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N° 4922

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2022.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

sur l’évaluation de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel,

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

Mme Catherine FABRE et M. Gérard CHERPION,
rapporteurs pour le titre Ier, Députés

M. Sylvain MAILLARD et M. Joël AVIRAGNET,
rapporteurs pour le titre II, Députés

Mme Carole GRANDJEAN et Mme Michèle de VAUCOULEURS,
rapporteures pour le titre III, Députées.

 

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SOMMAIRE

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Pages

Avantpropos de Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

INTRODUCTION

Titre Ier : rÉformer la formation professionnelle et L’ALTERNANCE POUR PROMOUVOIR UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ DE COMPÉTENCES

I. Une réforme ambitieuse de la formation professionnelle

A. LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION, UN DISPOSITIF DÉSORMAIS PLUS ACCESSIBLE QUI A RENCONTRÉ SON PUBLIC

1. Le CPF a été profondément transformé depuis 2018

a. Rappel de l’existant avant la réforme et des objectifs poursuivis

b. Les objectifs affichés de la loi « Avenir professionnel »

c. Principales dispositions introduites

2. Le recours accru au CPF est incontestable

a. Les chiffres sont sans appel quant à la réussite du CPF rénové

b. Le profil des bénéficiaires du CPF a évolué en faveur d’un meilleur accès pour tous

c. La question de la fraude au CPF est devenue un sujet sensible

3. La co-construction gagnerait à se développer

a. La possibilité d’abondements complémentaires n’a été ouverte que progressivement à partir de l’été 2020

b. Les pratiques de co-abondement se développent mais restent faibles

c. Les formations moins professionnalisantes, un enjeu hautement stratégique

4. Le succès du CPF demande à revoir les modes de financement et de régulation du système pour en assurer la soutenabilité

a. Le compte personnel de formation coûte un peu plus de 2 milliards chaque année et est appelé à encore se développer

b. La logique de guichet ouvert est un choix politique fort qu’il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause

B. LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE, UN DISPOSITIF À FORT POTENTIEL QUI GAGNERAIT À ÊTRE MIEUX CONNU DES SALARIÉS

1. La montée en charge du CEP est incontestable mais reste encore limitée…

a. Le CEP reste un dispositif trop confidentiel

b. Un excellent taux de satisfaction des bénéficiaires du CEP

c. La mobilisation du CEP reste très orientée vers la reconversion professionnelle...

2. ... malgré des initiatives qui vont dans le bon sens

a. Le maillage territorial est renforcé par la diversification des opérateurs du CEP

b. La communication autour du CEP s’est améliorée

3. Résorber le déficit de notoriété du CEP est un impératif à court terme

a. Le constat d’une méconnaissance du CEP est unanimement partagé

b. Assurer une communication plus forte, sur tout le territoire, autour du CEP

C. UN NOUVEAU FLÉCHAGE des fonds DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES VERS LES PETITES ENTREPRISES

1. Le nouveau système de mutualisation au profit des petites entreprises peine à convaincre

2. L’esprit de la réforme doit être consolidé

a. Réaffirmer l’aide au développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés comme une priorité

b. Pour les entreprises de 50-299, co-investir pour pallier la fin des fonds mutualisés

D. LE NOUVEAU PROJET DE TRANSITION PROFESSIONNELLE

1. La nouvelle architecture institutionnelle s’est mise en place rapidement

a. Le lien entre les associations « Transitions Pro »et France compétences est bien établi

b. Les relations sont fluides entre les différents acteurs de la transition professionnelle

2. Les projets de transition professionnelle restent sous-dotés

a. Les fonds dédiés à la transition professionnelle sont insuffisants

b. « Pro-A », un dispositif mis en œuvre très récemment

c. Le nouveau dispositif « Transitions collectives » s’inscrit dans cette volonté de renforcer les moyens dédiés aux transitions professionnelles

E. LES NOUVELLES MODALITÉS d’ACTION DE FORMATION

1. Les nouvelles modalités de formation sont entrées en résonance avec la crise sanitaire et économique

a. La formation à distance, un atout précieux pendant le confinement

b. La formation en situation de travail, une offre pédagogique prometteuse mais difficile à mettre en œuvre

2. L’essor de ces nouvelles modalités d’action de formation reste contenu, ou à tout le moins, difficilement évaluable

3. La validation des acquis de l’expérience : vingt ans de résultats décevants qui appellent une réforme systémique

F. LA CERTIFICATION « QUALIOPI », BIEN QUE RETARDÉE PAR LA CRISE, REÇOIT DÉJÀ UN ACCUEIL POSITIF

II. réforme de l’alternance : la révolution copernicienne a bien eu lieu

A. un succès reconnu de tous dans l’apprentissage

1. Un bond « quantitatif » et « qualitatif » pour l’apprentissage

a. Une hausse très importante dans un contexte particulier

b. Un saut « qualitatif » : une diversification des profils, des parcours et des diplômes visés

B. La simplification des démarches autour du contrat d’apprentissage

1. La loi « Avenir professionnel » a entendu simplifier la conclusion et la rupture du contrat d’apprentissage

a. Les mesures de simplification contenues dans la loi

b. Un bilan globalement positif même s’il est difficile d’en mesurer quantitativement les effets

2. Un transfert du dépôt vers les OPCO qui nécessite encore un travail d’harmonisation

C. La révolution du « coût-contrat »

1. La loi « Avenir professionnel » a mis en place un financement plus souple et plus dynamique de l’apprentissage

2. Une première édition fructueuse tant du point de vue de la décentralisation que de la régulation

3. Une transformation très profonde du financement qui appelle des ajustements importants et un approfondissement de la logique de la réforme

a. Des premiers effets très prometteurs du coût-contrat

b. Un système largement approuvé malgré quelques difficultés sur l’investissement

c. Une logique de la réforme à prolonger à l’avenir

D. Le rôle des régions après la réforme

E. Une « évaluation en continu » de la réforme de l’apprentissage qui peut s’appuyer sur la comptabilité analytique et des critères d’évaluation

1. La comptabilité analytique au service de la régulation et de la convergence

2. Les résultats du CFA au service de la transparence

F. Une réforme des aides, « recouverte » jusqu’ici par la mise en place de dispositifs exceptionnels

G. L’évolution des contrats de professionnalisation témoigne d’une certaine porosité avec l’apprentissage

1. Une réforme à la marge des dispositions relatives aux contrats de professionnalisation

2. Des évolutions incidentes importantes depuis la réforme

a. La diminution du nombre d’entrées en contrat de professionnalisation

b. Une évolution des profils pour les contrats de professionnalisation

H. Les « prépa-apprentissages » : un bilan positif

I. Le développement de la mobilité internationale en alternance freiné par la crise mais pas seulement

J. La reconnaissance bienvenue des écoles de production

III. La réforme de l’orientation : une transformation encore limitée

1. La création des « prépa-métiers »

2. Les nouvelles compétences des régions en matière d’orientation

3. Faciliter l’immersion en entreprise

IV. Architecture institutionnelle et financIÈre du nouveau système

A. LA GOUVERNANCE DE France COMPÉTENCES

1. Le bouleversement de la gouvernance de la formation professionnelle opéré par la création d’un nouvel opérateur unique

2. France compétences s’est tout de suite imposée dans le paysage de la formation professionnelle et de l’alternance

a. Les dispositions réglementaires ont précisé la composition et le fonctionnement de France compétences

b. France compétences a, sans conteste, une vision transversale qui manquait aux précédentes instances

3. La gouvernance de France compétences reste toutefois contestée

a. Le risque d’une logique « bloc contre bloc » au sein du conseil d’administration

b. Les orientations stratégiques doivent être mieux suivies et développées

B. Le pilotage financier par France compétences : une architecture clarifiée, une situation financière qui reste difficile

1. La loi « Avenir professionnel » a créé un nouveau circuit financier dont France compétences était le cœur

a. La contribution unique au financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (CUFPA) et les contributions « satellites » : le changement dans la continuité

b. Le rôle central de France compétences comme financeur et répartiteur unique

2. Une situation financière durablement déséquilibrée par la crise mais aussi par la dynamique de certains dispositifs financés

a. Une construction financière qui n’est pas « automatiquement » équilibrée

b. Des déficits liés notamment au succès de l’apprentissage

C. LA CRÉATION DES OpÉrateurs de compÉtences ENTÉRINE L’ÉVOLUTION DU RÔLE DES Organismes paritaires collecteurs agrÉÉs VERS LE CONSEIL AUX ENTREPRISES

1. Les opérateurs de compétences (OPCO) ont succédé aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA)

2. Une mise en œuvre de la réforme ralentie par la crise

a. Les dispositions transitoires prévues par la loi

b. La crise a ralenti la restructuration du réseau d’opérateurs

3. Le pari réussi du périmètre des nouveaux opérateurs de compétences

a. L’installation de ces opérateurs n’a pas entraîné de surcoût significatif

b. Un regroupement cohérent des opérateurs de compétences qui a fait naître de réelles synergies

c. Des relations fluides avec France compétences

D. le transfert de la collecte des contributions aux URSSAF : Une réforme technique dont le calendrier a été reporté

1. La loi « Avenir professionnel » entendait confier la CUFPA aux URSSAF dans un souci de spécialisation

2. Un calendrier reporté à plusieurs reprises

3. Les inquiétudes sur sa mise en œuvre devront être levées au gré de la mise en œuvre

Titre II : La réforme du cadre et des règles de l’assurance chômage et de la recherche d’emploi

I. La réforme de la gouvernance et du financement de l’assurance chômage

A. Une nouvelle articulation entre État et partenaires sociaux

1. La loi « Avenir professionnel » a entendu expliciter la présence de l’État dans le pilotage du régime d’assurance chômage, selon des modalités débattues dès l’origine

a. La gouvernance de l’assurance chômage avant la loi « Avenir professionnel » : un cadrage législatif limité laissant une part importante au paritarisme « de gestion »

b. Le nouveau cadre de négociation créé par la loi « Avenir professionnel » et ses mesures d’application

2. Un premier processus de cadrage-négociation qui s’est soldé par un échec

a. Le cadrage de la négociation

b. L’échec de la négociation

c. Les mesures décidées par décret par le Gouvernement

3. Plusieurs orientations permettraient d’améliorer ou de revoir entièrement ce processus dans le sens d’une plus grande confiance entre les acteurs

a. Un objectif partagé : rétablir la confiance entre les acteurs

b. Des voies différentes pour y parvenir

B. L’évolution des règles de financement de l’assurance chômage constitue un point majeur de la réforme

1. La loi « Avenir professionnel » a consacré les évolutions issues des grandes réformes des prélèvements sociaux de 2018

a. Le choix de la CSG « activité » pour compenser de nouvelles exonérations

b. Un mécanisme qui fait jouer la sécurité sociale comme « chambre de compensation »

2. Ce nouveau financement questionne plus globalement l’articulation entre le régime d’assurance chômage et la sécurité sociale ainsi que la situation financière de l’Unédic après la crise

a. Une articulation chômage-sécurité sociale en débat

b. Un solde de l’Unédic en voie d’amélioration sans qu’ait été tranchée la question de sa dette

II. La réforme des règles de l’assurance chômage issue de la loi « avenir professionnel »

A. L’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), un dispositif original dont la portée est demeurée limitée

1. La loi « Avenir professionnel » a entendu ouvrir un nouveau droit aux travailleurs indépendants

a. Une conception difficile éclairée par une mission « IGAS-IGF »

b. Un dispositif ciblé et encadré

c. Un objectif quantitativement modéré au regard des critères retenus

2. Un bilan pour l’heure limité

a. Malgré les efforts entrepris par Pôle emploi, l’ATI présente un bilan en-deçà des attentes du Gouvernement

b. Les facteurs explicatifs de ce faible recours à l’ATI

3. Des perspectives d’évolution dans le cadre du projet de loi « indépendants »

B. L’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires

1. Les motifs de l’élargissement des motifs « légitimes » de démission

2. Les dispositions de la loi « Avenir professionnel » et ses modalités d’application

3. Un bilan globalement positif quoique plus faible qu’attendu

C. Les réformes relatives à Pôle emploi

1. La redéfinition de l’« offre raisonnable d’emploi »

2. La modernisation des règles de contrôle et de sanction des demandeurs d’emploi

3. Des précisions accrues sur les voies de recours dans les courriers de Pôle emploi

titre III : Les dispositions relatives à l’emploi

I. les mesures relatives À l’entreprise inclusive

A. la simplification de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapÉs

1. Les dispositions de la loi

2. L’impact des mesures adoptées

B. les autres mesures en faveur de l’insertion des personnes handicapÉes

C. le renforcement du cadre d’intervention des entreprises adaptÉes

1. Les dispositions de la loi

2. L’impact des mesures adoptées

II. les mesures relatives au dÉtachement des travailleurs et À la lutte contre le travail illÉgal

A. l’Adaptation des exigences administratives pour certaines situations de dÉtachement

1. Les dispositions de la loi

2. L’impact des mesures adoptées

B. le renforcement des outils de contrÔle et de l’effectivitÉ des sanctions administratives

1. Les dispositions de la loi

2. L’impact des mesures adoptées

C. la consolidation de l’arsenal juridique de lutte contre le travail illÉgal

1. Les dispositions de la loi

2. L’impact des mesures adoptées

III. les mesures relatives À l’ÉgalitÉ professionnelle entre les femmes et les hommes et À la lutte contre le harcÈlement sexuel et les agissements sexistes au travail

A. l’index de l’ÉgalitÉ professionnelle entre les femmes et les hommes

1. Un nouvel outil au service de la promotion de l’égalité professionnelle

2. Un dispositif qui produit des résultats encourageants

3. Un dispositif perfectible

4. Un dispositif à étendre aux entreprises de moins de cinquante salariés ?

B. la lutte contre le harcÈlement sexuel et les agissements sexistes au travail

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Contributions

I. Contribution du groupe la république en marche

II. Contribution de Mme Fadila Khattabi, présidente de la commisson des affaires sociales

III. Contribution de MME aNNE bRUGNERA

IV. cONTRIBUTION DE mME Christine Cloarec-Le Nabour

V. Contribution de Mme Monique Limon

VI. Contribution de M. Thierry Michels

VII. Contribution de Mme Muriel Roques-Etienne

annexe : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

I. Liste des personnes auditionnées par Mme CATHERINE FABRE et M. GÉRARD CHERPION, rapporteurs pour le titre IER

II. Liste des personnes auditionnées par MM. SYLVAIN MAILLARD et JOËL AVIRAGNET, rapporteurs pour le titre II

III. Liste des personnes auditionnées par Mmes CAROLE GRANDJEAN et MICHÈLE DE VAUCOULEURS, rapporteures pour le titre III

 


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Avantpropos de Mme Fadila Khattabi,
présidente de la commission des affaires sociales

 

La loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel représente une loi de portée majeure, qui a permis de profondes réformes à la fois en matière de formation professionnelle, d’apprentissage, de gouvernance, d’organisation des opérateurs, de financement mais aussi en matière d’indemnisation du chômage et d’emploi. Face à l’ampleur des changements qu’elle a engendrés, elle apparaît sans nul doute comme l’un des textes les plus importants renvoyés à la commission des affaires sociales durant cette législature. Bien que la crise sanitaire ait retardé la mise en œuvre de certaines de ses mesures, leur évaluation, plus de trois ans après leur adoption, semble particulièrement intéressante et utile, tant pour les acteurs concernés que pour notre commission.

Par conséquent, sur les fondements de l’article 24, alinéa 1er, de la Constitution et de l’article 145‑7, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission a décidé d’évaluer la loi de 2018.

Les travaux effectués auront été à la mesure de l’ampleur de la tâche : lancés le 5 mai 2021, il se sont achevés le 19 janvier 2022. Ce temps était nécessaire pour mener à bien l’évaluation des dispositions d’un texte comptant plus d’une centaine d’articles. Ce travail traduit également le fort investissement des six rapporteurs désignés par la commission et que je tiens ici à remercier chaleureusement ; une équipe parfaitement paritaire et au sein de laquelle les quatre principaux groupes politiques de notre Assemblée sont représentés.

Avant de revenir sur les trois principaux axes de la loi, il me paraît tout d’abord essentiel de rappeler qu’elle est avant tout le résultat d’un constat : celui d’un chômage de masse persistant alors que des milliers d’emplois, dits « en tension », restaient encore et toujours non pourvus, et avec par‑dessus tout un financement dans les compétences qui ne visait pas les publics les plus fragiles. C’est aussi le constat d’une jeunesse souvent mal orientée et mal accompagnée dans ses choix de parcours, et qui peine à s’insérer dans l’emploi.

Face à ce diagnostic, la loi de 2018 répond donc à une nécessité en faisant le pari de la montée en compétences, en prêtant une attention toute particulière aux personnes les plus vulnérables et les moins qualifiées. Une ambition qui se concrétise notamment par des moyens inédits qui ont pu être déployés à l’instar du Plan d’investissement dans les compétences (le « PIC ») d’un montant de 15 milliards d’euros.

Aussi, j’aimerais saluer les grandes avancées permises par la réforme, d’une part en matière de formation professionnelle et d’autre part en matière d’apprentissage, objets du titre Ier.

Sur le premier point, la loi a grandement facilité l’accès à la formation, en permettant à chacun de devenir acteur de son propre parcours. En la matière, la création du compte personnel de formation (CPF) constitue un outil novateur auquel les actifs ont eu largement recours : selon les chiffres de la DARES, en 2020, 2,8 % de la population active française a eu recours au CPF pour bénéficier d’une formation, contre 1,5 % en moyenne entre 2016 et 2019. Ces chiffres significatifs doivent désormais être pérennisés tout en renforçant l’aspect qualitatif des formations dispensées. Enfin, dans le contexte de la crise actuelle, et afin de renforcer la lutte contre le chômage de masse, il paraît opportun de mener une réflexion sur la valorisation des parcours consacrés aux métiers dits d’avenir et pour lesquels il existe actuellement une véritable demande sur le marché du travail (numérique, industrie, médico‑social).

Sur le second point, la réforme a opéré une véritable révolution de notre système d’apprentissage. Malgré les inquiétudes exprimées par les régions suite à la recentralisation de la compétence de l’apprentissage, les résultats sont là : en décembre dernier, le ministère du travail a comptabilisé la signature de près de 650 000 contrats ; un chiffre historique qui contribue à revaloriser l’apprentissage, véritable voie d’excellence et tremplin vers l’emploi durable pour des milliers de jeunes. Cette dynamique incontestable a notamment pu être préservée grâce à l’engagement des entreprises, soutenues par les aides exceptionnelles mises en œuvre par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire. Sur le long terme, il conviendra donc d’envisager le maintien de ces chiffres hors dispositifs de soutien, et de réfléchir au renforcement des mécanismes d’orientation afin d’accompagner au mieux tous les jeunes qui souhaitent s’engager dans ce parcours.

Le rapport consacre également une large part à la question de l’emploi et à nos règles d’indemnisation du chômage, objets du titre II. Sur ce volet, la loi porte un objectif clair : permettre à toutes et tous de s’insérer durablement dans l’emploi. Pour ce faire, différents dispositifs ont pu être consolidés tels que le conseil en évolution professionnelle (CEP) afin d’accompagner les demandeurs d’emploi dans l’élaboration de leur projet professionnel et leur recherche d’emploi. Si plusieurs dispositions rappellent les droits et devoirs des demandeurs, il semble essentiel de renforcer l’ensemble des dispositifs permettant à chacun d’eux de se réinsérer professionnellement.

Enfin, je souhaiterais souligner plusieurs avancées contenues dans le dernier titre de la loi, notamment la création de l’index de l’égalité femmes-hommes, un outil récemment renforcé par la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, portée par la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Mme Marie‑Pierre Rixain. Sur le volet de l’inclusion, plusieurs mesures sont également consacrées à l’emploi des personnes en situation de handicap et visent à responsabiliser davantage les entreprises tout en réformant les mécanismes du dialogue social, l’objectif étant d’en faire un véritable levier pour l’emploi des travailleurs handicapés.

En conclusion, je souhaite insister sur l’état d’esprit général de la loi, dont le projet, ambitieux et volontariste, réforme de façon globale la politique de l’emploi dans notre pays et repose sur un principe simple mais ô combien bénéfique : rendre chaque individu maître de son destin, de son parcours et de ses choix. Afin de concrétiser dans la durée ce cercle vertueux, l’engagement de tous les acteurs impliqués est requis et garantira le changement de paradigme si nécessaire à la redynamisation de notre économie et du marché du travail français et ce, dans un monde sans cesse en pleine mutation.

 

Fadila KHATTABI

 

 


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INTRODUCTION

Le 5 mai 2021, la commission des affaires sociales décidait, sur le fondement de l’article 145-7, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, d’évaluer l’impact de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et confiait à trois binômes de rapporteurs, Mme Catherine Fabre et M. Gérard Cherpion, MM. Sylvain Maillard et Joël Aviragnet, Mmes Carole Grandjean et Michèle de Vaucouleurs, le soin de mener à bien le travail en se penchant respectivement sur les dispositions du titre Ier, consacré à la formation professionnelle et à l’apprentissage, du titre II, consacré à l’assurance chômage, et du titre III, consacré à l’emploi.

Le présent rapport est le fruit d’un travail qui aura duré plus de six mois et qui aura donné lieu à la tenue de plusieurs dizaines d’auditions, indispensables pour appréhender dans leur globalité les conséquences de la loi et en prendre toute la mesure. Les rapporteurs remercient l’ensemble de leurs interlocuteurs pour leur éclairage toujours précieux et leur contribution à la réflexion commune sur les nombreuses questions auxquelles il leur revenait d’apporter des réponses. Ils remercient également les services de l’État pour l’aide qu’ils leur ont fournie au cours des mois écoulés.

Le lecteur trouvera, dans les développements qui suivent, le détail de leurs conclusions sur les effets d’une part importante des mesures contenues dans le texte ainsi qu’un certain nombre de recommandations pour en renforcer l’efficacité à l’avenir. Il constatera cependant, cela mérite d’être souligné d’emblée, que l’évaluation de toute une série de dispositifs s’est avérée difficile en raison du peu de recul disponible et de l’impact que la crise sanitaire a eu sur leur mise en œuvre.

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   Titre Ier : rÉformer la formation professionnelle et L’ALTERNANCE POUR PROMOUVOIR UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ DE COMPÉTENCES

 

Évaluer le titre Ier de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel s’est avéré un exercice aussi exigeant qu’instructif. Pendant six mois, les rapporteurs se sont attachés à recueillir l’avis des acteurs concernés par cette réforme systémique (organismes de formation, fédérations, organisations syndicales de salariés, organisations professionnelles d’employeurs, acteurs institutionnels, opérateurs de compétences, etc.), qu’ils tiennent ici à remercier chaleureusement pour leurs contributions très riches.

Le titre Ier de la loi « Avenir professionnel » représente si ce n’est le cœur, à tout le moins un pan majeur de la réforme tant il introduit de ruptures, parfois radicales, avec le droit existant. La monétisation du compte personnel de formation (CPF) en est, bien sûr, un exemple éclatant, faisant du droit à la formation un droit à la main des salariés. La simplification et la libéralisation de l’apprentissage ont constitué une « révolution copernicienne » au service d’une meilleure insertion professionnelle des plus jeunes. La création de France compétences, opérateur désormais unique de la gouvernance, est une autre illustration des bouleversements entraînés dans le paysage de la formation professionnelle et de l’alternance.

Le présent rapport n’est pas un rapport d’application. Il n’a pas vocation à assurer un simple suivi législatif et réglementaire de la loi mais bien à en évaluer l’esprit. Les rapporteurs ont mené leurs travaux animés par ce souci de rendre compte de la philosophie qui a présidé à la réforme pour en mesurer les effets.

Trois ans après l’entrée en vigueur des premières dispositions de la loi, plusieurs constats se font jour :

– tout d’abord, il est évident que la crise sanitaire puis la crise économique et sociale qui en a découlé ont fortement impacté le déploiement de la loi. Il suffit de penser à la constitution de certains opérateurs de compétences. Dans le même temps, les dispositifs mobilisés pour faire face à la crise, à l’instar de « Transitions collectives », sont venus enrichir l’arsenal de la formation professionnelle. Les aides exceptionnelles ont également permis de maintenir la dynamique de l’apprentissage ;

– la réforme est très largement perçue comme un succès par les acteurs entendus par la mission, ainsi qu’en témoigne le recours accru au CPF ou à l’apprentissage, même si la question financière mérite d’être posée et l’a d’ailleurs été tout au long de ses travaux ;

– les points de vigilance quant à l’application de la réforme ou à certains effets de bord qu’elle a créés, comme le nouveau fléchage des fonds de la formation prioritairement vers les entreprises de moins de cinquante salariés, ont fait l’objet de toute l’attention des rapporteurs. Il est clair que certains dispositifs n’ont, à ce stade, pas encore connu leur plein déploiement à l’instar du conseil en évolution professionnelle, qui souffre toujours d’un déficit de notoriété ;

– enfin, le travail d’évaluation de la loi mené parallèlement par les partenaires sociaux au cours de l’année 2021 a été une source de réflexion précieuse pour l’évaluation de ce titre Ier.

Les rapporteurs se félicitent de l’esprit de construction qui a présidé à l’ensemble des travaux pour bâtir un diagnostic et des préconisations aussi largement partagés que possible. Forts des constats qu’ils ont pu faire lors des auditions, ils formulent, en effet, un certain nombre de recommandations qui visent toutes à consolider la philosophie de la réforme de 2018.

 

I.   Une réforme ambitieuse de la formation professionnelle

A.   LE COMPTE PERSONNEL DE FORMATION, UN DISPOSITIF DÉSORMAIS PLUS ACCESSIBLE QUI A RENCONTRÉ SON PUBLIC

1.   Le CPF a été profondément transformé depuis 2018

a.   Rappel de l’existant avant la réforme et des objectifs poursuivis

Porté par l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013 qui s’est traduit dans la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le compte personnel de formation répond à une triple ambition qui tire les conséquences des nouvelles trajectoires professionnelles et des mutations du marché du travail, rappelée par la rapporteure lors de l’examen de la loi « Avenir professionnel » de 2018 ([1]) :

– la personnalisation avec le rattachement du droit à la formation directement à l’actif, garantissant la préservation des droits acquis et leur portabilité ;

– l’universalité qui garantit l’ouverture d’un CPF pour tout actif, quel que soit son statut professionnel, y compris dans la fonction publique, favorisant ainsi la mobilité professionnelle ;

– la simplicité avec une utilisation facilitée des droits dans le cadre d’un outil unique qui rassemble l’ensemble des informations relatives aux abondements acquis et aux formations qu’ils peuvent financer.

Le CPF a succédé au 1er janvier 2015 au droit individuel à la formation (DIF) dont le relatif insuccès tenait, notamment, au manque d’articulation avec les autres dispositifs de formation professionnelle continue et à une portabilité limitée de ce droit. Pour y remédier, le CPF introduit plusieurs dimensions originales :

– il est créé automatiquement pour tous les actifs dès 16 ans et mis en œuvre pour les salariés et les demandeurs d’emploi ;

– il est portable, à la différence du DIF puisque les droits acquis suivent le bénéficiaire tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut professionnel ;

– le bénéficiaire doit pouvoir mobiliser son compte de façon autonome et sans accord de l’employeur, lorsque la formation s’effectue hors du temps de travail. Quant au demandeur d’emploi, son projet est validé de droit dès lors que son CPF suffit à le financer ;

– le CPF est alimenté en heures et rechargeable.

Dans le bilan d’étape du déploiement du compte personnel de formation qu’elle dresse en juillet 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) fait le constat « qu’au regard de ces ambitions, et malgré un volontarisme incontestable dans son déploiement depuis le vote de la loi, la place du CPF reste fragile et qu’il existe un risque réel de s’éloigner des objectifs initiaux([2]) ». C’est dans ce contexte qu’intervient la loi « Avenir professionnel » dont l’ambition est de lever les derniers blocages qui freinent le développement du CPF. La loi part du constat que les usagers ont du mal à s’emparer seuls de ce droit dont ils ne sont pas forcément conscients et pour lequel les modalités d’utilisation restaient à l’époque relativement complexes et opaques.

b.   Les objectifs affichés de la loi « Avenir professionnel »

L’étude d’impact du projet de loi pointe les critiques récurrentes du compte personnel de formation ([3]) :

– des modalités d’accès encore difficiles aux formations ;

– un système de listes donc limitatif et incompréhensible ;

– un plafond d’acquisition du nombre d’heures jugé trop bas ;

– une gouvernance éclatée donnant peu de lisibilité et de possibilité de régulation financière d’ensemble.

L’objectif poursuivi est donc clairement identifié : le CPF doit devenir un outil accessible et lisible, un droit personnel à la main de ses titulaires dans une logique d’appropriation directe. Cette ambition est partagée par les organisations représentatives de salariés et d’employeurs dans l’accord national interprofessionnel (ANI) pour l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’alternance qu’elles signent le 22 février 2018.

c.   Principales dispositions introduites

L’article 1er de la loi rénove en profondeur le compte personnel de formation tout en en conservant les fondations originelles.

La première modification d’ampleur apportée par la loi « Avenir professionnel » est sans conteste le passage d’un CPF décompté en heures à un CPF monétisé. La monétisation a vocation à garantir une plus grande lisibilité du dispositif pour ses bénéficiaires, l’unité de mesure en euros étant réputée plus concrète et précise pour les utilisateurs que l’heure de formation. Elle permet aussi de sortir d’une vision figée de la formation, traditionnellement conçue comme un bloc standardisé d’heures d’enseignement descendant à destination d’une classe spatio-temporellement réunie, et de moderniser la pédagogie. Aller vers un tarif forfaitaire comprenant, non pas des heures de formation, mais un contenu pédagogique à dispenser et des compétences à faire acquérir, de façon personnalisée et adaptée à chacun, ce qui suppose de sortir du format « classe » et d’utiliser des formes hybrides alliant « distanciel » et présentiel.

Le Gouvernement avait précisé, dès l’exposé des motifs du projet de loi, que, dans la limite d’un plafond de 5 000 euros, le rythme d’alimentation s’établirait à 500 euros par an pour un salarié effectuant au moins un mi-temps. Ces seuils ont bien été fixés par l’article 1er du décret n° 2018-1329 du 28 décembre 2018 relatif aux montants et aux modalités d’alimentation du compte personnel de formation. Il précise, en outre, que ces montants sont respectivement portés à 800 et 8 000 euros pour les salariés non qualifiés tels que définis à l’article L. 6323-11-1. L’article 4 fixe les mêmes seuils de 800 et 8 000 euros pour les personnes handicapées accueillies dans un établissement ou service d’aide par le travail, dans une volonté d’accompagner l’insertion dans l’emploi.

En sus de l’alimentation régulière des droits acquis chaque année qui constitue le « socle » du CPF, celui-ci peut faire l’objet d’abondements complémentaires notamment lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte ou aux plafonds susmentionnés, à la demande de son titulaire, conformément à l’article L. 6323-4 du code du travail.

Il est à noter que la loi du 5 mars 2014 ([4]) puis l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention ([5]) avaient déjà ouvert et complété la possibilité d’enrichir le CPF d’heures complémentaires par plusieurs sources d’abondements :

– le titulaire lui-même et son employeur, lorsque le titulaire est salarié ;

– un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) ou un organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation (OPACIF) ;

– les organismes gestionnaires des branches « Maladie » et « Accidents du travail – maladies professionnelles », au titre du compte professionnel de prévention ;

– l’État, les régions et les communes :

– Pôle emploi, l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) et les fonds d’assurance-formation des non-salariés ;

– les chambres régionales de métiers et de l’artisanat et les chambres de métiers et de l’artisanat de région ;

– l’Agence nationale de santé publique, au titre de la réserve sanitaire.

Aux termes de l’article 1er, dorénavant, toute collectivité territoriale peut procéder à un abondement complémentaire ainsi que l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC) aux côtés de Pôle emploi et les opérateurs de compétences (OPCO) qui ont succédé aux OPCA et aux OPACIF.

La multiplication de ces sources d’abondement a pour objectif d’inciter les titulaires d’un CPF à le mobiliser pour des formations qualifiantes et professionnalisantes dont le coût peut excéder le capital qu’ils ont constitué. En effet, les entreprises ou les branches peuvent trouver un intérêt à ce que les salariés choisissent d’investir dans des formations en lien avec les enjeux de l’entreprise ou du secteur. Co-investir sur ces formations est un vecteur important d’incitation. De même l’organisation de ces abondements suppose la mise en place d’un dialogue social au sein de la branche ou de l’entreprise qui ne peut être que bénéfique à l’avènement d’une vision stratégique et partagée de la formation.

Cette réforme réaffirme donc la volonté du législateur en ce sens.

Dans une optique de simplification, la loi « Avenir professionnel » est revenue sur le système de listes de formations éligibles devenu trop complexe et inégal puisque les salariés et les demandeurs d’emploi n’avaient pas accès aux mêmes formations d’un territoire à l’autre. La suppression de ce système de listes était d’ailleurs recommandée par les partenaires sociaux dans l’ANI précité du 22 février 2018.

L’éligibilité d’une certification professionnelle n’est désormais plus conditionnée à son inscription sur une liste par les partenaires sociaux.

Aux termes du I de l’article L. 6323-6 du code du travail, sont éligibles les actions de formation sanctionnées par les certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), celles sanctionnées par les attestations de validation de blocs de compétences et celles sanctionnées par les certifications et habilitations enregistrées dans le répertoire spécifique des certifications et des habilitations (RSCH), comprenant notamment la certification relative au socle de connaissances et de compétences professionnelles.

Par ailleurs, aux termes du II sont également éligibles :

– les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience ;

– les bilans de compétences ;

– la préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger et du groupe lourd ;

– les actions de formation, d’accompagnement et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises ayant pour objet de réaliser leur projet de création ou de reprise d’entreprise et de pérenniser l’activité de celle-ci ;

– les actions de formation destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions, financées au titre du compte d’engagement citoyen.

La Caisse des dépôts et consignations s’est vue doter d’une mission renforcée sur le volet à la fois financier et technique. Elle est en effet saisie, en direct, par l’actif souhaitant mobiliser son CPF à travers un service dématérialisé gratuit. Aux termes de l’article L. 6323-8 du code du travail, ce service délivre les informations sur les formations éligibles. Il assure la prise en charge des actions de formation de l’inscription du titulaire du compte aux formations jusqu’au paiement des prestataires.

Les titulaires d’un CPF ont accès depuis le 21 novembre 2019, à travers le site Internet et l’application mobile « Mon Compte Formation » à leurs droits individuels et aux formations disponibles. Le paiement de l’organisme de formation est effectué par la Caisse des dépôts et consignations. L’ambition du législateur était vraiment que les bénéficiaires prennent conscience qu’ils ont des ressources à leur main dont ils peuvent facilement s’emparer. Il est prévu que cette application s’enrichisse au fil du temps pour intégrer notamment des conseils, des évaluations des formations par les utilisateurs, la possibilité d’acheter la formation en direct, etc.

2.   Le recours accru au CPF est incontestable

a.   Les chiffres sont sans appel quant à la réussite du CPF rénové

Il faut préciser, d’emblée, qu’à plusieurs reprises, certains acteurs auditionnés ont fait part des difficultés à évaluer l’efficacité du CPF puisqu’une réussite quantitative peut masquer des difficultés qualitatives persistantes. Néanmoins, les rapporteurs ont estimé que deux indicateurs principaux permettaient de vérifier le succès de la réforme du CPF : d’une part, l’utilisation du compte par ses bénéficiaires qui se traduit par l’ouverture du nombre de dossiers de formation et d’autre part, l’activation du compte et le téléchargement de l’application « Mon Compte Formation ». Deux autres indicateurs sont particulièrement parlants : le profil des utilisateurs du CPF (parvient-il à cibler ceux qui accèdent relativement moins à la formation que les autres, notamment les moins qualifiés, les salariés de petites entreprises, les femmes ?) et la nature des formations achetées (permettent-elles de sécuriser et de dynamiser les parcours professionnels individuels et de répondre aux besoins en compétences de l’économie ?)

L’étude d’impact du projet de loi n’avait pas quantifié le nombre de formations qui seraient suivies dans le cadre du nouveau compte personnel de formation tant l’exercice aurait été complexe.

Toutefois, on peut rappeler qu’en 2017, 579 836 formations avaient été validées dont 277 936 dossiers salariés et 301 900 dossiers demandeurs d’emploi ([6]).

D’après le rapport mené conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) sur les conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle en avril 2020 ([7]), « les premiers résultats répondent aux attentes : entre le 21 novembre 2019, date d’initiation de la campagne de communication sur l’application dédiée, et le 24 février 2020, 1 270 000 personnes ont activé leur profil et 154 000 formations ont été engagées pour un montant de 170,2 millions d’euros financé par la Caisse des dépôts et consignations. Un dynamisme accru est attendu avec la mise en œuvre effective de la possibilité d’abondement des entreprises via l’application numérique, prévue au second semestre 2020. »

Les dernières données de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (DARES) révèlent l’intérêt suscité par le CPF dès l’année 2020 : en 2020, 984 000 formations ont été suivies dans le cadre du compte personnel de formation contre 517 000 un an auparavant ([8]), soit un quasi-doublement des entrées en formation via le CPF.

FORMATIONS SUIVIES DANS LE CADRE DU CPF EN 2020

Source : DARES, octobre 2021.

Concernant l’indicateur relatif à l’utilisation du portail « Mon Compte Formation », le succès quantitatif est réel puisqu’au 31 décembre 2021, l’application avait fait l’objet de 3,8 millions de téléchargements, 2,96 millions de personnes ayant fait une demande d’inscription ([9]). Au total, 16 millions de visiteurs uniques se sont rendus sur le portail numérique.

NOMBRE DE VISITEURS uniques depuis le lancement de mon compte formation

Source : Caisse des dépôts et consignations

Concrètement, en 2020, 2,8 % de la population active française a eu recours au CPF pour réaliser une formation professionnelle continue, contre 1,5 % en moyenne entre 2016 et 2019.

ENTRÉES EN FORMATION CPF PAR MOIS ENTRE 2017 et 2020

Janvier 2019 marque l’entrée en vigueur de la réforme du CPF / novembre 2019 marque l’initiation de la campagne de communication sur l’application dédiée

Lecture : 109 600 entrées en formation CPF sont dénombrées en décembre 2020.

Champ : entrants en formation CPF ; France.

Source : Caisse des dépôts ; SI-CPF, extraction juillet 2021, traitement DARES.

Au vu de tous ces éléments chiffrés, on ne peut que souscrire à l’analyse de la DARES selon laquelle « cette forte hausse s’explique par l’ouverture fin novembre 2019 du parcours achat direct » ([10]).

Le constat de la Caisse des dépôts et consignations confirme cet engouement puisqu’elle évoque, pour sa part, une « année 2020 marquée par une explosion de la demande : le volume d’achats de formation double par rapport aux années précédentes. Ce dynamisme de la demande de formation se confirme en 2021, avec sur les six premiers mois un nombre de dossiers équivalent à celui de l’ensemble de l’année 2020. ([11]) »

Aucune voix ne s’est faite entendre lors des auditions pour contester le bilan quantitatif du CPF. Néanmoins, les opérateurs de compétences ainsi que les partenaires sociaux ont relevé que le CPF restait peu connu par les salariés, en particulier pour les entreprises de moins de 50 salariés. Certains opérateurs de compétences comme OPCO Santé ou UNIFORMATION font valoir que les OPCO pourraient jouer un rôle de levier majeur dans l’intermédiation du CPF et permettraient aux branches de se réapproprier le dispositif et de le faire connaître des salariés. Toutefois, les rapporteurs ne sont pas favorables à ce point de vue qui remettrait en cause la volonté du législateur de faire du CPF un outil à la main des salariés.

b.   Le profil des bénéficiaires du CPF a évolué en faveur d’un meilleur accès pour tous

Le recours au CPF est particulièrement élevé pour les demandeurs d’emploi (4,6 % en 2020) et retrouve le niveau de l’année 2016 durant laquelle les demandeurs d’emploi avaient bénéficié d’abondements exceptionnels. Les demandeurs d’emplois représentent, en 2020, 38 % des dossiers financés par le CPF, contre 32 % en 2019 ([12]).

Ainsi que le relève la DARES, la mise en place du « parcours accès direct » « rapproche la structure des bénéficiaires de celle de la population active. » Parmi les évolutions les plus significatives, figurent le recours croissant des femmes au CPF qui représentent 50 % des utilisateurs en 2020 et le doublement pour les moins de 30 ans ([13]).

Le pari réussi d’un meilleur engagement des femmes dans la formation professionnelle grâce au CPF

L’étude d’impact du projet de loi estimait que le projet de loi, en prévoyant que tous les salariés qui travaillent à mi-temps ou plus bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein (500 euros par année de travail crédités sur le CPF), profiterait aux femmes qui représentent 80 % des salariés à temps partiel.

Il précisait que « cette mesure aura pour conséquences de renforcer l’accès des femmes à la formation professionnelle et de pallier les impacts d’un temps de travail à temps partiel très majoritairement subi(1) »

Force est de constater que les femmes, sous-représentées aux débuts du CPF (46,2 % en 2019 selon la DARES), sont désormais presque aussi nombreuses que les hommes à mobiliser leur CPF puisque leur proportion atteint 49,8 % en 2020, ce qui les rapproche de leur part dans la population active.

(1)    Étude d’impact, p. 40.

Globalement, l’âge moyen des bénéficiaires du CPF est inférieur à celui de la population active, ce qui démontre une appétence pour la formation continue dès le début de la carrière.

RÉPARTITION DES ENTRANTS EN FORMATION CPF ET DE LA POPULATION ACTIVE PAR CLASSE D’ÂGE ENTRE 2018 et 2020

Lecture : En 2020, 23 % des entrants en formation CPF ont moins de 30 ans. Les moins de 30 ans représentent 19 % de la population active en 2020.

Champ : entrants en formation CPF ; France.

Sources : Caisse des dépôts, SI-CPF, extraction juillet 2021 ; Insee, enquête Emploi 2018-2020 ; traitement Dares

Si le nombre de bénéficiaires augmente pour toutes les classes d’âge, les bénéficiaires sont plus jeunes que l’ensemble de la population active puisqu’un tiers ont entre 30 et 39 ans alors que cette classe d’âge représente moins d’un quart de la population active. La part des 40-49 ans correspond à la place qu’elle occupe parmi les bénéficiaires et parmi l’ensemble de la population active. On observe un déclin à partir de la catégorie des 50 ans et plus.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ENTRANTS EN FORMATION CPF PAR CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE EN 2019 ET EN 2020

Lecture : 100 000 ouvriers ont eu recours à leur CPF pour se former en 2020. Le nombre d’entrants ouvriers en formation CPF s’accroît de 73 % entre 2019 et 2020.

Champ : entrants en formation CPF ; France.

Sources : Caisse des Dépôts, SI-CPF ; Insee, enquête Emploi 2018-2020 ; traitement Dares.

Si toutes les catégories socioprofessionnelles ont vu leur nombre d’entrants en formation CPF très nettement augmenter entre 2019 et 2020, cette hausse est extrêmement significative pour les professions intermédiaires (+ 87 %), les ouvriers (+ 73 %) et les employés (+ 53 %), témoignant d’une démocratisation du CPF.

Au total, le succès quantitatif du CPF ne peut être démenti et a fait l’objet d’un large consensus des personnes auditionnées par la mission d’évaluation, de France compétences évoquant « une montée en puissance très forte du CPF ([14]) » aux partenaires sociaux se félicitant, lors des auditions ainsi que dans le préambule de leur accord cadre national interprofessionnel que « les salariés comme les demandeurs d’emploi sont de plus en plus nombreux à consulter et à mobiliser leur compte personnel de formation. »

 

c.   La question de la fraude au CPF est devenue un sujet sensible

Certains acteurs auditionnés ont soulevé cette question de la fraude au CPF, devenue un sujet sensible car les démarchages sont nombreux et constants.

Trois types de fraudes peuvent être rencontrés sur l’application « Mon Compte Formation » :

– des irrégularités quant à l’éligibilité à la formation ou l’habilitation de l’organisme de formation à dispenser la formation. Ces fraudes peuvent avoir lieu au sein du système « Mon Compte Formation » ;

– des démarches commerciales agressives visant à pousser les potentiels acheteurs à acheter contre leur gré.

– dans des cas plus graves mais heureusement moins nombreux, de faux dossiers ou d’usurpations d’identité. Ces fraudes ont lieu en dehors du système (sites internet fictifs, centres d’appels, etc.) par des acteurs qui n’ont pas signé les conditions générales d’utilisation mais ils se traduisent au sein de Mon Compte Formation par des entrées en formation.

Concrètement, le bilan établi au 1er mars 2021 par la Caisse des dépôts et consignations est le suivant : 2 469 signalements qui concernent 1 186 SIRET, soit 7,3 % environ des organismes de formation sur l’ensemble du marché. Toutefois, ce chiffre reflète des réalités très différentes les unes des autres et il est difficilement interprétable en l’état. C’est pourquoi, les rapporteurs seront vigilants à la ventilation des signalements pour chacun des types de fraude qui leur sera communiquée.

Le démarchage agressif constitue aujourd’hui une nuisance massive qui envahit le quotidien des Français, bien que sans gravité. En revanche, les fraudes plus graves constituent beaucoup moins de cas mais ont des conséquences autrement plus importantes qui nous obligent à agir. Face aux inquiétudes soulevées lors des auditions, les rapporteurs ont souhaité interroger l’administration quant aux actions entreprises pour lutter contre ces cas de fraude de plus en plus médiatisés ([15]). Dans sa réponse aux rapporteurs, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a qualifié cette fraude « d’ampleur et de gravité inégales », indiquant qu’un travail conjoint était d’ores et déjà engagé entre les différents acteurs intervenant dans le champ de la lutte contre la fraude avec plusieurs objectifs :

– mieux identifier et anticiper les types de fraude afin de minimiser les risques ;

– agir le plus rapidement possible pour faire cesser les actes répréhensibles ;

– développer les relations partenariales entre les services et ainsi renforcer le maillage de surveillance.

Elle précise « qu’en l’état actuel, le champ de la fraude rencontrée sur Mon Compte Formation recoupe notamment des infractions aux dispositions du code du travail : réalisation de l’action, éligibilité de la formation, habilitation à dispenser la formation, et des fraudes de droit commun, relevant notamment du droit de la consommation : non-respect du code de la consommation, usurpation d’identité, escroquerie, etc. Le contrôle des prestataires de formation dans le cadre du CPF fait intervenir au premier plan la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre des procédures prévues par les conditions générales d’utilisation de la plateforme mais également les agents de contrôle de la formation professionnelle dans le cadre du contrôle administratif et financier prévu par le code du travail. La nature des cas de fraudes constatées a toutefois rendu nécessaire l’intervention conjointe d’autres services de l’État et partenaires. »

Concernant les structures malveillantes et les pratiques commerciales agressives, la Caisse des dépôts a porté plainte à chaque fois qu’elle a pu le faire et remboursé les utilisateurs lésés.

Par ailleurs, la Caisse des dépôts a mis en place des mesures qui visent à :

– Développer les actions préventives pour détecter en amont les risques des fraudes au CPF ;

– Renforcer la sécurité à l’entrée et tout au long du dispositif de formation ;

– Porter des actions de communication ciblées en direction des publics concernés pour les sensibiliser aux enjeux de la fraude. Sur ce point, la mission d’évaluation reprend à son compte la proposition exposée par la DGEFP de « compléter l’arsenal juridique existant par l’interdiction du démarchage téléphonique des organismes de formation, sur le modèle du dispositif en vigueur pour Maprimerenov ». Cette mesure permettra d’accompagner l’ouverture de l’offre de formation engagée à partir de 2018 d’un contrôle accru de la qualité des formations dispensées et d’une plus grande régulation des pratiques commerciales des acteurs.

Proposition n° 1 : Compléter l’arsenal juridique existant par l’interdiction du démarchage téléphonique des organismes de formation.

En complément, les rapporteurs préconisent de communiquer massivement auprès des usagers sur la manière de signaler les mauvaises pratiques afin d’enrayer ce phénomène qui nuit au déploiement du CPF.

Proposition n° 2 : Communiquer massivement auprès des usagers sur la manière de signaler les mauvaises pratiques.

3.   La co-construction gagnerait à se développer

Lors de l’examen du projet de loi, la rapporteure rappelait que « la possibilité de bénéficier d’abondements complémentaires rest[ait] encore largement confidentielle. ([16]) ». La loi avait précisément vocation à y remédier mais il semblerait aujourd’hui que le temps de la mise en œuvre opérationnelle et de l’appropriation de la réforme en empêche le parfait déploiement.

a.   La possibilité d’abondements complémentaires n’a été ouverte que progressivement à partir de l’été 2020

La Caisse des dépôts et consignations a mis en œuvre de manière progressive les différents abondements :

– à compter du 3 juillet 2020, la possibilité d’effectuer des demandes d’abondement auprès de Pôle emploi par le biais du site ou de l’application a été ouverte ;

– à compter du 3 septembre 2020, la possibilité d’effectuer une demande auprès de son employeur ou pour un employeur de compléter les droits à la formation d’un de ses salariés a été ouverte via le lancement du Portail des Entreprises (EDEF) ;

Les modalités du portail employeurs

L’employeur dispose de 4 modalités pour compléter le CPF :

– la dotation volontaire pour inciter les salariés à se former ou à compléter le financement de leur projet de formation en cours ;

– les droits supplémentaires au titre des accords collectifs : lors de la mise en œuvre d’un accord collectif prévoyant une alimentation plus favorable pour le CPF de personnes ciblées, il revient à l’employeur d’effectuer annuellement, pour chacun des salariés concernés, le calcul des droits venant abonder son compte personnel de formation ;

– la dotation salariés-licenciés : en application d’un accord de performance collective, en cas de licenciements pour refus de modification du contrat de travail, engendrée par cet accord, l’employeur doit verser aux salariés concernés une dotation d’un montant de 3 000 euros minimum. L’accord peut prévoir un montant supérieur ;

– les droits correctifs : à la suite du bilan des entretiens professionnels réalisé au bout de six ans, si l’employeur n’a pas rempli ses obligations, il devra verser à son salarié 3 000 euros de droits à la formation.

Concrètement, l’employeur peut désormais engager un co-investissement de deux manières : soit individuellement, entre salariés et employeurs, notamment à l’occasion de l’entretien professionnel durant lequel les questions de co-construction et d’ingénierie de formation sont abordées, soit collectivement à travers un accord d’entreprise qui peut définir la population ou les métiers cibles.

Exemples d’abondements par les entreprises et les opérateurs de compétences

● Depuis juillet 2021, l’opérateur de compétences OCAPIAT a signé un accord permettant d’abonder les CPF pour les entreprises de moins de 50 salariés en provisionnant une enveloppe de 5 millions d’euros. Avec plus de 98 % d’entreprises de moins de 50 salariés et 96 % de moins de 11, un gros enjeu d’OCAPIAT est de parvenir à faciliter l’accès à la formation pour les salariés des TPE. Cette enveloppe est financée pour partie par leurs fonds propres. L’initiative connaît un réel succès, puisque seulement quelques mois après sa mise en route, 94 % des montants dédiés ont été utilisés.

Par ailleurs, l’OPCO a également signé un accord portant sur un abondement conventionnel doté d’une enveloppe d’1 million d’euros pour le secteur alimentaire. Les abondements sont ciblés sur des formations répondant aux besoins de ces branches et les métiers en tension. Il concerne toutes les entreprises de ces branches, quelle que soit leur taille. Le succès est moindre, seulement 13 % de l’enveloppe ayant été dépensée à ce jour. L’explication qu’ils donnent est que l’activation de ces financements est plus complexe pour le deuxième dispositif. Dans le premier, le montant est abondé automatiquement lors de l’achat de la formation par le salarié. Dans le second, la démarche semblerait plus complexe. Des échanges sont en cours entre OCAPIAT et la CDC pour identifier les possibilités de simplification du processus, et adopter au maximum une orientation client dans la mise en œuvre de ces abondements.

● Certaines entreprises, comme L’Oréal ou Schneider Electric, abondent les dossiers CPF à la hauteur du reste à charge. Schneider Electric a conclu un accord avec les partenaires sociaux permettant de financer en totalité les dossiers CPF pour les salariés dont le niveau est infra bac et à plus de 50 % pour ceux qui ont un niveau supérieur au bac.

Source : Table ronde « Une dynamique de financement ouverte à l’ensemble des acteurs de formation » organisée par le ministère du Travail le 28 octobre 2021.

Évolution des validations de dotations ENTREPRISES par type

 

Source : Caisse des dépôts et consignations

b.   Les pratiques de co-abondement se développent mais restent faibles

Au 30 octobre 2021, 105 millions d’euros d’abondement étaient financés par Pôle emploi et 49 millions par les entreprises ([17]). Seuls 6 000 employeurs environ ont initié des dotations complémentaires, un chiffre encore faible pour engager une réelle co-construction avec les salariés.

LES ABONDEMENTS PAR PÔLE EMPLOI ET LES EMPLOYEURS

Source : DGEFP.

Il est vrai que la table ronde réunissant les partenaires sociaux ainsi que les auditions des organisations patronales ont permis de mettre en évidence les difficultés rencontrées par les employeurs dans la procédure d’abondement. En effet, les partenaires sociaux font valoir que l’interface de gestion des accords manque d’opérationnalité pour réellement permettre à une branche professionnelle ou à une entreprise qui a négocié un accord collectif d’acheter les formations.

Depuis fin 2020, une expérimentation a été lancée avec les Régions afin de simplifier le traitement de l’abondement pour l’employeur. Cette expérimentation s’est amplifiée en 2021 et sera suivie de près par les rapporteurs qui estiment que cette expérimentation semble aller dans le bon sens. Grâce à une convention signée entre le financeur et la Caisse des dépôts, la Région délègue à la Caisse à la fois l’instruction de l’attribution de l’abondement, sur la base des conditions fixées par lui, et les crédits afférents.

Lors des tables rondes réunissant les nouveaux opérateurs de compétences, il est apparu que les accords de branche tardaient également à se mettre en place pour abonder les CPF des salariés. Ainsi, l’OPCO Santé a précisé que si l’accord avait bien été signé en septembre 2020, il n’était toujours pas étendu à la branche en juin 2021 ([18]).

Dans l’accord-cadre, les partenaires sociaux estiment que « la réforme de 2018 n’a pas atteint ses objectifs en matière de co-construction et de co-investissement : les pratiques d’abondement par les entreprises se développent mais demeurent marginales, peu connues et difficiles à mettre en œuvre ([19]). » Pour y remédier, ils préconisent en plus de la simplification de l’interface sur le site et l’application déjà évoquée supra, un « accès dynamique au fichier source de la Caisse des dépôts et consignations de l’ensemble des certifications et formations éligibles au CPF ouvert aux entreprises. »

Les rapporteurs souscrivent au constat d’une nécessaire simplification, notamment pour les actions collectives, sur le site et l’application « Mon Compte Formation. »

Proposition n° 3 : Simplifier la procédure d’abondement, notamment pour les actions collectives sur le site et l’application « Mon Compte Formation ».

Ce constat est d’autant plus regrettable que la co-construction permet aux salariés de s’orienter vers des formations plus longues et plus professionnalisantes qui répondent aux problématiques et aux défis en termes de compétences de la branche dans laquelle ils évoluent. Cette dimension de la réforme est importante pour développer une culture de la formation dans le dialogue social, pour que les entreprises de plus de 50 salariés puissent mobiliser des fonds co-investis, pour assurer l’efficacité de la formation. Les rapporteurs sont convaincus que ce modèle conduit à une bonne qualité et une efficacité de la formation professionnelle en France et saluent les efforts déjà fournis en ce sens.

c.   Les formations moins professionnalisantes, un enjeu hautement stratégique

Les données de la DARES sur les domaines de formation les plus sollicités en 2020 font état d’un engouement toujours prononcé pour les formations visant à l’obtention du permis de conduire et à l’apprentissage des langues vivantes. En effet, les formations visant à l’obtention du permis de conduire de catégorie B ont été multipliées par quatre entre 2018 et 2020 et représentent 12,8 % des entrées en formation en 2020. Cette formation est bien évidemment profitable dans de nombreux cas et il ne s’agit pas de remettre en cause son caractère nécessaire dans l’accès à l’emploi. De la même manière, les langues restent le deuxième domaine le plus important, représentant 17 % des entrées en formation. Toutefois, cette part a nettement diminué puisque les langues représentaient plus d’un quart des formations en 2018 (25,9 %).

 

En revanche, le CPF est devenu un véritable outil d’accompagnement pour les bénéficiaires aspirant à une activité indépendante puisque parmi les diverses formations entrepreneuriales, les actions de formation dispensées aux créateurs/repreneurs d’entreprise ont été multipliées par onze entre 2019 et 2020 et représentent 7,7 % des formations réalisées. En ce qui concerne les bilans de compétences, ils continuent à croître au même rythme qu’avant la réforme.

Les usagers achètent donc des formations générales et généralistes qui peuvent avoir leur utilité mais n’entrent pas directement en lien avec leur activité ou les perspectives de développement de leur secteur économique.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ENTRÉES EN FORMATION POUR LES FORMATIONS PARMI LES PLUS DEMANDÉES ENTRE 2016 et 2020

Lecture : 126 243 formations au permis de conduire de catégorie B ont été réalisées en 2020 contre 32 596 en 2019.

Champ : Entrants en formation CPF ; France.

Sources : Caisse des dépôts, SI-CPF, extraction juillet 2021 ; traitement Dares.

Il ressort également que le coût moyen des dossiers de formation a nettement diminué depuis l’entrée en vigueur de la réforme.

ÉVOLUTION DU COÛT MOYEN DES DOSSIERS DE FORMATION

Le coût moyen « MCF » désigne le coût moyen après le déploiement du portail numérique et de l’application « Mon Compte Formation » en novembre 2019.

Source : Caisse des dépôts et consignations, septembre 2021.

Toujours dans son étude d’octobre 2021, la DARES constate que le choix des salariés s’est davantage porté sur des formations courtes, ce qui peut expliquer la baisse du coût moyen de celles-ci. Ce recours accru aux formations courtes peut lui-même s’expliquer par la faible possibilité de bénéficier de financements supplémentaires. C’est là un vrai point de blocage si l’on veut tendre vers un recours à des formations plus professionnalisantes, qui était la volonté du législateur en 2018. De l’avis unanime des partenaires sociaux lors de la table ronde organisée dans le cadre des travaux de la mission, la professionnalisation du CPF est un impératif à court terme. Le législateur appelait clairement de ses vœux, lors de la réforme, une réorientation du CPF trop mobilisé pour des formations comme le permis de conduire – bien qu’il contribue dans de nombreuses situations à l’insertion dans l’emploi – ou aux formations en langues vivantes.

Le Pic, un dispositif qui privilégie les formations longues

Le plan d’investissement dans les compétences a donné la priorité aux formations longues pour les publics en difficulté, ce qui est bienvenu, et une action complémentaire aux formations plus courtes mobilisées via le CPF.

Dans son rapport du 25 novembre 2021, le comité scientifique indépendant d’évaluation du plan d’investissement dans les compétences estime « qu’il n’est pas encore possible de mesurer l’effet du Pic sur la valeur ajoutée de la formation des demandeurs d’emploi en France à la fois parce que c’est trop tôt et en raison des effets sanitaires qui ont percuté sa mise en œuvre ». Toutefois, il est indéniable que le Pic est monté rapidement en puissance avec 905 000 personnes formées grâce à ce dispositif en 2019.

Parmi les acteurs auditionnés, tant pour Régions de France que pour le Syndicat national des organismes de formation (Synofdes), le Pic a permis grâce à l’accent mis sur les formations longues de réinsérer un certain nombre de personnes éloignées de la formation professionnelle, ce qui représente une avancée très importante.

Le comité scientifique observe, en effet, une corrélation entre les formations suivies et l’insertion professionnelle : un an après l’entrée en formation, le taux de retour à l’emploi était supérieur de sept points pour les personnes formées par rapport à des demandeurs d’emploi de profil comparable.

Avec un montant moyen du compte de formation qui s’établit à 1 235 euros, les bénéficiaires cherchant à réaliser une formation plus longue et donc plus coûteuse peuvent peiner aujourd’hui à la financer grâce à leur seul abondement, bien qu’ils puissent atteindre des cumuls de droits plus élevés puisque ceux-ci sont plafonnés à 5 000 euros voire 8 000 euros selon les profils. Le co-investissement par les entreprises ou par les branches est un moyen prometteur de conseiller et d’inciter les salariés à faire des investissements pertinents pour leur secteur d’activité. Les rapporteurs plaident pour que ces acteurs s’emparent de cette possibilité et de cette philosophie du co-investissement.

Aussi, les rapporteurs estiment que le salarié doit pouvoir utiliser son CPF abondé pour financer toute formation prévue dans l’accord de branche. Cette utilisation doit pouvoir valoir pour des formations qui ne font pas partie de la liste des formations éligibles au CPF. Le double objectif poursuivi par cette recommandation est d’une part, de professionnaliser les formations accessibles par le CPF et d’autre part, de favoriser la concordance entre les formations suivies via le CPF et les besoins stratégiques de la branche. Il y a, de surcroît, toutes les raisons de penser que cette utilisation du CPF permettra de faire vivre le dialogue social autour de la formation. C’est d’ailleurs la démarche qu’a choisie un opérateur de compétences comme OCAPIAT.

Proposition n° 4 : Mobiliser son CPF pour financer toute formation prévue dans l’accord de branche.

Dans le même ordre d’idée, les rapporteurs partagent la mesure proposée par les partenaires sociaux dans l’accord-cadre de mieux informer les salariés vers une démarche de professionnalisation à l’occasion des entretiens professionnels.

Proposition n° 5 : Mieux informer les salariés vers une démarche de professionnalisation à l’occasion des entretiens professionnels.

4.   Le succès du CPF demande à revoir les modes de financement et de régulation du système pour en assurer la soutenabilité

a.   Le compte personnel de formation coûte un peu plus de 2 milliards chaque année et est appelé à encore se développer

Le financement du compte personnel de formation est assuré par la Caisse des dépôts et consignations sans autre contingentement que celui des droits individuels ouverts, selon une logique dite de « guichet ouvert ». Cette logique de « guichet ouvert » est un choix politique assumé très fort qu’il ne s’agit, en aucun cas, de remettre en cause.

Le succès du CPF est tel qu’il pose la question d’un financement revu pour en assurer la pérennité, une question qui sera développée ultérieurement dans la partie abordant le déficit de France compétences lié à la fois au financement du compte personnel de formation et à la réforme des contrats d’apprentissage.

L’étude d’impact du projet de loi estimait, compte tenu de l’évolution de la masse salariale, le financement dédié au CPF suivant ([20]) :

 

2019

2020

2021

2022

2,1 milliards

2,1 milliards

2,2 milliards

2,3 milliards

Dans sa délibération du 24 juin 2021 révisant sa délibération du 17 décembre 2020, France compétences estime à 2,3 milliards le budget 2021 consacré au compte personnel de formation, soit une hausse de 857 millions d’euros par rapport au budget initial.

Pour 2022, France compétences prévoit un financement du CPF de l’ordre de 2,6 milliards d’euros, selon sa dernière délibération du 25 novembre 2021.

La montée en charge du CPF semble donc légèrement supérieure à ce qui était attendu par l’étude d’impact.

Dans leur accord-cadre d’octobre 2021, les partenaires sociaux se montrent inquiets pour le financement à terme du CPF pointant que la « volonté gouvernementale de faire du CPF un outil à la main des individus, sans intermédiation, a entraîné une situation de dépenses incontrôlées, obligeant les acteurs à penser des solutions de régulation([21]) ».

Dans le rapport précité sur les conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, l’IGAS et l’IGF estimaient que « sous l’effet du développement de l’apprentissage et du recours au CPF, et dans l’hypothèse d’une stabilité du montant moyen du niveau de prise en charge des dispositifs, le volet dépenses est soumis à une forte dynamique haussière. Dans le même temps, les recettes demeurent contraintes […]. Ainsi, sur la période 2020-2023, la réforme devrait produire, selon la projection tendancielle dite centrale de la mission, un besoin de financement de l’ordre de 4,9 milliards d’euros([22])

Pour autant, au vu de ces chiffres, il semble que le déficit de financement concerne surtout l’apprentissage, la montée en charge du CPF n’étant pas très éloignée de l’attendu. Par ailleurs, toute régulation du CPF irait à l’encontre de la philosophie de la réforme de 2018 qui visait précisément à en faire un droit à la seule main des salariés.

b.   La logique de guichet ouvert est un choix politique fort qu’il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause

Le rapport conjoint de l’IGAS et l’IGF admet qu’un système « d’enveloppes fermées » pour le CPF paraît à exclure absolument tant il serait contraire à la réforme et reviendrait finalement à une version très centralisée du système antérieur ([23]).

Il va même plus loin en reconnaissant que « la conception même du CPF empêche en pratique tout mécanisme de régulation qui ne remette pas en cause son principe même » ([24]). Les mécanismes envisagés par cette mission sont, en effet, incompatibles avec l’esprit de la réforme ;

– l’instauration d’un ticket modérateur pour plafonner la quote-part de la formation pouvant être financée via le CPF pour certaines formations comme le permis de conduire serait contraire à la maîtrise de son compte par le titulaire d’un compte CPF ;

– plafonner le montant pris en charge par le CPF laisserait un reste à charge aux salariés ou nécessiterait un abondement des entreprises ;

– abaisser le montant du crédit annuel de 500 euros à 400 euros n’aurait qu’un effet budgétaire incertain et sans doute très différé dans le temps. Cette mesure désinciterait, de surcroît, le recours à des formations plus longues donc plus coûteuses.

B.   LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE, UN DISPOSITIF À FORT POTENTIEL QUI GAGNERAIT À ÊTRE MIEUX CONNU DES SALARIÉS

La loi a introduit une nouveauté de taille pour accompagner l’usager et le conseiller dans la bonne utilisation de ses ressources pour se former : le conseil en évolution professionnelle. Si ce dispositif existait déjà depuis 2014 ([25]), il n’était pas financé pour les salariés du privé, qui en pratique, n’avaient pas accès à ce service de conseil. La réforme a permis ce financement et la désignation d’opérateurs, partout sur le territoire.

Ainsi concrètement, tout travailleur peut maintenant bénéficier à sa demande d’un conseil gratuit et personnalisé, complètement indépendant de son employeur, au sujet de son parcours professionnel et de formation. C’est un dispositif complémentaire au CPF, car en laissant la main aux individus dans leur achat de formation, il est également nécessaire de les accompagner, de les aider à se poser certaines questions, à y répondre, à faire les choix qui leur correspondent le mieux.

1.   La montée en charge du CEP est incontestable mais reste encore limitée…

a.   Le CEP reste un dispositif trop confidentiel

L’étude d’impact établissait le nombre de bénéficiaires du CEP à 1,5 million en 2016, une hausse significative en comparaison avec les 732 195 bénéficiaires en 2015. Toutefois, ce conseil restait essentiellement, dans les faits, réservé aux demandeurs d’emploi (89,55 % des accompagnements CEP) ([26]). Le dispositif n’étant pas financé pour les actifs occupés, ils ne représentaient logiquement que 10 % des bénéficiaires de cet accompagnement.

Les prestations de conseil en évolution professionnelle sont désormais financées par une part de la contribution formation professionnelle comprise entre 0,5 % et 6 %. En 2021, France compétences y a consacré 82 millions d’euros, soit 0,93 % de ses dépenses, ([27]) et envisage de dépenser 100 millions d’euros en 2022 ([28]).

D’après les données fournies par la DGEFP, 79 760 actifs occupés ont eu recours au CEP au premier semestre 2021, soit 75 % de plus qu’au premier semestre 2020. 100 937 actifs occupés ont été accompagnés en 2020 ([29]), ce qui représente une part très faible de la population active. L’étude d’impact estimait que le financement du CEP pour les actifs occupés permettrait à environ 200 000 actifs d’être accompagnés par an.

Force est de constater que l’objectif quantitatif n’est pas atteint. Toutefois, pour France compétences, le recours au conseil en évolution professionnelle par les actifs occupés est prometteur car supérieur au recours auprès des Fongecif et Opacif en 2018 qui comptait 88 528 premières entrées.

b.   Un excellent taux de satisfaction des bénéficiaires du CEP

Afin de s’assurer de la qualité du service rendu, France compétences diffuse des questionnaires de satisfaction aux bénéficiaires du CEP.

Sur le premier semestre 2021, un premier bilan a permis d’évaluer le taux de satisfaction des bénéficiaires du CEP actifs occupés à 91 %. D’après France compétences, ce taux reflète principalement la qualité de la relation avec le conseiller.

Quant au taux de satisfaction relatif aux critères d’accessibilité, d’efficacité et d’utilité, il avoisine les 90 %, ce qui en fait également un excellent score.

Il est d’autant plus regrettable qu’un dispositif si plébiscité par ses bénéficiaires reste autant méconnu des salariés.

c.   La mobilisation du CEP reste très orientée vers la reconversion professionnelle...

D’après l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) auditionnée par les rapporteurs lors d’une table ronde consacrée au CEP, le recours au CEP est élevé pour les projets de reconversion, de création d’entreprise et de formation chez les cadres de moins de 35 ans. Ce constat est corroboré par les données fournies par France compétences. En effet, la prise de recul sur sa situation et la reconversion représentent 42 % des motifs de sollicitations du CEP auxquels s’ajoutent l’appui à la rédaction et le dépôt d’un dossier de demande de prise en charge d’un projet de transition professionnelle (17 %) ou de démission reconversion (15 %).

Le lien entre CEP et transition professionnelle est somme toute assez logique puisque le CEP a été intégré de manière obligatoire dans le parcours « démission reconversion » puis dans le parcours « transition collective », ce qui a eu pour effet d’en favoriser la visibilité.

Toutefois, il est vrai que le CEP gagnerait à être reconnu dans sa fonction de référent de confiance pour tout conseil professionnel (par exemple : projets d’évolution ou de formation au sein même de son entreprise, équilibre de vie au travail, projet de validation des acquis de l’expérience, etc.). Il serait regrettable qu’il soit réduit à la seule fonction de réorientation vers d’autres services d’accompagnement ou d’appui administratif pour engager des projets lourds de reconversion.

Lors de son audition, l’APEC a souligné l’impact très positif auprès des cadres en emploi accompagnés par le conseil en évolution professionnelle. Les cadres concernés estiment être davantage acteurs de leur parcours professionnel. Le recours au CEP permettrait à plus de cadres de concrétiser leur projet de mobilité externe et diminuerait la durée de chômage de trois mois ([30]).

2.   ... malgré des initiatives qui vont dans le bon sens

a.   Le maillage territorial est renforcé par la diversification des opérateurs du CEP

L’une des principales innovations introduites par la réforme de 2018 est la participation de nouveaux opérateurs du CEP, désignés par France compétences par appel d’offres, pour délivrer le service auprès des salariés du secteur privé. La proximité géographique entre les opérateurs du CEP et les bénéficiaires du conseil, avec un fort maillage territorial, a été un critère prééminent dans la désignation de ces nouveaux acteurs.

