

([79]) Ibid point 408

(1) Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 précitée (point 408)

([81]) Ibid point 409

([82]) Ibid point 416

([83])  Audition du 29 septembre 2021.

([84])  Audition de M. Jean-Marie Cavada, le 16 septembre 2021.

([85])  Le Centre Français d'exploitation du droit de Copie (CFC) est l’organisme qui gère collectivement pour le compte des auteurs et des éditeurs ces droits de copie papier et numériques du livre et de la presse. Le CFC a également été désigné par les éditeurs de presse pour répartir la part de redevance qui leur revient au titre de l’enregistrement de copies privées d’articles de presse sur des supports numériques.

([86]) Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 précitée (point 336)

([87])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale e.a. et l’Agence France-Presse (point 46).

([88])  « L’avis n° 18-A-03 de l’Autorité du 6 mars 2018 portant sur l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet indique que le secteur de la publicité sur internet se caractérise par l’existence de nombreux marchés de l’édition de services, de l’intermédiation, de services de serveurs publicitaires et de services d’exploitation de données. S’agissant plus particulièrement du positionnement de Google sur ces marchés, l’avis observe que Google est présent sur l’ensemble des métiers de l’intermédiation publicitaire. Elle fournit plusieurs services aux annonceurs (réseau publicitaire, DSP, serveur publicitaire) pour mettre en œuvre des campagnes et diffuser des annonces sur ses propres services et sur des sites et applications tiers. Elle offre également plusieurs services aux éditeurs (réseau publicitaire, SSP, Ad Exchange, serveur publicitaire). Google fournit aussi plusieurs services de collecte et d’exploitation de données (Data Analytics, DMP et gestion de tags) ainsi qu’une gamme d’outils informatiques de type cloud computing, qui peuvent être utilisés conjointement avec les outils publicitaires pour exploiter des volumes très importants de données. » cité par la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 précitée.

([89])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 précitée (point 47).

([90])  Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 (point 269).

([91])  Audition du 15 septembre 2021.

([92])  Audition de M. Edwy Plenel, le 12 octobre 2021 : « Dans La valeur de l’information, j’ai montré que lorsqu’un média vivait de l’audience publicitaire, il avait tendance à être dans une logique de divertissement qui peut porter atteinte à l’information et la corrompre. » et audition de M. Pierre Bentata, le 13 octobre 2021 : « Générer du clic ne se fait pas avec de la qualité d’information, mais avec des choses qui vous marquent, qui choquent votre cerveau reptilien. »

([93])  Réponses écrites au questionnaire transmis par votre rapporteur à Corint Media, organisme allemand de gestion collective.

([94])Décret n° 2020-1102 du 31 août 2020 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Pôle d'expertise de la régulation numérique » (PEReN).

([95])Audition du 19 octobre 2021.

([96])Audition du 1er décembre 2021.

([97])  Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication, département des études, de la prospective, des statistiques et de la communication – ministère de la Culture, 2021.

([98])  Ibid.

([99]) Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 précitée.

([100]) Cour d’appel de Paris, Pôle 5, ch. 7, 8 octobre 2020, n° 20/08071, Stés Google c. SPEM et autres.

([101])  https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/digital-news-report/2021/france

([102])  https://www.lalettrea.fr/medias_presse-ecrite/2021/12/10/droit-voisin--entre-les-quotidiens-et-facebook-un-accord-a-25-millions-de-dollars,109710540-art

([103])  https://www.challenges.fr/media/google-s-engage-a-verser-76-millions-de-dollars-a-un-groupe-d-editeurs-de-presse-francais_750841

([104])  “Les medias sous la domination de google et Facebook”, Mediapart, 5 janvier 2022

([105]) Audition du 23 septembre 2021.

([106]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?qid=1608117147218&uri=COM%3A2020%3A825%3AFIN,.

([107]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?qid=1608116887159&uri=COM%3A2020%3A842%3AFIN,.

([108]) Audition du 16 septembre 2021.

([109])  https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/digital-services-act-ensuring-safe-and-accountable-online-environment_fr#quels-sont-les-principaux-objectifs-de-la-lgislation-sur-les-services-numriques , consulté le 09/12/2021.

([110]) Au sens de la recommandation 2003/361/CE.

([111]) L’article 2 du règlement définit comme « service de plateforme essentiel » : les services d’intermédiation en ligne, les moteurs de recherche en ligne, les services de réseaux sociaux en ligne, les services de plateformes de partage de vidéos, les services de communications interpersonnelles non fondées sur la numérotation, les systèmes d’exploitation, les services d’informatique en nuage et les services de publicité.

([112]) L’article 2 du règlement définit comme « entreprise utilisatrice » toute personne physique ou morale agissant à titre commercial ou professionnel qui utilise des services de plateforme essentiels aux fins ou dans le cadre de la fourniture de biens ou de services à des utilisateurs finaux.

([113])  Rapport d’information n° 4409 de la commission des affaires européennes sur le Digital market act, enregistré à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2021.

([114]) Rapport d’information n° 34 de la commission des affaires européennes sur la proposition de règlement sur les marchés numériques (DMA), enregistré à la présidence du Sénat le 7 octobre 2021

([115])  Rapport d’information n° 4409 de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale précité.

([116])  Rapport d’information n° 34 de la commission des affaires européennes du Sénat précité.

([117]) Rapport d’information n° 4409 de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale précité.

([118]) Audition du 10 novembre 2021, réponses écrites transmises par News Media Europe le 15 novembre 2021.

([119]http://www.newsmediaeurope.eu/issues/position-paper-on-the-digital-markets-act-dma/, consulté le 10/12/2021.