N° 4915
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2022.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ([1])
sur l’impact de la crise de la covid-19 sur le secteur événementiel
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Philippe Naillet et Mme Corinne Vignon
Députés
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La mission d’information est composée de : M. Philippe Naillet et Mme Corinne Vignon, co-rapporteurs, et de Mmes Marguerite Deprez-Audebert, Graziella Melchior et Anne-Laurence Petel, membres.
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SOMMAIRE
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Pages
RÉcapitulatif des propositions
A. Une filiÈre Doublement pÉnalisÉe
1. Un des secteurs économiques les plus sinistrés
a. Des acteurs particulièrement touchés par les fermetures et mesures préventives
b. Une quasi-absence d’activité pendant plus d’un an
2. Des activités événementielles mal identifiées par l’État les premiers mois
a. Les omissions des listes S1 et S1 bis ; l’inadaptation des codes APE/NAF
b. D’où un accès tardif aux aides nationales renforcées
c. Même si la réactivité de l’État a été largement saluée
B. Des acteurs déterminés à survivre
1. Une forte volonté d’adaptation mais qui ne peut suffire
2. Des aides publiques vitales et substantielles
3. Mais non exemptes de critiques
a. Entre difficultés pratiques
C. Un secteur inégalement confiant DANS son avenir
1. La confirmation du besoin de se rencontrer
2. Des projections d’experts plutôt optimistes, mais à moyen terme
3. Une concurrence internationale qui s’est renforcée à l’occasion de la crise
4. Et des activités événementielles appelées à évoluer
D. Une situation immédiate toujours difficile et fragile
1. Un second semestre 2021 plombé par l’incertitude
a. Des exigences sanitaires qui continuent de peser sur la fréquentation
b. Des blocages publics encore forts, notamment en outre-mer
c. Les réticences persistantes des clients
d. Les difficultés à trouver les ressources externes pour répondre à la reprise
2. Des prises de risque accentuées par les décalages temporels inhérents à leurs activités
3. Le choc de la cinquième vague sur un secteur fragilisé
b. De nouvelles annulations en masse
II. répondre aux difficultés actuelles, anticiper de nouvelles crises
A. Une révélation : la nécessité de Structurer et porter la voix de la filière
1. Organiser la représentation de la filière
2. Identifier l’interlocuteur compétent
B. Le besoin de reconnaître et DE mieux évaluer, le poids économique du secteur
1. Un secteur économique important pour notre pays
a. Pour le poids humain et économique qu’il représente
b. Pour le dynamisme des entreprises nationales
c. Pour l’attractivité de la France
d. Et la vitalité des territoires
2. À mieux suivre dans sa diversité et sa spécificité
C. La nécessité de ne pas entraver la reprise le moment venu
2. L’enjeu de la soutenabilité du remboursement des PGE et des reports de charges
3. Éviter d’avoir à choisir entre garder des personnels en sous-activité et les licencier
D. Le besoin d’un accompagnement, À la hauteur des enjeux, jusqu’À la stabilisation de la situation
1. Répondre aux nouvelles restrictions des activités
2. Au-delà, le besoin d’un soutien complémentaire pour tenir et remonter
a. Une suspension des aides trop rapide pour un secteur aux rigidités structurelles importantes
b. Une demande d’aides à la reprise
i. Aides au réinvestissement des entreprises
ii. Soutien « environnemental » à la relance de l’activité
c. Des concurrents européens massivement soutenus par leurs États
E. Les défis des ressources humaines
1. Retrouver du personnel motivé et qualifié
ANNEXE 1 : Liste des codes APE du secteur de l’évÉnementiel
ANNEXE 2 : PrÉsentation DES AIDES accordÉes au secteur ÉvÉnementiel en Allemagne et en Italie
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
RÉcapitulatif des propositions
A. Une filiÈre Doublement pÉnalisÉe
1. Un des secteurs économiques les plus sinistrés
a. Des acteurs particulièrement touchés par les fermetures et mesures préventives
b. Une quasi-absence d’activité pendant plus d’un an
2. Des activités événementielles mal identifiées par l’État les premiers mois
a. Les omissions des listes S1 et S1 bis ; l’inadaptation des codes APE/NAF
b. D’où un accès tardif aux aides nationales renforcées
c. Même si la réactivité de l’État a été largement saluée
B. Des acteurs déterminés à survivre
1. Une forte volonté d’adaptation mais qui ne peut suffire
2. Des aides publiques vitales et substantielles
3. Mais non exemptes de critiques
a. Entre difficultés pratiques
C. Un secteur inégalement confiant DANS son avenir
1. La confirmation du besoin de se rencontrer
2. Des projections d’experts plutôt optimistes, mais à moyen terme
3. Une concurrence internationale qui s’est renforcée à l’occasion de la crise
4. Et des activités événementielles appelées à évoluer
D. Une situation immédiate toujours difficile et fragile
1. Un second semestre 2021 plombé par l’incertitude
a. Des exigences sanitaires qui continuent de peser sur la fréquentation
b. Des blocages publics encore forts, notamment en outre-mer
c. Les réticences persistantes des clients
d. Les difficultés à trouver les ressources externes pour répondre à la reprise
2. Des prises de risque accentuées par les décalages temporels inhérents à leurs activités
3. Le choc de la cinquième vague sur un secteur fragilisé
b. De nouvelles annulations en masse
II. répondre aux difficultés actuelles, anticiper de nouvelles crises
A. Une révélation : la nécessité de Structurer et porter la voix de la filière
1. Organiser la représentation de la filière
2. Identifier l’interlocuteur compétent
B. Le besoin de reconnaître et DE mieux évaluer, le poids économique du secteur
1. Un secteur économique important pour notre pays
a. Pour le poids humain et économique qu’il représente
b. Pour le dynamisme des entreprises nationales
c. Pour l’attractivité de la France
d. Et la vitalité des territoires
2. À mieux suivre dans sa diversité et sa spécificité
C. La nécessité de ne pas entraver la reprise le moment venu
2. L’enjeu de la soutenabilité du remboursement des PGE et des reports de charges
3. Éviter d’avoir à choisir entre garder des personnels en sous-activité et les licencier
D. Le besoin d’un accompagnement, À la hauteur des enjeux, jusqu’À la stabilisation de la situation
1. Répondre aux nouvelles restrictions des activités
2. Au-delà, le besoin d’un soutien complémentaire pour tenir et remonter
a. Une suspension des aides trop rapide pour un secteur aux rigidités structurelles importantes
b. Une demande d’aides à la reprise
i. Aides au réinvestissement des entreprises
ii. Soutien « environnemental » à la relance de l’activité
c. Des concurrents européens massivement soutenus par leurs États
E. Les défis des ressources humaines
1. Retrouver du personnel motivé et qualifié
ANNEXE 1 : Liste des codes APE du secteur de l’évÉnementiel
ANNEXE 2 : PrÉsentation DES AIDES accordÉes au secteur ÉvÉnementiel en Allemagne et en Italie
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
— 1 —
À la fin de l’été 2020, plusieurs députés ont été alertés de la situation dramatique des entreprises spécialisées dans l’événementiel, étranglées par une quasi-absence d’activité depuis l’éclatement de la crise et la faiblesse relative des aides auxquelles elles pouvaient prétendre quand elles n’étaient pas directement fermées. Quand les parlementaires ont interpelé l’État sur ces difficultés, celui-ci a reconnu mal cerner ce secteur économique. Des mesures ont été prises depuis pour renforcer son soutien à un écosystème s’affirmant désormais comme une véritable filière, avec de fortes interdépendances entre ses divers métiers.
Mais la crise sanitaire a perduré, affectant tout particulièrement les activités fondées sur les rassemblements, les rencontres, l’accueil et la convivialité. Aussi, près d’un an après, la commission des affaires économiques a chargé la présente mission d’information d’étudier l’étendue des répercussions de cette crise sur la chaîne de valeur de l’événementiel, ainsi que les réponses que l’État leur a apportées ou celles qu’il conviendrait de mettre en place.
Pour mener ce travail, les rapporteurs ne se sont attachés qu’aux secteurs des, très divers, évènements professionnels et des grands évènements privés que sont les mariages, écartant les filières sportives et culturelles, qui ont bénéficié d’un traitement propre par leurs ministères de rattachement.
Les rapporteurs ont tenu en revanche à entendre les représentants des différents métiers de l’écosystème événementiel, les agences, les gestionnaires des sites réceptifs, les standistes, les traiteurs, les extras, les prestataires de l'audiovisuel scénique, etc.
Après avoir auditionné près d’une cinquantaine d’entreprises, syndicats, organisations, acteurs publics et experts, ainsi que le ministre délégué chargé des PME, ils sont arrivés à un double constat paradoxal : cette crise a brutalement et durablement frappé la filière événementielle, la laissant presque exsangue, mais elle a révélé, en creux, toute l’importance que ce jeune secteur a pris dans l’économie de notre pays.
Elle a ainsi favorisé une véritable prise de conscience des enjeux et des défis qu’il représente, par ses acteurs comme par l’État, amenant celui-ci à mobiliser des moyens importants pour aider cette filière à traverser la crise. Les dernières mesures prises pour amortir le choc des restrictions mises en œuvre face à la cinquième vague de la covid-19 illustrent le chemin parcouru par l’État, tant dans l’ajustement de ses dispositifs d’aide, en général, que dans la reconnaissance de la haute-valeur ajoutée du secteur événementiel.
Il ne fait plus de doute aujourd’hui qu’au-delà de « ses paillettes », la filière événementielle est un des fleurons de notre économie, l’ambassadrice d’un certain art de vivre et de recevoir à la française et un levier puissant du dynamisme de nos entreprises et de nos territoires.
Le présent rapport s’articule en deux parties. La première est consacrée aux constats de la mission d’information s’agissant des impacts de la crise sur la filière, de sa fragilité aujourd’hui et de l’ampleur des aides mobilisées. La seconde étudie les défis à relever à court et moyen terme et les réponses qui pourraient être apportées afin qu’elle retrouve, enfin, toute sa vitalité.
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RÉcapitulatif des propositions
Proposition n° 1 : Ajouter à la liste S1 bis une catégorie « balai » d’activités réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires total avec des entreprises de différents secteurs inscrits en S1.
Propositions n° 2 et 3 : Pour les services de l’État, les rapporteurs recommandent de :
– tirer les enseignements de la gestion de la crise, qu’il s’agisse des expériences des services déconcentrés (afin de faire remonter les difficultés rencontrées, d’analyser les solutions apportées et de partager les bonnes pratiques) ou des arbitrages nationaux, de leurs réussites et de leurs carences.
Des travaux tels que ceux menés par la Cour des comptes sur les mesures prises par le ministère du travail (Préserver l’emploi. Le ministère du travail face à la crise sanitaire, juillet 2021) pourraient être utilement réalisés sur d’autres ministères.
– et construire les futures aides qui seraient nécessaires en concertation avec les acteurs économiques concernés, afin, en particulier, de bien identifier les divers secteurs et métiers les plus impactés.
Proposition n° 4 : Favoriser la constitution d’une fédération interprofessionnelle des syndicats et organisations représentatives des métiers de l’événementiel (et des mariages).
Proposition n° 5 : Désigner, le temps nécessaire à la gestion de la crise et de ses suites, un interlocuteur ministériel unique pour la filière événementielle.
Une organisation interministérielle s’inspirant du Comité filière tourisme pourrait, a minima, être mise en place.
Propositions n° 6 et 7 : – Prévoir, si une crise équivalente survient dans le futur, un dispositif public d’information et d’orientation des professionnels traitant de l’ensemble des aides nationales et décliné au niveau territorial (tout en garantissant la cohérence nationale des informations) ;
– Évaluer les avantages et les risques comparatifs d’une offre d’accompagnement minimal au remplissage des formulaires de demande d’aide par rapport au système actuel de renseignement en ligne, avec contrôle automatique des incohérences et traitement manuel des rejets.
Proposition n° 8 : À défaut d’une offre d’accompagnement public, en cas de nouvelle crise, il serait opportun de travailler à une meilleure coordination de l’action des partenaires des entreprises que sont les experts-comptables, banquiers, agences de développement économique, chambres de commerce et chambres des métiers au chevet des plus impactées.
Proposition n° 9 : Affiner et compléter, le cas échéant, l’appareil statistique de l’État afin de mieux suivre l’écosystème événementiel et son poids économique.
Propositions n° 10 et 11 : – Travailler, en concertation avec tous les secteurs et métiers de la filière événementielle, au renforcement des protocoles sanitaires dans l’objectif de limiter au maximum les (éventuelles prochaines) fermetures et annulations, ainsi qu’à l’affinement des règles en fonction de la nature des évènements et des prestations ;
– Différencier notamment les seuils maximaux d’accueil applicables aux évènements professionnels (ou mixtes) de ceux des rassemblements culturels et sportifs.
Proposition n° 12 : Adapter la référence de CA pour être éligible au nouveau dispositif « coûts fixes » aux entreprises dont les champs d’activité se sont diversifiés depuis 2019.
Proposition n° 13 : Les rapporteurs considèrent primordial qu’un soutien spécifique soit apporté à la filière événementielle eu égard à la longueur de ses cycles de production (de la conception à la commercialisation). Il s’agit d’aider ses entreprises non plus à survivre mais à rebondir en leur offrant, le temps de sortir de la crise, la marge financière et le minimum de sécurité nécessaires à leurs réinvestissements.
L’importance économique du secteur justifie une action et des moyens à la hauteur des enjeux.
Proposition n° 14 : Les rapporteurs recommandent toutefois de conditionner, dans la mesure du possible, ces aides spécifiques à des efforts en termes de développement durable.
Proposition n° 15 : Étudier la création d’un fonds de soutien ou de garantie ou d’un mécanisme assurantiel pour indemniser les pertes de recettes consécutives à des restrictions administratives ou des annulations en masse.
Proposition n° 16 : Étudier le maintien, le temps que la reprise se stabilise, d’une prise en charge partielle des dépenses salariales pour les personnels rappelés ou recrutés afin de préparer un premier évènement, jusqu’à sa commercialisation.
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I. Les constats
A. Une filiÈre Doublement pÉnalisÉe
Petit lexique des évènements professionnels
Les salons professionnels sont des évènements business-to-business (B2B), généralement pas ouverts au grand public, où les entreprises d’un secteur spécifique viennent présenter leurs nouveaux produits et services à d’autres professionnels.
Les salons grand public (B2C) sont ouverts à tous les publics. Les exposants sont essentiellement des détaillants ou des manufacturiers souhaitant apporter leurs biens et services directement au consommateur final.
Les salons mixtes sont une combinaison des deux.
Les foires peuvent être internationales, régionales ou locales. Elles réunissent l’ensemble des acteurs socio-économiques d’une région et proposent au visiteur une rencontre avec tous les représentants de la vie économique, industrielle, artisanale et sociale.
Les congrès se définissent comme un évènement organisé à l’initiative d’un ou plusieurs organismes scientifiques ou techniques sans but lucratif, avec en général une contribution des congressistes à forte valeur ajoutée pédagogique, dont l’objectif est la diffusion, l’échange de connaissances et la confrontation des expériences entre spécialistes, à fréquence généralement fixe.
Les évènements d’entreprises ou réunions d’entreprises sont organisés par ou pour une entreprise dans un but interne ou externe. Sont compris dans cette catégorie les évènements suivants : les séminaires, les colloques, les conférences, les conventions, les manifestations grand public corporate, les soirées festives, les vœux et arbres de Noël, les showrooms, etc..
Les spectacles-manifestations culturelles et sportives, examens-formations et évènements divers (ventes privées et enchères) n’entrent pas dans le segment « tourisme d’affaires » mais représentent une part non négligeable de l’activité des sites d’exposition franciliens.
Source : CCI d’Île-de-France, Tourisme d’affaires, Rencontres et évènements d’affaires à Paris Île‑de‑France, Édition 2021.
Même en excluant les évènements sportifs, culturels ou politiques, le secteur des évènements professionnels recouvre une grande diversité de manifestations se caractérisant par la réunion, traditionnellement physique, sur un même site d’un nombre substantiel de participants, intervenants, exposants, techniciens et visiteurs, raison pour laquelle ces activités ont été parmi les premières et les plus durablement concernées par les mesures de distanciation sociale prises par les responsables publics afin de ralentir la progression de la pandémie.
1. Un des secteurs économiques les plus sinistrés
a. Des acteurs particulièrement touchés par les fermetures et mesures préventives
Les rassemblements de plus de 5 000 personnes en lieu clos ont été interdits dès le 29 février 2020 ; ce seuil a été abaissé à 1 000 personnes le 9 mars, puis à 100, en lieux clos mais aussi ouverts, le 13 mars. Enfin, tous les établissements recevant du public (ERP) de catégorie L (salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles), N (restaurants et débits de boissons) et T (salles d’exposition), notamment, ont été fermés le 14 mars, trois jours avant que le confinement ne suspende toutes les activités économiques non jugées « essentielles ».
Ce confinement a été progressivement levé à partir du 11 mai, autorisant notamment les commerces à reprendre leurs activités ; mais les ERP de catégorie
L, N, P, T, CTS (chapiteaux, tentes et structures), etc. sont restés fermés jusqu’à la fin du mois, et au‑delà pour nombre d’entre eux : de juin au 10 juillet, les centres de congrès et les salles de spectacles ont pu rouvrir en « zones vertes » (à faible circulation du virus) sous réserve de remplir les exigences sanitaires (places assises, gestes barrières, jauge, etc.), puis sur l’ensemble du territoire métropolitain. En revanche, les ERP accueillant des expositions, foires-expositions ou salons à caractère temporaire sont restés fermés jusqu’au 31 août 2020.
Parallèlement, après le premier confinement, les rassemblements de plus de 10 personnes sont restés interdits jusqu’au 31 mai, et ceux de plus de 5 000 personnes jusqu’au 30 octobre 2020.
Hormis ces derniers, le préfet de département a été habilité à réglementer les rassemblements, ainsi que la réouverture des ERP, selon les circonstances locales. Mais les acteurs ont remonté aux rapporteurs les incertitudes qui ont marqué ces décisions, et parfois les retournements de situation aboutissant à l’annulation d’évènements initialement autorisés.
Même s’il fut moins strict (puisque la majorité des entreprises ont été autorisées à rester ouvertes) et a été progressivement allégé avec la mise en œuvre de consignes sanitaires rigoureuses permettant aux commerces « non essentiels » de rouvrir dès le 28 novembre, le deuxième confinement a refermé les ERP de types L, N et T et interdit les rassemblements importants entre le 30 octobre et le 15 décembre 2020. Ce fut encore le cas lorsque de nouveaux confinements ont été appliqués face à la troisième vague d’accélération de la contagion, d’abord dans certains territoires, entre fin février et mars 2021, enfin au niveau national entre le 3 avril et le 3 mai 2021.
À partir de mai 2021, la montée en puissance de la campagne de vaccination contre la covid-19 a permis au Gouvernement de mettre en place un calendrier de réouverture progressive, non seulement des commerces mais aussi des établissements recevant du public. Ainsi, le 19 mai, les terrasses des bars et restaurants ainsi que les parcs et festivals, entre autres, ont pu rouvrir avec des jauges de 35 à 50 % ; ces jauges ont été relevées le 9 juin, puis totalement levées le 30 juin 2021 dans les ERP – sous réserve des situations sanitaires locales.
Sauf décisions locales, notamment en outre-mer, la quatrième vague qui s’est développée en juillet et août 2021 n’a pas entraîné de nouvelles fermetures, l’instauration d’un pass sanitaire obligatoire à partir du 9 août permettant de laisser fonctionner les évènements culturels, de loisirs, festivals, salles de concert, etc. sans notion de jauge. Jusqu’à ce mois de janvier 2022…
b. Une quasi-absence d’activité pendant plus d’un an
Lorsque les évènements de plus de 5 000 personnes ont été interdits le 29 février 2020, ce ne sont pas seulement les grands salons qui ont été annulés mais également les petits évènements, les donneurs d’ordre craignant une annulation au dernier moment par le préfet chargé de leur autorisation. Tous les acteurs de la filière de l’événementiel professionnel ont ainsi été mis à l’arrêt total ou quasi‑total.
Cette situation a perduré jusqu’à la fin de l’année 2020 en raison des fermetures récurrentes et des incertitudes quant aux décisions des responsables publics, nationaux ou locaux, d’autant que les protocoles sanitaires ont tardé à être mis en place dans le secteur. Début janvier 2021, les acteurs de l’événementiel déploraient toujours le refus par les autorités de toutes les mesures sanitaires proposées par eux pour relancer leurs activités ([2]).
En 2021, les nouvelles fluctuations et la progressivité des reprises ont encore significativement réduit l’activité du secteur sur les six premiers mois.
Tous les territoires ont été touchés, mais particulièrement ceux qui ont connu les vagues les plus intenses de contamination et ceux qui attirent traditionnellement une importante clientèle internationale, empêchée par les fortes restrictions imposées aux mobilités transnationales depuis mars 2020 et qui continue à faire défaut même en période de reprise.
Par exemple, Promosalons et la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris-Île-de-France ont recensé 318 salons annulés ou digitalisés en
Île-de-France en 2020 (soit 71 % de ceux qui s’y tiennent habituellement), notamment tous les grands salons phares de la région (salon international des industries agroalimentaires – SIA –, Maison & Objet, Global Industrie, Viva Technology, Mondial de l’Automobile, salon nautique de Paris…) ;
à mi-2021, 154 salons « physiques » étaient à nouveau annulés (soit 35 % des évènements annuels, tels le Salon de l’aéronautique du Bourget, Maison & Objet, Intermat, le salon international de l’agriculture, Vinexpo & Wine Paris, le salon international de la machine agricole (SIMA), Première Vision, le salon du livre de Paris, la Foire de Paris, Japan Expo…) et 67 digitalisés.