Les opérateurs historiques (Pôle emploi, CAP Emploi, les missions locales et l’APEC) continuent d’exercer leurs missions aux côtés de ces nouveaux opérateurs. Seul l’OPACIF a disparu avec la transformation du CIF.

Lors de la table ronde consacrée au CEP ([31]), France compétences a rappelé que la plupart des dix-huit opérateurs régionaux sélectionnés étaient des groupements de plusieurs entreprises. Deux types de groupements sont représentés dans plusieurs régions : le « Groupement évolution » qui réunit les entreprises Tingari et Catalys, d’une part et les groupements impliquant un centre interinstitutionnel de bilans de compétences (CIBC), fédérés au sein du « réseau Eva », d’autre part. France compétences a conclu avec chacun d’entre eux un accord-cadre d’une durée de quatre ans. En 2019, le budget du marché a été estimé à 450 millions d’euros ([32]).

LES OPÉRATEURS DÉSIGNÉS PAR France COMPÉTENCES

Source : France compétences

Selon France compétences, les opérateurs régionaux se sont attachés à déployer, dans leurs outils, leurs méthodes et leurs partenariats des liens avec les OPCO, Pôle emploi, les centres animation ressources d’information sur la formation-observatoire régional emploi formation (Carif-Oref) et les organisations professionnelles présentes sur les territoires pour matérialiser la prise en compte des besoins économiques et sociaux de ces derniers, clairement définis par la loi.

 

Ces opérateurs doivent toujours respecter un cahier des charges, revu par l’arrêté du 29 mars 2019 qui s’est substitué au précédent cahier des charges en date du 16 juillet 2014. Ce nouveau cahier des charges a été construit, comme le précédent, sur la base des recommandations de l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018.

Il faut préciser que France compétences s’est vue confier par la loi le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du CEP au niveau national, en associant des représentants des opérateurs, afin d’ajuster en continu les objectifs en termes de volume d’activité fixés aux opérateurs pour organiser la montée en charge du dispositif.

Le suivi de la mise en œuvre est réalisé sur la base d’un socle d’indicateurs communs à l’ensemble des opérateurs du CEP. Au grand regret de France compétences, ce suivi n’a, à ce stade, pas été déployé faute de ressources disponibles pour l’organiser au sein de la Commission évaluation de France compétences. L’opérateur précise néanmoins qu’un projet d’évaluation du marché du CEP à destination des actifs occupés doit être stabilisé pour un déploiement en 2022.

Pour les acteurs auditionnés sur ce sujet à l’instar de Cheops, intervenant pour le réseau Cap Emploi, l’arrivée des opérateurs régionaux a mis en avant une grande communication et une meilleure lisibilité du dispositif, un constat corroboré par l’APEC qui estime que « la communication autour de la loi puis la modernisation et l’harmonisation autour de l’identité du CEP ont eu une vertu de visibilité certaine ».

b.   La communication autour du CEP s’est améliorée

Faire en sorte que le CEP soit identifié par les salariés comme un service public gratuit et accessible est un gage de la réussite de la réforme de 2018.

Lors de la table ronde regroupant les différents opérateurs, l’APEC a pointé un écueil potentiel de la réforme : la multiplication des opérateurs a d’un côté, permis d’augmenter la visibilité du CEP mais l’a, en même temps, positionné dans un champ concurrentiel qui rend difficile pour les actifs d’identifier ces opérateurs privés comme un service public gratuit et accessible.

Afin d’enrichir la communication autour de ce dispositif d’accompagnement, la DGEFP signale les nombreuses actions déjà entreprises depuis 2019 pour améliorer la communication autour de ce service :

– la réalisation et la mise à jour de documents de communication à destination des actifs ;

– la refonte et le développement du site mon-cep.org amené à devenir le site de référence des actifs occupés ;

– la valorisation et le renforcement de la visibilité du CEP sur la page d’accueil du site moncompteformation.gouv.fr, rénové en novembre 2021.

PAGE D’ACCUEIL DU PORTAIL MON COMPTE FORMATION

– l’organisation des « semaines de l’évolution professionnelle » qui se sont déroulées du 4 au 15 octobre 2021 et ont réuni 7 558 participants aux 100 webinaires gratuits animés par des conseillers en évolution professionnelle. 45 % des participants avaient le statut de salarié et 27 % étaient demandeurs d’emploi.

3.   Résorber le déficit de notoriété du CEP est un impératif à court terme

a.   Le constat d’une méconnaissance du CEP est unanimement partagé

La table ronde organisée sur le CEP a permis de mettre en évidence le défi que représente le déficit de notoriété du CEP. Pour Cheops, « la communication autour du CEP pour le grand public ne permet pas aux personnes concernées de se saisir pleinement du dispositif ». Dans le même état d’esprit, France compétences regrette que les actifs ayant connu le CEP par leur employeur restent trop rares (seulement 6 %).

Lors de la table ronde organisée avec les opérateurs de compétences, plusieurs d’entre eux ont souligné que le CEP était également trop éloigné des branches professionnelles qui pourraient, pourtant, concourir à en assurer la publicité auprès des salariés.

Pour la Caisse des dépôts et consignations, il faudrait renforcer l’information sur la plateforme « Mon parcours handicap » et visibiliser le rôle du CEP dans les territoires pour accompagner les personnes en situation de handicap.

b.   Assurer une communication plus forte, sur tout le territoire, autour du CEP

Reprenant à son compte le constat de l’Union nationale des missions locales pour qui les conseils régionaux ne se sont pas emparés de la même manière du CEP, créant des disparités selon les régions, les rapporteurs estiment opportun d’évaluer et de s’assurer d’un niveau de qualité égal des CEP entre les Régions.

S’il est vrai que France compétences ne peut pas faire de campagne nationale pour promouvoir les CEP, il n’en demeure pas moins que chaque salarié et demandeur d’emploi doit être mieux informé de l’existence du CEP.

Proposition n° 6 : Renforcer l’information de l’existence du CEP pour chaque salarié et demandeur d’emploi.


C.   UN NOUVEAU FLÉCHAGE des fonds DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES VERS LES PETITES ENTREPRISES

Afin de remédier au faible accès des salariés des PME à la formation professionnelle, le législateur a souhaité bâtir un nouveau système de solidarité financière entre petites et grandes entreprises pour le financement du plan de développement des compétences, qui vise à mutualiser uniquement au profit des entreprises de moins de 50 salariés.

Avant la réforme, le plan de formation – qu’a remplacé le plan de développement des compétences – était financé par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) selon les contributions de la masse salariale brute suivantes ([33]) :

– 0,40 % pour les entreprises de moins de 11 salariés ;

– 0,20 % pour les entreprises de 11 à 49 salariés ;

– 0,10 % pour les entreprises de 50 à 299 salariés.

Pour rappel, la contribution générale, qui n’a pas été modifiée par la réforme, s’élève à 0,55 % pour les entreprises de moins de 11 salariés et 1 % pour les entreprises de plus de 11 salariés.

Les entreprises de 300 salariés et plus contribuaient au développement de la formation professionnelle continue à hauteur de 1 % de la masse salariale, comme toutes les entreprises d’au moins 11 salariés mais leur contribution ne faisait l’objet d’aucune affectation au titre du plan de formation. C’est par le biais de financement direct de la formation ou de versements conventionnels ou volontaires à un OPCA que les entreprises assuraient le financement de leur plan de formation.

DONNÉES RELATIVES AU PLAN DE FORMATION EN 2018 AVANT LA RÉFORME

 

Plan moins de 11 salariés

Plan 11 à 49

Plan 50 à 299

Collecte comptabilisée en 2018

418 millions d’euros

193 millions d’euros

121 millions d’euros

Nombre d’entreprises versantes au titre de l’année 2018

1,2 million

135 408

31 550

Nombre de salariés concernés

6 millions

4,7 millions

3,5 millions

Contribution moyenne par entreprise au titre de l’année 2018

352 euros

1 423 euros

3 850 euros

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2020 – Formation professionnelle.

 

Depuis la réforme, la contribution unique à la formation et à l’apprentissage finance le plan de développement des compétences des TPE ainsi que le CPF, la formation des demandeurs d’emploi et les formations en alternance.

Avant la réforme, toutes les entreprises de moins de 300 salariés pouvaient accéder aux fonds mutualisés pour financer leur plan de formation.

En nette rupture avec cette philosophie, les contributions sont à présent réparties au regard du nombre d’entreprises de moins de 50 salariés et du nombre de salariés couverts de chaque opérateur de compétences et sont donc déconnectées des entreprises versantes du champ de l’OPCO, le poids de chaque critère étant décidé par délibération du Conseil d’administration de France compétences.

Cette modification a été introduite progressivement puisqu’en 2019, les OPCO avaient toujours une base directe issue de la collecte des entreprises de leur champ d’intervention, et se voyaient ensuite attribuer une enveloppe supplémentaire. D’après les données fournies par la DGEFP, les OPCO ont collecté sur cette année 500 millions d’euros auprès de leurs entreprises adhérentes et reçu une dotation supplémentaire de 127 millions de France compétences ([34]).

Les mesures relatives à l’entretien professionnel sont difficilement évaluables

Dans la lignée de la réforme du plan de développement des compétences à l’article 8 de la loi, l’entretien professionnel obligatoire a lui aussi été amenagé pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés.

L’entretien professionnel a été conçu par l’ANI du 5 décembre 2003 afin d’instaurer un dialogue entre le salarié et l’entreprise autour du développement des compétences et des perspectives d’évolution professionnelle.

Depuis la loi du 5 mars 2014, tout salarié bénéficie, quelle que soit la taille de son entreprise, d’un entretien professionnel tous les deux ans.

Un régime spécifique est prévu tous les six ans par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 : à cette échéance, l’entretien professionnel se transforme en un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié au cours duquel il se voit remettre un document permettant de vérifier qu’il a bien bénéficié de différentes actions de formation.

La loi « Avenir professionnel » a permis qu’un accord collectif d’entreprise ou de branche puisse prévoir une périodicité différente.

La crise sanitaire a, malheureusement, différé la possibilité d’établir un bilan des premiers entretiens « état des lieux » à six ans puisque la date limite de mars 2020 fixée pour les salariés présents depuis mars 2014 dans l’entreprise a été reportée par l’ordonnance du 1er avril 2020 qui prévoit d’une part, que la date limite de réalisation des entretiens prévus en 2020 et au premier semestre 2021 soit reportée au 30 juin 2021 et d’autre part, que les dispositions relatives à l’abondement correctif soient suspendues jusqu’au 30 septembre 2021.

Néanmoins, les enquêtes réalisées par le CEREQ montrent que la mise en œuvre des entretiens professionnels demeure très insuffisante puisque seulement une moitié des salariés en ont bénéficié en 2017-2018, un niveau stable depuis 2015 (1).

(1)    Christine Durieux, Laurence Baraldi, « L’entretien professionnel peut-il contribuer au développement des compétences ? », CEREQ, septembre 2020.

1.   Le nouveau système de mutualisation au profit des petites entreprises peine à convaincre

Les ressources globales destinées au financement du plan de développement des compétences ont baissé de 17 %, entre 2019 et 2020, passant de 627 millions d’euros à 524 millions d’euros ([35]). Cette baisse doit toutefois être replacée dans le contexte de la crise sanitaire qui a eu un impact très fort sur les ressources de France compétences et des opérateurs de compétences. En l’état, cette donnée est donc difficilement évaluable et comparable.

Concrètement, la réforme a eu pour effet de redistribuer les fonds entre OPCO. Ainsi l’OPCO interindustriel (OPCO 2i) qui se caractérise par des entreprises de grande taille reverse un montant à France compétences alors qu’un OPCO qui comprend de nombreuses entreprises de petite taille comme Constructys ou OPCO EP se voit attribuer une dotation supplémentaire.

OPCO 2i précise qu’il disposait avant la réforme d’une capacité de 100 millions d’euros pour les entreprises de moins de 50 salariés et ne reçoit désormais de la part de France compétences qu’une enveloppe de 30 à 35 millions d’euros, qu’il estime très nettement insuffisante pour faire face aux besoins de formation dans ce secteur industriel clé. Dans le même temps, l’industrie se retrouve première contributrice du développement des compétences de l’ensemble des salariés des autres branches avec une collecte de près de 80 millions d’euros.

Les rapporteurs soulignent à ce sujet qu’il est précisément dans l’esprit de la réforme de réserver les fonds mutualisés pour les petites entreprises qui n’ont aujourd’hui pas les moyens d’investir en propre sur la formation et non pour celles qui ont des services experts en ingénierie financière qui savent aller chercher les financements mutualisés.

De manière générale, la réforme ayant abouti à la réduction du nombre de bénéficiaires des fonds de financement, il n’est pas illogique qu’un certain nombre de critiques, plus ou moins virulentes, se soient exprimées lors des travaux de la mission d’évaluation. Certains opérateurs de compétences portent un regard acerbe sur ce point de la réforme, Opco 2i estimant par exemple que « les conséquences de la loi sur les moyens à disposition du développement des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés sont catastrophiques ([36]) », rejoignant le bilan d’un « effondrement » des plans de développement des compétences pour les entreprises de moins de 50 salariés dressé par l’OPCO ATLAS ([37]).

Interrogée sur ce point, la DGEFP indique que la rupture radicale avec le système précédent « a pu occasionner des incompréhensions et des mécontentements, en particulier pour les OPCO marqués par les grandes entreprises : ATLAS (banque et conseil), OPCO 2i et OPCO Santé » ([38]).

Les partenaires sociaux s’alarment dans leur accord-cadre que la réforme soit également préjudiciable aux entreprises de 50 à 300 salariés qui ne bénéficient plus de l’accès à la mutualisation des fonds, ce qui s’est traduit par « une baisse significative des dépenses engagées en matière de formation par ces entreprises » et les privent d’un interlocuteur dédié.

Ainsi que l’ont souligné les organisations patronales, à l’instar de l’U2P, beaucoup d’entreprises de 50 à 299 salariés ne disposent pas de service de ressources humaines, ni d’équipes dédiées à l’ingénierie des dossiers de formation. Or, quand le financement mutualisé existait, ces entreprises pouvaient se reposer sur les OPCA, ce qui n’est plus possible aujourd’hui étant donné les OPCO n’ont plus de mandat pour intervenir en soutien aux entreprises de plus 50 salariés.

Toutefois, interrogée sur ce point important de la réforme, la DGEFP tient à relativiser la baisse des ressources globales. D’une part, les OPCO disposaient de réserves sur le plan de développement des compétences qu’ils ont pu mobiliser. D’autre part, les conséquences économiques de la crise sanitaire ont conduit à la mobilisation du FNE-Formation, renforcé de manière temporaire pour faire face aux besoins des entreprises en activité partielle pour un montant de 333,8 millions d’euros en 2020. 99 % des dossiers ont été mis en place par les opérateurs de compétences. Selon la DGEFP, 40 % de ces crédits ont, de surcroît, bénéficié aux entreprises de moins de 50 salariés ([39]).

La DGEFP confirme le maintien d’un effort significatif en 2021 et 2022 avec un budget de près de 390 millions d’euros consacré à la formation des salariés des entreprises impactées par la crise, avec un « régime d’intervention plus avantageux pour les entreprises de petite taille. »

2.   L’esprit de la réforme doit être consolidé

a.   Réaffirmer l’aide au développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés comme une priorité

Dans le cadre de l’ACNI d’octobre 2021, les parties signataires demandent que l’aide au développement des compétences et des qualifications dans les entreprises de moins de 50 salariés, soit renforcée et réaffirmée comme une cible prioritaire de la réforme, estimant de surcroît que « le passage du plan de formation au plan de développement des compétences est aujourd’hui inégalement pris en compte et mis en perspective dans la stratégie des entreprises » ([40]).

Les rapporteurs font pleinement leur cette ambition.

b.   Pour les entreprises de 50-299, co-investir pour pallier la fin des fonds mutualisés

Les partenaires sociaux proposent d’inscrire au budget de France compétences une ligne budgétaire dédiée à l’accompagnement des entreprises de 50 à 299 salariés via la création d’une section financière dédiée au sein des OPCO.

La Fédération de la formation professionnelle considère le co-investissement comme indispensable via les abondements CPF pour les entreprises de 50 à 299 salariés afin de pallier la fin des fonds mutualisés. Les rapporteurs pensent également que le co-investissement peut être une voie alternative au fonds mutualisé pour les entreprises de 50 à 299 salariés. Cette solution permet de drainer des financements déjà existants vers des formations utiles à l’entreprise ou à la branche, tout en impliquant fortement les salariés dans la démarche, ce qui leur permettra de tirer tout le bénéfice des formations suivies. Ce co-investissement est, de ce point de vue, gagnant-gagnant.


D.   LE NOUVEAU PROJET DE TRANSITION PROFESSIONNELLE

L’étude d’impact sur cet aspect de la réforme était relativement succincte, aucun objectif chiffré n’ayant été fixé. L’esprit général de la réforme était d’encourager le recours au projet de transition professionnelle dans le cadre de la mobilisation de son droit individuel à la formation à travers le CPF.

Le projet de transition professionnelle vise à financer une action de formation certifiante ou qualifiante destinée à changer de métier ou de profession.

Plusieurs acteurs interviennent désormais dans l’élaboration et la conduite du projet : l’opérateur du CEP, d’une part, qui accompagne, informe et oriente le salarié dans la définition de son projet, lui propose un plan de financement et la commission paritaire interprofessionnelle régionale, d’autre part, qui apprécie la pertinence du projet, instruit la demande de prise en charge financière et autorise la réalisation et le financement du projet. Cette décision est motivée et notifiée au salarié. En cas de rejet du projet, il est possible de saisir la médiatrice de France compétences.

Source : Transitions Pro Île de France

Le projet de transition professionnelle est financé par une part de la contribution CPF. France compétences y consacre un budget de 461 millions d’euros en 2021 ([41]) et de 500 millions d’euros en 2022 ([42]). À titre de comparaison, 819 millions d’euros étaient destinés au financement du congé individuel de formation pour l’année 2016 ([43]).

1.   La nouvelle architecture institutionnelle s’est mise en place rapidement

L’ANI conclu entre les organisations d’employeurs et de salariés le 15 mars 2019 pour la création de ces commissions les a renommées « associations Transitions Pro » (ATPro) ([44]). Elles sont aujourd’hui au nombre de dix-huit.

Il est à noter que les ATPro ont perdu leur mission de conseil en évolution professionnelle en raison de l’installation en janvier 2020 de prestataires de conseil en évolution professionnelle sélectionnés par l’appel d’offres de France compétences. Ces ATPro ont dû mettre en place un plan de restructuration avec des impacts de fermeture et de réorganisation de locaux ainsi que des mesures sociales d’accompagnement pour les salariés licenciés ([45]).

a.   Le lien entre les associations « Transitions Pro »et France compétences est bien établi

France compétences établit des recommandations sur les modalités et règles de prise en charge des projets de transition professionnelle afin de garantir leur harmonisation sur l’ensemble du territoire et d’établir un référentiel de priorités dans la satisfaction de ces demandes de prise en charge ([46]).

Après concertation avec les Transitions Pro, Certif Pro et la DGEFP, le conseil d’administration de France compétences du 17 décembre 2020 a ainsi approuvé trois recommandations relatives aux règles d’éligibilité des publics et des projets, aux modes de priorisation pour la prise en charge des projets ainsi qu’aux règles de prise en charge des coûts pédagogiques.

Les ATPro entretiennent une relation suivie avec France compétences pour déployer la méthodologie de suivi de la mise en œuvre des projets de transition professionnelle.

b.   Les relations sont fluides entre les différents acteurs de la transition professionnelle

Lors de la table ronde organisée avec certaines associations Transitions professionnelles, toutes ont souligné la forte dimension partenariale avec les opérateurs du CEP ([47]).

Transitions Pro Nouvelle-Aquitaine s’est de surcroît félicitée de la fluidité des relations avec les CREFOP et les OPCO, permise par le paritarisme. Des innovations sont en train d’émerger avec des parcours coordonnés ATPro et Opco pour accompagner les salariés dans leur transition professionnelle, notamment via la « Pro-A ».

2.   Les projets de transition professionnelle restent sous-dotés

Depuis la mise en application de la réforme, les projets de transition professionnelle pris en charge par les Associations de Transition Pro étaient de :

– 18 359 au titre de l’année 2019 ;

– 15 768 au titre de l’année 2020 ;

– 17 503 à la date du 29 octobre 2021.

Si les effets de la crise sanitaire et économique ont pu jouer sur la baisse du recours à ce dispositif, la portée de celui-ci reste néanmoins assez faible au regard des 50 000 congés individuels de formation qui étaient mobilisés chaque année avant la réforme.

La POEI, un dispositif efficace, malheureusement méconnu et trop peu utilisé

La préparation opérationnelle à l’emploi (POE) est une formation permettant d’acquérir, ou de développer, les compétences professionnelles nécessaires à la satisfaction d’un besoin de recrutement préalablement identifié. Lorsqu’il est identifié par une entreprise auprès de Pôle emploi, la POE est mise en œuvre dans un cadre individuel (POEI).

La POE est co-construite par Pôle emploi et l’entreprise ou la branche. D’une durée de 400 heures maximum, elle comporte une période d’immersion en entreprise et ouvre droit au statut de stagiaire de la formation professionnelle, à une rémunération et à une aide complémentaire. À son issue, si le niveau requis pour occuper le poste à pourvoir est atteint, un contrat long est alors signé.

La POEI répond à un besoin de mise en adéquation des compétences détenues par le salarié et de celles requises pour exercer un métier en tension. En ce sens, elle répond parfaitement à la philosophie qui a présidé à la loi « Avenir professionnel ». Les acteurs interrogés sur ce dispositif ont déploré son faible recours.

En effet, seules 15 000 personnes en bénéficient, en moyenne, chaque année, malgré un budget de 180 millions d’euros (1).

(1)    Données du ministère du travail et de l’emploi

a.   Les fonds dédiés à la transition professionnelle sont insuffisants

Le Plan de relance adopté pour faire face aux conséquences financières de la crise a renforcé les fonds alloués aux projets de transition professionnelle, en prévoyant le versement d’une dotation complémentaire de 100 millions d’euros aux associations « Transitions pro » soit une hausse de 25 % par rapport à l’année 2019. L’objectif est d’atteindre 5 000 nouveaux bénéficiaires ([48]). Au 12 mai 2021, près de 69 millions d’euros étaient déjà engagés au titre de cette enveloppe ([49]). Philippe Debruyne, président de Certif’Pro s’était félicité « qu’une véritable dynamique, observable dans tous les régions soit donc en cours » lors de la table ronde avec les associations ATPro organisée dans le cadre des travaux de la mission.

Néanmoins, lors de la table ronde, toutes les associations Transitions professionnelles auditionnées se sont accordées à dire que les moyens consacrés au PTP restaient largement insuffisants, notamment au regard du budget qui était auparavant dédié au CIF. Le projet de loi de finances pour 2022 engage un montant de 502 millions d’euros pour les projets de transitions professionnelles ([50]). À titre de comparaison, 819 millions d’euros étaient destinés au financement du congé individuel de formation pour l’année 2016 ([51]).

Pour les ATPro auditionnées, il faudrait doubler le budget actuel pour retrouver le niveau antérieur à la réforme et permettre de mieux accompagner les bénéficiaires qui sont plus nombreux à déposer des demandes de dossier. Par exemple, l’ATPro Île-de-France reçoit 10 % de dossiers supplémentaires mais se trouve contrainte de baisser nettement son taux d’acceptation, faute de financement suffisant.

Ce constat est partagé par le Synofdes, auditionné par la mission, qui regrette que « malgré les initiatives conjoncturelles de l’État, les budgets dédiés à la mobilité professionnelle restent en net recul en comparaison des dotations affectées antérieurement aux CIF CDI et aux CIF CDD » ([52]).

Les rapporteurs tiennent toutefois à nuancer cette baisse de budget car le projet de transition professionnelle doit être pensé dans le budget global mobilisé également par l’intéressé via son investissement individuel à travers le CPF.

b.   « Pro-A », un dispositif mis en œuvre très récemment

L’article 28 de la loi « Avenir professionnel » a substitué aux périodes de professionnalisation un nouveau dispositif de reconversion ou promotion par alternance, appelé la « Pro-A ». Fondée sur le principe de l’alternance entre des périodes de formation et l’acquisition de savoir-faire en entreprise, « Pro-A » s’adresse à des salariés (contrat à durée indéterminée, contrat unique d’insertion, sportifs ou entraîneurs en CDD) dont le niveau de qualification est inférieur au niveau licence. La certification poursuivie doit être CléA ([53]) ou des certifications identifiées comme structurantes pour l’avenir par les branches.

Recentrée pour être un outil véritablement au service d’une montée en qualification des salariés en poste, la « Pro-A » a rencontré plusieurs difficultés dans sa mise en œuvre selon le calendrier initialement fixé :

– les dispositions législatives ont été « reprises » par l’ordonnance « balai » du 21 août 2019 ([54]) ; cette dernière a notamment précisé que l’extension de l’accord était subordonnée « au respect de critères de forte mutation de l’activité et de risque d’obsolescence des compétences » ;

– les dispositions réglementaires initialement fixées par le décret du 24 décembre 2018 ([55]) ont été elles-mêmes modifiées par un décret du 16 mars 2020 ([56]), ce qui a laissé perdurer pendant plusieurs mois une incertitude sur le cadre juridique précis dans lequel devait s’inscrire la « Pro-A » ;

– enfin, l’identification des certifications éligibles ainsi que du financement forfaitaire de la formation par les opérateurs de compétences, sous réserve du plafond règlementaire ([57]), dépendait d’un accord de branche étendu ; or, plusieurs personnes auditionnées ([58]) ont signalé aux rapporteurs la longueur des délais pris dans l’extension de ces accords, au regard notamment des nouveaux critères fixés dans l’ordonnance « balai » ; ce problème semble en voie de résolution, puisque la DGEFP a indiqué dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs que sur 109 accords, 93 ont été étendus ([59]), neuf sont en cours d’extension et deux accords sont en cours d’analyse.

C’est ce qui explique que « le dispositif est donc en cours de déploiement » ([60]), et ne présente pas un caractère évaluable ([61]) au même titre que les autres dispositions évoquées.

Malgré la « jeunesse » du dispositif, certaines organisations comme le Synofdes, auditionné par les rapporteurs ([62]), estiment d’ores et déjà qu’il faudrait renforcer et déplafonner la « Pro-A » et choisir des critères d’éligibilité plus en lien avec le projet qu’avec les qualifications initiales de la personne.

Proposition n° 7 : Élargir les critères d’accès de la « Pro-A » afin qu’ils soient plus en lien avec le projet qu’avec les compétences initiales de la personne.

c.   Le nouveau dispositif « Transitions collectives » s’inscrit dans cette volonté de renforcer les moyens dédiés aux transitions professionnelles

Le dispositif « Transitions collectives » dit aussi « Transco » est un dispositif déployé depuis le 15 janvier 2021 et co-construit avec les partenaires sociaux dans le cadre du plan France Relance. Il n’est donc pas directement lié à la loi « Avenir professionnel » mais ne peut être passé sous silence dans l’évaluation des moyens mis en œuvre pour les transitions professionnelles.

Ce dispositif permet aux employeurs d’anticiper les mutations économiques de leur secteur et aux salariés d’être accompagnés pour se reconvertir de manière préparée et assumée.

L’État prend en charge, tout ou partie, de la rémunération des salariés (y compris les charges sociales légales et conventionnelles) et du coût pédagogique des formations certifiantes d’une durée maximale de 24 mois. Les ATPro comme les OPCO, les services déconcentrés de l’État (DREETS-DDETS) et les conseillers en évolution professionnelle sont impliqués dans le dispositif.

La montée en charge de ce dispositif très récent se fait lentement. Selon les données fournies par la DGEFP, en 2021, 68 dossiers d’établissement ont été déposés, qui concernent au total 113 salariés.

Pour 2022, le Gouvernement entend renforcer les capacités d’animation des plateformes territoriales d’appui aux transitions professionnelles dont l’un des objectifs porte sur l’identification des entreprises dont les emplois sont menacés, les entreprises recruteuses et leur mise en relation, grâce au recours à des cabinets de consultants ayant une connaissance du tissu économique. Cet effort concourra à permettre à davantage de salariés d’intégrer le dispositif Transitions collectives.

Des délégués à l’accompagnement des reconversions professionnelles sont par ailleurs nommés auprès des DREETS et des DDETS afin d’accompagner les entreprises et de faciliter le dialogue entre l’ensemble des partenaires intervenant sur le champ de l’emploi et de la formation professionnelle.

S’il est évidemment prématuré d’évaluer la portée de Transco, il n’en demeure pas moins que le dispositif est prometteur.


E.   LES NOUVELLES MODALITÉS d’ACTION DE FORMATION

La loi « Avenir professionnel » a procédé à une nécessaire rationalisation de la définition des actions de formation en simplifiant la typologie des actions entrant dans le champ des actions concourant au développement des compétences désormais limitées à quatre au lieu de quatorze :

– les actions de formation ;

– les bilans de compétences ;

– les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience ;

– les actions d’apprentissage.

Cette rationalisation avait notamment pour objectif de favoriser l’émergence de nouvelles modalités de formation que sont la formation en situation de travail (FEST) et la formation à distance (FOAD). Comme l’indique l’étude d’impact, « la digitalisation remet en cause le partage entre présentiel et non présentiel, temps de travail et hors temps de travail. Il devient donc nécessaire de développer des modalités pratiques d’accès à la formation, de pédagogie active, plus souples et plus adaptées à la rapidité des évolutions du marché du travail et donc des besoins en compétence des salariés([63]) »

1.   Les nouvelles modalités de formation sont entrées en résonance avec la crise sanitaire et économique

a.   La formation à distance, un atout précieux pendant le confinement

Face à la pandémie, de nombreux acteurs de la formation professionnelle ont développé des dispositifs pour assurer une partie de leur programme de formation à distance.

Pour Michel Yahiel, directeur des politiques sociales à la Caisse des dépôts et consignations, la période du premier confinement a été propice à la mobilisation du CPF pour des formations à distance dont le nombre a doublé ([64]). En mai 2020, le catalogue de formations comptait 730 000 sessions dont 200 000 à distance.

Une campagne publique pour encourager à se former pendant le confinement

Lors du premier confinement, le Gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation à la formation à la distance via un hashtag « JeMeFormeChezMoi » et une vidéo de deux minutes dans laquelle la ministre du Travail et le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, incitaient à développer leurs compétences pendant le confinement.

Cette campagne de communication a permis de sensibiliser les salariés à l’existence de l’application « Mon Compte Formation » et à la diversité des modalités d’apprentissage à distance.

D’après une étude du Céreq, les entreprises en bonne santé économique ont pu développer les actions de formation en situation de travail et les formations hybrides ([65]). L’enquête OF-Covid menée par le ministère du Travail et Régions de France a permis de faire le point sur la situation de l’ensemble des établissements de formation et les solutions qui ont pu être mobilisées pour assurer des formations à distance ([66]). Il ressort de cette enquête que plus de la moitié des établissements de formation interrogés ont maintenu le contact avec leurs apprenants grâce au déploiement de formations à distance. Le maintien de l’activité de formation à distance était globalement plus soutenu en cas de multi-financement, incluant des financeurs publics. Il s’est avéré toutefois très disparate selon les régions.

TAUX DE MAINTIEN OU DE POURSUITE À DISTANCE DE L’ACTIVITÉ DE FORMATION SELON LES RÉGIONS

Source : Enquête OF-Covid-Réseau des Carif-Oref-Dares

Lecture : 56,1 % des établissements de formation de Bourgogne-Franche-Comté ont maintenu ou poursuivi tout ou partie de leur activité de formation.

La généralisation de la FOAD doit désormais être pensée au-delà du contexte de l’ingénierie d’urgence qui a permis son déploiement.

Pour Jacques Bahry, président du Forum des acteurs de la formation digitale (FFFOD) qui s’exprime dans un dossier de Centre Inffo sur la FOAD, « la formation ouverte et à distance vit un moment historique (…) la généralisation de la FOAD en France passera par le respect de quelques points fondamentaux : un parcours de formation à distance nécessite une ré-ingénierie pédagogique « aux antipodes d’une simple transposition des contenus présentiels » ; l’accompagnement joue un rôle essentiel dans la réussite d’un parcours de formation ; il est primordial de travailler à l’individualisation de la formation ; et, enfin, la formation en ligne peut s’appuyer sur des outils du web grand public, « mais elle est optimisée par la mobilisation d’outils qui lui sont spécifiques » ([67]). Ces mutations sont, en effet, souhaitées par le législateur.

b.   La formation en situation de travail, une offre pédagogique prometteuse mais difficile à mettre en œuvre

L’action de formation en situation de travail repose sur deux principes : le travail est le matériau pédagogique central et les erreurs de l’apprenant sont au cœur des échanges avec le formateur. L’entreprise devient, pour ainsi dire, le plateau technique à l’instar de la boulangerie évoquée par l’OPCO EP lors de son audition qui permet de former nombre d’apprentis directement en conditions de travail.

Ainsi que l’indique l’étude d’impact, « les enseignements de l’observation permettent aujourd’hui de dessiner les contours d’une action de formation en situation de travail : des séquences articulées de mise en situation de travail et d’interprétation de ce qui s’est produit, une intention pédagogique, des mécanismes de traçabilité, etc. ».

Par définition, les conditions sanitaires ont freiné le développement de cette nouvelle modalité pédagogique.

Dans son rapport d’études sur les effets de la crise sanitaire sur le recours à la formation et aux aspirations professionnelles, la DARES fait état de témoignages relatant les difficultés à concilier apprentissages en situation de travail et respect des nouveaux gestes barrière ([68]). Il est évident que la situation sanitaire très particulière que connaissent les entreprises et les salariés depuis mars 2020 n’est pas la plus propice au développement des nouvelles formes de formations plus orientées vers la pédagogie immersive.

2.   L’essor de ces nouvelles modalités d’action de formation reste contenu, ou à tout le moins, difficilement évaluable

Les opérateurs de compétences entendus par la mission nuancent l’essor qu’auraient connu ces nouveaux types de formation que sont la FEST et la FOAD pendant la crise, rappelant que ces modes d’apprentissage sont utilisés depuis longtemps par les entreprises et que leur déploiement a pu, au contraire, être ralenti par la crise ([69]).

De la même manière, les organisations signataires de l’ACNI estiment « qu’il est encore difficile de mettre en œuvre les nouvelles modalités pédagogiques (AFEST, FOAD…) dans une logique de parcours de formation » bien qu’elles reconnaissent l’intérêt de ces nouvelles modalités pédagogiques qui se sont développées depuis la réforme ([70]).

Le témoignage d’OKTOGONE Group, acteur de la formation digitale, est sur cet aspect de la réforme éloquent. En effet, ils font part des difficultés de compréhension de ce qu’est la formation à distance, mauvaise compréhension qui entrave son développement ([71]). Alors même que les parcours proposés disposent de tous les critères de qualité requis (enregistrement au RNCP, certifications Qualiopi, etc.), beaucoup de bénéficiaires se voient refuser le financement d’une formation digitale, ce qui va à l’encontre de la philosophie de la réforme. Les rapporteurs seront attentifs à ce que tous les freins au développement de ces nouvelles actions de formation soient, à l’avenir, levés.

Au total, il est permis de penser qu’à l’avenir, la formation à distance connaîtra un essor croissant qui devra être encadré afin de ne pas simplement dupliquer en « distanciel » des formations qui ont vocation à se tenir en présentiel. La formation en situation de travail, pour sa part, gagne à être encouragée, en particulier auprès de certains publics comme les travailleurs expérimentés, sensibles à cette nouvelle pédagogie qui permet de valoriser leur savoir-faire et leur savoi‑être dans l’entreprise ainsi que le souligne le récent rapport parlementaire de MM. Didier Martin et Stéphane Viry sur l’emploi des travailleurs expérimentés ([72]).

3.   La validation des acquis de l’expérience : vingt ans de résultats décevants qui appellent une réforme systémique

La validation des acquis de l’expérience (VAE) n’ayant pas fait l’objet de dispositions substantielles dans la loi « Avenir professionnel », il n’est pas paru opportun aux rapporteurs d’en évaluer les effets à proprement parler.

Toutefois, ses carences ayant été régulièrement et spontanément soulevées par les acteurs auditionnés, les rapporteurs ont souhaité parler de ce sujet.

Il ressort des auditions menées dans le cadre des travaux de la mission d’évaluation, en particulier de la part des partenaires sociaux que « la VAE n’est aujourd’hui pas encore une modalité de reconnaissance des compétences suffisamment développée, ce qui s’explique notamment par une procédure qui reste complexe et méconnue » ([73]). Pour l’U2P, « la VAE n’a toujours pas trouvé son véritable équilibre. Le sujet n’est pas de simplifier (comme le préconise l’accord-cadre) que d’avoir une VAE adaptée aux besoins en termes de simplification d’une part, et de pouvoir évaluer les personnes de manière adaptée, d’autre part. ».

Les rapporteurs souscrivent au constat que la VAE est conçue de manière encore trop académique alors qu’elle a précisément vocation à valoriser « l’expérience ». La VAE semble particulièrement pertinente à actionner en amont d’une démarche de formation, de promotion, de reconversion, pour définir les compétences déjà acquises par l’expérience et celle à acquérir en complément par la formation. Elle parait être un outil particulièrement adapté pour mettre de la fluidité dans les parcours de carrière, pour adapter les parcours de formation aux besoins de chacun, pour permettre à chacun de progresser dans sa vie professionnelle. Sa focalisation sur la compétence place ce dispositif dans la continuité de la réforme. Elle représente aussi une réelle opportunité pour les publics les plus éloignés de l’emploi comme les personnes en situation de handicap ou en besoin d’insertion professionnelle.

 

 


F.   LA CERTIFICATION « QUALIOPI », BIEN QUE RETARDÉE PAR LA CRISE, REÇOIT DÉJÀ UN ACCUEIL POSITIF

L’entrée en vigueur des dispositions relatives à la nouvelle certification qualité ayant été fixée au 1er janvier 2022, la mission n’a pas pu mener à bien une réelle évaluation de ce dispositif.

Néanmoins, les rapporteurs ont souhaité réunir lors d’une table ronde ([74]) les différents acteurs de la certification et de la labellisation afin de faire le point sur les exigences de cette nouvelle certification qualité.

À compter du 1er janvier 2022, tous les prestataires d’actions concourant au développement des compétences doivent être certifiés « Qualiopi » pour pouvoir bénéficier des fonds publics ou mutualisés des financeurs de la formation (Opco, ATPro, Caisse des dépôts et consignations, Pôle emploi, etc.). À date de juin 2021, 28 organismes étaient accrédités pour délivrer cette certification, en sus des sept instances de labellisation reconnues par France compétences, auditionnées par la mission.

De l’avis de ces instances, notamment le Comité national de labellisation, la référence « Qualiopi », « grâce à un référentiel tourné vers les attentes du bénéficiaire permet aux organismes de formation de mettre en valeur la qualité de leur organisation et de leurs activités. ». France Education International ne dit pas autre chose estimant que la « marque Qualiopi » permettra aux organismes certifiés de se différencier sur un marché très concurrentiel.

Parmi les freins identifiés, les instances de labellisation ont souligné à quel point la démarche qualité nécessite du temps et des financements pour que les organismes de formation revoient leur organisation et leurs procédures. Or, la crise sanitaire a indéniablement renforcé ces difficultés, obligeant les organismes à gérer l’urgence.

France compétences a, pour sa part, dressé un premier bilan de la démarche Qualiopi en avril 2021 tirant plusieurs enseignements de l’enquête réalisée ([75]) :

– deux types de comportement se distinguent face à la certification qualité : les organismes engagés dans la démarche avant la crise ont eu tendance à continuer leur parcours, en revanche, les autres ont plutôt choisi de reporter leur décision ou de décaler leur préparation ;

– le profil de la première génération de prestataires à s’être spontanément engagés correspond à des organismes de formation déjà « acculturés » aux démarchés qualité ;

– l’engagement dans la démarche s’est imposé rapidement lorsqu’il conditionnait la pérennité même du modèle de l’organisme de formation, en particulier pour ceux bénéficiant majoritairement de fonds publics ;

– enfin, l’enquête montre également que certains des organismes de formation interrogés « disqualifient la légitimité même d’une norme publique à dire la qualité de ce qu’ils font » - un constat également relevé par les instances de labellisation auditionnées par la mission.

Les rapporteurs seront naturellement attentifs au déploiement de cette certification qualité, indispensable au développement de formations de qualité.

 

 

 

 


II.   réforme de l’alternance : la révolution copernicienne a bien eu lieu

A.   un succès reconnu de tous dans l’apprentissage

Alors qu’il s’agissait de l’objectif central de la réforme, un constat général s’impose au-delà d’une approche « dispositif par dispositif ». L’apprentissage a connu une progression considérable depuis la mise en œuvre de la réforme qui en avait fait une de ses priorités.

1.   Un bond « quantitatif » et « qualitatif » pour l’apprentissage

a.   Une hausse très importante dans un contexte particulier

L’apprentissage a connu un bond considérable depuis la mise en place de la réforme, avec la nécessité de distinguer deux périodes :

– l’année 2019 qui a marqué une hausse très importante, alors que toutes les mesures n’étaient pas encore mises en œuvre (cf. supra) ;

– 2020 et 2021, qui marquent une hausse très appuyée dans laquelle se mêlent les effets de la réforme et ceux des aides exceptionnelles qui ont été mises en place pendant la crise sanitaire.

entrées en apprentissage entre 2018 et 2021

 

2018

2019

2020

2021 (p)

Apprentissage (secteurs public et privé confondus)

Entrées

321 038

368 968

525 600

660 911

Progression par rapport à l’année précédente

+ 7,7 %

+ 14,9 %

+ 42 %

+ 38,6 %

Sources : DARES pour les chiffres 2018-2020, données Poem pour 2021.

Pour 2021, il s’agit d’une estimation de janvier à octobre. La progression est comparée à la même période en 2020, afin de lisser les effets de périodicité dans l’année.

Le chiffre présenté pour 2021 est par ailleurs une donnée provisoire, incomplète et prudente, puisqu’il reprend les entrées effectivement observées en apprentissage de janvier à octobre 2021.

b.   Un saut « qualitatif » : une diversification des profils, des parcours et des diplômes visés

Les données mises à disposition par la DARES permettent d’observer l’évolution du public concerné en 2019 et en 2020 ([76]).

Si l’ensemble des niveaux de formation préparés sont concernés par la hausse, l’apprentissage s’est accru à des niveaux de formation pour lesquels il était peu représenté. En deux ans, les formations de niveau I ou II (bac+3 ou plus) sont passées d’un cinquième à plus d’un tiers des entrées en apprentissage. À l’inverse, le niveau CAP-BEP a vu son poids relatif diminuer, tout en continuant à croître en valeur absolue (+ 7 % entre 2019 et 2020).

entrées en apprentissage selon le niveau de formation préparé

Source : DARES, L’apprentissage en 2020 (2021), disponible ici : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/une-tres-forte-augmentation-des-entrees-en-contrat-dapprentissage-en-2020.

Initialement très concentré sur les moins de 20 ans (72 % en 2018), l’apprentissage s’est ouvert à des apprentis plus âgés. C’est vrai chez les 26 ans et plus – ce qui est logique compte tenu de la généralisation de la possibilité d’entrer en apprentissage jusqu’à 30 ans par la loi « Avenir professionnel » – mais aussi chez les 21-25 ans (+ 81 % entre 2019 et 2020). Au total, 60 % des apprentis avaient moins de 20 ans en 2020.

Source : DARES, L’apprentissage en 2020 (2021), disponible ici : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/une-tres-forte-augmentation-des-entrees-en-contrat-dapprentissage-en-2020.

On assiste également à une diversification accélérée des entreprises qui accueillent des apprentis. Si la hausse globale des entrées en apprentissage est relativement équilibrée entre les catégories d’entreprises, on observe toutefois une « sur-croissance » chez les entreprises les plus petites mais aussi chez les entreprises les plus grandes.

Cette performance exceptionnelle a été soulignée par l’ensemble des personnes auditionnées qu’il s’agisse des partenaires sociaux représentants des employeurs ou des salariés, les représentants des chambres consulaires ou encore l’ANAF.

Les organisations auditionnées y voient :

– un engouement structurel pour l’apprentissage dû à la réforme ;

– la communication autour de l’apprentissage auprès du grand public ;

– les conséquences d’un soutien adéquat pendant la crise, quitte à en faire parfois un des éléments les plus déterminants (l’U2P estime ainsi que cette part est « décisive » ([77])).

La CFDT estime ainsi, en des termes aussi directs que parlants, que « ça bouge en termes d’image dans la société » ([78]) sur cette voie d’insertion professionnelle, quand le MEDEF considère que « la réforme de 2018 a assoupli le régime juridique des CFA et les dispositions du contrat d’apprentissage ont fortement impliqué les branches professionnelles dans le pilotage de l’alternance » et que ce sont « ces effets conjugués [qui] ont permis une forte augmentation du nombre de contrats d’apprentissage ces deux dernières années, notamment dans l’enseignement supérieur » ([79]).

Les places respectives des formations « infra-bac », moindres quoiqu’en hausse en valeur absolue, et « post-bac », en hausses absolue et relative, ne sont en revanche pas interprétées de la même manière par l’ensemble des personnes auditionnées.

Quand l’ANAF considère par exemple que « l’apprentissage est beaucoup plus bénéfique pour les jeunes infra-bac » ([80]), le MEDEF considère que « le fait que l’apprentissage se soit démocratisé dans l’enseignement supérieur est quelque chose de positif, contribuant ainsi au changement « d’image » de la voie professionnelle et à une meilleure réponse aux besoins en compétences des entreprises » ([81]).

Les rapporteurs observent quant à eux que le seuil des 500 000 apprentis, souvent évoqués par le passé comme un « cap », a été franchi et même significativement dépassé dès 2020, grâce à une progression spectaculaire et que cette évolution positive se confirme en 2021.

C’est donc un nouvel apprentissage qui se dessine depuis la réforme : dynamique dans tous les secteurs, pour tous les niveaux de diplôme et pour toutes les tailles d’entreprise, avec un phénomène de rééquilibrage là où il était sous-représenté.

Il est par ailleurs trop tôt pour évaluer les effets de la réforme après le terme des contrats d’apprentissage, par exemple : l’augmentation du nombre de contrats a-t-elle des effets à la hausse ou à la baisse sur l’insertion professionnelle ? Il reste qu’avec une hypothèse, plutôt prudente, selon laquelle le taux d’insertion professionnelle resterait le même dans l’apprentissage, la hausse quantitative du nombre de contrats pourrait mécaniquement avoir des effets bénéfiques sur le marché de l’emploi.

Les effets de l’apprentissage sur l’insertion professionnelle

Les effets positifs de l’alternance sur l’insertion professionnelle sont connus depuis longtemps ([82]).

La DARES a réalisé récemment une étude sur l’insertion professionnelle douze mois après la sortie d’études, dont il ressortait que 65 % des apprentis ont un emploi salarié douze mois après la sortie de leurs études. C’est 19 points de plus que les lycéens professionnels (chiffres 2020 sur les « sorties » 2019) ([83]).

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a quant à lui établi que l’alternance avait une véritable valeur ajoutée pour les diplômés de licence professionnelle ou de master, avec un écart significatif de trois à six points selon les filières et le mode d’alternance (apprentissage ou contrat de professionnalisation).

Taux d’insertion à 30 mois des diplômés de licence professionnelle et master (en %) selon le régime d’inscription

Sources : DARES, SIES du MESRI, étude disponible ici : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/NF2021.8-_Insertionalternants.num_1408279.pdf.


B.   La simplification des démarches autour du contrat d’apprentissage

1.   La loi « Avenir professionnel » a entendu simplifier la conclusion et la rupture du contrat d’apprentissage

a.   Les mesures de simplification contenues dans la loi

La loi « Avenir professionnel » proposait une véritable « batterie » de mesures de simplification autour de la conclusion, de l’application et de la rupture du contrat d’apprentissage, fortement inspirée de travaux précédents.

Parmi ces simplifications, on peut notamment citer :

Sur la conclusion du contrat

– le relèvement de la limite d’âge à 29 ans ([84]) ;

– la durée minimale du contrat a été diminuée à 6 mois au lieu d’un an ([85]) ;

Sur l’exécution du contrat

– la possibilité pour les mineurs de déroger sans avis préalable de l’inspection du travail à la durée légale du travail, dans la limite de cinq heures supplémentaires par semaine et de deux heures par jour dans certaines activités ; cette dérogation s’applique à l’ensemble des jeunes travailleurs de moins de 18 ans et donc pas seulement à l’apprentissage ; le décret du 13 décembre 2018 a fixé trois secteurs concernés : les « chantiers de bâtiment », les « chantiers de travaux publics » et les « activités de création, d’aménagement et d’entretien sur les chantiers d’espaces paysagers » ([86]) ;

Sur la rupture du contrat

– la suppression du passage obligatoire par le conseil de prud’hommes au profit d’une rupture unilatérale à l’initiative de l’apprenti, après médiation, ou à celle de l’employeur (cas d’une faute grave, d’une inaptitude ou d’exclusion définitive de l’apprenti du CFA) ([87]).

b.   Un bilan globalement positif même s’il est difficile d’en mesurer quantitativement les effets

D’un point de vue quantitatif, s’il s’agissait des premières dispositions du texte à entrer en vigueur (contrats conclus/exécution/ruptures à compter du 1er janvier 2019), il est toutefois difficile d’en isoler les effets spécifiques, d’autres paramètres très significatifs ayant évolué depuis (financement, aides, …). On pourrait toutefois faire l’hypothèse qu’elles ont eu leur part dans les bons résultats de l’année 2019, pour laquelle ces autres mesures de la réforme n’étaient pas encore en place.

Les rapporteurs observent toutefois que l’ensemble de ces mesures, qui recueillaient déjà une forte approbation chez les acteurs et au Parlement au moment de leur discussion, continue de faire l’objet d’un accord très large lors des auditions qui ont été conduites ([88]). Ces derniers n’ont donc aucune raison de douter de leur efficacité, notamment au regard des objectifs de simplification poursuivis.

L’U2P a ainsi « salué la réforme de l’alternance engagée par la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, en ce qu’elle a repris un nombre important des propositions de simplification qu’elle portait en la matière » ([89]).

CMA France, également très en pointe au moment de la réforme, a souligné :

– que l’ensemble de ces mesures ont « contribué à la réduction des risques que pouvait avoir à supporter l’entreprise lors d’une erreur de recrutement d’apprenti » ;

– que la possibilité d’une entrée-sortie permanente dans l’apprentissage a contribué « à désaisonnaliser les périodes d’intégration en formation et contribue à l’augmentation des effectifs apprentis » ;

– que l’accroissement de la durée hebdomadaire du travail a permis « une meilleure adéquation du temps de présence en entreprise des apprentis avec les horaires des autres salariés de l’entreprise » ;

– que les nouvelles modalités de rupture « permettent ainsi d’éviter les situations de blocage et […] au jeune de poursuivre son parcours et à l’employeur de conclure un nouveau contrat d’apprentissage » ([90]).

Focus sur la médiation : une partie de la réforme à consolider

Les rapporteurs ont interrogé plus spécifiquement la DGEFP au sujet de la médiation, qui visait à fluidifier les relations entre employeurs et apprentis dans des situations potentiellement conflictuelles, et constituait une des mesures structurantes du nouveau cadre contractuel.

Cette évolution a conduit à un travail des chambres consulaires qui ont développé plusieurs outils et actions pour « redessiner les contours de cette mission de service public » (animation du réseau, partage de bonnes pratiques, kit de médiation, formations, accès du nouveau système de dépôt des contrats DECA aux médiateurs, informations sur le site des CCI ([91])).

Malgré ces efforts, comme le rappelle la DGEFP « le rôle du médiateur est encore peu connu ou n’est pas bien intégré par le grand public et les acteurs concernés dont les opérateurs de compétences ». Trop souvent, il est encore « saisi trop tard », constat partagé devant les rapporteurs par les réseaux consulaires lors de leur audition ([92]). Le déploiement n’est pas encore abouti, malgré les efforts des chambres : la « présence de médiateurs n’est pas encore généralisée sur l’ensemble du territoire et les textes ne laissent pas la possibilité à l’apprenti de saisir un médiateur en dehors de son territoire » ([93]).

Des perspectives d’amélioration existent donc, malgré ce bilan en demi-teinte : les réseaux consulaires travaillent en effet à résoudre ces difficultés et le réseau des CMA a établi un nouveau modèle d’organisation standard pour la mission de médiation de l’apprentissage.

Source : réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs

2.   Un transfert du dépôt vers les OPCO qui nécessite encore un travail d’harmonisation

Dans le sillage d’une simplification plus globale, la loi « Avenir professionnel », notamment son article 11, a modifié les conditions de dépôt des contrats d’apprentissage en remplaçant l’enregistrement auprès des chambres consulaires par un dépôt auprès des opérateurs de compétences, chargés par ailleurs du financement de ces contrats.

Simple conceptuellement, ce transfert constituait toutefois un changement important par le nombre d’opérations transférées, dans un contexte de forte croissance de l’apprentissage, mais aussi dans la mesure où il s’agissait objectivement d’un « nouveau métier » pour les opérateurs de compétences.

Les chambres consulaires et certaines organisations patronales ont alerté les rapporteurs lors de leur audition :

– sur les difficultés concrètes dans la mise en œuvre de ce transfert qui se serait parfois traduit par de la « perte en ligne » ([94]) ;

– sur des enjeux de cohérence des démarches requises pour un même contrat entre les différents opérateurs de compétences, enjeux qui peuvent à leur tour engendrer des délais de traitement « relativement longs » ([95]).

Interrogée sur ces deux « volets », la DGEFP a admis des difficultés tout en pointant qu’elles étaient en voie de résorption, voire résorbées :

– s’agissant du transfert de la gestion des contrats, il s’est accompagné d’évolutions des outils informatiques afin de communiquer avec le système d’information de la DGEFP (DECA qui a remplacé l’ancienne base Ari@ne), ce qui aurait pris un peu de temps ; par ailleurs, le transfert d’un stock important de contrats ([96]) en même temps que le flux de contrats augmentait drastiquement a pu effectivement être difficile à gérer dans un premier temps ; cette situation semble toutefois dépassée et la DGEFP a signalé aux rapporteurs que les « dépôts dans la base nationale ne connaissent plus de retards autres que ceux s’expliquant par le délai normal d’instruction des dossiers » ;

– s’agissant de la diversité des pratiques des OPCO dans l’enregistrement des contrats, un travail de concertation a été engagé intégrant à la fois les onze opérateurs de compétences, les réseaux nationaux des CFA et la DGEFP pour mieux « interfacer » les différents systèmes informatiques, travail « dont l’ambition finale est d’harmoniser les procédures et les pratiques ».

Les rapporteurs saluent l’objectif partagé et les travaux menés mais estiment toujours qu’il s’agit d’un point de vigilance important pour la suite de la réforme : conçu pour simplifier les démarches d’enregistrement des contrats, le nouveau système doit aller au bout de cette logique, sans recréer de nouvelles hétérogénéités dans des procédures qui ne le nécessitent pas par nature.

Les rapporteurs constatent également avec regret que la possibilité pour les OPCO de s’appuyer par voie de convention sur les chambres consulaires pour ce « nouveau métier » du dépôt des contrats, comme la loi le permettait ([97]), n’ait pas été suffisamment utilisée ([98]) dans la phase « amont » de la réforme. Elle aurait probablement permis d’éviter certains écueils, même si les difficultés d’interfaçage des systèmes informatiques ne permettaient pas d’envisager de délégation totale des missions de dépôt aux chambres consulaires.

Il n’est toutefois pas trop tard pour développer des partenariats au niveau régional, notamment pour que les chambres soient fortement intégrées à l’accompagnement des plus petites structures dans la rédaction des contrats d’apprentissage, en lien avec les opérateurs de compétences. Un partenariat semble particulièrement précurseur entre le réseau des CCI et l’OPCO EP dans deux régions, Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine, sur ces enjeux et pourrait servir d’exemple à l’avenir.

Proposition n° 8 : Simplifier les tâches administratives des CFA en harmonisant les systèmes d’information et les pratiques des OPCO dans le dépôt du contrat.


C.   La révolution du « coût-contrat »

1.   La loi « Avenir professionnel » a mis en place un financement plus souple et plus dynamique de l’apprentissage

Financés principalement par des subventions forfaitaires régionales avant la réforme, les centres de formation des apprentis le sont désormais par un tout nouveau mode de financement « ouvert », c’est-à-dire proportionnel au nombre d’apprentis formés : le « coût-contrat » ([99]).

Associé à la fin de la procédure d’autorisation par les régions, ce nouveau financement visait à favoriser la création de centres de formation des apprentis à raison des besoins des entreprises et au regard du nombre et du type de contrats d’apprentissage signés. Assimilable à une « tarification » ([100]) fixée au niveau des branches sous la supervision de France compétences ([101]), le niveau de prise en charge pour chaque contrat est en effet fixé par domaine d’activité et par diplôme poursuivi. L’enjeu était de déverrouiller le volume des apprentis, jusque-là déterminé en amont, annuellement, par les régions, et d’inciter les CFA, par un financement dépendant directement du volume de contrats signés, à adapter leur offre de services afin qu’elle réponde à la fois aux besoins des entreprises et des apprentis. C’est en ce sens que la ministre du travail, Mme Muriel Pénicaud, a pu parler maintes fois de « révolution copernicienne », visant à repositionner les usagers de la formation, jeunes et entreprises, au centre des attentions.

Du point de vue du « circuit financier », ce « coût-contrat » est assuré par les opérateurs de compétences pour lesquels il s’agit juridiquement d’une dépense obligatoire ([102]), dépense pour laquelle l’opérateur est lui-même financé au niveau national par la section « péréquation inter-branches » de France compétences ([103]).

Si elle posait les jalons d’une architecture renouvelée à compter du 1er janvier 2020, la loi n’était cependant pas suffisante par elle-même, la fixation des niveaux de prise en charge relevant des branches, assortie de la possibilité pour France compétences de les fixer directement en cas de carence.

2.   Une première édition fructueuse tant du point de vue de la décentralisation que de la régulation

La loi ayant fixé la détermination des premiers niveaux de prise en charge au 15 mars 2019 pour cette première « édition », il est nécessaire de se replacer à cette date.

Alors, 80 % des commissions paritaires des branches avaient communiqué en temps et en heure les niveaux de prise en charge souhaités. Sur ces niveaux, 70 % des valeurs ont été validées par France compétences qui n’a été amenée à émettre des recommandations que sur les 30 % restantes (6 729 valeurs sur 22 756 au total).

En octobre 2020, France compétences a fixé de nouvelles recommandations pour 1 000 nouvelles certifications qui n’étaient pas couvertes par la « campagne 2019 », avec à la clé 15 000 nouveaux tarifs pour 115 commissions paritaires. Ces nouvelles certifications ont été intégrées dans une nouvelle version du référentiel disponible depuis le 11 février 2021.

Un deuxième exercice devrait prochainement se dérouler entre janvier et mars 2022.

Les rapporteurs observent qu’une majorité de certifications a donc pu être fixée par les branches et validée par France compétences, dès le premier exercice. France compétences a pleinement joué son rôle en corrigeant, sur une base objective, les coûts-contrats les plus aberrants, conformément à sa mission de convergence.

3.   Une transformation très profonde du financement qui appelle des ajustements importants et un approfondissement de la logique de la réforme

Porter un jugement définitif sur le nouveau processus de financement et sa régulation par France compétences nécessiterait probablement de l’observer sur la moyenne et longue durée, l’idée même de la réforme étant que la construction des coûts-contrats et leur convergence entre les branches soient un exercice itératif alimenté par les données des années précédentes ainsi que par l’observation des coûts réels.

Toutefois, plusieurs impacts de la réforme sont d’ores et déjà visibles et significatifs, et les personnes auditionnées ont globalement adhéré à la nouvelle logique de financement.

a.   Des premiers effets très prometteurs du coût-contrat

Sur l’offre de formation par apprentissage, les rapporteurs ont déjà illustré l’impact global de la réforme sur le nombre d’entrées, mais la réforme du financement visait principalement à « libérer » l’offre de CFA. Or, le bilan est de ce point de vue très significatif : d’après la DGEFP, le nombre de nouveaux CFA créés après l’entrée en vigueur de la réforme est de 1 494, soit plus qu’un doublement (2 699 CFA en tout).

La ventilation territoriale mise à disposition par la DGEFP illustre la relative homogénéité de ce phénomène dans toutes les régions et collectivités d’outre-mer.

ventilation des créations des cfa par région ou collectivité d’outre-mer

Région

Nombre de "nouveaux" CFA

Nombre total de CFA

Auvergne-Rhône-Alpes

109

358

Bourgogne-Franche-Comté

42

118

Bretagne

81

144

Centre-Val de Loire

46

75

Corse

4

11

Grand Est

100

186

Guadeloupe

21

29

Guyane

11

16

Hauts-de-France

50

125

Ile-de-France

416

536

La Réunion

107

126

Martinique

10

14

Mayotte

10

11

Normandie

45

118

Nouvelle-Aquitaine

118

230

Occitanie

127

227

Pays-de-la-Loire

41

169

Provence-Alpes-Côte d’Azur

155

205

Saint-Pierre-et-Miquelon

1

1

Total

1 494

2 699

Source : réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs (données consolidées au 8 novembre dernier).

La réforme inquiétait par ailleurs certains acteurs sur de possibles fermetures de CFA dans le cadre d’une « métropolisation » qui serait le corollaire de cette libéralisation. Interrogée sur ce point, la DGEFP a indiqué aux rapporteurs avoir comptabilisé une seule cessation d’activité de CFA depuis la réforme (hors fusions de CFA). Il apparaît donc assez clairement que cette inquiétude était largement infondée.

Le niveau moyen de prise en charge rapporté à un contrat est par ailleurs significativement plus élevé qu’avant la réforme (+ 10,9 % d’après le rapport IGAS-IGF ([104])), même si celui-ci reflète mal la diversification des formations et le changement de public dans une phase d’accélération des entrées en apprentissage.

De manière plus qualitative et plus fine, France compétences a réalisé une étude sur le modèle économique des CFA après l’entrée en vigueur de la réforme en 2020 ([105]).

Sur les 600 CFA interrogés entre octobre 2020 et mars 2021, la situation financière semblait globalement saine pour une majorité d’entre eux : 46 % se projetaient à l’équilibre en fin d’année et 22 % en excédent. Parmi les 19 % s’estimant en déficit budgétaire, les éléments explicatifs semblaient être des effectifs en baisse, la taille du CFA (les plus petits CFA sont surreprésentés parmi les CFA déficitaires – 29 % contre 22 % pour l’ensemble), le fait d’avoir d’autres activités que l’apprentissage et le fait de se situer dans l’industrie par rapport aux services (24 % de CFA déficitaires).

On peut rappeler ici que ces chiffres doivent par ailleurs être contextualisés au regard de la crise sanitaire : les CFA qui ont réussi à fonctionner en « distanciel » ont surperformé par rapport aux autres, ce qui pourrait laisser à penser que le facteur explicatif aurait une dimension conjoncturelle.

France compétences souligne par ailleurs que « relever du secondaire ou du supérieur ne joue pas, en soi, sur la probabilité d’être plutôt en excédent ou en déficit fin 2020 », ce qui est plutôt rassurant sur les niveaux de prise en charge fixés.

Le ressenti des CFA eux-mêmes au regard de la réforme semble plutôt satisfaisant : 51 % identifient la réforme comme assurant une meilleure prévisibilité que les subventions, 43 % estiment que l’harmonisation des financements faisaient partie de leurs attentes et un tiers des CFA sondés choisissent de mettre en avant le fait que la réforme a augmenté leurs ressources.

Des points « à améliorer » sont également identifiés dans l’étude et reprennent certains diagnostics formulés lors des auditions des rapporteurs :

– des retards liés à la facturation et à l’encaissement des contributions, probablement dus aux difficultés informatiques précitées ;

– la nouvelle relation à créer avec les OPCO, même s’il s’agit peut-être d’un écueil inévitable au lancement de la réforme avec de nouveaux acteurs ;

– le manque de lisibilité et d’homogénéité des règles de prise en charge des frais annexes ;

– la fixation de niveaux de prise en charge trop faibles (identifiée par 31 % des CFA interrogés) ; de ce point de vue, le rôle de France compétences dans la régulation à partir de l’observation des coûts réels devrait s’affiner au fil du temps, en se reposant notamment sur la comptabilité analytique des CFA (cf. infra) ;

– le soutien à l’investissement, un quart des CFA interrogés estimant avoir dû reporter des projets d’investissement ; ce constat a été assez partagé notamment par les réseaux nationaux de chambres consulaires lors de leur audition par les rapporteurs.

b.   Un système largement approuvé malgré quelques difficultés sur l’investissement

Aucune des personnes auditionnées n’a regretté le système antérieur, même si différentes nuances ont pu être exprimées sur la façon dont fonctionne le nouveau mode de financement.

Beaucoup reconnaissent des niveaux satisfaisants, parfois élevés de prise en charge, et la nécessité de les revoir, sans toutefois tomber dans l’écueil d’une révision systématiquement à la baisse des coûts-contrats.

Les rapporteurs ont été en particulier sollicités lors des auditions afin que la loi aille plus loin en « sanctuarisant » davantage les sommes mises de côté par les CFA à des fins d’investissement.

CMA France estime qu’un risque est « lié à la nature des niveaux de prise en charge définis par les branches, qui ne valorisent que les investissements pédagogiques, liés au fonctionnement du CFA, dont la période d’amortissement est inférieure ou égale à trois ans » ([106]). Lors de son audition et d’échanges ultérieurs avec les rapporteurs, elle a fait état de son souhait de pouvoir épargner une part plus grande des financements pour les flécher vers l’investissement.

Les représentants des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ont souligné les faibles moyens mis par les opérateurs de compétences sur l’investissement.

Sur ce dernier point, la DGEFP a rappelé dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs que les dépenses d’investissement non liées à des activités pédagogiques amortissables en trois ans n’entrent pas dans le calcul des niveaux de prise en charge. La réforme du « coût-contrat » n’a donc, de son point de vue, pas entendu prendre en charge les dépenses allant au-delà. Toutefois, elle précise également que cela n’empêche pas les structures de disposer librement des sommes qu’elles ont mises en réserve.

Il est donc juridiquement possible pour les CFA de thésauriser des excédents, comme n’importe quelle structure privée, de recourir à l’emprunt (faculté nouvelle ouverte par la loi « Avenir professionnel »), de faire appel aux financements des régions sous certaines conditions ou encore de répondre à des appels à projets des opérateurs de compétences ([107]).

Sollicitée par les rapporteurs sur une évolution des modalités techniques de « sanctuarisation », afin d’aller plus loin, la DGEFP estime qu’il « pourrait être envisagé d’adapter les règles fiscales propres à la gestion des subventions publiques perçues par les entreprises privées aux niveaux de prise en charge afin d’orienter les bénéfices attachés à cette activité vers des investissements spécifiques ».

CMA France souhaiterait quant à elle que soit investiguée la suppression de la mention législative des dépenses amortissables pendant trois ans, afin que les besoins d’investissement couverts aillent potentiellement plus loin pour les formations qui le nécessitent. Elle exprime également un « besoin de sécuriser les CFA dans l’utilisation des reliquats pour de l’investissement ».

c.   Une logique de la réforme à prolonger à l’avenir

De manière plus globale, la réforme a donc installé un « processus dynamique », selon la formule du directeur général de France compétences auditionné par les rapporteurs, qui ne peut être analysé par la mission comme s’il s’était terminé à la rentrée 2020 ou à la rentrée 2021. La nécessité d’aller plus loin dans le rôle de régulation de France compétences n’est d’ailleurs niée ni par la DGEFP ni par France compétences elle-même, notamment sur le contrôle du prix de certaines formations.

Dans le contexte financier global, la réévaluation des « coûts-contrats » dans le cadre d’une nouvelle campagne 2022 constitue bien sûr le moment idéal d’une montée en puissance de cette régulation « intelligente » par les branches et par France compétences. Cette régulation sera d’autant plus intelligente qu’elle pourra s’appuyer sur la remontée des données de la comptabilité analytique des CFA. Comme l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, la réévaluation du coût-contrat ne doit pas entraîner systématiquement une baisse.

Le « processus dynamique », vertueux, n’exclut pas de donner aussi davantage de visibilité aux acteurs.

S’agissant de l’investissement, les rapporteurs se sont montrés sensibles au besoin de clarifier davantage le cadre juridique et financier des investissements, afin de ne pas décourager ces derniers qui sont indispensables dans une période de croissance du nombre d’apprentis.

Ce soutien pourrait ainsi passer :

– par une clarification plus explicite du droit des CFA à financer de l’investissement par leur capacité d’autofinancement, y compris si cette capacité est issue du coût-contrat ;

– par une meilleure prise en compte du coût de l’investissement dans les coûts-contrats ;

– par la mesure fiscale évoquée par la DGEFP.

Proposition n° 9 : Clarifier le cadre juridique et financier pour permettre aux CFA d’utiliser leurs réserves à des fins d’investissement.

S’agissant de la fixation des niveaux de prise en charge, une révision pluriannuelle tous les trois ans, permettrait de donner une meilleure visibilité, alors que le cadre juridique actuel permet qu’il ne dure que deux ans ([108]).

Proposition n° 10 : Prévoir une révision pluriannuelle du coût-contrat tous les trois ans pour assurer une meilleure visibilité aux CFA.


D.   Le rôle des régions après la réforme

La réforme ayant donné une place importante à France compétences, aux branches et aux opérateurs de compétences, la place des régions, jusqu’ici régulatrices et principales financeuses, a dû être revue dans l’architecture globale de l’alternance selon les modalités suivantes :

– elles participent activement à la gouvernance au sein de France compétences (cf. gouvernance infra) ;

– elles ont conservé une capacité de financement propre qui leur est allouée par France compétences sur les fonds « alternance », fixée à 138 millions d’euros pour financer le fonctionnement des centres de formation d’apprentis et 180 millions d’euros pour leurs investissements, montants qui ont été fixés en loi de finances ([109]) ; un montant ponctuel de 268 millions d’euros leur a par ailleurs été versé en 2020 pour assurer la neutralité financière de la réforme ([110]), somme conforme à ce qui avait été préconisé dans le rapport « IGAS-IGF » ([111]).

Sollicitée par les rapporteurs, la DGEFP a indiqué dans ses réponses qu’elle ne disposait pas d’éléments consolidés sur l’utilisation de ces deux enveloppes.

Régions de France a néanmoins pu produire une consolidation intéressante ([112]) :

– en 2020, les régions ont dépensé 374 millions d’euros pour l’apprentissage ;

– ce montant va au-delà de la somme des deux enveloppes versées chaque année par France compétences (318 millions d’euros en 2020, comme évoqué supra).

Lors des auditions, Régions de France a elle-même reprécisé son nouveau rôle : « la formation à des métiers rares ou nouveaux, l’amorçage de certains projets et l’aide aux CFA en difficulté ». Elle a souligné son regret de ne plus pouvoir agir sur la régulation de l’offre.

Face à ce nouveau « fait régional », certains acteurs ont souligné aux rapporteurs lors des auditions que les régions n’investissaient plus au-delà de ces enveloppes dédiées, alors qu’elles le faisaient souvent auparavant lorsqu’elles en avaient la compétence, crainte qui avait déjà été partagée au moment des débats. Ce constat ne semble toutefois pas étayé globalement par les chiffres consolidés donnés par Régions de France, même si on ne peut exclure que cette réalité existe bien dans certains territoires.

Les Compagnons du devoir ont ainsi évoqué des inquiétudes : « nous avons reçu des courriers de certains Présidents de Régions qui refusent de financer », quand CMA France s’est inquiétée de n’avoir à ce jour que très peu de visibilité sur la capacité ou sur les politiques d’investissements des conseils régionaux ([113]).

Pour les rapporteurs, les régions conservent un rôle à jouer dans la suite de cette réforme de l’apprentissage, qu’il s’agisse de leur apport au sein de France compétences, ou de leur rôle de financeur « à vocation spécifique », parfaitement décrit par Régions de France lors des auditions (cf. supra).

L’existant peut naturellement encore être amélioré : ainsi, afin de mieux assumer ce rôle, Régions de France a indiqué aux rapporteurs ([114]) avoir fait la demande d’une fongibilité entre les deux « enveloppes ». Cette demande a obtenu satisfaction dans un décret du 28 décembre dernier ([115]), qui a toutefois fixé des conditions :

– la fongibilité ne va que dans un sens : du fonctionnement vers l’investissement ;

– la fongibilité est conditionnée à un besoin objectif ([116]);

– la fongibilité est plafonnée à 82 % du montant de l’enveloppe « fonctionnement ».

Enfin, les rapporteurs relèvent que les 700 CFA qui étaient menacés par la réforme d’après Régions de France en avril 2019 ([117]) n’ont pas fermé selon les données disponibles (cf. supra), et ce malgré des dotations qui étaient estimées insuffisantes ; s’il est évidemment utile de rester vigilant à ce sujet, le modèle économique des « petits » CFA reste encore viable dans le nouveau système – dotations complémentaires des Régions comprises – et donc rien n’indique à ce stade que les montants retenus pour les deux enveloppes « régionales » seraient insuffisants.

E.   Une « évaluation en continu » de la réforme de l’apprentissage qui peut s’appuyer sur la comptabilité analytique et des critères d’évaluation

La loi « Avenir professionnel » a créé deux « outils » au service du suivi de la réforme de l’alternance, dans la perspective de créer un processus d’amélioration permanente :

– le premier, c’est l’obligation faite aux CFA de tenir une comptabilité analytique, ce qui n’existait pas avant la réforme (article 24) ;

– le second, c’est la diffusion la plus transparente possible des résultats des CFA et des lycées professionnels (même article).

1.   La comptabilité analytique au service de la régulation et de la convergence

D’apparence très technique, la création d’une comptabilité analytique dans les CFA doit en réalité aboutir à affiner fortement la régulation réalisée par France compétences qui s’était faite lors de la première édition des niveaux de prise en charge des coûts-contrats dans un objectif de convergence, sur la base de moyennes (cf. supra).

Concrètement, France compétences a mis en place en 2021 une plateforme dédiée aux centres de formation par apprentissage pour déposer leur comptabilité analytique (plateforme « Karoussel »), en vue de réaliser une « vaste enquête » ([118]) sur la situation économique des opérateurs.

Chaque CFA a dû réaliser dès l’exercice 2020 un document unique, à partir d’un formulaire type ([119]), pour cette première collecte d’informations, qui devait se dérouler entre avril et juillet 2021.

Fin octobre, 2,5 millions de données avaient été collectées sur l’exercice 2020, couvrant 1 660 organismes et 97 % des apprentis.

Toutefois, cette remontée a dû tenir compte des particularités de l’année 2020, et France compétences a estimé que les écarts seraient observés à partir des exercices 2021 et 2022, après des échanges nourris avec les CFA sur le but de cette collecte. La mission n’a donc pas pu « évaluer » à proprement parler les résultats de cette nouvelle source d’information, dont on peut néanmoins penser qu’elle sera un gisement très précieux d’informations pour une politique plus « proactive » des branches et de France compétences.

L’examen des coûts complets de formation en CFA apportera un éclairage décisif pour la fixation des niveaux de prise en charge : la comparaison avec les niveaux de prise en charge doit permettre d’identifier ce que sera « l’écosystème » de telle ou telle certification, en lien avec la politique de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences de la branche. Dit autrement, une fois exploitée en profondeur, la comptabilité analytique devrait permettre de montrer si certains niveaux sont trop élevés ou, au contraire, insuffisants, au regard des coûts, pour créer les incitations nécessaires afin d’orienter l’offre de compétences.

Peu évoquée lors des auditions, cet instrument de mesure ne semble pas poser de problème de mise en œuvre chez les acteurs concernés (notamment les grands réseaux gérant des CFA).

2.   Les résultats du CFA au service de la transparence

Le même article 24 de la loi « Avenir professionnel » a fait obligation pour chaque centre de formation d’apprentis et pour chaque lycée professionnel de rendre public les résultats obtenus, selon des indicateurs énumérés par l’article L. 6111-8 du code du travail :

– taux d’obtention des diplômes et des titres ;

– taux de poursuite d’études ;

– taux d’interruption en cours de formation ;

– taux d’insertion professionnelle des sortants de l’établissement concerné ;

– valeur ajoutée de l’établissement ;

– taux de rupture des contrats d’apprentissage (uniquement pour les CFA par construction).

Cette diffusion systématique constitue un progrès, car les organes statistiques des ministères ne disposaient jusqu’ici que d’enquêtes dont les taux de réponses n’étaient pas suffisants pour constituer une information fiable et complète ([120]). Il s’agit par ailleurs d’apporter non seulement de la matière à des traitements statistiques mais aussi une information aussi précise que possible aux jeunes, à leurs parents et aux employeurs sur leur choix de formation.

En effet, en libéralisant le système de l’apprentissage, la régulation de l’offre et de la demande doit se faire par l’information sur la qualité du service rendu aux bénéficiaires de la formation, les jeunes, et les entreprises. La réforme parie ainsi sur la transparence de l’information, censée enclencher un cercle vertueux où les CFA ont intérêt à dispenser une formation de qualité afin que les taux d’insertion soient forts, à bien accompagner leurs apprentis afin que la valeur ajoutée et le taux d’obtention du diplôme soient forts, et le taux de rupture faible.

Les modalités de diffusion de ces résultats devaient être fixées par un arrêté conjoint des ministres du travail et de l’éducation nationale.

La plateforme Inser’jeunes ([121]) calcule et diffuse depuis février 2021 ces indicateurs, en retenant les définitions suivantes :

– taux d’emploi (ce que la loi nomme « taux d’insertion professionnelle ») : part, parmi les élèves ne poursuivant pas leurs études, de ceux qui disposent d’un contrat de travail dans le secteur privé, sur une semaine de référence, six mois (et à terme 12, 18 ou 24 mois) suivant la fin de leurs études ;

– le taux de poursuite d’études : part d’élèves se trouvant toujours inscrits dans une formation l’année scolaire suivant leur dernière année dans les cursus suivis par Inser’jeunes (redoublement compris) ;

– le taux d’interruption en cours de formation : le risque qu’un élève qui entre dans une formation donnée interrompe sa formation avant d’être diplômé. De manière complémentaire à la part des contrats interrompus avant leur terme, cet indicateur donne une estimation du risque d’interrompre sa formation sur l’ensemble de la durée du diplôme ;

– la valeur ajoutée : compare le taux d’emploi des élèves sortants d’un établissement, au taux d’emploi « attendu », calculé comme le taux d’emploi moyen d’établissements similaires ;

– le taux de rupture des contrats d’apprentissage : le risque qu’un contrat soit rompu avant son terme prévu ; il est calculé en rapportant le nombre de contrats rompus avant leur terme à l’ensemble de contrats en cours.

Ces indicateurs, pris dans leur ensemble, indiquent la qualité de la formation et de l’accompagnement dispensés.

En consultant de manière aléatoire la plateforme, les rapporteurs retrouvent en effet aisément des données comme le taux d’emploi, comparé au taux d’emploi attendu, ce qui correspond à la valeur ajoutée, ou le taux de poursuite d’études par CFA et par diplôme préparé.

exemple des indicateurs disponibles par diplôme sur inser’jeunes

Source : Inser’jeunes, exemple choisi au hasard.

Le site peut également être utilisé en partant d’un diplôme ou d’un titre pour aller vers des formations, qui peuvent être classées par taux d’emploi ou de poursuite d’études décroissants. Une carte interactive permet de comparer les résultats de deux formations qui sont proches géographiquement.

La plateforme ne concerne pour l’heure que les formations de CAP à BTS.

Par ailleurs, les petits effectifs ne permettent pas toujours de présenter des statistiques fiables, ce qu’Inser’jeunes signale systématiquement.

Les auditions n’ont pas permis d’établir un bilan positif de ces nouvelles facultés :

– les représentants des chambres de commerce et d’industrie ont indiqué aux rapporteurs que les indicateurs ont été insuffisamment concertés et qu’ils ne tenaient pas suffisamment compte des efforts des CFA ([122]) ;

– les Compagnons du devoir ont illustré ces difficultés par un exemple particulièrement éclairant : lorsque leur CFA retrouve un nouvel employeur au jeune qui vient de rompre son contrat – ce qui est fait systématiquement dans ce réseau – cela alimente le taux de rupture de ce CFA exactement de la même manière que si aucune démarche d’accompagnement n’était effectué pour retrouver une nouvelle entreprise ([123]) ; cette situation est d’autant plus surprenante que concrètement les deux situations n’ont rien à voir du point de vue de la sécurisation du jeune apprenti : dans le premier cas, l’apprenti reste dans un parcours de formation qualifiant, dans le second, il se retrouve sans situation.

Pour les rapporteurs, la publication des indicateurs est résolument positive. Il est le corollaire nécessaire de la libéralisation de l’offre de formation par apprentissage : plus d’offre rend indispensable plus de transparence sur les résultats obtenus.

Toutefois, leur lisibilité intrinsèque n’est pas forcément aisée. La poursuite d’études est-elle une bonne ou une mauvaise chose ? La notion de rupture est‑elle toujours signifiante ? Un taux d’emploi inférieur au taux d’emploi attendu est‑il suffisamment bien « rendu » dans la présentation pour que sa signification soit évidente au « premier coup d’œil » ?

La qualité des indicateurs, élaborés par la DARES, interroge par ailleurs si des exemples de même nature que ceux cités par les Compagnons du devoir sont encore d’actualité.

Les indicateurs, quelle que soit la méthode retenue, auront toujours leur part de « schématisation » de la réalité, mais il serait bon que des retours sur « l’expérience utilisateur » permettent d’améliorer la plateforme, et même le cas échéant, la loi si cela s’avérait nécessaire.

C’est aussi un besoin de concertation avec les acteurs, et notamment avec les grands réseaux de CFA, que les rapporteurs ont pu ressentir lors des auditions, concertation qui doit être encouragée pour améliorer le dispositif.

Enfin, il s’agit de s’assurer de la connaissance par les familles de l’existence de ce portail, qui doit en principe constituer un outil privilégié et efficace d’orientation professionnelle.

exemple de présentation de la « valeur ajoutée » de l’établissement sur inser’jeunes

Source : Inser’jeunes, exemple choisi au hasard.


F.   Une réforme des aides, « recouverte » jusqu’ici par la mise en place de dispositifs exceptionnels

Autre volet important de la simplification, la fusion de plusieurs aides en une aide unique a été effectivement mise en place. Ses effets sont cependant d’autant plus difficiles à décrire que des aides exceptionnelles particulièrement importantes sont venues « concurrencer » l’aide unique.

Inspiré par un rapport « IGF-IGAS » sur les aides financières à l’alternance ([124]), l’article 27 de la loi « Avenir professionnel » a créé une aide unique qui a remplacé quatre dispositifs préexistants :

– l’aide pour les TPE « jeunes apprentis » ;

– la prime régionale à l’apprentissage pour les TPE ;

– l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire ;

– le crédit d’impôt « apprentissage ».

Ces différents dispositifs dont la juxtaposition pouvait nuire à la lisibilité de l’accompagnement financier des entreprises présentaient des caractéristiques très différentes que le tableau ci-dessous, emprunté à l’étude d’impact annexée au projet de loi initial ([125]), rappelle parfaitement.

caractéristiques des aides à l’apprentissage préexistantes

Source : étude d’impact du projet de loi.

Mise en œuvre au 1er janvier 2019, cette aide unique, versée par l’État, a été réservée par le législateur aux entreprises de moins de 250 salariés et aux contrats préparant un diplôme équivalant au plus au baccalauréat, ce qui constituait donc un élargissement des entreprises éligibles, par rapport aux dispositifs servis uniquement pour les TPE, mais aussi un « recentrage » au regard des diplômes poursuivis ([126]).

L’étude d’impact du Gouvernement, qui ne donnait pas par avance le montant qui serait retenu, s’adossait à une hypothèse d’enveloppe constante par rapport aux aides préexistantes, en tenant compte d’une progression moyenne des effectifs de 3 % par an.

Le pouvoir réglementaire en a précisé les modalités de fonctionnement en fixant :

– les montants en fonction de la durée de l’apprentissage (4 125 euros pour la première année, 2 000 euros pour la deuxième et 1 200 pour la troisième et les suivantes) ; l’aide annuelle évolue donc de manière décroissante par rapport à la durée de l’apprentissage, ce qui favorise les formations courtes ;

– les modalités de versement qui permettent à l’employeur de bénéficier d’un effet positif de trésorerie puisque l’aide est versée avant le paiement de la rémunération grâce à la déclaration sociale nominative (mais après le dépôt du contrat d’apprentissage bien sûr) (III de l’article D. 6243-2 et D. 6243-3) ; c’est l’agence des services de paiement (ASP) qui est chargée de procéder au versement de l’aide unique (article D. 6243-4).

La mise en œuvre de ces dispositions a été marquée par deux éléments :

– un élément technique lié à la mise en paiement de l’aide qui a pris du retard au moment de sa mise en place ;

– un élément de contexte, avec le surgissement dès 2020 de la crise sanitaire et des mesures prises par le Gouvernement en vue de contrer ses effets économiques ; ces mesures, par leur ampleur, ont rapidement « pris le pas » sur la réforme technique de l’aide unique.

S’agissant de ce premier élément, signalé par les chambres de commerce et d’industrie aux rapporteurs, la DGEFP a concédé que « des retards de versements de l’aide unique ont bien été identifiés, essentiellement au moment de sa mise en place », liés là encore à des enjeux informatiques au « démarrage » de la réforme. Les problèmes de communication entre les logiciels des OPCO et celui du ministère du travail ont pu initialement provoquer ces retards. Toutefois, dans ses réponses aux rapporteurs reçues fin novembre, la même DGEFP signalait que « les retards dans le traitement des aides à l’alternance sont désormais mineurs ». Deux guides ont par ailleurs été mis en place, l’un à destination des employeurs, l’autre à destination des autres acteurs, afin de faciliter et fluidifier les démarches.

S’agissant du second, c’est évidemment l’ampleur des aides exceptionnelles mises en place à compter de juillet 2020 qui a « relativisé » la place de l’aide unique, comme en témoignent les données budgétaires : en 2020 comme en 2021, les dotations budgétaires ayant vocation à financer l’aide unique ont été sous-consommées ([127]) et ont été bien inférieures à celles finançant l’aide exceptionnelle. Selon les données fournies par la DGEFP, au 8 janvier 2022, sur 609 415 contrats d’apprentissage éligibles à l’aide exceptionnelle, 417 280 ont reçu, un ou des paiements – le versement de l’aide étant mensualisé. Cette dernière a d’ailleurs bénéficié de redéploiement de crédits initialement fléchés vers l’aide unique ([128]).

Moins qu’une faiblesse de l’aide unique en tant que telle, c’est bien évidemment la puissance de l’aide exceptionnelle qui explique ces évolutions.

L’aide exceptionnelle mise en place pendant la crise

Pour faire face aux effets de la crise sur l’emploi, notamment des plus jeunes, le Gouvernement a mis en place par voie législative et règlementaire des aides très importantes pour soutenir l’embauche en apprentissage.

L’article 76 de la loi de finances rectificative pour 2020 ainsi que le décret du 24 août 2020 ont mis en place une aide exceptionnelle pour les employeurs d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation de moins de 30 ans à compter du 1er juillet 2020. Son montant est de 5 000 euros pour les contrats concernant les moins de 18 ans et de 8 000 euros pour ce qui concerne les plus de 18 ans pour leur première année en apprentissage ou en contrat de professionnalisation. Ces montants sont donc considérablement rehaussés par rapport à l’aide unique, notamment pour les majeurs (8 000 euros la première année contre 4 125 euros avec l’aide unique). On peut rappeler qu’un apprenti mineur perçoit a minima 5 149,22 euros en première année et un majeur de 18 à 25 ans ([129]) entre 8 201,64 et 10 106,40 euros en fonction de son âge, ce qui rend les aides très « attractives » ([130]).

L’aide exceptionnelle était par ailleurs ouverte plus largement que l’aide unique : elle a en effet été ouverte à tous les diplômes jusqu’à bac + 5 et aux entreprises de plus de 250 salariés sous certaines conditions (embauche de contrats d’insertion à horizon 2023).

Les aides ne sont pas cumulables, et l’aide exceptionnelle, plus avantageuse, s’applique la première année lorsque les éligibilités à l’aide unique et à l’aide exceptionnelle se recoupent. L’aide unique continue bien sûr à s’appliquer les deuxième et troisième années du contrat.

L’aide exceptionnelle n’est par ailleurs pas cumulable avec l’aide à l’embauche de 4 000 euros mise en place pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans.

Cette aide exceptionnelle en faveur de l’alternance des moins de 30 ans a été prolongée jusqu’en juin 2022 et devrait donc produire des effets importants jusqu’à cette date. Elle a par ailleurs été complétée par un dispositif similaire en matière de contrats de professionnalisation pour les demandeurs d’emploi de plus de 30 ans : depuis le 1er novembre 2021 et jusqu’au 30 juin 2022, l’embauche d’un demandeur d’emploi en contrat de professionnalisation peut faire l’objet d’une aide de 8 000 euros versée lors de la première année du contrat.

L’impact relatif de l’aide unique et de l’aide exceptionnelle sont difficiles à départir alors même que la seconde n’a pas encore terminé de produire ses effets. Il reste que :

– lors des auditions, aucun intervenant n’a contesté le principe ou le périmètre de l’aide unique ;

– depuis sa création, l’aide unique a bénéficié à 236 520 employeurs pour 469 668 contrats d’apprentissage ([131]) et qu’il s’agit donc d’un dispositif « rodé » même s’il cohabite encore avec l’aide exceptionnelle.

La question de « l’après-aide exceptionnelle », et donc notamment de la rentrée 2022, constitue un exercice prospectif qui dépasse le champ d’évaluation de la mission. Toutefois, si la dimension opérationnelle de la transition de l’aide exceptionnelle vers l’aide unique ne semble pas poser problème, « l’atterrissage » en termes d’incitations financières peut être relativement brutal, notamment pour les publics qui ne bénéficient pas de l’aide unique, ou d’un montant beaucoup plus faible : diplômes au-delà du baccalauréat, entreprises employeuses de plus de 250 salariés, apprentis majeurs de plus de 18 ans dont l’aide à l’embauche sera par construction divisée par deux à compter de juin. Des mesures de transition seront donc probablement nécessaires, sans remettre en cause les principes de l’aide unique issus de la loi « Avenir professionnel ».

Proposition n° 11 : Assurer une sortie « progressive » du dispositif d’aide exceptionnelle par des dispositifs transitoires.


G.   L’évolution des contrats de professionnalisation témoigne d’une certaine porosité avec l’apprentissage

Un paradoxe veut que le contrat de professionnalisation, dont les contours ont été relativement peu touchés par la loi « Avenir professionnel » en comparaison du contrat d’apprentissage ou de « pro-A », a été fortement impacté par la réforme.

1.   Une réforme à la marge des dispositions relatives aux contrats de professionnalisation

La loi avait en effet modifié à la marge les dispositions relatives au contrat de professionnalisation, et essentiellement dans le souci de l’articuler avec la nouvelle architecture financière, notamment à son article 28 :

– en mettant en place une expérimentation sur l’acquisition de compétences définies directement entre l’employeur et le salarié ;

– en allongeant la durée maximale du contrat de vingt‑quatre à trente‑six mois pour certains publics fragiles (16-25 ans sans diplôme du secondaire, demandeurs d’emploi de longue durée, bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l’allocation de solidarité spécifique ou de l’allocation aux adultes handicapés) ;

– en prévoyant des dispositions relatives à la mobilité internationale en dehors de l’Union européenne, très proches de celles de l’apprentissage (cf. supra) ;

– en prévoyant la prise en charge par les nouveaux opérateurs de compétences sur leur section « alternance », au niveau fixé par les branches sous la régulation de France compétences ; une prise en charge facultative a été prévue pour financer les frais annexes ou encore la formation à la suite d’une rupture du contrat pendant six mois au lieu de trois ; le pouvoir règlementaire a prévu que ce montant de prise en charge était forfaitaire, intégrant frais pédagogiques, rémunérations et « charges sociales » des stagiaires, frais de transport et d’hébergement (article D. 6332-85 du code du travail) ; à défaut de fixation du montant par la branche, il est fixé à 9,15 euros par heure (15 euros pour les publics fragiles précités).

Sur ce dernier point de la prise en charge, le pouvoir réglementaire a prévu la possibilité pour l’opérateur de compétences de prendre en charge le contrat dans sa section « plan de développement des compétences des moins de 50 salariés » si l’employeur entre dans cette dernière catégorie (article D. 6332-8).

Il est difficile de recréer rétrospectivement les objectifs quantitatifs ou qualitatifs poursuivis par ces dispositions qui visaient d’abord et avant tout à assurer une bonne articulation avec le nouveau système de financement et d’apprentissage.

2.   Des évolutions incidentes importantes depuis la réforme

a.   La diminution du nombre d’entrées en contrat de professionnalisation

Comme pour les contrats d’apprentissage, les données disponibles nous renseignent tout d’abord sur l’évolution sur quatre ans des entrées en contrats de professionnalisation.

Toutefois, contrairement à l’apprentissage, la tendance à l’œuvre est plus ambiguë. Sur quatre ans, le nombre d’entrées a globalement diminué, particulièrement durant l’année 2020, mais serait en train de rebondir significativement en 2021.

entrées en contrats de professionnalisation entre 2018 et 2021

 

2018

2019

2020

2021 (p)

Contrats de professionnalisation

Entrées

235 399

218 697

112 742

93 825

Progression par rapport à l’année précédente

+13 %

– 7 %

– 48 %

+ 22,2 %*

Source : DARES pour 2018-2020. Données Poem pour 2021.

*En 2021, les données disponibles vont de janvier à octobre. La progression est donc calculée par rapport à la même période l’année précédente.

Cet effet parfois relevé par certaines organisations auditionnées ([132]) n’est pas totalement évident à interpréter.

Plusieurs grandes catégories d’explications peuvent éclairer ces tendances variables, voire contradictoires :

– d’une part, des évolutions de fond au sein de l’ensemble du système de la formation professionnelle continue, qui peuvent expliquer un recul des contrats de professionnalisation en 2020, indépendamment de la réforme de l’apprentissage ; parmi ces évolutions, on peut citer des facteurs structurels comme le recours accru au plan d’investissement dans les compétences (PIC) pour des formations longues qui se substituent à des contrats de professionnalisation mais aussi le poids et le calendrier de déploiement des aides exceptionnelles, mises en œuvre un peu plus tardivement pour les contrats de professionnalisation que pour les contrats d’apprentissage, et qui pourraient expliquer un « passage à vide » suivi d’un fort rebond (cf. infra) ;

– d’autre part, de possibles effets de substitution avec l’apprentissage, notamment depuis que celui-ci a été ouvert jusqu’à 29 ans ; interrogée à ce sujet, la DGEFP n’excluait pas « un phénomène de déport » ([133]) ; la baisse significative de la part des moins de 30 ans en 2020 semble confirmer cette substitution partielle ([134]).

Les liens ne sont donc pas totalement évidents à faire, plusieurs paramètres évoluant en même temps. Reste qu’en 2020, et vraisemblablement en 2021, l’ensemble des contrats d’alternance serait globalement en augmentation (+ 6 % en 2020, potentiellement + 30 % en 2021 si la tendance observée se poursuivait).

b.   Une évolution des profils pour les contrats de professionnalisation

De même que détailler les composantes de la hausse de l’apprentissage dessine des changements structurels importants, décomposer la baisse des contrats de professionnalisation ([135]) peut illustrer également des évolutions du recours à cette forme d’alternance.

On assiste ainsi à un vieillissement des profils : ainsi, 31,4 % en 2020 avaient entre 26 et 44 ans contre seulement 24,1 % un an auparavant. La part des personnes en recherche d’emploi a également fortement augmenté (+ 10,8 %), tandis que la proportion de diplômes « élevés » diminue.

Dans le même temps, la part des CDD a diminué de 4,1 points, celle des grandes et moyennes structures (plus de 50 salariés) comme employeuses a augmenté (+ 5 points) et les contrats sont plus courts (+ 6,5 points pour les 6 à 11 mois au détriment des contrats de 13 à 23 mois).

Ces chiffres semblent confirmer une spécialisation très forte des contrats de professionnalisation autour d’un public plus âgé et plus précaire.

Le « recentrage » du contrat de professionnalisation sur son public initial, à confirmer avec les données des années à venir n’est pas nécessairement une mauvaise chose pour les rapporteurs : il témoigne de l’attraction renforcée du contrat d’apprentissage simplifié, fortement soutenu financièrement et ouvert à de nouvelles catégories d’âge.

Aucune des personnes auditionnées par la mission ne s’est d’ailleurs prononcée en faveur d’un rapprochement entre les deux contrats, qui restent adossés à la distinction formation initiale/formation continue.


H.   Les « prépa-apprentissages » : un bilan positif

L’article 4 de la loi « Avenir professionnel » entré en vigueur au 1er janvier 2019 a donné une définition de la « préparation à l’apprentissage » à l’article L. 6312-6 qui définit l’action de formation par apprentissage. Il s’agit, en amont d’un éventuel contrat d’apprentissage, d’« accompagner les personnes souhaitant s’orienter ou se réorienter par la voie de l’apprentissage, par toute action qui permet de développer leurs connaissances et leurs compétences et de faciliter leur intégration dans l’emploi, en cohérence avec leur projet professionnel ». Ces actions sont réalisées par les CFA mais aussi par d’autres organismes définis par arrêté ([136]). Elles peuvent donner lieu à une rémunération de la personne concernée. Il s’agit donc d’un « sas » visant à entrer progressivement dans l’apprentissage.

Le ministère a lancé dès la fin 2018 un appel à projets financé par le plan d’investissement dans les compétences, avec un budget initial de 150 millions d’euros. 48 projets ont été sélectionnés lors de cette première « vague », qui ont permis de premières entrées en formation en avril 2019. Un nouvel appel a été lancé en mai 2019, retenant 73 nouveaux projets. Au total, ce sont près de 1 000 sites qui accueillent les jeunes concernés : jeunes résidants dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou en zone de revitalisation rurale (ZRR), les jeunes « NEETS » ([137]) ayant validé au mieux le baccalauréat ou les personnes en situation de handicap. Depuis 2019, les prépa-apprentissages ont accueilli près de 30 000 jeunes sur un objectif de 75 000 jeunes à horizon 2022, pour un budget total de 440 millions d’euros.

On peut ajouter du point de vue des publics accueillis que le dispositif bénéficie fortement aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (17,5 %), des zones de revitalisation rurale (9,6 %) et aux travailleurs en situation de handicap (6,1 %).

Le bilan quantitatif est donc positif, même si l’objectif pour 2022 est particulièrement ambitieux (il suppose un doublement dans les deux années à venir).

D’après les données transmises par le MEDEF ([138]) aux rapporteurs, 46,5 % des bénéficiaires ont trouvé un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation (64,1 % en intégrant l’ensemble des sorties vers l’emploi ou la formation professionnelle continue), ce qui laisse à penser que le bilan qualitatif est également intéressant. CMA France, témoignant de l’expérience de son vaste réseau, a précisé aux rapporteurs dresser elle aussi un bilan positif du dispositif, permettant à 60 % des jeunes de confirmer leur choix de travailler dans l’artisanat par la suite ([139]).

Ces résultats semblent donc à l’actif de la réforme, même si la question de la suite peut se poser alors que l’année 2022 doit clôturer cette première phase de l’initiative (généralisation avec une question de financement hors « plan de Relance », maintien d’un système d’appels à projets...)


I.   Le développement de la mobilité internationale en alternance freiné par la crise mais pas seulement

À la suite notamment du rapport « Arthuis » ([140]), la loi visait également à simplifier les règles pour faciliter la mobilité européenne des alternants.

L’article 13 de la loi « Avenir professionnel » a ainsi précisé les conditions d’exécution du contrat d’apprentissage à l’étranger ([141]) (durée d’un an, responsabilité de l’entreprise ou du CFA d’accueil pour l’exécution du contrat de travail y compris en dehors de l’Union européenne, mise à disposition possible pendant quatre mois).

Des dispositions similaires ont été créées pour les contrats de professionnalisation par l’article 28 de la loi « Avenir professionnel », autorisant à ce que le contrat soit allongé jusqu’à une durée de vingt-quatre mois pour assurer cette mobilité ([142]).

L’opérateur de compétences a la faculté de prendre en charge la mobilité internationale des apprentis et des salariés en contrats de professionnalisation, notamment les frais et pertes de ressources pour l’alternant.

Bien qu’elle ait fait partie des premières mesures à être entrées en vigueur au 1er janvier 2019, la réforme de la mobilité internationale des alternants n’a pas été « spontanément » au centre des auditions, le contexte sanitaire 2020-2021 ayant été globalement peu propice à ces mobilités, et les chiffres disponibles sont globalement peu nombreux.

L’observatoire Erasmus + met toutefois à disposition quelques éléments statistiques éclairants sur la situation qui précédait la crise sanitaire ([143]) : la mobilité était significativement en hausse en 2018-2019 (+ 30 % par rapport à 2016-2017), elle concernait essentiellement l’enseignement secondaire, même si la part du supérieur avait un peu augmenté (respectivement 80 %/20 % contre 86 %/14 % en 2016-2017) et était dominée par les apprentis (76 % contre 24 % en contrats de professionnalisation, proportion stable par rapport aux deux années précédentes). 45 % avait une « origine sociale populaire » contre 58 % en 2016-2017 et 12 % réalisaient une mobilité longue de plus de trois mois (essentiellement dans le supérieur), soit une part un peu moindre qu’en 2016-2017 (14 %).

Analyser ces constats statistiques nécessite au moins deux précautions méthodologiques :

– d’une part, une partie de la tendance est antérieure à la mise en œuvre de la réforme (2018) ; il est donc difficile d’imputer totalement à la réforme les effets positifs comme moins positifs observés ;

– d’autre part, l’élargissement et la diversification des profils et des diplômes poursuivis dans l’alternance en général a nécessairement des incidences sur celle des mobilités internationales en alternance ; il est donc plus probant d’examiner si ces évolutions sont plus fortes que celles de l’alternance en général et de les croiser avec des éléments plus qualitatifs.

S’agissant de l’écart à la tendance générale, la croissance de la mobilité « en volume » a bien excédé celle de l’alternance. Elle est même plus rapide que la croissance de l’apprentissage (+ 16 % entre 2016-2017 et 2018-2019). La hausse de la part du supérieur (+ 6 points) est quant à elle inférieure à la dynamique dans l’apprentissage (+ 9 points entre 2016 et 2019) ([144]). Enfin, aucun comparateur ne permet de procéder rigoureusement à la comparaison sur l’origine sociale, mais l’élargissement très important du public ayant recours à l’alternance explique probablement la diminution de la part relative, et seulement relative, des publics ayant des origines sociales « populaires ».

S’agissant des éléments plus qualitatifs, ils sont là encore fournis par l’observatoire qui a réalisé une première analyse de la stratégie des acteurs dans le contexte de la réforme. Les entretiens conduits par l’observatoire témoignent de l’importance du cadre législatif et règlementaire, qui s’est précisément assoupli avec cette dernière. « Les acteurs montent en compétences graduellement et [...] leur capacité à faire aboutir les mobilités longues des alternants s’améliore au fil des appels et des propositions », ce qui laisse augurer d’une amélioration continue sur ce terrain dans les prochaines années. Comme le constate l’observatoire, « certains organismes ont fait le choix d’allouer des ressources humaines spécifiques à la mobilité longue des alternants, comme c’est le cas pour un réseau national de CFA qui dispose d’une personne dédiée à temps complet à l’organisation de ces mobilités, au bénéfice de l’ensemble des CFA du réseau ». Le fait que « certains acteurs se disent prêts aujourd’hui à entrer dans une démarche de partage et de transfert de connaissances et de compétences » invite les rapporteurs à l’optimisme pour l’avenir, après des années peu faciles pour les mobilités internationales.

Si le dispositif n’a donc pu donner sa pleine mesure, une piste d’amélioration a clairement émergé lors des auditions des chambres de commerce et d’industrie : la limitation de la mise à disposition à quatre semaines est perçue comme très contraignante par les entreprises, qui doivent au-delà suspendre le contrat. S’agissant d’un éventuel allongement de ce délai, la DGEFP a fait savoir dans ses réponses écrites aux rapporteurs que le Gouvernement y était favorable mais qu’une telle évolution nécessitait un véhicule législatif.

Proposition n° 12 : Autoriser la mise à disposition pour une période supérieure à quatre semaines pour les apprentis du programme Erasmus +.

J.   La reconnaissance bienvenue des écoles de production

De manière moins « systémique » mais significative, l’article 25 de la loi « Avenir professionnel » a reconnu les écoles de production, en leur donnant une définition fixée à l’article L. 443-6 du code de l’éducation.

Il s’agit « d’écoles techniques privées reconnues par l’État », « gérées par des organismes à but non lucratif ». Elles visent notamment « l’insertion professionnelle des jeunes dépourvus de qualification ». Souvent accolées à des écoles d’ingénieurs, les écoles de production accueillent des jeunes dès 14 ou 15 ans pour leur proposer une formation diplômante, appuyée sur une pédagogie par l’apprentissage en action et en condition réelle de travail, à partir de commandes réalisées par de véritables clients. La méthode fonctionne puisque les écoles de production connaissent un taux de réussite et d’insertion impressionnant ([145]).

La liste des établissements est fixée par arrêté des ministres chargés de l’éducation nationale et de la formation professionnelle. Cet arrêté a été pris le 23 novembre 2020 et a reconnu 24 écoles de production.

Elles sont habilitées par le texte à percevoir le solde de la taxe d’apprentissage et à nouer des conventions, notamment à caractère financier, avec l’État, les collectivités territoriales et les entreprises.

Cette reconnaissance est considérée comme un progrès par les écoles de production elles-mêmes, dans la mesure où elle a participé à accroître la visibilité de ce modèle singulier qui s’appuie sur une pédagogie « en condition réelle de production » (article L. 443-6 précité), assez proche de l’apprentissage dans son principe.

La fédération nationale des écoles de production a toutefois signalé aux rapporteurs, lors de son audition ([146]), des difficultés rencontrées depuis la loi, sans qu’elles soient toujours directement liées à celle-ci :

– un recul du financement lié à la taxe d’apprentissage depuis la réforme ainsi qu’un manque de visibilité lié à des financements « au coup par coup » ; la fédération aurait préféré un financement similaire à celui qui existe pour l’apprentissage, proportionnel au nombre de jeunes formés ;

– un processus de reconnaissance des écoles par le ministère de l’éducation nationale jugé trop long ;

– une contrainte excessive sur le recrutement des directeurs pour lesquels il est requis cinq ans d’expérience en contact avec les mineurs, ce qui n’est pas toujours facile à identifier pour des profils entrepreneuriaux.

Sur le plan financier, il convient de signaler qu’une part des fonds « perdus » à l’issue de la réforme ont été retrouvés grâce au soutien financier de l’État, souvent à la suite d’initiatives parlementaires :

– la loi de finances pour 2020 a apporté 4,75 millions d’euros aux écoles de production ;

– la loi de finances pour 2021 a apporté 2 millions d’euros ;

– la loi de finances pour 2022 a acté une subvention de 7,5 millions d’euros aux écoles de production, dans le cadre d’annonces plus globales de soutien à la filière (cf. infra).

Par ailleurs, le modèle semble évoluer en associant davantage d’acteurs : la fédération a souligné auprès des rapporteurs l’engagement de dix régions dans le conventionnement sur plusieurs années, permis par la loi « Avenir professionnel ». Ces régions verseraient entre 4 000 et 6 000 euros par élève. Certaines entreprises, comme la fondation TotalEnergies, semblent avoir également pris le pas du conventionnement financier.

Les statistiques semblent en tout état de cause particulièrement favorables et les projets se multiplient depuis la réforme : 25 écoles en 2018 et 2019, 31 en 2020, 42 en 2021 et le secteur vise une centaine d’écoles en 2025. Le Gouvernement a annoncé en novembre dernier son soutien à 34 nouveaux projets à travers des appels à manifestation d’intérêt, avec le soutien du plan France Relance. Une douzaine de projets pourraient recevoir le soutien en investissement du Gouvernement pour un montant de 800 000 euros.


III.   La réforme de l’orientation : une transformation encore limitée

Outre les dispositions relatives aux résultats des CFA et lycées professionnels, la loi « Avenir professionnel » contenait trois dispositions spécialement dédiées à l’orientation :

– l’article 14 a créé une classe de troisième dite « prépa-métiers » ;

– l’article 18 a étendu les compétences des régions en matière d’orientation ;

– l’article 19 a ouvert la possibilité d’effectuer des périodes d’observation au lycée pendant les vacances scolaires.

1.   La création des « prépa-métiers »

L’article 14 de la loi « Avenir professionnel » a créé les troisièmes « prépa‑métiers » qui visent à « préparer l’orientation des élèves, en particulier vers la voie professionnelle et l’apprentissage, et leur permet l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture » (article L. 337-3-1 du code de l’éducation).

Le décret du 7 mars 2019 ([147]) a précisé le contenu de ces dispositions applicables à compter de la rentrée 2019 :

– les classes peuvent être créées dans un collège, un lycée professionnel ou un lycée polyvalent (article D. 337-172 du code de l’éducation) ;

– les modalités pédagogiques sont définies par une convention entre les lycées concernés et les collèges (même article) ;

– tout élève peut demander son admission dans une prépa-métiers à la fin de la quatrième ; il doit alors présenter sa demande au chef d’établissement d’origine ; la candidature est examinée par une commission placée sous l’autorité du recteur d’académie (article D. 337-173 du même code) ;

– le programme comprend des enseignements communs et complémentaires conformes au cadre général des programmes de l’éducation nationale pour le cycle 4, mais aussi des séquences d’observation et des stages en milieu professionnel, des périodes d’immersion dans des lycées professionnels, dans des centres de formation d’apprentis ou dans des unités de formation par apprentissage ; l’arrêté du 10 avril 2019 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de troisième dites « prépa-métiers » prévoyait cinq heures d’enseignement de découverte professionnelle des métiers et des formations professionnelles sur les 30 heures de cours hebdomadaires.

D’après la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), interrogée par les rapporteurs, il n’existe pas de « bilan des places offertes dans les nouvelles prépa-métiers mais un travail est en cours pour envisager une enquête sur le sujet ». Il y aurait toutefois 900 classes sur le territoire, dont deux tiers en établissements publics et un tiers en établissements privés. Les effectifs iraient de 15 à 24 élèves par classe ([148]).

Peu évoqué par les personnes auditionnées, le dispositif a donc été peu propice à l’évaluation, notamment dans ses avantages ou inconvénients par rapport aux dispositifs d’initiation aux métiers par alternance (DIMA), auxquels les prépa‑métiers succédaient.

2.   Les nouvelles compétences des régions en matière d’orientation

Ces dispositions s’inscrivaient dans une réforme d’ensemble modifiant les compétences des régions en matière d’apprentissage, à la baisse en faveur des branches et des OPCO, et en matière d’orientation, à la hausse au détriment de l’État.

Ce dernier n’a pas été privé de son droit de définir la politique nationale en matière d’orientation, mais il a fait des régions les « cheffes de file » sur l’organisation des actions d’information sur les métiers et les formations.

Dans cette perspective, la loi « Avenir professionnel » a transféré aux régions les missions des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements (DRONISEP) qui emploient 200 équivalents temps plein, afin d’appuyer la production et la diffusion de l’information régionale sur les métiers et les formations. Comme souvent, il s’agissait d’un transfert essentiellement financier, les agents ayant pour la plupart vocation à rester des agents de l’éducation nationale.

La loi expérimentait par ailleurs pour une durée de trois ans la mise à disposition d’agents de l’éducation nationale, plus particulièrement les personnels des centres d’information et d’orientation qui demeurent rattachés à l’éducation nationale, au profit des régions ([149]).

Depuis la réforme, un cadre national de référence a été signé le 28 mai 2019 entre l’État et Régions de France dans le but de clarifier leurs rôles respectifs, cadre qui a vocation à être décliné au niveau régional par des conventions avec les rectorats d’académie. Régions de France a confirmé aux rapporteurs que toutes les régions avaient signé de telles conventions et que ces dernières fixaient toutes « la ligne de partage, les engagements réciproques et les périmètres d’intervention de manière claire ».

Sans revenir sur le contenu de la convention qui reprend en grande partie le droit existant et l’esprit de la loi « Avenir professionnel », la répartition peut être résumée par le schéma suivant :

RÉpartition des compÉtences en matiÈre d’orientation après la loi « avenir professionnel » et le cadre national

Source : site du ministère de l’éducation nationale

D’un point de vue opérationnel, les conditions du transfert des missions des DRONISEP ont été organisées par le décret du 30 décembre 2019 ([150]), soit un retard d’environ un an alors que la réforme prévoyait ce transfert au 1er janvier de cette même année ([151]). Les agents déjà mis à disposition avant le 1er janvier 2020 sont transférés aux régions ; un arrêté du préfet de région, du recteur et du directeur général de l’ONISEP a fixé la liste des services transférés, le nombre d’emplois à compenser financièrement, l’état des charges de fonctionnement et d’investissement dans chaque région.

Au-delà de ce cadre juridique théorique, il semblerait d’après Régions de France qu’aucun agent des DRONISEP n’ait été transféré et que l’ONISEP ait conservé ses 17 directions territoriales ([152]). Le transfert se matérialise donc essentiellement par un transfert financier, évalué à 8 millions d’euros
– correspondant aux 200 « ETP » évoqués.

D’après la DGESCO, les recrutements régionaux consécutifs à ce transfert financier seraient très faibles, puisque 17 personnes auraient été recrutées.

Dans le sillage de la réforme, les régions ont parfois créé des agences régionales de l’orientation (Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie, Nouvelle-Aquitaine ([153])), parfois avec des créations de poste, ce qui tendrait à montrer qu’elles se sont pleinement appropriées la réforme, dans un domaine où beaucoup avaient déjà une offre de documentation et d’information.

La mise en place des 54 heures d’accompagnement des élèves dans les lycées resterait cependant difficile, dans un contexte de crise sanitaire avec la fermeture de nombreux lycées, qui a empêché les visites et révisé les priorités. La DGESCO concède que la crise sanitaire a rendu les choses plus difficiles, mais elle souligne aussi :

– des initiatives destinées à parer à la crise, comme des tables rondes numériques à Cholet ;

– le courrier conjoint du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de la présidente de Régions de France du 19 novembre 2021 aux chefs d’établissement « afin de rappeler les responsabilités des régions et de l’État et de souligner leur rôle essentiel dans la mise en œuvre de la politique d’orientation dans ce nouvel écosystème de compétences partagées » ;

– la mise en place de comités de pilotage dans les régions académiques pour assurer le suivi.

De manière plus générale, Régions de France, lors de son audition par les rapporteurs ([154]), a estimé que les responsabilités restaient peu claires malgré la convention-cadre, la décentralisation souhaitée, sans personnel, étant « restée au milieu du gué » ([155]). Les liens avec l’ONISEP notamment demeureraient particulièrement flous.

De son côté, la DGESCO met en valeur des partenariats fructueux entre l’ONISEP et les régions :

«  en Normandie, une convention spécifique a été signée pour les transferts de postes de la DRONISEP ([156]) ;

 en Centre Val de Loire, l’ONISEP et la région travaillent ensemble sur la mise en œuvre de ressources dédiées sur les métiers accessibles […] dans le cadre d’une nouvelle offre de service.

 dans plusieurs régions académiques, l’ONISEP et la région ont travaillé de concert à la mise en œuvre du « printemps de l’orientation » destiné aux lycéens des classes de seconde et première. » ([157]).

Cette partie de la réforme semble donc moins avoir donné une nouvelle impulsion, que prolongé et accentué les efforts des régions dans ce domaine de l’orientation. Cette impulsion était d’autant plus difficile à donner qu’une seule rentrée « normale » (sans covid) a eu lieu depuis la mise en œuvre de la réforme, alors même qu’un des objectifs de la réforme était d’ouvrir aux régions « les portes des établissements scolaires pour organiser des actions d’information directement auprès des élèves » ([158]).

3.   Faciliter l’immersion en entreprise

Au cours de la discussion, deux initiatives visaient à renforcer l’immersion en entreprise des plus jeunes dans une perspective d’orientation professionnelle :

– à l’initiative de la rapporteure de l’Assemblée nationale, l’article 18 avait modifié l’article L. 332-3-1 du code de l’éducation afin que les élèves puissent réaliser sur leur temps scolaire une période d’observation en milieu professionnel d’un jour par an ;

– adopté à l’initiative du Sénat, l’article 19 de la loi « Avenir professionnel » a étendu la dérogation de l’interdiction du travail avant 16 ans à l’ensemble des classes du lycée, alors qu’elle était réservée aux classes de quatrième et de troisième.

Ces dispositions n’appelaient aucun acte réglementaire d’application et sont donc entrées directement en vigueur.

Interrogée sur le bilan de ces mesures, la DGESCO a indiqué aux rapporteurs que « les données ne sont pas encore consolidées » ([159]), ce qui rend particulièrement difficile leur évaluation.

IV.   Architecture institutionnelle et financIÈre du nouveau système

A.   LA GOUVERNANCE DE France COMPÉTENCES

1.   Le bouleversement de la gouvernance de la formation professionnelle opéré par la création d’un nouvel opérateur unique

Le constat posé par l’étude d’impact du projet de loi était sans appel : la gouvernance de la formation professionnelle éclatée était peu favorable à la coordination des différents acteurs que sont le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), le comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (COPANEF), le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et la Commission nationale de certification professionnelle (CNCP) ([160]).

Le rapport sur le projet de loi ne disait pas autre chose, la rapporteure estimant que la gouvernance était devenue « complexe et illisible (…). Elle superpose de nombreuses logiques dont celles du paritarisme et du quadripartisme qui rendent indispensable un travail de simplification et de rationalisation des compétences de chacun. »

Plusieurs options étaient sur la table pour mettre fin à ce « système trop centré et focalisé sur la gestion de nombreux dispositifs, pas adapté aux mutations rapides et profondes que connaissent nos sociétés » ([161]).

Dans le cadre de leurs travaux d’application de la loi du 5 mars 2014, le rapporteur M. Gérard Cherpion conjointement avec M. Jean-Patrick Gille ([162]) avaient identifié deux scénarios pouvant contribuer à un meilleur pilotage de la formation professionnelle :

– d’une part, une fusion entre le COPANEF et le FPSPP afin de répondre à la proximité fonctionnelle entre ces deux instances. Cette option était privilégiée par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018. Néanmoins, elle avait pour inconvénient de maintenir la coexistence d’une structure purement paritaire et d’une structure quadripartite.

– d’autre part, le rapprochement du FPSPP et du CNEFOP qui répond à l’enjeu de l’universalisation du droit à la formation, amorcé avec le CPF.

Le législateur a, in fine, fait le choix d’une transformation en profondeur de la gouvernance de la formation professionnelle avec la création d’un nouvel établissement public : France compétences qui se substitue au FPSPP, au CNEFOP, au COPANEF et à la CNCP. France compétences répond à un positionnement original de par le quadripartisme de sa gouvernance, son interaction avec des acteurs publics et privés, sa qualité d’établissement public administratif et son rôle d’opérateur de l’État.

2.   France compétences s’est tout de suite imposée dans le paysage de la formation professionnelle et de l’alternance

Les questions relatives aux enjeux financiers afférents à la création de France compétences seront abordées ultérieurement, il s’est agi ici d’évaluer la mise en œuvre de cette nouvelle gouvernance de la formation professionnelle.

a.   Les dispositions réglementaires ont précisé la composition et le fonctionnement de France compétences

France compétences a été mise en place au 1er janvier 2019, après une période de préfiguration débutée en octobre 2018.

L’étude d’impact évoquait une structure « à la fois nationale et légère (…), de par son conseil d’administration à la fois ouvert et resserré. ». La rapporteure était soucieuse d’obtenir des éclaircissements quant à ces caractéristiques ([163]).

Le décret n° 2018-1331 du 28 décembre 2018 relatif à l’organisation et au fonctionnement de France compétences est venu en dessiner les contours ainsi que l’arrêté du 11 janvier 2019 portant nomination au conseil d’administration de France compétences précisant la répartition des points pour les différents collèges. Le conseil d’administration est réuni au moins six fois par an sur convocation du président, et, de plein droit sur demande du représentant du ministre chargé de la formation professionnelle ou de la majorité de ses membres. Malgré les contraintes sanitaires, l’activité du conseil d’administration n’a pas faibli en 2020 puisque ses sept réunions ont abouti à plus de 156 délibérations ([164]).

Le conseil d’administration de France compétences

Composé de quinze membres titulaires et quinze membres suppléants, répartis en cinq collèges nommés par le ministre chargé de la formation professionnelle, il représente chacune des légitimités étatique, régionale, syndicale et patronale. Le conseil d’administration actuel a été nommé par arrêté du 11 janvier 2019 (1).

– le collège « État » : 3 représentants issus de la délégation générale à l’emploi et la formation professionnelle (DGEFP), de la direction du budget (DB) et d’un membre désigné par les ministres chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de l’agriculture. Il dispose de 45 voix, chaque membre ayant 15 voix chacun ;

– le collège « organisations syndicales » : 5 représentants des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il dispose de 20 voix qui ont été réparties par l’arrêté précité en fonction de la représentativité à raison de 6 voix pour la CFDT et la CGT, 4 voix pour la CGT-FO et 2 voix pour la CFE-CGC et la CFTC.

– le collège « organisations professionnelles d’employeurs » : 3 représentants qui disposent de 20 voix dont 12 pour le Medef, 5 pour la CPME et 3 pour l’U2P selon l’arrêté précité.

– le collège « régions » : 2 représentants des conseils régionaux, désignés sur proposition de Régions de France disposant chacun de 7,5 voix soit 15 voix ;

– le collège « personnalités qualifiées » : 2 représentants dont au moins un est titulaire d’un mandat électif local et dont l’autre est désigné après avis du ministre chargé du handicap, disposant chacun de 5 voix, soit 10 voix.

(1)    Arrêté du 11 janvier 2019 de la ministre du Travail portant nomination au conseil d’administration de France compétences.

Pour éclairer et préparer les délibérations, trois commissions techniques, chacune présidée par un administrateur sont entrées en fonction depuis juin 2019 :

– la commission « audit et finances » qui prépare notamment le projet de budget, la répartition des fonds et les bilans annuels comptables et financiers ;

– la commission « évaluation » chargée de l’élaboration du rapport annuel sur l’usage des fonds et d’une veille documentaire sur les études produites sur la formation professionnelle ;

– la commission « recommandations » qui examine les projets de recommandations soumis par la Direction générale de France compétences, et le cas échéant sur sa propre initiative.

La commission de la certification professionnelle a, pour sa part, un statut particulier puisque si elle rend compte de son activité au conseil d’administration, elle n’en émane pas directement.

Au total, les précisions réglementaires ont permis de mettre en place une structure sécurisée juridiquement, répondant aux objectifs initiaux de la loi.

 

b.   France compétences a, sans conteste, une vision transversale qui manquait aux précédentes instances

L’article L. 6123-5 du code du travail énumère les quatorze missions de France compétences qui peuvent être regroupées en quatre items ([165]) :

– financer et distribuer ;

– réguler et contrôler ;

– observer et évaluer ;

– informer et rendre compte.

LES MISSIONS CONFIÉES À France COMPÉTENCES

Source : Mission IGAS-IGF.

Il ne fait aucun doute que le large panel de missions assignées à France compétences par la loi « Avenir professionnel » en fait la clé de voûte de la gouvernance de la formation professionnelle. Toutefois, au-delà de l’éventail de ces missions, il s’agit pour France compétences de développer des orientations stratégiques solides.

 

Le bilan positif du pilotage du système de régulation de l’offre de certification professionnelle par France compétences

● L’article 31 de la loi « Avenir professionnel » confie à France compétences le pilotage de la refonte des certifications professionnelles. Contrepartie à la désintermédiation du marché de la formation initiée notamment avec la réforme du CPF, les règles d’enregistrement aux deux répertoires nationaux des certifications professionnelles, le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique (RS) se veulent plus structurées et plus exigeantes.

● Avant la réforme, le taux de refus d’enregistrement au RNCP était limité à 10 %, témoignant de la faible sélectivité de l’offre de certification. Sur le premier semestre 2021, le taux de refus s’élève désormais à 57 % (1). L’enregistrement aux répertoires nationaux est dorénavant limité dans le temps pour une durée maximale de cinq ans qui s’applique aux diplômes et titres à finalité professionnelle. Lorsqu’ils sont établis par l’État, l’inscription au répertoire demeure automatique.

● France compétences est chargée, depuis 2019, de la structuration du nouvel écosystème de la certification à travers la commission de la certification professionnelle. La méthode de travail mise en place par la commission de la certification professionnelle (élaboration d’une doctrine, examen de la recevabilité des demandes puis phase d’instruction, rapport d’instruction formalisé, examen des dossiers sans débat ou avec débat selon la qualité du dossier) se distingue de la pratique de l’ancienne commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) qui était fondée sur un examen avec débat de la totalité des dossiers sans appui sur un rapport d’instruction. Une telle méthode garantit une expertise plus approfondie et efficiente des dossiers d’enregistrement.

● Au 31 décembre 2017, 10 864 certifications actives étaient enregistrées au RNCP (2). Au 30 juin 2021, ce nombre avait été réduit de plus de moitié avec 4 965 certifications professionnelles enregistrées, confortant la démarche de qualité et de rationalisation du paysage de la certification professionnelle poursuivie par la loi « Avenir professionnel ».

Le délai moyen d’enregistrement dans les répertoires est, à présent, évalué à 7 mois dont 5 mois au titre de l’instruction des dossiers contre 10,5 mois avant la réforme de 2018 (3).

● Depuis 2020, dans une démarche de pédagogie, France compétences publie régulièrement sur son site internet des notes de doctrine sur chacun des critères d’enregistrement à l’intention des certificateurs. Plus récemment, l’opérateur s’est engagé dans une campagne de communication à destination des usagers.

France compétences fait aujourd’hui face à un défi de taille en tant que régulateur puisqu’elle doit empêcher la multiplication d’usages non conformes, voire illicites des certifications professionnelles qui fragilisent le développement du CPF tel que conçu par la loi « Avenir professionnel » et de l’apprentissage. Ainsi, France compétences a retiré, pour la première fois, une certification du RNCP pour usage illicite en 2021.

(1)     Centre Inffo, « France compétences durcit son rôle de régulateur en matière d’usage des certifications professionnelles », 17 septembre 2021.

(2)     Étude d’impact du projet de loi, p. 134.

(3)     Réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.


3.   La gouvernance de France compétences reste toutefois contestée

Ainsi que le souligne le rapport « IGAS-IGF », le conseil d’administration de France compétences s’est constitué « dans un contexte de divergences institutionnelles sur le contenu de la réforme. Les conseils régionaux ont relayé leurs craintes sur la perte de leur compétence de l’apprentissage. Des organisations syndicales ont exprimé leurs inquiétudes sur l’évolution des organismes paritaires collecteurs agréés. Le fonctionnement du conseil d’administration lui-même a été interrogé et, en particulier, la question de la répartition des voix entre les différents collèges([166]) ».

a.   Le risque d’une logique « bloc contre bloc » au sein du conseil d’administration

Les collèges « État » et « personnalités qualifiées » cumulent à eux deux 55 voix, soit autant que les trois autres collèges réunissant les partenaires sociaux et les régions. Ce « bloc » bénéficie de surcroît de la voix du président du conseil d’administration lequel peut, en cas d’égalité, utiliser sa voix prépondérante.

Pour le directeur général de France compétences, auditionné dans le cadre des travaux de la mission, la volonté du législateur de faire en sorte que l’État n’ait pas de majorité à lui tout seul mais bénéficie malgré tout d’une voix prépondérante est bien respectée et en phase avec le rôle prégnant accordé à l’État dans la gouvernance de la formation professionnelle ([167]).

Les modalités de vote ont de surcroît été revues. En cas d’égalité du nombre de voix au sein du conseil d’administration, la voix prépondérante du président dès la première délibération, initialement prévue, a été remplacée par une nouvelle discussion avec mise à l’ordre du jour de la délibération au conseil d’administration suivant ([168]) afin de privilégier les échanges et la concertation entre administrateurs.

Toutefois, les partenaires sociaux auditionnés par la mission se sont montrés inquiets quant à leur rôle dans la gouvernance de France compétences, une inquiétude relayée par l’accord-cadre d’octobre 2021.

En effet, selon les termes de l’accord-cadre, les partenaires sociaux « constatent que les décisions politiques s’imposent trop souvent aux administrateurs, et ne font pas suffisamment l’objet de débats, tout comme les travaux des commissions qui pourraient être mieux exploités dans le cadre du conseil d’administration([169]) ».

Si dans la pratique, le directeur général de France compétences a confirmé qu’il n’y avait jamais eu de vote « bloc contre bloc » ([170]) lors d’un conseil d’administration, les partenaires sociaux estiment pour leur part que leur responsabilité au sein de la gouvernance est limitée à une « responsabilité de gestion » ([171]) qui les contraint à adopter les dispositions budgétaires pour ne pas mettre en difficulté l’institution sans pour autant disposer de marges de manœuvre suffisantes pour réellement arbitrer et réguler.

Aussi, les parties signataires de l’accord préconisent :

– l’instauration de votes où la majorité des deux-tiers serait nécessaire pour valider des décisions de nature stratégique et budgétaire ;

– une redistribution plus équilibrée des voix au conseil d’administration et dans les commissions entre les différents collèges.

Les rapporteurs estiment qu’il est intéressant d’impliquer les différents collèges dans les choix stratégiques de France compétences afin que les décisions soient partagées en responsabilité par chacun des acteurs. Par ailleurs, le débat s’est enrichi avec l’avènement de la nouvelle règle de fonctionnement consistant à remettre au débat un sujet qui ne fait pas consensus. De surcroît, France compétences étant un établissement public, l’État garde, in fine, en cas de blocage, le contrôle de la gouvernance par la voix prépondérante du président du conseil d’administration et le droit de véto sur toute délibération financière.

b.   Les orientations stratégiques doivent être mieux suivies et développées

France compétences est placée sous la tutelle de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, tutelle qui se matérialise par la signature d’une convention triennale d’objectifs et de performances (COP). La COP signée le 1er avril 2020 est articulée autour de deux priorités stratégiques : la régulation du marché et la performance globale du système, déclinés en quatre axes et neuf objectifs stratégiques.

Dans leur rapport conjoint, IGAS et IGF estiment que cette convention d’objectifs et de performance, « contrastant avec les COP habituellement mises en place avec les établissements publics, ne dispose pas d’indicateurs quantitatifs systématiquement chiffrés permettant de faciliter le suivi de la mise en œuvre de ses objectifs » ([172]).

De l’avis même du directeur général ([173]), le développement des orientations stratégiques est un enjeu majeur pour lequel des concertations ont débuté avec le ministère du travail.

La convention d’objectifs et de performance 2020-2022

– Objectif 1 : Le développement de l’accompagnement des actifs occupés dans leur évolution professionnelle, notamment via le conseil en évolution professionnelle financé par l’établissement ;

● Indicateurs / Jalons : 1. Progression annuelle de la mobilisation par les actifs occupés du CEP délivrés par les opérateurs sélectionnés par France compétences ; 2. Taux de satisfaction des usagers du CEP ; 3. Ediction d’ici à décembre 2020 d’une recommandation complémentaire de France compétences sur les règles, priorités et modalités de prise en charge des financements alloués au titre des projets de transition professionnelle.

– Objectif 2 : L’amélioration de l’identification des besoins en compétences des entreprises, notamment en animant les travaux des observatoires des branches ;

● Indicateurs / Jalons : 4. Lancer au cours du premier semestre 2020 un événement avec les observatoires de branches ; 5. Réaliser une « enquête flash » auprès d’entreprises s’agissant de leurs attentes à l’égard de l’offre de services des OPCO sur 2020 et réaliser une enquête sur le niveau de satisfaction de l’offre de services des OPCO en 2021.

– Objectif 3 : La participation à l’émergence des « bons prix » de marché, notamment par la régulation des niveaux de prise en charge ;

● Indicateurs / Jalons : 6. Mise en place en 2020 du mécanisme d’observation des coûts au sein de l’établissement ; 7. Taux de réduction des écarts de prise en charge des contrats d’apprentissage par certification entre 2020 et les « concours financiers obligatoires » préalablement calculés sur 2019.

– Objectif 4 : La contribution à l’amélioration de la qualité de l’offre de formation (certifications professionnelles, qualité des actions de formation...) ;

● Indicateurs / Jalons : 8. Délai d’examen de la recevabilité des demandes d’enregistrement au RNCP ; 9. Délai d’instruction des demandes d’enregistrement au RNCP.

– Objectif 5 : Assurer une veille sur la soutenabilité financière du système ;

● Indicateur / Jalon : 10. Réalisation d’une cartographie des risques et élaboration et mise en œuvre d’une politique de contrôle/audit interne ;

– Objectif 6 : Garantir une allocation optimale des ressources confiées à France compétences ;

● Indicateur / Jalon : 11. Publication annuelle du rapport sur l’usage des fonds ;

– Objectif 7 : Éclairer et orienter l’action des acteurs du système de formation professionnelle et d’apprentissage ;

● Indicateurs / Jalons : 12. Nombre de publications et d’événements réalisés dans l’année ; 13. Nombre de visites sur le site internet de France compétences ;

– Objectif 8 : Contribuer à l’animation et à l’outillage de certains acteurs intermédiaires ;

● Indicateurs / Jalons : 14. Mise en œuvre opérationnelle d’un SI commun des associations Transition Pro au premier trimestre 2021 ; 15. Mise à disposition d’outils communs aux observatoires à compter de 2020 et de branches de données communes à compter de 2022 ;

– Objectif 9 : Objectif transversal de gestion et de pilotage exemplaires de l’établissement ;

● Indicateurs / Jalons : 16. Rendre compte annuellement de l’application des règles déontologiques au sein de l’établissement ; 17. Fusionner avec Centre Inffo au 1er janvier 2022. Pour rappel, cette dernière réforme a finalement été abandonnée.

Le rapport annuel de France compétences, publié en avril 2021, sur la mise en œuvre de la COP en 2020 indique que 14 indicateurs de suivi sur les 16 pertinents en 2020 sont atteints, soit presque 90 % des objectifs fixés. La crise sanitaire a engendré des retards et des réajustements s’agissant de la réalisation des indicateurs 5 et 12 qui ne sont que partiellement remplis.

La critique d’un manque de suivi et d’évaluation est également portée par les partenaires sociaux dans l’accord-cadre pour qui « France compétences ne remplit pas complètement l’objectif qui a sous-tendu sa création et qui visait à définir une vision stratégique partagée avec les autres acteurs de la gouvernance. (…) Le manque d’évaluation en continu des dispositifs et l’absence de traitement et d’exploitation des données par les acteurs de la gouvernance, surtout les données de nature qualitative, empêchent les administrateurs de pouvoir peser sur les décisions stratégiques. C’est d’ailleurs en dehors de cette instance de gouvernance, et sans la remettre en question, que les parties signataires ont alerté le Gouvernement sur les réponses qu’il s’agissait d’apporter aux besoins des entreprises et des salariés en lien avec les effets de la crise sanitaire. » ([174])

Il faut préciser toutefois que, malgré le manque de « hauteur de vue » qui a pu être déploré par les parties prenantes auditionnées, toutes ont reconnu entretenir des relations de travail riches et constructives avec les équipes de France compétences dont l’expertise est unanimement appréciée.


B.   Le pilotage financier par France compétences : une architecture clarifiée, une situation financière qui reste difficile

1.   La loi « Avenir professionnel » a créé un nouveau circuit financier dont France compétences était le cœur

a.   La contribution unique au financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage (CUFPA) et les contributions « satellites » : le changement dans la continuité

● L’article 37 de la loi a réformé le financement de la formation et de l’apprentissage qui s’appuyait traditionnellement sur :

– la contribution à la formation professionnelle, d’une part ;

– la taxe d’apprentissage, d’autre part.

Si les deux contributions de nature fiscale n’ont pas été supprimées en tant que telles et conservent des caractéristiques qui leur sont propres, elles ont été regroupées sous le « chapeau » d’une « contribution unique » (article L. 6131-2 du code du travail). Chacune a par ailleurs fait l’objet de plusieurs transformations.

La contribution à la formation professionnelle n’a pas été fondamentalement modifiée, mais elle a tenu compte dans son affectation du « recentrage » du financement du développement des compétences vers les entreprises de moins de 50 salariés.

CONTRIBUTION À LA FORMATION PROFESSIONNELLE SELON LA TAILLE DE L’ENTREPRISE AVANT LA RÉforme

 

1 < 11 salariés

11 < 50

50 < 300

< 300

Plan de formation

0,40 %

0,20 %

0,10 %

-

Professionnalisation

0,15 %

0,30 %

0,30 %

0,40 %

Congé individuel de formation

-

0,15 %

0,20 %

0,20 %

FPSPP

-

0,15 %

0,20 %

0,20 %

Compte personnel de formation

-

0,20 %

0,20 %

0,20 %

TOTAL

0,55 %

1 %

1 %

1 %

S’agissant de la taxe d’apprentissage :

– peuvent être déduites de la « part principale » correspondant à 87 % du produit de la taxe les dépenses d’une entreprise qui dispose de son propre centre de formation d’apprentis ([175]) ;

– la part « régionale » a été supprimée en cohérence avec les changements de compétences proposés par le texte dans ce domaine ;

– le « solde de la taxe d’apprentissage » a remplacé le « hors quota », tout en reprenant le principe que certains établissements ou structures de formation pouvaient bénéficier d’une partie du produit de la taxe d’apprentissage fixée par le législateur à 13 % ; la liste des organismes pouvant recevoir ce solde a été ajustée pendant les débats parlementaires pour se rapprocher du cadre antérieur.

S’agissant de la « contribution unique » dans son ensemble :

– son recouvrement a été confié aux URSSAF (cf. infra sur la collecte) ;

– France compétences est devenue à sa création leur principal affectataire (pour la totalité de la contribution à la formation professionnelle et pour 87 % de la taxe d’apprentissage) ;

– la réforme s’est faite « à prélèvements constants » puisque les taux n’ont pas été modifiés (0,55 % pour les employeurs de moins de 11 salariés et 1 % pour les employeurs de 11 salariés et plus pour la contribution à la formation professionnelle en fonction de la taille de l’entreprise, 0,68 % pour la taxe d’apprentissage ([176])).

Ont par ailleurs été conservées :

– la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), impôt conditionnel versé par les entreprises de plus de 250 salariés qui ne remplissent pas le quota de 5 % d’alternants, là aussi avec des taux de prélèvement inchangés. Le calcul des effectifs a en revanche été modifié pour intégrer dans le quota pris en compte les salariés embauchés en contrat à durée indéterminée à la suite d’une alternance.

Des modifications additionnelles sur les règles de la CSA en loi de finances

L’article 190 de la loi de finances pour 2020 (1) a procédé quelques modifications à la marge des règles de calcul de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, en vue de la rendre plus simple à calculer et plus incitative :

– les jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise ne comptent plus dans les effectifs du quota d’alternants au sens de la CSA ;

– l’entreprise qui justifie d’une hausse d’au moins 10 % de son quota d’alternants peut être exonérée de la CSA, même si le quota est inférieur à 3 % et même si l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche.

Ces dispositions entreront en vigueur en même temps que le transfert de la collecte aux réseaux « recouvrement » de la sécurité sociale au 1er janvier 2022.

(1)     Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

– la contribution spécifique de 1 % sur les salariés en contrats à durée déterminée initialement dédiée au congé individuel de formation (CIF) et désormais affectée au financement d’un renforcement des droits au compte personnel de formation (« contribution 1 %-CDD » dans la suite du rapport).

b.   Le rôle central de France compétences comme financeur et répartiteur unique

La réforme a évidemment consacré la « centralité » de France compétences dans cette mécanique du financement, puisque celle-ci agrège :

– en recettes :

– en charges, par ordre décroissant :

France compétences prend par ailleurs en charge les frais de gestion et d’intervention des opérateurs de compétences, au titre de l’ensemble de leur mission (alternance et plan de développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés).

C’est donc une part très importante des ressources et dépenses mutualisées qui doivent transiter vers et par France compétences. De ce fait, France compétences joue par construction, selon l’expression utilisée par son directeur général lors de son audition par la mission, un rôle de « réassureur » ([177]) de l’ensemble de ces entités, et c’est à lui d’assumer d’éventuels écarts entre les ressources et les charges à financer.

Source : Centre inffo.


—  1  —

2.   Une situation financière durablement déséquilibrée par la crise mais aussi par la dynamique de certains dispositifs financés

Au-delà de l’architecture retenue, c’est l’équilibre financier du système créé qui a retenu l’attention de la plupart des acteurs auditionnés. De ce point de vue, la concomitance de la mise en œuvre de ce nouveau système avec la survenance de la crise sanitaire et économique a profondément perturbé le schéma initial.