Au niveau national, l’Union française des métiers de l’évènement (Unimev), la plus importante organisation représentative des acteurs de la filière, a évalué la perte de chiffres d’affaires (CA) découlant des mesures de fermeture des évènements et de leurs lieux d’accueil et des autres limitations sanitaires à 16,8 milliards d’euros (Md€) pour la seule année 2020.
Une grande entreprise francilienne d’organisation d’évènements comme Comexposium a dû être placée en procédure de sauvegarde en septembre 2020, après la perte de 80 % de son CA et l’annulation des évènements internationaux comme le SIA.
Parallèlement, les licenciements auraient progressé de 25 à 30 % dans la filière pendant la première phase de la crise faute d’aides soutenant les activités non directement frappées de fermeture (défaut qui fut heureusement corrigé à partir de l’automne 2020).
Tous les métiers de la chaine de valeur ont été concernés, non seulement les gestionnaires des sites événementiels fermés et les organisateurs des rencontres, mais aussi les prestataires de services aux évènements (installation générale, installation de moquette, fabrication de stands, décoration, fleurissement, sécurité, hôtessariat, restauration événementielle et traiteurs...), les designers d’espaces de rencontres et leurs installateurs, les chargés du montage, etc. Certains l’ont été plus radicalement que d’autres ; quelques-uns ont connu des périodes de reprise, comme les traiteurs qui pouvaient retravailler pendant l’été 2020 ; mais tous ont été fortement impactés, comme les exemples présentés dans le tableau ci-après le montre.
Les acteurs du secteur des mariages ont été tout autant paralysés. Ainsi l’Union des professionnels solidaires de l’événementiel (UPSE), qui représente les divers métiers de cette filière, confirme les impacts des mesures de protection successives : la fermeture des lieux de réception, les incertitudes sur l’évolution des règles, les couvre-feu qui interdisent les soirées dansantes, etc. ont entraîné le report ou l’annulation des mariages. « Sans les soirées dansantes, les mariages ne tiennent pas » : en mai et juin 2020, la haute saison, l’UPSE a estimé à seulement 15 % les mariages maintenus en dépit des couvre-feu à 21 heures voire 23 heures. Il n’y a eu un début de reprise qu’à partir d’août 2020. Mais les jauges ont également dissuadé nombre d’évènements : selon l’Union, sur des mariages qui comptent en moyenne 110 invités en France, la majorité des mariés acceptent de descendre jusqu’à 80 personnes mais pas en-deçà. La jauge fixée en septembre 2020 à 30 convives a donc entraîné l’arrêt de ces activités – en mai 2021, les jauges étant définies en fonction des mètres carrés des lieux de réception et de l’espace extérieur, les mariés ont pu s’arranger davantage. Les reports planifiés en septembre-octobre n’ont pu se tenir et les demandes d’annulation ont fortement augmenté. La nouvelle fermeture des lieux de réception a interdit toute relance de l’activité pendant les huit mois suivants. Ces lieux ont rouvert en mai 2021 mais le couvre-feu a continué à limiter les évènements jusqu’en juin. En outre, le calendrier de ces réouvertures n’a été connu que fin avril alors que les mariés ont besoin de faire leurs arbitrages au moins deux mois avant l’évènement. Les mariages prévus jusqu’en juillet ont donc été à nouveau reportés ou annulés, avec plus de tension qu’au début et de nombreuses demandes de remboursement des acomptes voire des procédures judiciaires. La reprise réelle n’a eu lieu qu’en juillet 2021.
Si les lieux de réception ont été en première ligne, tous les prestataires œuvrant sur les mariages ont subi les mêmes décalages ou annulations des rentrées de chiffres d’affaires.
Par ailleurs, la variabilité des règles a non seulement pesé sur les décisions des clients mais aussi entraîné des dépenses supplémentaires pour les prestataires, comme les loueurs de mobiliers ou les traiteurs qui ont préparé en amont des évènements annulés à la dernière minute…
Pour sa part, l’association Traiteurs de France, qui représente des entreprises assurant plus de 28 000 réceptions par an dans le B2B et environ 4 000 dans les mariages, a recensé l’annulation de plus de 23 000 réceptions et l’annulation ou le report de près de 3 500 mariages entre fin mars 2020 et fin juillet 2021.
Or, malgré l’ampleur des impacts des décisions administratives prises pour freiner la propagation de la covid-19, leurs entreprises n’étant pas directement fermées ni identifiées comme étroitement liées aux activités suspendues ou soumises à des restrictions, pendant plusieurs mois, la plupart des prestataires de ces filières n’ont pu bénéficier que des aides nationales de base.
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Quelques exemples :
Activités |
Entreprises ou associations de professionnels citées |
Pertes globales en CA ou en activités depuis le début de la crise |
Pertes par périodes en 2020 |
Pertes par périodes en 2021 |
Exploitants de sites accueillant des évènements professionnels et grand public |
La Clé : association de 77 gestionnaires de 230 sites de séminaires et d’évènements |
Non communiquées (nc) |
Confinement de mi-mars au 11 mai 2020 : 100 % de perte de CA Couvre-feu et jauges limitées jusqu’au 29 octobre 2020 : - 80 % Fermeture administrative jusqu’au 30 mars 2021 : - 90 % (les 10 % restants étant liés à l’activité de studio télé) |
Couvre-feu et jauges limitées d’avril au 30 juin 2021 : - 80 % de CA Sachant que les mois de juillet et août sont traditionnellement creux |
Viparis : réunit 8 sociétés qui exploitent 9 sites franciliens 350 employés Environ 1 000 évènements par an et près de 10 millions de visiteurs CA de 310 M€ en moyenne sur une année normale |
A perdu en 2020 et 2021 plus de 75 % de son EBITDA par rapport à celui de 2019 |
Les pertes sur les deux années sont plus ou moins équivalentes |
- |
|
Nordev : gestionnaire du parc des expositions et du centre de congrès de La Réunion, par ailleurs organisateur d’évènements, manifestations, foires et salons CA de 2019 supérieur à 6 M€ |
nc |
CA réduit à un peu plus de 1 M€, soit une perte de 83 % |
Au 31 septembre 2021, CA de 1,1 M€ et prévisionnel de 3 M€ |
|
Organisateurs de congrès, conventions, salons, expositions et autres évènements et manifestations |
GL Events : ETI leader sur son marché en France et à l’international, l’entreprise assure 3 métiers : la gestion d’espaces événementiels, l’organisation de salons et l’ingénierie événementielle, couvrant toute la chaîne de valeur 50 sites de gestion, dont 34 en France, dans 13 villes, totalisant en 2019 près de 8 millions de visiteurs pour les 2 900 évènements qui y ont été accueillis ou organisés 300 salons, dont 200 en France En 2019, son activité a représenté 1 773 M€, dont 848 M€ de CA en France. Chaque année, son activité française : • mobilise plus de 5 000 fournisseurs et prestataires, • emploie directement 2 900 personnes, • et sous-traite 150 M€ à des PME/TPE, représentant près de 3 000 emplois indirects |
nc |
Impacté dès janvier 2020 Arrêt total et prolongé des activités - 70 % en moyenne sur les activités en France de mars à décembre 2020 par rapport aux résultats de 2019 - 466 M€ sur 2020 par rapport à 2019 en France pour les seules activités interdites et fermées administrativement |
Sur le premier semestre 2021, - 347 M€ de pertes par rapport à la même période en 2019 |
Agences événementielles |
YE Agence de Toulouse : essentiellement sur le marché B2B |
- 40 % d’activité « en prenant des risques financiers pour se réinventer » |
nc |
nc |
Secteurs du mariage : métiers très divers, des organisateurs aux fleuristes |
Au total 55 000 entreprises spécialisées et 3,5 Md€ de CA pour une activité marquée par une forte saisonnalité 230 000 mariages par an en moyenne Sondage de l’UPSE : - 25 % des entreprises réalisaient plus de 200 000 € de CA annuel avant la crise - 40 % se situaient entre 33 000 et 200 000 € - 35 % atteignaient moins de 32 000 € (microentreprises) |
nc |
De mars à décembre 2020, pertes de 80 % du CA 55 % d’entre elles ont réalisé un CA inférieur à 32 000 € |
Depuis le début de l’année 2021, les entreprises sondées ont cumulé des pertes de 35 à 100 % du CA Le manque à gagner est : - supérieur à 75 % pour 15 % d’entre elles ; - entre 50 et 75 % pour 36,5 % ; - entre 25 et 50 % pour 38,5 % ; - et inférieur à 25 % pour 10 % |
Traiteurs de l’événementiel |
Traiteurs de France : association représentant 37 entreprises organisateurs de réception haut de gamme, employant plus de 1 500 salariés et générant un CA de 204 M€ annuels, avec plus de 32 000 réceptions par an |
De fin mars 2020 à fin juillet 2021, - 30 M€ de pertes sur les mariages et – 240 M€ au total, soit plus d’un an du CA du réseau Entre - 55 et - 95 % de pertes par mois |
nc |
Les résultats du premier semestre 2021 sont estimés à seulement 36 % du CA de 2019 à la même période |
Prestataires dans la location clé en main de structures et dômes et de mobilier |
PSB Lounge : essentiellement sur le marché B2B Assure aussi la sonorisation, l’éclairage et la vidéo des évènements |
Au global depuis le début de la crise, les pertes représentent environ les 2/3 de leurs CA |
- 60 % sur l’ensemble de l’année 2020 - 67,50 % de mars à décembre 2020 |
- 70 % sur les 8 premiers mois |
Organisations représentant différentes professions |
Unimev : compte environ 400 entreprises membres, dans toutes les spécialités, soit 90 % du marché de l’événementiel professionnel en France : - organisation d’évènements - gestion de lieux d’accueil événementiel - prestations de services destinés à la production événementielle (stands et espaces d’exposition, accueil et hospitalité, data et services informatiques, sécurité, sûreté, assurance, logistique, etc.) |
nc |
A estimé les pertes de l’ensemble du secteur à - 16,8 Md€ pour la seule année 2020 |
nc |
Event 31 : réunit 200 entreprises dans l’agglomération toulousaine, qui représentent 3 000 emplois directs, 6 000 emplois indirects (intérim, intermittents, extras…) et plus de 500 M€ de CA direct |
Au global depuis le début de la crise, constate une perte de CA de 60 % en moyenne |
Sur 2020 : - 70 % De mars à décembre 2020 : - 90 % Suppression de 30 % des 3 000 emplois locaux |
Sur le premier semestre 2021 - 50 % Depuis l’été 2021, reprise très forte pour les traiteurs et les agences ; lente pour les centres de congrès et les prestataires techniques |
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Lille Events Sur la seule métropole, un peu plus de 3 000 emplois directs |
nc |
Selon son enquête, pertes de CA de plus de 200 M€ sur les premiers mois |
nc |
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Organisations représentant les prestataires techniques de l’audiovisuel, du spectacle et de l’évènement |
Synpase : ces métiers représentent un millier d’entreprises, cumulant 1,2 Md€ de CA consolidé en 2019 25 000 emplois pour ses seuls 350 adhérents |
nc |
Selon une enquête menée auprès de 150 entreprises, sur une base de CA consolidé de branche de 1,2 Md€ en 2019, la perte de CA en 2020 a été de 62 % (soit 450 M€ de CA) |
…et sera en 2021 de 48 % (soit 630 M€ de CA) |
Forains de La Réunion |
Collectif des évènements culturels et festifs (CECF) : 90 entreprises avec en moyenne 3 à 4 emplois en CDI par entreprise Activité principalement estivale |
nc |
Sur l’ensemble de l’année 2020, perte d’activité de près de 90 % |
Également pour l’année 2021, les restrictions persistant. Les espoirs de reprise en octobre ont été bridés par l’annulation de 3 des 4 manifestations prévues |
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2. Des activités événementielles mal identifiées par l’État les premiers mois
Les spécificités du secteur événementiel ne sont pas ignorées : un contrat de filière « Rencontres d’affaires et événementiel » a été signé en 2016 par l’Unimev avec le ministère de l’économie, des finances et de la relance et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ; et la convention collective SYNTEC comporte un chapitre « Évènement ».
Mais les débuts de la crise ont montré la méconnaissance par les pouvoirs publics de l’étendue de la chaîne de valeur et de l’intensité de l’interdépendance économique de ses divers prestataires, ce qui a eu un impact important sur le niveau des aides que les acteurs de la filière ont reçues de l’État.
Ainsi, si les entreprises subissant une interdiction d’accueillir du public (à savoir les gestionnaires des sites réceptifs fermés, les organisateurs d’évènements et les traiteurs) ont pu bénéficier, au-delà du premier confinement, du maintien des aides du Fonds de solidarité et du renforcement d’autres dispositifs (de prise en charge du chômage partiel, etc.), les autres acteurs de la filière n’ont eu longtemps accès qu’aux soutiens de droit commun – qui avaient le mérite d’exister mais n’étaient pas à la hauteur de la réalité des répercussions des décisions administratives.
a. Les omissions des listes S1 et S1 bis ; l’inadaptation des codes APE/NAF
Le fonds de solidarité créé fin mars 2020 ([3]) ne se référait à l’origine qu’aux entreprises (de dix salariés au plus) faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou subissant une perte de chiffre d’affaires (CA) d’au moins 50 % durant la période du confinement. Toutes les PME et TPE concernées, quel que soit leur secteur, ont pu ainsi prétendre à la prise en charge par l’État de 50 % du manque à gagner dans la limite de 1 500 euros.
Mais, au-delà du premier confinement, le dispositif a recentré ses aides sur les activités encore fermées administrativement (que certains qualifient de secteurs 2, une fermeture imposée aux établissements suffisant à les désigner) ou soumises à des restrictions (les secteurs 1, inscrits sur la liste dite S1) et celles qui officient dans les secteurs dépendants des activités listées en S1 (liste S1 bis). Ces deux dernières catégories, qualifiées de « protégées », sont recensées limitativement ([4]).
Jusqu’en juin 2020 toutes les entreprises de 10 salariés au plus pouvaient encore percevoir une compensation mensuelle à hauteur de 1 500 € en cas de perte d’au moins 50 % de CA ; mais de juillet à août 2020, les entreprises non fermées par décision administrative ni inscrites sur les listes S1 et S1 bis ne pouvaient plus prétendre aux aides du fonds de solidarité, indépendamment de leur activité réelle. Ce n’est qu’en septembre que les entreprises situées dans les zones de couvre-feu et ayant perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires sont redevenues éligibles au soutien des 1 500 €. Puis à partir de novembre, la limitation aux zones soumises à couvre-feu a été levée ; et jusqu’en juin 2021 toute entreprise subissant un recul d’au moins la moitié de son CA antérieur pouvait au minimum prétendre à l’aide de base du fonds de solidarité, plafonnée à 1 500 €.
À l’inverse, les entreprises inscrites sur les listes S1 et S1 bis ont bénéficié non seulement du maintien de ces subventions mais aussi de leur renforcement progressif. Une sous-catégorie a été ajoutée pendant l’été 2020 : les entreprises relevant de la liste S1, les plus impactées, dont celles identifiées comme appartenant au secteur événementiel, pouvaient bénéficier d’une aide complémentaire (dite « volet 2 » du fonds de solidarité). Par ailleurs, le seuil a été porté à vingt salariés puis à cinquante à compter de novembre 2020 ; le reconfinement de novembre a aussi été accompagné d’une revalorisation importante de ces aides, qui pouvaient monter jusqu’à 10 000 € pour couvrir la perte de CA (ou 50 puis 80 % de cette perte pour les activités des secteurs 1 bis).
L’appartenance à l’une ou l’autre de ces catégories déterminait donc (et détermine toujours) l’éligibilité aux aides renforcées du fonds de solidarité, ainsi que leur niveau.
En outre, l’inscription sur les listes S1 et S1 bis module aussi l’accès à d’autres dispositifs de soutien : ainsi, à partir de novembre 2020, les secteurs les plus exposés de la liste S1, dont l’événementiel, ont bénéficié d’une prise en charge à 100 % de l’indemnité versée à leurs personnels en chômage partiel. Leurs cotisations patronales n’ont pas seulement été reportées mais pour partie exonérées. Et le crédit d’impôt, créé par la loi de finances pour 2021 afin d’inciter leurs bailleurs à renoncer à au moins un mois de loyer, visait les entreprises (de moins de 250 salariés) fermées administrativement ou appartenant aux secteurs de la liste S1.
Les nouveaux renforcements des aides accordés à partir de janvier 2021 se sont également souvent fondés sur ces inscriptions : tels l’introduction dans le fonds de solidarité d’une option entre l’indemnisation forfaitaire des pertes de CA (d’un montant maximal de 10 000 €) et une aide représentant 20 % du CA mensuel (dès que les entreprises en ont perdu au moins 50 %, ou 70 % si elles ne sont pas fermées mais relèvent des listes S1 et S1 bis, etc.), le complément d’aide pour les coûts fixes en faveur des entreprises fermées ou des secteurs 1 et 1 bis dont le CA est habituellement supérieur à 1 M€, le maintien des exonérations et des aides au paiement des cotisations sociales, etc.
Enfin, les entreprises de l’événementiel, au même titre que celles travaillant dans le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, le sport, les loisirs ou la culture, ont pu solliciter un prêt garanti par l’État (PGE) adapté, dit PGE « Saison », où le plafond du prêt n’est plus le CA de l’année mais est la somme des trois meilleurs mois de CA du dernier exercice clos. Sans être lié aux listes S1 et S1 bis, ce dispositif reposait encore sur une identification catégorielle des candidats à ces soutiens.
Or, non seulement ces listes ont soulevé diverses critiques, mais leur interprétation a également créé des difficultés ([5]).
En premier lieu, leur caractère limitatif vise à encadrer les charges pour l’État, mais ne permettait pas de couvrir toutes les situations justifiant un soutien. Plusieurs activités ont été omises, les premiers mois de la crise, malgré une situation économique fortement ébranlée, comme ce fut le cas de presque tous les prestataires de l’événementiel puisque, de l’écosystème événementiel, seuls les « organisateurs de foires, évènements publics ou privés, salons ou séminaires professionnels, congrès » et les « traiteurs » ont été retenus dans la liste S1, ainsi que les « prestataires et loueurs de chapiteaux, tentes, structures, sonorisation, photographie, lumière et pyrotechnie » en S1 bis.
Par ailleurs, le rattachement des activités à l’une ou l’autre des deux listes emporte des conditions et un niveau d’aide différents, alors que la gravité des impacts respectifs peut être similaire, voire plus importante en S1 bis qu’en S1.
De même, le choix de la catégorie S1 à laquelle certaines catégories de la liste S1 bis doivent démontrer une dépendance à au moins 50 % de leur CA a été contesté quand il ne tient pas compte des autres secteurs 1 avec lesquels l’entreprise en S1 bis faisait également affaires… De fait, ces listes ont fait l’objet de plusieurs ajustements à partir de fin septembre 2020 (cf. le b suivant).
En second lieu, démontrer le rattachement à une activité S1 ou le lien de dépendance à cette activité s’est avéré parfois complexe pour les acteurs comme pour les services instruisant les demandes.
Une des premières raisons de ces difficultés est l’inadéquation des codes APE ou NAF utilisés pour identifier en pratique les activités des secteurs 1 et 1 bis.
La nomenclature d’activités françaises (NAF) de l’INSEE ou les codes APE (pour « activité principale exercée ») sont des catégories utilisées par les statisticiens pour délimiter les différents secteurs de l’économie. Pour déterminer l’éligibilité aux aides du fonds de solidarité, les services de l’État (DIRRECTE, DGFiP, etc.) se sont fondés sur les listes de codes transmises par la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, en lien avec le cabinet du ministre chargé des PME (cf. en annexe la liste des codes retenus).
Mais plusieurs professionnels et entreprises se disent mal identifiés par ces nomenclatures : le classement initial n’est pas aisé quand l’entreprise ou le travailleur indépendant mène plusieurs activités ; il n’est pas automatiquement corrigé quand l’activité de l’entreprise a évolué, observe Event 31 ; et les spécificités de certains métiers sont encore mal prises en compte par les codes, tels les forains comme le signale le CECF de La Réunion, ou, à l’inverse, donnent lieu à plusieurs codes pour un même métier (l’activité de photographe, par exemple, est décomposée en 6 codes APE), entre lesquels il est difficile de choisir.
Auditionnée par la mission d’information, la direction régionale des finances publiques de Toulouse-Occitanie (DRFiP 31) a en effet observé que les codes d’identification APE ne représentent pas toujours la réalité des activités. Jusqu’alors, de fait, le code APE n’était pas jugé primordial au moment de la création de l’entreprise auprès du centre de formalité des entreprises. Or, dans le cadre du traitement des demandes de soutien du fonds de solidarité (et ultérieurement de l’aide pour les coûts fixes), l’utilisation du code APE peut valider automatiquement une demande d’aide. La DRFiP 31 s’est activement attachée à corriger les insuffisances du système dans le traitement de ses dossiers.
Ainsi, les dossiers qui arrivaient en contrôles manuels faisaient l’objet d’une instruction au regard de l’activité réelle : non seulement les services de la DGFiP s’appuyaient généralement sur le détail des activités, qui accompagne le code attribué lors de la création, dans leur gestion classique des professionnels, mais pour la mise en œuvre des aides de crise, les équipes ont mené des recherches complémentaires (dans les applications de la DGFiP et sur internet) ; en cas de doute, il était demandé à la société de justifier de son secteur d’activité.