Cette rencontre entre une architecture nouvelle et une conjoncture exceptionnelle a révélé l’absence de mécanisme d’ajustement « interne » au système, qui conduit France compétences à accuser quasiment dès sa création des déficits significatifs et à poser la question des voies possibles pour un redressement de ses comptes.

a.   Une construction financière qui n’est pas « automatiquement » équilibrée

La loi « Avenir professionnel » en fléchant une grande part des ressources et des dépenses au sein d’une structure unique a participé à clarifier les « comptes » de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Ce faisant, elle a aussi « centralisé » les difficultés en cas de disjonction entre la dynamique des recettes – assises sur la masse salariale – et celle des dépenses – qui dépendent schématiquement du recours aux dispositifs proposés, notamment en matière de compte personnel de formation et d’alternance. Dit autrement, la répartition des produits fiscaux ne conditionne pas dans l’architecture actuelle la mise en œuvre de la plupart des dépenses.

Certains « emplois » de France compétences sont en effet de quasi-dépenses de « guichet », qu’il s’agisse de faire usage de son compte personnel de formation ou de créer par les prises en charge des contrats d’apprentissage un financement payé in fine par France compétences. D’autres sont davantage des « enveloppes fermées » (CEP, CPF « transition », aide au permis) épuisées lorsque les montants alloués ont tous été utilisés.

L’absence de « règle d’or » n’est toutefois pas une exception qui serait propre au secteur de la formation professionnelle et de l’apprentissage, ni au système créé par la loi « Avenir professionnel ».

S’agissant de la comparaison avec d’autres types d’organismes ou de secteurs gérant des « enveloppes ouvertes », de telles règles trouvent peu d’équivalents qu’il s’agisse de l’assurance-chômage, de la sécurité sociale ou encore des « dépenses de guichet » gérées par l’État. Il y va en effet de l’égalité entre les citoyens qui recourent à ces dispositifs.

S’agissant de la comparaison avec la situation précédente, dans le système antérieur, ce serait les différents acteurs (États, OPCA/OCTA, régions) qui auraient dû accuser les déficits (ou enregistrer les excédents) liés à cette décorrélation entre recettes et dépenses. Dans un système où tout « remonte » vers et « redescend » de France compétences, il est donc logique que ce soit ce dernier qui ait accusé l’essentiel des pertes.

 La situation actuelle est donc moins une surprise dans son principe que par l’ampleur du déficit constaté. Ce dernier s’explique notamment mais pas seulement par le poids de la crise sur les ressources.

b.   Des déficits liés notamment au succès de l’apprentissage

● Ces premières années de création de France compétences ont été marquées sur un plan financier par le déficit de France compétences dès l’exercice 2020.

situation financière de France compétences depuis sa création

En millions d’euros

Exercice

Produits

Charges

Solde

2019 *

3 645

3 408

240

2020 *

5 198

9 819

-4 622

2021**

5 531

8 925

-3 393

2022 ***

9 582

13 336

-3 754

  *Comptes annuels publiés par France compétences pour 2019 et 2020

  ** Budget prévisionnel rectifié par des nouvelles prévisions en décembre dernier, transmis par la DGEFP

  *** Budget prévisionnel 2022 tel qu’il figure dans la délibération n° 2021-11-158.

Ces déficits cumulés (11,5 milliards d’euros) ont trois sources principales :

– l’impact de la crise qui a conduit à une contraction de la masse salariale privée (pertes d’emploi, passage d’un salaire soumis à prélèvements à l’indemnité d’activité partielle, …) qui est l’assiette des ressources de France compétences ; ces pertes sont estimées par la DGEFP dans la réponse au questionnaire des rapporteurs à 2 milliards d’euros en cumulé sur la période 2020-2023 « par rapport à la trajectoire prévue initialement » ([178]) ;

– la dynamique de deux postes budgétaires (péréquation alternance et compte personnel de formation) par rapport à ce qui était prévu, liée à la fois à des effets de recours supérieurs à ce qui était attendu (notamment sur l’apprentissage qui a été fortement encouragé pendant la crise) mais aussi à des effets « prévus » liés notamment à la reprise du financement des contrats d’apprentissage par France compétences conclus avant le 31 décembre 2019.

Cette situation est particulièrement identifiable dans le budget 2020, premier exercice significatif et dernier exercice clos, qui a fait l’objet d’une prévision « avant-crise » puis d’une rectification en cours d’année :

– le budget prévisionnel initial prévoyait déjà un déficit de 3,689 milliards d’euros résultant de dépenses prévisionnelles (8,983 milliards d’euros) très supérieures aux ressources prévisionnelles (5,295 milliards d’euros) ; la quasi-totalité de ce déficit initial était liée à la reprise des contrats d’apprentissage financés par les régions jusqu’ici (3,6 milliards d’euros) ;

– ce « stock » de contrats a été réévalué à 4,3 milliards d’euros ;

– la baisse de ressources par rapport à ce qui était attendu en raison de la contraction de la masse salariale a pu être estimée à 1,1 milliard d’euros par France compétences ([179]) ;

– un niveau de péréquation interbranche supérieur de près de 450 millions d’euros à ce qui était prévu (5,850 milliards d’euros au lieu de 5,4 milliards initialement prévus) ;

– des dépenses sur le compte personnel de formation un peu au-dessus de ce qui était attendu, sans qu’un lien avec la crise soit nécessairement à faire (1 187 millions d’euros au lieu de 967 millions d’euros) ;

– quelques moindres dépenses par rapport à ce qui était prévu (51 millions d’euros pour le CEP au lieu de 90, 452 millions pour les projets de transition professionnelle au lieu de 496 millions, 18 millions d’euros de fonctionnement au lieu des 21 prévus).

Au total, 3,3 milliards sur les 4,6 milliards d’euros de déficit seraient liés en 2020 à la section « apprentissage », sous le triple effet des contrats à reprendre, de la baisse des recettes et du recours fortement accru à la péréquation dans un contexte de hausse du nombre de contrats. C’est également l’analyse apportée par le directeur général de France compétences lors de son audition.

L’exercice 2021, pour lequel le « contrefactuel » est plus difficile à établir, est quant à lui marqué par l’intervention très forte de l’État en loi de finances. La loi de finances initiale pour 2021 avait déjà prévu une subvention de 750 millions d’euros, conditionnée à la présentation d’un budget 2022 en équilibre. Cette condition a été supprimée par la loi de finances rectificative pour 2021 tandis que 2 milliards d’euros supplémentaires ont été prévus pour compenser les pertes de recettes liées à la crise.

● Cette situation préoccupait plusieurs personnes auditionnées :

– l’U2P et le MEDEF ont souligné être contraints comme administrateurs de France compétences à voter un budget déficitaire ;

– la CPME souligne également le déficit lié au CPF qui serait de 600 millions d’euros ;

– la CFDT considère que le déficit actuel est « inquiétant car il n’est pas maîtrisé ».

● Si les déficits sont le résultat de plusieurs facteurs, le redressement des comptes apparaît nécessaire à moyen terme aux rapporteurs.

Les conditions dans lesquelles France compétences accède à l’emprunt ne permettent pas d’envisager un recours durable et récurrent à celui-ci.

Le recours à l’emprunt par France compétences : une solution de court terme

Les déficits récurrents de France compétences dès « ses débuts » ont rendu inévitable le recours à l’emprunt, opération qui n’est jamais simple pour un opérateur public distinct de l’État.

Le recours à l’emprunt a été autorisé par le conseil d’administration à compter de septembre 2021, pour faire face à de premiers besoins de trésorerie.

Les établissements susceptibles de couvrir cet emprunt de 2 milliards d’euros ont été mis en concurrence (10 banques consultées, 5 dossiers déposés). Le 28 juillet dernier, une commission d’analyse des offres a retenu cinq offres des candidats pour un montant total de 1,7 milliard d’euros, inférieur à ce qui était initialement recherché.

Il ressort de ces éléments que France compétences a recours à l’emprunt pour couvrir des besoins de trésorerie, ce qui peut parfaitement se comprendre, mais qu’elle n’est pas en état de « porter » durablement plus de 11 milliards d’euros de dette ([180]).

Source : questionnaire des rapporteurs à la DGEFP et à France compétences

En outre, la nature des dépenses, même si elles constituent à bien des égards un investissement dans le capital humain, ne permet pas d’envisager qu’elles soient totalement décorrélées des ressources qui leur sont affectées, chaque nouvelle génération ayant à son tour besoin de se former initialement ou au cours de sa carrière, sans avoir à porter en plus le financement de la génération précédente.

Enfin, ne pas agir comporte un risque important : celui d’être conduit, faute de financements suffisants et d’un pilotage raisonné, à devoir « déshabiller » certains dispositifs utiles comme le développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés.

● Si le Gouvernement comme les partenaires sociaux partagent cet objectif, les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre restent en débat.

La mission d’inspection « IGAS-IGF » a fait ainsi plusieurs propositions en avril 2020 en ce sens, mais les partenaires sociaux ne sont pas en reste puisque beaucoup des propositions de l’accord national interprofessionnel du 14 octobre dernier concernent également ce sujet.

Parmi les propositions de la mission qui se sont attachées à « maîtriser » directement les dépenses, figurent :

– l’affectation des réserves des OPACIF à France compétences (proposition n° 2) ;

– ne pas affecter 10 % des crédits des enveloppes fermées sur les CPF‑transition professionnelle, le CEP et le plan de développement des compétences de moins de 50 salariés, comme réserve de précaution (proposition n° 6) ;

– calculer les effets de déport des filières scolaires vers l’apprentissage (proposition n° 9) ; l’issue « logique » d’une telle initiative d’assurer un équilibre lorsque ces effets sont significativement importants ; la mission a évalué entre 145 et 190 millions d’euros d’économies réalisées par l’éducation nationale du fait de l’augmentation des élèves ayant choisi la voie de l’apprentissage ;

– moduler les coûts pour les structures bénéficiant déjà de fonds publics, notamment de l’Éducation nationale (proposition n° 10) ; réduire de 50 % les financements lorsqu’un autre financement public est déjà prévu permettrait ainsi d’économiser près de 100 millions d’euros (95 millions d’euros en 2022, 106 en 2023) ;

– baisser de 3 % d’ici quatre ans les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage au niveau des branches (proposition n°°11) ([181]) ; ralentir les dépenses à ce niveau permettrait d’économiser 279 millions d’euros à horizon 2022 et 467 millions d’euros à horizon 2023 ([182]) ;

– plafonner le niveau de prise en charge des formations en apprentissage relevant de l’enseignement supérieur (niveaux I et II) dont on pourrait estimer qu’elles peuvent être financées autrement ([183]) (proposition n° 12) ; un plafond fixé 20 % en dessous du niveau de prise en charge permettrait d’économiser 295 millions d’euros en 2022 et 405 millions d’euros en 2023 ;

– sur le CPF, dans une perspective dont la mission reconnaît elle-même qu’elle n’est pas conforme à l’esprit de la réforme, certains « leviers » ont été évoqués (cf. supra la partie sur le CPF).

La mission a par ailleurs proposé de nombreuses pistes en vue d’assurer un meilleur suivi de ces dépenses (audit des frais de gestion des opérateurs de compétences, recensement des besoins en ressources humaines de France compétences, enrichissement de la convention d’objectifs et de performance, l’enrichissement du flux d’information financier transmis par France compétences à son conseil d’administration, le renforcement des travaux interministériels dans le domaine des prévisions de dépenses de France compétences, mise en place d’un dispositif pluriannuel et interministériel sous l’autorité du Premier ministre ([184]), …).

S’agissant des partenaires sociaux signataires de l’accord national interprofessionnel précité, leur approche a été différente puisqu’ils estiment « que la question du financement ne se résume pas à l’équation budgétaire de France compétences » et proposent « des mesures de révision des mécanismes de financement au service des compétences, prenant en compte […] l’ensemble des ressources mobilisables » ([185]).

L’accord dans son article 17 affirme ainsi un « principe » selon lequel « toute entreprise publique, privée ou publique, susceptible d’accueillir des apprentis, participe au financement du dispositif via la taxe d’apprentissage » ([186]). En l’absence d’application de ce principe, les signataires appellent à une compensation par l’État, en s’appuyant sur le chiffrage initial de l’étude d’impact au projet de loi, soit 700 millions d’euros. Ce point a été également relevé par plusieurs organisations professionnelles pendant les auditions, parfois avec un chiffrage légèrement différent (600 millions d’euros).

Il souhaite également que soit « mis à plat » le financement de l’apprentissage pour des CFA publics ou des organismes publics, pour un montant évalué à 100 millions d’euros, ce qui peut rappeler la proposition de modulation formulée par le rapport « IGAS-IGF ».

Il reprend également la proposition de la mission « IGAS-IGF » sur les déports du système scolaire et propose une révision des coûts-contrats tous les trois ans au niveau des branches, en s’appuyant sur la suppression de toute valeur « plancher » et un adossement sur la comptabilité analytique des CFA.

Il préconise également plus directement des mesures de régulation dans son article 18 :

– un accompagnement public des dépenses d’accompagnement des « transitions écologiques et numériques » (soutien plus direct au CPF lorsque les formations concernent ces secteurs, accès au « FNE-formation » et aux fonds du plan de relance) ;

– la recherche de l’impact de « mesures de régulation qualitative » sur la « mobilisation du CPF et l’équilibre de son financement » ;

– la restitution des montants du plan d’investissement dans les compétences correspondant à de la solidarité nationale, pour un montant qui pourrait représenter 400 millions d’euros.

S’il ne revient pas aux rapporteurs dans le cadre d’un rapport d’évaluation, et non de prospective, d’examiner et d’encourager ou de décourager chacune de ces propositions, ces dernières révèlent bien les enjeux mais aussi les difficultés à surmonter dans ce retour à l’équilibre :

– comment distinguer le « conjoncturel » du « structurel » dans un contexte de forte dynamisation des dépenses par des mécanismes incitatifs ?

– peut-on attendre de France compétences qu’elle assure seule son propre redressement alors même que beaucoup de mécanismes de financement sont en grande partie subis par elle ? Dit autrement : n’est-il pas inévitable, notamment en temps de crise, que l’État joue un rôle de « réassureur » du « réassureur » ?

– quels sont les autres mécanismes de financement qui interagissent avec ce nouveau « fonds de la formation professionnelle et de l’apprentissage » que représente France compétences et comment assurer une bonne articulation avec les autres mécanismes de financement (État-budget ordinaire, État-plan de relance, régions, …) ?

De ce dernier point de vue, l’articulation avec l’éducation nationale et l’enseignement supérieur mérite probablement d’être améliorée. Ainsi, les rapporteurs souscrivent à l’idée :

– de moduler davantage le coût-contrat pour les établissements qui bénéficient par ailleurs de financements publics et notamment de l’éducation nationale (notamment les lycées professionnels qui disposent d’une section d’apprentissage) ; la loi le permet d’ailleurs déjà ([187]) sous réserve de dispositions règlementaires qui ne semblent pas avoir été prises ;

– de prévoir un dispositif spécifique pour mieux tenir compte des effets de déports dans l’enseignement supérieur, où l’apprentissage et son financement spécifique par les entreprises peuvent aussi se substituer à la prise en charge de la formation sur les budgets publics de l’enseignement supérieur.

Proposition n° 13 : Mieux moduler les financements à l’apprentissage en fonction des financements publics disponibles (éducation nationale ou enseignement supérieur)

De manière plus globale, si France compétences constitue à bien des égards une « transparence par la centralisation » des moyens, l’architecture retenue n’a pu totalement échapper aux écueils qui la précédaient. La question du pilotage financier reste ainsi posée, alors même que le recours à l’emprunt demeure fondamentalement « anormal », comme l’ont prouvé les difficultés à identifier le bon interlocuteur. Enfin, les leviers de maîtrise de la dépense ou d’accroissement des recettes présentent tous un risque de perturbation de la réforme.

Les rapporteurs appellent donc à une maturation des dispositifs qui existent pour mieux appréhender l’avenir : France compétences doit retrouver, après les aléas dans lesquels l’a plongé la crise, une visibilité sur des bases saines. Nul doute que l’expérience et le recul tant sur le compte personnel de formation que sur la péréquation en matière d’alternance permettront d’ajuster au mieux les financements dans ces deux enveloppes « ouvertes ». Ainsi, le développement de la comptabilité analytique, pensé dès l’origine de la réforme, permettra certainement de mieux ajuster les niveaux de prise en charge. Le rôle de régulation de France compétences qui se renforce progressivement devrait également permettre d’obtenir un niveau de dépenses plus maîtrisé. Le retour à de meilleures perspectives sur la masse salariale du secteur privé ([188]) devrait également permettre à France compétences de bénéficier d’une certaine dynamique de ses recettes autour de laquelle il devrait être possible de construire un schéma de retour à l’équilibre. Enfin, l’intervention de l’État semble absolument décisive dans l’apurement des dettes passées comme dans l’accompagnement financier de ce redressement, faute de quoi France compétences sera mécaniquement dans l’obligation de générer des excédents pour se désendetter.


C.   LA CRÉATION DES OpÉrateurs de compÉtences ENTÉRINE L’ÉVOLUTION DU RÔLE DES Organismes paritaires collecteurs agrÉÉs VERS LE CONSEIL AUX ENTREPRISES

Les questions relatives au financement du plan de développement des compétences, au rôle des OPCO dans l’alternance et à la collecte de la contribution unique sont traitées dans des parties distinctes. Il s’est agi ici d’évaluer uniquement la création du nouveau réseau d’opérateurs de compétences.

1.   Les opérateurs de compétences (OPCO) ont succédé aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA)

Le législateur avait pour ambition de rénover en profondeur le réseau des organismes paritaires collecteurs agréés en créant un réseau d’opérateurs de compétences afin de les conforter comme des « outils au service des branches et des filières économiques, au profit des entreprises et des actifs » ([189]).

L’approche clairement défendue était de renforcer la synergie entre l’évolution des métiers et les besoins en formation dans une démarche de sécurisation des parcours professionnels et des compétences. Le rôle des OPCO devient prépondérant pour les salariés dont l’emploi est menacé au regard des mutations technologiques, organisationnelles et professionnelles. Il est réaffirmé pour le soutien aux TPE et PME grâce à un service de proximité toujours assuré par les OPCO.

L’article 39 de la loi procède au remplacement des OPCA par les opérateurs de compétences, en reprenant les missions de service aux branches et aux entreprises, notamment les plus petites auxquelles s’ajoute le financement de l’apprentissage. Les opérateurs de compétence se trouvent ainsi déchargés de la collecte légale pour mieux assurer des missions d’appui aux
entreprises et aux branches.

La branche reste l’échelon de référence pour regrouper des entreprises selon une activité dominante. Structurée autour de filières économiques cohérentes, elle est indubitablement le meilleur levier pour rationaliser le tissu économique et encadrer la formation professionnelle.

2.   Une mise en œuvre de la réforme ralentie par la crise

a.   Les dispositions transitoires prévues par la loi

L’article 39 prévoyait les dispositions applicables pour assurer la transition entre les OPCA et les opérateurs de compétences. Les organismes collecteurs paritaires agréés au 31 décembre 2018 bénéficiaient d’un agrément provisoire en tant qu’opérateurs de compétences à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 mars 2019.

Un nouvel agrément, subordonné à l’existence d’un accord de branche conclu à cet effet entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs devait être pris au plus tard au 1er avril 2019. En l’absence de convention de branche transmise à l’autorité administrative au 31 décembre 2018, celle-ci désigne pour la branche concernée un opérateur de compétences agréé.

b.   La crise a ralenti la restructuration du réseau d’opérateurs

Au 1er avril 2019, l’État a agréé onze opérateurs de compétences dont le périmètre des entreprises adhérentes respecte un champ d’activités économiques cohérent et distinct de celui des autres OPCO.

L’OPCO Constructys toujours sous administration provisoire

L’OPCO du secteur de la construction et des travaux publics, Constructys, a rencontré des difficultés particulières dans sa restructuration puisque ses statuts ont été annulés par le tribunal judiciaire de Paris en février 2020. Aussi depuis un arrêté du 27 février 2020, l’opérateur est géré par une administratrice provisoire, Mme Sylvie Leyre dont la nomination a été prolongée par un arrêté en date du 29 juillet 2021 jusqu’au 31 décembre 2021.

Pour les opérateurs de compétences dont le rapprochement allait de soi, la création d’une « identité OPCO » a pu s’effectuer assez rapidement. Ainsi, OPCO Mobilités a créé un statut unique du personnel et fusionné ses systèmes d’information dès décembre 2019 ([190]). A contrario, la création de l’OPCO 2i de l’industrie résultant de la fusion de plusieurs OPCA (OPCAIM pour la métallurgie, OPCA 3+ pour les matériaux et OPCA DEFI pour la chimie) a été plus longue à mettre en place ([191]).

LES ONZE OPÉRATEURS DE COMPÉTENCES

Source : PLF 2022, Jaune budgétaire « Formation professionnelle »

L’année 2020 constitue la première année de fonctionnement réelle des OPCO. Il va de soi que de nombreux recrutements, redéploiements et réorganisations ont dû être reportés pour faire face à la crise, d’autant que les OPCO se sont vus assigner pour mission de gérer et de mettre en œuvre d’importants fonds d’aides pour financer la formation d’entreprises en activité partielle ou en difficulté via le Fonds national de l’emploi (FNE).

Aussi, on ne peut que souscrire au constat dressé par les partenaires sociaux d’une restructuration des OPCA en OPCO ralentie par la crise sanitaire et économique, ces nouvelles structures commençant seulement en 2021 à déployer pleinement leurs offres de services, en particulier auprès des petites entreprises.

L’évaluation de la transformation des OPCA en OPCO est incontestablement perturbée par la crise de 2020 mais il n’en demeure pas moins que cette restructuration est largement perçue comme positive par les différentes parties prenantes.

3.   Le pari réussi du périmètre des nouveaux opérateurs de compétences

a.   L’installation de ces opérateurs n’a pas entraîné de surcoût significatif

L’étude d’impact prévoyait que « la diminution du nombre d’opérateurs de compétences sur la base de secteurs d’activité cohérents pourrait entraîner une baisse des frais de fonctionnement des organismes paritaires : réalisation d’économies d’échelle et coûts plus transparents » ([192]). Elle rappelle qu’en 2016, les frais de gestion et de missions des OPCA s’élevaient à 498 millions d’euros.

En 2020, les onze OPCO ont comptabilisé 673 millions de charges de fonctionnement, soit 4,1 % de la totalité de leurs charges comptabilisées en 2020 ([193]). Il est donc clair que les économies envisagées par l’étude d’impact n’ont pas eu lieu à ce stade.

Toutefois, ainsi que l’a indiqué la DGEFP à la mission, « l’installation des onze OPCO n’a pas provoqué de surcoût qui ait nécessité de revoir en profondeur les frais de gestion des OPCO. Du fait de la grande diversité des situations de départ, de l’impact de la réforme qui a profondément modifié les missions des OPCO, et des délais très variables de transformation, il est difficile d’apprécier quels coûts sont directement liés à l’installation des nouvelles structures, sans oublier les effets de la crise sanitaire qui ont très fortement perturbé l’activité des OPCO durant l’année 2020 et début 2021. »

De surcroît, il y a fort à parier que la part de ces frais de gestion devrait se réduire à l’avenir, notamment avec le transfert de la fonction de collecte aux Urssaf au 1er janvier 2022 (contributions mensualisées) puis au 1er janvier 2023 (contributions annualisées, recouvrées l’année suivante).

b.   Un regroupement cohérent des opérateurs de compétences qui a fait naître de réelles synergies

L’étude d’impact anticipait des difficultés temporaires pour les entreprises à identifier le nouvel opérateur dont elles relèvent ainsi que des difficultés plus structurelles dans les choix de rapprochement, certains regroupements s’imposant d’eux-mêmes comme pour l’industrie, le BTP ou l’agriculture, d’autres ayant des contours ou des logiques moins évidents ([194]).

Lors des deux tables rondes menées par les rapporteurs avec dix des onze opérateurs de compétences ([195]), certains ont fait part de difficultés à définir le périmètre comme Ocapiat qui considère, par exemple, que l’alimentation en détail aurait pu faire partie de cet OPCO alors que ce secteur a finalement rejoint l’OPCOMMERCE. À l’inverse, certains OPCO ont très peu changé de périmètre par rapport à leur fonction d’OPCA, à l’instar de Constructys, de l’OPCO Santé ou encore l’AFDAS.

Le bilan est donc conforme à ce que l’étude d’impact prévoyait sur ce point, d’autant que la grande majorité des opérateurs de compétences ont fait part de leur satisfaction quant au périmètre auquel ils ont abouti.

La « cohérence métier » a également permis de développer le dialogue social au sein des branches, ce qui était un objectif fort de la réforme. La construction de ces organismes autour des métiers a incontestablement engendré des synergies et des solidarités interbranches nouvelles, saluées par les opérateurs de compétences eux-mêmes.

c.   Des relations fluides avec France compétences

Les opérateurs de compétences entendus par la mission ont fait part, dans leur très grande majorité, des très bonnes relations de travail qu’ils entretiennent avec les équipes de France compétences pour la certification, l’observation, l’apprentissage et les coûts contrat. Seul l’OPCO Uniformation a pu nuancer ce constat, estimant entretenir un rapport avec France compétences tel qu’on l’entretient avec une autorité de tutelle avec toutes les complexités que cela comporte.

Au total, les opérateurs de compétences se sont construits sur des périmètres cohérents qui vont leur permettre de se déployer pleinement une fois les effets de la crise sanitaire et économique amoindris.


D.   le transfert de la collecte des contributions aux URSSAF : Une réforme technique dont le calendrier a été reporté

1.   La loi « Avenir professionnel » entendait confier la CUFPA aux URSSAF dans un souci de spécialisation

L’article 41 de la loi « Avenir professionnel » habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance durant trente mois pour que la nouvelle contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage (CUFPA), les contributions liées (contribution supplémentaire à l’apprentissage et contribution CPF-CDD), les contributions supplémentaires ayant pour objet le développement de la formation professionnelle continue, les contributions au développement du dialogue social décidées par accord collectif et les contributions spécifiques soient recouvrées à compter du 1er janvier 2021 par le réseau « recouvrement » de la sécurité sociale (URSSAF et MSA).

Ce réseau devait donc prendre le relais des OPCA/OCTA puis des OPCO dans cette mission, puisque ces derniers avaient vocation à se recentrer sur une mission de financement, de conseil et d’accompagnement, pour laquelle leur valeur ajoutée était jugée supérieure. L’interlocuteur unique en termes de prélèvements « sociaux » semblait opportun dans un contexte où le réseau « recouvrement » de la sécurité sociale concentre déjà beaucoup de collectes différentes (régimes obligatoires de sécurité sociale, régime d’assurance chômage, FNAL, …). Un rendement supérieur ainsi qu’une diminution des coûts de collecte étaient attendus au terme de ce transfert ([196]).

La durée d’habilitation ([197]) ainsi que le délai déjà très différé de l’entrée en vigueur de ces dispositions, par rapport aux autres items de la réforme, reflétaient déjà « l’importance des travaux à mener et des impacts législatifs qui dépassent le domaine de la formation professionnelle » ([198]). Parmi les spécificités « techniques » qui n’étaient pas « spontanément » absorbables par les URSSAF, on peut citer son champ d’application mais aussi les exonérations qui sont spécifiques (par exemple, l’exonération des entreprises qui ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés).

2.   Un calendrier reporté à plusieurs reprises

● Le calendrier de mise en œuvre du transfert de la collecte a été reporté à deux reprises :

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a reporté le délai d’entrée en vigueur de ces dispositions une première fois au 1er janvier 2022, à la demande du réseau « recouvrement » ; ce premier décalage a été justifié par le nombre de missions nouvelles confiées aux URSSAF dans le même temps et notamment le bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage ;

– l’ordonnance du 23 juin précitée ayant apporté certaines précisions sur le calendrier et les modalités de recouvrement, le recouvrement de la CSA et du solde de la taxe d’apprentissage interviendra en 2023 et celui des contributions conventionnelles à partir de 2024.

Calendrier prÉvu du transfert de la collecte

Source : Guide du déclarant réalisé par l’ACOSS.

3.   Les inquiétudes sur sa mise en œuvre devront être levées au gré de la mise en œuvre

La réforme n’étant pas encore entrée en vigueur, compte tenu des reports, il n’a pas été possible pour la mission de l’évaluer à proprement parler au regard de ses objectifs de simplification, de rendement et de maîtrise des coûts de collecte.

Certaines personnes et organismes auditionnés par les rapporteurs ont néanmoins attiré leur attention sur deux principaux aspects :

– France compétences, certains opérateurs de compétences comme certains réseaux consulaires ont souligné les difficultés liées aux écarts entre les fichiers du réseau « recouvrement », ceux des opérateurs et ceux de la DGFIP qui sont utilisés actuellement pour le recouvrement des différentes contributions ; de la « perte ligne » pourrait résulter d’une insuffisante fiabilisation des fichiers, notamment pour les entreprises qui ne se déclareraient pas dans les bons secteurs ;

– les réseaux consulaires ont alerté les rapporteurs sur la nécessité que la collecte ne se traduise pas une moindre lisibilité pour les entreprises de la possibilité d’affecter le solde de la taxe d’apprentissage.

Le temps pris pour préciser les modalités de la réforme ainsi que certaines mesures déjà prises pour accompagner les entreprises dans leur démarche témoignent toutefois d’une prise de conscience de ces enjeux au sein des deux réseaux « recouvrement ».

Les rapporteurs souhaitent, sur ce sujet important pour les entreprises au sein de la réforme, qu’un « tableau de bord » permette un suivi approfondi et continu de quelques indicateurs fondamentaux : niveau de la collecte par rapport aux hypothèses retenues en loi de finances (des premiers retours pourraient arriver dès les premières échéances mensualisées en février 2022 pour le mois de janvier), coût de gestion attendu et réalisé en comparaison avec celui des opérateurs de compétences ces dernières années ([199]), « ressenti » des entreprises sur ces changements en termes de simplicité et de lisibilité du prélèvement avec ce nouvel interlocuteur unique, …

Proposition n° 14 : Mettre en place un « tableau de bord » pour suivre les effets du transfert de la collecte sur son rendement, son coût de gestion et la qualité du service rendu aux assurés à partir de 2022.

 

 

 


—  1  —

   Titre II : La réforme du cadre et des règles de l’assurance chômage et de la recherche d’emploi

I.   La réforme de la gouvernance et du financement de l’assurance chômage

A.   Une nouvelle articulation entre État et partenaires sociaux

1.   La loi « Avenir professionnel » a entendu expliciter la présence de l’État dans le pilotage du régime d’assurance chômage, selon des modalités débattues dès l’origine

a.   La gouvernance de l’assurance chômage avant la loi « Avenir professionnel » : un cadrage législatif limité laissant une part importante au paritarisme « de gestion »

Depuis sa création en 1958, le régime d’assurance chômage est géré de manière paritaire par les organisations représentatives au niveau national des salariés et des employeurs au sein de l’Unédic, une structure associative ([200]).

La définition des règles d’assurance chômage est depuis partagée entre la loi, qui définit un certain nombre de principes (principe de l’indemnisation, conditions et modalités d’attribution de l’allocation d’assurance, financement de l’allocation, obligations d’assurance et de déclaration des rémunérations ainsi que modalités de recouvrement et de contrôle des contributions ([201])), et des dispositions en principe conventionnelles, et par exception réglementaires, qui en déterminent l’application. Ces dispositions conventionnelles prennent la forme d’accords nationaux interprofessionnels signés entre les partenaires sociaux.

Le cadrage de cette négociation sur les règles, dans le schéma prévu par le législateur, était relativement peu explicite avant la loi « Avenir professionnel » : le droit antérieur à 2018 prévoyait simplement que les mesures d’application relatives à l’assurance chômage :

– faisaient l’objet d’accord conclus entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés ;

– pouvaient faire l’objet d’un agrément par l’État pour assurer leur application à l’ensemble des employeurs et des salariés au-delà des organisations signataires ;

– qu’en l’absence d’accord, ces mesures pouvaient être prises par décret en Conseil d’État (hypothèse « classique » de la carence pour un régime prévu par le législateur) ([202]).

b.   Le nouveau cadre de négociation créé par la loi « Avenir professionnel » et ses mesures d’application

● L’article 56 de la loi « Avenir professionnel » a mis en place un nouveau cadrage des négociations des accords d’assurance chômage. Ces dispositions développaient au sein du code du travail une nouvelle procédure préalable à ces négociations.

Le nouvel article L. 5422-20-1 du code du travail prévoit ainsi que « préalablement à la négociation » et « après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel », le Gouvernement transmet à ces organisations un « document de cadrage » ([203]).

Le document doit comprendre :

– « les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière » ;

– « le délai dans lequel cette négociation doit aboutir » ;

– « le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage ».

Le pouvoir réglementaire a précisé que le document de cadrage devait comprendre un « état des hypothèses macroéconomiques, cohérent avec les prévisions de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programmation des finances publiques, ainsi que des hypothèses d’évolution du nombre prévisionnel de demandeurs d’emploi indemnisés, sur les trois prochains exercices à venir » (article R. 5422-11 du code du travail).

Le respect de la trajectoire financière :

– constitue un préalable à l’agrément par le Gouvernement de l’accord national interprofessionnel (article L. 5422-22 du code du travail, créé par la loi « Avenir professionnel ») ;

– peut justifier, si le rapport annuel sur la situation financière (cf. infra) montre un écart à cette trajectoire, que le Premier ministre demande aux organisations de « prendre les mesures nécessaires pour corriger cet écart en modifiant l’accord » dans un délai qu’il fixe et après transmission d’un nouveau document de cadrage (deuxième alinéa de l’article L. 5422-25 du code du travail).

Ce même article 56 créait par ailleurs :

– un article L. 5422-20-2 qui faisait obligation aux services de Pôle emploi et de l’Unédic de fournir aux services de l’État – en l’espèce, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – « toutes les informations nécessaires à l’élaboration du document de cadrage » ;

– un article L. 5422-25 prévoyant un rapport transmis chaque année par le Gouvernement au Parlement et aux partenaires sociaux sur « la situation financière de l’assurance chômage, précisant notamment les mesures mises en œuvre pour contribuer à l’atteinte de l’équilibre financier à moyen terme et celles susceptibles de l’être ».

● Ces nouvelles dispositions précisant la procédure, et notamment le rôle de l’État dans la négociation, ont fait l’objet lors des débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat ([204]) de positions contrastées, reposant elles-mêmes sur des diagnostics différents :

– la première analyse, à laquelle souscrivait le rapporteur de la mission issu de la majorité, alors porte-parole de son groupe sur le projet de loi, consistait à considérer que ces évolutions :

– la seconde analyse, à laquelle souscrivait le rapporteur d’opposition, assimilait cette évolution à une reprise en main de l’État en contradiction avec « l’esprit paritaire » de la gestion depuis 1958, gestion qui n’avait d’ailleurs pas démérité ; le groupe Socialistes et apparentés avait ainsi contesté ab initio ces dispositions qui « déséquilibrent totalement le système que le Gouvernement entend mettre en place, et instituent un tripartisme de façade dans lequel les partenaires sociaux ne servent plus que d’alibi pour endosser les mesures d’économies que le Gouvernement entendra leur imposer » ([206]).

2.   Un premier processus de cadrage-négociation qui s’est soldé par un échec

a.   Le cadrage de la négociation

● Le Gouvernement a choisi de transmettre, comme le prévoyait la loi ([207]), un document de cadrage en vue de la négociation de la convention d’assurance chômage le 24 septembre 2018 ([208]). Ce document de cinq pages ([209]) contenait :

– des éléments de contexte, certains assez généraux comme la « lutte contre le chômage de masse » considérée comme la « priorité absolue du Gouvernement » ; d’autres beaucoup plus spécifiques comme la hausse de la part des contrats courts dans les embauches, un « nombre croissant de personnes [qui] connaissent ainsi des trajectoires professionnelles faites de chômage et d’emplois précaires » ; la situation y est décrite comme le « produit de règles qui ne sont pas suffisamment orientées vers l’incitation au retour à l’emploi durable et qui n’incitent pas suffisamment à une meilleure organisation du travail » ;

– des macro-objectifs à l’issue de ce diagnostic : une « approche systémique » requérant un « double mouvement » sur les règles de l’assurance chômage et « une plus grande responsabilisation des entreprises » associée à un objectif de « désendettement pour être en mesure [d’] assumer dans le futur sa fonction assurantielle » ;

– des « objectifs d’évolution des règles » que le document énumère explicitement :

– un cadrage macro-économique dont il résultait que la nouvelle convention devait permettre de réaliser sur trois ans « entre 1 à 1,3 milliard d’euros d’économies en moyenne annuelle » ([212]) ;

– un délai de négociation de quatre mois à compter de la réception du document de cadrage.

● L’examen attentif et rétrospectif de ce document, le seul de son genre puisqu’aucune autre négociation n’a été lancée sur ce format depuis la réforme, amène à trois constats objectifs :

– en premier lieu, le document respecte bien « l’esprit de la loi » – quand bien même celui-ci aurait été contesté d’emblée (cf. supra), en prévoyant le « contenu obligatoire » imposé par les dispositions législatives et réglementaires ;

– en deuxième lieu, le document apportait un cadrage inégalement contraignant en fonction des sujets :

– en troisième lieu, la durée de la négociation (quatre mois) pouvait correspondre à un délai raisonnable au regard de la durée d’application des conventions d’assurance chômage (deux à trois ans) et des négociations précédentes ([213]).

● Lors de leur audition par la mission, les partenaires sociaux, qui n’approuvaient pas le principe de la loi, ont unanimement considéré que ce document de cadrage était excessivement contraignant et ne laissaient pas de place à une réelle négociation, analyse que partage le rapporteur d’opposition.

Pour ce dernier, le document pris dans sa globalité n’avait pas la souplesse suffisante pour laisser une véritable chance à la négociation : trop d’items étaient contraignants, voire des irritants pour les partenaires sociaux et les contraintes financières imposées n’étaient pas justifiées.

Le rapporteur d’opposition estime ainsi que si la loi laissait craindre une « reprise en main », sa mise en œuvre à travers ce document de cadrage a confirmé voire dépassé ces craintes, comme si le Gouvernement avait d’emblée retenu une alternative particulièrement restrictive entre un endossement de son programme, quasiment sans modification, par les partenaires sociaux et une « mise au pas » réglementaire.

● Le rapporteur de la majorité considère pour sa part que le document constitue, y compris dans la forme qu’il a prise lors de ce premier et seul exercice, un progrès :

– progrès en termes de la transparence et de la clarté des rôles : sur certains sujets, le Gouvernement reflétait dans le document de cadrage des engagements pris devant les Français pendant la campagne présidentielle, qu’il aurait été hypocrite de ne pas citer d’emblée ;

– progrès des moyens de négociations au regard de la variété des items, qui favorise à soi seul la négociation, et du fait que même lorsque le principe d’un dispositif ou d’une évolution était posé dans le document de cadrage, les partenaires sociaux restaient en mesure d’en préciser les modalités ; l’ensemble permettait de conserver une gestion paritaire dans un cadre clarifié ;

– progrès enfin, parce que la fixation d’une trajectoire financière responsable de l’assurance chômage devait être clairement actée comme une orientation nationale de cette politique publique, dans un contexte qui était déjà celui d’un endettement continu depuis 2009 de l’Unédic.

b.   L’échec de la négociation

Engagée dans la foulée, la négociation entre les partenaires sociaux a échoué officiellement le 22 février 2019, soit près de cinq mois après l’envoi du document de cadrage.

Aux dires des acteurs de l’époque et des négociateurs auditionnés par la mission, deux points de fond semblent avoir concentré les difficultés de la négociation :

– d’une part, le principe de la mise en place d’un « bonus-malus » sur les cotisations d’assurance chômage, lequel principe faisait l’objet d’un refus des organisations patronales et dont il faut préciser qu’il avait été acté par l’article 52 de la loi « Avenir professionnel » ;

Le « bonus-malus » tel qu’il était prévu par la loi « Avenir professionnel »

Annoncée par le Président de la République dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès, le 9 juillet 2018 ([214]), la mise en place d’une modulation à la hausse ou à la baisse de la contribution patronale d’assurance chômage était déjà prévue dès le projet de loi initial sous une forme pérenne et sous une forme transitoire :

– l’article 29 devenu l’article 52 permettait de moduler entreprise par entreprise la contribution patronale d’assurance chômage en fonction de plusieurs critères (taux de séparation permettant de calculer le « nombre de fins de contrat », la nature des contrats, leur durée et leur motif de recours, l’âge des salariés, la taille et le secteur d’activité de l’entreprise) (nouvelle rédaction de l’article L. 5422-12 du code du travail) ; la loi n’allant pas plus loin dans la définition de ce « bonus-malus », les modalités techniques de cette modulation étaient implicitement renvoyées à la convention d’assurance chômage ;

– l’article 33 prévoyait par ailleurs initialement, sur la base d’un rapport réalisé par les partenaires sociaux gestionnaires de l’Unédic et après concertation, qu’un décret en Conseil d’État pouvait fixer les règles de modulation des contributions patronales d’assurance chômage en fonction de ces mêmes critères du 1er janvier 2019 au 1er janvier 2020, date à laquelle la nouvelle convention d’assurance chômage pouvait s’appliquer ; le Gouvernement pouvait donc sur cette base mettre en œuvre un « bonus-malus » transitoire en 2019, en attendant la nouvelle convention, issue de la négociation ou de la procédure de carence ; réécrit en nouvelle lecture en séance publique à l’initiative du Gouvernement, l’article 33 devenu article 57 a finalement prévu une première négociation-cadrage devant s’ouvrir dès la promulgation de la loi, sans préciser son contenu.

Source : mission d’évaluation.

– d’autre part, le niveau des économies demandées, jugées « inatteignables » par beaucoup d’organisations patronales comme syndicales.

À ces divergences de fond, entre les partenaires sociaux pour la première et entre les partenaires sociaux et l’État pour la seconde, se sont ajoutées des divergences de méthode.

Outre le contenu, jugé trop contraignant, du document de cadrage, les partenaires sociaux estiment qu’ils n’ont pas pu mener à fond le travail qu’ils avaient engagé en amont dans une phase de diagnostic et de proposition entamée en mars 2018 (trois réunions du groupe paritaire politique pour le diagnostic partagé et huit séances de négociation pour aborder les thématiques de propositions). Les annonces précitées du Président de la République en cours de discussion ont par ailleurs fait dire à certains négociateurs que la ligne était déjà fixée avant même que les discussions ne commencent.

Sans nécessairement que ces constats soient partagés par les deux rapporteurs, force est de constater que cette première mise en œuvre, si elle visait l’aboutissement d’une négociation, a échoué pour différentes raisons, dont chacune pourrait être discutée à l’envi, mais dont la combinaison a conduit à l’impossibilité d’une solution co-construite avec les partenaires sociaux.

Dans ces conditions le Gouvernement a fait jouer les dispositions relatives à la carence et a pris plusieurs mesures après l’expiration du délai de quatre mois.

c.   Les mesures décidées par décret par le Gouvernement

Le rôle de la mission d’évaluation n’est pas d’analyser la réforme de l’assurance-chômage induite par les mesures réglementaires de carence, mais d’évaluer la loi « Avenir professionnel » elle-même.

Toutefois, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de ne pas rappeler le cheminement, parfois heurté, suivi par ces textes réglementaires, ni de citer synthétiquement les mesures prises, dans la mesure où il s’agit indirectement de mesures d’application de la loi « Avenir professionnel ».

Premiers décrets de « carence », les décrets du 26 juillet 2019 ([215]) ont prévu l’essentiel des règles manquantes, à compter du 1er novembre 2019 pour les premières mesures à entrer en vigueur et jusqu’au 1er novembre 2022, fin de la période de carence.

Ces premières mesures (conditions d’accès à l’indemnisation, rechargement des droits, dégressivité des allocations pour les hauts revenus et ouverture du droit à l’assurance chômage pour les démissionnaires et les indépendants) sont entrées en vigueur au 1er novembre 2019 comme prévu, le changement du mode de calcul de l’allocation chômage et le bonus-malus devant entrer en vigueur plus tard, courant 2020.

Deux évènements ont modifié ce calendrier :

– d’une part, la crise sanitaire, qui a conduit le Gouvernement :

– d’autre part, deux décisions juridictionnelles :

Une nouvelle version de la réforme, comprenant l’ensemble des mesures annulées, reportées ou suspendues un temps, est définitivement entrée en vigueur au 1er octobre dernier, soit entre dix‑huit mois et deux ans après la date initialement souhaitée. Elle a été « validée » juridiquement par le Conseil d’État ([222]).

 

La réforme de l’assurance chômage devant le Conseil d’État

Le rôle joué par le contentieux administratif dans la mise en œuvre de la réforme, inédit à ce niveau, mérite d’être clarifié.

Compétente pour connaître des recours pour excès de pouvoir contre les décrets (article R. 311-1 du code de justice administrative), la juridiction suprême de l’ordre administratif a été systématiquement saisie par plusieurs organisations syndicales de la validité des actes pris par le pouvoir réglementaire dans le cadre de la « carence » telle qu’elle était prévue par la loi « Avenir professionnel ».

Saisi à l’automne 2019 par plusieurs organisations sur les décrets du 26 juillet 2019, le Conseil d’État a écarté plusieurs moyens invoqués par les organisations requérantes :

– sur le caractère insuffisant de la négociation préalable et du document de cadrage ;

– sur la possible discrimination qu’aurait constitué l’allongement de la durée minimale d’affiliation ;

– sur la non-conformité aux principes d’égalité et de non-discrimination du principe de dégressivité.

Il a en revanche annulé deux dispositions importantes pour des motifs différents :

– s’agissant du « bonus-malus », il s’est agi d’un motif de forme lié au renvoi à un arrêté de la fixation du taux de séparation donnant lieu au malus dans des secteurs d’activité donnés (ce que la doctrine nomme « subdélégation illégale ») ; les moyens d’illégalité de fond ont en revanche été rejetés ;

– s’agissant du calcul des allocations, le Conseil d’État a estimé, davantage sur le fond, que le nouveau mode de calcul, retenant pour le salaire journalier de référence (SJR), qui sert lui-même de base de calcul aux allocations, l’ensemble des jours travaillés et non-travaillés au lieu des seuls jours travaillés dans le droit antérieur, posait un problème de légalité ; si l’objectif « d’encourager la stabilité de l’emploi » n’est pas en cause dans la décision, ce sont les effets de l’outil retenu qui créent « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi » (point 15 de la décision) ; il en a conclu que cette règle de calcul portait atteinte au principe d’égalité et l’a annulée à ce titre.

Le premier point a pu être corrigé en fixant directement dans le décret les modalités de calcul.

Le second a fait l’objet d’un mécanisme de plancher pour limiter les effets de la baisse du SJR, par rapport au précédent mode de calcul.

Saisi à nouveau par la voie du référé-suspension, le Conseil d’État a eu à se prononcer en juin 2021 sur les dispositions du décret du 30 mars 2021. Il a là encore écarté pour défaut d’urgence ou de doute sérieux certains moyens tirés de l’incompétence du Premier ministre pour prendre ce décret, de la régularité de la procédure de consultation ou encore de l’illégalité du « bonus-malus ». Le juge des référés a en revanche suspendu la nouvelle version de la réforme du salaire journalier de référence, au regard des conséquences qu’elle aurait sur les salariés des secteurs qui recourent largement aux contrats courts, dans un contexte économique marqué par de fortes incertitudes. Il a notamment relevé que le Gouvernement avait différé l’entrée en vigueur du bonus-malus d’assurance chômage au 1er septembre 2022 pour cette même raison.

Saisi par la voie du référé-suspension de la légalité du décret du 29 septembre 2021 qui repoussait l’entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre de cette même année, le Conseil d’État a rejeté les requêtes portant sur la fixation de cette nouvelle date, dans un contexte économique différent par ailleurs.

Enfin, saisi au fond du décret du 30 mars 2021, le Conseil d’État a rejeté toutes les requêtes formées contre cet acte, retenant notamment que le plafonnement mis en place par le Gouvernement limitait la diminution possible du SJR par rapport aux règles antérieures à 47 % et de 17 % en moyenne selon les informations fournies par l’Unédic.

Source : mission d’évaluation.

Sans revenir dans le détail sur les effets de l’ensemble de ces mesures, ce qui n’est pas l’objet de la présente évaluation, on peut rappeler que :

– le seuil minimal d’affiliation est passé à six mois sur les deux dernières années au lieu des quatre mois sur les 28 derniers mois applicables dans le droit en vigueur (deux ans et quatre mois) ; il s’est appliqué une première fois à compter du 1er novembre 2019 avant d’être suspendu pendant la crise sanitaire et d’être à nouveau en vigueur au 1er décembre 2021 ;

– la dégressivité des allocations pour les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans qui perçoivent des revenus supérieurs à 4 500 euros bruts par mois implique une diminution de 30 % de l’allocation à partir du septième mois d’indemnisation ; suspendue pendant la crise sanitaire, cette mesure est de nouveau applicable depuis le 1er juillet 2021 et devrait produire ses effets entre janvier et mars 2022 en fonction de la situation économique ;

– le rechargement des droits n’est désormais ouvert qu’aux « permittents » ayant travaillé six mois, au lieu d’un mois auparavant ; un délai, toujours applicable, a été provisoirement fixé à quatre mois pendant la crise ([223]) ;

 les salariés démissionnaires ainsi que les travailleurs indépendants se sont vus ouvrir dès le 1er janvier 2019 un nouveau droit à l’assurance chômage (cf. infra) ;

– le « bonus-malus » qui peut faire varier la contribution patronale d’assurance chômage de 3 à 5,05 % (contre un taux « normal » de 4,05 %) s’appliquera aux entreprises de plus de onze salariés de sept secteurs d’activité au 1er septembre 2022, la période de référence pendant laquelle le taux de séparation est observé ayant commencé au 1er juillet 2021 ;

– le salaire journalier de référence qui sert de base de calcul aux allocations chômage est calculé depuis le 1er octobre 2021 sur un revenu moyen mensuel prenant en compte les périodes d’inactivité (baisse limitée à 43 % par rapport à l’ancien mode de calcul).

Il va sans dire que ces mesures – au-delà de la méthode par laquelle elles ont été prises – divisent les rapporteurs quant à leur bien-fondé.

3.   Plusieurs orientations permettraient d’améliorer ou de revoir entièrement ce processus dans le sens d’une plus grande confiance entre les acteurs

a.   Un objectif partagé : rétablir la confiance entre les acteurs

Les rapporteurs peuvent se rejoindre sur un constat largement partagé par ailleurs par les différents acteurs auditionnés : la réforme de la gouvernance n’a pas permis de surmonter une grave crise de confiance entre les acteurs, crise qui précédait d’ailleurs de longue date la réforme. Elle s’avère donc, au moins de ce point de vue, perfectible.

Une meilleure articulation demeure ainsi nécessaire au regard :

– du rôle des partenaires sociaux qui, même s’il est moindre que ce qu’ils auraient souhaité, demeure important ; la réforme, qu’on l’approuve ou non, n’a d’ailleurs pas retenu l’option d’une étatisation du régime qui aurait dû prendre d’autres formes juridiques ;

– de l’impossibilité pour l’État de se désintéresser totalement d’un régime qui couvre l’ensemble des salariés et représente des dizaines de milliards d’euros de recettes, de dépenses et de dette.

Ces enjeux de coordination sont importants pour le bon fonctionnement du régime d’assurance chômage, qui nécessite du dialogue et des moyens tournés au maximum dans la même direction. Comme l’ont signalé aux rapporteurs les auteurs de la note du Conseil d’analyse économique (CAE) ([224]), les efforts déployés par l’État et par les partenaires sociaux pour une concertation qui n’a pu aboutir, puis par les différents acteurs pour contrer leurs initiatives réciproques, ne témoignent pas d’un système optimal sur un plan institutionnel.

Différents facteurs sont globalement propices à une nouvelle interrogation de grande ampleur sur ce sujet :

– tout d’abord, la crise sanitaire bien sûr, qui a plongé l’assurance chômage dans des difficultés financières importantes, pourrait bientôt laisser la place à un contexte plus favorable (cf. infra) ;

– ensuite, la concertation conduite par le Gouvernement et les partenaires sociaux à ce sujet, même si elle peut être discutée dans ses objectifs et dans sa méthode, qui a poussé les partenaires sociaux à réfléchir sur le moyen et long terme ;

– enfin les échéances nationales à venir.

Dans cette optique, deux options « extrêmes » semblent à exclure :

– d’une part, le « tout partenaires sociaux » supposerait, alors que la crise et une accumulation de passifs sont passées par là, de se priver totalement du soutien de l’État, au plan juridique (en cas de carence) comme financier (garantie sur la dette) ;

– d’autre part, le « tout État » mettrait totalement fin à une logique assurantielle et paritaire, à laquelle les rapporteurs, avec une conception clairement différente de ce qu’elle implique en pratique, demeurent attachés, comme d’ailleurs la plupart des employeurs ou des salariés ; l’autonomie de gestion du régime participe à un consentement au prélèvement social, chacun comprenant mieux pour quoi il paye ses cotisations.

Les options situées entre ces deux « pôles » sont néanmoins nombreuses et les voies à emprunter très diverses.

b.   Des voies différentes pour y parvenir

Alors que la négociation d’une nouvelle convention pourrait s’ouvrir à la fin de la période d’application des décrets de carence du 26 juillet 2019 précités au 1er novembre 2022, la mission a pu dresser une liste des pistes d’évolutions possibles, sans nécessairement que l’une d’entre elles se dégage avec netteté, faute d’accords entre les acteurs et entre les rapporteurs.

● Plusieurs propositions ont ainsi émergé depuis la loi « Avenir professionnel » pour faire évoluer le système et méritent d’être citées :

– beaucoup de partenaires sociaux lors de leurs auditions ont insisté sur le cadre de la négociation et notamment sur la nécessité d’une meilleure concertation en amont du document de cadrage ; cette concertation existe déjà en droit (cf. supra) mais c’est sa mise en œuvre en fait pour établir des diagnostics et des propositions partagés qui a pu être insuffisante ou jugée comme telle ;

– dans le sillage de cette proposition, la DGEFP interrogée par les rapporteurs a évoqué comme hypothèse de travail la constitution d’un organe permanent de discussion et de proposition, sur le modèle du Conseil d’orientation des retraites (COR) ; la CFDT soutient une proposition similaire, que partagent également les rapporteurs ;

– la commission des affaires sociales du Sénat comme la Cour des comptes ou le Conseil d’analyse économique pointent la nécessité de clarifier et de démocratiser le cadrage juridique et financier en intégrant le régime d’assurance chômage dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) (cf. infra sur les enjeux financiers). Les rapporteurs soutiennent également cette proposition ;

– enfin, le MEDEF a fait une proposition plus « architecturale » en proposant de scinder le régime en deux : un pôle véritablement assurantiel géré de manière véritablement paritaire et un pôle solidaire où l’État aurait plus naturellement « la main » ([225]).

● Ces propositions, très différentes les unes des autres, ont leurs avantages et leurs inconvénients :

– faire progresser la concertation en amont est important, mais ces progrès ne peuvent empêcher l’État d’avoir son propre agenda et ses contraintes financières de nature macroéconomique, indépendamment de ce que proposent les partenaires sociaux ; un contexte plus « ouvert », avec moins de propositions sur l’assurance chômage décidées au préalable au moment des échéances nationales, permettrait vraisemblablement d’aller plus loin que ce qui a été fait en 2018-2019 en termes de diagnostic et de propositions partagés avec les partenaires sociaux ;

– renforcer les liens avec les lois financières, notamment la loi de financement de la sécurité sociale, améliorerait certes la visibilité du Parlement, le pilotage des mesures législatives et le contrôle des actes du Gouvernement mais n’apaiserait pas les inquiétudes exprimées par les partenaires sociaux quant à la perte de leur place centrale dans le système ;

– mieux identifier les logiques des dispositifs au sein de l’assurance chômage et en tirer les conséquences en termes de financement reste problématique sur un plan financier ; un régime pro-cyclique et déficitaire, même débarrassé des dépenses de solidarité et du service public de l’emploi, peut-il faire face sans l’État à des phénomènes de l’ampleur que l’on vient de connaître ? L’État peut-il laisser la gestion totalement paritaire compte tenu des enjeux pour les finances publiques et pour l’emploi ? ([226])

● Plus fondamentalement, les rapporteurs divergent sur le diagnostic et sur la réponse à apporter :

– le rapporteur de la majorité estime que si la nouvelle gouvernance n’a pas conduit à un processus aussi lisse et vertueux que dans « l’esprit de la loi », le système reste toujours aussi pertinent dans ses principes (transparence, subsidiarité, capacité d’initiative en cas de blocage) ; il compte beaucoup sur l’expérience, sur l’ouverture d’un nouveau cycle, alors que la « saga » de la mise en place de la réforme de l’assurance chômage se termine, et sur un contexte économique et financier très différent pour faire mûrir le dispositif voulu par la loi « Avenir professionnel » ; des améliorations à la marge en ce qui concerne la concertation, les diagnostics partagés voire une réorganisation de l’Unédic peuvent bien sûr participer à « faire grandir » ce projet et les résultats de la concertation avec les partenaires sociaux seront les bienvenus pour avancer dans un système qu’ils doivent continuer à s’approprier ;

– de son côté, le rapporteur d’opposition constate que les inquiétudes initiales qu’il portait avec son groupe se sont réalisées ; l’architecture du régime a été dénaturée et mise au service d’une vision très orientée de ce que doivent être les règles de fond de l’assurance chômage, sans place pour une véritable discussion avec les représentants des employeurs et des salariés ; dans ces conditions, il souhaite le retour à un paritarisme plus sincère et plus cohérent, dans lequel l’autonomie de l’Unédic irait de pair avec une véritable responsabilisation ; au fond, il demeure persuadé après tous les travaux conduits par la mission que le système a péché par une mauvaise connaissance de ce qu’est le paritarisme : tout l’honneur d’un système paritaire, c’est de faire confiance aux convergences possibles entre salariés et employeurs pour prendre une décision ; y ajouter en amont un État omniprésent, prétendument omniscient et par ailleurs dont les choix politiques contreviennent à la logique même d’un système assurantiel ne peut que pervertir l’ensemble et le vider de son sens.

B.   L’évolution des règles de financement de l’assurance chômage constitue un point majeur de la réforme

1.   La loi « Avenir professionnel » a consacré les évolutions issues des grandes réformes des prélèvements sociaux de 2018

a.   Le choix de la CSG « activité » pour compenser de nouvelles exonérations

L’article 54 de la loi « Avenir professionnel » a modifié l’article L. 5422-9 du code du travail en vue de modifier la liste législative des ressources de l’assurance chômage pour financer l’allocation des salariés et celle des travailleurs indépendants (cf. infra).

Modification la plus substantielle, la suppression de la référence aux contributions des salariés ([227]) est la conséquence directe de leur suppression en droit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Cette évolution s’inscrivait dans le cadre de la « bascule globale » entre la contribution sociale généralisée et les cotisations.

La « bascule » de cotisations salariales intervenue en LFSS pour 2018 ([228])

La suppression en deux temps de la contribution salariale d’assurance chômage ([229]), la suppression totale de la cotisation salariale d’assurance maladie et la hausse d’1,7 point de la contribution sociale généralisée ayant été décidées concomittament, le terme de « bascule » est souvent utilisé, pour figurer un changement de financement des régimes concernés, bien que cette transformation n’ait pas été « spontanément » neutre financièrement ni parfaitement synchrone ([230]) au global ([231]), et particulièrement pour le régime d’assurance chômage.

Ce dernier « perdait » en effet une ressource importante, sans que la hausse de la CSG ne le concerne directement puisqu’elle était jusqu’ici affectée aux régimes de sécurité sociale, au Fonds de solidarité vieillesse et à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

La « bascule » posait donc la question du principe et du mode de compensation au régime d’assurance chômage, pour un montant qui représentait à terme 2,4 % de la masse salariale, soit l’équivalent de la contribution salariale d’assurance chômage (9,7 milliards d’euros en 2019, première année « pleine » de la suppression).

Source : mission d’évaluation.

Les contributions de certaines catégories spécifiques de salariés dont la « bascule » ne conduisait pas à leur suppression ont été conservées à ce même article L. 5422-9 :

– d’une part, celles des intermittents du spectacle, pour la part des cotisations qui leur est spécifique ;

– d’autre part, celles de certains salariés expatriés, qui ont maintenu une affiliation facultative.

Par ailleurs, l’intégration des contributions patronales d’assurance chômage dans le champ de la réduction générale de cotisations, pour les rémunérations entre 1 et 1,6 SMIC (ex-dispositif dit « Fillon »), issue des lois de financement de la sécurité sociale pour 2018 et 2019 et applicable à compter du 1er janvier 2019, si elle n’aboutissait pas à supprimer la ressource « patronale » de l’Unédic, impliquait également des modalités de compensation.

Compte tenu de la nécessité de cette compensation, et de son caractère indécis au moment de la loi mais aussi potentiellement évolutif dans le temps, le législateur a prévu que le régime pouvait également être financé par des impositions de toute nature « notamment pour le financement de l’allocation des travailleurs indépendants ».

Cette évolution peut être lue selon deux approches :

– d’une part, une approche technique : dès lors que la « bascule » et l’intégration des contributions d’assurance chômage au sein des exonérations préexistantes avaient toutes deux pour but de réduire les cotisations – salariés dans le premier cas, employeurs dans le second, seule une fiscalité avec une assiette différente pouvait « prendre le relais » sans annuler les effets recherchés ;

– d’autre part, une approche plus « philosophique » de la construction du régime d’assurance chômage : l’affectation d’une ressource fiscale à un régime qui s’est toujours perçu comme « assurantiel » constitue un changement substantiel ([232]) dont l’ampleur peut être débattue.

Pour le rapporteur de la majorité, le choix d’une ressource fiscale pour compenser les pertes de recettes de l’Unédic dans le cadre de la réforme était une évidence technique, mais elle pouvait aussi s’entendre du point de vue du fonctionnement du régime tel qu’il se déroule effectivement : il est en effet difficile de décrire les dépenses de l’Unédic comme relevant uniquement d’un principe d’assurance, tant s’y mêlent les allocations de remplacement « classiques » mais aussi des allocations de solidarité (l’allocation de solidarité spécifique – ASS, par exemple), le financement de nouvelles prestations dont la contrepartie en cotisations est moins nette (cf. infra sur l’allocation « travailleurs indépendants ») ou encore celui de Pôle emploi ainsi que la garantie de la dette par l’État qui assure son bon refinancement sur les marchés. Le législateur fait d’ailleurs clairement allusion à ce changement en évoquant explicitement le financement de l’ATI.

Pour le rapporteur d’opposition, défavorable au principe même de la « bascule », la démarche de la loi « Avenir professionnel » inversait la cause et la conséquence : ce n’est pas parce que les dépenses de l’Unédic ne sont plus assurantielles que le financement a changé, mais parce qu’il a été fait « feu de tout bois » au service de la baisse des cotisations, avec un projet sous-jacent d’étatisation du régime, que des ressources fiscales ont été choisies. L’enjeu n’est donc pas seulement d’en apprécier le caractère substituable « à l’euro l’euro » mais d’observer si ce changement ne conduisait pas à son tour à une remise en cause du paritarisme par d’autres moyens, comme une « seconde lame » de la réforme de la gouvernance.

b.   Un mécanisme qui fait jouer la sécurité sociale comme « chambre de compensation »

La loi « Avenir professionnel » n’allait toutefois pas jusqu’à définir la ressource qui serait transférée au régime d’assurance chômage, ce type d’affectation relevant en droit des lois financières ([233]), ce qui explique que l’architecture « finale » ait dépendu en définitive d’autres textes.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avait déjà prévu une compensation provisoire par une fraction de 5,59 % de taxe sur la valeur ajoutée qui suivait un « circuit financier » indirect : cette fraction était en effet versée en application de la loi de finances à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), organe qui gère la trésorerie des régimes de sécurité sociale et devait assurer le versement du montant à compenser à l’Unédic. Un éventuel écart était donc à la charge de l’ACOSS et in fine des régimes de sécurité sociale.

Un schéma définitif a été fixé en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, alors que les cotisations salariales étaient définitivement supprimées et que les exonérations de cotisations patronales commençaient à s’appliquer ([234]) :

– en premier lieu, une fraction de 1,47 point de la contribution sociale généralisée sur les revenus d’activité a été transférée de la sphère « sécurité sociale » à l’Unédic ;

– en deuxième lieu, un dispositif de compensation « à l’euro l’euro » financé par l’ACOSS a été mis en place pour compenser l’extension de la réduction générale de cotisations patronales aux contributions d’assurance chômage ;

– en troisième lieu, et de manière moins significative en termes de volume, un dispositif de compensation par le budget général de l’État s’applique pour les exonérations spécifiques qui ont été étendues au champ « chômage » (outre-mer, travailleurs occasionnels – demandeurs d’emploi, aides à domicile, navires battant pavillon européen).

Ce cadre peut être décrit en reprenant le schéma suivant présenté par l’Unédic dans son rapport d’activité pour 2019 :

les ressources de l’unédic en 2019

Source : Unédic, rapport d’activité 2019.

On y identifie bien :

– d’une part, l’apport de la CSG « activité » qui, en agglomérant les ressources prélevées sur les salariés et sur les autres actifs, représente 14,4 milliards d’euros, avec un taux d’évolution supérieur à celui de la masse salariale (+ 3,4 % contre 3,1 %, ce qui laisse à penser que la CSG a été une « bonne ressource » en 2019) ; un peu plus d’un tiers de cette ressource vient d’autres catégories que celle des salariés, alors même que ces derniers demeurent les premiers bénéficiaires du régime (cf. infra sur le caractère relativement modeste de l’ATI) ;

– d’autre part, les compensations intégrales versées par l’État et par l’ACOSS pour les pertes liées aux exonérations, générales ou spécifiques, pour un montant total d’1,3 milliard d’euros.

En tout, ce sont donc 23 milliards d’euros sur les 38,7 milliards de recettes totales qui proviennent encore des ressources « habituelles » du régime (soit un peu moins de 60 %), ce qui constitue un changement important d’un point de vue quantitatif du mode de financement de l’assurance chômage ([235]).

Dans ce système, deux « tiers » jouent donc un rôle particulier :

– l’État qui compense à l’Unédic les conséquences de l’évolution des exonérations spécifiques, comme il le fait déjà pour la sécurité sociale en application de la loi « Veil » ([236]) ;

– la sécurité sociale, et sa trésorerie gérée par l’ACOSS, qui a reçu, pour assurer la compensation initiale, une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée, dont le niveau n’évolue plus en fonction du montant à compenser (compensation pour solde de tout compte).

Il en ressort qu’en cas d’écart entre cette compensation initiale et la réalisation, c’est la sécurité sociale qui assure la compensation (ou à l’inverse, bénéficie du surplus). Si la dynamique de la TVA est moins forte que celle de la réduction générale de cotisations, la sécurité sociale « prend les pertes » qui sont imputées à dues proportions aux différentes branches en fonction de leur poids financier ([237]). Si à l’inverse, la TVA croît plus vite que ces exonérations, le « gain » est conservé dans les comptes de la sécurité sociale selon le même principe ([238]).

2.   Ce nouveau financement questionne plus globalement l’articulation entre le régime d’assurance chômage et la sécurité sociale ainsi que la situation financière de l’Unédic après la crise

a.   Une articulation chômage-sécurité sociale en débat

● Les mécanismes de financement-compensation retenus ont atteint leurs objectifs techniques : l’Unédic n’a pas subi financièrement les conséquences des réformes précédentes, les mécanismes de compensation intégraux jouant leur rôle et l’affectation de CSG « activité » ayant suivi le même rythme d’évolution que les cotisations supprimées, ce qui n’est pas illogique compte tenu de la proximité souhaitée des deux assiettes ([239]). La ressource « CSG » a même plutôt crû dans les ressources de l’Unédic (36 % des ressources en 2022 contre 34 % en 2019), ce qui laisse à penser qu’elle était même plus dynamique que les cotisations supprimées ([240]).

L’Unédic, lors de son audition, a d’ailleurs rappelé qu’au regard des circonstances et du point de vue technique de la compensation, elle continuait à approuver le choix de la CSG « activité ».

● Même s’il est toujours difficile de construire des systèmes à la fois précis et justes en la matière, le circuit financier retenu est en revanche marqué par une certaine complexité.

Lors de son audition, Dominique Libault, ancien directeur de la sécurité sociale et président du Haut conseil du financement de la protection sociale, a regretté qu’un schéma plus direct entre l’État et le régime d’assurance chômage n’ait pas été trouvé. Il est vrai que le passage par l’ACOSS n’est pas une nécessité juridique, mais semble être davantage la conséquence d’un schéma unifié de gestion des allègements généraux.

Il reste qu’en créant une double interface « État/sécurité sociale » (compensation TVA et compensation de la réduction de cotisations de sécurité sociale) et « sécurité sociale/régime d’assurance chômage » (compensation de l’impact de la réduction générale sur l’assurance chômage et partage de la CSG), alors même qu’il existe en parallèle un circuit financier de compensation par l’État à l’Unédic (compensation intégrale des exonérations spécifiques), le législateur a créé deux « espaces de compensation » qui sont parfois difficiles à suivre.

Créer un circuit plus direct avec l’État supposerait toutefois d’identifier le bon vecteur, qui reste peu évident aux termes des travaux de la mission :

– la compensation « à l’euro l’euro » par les ministères reste complexe en gestion, au regard des plafonds fixés en lois de finances ([241]), et serait incohérente avec le fait que l’État a renoncé à compenser la sécurité sociale « à l’euro l’euro » pour la réduction générale ;

– utiliser la taxe sur la valeur ajoutée, qui sert déjà de ressource de compensation avec les collectivités territoriales et la sécurité sociale pourrait également être envisagée ; cette ressource, contrairement à la CSG « activité », n’a toutefois pas la même dynamique que les cotisations supprimées et donc ne garantit pas « naturellement » la qualité de la compensation (prélèvements sur la consommation vs. prélèvements sur la masse salariale).

● Si à l’inverse, le système « médié » par la sécurité sociale devait perdurer, il pourrait interroger profondément, comme le changement de mode de gouvernance et de négociation, le fonctionnement de l’ensemble du système :

– comme évoqué supra, certains y voient la nécessité d’articuler de manière plus étroite le régime d’assurance chômage et les lois de financement de la sécurité sociale, comme la Cour des comptes, le Conseil d’analyse économique ([242]) ou la commission des affaires sociales du Sénat ([243]) ;

– d’autres y voient au contraire, notamment parmi les partenaires sociaux, le « ver dans le fruit » ; privé de toute cotisation des salariés et d’une partie des cotisations des employeurs, le régime serait délibérément affaibli dans sa dimension autonome et paritaire ; la dépendance à la LFSS pour l’affectation de la ressource « CSG » est d’ailleurs vécue comme une pré-étatisation malvenue.

Au-delà de cette polarisation, qui ressemble sans la recouper totalement à celle qui existe sur la gouvernance, le mécanisme actuel mérite d’être davantage documenté, afin que le Parlement soit mieux informé sur ses contours, et d’être suivi très attentivement tant du côté de l’Unédic que du Gouvernement.

● Le rapporteur de la majorité constate ainsi, que :

– dès lors qu’une augmentation du pouvoir d’achat et une baisse du coût du travail avaient été souhaitées dès le début du quinquennat, il était difficile de ne pas y impliquer les cotisations d’assurance chômage ; il doute d’ailleurs qu’aucun Gouvernement ou majorité reviennent sur ces mesures favorables aux salariés et à l’emploi ;

– ce mécanisme s’est accompagné d’une compensation cohérente et consistante, manifestement bien acceptée par le régime lui-même, même si les partenaires sociaux gestionnaires n’étaient pas nécessairement favorables à ces changements.

Si des aménagements techniques ou institutionnels sont possibles et souhaitables, il n’y est pas par principe opposé mais il remarque qu’aucune évolution ne fait l’objet d’un consensus technique ou politique évident.

En cohérence avec sa position sur la gouvernance, il s’en remet à la concertation pour identifier ces éventuels aménagements.

Le rapporteur d’opposition observe quant à lui que cette situation est le résultat d’une logique dans laquelle seule la suppression de cotisations – qui constituent en réalité, particulièrement dans le cadre de l’assurance chômage, du revenu différé – peut créer du pouvoir d’achat ou de l’emploi, dont l’Unédic et les partenaires sociaux ont été les victimes collatérales. Il lui est dans ces conditions difficile de porter une appréciation « politique » sur les modalités de compensation retenues. Si elles sont peut-être les moins mauvaises qui pouvaient être imaginées dans ce cadre – ce qui explique que l’Unédic s’y soit résolue – elles ne sauvent pas l’absence de pertinence de cette transformation globale.

Il souligne par ailleurs le caractère nécessairement fragile des modalités de compensations décidées par l’État, qui a déjà prouvé par le passé, s’agissant de la sécurité sociale, qu’il pouvait revoir unilatéralement ce cadre, s’il l’estimait nécessaire, et supprimer des dispositifs de compensation. Au moins, le taux des cotisations salariales d’assurance chômage était fixé par les partenaires sociaux. On mesure ainsi la perte d’autonomie qu’une telle évolution implique pour ces derniers, y compris avec des compensations.

 

b.   Un solde de l’Unédic en voie d’amélioration sans qu’ait été tranchée la question de sa dette

Ces compensations n’ont pas empêché le régime d’assurance chômage de subir de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. Repenser le système, quelle que soit l’orientation retenue, nécessitera de prendre en compte une situation financière qui s’est considérablement dégradée et se redresse aujourd’hui progressivement, laissant entière la question de la dette constituée.

● Comme beaucoup d’autres organismes et régimes ayant des ressources propres, le régime d’assurance chômage a subi une baisse de ses recettes en 2020 à la suite de la crise (– 6,7 %), qui correspond à la moyenne pondérée de la baisse de la masse salariale (– 5,7 %), sur laquelle reposent les cotisations restantes, et à celle de la CSG « activité » (– 8,3 %) ([244]).

En parallèle, les dépenses ont été particulièrement dynamiques, conformément à la vocation pro-cyclique d’un régime d’assurance chômage : les dépenses liées aux allocations de retour à l’emploi (ARE) ont augmenté en 2020 de 12,9 %, croissance très largement tirée par la progression du nombre de journées payées (+ 9,76 %) et de demandeurs d’emploi indemnisés (+ 5,46 %). Au-delà de ces charges « habituelles », le régime a financé un tiers du coût de l’activité partielle, pour un coût de 9 milliards d’euros en 2020 (presque un quart des dépenses durant cet exercice).

En conséquence, le déficit a quasiment été multiplié par dix en un an (1,97 milliard d’euros en 2019, 19,16 milliards d’euros en 2020).

La part de la crise dans ce déficit est donc écrasante, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport annuel 2021 et dans son audition par les rapporteurs.

répartition du déficit 2020 en fonction de son origine

Source ; Cour des comptes, rapport public annuel 2021.

● Les dernières prévisions dressées par l’Unédic ([245]) en octobre dernier laissent toutefois envisager un rétablissement très prochain :

– d’une part, les dépenses d’indemnisation « classique » diminueraient sous l’effet de la montée en charge de la réforme des règles d’indemnisation, qui permettrait d’économiser plus de 2 milliards d’euros annuels à terme ([246]) (cf. supra) et de la situation de l’emploi qui continuerait de s’améliorer (33,2 milliards d’euros de dépenses à horizon 2023 contre 39 milliards en 2020) ; à ce même horizon, les dépenses d’activité partielle disparaîtraient quasiment (0,2 milliard en 2023 contre 4,1 milliards en 2021) ; enfin, le financement de Pôle emploi reculerait en 2022 du fait de la règle qui l’ajuste à 11 % des recettes perçues en N-2 ([247]) ; au total, les dépenses baisseraient de 6,6 % à 49,6 milliards d’euros en 2021, avant d’atteindre 40,5 milliards d’euros en 2022 et 40,3 milliards d’euros à horizon 2023 ;

– d’autre part, les recettes reprendraient un rythme haussier décroissant (+ 10,3 % en 2021, + 5,8 % en 2022 et + 2,1 % en 2023), pour atteindre l’équilibre dès 2022 (41,1 milliards d’euros de recettes en 2022, 42 milliards d’euros en 2023).

Le régime renouerait donc avec des excédents propices à son désendettement, tout en ayant engrangé des déficits beaucoup plus importants que prévus avant la crise, comme l’illustre le graphique ci-dessous réalisé par l’Unédic.

évolution du Déficit de l’unédic sur la période 2008-2023

Source : Prévisions financières de l’Unédic, octobre 2021.

Logiquement, l’Unédic verrait ainsi un « pic de dette » atteint fin 2021 à 64,7 milliards d’euros, avant que celle-ci ne recule sous l’effet des excédents dégagés (60,9 milliards d’euros fin 2023). Le niveau qui pourrait être atteint par la dette serait ainsi près de 20 points supérieur aux prévisions avant-crise (36,8 milliards d’euros en 2019, 31,9 milliards d’euros en 2022 ([248])). La part de cette dette hors « crise » demeurerait importante (cf. graphique infra).

Cette question de la dette de l’Unédic est au cœur de la réflexion des partenaires sociaux, de l’Unédic et de l’État. En effet, comme le montrent en partie les graphiques ci-dessous, le jeu des cycles économiques ne permet pas d’envisager que le régime dégage des excédents sur plusieurs années pour effacer toute sa dette (au rythme « 2023 », ce qui serait plutôt optimiste avec 2 milliards d’excédents chaque année, le remboursement de la dette prendrait par construction près de 30 ans). Aussi, la dette de l’Unédic a fait l’objet de propositions de reprise partielle par l’État, notamment par la Cour des comptes, proposition reprise lors de son audition par les rapporteurs ([249]). La Cour justifie cette reprise par le fait qu’une partie importante du déficit est liée à des choix faits avant la crise et qui n’ont pas un lien direct avec le mécanisme assurantiel (notamment le financement de Pôle emploi ([250]) et l’indemnisation des travailleurs frontaliers ([251])).

Pour la DGEFP interrogée sur ce sujet par les rapporteurs, « le sujet du traitement de la dette Covid pourrait être abordé dans le cadre d’une concertation à venir sur la gouvernance de l’assurance chômage ».

Il convient de signaler que cet enjeu de la reprise peut être traité selon deux approches :

– d’une part, dette Covid vs. dette non-Covid, comme le suggère la DGEFP, en considérant que la crise sanitaire a constitué un choc exogène d’une exceptionnalité telle qu’elle pourrait justifier une reprise par l’État ; force est toutefois de constater que cette grille de lecture n’a été retenue jusqu’ici pour aucun acteur ([252]) ;

– d’autre part, « dépenses assurantielles du régime » vs. « dépenses non assurantielles du régime », ce qui reviendrait à refaire les comptes « du passé » sur la nature des charges transférées à l’Unédic, en fonction du lien qu’elles ont avec son « cœur de mission ».

De tels choix, qui peuvent par ailleurs diviser les rapporteurs, ont en tout état de cause partie liée avec la gouvernance qui sera choisie à l’avenir.

dette de l’unédic (2008-2023)

Source : Prévisions financières de l’Unédic, octobre 2021.

II.   La réforme des règles de l’assurance chômage issue de la loi « avenir professionnel »

A.   L’allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), un dispositif original dont la portée est demeurée limitée

1.   La loi « Avenir professionnel » a entendu ouvrir un nouveau droit aux travailleurs indépendants

a.   Une conception difficile éclairée par une mission « IGAS-IGF »

● Annoncée comme une mesure du programme présidentiel, l’allocation chômage des travailleurs indépendants a été conçue afin de répondre à trois objectifs : protéger les travailleurs indépendants contre le risque de défaillance de leur entreprise, répondre aux défis de la dépendance économique à l’égard d’un donneur d’ordre, avec le risque d’une perte importante ou l’absence de revenus en raison d’une privation indépendante de la volonté du travailleur indépendant, et enfin rapprocher les protections sociales des salariés et des non-salariés afin de sécuriser les transitions professionnelles.

Ces objectifs devaient permettre in fine de se diriger vers une protection plus universelle contre le chômage.

La mise en œuvre de ce cadre conceptuel s’est toutefois heurtée à plusieurs difficultés pratiques :

– en premier lieu, les travailleurs indépendants constituent une population fortement hétérogène en raison d’une grande pluralité des situations et revenus ([253]) ; proposer un dispositif pour un tel public signifiait ainsi prendre en compte les nombreuses spécificités des profils qui le composent ;

– ensuite, l’idée d’un dispositif protégeant les travailleurs indépendants du chômage n’a pas été réellement soutenue par les principaux intéressés ([254]), redoutant notamment une nouvelle contribution pour financer cette aide ; seuls les administrateurs et mandataires judiciaires, constatant les difficultés des chefs d’entreprise, se sont montrés favorables à cette mesure ;

– enfin, ce nouveau dispositif devait être conçu en évitant un écueil spécifique à cette population, à savoir tout risque d’aléa moral, pour des assurés qui par construction pilotent leur activité et leurs revenus, avec le risque d’une optimisation du système au-delà de la couverture du risque.

● Afin de répondre au mieux à ces problématiques et de satisfaire les objectifs vus précédemment, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances ont été missionnées afin de proposer plusieurs scénarios pour concevoir le nouveau dispositif ([255]). La construction de ces scénarios a eu le mérite d’éclairer et de restituer le choix fait par le législateur.

Ces dix scénarios, repris dans le graphique ci-dessous, se distinguent en effet par des combinaisons – ayant chacune leur cohérence – de plusieurs types de choix binaires :

– revenu forfaitaire ou de remplacement ;

– existence ou non d’une contribution dédiée ;

– caractère strict ou large d’accès à l’aide ;

– régime obligatoire ou facultatif ;

– englobement de tous les travailleurs indépendants ou différenciation selon le type de travailleurs indépendants.

les différents scénarios proposés par l’IGAS et l’IGF

Source : rapport « IGAS-IGF » précité.

b.   Un dispositif ciblé et encadré

C’est finalement le scénario « B-1-1 » qui a été retenu par le Gouvernement puis par le législateur dans l’article 51 de la loi « Avenir professionnel », combinant :

– un revenu forfaitaire, fixé par décret ; le décret du 20 septembre 2019 ([256]) l’a fixé à 26,40 euros par jour ([257]), pour une période de 182 jours ([258]) (articles D. 5424‑74 et D. 5424-75 du code du travail) ; cette allocation n’est accessible qu’à condition de disposer de faibles revenus par ailleurs ([259]), ce qui constitue une autre véritable différence de conception avec les allocations de retour à l’emploi « classiques » qui dépendent du revenu antérieur, sous un plafond, et ne tiennent pas compte des autres revenus

– l’absence de contribution dédiée ; même si l’affectation de la CSG « activité » à l’Unédic a pu donner l’impression de couvrir ces dépenses (cf. supra), ce ne sont pas les travailleurs indépendants qui financent spécifiquement cette mesure ;

– un régime obligatoire et « public », même si cette première notion est affaiblie dès lors que les travailleurs indépendants ne participent pas directement au financement de ce mécanisme ; le choix d’un régime « public » adossé à l’Unédic plutôt que d’un renforcement des dispositifs privés d’assurance existants repose sur le risque d’anti-sélection (ces dispositifs exigent des cotisations importantes en fonction du risque individuel et excluent les publics les plus risqués) ;

– l’ouverture en principe à tous les travailleurs indépendants, l’essentiel des catégories d’indépendants étant intégrée dans le dispositif (article L. 5424‑24 ([260])) ; toutefois, le fait générateur strict que constitue l’obligation d’une fin d’activité par une liquidation ou un redressement judiciaires (article L. 5424-25 du même code) implique l’exclusion de la majorité des micro-entrepreneurs du dispositif, alors que ceux-ci constituent une composante non négligeable de l’ensemble des travailleurs indépendants.

c.   Un objectif quantitativement modéré au regard des critères retenus

L’exclusion d’emblée d’une part importante des travailleurs indépendants peut aussi être expliquée par les critères de durée d’activité minimale et de revenu d’activité minimal afin d’être éligibles, dont les conséquences sur les bénéficiaires potentiels avaient été anticipées à la fois par le rapport de l’IGAS et de l’IGF et par l’étude d’impact ([261]):

– concernant le critère de durée d’activité minimale, déjà fixé à deux ans, ce qu’ont confirmé les textes réglementaires d’application ([262]), l’étude d’impact soulignait, à partir des données fournies par l’Insee, que 19 % des entrepreneurs classiques et 41 % des micro-entrepreneurs ne poursuivaient pas leur activité au-delà d’une durée de deux ans ;

 concernant celui de revenu d’activité minimal, dont il était là aussi déjà prévu au moment de la loi qu’il soit fixé à 10 000 euros annuels ([263]), l’étude d’impact rapportait, à partir des données du régime social des indépendants, que seuls 49 % des entrepreneurs classiques radiés et 5 % des micro-entrepreneurs radiés avaient eu en moyenne des revenus supérieurs à 10 000 euros au cours de la période 20112015.

La même étude d’impact estimait enfin qu’au total 10 % des entrepreneurs classiques et 2 % des micro-entrepreneurs ayant cessé leur activité au bout de deux ans avaient perçu des revenus supérieurs à 10 000 euros par an. L’ensemble des dirigeants salariés, concernés par la mesure, avaient en revanche perçu des revenus supérieurs à ce seuil. Ces éléments donnaient déjà une bonne idée du public « potentiel » de cette nouvelle allocation, compte tenu des paramètres retenus.

2.   Un bilan pour l’heure limité

a.   Malgré les efforts entrepris par Pôle emploi, l’ATI présente un bilan en-deçà des attentes du Gouvernement

● Selon l’étude d’impact du projet de loi, qui s’appuyait elle-même sur les travaux « IGAS-IGF », le dispositif devait initialement bénéficier à 29 300 individus par an, pour un coût annuel estimé à 140 millions d’euros.

● Afin de remplir les objectifs du Gouvernement, Pôle emploi a déployé plusieurs outils afin de permettre aux bénéficiaires potentiels de l’ATI d’accéder à cette aide. En premier lieu a été mis en place un site Internet (www.chomage-independant.fr), destiné aux travailleurs indépendants. Via ce site, ceux-ci peuvent s’informer, connaître les aides auxquelles ils peuvent avoir accès, et vérifier leur éligibilité à l’ATI. Ensuite et surtout, Pôle emploi a grandement facilité la procédure de demande d’ATI par les travailleurs indépendants, ces derniers étant automatiquement détectés au moment de leur inscription. Grâce à cette automatisation, les travailleurs indépendants n’ont quasiment pas de démarche à effectuer.

Or, force est de constater que l’ATI concernait seulement 1 036 ouvertures de droit au 18 juin 2021 depuis la mise en œuvre de cette nouvelle allocation au 1er novembre 2019 ([264]). S’il est donc légèrement plus élevé que celui que relevait le rapport de notre collègue, Dominique Da Silva, en avril dernier, le constat fait par ce dernier reste vrai en ordre de grandeur : le bilan est presque « 40 fois inférieur aux prévisions ([265])», ce qui se traduit d’ailleurs aussi par un coût très faible de ce dispositif à ce stade (3,1 millions d’euros en 2020).

b.   Les facteurs explicatifs de ce faible recours à l’ATI

Afin d’être éligible à l’ATI, chaque travailleur indépendant doit au préalable satisfaire cinq critères d’éligibilité au moment de la demande, en plus de respecter l’obligation de rechercher activement un emploi auprès de Pôle emploi. Parmi ces critères, certains semblent plus difficiles à atteindre que prévu :

– le revenu minimum de 10 000 euros en moyenne sur les deux dernières années justifie à lui seul les trois quarts des refus de dossiers par Pôle emploi, ce qui tendrait à montrer que nombre de demandeurs ont des revenus d’activité trop faibles pour être concernés par l’ATI ([266]) ;

– l’activité précédente doit avoir fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire, au cours duquel le travailleur indépendant concerné a perdu ses fonctions de dirigeant, ce qui signifie qu’une simple cessation d’activité ne permet donc pas d’être éligible à l’ATI ; c’est ce critère qui est modifié par le projet de loi pour favoriser l’activité professionnelle indépendante (cf. infra) (10 % des refus, d’après le rapport « Da Silva » précité) ;

– enfin, le demandeur doit disposer de ressources inférieures au revenu de solidarité active (RSA), soit, pour l’année 2021, 564,78 euros par mois pour une personne vivant seule (9 % des refus, d’après le rapport « Da Silva » précité).

Les critères tenant, d’une part, à une activité non salariée au cours d’une période minimale de deux années consécutives au titre d’une seule et même entreprise et au statut, d’autre part, ne semblent pas avoir d’effets aussi notables dans les refus (7 % au total des refus).

La crise sanitaire a eu un impact non négligeable sur l’efficacité de ce dispositif. En effet, le Gouvernement a dès le début dressé un filet de sécurité pour l’ensemble des entreprises, afin de limiter les conséquences économiques que l’épidémie a engendrées.

Ce filet de sécurité, constitué par une série de mesures d’urgence – gel de la date des cessations de paiement, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, exonération ou report de cotisations, étalement des dettes via des plans d’apurement et activité partielle – a fortement réduit le nombre de cessations d’activité d’entreprises. Ainsi, le baromètre 2020 du Conseil national des greffiers des Tribunaux de commerce (CNGTC) souligne que 7 465 ouvertures de procédures collectives ont été enregistrées entre le 1er septembre et le 30 novembre 2020, ce qui représente une baisse du nombre de défaillances d’entreprises de 37 % par rapport à la même période pour l’année 2019 ([267]). à l’inverse, le CNGTC constatait alors une augmentation du nombre de créations d’entreprises par rapport à l’année précédente, avec 129 499 entreprises créées entre le 1er septembre et le 30 novembre 2020, soit une hausse de 21 % par rapport à la même période en 2019 ([268]).

L’ATI ciblant les travailleurs indépendants, il n’est pas surprenant de constater une baisse du nombre de demandes d’ATI en 2020, dans ces conditions.

L’efficacité de l’allocation pour les travailleurs indépendants est enfin limitée par celle de l’aide au retour à l’emploi (ARE). En effet, il est possible pour certains travailleurs indépendants de réactiver leur solde de droit à l’ARE, le rapport « Da Silva » soulignant ici que « 23 % des dossiers traités sont des travailleurs indépendants qui ont été salariés au cours des trois dernières années avant leur inscription à Pôle emploi, à la suite de leur cessation d’activité ». Ces demandeurs d’allocations chômage se voient alors remettre un refus positif d’ATI, car les renvoyant vers une ARE plus avantageuse en termes de montants et de durée. Les deux allocations ne sont pas cumulables, ce qui conduit chaque allocataire à exercer un droit d’option irrévocable.

Pour rappel, l’ATI est une aide forfaitaire, dont le montant est fixé à 26,40 euros par jour – soit 792 euros pour un mois de 30 jours – pour une durée de 182 jours ; alors que le montant de l’ARE varie de de 29,38 à 256,96 euros brut par jour, pour une durée maximale de 730 jours pour les moins de 53 ans (913 jours jusqu’à 54 ans inclus et 1 095 au-delà de 54 ans) ([269]).

Le faible recours à l’ATI témoigne donc aussi probablement du faible intérêt qu’elle représente pour des « nouveaux » créateurs d’entreprises qui disposent encore de droits au chômage « classiques ».

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, reste aussi la « jeunesse du dispositif ». L’ATI est encore « très récente, peu connue et […] entrée en vigueur quatre mois avant la crise de la covid-19 ».

Or, demander l’ATI requiert non seulement d’en connaître l’existence mais aussi d’en percevoir l’intérêt, ce qui suppose un « calcul » de la part de l’allocataire, en amont de sa demande.

Lors des auditions conduites par la commission et dont M. Dominique Da Silva était le rapporteur, la directrice générale adjointe de Pôle emploi relevait toutefois que :

– « certes, le dispositif pourrait être davantage connu. Néanmoins, nous avons mis tout en place pour repérer automatiquement les personnes lorsqu’elles s’inscrivent à Pôle emploi, à travers le questionnaire d’inscription. Sur cette base, de nous-mêmes, nous avons envoyé 6 000 courriers invitant à remplir les éléments pour bénéficier d’une ATI. Sur ces 6 000 courriers, nous avons reçu 3 200 réponses. Tout le monde ne répond donc pas et ne remplit pas la demande d’allocation. Il est possible que ces personnes identifient immédiatement qu’elles ne sont pas éligibles, mais nous n’avons pas d’éléments pour indiquer les raisons précises pour lesquelles elles n’ont pas renvoyé de courrier. » ;

– « ce dispositif n’a pas fait l’objet d’une communication massive, comme il y a pu en avoir au niveau gouvernemental sur les mesures pour les démissionnaires, qui sont largement connues. D’ailleurs, en termes de fréquentation, nous avons très peu de visites sur le site chomage-independant.fr, qui reste assez confidentiel parce que la communication n’a pas été très forte. Nous avons enregistré environ 6 000 visites sur le site ».

Ces deux observations, très éclairantes, incitent à faire un bilan très nuancé et prudent, sur cette non-connaissance, qui semble réelle (3 000 réponses et 6 000 courriers pour 29 000 personnes visées initialement) mais dont les causes sont difficiles à interpréter. Ces dernières peuvent en effet aussi bien être dues à une mauvaise connaissance du dispositif qu’à une bonne connaissance de son caractère limité et restrictif en termes d’éligibilité.

3.   Des perspectives d’évolution dans le cadre du projet de loi « indépendants »

Les perspectives d’évolution dépendent fondamentalement de l’adhésion au dispositif initial.

Le rapporteur de la majorité constate que c’est bien un droit nouveau, sans prélèvements supplémentaires, qui a été créé même si son calibrage peut être évidemment discuté et ajusté. S’il peut être de « bon ton » d’en critiquer le résultat avec le recul, son principe reste totalement pertinent et l’équilibre entre élargissement de la protection et responsabilité financière et en termes de principe demeure globalement le bon. Ces remarques préalables étant faites, il se félicite que son collègue Dominique Da Silva se soit saisi de la question en recommandant plusieurs leviers d’élargissement de l’ATI (élargissement à d’autres statuts juridiques, suppression de la condition de cessation d’activité, relèvement du seuil de revenu, baisse du seuil de chiffre d’affaires) et que le Gouvernement l’ait entendu sur plusieurs points : l’article 9 du projet de loi « indépendants » précité prévoit un nouveau cas de cessation avec le caractère non viable de l’activité qui pourrait être attesté par un tiers de confiance dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ([270]) ; dans un souci de responsabilité, et suivant en cela les recommandations du rapport « Da Silva », il est également proposé de créer un délai de carence de cinq ans entre deux périodes de bénéfice de l’ATI pour éviter les abus. D’autres leviers pourraient être activés au niveau réglementaire pour rendre l’ATI plus accessible, d’après l’étude d’impact du projet de loi « indépendants » déjà citée ([271]). L’objectif d’assouplir la mesure jusqu’à atteindre le nombre de bénéficiaires et le budget qui avait été initialement prévu pourrait être une bonne « boussole » pour ces modifications, quitte à fonctionner « étape par étape », de manière empirique.

Le rapporteur d’opposition constate quant à lui l’échec de l’allocation des travailleurs indépendants, parfaitement documenté par le travail de la commission des affaires sociales. Dispositif insuffisant et non financé, l’ATI s’est installée dans un « entre-deux » qui ne satisfait personne et surtout pas l’objectif d’une « assurance chômage universelle » telle qu’elle avait été évoquée dans la campagne de 2017. 1 000 bénéficiaires d’une allocation de 800 euros pendant six mois font difficilement une universalité. Il estime donc que l’avenir de l’ATI est fondamentalement conditionné à une réflexion d’ensemble sur l’avenir de l’assurance chômage, réflexion qui ne peut être menée qu’en partenariat plus étroit avec les partenaires sociaux et en observant des modèles étrangers ([272]). Il s’oppose par ailleurs comme tout son groupe à la mise en place d’un dispositif de « carence » de cinq années qui procède d’une inversion totale des enjeux : avant de brider le recours à ce dispositif, il faudrait en assurer l’effectivité dont tout montre qu’elle est encore très limitée. De ce point de vue, le seul changement pour l’heure de la condition de cessation d’activité peut surprendre alors que c’est le seuil de revenus antérieurs qui continue d’être le principal frein dans 75 % des cas.

B.   L’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires

1.   Les motifs de l’élargissement des motifs « légitimes » de démission

Avant la mise en œuvre de l’article 49 de la loi « Avenir professionnel », comme de nombreuses personnes auditionnées l’ont rappelé, il était déjà possible pour un salarié démissionnaire de bénéficier d’indemnisations si celui-ci remplissait l’un des quinze cas de démission considérés comme « légitimes ».

Les motifs de démission « légitimes » avant la loi « Avenir professionnel »

Seules des démissions « légitimes » peuvent permettre au démissionnaire de bénéficier de l’allocation d’assurance chômage.

Ces motifs sont énumérés par l’article 2 du règlement d’assurance chômage :

– un salarié mineur souhaitant suivre ses ascendants ou la personne qui exerce l’autorité parentale ;

– un salarié souhaitant suivre son conjoint venant à changer de lieu de résidence pour un nouvel emploi (mutation, changement d’employeur, nouvelle activité) ;

– un mariage ou Pacs entraînant un changement de lieu de résidence (la démission doit alors s’effectuer moins de deux mois après la date de la cérémonie) ;

– un salarié souhaitant accompagner son enfant handicapé admis dans un établissement spécialisé, et dont l’éloignement entraîne un changement de domicile ;

– démission pour non-paiement des salaires, primes ou heures supplémentaires, à condition d’être en mesure de justifier d’une ordonnance de référé ;

– démission déposée par une victime de violences conjugales changeant de résidence, après avoir déposé plainte auprès du procureur de la République ;

– salarié ayant quitté son précédent poste afin de créer ou reprendre une entreprise, dont l’activité a cessé pour des raisons indépendantes de la volonté de l’intéressé ;

– salarié ayant démissionné pour un autre CDI et dont l’employeur a mis fin à la période d’essai avant 91 jours (le salarié doit pouvoir justifier de trois années d’affiliation continue au régime d’assurance chômage) ;

– salarié victime d’un acte délictueux dans le cadre de son activité, et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte ;

– salarié dont le contrat de travail « de couple ou indivisible » contient une clause de résiliation automatique si son conjoint fait l’objet d’un licenciement, d’une mise à la retraite ou d’une rupture conventionnelle ;

– journalistes professionnels ayant démissionné en raison de la cessation de la publication, ou à la suite d’un changement notable de l’orientation de celle-ci (« clause de conscience ») ;

– salarié ayant conclu un contrat de service civique, un contrat de volontariat de solidarité internationale ou un contrat de volontariat associatif d’une durée minimale continue d’un an ;

– démission d’un assistant maternel si son employeur refuse de faire vacciner ses enfants ;

– rupture d’un contrat d’insertion d’activité ou d’un contrat unique d’insertion pour prendre un nouvel emploi ou suivre une formation.

Source : mission d’évaluation, à partir du règlement d’assurance chômage.

L’étude d’impact de la loi « Avenir professionnel » justifiait le besoin d’un nouveau cas d’ouverture de l’assurance chômage notamment par le faible pourcentage de démissionnaires parvenant à obtenir un revenu de remplacement. Ainsi, seulement 31 % des démissions ayant fait l’objet d’une inscription à Pôle emploi au cours de l’année 2016 ont conduit à une ouverture des droits (65 000 ouvertures de droits pour un total de 210 000 démissions recensées) ([273]).

Cette ouverture de l’assurance chômage était également justifiée par la complexité des dispositions en vigueur. L’étude d’impact du projet de loi « Avenir professionnel » soulignait la situation paradoxale des démissionnaires quittant leur emploi afin de mener à bien un projet d’évolution professionnelle, notamment la création d’une entreprise. Si ces derniers souhaitaient quitter leur emploi afin d’en occuper un autre ou de créer leur propre activité professionnelle, leur démission n’était pas considérée comme légitime et ne leur permettait pas de percevoir des indemnisations. Œuvrant pourtant à leur retour à l’emploi, ces salariés démissionnaires restaient à l’écart et étaient privés de revenus de substitution en attendant la concrétisation de leur projet professionnel. Seules les démissions afin de créer ou de reprendre une entreprise dont l’activité s’arrête involontairement permettaient alors de percevoir des aides.

La même étude d’impact soulignait également l’inadaptation de la procédure de réexamen de la situation des démissionnaires lorsque le chômage dure malgré la recherche d’emploi de ces derniers ([274]). Elle relevait en effet que « résulte du réexamen à quatre mois une incertitude du point de vue du salarié quant à la possibilité de bénéficier d’une indemnisation chômage, de nature à l’inciter à repousser voire à renoncer à son projet d’évolution professionnelle » ([275]).

2.   Les dispositions de la loi « Avenir professionnel » et ses modalités d’application

● L’article 49 de la loi « Avenir professionnel » précisé par le décret du 26 juillet 2019 ([276]) a prévu que pouvaient avoir droit aux allocations d’assurance chômage les travailleurs démissionnaires qui justifient :

– de 1 300 jours d’activité lors des soixante mois qui précèdent la fin du contrat de travail, ce qui correspond à un emploi continu de cinq ans en pratique ;

– de la poursuite d’un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou la création/reprise d’une entreprise, ; le législateur a prévu, outre ces deux conditions, deux « garanties » :

● L’accompagnement des salariés démissionnaires souhaitant mener à bien un projet professionnel a été facilité par la mise en place d’un site Internet qui leur est dédié (http://www.demission-reconversion.gouv.fr/). Ce dernier leur permet d’avoir un accès rapide aux démarches à effectuer et de prendre facilement connaissance des différentes étapes de la procédure, de la vérification des conditions d’éligibilité à l’inscription comme demandeur d’emploi auprès de Pôle emploi.

3.   Un bilan globalement positif quoique plus faible qu’attendu

● Interrogée par les rapporteurs, la DGEFP leur a précisé que depuis le 1er novembre 2019, date d’entrée en vigueur du dispositif, et jusqu’au 3 novembre 2021, 14 443 ouvertures de droits s’étaient faites sur ce nouveau motif.

Ce niveau est plus faible que les objectifs initiaux du Gouvernement tels qu’ils figuraient dans l’étude d’impact (17 à 30 000 bénéficiaires par an).

Pour la DGEFP, le « contexte particulier de ces derniers mois » serait le principal facteur explicatif, avec :

– d’une part, une montée en puissance « très progressive, compte tenu de la nécessaire appropriation du dispositif par les différents acteurs concernés, du temps de préparation des projets de reconversion professionnelle par les candidats et de la durée nécessaire des processus de démission au sein des entreprises » ;

– d’autre part, « la crise sanitaire et les conséquences des mesures de lutte contre l’épidémie de covid sur le marché du travail [qui] ont pu conduire certains candidats à la démission à reporter voire à renoncer à leur projet de mobilité professionnelle » ([277]).

Si ces aspects contextuels se confirment, ils pourraient cesser de jouer très prochainement, le marché de l’emploi se « normalisant » progressivement.

La DGEFP reconnaît toutefois que « la condition relative à une durée d’activité antérieure de cinq années continues limite aussi l’accès au dispositif ». Au mois d’octobre 2021, sur les 18 943 demandes d’estimations réalisées sur le simulateur de Pôle emploi, seules 52 % remplissaient cette condition.

● À l’inverse, ces résultats attestent que l’ouverture élargie de l’assurance chômage aux démissionnaires n’a pas généré l’« appel d’air » que redoutait par exemple l’Unédic ([278]), avec une vague de démissions à l’échelle nationale.

Cet « appel d’air » a été évité, non seulement par le critère d’activité antérieure, mais aussi par l’instauration de l’obligation de présenter à un conseil en évolution professionnelle (CEP) un projet professionnel « sérieux », devant statuer avant la démission de l’intéressé. Les CEP semblent ainsi avoir joué ici un rôle décisif.

● De son côté, le médiateur national de Pôle emploi salue une ouverture de ce droit après avoir longtemps souligné les « effets pervers du refus d’indemnisation des démissions : immobilité professionnelle, danger à quitter un emploi pour un autre, maintien dans des postes inadaptés par crainte de se trouver sans ressources » ([279]).

Il fait cependant état de véritables difficultés de salariés démissionnaires :

– dans son rapport d’activité pour 2019, il estimait que la construction de la réforme était « éloignée de l’esprit initial et de sa simplicité » ; il pointait que les conditions préalables fixées par le législateur étaient éloignées de la rapidité avec laquelle les salariés sont appelés à démissionner en raison « de leurs conditions de travail ou pour saisir une opportunité d’évolution professionnelle qui n’attend pas » et que « sur le marché du travail actuel, [la condition] des cinq ans d’activité salariée continue paraît difficile à remplir » ;

– dans son rapport d’activité pour 2020, il relevait encore que « bon nombre de candidats à ce nouveau droit découvrent à la fin d’un parcours fastidieux qu’ils ne sont pas éligibles au dispositif alors qu’ils ont déjà démissionné ».

● Si le dispositif n’est donc pas dépourvu de mérite, en assurant un équilibre entre de nouveaux droits et la nécessité de contrôler le caractère sérieux du projet de transition professionnelle, deux pistes d’évolution, soutenues par le rapporteur d’opposition, sont donc ouvertes afin d’atteindre a minima les objectifs fixés initialement :

– réviser les critères, notamment d’activité antérieure, pour rendre l’allocation plus facile à obtenir ;

– rendre la procédure plus simple et plus transparente, afin que le choix de la démission soit fait systématiquement en connaissance de cause.

Par ailleurs, les impacts microéconomiques, sur l’appariement des salariés et des emplois notamment, et macroéconomiques mériteraient à terme d’être évalués de manière plus fine, ce que les quelques mois de recul dont bénéficiait la mission ne permettait pas de faire. Avoir des résultats permettrait d’élargir la réflexion autour des liens entre conditions de la démission, assurance chômage et qualité de l’appariement dans l’emploi - ou, dit autrement : améliorer les conditions dans lesquelles un salarié peut démissionner facilite la fluidité sur le marché du travail.

C.   Les réformes relatives à Pôle emploi

1.   La redéfinition de l’« offre raisonnable d’emploi »

● L’article 59 de la loi « Avenir professionnel » a modifié les contours de l’offre raisonnable d’emploi, notion créée en 2008 ([280]) pour mieux identifier les conditions dans lesquelles un demandeur d’emploi pouvait refuser, sans ou avec limites, une offre d’emploi avant qu’une sanction ne soit appliquée.

La définition proprement dite de l’offre n’a pas évolué, et elle reste définie au regard de la nature et des caractéristiques de l’emploi recherché, de la zone géographique privilégiée et du salaire attendu (article L. 5411-6-2 du code du travail).

Le législateur a en revanche supprimé à compter du 1er janvier 2019 toute référence au salaire antérieurement perçu ou au salaire recherché du demandeur d’emploi ([281]), mais aussi à la distance de l’emploi ([282]) qui permettaient de définir de manière élargie la notion d’offre raisonnable (ancienne rédaction de l’article L. 5411-6-3 du même code). Il s’agissait pour le Gouvernement de simplifier la mise en œuvre des dispositions sur l’offre raisonnable d’emploi, afin qu’elle « repose [...] sur les échanges éclairés et la relation de confiance entre le demandeur d’emploi et son conseiller référent » ([283]).

Restent toutefois des motifs légitimes de refus, ne pouvant entrainer de sanction :

– un niveau de salaire inférieur à celui qui est normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée ;

– un emploi à temps partiel, lorsque le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) – document signé entre le demandeur d’emploi et son conseiller au début de son parcours – prévoit qu’il est recherché un emploi à temps complet ;

– un emploi qui ne soit pas compatible avec les qualifications et compétences professionnelles du demandeur d’emploi (ces trois critères sont inscrits à l’article L. 5411-6-4 du code du travail réécrit par la loi « Avenir professionnel »).

● En cas de refus à deux reprises d’une offre raisonnable d’emploi, le décret du 28 décembre 2018 a prévu que le demandeur d’emploi puisse être sanctionné par la suppression de ses allocations et une radiation temporaire de Pôle emploi.

L’instruction n° 2019-1 du 3 janvier 2019 de Pôle emploi ([284]) a précisé l’application de ces dispositions, en rappelant qu’un refus pouvait être constitué par le refus d’une mise en relation, le refus ou la non-présentation à un entretien avec un employeur ou à des actions de recrutement, ou le refus d’une proposition d’embauche.

Lors du second constat de refus, sauf motif légitime, il est procédé à une radiation durant un mois et la suppression pendant la même durée de ses revenus de remplacement. La sanction peut être aggravée en cas de manquements répétés (cfinfra).

● Les travaux de la mission n’ont pas permis d’identifier de manière statistiquement très précise une évolution du nombre de sanctions prises sur le fondement de l’offre raisonnable d’emploi avant et après la réforme, ni d’identifier si les agents de Pôle emploi avaient bénéficié de la simplification attendue. L’enquête sur les motifs de radiation menée par Pôle emploi en 2017 montrait cependant une part relativement limitée de « l’insuffisance des recherches », catégorie dans laquelle pourrait rentrer le refus de l’offre raisonnable d’emploi sans l’épuiser (5 % des radiations ([285])). La mesure ne pouvait donc avoir une ampleur massive, quand bien même elle aurait été très efficace.

Certaines organisations syndicales ont rappelé aux rapporteurs qu’elles étaient dubitatives sur l’utilité de ces règles, de définition de l’offre raisonnable d’emploi comme de contrôle (cf. infra), pour inciter au retour à l’emploi de manière générale ([286]).

Pôle emploi, auditionné par la mission, estime de son côté difficile d’en faire un bilan alors que la plupart des dispositions de contrôle ont été suspendues pendant la crise. Les contrôles ont toutefois repris depuis la fin juin 2020 de manière progressive, en se concentrant sur les métiers en tension ([287]) et les sortants de formation. Le Gouvernement a fixé un objectif de 500 000 contrôles annuels, contre un rythme « normal » de 450 000 contrôles. Pour ce faire, les effectifs ont été triplés dès 2019 au sein des effectifs chargés du contrôle à Pôle emploi.

Interrogé de manière spécifique par les rapporteurs sur la mesure précise des effets de la disposition, Pôle emploi estime que la réforme ne pouvait conduire à une évolution statistiquement très significative et que ce n’était en tout état de cause pas son objectif. Aucune augmentation du nombre de radiation pour refus de deux « ORE » n’a été observée, l’absence de rendez-vous restant très largement le principal motif de radiation. En dépit de la réforme, la caractérisation de l’ « ORE » reste en effet difficile à réaliser pour les conseillers, les offres correspondant rarement aux critères fixés dans le PPAE. Il était en revanche utile, pour Pôle emploi, de sortir le critère de la rémunération car il était techniquement difficile à constater, les offres d’emploi indiquant rarement le niveau précis de rémunération proposé.

2.   La modernisation des règles de contrôle et de sanction des demandeurs d’emploi

● L’article 60 de la loi « Avenir professionnel » a procédé à des ajustements techniques concernant les dispositions relatives au contrôle et aux sanctions des demandeurs d’emploi :

– il a supprimé le refus de répondre à une convocation de Pôle emploi de la liste des manquements pouvant faire l’objet d’une sanction (articles L. 5412‑1 et L. 5412-2 du code du travail) ; c’est l’absence de présentation à un rendez-vous qui reste « sanctionnable » ;

– il a renforcé les sanctions en cas d’absence d’actes positifs et répétés en vue de développer une entreprise et d’abandon d’une action d’aide à la recherche d’une activité professionnelle, désormais passibles d’une radiation ;

– il a transféré les compétences préfectorales en matière de sanction à Pôle emploi ; le préfet formellement, les anciennes DIRECCTE en pratique, détenaient encore du législateur la compétence pour réduire ou supprimer les revenus de remplacement ; il s’agissait toutefois d’une compétence liée, la radiation prononcée par Pôle emploi entraînant nécessairement la suppression du revenu de remplacement ; la possibilité de prononcer des pénalités administratives en cas d’inexactitude des déclarations est également transférée du préfet à Pôle emploi ;

– ce faisant, le législateur a « simplifié » le dispositif en n’autorisant plus Pôle emploi qu’à supprimer le revenu de remplacement ; le pouvoir transféré est donc plus encadré que celui qu’exerçaient auparavant les services préfectoraux : le revenu est supprimé temporairement ou définitivement et son montant ne peut plus être modulé.

● Le décret du 28 décembre 2018 précité a précisé les conditions d’application de ces dispositions relatives notamment au montant des sanctions, de nature réglementaire, rappelées dans le tableau suivant :

nouvelle échelle rÉglementaire des sanctions

Manquement

Droit antérieur

Droit nouveau

Refus de répondre à une convocation (droit antérieur) /Absence à un rendez-vous (droit nouveau)

1er manquement : radiation de deux mois

Manquements répétés : entre deux et six mois

1er manquement : radiation d’un mois (le revenu de remplacement n’est pas supprimé mais suspendu)

2e manquement : radiation de deux mois

3e manquement : radiation de quatre mois

Ne peut justifier l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer, reprendre ou développer une entreprise

1er manquement : radiation de quinze jours

Manquements répétés : entre un et six mois

1er manquement : radiation d’un mois

2e manquement (parmi ces différents manquements) : radiation de deux mois

3e manquement (parmi ces différents manquements) : radiation de quatre mois

Refus de deux offres raisonnables d’emploi

1er manquement : radiation de deux mois

Manquements répétés : entre deux et six mois

Refus d’élaborer ou d’actualiser le PPAE

1er manquement : radiation de deux mois

Manquements répétés : entre deux et six mois

Absence ou abandon d’une formation

1er manquement : radiation de quinze jours

Manquements répétés : entre un et six mois

Refus d’une visite médicale d’aptitude

1er manquement : radiation de deux mois

Manquements répétés : entre deux et six mois

Refus d’une action d’aide à la recherche d’une activité professionnelle

1er manquement : radiation de quinze jours

Manquements répétés : entre un et six mois

Ne peut justifier de la réalité des démarches prévues par le PPAE

­

Radiation de quatre mois dès le 1er manquement

Fausses déclarations

Radiation entre six et douze mois

Source : mission d’évaluation à partir des textes réglementaires (notamment article R. 5412-5 du code du travail).

L’évolution de cette échelle n’est objectivement pas univoque :

– certaines sanctions sont allégées au premier manquement (absence à un rendez-vous, refus de deux offres raisonnables d’emploi (ORE), refus d’élaborer ou d’actualiser le PPAE, refus de la visite médicale d’aptitude) ;

– d’autres sont alourdies (absence d’actes de recherche d’emploi, absence ou abandon d’une formation, refus d’une action d’aide à la recherche d’une activité professionnelle) ;

– certaines ne changent pas (fausses déclarations) ;

– les « récidives » ne sont pas punies de sanctions plus lourdes mais de sanctions plus précises, ne laissant pas de marge de manœuvre sur leur quantum.

Au total, c’est donc une nouvelle hiérarchisation qui s’est dessinée avec le décret du 28 décembre 2018, avec une moindre liberté de fixation des sanctions.

Le décret précise par ailleurs qu’en cas de suppression définitive du revenu de remplacement, la radiation dure entre six et douze mois (six mois en cas d’activité non déclarée).

Il a par ailleurs précisé les conditions d’information du demandeur d’emploi concerné en cas de radiation envisagée : le directeur de l’agence Pôle emploi l’informe des faits reprochés et de la durée de radiation envisagée, avec un délai de dix jours pour présenter des observations écrites. Ce délai est une nouveauté juridique, cette précision n’existant pas dans le droit antérieur (article R. 5412-7 du code du travail).

● Il semble qu’il soit un peu trop tôt pour dresser un bilan précis de ces dispositions pour les raisons déjà exposées au sujet de l’offre raisonnable d’emploi. Évaluer les conséquences de ces choix supposerait en effet une étude assez fine sur le nombre et surtout sur les durées et motifs de radiation depuis le 1er janvier 2019, données qui ne sont pas disponibles en tant que telles. Comme indiqué supra, pour Pôle emploi, la fréquence des motifs de radiation n’a pas été bouleversée par la réforme, l’absence à un rendez-vous étant le plus fréquent en raison de son objectivation relativement facile ([288]).

Le médiateur de Pôle emploi notait cependant dans son rapport d’activité 2019 une hausse de la part des radiations dans les saisines de 6 à 7 %. Il se félicite de la disparition de la plupart des sanctions de deux mois au premier manquement à un rendez-vous, actée par le décret du 28 décembre précité. Il regrette en revanche que l’existence de ces sanctions, plus proportionnées, au premier manquement écarte l’esprit du droit à l’erreur porté par la loi « ESSOC » ([289]).

Dans son rapport d’activité 2020, il estime que « nombreux sont les médiateurs [locaux, dans les agences] qui constatent que ces sanctions sont de plus en plus sévères, avec un usage fréquent des radiations de six mois et surtout, une suppression définitive du revenu de remplacement » ([290]), ce que ne corroborent pas les constats faits par Pôle emploi. Il relève par ailleurs que des difficultés informatiques ont pu rendre parfois difficile la modification de certaines sanctions, problème qui aurait « trouvé son épilogue » et « les correctifs demandés ont été inclus dans une mise à jour du système d’information » ([291]).

Au-delà des aspects techniques et pratiques de leur mise en œuvre, ces dispositions font l’objet d’un désaccord politique entre les rapporteurs :

– le rapporteur de la majorité estime que le principe de sanctions, comme légitimes contreparties à un des systèmes d’assurance chômage les plus généreux au monde ([292]), n’est pas problématique en soi et qu’elles peuvent participer au contraire au consentement de l’ensemble des Français à un système qu’ils doivent financer ; qu’à bien des égards, la réforme a permis de définir une échelle de sanctions plus « raisonnable » au regard de la gravité relative des manquements ; enfin que le système de transfert de l’ensemble des sanctions à Pôle emploi est un facteur de simplicité bienvenu ;

– de son côté, le rapporteur d’opposition regrette que ces dispositions, outre le caractère délétère qu’elles peuvent avoir sur les personnes concernées ([293]), accréditent l’idée que les demandeurs d’emploi ne recherchaient pas vraiment ou pas correctement du travail, dans un pays qui continue de compter, malgré la baisse récente, 5,8 millions de chômeurs ([294]) pour quelques centaines de milliers d’emplois à pourvoir ; les retours annonciateurs du médiateur national de Pôle emploi l’inquiètent, alors même que les procédures ont été suspendues une bonne partie de l’année 2020 ; les effets produits par la réforme pourraient ainsi réapparaître très violemment à l’occasion de la reprise de la politique de contrôle assumée par Pôle emploi et le Gouvernement comme une priorité que le rapporteur continue de trouver particulièrement discutable, au regard du contexte économique, du poids du non-recours et des autres formes de fraudes, notamment la fraude fiscale, dont les estimations montrant qu’elle est au moins dix fois plus coûteuse pour l’État que la fraude sociale, qui persistent.

Rapport sur le non-recours : un rapport en retard mais en voie d’être remis

L’article 62 de la loi « Avenir professionnel », adopté à l’initiative du groupe Socialistes et apparentés avec avis favorable du rapporteur, prévoyait un rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur « la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d’assurance chômage » deux ans apès la promulgation de la loi, soit au 5 septembre 2020 au plus tard.

Interpellés par les partenaires sociaux, les rapporteurs ont demandé à la DGEFP où en était la remise de ce rapport. Celle-ci a fait savoir en réponse que la possibilité de produire ce rapport était rendue difficile jusqu’ici en raison de la complexification des règles d’éligibilité. La situation serait néanmoins sur le point de changer grâce à une nouvelle base sur la trajectoire professionnelle des demandeurs d’emploi, la base FORCE, qui compare les sources des fichiers de demandeurs d’emploi et les mouvements de main d’œuvre issus de la déclaration sociale nominative (DSN).

Le rapport devrait ainsi être remis au Parlement « pour le début de l’année 2022 ».

Source : mission d’évaluation, à partir des réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

3.   Des précisions accrues sur les voies de recours dans les courriers de Pôle emploi

L’article 61 de la loi « Avenir professionnel » a prévu à l’article L. 5422-4 du code du travail la mention, sous peine de nullité, des délais et voies de recours sur les demandes en paiement de Pôle emploi. L’article 59 a également mentionné dans des dispositions rédactionnelles que la notification du projet personnalisé d’accès à l’emploi devait également contenir « les voies et délais de recours en cas de sanction de Pôle emploi » (article L. 5411-6-1 du code du travail).

Ces dispositions, relativement circonscrites, correspondent aux règles générales applicables aux actes administratifs, qui veulent que le délai de recours ne s’applique qu’à la condition qu’il ait été précisé aux administrés ([295]). Elle est particulièrement décisive lorsque certaines décisions sont soumises à un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), parfois exigé pour les décisions de Pôle emploi.

Soucieux de vérifier l’application de l’ensemble des dispositions votées, les rapporteurs ont naturellement interrogé les personnes auditionnées ainsi que la DGEFP sur ce sujet, sans obtenir de retours ou de remontées particulières sur ces dispositions de « bon sens ».

 

 

 

Premiers retours sur le journal de bord des demandeurs d’emploi

Permise par l’article 58 de la loi « Avenir professionnel », l’expérimentation d’un journal de bord pour les demandeurs d’emploi, le journal de la recherche d’emploi (JRE), est conduite dans deux régions (Bourgogne-France-Comté et Centre-Val de Loire) depuis novembre 2019, en vue de permettre à Pôle emploi « d’accroître la personnalisation et l’accompagnement du demandeur d’emploi et de détecter et prévenir le risque de décrochage dans la recherche d’emploi » ([296]). Depuis février 2020, 500 000 demandeurs d’emploi dans 72 agences sont concernés par l’expérimentation.

L’expérimentation a été prolongée par le législateur jusqu’au 1er janvier 2023 ([297]), ce qui explique que la mission d’évaluation n’ait pas compté ce dispositif parmi ceux qui étaient « évaluables » avec le recul nécessaire.

La DGEFP a néanmoins fait part aux rapporteurs de l’état de mise en œuvre de l’expérimentation. Une évaluation complète sera confiée à une entreprise prestatrice, Sauléa. Elle doit porter « sur différents thèmes dont l’accompagnement des demandeurs d’emploi, les pratiques professionnelles des conseillers, l’organisation des agences Pôle emploi, la détection et la prévention du décrochage dans la recherche d’emploi, la mobilisation des demandeurs d’emploi dans leur recherche d’emploi, l’évolution des modalités de recherche mobilisées, la perception que les demandeurs d’emploi ont du moment de l’actualisation et la perception que les demandeurs d’emploi ont de son utilité ».

L’évaluation serait à la fois qualitative, avec des « entretiens auprès des principaux acteurs concernés : les demandeurs d’emploi, les conseillers Pôle emploi, les équipes locales de direction et les directeurs territoriaux de Pôle emploi », et quantitative à partir des données de Pôle emploi.

Lors de l’audition de Pôle emploi, il a été signalé aux rapporteurs que les premiers résultats faisant l’objet d’un rapport intermédiaire seraient plutôt probants.

Les rapporteurs, et notamment le rapporteur d’opposition, attendent en tout état de cause les résultats définitifs qui pourraient être rendus en « février 2022 », selon la DGEFP. Le législateur a d’autant plus intérêt à être bien informé sur ce sujet, qu’il sera le seul à pouvoir généraliser, le cas échéant, ces dispositions au regard de leur valeur ajoutée.

Source : mission d’évaluation à partir des réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

 


–  1  –

   titre III : Les dispositions relatives à l’emploi

Troisième et dernier volet de la loi du 5 septembre 2018, le titre III regroupait, dans six chapitres d’ampleur et de portée variables, une cinquantaine d’articles traitant de diverses problématiques liées à l’emploi ([298]).

Parce qu’il ne leur a semblé ni réaliste, ni nécessairement opportun, au vu de leur nature, de les évaluer tous, les rapporteures ont fait le choix d’orienter leurs travaux autour des chapitres qui, à leurs yeux, rassemblaient les dispositions les plus essentielles, les plus ambitieuses, porteuses plus que les autres d’espoir et de progrès pour notre société : celles relatives à l’entreprise inclusive, d’abord (I([299]), celles relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, ensuite (II([300]), celles relatives à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail, enfin (III([301]).

Ces dispositions sont, pour la plupart, présentées dans les développements qui suivent. Le lecteur pourra ainsi prendre la mesure de l’étendue des avancées contenues dans un texte considéré par beaucoup, et à juste titre, comme l’un des porte-étendards de l’action de la majorité présidentielle en matière économique et sociale, comme l’un des grands « marqueurs » de la XVe législature. Il fera le constat, néanmoins, que l’évaluation d’un certain nombre d’entre elles n’aura pas été chose aisée tant le recul était limité, tant la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid‑19 aura rebattu les cartes et perturbé la mise en œuvre de la réforme.

Ce travail, aussi utile se soit-il avéré, n’est donc pas un aboutissement. Il est la première pierre d’un édifice en construction, le prélude d’un plus ample travail qu’il faudra conduire dans les années à venir, une fois le temps écoulé depuis l’entrée en vigueur de la loi suffisant pour en évaluer pleinement l’impact et en tirer tous les enseignements.


I.   les mesures relatives À l’entreprise inclusive

Voilà plusieurs décennies que les pouvoirs publics s’efforcent de favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Il y a près de quarante-cinq ans, le législateur énonçait, dans la loi du 30 juin 1975 ([302]), le principe selon lequel l’emploi et le reclassement de cette catégorie de personnes devaient constituer « un élément de la politique de l’emploi ». Douze ans plus tard, avec la loi du 10 juillet 1987 ([303]), il imposait aux établissements d’au moins vingt salariés relevant des secteurs public et privé d’employer des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leurs effectifs. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) était née. Plusieurs lois vinrent, par la suite, enrichir le dispositif imaginé à la fin des années quatre-vingt – en 2005 ([304]), en 2011 ([305]), en 2015 ([306]) – sans jamais parvenir, hélas, à faire en sorte que l’objectif soit atteint.

À la veille de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les personnes handicapées continuaient de rencontrer de fortes difficultés d’accès et de maintien dans l’emploi. « 36 % des personnes reconnues handicapées [étaient] en emploi contre 64 % dans l’ensemble de la population et 18 % des personnes reconnues handicapées [étaient] au chômage, contre 10 % de l’ensemble de la population », faisait observer le Gouvernement dans l’étude d’impact ([307]). Les personnes handicapées avaient ainsi trois fois moins de chances d’être en emploi et deux fois plus de chances d’être au chômage que les personnes non handicapées ayant les mêmes caractéristiques ([308]).

En 2015, le taux d’emploi des travailleurs handicapés s’élevait à 4,4 % dans le secteur privé et à 5,3 % dans le secteur public ([309]). Trente ans après l’adoption de la loi de 1987, et en dépit des progrès enregistrés sous son impulsion, ce taux demeurait inférieur à celui prescrit par les textes. Aux yeux de la majorité présidentielle, cette situation justifiait que de nouvelles mesures soient prises de façon à ce que soit renforcé l’engagement des employeurs en faveur du respect des obligations légales pesant sur eux. C’était l’un des objets, et non des moindres, du titre III de la loi du 5 septembre 2018.

Mais ce n’était pas le seul. Celui-ci, on le sait, contenait bien d’autres mesures destinées à faire progresser l’insertion professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap en même temps qu’il réformait le cadre d’intervention des entreprises adaptées, appelées, suivant la volonté du Gouvernement, à jouer un rôle plus déterminant dans la réduction du taux de chômage de ces personnes, conformément à la stratégie « Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022 ».

A.   la simplification de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapÉs

1.   Les dispositions de la loi

● L’article 67 a procédé à une importante refonte du régime de l’OETH dans le secteur privé.

Il a certes réaffirmé la règle, inscrite à l’article L. 5212-2 du code du travail, exigeant de tout employeur occupant au moins vingt salariés qu’il emploie des bénéficiaires de l’OETH dans la proportion de 6 % de l’effectif total de ses salariés ([310]), mais il a prévu que ce taux serait révisé tous les cinq ans, « en référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population active et à leur situation au regard du marché du travail », après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Qui sont les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ?

Aux termes de l’article L. 5212-13 du code du travail, bénéficient de l’obligation d’emploi instituée à l’article L. 5212-2 du même code :

– les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

– les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % ;

– les titulaires d’une pension d’invalidité, à condition que l’invalidité des intéressés réduise au moins de deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

– les anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité ;

– sous certaines conditions, les veuves et orphelins de guerre, mères veuves non remariées ou mères célibataires d’enfants décédés par fait de guerre, épouses d’invalides internés pour aliénation mentale imputable à un service de guerre ;

– les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d’une allocation ou d’une rente d’invalidité attribuée en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service ;

– les titulaires d’une carte d’invalidité ;

– les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés.

Il a, par ailleurs, modifié l’article L. 5212-3 du même code pour faire en sorte que le seuil de vingt salariés entraînant l’assujettissement à l’OETH s’apprécie dorénavant au niveau de l’entreprise, lieu de décision des politiques de ressources humaines, et non plus, comme auparavant, au niveau de l’établissement dans le cas d’une entreprise à établissements multiples, ce qui devait avoir pour effet de faire croître le nombre d’entreprises entrant dans le champ d’application du dispositif.

Un exemple pour illustrer l’impact de la réforme sur le calcul
du seuil d’assujettissement à l’OETH

Prenons l’exemple d’une entreprise composée d’un établissement siège de 70 salariés et de dix agences employant chacune 15 salariés. Elle emploie donc 220 salariés au total.

Avant la réforme, seul l’établissement siège était assujetti à l’OETH et devait, à ce titre, employer 4 travailleurs handicapés (70 x 6 % = 4,2 arrondi à 4).

Avec la réforme, l’entreprise tout entière – siège + agences – est assujettie à l’OETH. Elle doit employer 13 travailleurs handicapés (220 x 6 % = 13,2 arrondi à 13).

Il a, au demeurant, substantiellement réécrit l’article L. 5212-5 dudit code aux fins de prévoir que la déclaration par l’employeur de sa situation au regard de l’OETH se ferait au moyen de la déclaration sociale nominative (DSN) prévue à l’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale et non plus auprès de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). La simplification du processus déclaratif s’imposait sans conteste tant le système antérieur apparaissait lourd et complexe, comme le Gouvernement l’expliquait dans l’étude d’impact dans des termes non équivoques :

« Le système d’information gérant la déclaration d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés est à bout de souffle, inadapté à un processus de gestion industrialisé et centralisé, mal documenté, mal contrôlé, peu évolutif et générateur :

En résumé, à travers la réécriture de l’article L. 5212-5, il s’agissait d’« offrir aux entreprises un " guichet unique de déclaration " » ([312]) mais aussi « de fiabiliser les données contenues dans la déclaration d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés et de faciliter les contrôles » ([313]).

Fait notable, l’article 67 a, en outre, sensiblement aménagé les modalités d’acquittement de l’OETH – définies aux articles L. 5212-6 et suivants du code du travail – dans le but de favoriser l’embauche directe de travailleurs handicapés, quelles que soient la durée et la nature de leur contrat (contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, contrat d’intérim, stage, mise en situation en milieu professionnel...).

À cette fin, il a ôté à l’employeur la faculté de s’acquitter partiellement de son obligation en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile, des établissements ou services d’aide par le travail ou des travailleurs indépendants handicapés ([314]).

Au surplus, s’il n’a pas mis fin à la possibilité reconnue à l’employeur de s’acquitter de son obligation en faisant application d’un accord agréé par l’autorité administrative prévoyant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés, il a néanmoins limité la durée de validité d’un tel accord à trois ans, renouvelable une fois ([315]). Du reste, un décret en date du 27 mai 2019 ([316]) a modifié le contenu de l’accord en question, celui-ci devant comprendre un plan d’embauche et un plan de maintien dans l’emploi financés à hauteur du montant de la contribution que l’employeur aurait payée à défaut de la conclusion dudit accord ([317]).

Il n’a pas non plus mis un terme au droit ouvert à l’employeur de s’acquitter de son obligation en versant au fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés – géré par l’Agefiph – une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de l’obligation qu’il aurait dû employer ([318]). Il a même enrichi le droit existant en précisant que tout employeur qui n’aurait pas satisfait à son obligation devrait s’en acquitter en versant une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires qu’il aurait dû employer.

Modalités de calcul de la contribution annuelle versée au fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés prévu
à l’article L. 5214-1 du code du travail

Aux termes de l’article D. 5212-20 du code du travail, la contribution annuelle, avant déductions, est égale au produit :

1. du nombre de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi manquants ;

2. par les montants suivants :

– 400 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés ;

– 500 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 250 à moins de 750 salariés ;

– 600 fois le salaire horaire minimum de croissance brut pour les entreprises de 750 salariés et plus.

En revanche, il a revu les modalités de modulation du montant de la contribution susmentionnée. Il a notamment prévu que pourraient être déduites de ce montant les dépenses supportées directement par l’entreprise afférentes à des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services passés avec des entreprises adaptées, des établissements ou services d’aide par le travail et des travailleurs indépendants handicapés ([319]). Ainsi la réforme devait‑elle aboutir à ce que le recours des entreprises à ces structures soit valorisé différemment. Toutefois, était-il indiqué dans l’étude d’impact, « la volonté de ne pas les déséquilibrer [devait conduire] à rechercher un mode de valorisation dans l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés qui soit neutre et qui n’ait pas d’impact sur les commandes des entreprises auprès [desdites] structures » ([320]).

On notera que l’article 67 a aussi réduit le champ des dépenses déductibles qui n’incombent pas à l’entreprise en application d’une disposition législative ou réglementaire à celles qui sont destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ([321]).

Les dépenses déductibles du montant de la contribution annuelle
mentionnées à l’article L. 5212-11 du code du travail

Aux termes de l’article D. 5212-23 du code du travail, ces dépenses sont relatives :

– à la réalisation de diagnostics et de travaux afin de rendre les locaux de l’entreprise accessibles aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi ;

– au maintien dans l’emploi au sein de l’entreprise et à la reconversion professionnelle de bénéficiaires de l’obligation d’emploi par la mise en œuvre de moyens humains, techniques ou organisationnels compensatoires à la situation de handicap, à l’exclusion des dépenses déjà prises en charge ou faisant l’objet d’aides financières délivrées par d’autres organismes ;

– aux prestations d’accompagnement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi et aux actions de sensibilisation et de formation des salariés réalisées par d’autres organismes pour le compte de l’entreprise afin de favoriser la prise de poste et le maintien en emploi des bénéficiaires de l’obligation d’emploi.

Toutes ces mesures, guidées par un double souci de modernisation et de simplification des règles alors en vigueur, devaient favoriser la hausse de l’emploi direct des travailleurs handicapés et, plus globalement, celle du taux d’emploi de ces travailleurs. À cet égard, on rappellera qu’avant le vote de la loi, 26 % des établissements assujettis à l’OETH s’acquittaient de leur obligation en recourant à l’emploi direct uniquement, 52 % s’en acquittaient en recourant à la fois à l’emploi direct, à l’emploi indirect et en versant une contribution à l’Agefiph et 22 % ne recouraient pas du tout à l’emploi direct ([322]).

Enfin, on n’omettra pas de rappeler que l’article 67 a imposé à tous les employeurs, y compris ceux occupant moins de vingt salariés, de déclarer l’effectif total des bénéficiaires de l’OETH qu’ils emploient, de telle sorte que soit mieux connue la réalité de l’emploi des personnes handicapées dans le pays ([323]).

● Par cohérence avec l’article 67, qui a, à côté des modifications précédemment évoquées, transféré aux organismes de recouvrement des différents régimes de sécurité sociale le contrôle du respect de l’OETH, l’article 71 a prévu que les caractéristiques de l’emploi des salariés de l’entreprise (c’est-à-dire le fait qu’ils sont bénéficiaires de l’OETH) seraient renseignées dans la DSN ([324]).

● Par symétrie avec le même article 67, les articles 72 à 74 ont fait évoluer, pour le moderniser, le cadre juridique de l’OETH dans le secteur public, en tenant naturellement compte des spécificités du secteur. Ces articles, de même que les articles du code du travail qu’ils ont modifiés, ont cependant été abrogés par l’article 90 de la loi du 6 août 2019 ([325]), qui en a transféré le contenu, en le modifiant néanmoins, au sein de la loi du 13 juillet 1983 ([326]). Ils ne font donc pas l’objet d’une évaluation dans le cadre du présent rapport.

2.   L’impact des mesures adoptées

D’une manière générale, la refonte du régime de l’OETH a été accueillie positivement par le monde de l’entreprise et le milieu associatif spécialisé. Le maintien de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés à hauteur de 6 % des effectifs dans les entreprises comptant a minima vingt salariés, la recherche d’une hausse de la part du taux d’emploi direct dans le taux d’emploi global des travailleurs en question, la simplification des démarches administratives pour les employeurs, pour ne citer que ces exemples, ont dans l’ensemble été salués par les interlocuteurs des rapporteures. Il ne fait pas de doute, et beaucoup l’ont dit, que les modifications portées par la loi du 5 septembre 2018 ont favorisé, dans de nombreuses structures, la prise en compte des enjeux touchant à l’insertion professionnelle de cette catégorie de travailleurs, ce qui constitue évidemment un motif de satisfaction.

L’aide à la mobilisation des employeurs pour l’embauche des travailleurs handicapés (AMEETH) : une mesure efficace du plan de relance (*)

Instituée dans le cadre du plan de relance mis en œuvre dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, l’AMEETH est attribuée aux employeurs pour l’embauche des personnes ayant la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins trois mois, pour une rémunération inférieure ou égale à deux fois le salaire minimum horaire de croissance.

Elle s’applique aux embauches réalisées par une entreprise ou une association, indépendamment de leur taille, entre le 1er septembre 2020 et le 31 décembre 2021. Y sont éligibles les employeurs mentionnés à l’article L. 5134-66 et aux 6° et 7° de l’article L. 5424-1 du code du travail établis sur le territoire national, à l’exception des établissements publics administratifs, des établissements publics industriels et commerciaux et des sociétés d’économie mixte. Les particuliers employeurs n’y sont pas non plus éligibles.

Son montant s’élève au plus à 4 000 euros par salarié. Il est versé à l’employeur trimestriellement sur une année par l’Agence de services et de paiement pour le compte de l’État.

L’aide n’est pas cumulable avec une autre aide de l’État liée à l’insertion, l’accès ou le retour à l’emploi (parcours emploi compétences, contrat initiative emploi, aide au poste, aide à l’alternance, emploi franc, etc.) au titre du salarié concerné. En revanche, elle est cumulable avec les aides de l’Agefiph.

D’après le ministère du travail, sa mise en place aurait permis près de 27 000 recrutements au 15 janvier 2022 : un tiers des personnes a plus de 50 ans ; une personne sur deux est une femme ; les deux tiers des contrats conclus sont des contrats à durée indéterminée.

(*) Voir le décret n° 2020-1223 du 6 octobre 2020 instituant une aide à l’embauche des travailleurs handicapés.

● Bien entendu, il est encore un peu tôt pour tirer les enseignements d’une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2020, d’autant que la crise sanitaire a retardé la mise en œuvre de certaines de ses dispositions. Sans surprise, on ne connaît pas déjà l’évolution, depuis cette date, du nombre de travailleurs handicapés employés par les entreprises du secteur privé, ni du nombre de travailleurs handicapés employés par les entreprises du secteur privé assujetties à l’OETH. On sait toutefois, grâce aux informations transmises par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), que le nombre d’entreprises du secteur privé assujetties à l’OETH est passé de 99 700 en 2018 à plus de 100 600 en 2021, cette progression étant le fruit du changement des règles de calcul du seuil d’assujettissement présenté plus haut.

Hélas, il n’est guère possible, pour le moment, d’apprécier les effets de ladite réforme sur le taux d’emploi des travailleurs handicapés, pas plus que sur les modalités par lesquelles les employeurs s’acquittent de l’OETH. Tout au plus sait‑on que le volume des accords agréés par l’autorité administrative conclus par les entreprises est demeuré stable ([327]). Symétriquement, il est difficile d’évaluer l’impact de la réforme sur le taux de chômage de cette catégorie de travailleurs. À ce propos, il ressort des données communiquées aux rapporteures que la baisse qu’a connue ce taux à compter de l’année 2018 s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année 2020, les demandeurs d’emploi en situation de handicap représentant alors 7,8 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi, contre 8,6 % un an auparavant ([328]), et même au-delà ([329]).

Cette évolution doit être analysée avec prudence car, si l’on en croit l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), elle résulte notamment d’un fort recul du nombre de personnes sans emploi en recherche active d’emploi pendant les périodes de restrictions de déplacement. Quoi qu’il en soit, nul n’ignore que les demandeurs d’emploi en situation de handicap continuent d’être particulièrement exposés à des difficultés d’insertion professionnelle et touchés par le chômage de longue durée. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent rester pleinement mobilisés sur ces questions, comme ils l’ont été au cours des années écoulées.

CaractÉristiques des demandeurs d’emploi

Source : Agefiph, Observatoire de l’emploi et du handicap, Emploi et chômage des personnes handicapées, octobre 2021, p. 7.

● S’il faudra sans doute attendre encore quelques mois pour que puisse être dressé un premier état des lieux fiable des conséquences en tous genres de la rénovation du cadre juridique de l’OETH, il n’en reste pas moins vrai qu’elle a d’ores et déjà fait émerger un certain nombre d’interrogations, identifiées comme autant de points de vigilance pour l’avenir. Les rapporteures souhaitent évoquer ici les principales d’entre elles.