Les instructions données aux services de la DGFiP étaient de ne prononcer aucun rejet pour un code APE incorrect, sauf si l’activité de la société n’avait pas été justifiée. Aussi, à l’occasion de l’instruction d’un dossier ou d’une démarche de l’entreprise, les services ont-ils généralement demandé des pièces justificatives démontrant que l’entreprise exerçait bien une activité relevant de l’événementiel (par exemple : factures de 2019, devis pour 2020 et 2021, contrats).
La direction a également observé les difficultés posées par les cas de secteurs d’activité multiples. Dans cette situation, il s’agissait d’établir le secteur d’activité principal de l’entreprise avec au moins 50 % du chiffre d’affaires dans le domaine de l’événementiel. Des pièces justificatives étaient là encore demandées pour prouver que la majeure partie du chiffre d’affaires concernait l’événementiel. Mais il pouvait être demandé également un document établi par un expert‑comptable, tiers de confiance, attestant que l’entreprise remplissait les conditions validant un secteur d’activité principal dans le domaine de l’événementiel.
Mme Corinne Vignon, corapporteure de la mission d’information, a pu constater à maintes reprises le travail fouillé de la DRFiP 31 en dépit d’un afflux massif de sollicitations et tient à saluer le grand professionnalisme de ses équipes. Toutefois, les acteurs économiques n’ont pas toujours bénéficié d’un traitement aussi poussé sur l’ensemble du territoire national.
Et il reste que de nombreuses activités du secteur événementiel (et leurs codes APE/NAF) ont tardé à être reconnues par les listes S1 et S1 bis.
b. D’où un accès tardif aux aides nationales renforcées
Il a fallu attendre le décret n° 2020-1200 du 30 septembre 2020 ([6]) pour qu’une première quinzaine de nouveaux codes APE relevant (mais pas exclusivement) de la chaîne de valeur de l’événementiel soit rattachée aux secteurs 1 bis ; mais il en manquait encore une soixantaine, selon l’analyse de l’UPSE, alors que la majorité des entreprises du secteur ne percevaient plus d’aide du fonds de solidarité pour la période de mi-mai à septembre 2020, ou seulement des aides plafonnées à 1 500 €, sans qu’elles aient pu reprendre une activité normale, voire pas d’activité du tout en raison de la fermeture prolongée des sites réceptifs et de la suspension d’un grand nombre d’évènements.
Les listes ne se sont significativement élargies qu’avec le décret n° 2020‑1328 du 2 novembre 2020 ([7]).
Évolution de la prise en compte des activités liées à l’événementiel par les listes S1 et S1 bis depuis novembre 2020
Avec le décret du 2 novembre 2020, la catégorie « Prestation et location de chapiteaux, tentes, structures, sonorisation, photographie, lumière et pyrotechnie » est alors passée de la liste S1 bis à la liste S1 ; et une grande partie des codes APE manquants ont été intégrés aux listes des activités éligibles au fonds de solidarité, avec les catégories :
– Activités de sécurité privée ;
– Location et exploitation d’immeubles non résidentiels de réception ;
– Fabrication de vêtements de cérémonie, d’accessoires de ganterie et de chapellerie et de costumes pour les grands évènements ;
– Entreprises artisanales réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires par la vente de leurs produits ou services sur les foires et salons ;
– Métiers graphiques, métiers d’édition spécifique, de communication et de conception de stands et d’espaces éphémères réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Prestation de services spécialisés dans l’aménagement et l’agencement des stands et lieux lorsque au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de la production de spectacles, l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Activités immobilières, lorsque au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Entreprises de transport réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Entreprises du numérique réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Fêtes foraines (S1).
Puis, de nouvelles catégories ont été encore ajoutées par le décret n° 2021-129 du 8 février 2021 :
– Fabrication et distribution de matériels scéniques, audiovisuels et événementiels » (S1) ;
– Commerce des vêtements de cérémonie, d’accessoires de ganterie et de chapellerie et de costumes pour les grands évènements ;
– Fabrication de produits alimentaires lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises des secteurs de l’événementiel, de l’hôtellerie ou de la restauration ;
– Prestations d’accueil lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel ;
– Prestataires d’organisation de mariage lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel ou de la restauration ;
– Location de vaisselle lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’organisation de foires, d’évènements publics ou privés, de salons ou séminaires professionnels ou de congrès ;
– Activités des agences de presse lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Activités des agences de presse lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Entreprises de conseil spécialisées lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Commerce de gros (commerce interentreprises) de matériel électrique lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Activités des agents et courtiers d’assurance lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Conseils pour les affaires et autres conseils de gestion lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Études de marchés et sondages lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises de l’événementiel, du tourisme, du sport ou de la culture ;
– Activités des agences de placement de main-d’œuvre lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, de l’hôtellerie ou de la restauration ;
– Activités des agences de travail temporaire lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, de l’hôtellerie ou de la restauration ;
– Autres mises à disposition de ressources humaines lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de l’événementiel, de l’hôtellerie ou de la restauration.
Le recensement des activités liées à l’événementiel professionnel et aux mariages est désormais très poussé.
Néanmoins l’UPSE signale encore quelques manques ou difficultés, tel le commerce de dragées qui serait toujours bloqué par son code APE, ou les créateurs de robes de mariée rattachés aux métiers d’art et non à l’événementiel, qui ne sont alors pas pris en compte dans la liste des secteurs les plus impactés.
Proposition n° 1 : Ajouter à la liste S1 bis une catégorie « balai » d’activités réalisant au moins 50 % de leur chiffre d’affaires total avec des entreprises de différents secteurs inscrits en S1.
c. Même si la réactivité de l’État a été largement saluée
De même que devant les groupes de suivi mis en place par la commission des affaires économiques pendant les deux premiers confinements, tous les professionnels et entreprises auditionnés par la présente mission d’information ont tenu à souligner la réactivité de l’État.
L’organisation Lille Events, par exemple, a dit toute sa reconnaissance pour l’accompagnement dévoué des services déconcentrés de Lille, notamment de la DIRRECTE.
Comme cela a été dit précédemment, Mme Corine Vignon, corapporteure, a pu elle-même mesurer la disponibilité et l’efficacité de la DRFiP 31 depuis le début de la pandémie.
Celle-ci a notamment su mettre en place une organisation ad hoc pour pouvoir répondre autant à l’urgence et à la durée de la crise qu’à l’afflux massif des demandes d’aides.
En s’appuyant sur le réseau dense des services des impôts, elle a pu, en premier lieu, offrir un contact de proximité et un interlocuteur privilégié pour expliquer et accompagner les entreprises dans la connaissance des dispositifs d’aide et la réalisation des démarches sur le site impots.gouv.fr.
Par ailleurs, la direction départementale a constitué une équipe spécifique pour prendre en charge l’instruction des demandes rejetées lors du contrôle automatique des formulaires mis en place par la DGFiP (cf. partie I.B.3). En cas de difficulté dans la démarche de demande d’aide, la cellule départementale analyse le dossier pour éclairer l’entreprise, prendre en charge directement sa demande et débloquer la situation, ou, le cas échéant, alerter les services de la direction générale des entreprises (DGE).
L’équipe était en contact avec les entreprises concernées, mais a également pu prendre en charge les demandes des partenaires des entreprises (chambres consulaires, experts-comptables...). Placée sous la responsabilité d’un cadre supérieur pour faciliter le pilotage et la communication vers les différents partenaires économiques et institutionnels dans le département, cette équipe a été constituée d’agents volontaires et formés spécifiquement pour ces missions d’instruction (jusqu’à 17 agents au plus fort de l’activité). Sur la seule Haute‑Garonne, 239 443 dossiers de demandes d’aide ont été traités (à mi‑novembre 2021) pour 48 137 entreprises. Si l’on considère qu’environ 30 % de ces demandes ont été rejetées pour un examen complémentaire (du fait d’incohérences ou d’inexactitudes dans les demandes formulées), la cellule départementale a pris en charge directement près de 70 000 dossiers en un an et demi.
Il faut également évoquer les services déconcentrés en charge du contrôle fiscal, qui sont par ailleurs chargés des contrôles a posteriori et assurent le recouvrement des indus.
B. Des acteurs déterminés à survivre
1. Une forte volonté d’adaptation mais qui ne peut suffire
Nombre des acteurs auditionnés ont témoigné de leur volonté de poursuivre leur activité en dépit des obstacles et des contraintes, travaillant activement sur les protocoles sanitaires qui sécurisent participants comme travailleurs, « imaginant de nouveaux modèles de réception » (Traiteurs de France), cherchant de nouveaux débouchés, comme un standiste qui a proposé de fabriquer des bornes pour distribuer les gels désinfectants ou YE Agence qui a dû se « réinventer, notamment avec le développement d’un pôle création graphique et de site interne »,… ou développant une offre virtuelle.
Longtemps inéligible au fonds de solidarité en raison de sa taille, l’entreprise GL Events s’est attachée à survivre en réalisant des économies d’échelle drastiques mais aussi en s’efforçant de trouver de nouvelles pistes de développement grâce à la digitalisation.
L’association des gestionnaires de sites de séminaires et d’évènements La Clé indique que « 65 % des sites événementiels se sont adaptés et ont déployé des solutions 100 % digitales (type studio télé) pour accompagner les clients ». Sur Paris et l’Île-de-France notamment, 67 des 154 salons annulés en 2021 ont été transposés en version digitale.
Une étude d’Unimev sur les solutions numériques montre que « la transformation digitale de nombreux évènements a permis le maintien de rendez‑vous professionnels : cette ambition d’un meilleur ciblage et la virtualisation d’une partie de l’offre est positive ».
La CCI d’Île-de-France souligne que « les alternatives digitales ont permis aux organisateurs de maintenir un contact avec leurs clients pendant les confinements successifs ». En outre, cette mutation est source d’une nouvelle croissance après la crise : « Si la plupart des acteurs s’accordent sur le caractère indispensable des salons en présentiel, le format phygital s’impose déjà depuis la mi-juin [2021] comme le support idéal pour capter une clientèle qui ne serait pas venue sur le salon physique ».
Toutefois, ces reconversions et ces nouveaux formats représentent aussi un risque financier car ils supposent des investissements, parfois significatifs, dans un contexte où les rentrées d’argent se font rares.
Les nouveaux formats ont notamment obligé les sites d’exposition à s’équiper en conséquence. Pour autant, selon les observateurs, même les plus motivés, l’offre « full digital » ne serait pas un modèle économique rentable pour les gestionnaires des sites, surtout ceux de grande capacité, d’autant plus que certains de leurs clients ou d’autres acteurs événementiels (agences et prestataires technique) ont monté leur propre studio télé. Les visiteurs virtuels restent en effet moins longtemps et dépensent moins et le retour sur investissement des participants est aussi plus limité.
En outre, ces premières expériences digitales ont montré les limites de l’exercice, au-delà d’un certain manque de contenu pouvant être imputé aux tâtonnements des débuts : les problèmes techniques, le manque d’échanges et d’interactions avec les intervenants et les participants, le manque de concentration et la saturation après plusieurs heures devant un écran…
Les solutions numériques ont ainsi offert une alternative utile en temps de fermeture et de restrictions administratives ; elles ouvrent les évènements professionnels à de nouveaux clients, peuvent être des outils complémentaires aux manifestions physiques, mais elles ne sont pas LA solution de survie de la filière événementiel.
D’autant qu’elles laissent de côté tous les prestataires des services « physiques » et ne sont, en tout état de cause, pas transposables à tous les évènements : les mariages, évidemment, mais aussi les salons et les foires où les visiteurs viennent admirer, toucher, goûter les produits exposés ne s’y prêtent pas.
Et même quand ils ont pu être organisés, ces évènements virtuels sont loin de couvrir l’ampleur des pertes de CA.
2. Des aides publiques vitales et substantielles
Le présent rapport n’évoquera pas le détail des dispositifs d’aide mis en place par le Gouvernement depuis le début de la crise sanitaire. Les cas de figure sont multiples et les régimes ont connu de nombreuses évolutions. Pour les règles actuelles, on peut consulter le site public : www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises. Pour suivre leurs principales mutations, il est également intéressant de se reporter aux différents rapports produits par les groupes de suivi mis en place par la commission des affaires économiques pendant les deux premiers confinements ([8]).
On rappellera toutefois que :
– pour protéger les emplois et les entreprises en allégeant les charges de personnel, un régime exceptionnel d’activité partielle a été proposé à toutes les entreprises, dès le 23 mars 2020. Il assure une prise en charge large (parfois totale) de l’indemnité d’activité partielle versée par les entreprises à leurs salariés mis en inactivité ; et que le 1er juillet 2020 a été mis en place un nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) pour les sociétés durablement arrêtées ;
– ces dispositifs ont été complétés par l’octroi de délais de paiement ou d’exonération d’échéances sociales et fiscales ;
– un fonds national de solidarité a par ailleurs été créé pour soutenir directement les plus fragiles – les TPE et PME, avec un seuil fixé d’abord à 10 salariés, puis 20 avant d’être porté à 50 en novembre 2020 –, dans le règlement de leurs charges résiduelles. Ce fonds a été prolongé, revalorisé et élargi au fil des mois à partir du second confinement. La compensation forfaitaire a non seulement été fortement augmentée, à 10 000 €, pour les activités éligibles, mais ces entreprises ont pu préférer, à compter de décembre 2020-janvier 2021, une indemnisation à hauteur de 15 à 20 % de leur CA mensuel de 2019. Se sont ultérieurement rajoutées une aide dite des coûts fixes, une aide à la reprise des fonds de commerce, une aide pour les stocks et, fin 2021, une aide aux loyers et charges locatives.
Notons toutefois que ces dispositifs ont continué à être adaptés en 2021 en fonction de l’évolution des restrictions sanitaires, pour être mis en extinction entre octobre et décembre derniers – à part pour les entreprises des départements soumis à couvre-feu ou confinement ou fermées administrativement et hors l’aide aux coûts fixes qui a été redéfinie fin 2021 en une aide « coûts fixes rebond » (et une aide « nouvelle entreprise rebond » pour les entreprises créées depuis 2019) ;
– l’allègement des charges pouvait aussi passer par une annulation des loyers immobiliers grâce au levier du nouveau crédit d’impôt proposé aux bailleurs ;
– enfin, pour apporter des liquidités immédiates, et leur permettre de faire face aux diverses échéances, voire de financer les investissements nécessaires à la relance de leurs activités, un crédit de trésorerie, le prêt garanti par l’État (PGE), a été proposé, à des conditions (en principe) préférentielles, à toutes les entreprises qui en font la demande.
Par ailleurs, lors du premier confinement, le Gouvernement avait demandé aux banques de reporter automatiquement les mensualités bancaires ; les négociations sont ensuite restées à l’appréciation des établissements financiers.
Tous les acteurs de l’événementiel ont eu accès à ces dispositifs – sous conditions de taille et de niveau de pertes, toutefois, s’agissant des soutiens du fonds de solidarité –, mais ont aussi bénéficié, par leur appartenance à la filière événementielle, de certains de leurs renforcements, telles la prise en charge à 100 % de l’indemnisation de l’activité partielle et les aides améliorées du fonds de solidarité quand ils étaient éligibles (cf. supra).
Ils ont pu également recevoir des aides locales, même si, moins connues, elles ont été moins sollicitées. Par exemple, Bordeaux Métropole a choisi de compléter les aides nationales en offrant aux entreprises faisant l’objet d’une fermeture administrative une aide à la trésorerie ainsi qu’une aide au paiement des loyers sur la période du dernier trimestre 2020 au second trimestre 2021 ; les dossiers étaient traités par la CCI de Bordeaux-Gironde et la Chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale de Gironde (CMA1 33). ([9])
À La Réunion, la Nordev a bénéficié d’une avance en compte courant de la communauté d’agglomération (CINOR) et de la ville de Saint-Denis ; elle a par ailleurs obtenu de la CINOR une exonération partielle de la redevance attachée à sa délégation de service public relative à l’exploitation du parc des expositions et des congrès de Saint–Denis.
De l’aveu des entreprises auditionnées, ces diverses aides ont été vitales, et elles remercient l’État de les avoir mises en place « quoi qu’il en coûte ».
Le chômage partiel a été particulièrement plébiscité. En évitant les licenciements, il a également permis aux entreprises de conserver les compétences spécifiques nécessaires à leurs activités. On verra dans la dernière partie du rapport que c’est devenu un enjeu crucial pour leur relance. Malgré ce soutien, l’inactivité se prolongeant, une partie de ces personnels sont allés chercher du travail ailleurs, ce qui pose aujourd’hui d’importants problèmes à la filière.
YE Agence, Les Traiteurs de France, La Clé et bien d’autres n’hésitent pas à dire que ces soutiens massifs ont sauvé leurs entreprises.
Rappelant que la grande majorité des entreprises du secteur des mariages sont des TPE et PME, qui ne disposent en temps ordinaires que de 3 à 6 mois de trésorerie, l’UPSE considère qu’elles n’auraient pas survécu sans le fonds de solidarité. Selon son sondage, ses aides auront représenté plus de 50 % de leur « revenu global » du premier semestre 2021 pour 33 % d’entre elles et entre 25 et 50 % pour 35 %.
Event 31 observe que l’élargissement du fonds de solidarité à partir de novembre 2020 a clairement mis un point d’arrêt aux défaillances d’entreprises dans la filière événementielle.
Le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance chargé des PME a précisé à la mission d’information que, depuis 2020 et jusqu’à la fin 2021, l’État se sera engagé sur 1,7 Md€ de PGE accordés aux entreprises du secteur et aura mobilisé environ 2 Md€ de subventions directes en leur faveur :
– 1 Md€ au titre de l’activité partielle ;
– 900 M€ du fonds de solidarité (dont 700 M€ versés aux gestionnaires des sites réceptifs) ;
– et environ 100 M€ versés aux ETI avec l’aide « coûts fixes » qui leur a été accordée depuis mars 2021.
3. Mais non exemptes de critiques
a. Entre difficultés pratiques
Selon un sondage réalisé par la CCI de Bordeaux-Gironde en septembre 2021, 26 % des professionnels ayant répondu déclarent avoir eu des difficultés à accéder aux aides. Parmi les principales raisons évoquées, on retrouve la lourdeur et la complexité des dossiers à compléter, une immatriculation récente ou la fragilité de l’entreprise, la méconnaissance de certains dispositifs, etc.
Plusieurs acteurs auditionnés ont en effet souligné la complexité des dispositifs d’aide, malgré la mise en place d’outils informatiques et de pages internet d’explication par les ministères compétents, et malgré les relais de nombreux partenaires, comme les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat, les syndicats professionnels...
De fait, ces dispositifs ont été prolongés et modifiés au gré des aléas de la pandémie et du pilotage des réponses publiques : « chaque mois un nouveau décret » (plus de 40 sur le fonds de solidarité ou les dispositifs de coûts fixes).
Par ailleurs, la volonté d’adapter toujours plus les régimes à la variété des situations s’est payée par une forte différenciation des règles, plus très lisibles. « Même les comptables étaient perdus ».
Enfin, les dossiers de demande avec leurs divers justificatifs apparaissent compliqués à établir pour les petites entreprises, en particulier pour les micro‑entreprises qui n’ont ni bilan comptable, ni expert-comptable. Certains auditionnés ont regretté le manque d’assistance.
Plusieurs ont également témoigné de difficultés à obtenir un contact dans les services de l’État pour répondre à leurs questions, puis de leur méconnaissance des différents secteurs d’activité de la filière événementielle (cf. partie I.A.2.a).
Parmi les autres difficultés citées, les professionnels ont évoqué :
– l’engorgement du serveur sur lequel ils doivent formuler leur demande d’aide ;
– des délais de traitement des demandes parfois très longs, conséquences notamment des filtres informatiques qui rejettent automatiquement de nombreux dossiers, obligeant les services locaux à les résoudre « manuellement », avec un effet de masse qui allonge les temps d’instruction. Certains acteurs soulignent que ces contrôles réalisés a priori plutôt qu’a posteriori ont provoqué d’importants blocages, notamment en janvier 2021 après que la levée du critère de taille a démultiplié les candidats au fonds de solidarité.
La DRFiP 31 explique qu’en effet, un dispositif de contrôle automatique (par recoupement et contrôle de cohérence) a été mis en place à partir de décembre 2020. Dans ce cadre, si l’activité principale indiquée dans les formulaires d’aide ne correspond pas au secteur d’activité connu dans les bases de données des services des impôts, les demandes sont rejetées pour un examen complémentaire plus approfondi. De nombreux échanges, chronophages, sont alors nécessaires entre les entreprises et les services de la DGFiP afin d’expliquer les causes de rejet, les conditions prévues par les textes et les modalités permettant de débloquer la situation. Sans compter les délais pour la production des justificatifs complémentaires, les vérifications et la ressaisie de la demande.
Elle relève d’autres problèmes pratiques :
– le fait d’avoir laissé les formulaires disponibles malgré une première demande, qui a conduit certaines entreprises à multiplier leurs demandes, accumulant plusieurs formulaires au titre d’une même période ;
– les difficultés liées au mode de paiement par les clients de certains secteurs de l’événementiel, comme les traiteurs (avec un système d’avances de réservation très en amont, qui, potentiellement remboursables, ne sont pas décomptés dans le CA). Mais ces difficultés ont été vite remontées auprès du service de la fonction financière et comptable de l’État et ont ensuite été prises en compte au plan local.
La DRFiP 31 suggère qu’à l’avenir, pour prévenir ces difficultés, il conviendrait de capitaliser sur les acquis de la crise actuelle. Par exemple, une analyse approfondie et préalable pourrait permettre de mieux identifier, dès le départ, les secteurs impactés qui nécessitent un soutien ciblé, en concertation avec l’ensemble des acteurs économiques.