En premier lieu, plusieurs de leurs interlocuteurs, issus du milieu associatif principalement, ont fait valoir que la suppression de la possibilité ouverte aux employeurs de s’acquitter partiellement de l’OETH par la conclusion de contrats de fourniture, de soustraitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile, des établissements ou services d’aide par le travail ou des travailleurs indépendants handicapés présentait le risque de fragiliser ces structures, par ailleurs mises à rude épreuve au plus fort de la crise sanitaire. Et pour cause, aux dires de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, à la veille de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, près de 60 % des entreprises adaptées réalisaient de la sous-traitance ou des prestations in situ et en retiraient en moyenne un peu plus de 35 % de leur chiffre d’affaires quand 44 % d’entre elles réalisaient à la fois de la sous-traitance et des prestations in situ ([330]).

Selon la DGEFP, certaines entreprises ont cru à tort, au lendemain de l’adoption du texte, que le recours aux secteurs adapté et protégé n’avait plus d’intérêt au regard de l’OETH alors même que, depuis son entrée en vigueur, les dépenses supportées directement par les entreprises afférentes à des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services passés avec ces mêmes structures sont valorisées, certes différemment.

Le Gouvernement s’était engagé à ce que la modification du droit soit neutre, d’un point de vue économique, pour les acteurs de ces deux secteurs. Il conviendra de s’assurer que tel aura bien été le cas.

En deuxième lieu, la plupart des personnes entendues par les rapporteures ont insisté sur le caractère potentiellement déstabilisateur pour les entreprises de la disparition programmée des accords agréés prévoyant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel à destination des travailleurs handicapés. La DGEFP a reconnu qu’ils étaient un outil efficace pour « entrer dans la politique en faveur du handicap » ([331]) mais qu’ils ne constituaient cependant pas un levier susceptible d’être utilisé sur le long terme en raison de son trop faible impact sur l’emploi direct de ces travailleurs. Il est évident, en tout état de cause, que les entreprises signataires de tels accords devront être étroitement accompagnées au moment de leur disparition. L’Agefiph, à qui ce rôle reviendra en partie, a développé un certain nombre de solutions pour conseiller les entreprises de différente taille dans la conception et la conduite d’actions au bénéfice desdits travailleurs. D’autres initiatives bienvenues ont vu le jour, telle la création de la plateforme « Mon Parcours Handicap ». Elles ne manqueront pas, toutes autant qu’elles sont, de servir à l’avenir.

En troisième et dernier lieu, la quasi-totalité des interlocuteurs des rapporteures a appelé de ses vœux la réécriture, quand ce n’était pas la suppression pure et simple, de la liste des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulière (ECAP) (voir ci-après), emplois dont la présence dans l’entreprise entraîne la modulation à la baisse du montant de la contribution versée au titre de l’OETH.

À cet égard, le législateur a opportunément invité les branches professionnelles à engager des négociations en vue d’élaborer des propositions pour réviser une liste conçue à la fin des années quatre-vingt ([332]) et qui, de toute évidence, est à la fois obsolète et source de stigmatisation pour les personnes handicapées, considérées à tort comme incapables d’effectuer nombre de tâches ([333]).

Ce travail n’a, pour l’heure, pas abouti. Les rapporteures en prennent acte mais ne peuvent imaginer que la loi reste lettre morte tant la révision de la liste des ECAP, à défaut de sa suppression, apparaît nécessaire et cohérente avec l’objectif de promotion d’une société plus inclusive.

Liste des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulière (ECAP)

(article D. 5212-25 du code du travail)

Numéro de la nomenclature

Intitulé de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnellesemplois salariés d’entreprise (PCS-ESE)

389b

Officiers et cadres navigants techniques et commerciaux de l’aviation civile

389c

Officiers et cadres navigants techniques de la marine marchande

480b

Maîtres d’équipage de la marine marchande et de la pêche

526e

Ambulanciers

533a

Pompiers

533b

Agents techniques forestiers, gardes des espaces naturels, exclusivement pour les gardes‑chasse et les gardes-pêche

534a

Agents civils de sécurité et de surveillance, excepté les gardiens d’usine et les gardiens de nuit

534b

Convoyeurs de fonds, gardes du corps, enquêteurs privés et métiers assimilés

546a

Contrôleurs des transports (personnels roulants)

546b

Hôtesses de l’air et stewards

546e

Autres agents et hôtesses d’accompagnement (transports, tourisme)

553b

Vendeurs polyvalents des grands magasins

624d

Monteurs qualifiés en structures métalliques

621a

Chefs d’équipe du gros œuvre et des travaux publics

621b

Ouvriers qualifiés du travail en béton

621c

Conducteurs qualifiés d’engins de chantiers du bâtiment et des travaux publics

621e

Autres ouvriers qualifiés des travaux publics

621g

Mineurs de fond qualifiés et autres ouvriers qualifiés des industries d’extraction (carrières, pétrole, gaz...)

632a

Maçons qualifiés

632c

Charpentiers en bois qualifiés

632e

Couvreurs qualifiés

641a

Conducteurs routiers et grands routiers

641b

Conducteurs de véhicules routiers de transport en commun

643a

Conducteurs livreurs et coursiers

651a

Conducteurs d’engins lourds de levage

651b

Conducteurs d’engins lourds de manœuvre

652b

Dockers

654b

Conducteurs qualifiés d’engins de transport guidés (sauf remontées mécaniques)

654c

Conducteurs qualifiés de systèmes de remontées mécaniques

656b

Matelots de la marine marchande

656c

Capitaines et matelots timoniers de la navigation fluviale

671c

Ouvriers non qualifiés des travaux publics et du travail du béton

671d

Aides-mineurs et ouvriers non qualifiés de l’extraction

681a

Ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment

691a

Conducteurs d’engins agricoles ou forestiers

692a

Marins pêcheurs et ouvriers de l’aquaculture

B.   les autres mesures en faveur de l’insertion des personnes handicapÉes

Le législateur ne s’est pas contenté, avec la loi du 5 septembre 2018, de donner un nouveau souffle à l’OETH. À côté de cela, il a adopté plusieurs autres mesures destinées à favoriser l’insertion professionnelle mais aussi sociale des personnes en situation de handicap.

● Tout d’abord, il a, à l’article 68, entendu faciliter le recours au télétravail des travailleurs handicapés – plus précisément des bénéficiaires de l’OETH énumérés à l’article L. 5212-13 du code du travail – et des proches aidants mentionnés à l’article L. 113-1-3 du code de l’action sociale et des familles. À cette fin, il a modifié l’article L. 1222‑9 du code du travail pour prévoir :

– que l’accord collectif relatif au télétravail ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur devrait préciser les modalités d’accès des travailleurs en question à une organisation en télétravail ;

– que, en l’absence d’accord collectif ou de charte, l’employeur qui refuserait de répondre favorablement à une demande de recours au télétravail émanant d’une personne relevant de l’une ou l’autre de ces catégories se verrait obligé de motiver sa décision.

Faciliter le recours au télétravail apparaît évidemment comme un choix empreint de bon sens, à plus forte raison dans le contexte actuel. Mais il ne faut pas surestimer l’appétence des travailleurs handicapés pour ce mode d’organisation du travail. Certains y voient en effet, aux dires des représentants associatifs et syndicaux, un obstacle à une parfaite intégration professionnelle, voire un vecteur de mise à l’écart, et même d’isolement. Cela explique certainement qu’ils soient plus réservés que les autres travailleurs quant à la perspective de sa généralisation. Une étude réalisée en avril 2021 par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) pour l’Agefiph montrait ainsi que 53 % d’entre eux seulement se disaient favorables au développement massif du télétravail, soit 30 points de moins que l’ensemble des salariés ([334]). Il n’y a là rien d’étonnant lorsque l’on sait que la crainte d’être davantage isolées constituait la première source d’inquiétude des personnes interrogées, devant les considérations sanitaires et économiques ([335]).

● Le législateur a ensuite décidé, à l’article 69, qu’un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap serait installé dans les entreprises employant au moins 250 salariés. Si le dispositif existait déjà dans certaines structures avant le vote de la loi, son introduction en bonne et due forme dans le code du travail – à l’article L. 5213‑6‑1 – a naturellement constitué un pas dans la bonne direction. Aujourd’hui, il est largement perçu comme un facteur de progrès pour la situation des personnes en situation de handicap dans le monde professionnel, à tel point que 96 % des salariés interrogés par l’IFOP pour le compte de l’Agefiph dans le cadre d’une autre étude réalisée au début de l’année 2021 considéraient l’obligation de désignation d’un référent handicap comme une « bonne chose » ([336]). Pour autant, et de manière quelque peu surprenante en apparence, ce dernier n’est pas toujours identifié comme l’interlocuteur idoine pour évoquer les problématiques liées au handicap (le médecin du travail l’étant davantage), sauf par les travailleurs handicapés eux‑mêmes. Cela vient en partie du fait qu’il demeure inconnu de trop nombreux salariés ([337]), ce qui doit conduire les entreprises à communiquer davantage sur le sujet.

Au-delà, la clé du succès du dispositif réside très probablement dans l’amélioration de la formation de ce nouvel acteur et dans la professionnalisation de son action, comme cela a été dit à de multiples reprises aux rapporteures. Dans cette optique, l’Agefiph met à disposition un certain nombre d’outils pour bien appréhender les différentes formes de handicap et adapter la prise en charge, d’une part, et propose des modules de formation à l’échelle des territoires, d’autre part. Ces initiatives, indispensables, méritent d’être saluées. Elles devront être évaluées à moyen terme et faire l’objet d’ajustements en tant que de besoin.

On ne connaît pas avec exactitude le nombre de référents handicap. Ils étaient au minimum 1 300 au printemps 2021 ([338]). Ils sont probablement un peu plus nombreux à présent. Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible, pour l’heure, de savoir dans quelle mesure les entreprises employant au moins 250 salariés respectent la loi. Mais cela pourrait changer le jour où le recensement des référents handicap au moyen de la DSN évoqué par la DGEFP sera possible ([339]). Les rapporteures espèrent que cette évolution interviendra à un horizon proche, de sorte que les entreprises récalcitrantes soient incitées à agir en responsabilité. Car, outre son utilité pour les travailleurs handicapés déjà en poste, le dispositif pourrait, à terme, favoriser la hausse du taux d’emploi de ces travailleurs.

● Aux articles 80 et 81, enfin, le législateur a transposé deux directives de l’Union européenne visant, pour la première, à améliorer l’accessibilité pour les personnes handicapées des sites internet des organismes relevant du secteur public ([340]) et, pour la seconde, à faciliter l’accès des personnes atteintes d’un handicap visuel à certaines œuvres protégées ([341]).

Fondamentales, les dispositions introduites dans notre corpus juridique par la loi du 5 septembre 2018 ne peuvent malheureusement faire l’objet d’une évaluation dans le cadre du présent travail, les rapporteures n’ayant pas reçu d’éléments d’information exploitables à cette fin. Cela est regrettable car ces questions revêtent des enjeux capitaux. Il conviendra donc de s’assurer que les dispositions évoquées plus haut auront bel et bien trouvé une application concrète.

C.   le renforcement du cadre d’intervention des entreprises adaptÉes

1.   Les dispositions de la loi

● L’article 76 a procédé à une importante révision des dispositions encadrant l’intervention des entreprises adaptées.

Premièrement, il a réécrit l’article L. 5213-13 du code du travail pour prévoir que l’agrément de ces entreprises par l’État – en l’espèce, le préfet de région – prendrait la forme d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ([342]), lequel remplacerait le contrat d’objectifs triennal (COT), afin de leur donner plus de visibilité, notamment s’agissant du soutien financier sur lequel elles peuvent compter.

Deuxièmement, il a introduit à l’article L. 5213-13-1 un certain nombre de règles nouvelles :

– celle, d’abord, selon laquelle ces entreprises doivent contribuer au développement des territoires et promouvoir un environnement économique inclusif favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap ;

– celle, ensuite, selon laquelle elles doivent orienter leur recrutement en direction des personnes qui se trouvent éloignées ou même exclues du marché du travail en raison de leur handicap, les conditions du recrutement étant par ailleurs simplifiées ;

– celle, enfin, selon laquelle elles doivent employer des proportions minimale et maximale de travailleurs reconnus handicapés, que l’article D. 521363 du code du travail a fixé à respectivement 55 % et 100 %, alors que l’article L. 5213-13 disposait, avant la réforme, qu’elles devaient compter parmi leurs effectifs de production – et non parmi leurs effectifs globaux – 80 % de travailleurs handicapés au minimum.

Troisièmement, il a simplifié le cadre juridique du soutien financier de l’État à destination de ces entreprises en substituant à l’aide au poste forfaitaire et à la subvention spécifique, toutes deux prévues à l’article L. 5213-19 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 septembre 2018, une aide financière unique chargée de contribuer « à compenser les conséquences du handicap et des actions engagées liées à [l’emploi des travailleurs handicapés] ».

Précisions sur le régime de l’aide financière versée aux entreprises adaptées
(article R. 5213-76 du code du travail)

L’emploi des personnes mentionnées à l’article L. 5213-13-1 ou l’accomplissement de la mission prévue à l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire auprès des personnes détenues reconnues travailleurs handicapés ayant signé un acte d’engagement par les entreprises adaptées ouvre droit à une aide financière dans la limite de l’enveloppe financière fixée par l’avenant au contrat conclu avec le préfet de région.

Le montant de l’aide financière contribuant à compenser les conséquences du handicap et des actions engagées liées à l’emploi des travailleurs reconnus handicapés peut varier pour tenir compte de l’impact du vieillissement de ces travailleurs ou de l’implantation en milieu pénitentiaire de l’entreprise adaptée. L’aide est versée mensuellement à l’entreprise pour chaque poste de travail occupé en proportion du temps de travail effectif ou assimilé. Le cas échéant, le montant de l’aide est réduit à due proportion du temps de travail effectif ou assimilé d’occupation des postes.

Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé du budget fixe le montant de l’aide prévue au présent article. Chaque année, cette aide est revalorisée en fonction de l’évolution du salaire minimum de croissance. Cet arrêté peut fixer à Mayotte un montant spécifique des aides financières en fonction de l’évolution du salaire minimum de croissance en vigueur à Mayotte.

● Parallèlement à la révision de ces dispositions de portée générale, le législateur a adopté trois articles ayant vocation à dynamiser l’activité du secteur.

Le premier, l’article 77, devait permettre aux personnes détenues en situation de handicap de participer à une activité professionnelle dans le cadre du travail adapté afin de favoriser l’acquisition par ces dernières d’une expérience professionnelle propice à la réinsertion. Les mesures réglementaires ayant été prises au printemps 2021, le dispositif ne peut faire l’objet d’une évaluation à ce jour. Le ministère du travail a néanmoins fait savoir aux rapporteures que dix entreprises adaptées, occupant 150 ETP ([343]), devraient exercer en milieu pénitentiaire durant la phase pilote de deux ans qui s’est ouverte avec la publication des décrets, le 31 mars 2021 ([344]).

Les deuxième et troisième, les articles 78 et 79, prévoyaient la mise en œuvre, jusqu’au 31 décembre 2022, de deux dispositifs expérimentaux destinés à favoriser la mobilité professionnelle des travailleurs handicapés vers les autres entreprises, en recourant au contrat à durée déterminée (dispositif baptisé « CDD tremplin ») dans le premier cas, en facilitant l’émergence de structures de travail temporaire tournées vers les travailleurs handicapés et capables de promouvoir en situation de travail les compétences et acquis de l’expérience de ces travailleurs auprès des employeurs autres que des entreprises adaptées dans le second cas.

2.   L’impact des mesures adoptées

Il est un peu tôt pour évaluer l’impact de la réforme du cadre d’intervention des entreprises adaptées, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, d’autant que sa mise en œuvre s’est rapidement inscrite dans le contexte de la crise sanitaire, ainsi que n’ont pas manqué de le souligner les acteurs du secteur reçus par les rapporteures.

● Ce que l’on sait, c’est que le nombre de travailleurs handicapés employés par des structures relevant de cette catégorie a légèrement diminué entre 2019 et 2020, passant de 37 366 à 36 781 (– 1,5 %), et que le nombre d’entreprises adaptées s’élevait à 704 en 2021, soit 10 % de moins que deux ans plus tôt. Selon la DGEFP, cette diminution ne doit cependant pas être interprétée comme un recul de leur présence sur le territoire. En réalité, elle s’explique par le fait qu’un seul CPOM regroupe l’ensemble des établissements d’un même organisme signataire sur un territoire régional donné alors que, sous le régime antérieur, chaque établissement concluait un COT.

Ce que l’on constate, par ailleurs, c’est que les services de l’État accordent une importance croissante à la qualité de l’accompagnement des travailleurs handicapés par les entreprises adaptées, dont les engagements en la matière sont formalisés dans les CPOM, ce dont on ne peut que se féliciter.

● Il faudra patienter encore quelques temps pour mesurer les effets de la réforme sur l’évolution du profil des personnes recrutées par les entreprises adaptées. À l’heure actuelle, le seul enseignement que l’on peut tirer, c’est que le public bénéficiaire du dispositif dit « CDD tremplin » est plus féminin (+ 7 points) et plus jeune que le public traditionnellement employé par ces entreprises.

Il faudra également attendre pour être en capacité d’apprécier les conséquences de la réforme sur la mobilité des salariés desdites entreprises et savoir si l’inscription de leur intervention dans une logique plus entrepreneuriale que par le passé aura joué favorablement sur l’insertion professionnelle des salariés en question. L’évaluation en cours des expérimentations évoquées plus haut, toutes deux prorogées jusqu’au 31 décembre 2023, constituera un éclairage utile à cet égard. Ce qui ressort des premiers éléments d’information transmis par la DGEFP, c’est que les entreprises adaptées, une fois passé le pic de la crise sanitaire et économique qui les a durement touchées ([345]), se sont progressivement saisies des possibilités offertes par la loi.

À compter du second semestre de l’année 2020, le nombre d’entreprises habilitées à conclure un « CDD tremplin » a régulièrement augmenté pour atteindre près de 340 aujourd’hui ([346]). Quant au nombre de contrats de ce type conclus depuis le lancement de l’expérimentation, il s’élève à plus de 2 800. Si, de l’aveu de la DGEFP, ce nombre n’est pas à la hauteur des ambitions initiales, il faut espérer que la situation évolue positivement en 2022 à la faveur de la reprise économique.

Source : Agefiph, Observatoire de l’emploi et du handicap, Emploi et chômage des personnes handicapées, octobre 2021, p. 12.

Bien plus réduit est le nombre d’organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire (EATT) puisqu’on en recense simplement une quinzaine ([347]). Mais cela vient en partie du fait que le dispositif a vu le jour plus récemment. En tout état de cause, sa mise en œuvre a permis la conclusion de 254 contrats en 2020 et de plus de 220 au cours des quatre premiers mois de l’année 2021. Il faut espérer, là encore, que la tendance à la hausse observée depuis plusieurs mois se poursuive en 2022.

Les rapporteures tiennent à saluer l’action conduite par le Gouvernement en faveur des entreprises adaptées depuis le début du quinquennat en général, et dans le contexte de la crise sanitaire en particulier. Elles se félicitent que des moyens budgétaires adéquats aient été dégagés pour accompagner la transformation du cadre d’intervention de ces entreprises et voient notamment dans la création du fonds d’accompagnement à la transformation des entreprises adaptées (FATEA) une excellente initiative.

Appel à projets financés par le FATEA (année 2021)

Le soutien aux entreprises adaptées au titre de l’appel à projets lancé en 2021 s’articule autour de trois axes d’intervention prioritaires :

 Axe d’intervention prioritaire n° 1 : soutenir le développement du volume d’affaire dans les entreprises adaptées : soutien à l’investissement productif, ingénierie financière (prospection financière et montage de tours de table financiers), stratégie marketing, prospection commerciale, appui à la réponse individuelle ou collective aux achats inclusifs (commande publique ou privée avec ou sans clauses sociales) en lien avec toutes les filières favorisant les synergies entre les entreprises adaptées elles-mêmes et avec les autres entreprises du milieu ordinaire de travail ;

 Axe d’intervention prioritaire n° 2 : créer et professionnaliser la fonction ressources humaines (RH) mutualisée entre entreprises adaptées, en particulier par la création d’emplois partagés. Cet axe vise à doter ou consolider les RH dédiées à l’ingénierie de parcours des salariés reconnus travailleurs handicapés (par exemple, développement de la formation ou constitution d’un vivier) ;

 Axe d’intervention prioritaire n° 3 : créer des emplois de façon ciblée dans les entreprises adaptées : création d’activité dans des territoires peu ou pas dotés en entreprises adaptées (EA nouvelles, EATT, EA en établissement pénitentiaire).

Source : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/appel_a_projets_fatea_2021.pdf.

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Le manque de recul rend malaisée l’évaluation des principales mesures relatives à l’entreprise inclusive. Est-ce à dire que rien n’a changé entre le moment de l’adoption de la loi et le moment où ces lignes ont été écrites ? Assurément pas. Les rapporteures observent ainsi avec satisfaction que la perception des entreprises, des salariés et du grand public sur l’emploi des personnes en situation de handicap a évolué dans le bon sens au cours des années récentes. C’est en effet ce qui ressort du baromètre de l’Agefiph publié en décembre 2020 sur la question. On y apprend que les dirigeants d’entreprise étaient, cette année-là, moins nombreux à juger difficile le recrutement d’une personne handicapée (62 %, – 9 points par rapport à 2019) et, symétriquement, plus nombreux à se dire prêts à en embaucher davantage (67 %, + 9 points par rapport à 2019) ([348]). On y apprend, en outre, qu’une proportion significative d’employeurs (trois dirigeants sur quatre) disait voir dans l’emploi de ces personnes une opportunité, voire une source de progrès pour l’organisation et l’entreprise ([349]). Tout cela est évidemment encourageant.

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Enfin, les rapporteures constatent, réponse de la DGEFP à l’appui, que les mesures réglementaires nécessaires à l’application des dispositions du chapitre Ier du titre III de la loi ont été prises, à l’exception d’un décret relatif à la taxation d’office des entreprises ne remplissant par leurs obligations en matière d’emploi des travailleurs handicapés, qui devrait être publié prochainement.


II.   les mesures relatives au dÉtachement des travailleurs et À la lutte contre le travail illÉgal

Au cours des années récentes, le législateur a modifié à plusieurs reprises le cadre juridique du détachement des travailleurs aux fins de lutter plus efficacement contre les fraudes et la concurrence sociale déloyale. La loi du 5 septembre 2018 l’a, pour sa part, fait évoluer dans une triple perspective : adapter les exigences administratives pour certaines situations de détachement peu « fraudogènes », sanctionner plus sévèrement les manquements des entreprises aux règles de droit, combattre avec plus de fermeté le travail illégal.

Si les mesures contenues dans la loi ont été saluées par les représentants des secteurs particulièrement concernés par le détachement des travailleurs
– l’agriculture et le bâtiment et les travaux publics (BTP) notamment –, beaucoup d’entre elles, il faut le reconnaître, n’ont pas encore produit tous leurs effets et sont donc difficilement évaluables. Cela s’explique naturellement par leur caractère récent. Mais cela vient aussi du fait que le nombre de travailleurs détachés sur le territoire national a connu une baisse significative en 2020 en raison de la crise sanitaire. Il n’est donc guère surprenant qu’il soit malaisé, même au début de l’année 2022, de porter une appréciation quantitative et plus encore qualitative sur nombre de ces mesures.

A.   l’Adaptation des exigences administratives pour certaines situations de dÉtachement

1.   Les dispositions de la loi

Depuis la loi du 10 juillet 2014 ([350]), l’employeur qui détache un salarié en France est tenu, en application des I et II de l’article L. 1262-2-1 du code du travail, d’adresser une déclaration préalable à l’inspection du travail et de désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle. Or, à la veille de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Gouvernement faisait le constat que le renforcement des exigences et formalités administratives nécessaires au contrôle du détachement des travailleurs – qui ne se résumait pas aux éléments susmentionnés – avait certes produit des effets positifs en termes de lutte contre la fraude mais que leur « caractère général et indifférencié » ([351]) n’en pesait pas moins sur l’activité habituelle et normale des entreprises. Il faisait valoir, plus précisément, que « cette législation [avait] pu faire l’objet de difficultés d’application et d’incompréhension par les partenaires institutionnels et économiques européens, qui interviennent de façon récurrente en France en cherchant de bonne foi à se conformer aux normes sociales et formalités administratives nationales » et que, du reste, « ces formalités administratives n’apparaiss[aient] pas systématiquement pertinentes et utiles à l’action de contrôle dans des secteurs et pour des activités peu soumises au dumping social ou à des atteintes aux droits des salariés détachés » ([352]).

Aussi les articles 89 à 91 de la loi avaient-ils pour objet d’assouplir le cadre juridique alors en vigueur en aménageant les procédures de déclaration dans un certain nombre de cas particuliers.

● L’article 89 a inséré dans le code du travail un article L. 1262-6 aux fins de dispenser des obligations prévues aux I et II de l’article L. 1262-2-1 les employeurs ayant recours au détachement, hormis pour compte propre ([353]), pour des prestations et opérations de courte durée ou dans le cadre d’événements ponctuels et dont les salariés exercent une activité dans certains secteurs définis par arrêté du ministre chargé du travail ([354]).

En application de l’article 1er de l’arrêté du 4 juin 2019 établissant la liste des activités mentionnées à l’article L. 1262-6 du code du travail, les travailleurs concernés sont :

1° Les artistes, dans les domaines du spectacle vivant, de la production et diffusion cinématographique et audiovisuelle et de l’édition phonographique dans la mesure où les interventions des salariés ou la présence sur le territoire national justifiées par l’exécution des prestations ne dépasse pas quatre-vingt-dix jours sur douze mois consécutifs. Cette exemption exclut les activités de montage ou de démontage d’équipements ou d’installations provisoires, de restauration, de transport, de surveillance et de sécurité des sites dédiés aux manifestations mentionnées au présent alinéa ;

2° Les sportifs, les arbitres, membre de l’équipe d’encadrement des sportifs, délégués officiels rattachés à la pratique ou l’organisation dans le cadre de manifestations sportives, dans la mesure où les interventions ou la présence sur le territoire national justifiées par l’exécution des prestations ne dépasse pas quatre-vingt-dix jours sur douze mois consécutifs. Cette exemption exclut les activités de montage ou de démontage d’équipements ou d’installations provisoires, de restauration, de transport, de surveillance et de sécurité des sites dédiés aux manifestations sportives ;

3° Les apprentis en mobilité temporaire dans une entreprise ou un établissement situé en France au sens des articles L. 6222-42 à L. 6222-44 dans le cadre de leur formation théorique ou pratique, en exécution d’une convention tripartite ou, à défaut d’une telle convention, lorsque la présence de l’apprenti n’est pas liée à la réalisation d’une prestation sur le territoire national à laquelle il participe. Cette exemption est applicable dans la mesure où la présence sur le territoire national justifiée par la mobilité ne dépasse pas douze mois consécutifs ;

4° Les colloques, séminaires et manifestations scientifiques ainsi que les activités d’enseignement dispensées, à titre occasionnel, par des professeurs et chercheurs invités, dans la mesure où les interventions ou la présence sur le territoire national justifiées par l’exécution des prestations ne dépasse pas douze mois consécutifs.

Il a également ouvert la voie à ce que les mêmes employeurs bénéficient d’adaptations pour l’application de l’article L. 1263-7, qui leur impose d’être en mesure de présenter à l’inspection du travail, sur le lieu de réalisation de la prestation, des documents traduits en langue française permettant de vérifier qu’ils respectent les règles du code du travail en matière de détachement temporaire de salariés.

● L’article 90 a inséré dans le même code un article L. 1263-8 reconnaissant à l’autorité administrative, saisie par un ou plusieurs employeurs détachant de manière récurrente des salariés, hormis pour compte propre ([355]), la faculté d’aménager, pour une durée maximale d’un an, les modalités selon lesquelles les obligations prévues aux I et II de l’article L. 1262-2-1 et à l’article L. 12637 sont satisfaites dès lors que sont apportées les informations attestant du respect des dispositions constituant le « noyau dur » des droits des salariés énumérées à l’article L. 1262-4.

Qu’est-ce que le « noyau dur » des droits des salariés ?
(I de l’article L. 1262-4 du code du travail)

L’employeur détachant temporairement un salarié sur le territoire national lui garantit l’égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national, en assurant le respect des dispositions légales et des stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :

1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;

4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

5° Exercice du droit de grève ;

6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

8° Rémunération au sens de l’article L. 3221-3, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants ;

10° Travail illégal ;

11° Remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondants à des charges de caractère spécial inhérentes à sa fonction ou à son emploi supportés par le salarié détaché, lors de l’accomplissement de sa mission, en matière de transport, de repas et d’hébergement.

● L’article 91 a supprimé l’obligation pour l’employeur détachant un ou plusieurs salariés pour son propre compte (cas prévu au 3° de l’article L. 1262‑1 du code du travail) d’adresser une déclaration préalable à l’inspection du travail et de désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national.

Ces différentes mesures de simplification administrative, précisées par un décret du 4 juin 2019 ([356]), devaient permettre « de développer la compétitivité de la France dans un contexte économique international extrêmement concurrentiel et de favoriser les échanges, la production et l’innovation entre les États » ([357]). Elles devaient aussi conduire certaines entreprises à faire des économies, les formalités et exigences administratives s’imposant à elles représentant un coût financier et humain non négligeable.

2.   L’impact des mesures adoptées

● De l’avis de la direction générale du travail (DGT), il est, pour le moment, difficile de mesurer l’impact que ces dispositions ont eu sur l’évolution du nombre de travailleurs détachés en France en raison du peu de recul disponible. On sait néanmoins que ce nombre a fortement diminué en 2020 – à hauteur de 25 % – du fait de la crise sanitaire et de ses conséquences sur les mouvements de personnes dans l’Union européenne. On sait également que le taux de croissance annuel des détachements de travailleurs dans notre pays s’établissait auparavant à 6 % environ, après avoir atteint 10 % et même 50 % entre 2016 et 2017.

Selon la DGT, c’est dans le secteur du spectacle que la dispense de déclaration préalable à l’inspection du travail et de désignation d’un représentant de l’entreprise sur le territoire national chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle devrait avoir les effets les plus marqués. Mais il est encore trop tôt pour noter une quelconque évolution en la matière. Tout au plus est-il établi que le nombre de déclarations de détachement dans ce secteur était demeuré stable entre 2018 et 2019 (aux alentours de 5 900 chaque année).

● Il est, par ailleurs, difficile de suivre l’évolution des manquements au « noyau dur » des droits des salariés. Les manquements non contrôlés ne sont évidemment pas comptabilisés. Surtout, ce ne sont pas les manquements eux‑mêmes mais les suites administratives ou pénales qui y sont données qui sont enregistrées, étant observé qu’une sanction peut concerner plusieurs manquements. À cet égard, il apparaît que le nombre de sanctions prononcées à la suite de manquements substantiels a eu tendance à augmenter depuis 2017 (sauf en 2020). Mais il est très compliqué, lorsque l’on essaye de comprendre l’origine du phénomène, de savoir dans quelle mesure il est le résultat des comportements des entreprises, d’un côté, et de l’intensification de l’action de l’inspection du travail, d’un autre côté.

● Il est malaisé, au demeurant, d’évaluer précisément les conséquences des dispositions présentées plus haut sur l’action de l’inspection du travail même s’il y a des raisons de penser que l’assouplissement des règles devrait lui permettre de prioriser ses interventions sur les activités les plus sujettes à la fraude.

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Les rapporteures observent que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 90 de la loi n’a pas été pris. Elles savent que sa rédaction suppose un important travail préalable de concertation avec les États étrangers, que la crise sanitaire a retardé pour des raisons faciles à comprendre. Elles n’en forment pas moins le vœu que ce travail puisse être finalisé dans les meilleurs délais de sorte que le décret paraisse et que la mesure puisse enfin entrer en vigueur.

B.   le renforcement des outils de contrÔle et de l’effectivitÉ des sanctions administratives

1.   Les dispositions de la loi

● À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 92 a supprimé la contribution forfaitaire – dite « droit de timbre » – dont tout employeur établi hors de France détachant un salarié sur le territoire national devait s’acquitter en vertu de l’article L. 1262-4-6 du code du travail pour compenser les coûts de mise en place et de fonctionnement du système dématérialisé de déclaration et de contrôle ([358]). Le législateur a fait œuvre utile en abrogeant un dispositif demeuré inappliqué du fait des contraintes techniques fortes tenant au recouvrement des sommes dues et générateur, au surplus, d’une « grande inquiétude chez les employeurs établis à l’étranger pour la réalisation de prestations de services en France » ([359]).

Parallèlement, il a adopté un certain nombre de mesures destinées à renforcer l’arsenal de contrôle et de sanctions des comportements prohibés par le code du travail.

● À l’article 95, il a rehaussé le montant maximal des amendes administratives – défini à l’article L. 1264-3 – encourues par l’employeur qui détache des salariés, en premier lieu, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, en second lieu, en cas de manquement à leurs obligations respectives visées aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2. De 2 000 euros au plus par salarié détaché, ce montant a été porté à 4 000 euros au plus. Par cohérence, le montant maximal de l’amende sanctionnant la réitération a été multiplié par deux également et est passé de 4 000 euros à 8 000 euros. En outre, le délai pendant lequel la réitération peut être constituée a été fixé à deux ans, contre un an auparavant.

● À l’article 96, il a imposé au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services détachant des salariés de vérifier que celui-ci s’est acquitté, le cas échéant, du paiement des sommes dues au titre des amendes administratives. Il a, de surcroît, ouvert aux agents de contrôle de l’inspection du travail le droit d’enjoindre à l’employeur qui ne se serait pas acquitté du paiement des sommes dues au titre des mêmes amendes de faire cesser la situation dans un certain délai. Enfin, il a inséré dans le code du travail un article L. 1263-4-2 aux fins de permettre à l’autorité administrative d’ordonner l’interdiction d’une prestation de services pour une durée de deux mois renouvelable à l’employeur étranger détachant des salariés qui ne se serait pas acquitté du paiement des amendes administratives déjà notifiées, cette sanction apparaissant comme « la plus dissuasive à la main de l’autorité administrative en cas de manquement du prestataire » ([360]).

● À l’article 97, il a supprimé le caractère suspensif des recours formés contre les titres de perception des amendes.

D’après le Gouvernement, ces mesures devaient permettre « de réprimer plus fortement et de dissuader plus efficacement les manquements au " noyau dur " des droits garantis aux salariés détachés (salaire minimum, repos, durée maximale de travail, conditions d’hébergement) d’une part, et d’assurer le recouvrement plus systématique des amendes administratives infligées aux entreprises étrangères d’autre part » ([361]).

2.   L’impact des mesures adoptées

● Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la hausse du montant maximal des amendes encourues par les entreprises irrespectueuses du cadre légal sur l’évolution du montant moyen des amendes effectivement prononcées par l’autorité administrative ou sur le nombre de manquements recensés. La DGT fait toutefois observer que ce montant moyen se situait déjà à un niveau élevé compte tenu des consignes de fermeté communiquées aux services et admet que les modifications apportées au dispositif visaient en réalité « moins à augmenter mécaniquement le montant moyen qu’à sécuriser les montants [...] prononcés et à donner plus de latitude aux services pour prononcer les amendes au niveau adéquat » ([362]).

Elle indique, par ailleurs, que de nombreux donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage ont mis en place un suivi renforcé des obligations pesant sur eux, ce qui constitue évidemment un facteur de progrès.

Évolution du nombre de dÉclarations
et du nombre d’amendes entre 2015 et 2019

Source : direction générale du travail.

● De son côté, le taux de recouvrement des amendes est demeuré stable puisqu’il est passé de 54 % en 2016 à 55 % en 2019 ([363]). Mais cela ne doit pas susciter d’inquiétude particulière dans la mesure où, de l’aveu de la DGT elle‑même, le taux était « très élevé » à la veille de l’adoption de la loi, en tout cas bien supérieur aux prévisions initiales.

Il convient de souligner qu’un certain nombre d’obstacles a pu empêcher que ce taux atteigne 100 % jusqu’à présent, et ce en dépit de la faculté reconnue à l’autorité administrative d’ordonner l’interdiction d’une prestation de services sur le territoire national, pourtant dissuasive. D’abord, une part importante des entreprises sanctionnées a formé un recours contre les décisions de l’autorité administrative. Il est vrai que le recours n’est plus suspensif, mais cette disposition a rencontré quelques difficultés de mise en œuvre, si bien que le recouvrement des sommes dues a pu connaître, même après le vote de la loi, un retard de plusieurs mois. Ensuite, un certain nombre d’entreprises sanctionnées a fait le choix de ne plus détacher de salariés en France. À cet égard, il ressort des conclusions d’un travail exploratoire de croisement des données relatives aux déclarations (SIPSI) et au recouvrement (CHORUS) que, sur les 2 253 entreprises étrangères sanctionnées entre 2015 et 2020, 305 (soit 13 % seulement) ont de nouveau détaché un ou plusieurs salariés en 2021, parmi lesquelles 68 (soit 3 %) n’avaient pas payé au moins une amende précédemment notifiée.

En définitive, si l’interdiction mentionnée plus haut présente assurément un caractère dissuasif, elle ne suffit pas à prévenir les manquements des entreprises ou à garantir un taux de recouvrement parfait des amendes. Un axe de progrès consisterait peut-être, comme le suggère la DGT, dans la mise en œuvre de la procédure de recouvrement transfrontalier prévue à l’article 15 de la directive 2014/67 UE ([364]), procédure qui présente l’avantage de permettre la sanction des entreprises qui décident de ne plus détacher de salariés en France.

C.   la consolidation de l’arsenal juridique de lutte contre le travail illÉgal

1.   Les dispositions de la loi

● L’article 98 a étendu à toutes les situations de fraudes constatées en matière de travail illégal la possibilité reconnue à l’autorité administrative de prononcer la fermeture d’une entreprise sous la forme d’une cessation temporaire d’activité. Plus précisément, il a modifié l’article L. 8272-2 du code du travail aux fins que celui-ci prévoie que, lorsque l’activité de l’entreprise est exercée « dans tout lieu autre que son siège ou l’un de ses établissements, la fermeture temporaire prend la forme d’un arrêt de l’activité de l’entreprise sur le site dans lequel a été commis l’infraction ou le manquement ».

Selon le Gouvernement, cette modification s’imposait pour mieux lutter contre les situations de travail illégal identifiées dans certains secteurs autres que le secteur du BTP, dans lequel la mesure s’appliquait déjà. Ainsi, étaient notamment susceptibles d’être concernées ([365]) :

– les entreprises de mise à disposition de travailleurs détachés intérimaires dans des exploitations agricoles ;

– les entreprises des secteurs de la propreté ou du gardiennage intervenant dans l’enceinte d’un établissement industriel ;

– les entreprises intervenant dans divers salons et foires au gré de leur calendrier pour y accomplir des actes de commerce dans le secteur alimentaire ;

– les entreprises organisant des spectacles vivants.

● L’article 99 a complété l’article L. 8221-3 du même code pour y faire figurer un nouveau cas d’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité, composante du travail illégal, constituée dès lors que l’employeur se prévaudrait « des dispositions applicables au détachement de salariés [alors qu’il] exerce[rait] dans l’État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou [alors qu’il exercerait] son activité [...] sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ».

Le Gouvernement reconnaissait, dans l’étude d’impact, que ce dispositif ne constituait pas « une véritable création juridique mais une simple liaison entre les articles relevant des fraudes au détachement et les dispositions existantes en matière de lutte contre le travail illégal » ([366]). Il faisait valoir, au demeurant, que « [l]’option retenue vis[ait] à simplifier l’appréhension des règles du détachement de salariés, et les éléments constitutifs d’un recours frauduleux » ([367]).

● L’article 102 a modifié l’article L. 8224-3 dudit code afin de rendre obligatoire – mais pas automatique, le juge conservant une marge d’appréciation pour satisfaire au respect du principe constitutionnel d’individualisation des peines – le prononcé de la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision de condamnation du chef de travail dissimulé lorsque l’infraction est commise, par une personne physique ou morale, en bande organisée.

Avec cette modification, le Gouvernement entendait « accroître le caractère dissuasif de la sanction du travail dissimulé dans les cas les plus graves » ([368]), la peine complémentaire n’étant quasiment jamais prononcée par le juge avant le vote de la loi.

● L’article 103 a inséré dans le code du travail deux articles conférant à l’inspection du travail de nouvelles prérogatives pour lutter plus efficacement contre le travail illégal.

Le premier, l’article L. 8113-5-1, l’autorise à obtenir, au cours de ses visites, communication de tout document comptable ou professionnel ou tout autre élément d’information propre à faciliter l’accomplissement de sa mission, mais aussi à en prendre copie immédiate, par tout moyen et sur tout support. Au surplus, il lui reconnaît expressément la faculté d’accéder à un certain nombre de données informatisées.

Le second, l’article L. 8113-5-2, lui ouvre le droit d’obtenir, sans que s’y oppose le secret professionnel, communication de tout document, renseignement ou élément d’information utile à l’accomplissement de sa mission détenu par un tiers, sur le modèle du régime applicable aux services fiscaux.

De toute évidence, à la veille de l’adoption de la loi, l’inspection du travail disposait de prérogatives trop limitées pour mener à bien sa mission de lutte contre le travail illégal, alors même qu’elle était le deuxième service verbalisateur dans ce domaine (25 % des procédures relevées), derrière la gendarmerie. Force est de reconnaître, en effet, que le droit de communication sur lequel elle pouvait alors s’appuyer était à la fois « obsolète » et « extrêmement limité » ([369]), ce qui justifiait que le législateur fasse évoluer les règles. Et ce d’autant plus qu’il est généralement admis, ainsi que le faisait valoir à juste titre le Gouvernement, que la lutte contre le travail illégal produit un cercle vertueux : « le rétablissement des conditions d’une concurrence loyale encourage les employeurs respectueux de leurs obligations à investir et augmenter les salaires, en éliminant le dumping social produit par les fraudeurs [tandis que] le meilleur recouvrement des recettes fiscales et cotisations sociales assure un financement soutenable des services publics et de la protection sociale en évitant d’en faire reposer la charge sur les seules entreprises vertueuses » ([370]).

2.   L’impact des mesures adoptées

Il faut reconnaître que ces mesures ont, jusqu’à présent, produit des résultats limités.

● En premier lieu, il semble que le dispositif ouvrant à l’autorité administrative le droit de prononcer la fermeture d’une entreprise sous la forme d’une cessation temporaire d’activité n’ait toujours pas connu d’application concrète en dehors du secteur du BTP. Néanmoins, la DGT a fait savoir aux rapporteures que la modification de la loi n’avait pas été dépourvue d’effets pour autant. Dans le document qu’elle leur a transmis, elle indique que huit fermetures ont été notifiées en 2019 contre trois en 2017 et observe que, « [l]à où la mesure a été mise en œuvre, l’impact a été très significatif, avec des effets très favorables audelà des entreprises sanctionnées sur l’ensemble de la profession » ([371]). Les rapporteures demeurent convaincues, à l’instar des personnes qu’elles ont interrogées sur le sujet, que la mesure présente un réel caractère dissuasif.

Elles n’ignorent pas que la crise sanitaire a conduit l’inspection du travail à faire porter son action en priorité sur l’identification des situations de fraude à l’activité partielle, pour des raisons aisément compréhensibles. Il n’empêche qu’elles forment aujourd’hui le vœu qu’elle soit en mesure de diriger son action, au cours de la période qui s’ouvre, en direction des situations de fraude constatées dans des secteurs autres que celui du BTP.

● En deuxième lieu, et sans surprise, l’ajout dans le code du travail d’un cas d’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité, codification de la jurisprudence antérieure, n’a pas eu d’effet tangible à proprement parler.

● En troisième lieu, il est difficile d’évaluer l’impact direct du durcissement des règles applicables en matière d’affichage ou de diffusion des décisions de condamnation pour travail dissimulé commis en bande organisée sur l’évolution du nombre recensé d’infractions de cette nature. Toutefois, la DGT constate que les tribunaux appliquent davantage la peine complémentaire que par le passé, trente‑quatre décisions de justice impliquant des personnes physiques ou morales ayant été publiées sur le site internet du ministère du travail depuis le mois de novembre 2019.

● En quatrième et dernier lieu, il apparaît que l’inspection du travail fait une utilisation hétérogène des nouveaux pouvoirs d’enquête qu’elle tient de la loi. Si une partie des agents des unités régionales d’appui et de contrôle chargées de la lutte contre le travail illégal (URACTI) s’en sont pleinement emparés, ce qui est une bonne chose compte tenu de leur utilité pour déjouer les fraudes susceptibles de causer des préjudices considérables, d’autres ne se les sont pas encore véritablement appropriés. Il est logique que cela prenne du temps car les agents doivent modifier leurs méthodes de travail, ce qui suppose qu’ils soient formés en conséquence. À cet égard, les rapporteures ont appris qu’un module de formation devait être conçu et déployé en 2020 mais que la crise sanitaire avait empêché que le calendrier soit respecté. Aussi espèrent-elles que cette initiative pourra prochainement voir le jour.


III.   les mesures relatives À l’ÉgalitÉ professionnelle entre les femmes et les hommes et À la lutte contre le harcÈlement sexuel et les agissements sexistes au travail

Énoncé à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, promu par l’Organisation internationale du Travail dès le début des années cinquante dans une convention ratifiée par la France en 1952, inscrit à l’article 119 du Traité de Rome du 25 mars 1957, le principe « à travail égal, salaire égal » a été introduit dans notre corpus législatif par la loi du 22 décembre 1972 ([372]), dont l’article 1er, rédigé dans des termes très proches de ceux de l’actuel article L. 3221-2 du code du travail, imposait à tout employeur « d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ».

Toutefois, ni cette règle, consacrée il y a maintenant cinquante ans, ni les dispositions adoptées à sa suite dans le but de favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne sont parvenues à gommer totalement les écarts de rémunération. Certes, la situation des femmes sur le marché du travail s’est améliorée au fil du temps. Mais, de toute évidence, pas suffisamment. À la veille de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Gouvernement faisait ainsi le constat selon lequel « la rémunération annuelle nette moyenne des femmes [était] toujours de plus de 25 % inférieure à celle des hommes » ([373]). Il indiquait que cette situation s’expliquait pour l’essentiel par des facteurs objectivables, telle la surreprésentation des femmes dans les rangs des travailleurs à temps partiel, mais qu’une part résiduelle de l’écart, estimée à 10,5 %, n’en demeurait pas moins inexpliquée.

Aussi, pour que le principe évoqué plus haut ne reste pas simplement un objectif mais devienne bel et bien une réalité, pour que disparaissent enfin les inégalités de salaires injustifiées – celles qui ne peuvent être expliquées par des variables non discriminatoires – entre les femmes et les hommes, il était nécessaire « de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats » ([374]).

Tel était l’objet de l’article 104 de la loi, support d’un dispositif nouveau et ambitieux, l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et composante essentielle du chapitre IV du titre III du texte objet de la présente évaluation, chapitre dans lequel se trouvaient également plusieurs dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail.

A.   l’index de l’ÉgalitÉ professionnelle entre les femmes et les hommes

1.   Un nouvel outil au service de la promotion de l’égalité professionnelle

L’article 104 a inséré au titre IV du livre Ier de la première partie du code du travail, relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un chapitre II bis comportant un ensemble de mesures visant à supprimer les écarts de rémunération.

Celui-ci s’ouvre sur un article L. 1142-7, qui fait obligation à l’employeur de prendre en compte « un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ». Si l’objectif s’applique à tous les employeurs, indépendamment de la taille de l’entreprise, il s’accompagne d’obligations nouvelles pour les seules entreprises de plus de 50 salariés.

● En application de l’article L. 1142-8, ces dernières sont désormais tenues de publier chaque année des indicateurs relatifs :

– aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ;

– aux actions mises en œuvre pour les supprimer.

La méthodologie de calcul des indicateurs, qui constituent ce que l’on appelle communément « l’index de l’égalité professionnelle », et les modalités de leur publication sont précisées par décret.

Pour les entreprises de 50 à 250 salariés, ces indicateurs, au nombre de quatre, sont les suivants ([375]) :

– l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d’âge et par catégorie de postes équivalents ;

– l’écart de taux d’augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

– le pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période dudit congé ;

– le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, on compte un indicateur supplémentaire, relatif à l’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ([376]).

Les résultats sont exprimés en pourcentage et convertis en points, le nombre maximal de points étant fixé à 100, conformément aux annexes I et II du décret du 8 janvier 2019 ([377]).

Un premier exemple : les modalitÉs de calcul de l’indicateur relatif
À l’Écart de taux d’augmentations individuelles entre les femmes
et les hommes (entreprises de 50 À 250 salariÉs)

INDICATEUR

MÉTHODE DE CALCUL

RÉSULTATS OBTENUS

NOMBRE DE POINTS

Écart de taux d’augmentations individuelles entre les femmes et les hommes (2° de l’article D. 1142‑2-1)

a) Les taux d’augmentations des femmes et des hommes sont calculés, en pourcentage, comme la proportion de salariés augmentés au cours de la période de référence. Sont prises en compte toutes les augmentations individuelles (1), qu’elles correspondent ou non à une promotion.

b) L’écart absolu de taux d’augmentations est égal à la valeur absolue de la différence entre le taux d’augmentations des hommes et le taux d’augmentations des femmes.

c) L’écart en nombre de salariés est obtenu en appliquant l’écart absolu de taux d’augmentations calculé au b, au nombre de femmes, ou au nombre d’hommes pris en compte dans le calcul, en choisissant le plus petit de ces deux nombres.

d) L’écart en points de pourcentage et le nombre de salariés sont arrondis à la première décimale.

e) Le barème est appliqué à l’écart en points de pourcentage et à l’écart en nombre de salariés, et le résultat correspondant au nombre de points le plus élevé est retenu.

Inférieur ou égal à 2 points de %

Ou à 2 salariés

35 points

Supérieur à 2 et inférieur ou égal à 5 points de %

Ou supérieur à 2 salariés et inférieur ou égal à 5 salariés

25 points

Supérieur à 5 et inférieur ou égal à 10 points de %

Ou supérieur à 5 salariés et inférieur ou égal à 10 salariés

15 points

Supérieur à 10 points de % ou plus de 10 salariés

0 point

(1) La notion d’augmentation individuelle correspond à une augmentation individuelle du salaire de base du salarié concerné.

Source : Annexe II du décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019.

Un second exemple : les modalitÉs de calcul de l’indicateur relatif
au nombre de salariÉs du sexe sous-représentÉ parmi les dix
salariÉs ayant perçu les plus hautes rÉmunÉrations
(entreprises de plus de 250 salariÉs)

INDICATEUR

MÉTHODE DE CALCUL

RÉSULTATS OBTENUS

NOMBRE DE POINTS

Nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations (5° de l’article D. 1142-2)

L’indicateur est le plus petit des deux nombres suivants : le nombre de femmes et le nombre d’hommes parmi les salariés ayant perçu les dix plus hautes rémunérations (nombres compris entre 0 et 10).

4 ou 5 salariés

10 points

2 ou 3 salariés

5 points

0 ou 1 salarié

0 point

Source : Annexe II du décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019.

Le niveau de résultat obtenu par l’entreprise est publié annuellement sur son site internet, s’il en existe un, au plus tard le 1er mars de l’année en cours, au titre de l’année précédente ([378]). À cette obligation, prévue dès l’origine, s’ajoutent celles posées par le décret du 10 mars 2021 ([379]). Dorénavant, l’entreprise devra non seulement publier la note globale qu’elle a obtenue mais également les résultats afférents à chacun des indicateurs de l’index. Du reste, ces résultats devront apparaître de « manière visible et lisible » sur son site internet, précaution qui vise à éviter qu’elle communique les informations en question sur des pages peu accessibles. Ils devront rester consultables jusqu’à la publication effectuée l’année suivante.

Avec la loi du 24 décembre 2021 ([380]), issue d’une initiative de notre collègue Marie-Pierre Rixain, la transparence exigée de l’entreprise franchira une nouvelle étape, ce que les rapporteures saluent.

L’évolution du cadre juridique de l’index de l’égalité professionnelle résultant
de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer
l’égalité économique et professionnelle

L’article 13 de cette loi a procédé à un certain nombre d’aménagements touchant à la publicité des résultats obtenus à l’index par l’entreprise. Il prévoit :

– l’obligation pour l’employeur de publier chaque année l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer ;

– la publication de ces mêmes indicateurs sur le site internet du ministère chargé du travail ;

– lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs se situent en deçà d’un niveau plancher, l’obligation pour l’employeur de publier, par une communication externe et au sein de l’entreprise, les mesures de correction prises pour y remédier ;

– lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs se situent en deçà d’un niveau plancher, l’obligation pour l’employeur de fixer et publier les objectifs de progression de chacun de ces indicateurs.

En l’absence de publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et aux actions mises en œuvre pour les supprimer, les entreprises encourent une pénalité dont le montant, déterminé par l’autorité administrative, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ([381]), ne peut excéder 1 % de la masse salariale brute, en vertu de l’article L. 2242-8 ([382]).

La publication des indicateurs de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : une obligation échelonnée dans le temps

Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 a prévu que cette publication devrait intervenir :

– au plus tard le 1er mars 2019 pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés ;

– au plus tard le 1er septembre 2019 pour les entreprises de plus de 250 et de moins de 1 000 salariés ;

– au plus tard le 1er mars 2020 pour les entreprises de 50 à 250 salariés.

● En application de l’article L. 1142-9, les entreprises dont le niveau de résultat est inférieur à un plancher, fixé à 75 points ([383]), doivent prendre des mesures adéquates et pertinentes de correction des écarts de rémunération et, le cas échéant, programmer des mesures financières de rattrapage salarial. Ces mesures sont arrêtées à l’occasion de la négociation sur l’égalité professionnelle prévue au 2° de l’article L. 2242-1 et, à défaut d’accord collectif, par décision unilatérale de l’employeur, prise après consultation du comité social et économique (CSE).

● En application de l’article L. 1142-10, dès lors que la note globale qu’elles ont obtenue est inférieure à ce plancher, les entreprises disposent d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité avec leurs obligations. Au terme de ce délai, si la note se situe toujours en deçà du niveau mentionné plus haut, l’employeur encourt une pénalité financière dont le montant, déterminé par l’autorité administrative, ne peut, là non plus, excéder 1 % de la masse salariale brute ([384]). Toutefois, les entreprises sont susceptibles de se voir accorder un délai supplémentaire d’un an pour se mettre en conformité avec leurs obligations eu égard aux efforts accomplis en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes et aux motifs de leurs défaillances ([385]).

2.   Un dispositif qui produit des résultats encourageants

Les interlocuteurs des rapporteures, directeurs des ressources humaines, partenaires sociaux, experts, ont unanimement salué la création de l’index de l’égalité professionnelle, tantôt qualifié de grand progrès, tantôt d’outil irremplaçable. Certains, il est vrai, ont reconnu que le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui comportait des lacunes et pourrait en conséquence faire l’objet de quelques aménagements pour gagner en efficacité, ce que les rapporteures pensent également. Tous, en revanche, et cela vaut la peine d’être souligné, ont insisté sur le fait qu’il avait l’immense mérite de permettre l’établissement d’un diagnostic partagé par les acteurs intéressés – direction, CSE, organisations syndicales, etc. – sur la situation en matière d’égalité salariale dans les entreprises, d’autoriser les uns et les autres à « voir les choses », pour reprendre les termes de Mme Sylvie Leyre ([386]), et, in fine, d’inciter les employeurs à prendre des mesures pour réduire, ou dans le meilleur des cas supprimer, les écarts de rémunération.

Les rapporteures se félicitent bien évidemment que l’index ait été perçu, au moment de sa création, comme une avancée majeure. Mais cela ne fait pas tout. Ce qui compte fondamentalement, c’est que les entreprises s’approprient pleinement l’outil et fassent évoluer leurs pratiques au vu de leurs performances.

Or, à l’heure du premier bilan de l’impact de la loi, il ressort des éléments transmis par la DGT que l’outil produit globalement de bons résultats.

● Il apparaît, en premier lieu, que la part des entreprises tenues de publier un index de l’égalité professionnelle qui s’acquittent de leur obligation est en hausse continue depuis la mise en œuvre de la réforme. Au mois de mars 2021, les deux tiers des 40 000 entreprises concernées s’y étaient employées. Au mois de novembre, cette part atteignait 67 % pour les entreprises de 50 à 250 salariés, 90 % pour les entreprises de 250 à 1 000 salariés et 95 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Si cela est assurément encourageant, compte tenu de la jeunesse du dispositif, il n’en est pas moins regrettable qu’une part des entreprises assujetties ne respecte tout simplement pas la loi. Les rapporteures forment le vœu que cette part diminue au plus vite et appellent l’inspection du travail à faire preuve de la plus grande vigilance pour que tel soit bien le cas.

● Il apparaît, en second lieu, que les notes obtenues par les entreprises, toutes catégories confondues, sont en amélioration constante. Cela est particulièrement net pour celles qui comptent plus de 1 000 salariés, dont la note moyenne atteint 88 points en 2021, contre 87,1 en 2020 et 82,9 en 2019.

Évolution de la note moyenne et des notes par indicateur
des entreprises de plus de 1 000 salariÉs

 

2019

2020

2021 (*)

Index

82,9

87,1

88,0

Indicateur « écart de rémunération » (sur 40)

36,7

37,2

37,3

Indicateur « augmentation hors promotion » (sur 20)

18,2

18,8

19,0

Indicateur « promotion » (sur 15)

14,1

14,0

14,3

Indicateur « retour congé maternité » (sur 15)

10,3

13,2

13,5

Indicateur « parité dans les dix meilleures rémunérations » (sur 10)

3,5

3,8

3,9

(*) Au 30 novembre 2021.

Source : direction générale du travail.

Cela se vérifie aussi, quoique dans des proportions légèrement moindres, pour les entreprises comptant 250 à 1 000 salariés, dont la note moyenne s’établit à 85,2 points en 2021, contre 84,5 en 2020 et 82,1 en 2019.

Évolution de la note moyenne et des notes par indicateur
des entreprises de 250 à 1 000 salariÉs

 

2019

2020

2021 (*)

Index

82,1

84,5

85,2

Indicateur « écart de rémunération » (sur 40)

35,8

36,2

36,3

Indicateur « augmentation hors promotion » (sur 20)

17,1

17,4

17,6

Indicateur « promotion » (sur 15)

13,2

13,5

13,6

Indicateur « retour congé maternité » (sur 15)

11,1

12,4

12,6

Indicateur « parité dans les dix meilleures rémunérations » (sur 10)

4,2

4,4

4,5

(*) Au 30 novembre 2021.

Source : direction générale du travail.

Fait notable, pour ces deux catégories d’entreprises, les résultats obtenus pour chacun des indicateurs évoluent dans le bon sens.

Cela est encore vrai, mais de manière sensiblement moins marquée, pour les entreprises employant entre 50 et 250 salariés, dont la note moyenne est passée de 83,4 points en 2020 à 84,5 points en 2021.

ÉVOLUTION DE LA NOTE MOYENNE ET DES NOTES PAR INDICATEUR
DES ENTREPRISES DE 50 À 250 SALARIÉS

 

2020

2021 (*)

Index

83,4

84,5

Indicateur « écart de rémunération » (sur 40)

34,0

34,3

Indicateur « augmentation » (sur 35)

31,9

32,4

Indicateur « retour congé maternité » (sur 15)

10,3

10,3

Indicateur « parité dans les dix meilleures rémunération » (sur 10)

4,5

4,5

(*) Au 30 novembre 2021.

Source : direction générale du travail.

Sans surprise, on observe que la part des entreprises qui obtiennent une note égale ou supérieure à 75 points augmente avec la taille des effectifs. 48 % des entreprises de 50 à 250 salariés sont dans cette situation en 2021 ([387]) contre 93 % des entreprises de plus de 1 000 salariés.

part des entreprises de 50 à 250 salariÉs ayant obtenu
une note inférieure/supÉrieure À 75 points sur 100

 

2020

2021 (*)

NC

43 %

44 %

< 75

9 %

8 %

= ou >75

48 %

48 %

Total

100 %

100 %

(*) Au 30 novembre 2021.

Source : direction générale du travail.

part des entreprises de 250 à 1 000 salariÉs et de plus de 1 000 salariÉs
ayant obtenu une note infÉrieure/supÉrieure À 75 points sur 100

 

251-999 salariés

1000 ou + salariés

2019

2020

2021 (*)

2019

2020

2021 (*)

NC

17 %

15 %

16 %

4 %

3 %

4 %

< 75

16 %

10 %

8 %

17 %

4 %

3 %

= ou > 75

67 %

75 %

76 %

79 %

93 %

93 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

(*) Au 30 novembre 2021.

Source : direction générale du travail.

On observe, par ailleurs, que la part des entreprises de plus de 250 salariés qui obtiennent une note globale égale ou supérieure à 75 points croît dans le temps, ce qui semble être le signe d’une amélioration des pratiques en leur sein.

Cependant, il convient de ne pas tirer de cette évolution des conclusions trop hâtives. Oui, la note globale augmente, ce qui est évidemment positif. Mais cela ne signifie pas que les indicateurs progressent tous au même rythme, loin de là. À cet égard, si les résultats sont bons s’agissant des indicateurs relatifs à l’écart de rémunération et aux écarts de taux d’augmentations individuelles ou de promotions entre les femmes et les hommes, ils le sont nettement moins s’agissant des indicateurs relatifs à la part des salariées ayant bénéficié d’une augmentation dans l’année suivant leur retour de congé de maternité – près de 3 000 entreprises (soit 13 %) ont obtenu une note égale à 0 en 2021 et 171 sont dans cette situation depuis trois ans – ou au nombre de salariés du sexe sousreprésenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations – 26 % des entreprises seulement respectent une parité ou une quasi-parité quand 43 % d’entre elles comptent moins de deux femmes parmi les salariés les mieux rémunérés.

En définitive, les entreprises, toutes catégories confondues, ont obtenu une note moyenne égale à 85 points sur 100 en 2021, soit 1 point de plus qu’en 2020. Du reste, 56 % des mêmes entreprises ont obtenu une note supérieure à 75 points, contre 55 % l’an dernier. 2 % d’entre elles seulement ont obtenu une note égale à 100, ce qui signifie que la quasi‑totalité des entreprises entrant dans le champ d’application du dispositif créé par la loi du 5 septembre 2018 peuvent ou plutôt doivent produire des efforts supplémentaires pour faire progresser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. C’est en tout cas un impératif pour les 56 entreprises dont la note est, depuis trois ans, inférieure à 75 points, ce qui n’est tout simplement pas tolérable.

● Il n’est malheureusement pas possible d’isoler au sein des accords et des plans d’action relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conclus par les entreprises ceux qui contiennent des mesures de correction prises à la suite de la publication d’un index faisant apparaître une note globale inférieure à 75 points. Plus généralement, il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la création de l’index sur la négociation collective en la matière.

On sait néanmoins, grâce aux informations transmises par la DGT, que les entreprises tiennent souvent compte de la note globale qu’elles ont obtenue dans leurs accords et plans d’action lorsqu’il est question de définir des mesures relatives à la rémunération et que, dans la majorité des cas, les mesures correctives décidées par elles portent sur la mise en place d’une enveloppe de rattrapage salarial et l’augmentation des salaires, notamment au retour du congé de maternité.

Deux exemples de l’impact de la création de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur les pratiques des entreprises

L’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conclu le 10 janvier 2020 par un groupe équipementier dans l’automobile définit des actions applicables aux entreprises du groupe dont la note globale obtenue serait inférieure à 75 points. Il prévoit qu’en cas d’écart de salaire injustifié, une régularisation sous la forme d’une évolution de salaire sur deux ans devra être effectuée. En matière de promotion professionnelle, le groupe s’engage à ce que le taux de promotion des femmes dans les différentes sociétés du groupe soit au moins égal à celui constaté pour les hommes sur l’année civile, selon les modalités de calcul prévues pour l’indicateur relatif à l’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes. Le groupe s’engage aussi à procéder à une analyse régulière du positionnement des femmes au-delà des dix plus hautes rémunérations afin de déterminer les actions à mettre en œuvre, notamment en termes de plan de carrière, de recrutement externe ou de revalorisation salariale.

Une autre entreprise du secteur automobile s’est engagée, dans son accord signé le 17 septembre 2020, à équilibrer la répartition des augmentations individuelles entre les femmes et les hommes en sensibilisant les responsables hiérarchiques et gestionnaires de carrières aux obligations légales. L’entreprise prévoit de consacrer une enveloppe budgétaire à la réduction effective des écarts de rémunération. L’accord prévoit, en outre, qu’un entretien spécifique sera accordé aux salariées dans les deux mois suivant leur retour de congé de maternité et qu’il sera vérifié que la rémunération des salariées concernées aura bien été majorée des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle pendant la durée de ce congé.

● Enfin, il ressort des données les plus récentes portées à la connaissance des rapporteures que 466 mises en demeure de se conformer à la loi ont été notifiées à des employeurs par l’inspection du travail – 400 pour défaut de publication de l’index et 66 pour absence de mesures de correction ou mesures de correction insuffisantes – et que 28 pénalités financières ont été prononcées, la grande majorité l’ayant été pour défaut de publication de l’index.

La DGT a reconnu avoir fait preuve de mansuétude dans les premiers temps du contrôle du respect par les entreprises de leurs nouvelles obligations. Elle a indiqué, à cet égard, que celles comptant moins de 250 salariés n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle en 2020 et a rappelé que l’activité de contrôle de l’inspection du travail avait été perturbée cette année-là en raison de l’épidémie de covid‑19. Les rapporteures le comprennent sans difficulté mais n’en considèrent pas moins que l’inspection du travail doit dorénavant faire preuve de la fermeté qui s’impose pour que les entreprises se conforment à leurs obligations légales.

3.   Un dispositif perfectible

Aux yeux des rapporteures, on l’aura compris, l’utilité de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne fait guère de doute. Pour autant, il est naturel que la question de l’amélioration de l’efficacité de l’outil se pose. Nature et modalités de calcul des indicateurs, barème des points obtenus, délai accordé aux employeurs pour se mettre en conformité avec la loi, montant des pénalités encourues, champ d’application du dispositif, autant de sujets sur lesquels les interrogations ne manquent pas, de même que les propositions pour résoudre les difficultés ou combler les insuffisances identifiées.

Les rapporteures estiment que les indicateurs sont, dans l’ensemble, pertinents, que le délai de trois ans laissé aux entreprises pour obtenir 75 points est satisfaisant et que le montant maximal des pénalités est approprié. Néanmoins, il leur semble que quelques aménagements pourraient être apportés au cadre juridique de sorte que l’outil incite davantage encore les entreprises à promouvoir l’égalité en leur sein.

● En premier lieu, il serait sans doute opportun que soit créé, à côté de l’indicateur relatif à l’écart de taux d’augmentations individuelles entre les femmes et les hommes, un indicateur permettant de mesurer l’écart entre le montant des augmentations de salaire accordées aux premières et aux seconds ou, si cela était envisageable, que soit intégrée cette dimension dans le calcul de l’indicateur existant. Le fait que les femmes bénéficient d’augmentations dans des proportions équivalentes ou quasi équivalentes aux hommes ne dit rien sur la physionomie de ces augmentations. En effet, une entreprise obtiendra une bonne note si les salaires des travailleurs des deux sexes croissent de façon similaire ou presque sans que cela ne traduise pour autant nécessairement une égalité de traitement dès lors que ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’indicateur les sommes effectivement versées aux femmes d’une part, aux hommes d’autre part.

● En deuxième lieu, il serait vraisemblablement pertinent que soit révisé le barème du nombre de points obtenus en fonction des résultats afférents à l’indicateur relatif au nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations, de manière à ce que les entreprises vertueuses en ce qui concerne la répartition des salaires les plus élevés entre les femmes et les hommes se voient accorder plus de points qu’à l’heure actuelle. On peut imaginer qu’un changement de cet ordre inciterait un certain nombre d’entre elles à faire évoluer leurs pratiques et à s’attaquer concrètement au problème du « plafond de verre » qui empêche toujours trop de femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités. « La loi ne peut tout résoudre, mais elle peut induire un changement dans les mentalités et les pratiques », faisaient valoir en leur temps M. Jean‑François Copé et Mme Marie-Jo Zimmermann, principaux artisans de la réforme issue de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. Ces mots résonnent toujours avec autant de justesse aujourd’hui.

● En troisième et dernier lieu, il serait tout aussi pertinent que soit revu le barème du nombre de points obtenus en fonction des résultats afférents à l’indicateur relatif au pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation au cours de l’année suivant leur retour de congé de maternité. Le problème se pose ici dans des termes différents. En effet, depuis la loi du 23 mars 2006 ([388]), le code du travail impose que la rémunération ([389]) des salariées revenant d’un congé de cette nature soit majorée « des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise » ([390]). Ajuster la rémunération des salariées qui se trouvent dans la situation évoquée ci‑dessus ne relève donc pas, en théorie, du bon vouloir de l’employeur mais bien d’une obligation légale. Pourtant, nombreuses sont les entreprises qui ne la respectent pas, voire ne la connaissent pas. Cette situation n’est tout simplement pas admissible.

Certaines des personnes entendues par les rapporteures ont appelé de leurs vœux la suppression de cet indicateur au motif qu’il n’était pas justifié que les entreprises puissent obtenir une bonne note alors qu’elles se contentent de respecter la loi. D’autres ont suggéré que soit maintenu l’indicateur, notamment parce qu’il a le mérite de rappeler aux entreprises l’existence de cette obligation, mais que soit modifié le calcul des points. C’est sans doute dans cette direction qu’il faut aller. On pourrait ainsi imaginer que les entreprises dont les pratiques sont en règle au regard du droit du travail obtiennent moins de 15 points. On pourrait aussi imaginer que celles qui se trouvent dans une situation inverse se voient retirer des points. Cela encouragerait peut-être les plus récalcitrantes à adopter un comportement plus vertueux.

4.   Un dispositif à étendre aux entreprises de moins de cinquante salariés ?

Les rapporteures ont constaté que les avis étaient partagés sur l’opportunité d’assujettir les entreprises de moins de cinquante salariés à l’obligation de publication d’un index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il est vrai que l’idée peut paraître séduisante à première vue tant la traduction dans les faits du principe « à travail égal, salaire égal » suppose l’implication de tous les acteurs économiques. Pour autant, il semble peu réaliste de vouloir faire peser sur les structures les plus petites les obligations qui pèsent à ce jour sur les entreprises de plus de cinquante salariés. Il est probable que beaucoup d’entre elles ne seraient tout simplement pas en mesure de calculer les différents indicateurs, et donc d’obtenir une note globale, faute d’effectifs suffisants pour cela. Lorsque l’on sait que le taux d’« incalculabilité » de l’index est supérieur à 60 % dans les entreprises de 50 à 99 salariés ([391]), on devine sans trop de peine qu’il serait vraisemblablement plus élevé encore dans les entreprises de taille plus réduite. Au demeurant, le calcul et la publication d’un index représenteraient incontestablement une charge administrative difficilement supportable pour ces entreprises.