Propositions n° 2 et 3 : Pour les services de l’État, les rapporteurs recommandent de :
– tirer les enseignements de la gestion de la crise, qu’il s’agisse des expériences des services déconcentrés (afin de faire remonter les difficultés rencontrées, d’analyser les solutions apportées et de partager les bonnes pratiques) ou des arbitrages nationaux, de leurs réussites et de leurs carences.
Des travaux tels que ceux menés par la Cour des comptes sur les mesures prises par le ministère du travail (Préserver l’emploi. Le ministère du travail face à la crise sanitaire, juillet 2021) pourraient être utilement réalisés sur d’autres ministères.
– et construire les futures aides qui seraient nécessaires en concertation avec les acteurs économiques concernés, afin, en particulier, de bien identifier les divers secteurs et métiers les plus impactés.
Si les interprétations des règles des aides nationales par les services déconcentrés ont pu varier au début de la crise, les outils communs développés par les ministères, les arbitrages remontés au niveau de la direction générale des entreprises ou des cabinets ministériels ont progressivement corrigé les divergences.
En revanche, des disparités ont été constatées entre territoires s’agissant de la diffusion de l’information, les partenaires des entreprises n’étant pas tous également actifs, mais, surtout, s’agissant des aides mises en place par les territoires eux-mêmes. Tous n’ont pas les mêmes moyens financiers et d’instruction, ou n’ont pas fait les mêmes choix, tant en termes de soutiens d’urgence que de mesures de relance.
D’aucuns ont relevé que très peu de collectivités ont mis en place les dégrèvements de cotisations foncières (CFE) que la loi avait autorisés ; de même pour l’aide de 1 000 € des communautés d’agglomération. L’aide au loyer offerte par la région Île-de-France n’existe pas dans les autres régions ; et toutes les communes disposant de sites événementiels n’ont pas renoncé à leurs loyers ou à leurs redevances, etc.
Certains acteurs ont ainsi déploré le manque d’homogénéité des soutiens locaux, et le manque d’égalité des chances entre entreprises qui en a découlé.
En sus des insuffisances propres aux listes S1 et S1 bis et de la jungle des codes APE, les entreprises auditionnées ont recensé plusieurs autres limites ou carences (arbitrées ou longtemps restées laissées sans réponse) qui ont persisté dans les dispositifs d’aide nationaux quasiment jusqu’à leur arrêt, notamment :
– le fait qu’une entreprise créée en 2019 ne disposait pas de chiffres d’affaires (CA) annuel représentatif de son activité. Une aide adaptée, l’aide à la couverture des coûts fixes dite « jeune entreprise rebond », a toutefois été mise en place en décembre 2021 ;
– le problème des entreprises qui ont changé de statut juridique en 2019 et ne pouvaient pas non plus produire de CA correspondant ;
– la non-prise en compte du CA des entreprises absorbées avant mars 2020 dans le cadre d’une restructuration.
On relèvera, par ailleurs, que les règles du fonds de solidarité ont interdit pendant plusieurs mois son accès aux sociétés constituées en holdings. Mais cette difficulté a été levée en novembre 2020 pour les entreprises contrôlées par une holding, sous réserve que l’effectif cumulé de la ou des filiales de la holding soit inférieur à 50 salariés ;
– l’absence d’aide (hors réduction des charges sociales) pour les dirigeants mandataires sociaux (présidents de SAS), contrairement aux gérants « travailleurs non salariés » (TNS) ;
– le refus d’aider les retraités ou les salariés en double activité, même pour les soulager d’une partie des charges fixes de leurs entreprises, ou pour favoriser le report des mensualités des crédits qu’ils ont contractés pour investir dans ces entreprises ;
– l’absurdité de la perte du droit à bénéficier du fonds de solidarité pour les entreprises qui avaient renoncé à solliciter son aide sur les mois précédents, quand bien même leur activité était nulle ;
– les congés payés qui sont restés à la charge des entreprises tout en continuant à se cumuler pendant les périodes chômées ;
– le caractère peu incitatif du crédit d’impôt en faveur des bailleurs privés qui renoncent à une partie de leurs loyers.
Un auditionné soulignait avec amertume que « les propriétaires ont fait bloquer leurs remboursements de prêts mais ont continué à prélever les entreprises locataires ».
D’aucuns regrettaient aussi que les baux commerciaux aient été bloqués mais non les baux des entrepôts ou des bureaux.
Or, les loyers représentent souvent une partie significative des charges. Pour les gestionnaires de sites réceptifs, ils mobilisent jusqu’à 35 % de leur chiffre d’affaires habituel. La Clé, qui les représentent, relève que très peu de bailleurs privés les ont soutenus depuis le début de la crise.
Il a fallu attendre mars 2021 pour que le dispositif « coûts fixes » du fonds de solidarité permette une meilleure couverture de ces charges, puis novembre 2021 pour qu’une aide spécifique soit mise en place pour compléter l’indemnisation des loyers et charges locatives des établissements interdits d’accueil du public au titre des mois de février à mai 2021 ;
– la limitation aux plus grandes entreprises (celles qui généraient un CA mensuel supérieur à 1 M€) de cette aide aux coûts fixes jusqu’en novembre 2021, alors que tous les établissements recevant du public supportent des charges immobilières conséquentes ;
– l’application, selon les périodes, de la référence au CA mensuel moyen de 2019 pour le calcul des aides du fonds de solidarité en période ordinairement haute. Cette moyenne était en effet proposée aux entreprises dont l’activité a un caractère saisonnier marqué, et à la filière événementielle en particulier. Cette option les protège en période habituellement creuse en montrant la réalité globale des pertes ; mais elle les dessert en période ordinairement de forte activité en minimisant les compensations.
D’autres périodes cependant se sont référées à la moyenne du CA de 2019 sur six mois, et la dernière version de l’aide aux coûts fixes, qui remplace les aides principales du fonds de solidarité depuis décembre 2021, se fonde sur la perte d’excédent brut d’exploitation du mois en cours (cf. la partie II.D) ;
– la dégressivité puis l’arrêt (hors exceptions) des aides principales du fonds de solidarité à partir de l’été 2021 alors que l’activité est restée faible, particulièrement pour ceux travaillant avec une clientèle internationale ;
– ou encore, comme cela sera étudié plus loin, le poids à venir des charges reportées et du remboursement des PGE.
Notons qu’en 2021, le plafonnement imposé par l’Union européenne, qui interdit le soutien de l’État au-delà d’1,8 M€ d’aides cumulées, avait commencé à pénaliser certaines entreprises. Mais le Gouvernement a obtenu des autorités européennes d’exclure de ce plafond, à partir d’août 2021, les exonérations de charges patronales et les aides au paiement des charges salariales.
Enfin, les professionnels ont déploré le manque de soutien de la part de leurs assureurs et les relations compliquées avec leurs partenaires bancaires qui mettent parfois beaucoup de temps à appliquer les consignes gouvernementales (notamment s’agissant des reports d’échéances d’emprunts).
En outre, il reste que, même exceptionnellement généreux (3,7 Md€ avec le PGE), le montant cumulé des aides publiques n’a pas compensé toutes les pertes ; il n’a même couvert l’essentiel des charges fixes qu’à partir de décembre 2020-janvier 2021.
86 % des entreprises ayant répondu à l’UPSE ont calculé qu’en 2021, même en additionnant les indemnisations du fonds de solidarité et le CA prévu, elles auront moins gagné qu’en 2019.
L’écart est encore plus important pour les entreprises de taille supérieure (en pratique des entreprises de taille intermédiaire, ETI), comme Viparis, qui ont été longtemps exclues de certains soutiens : les exonérations de charges patronales, accordées en-deçà de 250 salariés ; et les aides du fonds de solidarité qui ne leur ont été accessibles qu’à partir de janvier 2021, quand le Gouvernement a supprimé le critère des 50 salariés (après des seuils fixés à 10 puis 20 salariés) – même si, dans le même temps, une aide complémentaire aux coûts fixes a été créée pour les entreprises fermées administrativement ou appartenant aux secteurs S1 et S1 bis qui réalisent en temps normal un CA mensuel supérieur à 1 M€.
De l’autre côté du spectre, certains s’inquiètent également de la grande précarisation des auto-entrepreneurs (ou micro-entrepreneurs), malgré les dispositifs publics mis en place pour les soutenir.
Les aides aux travailleurs indépendants
Le Gouvernement et l’Urssaf ont pris plusieurs mesures pour atténuer les impacts des baisses d’activité suscitées par la crise (valeurs à mi-décembre 2021) :
– la suspension des prélèvements de cotisations entre mars et août 2020, puis entre novembre et décembre 2020, et la suspension du remboursement des dettes sociales.
Sur les 3,8 millions de travailleurs indépendants, tous secteurs confondus, que compte la France (dont 1,93 million d’auto-entrepreneurs inscrits), près de 13 Md€ de cotisations sociales ont été ainsi reportées. 9 Md€ de dettes ont été étalées avec des plans d’apurement d’une durée de deux ans en moyenne – qui ont été suspendus pour les entreprises et les travailleurs indépendants des discothèques refermées dès décembre 2021.
Pour les secteurs les plus touchés des listes S1, S1 bis et S2, dont celui de l’événementiel, des régimes de réduction des cotisations ont été mis en place au printemps puis à l’automne 2020 et à nouveau à partir du second semestre 2021 ;
– la mobilisation par l’Urssaf de près de 172 M€ d’aides via l’action sociale du CPSTI (Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants) ;
– l’accès aux aides du fonds de solidarité : aide classique pour les travailleurs indépendants ou auto-entrepreneurs relevant des secteurs S1 et S1 bis et justifiant d’une baisse de leur CA d’au moins 50 %, ou aide « Auto-entrepreneur » pour les autres en cas de fermeture avec ou sans interruption ;
– l’extension de l’« indemnité inflation » de 100 € aux travailleurs indépendants et aux auto-entrepreneurs en activité au cours du mois d’octobre 2021, qui ont réalisé entre janvier et septembre 2021 un montant de CA ou de recettes au moins égal à 900 €, sans dépasser un revenu moyen de 2 000 € nets par mois ;
– et le lancement en septembre 2021 d’un plan gouvernemental de relance en faveur des travailleurs indépendants, dont plusieurs dispositifs juridiques et financiers ont été votés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Un des objectifs du Gouvernement est aussi de mieux protéger les travailleurs indépendants, entre autres, en créant un statut unique d’entreprise individuelle (aujourd’hui, les entrepreneurs individuels doivent opter pour la responsabilité limitée, EIRL) et en rendant leur patrimoine personnel insaisissable par les créanciers professionnels, sauf décision contraire de l’entrepreneur... Un projet de loi traitant de ces évolutions est en cours d’examen au Parlement ([10]).
En outre, la réforme du fonds de solidarité en décembre 2021 a supprimé les aides principales pour ne conserver que l’aide « coûts fixes » qui ne leur est pas adaptée en raison de l’irrégularité de leurs CA. Les micro-entrepreneurs de l’événementiel se retrouvent ainsi avec un soutien fortement réduit alors qu’ils sont autant frappés par les nouvelles restrictions que leurs collègues.
Le ministre délégué chargé des PME a assuré à la mission d’information que le Gouvernement réfléchit à une solution ad hoc.
Ces écarts entre aides et pertes se retrouvent dans tous les secteurs économiques impactés par la crise. Au demeurant, les entreprises de l’événementiel ont plutôt bénéficié d’une meilleure prise en charge de leurs besoins, quand leur éligibilité au fonds de solidarité était reconnue.
Mais le fait est que d’autres ont attendu plusieurs mois cette reconnaissance, que la filière a subi les restrictions sanitaires plus durablement que d’autres secteurs et qu’elle souffre encore de la frilosité de ses clients (cf. infra).
Malgré les aides, la santé économique de la filière et ses capacités de rebond se sont donc inéluctablement dégradées au fil du temps, avec une incidence forte sur les fonds propres des entreprises, laissant ses professionnels en état de grande fragilité, alors même que leurs perspectives restaient incertaines et leur activité fluctuante.
C. Un secteur inégalement confiant DANS son avenir
Si, avant la crise, ils étaient très optimistes quant à l’avenir de leur secteur encore jeune et en plein expansion, depuis, plusieurs acteurs ne voient pas de véritable reprise avant 2022-2023, voire 2024 avec les Jeux olympiques de Paris, après encore des mois ou des années marqués par une grande instabilité pour l’organisation des évènements.
D’aucuns évoquent une baisse du marché national de l’ordre de 30 % d’ici‑là, en raison notamment de l’absence des visiteurs étrangers et de l’affaiblissement financier de leurs clients nationaux (et de leurs budgets événementiels, par répercussion), qui obligent les professionnels à faire évoluer leur modèle, ce qui réclame du temps et des ressources.
Mais tous ne sont pas aussi pessimistes : le sondage réalisé par la CCI de Bordeaux-Gironde fait apparaître 38 % de perceptions satisfaisantes de l’avenir, contre 21,6 % d’évaluations négatives du court et moyen terme.
Les interrogations portent aussi sur leurs capacités à faire face à ces incertitudes, à préserver leurs emplois, comme à répondre aux commandes quand elles se présentent.
1. La confirmation du besoin de se rencontrer
Aux débuts de la pandémie, nombre d’observateurs ont eu le sentiment qu’elle accélèrerait drastiquement la virtualisation des évènements. Après vingt‑deux mois de crise, il apparaît qu’elle a bien favorisé le développement des solutions digitales et l’initiation du secteur à ces techniques (cf. supra). Pour autant, ces évolutions n’ont pas révolutionné le secteur en le faisant basculer largement et définitivement dans le « tout numérique ».
La Clé observe au contraire que « le développement du digital n’a fait que renforcer les demandes de rencontres en présentiel ». Divers acteurs constatent sur le terrain, tel le CECF, qui représente les forains à La Réunion, une forte appétence du public pour ces manifestations festives. Les professionnels sont tout aussi demandeurs de contacts humains et de lieux de rencontre physiques.
L’Unimev a rapporté à la mission d’information les résultats de plusieurs études sur le numérique dans l’événementiel ; elles confirment toutes une nette préférence pour les manifestations en présentiel.
D’après l’étude UFI-Explori ([11]), les participants préfèrent les évènements présentiels aux évènements digitaux pour leur capacité à nouer des contacts (networking) et à faire des affaires.
Pour les exposants, le retour sur investissement est jugé, à 75 %, comme meilleur sur les évènements physiques. Et 86 % d’entre eux considèrent que les évènements en présentiel offrent une meilleure qualité de réseautage que les évènements digitaux.
L’étude en conclut que la « rencontre présentielle ne pourra jamais être totalement remplacée par le digital », même si l’évènement digital ouvre de nouvelles potentialités (cf. partie I.C.4).
Et d’après l’étude menée par le groupe Reed Exhibitions auprès de 3 000 de ses exposants et de 9 000 visiteurs dans le cadre de 201 salons, « la pandémie n’a pas diminué la valeur des évènements physiques pour les participants qui s’engagent à revenir dès que les restrictions seront levées ». En outre, « deux exposants sur trois comptent dépenser autant voire plus sur les salons, une fois qu’un vaccin sera disponible ».
De son côté, une étude publiée par Promosalons en 2021 montre que, pour les clients professionnels, il est plus facile et plus simple de développer la relation de confiance indispensable à la conclusion de futurs contrats dans le cadre de rencontres physiques.
2. Des projections d’experts plutôt optimistes, mais à moyen terme
Auditionnée par la mission d’information sur sa vision de l’avenir de la filière française, l’agence Atout France fait un double diagnostic :
– l’impact de la crise est lourd pour les acteurs de la filière ; et malgré l’appétence des clients français et étrangers pour redémarrer leurs activités événementielles, il reste des freins réglementaires et des appréhensions ;
– mais l’opérateur n’a pas le sentiment que le marché français de l’événementiel ait perdu en compétitivité ; la destination reste au contraire très attractive et beaucoup d’évènements ont été reportés plutôt qu’annulés car les organisateurs souhaitaient que l’édition française soit maintenue (tel le congrès international de l’UICN).
Atout France confirme que des études annoncent qu’il faudra attendre 2024 ou 2025 pour retrouver le niveau d’activité de 2019. Un scénario prédit une reprise complète de l’activité à l’échelle européenne à l’horizon 2024-2026 (Source : Strategic Alliance – Oxford Economics, avril 2021).
Croissance de la fréquentation des congrès et évènements depuis 2019
Croissance des dépenses des visiteurs des congrès et évènements depuis 2019
D’autres envisagent un scenario moins dynamique encore, estimant que le développement des réunions en format digital a structurellement changé la donne et que l’impact de long terme pourrait s’élever à – 30 voire – 40 % par rapport à 2019, avec des réunions moins nombreuses et plus de participants à distance.
Atout France note au passage que, dans tous les cas, la baisse d’activité du tourisme d’affaires risque de peser durablement sur les performances du tourisme français dans son ensemble, même si une large partie de l’activité ne relève pas du tourisme international, surtout en dehors de l’Île-de-France.
Néanmoins, la filière française conserve, selon l’agence, des points forts dans la compétition internationale :
– l’excellente position de Paris dans le récent classement international basé sur les restrictions de voyage, les niveaux de vaccination locaux et l’ouverture aux affaires et loisirs (Source : https://www.bloomberg.com/graphics/where-can-travel-coronavirus-update-restrictions-testing-quarantine/
– l’engagement de la destination et des acteurs de la filière française en matière de développement durable pour des évènements éco-responsables, qui devient un critère de choix de plus en plus influent ;
– le savoir-faire et l’expertise des entreprises nationales en matière d’organisation d’évènements ;
– et, évidemment, l’attractivité touristique de notre pays.
Les actions d’Atout France pour la relance du secteur événementiel français
L’agence Atout France est un groupement d’intérêt économique, opérateur de l’État français pour le développement touristique de notre pays. Ses missions sont la promotion du tourisme en France, la réalisation d’opérations d’ingénierie touristique et la mise en œuvre d’une politique de compétitivité et de qualité des entreprises du secteur.
Elle mène ainsi plusieurs actions en faveur (spécifiquement ou non) de la filière événementielle :
– Pour aider notre pays à retrouver sa position dans le secteur MICE (meetings, incentives, conferencing, exhibitions) et redonner l’envie de choisir la France pour une rencontre ou un évènement professionnel :
. lancement en juin 2021 d’une campagne nationale « #MonÉvènementEnFrance » qui entend valoriser, auprès des dirigeants et décideurs français, l’événementiel comme levier de la relance économique ;
. déploiement d’une campagne de communication sur les marchés européens et aux États-Unis, notamment via la presse économique pour cibler certains secteurs économiques et la presse professionnelle spécialisée en matière de B2B ;
. programmation d’accueils sur les destinations, etc. ;
– Pour inciter les clients nationaux à reprendre leurs activités événementielles :
. les opérations MICE organisées sous l’égide d’Atout France sont labélisées et éligibles au chèque relance export. Ce chèque permet au partenaire de couvrir 50 % du coût de sa participation à l’évènement, dans la limite d’un plafond. Trois opérations MICE étaient concernées en 2021 ;
. par ailleurs, les fonds opérationnels de relance de l’agence permettent de réduire les coûts de participation et les coûts des stands des partenaires privés ;
– Pour accompagner les professionnels dans leurs démarches commerciales :
. plan d’actions de promotion à l’international des ateliers et évènements B2B (en présentiel en priorité sur le second semestre), l’occasion pour Atout France et ses partenaires de venir à la rencontre des acteurs du secteur ;
. organisation d’accueils en France pour donner à voir la destination et valoriser le savoir-faire de la France en matière d’évènements et de grands évènements ;
. déploiement de Pavillons France sur les grands salons internationaux du secteur comme IMEX America, IBTM World en 2021 et IMEX Francfort en 2022.
Sur l’ensemble de ces axes, Atout France prévoit des investissements de 1,5 M€ au profit du secteur en 2021 et 2022.
3. Une concurrence internationale qui s’est renforcée à l’occasion de la crise
L’étude publiée en juin 2021 par Promosalons sur 19 villes concurrentes à Paris (issues de 9 pays et regroupant 24 sites de plus de 90 000 m²) montre une concurrence étrangère offensive.
Certes, en 2020, la crise sanitaire a contraint les gouvernements de l’ensemble des pays à interdire la tenue des salons pendant les périodes de confinement. Entre deux confinements, certains pays, comme la France, ont eu une approche très stricte en suspendant totalement cette activité y compris en période de déconfinement. En revanche, en Italie, en Corée du Sud ou encore au Japon, la période de fermeture a été bien plus réduite, respectivement, de 5 mois, 3 mois et demi et 1 mois et demi, contre 8 mois dans notre pays en 2020, préservant une activité minimale dans le secteur des évènements d’affaires.
Enfin, des poids lourds comme la Chine ont réinvesti massivement le marché dès que cela leur a été possible et gagné des parts de marché, en profitant de l’avance de leur déconfinement et de la fermeture concomitante de ses concurrents, français notamment.
4. Et des activités événementielles appelées à évoluer
Certaines entreprises du secteur ont dit à la mission que la crise sanitaire a été l’occasion de rationaliser leurs charges d’exploitation, d’optimiser leurs méthodes de travail, mais aussi de réfléchir à une diversification de leurs activités et à plus de créativité, tout en prenant moins de risques financiers.
Mais le secteur pourrait connaître des mutations plus structurelles dans les prochaines années.
Quelques entreprises ont dit leurs craintes de voir le secteur se concentrer et les rachats se multiplier à la faveur des défaillances d’entreprises. Ce qui fait peur aux unes est appelé de leurs vœux par d’autres qui pensent que la filière est atomisée en de trop nombreuses TPE et PME, fragiles en temps de crise. Elles croient que la consolidation de la filière passe par le regroupement d’entreprises, par des fusions ou des absorptions permettant de réunir des capitaux propres plus importants, ou par des alliances permettant de mutualiser les moyens.
En tout état de cause, les entreprises qui rebondiront après cette crise pourraient s’avérer plus solides et structurées.
Nombre de professionnels pensent par ailleurs que les formats des évènements seront durablement (définitivement ?) plus petits, en raison de jauges réduites notamment. Cela obligera les entreprises à repenser leur modèle de rentabilité économique.
C’est en particulier le problème des traiteurs : selon Traiteurs de France, il est plus rentable de faire une réception de 1 000 convives plutôt que 10 réceptions de 100 invités. Or la reprise s’opère plutôt avec des réceptions de petite taille (les clients jouant la carte de la précaution), avec, au surplus, des tarifs établis avant crise sur des effectifs supérieurs.
Il est vraisemblable, quoi qu’il en soit, que les grandes manifestations mondiales se déclinent désormais plutôt en formats continentaux, avec une démultiplication de ces évènements au niveau régional.
La filière devra également poursuivre ses investissements en développement durable, qui pourrait devenir un vrai critère de choix pour les clients. L’Engagement pour la croissance verte relatif à la transition de l’industrie événementielle vers l’économie circulaire (ECV), proposé par l’Unimev au Gouvernement, identifie les différentes pistes de progrès et pourrait constituer une base intéressante pour cette évolution.
Toutefois, la mutation la plus visible est l’installation durable des formats numériques dans l’événementiel. Comme cela a été dit précédemment, leur substitution aux évènements physiques est peu probable. Néanmoins, limitée jusqu’alors à quelques rares expérimentations, la virtualisation des rencontres s’est rapidement développée avec la crise et ses restrictions sociales.
Selon l’étude précitée de Promosalons, « la compétition internationale se jouera, dans les années à venir, dans la capacité des places, des acteurs de l’événementiel professionnel à se “réinventer” et à proposer des nouveaux modèles de salons alliant présentiel et distanciel ».
On ne revient pas sur le fait que les évènements digitaux ont offert, et continueront à offrir, une alternative utile aux communautés professionnelles privées de rencontre et qu’ils ont permis à la filière de conserver un lien avec leurs clients. Mais au-delà, si le tout virtuel ne deviendra pas la norme, le format hybride, dit « phygital », pourrait peu à peu s’imposer, selon cette même étude. Car les technologies numériques (visioconférences et webinaires, plateformes d’échanges, répertoires interactifs, bases de données partagées, etc.) ouvrent de nouveaux horizons et des nouvelles potentialités de développement, en permettant d’augmenter l’expérience physique, d’apporter des contenus supplémentaires (information, formation), de fiabiliser et « tracer » les contacts, d’attirer de nouveaux participants par des expériences immersives, comme elles permettent aux clientèles lointaines de continuer à participer quand les transports internationaux sont perturbés… Les grands concurrents internationaux n’étant pas de reste, il importe de « ne pas rater ce virage ».
Les travaux de l’Unimev sur l’évolution numérique du secteur rejoignent ces constats.
De fait, les principaux sites d’exposition franciliens se sont d’ores et déjà équipés pour offrir ces expériences mixtes, avec l’aide de startups françaises comme French Event Booster.
Toutefois, même si elle n’est que partielle, cette évolution déséquilibre déjà sensiblement le modèle économique initial : en effet, les évènements de type salons, foires-expositions et congrès se financent surtout par la contribution des exposants et/ou le paiement des visites. Avec une fréquentation physique réduite, il s’agira de trouver de nouvelles sources de revenus pour les organisateurs – et a fortiori pour les prestataires « physiques » (qui assurent le contrôle d’accès, la sécurité et la sûreté, la décoration florale, la tapisserie des stands, la signalétique, etc…). Sans compter le poids des investissements nécessaires pour s’équiper et donner aux personnels les compétences adaptées.
D. Une situation immédiate toujours difficile et fragile
1. Un second semestre 2021 plombé par l’incertitude
Avec la mise en place du pass sanitaire pour les évènements publics comme privés, les ERP ont pu rouvrir et les jauges ont été levées entre juillet et septembre 2021. Cela a permis la reprise des évènements. Mais alors que l’économie nationale a globalement retrouvé son niveau d’activité de fin 2019 au cours du second semestre, la relance des activités événementielles s’est faite très progressivement, bien que de manière plus nette à partir de septembre.
Plusieurs causes l’expliquent ; elles reposent largement – et non sans raison – sur les incertitudes persistantes quant à un renforcement des contraintes en cas de rebond de la pandémie.
a. Des exigences sanitaires qui continuent de peser sur la fréquentation
Plusieurs acteurs auditionnés ont salué la mise en place du pass sanitaire qui a permis de lever la plupart des interdictions. Mais il n’a pas toujours suffi :
– Il a rassuré les entreprises qui ont pu à nouveau réunir leurs collaborateurs. En revanche, il freine les séminaires externes, les sociétés ne voulant pas l’imposer à leurs clients et prospects ;
– Concrètement, les professionnels constatent aussi une diminution du nombre des participants. Traiteurs de France évalue le recul du nombre des convives entre - 10 % et - 15 % sur l’ensemble de leurs réceptions.
Nordev a relevé pour sa part une baisse de 50 % de la fréquentation des visiteurs, mais aussi une moindre participation des organisateurs et des exposants aux salons de l’automne ; et un seul mariage a été organisé par cette société en 2021 alors qu’elle en avait accueilli 30 en 2019 ;
– Et la réouverture lente, encadrée, et réversible, des frontières continue de limiter fortement le retour des étrangers en France.
Par ailleurs, le contrôle du pass et la mise en œuvre des protocoles sanitaires engendrent des coûts supplémentaires. Difficiles à reporter sur leurs clients, surtout quand il s’agit de réceptions budgétées avant leur report, ces frais viennent rogner un peu plus les marges bénéficiaires des professionnels. La Clé les évalue à environ 10 € hors taxes en moyenne par participant ; l’UPSE estime qu’un organisateur de salon qui gère le contrôle du pass débourse environ 10 % du loyer en barriérage, signalétique, personnel supplémentaire, etc.
Au surplus, l’instabilité réglementaire relative aux exigences sanitaires complique la planification des moyens pris pour leur application. L’éviction des « cas contact », notamment, avec l’obligation d’isolement et les arrêts maladies, ajoute une forte incertitude, désorganisant les équipes et obligeant les entreprises à recourir à du personnel non formé à leurs façons de travailler.
b. Des blocages publics encore forts, notamment en outre-mer
Au reste, selon les situations locales, des jauges sont encore imposées à certains évènements par les municipalités. Parfois ceux-ci sont purement interdits par les maires ou les préfets. Cela serait encore fréquent dans les territoires ultramarins, même en l’absence de décision de confinement.
À La Réunion, par exemple, le CECF déplore que peu de mairies aient joué le jeu de la reprise ; pendant longtemps, et jusqu’à cette fin d’année, la plupart des municipalités se sont montrées réticentes à autoriser les forains à organiser des manifestations, craignant qu’on leur reproche d’avoir favorisé le développement de nouveaux foyers de contamination.
L’UPSE témoigne de son côté du refus réitéré de certaines municipalités de louer leurs salles de réception, pénalisant l’ensemble de la chaîne de valeur des mariages.
c. Les réticences persistantes des clients
Tous les acteurs de l’événementiel professionnel ont dû faire face à l’annulation par leurs clients des évènements programmés au premier semestre 2021, en raison des divers rebonds de la pandémie et de l’absence de visibilité entre deux. Mais la frilosité des entreprises, en particulier des grands comptes, a persisté au‑delà, en dépit de la relative stabilisation sanitaire au second semestre, qui les a vues multiplier à nouveau les reports ou renoncer à leur programme d’évènements.
Les chefs d’entreprise engageant leur responsabilité en cas de contamination à l’occasion du travail ou d’une réception, certaines grandes sociétés ont elles-mêmes mis en place des jauges internes strictes.
Les budgets consacrés aux évènements corporate ont baissé de façon drastique ; les négociations sur les contrats de prestations se sont durcies et les délais de paiement nettement allongés, aggravant les tensions sur la trésorerie des prestataires. En outre, les coûts supplémentaires induits par les protocoles mis en place pour une restauration sûre et pour contrôler le pass sanitaire freinent les projets des clients.
Ceux-ci veulent également pouvoir prendre leurs décisions de faire ou ne pas faire le plus tard possible. Les délais de production se raccourcissent en conséquence.
Quant aux grands rendez-vous internationaux tournants, ils ont opté pour des versions digitales en 2021, et ne se sont pas engagés pour les années futures.
Même la filière du mariage manque aujourd’hui de visibilité à court terme et constate également la diminution du nombre des invités et des budgets. Les futurs mariés ont aussi plus de réticence à verser des acomptes.
d. Les difficultés à trouver les ressources externes pour répondre à la reprise
À ces problèmes de demande, se sont ajoutées des difficultés à trouver les moyens pour assurer l’offre.
Comme d’autres secteurs de l’économie, certains prestataires sont confrontés à la pénurie de leurs matières premières, ainsi qu’au renchérissement induit de leurs coûts : ce fut le cas, par exemple, des fleurs coupées, dont le prix a été multiplié par quatre, ou des collections de robes de mariée qui tardent à être reçues.
Plus fondamentalement, la filière souffre aujourd’hui d’un important manque de main d’œuvre, en particulier qualifiée, que ce soit dans les métiers spécialisés, comme les standistes ou les traiteurs, ou dans les postes de services et d’accueil.
Même quand la demande est présente, il peut s’avérer impossible d’y répondre à cause d’une pénurie de personnel. Sans être débordés par les sollicitations, les traiteurs sont ainsi amenés à refuser des prestations par manque de serveurs. Cela a empêché les entreprises d’aborder la reprise avec force.
Il y a plusieurs raisons à cette situation absurde : les effectifs des permanents ont diminué à hauteur de 18 %, parce que les entreprises ont dû licencier, mais également parce qu’il leur a été difficile de retenir les talents pendant les 16 mois d’inactivité – d’autant plus que ces salariés ont été autorisés à cumuler leurs indemnités d’activité partielle avec un revenu complémentaire. Ils ont alors préféré partir vers des missions et des secteurs plus actifs, et sont lents à revenir, quand ils n’ont pas définitivement quitté le secteur événementiel.
Autre conséquence : le personnel en activité étant contraint de réaliser des heures supplémentaires importantes pour pallier la carence, cela a entraîné un surcoût des charges salariales.
2. Des prises de risque accentuées par les décalages temporels inhérents à leurs activités
Ce contexte compliqué, des charges supplémentaires, une activité plus faible que prévu n’ont pas permis aux acteurs de l’événementiel de reconstituer leurs trésoreries et leurs capacités de financement autant qu’ils l’avaient espéré au second semestre 2021. Il faudra en tout état de cause plusieurs années pour combler les pertes dues à la crise.
En outre, pour maintenir de bonnes relations avec leurs plus gros clients, certaines entreprises ont accepté des conditions commerciales et contractuelles beaucoup plus souples, qui font peser un nouveau risque sur leur activité future.
Ces divers éléments affaiblissent les capacités d’investissement des entreprises du secteur. Or, deux autres facteurs d’incertitudes viennent se conjuguer pour augmenter la prise de risque que représente tout nouvel investissement :
– l’incertitude conjoncturelle d’une crise dont on ne voit pas le terme. De nouvelles annulations font non seulement perdre les rentrées d’argent attendues mais aussi les frais engagés pour préparer les évènements ;
– et la contrainte, propre à ce secteur, d’un temps de préparation assez long avant d’avoir un retour sur investissement. Le montage des évènements et, le cas échéant, la vente des entrées prennent en effet plusieurs mois (jusqu’à deux ans pour les évènements les plus importants). Même la reprogrammation d’une manifestation demande un délai de plusieurs semaines.
Pourtant ces investissements sont nécessaires pour relancer au moins l’activité.
3. Le choc de la cinquième vague sur un secteur fragilisé
La DRFiP 31 a indiqué à la mission que, sur son territoire, très peu de ces entreprises ont été identifiées parmi les sociétés en fragilité financière grâce au dispositif « Signaux faibles », l’outil prédictif partagé par la Banque de France, l’Urssaf, les DREETS et les DRFiP pour repérer les cas les plus menacés et leur proposer un accompagnement dans le cadre du dispositif de sortie de crise.
Mais, même avant la cinquième vague, le ressenti des acteurs était plus dramatique. Le sondage de la CCI de Bordeaux-Gironde montrait que 87 % des professionnels interrogés jugeaient leur situation économique, financière et sociale fragile, voire très fragile.
Certaines des entreprises interrogées par la mission d’information se disaient désorganisées et « dépouillées de leurs ressources », en capacités d’autofinancement comme en personnel, tout en étant par ailleurs très endettées.
D’autres voyaient « le mur de la dette s’approcher à grands pas » (avec le remboursement des PGE et des reports de charges), tout en constatant leur rentabilité en berne.
Il y avait donc d’ores et déjà un enjeu de survie à court terme. Avec le recul de la capacité d’investissement des acteurs et des grandes infrastructures, Atout France craignait en outre, sur le plus long terme, une perte de vitesse en matière d’innovation et donc un recul de l’attractivité touristique de la destination France.
b. De nouvelles annulations en masse
Or, fin novembre, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures de restrictions sanitaires pour ralentir la cinquième vague de la contagion : « À compter du 29 novembre 2021, les moments de convivialité sont de nouveau fortement déconseillés. S’ils se tiennent malgré tout, il faut s’assurer qu’une distance de deux mètres entre chaque personne est respectée pour autoriser le retrait du masque pour boire et manger ». Puis à partir du 3 janvier 2022 et pour trois semaines, les jauges ont été rétablies pour les grands évènements, avec une limite de 2 000 personnes en intérieur et 5 000 en extérieur. Les concerts et la consommation debout sont interdits ; de même que les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique mettant en présence simultanée plus de dix personnes.
Ces annonces ont largement fait perdre confiance aux clients de la filière événementielle et immédiatement entraîné de très nombreuses annulations : la grande majorité des entreprises ont été impactées ; une partie d’entre elles doivent rembourser des acomptes ; pour la plupart les frais engagés seront une perte sèche, alors que leur trésorerie est au plus bas.
Divers acteurs ont alerté la mission d’information de leurs nouvelles difficultés : en moins d’une semaine, ce sont plus de 430 réceptions pour 155 147 convives qui ont été annulées, entraînant une perte de chiffre d’affaires s’élevant à près de 6,9 M€, à la période très importante des fêtes de fin d’année ; en outre, aucune commande ne venant plus, le manque à gagner pourrait atteindre 60 % sur le premier trimestre 2022 (Traiteurs de France). 47% des prestataires des mariages vont perdre plus de 75 % de CA, 75 % plus de 50 % « et la tendance s’accélère de jours en jours » (UPSE). Les annulations ont représenté des pertes de 5 M€ en décembre, 7,5 M€ en janvier, soit 35 % du CA moyen prévu et signé, mais pourraient atteindre - 50 à - 70 % sur décembre et janvier (Event 31). Plus de 50 % du CA prévu sur la période de décembre 2021 à février 2022 est d’ores et déjà perdu, soit environ 130 M€ (Synpase, Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel, du spectacle et de l’évènement). Sur le seul mois de décembre, le manque à gagner des adhérents de La Clé s’élève à 13 M€, soit plus de la moitié du CA attendu, les reports et annulations le premier trimestre 2022 se poursuivent et les demandes se font de plus en plus rares.
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II. répondre aux difficultés actuelles, anticiper de nouvelles crises
A. Une révélation : la nécessité de Structurer et porter la voix de la filière
1. Organiser la représentation de la filière
L’événementiel est un secteur économique jeune. On a vu qu’en mars 2020, les pouvoirs publics n’en identifiaient pas clairement toute l’ampleur, la diversité et l’importance. Quand la crise sanitaire éclate et que la filière se trouve confrontée à un arrêt brutal, complet et durable de ses activités, l’Unimev interpelle rapidement le Gouvernement. Mais si ses 400 adhérents réaliseraient 80 % des opérations professionnelles, l’organisation ne représente que partiellement les divers acteurs et entreprises du secteur, qui seraient des dizaines de milliers sur l’ensemble du pays.
Malgré son volontarisme, l’action d’Unimev auprès des pouvoirs publics n’a donc pas permis que toute la richesse de leurs activités soit prise en compte quand les listes S1 et S1 bis ont été mises en place en juin 2020. Il a fallu attendre cinq mois pour qu’elles soient complétées, alors que les difficultés ont persisté tout l’été.
De même, les protocoles sanitaires permettant la relance des évènements n’ont été étudiés que très tardivement. Par exemple, ce n’est qu’en avril 2021 que le protocole applicable aux mariages a été validé par les responsables publics, bien qu’il ait été élaboré et adressé aux ministères par l’UPSE et d’autres associations et professionnels du secteur dès juillet 2020. Mais les organisations disent n’avoir eu d’échanges sur ce protocole qu’après la médiatisation d’un mariage test et l’alerte des députés.
Auditionnée par la mission d’information, une équipe de sociologues travaillant sur le secteur de l’événementiel au moment où la pandémie a éclaté a confirmé la sous-représentation « politique » du secteur aux débuts de la crise ([12]).
De fait, l’analyse de la base SIREN des entreprises d’organisation événementielle révèle une écrasante majorité de PME (97,8 %), dont 65 % sont des entreprises sans salarié, qui pèsent peu individuellement. Les sociologues ont constaté, en outre, que l’attention des responsables publics s’était jusqu’alors essentiellement portée sur le développement des grands évènements sportifs ou professionnels, avec une finalité de rentabilité économique avant tout (retours sur investissement pour les grands bâtiments, retombées économique pour un territoire, etc.). « Cette manière de s’approprier la problématique de l’événementiel par les acteurs politiques a complètement orienté l’action politique à l’intention de certains acteurs de l’événementiel (et notamment les plus grands) ». (Voir les rapports Augier 2009 ; Douillet 2010 ; Portarrieu, Leroy 2018 Herszberg, Bucher, Landois 2016, Atout France 2015).
Le besoin de faire entendre leurs difficultés dans la crise de la covid-19 a finalement fait prendre conscience aux professionnels de la filière de la nécessité de s’organiser pour porter une voix forte et cohérente au nom de leur secteur et de leurs métiers.
Il est apparu urgent de se structurer en organisations représentatives, capables de faire remonter leurs alertes, de construire ensemble un diagnostic partagé, des solutions et des revendications communes.
Des professionnels toulousains ont ainsi fondé le collectif SOS Event 31 dès le début du confinement. D’autres collectifs se sont formés en Franche-Comté (autour du syndicat CPME 90) et en Normandie (autour du collectif Événementiel Normandie). Certaines initiatives comme celle du collectif en ligne belge #SoundOfSilence ont également trouvé une résonance aux Pays-Bas et en France.
Un an et demi après, la mission d’information a pu rencontrer, outre l’Unimev, plusieurs organisations et associations réunissant différents métiers de l’événementiel, comme Event 31, UNEMA à Marseille, Lille Events, l’UPSE, Synpase, ou des organisations représentatives plus spécialisées comme La Clé et l’OPRE. Créées pour la plupart en réaction à la crise, elles ont offert à leurs adhérents un cadre d’échanges, de reconnaissance, d’étude, de réflexion et de concertation. Et elles ont appris à parler au Gouvernement et aux administrations.
Il ne s’agit pas de fondre toutes les organisations professionnelles dans une seule. Leurs choix de se spécialiser ou d’englober différents métiers, d’avoir un ancrage territorial ou une compétence nationale, de défendre des sensibilités politiques différentes ont tous leur légitimité et leur utilité. Mais une fédération de filière leur offrirait un cadre pour se concerter et se coordonner. Elle rendrait plus visible la diversité des métiers de la filière événementielle et plus lisibles ses spécificités. Elle pourrait travailler sur des conventions collectives adaptées et/ou contribuer efficacement à l’ajustement du chapitre « Évènement » de la convention SYNTEC. Elle aurait enfin toute la légitimité et la représentativité nécessaires pour défendre les intérêts de ses professionnels face aux responsables publics, voire européens.
Proposition n° 4 : Favoriser la constitution d’une fédération interprofessionnelle des syndicats et organisations représentatives des métiers de l’événementiel (et des mariages).
2. Identifier l’interlocuteur compétent
Quand la problématique relève de la compétence des ministères de la santé ou du travail ou est purement financière, il n’y pas de doute sur l’interlocuteur à consulter.
Mais quand elle soulève la question de la nature des activités, de leurs spécificités et du secteur auquel elles se rattachent, la crise a montré le flou dans lequel les cabinets et les services ministériels se trouvaient face aux acteurs de l’événementiel, en-dehors des champs clairement liés au sport et à la culture.
Pourtant, identifier le bon interlocuteur est stratégique, pour ne pas perdre de temps en multipliant les contacts ni d’efficacité dans les démarches.
De son côté, l’État a intérêt à mieux connaître un secteur dont l’importance s’est révélée en creux à l’occasion de la crise sanitaire. En pratique, plusieurs ministères se renvoient la responsabilité de son suivi : la culture, entre autres, parce que certains professionnels travaillent aussi bien dans les évènements culturels et artistiques que dans les évènements professionnels ; mais le débat a surtout porté sur le rattachement au ministère chargé du tourisme ou à celui chargé des entreprises.
Sur cette question, les analyses varient.
Dans la logique de sa mission, Atout France rappelle la définition de l’Organisation mondiale du tourisme : « le tourisme comprend les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs », et fait valoir que le secteur événementiel recouvre un vaste champ d’activités dont la caractéristique est de générer des déplacements liés à la vie des entreprises et des affaires. Il doit donc être défini, selon l’agence, par le motif du déplacement. Au sens statistique, le caractère touristique de ce déplacement dépend de la durée de celui‑ci et de savoir s’il génère une nuitée à l’extérieur du domicile, quel que soit le motif du déplacement (on peut alors parler de tourisme d’affaires).