Pour ces raisons, les rapporteures ne souhaitent pas qu’elles soient incluses dans le champ d’application du dispositif. Il faut se souvenir, du reste, que, même dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l’employeur est tenu d’engager au moins une fois tous les quatre ans une « négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération », dès lors que sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives et qu’un délégué syndical est désigné, conformément à l’article L. 2242-1 du code du travail. Et dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de négocier, il incombe tout de même à l’employeur de « prendre en compte les objectifs en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et les mesures permettant de les atteindre », en vertu de l’article L. 1142-5 du même code. Il serait donc faux de penser que l’égalité professionnelle est une préoccupation étrangère aux plus petites entreprises.

B.   la lutte contre le harcÈlement sexuel et les agissements sexistes au travail

Les articles 105 et 106 ont renforcé l’arsenal de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes sur le lieu de travail.

● Le premier a modifié l’article L. 1153-5 du code du travail pour imposer à l’employeur d’afficher dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, en plus des dispositions du code pénal relatives au harcèlement sexuel (article 222-33), le détail des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en la matière et les coordonnées des autorités et services compétents. À l’appui de son choix de légiférer sur le sujet, le Gouvernement faisait remarquer dans l’étude d’impact du projet de loi que l’affichage alors obligatoire « ne comport[ait] pas d’éléments d’information opérationnels visant à permettre à toute personne victime de tels agissements de connaître les voies de recours qui lui sont ouvertes, ni l’ensemble des interlocuteurs adéquats (par exemple, les coordonnées du défenseur des droits) » ([392]).

Quelles sont les autorités et services compétents dont l’adresse et le numéro d’appel doivent être affichés dans les locaux de l’entreprise ?

Aux termes de l’article D. 1151-1 du code du travail, il s’agit :

– du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l’établissement ;

– de l’inspection du travail compétente et de l’inspecteur compétent ;

– du Défenseur des droits ;

– du référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés ;

– du référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le comité social et économique, lorsqu’il en existe un.

Il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact de cette disposition, l’exercice n’étant d’ailleurs pas évident. Sans surprise, les personnes interrogées par les rapporteures l’ont accueillie très favorablement. Certaines d’entre elles ont même relevé que le nombre de signalements liés à des comportements prohibés avait diminué dans certaines entreprises depuis l’entrée en vigueur de la loi, d’autres que les opérations de sensibilisation avaient pris de l’ampleur. Toutes ont insisté sur le caractère absolument primordial de la prévention, à tous les niveaux hiérarchiques, pour faire disparaître les attitudes constitutives de harcèlement sexuel, ce à quoi les rapporteures adhèrent bien évidemment.

L’article 105 a, par ailleurs, posé le principe, dans un nouvel article du code du travail (L. 1153-5-1), de la désignation, dans les entreprises employant au moins 250 salariés, d’un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes et, dans un article existant de ce même code (L. 2314-1), de la désignation parmi les membres du CSE d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, sans donner de détails sur ses missions.

Aucune donnée sur le nombre de référents désignés antérieurement ou postérieurement au vote de la loi n’est disponible, l’information n’étant pas communiquée à l’administration ([393]). Il est donc difficile de savoir si la loi est correctement appliquée en l’espèce. Quand bien même disposerait-on d’éléments chiffrés, il serait sans doute un peu tôt, là encore, pour faire le bilan de l’application du dispositif. Les rapporteures n’en demeurent pas moins convaincues qu’il présente une réelle utilité à la fois en termes de prévention des actes de harcèlement sexuel et en termes d’orientation des personnes qui en sont victimes vers les interlocuteurs idoines, à la condition toutefois que les référents soient correctement formés, ce qu’il est malaisé d’affirmer à l’heure actuelle.

● Le second a complété le 2° de l’article L. 2241-1 du même code aux fins que soit intégré dans la négociation obligatoire de branche relative à l’égalité professionnelle l’enjeu de la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes et que soient mis à la disposition des entreprises des outils pour prévenir et agir contre ces phénomènes.

Les rapporteures, tout à fait favorables à cette évolution, ont pu vérifier auprès de la DGT que la majorité des accords de branche portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comprenait bien des stipulations relatives à la prévention desdits phénomènes, mais elles n’ont pu obtenir d’informations sur la mise à disposition des outils évoqués plus haut, ce qu’elles regrettent. Tout au plus le ministère du travail leur a-t-il indiqué que la Confédération générale du travail (CGT) avait fait remarquer, il y a déjà plusieurs mois, que ce dispositif était alors peu appliqué ([394]). Il est dommage que l’état des connaissances sur le sujet soit aussi limité. Mais cela s’explique très certainement par le caractère récent de la modification législative. Aussi faudra-t-il sans doute attendre quelques années de plus pour que celle-ci porte ses fruits.

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Les rapporteures concluront leurs propos sur ce thème en se félicitant que la France ait ratifié, par l’intermédiaire de la loi du 8 novembre 2021 ([395]), la convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, adoptée le 21 juin 2019, dont les prescriptions doivent guider l’action tant des pouvoirs publics que de l’ensemble des acteurs du monde de l’entreprise, au-delà des seules directions des ressources humaines.

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D’après le ministère du travail, les mesures réglementaires nécessaires à l’application des dispositions du chapitre IV du titre III de la loi ont été prises.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 19 janvier 2022, la commission examine le rapport d’évaluation de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (Mme Catherine Fabre, M. Gérard Cherpion, M. Sylvain Maillard, M. Joël Aviragnet, Mme Carole Grandjean et Mme Michèle de Vaucouleurs, rapporteurs) ([396]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous examinons ce matin le rapport d’évaluation de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui sera présenté par une équipe, parfaitement paritaire, de six rapporteurs au sein de laquelle les quatre principaux groupes de notre commission sont représentés : Catherine Fabre et Gérard Cherpion pour le titre Ier, consacré à la formation professionnelle et à l’alternance ; Sylvain Maillard et Joël Aviragnet pour le titre II, relatif à l’indemnisation du chômage et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi ; Carole Grandjean et Michèle de Vaucouleurs, pour le titre III relatif à l’emploi, à l’entreprise inclusive et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Il s’agit d’une loi de portée majeure qui a procédé à de profondes réformes à la fois en matière de formation professionnelle, de gouvernance, d’organisation des opérateurs, de financement mais aussi, et surtout, en matière d’apprentissage. Jamais, en effet, notre pays n’a compté autant d’apprentis. Elle comprenait également des mesures en matière d’emploi et d’indemnisation du chômage qui sont également évaluées dans ce rapport.

Même si la crise sanitaire a retardé la mise en œuvre de certaines de ces réformes, leur évaluation plus de trois ans après leur adoption semble particulièrement intéressante et utile pour l’ensemble des acteurs concernés ainsi que pour notre commission.

Les travaux de nos rapporteurs et nos débats sur ces questions revêtent une importance toute particulière. C’est pourquoi j’ai souhaité que nous nous réunissions dans les meilleures conditions, en présentiel et non en visioconférence, tout en veillant à tenir compte du contexte sanitaire, ce qui explique donc le choix de la salle Lamartine.

Mme Catherine Fabre, rapporteure pour le titre Ier. Le titre Ier de la loi du 5 septembre 2018 introduit nombre de réformes majeures pour la formation professionnelle et l’apprentissage.

S’agissant de la première et du compte personnel de formation (CPF), l’ambition de la réforme était claire : faire de ce compte un outil accessible et lisible, un droit personnel à la main de ses titulaires dans une logique d’appropriation directe. Avec 984 000 formations suivies en 2020, contre 580 000 en 2017 avant la réforme, nous pouvons affirmer que le pari est réussi.

La modification d’ampleur apportée par la loi fut sans conteste le passage d’un CPF décompté en heures à un CPF en euros, plus simple et qui a permis de sortir d’une vision figée de la formation traditionnellement conçue comme un bloc standardisé d’heures d’enseignement destiné aux apprenants réunis dans une salle de classe. Le développement du CPF a impulsé de nouvelles formes pédagogiques, comme les formations en situation de travail, et surtout, sous l’effet de la crise sanitaire et des différents confinements, les formations à distance.

La volonté du législateur de favoriser des formations plus innovantes se traduit aujourd’hui sur le terrain.

Le succès du CPF se manifeste également par de nombreux téléchargements de l’application et par de nombreuses connexions au portail numérique www.moncompteformation.gouv.fr. Au 31 décembre 2021, l’application avait été téléchargée 3,8 millions de fois, et ce portail avait reçu 16 millions de visites. Force est donc de constater que cette plateforme fait désormais partie du quotidien de nombreux actifs. Il est d’ailleurs prévu qu’elle s’enrichisse au fil du temps de conseils et d’évaluations des formations par les usagers.

Le CPF ainsi rénové avait vocation à attirer certaines franges de la population active qui restaient éloignées de la formation professionnelle comme les femmes, qui représentent désormais 50 % des utilisateurs alors qu’elles étaient sous‑représentées lors de sa création, en partie à cause du travail à temps partiel qui ne leur permettait pas de bénéficier des mêmes droits, ce à quoi la réforme a remédié, ou les salariés les moins qualifiés. Ainsi, l’utilisation du CPF a augmenté de 74 % chez les ouvriers contre 24 % chez les cadres.

Concernant la nature des formations sollicitées dans le cadre du CPF, nous observons toujours une appétence particulière pour le permis de conduire, qui dans de nombreux cas est indispensable pour trouver un emploi, et pour les langues étrangères, bien que celles-ci ne correspondent plus qu’à 17 % des entrées en formation contre 26 % avant la réforme.

Dans le même temps, le CPF est devenu un véritable outil d’accompagnement pour les bénéficiaires aspirant à une reconversion professionnelle puisque les formations entrepreneuriales à destination des créateurs et des repreneurs d’entreprise ont été multipliées par onze entre 2019 et 2020.

La professionnalisation du CPF que le législateur appelait de ses vœux en 2018 représente toujours un enjeu hautement stratégique. Nous en avions la conviction, qui a été confortée par ces travaux d’évaluation : le co‑investissement par les entreprises ou par les branches professionnelles est un moyen prometteur de conseiller et d’inciter les salariés à faire des investissements pertinents pour eux et pour leur secteur d’activité.

La possibilité d’abondements complémentaires, ouverte par la réforme de 2018, ne s’est malheureusement déployée qu’à partir de l’été 2020. Pour autant, certains opérateurs de compétences (OPCO) entendus par la mission s’inscrivent déjà dans cette démarche. Le dialogue social au sein des entreprises et des branches devrait trouver là une véritable opportunité de faire, enfin, de la formation un investissement stratégique.

La mission s’est également attachée à évaluer la portée d’autres dispositifs comme le conseil en évolution professionnelle (CEP), qui offre une prestation de conseil professionnel et d’orientation gratuite à tous les salariés. En 2020, seuls 100 000 actifs occupés en ont bénéficié, car le CEP souffre d’un déficit de notoriété. Au vu de son importance dans l’esprit de la réforme et de l’excellent taux de satisfaction de ceux qui y ont eu recours – 91% –, nous préconisons de fortement renforcer l’information sur le CEP auprès de l’ensemble des salariés et des demandeurs d’emploi.

S’agissant des moyens mis en œuvre pour la transition professionnelle, certains acteurs auditionnés ont regretté que les montants alloués soient inférieurs à ceux destinés préalablement au financement de l’ancien congé individuel de formation (CIF). Cette baisse de budget doit toutefois être relativisée à nos yeux car le projet de transition professionnelle doit être pensé dans le budget global mobilisé par l’intéressé via son investissement individuel à travers le CPF. Elle doit d’autant plus être relativisée que des moyens importants ont été mobilisés pendant la crise pour favoriser les reconversions professionnelles, au travers notamment de la création de nouveaux dispositifs tels que Transitions collectives (Transco).

Je terminerai par un dispositif qui me tient à cœur, la promotion par alternance (Pro‑A). Introduit en 2018, il a la particularité d’être fondé sur l’alternance entre des périodes de formation et l’acquisition de savoir‑faire en entreprise. Cet outil, qui a malheureusement rencontré plusieurs difficultés dans sa mise en œuvre, est au service d’une montée en qualification des salariés en poste. Pour assurer son développement, nous appelons aujourd’hui de nos vœux un élargissement de ses critères d’accès.

En conclusion, la réforme de la formation professionnelle a été très largement perçue comme une réussite par les acteurs entendus par la mission et je crois pouvoir dire, en mon nom et en celui de mon corapporteur, que nous souscrivons à ce constat.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour le titre Ier. La loi de septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel complète et modifie très largement un arsenal législatif reposant en particulier sur les lois de juin 2011 et de mars 2014, avec la volonté de faire de l’apprentissage, et plus généralement de l’alternance, une voie d’excellence et de qualification.

La réforme de 2018 a considérablement modifié les compétences et les flux financiers en replaçant les branches et les entreprises au centre du dispositif, au détriment des régions.

Par ailleurs, les aides aux entreprises pour l’embauche des apprentis ont largement contribué à son succès ces deux dernières années, et il faudra étudier l’impact de l’arrêt ou de la diminution des aides sur l’évolution du nombre d’apprentis à l’issue de la crise que nous traversons.

Les résultats quantitatifs sont indéniables : 525 600 apprentis en 2020, 660 911 en 2021 et un doublement du nombre de centres de formation d’apprentis (CFA) depuis l’entrée en vigueur de la réforme, avec la création de soixante CFA d’entreprise.

Au plan qualitatif, on note une très forte augmentation du nombre d’apprentis post‑bac et un léger tassement des pré‑bac. S’il est intéressant de développer les formations post‑bac, il ne faut pas négliger les formations infra‑bac, qui permettent d’accéder rapidement à l’emploi et d’ouvrir des perspectives de carrière.

La loi de 2018 avait aussi comme objectif la simplification des démarches administratives. Il reste ainsi à harmoniser les systèmes d’information et les pratiques des OPCO, en particulier en ce qui concerne les retours de dossiers et les retards de paiement.

L’application du coût‑contrat semble répondre aux équilibres financiers des CFA. Cependant, son évolution doit être progressive et pluriannuelle : il doit y avoir une visibilité des CFA sur une période plus longue.

Une autre proposition vise à permettre aux CFA d’utiliser leurs réserves à des fins d’investissement. De même, permettre aux régions la fongibilité des fonds d’investissement et de fonctionnement leur donnerait une capacité à agir en proximité et selon les besoins du territoire.

Concernant l’apprentissage à l’étranger et la mobilité internationale, le dispositif Erasmus + est un excellent dispositif qui a montré tout son intérêt. Cependant, si les chiffres sont en baisse, en raison de la pandémie, il reste un frein à lever : celui de l’autorisation de la mise à disposition limitée à quatre semaines. Nous proposons une prolongation de cette période de détachement.

Par ailleurs, les prépas‑apprentissages sont une réussite au niveau quantitatif et qualitatif.

Enfin, je souhaite évoquer l’architecture institutionnelle et financière du nouveau dispositif, et en particulier de France compétences. Si la création d’un nouvel opérateur unique était une idée louable tant elle était nécessaire – nous l’avions indiqué avec Jean‑Patrick Gille dans notre rapport de 2016 –, sa gouvernance reste contestée en raison d’un quadripartisme qui semble déséquilibré. Néanmoins, malgré un contexte difficile et une mise en place complexe, je dois souligner la pugnacité de tous, et en particulier celle du directeur général, en vue de déployer, avec des moyens humains limités, l’action de France compétences.

Si son pilotage financier est clarifié, sa situation financière reste largement déficitaire, environ 7 milliards d’euros cumulés, avant un abondement budgétaire de 2,7 milliards d’euros. Plusieurs raisons à cela : la crise certes, mais aussi la dynamique de l’alternance principalement et une utilisation croissante du CPF. C’est la raison pour laquelle nous proposons de mieux moduler les financements de l’apprentissage. À titre d’exemple, on peut s’interroger sur le financement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.

En conclusion, les résultats de cette réforme qui a bousculé le monde de l’apprentissage sont globalement positifs mais ils nécessitent des ajustements. Nous formulons donc, avec Catherine Fabre, quatorze propositions dans le rapport.

M. Sylvain Maillard, rapporteur pour le titre II. Je remercie le bureau et la présidente de la commission pour la mise en place de ce travail d’évaluation d’une loi riche et emblématique. Si son titre II était un peu moins fourni en nombre d’articles que les titre Ier et III, il était lourd d’implications et d’enjeux. Touchant à la fois à la gouvernance, au financement et aux règles d’ouverture de l’assurance chômage, et comprenant des dispositions concernant les demandeurs d’emploi, il déployait une vision résolument moderne de ce que doit être, à l’avenir, notre protection contre la perte d’emploi.

Moderne, l’idée que le statu quo en termes de gouvernance ne pouvait perdurer. Certaines auditions l’ont rappelé, tout n’était pas rose avant la réforme, bien au contraire. S’il peut être critiqué, le nouveau cadre de concertation a selon moi d’immenses mérites : plus de clarté dans les objectifs fixés au document de cadrage, un équilibre mieux exprimé entre le rôle de l’État et celui des partenaires sociaux et de la place pour la concertation.

Ne nous y trompons pas, l’échec de la négociation en 2019, qui a ensuite donné lieu à la réforme de l’assurance chômage par décret, ne signifie pas que le dispositif est défaillant. L’état du droit antérieur avait lui aussi conduit, parfois, à des blocages.

Si des pistes d’évolution, dont le rapport fait état, existent bel et bien, l’honnêteté commande de dire que peu d’entre elles sont véritablement consensuelles : c’est peut‑être la preuve que l’équilibre trouvé en 2018 n’est pas si facile à revoir. Le MEDEF et la CFDT ont fait des propositions intéressantes mais qui posent aussi des questions de fond.

C’est donc plutôt une maturation de ce nouveau cadre, notamment si la concertation conduite par la ministre du travail Élisabeth Borne auprès des partenaires sociaux aboutit à des positions plus arrêtées, qu’il faut privilégier.

Cette question de la gouvernance n’est évidemment pas sans lien avec la situation financière de l’UNEDIC, qui s’améliore nettement. Les comptes pourraient à nouveau être à l’équilibre dès 2023, malgré une dette qui reste importante : 70 milliards d’euros à cet horizon.

D’un point de vue plus technique, le rapport expose bien les raisons qui ont conduit le Gouvernement et le législateur, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à retenir la contribution sociale généralisée (CSG) comme mode de compensation des baisses de cotisation d’assurance chômage. Si la solution n’est pas dépourvue de complexité en gestion, elle a permis de neutraliser les effets des mesures en faveur du pouvoir d’achat et de l’emploi sur les comptes de l’UNEDIC.

Moderne également, l’ouverture de notre assurance chômage à davantage de salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants. S’il a parfois été de bon ton d’en critiquer les résultats modestes au plan quantitatif, le rapport souligne la difficulté de l’exercice, qui consiste à ouvrir des droits nouveaux et réels sans déstabiliser le cadre et créer trop d’aléas moraux.

De ce point de vue, si les deux dispositifs peuvent naturellement être améliorés, ni leur conception ni leur mise en œuvre n’ont conduit aux errements évoqués à l’époque dans les débats : pas d’explosion des démissions, pas de coût excessif pour l’UNEDIC ni de dénaturation du système d’assurance chômage pour les autres demandeurs d’emploi.

Au contraire, il s’agit de lever certains freins, notamment pour les travailleurs indépendants, comme l’avait déjà relevé notre collègue Dominique Da Silva. À cet égard, le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, que nous avons examiné en première lecture il y a quelques jours, va dans ce sens en retenant un nouveau mode de constatation de la cessation d’activité.

Le Gouvernement pourrait même aller plus loin par voie réglementaire, notamment concernant le critère de 10 000 euros de chiffre d’affaires. Il me semble que rouvrir la mesure relative aux indépendants au niveau de ce qui était attendu en 2018 constitue une bonne boussole dans ce cadre, sans remettre en cause les principes.

Modernes enfin, les modifications tenant au contrôle des demandeurs d’emploi. Là encore, la réalité concrète de cette réforme est bien loin des craintes exprimées en 2018. Loin d’une répression à tout va, une rationalisation de l’échelle et du fonctionnement des sanctions a été réalisée. Les motifs ont été clarifiés, le contradictoire réaffirmé et les voies de recours explicitées. L’échelle des sanctions est beaucoup plus juste qu’avant la réforme. Je m’en félicite.

Deux constats transversaux pour conclure. Tout d’abord, le travail réalisé sur le titre II illustre bien le fait que l’évaluation d’un dispositif dépend fondamentalement de ce qu’on en attendait, ce qui explique que nous n’ayons pas pu aboutir avec mon corapporteur à des conclusions similaires malgré un travail commun.

Second constat : les auditions ont montré qu’experts et partenaires sociaux avaient des points de vue divergents sur la suite à donner à la réforme.

Face à l’absence de consensus sur les propositions, nous devons en revenir au rôle qui est le nôtre : tracer une direction politique en continuant la concertation sur les principes comme sur les modalités de mise en œuvre. De ce point de vue, la direction tracée par la loi « Avenir professionnel » me semble toujours d’actualité : une assurance chômage mieux pilotée, plus universelle, plus juste et incitant toujours plus à la reprise d’activité.

Nous aurons à en reparler lors des échéances nationales à venir.

M. Joël Aviragnet, rapporteur pour le titre II. Je me joins évidemment aux remerciements adressés par Sylvain Maillard au bureau de la commission, à la présidente ainsi qu’aux personnes que nous avons auditionnées. Je crains hélas que nos points d’accord s’arrêtent à peu près là, non pour le plaisir de la contradiction, mais par exigence de cohérence.

Sur la gouvernance et le financement, qu’avions‑nous dit à l’époque de la loi « Avenir professionnel » ?

Tout d’abord, qu’en raison du nouveau cadre institutionnel qu’elle créait, elle dessaisissait les partenaires sociaux d’un régime qu’ils géraient depuis 1958 non sans une certaine efficacité. Or, les partenaires sociaux ont été en septembre 2018 destinataires d’un document de cadrage comminatoire qui ne leur laissait aucune marge de négociation, comme ils l’ont rappelé unanimement à la mission. S’en sont suivis un échec et une reprise en main par l’État, par décret, de la réforme de l’assurance chômage, dont on peut se demander si ce n’était pas finalement son objectif plus ou moins caché.

Ensuite, nous avons dit qu’en finançant l’UNEDIC par de la CSG, cette loi dénaturait le régime et affaiblissait le lien entre les salariés et leur régime. Rappelons qu’il n’y a plus de cotisations salariales d’assurance chômage depuis 2019 et que ces baisses ne se sont pas faites gratuitement mais en augmentant la CSG sur les retraités, mesure que nous continuons évidemment de contester. Cette dénaturation transparaît aujourd’hui dans le fait que certaines institutions et certains experts orientés demandent qu’on aille plus loin encore dans l’étatisation de l’assurance chômage. On tourne en rond : c’est l’État qui impose la CSG à l’UNEDIC et il lui dirait maintenant que du fait de la CSG, il n’a pas d’autre choix que d’en prendre le contrôle ! Voilà une bien mauvaise manière faite au paritarisme.

S’agissant enfin de la situation financière de l’UNEDIC, nous dénoncions déjà les charges indues qui allaient lui être confiées par l’État et qui n’ont cessé de croître, ce qui est désormais interprété par le Gouvernement comme la preuve qu’il faudrait reprendre le régime en main. Or la dette accumulée n’est pas le signe d’une mauvaise gestion par les partenaires sociaux, mais le résultat de décisions publiques sans compensation.

Sur l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, nous avions dit que la montagne accoucherait d’une souris. Voilà que selon les chiffres concrets de la mise en œuvre elle a en réalité accouché d’un tout petit souriceau ! On parlait en 2018 de 30 000 démissionnaires et de 29 000 indépendants par an. Nous avons péniblement atteint 14 000 démissionnaires et 1 000 indépendants depuis fin 2019. C’est à se demander comment les études d’impact avaient été réalisées, et surtout à quels besoins correspondaient ces mesures.

Nous sommes d’autant moins surpris que ces dispositifs ont été conçus pour être très restrictifs, et ce ne sont pas les dernières évolutions proposées par le Gouvernement qui permettront de véritablement changer la donne. Dit autrement, tout se passe comme si la loi « Avenir professionnel » s’était grimée en système d’assurance chômage universel pour mieux s’en éloigner. Je le regrette car c’est un sujet important sur lequel il nous faudrait d’ailleurs plus de données.

Enfin, si les règles applicables aux demandeurs d’emploi n’ont pas produit tous les effets néfastes que nous craignions, c’est avant tout parce qu’elles ont été suspendues en 2020 et qu’elles redémarrent aujourd’hui à pas comptés. Si j’admets parfaitement que l’échelle des sanctions n’a pas systématiquement évolué à la hausse, le médiateur national de Pôle emploi ne dresse pas un tableau très positif des évolutions produites par la réforme. Le Gouvernement s’est par ailleurs fixé à nouveau des objectifs de contrôle très importants, alors même que beaucoup d’associations et de syndicats que nous avons rencontrés rappellent à juste titre – études économiques à l’appui – que l’écrasante majorité des chômeurs cherche effectivement un emploi. Donner l’impression qu’il en serait autrement et laisser à penser que durcir toujours plus les règles et les contrôles pourrait tout changer sur le front de l’emploi relève de l’ignorance ou de la démagogie : il y en a parfois dans ces réformes à répétition de l’assurance chômage.

Enfin, je ne peux pas conclure sans évoquer la dernière de ces réformes, qui résume à merveille l’ensemble des difficultés que je viens d’évoquer : établie par décret après l’échec des négociations de 2019, elle s’est faite dans l’opposition frontale avec les partenaires sociaux, et notamment avec les syndicats de salariés. Ceux‑ci ont du reste fait valoir leurs arguments devant le Conseil d’État, qui leur a donné raison à deux reprises, obligeant le Gouvernement à revoir sa copie par deux fois, une première sur le fond, une seconde sur le calendrier.

L’UNEDIC avait d’ailleurs parfaitement documenté les conséquences iniques de certains aspects de la réforme, et singulièrement celle du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence. Au total, la réforme pourrait produire plus de 2 milliards d’euros d’économies. Pour un régime qui verse une quarantaine de milliards d’euros de prestations, c’est tout simplement énorme ! Ces économies ne sont pas faites sur n’importe quelle population mais sur celle qui est la plus fragile et qui enchaîne les contrats courts : 1 150 000 bénéficiaires vont perdre en moyenne 17 % de leur allocation, d’après l’UNEDIC, et il ne s’agit que d’une des nombreuses mesures de cette réforme.

Hélas, le titre II de la loi « Avenir professionnel », dont je ne conteste pas nécessairement toutes les mesures dans le détail, est philosophiquement et juridiquement à l’origine de cette dérive qui tend à dénaturer le beau mot de réforme, synonyme pour vous de reculs des droits des plus fragiles. Cela suffit pour moi à la disqualifier.

Mme Michèle de Vaucouleurs, rapporteure pour le titre III. Le titre III de la loi du 5 septembre 2018 regroupait une cinquantaine d’articles traitant de diverses problématiques liées à l’emploi.

Nous avons fait le choix de faire porter nos travaux sur les chapitres qui rassemblaient les dispositions les plus essentielles et les plus ambitieuses, celles relatives à l’entreprise inclusive, celles relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, et celles relatives à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail.

Mme Carole Grandjean, rapporteure pour le titre III. Je rapporterai nos travaux sur l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail et, en particulier, sur l’article imposant aux entreprises de plus de cinquante salariés la publication annuelle d’indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer en cas de résultat inférieur à 75 points sur 100.

Tous nos interlocuteurs ont salué la création de l’index et insisté sur le fait qu’il avait l’immense mérite de permettre de partager un diagnostic sur la situation en matière d’égalité salariale dans les entreprises et d’inciter les employeurs à prendre des mesures pour réduire, ou mieux, pour supprimer les écarts de rémunération. Il ressort de nos auditions que le dispositif produit de bons résultats, ce dont nous nous félicitons.

La part des entreprises tenues de publier un index qui s’acquittent de leur obligation est en hausse continue. En novembre 2021, elle atteignait 67 % pour les entreprises de 50 à 250 salariés, 90 % pour les entreprises de 250 à 1 000 salariés et 95 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Surtout, les notes obtenues par les entreprises sont en amélioration constante, ce qui est particulièrement net pour celles qui comptent plus de 1 000 salariés, dont la note moyenne atteint 88 points en 2021 contre 82,9 en 2019.

En définitive, en 2021, les entreprises, toutes catégories confondues, ont obtenu une note moyenne égale à 85 points sur 100, soit 1 point de plus qu’en 2020. Au total, 466 mises en demeure de se conformer à la loi ont été notifiées par l’inspection du travail depuis la mise en place du dispositif et 28 pénalités ont été prononcées, d’après les derniers chiffres communiqués par le ministère du travail.

Selon nous, les indicateurs sont globalement pertinents, le délai de trois ans laissé aux entreprises pour obtenir 75 points est satisfaisant et le montant maximal des pénalités approprié.

Pour autant, nous proposons quelques pistes d’évolution pour compléter l’index, comme la création, à côté de l’indicateur relatif à l’écart du taux d’augmentations individuelles entre les femmes et les hommes, d’un indicateur mesurant l’écart entre le montant des augmentations de salaire accordées aux premières et aux seconds, ou l’intégration de cette dimension dans le calcul de l’indicateur existant.

Nous proposons encore de réviser sans tarder le barème du nombre de points obtenus en fonction des résultats afférents à l’indicateur relatif au nombre de salariés du sexe sous‑représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations, de manière que les entreprises vertueuses en ce qui concerne la répartition des salaires les plus élevés entre les femmes et les hommes se voient accorder plus de points qu’à l’heure actuelle.

La loi renforçait par ailleurs l’arsenal de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes sur le lieu de travail. Cela passe par une obligation pour les employeurs d’afficher dans les lieux de travail le détail des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et les coordonnées des autorités et services compétents. La loi prévoit aussi la désignation, dans les entreprises de 250 salariés et plus, d’un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Ces deux évolutions bienvenues mettront sans doute un peu plus de temps avant de produire leurs effets. Cela étant, plusieurs personnes auditionnées ont fait valoir que le nombre de signalements liés à des comportements prohibés avait diminué dans certaines entreprises depuis 2019, ou que les opérations de sensibilisation avaient effectivement pris de l’ampleur.

Mme Michèle de Vaucouleurs, rapporteure pour le titre III. Les articles du chapitre 1er du titre III, consacré à l’entreprise inclusive, étaient sous‑tendus par un objectif simple et clairement énoncé : améliorer l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Celles‑ci sont deux fois plus confrontées au chômage que les personnes non handicapées ayant les mêmes caractéristiques. Pour y parvenir, le législateur a emprunté plusieurs voies. En premier lieu, il a procédé à une refonte du régime de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés dans le secteur privé. Le maintien de l’obligation pour toute entreprise comptant au moins vingt salariés d’employer des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur de 6 % de ses effectifs, la volonté d’augmenter la part du taux d’emploi direct dans le taux d’emploi global des travailleurs en question, la simplification des démarches administratives pour les employeurs ont été salués par nos interlocuteurs. Le taux d’emploi direct dans le secteur privé n’était que de 3,4 % au moment du vote de la loi.

Les modifications apportées par la loi ont favorisé la prise en considération des enjeux qui touchent à l’insertion professionnelle de cette catégorie de travailleurs, ce qui constitue un motif de satisfaction. Pour autant, il est encore trop tôt pour dresser un état des lieux détaillé et chiffré des conséquences en tous genres d’une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2020 et dont l’application a été perturbée par la crise sanitaire. Il faudra donc attendre pour apprécier ses effets sur le taux d’emploi des travailleurs handicapés ou sur les modalités par lesquelles les employeurs s’acquittent de l’OETH. En revanche, on sait que le nombre d’entreprises du secteur privé assujetties à l’OETH est passé de 99 700 en 2018 à plus de 100 600 en 2021, cette progression résultant du changement des règles de calcul du seuil d’assujettissement.

La réforme a d’ores et déjà fait émerger plusieurs interrogations, identifiées comme autant de points de vigilance pour l’avenir. Plusieurs de nos interlocuteurs ont ainsi insisté sur le caractère potentiellement déstabilisateur pour les entreprises de la disparition programmée des accords agréés prévoyant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel à destination des travailleurs handicapés. Les entreprises signataires de tels accords devront être étroitement accompagnées le moment venu. Du reste, nos interlocuteurs ont souhaité que soit réécrite, voire supprimée, la liste des emplois exigeant des conditions d’aptitudes particulières. Ce chantier, ouvert par la loi du 5 septembre 2018, devra être mené à son terme. Au‑delà, peut‑être faut-il engager une réflexion, comme le suggère l’Association de gestion du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) sur l’évolution du régime des aides versées aux employeurs qui recrutent des travailleurs en situation de handicap, afin de les rendre plus efficaces et incitatives.

En deuxième lieu, le législateur a modifié les règles relatives au cadre d’intervention des entreprises adaptées pour ancrer ces structures dans une logique plus entrepreneuriale et favoriser la mobilité de leurs salariés vers les autres entreprises. Il est trop tôt pour mesurer l’effet des transformations portées par le texte mais l’on constate d’ores et déjà que les services de l’État accordent de plus en plus d’importance à la qualité de l’accompagnement des travailleurs handicapés par les entreprises adaptées, dont les engagements sont formalisés dans les nouveaux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Il ressort de surcroît des informations transmises par le ministère du travail que ces entreprises, une fois passé le pic de la crise sanitaire et économique, ont été de plus en plus nombreuses à recourir au dispositif expérimental du « CDD tremplin ».

En troisième et dernier lieu, le législateur a adopté un ensemble d’autres mesures pour améliorer l’insertion professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap, en facilitant le recours au télétravail, en créant un référent handicap dans les entreprises de plus de 250 salariés et en renforçant l’accessibilité aux sites internet des organismes qui relèvent du secteur public.

L’ensemble des mesures réglementaires d’application, à l’exception d’un décret, ont vu le jour.

Mme Carole Grandjean, rapporteure pour le titre III. Les articles consacrés au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal poursuivaient trois grands objectifs.

D’abord, adapter les exigences administratives pour certaines situations de détachement en allégeant ou en supprimant, selon les cas, les obligations qui pèsent sur les employeurs dans les situations les moins « fraudogènes ».

Ensuite, renforcer les outils de contrôle et l’efficacité des sanctions administratives contre les comportements prohibés par le droit du travail, notamment par le rehaussement du montant maximal des amendes administratives encourues par l’employeur détachant des salariés, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage en cas de manquement à leurs obligations respectives. Nous savons que de nombreux donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage ont prévu de renforcer le suivi des obligations qui leur incombent, ce que nous saluons.

Enfin, consolider l’arsenal juridique de lutte contre le travail illégal, par exemple en rendant obligatoire le prononcé de la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision de condamnation du chef de travail dissimulé lorsque l’infraction est commise en bande organisée. Ainsi, la direction générale du travail constate que les tribunaux appliquent davantage la peine complémentaire que par le passé.

Tout cela est encourageant et nous conforte dans l’idée que nous avons fait œuvre utile en adoptant ce texte de progrès. Je remercie les deux ministres du travail, Muriel Pénicaud et Élisabeth Borne, qui furent à l’écoute des parlementaires lors de l’adoption de ce texte et de son évaluation.

M. Thierry Michels (LaREM). Je vous félicite, au nom de mon groupe, pour votre travail d’évaluation, dont la qualité honore notre commission.

La liberté de choisir son avenir professionnel était au cœur de la promesse présidentielle de 2017 : libérer les énergies en permettant à l’économie de notre pays de s’appuyer sur un système de formation plus à même de réconcilier le projet d’épanouissement professionnel de chacun et les besoins de nos entreprises, de nos associations et de nos artisans, protéger les plus fragiles et les plus modestes d’entre nous en renforçant les droits et l’accompagnement à la formation de ceux qui en étaient le plus éloignés. Cette révolution copernicienne, portée par la majorité présidentielle et la ministre du travail de l’époque, Muriel Pénicaud, dont je salue la vision et le pragmatisme, puis par Mme Élisabeth Borne, porte ses fruits, trois ans après son adoption. Elle a ainsi contribué à la vigueur de la reprise économique de notre pays après la crise sanitaire.

Le CPF, dont les salariés, surtout les femmes, se sont emparés massivement, et le CEP, sont un succès. L’apprentissage a été développé – beaucoup en avait rêvé, nous l’avons fait ! Les 700 000 apprentis de notre pays témoignent de ce que l’apprentissage, parcours d’excellence, a toute sa place dans le système. Le développement encourageant de la mobilité européenne des apprentis est à saluer en cette année de présidence française de l’Union européenne. Enfin, une particulière attention a été portée aux personnes en situation de handicap, comme l’illustre le rôle du référent handicap dans les entreprises et les CFA.

Beaucoup reste à faire, cependant. Le rapport d’évaluation présente des pistes d’amélioration qui nécessitent, nous y sommes prêts, cinq ans de plus. L’orientation professionnelle est un élément essentiel. Trop souvent, les collégiens et les lycéens ignorent les opportunités que leur offre l’industrie alors que celle‑ci cherche les têtes et les bras nécessaires à la reconquête de notre souveraineté économique et de la transition écologique. Quelles sont vos préconisations en l’espèce ?

M. Bernard Perrut (LR). La liberté de choisir son avenir professionnel : voilà une belle ambition que nous pouvons partager ensemble. Les mesures prises depuis 2017 en faveur de l’apprentissage ont porté leurs fruits, qu’il s’agisse de la simplification des aides ou de l’assouplissement du droit du travail des apprentis. Nous nous interrogeons encore sur le transfert de l’essentiel des compétences, en matière de financement et de gouvernance, des régions aux branches professionnelles. Pourtant, cette compétence des régions date des lois de décentralisation de 1982 et 1983. La réforme pose plusieurs questions. Comment les branches s’emparent-elles des politiques territorialisées en matière d’apprentissage ? Comment utilisent‑elles le levier du niveau de prise en charge financière des contrats dont elles disposent alors qu’elles sont rarement structurées à l’échelon territorial et que leur éclatement ainsi que l’extrême diversité appelleront un très fort niveau de péréquation financière, jusque‑là assuré par les régions ? Comment s’accomplit le travail de fixation des niveaux de prise en charge, du fait de la grande diversité des coûts de formation d’un CFA à l’autre ? Comment les régions gèrent‑elles la possibilité de majorer les coûts contrats ouverts par la réforme ?

Selon la logique de la réforme, les branches, sous la régulation de France compétences, ont reçu la délicate responsabilité de fixer les niveaux de prise en charge dans un équilibre de logique de marché et de prise en considération des coûts. Quel accompagnement est‑il prévu en ce sens ? Comment la restructuration des branches et la prise en compte des périmètres des opérateurs de compétences seront‑elles organisées ?

Enfin, concernant l’apprentissage, les très bons chiffres masquent un déséquilibre croissant au détriment du niveau bac et infra‑bac. L’absence de bascule des jeunes en lycée professionnel vers l’apprentissage est un problème majeur. Comment rapprocher les CFA et les lycées professionnels, alors que la notion même de carte de formation, jadis pilotée par les régions, a disparu ? De nombreux chantiers restent à ouvrir. Quelles sont vos pistes de travail ?

Mme Perrine Goulet (Dem). Je félicite au nom de mon groupe les rapporteurs, qui ont réalisé un travail remarquable d’évaluation de cette belle loi.

Reconnaissons cette formidable réussite ! Tout d’abord, cette loi a permis de démocratiser les outils de formation professionnelle, comme l’illustre le CPF. Les chiffres en témoignent. La hausse du recours au CPF est incontestable puisque le nombre de formations suivies par son intermédiaire a quasiment doublé entre 2019 et 2020. Près de 3 % de la population active y a eu recours. Cette évolution doit se poursuivre et être encouragée, notamment pour les salariés les plus âgés car l’acquisition de nouvelles connaissances n’a pas d’âge. Le marché de l’emploi des seniors est extrêmement tendu. De surcroît, le déploiement du CPF comme solution numérique favorise la fraude. Nous devons nous saisir du problème dès maintenant avant qu’il ne gangrène le potentiel de cet outil.

Le second volet de cette réforme, l’apprentissage, est sans doute le plus abouti et le plus visible. Les chiffres sont révélateurs : le nombre de contrats en alternance est passé de 320 000 en 2018 à 660 000 aujourd’hui. L’engouement pour ces parcours professionnalisants est une bonne nouvelle. Espérons que cela perdure ! Quels secteurs d’activité restent‑ils sous‑représentés dans l’apprentissage et comment les encourager à évoluer ? D’autre part, si France compétences semble être devenue la référence en ce domaine, plusieurs difficultés sont apparues, en particulier s’agissant de sa gouvernance et de sa stabilité financière. Quelles mesures envisagez-vous de prendre ?

Mme Gisèle Biémouret (SOC). Trois ans après l’adoption de la loi, la commission des affaires sociales dresse un premier bilan de ses effets. Il est éclairant.

Tout d’abord, les résultats de la réforme de la formation professionnelle ne sont pas à la hauteur des besoins. La légère augmentation du recours au CPF ne masque pas le fait qu’il ne permet au jeune de suivre, pour l’essentiel, que des cursus de courte durée, sans réelle valeur ajoutée, souvent pour des métiers peu qualifiés. Ils ne lui permettent pas de se reconvertir ou d’obtenir un diplôme. D’autre part, on constate la diminution du temps alloué à la formation professionnelle à chaque salarié et la faiblesse de l’abondement qui reste à la charge de l’employeur.

Le nombre d’entrées en apprentissage a augmenté suite à la libéralisation du secteur, qui permet aux branches professionnelles et aux entreprises de créer leur propre CFA, mais le risque est grand de voir se développer des formations au rabais. Ce succès masque une situation plus avantageuse pour les entreprises, qui bénéficient jusqu’en 2022 de primes importantes, ce qui entraîne un déficit faramineux, de l’ordre de 1 milliard d’euros, au point de déséquilibrer France compétences, sans perspective de rééquilibrage par le Gouvernement.

Qui plus est, la Cour des comptes a épinglé, en décembre, le choix du Gouvernement d’accorder des primes aux entreprises qui ont recours à des apprentis diplômés, devenus majoritaires dans le secteur, alors que les 15-17 ans, décrocheurs scolaires, cibles pourtant prioritaires, y sont moins nombreux.

Quant à la réforme de l’assurance chômage, Joël Aviragnet a parfaitement rappelé l’état de dégradation à un niveau jamais égalé des conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Notre groupe n’a cessé de s’opposer à l’étatisation progressive du financement de l’assurance chômage et à la perte d’autonomie des partenaires sociaux.

Le bilan de cette évaluation illustre le fossé grandissant entre les plus privilégiés et employables, principaux bénéficiaires de vos mesures, et le reste des Français, fragilisés par une libéralisation effrénée qui préfère le quantitatif au qualitatif.

M. Paul Christophe (Agir ens). Je vous remercie pour la présentation de votre travail d’évaluation.

Au-delà des bienfaits de cette loi, que vous avez rappelés, la réforme de l’orientation, que vous considérez comme limitée, a appelé mon attention. En effet, il est de plus en plus fréquent que les étudiants échouent en première année de faculté, conséquence d’une mauvaise orientation à l’issue du secondaire. Au sein même de ma circonscription, je ne compte plus les témoignages d’employeurs qui peinent à trouver des jeunes à embaucher, rares étant ceux qui ont choisi une carrière plus technique. Notre conception du travail est en jeu. Nous souhaitons que notre société soit bâtie autour de cette valeur, en valorisant des débouchés pourvoyeurs d’emplois, facteurs d’épanouissement. Il est impératif de ne pas former une société à double vitesse, une partie de nos concitoyens restant en dehors de l’emploi, sans perspective d’embauche, et une autre plus insérée dans le modèle économique.

Je crois à la valeur intégrative du travail et à sa capacité à construire une société du vivre ensemble. Ainsi, l’article 14 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé les troisièmes « prépa‑métiers », qui visent à préparer l’orientation des élèves, en particulier vers la voie professionnelle et l’apprentissage, et leur permet de poursuivre l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif ? A‑t‑il eu des effets sur l’orientation vers la filière professionnelle ? De même, que pensez-vous de l’opportunité d’établir une troisième professionnelle qui permettrait d’obtenir un diplôme professionnel dès la troisième ?

Mme Valérie Six (UDI-I). Je remercie les rapporteurs, qui nous présentent une évaluation complète de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Concernant le financement de l’apprentissage, cette réforme assouplit les conditions de création des CFA. Ainsi, dans les Hauts‑de‑France, cinquante centres ont été créés sur cent vingt‑cinq existants, ce qui a permis de libérer l’offre de formation. Désormais, le financement des centres de formation est proportionnel au nombre d’apprentis formés – le coût‑contrat. Cependant, ce coût‑contrat ne prend pas en charge l’ensemble des dépenses des CFA. En effet, les dépenses d’investissement non liées à des activités pédagogiques, amortissables en trois ans, n’entrent pas dans le calcul des niveaux de prise en charge. Dans quelques années, le modèle économique des petits CFA pourrait ne plus être viable. De surcroît, je regrette que les régions ne pilotent plus la carte des CFA alors qu’elles sont les plus à même de connaître les besoins des territoires. À terme, le risque est grand que la formation soit dispensée par des organismes dont la rentabilité serait la seule motivation, et non la qualité. Dans les secteurs en tension, notamment les métiers de bouche, les entreprises pourraient en arriver à former elles-mêmes leurs salariés, sur leur lieu de travail. Le salarié n’aurait, dès lors, ni diplôme, ni qualification.

Les résultats de l’apprentissage sont encourageants mais nous devons nous inscrire dans la durée pour un travail de qualité.

Mme Jeanine Dubié (LT). Je remercie les rapporteurs pour ce travail qui a le mérite de refléter l’avis de la majorité et de l’opposition.

Concernant l’embauche des personnes en reconversion professionnelle, j’ai reçu à ma permanence, à la fin de l’année dernière, une cheffe d’entreprise qui déplorait le manque d’aides à l’embauche pour recruter des personnes entre 30 et 50 ans, en reconversion professionnelle. Qu’en pensez‑vous ?

S’agissant, d’autre part, de la portée de la crise sanitaire sur la formation professionnelle, seulement 6 % des entreprises du secteur privé de plus de dix salariés ont accédé à la formation grâce à l’aide à la formation du Fonds national de l’emploi, FNE‑formation. Pourtant, le dispositif de chômage partiel, instauré par le Gouvernement, devait permettre aux entreprises d’affronter la réduction de l’activité en réduisant le temps de travail, tout en les formant durant les heures non travaillées, grâce à cette aide. Pourquoi ce dispositif a‑t‑il été si peu utilisé ?

Quant à l’apprentissage, vous dressez un bilan quantitatif plutôt favorable de la réforme mais, pour ce qui est de la qualité, vous relevez quelques points à améliorer, notamment les relations entre les différents acteurs de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Pourriez-vous nous préciser les liens entre les CFA et les OPCO ?

Mme Annie Vidal. Je salue le travail réalisé et le principe même de l’évaluation. Je remercie la présidente de l’avoir inscrit à notre ordre du jour, pourtant très chargé.

Les mesures que nous avons prises en faveur de la jeunesse portent leurs fruits. La réforme de l’alternance, en simplifiant les démarches et en transformant le mode de financement, a permis de doubler le nombre d’entrées en apprentissage en trois ans. Les CFA restent des infrastructures attractives qui forment notre jeunesse, malgré la menace de fermeture qui pèse sur certains centres.

Le CPF, transformé en 2018, est largement utilisé aujourd’hui. Cependant, des questions se posent quant à ses modalités d’utilisation. Quelles mesures peuvent être prises pour favoriser son développement et faciliter son application ?

Enfin, nous avons tous reçu des appels intempestifs et des messages parfois frauduleux à propos du CPF, ce qui altère la réussite de ce dispositif. Des plaintes ont été déposées contre trente‑cinq organismes Une réponse législative serait nécessaire. Si celle‑ci n’a pas pu aboutir lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale au Sénat, comment pourrions-nous résoudre ce problème ?

M. Guillaume Chiche. L’apprentissage progresse et les entreprises qui accueillent des apprentis se diversifient. Dans les Deux‑Sèvres, le nombre d’inscrits a augmenté de 7 % en apprentissage et de 44 % en maison familiale rurale dans le Poitou. Pourtant, l’apprentissage souffre encore du discours stigmatisant véhiculé dans nos écoles. Ces filières de formation sont encore trop souvent perçues comme des voies réservées aux élèves en échec scolaire. Il n’en est rien. Au contraire, elles délivrent une formation d’excellence. Nous devons franchir une nouvelle étape pour présenter à nos jeunes, en toute transparence, l’ensemble des métiers et les débouchés qu’ils offrent.

Ne serait‑il pas souhaitable de présenter, dès la troisième, l’ensemble des formations professionnalisantes en apprentissage ? Il faudrait également ouvrir les portes de nos écoles pour que les entreprises viennent y expliquer leur spécialité. Les classes de troisième prépa-métiers prévoient trois heures d’initiation à la professionnalisation. Il conviendrait d’étendre cette mesure à toutes les classes de troisième.

Mme Mireille Robert. Je vous remercie pour la richesse de votre travail, qui nous permet de mieux comprendre l’intérêt de la réforme de la formation professionnelle, qui était très critiquée pour sa complexité, voire son opacité. Une réforme était nécessaire.

Votre rapport met en évidence le rôle de France compétences, qui est le nœud gordien de la réforme du système de gouvernance de la formation. Il met en avant les atouts de cette structure qui rassemble ce qui était épars. Cet acteur s’est immédiatement imposé. Vous n’éludez pas les critiques, ce qui est important si l’on veut progresser.

France compétences décide des formations qu’elle intègre dans ses fichiers et qui ouvrent aux entreprises le droit de recevoir une aide. Le dispositif a été clarifié mais le système centralisé est encore lourd. Les entreprises essaient de sortir de la crise et ont besoin d’accéder rapidement aux formations. Or, le calendrier administratif ne suit pas les besoins des entreprises et des salariés. Ainsi, si l’intitulé d’une formation délivrée par l’éducation nationale change, le système peut bloquer et l’entreprise se voit refuser le soutien alors que le contenu n’aura pas changé. Parfois, le refus de la validation peut décourager le salarié qui renonce à la formation. Comment France compétences pourrait‑elle élargir les critères d’acceptation des formations demandées par les branches, notamment pour accélérer la réactivité des entreprises et des salariés ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je m’associe aux félicitations de Mme Vidal pour le temps consacré par notre commission à l’évaluation, qui constitue à me yeux l’une des missions fondamentales de l’Assemblée nationale.

L’apprentissage reste souvent perçu par le système éducatif comme une solution par défaut et non une voie d’excellence. En témoigne l’exemple dans ma circonscription d’une jeune fille, très bonne élève, que la communauté éducative a cherché à dissuader de s’orienter vers la pâtisserie qui la passionne. Heureusement, ses parents l’ont soutenue dans cette voie. Quels sont les leviers pour faire évoluer nos représentations dans ce domaine ? La loi a‑t‑elle offert aux jeunes en difficulté de nouvelles perspectives ?

Comment expliquer les difficultés des petites et moyennes entreprises en matière d’égalité entre femmes et hommes ? Est-ce lié au coût ?

Mme Nicole Sanquer. La monétisation du CPF a permis une formidable démocratisation des droits à la formation puisque le nombre d’utilisateurs est passé de 600 000 en 2019 à 3 millions en 2021 – c’est une véritable réussite.

Néanmoins, ce sont les années de travail qui ouvrent les droits à la formation. Cela exclut les jeunes qui entrent sur le marché du travail alors qu’ils sont éloignés de l’emploi ainsi que nos concitoyens qui n’ont pas suffisamment travaillé pour générer des droits.

Pour pallier cette difficulté, il suffirait de permettre aux titulaires du CPF de transférer tout ou partie de leurs droits – c’est le sens de la proposition de loi déposée par Jean-Christophe Lagarde visant à répondre aux besoins en formation des personnes actives par le don de droits acquis sur leur CPF. Aujourd’hui, un parent titulaire d’un CPF qu’il n’utilise pas ne peut pas financer le permis de conduire de son enfant. Quel est votre avis sur le transfert des droits du CPF ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Pour nombre d’organismes de formation, le CPF est la poule aux œufs d’or, ce qui occasionne des abus, parfois avec la complicité des entreprises. J’ai l’exemple d’une entreprise dans le Nord qui a incité ses salariés à solder leur CPF pour participer à une formation assez bas de gamme en échange d’une prime de 800 euros. Quels sont les moyens pour lutter contre de telles fraudes ? La qualité des contenus des formations est-elle évaluée ?

Mme Monique Limon. J’ai dressé le bilan de la loi dans ma circonscription avec les différents acteurs du territoire. Parmi les constats et propositions qui en sont ressortis, je retiendrai le manque de structuration des OPCO.

Les contraintes administratives sont exponentielles. Si les CFA veulent maintenir un outil performant avec des technologies à la pointe, en adéquation avec les besoins des entreprises, les budgets disponibles risquent d’être rapidement insuffisants. La région dispose d’une enveloppe mais les OPCO devraient aussi investir sans quoi la qualité des formations en souffrira. Quelles sont vos idées en la matière ?

Mme Stéphanie Rist. L’évaluation met en évidence la réussite de la réforme de l’apprentissage que certaines régions avaient vivement critiqué à l’époque.

Le département du Loiret enregistrait 3 753 contrats d’apprentissage en 2017 contre 5 408 en 2021. Derrière ces chiffres, ce sont près de 2 000 jeunes supplémentaires qui ont bénéficié d’une formation débouchant sur un emploi.

Les acteurs semblent satisfaits d’une réforme qui profite notamment à l’emploi des jeunes. Comment selon vous les coûts contrat peuvent-ils évoluer en fonction des besoins ?

M. Dominique Da Silva. Je remercie les rapporteurs du titre II d’avoir mentionné mes travaux sur l’allocation chômage des travailleurs indépendants dans le contexte de la crise de la covid‑19.

Ma question porte sur l’offre raisonnable d’emploi (ORE). Les conséquences d’un refus à deux reprises d’une telle offre sont au cœur de la réforme de l’assurance chômage voulue par le Président de la République. Face au constat récurrent de centaines de milliers d’emplois non pourvus, j’ai personnellement cherché à mesurer la réalité des refus d’ORE auprès de mes interlocuteurs de Pôle emploi dans le Val‑d’Oise. Il m’a été confirmé ce que Pôle emploi indique dans votre rapport : « en dépit de la réforme, la caractérisation de l’offre raisonnable d’emploi reste difficile à réaliser pour les conseillers, les offres correspondant rarement aux critères fixés dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) ». Cela pose la question de la corrélation entre la réalité du marché local du travail, et, à défaut d’offre adaptée, de la formation et de la mobilité nécessaires pour répondre aux offres d’emploi disponibles.

Que pensez-vous du fait qu’une notion inscrite dans la loi est jugée inopérante par les conseillers de Pôle emploi ?

M. Belkhir Belhaddad. L’évaluation conclut au succès global de la réforme ambitieuse de la formation et de l’apprentissage. Il ne faut pas bouder notre plaisir mais les bons résultats doivent aussi nous inciter à accentuer nos efforts, notamment en matière d’orientation. Il reste beaucoup à faire avec l’éducation nationale, Guillaume Chiche l’a dit excellemment.

Selon le rapport, l’équilibre financier du système n’est pas garanti à court et moyen terme du fait d’un manque de corrélation entre les dépenses et les recettes de France compétences créant un effet de ciseau. Dans le rapport, vous évoquez les propositions de la mission confiée à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances sur les conséquences financières de la réforme sans les reprendre toutes.

Avez-vous identifié des sources de financement nouvelles et dynamiques, y compris fiscales, pour assurer l’équilibre sans remettre en cause l’esprit de la réforme ?

Mme Monique Iborra. Certains d’entre nous ont vécu leur troisième réforme de la formation professionnelle. Tous les gouvernements s’y sont essayés, mais seule la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a obtenu les résultats espérés de tous.

Reste néanmoins un point noir : l’orientation. Avez‑vous pu évaluer la politique des régions dans ce domaine qui relève désormais de leur compétence ?

Mme Isabelle Valentin. Le nombre de formations en apprentissage a fortement augmenté mais il s’agit principalement de formations post‑bac dans le secteur tertiaire, plus rémunératrices mais qui ne correspondent pas vraiment aux besoins des entreprises. Les formations CAP dont les entreprises ont besoin risquent de ne plus attirer les jeunes. Pourtant les métiers de bouche et les industries peinent à recruter.

Il faut absolument travailler conjointement avec l’éducation nationale sur l’orientation en classe de quatrième.

Mme Catherine Fabre, rapporteure. L’évaluation est certes une obligation constitutionnelle mais pour moi, à l’instar de Mmes TamarelleVerhaeghe et Vidal, elle est surtout au cœur de notre rôle de député. La démarche me paraît plus intéressante que celle du rapport d’application, qui se borne à vérifier la parution des décrets et pour lequel on ne dispose pas de trois ans de recul. Il est essentiel de s’assurer que les objectifs politiques d’une loi sont atteints. J’espère que nous poursuivrons dans cette voie.

Je remercie nos collègues – Thierry Michels, Monique Limon, Christine Cloarec‑Le Nabour, Fadila Khattabi, j’en oublie – qui par leur évaluation sur le terrain, fondée sur des exemples concrets, ont contribué à nourrir le rapport d’évaluation. C’est un processus précieux.

Nombre d’entre vous ont évoqué à juste titre l’orientation professionnelle, qui continue d’être une préoccupation. Il est difficile pour les jeunes de savoir quels métiers existent et quelles perspectives ils offrent. La réforme a apporté des évolutions : il a été décidé de confier l’orientation aux régions qui connaissent le bassin d’emplois et le tissu économique mais aussi de faciliter les liens entre l’éducation nationale et les entreprises. Pour l’instant, les changements ne sont guère visibles, même si certaines régions ont créé des comités régionaux d’orientation Peut-être la crise sanitaire n’a-t-elle pas été propice aux échanges entre les élèves et l’entreprise ainsi qu’aux découvertes sur le terrain, mais le système reste indéniablement trop cloisonné. Il nous reste du chemin à parcourir.

Nous manquons un peu de recul mais les classes prépas‑métiers, remplaçant les anciens dispositifs d’initiation aux métiers en alternance qui avaient pris fin, vont dans le bon sens. Il en existe neuf cents sur l’ensemble du territoire qui accueillent entre quinze et vingt-quatre élèves. Il faut continuer à les développer.

Monsieur Perrut, comme d’autres, vous soulignez l’hétérogénéité des progrès en matière d’apprentissage selon les niveaux – infra‑bac, bac, ou supérieur. Quel que soit le niveau, nous observons une augmentation des entrées en apprentissage. Pour le niveau infra‑bac, le nombre d’entrées a progressé de 36 % en 2019 et de 27 % en 2020 ; pour le niveau bac, la hausse est de 19 % en 2019 et 16 % en 2020. L’augmentation est réelle mais elle est moindre que dans le supérieur ; la dynamique de l’apprentissage concerne tous les niveaux même si l’enseignement supérieur en est la locomotive. En reconnaissant l’excellence de l’apprentissage, celui‑ci contribue à atténuer la stigmatisation dont cette voie continue d’être victime selon plusieurs d’entre vous.

Madame Goulet, vous avez souligné l’agressivité commerciale auxquels tous les Français ont été confrontés de la part d’organismes de formation qui cherchent à profiter de la manne du CPF. Les Français n’ont pas à subir de telles nuisances et le CPF doit servir à financer des formations utiles pour notre pays et pertinentes pour son titulaire. Le rapport recommande l’interdiction des démarchages commerciaux agressifs. La Caisse des dépôts et consignations travaille déjà sur le sujet. Il faut également mieux informer les citoyens sur les modalités de signalement des abus – Mme Parmentier-Lecocq faisait état presque d’extorsion – ainsi que sur les possibilités de remboursement. Si elle est avertie par un signalement, la CDC peut porter plainte et rembourser les personnes abusées.

Dans le même ordre d’idées, le contrôle de la qualité des centres de formation est indispensable. L’évaluation a mis en lumière le fonctionnement satisfaisant du système. Le label Qualiopi a été salué par l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés, les indicateurs évalués étant jugés pertinents.

Il reste donc à sanctionner les responsables d’abus ou de fraudes, qui peuvent être de nature très différente – il s’agit le plus souvent d’agressivité commerciale, les fraudes plus graves sont bien plus rares.

Madame Biémouret, selon vous, la formation ne s’adresse pas aux plus vulnérables mais l’évaluation vous donne tort : la mutualisation des fonds pour financer le plan de développement des compétences est fléchée vers les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont jusqu’à présent très peu investi dans la formation. Les moyens mutualisés sont concentrés là où l’accès à la formation est le plus difficile.

Le plan d’investissement dans les compétences a permis à un million de personnes de suivre une formation longue et qualifiante, à comparer aux 50 000 bénéficiaires des parcours de reconversion. On ne peut donc pas nous faire ce procès-là.

J’ai déjà répondu, monsieur Christophe, en ce qui concerne les prépamétiers.

S’agissant de l’orientation, la réforme de l’apprentissage a vu, avec la libéralisation de l’offre, la mise en place d’un système d’indicateurs permettant de montrer la performance des formations, comme l’intégration professionnelle à la sortie, la rupture – ou non – des contrats pendant les formations et l’accompagnement, par les CFA, des apprenants en cas de rupture, pour leur trouver une autre entreprise. Tous ces indicateurs, qui assurent la transparence et l’information des usagers, vont permettre de réguler le système. En effet, on peut penser que les formations de piètre qualité seront peu utilisées, contrairement à celles qui ont de belles performances. C’est aussi la philosophie de la loi. Au bout de seulement trois ans, et en raison aussi de la crise sanitaire, on manque parfois un peu de recul, mais ces dynamiques existent sur le plan structurel. Nous avons pu nous assurer que ces instruments de régulation sont bien présents et fonctionnent.

Les CFA peuvent-ils suffisamment investir à long terme ? La question est souvent revenue lors de nos auditions, madame Six. Les régions ont des enveloppes d’environ 200 millions d’euros pour les investissements de long terme dans les projets des CFA et les OPCO peuvent également participer. Plusieurs acteurs nous ont demandés s’ils pouvaient utiliser leurs réserves, leurs propres moyens. C’est une préconisation que nous faisons, Gérard Cherpion et moi, et nous avons le sentiment que cela ne devrait pas poser trop de difficultés. Il nous semble aussi que les possibilités d’investissement à long terme ne sont pas mises à mal.

Concernant la carte des CFA, beaucoup d’acteurs nous ont dit que le système était désormais beaucoup plus fluide et beaucoup plus souple. Des formations qui mettaient auparavant dix‑huit mois à voir le jour sont créées en six mois. On a gagné en réactivité. Quant à la territorialisation de l’offre, aucun CFA n’a fermé à ce jour et les nouveaux centres sont répartis d’une manière assez équilibrée sur l’ensemble du territoire. La crainte qui était un peu exprimée par les régions avant la réforme est largement contredite par les faits. Il n’y a pas de désertification dans certains territoires au profit d’autres. Je redis aussi que les régions peuvent investir dans des projets partagés avec les CFA et les OPCO pour structurer les territoires.

Madame Dubié, 333 millions d’euros supplémentaires ont été investis en 2020 dans le cadre du FNE, dont 40 % au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés selon la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

Que faire, nous a demandé Mme Vidal, pour favoriser le développement du CPF ? Comme je l’ai dit, il faut développer bien davantage le CEP. C’est une pépite qui n’est malheureusement pas bien connue. Ce dispositif a donc du mal à monter en puissance, mais les salariés y adhérent énormément quand ils en ont entendu parler, car il répond à leurs besoins. Il faut faire connaître, dans nos territoires, cette prestation gratuite de conseil, dispensée à volonté, qui est vraiment complémentaire du CPF. Cela fait également partie de nos préconisations.

Le co‑investissement est un outil utile, dont j’ai déjà parlé. Si une entreprise veut investir dans la formation de ses salariés, elle pourra notamment présenter dans le cadre des entretiens professionnels les opportunités offertes par certaines formations pour le développement des carrières et ses axes stratégiques pour l’avenir. Il me semble que c’est vraiment une démarche gagnant‑gagnant dans laquelle l’entreprise partage avec ses salariés, d’une certaine manière, sa vision pour la suite. Cela ne peut qu’être positif pour le choix des formations par les salariés, et c’est également susceptible d’amener les entreprises et les branches à adopter une vision plus stratégique de la formation. Avant la réforme, beaucoup trop d’entreprises considéraient la formation comme un coût et non, comme nous le souhaitons, un investissement.

Le co‑investissement contribue à la dynamique qui a commencé à se développer. Certains OPCO se sont saisis des possibilités offertes. OCAPIAT, par exemple, a mis en place des co‑abondements dans le secteur alimentaire pour des formations qui vont dans le sens de la stratégie de moyen terme définie dans ce secteur. Il faut maintenant rendre les co‑abondements beaucoup plus simples en ce qui concerne les process et les systèmes d’information : c’est une de nos recommandations. Tout est quasi automatique pour l’employeur en cas d’achat d’une formation destinée à un salarié, mais c’est plus compliqué dans le cadre d’un accord avec un OPCO pour certaines formations spécifiques.

M. Gérard Cherpion, rapporteur. L’évaluation est importante ; c’est même une obligation. Elle est fondée sur des retours d’expérience, venant du terrain, grâce à nos collègues et à toutes les personnes et les structures que nous avons auditionnées – je tiens à les remercier.

L’orientation est depuis toujours le point faible de notre système de notre formation, y compris initiale. Depuis le nouveau partage, les choses fonctionnent plutôt bien dans certaines régions, mais le démarrage est un peu plus lent ailleurs.

Il y avait cent vingt OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés – en 2011. On est passé à une vingtaine d’OPCA, puis à onze OPCO : une restructuration extrêmement forte a donc eu lieu. Si on en était au même niveau dans le cadre des branches, il y aurait plus de perméabilité dans le système. En tout cas, on va dans le bon sens et je pense qu’il y aura un lissage au fil du temps.

Les liens entre les CFA et les OPCO sont globalement bons. Il peut y avoir des problèmes liés à des lenteurs en matière de financement, mais la situation paraît s’améliorer à mesure que le système évolue.

Concernant l’apprentissage, on constate un tassement au niveau infra‑bac, alors qu’il y a des besoins du côté des entreprises et chez les jeunes. Certains – j’en connais dans la papeterie – démarrent par un certificat d’aptitude professionnelle et font ensuite une école d’ingénieur. Un graphique figurant dans le rapport peut être lu de diverses manières : il montre que l’augmentation est plus importante au niveau post‑bac mais il fait aussi apparaître un lissage.

Il faut développer les parcours. Une des questions qui se posent concerne les financements, qui sont lourds, au niveau post‑bac. Doivent‑ils être intégralement supportés par le système de l’apprentissage ou faut-il, comme pour l’enseignement supérieur, un financement venant du budget de l’État ?

Cela m’amène au déficit de France compétences. Il est élevé, mais il faut se rappeler que l’esprit de la loi était de travailler à guichet ouvert en matière d’apprentissage. Le déficit est lié au succès de l’apprentissage. On doit réfléchir à cette question en pensant, je l’ai dit, à la question des sources de financement.

S’agissant du CPF, on va vers davantage de qualité. Néanmoins, certaines utilisations du dispositif rappellent une autre époque, où les fonds destinés à la formation n’étaient pas nécessairement très bien employés – personne n’a oublié les formations macramé... La question de l’abondement et celle de la coconstruction avec les entreprises, en évitant certains débordements, prennent une importance croissante.

Les régions jouent un rôle significatif dans les formations, non seulement pour celles qui sont rares mais aussi en ce qui concerne la gestion des lycées professionnels, en particulier les ouvertures de classes. C’est important pour les équilibres territoriaux. Il existe une complémentarité entre les lycées professionnels et l’apprentissage, avec des passerelles entre les deux.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Le titre II étant beaucoup plus court, les réponses le seront aussi, tout en étant peut-être plus politiques.

S’agissant des ORE, notre position est très claire : il y a des droits et des devoirs. Je rappelle que cette notion d’ORE a été introduite par la loi de 2008, avec des limites. Tout repose sur des échanges éclairés et une relation de confiance entre le demandeur d’emploi et son conseiller référent. Il me semble que c’est la bonne approche. Y a‑t‑il des abus ? C’est au conseiller référent de l’évaluer. La loi permet-elle de dire strictement si, dans tel ou tel cas, une offre raisonnable a été refusée ou non ? Cela me semble compliqué. Il faut en rester à la relation de confiance que j’ai évoquée et à l’idée qu’il y a des droits et des devoirs. Nous connaissons tous des cas où le système ne fonctionne pas parfaitement, mais l’évaluation est très difficile en la matière, Pôle emploi l’a rappelé.

M. Joël Aviragnet, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord. Les deux principales questions qui se posent sont d’abord celle de la formation et ensuite celle du niveau de rémunération : c’est surtout ce qui empêche la correspondance entre les offres d’emploi et les demandes. En matière de formation, il y a un problème avec le CPF. Il devrait permettre aux gens de s’adapter aux besoins. S’agissant de la rémunération, deux éléments me sont remontés. Dans les zones rurales, il faut que les déplacements puissent être couverts financièrement. 50 kilomètres de déplacement par jour – c’est très fréquent à la campagne –, cela coûte 120 euros par mois compte tenu du prix des carburants. On imagine bien l’incidence sur les petits salaires. Par ailleurs, la question de l’emploi du conjoint peut se poser. Voilà essentiellement ce qui est susceptible de bloquer. Il faut regarder dans le détail ce que sont les difficultés. Certaines d’entre elles me paraissent un peu incontournables.

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’avis de nos deux rapporteurs n’est pas divergent, cette fois-ci.

Mme Carole Grandjean, rapporteure. S’agissant du calcul de l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, madame Tamarelle-Verhaeghe, nous soulignons dans le rapport les difficultés des petites entreprises. Plus de 60 % de celles qui comptent entre 50 et 99 salariés rencontrent des difficultés en la matière. Par ailleurs, il est plus difficile pour elles de mettre en place des mesures correctives, notamment en raison de leur moindre turnover, de leur implantation et de leurs capacités réduites concernant les politiques de ressources humaines – elles n’ont d’ailleurs pas de service spécifique dans ce domaine. Cela vaut aussi pour l’établissement du document unique d’évaluation des risques professionnels et pour d’autres obligations.

S’agissant de l’OETH, on ne peut pas dire que la hausse du nombre d’entreprises assujetties soit synonyme de hausse du taux d’emploi des travailleurs handicapés..