L’agence observe par ailleurs que ces déplacements professionnels peuvent être associés à d’autres motifs et que les prestataires qui interviennent ne sont pas toujours en mesure de distinguer ces motifs (quand il s’agit d’hébergement et de restauration notamment), sans compter qu’ils peuvent eux-mêmes mener plusieurs activités sans distinguer comptablement leur nature.
Elle considèrerait que « limiter le secteur de l’événementiel aux seules organisations accueillant les visiteurs d’un évènement et l’isoler de l’écosystème du tourisme paraît ainsi réducteur de la portée réelle de ces activités et de ses impacts ». Enfin, elle souhaite pouvoir continuer à comparer l’économie touristique française, dont les grands évènements font partie, sur des périmètres identiques à ceux appliqués aux autres grandes destinations d’affaires dans le monde.
Toutefois, certains acteurs de la filière préfèreraient que leur activité soit plutôt qualifiée de « déplacements ou mobilité d’affaires » que de « tourisme d’affaires », en particulier pour pouvoir s’adresser de manière privilégiée aux services publics compétents en la matière.
Au demeurant, la notion de déplacements n’épuise pas la définition de l’événementiel, les évènements d’entreprises n’entraînent pas nécessairement un déplacement et les mariages ne peuvent se réduire à cette approche.
Il serait particulièrement pertinent de mettre en place, jusqu’à la fin (encore incertaine) de la crise, un interlocuteur dédié, qui connaisse le secteur et comprenne ses difficultés particulières. Cela simplifierait les démarches des représentants du secteur et leurs échanges avec l’administration centrale, assurerait une meilleure lisibilité des arbitrages de l’État, etc. Cela renforcerait enfin la confiance des professionnels… et montrerait la reconnaissance par l’État des besoins spécifiques de la filière événementielle et de son poids économique.
Proposition n° 5 : Désigner, le temps nécessaire à la gestion de la crise et de ses suites, un interlocuteur ministériel unique pour la filière événementielle.
Une organisation interministérielle s’inspirant du Comité filière tourisme pourrait, a minima, être mise en place.
D’aucuns suggèrent la mise en place d’un guichet unique qui ferait le lien entre les différents organismes publics concernés (pour la gestion des dossiers de demande d’aide, des prêts, etc.).
Les rapporteurs rappellent que des plateformes d’information ont été créées sur les sites du ministère de l’économie et de l’Urssaf (pour les reports et annulations de charges sociales) dès le début de la crise, offrant à chacun une information actualisée au fil des évolutions ainsi que les liens et les explications nécessaires pour solliciter les aides nationales. Un numéro d’appel unique et commun aux deux administrations a ensuite été ouvert afin de renseigner et orienter plus finement les professionnels. Quant à l’instruction des dossiers, la technicité des différents dispositifs de soutien ne permettrait pas qu’un seul et même interlocuteur traite toutes les demandes d’une même entreprise. Au demeurant, la demande d’aide du fonds national de solidarité fait d’abord l’objet d’un traitement automatique ; et en cas de rejet, ce sont les services déconcentrés qui reviennent vers les entreprises.
Enfin, ces solutions ne s’appliquent pas à tous les dispositifs d’aide ; le PGE en particulier est distribué par les banques, non les services de l’État. Mais on peut considérer qu’après bientôt deux ans de crise, les entreprises – comme les divers services compétents – sont suffisamment rodées pour s’y retrouver.
Néanmoins, il pourrait être envisageable, si une nouvelle crise survenait, de mettre en place au niveau local (région ou département) un dispositif (numéro unique, FAQ…) qui centralise les renseignements sur tous les dispositifs d’aide, de même que l’orientation sur les services et acteurs compétents dans le territoire, parce que tout le monde n’a pas le réflexe de rechercher l’information au niveau national, ou n’ose pas, et que ce niveau ne dispose pas des renseignements spécifiquement locaux.
Et parce qu’enfin, remplir un dossier individuel de demande d’aide peut être complexe et que proposer un minimum d’accompagnement au départ pourrait réduire le nombre des dossiers rejetés par le formulaire informatique (et les déclarations « opportunistes »), que l’administration doit ensuite gérer dans tous les cas, il serait opportun d’étudier la possibilité que ce dispositif propose un accompagnement minimal. Les enseignements tirés par la Cour des comptes de l’expérience des DIRECCTE (devenues directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, DREETS) pourraient servir de base ([13]).
– Évaluer les avantages et les risques comparatifs d’une offre d’accompagnement minimal au remplissage des formulaires de demande d’aide par rapport au système actuel de renseignement en ligne, avec contrôle automatique des incohérences et traitement manuel des rejets.
Cela étant, les rapporteurs considèrent qu’informations, renseignements voire accompagnement dans les démarches de demande d’aide relèvent aussi des missions des experts-comptables et centres de gestion agréés auxquels s’adressent les entreprises. Et parmi les autres partenaires des acteurs économiques, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat, les syndicats patronaux, les banques, etc. ont également un rôle à jouer dans l’information et le conseil aux entreprises.
Mais il est ressorti des auditions que les experts comptables sont apparus souvent dépassés par la grande variabilité des règles ; et que l’implication des autres partenaires dans l’accompagnement de leurs adhérents (ou clients) a été variable selon les territoires.
Il y aurait, au demeurant, un enjeu à renforcer la lisibilité et la cohérence des informations données par plusieurs sources.
B. Le besoin de reconnaître et DE mieux évaluer, le poids économique du secteur
1. Un secteur économique important pour notre pays
a. Pour le poids humain et économique qu’il représente
Selon les études nationales conduites en partenariat ([14]) de 2011 à 2019, la France produisait et accueillait chaque année des milliers d’évènements professionnels : 1 200 salons de filière et foires-expositions grand public, 2 800 congrès scientifiques, 380 000 évènements d’entreprise et d’institutions (de plus de 50 participants). Cela représentait 76,8 millions d’exposants, congressistes et visiteurs accueillis en 2019, dont 6,8 millions de participants étrangers, une dizaine de milliers d’entreprises et 120 000 emplois dans les métiers de l’événementiel (exploitants de sites réceptifs, organisateurs, agences d’évènement et/ou de design et prestataires) mais 455 000 emplois directs et indirects.
Le poids économique du secteur est substantiel : l’ensemble des retombées économiques de la branche professionnelle représentait autour de 37 Md€ (les estimations annuelles variant entre 30 et 45 milliards sur les 150 Md€ de dépenses touristiques marchandes en France en année ordinaire), réparties à parts quasi égales entre les revenus du secteur événementiel et les retombées pour l’économie touristique et le commerce local (hébergement, restauration, commerce). Les pertes de 2020 sont à proportion, estimées entre 21 et 31,5 Md€ au global.
Atout France souligne, par ailleurs, les points d’intérêt que représentent ces évènements professionnels pour le secteur touristique : c’est une activité de contre saison, largement indépendante du climat ; elle se déroule plutôt en semaine ; elle est structurante pour les professionnels d’un territoire car elle exige une qualité de prestation plus élevée et mobilise de nombreux savoir-faire et acteurs ; enfin, c’est une activité au « rendement » (dépense par visiteur) très supérieur au tourisme de loisir, avec une dépense moyenne avoisinant les 150 euros par jour et par personne contre 50 euros pour un touriste classique.
Les exposants y auraient réalisé au surplus 34,5 Md€ de CA grâce aux ventes, aux contrats signés et aux contacts pris dans les salons et les foires. 68 % de l’activité générée bénéficiait aux entreprises françaises.
Au sein de ce secteur, La Clé évalue le nombre des lieux événementiels en France à environ 3 500 sites, hors hôtels ([15]). Coach Omnium estimait les dépenses événementielles des entreprises à environ 8,5 Md€ par an, dont 20 % étaient consacrés à la location de ces sites, ce qui représentait un marché annuel de 1,7 Md€. Selon leurs gestionnaires, ces lieux réalisaient en outre un chiffre d’affaires équivalent en prestations annexes (services, restauration, accueil…). Ils réalisaient donc un CA annuel moyen de 1,7 M€ et représenteraient environ 15 500 emplois directs.
Si ces sites réceptifs sont la partie la plus visible de la filière événementielle, rappelons que 97,8 % des entreprises recensées par la base SIRENE comme lui étant rattachées sont des PME.
À côté de l’événementiel professionnel, le secteur des mariages compterait 55 000 entreprises (dont 70 % d’indépendants) et générait auparavant 3,5 Md€ de CA en moyenne pour 230 000 réceptions par an. Le budget moyen s’établissait à 15 000 €, pour des mariages de 110 convives (en moyenne). Chaque évènement entraîne par ailleurs des nuitées, de la restauration locale… Selon l’Unimev, 1 € investi suscitait alors 1,5 € de retombées sur le territoire.
b. Pour le dynamisme des entreprises nationales
Comme cela a été dit, les foires et salons professionnels suscitaient 34,5 Md€ de nouvelles affaires pour leurs participants. Selon les mots d’un auditionné, ces manifestations sont des « accélérateurs de business » pour les entreprises qui y viennent. En les faisant connaître au-delà de leur périmètre d’activité naturel, elles participent à la promotion de leurs produits. Elles sont même essentielles au développement économique de nombreux secteurs, tels les artisans d’art.
Mais, en sus des mises en relation commerciale qu’ils facilitent, les évènements professionnels contribuent également à la diffusion des connaissances, à la valorisation des dernières créations et innovations et à la réflexion prospective. Un autre auditionné voit les acteurs de l’événementiel comme des « catalyseurs de l’économie ».
Ils permettent les retours d’expérience et les échanges de bonnes pratiques, notamment sur les enjeux de développement durable et de responsabilité sociétale.
Enfin, les évènements d’entreprises sont un outil puissant de leur communication interne et externe, qu’il s’agisse d’entretenir les relations avec leurs principaux clients, de se faire connaître de clients potentiels ou de fédérer les équipes et construire un « esprit d’entreprise ».
c. Pour l’attractivité de la France
En 2019, la France se classait au troisième rang mondial pour le tourisme d’affaires.
Atout France rappelle également que les évènements professionnels ou grand public « permettent de connecter la France avec le monde entier ».
Ils donnent à voir la qualité des savoir-faire nationaux et des infrastructures françaises. Ils constituent ainsi « un booster d’investissements internationaux » dans notre pays. Selon l’agence, les grands évènements ont directement contribué à faire de la France la destination européenne attirant le plus d’investissements étrangers en Europe.
d. Et la vitalité des territoires
Les évènements génèrent par ailleurs des dépenses de transport, d’hébergement, de restauration et des achats divers qui représentaient 19,5 Md€ par an de retombées économiques directes pour les territoires avant la crise. Ils mobiliseraient une nuitée sur deux dans l’hôtellerie des villes de congrès.
Au demeurant, les métropoles et les grandes agglomérations sont propriétaires et délégantes de la majeure partie des grands équipements de congrès et d’exposition, qui leur apportent chaque année loyers ou redevances, mais contribuent surtout au rayonnement de leurs territoires.
Depuis une vingtaine d’années en effet, de nombreuses villes, françaises, et étrangères, ont compris l’importance de la tenue de congrès pour leur tissu économique local. En plus de dynamiser l’économie en faisant venir des touristes qui dépensent deux fois plus que des touristes de loisir, les congrès et salons ont aussi vocation à valoriser les atouts des acteurs économiques locaux, de façon à attirer de nouveaux clients et investisseurs.
Des classements internationaux (ceux de l’International congress and convention association, ICCA, et de l’Union des associations internationales, UAI) permettent à ces villes de se positionner dans la compétition. Ces organismes positionnaient régulièrement Paris en tête de classement : en 2019, elle était la première ville de congrès au monde selon le classement ICCA et la première ville européenne en termes de capacité d’accueil, de nombre de salons et de superficie brute de location (soit 700 000 m2 de surface d’exposition et 21 grands sites réceptifs pour l’ensemble de l’Île-de-France). Avant la pandémie, Paris accueillait ainsi environ 450 salons, 1 200 congrès, 108 200 entreprises exposantes et plus de 12 millions de visiteurs d’affaires chaque année. Son secteur événementiel suscitait ainsi près de 6,5 Md€ de retombées économiques pour le territoire et permettait aux entreprises exposantes de réaliser plus de 22 Md€ de CA supplémentaires.
L’interdiction durable des évènements a donc non seulement fait perdre d’importantes recettes aux acteurs de l’événementiel et aux entreprises qui prévoyaient de participer à ces manifestations, mais aussi privé de clients de nombreux prestataires locaux du tourisme et de l’hospitalité ainsi que de potentiels développements pour les entreprises du territoire, et menacé la compétitivité et l’avenir d’une filière de pointe, sans parler des répercussions de ces pertes ou manques à gagner sur les emplois du secteur et de ses partenaires.
2. À mieux suivre dans sa diversité et sa spécificité
La filière événementielle constitue tout un écosystème d’organisateurs, fournisseurs et prestataires dont la crise actuelle a mis en exergue la diversité, les interdépendances et l’importance.
Les omissions des premières décisions de l’État relatives au secteur ont montré un certain flou dans l’appréhension de son périmètre par les responsables publics, qui avaient sous-estimé la réalité de son écosystème.
Il y a aussi un intérêt à mesurer les retombées des évènements professionnels. L’Unimev et le comité régional du tourisme d’Île-de-France ont élaboré, avec un comité scientifique, le calculateur CLEO afin de permettre des estimations documentées relatives aux recettes touristiques pour le territoire d’accueil, aux emplois maintenus ou créés, aux performances économiques ou sociales pour les utilisateurs, aux recettes fiscales générées pour l’État ou la région, etc. Selon eux, l’enjeu est tout autant d’évaluer, aussi objectivement et complètement que possible, les bénéfices induits que de renverser certains préjugés contre ces évènements jugés par certains comme « superficiels ».
Le ministre délégué chargé des PME a assuré à la mission d’information que ses services y travaillent avec Atout France. Les rapporteurs rappellent en tout état de cause que la filière ne se résume pas au tourisme d’affaires mais compte aussi les importants secteurs des évènements d’entreprises et des mariages.
C. La nécessité de ne pas entraver la reprise le moment venu
1. La revendication d’un cadre sanitaire stable permettant de continuer à travailler malgré la pandémie
Le raisonnement des professionnels de la filière est simple : « le virus ne va pas disparaître à court terme, il faut apprendre à vivre avec lui. Les lieux de séminaires et d’évènements sont prêts, parce qu’ils veulent continuer de travailler, à trouver une solution pérenne avec les entreprises, le gouvernement et le reste du secteur événementiel (…). Ils ont déjà démontré leur engagement en adoptant des protocoles sanitaires souvent plus exigeants que ceux établis par les règlements ». (La Clé).
Les acteurs de l’événementiel aspirent à des règles sanitaires, et sans doute, implicitement, à des arbitrages sur le seuil de tolérance en matière de contaminations, qui leur permettent de poursuivre leur activité quels que soient les flux et les reflux de la contagion.
Les rapporteurs ignorent si des mesures plus efficaces que les équipements de protection et les jauges déjà prévues existent. Ils craignent que le haut niveau d’exigence de tels protocoles ne permette pas une activité suffisante pour qu’elle soit rentable. Cela étant, chaque partie peut y trouver son compte malgré tout : l’État protecteur qui aurait moins d’aides à verser (le différentiel à indemniser étant minimisé) ; les professionnels qui ne subiraient plus d’interruption d’activité, même si elle est réduite, et préserveraient ainsi la motivation de leurs clients et leur place sur le marché.
Les rapporteurs pensent qu’il doit être au moins possible de différencier davantage les exigences sanitaires selon la nature des évènements. Celles-ci s’attachent à réduire les circulations et les brassages qui favorisent la propagation du virus ; mais si la promiscuité est un accélérateur évident de la contagion, la taille des espaces réceptifs, leurs exigences de ventilation et l’encadrement de l’accueil permettent de réduire les risques.
De même, les attentes en termes de convivialité, les densités et les circulations ne sont pas les mêmes entre les rencontres professionnelles, en particulier les salons, et les grands rassemblements sportifs ou culturels. L’afflux des visiteurs est plus étalé dans le temps qu’un concert ou un match et les espaces d’accueil généralement plus vastes. Ils peuvent être régulés autrement, comme cela se fait en Allemagne et en Catalogne. Les enjeux économiques qu’ils représentent justifient que cette question soit sérieusement expertisée.
De fait, face à la cinquième vague de la covid-19, le Gouvernement n’a pas rétabli de jauge pour les salons, qui peuvent se poursuivre.
En tout état de cause, un travail sur les protocoles sanitaires doit se faire en concertation avec les professionnels. Les rapporteurs sont même convaincus que cela doit être discuté avec des représentants de tous les métiers de l’écosystème comme de chaque grand secteur de la filière (grands évènements B2B, B2C ou mixtes, évènements d’entreprises, mariages) afin d’objectiver, ensemble, les différences qui seraient actées (avec d’autres secteurs et entre eux).
– Différencier notamment les seuils maximaux d’accueil applicables aux évènements professionnels (ou mixtes) de ceux des rassemblements culturels et sportifs.
2. L’enjeu de la soutenabilité du remboursement des PGE et des reports de charges
Tout au long de la crise, diverses mesures ont été prises pour soulager, ou renflouer, la trésorerie des entreprises fermées ou soumises à des restrictions ne leur laissant plus une activité suffisante pour couvrir leurs charges récurrentes. Une partie de ces mesures a consisté en des aides non remboursables (celles du fonds national de solidarité notamment) ; d’autres se sont traduites par des reports de ces charges ou des avances de trésorerie.
Pour les charges sociales exclues du dispositif d’exonération, certaines entreprises ont eu la possibilité de demander leur report à l’Urssaf. Les cotisations reportées pouvaient alors donner lieu à des plans d’apurement, susceptibles d’aller jusqu’à 36 mois, voire 5 ans dans certains cas.
Aujourd’hui, seuls les travailleurs indépendants relevant des secteurs S1 et S1 bis peuvent encore bénéficier d’un plan d’apurement. Toutefois, sous certaines conditions, les entreprises de moins de 250 salariés ayant conclu des plans d’apurement et qui ne sont pas en mesure de respecter la totalité des échéances, peuvent solliciter une remise partielle (de 20 à 50 % en fonction de la baisse de leur CA) des cotisations et contributions sociales pour les dettes du premier confinement.
Certains acteurs ont dit aux rapporteurs souhaiter que l’aide au paiement (la remise partielle) soit ouverte à toutes les entreprises sans critère de taille, voire que ces dettes soient simplement annulées.
Mais pour les entreprises lourdement frappées par la crise et dont l’activité n’a pas repris au second semestre 2021 à la hauteur de leurs espérances, l’approche des premières échéances s’avérait redoutable. Certaines doutaient être capables de supporter ces nouvelles charges ; d’autres craignaient que ces dettes n’entraînent un blocage de leur notation par la Banque de France leur interdisant de contracter les emprunts nécessaires à leur reprise comme à leur adaptation aux évolutions du marché.
Certaines ETI en venaient à craindre un trop grand affaiblissement, les rendant vulnérables à la rapacité de concurrents étrangers.
Nombre des acteurs auditionnés ont ainsi fait part aux rapporteurs de leurs attentes fortes à propos du PGE :
– les uns réclamant la conversion de cette dette en fonds propres ;
– d’autres souhaitant un moratoire d’au moins six mois tout demandant qu’on « oblige les compagnies d’assurance à jouer le jeu car ce sont les grands absents » ;
– les autres espérant un étalement des remboursements sur mesure.
D’autres encore évoquent leurs dettes en général, suggérant par exemple une réduction de celles-ci pour les entreprises ayant investi dans leur outil avant la crise, ou un dispositif de renforcement de leurs fonds propres comme cela s’est fait pour d’autres secteurs.
Tous insistent sur le fait qu’il est primordial d’alléger cette contrainte pour leur avenir à court et moyen terme, afin qu’ils puissent « recréer de la valeur » et générer des bénéfices pour relancer leur développement et « non seulement survivre pour régler leurs dettes ». Pour reprendre les mots d’UNEMA, l’objectif est de « libérer toute leur énergie et accompagner pleinement la relance ».
À la suite de la décision de la Commission européenne du 18 novembre 2021, le dispositif du PGE a été prolongé jusqu’au 30 juin 2022, rouvrant la possibilité de solliciter une nouvelle aide de trésorerie, sans répondre toutefois à la problématique du « mur des dettes » craint par les professionnels.
Le Gouvernement a plutôt réaffirmé sa confiance dans la capacité des entreprises françaises, en général, à rembourser leur PGE selon l’échéancier prévu, la forte reprise économique du second semestre 2021 ayant fait tomber le taux de défaut anticipé sur les PGE à seulement 3,8 %.
Mais reconnaissant l’hétérogénéité des situations, le ministre chargé de l’économie a annoncé le 4 janvier dernier que les TPE ayant contracté un PGE et qui se trouveraient en grande difficulté pourront bénéficier d’un étalement du remboursement au-delà de 6 ans et jusqu’à 10 ans, ainsi que d’un report du début du remboursement à fin 2022, soit un sursis supplémentaire de six mois, dans les cas les plus graves.
Le ministre délégué chargé des PME a confirmé à la mission d’information qu’un accord de place en ce sens est sur le point d’aboutir avec la Banque de France.
Les rapporteurs saluent cette avancée.
3. Éviter d’avoir à choisir entre garder des personnels en sous-activité et les licencier
Quand les entreprises de l’événementiel ont voulu recruter à nouveau du personnel, dans la perspective de la reprise annoncée au début de l’été 2021, nombre de secteurs se sont heurtés à un manque de candidats important, en particulier dans la restauration. Cette pénurie a représenté une contrainte supplémentaire pour la relance de leurs activités, obligeant les entreprises à refuser des contrats alors même que la demande restait déficitaire par rapport à 2019.
Aussi, quand cette activité s’est révélée plus déprimée encore que prévu, ces entreprises se sont retrouvées face à un dilemme : conserver des salariés en sous‑activité, avec toutes les charges associées, ou s’en séparer avec le risque de ne pas retrouver les effectifs et les compétences indispensables quand l’activité reviendra.
Jusqu’en juin 2021, le dispositif du chômage partiel, renforcé au début de la crise de la covid-19, offrait une alternative moins coûteuse aux employeurs en ne leur laissant que 15 % de reste à charge, et même 0 % pour les entreprises fermées administrativement et les entreprises des secteurs protégés (S1 et S1 bis).
Avec la levée de la plupart des restrictions sanitaires, le dispositif a été durci : le reste à charge est passé à 25 % en juin, avant de revenir au taux de droit commun de 40 % en juillet dans les cas ordinaires ; il a été maintenu à 0 % pour les entreprises fermées administrativement, les entreprises exerçant dans une zone ultramarine en état d’urgence sanitaire qui perdent plus de 60 % de leur CA, ainsi que pour les entreprises des secteurs S1 et S1 bis mais à la condition de subir 80 % de baisse d’activité. Ces dispositions exceptionnelles devaient, en tout état de cause, s’arrêter à la fin de l’année 2021.
Les entreprises du secteur s’inquiétaient de la suite. D’autant que le dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), créé en juillet 2020, ne répond pas à leur problématique de gérer une activité affaiblie mais variable, même s’il limiterait leur reste à charge à 15 %.
Finalement, le retour des restrictions administratives pour les activités événementielles en décembre s’est accompagné d’une prolongation, jusqu’à fin janvier 2022, des dispositions exceptionnelles d’activité partielle en faveur des entreprises des secteurs S1 et S1 bis soumises à des restrictions sanitaires ou perdant plus 65 % de CA (au lieu de 80 %).
Le ministre délégué chargé des PME a confirmé que ce soutien sera maintenu tant que les restrictions dureront. Il reste que la question initiale n’est pas tranchée : de quel accompagnement ces entreprises bénéficieront quand l’activité sera à nouveau libre mais sans assurance qu’elle retrouve rapidement un niveau suffisamment viable ?
D. Le besoin d’un accompagnement, À la hauteur des enjeux, jusqu’À la stabilisation de la situation
1. Répondre aux nouvelles restrictions des activités
De fait, rapidement après l’annonce, fin novembre, des nouvelles fermetures et restrictions administratives, le Gouvernement a réactivé plusieurs des dispositifs d’aide nationaux, en les circonscrivant toutefois aux quelques secteurs et activités affectés – selon la nouvelle stratégie de soutien « au cas par cas » qu’il privilégie désormais eu égard au dynamisme du reste de l’économie française.
Le 13 décembre 2021, le Premier ministre a décidé que la prise en charge à 100 % du chômage partiel serait maintenue jusqu’au 31 janvier 2022 (cf. supra), au bénéfice notamment du secteur événementiel. Puis, après une consultation des acteurs, les ministres ont annoncé, le 3 janvier 2022, le renforcement du dispositif des coûts fixes en faveur des mêmes acteurs.
Ces entreprises peuvent parallèlement bénéficier des plans d’apurement de dettes de cotisations sociales ; et, sans que cela leur soit réservé, les TPE en difficulté pourront solliciter un étalement de leur remboursement de PGE, voire un moratoire pour les premières échéances.
Créé en mars 2021, le dispositif « coût fixes » relève du fonds national de solidarité, dont le volet principal a été définitivement clos le 1er décembre 2021 (à part pour les entreprises des départements soumis à couvre-feu ou confinement ou fermées administrativement). Deux décrets (n° 2021-1430 et n° 2021-1431) publiés le 3 novembre 2021 avaient prolongé le dispositif « coûts fixes » jusqu’au 31 mars 2022 en ne le réservant plus aux seules entreprises réalisant habituellement plus d’1 M€ de CA mensuel (et avec un calcul rétroactif au 1er janvier 2021 ; en contrepartie les entreprises concernées – les entreprises des secteurs S1 et S1 bis et toutes celles qui ont été fermées administrativement au cours des dix mois considérés – devaient avoir réalisé au moins 5 % de leur CA de référence en octobre), tout en le transformant en deux nouvelles aides, « coûts fixes rebond » et son pendant « nouvelle entreprise rebond » pour les entreprises créées après 2019.
Selon les annonces gouvernementales, confirmées par le ministre chargé des PME, les entreprises des secteurs les plus impactés (S1 et S1 bis) pourront dorénavant en bénéficier pour leurs activités des mois de décembre et de janvier dès lors qu’elles perdent 50 % de leur chiffre d’affaires par rapport au même mois en 2019 et présentent un excédent brut d’exploitation (EBE) négatif sur le mois en cours. Il n’y a en revanche pas de condition d’activité minimale comme le régime des aides du fonds de solidarité l’exigeait pour les mois antérieurs. Ce dispositif permettrait de compenser 90 % des pertes d’exploitation ou 70 % pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le montant des aides perçues au titre du dispositif est plafonné à 12 M€ par groupe sur toute la durée de la crise (au lieu des 10 M€ précédents).
Parallèlement, une aide a été créée mi-décembre, avec l’accord de l’Union européenne, au soutien des ETI. L’aide « fermeture » compense les coûts fixes non couverts des entreprises. Elle vise les entreprises fermées administrativement sur une période comprise entre le 1er janvier et le 31 août 2021. Elles doivent appartenir aux secteurs S1 et S1 bis, avoir saturé le plafond de 10 M€ de l’aide « coûts fixes », avoir perdu au moins 80 % de leur CA sur la période éligible et présenter un EBE négatif. L’aide est versée dans la limite de 25 millions d’euros, qui s’ajoutent à l’aide « coûts fixes » déjà versée, l’ensemble étant lui-même limité à 70 % des coûts fixes. ([18])
Enfin, le 18 janvier, le Premier ministre a annoncé deux nouvelles mesures :
– les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus impactées (comme l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel, les traiteurs et les agences de voyage) qui perdent plus de 30 % de leur CA en décembre et en janvier bénéficieront d’une aide exceptionnelle au paiement des cotisations salariales d’un montant égal à 20 % de leur masse salariale brute ;
– par ailleurs, les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, de l’événementiel, de la culture et du sport (relevant des listes S1 et S1 bis) perdant plus de 65 % de leur CA pourront obtenir l’exonération des cotisations patronales pour les mois de décembre et janvier, en plus de l’aide précédente, du dispositif d’activité partielle sans reste à charge et du régime renforcé des « coûts fixes ».
Et, pour accélérer le traitement de ces dossiers, les équipes de la DGFiP sont renforcées et un dispositif accéléré sera mis en place pour traiter les demandes d’aide de moins de 50 000 euros (soit les deux-tiers des demandes).
Au regard des attentes que les acteurs de la filière événementielle avaient exprimées mi-décembre auprès des rapporteurs, on peut considérer que, par ces diverses mesures, le Gouvernement a répondu à une très grande partie de leurs demandes de soutien.
D’aucun déplore la complexité du régime des coûts fixes qui s’est substitué aux aides principales du fonds de solidarité : il suppose la réunion de plusieurs conditions d’éligibilité et impose le recours à un cabinet d’expertise comptable (avec les coûts que cela induit), la notion d’EBE mensuel (qui sera utilisée pour déterminer l’éligibilité à l’aide ainsi que son montant) nécessitant de répartir mensuellement des charges annuelles et d’« arrêter » les comptes en fin de mois. Le principe d’une compensation à hauteur de 40 % de la perte de CA dans la limite de 20 % du CA de la période de référence (ou de 200 000 €), retenue pour les anciennes aides du fonds de solidarité, était plus simple et plus lisible ; « le Gouvernement l’a réformé sans en expliquer la pertinence ou la nécessité ».
Interrogé par la mission d’information, le ministre délégué chargé des PME a expliqué que la Commission européenne a imposé que l’aide « coûts fixes » soit limitée aux charges fixes non couvertes. La référence à l’EBE négatif répond à cette exigence et a été retenue en concertation avec l’Ordre des experts-comptables. Ce dispositif aurait été privilégié en raison du plafonnement individuel du régime initial du fonds de solidarité à 1,8 M€.
Certains observent par ailleurs que la référence (pour l’éligibilité) à la même période en 2019 n’est plus adaptée aux entreprises qui, depuis, ont créé de nouvelles activités dans le secteur, afin de rebondir plus vite. Ces nouvelles activités ont pu nécessiter des investissements et des recrutements puis être impactées à leur tour par la crise. Même si le CA généré par ces nouvelles activités ne suffit pas à couvrir les coûts d’exploitation, il vient s’additionner au CA des activités « historiques » ; la somme des deux CA peut alors dépasser le seuil du CA de référence en 2019, époque où ces nouvelles activités n’existaient pas encore, excluant en conséquence toute aide, même si l’activité est encore très faible.
Le ministre délégué chargé des PME a précisé que la comparaison aux résultats de n-2 (2019 en l’occurrence) est une exigence de l’Union européenne. Il assure que cette méthode de calcul serait adaptée si la crise devait perdurer. Mais « il a bon espoir que l’on en voit bientôt la fin ».
Les traiteurs souhaiteraient, enfin, que le seuil d’éligibilité à l’aide « coûts fixes rebond » de décembre soit abaissé de 50 % à 40 % de perte du CA de référence afin de pas contrecarrer les efforts de leurs entreprises à diversifier leurs activités en développant les repas « à emporter ».
2. Au-delà, le besoin d’un soutien complémentaire pour tenir et remonter
a. Une suspension des aides trop rapide pour un secteur aux rigidités structurelles importantes
Avant que la cinquième vague de la pandémie ne réactive à la fois les restrictions administratives et les dispositifs d’aide nationaux, tous les acteurs auditionnés avaient fait part de leur inquiétude devant la mise en extinction, puis l’arrêt de ces derniers (cf. supra), alors que leur activité était loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant la crise et que les perspectives restaient incertaines.
Paradoxalement le retour des contraintes a ramené une forme de sécurité financière : même si elles se traduisent par une quasi-paralysie de l’activité et des pertes dramatiques pour des entreprises fragilisées, les charges fixes sont désormais assez largement couvertes. Il n’est pas besoin de licencier les personnels en sous‑activité, ni de « mettre la clé sous la porte ».
Cette situation ne peut évidemment perdurer. Les ressources et la motivation s’épuisent ; et l’on sait que certaines dettes et charges reportées devront être remboursées un jour. Chacun espère surtout que ces mesures ne dureront pas et que l’activité pourra retrouver des conditions plus normales.
L’État a bien créé, en juin 2021, un dispositif d’accompagnement à la sortie de crise, qui a notamment pour vocation de repérer assez tôt les entreprises en difficulté financière : un conseiller départemental de l’État à la sortie de crise anime ce dispositif, avec la DGFiP et tous les partenaires locaux du plan d’action national de sortie de crise. Cette mission peut s’appuyer sur un outil d’analyse des « signaux faibles » qui établit une liste prédictive de détection des entreprises fragilisées par la crise. Des analyses partagées sont par ailleurs réalisées au sein du comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) pour définir des solutions (délais, prêts, conseils, aide au diagnostic…) adaptées aux entreprises concernées.
Et si, dans un contexte de reprise forte de l’activité économique, le maintien des aides d’urgence n’était plus justifié, le Gouvernement avait prévu une sortie progressive pour les secteurs protégés. En premier lieu, toutes les entreprises situées dans des territoires subissant des interdictions d’accueil du public, comme en Outre-mer, ont continué à bénéficier de tous les principaux dispositifs d’accompagnement (fonds de solidarité, activité partielle et exonération de charges sociales).
Quant aux entreprises des secteurs 1 du tourisme, de l’hôtellerie‑restauration, de l’événementiel, de la culture et du sport et des secteurs connexes inscrits en S1 bis, qui connaissent toujours des restrictions sanitaires telles que des jauges ou une perte de chiffre d’affaires supérieure à 80 %, elles devaient conserver une prise en charge total des indemnités d’activité partielle jusqu’à fin 2021.
En outre, après avoir mis en extinction les aides du fonds national de solidarité à partir de juin 2021, le Gouvernement avait finalement décidé, début novembre, d’ouvrir les substantielles aides de coûts fixes à l’ensemble des entreprises de ces secteurs sans restriction de chiffre d’affaires (mais à condition, notamment, de subir une perte d’au moins 50 % de leur CA), et ce, avec un calcul rétroactif au premier janvier 2021, tout en garantissant le maintien du dispositif jusqu’au 31 mars 2022 (cf. supra).
Le soutien national devait donc rester assez significatif (quand l’entreprise était éligible) – même si, dans le détail, il n’échappait pas aux critiques antérieures.
GL Events explique ainsi que les cycles de commercialisation de l’industrie événementielle se caractérisent par des délais pouvant aller de six mois à trois ans, « mettant la trésorerie de ses entreprises sous pression ».
Les entreprises du secteur doivent notamment sortir leurs salariés du régime d’activité partielle pour travailler sur les futurs projets et commandes. Les salaires, cotisations et congés payés sont à nouveau à leur entière charge alors qu’elles ne percevront les revenus de leur activité que beaucoup plus tard.
De leur côté, les gestionnaires des sites réceptifs doivent assurer leur maintien en état de fonctionnement minimal, même en l’absence de toute activité ; et s’ils veulent rester dans la compétition, ils devront aussi investir dans des équipements répondant aux nouvelles attentes des clients.
En temps normal, les fonds propres, la trésorerie constituée grâce aux précédentes prestations et les acomptes sur les contrats permettent de financer ces investissements préalables. Mais la crise a fortement réduit les uns, épuisé les autres, sauf à recourir aux emprunts qui doivent être remboursés à terme, et consommé les acomptes versés pour les évènements initialement programmés – quand il n’a pas fallu les rembourser.
En outre, l’équipe de sociologues entendue par la mission d’information a relevé des « rigidités » structurelles à la plupart des acteurs de la filière :
– le patrimoine événementiel est très peu liquide et surtout très peu flexible (gros bâtiments). En résultent d’importantes difficultés à investir pour se rebondir en situation de crise économique ;
– les réinvestissements cycliques, pour préparer les évènements suivants, laissent peu de liquidités aux petites sociétés ;
– la dissémination sur le territoire de petites entreprises dont la survie dépend de leurs partenariats locaux tout autant qu’une stratégie publique active pour développer le marché français des MICE (meetings, incentives, conferencing, exhibitions) par de multiples financements mixtes et autres soutiens essentiels (prêts de salle, de matériel, de forces de l’ordre, affichages, visuels, etc.) ont créé une dépendance aux pouvoirs publics territoriaux, qui a montré ses limites pendant la crise sanitaire.
Il faut enfin souligner que les importants décalages temporels caractérisant l’activité événementielle aggravent nettement les pertes sèches occasionnées par tout nouvel arrêt des prestations. Une entreprise peut ainsi avoir engagé des dépenses pendant des mois, pour préparer une manifestation, et subir son annulation du jour au lendemain, sans rentrer dans ses frais.
L’importance économique du secteur justifie une action et des moyens à la hauteur des enjeux.
Le 17 novembre 2021, M. Bruno Le Maire annonçait précisément que « spécifiquement pour la filière de l’événementiel, nous prévoyons la mise en place d’un plan d’actions dédié, qui visera principalement à soutenir le retour des clientèles françaises et internationales sur les principaux évènements français et l’investissement dans la modernisation et la transformation des sites événementiels ».
D’autres secteurs économiques ont bénéficié de mesures spécifiques importantes, sous la forme de renforts directs ou de dispositifs de soutien, tels l’aéronautique, l’automobile, les remontées mécaniques, et certains acteurs de la culture également confrontés à un décalage important entre leur travail de préparation et les retours sur investissements, etc.
Or, la crise actuelle a montré le poids économique de la filière événementielle dans notre pays. Il apparaîtrait donc opportun, et légitime, que l’État fasse un geste fort en sa faveur – même si les rapporteurs reconnaissent qu’il a su mieux prendre en compte ses spécificités à partir de novembre 2020.
b. Une demande d’aides à la reprise
Les professionnels auditionnés ont soumis à la mission d’information diverses pistes de travail concernant des aides répondant à des besoins différents de la seule urgence, mais qui seraient limitées dans le temps – à la durée du cycle complet d’un nouvel évènement par exemple (de la vente du projet à sa réalisation). Les acteurs dépendant des visiteurs internationaux estiment toutefois que cette phase de transition pourrait prendre au moins deux ans.
Sans se prononcer sur la pertinence de ces suggestions, les rapporteurs soulignent à nouveau la nécessité de prévoir des dispositifs soutenant une reprise dynamique et durable de l’activité.
Mais accorder ces aides pourrait être aussi une opportunité, celle d’accélérer l’engagement des professionnels de la filière dans des démarches éco-responsables.
Proposition n° 14 : Les rapporteurs recommandent toutefois de conditionner, dans la mesure du possible, les aides spécifiques à des efforts en termes de développement durable.
i. Aides au réinvestissement des entreprises
Les besoins sont multiples : reconstituer les fonds propres pour retrouver de nouvelles marges d’endettement et/ou disposer d’un renfort de trésorerie pour financer non seulement les besoins en fonds de roulement (BFR) mais aussi les investissements de reprise (les stocks, le nouveau matériel, la remise en route des machines ou la remise en état des lieux, les plans de communication, etc.), voire les investissements destinés à construire le développement futur.
Une demande commence à émerger concernant la création d’un fonds de garantie ou d’un mécanisme « assurantiel » qui indemniserait, au moins partiellement, les pertes de recettes consécutives à un reconfinement, une nouvelle interdiction des évènements ou un relèvement des jauges, ou la réduction significative des inscriptions, à l’instar de ceux que l’Autriche (300 M€) et
les Pays-Bas (385 M€) ont mis en place. Cela aiderait les professionnels à relancer leurs activités avec plus d’ambition.
Les rapporteurs observent que des solutions de cette nature existaient avant la crise ou ont été mises en place depuis pour les spectacles vivants, les scènes privées, les théâtres et les cabarets ; de même que des dispositifs permettant d’accompagner leurs investissements. ([19])
À l’instar des dispositifs dont bénéficient les autres secteurs, le fonds pourrait être alimenté, au moins pour partie, par des cotisations sur les recettes des professionnels de l’événementiel. Dans un premier temps toutefois, une dotation publique serait indispensable au regard de la situation financière de la filière.
Une revendication plus ancienne serait d’obtenir un allègement des charges pour les personnels rappelés ou recrutés afin de préparer un évènement, le temps que les premières recettes arrivent.
Toutes ces mesures seraient évidemment à proportion des difficultés imposées, des efforts et des risques pris par les entreprises pour relancer leurs activités.
Le ministre délégué ne s’est pas prononcé sur ces pistes, mais il a évoqué la possibilité d’étendre à l’événementiel le prêt « tourisme », qui est proposé avec un différé de deux ans et peut être remboursé sur une période plus longue que le PGE. Une telle ouverture offrirait indéniablement aux professionnels de l’événementiel plus de souplesse financière. Les rapporteurs l’apprécient, mais observent qu’un nouveau prêt reste conditionné au niveau initial d’endettement du demandeur ; en outre, c’est une solution risquée tant que les menaces d’annulations en masse restent fortes. Elle complèterait utilement mais ne peut remplacer un mécanisme de compensation en cas de pertes exceptionnelles.
ii. Soutien « environnemental » à la relance de l’activité
– la levée des obstacles pratiques, comme la simplification des procédures et l’accélération des délais d’obtention des visas. Promosalons cite l’Allemagne qui a intégré dans la liste des « motifs impérieux » (appliquée dans le cas d’un pays en « zone rouge ») le fait de participer à un salon B2B. Mais cela dépend évidemment de l’évolution de la pandémie.
Promosalons évoque aussi l’optimisation des contrôles sanitaires et identitaires pour les visiteurs de l’espace Schengen, l’amélioration de l’accès aux sites, à propos notamment du projet du Grand Paris express, etc. ;
– la communication et la promotion des évènements français, pour « reconquérir » les clients étrangers, exposants et visiteurs.
L’Unimev observe qu’en subventionnant significativement et depuis longtemps la visibilité de leurs évènements sur les marchés mondiaux, l’Allemagne et l’Italie ont pris une longueur d’avance. Ils pourraient aujourd’hui accentuer cette avance grâce aux fonds qu’ils ont investis avec l’accord de l’Europe. Les organisateurs français sont trop fragilisés aujourd’hui pour porter seuls une action assez forte pour les rattraper. Promosalons, qui représente un réseau visant à la promotion des salons français dans 120 pays, serait compétent pour mener cette action, mais il recommande la mise en place d’un fonds partenarial dédié, qui complèterait le fonds géré par Atout France pour la promotion touristique de la France auprès des organisateurs de congrès et de conventions ;
Les outils envisageables sont multiples, des subventions directes aux évènements jusqu’à la création d’un fonds de garantie en cas de réduction significative des recettes attendues (cf. supra).
Un soutien spécifique aux ETI concernées (telles GL Events, Comexposium, Viparis...) est demandé par ailleurs.
La prise en charge de l’activité partielle, les 100 M€ déjà versés au titre de la première aide « coûts fixes » et la création en décembre 2021 de l’aide « fermeture » (cf. supra) sont des premières réponses substantielles à leurs difficultés. Mais le ministre délégué chargé des PME a indiqué à la mission d’information que le Gouvernement continue de travailler avec elles pour renforcer encore son soutien, considérant que ces entreprises ont des enjeux propres.
Le recours au fonds de transition serait envisagé ;
Le fonds de transition a été lancé le 27 septembre 2021 pour accompagner de façon ciblée les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire et dont le rebond risque d’être plus long.
Il vise principalement les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises de tous secteurs (à l’exception du secteur financier) directement affectées par les répercussions de la crise. Il s’agit notamment des entreprises des secteurs tels que l’hôtellerie-café-restauration, le tourisme, l’événementiel, le commerce, la distribution, les transports, etc.
Doté de 3 milliards d’euros, le fonds de transition permettra de soutenir, par des prêts et des instruments de quasi-fonds propres, les entreprises qui ont un besoin de liquidités ou de renforcement de leur haut de bilan, du fait de leur endettement et de la dégradation de leur solvabilité.
Pour y prétendre, celles-ci doivent rencontrer des besoins de financement persistants ou de renforcement de leur bilan, que les instruments existants ne permettent pas de combler. Ces entreprises doivent également démontrer la pérennité de leur modèle économique.
– l’adaptation des évènements et des sites français au développement de la digitalisation est également un enjeu d’attractivité ; mais il s’agit d’investissements de plus long terme, qui seront évoqués plus loin.
En réponse à ces diverses attentes, le Gouvernement a notamment lancé, fin novembre, un plan Destination France qui prévoit deux dispositifs : l’un prend en charge 50 % des frais de stand (dans la limite de 10 000 €) pour les petites entreprises françaises exposant dans des évènements à dimension internationale, avec une enveloppe financière de 80 M€ confiée à la CCI de Paris-Île de France ; l’autre s’attachera à faire revenir les clients à haute valeur ajoutée.
c. Des concurrents européens massivement soutenus par leurs États
Les différents représentants de la filière événementielle rappellent que d’autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Italie, Autriche) ont mis en place des dispositifs dédiés pour soutenir les entreprises événementielles ou certaines d’entre elles.
Ces aides spécifiques sont compatibles avec la réglementation européenne de la concurrence. L’article 107 § 3, b) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), notamment, autorise les États membres à apporter aux entreprises « des aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ». La Commission européenne a elle-même reconnu le caractère exceptionnel de la crise sanitaire et adopté un « Régime cadre temporaire pour le soutien aux entreprises dans le cadre de la crise de la covid‑19 ». La crise perdurant, les États membres sont toujours libres de lui notifier de nouveaux projets d’aides spécifiquement destinées à certains secteurs d’activités particulièrement touchés.
L’Allemagne, entre autres, a notifié à la Commission européenne son souhait de consacrer 642 M€ à ses gestionnaires de parcs d’exposition. Les sites relevant d’un actionnariat public (régions ou villes) ont pu être renfloués par ailleurs.
En Italie, le Gouvernement a mis en place un fonds de 1,4 Md€ sur trois ans pour accompagner la relance de l’événementiel et un plan de 1,2 Md€ destiné à soutenir ces entreprises face aux annulations de salons.
Un tableau en annexe au présent rapport détaille les dispositifs de ces deux pays.
L’exemple du mécanisme d’aide aux parcs des expositions allemands
(Décision CE SA.59173 du 22 janvier 2021) :
1. Bénéficiaire : toutes les entités (PME ou grande entreprise) implantées en Allemagne, suivantes :
1. Les propriétaires privés ou publics et gestionnaires de centres de congrès ou de salons et qui les exploitent pour leur activité « accueil/organisation de manifestations » mais également pour leur activité de services fournis dans le cadre de l’accueil des manifestations
2. Les propriétaires qui louent uniquement leur sites à un gestionnaire
3. les éventuelles entités intermédiaires entre le propriétaire et le gestionnaire. +
2. Forme de l’aide : subvention directe
3. Autorité en charge du paiement et du contrôle : Länder ou autorité fédérale selon les cas
4. Conditions : il faut que les bénéficiaires aient (de manière cumulative a priori), du fait des décisions prises par les autorités des Lander pour endiguer la crise :
1. subi des interdictions d’utilisation de leur infrastructure pour organisation des salons/ congrès ou des salons/congrès de grande envergure, et
2. subi une perte de profit.
5. Pertes compensées :
1. peut couvrir jusqu’à 100 % des dommages admissibles (incluant le manque à gagner).
2. Les pertes doivent être en lien direct avec les interdictions.
3. Périmètre : couvre toute perte de bénéfices subie par le bénéficiaire entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020,
6. Modalités de calculs :
1. les pertes doivent être appréciées sur la base du réel (documents comptables à l’appui). Possibilité de se baser sur des projections dans des cas exceptionnels, dûment justifiés et régularisés avant 31/06/2021
2. Deux méthodes de calcul des pertes :
a. « Période de référence » : La différence entre les bénéfices provenant de l’exploitation des infrastructures sur la base de la moyenne des bénéfices de la période de référence (du 1er mars au 31 décembre) des années 2018 et 2019 (mais ne dépassant pas les bénéfices de la période de référence de 2018) et les bénéfices réels de la même période en 2020, en tenant compte des éléments déductibles.
b. « Marge de contribution » : sur la base des dernières marges de contribution régulières des évènements qui ont été annulés ou n’ont pas eu lieu dans leur intégralité. Cela fait référence à la différence entre les recettes et les coûts variables. La marge de contribution est le montant par évènement disponible pour couvrir les coûts fixes, les salons restant stables en ce qui concerne la taille, les participants, les recettes, etc. Toutefois, un salon ne peut être considéré comme un évènement passé pertinent que s’il a eu lieu au même endroit.
7. Eléments déductibles de l’aide :
1. Principe : les bénéficiaires ont l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour minimiser les pertes qu’ils subissent et limiter l’aide au minimum.
Le bénéfice de l’aide est exclu pour tout demandeur qui est responsable des dommages subis et/ou qui n’a pas mené ses activités avec la diligence requise ou dans le respect de la législation applicable ou qui n’a pris aucune mesure relevant de sa responsabilité pour atténuer ses dommages.
2. Sont déduits de l’aide : Les dépenses qui ont été évitées ou les économies qui ont été réalisées ou les avantages reçus sur toute autre base (en particulier les paiements des compagnies d’assurance ou issus d’une décision d’un tribunal). Cela concerne par exemple sans être exhaustif :
- les frais de personnel économisés (par exemple, au moyen d’indemnités de courte durée) ;
- les frais de réparation et d’entretien économisés ;
- les économies réalisées sur les frais de marketing ;
- les coûts non encourus (par exemple pour l’informatique ou l’infrastructure).
Si l’aide est versée avant le paiement d’un dédommagement d’assurance, les autorités récupéreront le montant auprès du bénéficiaire.
8. Aide cumulable : les aides accordées dans ce cadre peuvent être combinées avec d’autres aides à la compensation des pertes et avec des aides relevant du cadre temporaire pour les aides d’État destinées à soutenir l’économie dans le cadre de l’épidémie de la covid-19, dans la limite de 100 % des pertes réelles calculées conformément à ce dispositif.
9. Modalités de paiement : elles varieront selon les règles applicables à chaque Land
10. Dossier à monter par les demandeurs de l’aide : fournir tous les documents pertinents pour le calcul/contrôle des dommages, y compris les comptes approuvés des exercices passés et/ou fournir une confirmation d’un expert indépendant. Le contrôle ex post de la compensation sera basé, entre autres, sur les comptes audités des bénéficiaires.
Promosalons considère que la concurrence entre places se jouera en partie dans la capacité à investir pour rénover et moderniser les infrastructures et les équipements d’accueil. Ses observations à travers le monde montrent que la clientèle, notamment internationale, est sensible à l’embellissement des lieux, à l’amélioration de son expérience, à l’offre de services innovants et à l’élargissement des potentialités de rencontres.
De fait, même si cela ne concerne qu’une partie de l’activité événementielle, les salons et les congrès pour l’essentiel, et que les attentes sont moindres pour les manifestations plus locales, le développement de la digitalisation et du distanciel est sans doute incontournable pour les plus grands évènements professionnels.
Cela suppose des investissements substantiels tant dans les équipements que dans les compétences associées. Car il faut faire appel à de nouveaux métiers (marketing digital, design d’expérience, design de sites et d’applications, analyse de données, techniques immersives, etc.) mais aussi former les personnels déjà en place.
France urbaine comme Promosalons prônent en conséquence la mise en place d’un fonds d’appui à l’investissement dans les équipements liés au tourisme d’affaires ; France urbaine recommandant qu’une attention particulière soit portée aux métropoles et agglomérations de taille intermédiaire dont les équipements sont souvent obsolètes et dont l’attractivité est fragile.
D’autres secteurs de l’économie française ont bénéficié de soutiens équivalents.
Enfin, l’autre enjeu de long terme est le « verdissement » de la filière. Il est crucial qu’elle devienne exemplaire sur les plans énergétique et environnemental, en termes de consommation, d’éco-conception des évènements et de gestion de leurs déchets, autant d’objectifs réclamant aussi de nouveaux investissements.
E. Les défis des ressources humaines
Le dispositif de l’activité partielle et son renforcement à compter de juin 2020 pour les entreprises fermées ou relevant des secteurs S1 et S1 bis ont permis de limiter les licenciements pendant la crise.
Toutefois, la prolongation des restrictions et des incertitudes sur la reprise de leurs activités a tout de même amené la plupart des entreprises à réduire leurs personnels, ou convaincu certains salariés à quitter leurs emplois, quand bien même leurs rémunérations étaient maintenues en grande partie (à 84 % du salaire net pendant plus d’un an, dans la limite de 4,5 SMIC), parce qu’ils ne supportaient plus l’inactivité ou ne croyaient plus à l’avenir de leur secteur. La filière a ainsi perdu un certain nombre de ses emplois et de ses compétences, sans compter ses nombreux intérimaires et extras qu’elle n’a plus sollicités pendant de nombreux mois.
1. Retrouver du personnel motivé et qualifié
L’événementiel se caractérise en effet par une activité fluctuante, avec une composante saisonnière qui peut être importante. De nombreux emplois sont ainsi recrutés à la manifestation ou la réception.
Le contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) ou « contrat d’extra » est défini par l’article L. 1242-2, 3° du code du travail. Il est réservé aux secteurs déterminés par un décret, un accord collectif ou une convention. Il concerne des activités requérant des prestations ou des renforts très emporaires, parfois limités à une journée.
Il offre une grande souplesse aux employeurs : un extra peut être embauché sans délai, pour une durée non précisée mais avec des horaires variables, et être reconduit à tout moment sans période d’attente ni limitation. Il les exonère aussi du versement des indemntés de précarité prévues pour les autres types de CDD.
En contrepartie, la rémunération ne peut être inférieure ni au minimum conventionnel de la catégorie professionnelle à laquelle l’employé appartient, ni au montant de la rémunération que percevrait dans la même entreprise un salarié en CDI de qualification équivalente et occupant les mêmes fonctions. Le salarié n’a pas droit à des jours de congés, mais perçoit une indemnité de congés payés égale à 10 % de la rémunération brute perçue. Et la durée de présence sur les lieux de travail est limitée au jour et à la semaine (de 50 à 52 h).
L’employeur doit tenir un registre de ses périodes de travail et de ses horaires, émargé par le salarié.
Enfin, l’emploi concerné doit être par nature temporaire et ne pas concerner l’activité normale et permancente de l’entreprise.
Si l’employeur ne respecte pas ces règles, le salairé peut demander la requalification de son contrat en CDI.
* * *
Au début de l’année 2020, des mesures ont été mises en œuvre pour limiter le recours excessif aux CDDU :
– la taxation forfaitaire de 10 €, acquittée par l’employeur pour chaque CDDU conclu à compter du 1er janvier 2020, qui a été supprimée à compter du 1er juillet 2020 ;
– la majoration à 4,55 %, en fonction de la durée des contrats, de la contribution patronale d’assurance chômage dans certains secteurs d’activité ; toujours appliquée ;
– et la possibilité d’appliquer un dispositif de « bonus-malus » de la contribution patronale d’assurance-chômage (actuellement de 4,05 %) selon le taux de séparation de l’employeur, à savoir le nombre de fins de contrats de travail ou de missions d’intérim assorties d’une inscription à Pôle emploi, rapporté à l’effectif annuel moyen. Il s’appliquera aux entreprises de 11 salariés et plus relevant des secteurs d’activité dont le taux de séparation moyen est supérieur à 150 %. Un arrêté du 28 juin 2021 a fixé la liste des secteurs d’activité concernés, dont la restauration. La première modulation des contributions au titre du bonus-malus s’appliquera à compter du 1er septembre 2022.
Toutefois, les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire (celles qui relèvent de la liste S1) sont exclues de la première modulation, notamment celles des secteurs « Hébergement et restauration ».
Certains de ces « intermittents » en avaient fait un choix de vie, à l’instar des cuisiniers, serveurs et maîtres d’hôtel représentés par l’Organisation du personnel de la restauration dans l’événementiel (OPRE) auditionnée par la mission d’information. L’activité était jusqu’alors suffisamment soutenue pour qu’ils ne connaissent pas le sous-emploi. Mais la crise a tout arrêté. Ils se sont retrouvés durablement sans mission.
La prolongation de cette situation a fini par épuiser leurs droits à une indemnisation du chômage. Quand leurs secteurs d’activité étaient à l’arrêt, ces extras, comme les autres saisonniers, ont bénéficié d’aides exceptionnelles. Mais elles n’ont pas été réactivées avec les nouvelles restrictions, le Gouvernement considérant qu’elles ne se justifiaient plus dans un marché du travail en tension.
Toutefois, même s’il est de bon sens à l’échelle globale, ce choix a pour effet de pousser davantage les extras de la filière vers d’autres secteurs. Les besoins de l’événementiel existent, mais ils sont plus ponctuels et plus éparpillés sur le territoire, et leur fréquence est encore trop instable pour convaincre les professionnels de rester à la disposition des entreprises de l’événementiel.
L’OPRE alerte sur les répercussions pour la filière événementielle : « Sans revenu, ni aide et une réforme durcie récemment, tous les ingrédients sont là pour nous faire quitter ce beau métier, cette vocation. Nos plus grands professionnels et passionnés (le peu encore restant) ne peuvent plus tenir et commencent à peser le pour et le contre, ainsi nous vivons une fois de plus des départs que nous ne pourrons combler ».
Face à cette menace, la filière sollicite en urgence une compensation pour la perte de contrats et d’activité pour ses extras et ses intermittents.
De fait, jusqu’à présent, en-dehors des métiers de la restauration, leurs personnels étaient surtout formés sur le terrain, par leurs collègues et leur encadrement. Ces apprentissages pouvaient prendre plusieurs années, mais les équipes étaient assez nombreuses pour pallier leur manque d’expérience. Avec les actuelles tensions sur les postes de travail, les entreprises doivent aujourd’hui composer avec des débutants auxquels on ne peut demander la même efficacité, ce qui complique encore la situation.
La filière demande donc que soient enfin organisées des formations spécifiques, qui n’existent pas toujours aujourd’hui.
Ce serait, en outre, une manière de faire connaître ces métiers, des professions de passion mais qui sont encore largement méconnues des jeunes.
L’OPRE a profité de cette période d’inactivité pour construire des formations à ses métiers ; mais elle cherche aujourd’hui les écoles pour les accueillir et un peu de financement pour les lancer.
De son côté, le ministre délégué chargé des PME annonce qu’une campagne de communication sera lancée au printemps pour promouvoir les métiers du tourisme. Elle pourrait être étendue à la filière événementielle.
Les périodes d’activité partielle se prêteraient parfaitement à ces démarches. Les employeurs n’ont pas à accorder des congés et les salariés y trouveraient une occupation constructive. Mais les formations visées manquent et les employeurs n’ont actuellement plus les ressources pour les financer.
Les acteurs de la filière sollicitent donc une aide à la formation pour leurs salariés, extras et intermittents en attendant leur reprise complète. Selon eux, il faudrait au moins relever les plafonds du dispositif d’accompagnement du Fonds national de l’emploi, FNE-Formation.
Celui-ci a été renforcé pour les entreprises en activité partielle ou en activité partielle de longue durée (APLD). Il propose des parcours de formation permettant aux salariés de développer leurs compétences. Mais ces formations ne sont ouvertes aux contrats courts que s’ils ne demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à la fin du parcours ; et une partie des coûts pédagogiques restent à la charge des entreprises à partir d’un effectif de 300 salariés.
À défaut, les employeurs préfèreraient privilégier une facturation de « prêt de main d’œuvre » exceptionnelle, qui garderait un lien contractuel avec le salarié tout en permettant de compenser un peu leur perte de CA.
Cette dérogation au droit du travail a été autorisée temporairement, au plus fort de la crise, mais elle semble avoir été largement ignorée des employeurs et elle n’est désormais plus possible.
Confronté aux mêmes difficultés, les employeurs de la filière Hôtellerie-restauration viennent de proposer une nouvelle grille des salaires avec une augmentation moyenne de 16 %. Cette grille est actuellement soumise à la signature des organisations syndicales de salariés.
Les traiteurs-organisateurs de réceptions (TOR) de la filière événementielle comprennent la nécessité de ces revalorisations : ils souhaitent eux-mêmes attirer de nouveaux talents et veulent pouvoir « récompenser leurs permanents, au combat à leurs côtés depuis le début de cette crise ».
Mais ils s’inquiètent aussi des surcoûts qui en découleront. Ils estiment que sans allègement de charges, les comptes d’exploitation de leurs entreprises ne seront pas capables de les absorber en l’état actuel.
Grâce aux diverses mesures de soutien mises en œuvre par le Gouvernement, force est de reconnaître que les moyens sont mobilisés, depuis novembre 2020, pour sauvegarder les entreprises de la filière événementielle.
Au surplus, le ministre délégué chargé des PME a assuré qu’elles seront prolongées – et sans doute réactivées ultérieurement, si nécessaire – autant que des restrictions s’imposeront à ses activités.
Les rapporteurs saluent les investissements exceptionnels que cela représente, tant par leur ampleur que par leur durée.
Mais la survie n’est pas tout, il faut rebondir, vite et de manière durable afin de consolider la filière et de retrouver l’impulsion qu’elle donnait à nos territoires et la place de notre pays sur le marché mondial.
Or, les travaux de la mission ont montré qu’en dépit des aides publiques, les professionnels de l’événementiel sont très affaiblis par la crise, souvent trop pour relancer leur activité efficacement, avec des cycles de production structurellement longs qui doivent attendre plusieurs mois voire plusieurs années avant de faire recette.
Les rapporteurs considèrent donc qu’au-delà des mesures d’urgence, il sera primordial d’accompagner activement l’écosystème événementiel dans sa sortie de crise et la relance vigoureuse de ses activités.
Pour conclure, rendons hommage à cette belle filière :
« Adaptable constamment,
« inventive en permanence,
« époustouflante souvent,
« et festive continuellement,
« sans elle, nos soirées d’entreprises seraient ennuyeuses, nos foires et salons bien moroses et nos mariages désenchantés.
« Défendons cette filière si créative, elle le mérite ! » (Présentation des travaux de la mission devant la commission des affaires économiques).
Lors de réunion du mardi 19 janvier 2022, la commission a examiné les conclusions du rapport d’information de la mission d’information sur l’impact de la crise de la covid-19 sur le secteur événementiel (M. Philippe Naillet et Mme Corinne Vignon, co-rapporteurs).
Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :
La commission a approuvé la publication du présent rapport d’information.
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ANNEXE 1 : Liste des codes APE du secteur de l’évÉnementiel
– Activité d’organisation ou d’accueil des foires, salons, congrès, évènement d’entreprises et institutionnels : 8230Z – 8413Z - 9001Z – 9004Z – 9102Z – 9103Z – 9311Z – 9312Z – 9321Z – 9411Z – 9412Z
– Création, conception, design, agencement de stands et d’espace éphémère pour les salons, foires congrès et évènements corporate et grands publics. Architecture et ingénierie, activité liée à la communication, la publicité et la signalétique : 1812Z – 7021Z – 7022Z – 7111Z – 7112B – 7311Z – 7320Z – 7410Z – 8130Z – 8299Z
– Toutes prestations liées à l’aménagement et l’agencement des stands et lieux événementiels, de la construction, la décoration, les locations de services et la logistique liée. Transport sur sites événementiels, manutention, construction, décorations, location de mobilier- Electricité, sonorisation, signalétique : 1623Z – 1813Z – 2511Z – 3101Z – 3109B – 4321A – 4329B – 4332A – 4332C – 4334Z – 4339Z – 4669B – 4669C – 4776Z –4799B – 8559A
– Transport spécialisé pour des opérations événementielles : 4939B – 5229A – 5229B – 7911Z – 7912Z
– Activités d’édition spécifique aux foires, salons, congrès et évènement d’entreprises : 4791B - 5814Z – 5819Z
– Sociétés du numérique spécialisées pour les activités événementielles : 5829A – 5829C – 6120Z – 6201Z – 6202A – 6311Z – 6312Z – 7733Z
– Activité des services financiers spécialisés dans l’événementiel : 6420Z – 6430Z – 6622Z – 6630Z
– Activités de restauration dans le cadre des évènements : 5510Z – 5610A – 5610C – 5621Z
– Activité immobilière spécifique à l’événementiel : 6820B – 7010Z – 7729Z
– Mise à dispositions de personnel à l’occasion des évènements : 7810Z – 7830Z – 8010Z – 8020Z
– Activité de nettoyage à l’occasion des évènements : 8121Z
– Activité médicale dans le cadre des évènements : 8621Z
– Accompagnement des entreprises organisatrices d’évènements : 2022Z – 7490B
– Activité de communication visant la création, la communication des évènements : 5911A – 5911B – 5911C – 5912Z – 7312Z
– Activité de location de matériel spécifiquement dans le cadre des évènements : 7739Z – 7990Z
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