Mme Michèle de Vaucouleurs, rapporteure. Thierry Michels a évoqué les référents handicap. Ils ont effectivement un rôle clef, qui est très bien perçu, quand ils existent, par les travailleurs handicapés au sein des entreprises. Il y a toutefois un déficit de visibilité. Le fait que cette mission est souvent mélangée avec d’autres peut nuire à la pleine reconnaissance de ces référents. Avoir des référents spécifiques, quand c’est possible, et mieux formés serait positif. L’AGEFIPH a développé tout un volet de formation pour ces référents, ce qui est essentiel. Selon les derniers chiffres, il existe 1 300 référents handicap. Nous espérons que leur nombre pourra augmenter, notamment lorsque la déclaration de l’OETH pourra se faire via la DSN, et que l’on s’acheminera vers une généralisation du dispositif dans les entreprises de plus de 250 salariés.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie et félicite l’ensemble de nos rapporteurs pour leur travail, excellent et transpartisan. Le groupe La République en Marche a proposé d’inscrire à l’ordre du jour de la séance du mardi 1er février un débat sur le présent rapport d’évaluation. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur ces sujets qui nous préoccupent tant, en particulier l’emploi et l’insertion des publics les plus vulnérables et des jeunes : nous ne pouvons que nous réjouir de cette belle initiative. Merci à tous pour votre mobilisation concernant l’emploi et l’investissement dans les ressources humaines, qui constituent des priorités pour nos concitoyens.

En application de l’article 1457, alinéa 3, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’évaluation.


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   Contributions

I.   Contribution du groupe la république en marche

Contribution du groupe LaRem annexée au rapport d’évaluation du titre Ier de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

 

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a fêté ses trois ans le 5 septembre 2021. Son titre premier transforme en profondeur l’apprentissage et rend la formation professionnelle beaucoup plus accessible.  Il porte l’ambition de bâtir les premiers jalons d’une société de compétences.

Cette loi engage une réforme structurelle, emblématique de ce que la majorité a porté durant cette législature : une identité résolument réformatrice et simplificatrice, une volonté de donner à chacun les moyens de s’émanciper, de progresser tout au long de sa vie professionnelle, et de se réaliser.

Les effets positifs de la réforme sont déjà visibles sur nos territoires : l’apprentissage a connu une progression historique, avec près de 700 000 contrats signés en 2021.  La réforme du “coût contrat” c’est-à-dire d’un mode de financement ouvert, proportionnel au nombre d’apprentis formés, a également permis la « libération » de l’offre des centres de formation d’apprentis (CFA) dont le nombre a doublé depuis la réforme. Ainsi, chaque entreprise peut désormais créer son propre CFA. Les branches, peuvent quant à elles, contribuer à déterminer le contenu pédagogique des programmes, afin de les adapter au plus près de la réalité des métiers.

En outre, les salariés disposent désormais d’outils facilement mobilisables pour se former, notamment grâce à l’application « moncompteformation » sur smartphone. Les entreprises, comme les branches, peuvent abonder de manière complémentaire les comptes personnels de formation (CPF) de leurs salariés, afin de faire de la formation un investissement stratégique. En revanche, il revient aux députés de la majorité de renforcer l’information sur le dispositif de conseil en évolution professionnelle. En effet, tout travailleur peut bénéficier à sa demande d’un conseil gratuit et personnalisé, complètement indépendant de son employeur, au sujet de son parcours professionnel et de formation.

 

Les députés de la majorité ont souhaité évaluer l’application de la loi sur le terrain afin d’en mesurer l’efficacité. Voter des lois est nécessaire, mais insuffisant si nos concitoyens n’en voient pas les effets dans leur vie quotidienne. Par ce travail de contrôle, nous nous assurons de la réalisation des objectifs de la loi préalablement définis, nous jugeons de l’appropriation de la réforme par l’ensemble des acteurs et nous en faisons la restitution afin d’en corriger les dysfonctionnements éventuels.

Dans un premier temps, la rapporteure a suivi le déploiement de la loi, un an après son vote, en réalisant un « Tour de France », à l’invitation des députés du groupe La République en Marche (LaREM), réunissant acteurs de la formation, de l’apprentissage et parlementaires.

Dans un second temps, les députés de la majorité ont effectué une évaluation de l’impact de la réforme dans les territoires, en parallèle de l’évaluation institutionnelle menée dans le cadre de la mission d’évaluation, en allant à la rencontre de nombreux acteurs de nos circonscriptions : CFA, entreprises, organismes de formation, opérateurs du conseil en évolution professionnelle, opérateurs de compétences, représentants des Régions, etc.

Cette contribution au rapport d’évaluation opère une synthèse de ces remontées territorialisées. Elle ne saurait donner un regard global sur l’impact de la réforme au niveau national, ce qui est davantage l’objet du rapport général d’évaluation. Elle permet néanmoins d’avoir à la fois un retour concret d’acteurs de terrain, de présenter des témoignages et spécificités de certains territoires et d’associer les acteurs au travail d’évaluation parlementaire.

Nous remercions chaleureusement les députés qui ont contribué à ce travail collectif venant utilement compléter le rapport de la mission d’évaluation.

 

Christophe CASTANER       Catherine FABRE

Président du groupe LaREM  Co-rapporteure du rapport d’évaluation de la loi du 5 septembre 2018

Députés contributeurs :

Anne BRUGNERA, députée de la 4ème circonscription du Rhône ;

Christine CLOAREC, députée de la 5ème circonscription d’Ille-et-Vilaine ;

Fadila KHATTABI, députée de la 3ème circonscription de Côte-d’Or ;

Monique LIMON, députée de la 7ème circonscription de l’Isère ;

Thierry MICHELS, député de la 1ère circonscription du Bas-Rhin ;

Muriel ROQUES-ETIENNE, députée de la 1ère circonscription du Tarn ;

Marie-Christine VERDIER-JOUCLAS, députée de la 2ème circonscription du Tarn.

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  1. La réforme de la formation professionnelle

 

A)     Les constats faits par les acteurs

Dans le Bas-Rhin, les entreprises industrielles interrogées[397] accueillent favorablement la réforme qui permet, selon elles, une meilleure appropriation des outils pour des besoins spécifiques. Elles trouvent la réforme positive en ce quelle permet plus de simplicité et de rapidité dans la gestion des contrats.

 

Les industriels interrogés connaissent tous lexistence des conseillers en évolution professionnelle (CEP) et la moitié en a déjà parlé à ses employés lors de bilans de compétences ou lorsque quun employé exprime son souhait de changer de carrière.

A l’inverse, en Ille-et-Vilaine, un cabinet de conseil interrogé[398] souligne le manque de connaissance des salariés du CEP, en particulier dans les petites entreprises. Il considère qu’il s’agit pourtant d’un bon outil à la main des salariés et des travailleurs indépendants.

En Gironde, le Centre Inter-institutionnel des Bilans de Compétences de la Gironde (CIBC 33), souligne que le service de proximité qui est fourni depuis la réforme est sans commune mesure. Toutefois, il fait remarquer que selon les régions les budgets dédiés à la communication sur le CEP ne sont pas les mêmes. La communication est régionalisée alors quune communication nationale est nécessaire.

 

Le CIBC 33 entretient par ailleurs de bonnes relations avec France compétences. Il estime ne jamais avoir vu de commanditaire aussi professionnel dans la maîtrise de suivi du service et considère le niveau dexigence extrêmement fort.

 

Les entreprises industrielles interrogées dans le Bas-Rhin relèvent que le Compte personnel de formation (CPF) est mieux connu. Elles échangent souvent sur la question avec leurs salariés qui par la suite lont presque tous utilisé. Pour autant, la majorité des entreprises interrogées nenvisage pas encore dabonder le CPF.

En revanche, le réseau des groupements d’établissements (GRETA) dAlsace et la Chambre des métiers dAlsace ne trouvent pas le nouveau système si souple ou réactif. Ils trouvent les droits CPF encore difficiles à mobiliser techniquement par certains demandeurs d'emploi et les dossiers CPF de transition difficiles à obtenir.


Témoignages – L’abondement au CPF

 

« Le CPF est un super outil pour former. J’abonde régulièrement pour faire passer un CACES [Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité] et une habilitation ou même un permis poids lourds. Cela donne tout simplement accès à l’emploi, ni plus ni moins. Les démarches se sont extrêmement simplifiées. Sachez que nous touchons aussi une population qui a du mal avec des outils numériques ou même à écrire. »

Temporis Albi Franchise

 

« En congé parental, j’ai décidé de profiter de cette période pour monter en compétences. Grâce à l’abondement de mon CPF par l’OPCO OCAPIAT, j’ai bénéficié d’une formation à distance me permettant d’allier ma volonté de monter en compétences et mes responsabilités de jeune maman. »

 

Claire B., Bordeaux

 

 

En Côte dOr, un expert de la formation, anciennement formateur à lAgence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) affirme quoffrir à un citoyen la possibilité d’accéder gratuitement et facilement à une formation pour obtenir le permis de conduire et ainsi de pouvoir trouver un emploi est certainement une solution très intéressante. Pour lui, le CPF trouve également du sens pour le financement de modules de formation pertinents qui se déroulent dans des conditions pédagogiques et réglementaires conformes. En revanche, le CPF perd de son sens et de son utilité lorsqu’il devient une opportunité pour les organismes de formation de proposer des formations sans se préoccuper de leur qualité et de leur adaptation au besoin du salarié en les formatant pour qu’elles entrent dans un cadre financier.

 

Il souligne par ailleurs, que le label QUALIOPI permettra aux organismes certifiés de répondre aux appels d’offres des Conseils régionaux, de Pôle Emploi ou des Opérateurs de compétence (OPCO), ce qui présente indubitablement des intérêts, notamment en facilitant la lisibilité de leur offre auprès des entreprises et des usagers et en les stimulant à développer une amélioration en continue.

L’expert interrogé remarque que si QUALIOPI permet de valider la qualité de l’organisme, la certification ne permet pas de valider la qualité pédagogique intrinsèque de la formation. La certification QUALIOPI, pour être obtenue, nécessite de remplir des critères très précis attestant du sérieux de l’organisme. De plus, le référencement des formations au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au sein des répertoires spécifiques atteste de leur qualité pédagogique.

Il redoute par ailleurs que certains organismes certifiés QUALIOPI organisent des formations en co-traitance ou en sous-traitance avec des organismes non certifiés et servent ainsi de « couverture ». Il souligne également que certains organismes de formation réalisent du « phoning » via des sociétés spécialisées pour proposer à nos concitoyens, d’utiliser leur CPF sans aborder la notion d’objectif, ni professionnel, ni personnel. Sur ce sujet, les rapporteurs ont formulé deux propositions pour lutter efficacement contre les pratiques commerciales agressives relatives au CPF.


Enfin, lexpert souligne que les formations en alternance, dans le cadre des contrats de professionnalisation par exemple, apportent une solution pour mettre en œuvre la formation par la pratique.

 

Dans le Tarn, il existe des associations et des organismes de formation dont le cœur de métier est le développement des compétences de base, pour un public fragile, de faible niveau de qualification et souvent éloigné de l'emploi (allophones, non lettrés). Les compétences de base sont toutes les compétences nécessaires pour garantir à chaque personne des conditions favorables à son épanouissement personnel, à sa citoyenneté active, à son intégration sociale et à son insertion professionnelle.

Ces organismes trouvent que si la certification QUALIOPI a l'intérêt de "professionnaliser" les organismes de formation et d'attester de la qualité de leurs actions, elle semble peu adaptée aux dimensions de ces petites structures, a fortiori pour des formations qui ne sont ni diplômantes, ni qualifiantes.

 

B)     Les propositions des acteurs

     Promouvoir l’existence du CEP sur les territoires ;

     Faire en sorte que les OPCO retrouvent le volet « conseil » des anciens Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). A noter que cette proposition est déjà effective, le conseil étant clairement inscrit dans les missions des OPCO ;

     Renforcer l’accompagnement des élèves, des salariés et des entreprises, tout au long du parcours de formation ;

     Concevoir un dispositif de formation qui s’étalerait davantage dans le temps afin de réduire les temps de formation proprement dits. A noter, que cette proposition est en partie intégrée dans les dispositifs de formation par alternance ou dans une moindre mesure dans l’Action de formation en situation de travail (AFEST) mais il serait pertinent de la renforcer ;

     Lever l'anonymat des notations des stagiaires (afin d’éviter les dérives observées sur les réseaux sociaux) : chaque stagiaire doit pouvoir assumer son avis et permettre aux organismes de formation de répondre ;

     Sanctionner davantage les organismes de formation qui proposent des prix "packagés" comprenant le déplacement et le logement de l’apprenant avec 0 € de reste à charge. Mieux informer les bénéficiaires du CPF sur l’illégalité de ces pratiques;

     Prendre en compte le taux de rupture des parcours dans la certification des organismes formateurs. A noter que cette proposition, est déjà mise en œuvre puisque l’indicateur 12 de la certification QUALIOPI demande que « le prestataire [décrive] et [mette] en œuvre les mesures pour favoriser l’engagement des bénéficiaires et prévenir les ruptures de parcours. »


  1. La « révolution copernicienne » de l’apprentissage

 

A)     Les constats faits par les acteurs

 

En Isère, les acteurs interrogés dans le cadre d’un séminaire sur la jeunesse et l’insertion affirment que l’assouplissement des conditions de rupture de contrat à l’initiative de l’apprenti, introduit par la loi, est une souplesse qui peut s’avérer bénéfique pour des jeunes qui ne trouvaient pas dans l’apprentissage une solution adéquate.

 

A Lyon, la Société d'enseignement professionnel du Rhône (SEPR, groupe de 5 établissements qui forment tout au long de la vie apprentis, lycéens, étudiants, demandeur d'emploi, salariés, etc.) constate que les apprentis trouvent plus facilement des contrats d’apprentissage, notamment grâce aux nombreuses plateformes existantes de mise en lien. Toutefois certaines filières peinent toujours à trouver des structures proposant des stages (par exemple la formation sur les enseignes lumineuses) car ce sont des métiers rares et peu connus. À l’inverse, certaines formations comme celles relatives aux décors de magasin ont des places en entreprise mais ne trouvent pas de candidats.

Par ailleurs, si les relations avec la Région se sont mécaniquement réduites avec la réforme, des échanges demeurent, notamment au sujet de l’investissement via des appels à projets régionaux et quelques aides ponctuelles comme l’aide à l’achat des manuels scolaires par exemple. In fine, la recentralisation de l’apprentissage fonctionne beaucoup mieux, il n’y a pas de comparaison en termes d’efficacité avec l’ancien système. Tout d’abord, la suppression du contingentement a permis une plus grande liberté dans la proposition des formations.

 

La SEPR remarque enfin que les inscriptions en apprentissage sont en hausse depuis 3 ans. En 2021, la hausse était de 10%, la plus forte enregistrée. Cela est dû d’une part aux nombreuses aides proposées aux entreprises pour l’embauche d’un apprenti. D’autre part, la SEPR souligne le fait que la loi de 2018 et le discours sincère en adéquation avec les actes a permis un véritable changement de regard sur l’apprentissage, attirant de plus en plus. Les pistes sont nombreuses pour continuer à se développer : les partenariats, l’hybridation des formations. Par ailleurs, il est important de souligner que le taux d’insertion professionnelle est de 100% pour les métiers rares et environ de 78% pour les autres formations.

 

Quels logements pour les apprentis ? L’exemple de la SEPR de Lyon

« Les apprentis de la SEPR viennent de la France entière. Mais la grande majorité vient de la région Auvergne Rhône-Alpes. (80% d’origine régionale et 20% issus du national, notamment sur les filières dites « rares » type souffleur de verre).

Concernant le logement de ces apprenants, la SEPR bénéficie d’un partenariat avec la Métropole de Lyon pour disposer de places réservées dans des résidences sociales. Elle possède un internat sur son site à Annonay.

Un projet de développement de lits, appartenant à la SEPR, sous forme de résidence sociale en lien avec le service social de l’établissement, est en cours. »

 

 

 

En Ille-et-Vilaine, le Club des entreprises du pays du Châteaugiron constate une augmentation de l’apprentissage sur les niveaux post bac. Le Délégué régional AGEFOS fait remarquer que l’apprentissage est devenu une voie de progrès et d’insertion professionnelle mais souligne le besoin de stabilité législative en matière d’apprentissage. La bonne mise en place des prépas apprentissage est par ailleurs remarquée par une représentante de mission locale.

Dans le Bas-Rhin, le CFA académique de Strasbourg existe depuis septembre 2020. (Post-réforme). La réforme systémique de la loi de 2018 a nécessité de repenser l'organisation de l'apprentissage public en Alsace. La création d'un CFA académique est une réponse.

Le CFA estime que le coût-contrat est bénéfique pour financer des parcours de formation adaptés à des publics à besoins particuliers notamment pour les personnes en situation de handicap. Le CFA académique a une politique du handicap, comprenant notamment une unité d’apprentissage à lInstitut médico-éducatif de Mulhouse.

 

Quelle place pour l’infra-bac ? Focus Alsace

 

L’apprentissage est historiquement plus développé en Alsace que dans le reste du pays sous l’influence du modèle allemand. Par ailleurs, l’évolution des types de métiers sur le territoire alsacien est importante. Comme partout en France, la réforme a néanmoins participé à l’accélération de ce développement. Le Centre de formation d’apprentis académique remarque ainsi une augmentation du nombre d’apprentissages dans les secteurs concernés en Alsace (avant la loi 4500 puis 5300 en 2020 et 6200 en 2021). La majorité des apprentis sont en niveau infra-bac.

 

 

Dans le Tarn, le représentant de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) 81 trouve que la réforme permet de réduire les délais d’ouverture de formations de 18 à 6 mois. A noter que cette réduction des délais a également été appréciée en Gironde où un CFA souligne que cela leur a permis de fortement gagner en réactivité.

Le CFA de la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) 81 fait également remarquer que grâce à la loi, les personnes en situation de handicap voient leur parcours de formation être rallongé selon les besoins : c’est un vrai plus et cela rencontre un véritable succès dans les CFA.

 

A Lyon, la SEPR note une difficulté à trouver des candidats pour les métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Le service en restauration est en tension depuis des décennies alors que les demandes en filière coiffure sont en baisse depuis seulement 2/3 ans. Malgré cela, et malgré le contexte pandémique, les effectifs sont en hausse de 5% entre les rentrées 2019 et 2020.

En Isère, les acteurs remarquent quil est encore difficile de trouver un vivier dapprentis dans le milieu agricole car la porte dentrée dans ce monde est très large. Le développement de lapprentissage est néanmoins nécessaire. Ils soulignent par ailleurs quil était attendu de la réforme de l’apprentissage une plus grande implication des branches professionnelles dans la co-construction des programmes. A ce jour, cela n’est pas forcément le cas.

En Ille-et-Vilaine, le Directeur du CFA Régional de Bretagne note plusieurs angles morts : la nécessité dun meilleur accompagnement des apprentis car lon constate une baisse du niveau des apprentis qui nécessiterait un accompagnement social plus élevé qui était précédemment fait. Il remarque par ailleurs que les apprentis sont de plus en plus jeunes mais ne bénéficient pas toujours de conditions dhébergement nécessaires en Bretagne.

De nombreuses structures, CFA et GRETA notamment, notent une charge administrative trop importante que ce soit à Lyon, en Ille-et-Vilaine ou encore dans le Bas-Rhin.

Dans le Tarn, seuls les GRETA peuvent faire des sessions d’examens quand ils le souhaitent dans l’année, les centres de formation ne le peuvent pas. Cela crée une distorsion de concurrence sur le marché de la formation.

 

B)     Les propositions des acteurs

     En secteur rural, la mobilité constitue un des freins périphériques pour les apprentis. En plus des mesures mises en place grâce à la loi du 5 septembre 2018, des expériences ont consisté à mettre en place des partenariats avec des auto-écoles.  Les limites administratives (intercommunales comme départementales) ne doivent pas être une contrainte supplémentaire, d’où la nécessité de travailler à des échelles comme celle des bassins d’emplois. Il est nécessaire que les acteurs socio-économiques locaux se saisissent aussi de cette problématique pour que leurs besoins soient effectivement pris en compte dans les schémas de transports, et donc participent aux groupes de réflexion locaux sur ce sujet ;

     Promouvoir davantage l’apprentissage comme voie d’excellence au sein des formations BAC + 4 et BAC + 5. Les cadres issus des écoles supérieures seront des promoteurs de l’apprentissage. Il faut donc amener les grandes écoles d’ingénieurs à faire de l’apprentissage ;

     Renforcer l’accompagnement des jeunes lorsqu’un contrat d’apprentissage est rompu. A ce sujet, notons que les CFA y sont fortement incités par les nouvelles modalités de financement mises en place par la réforme ;

     Permettre plus de souplesse dans l’organisation des examens de la part de l’Éducation Nationale. Les calendriers imposés ne collent pas toujours avec le rythme de la formation en apprentissage ;

     Modifier les dates d’examens d’entrée en CFA pour permettre à davantage d’élèves d’entrer au cours de l’année ;

     Mettre en place un système européen de transfert et d'accumulation de crédits ou ECTS pour les apprentis comme cela existe pour les étudiants, ce qui faciliterait la mobilité ;

     Cibler les formations vers les infra-bac en investissant davantage à ce niveau, les aides devraient être ciblées sur les niveaux 3 c’est-à-dire CAP et bac professionnel et être dégressives des niveaux de diplômes supérieurs. A noter que l’aide unique à l’apprentissage était initialement dégressive, avant la mise en place des aides exceptionnelles durant la pandémie de Covid-19 qui concernent désormais tous les niveaux ;

     Mettre en place un « référent apprentissage » qui permettrait de faire le lien entre les structures pour accompagner les familles et aider les jeunes, notamment dans les Quartiers prioritaires de la ville ;

     Généraliser les dispositifs de tutorat au sein des entreprises pour que les salariés qui partent à la retraite forment les plus jeunes. Certaines entreprises ne savent pas comment le faire.

 

 

 

  1. La réforme de l’orientation

Au cours des échanges dans les différents territoires, les acteurs rencontrés ont à plusieurs reprises abordé la question de l’orientation, qui d’un consensus général, est un sujet crucial.

De ces échanges ressortent plusieurs propositions :

     Engager une réflexion autour de l’année de quatrième comme année charnière de l’orientation et de l’accompagnement ;

     Modifier les stages de 3ème, en les avançant si possible à la 4ème. Il serait préférable que chaque entreprise accueille 3 jeunes sur une journée avec un roulement sur plusieurs jours au lieu d’accueillir un jeune toute une semaine. Cela aurait l’avantage de permettre aux jeunes de découvrir plusieurs métiers, et notamment ceux qui sont moins connus comme celui du secteur médical ;

     Les décrocheurs scolaires ont bien souvent moins de 16 ans. Il convient donc de les ancrer le plus tôt possible avec les champs des réalités, des possibilités de métiers ;

     Parler davantage d’apprentissage dans les filières générales et pas que de longues études, y compris auprès des élèves très scolaires.

 

 

La transmission intergénérationnelle : l’exemple de l’Association « L’Outil en main » en Albigeois

 

« Tous les mercredis après-midi, dans les quartiers prioritaires de la ville, les retraités bénévoles de l’association « L’Outil en main » initient les 9-14 ans aux métiers manuels. 35% des jeunes suivis par cette association partent en apprentissage. »

 

Association L’Outil en main en Albigeois

 

 

Orientation par la valorisation des métiers : l’exemple de l’Occitanie

« Le Conseil régional finance chez les OPCO un demi-poste sur la valorisation des métiers. Les OPCO d’Occitanie font de la formation dans les écoles pour valoriser les métiers auprès des élèves, notamment en perspective des stages de 3ème. Cette action s’appelle TANDEM et vise également à associer les familles. D’autres programmes novateurs sont proposés comme « en coulisse » et « les professionnels ouvrent leurs portes » pour découvrir les métiers directement auprès des professionnels. »

 

OPCO AKTO Occitanie

 

 

 


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II.   Contribution de Mme Fadila Khattabi, présidente de la commisson des affaires sociales





 

 


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III.   Contribution de MME aNNE bRUGNERA

 

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Anne Brugnera

Députée 4ème circonscription du Rhône

 

 

Entretien de la loi LCAP auprès d’un organisme de formation

La SEPR – Lyon 3ème

Questionnaire rempli après une visite de l’établissement et un entretien avec la Directrice de la SEPR - Un groupe de 5 établissements pour former tout au long de la vie apprentis, lycéens, étudiants, demandeurs d’emploi, salariés...

  1. Depuis quand est ce que le centre existe ? Si le centre a été créé́ après la réforme : en quoi est ce que la réforme de 2018 vous a aidé́ dans la création de ce CFA ?

Reconnue d’utilité publique depuis 1878, la SEPR est une association Loi 1901 gestionnaire de 5 organismes de formation.

Pionnière de la formation professionnelle, aujourd’hui premier organisme de formation professionnelle initiale en Auvergne-Rhône-Alpes, la SEPR a su s’adapter pour proposer des contenus formatifs permettant à chacun.e de se former tout au long de sa vie, accompagné.e par des équipes éducatives et administratives garantes du respect de son système de valeurs.

Elle a créé son premier CFA dès 1971.

En 150 ans, plus d’1 million de jeunes et adultes ont été formés dans l’un de ses établissements, en partenariat étroit avec plus de 100000 entreprises.

  1. A quel(s) secteur(s) d’activité́ correspond votre organisme de formation / CFA ? Ces secteurs sont-ils en tension/porteurs ?

La SEPR a 95 formations disponibles réparties dans 6 pôles de métiers : Métiers D’Art et de la création, métiers techniques et de l’informatique, métiers du tertiaire et de la vente spécialisée, métiers de bouche et de la restauration, métiers de la communication visuelle et de la chaîne graphique, métiers de la beauté, de la santé et du social.

Bien évidemment, la situation est très différente d’une formation à l’autre. À titre d’exemple, la SEPR relève la difficulté à trouver des candidats pour les métiers de l’hôtellerie / restauration. Cette tension existe mais elle n’est pas trop forte. A l’inverse, le service en restauration est en tension mais depuis des décennies alors que les demandes en filière coiffure sont en baisse depuis seulement 2/3 ans.

  1. Combien d’apprentis/ de stagiaires de formation continue suivent actuellement une formation au sein de votre établissement ? (Petite, moyenne ou grosse structure) ?

L’établissement compte 3700 apprentis (4109 avec la structure d’Annonay), et entre 200 et 250 stagiaires en formation professionnelle. Ces effectifs sont en hausse de +5% entre les rentrées 2019 et 2020, malgré le contexte pandémique.

  1. Les apprentis qui suivent une formation au sein de votre CFA viennent-t-ils de la Région ? Disposez-vous d’internats à proximité́ ?

Les apprentis de la SEPR viennent de la France entière. Mais la grande majorité vient de la région Auvergne Rhône-Alpes. (80% d’origine régionale et 20% issus du national, notamment sur les filières dites « rares » type souffleur de verre).

Concernant le logement de ces apprenants, la SEPR bénéficie d’un partenariat avec la Métropole de Lyon pour disposer de places réservées dans des résidences sociales. Elle possède un internat sur son site à Annonay.

Un projet de développement de lits, appartenant à la SEPR, sous forme de résidence sociale en lien avec le service social de l’établissement, est en cours.

  1. Vos apprentis arrivent-ils à trouver des contrats d’apprentissage facilement ? Et les entreprises trouvent-elles facilement des apprentis ?

Le sujet s’est beaucoup amélioré, notamment grâce aux nombreuses plateformes existantes pour une mise en lien. Toutefois certaines filières peinent toujours à trouver des structures de stages (par exemple la formation sur les enseignes lumineuses) car ce sont des métiers rares et peu connus. À l’inverse, certaines formations comme celles relatives aux décors de magasin ont des places en entreprise mais ne trouvent pas de candidats.

  1. Quel est votre nouveau rapport avec la région en matière d’apprentissage ? Qu’est-ce que la réforme a changé́ de ce point de vue ?

Les relations avec la Région se sont mécaniquement réduites avec la réforme. Quelques discussions persistent notamment sur le sujet de l’investissement via des appels à projet régionaux et quelques aides ponctuelles comme l’aide à l’achat des manuels scolaires par exemple (que la région AURA accorde à tous les lycées de la région). In fine, la nationalisation fonctionne beaucoup mieux, il n’y a pas de comparaison en termes d’efficacité avec l’ancien système. Tout d’abord, la suppression du contingentement a permis une plus grande liberté dans la proposition des formations. Puis, les règles sont maintenant mieux connues donc plus appliquées.

  1. Quel est le taux d’insertion professionnelle des personnes qui suivent votre formation ? Comment pilotez-vous la qualité́ de la formation au sein de votre CFA ?

Le système canopi, système unique, est très bien fait. Selon les enquêtes menées par l’école, le taux d’insertion professionnelle est de 100% pour les métiers rares et environ de 78% pour les autres formations. Certaines filières tombent à 60% seulement comme le CAP vente où les diplômés ne font qu’une succession de petits boulots précaires.

Pour s’assurer de la qualité des formations, des enquêtes de satisfaction, qui sont des enquêtes sociales, sont réalisées régulièrement.

  1. Avez-vous observé une hausse des inscriptions en formation depuis la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage ? A quoi attribuez-vous cela ?

Les inscriptions sont en hausse depuis 3 ans. Cette année la hausse est de +10%, c’est la plus forte enregistrée. D’abord parce qu’il y a beaucoup d’aides proposées aux entreprises pour l’embauche d’un apprenti. Et aussi car la loi de 2018 et le discours sincère en adéquation avec les actes a permis un véritable changement de regard sur l’apprentissage, attirant de plus en plus. Les pistes sont nombreuses pour continuer à se développer : les partenariats, l’hybridation des formations …

  1. Les échanges avec l’ensemble des acteurs sont-ils fluides (OPCO, CCI, Régions etc...) ?

La SEPR travaille avec tous les OPCO, étant donné le nombre des formations qu’elle propose, et c’est de là que viennent ses principales difficultés : Il faudrait harmoniser les échanges avec les OPCO, les modalités étant différentes d’un endroit à l’autre. Les échanges de données sont compliqués et les plateformes numériques sont trop diverses voire inexistantes.

  1. La réforme du coût-contrat vous a-t-elle permis de développer davantage votre activité́ ? Le système est-il devenu plus souple, a-t-il gagné en réactivité́ ? Qu’en pensez- vous ?

Cela a permis globalement une revalorisation générale bienvenue. Les erreurs initiales notamment dans l’automobile ont été rapidement corrigées.

La souplesse est là, mais elle se traduit parfois par une surenchère administrative. Il faut également se méfier de réflexions purement financières (facilitées par un coût-contrat connu) dans le pilotage du système.

  1. Vos formations sont-elles éligibles au CPF ? Quels changements remarquez-vous depuis la réforme ? Dans le profil des stagiaires qui suivent vos formations ? Autre ?

Pas de différences majeures relevées depuis la loi. La SEPR ne reçoit que de petits volumes de stagiaires concernés.

  1. Pensez-vous que la réforme a permis aux salariés de se saisir davantage des outils à leur disposition pour se former ?

La réforme a permis plus de prépa métiers (dispositif plébiscité par la SEPR qui souhaiterait pouvoir en faire plus) et plus de mobilité.

Avec les entrées et sorties permanentes dans ces filières, il est indispensable de pouvoir bénéficier de plus de souplesse dans l’organisation des examens de la part de l’Éducation Nationale. Les calendriers imposés ne collent pas toujours avec le rythme de la formation en apprentissage.

Globalement, les besoins sont :

-          Besoin d’un contrat/outil unique

-          Besoin d’un système de crédits d’ECTS pour les apprentis comme cela existe pour les étudiants, ce qui faciliterait la mobilité

-          Besoin que les entreprises jouent parfois davantage le jeu

-          Besoin d’une simplification administrative générale

 


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IV.   cONTRIBUTION DE mME Christine Cloarec-Le Nabour

 

Christine Cloarec-Le Nabour                   Le Jeudi 21 octobre 2021 

 

 

 

Synthèse/ Note sur la réunion portant sur l’évaluation

de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel »

 

 

Liste des participants :

Lisa Georgeault, enseignante chargée d’ingénierie de formation ; Marcel Cadorel, Président Meilleurs apprentis de France MAF ; Leina Abou- Kassm, Co-présidente ARDIR Bretagne et directrice CFA ESCCOT ; Stéphanie Léglise, Responsable NIMM Vitré ; Nicole Alain, Consultante en mobilité professionnelle & Cécile LEFOUL, CATALYS ; Pascal Cadieu, Directeur CFA Régional de Bretagne, Georges Éric Leroux, Délégué régional AGEFOS – PME Bretagne ; Gaëtan Guais et Beatrice Fourmond, Vice-Président et Secrétaire Générale de la CAPEB 35 ; Christian Niel, Secrétaire Club des entreprises du pays du Châteaugiron

 

 

Nicole ALAIN & Cécile LEFOUL, CATALYS 

 

Christian Niel, Secrétaire Club des entreprises du pays du Châteaugiron

 

Gaëtan Guais, Vice-Président de la CAPEB 35.

 

 

 

 

Pascal Cadieu, Directeur CFA Régional de Bretagne:

 

 

 

 

 

 

 

 

Georges Éric Leroux, Délégué régional AGEFOS

 

Leina Abou-Kassm, Co-présidente ARDIR Bretagne et directrice CFA ESCCOT

 

 

Mission locale : Stéphanie Léglise

 

 


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V.   Contribution de Mme Monique Limon






 

 


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VI.   Contribution de M. Thierry Michels


 



 


 

 


 


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VII.   Contribution de Mme Muriel Roques-Etienne

Évaluation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Réalmont, le 11 octobre 2021

Comment ouvrir un CFA ? Toutes les infos sont sur le site du ministère de l’emploi: https://travail-emploi.gouv.fr/demarches-ressources-documentaires/documentation-et-publications-officielles/guides/article/kit-ouvrir-votre-propre-centre-de-formation-d-apprentis-cfa

 

On compte à ce jour une soixantaine de CFA d’entreprises, principalement des grandes car cela représente un certain coût. Il apparait également que l’intérêt porte sur des formations pour lesquelles ces entreprises n’arrivent vraiment pas à recruter. Donc sur de petits volumes : à côté de cela, les entreprises en question sont satisfaites de l’offre actuelle « libérée » qui répond à leurs besoins.
 
Très concrètement, la réforme du 5 septembre 2018 a simplifié l’ouverture de centre de formation. L’ouverture d’un CFA nécessite de :


Comment abonder un CPF? 

Les abondements du CPF peuvent être financés notamment par :

 

Un accord collectif d’entreprise, de groupe ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir des modalités d’alimentation du compte plus favorables, dès lors qu’elles sont assorties d’un financement spécifique à cet effet.

Le CPF peut également être abondé en application d’un accord conclu par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs gestionnaires d’un opérateur de compétences.


 L’abondement correctif: dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque le salarié n’a pas bénéficié, durant les 6 ans précédant l’entretien professionnel faisant un état des lieux
récapitulatif du parcours professionnel du salarié, des entretiens professionnels et d’au moins une formation autre qu’une formation obligatoire (c’est-à-dire qui
conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires), un abondement de 3 000 € est inscrit sur son CPF et l’entreprise verse, dans le cadre de ses contributions au titre de la formation professionnelle, la somme correspondant. Le salarié est informé de ce versement.
 
 Pour les branches: les abondements co-construits sont liés à un dossier formation et l’attribution de ces abondements peut être automatisée sur l’application « Mon Compte Formation ». En effet, lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte, ce dernier peut faire l’objet d’abondements pour assurer le financement d’une formation. La Caisse des Dépôts paramètre le financement prévu dans le parcours Mon Compte Formation lors de la demande de formation du titulaire. L’abondement prévu est mobilisable par le titulaire du compte CPF en complémentarité de ses droits à formation dans le cas d’un reste à payer pour le financement de son projet. 

De leur côté, les financeurs définissent l’attribution des abondements qu’ils souhaitent mettre en place et ciblent la population visée, les formations concernées et précisent les modalités de prise en charge.

Au 18 juin 2021, deux opérateurs de compétences ont signé avec la Caisse des Dépôts : l’OPCO ATLAS et l’OPCO OCAPIAT.

PRO-A 

Sur 103 accords (ou avenants d’accords) reçus pour analyse, 91 sont étendus, 5 sont en cours d’extension, et 4 devraient être examinés à la prochaine sous-commission des conventions et des accords (SCCA) du 9 novembre.

Les 4 accords récemment transmis en vue de leur extension portent sur :

-          Le Portage de presse ;

-          Le Sport

-          Les Commerces de détail non alimentaires (avenant)

-          Les Détaillants en chaussure

Dans le cadre des crédits relance et de la nouvelle instruction relative au FNE formation (7 septembre dernier), le plafond de prise en charge de la PRO A a été relevé de 3000 à 9000 €.

Toutefois, le dispositif reste complexe en raison de freins de niveau législatif : nécessité d’établir un avenant au contrat de travail, certification limitée au niveau licence maximum (donc l’OPCO ATLAS nous a dit qu’il mobiliserait peu l’outil). Un travail doit être engagé sur ce sujet.

 

 

 

 

 

 

 

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

I.   Liste des personnes auditionnées par Mme CATHERINE FABRE et M. GÉRARD CHERPION, rapporteurs pour le titre IER

     France compétences (*) – M. Stéphane Lardy, directeur général

     Caisse des dépôts et consignations (CDC) – M. Michel Yahiel, directeur des politiques sociales, M. Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle, M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, et Mme Giulia Carré, conseillère relations institutionnelles

     Régions de France  M. Jules Nyssen, délégué général

     Fédération nationale des écoles de production (FNEP)  M. Dominique Hiesse, président, et M. Patrick Carret, directeur général

     Fédération de la formation professionnelle (FFP)  M. Pierre Courbebaisse, président, et M. Olivier Poncelet, délégué général

     Chambres de commerce et d’industrie (CCI France) (*)  M. Pierre Goguet, président, M. Pierre Dupuy, chargé de mission Affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement, et Mme Astrid Destombes, responsable du pôle formation

     Fédération nationale des associations régionales de centres de formation d’apprentis (FNADIR) – Mme Roselyne Hubert, présidente, M. Pascal Picault, vice-président, et M. Jean Philippe Audrain, trésorier

     Les Compagnons du devoir et du Tour de France – M. Jérémie Mosnier, président, et M. Patrick Chemin, secrétaire général par intérim

     Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)  Mme Christelle Gautherot, sous-directrice des savoirs fondamentaux et des parcours scolaires, et Mme Brigitte Trocmé, adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle

     Table ronde n° 1 réunissant quatre opérateurs de compétences :

– Afdas  Mme Isabelle Gentilhomme, présidente, et M. Thierry Teboul, directeur général

– Atlas  Mme Céline Vicaine, présidente, M. Philippe Degonzague, vice‑président, et M. Yves Portelli, directeur général

– Ocapiat (*)  M. Dominique Braoudé, président, M. Éric Pommageot, secrétaire général, et M. Jonathan Emsellem, directeur général

– Opcommerce  Mme Véronique Allais, présidente, Mme Chrystelle Derrien, vice-présidente, et M. Philippe Huguenin-Génie, délégué général

     Table ronde avec des opérateurs du conseil en évolution professionnelle :

– Pôle emploi  M. Jean-Pierre Tabeur, directeur de l’offre de services aux demandeurs d’emploi

– Cheops  M. Jean-Pierre Benazet, président, Mme Bérengère Castelain, chargée de mission expertise et développement au sein de Cheops et en charge du déploiement du CEP auprès des Cap emploi, et Mme Marlène Cappelle, déléguée générale

 Association pour l’emploi des cadres (APEC)  Mme Hélène Halec, directrice marketing et expérience client, et M. Pierre Lamblin, directeur des données, études et analyses

 Union nationale des missions locales  Mme Sandrine AboubadraPauly, déléguée générale, et Mme Valérie Garde, chargée de mission

 France compétences (*)  Mme Véronique Dessen-Torres, directrice Territoires et Partenariat

     Table ronde avec des instances de labellisation Qualiopi

 Association pour la promotion du label APP (APapp)  M. Yves Vernon, président, directeur de Média Formation (APP Rouen Rive Droite), et Mme Laurence Martin, directrice

 Fédération nationale des centres interinstitutionnels de bilans de compétences  Mme Sophie Clamens, déléguée générale, et M. Christophe Gichtenaere, responsable qualité

 France Éducation International  Mme Caroline Mouton-Muniz, cheffe de projet

 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour le label EDUFORM – M. Sébastien Begey, chef du bureau des lycées professionnels, de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue, et Mme Brigitte Trocmé, adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle

 Ministère de l’intérieur, pour la qualité des formations au sein d’écoles de conduite  Mme Isabelle Thomas, cheffe du bureau de la réglementation de la formation et des professions de l’éducation routière, Mme Anne-Laure Fermantel, adjointe, et Mme Héléna Delquignies, chargée d’études

 Région Occitanie, pour le label Certif’Région – Mme Moufida AliSoudja, directrice‑adjointe à la direction de l’emploi et de la formation

 Réseau E2C France – M. Cyrille Cohas-Bogey, directeur général, M. Sébastien Kiss, secrétaire général, et M. Alexandre Poncelet, directeur de la qualité

     Table ronde réunissant cinq opérateurs de compétences :

 Opco2i  M. Abdelkrim Ahil, président, M. Pascal Le Guyader, vice‑président, et Mme Stéphanie Lagalle-Baranes, directrice générale

 Opco Mobilités M. Jean-Louis Vincent, président, et M. Patrice Omnes, directeur général

 Opco Entreprises de proximité  M. Arnaud Muret, directeur général

 Opco Santé – M. Franck Monfort, président, M. Sébastien Bosch, vice‑président, et M. Jean-Pierre Delfino, directeur général

 Uniformation  M. David Cluzeau, président, Mme Catherine Gatti, vice-présidente, et M. Olivier Phélip, directeur général

     Chambre de métiers et de l’artisanat en France (CMA France) * – M. Joël Fourny, président, M. Philippe Perfetti, directeur de la formation et de l’emploi, et M. Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles

     Association nationale des apprentis de France (ANAF) – M. Aurélien Cadiou, président

     Synofdes – M. Michel Clézio, président, M. David Cluzeau, président de la commission sociale, et Mme Elodie Salin, secrétaire générale

     Table ronde des organisations syndicales :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) M. Yvan Ricordeau, secrétaire national

 Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO)  M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Éric Freyburger, délégué national en charge de la formation professionnelle, et M. Clément Delaunay, conseiller technique en charge de la formation

 Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)  M. Maxime Dumont, conseiller confédéral chef de file Formation professionnelle continue et apprentissage, Mme Aline Mougenot, chargée de mission Formation professionnelle continue pour la confédération, et M. Michel Charbonnier, conseiller politique confédéral

       Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*)  Mme Marie DupuisCourtes, vice-présidente, Mme Karine Jan, chargée de mission Formation, et M. Adrien Dufour, chargé de mission Affaires publiques et organisation

       Table ronde des associations Transitions Pro

 Transition Pro Grand Est – M. Michel Klein, président, et M. Lionel Lemaire, directeur général

 Transitions Pro Île-de-France – M. Éric Dumartin, président, M. Pascal Coyo, vice-président, et M. Stéphane Maas, directeur

 Transitions Pro NouvelleAquitaine M. Jean-Louis Piot, président, M. Yann Hillaireau, vice-président, et Mme Pénélope Lucas, directrice générale

 Certif’Pro – M. Max Roche, président, M. Philippe Debruyne, vice‑président, et Mme Céline Czarny, coordinatrice nationale

       Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) Mme MarieChristine Oghly et M. Max Roche, co-présidents de la commission « Éducation Formation Compétences », Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, directrice du pôle social, Mme Florence Gelot, directrice Éducation-formation, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission Affaires publiques

       Union des entreprises de proximité (U2P) (*) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


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II.   Liste des personnes auditionnées par MM. SYLVAIN MAILLARD et JOËL AVIRAGNET, rapporteurs pour le titre II

     Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS) M. Dominique Libault, président

     Conseil d’analyse économique (CAE)  M. Pierre Cahuc, M. Stéphane Carcillo et M. Camille Landais, auteurs de la note « Repenser l’assurance chômage : règles et gouvernance »

     Unédic  M. Éric Le Jaouen, président, Mme Patricia Ferrand, vice‑présidente, M. Christophe Valentie, directeur général et M. Rémy Mazzocchi, directeur général adjoint

     Association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC)  M. Vincent Godebout, directeur général, et M. Jean-Paul Domergue, bénévole responsable du plaidoyer

     M. Laurent Caussat, co-auteur du rapport sur l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants

     Cour des comptes  Mme Corinne Soussia, présidente de section à la cinquième chambre, et Mme Laure Fau, rapporteure

     Pôle emploi  M. Paul Bazin, directeur de l’offre de services

     Table ronde réunissant les organisations syndicales

 Confédération française démocratique du travail (CFDT) Mme Marylise Léon, secrétaire générale adjointe, et Mme Patricia Ferrand, responsable du service emploi, sécurisation des parcours professionnels et vice-présidente de l’Unédic

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Denis Gravouil, membre de la direction confédérale, et Mme Léa Walkowiak, conseillère confédérale

– Force ouvrière (FO) – M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites, et Mme Laure Doucin, conseillère technique

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Éric Freyburger, délégué national en charge de la formation professionnelle, et M. Paul-Henri Lutz, chargé d’études à l’emploi

 Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) –M. Maxime Dumont, conseiller confédéral chef de file Formation professionnelle continue et apprentissage, Mme Aline Mougenot, chargée de mission Formation professionnelle continue pour la confédération, et M. Michel Charbonnier, conseiller politique confédéral

     Table ronde réunissant les organisations patronales

 Mouvement des entreprises de France (Medef(*)  Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, directrice du pôle social, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur du droit du travail, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission Affaires publiques

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) M. Jean-Michel Pottier, mandataire social Emploi formation, Mme Manon Ledez, juriste à la direction des affaires sociales et de la formation, et M. Adrien Dufour, chargé de mission Affaires publiques et organisation

– Union des entreprises de proximité (U2P) (*) – M. Michel Picon, vice‑président, et Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


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III.   Liste des personnes auditionnées par Mmes CAROLE GRANDJEAN et MICHÈLE DE VAUCOULEURS, rapporteures pour le titre III

     Table ronde d’associations intervenant dans le champ de l’aide aux personnes handicapées :

– Association des paralysés de France (APF) – M. Hervé Delacroix, administrateur et trésorier adjoint

– Association des accidentés de la vie (FNATH)  Mme Sophie Crabette, chargée de l’action revendicative

– Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) – M. Michel Rigault, administrateur

     Table ronde d’organismes intervenant dans le champ de l’insertion professionnelle des personnes handicapées :

– Association pour l’insertion et la réinsertion professionnelle et humaine des handicapés (ANRH)  Mme Annie Perez-Vieu, présidente, et M. Arnaud Pascal, directeur adjoint du développement

– Association nationale des directeurs et cadres d’établissements et services d’aide par le travail (ANDICAT)  M. Didier Rambeaux, président

Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM) – Réseau GESAT (Groupement d’établissements et de services d’aide par le travail et d’entreprises adaptées) – M. Mehdi Nabti, vice-président

– Union nationale des entreprises adaptées (*) (UNEA)  M. Sébastien Raynaud, président, et M. Sébastien Citerne, délégué général

     Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion  Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Fabrice Masi, sous‑directeur des parcours d’accès à l’emploi, et Mme Isabelle Rouberol, cheffe de la mission de l’emploi des travailleurs handicapés

     Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – M. Didier Eyssartier, directeur général, et Mme Véronique Bustreel, directrice innovation, évaluation et stratégie

     Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)  Mme Martine Vignau, présidente de la commission Formation, emploi ordinaire et adapté et travail protégé, et Mme Sophie Crabette, assesseure de la commission Formation, emploi ordinaire et adapté et travail protégé

     Mme Sylvie Leyre, administratrice provisoire de Constructys, chargée en 2018 par la ministre du travail d’une mission sur la définition de la méthodologie de l’index de l’égalité femmes-hommes, créé par la loi du 5 septembre 2018

     Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) – Mme Brigitte Grésy, présidente

     Association française des femmes juristes (AFFJ)  Mme Saskia Henninger, présidente, Mme Marie L’Hermite, vice-présidente, Mme Claire Poirson, administratrice, et Mme Lise Chatain, membre

     Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion – Direction générale du travail – Service des relations et des conditions de travail – M. Imed Bentaleb, sous‑directeur du pilotage et de l’animation du système d’inspection du travail, Mme Stéphanie Cours, cheffe du bureau du pilotage du système d’inspection du travail, Mme Maroussia Outters-Perehinec, cheffe du bureau de la durée et des revenus du travail, et Mme Emilie Saussine, cheffe du bureau des relations individuelles du travail

     Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) – M. Marc Desjardins, directeur, et Mme Hélène Bérenguier, directrice adjointe

     Audition conjointe :

– Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)  Mme Audrey Richard, présidente, et Mme Christine Caldeira, secrétaire générale

– Association dialogues  Mme Laurence Laigo, directrice générale

     Table ronde réunissant les organisations syndicales de salariés :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe Debruyne et Mme Michèle Perrin, secrétaires confédéraux

– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Éric Freyburger, délégué national en charge de la formation professionnelle, et M. Clément Delaunay, conseiller technique en charge de la formation

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)  Mme Pascale Coton, vice-présidente confédérale, et M. Maxime Dumont, chef de file Formation professionnelle et apprentissage

     Table ronde réunissant les organisations patronales :

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*)  Mme Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, directrice du pôle social, Mme Florence Gelot, directrice Éducation-formation, Mme MarieChristine Oghly, co-présidente de la commission Éducation-formation, M. Max Roche, co-président de la commission Éducation‑formation, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission Affaires publiques

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * – Mme Dominique du Paty, vice-présidente, chargée de l’inclusion, M. Philippe Chognard, responsable du pôle Conditions de travail, Mme Gwendoline Delamare-Deboutteville, juriste Affaires sociales, et M. Adrien Dufour, chargé de mission Affaires publiques et organisation

     Table ronde consacrée aux questions du travail détaché et de la lutte contre le travail illégal dans certains secteurs de l’économie :

– Fédération française du bâtiment (FFB) *  M. Anthony Laudat, vice-président, président de la commission sociale, Mme Laetitia Assali, directrice des affaires sociales, et M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

– Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) * – M. Jérôme Volle, président de la commission Emploi, et M. Morgan Oyaux, directeur du département des affaires sociales

– Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) – M. Pascal Denimal, vice-président du bureau national, Mme Michèle Gasquet, vice‑présidente du bureau national, et Mme Claire Gorrias, directrice des affaires sociales

– Fédération nationale entrepreneurs des territoires (FNEDT) (*) – M. Gérard Napias, président

     Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion – Direction générale du travail  Service de l’animation territoriale de la politique du travail et de l’action de l’inspection du travail – M. Imed Bentaleb, sous‑directeur du pilotage et de l’animation du système d’inspection du travail, Mme Émilie Saussine, cheffe du bureau des relations individuelles de travail, et M. Simon Lory, chargé de mission Lutte contre le travail illégal

     Ministère de l’intérieur – Direction générale de la gendarmerie nationale – Office central de lutte contre le travail illégal – Général Philippe Thuries, chef d’office, lieutenant-colonel Thierry Bertron, commandant en second, et M. Jean-Marc Chiche, directeur adjoint du travail mis à disposition du ministère de l’intérieur auprès de l’Office central de lutte contre le travail illégal

    Mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF) – M. Éric Belfayol, chef de la mission

      Audition conjointe :

– Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – M. Ludovic Martin, directeur délégué à l’audit et à l’appui institutionnel, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

– Urssaf Caisse nationale – M. Yann-Gaël Amghar, directeur

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel par Mme Catherine Fabre, M. Aurélien Taché et Mme Nathalie Élimas, Tome II, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 1er juin 2018, p. 9.

([2]) Sabine Fourcade, Ève Robert et Véronique Wallon, « Bilan d’étape du déploiement du compte personnel de formation (CPF) », Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, juillet 2017, p. 4.

([3]) Étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, p. 24.

([4]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([5]) Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.

([6]) Étude d’impact du projet de loi, p. 21.

([7]) B. Drolez, A. Laurent et R. Pélissier (IGAS) – P. Gudefin, C. Hemous, F. Lavenir et S. Sauneron (IGF), « Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle », avril 2020, disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-111r2-consequences_financieres_reforme_form_pro_apprentissage.pdf. Il sera souvent cité par la suite pour le rapport « IGAS-IGF ».

([8]) Johanna Bismuth et Mathilde Valero, « Le compte personnel de formation en 2020. Une hausse sans précédent des entrées en formation. », DARES Résultats, octobre 2021, n°59, p. 1.

([9]) Caisse des dépôts et consignations, « Utilisation de Mon Compte Formation », données au 31 décembre 2021.

([10]) DARES Résultats, octobre 2021, op.cit., p. 1.

([11]) Laurence Jaumont, « La montée en charge du nouveau Compte personnel de formation (CPF) : Quels impacts sur la demande de formation ? », Caisse des dépôts et consignations, Les brèves, septembre 2021, n° 9, p. 1.

([12]) DARES Résultats, octobre 2021, op. cit.

([13]) Ibidem.

([14]) Audition de Stéphane Lardy, 21 juin 2021.

([15]) Par exemple, enquête RTL : « Arnaques Mon compte formation : 4 948 signalements recensés depuis 2020 », 15 décembre 2021.

([16]) Rapport sur le projet de loi, p. 21.

([17]) Réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([18]) Table ronde avec les OPCO, 9 juillet 2021.

([19]) Accord cadre national interprofessionnel (ACNI) pour adapter à de nouveaux enjeux la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, 14 octobre 2021, p. 10.

([20]) Étude d’impact du projet de loi, p. 30.

([21]) ACNI, octobre 2021, p. 21.

([22]) Rapport « IGAS-IGF », op. cit. p. 6.

([23]) Ibidem, p. 53.

([24]) Ibidem, p. 57.

([25]) Conçu et initié par les partenaires sociaux au travers de l’ANI du 11 janvier 2013, le conseil en évolution professionnelle a été créé par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([26]) Étude d’impact du projet de loi, p. 45.

([27]) Délibération du conseil d’administration du 24 juin 2021.

([28]) Délibération du conseil d’administration du 25 novembre 2021.

([29]) Réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([30]) Contribution écrite de l’APEC.

([31]) Table ronde réunissant Pôle emploi, Chéops, APEC, Union national des missions locales et France compétences, 5 juillet 2021.

([32]) Contribution écrite de France compétences.

([33]) Voir le tableau de répartition des taux de contribution selon la taille de l’entreprise avant la réforme, p. 116.

([34]) Réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([35]) Réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([36]) Contribution écrite de l’Opco2i.

([37]) Table ronde des OPCO, 9 juillet 2021.

([38]) Réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([39]) Réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([40]) ACNI, octobre 2021, p. 23.

([41]) Délibération du 24 juin 2021.

([42]) Délibération du 25 novembre 2021.

([43]) Jaune budgétaire annexé au PLF 2018, Formation professionnelle, p. 47.

([44]) Accord national interprofessionnel constitutif des CPIR du 15 mars 2019.

([45]) Réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([46]) Rapport d’activité 2020 de France compétences, 30 juin 2021.

([47]) Table ronde réunissant plusieurs associations Transitions professionnelles, 4 octobre 2021.

([48]) https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/profils/particuliers/financement-projets-transition-professionnelle-jeunes

([49]) https://www.centre-inffo.fr/site-centre-inffo/le-plan-de-relance-dope-les-projets-de-transition-professionnelle-ptp

([50]) Jaune budgétaire annexé au PLF 2022, Formation professionnelle, p. 65.

([51]) Jaune budgétaire annexé au PLF 2018, Formation professionnelle, p. 47.

([52]) Audition du Synofdes, 20 septembre 2021.

([53]) La certification CléA représente un socle de connaissances et de compétences professionnelles à acquérir lors d’une formation professionnelle, c’est la première certification interprofessionnelle élaborée de façon partiaire.

([54]) Ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 visant à assurer la cohérence de diverses dispositions législatives avec la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([55]) Décret n° 2018-1232 du 24 décembre 2018 relatif aux publics éligibles et aux conditions de mise en œuvre de la reconversion ou la promotion par alternance.

([56]) Décret n° 2020-262 du 16 mars 2020 relatif à la mise en œuvre et au financement de la reconversion ou promotion par alternance.

([57]) Dans la limite fixée par le pouvoir réglementaire à 3 000 euros (arrêté du 23 mai 2019 relatif au plafonnement des versements effectués au titre de la péréquation des contrats de professionnalisation et aux reconversions ou promotions par alternance).

([58]) Notamment la CPME dans son audition du 6 octobre 2021.

([59]) Ces accords étendus ont été répertoriés par Centre inffo en novembre dernier : https://www.centre-inffo.fr/site-droit-formation/actualites-droit/promotion-ou-reconversion-par-alternance-pro-a.

([60]) Formulation de la DGEFP dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs. Le MEDEF dans sa contribution aux rapporteurs évoque « quelques centaines » de dossiers.

([61]) Le MEDEF comme le Synofdes ont néanmoins signifié aux rapporteurs leur souhait de voir le dispositif mieux pris en charge et élargi à des profils plus diplômés. Ce dernier point reviendrait toutefois à revenir sur le « recentrage » voulu par le législateur qui a tenu compte du dévoiement des périodes de professionnalisation.

([62]) Audition du 20 septembre 2021.

([63]) Étude d’impact du projet de loi, p. 52.

([64]) https://www.centre-inffo.fr/site-centre-inffo/actualites-centre-inffo/le-quotidien-de-la-formation-actualite-formation-professionnelle-apprentissage/le-compte-personnel-de-formation-a-joue-son-role-damortisseur-de-crise-michel-yahiel-caisse-des-depots.

([65]) Céreq Bref, « En 2020, la crise sanitaire met à l’arrêt la formation en entreprise », n°412, juillet 2021.

([66]) DARES, « Le maintien à distance de l’activité de formation. Enquête OF-Covid, questionnaire adressé aux établissements de formation et aux centres de formation d’apprentis », juin 2020.

([67]) https://www.centre-inffo.fr/site-centre-inffo/actualites-centre-inffo/le-quotidien-de-la-formation-actualite-formation-professionnelle-apprentissage/articles-2020/la-formation-ouverte-et-a-distance-vit-un-moment-historique-jacques-bahry-ffod

([68]) Alexandra D’Agostino, Catherine Galli, Ekaterina Melnik-Olive, CEREQ, Département Formation et Certification, « Quels effets de la crise sanitaire sur les projets et aspirations professionnels ? », DARES, Rapport d’études, n°16, octobre 2021, p. 15.

([69]) Table ronde avec les OPCO, 9 juillet 2021.

([70]) ACNI, octobre 2021, p. 12.

([71]) Contribution écrite d’OKTOGONE Group.

([72]) Rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’emploi des travailleurs expérimentés présenté par MM. Didier Martin et Stéphane Viry, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2021, p. 42.

([73]) ACNI, octobre 2021, p. 12.

([74]) Table ronde avec les instances de labellisation et de certification Qualiopi, 29 juin 2021.

([75]) France compétences, note d’analyse, « Quelques clés de compréhension pour décrypter les positions et logiques d’action des prestataires de formation face à la certification qualité », résultats d’une enquête qualitative réalisée au démarrage du déploiement de Qualiopi, avril 2021.

([76]) Des données aussi fines n’étaient pas encore disponibles au moment de la publication du présent rapport pour l’exercice 2021.

([77]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.

([78]) Audition du 28 septembre 2021.

([79]) Contribution écrite.

([80]) Audition du 8 septembre 2021.

([81]) Contribution écrite.

[82]) Pour un point théorique sur l’utilité de l’apprentissage dans l’insertion professionnelle, on pourra utilement se référer aux travaux du Conseil d’analyse économique (Pierre Cahuc, Marc Ferracci, Jean Tirole, Etienne Wasmer, 2014) : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note019v5.pdf.

([83])  Données disponibles ici : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/insertion-des-jeunes-apres-la-voie-professionnelle.

([84])  Article L. 6221-1 du code du travail.

([85]) Article L. 6222-7-1 du code du travail.

([86]) Article R. 3162-1 du code du travail.

([87])  Article L. 6222-18 du code du travail.

([88])  C’est notamment vrai des personnes ou organisations représentatives des apprentis et des employeurs.

([89]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.

([90]) Réponse au questionnaire des rapporteurs, à la suite de l’audition du 8 septembre 2021.

([91]) https://www.cci.fr/web/apprentissage/mediation.

([92]) Auditions des CCI du 16 juin 2021 et de CMA France du 8 septembre 2021.

([93]) En 2020, on a ainsi compté 1 124 saisines de médiateurs de l’apprentissage traitées par les chambres de commerce et d’industrie et 1 163 saisines par les chambres des métiers et de l’artisanat.

([94]) Expression utilisée par les représentants des CCI lors de leur audition du 16 juin 2021.

([95]) Expression utilisée par le MEDEF dans la contribution transmise aux rapporteurs.

([96]) Contrats dont les données n’étaient pas nécessairement au niveau d’exigence requis par DECA d’après la contribution transmise aux rapporteurs par OPCO 2i.

([97]) 1° de l’article L. 6211-4 du code du travail.

([98]) « Le recours aux conventions entre les chambres consulaires et les opérateurs de compétences est à ce jour peu développé » constate la DGEFP en réponse au questionnaire des rapporteurs.

([99]) Son principe a été acté aux articles 24 (nouveau régime applicable aux centres de formation d’apprentis), 37 (réforme du financement fiscal) et 39 (création des opérateurs de compétences).

([100]) Le terme est utilisé par le rapport « IGAS-IGF » précité, p. 2.

([101]) En pratique, il s’agit de la commission paritaire nationale de l’emploi, ou à défaut, de la commission paritaire de la branche professionnelle (article D. 6332-78).

([102]) Article L. 6332-14 du code du travail.

([103]) Article L. 6123-5 du même code.

([104]) Rapport IGAS-IGF précité, p. 15 : « La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime le niveau moyen de prise en charge des contrats d’apprentissage à 7 930 € fin 2019, en hausse de 10,9 % par rapport à la moyenne des coûts contrats figurant sur les listes préfectorales à fin 2018 (7 150 €) ».

([105])  France compétences, « Apprentissage : entre coûts-contrats et covid-19, de nouveaux modèles économiques émergent », juillet 2021, disponible ici :

https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2021/07/Synth%C3%A8se_mod%C3%A8les_%C3%A9conomiques_CFA.pdf.

([106]) Contribution écrite, à la suite de l’audition du 8 septembre 2021.

([107])  Sur cette dernière faculté, la DGEFP interrogée par les rapporteurs reconnaît que « ces mécanismes n’ont pu s’appliquer qu’à partir de l’année 2020 avec une effectivité fortement retardée par les conséquences de la crise sanitaire ».

([108]) Les valeurs fixées par voie règlementaire (« décret de carence » si la branche n’a pas fixé de niveau de prise en charge) sont quant à elles valables aussi longtemps qu’elles ne sont pas modifiées.

([109])  Dotations dont le principe a son siège à l’article L. 6211-3, créé par l’article 34 de la loi « Avenir professionnel ».

([110])  Une partie de la taxe d’apprentissage qui était versée aux régions permettait en effet de financer des actions relevant de la formation professionnelle, qui demeurent à leur charge.

([111])  Rapport précité, p. 217.

([112]) Réponses à un questionnaire complémentaire des rapporteurs. Régions de France a précisé aux rapporteurs que « ces données proviennent des comptes administratifs retraités par le cabinet FSL ».

([113]) Contribution écrite qui évoque le même problème du côté des opérateurs de compétences.

([114]) Contribution écrite de Régions de France.

([115]) Décret n° 2021-1850 du 28 décembre 2021 relatif à l’utilisation des ressources allouées aux régions pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement des centres de formation d’apprentis.

([116]) Il faut qu’au moment du transfert les dépenses de fonctionnement soient inférieures aux ressources et les dépenses d’investissement supérieures aux ressources.

([117]) Le chiffre cité par Régions de France dès le 27 avril 2018 (https://regions-france.org/actualites/actualites-nationales/reforme-de-lapprentissage-700-cfa-menaces-de-fermeture/) aurait été repris devant la mission « IGAS-IGF » à cette date (rapport précité, note de bas de page, p. 35).

([118]) Réponses au questionnaire des rapporteurs.

([119]) Réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([120]) Enquêtes Insertion dans la vie active et Insertion professionnelle des apprentis de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) qui recueillaient respectivement 58 % et 54 % de taux de réponse avant la réforme.

([121]) https://www.inserjeunes.education.gouv.fr/diffusion/accueil.

([122]) Audition de M. Pierre Goguet du 16 juin 2021.

([123]) Audition de M. Jérémie Mosnier et de M. Patrick Chemin du 24 juin 2021.

([124]) N. Abecera et A. Pascal (IGAS) – R. Contamin, O. Taillardat, avec l’assistance d’E. Cuyper (IGF), Les aides financières à la formation en alternance, juin 2013, disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article592.

([125]) Étude d’impact précitée, p. 119.

([126]) Compte tenu des difficultés spécifiques de l’apprentissage en outre-mer, l’aide est ouverte jusqu’à bac + 2 dans les collectivités ultra-marines depuis le 1er janvier 2020.

([127]) En 2021, la loi de finances initiale avait ouvert 968,47 millions d’euros en autorisations d’engagement et 776,80 millions d’euros en crédits de paiements ; or, la prévision d’exécution pour 2021 telle qu’elle ressort de la loi de finances rectificative s’élève à 531,17 millions d’euros.

([128]) En 2020, 861,59 millions d’euros en autorisations d’engagement et 253,17 millions d’euros en crédits de paiements ont été redéployés pour financer l’aide exceptionnelle.

([129]) Au-delà de 25 ans, c’est le SMIC qui est applicable.

([130]) Expression utilisée par la Cour des comptes, dans son rapport « Les dépenses publiques pendant la crise et bilan opérationnel de leur utilisation », juillet 2021, disponible ici : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-09/20210909-depenses-publiques-pendant-crise-bilan-op-utilisation.pdf.

([131]) Chiffres fournis par la DGEFP au 6 novembre 2021.

([132]) Par exemple par M. Pierre Goguet lors de l’audition CCI du 16 juin 2021.

([133]) Réponse au questionnaire des rapporteurs.

([134]) D’après l’étude de la DARES déjà citée, on comptait en 2018, 38,1 % de 26-29 ans en contrats de professionnalisation. Ils n’étaient plus que 26,9 % en 2020.

([135]) Cette analyse s’appuie sur le document de la DARES « Les contrats de professionnalisation 2020 », disponible ici : https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/le-contrat-de-professionnalisation.

([136]) L’article 12 de la loi « Avenir professionnel » expérimente sa mise en place dans les établissements pénitentiaires. L’expérimentation n’ayant pas encore pris fin, il n’a pas été proposé de l’évaluer.

([137]) Jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (« not in education, employment or training »).

([138]) Contribution transmise aux rapporteurs, sur la base des éléments obtenus auprès de la DGEFP dans le cadre de l’évaluation conduite par les partenaires sociaux de la réforme (chiffres avril 2021).

([139]) Audition du 8 septembre 2021.

([140]) Jean Arthuis, « Erasmus pro : lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe », janvier 2018, disponible ici : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_arthuis_-_18_janvier.pdf.

([141])  Article L. 6222-42 du code du travail créé par l’article 23 de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([142]) Article L. 6325-25 du code du travail.

([143]) Pour retrouver cette publication récente : Observatoire Erasmus +, « L’alternance dans Erasmus + », note n°17, septembre 2021.

([144])  Les données de la DARES ne permettent pas de faire la comparaison puisque les contrats y sont ventilés selon le mode de reconnaissance de la qualification et non selon le niveau du diplôme poursuivi.

([145]) Respectivement 90 et 100 % pour la Caisse des dépôts et consignations (https://www.caissedesdepots.fr/blog/article/les-ecoles-de-production-linnovation-pedagogique#:~:text=Cette%20immersion%20dans%20le%20monde,r%C3%A9ussite%20aux%20examens%20de%2090%2).

([146]) Audition du 16 juin 2021.

([147]) Décret n° 2019-176 du 7 mars 2019 relatif à la classe de troisième dite « prépa-métiers ».

([148])  Réponses au questionnaire complémentaire des rapporteurs, après l’audition du 16 juin 2021.

([149]) Interrogée sur le bilan de ces dispositions, la DGESCO a précisé qu’en Nouvelle-Aquitaine une expérimentation visant à mettre à disposition partiellement (30 %) des directeurs de centres d’information et d’orientation (CIO) avait été mise en place.

([150]) Décret n° 2019-1552 du 30 décembre 2019 relatif au transfert définitif aux régions de parties de services des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions.

([151]) Retard qui s’explique d’une part par les procédures de consultation conduites auprès des organisations syndicales et d’employeurs au sujet de ce transfert d’agents et par l’attente d’un cadre national de référence qui n’est intervenu qu’en milieu d’année.

([152]) En conséquence, l’ONISEP s’est engagé à supprimer 155 ETP d’ici au 31 décembre 2022. 96 ETP ont déjà été supprimés en 2020.

([153]) Une agence est en préfiguration en Île-de-France.

([154]) Audition du 16 juin 2021.

([155]) Réponse au questionnaire complémentaire des rapporteurs, à la suite de l’audition du 16 juin 2021.

([156]) Ce qui contredirait l’idée qu’aucun transfert n’a été effectué.

([157]) Ibidem.

([158]) Formule reprise par la DGESCO dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs.

([159]) Ibidem.

([160]) Étude d’impact du projet de loi, p. 162.

([161]) Document d’orientation remis aux partenaires sociaux, étude d’impact, p. 165.

([162]) Rapport d’information de MM. Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, sur la mise en application de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2016.

([163]) Rapport sur le projet de loi, p. 170.

([164]) Rapport d’activité 2020 de France compétences, 30 juin 2021, p. 11.

([165]) Présentation du directeur général de France compétences au premier conseil d’administration de janvier 2019.

([166])  Rapport IGAS-IGF précité.

([167]) Audition de Stéphane Lardy, 15 juin 2021.

([168]) Délibération n° 2020-10-140 du 15 octobre 2020 modifiant le règlement intérieur du Conseil d’administration de France compétences.

([169]) ACNI, octobre 2021, p. 18.

([170]) Audition de Stéphane Lardy, 15 juin 2021.

([171]) Table ronde avec les organisations syndicales du 28 septembre 2021.

([172]) Rapport IGAS-IGF, p. 100.

([173]) Audition de Stéphane Lardy, 15 juin 2021.

([174]) ACNI, octobre 2021, p. 18

([175]) La déductibilité a été plafonnée à 10 % des 87 % par le pouvoir réglementaire (article D. 6241-32).

([176]) Les taux cités ici sont ceux du droit commun, mais il a été de même pour les taux spécifiques, notamment pour la taxe d’apprentissage.

([177]) Audition de Stéphane Lardy du 15 juin 2021.

([178]) Trajectoire qui était déjà déficitaire de 5 milliards d’euros dès la conception, comme le rappelle le rapport « IGAS-IGF ».

([179]) Rapport d’activité précité, p. 32.

([180]) Les taux d’intérêt communiqués aux rapporteurs, à leur demande, par France compétences montrent que les différentes offres présentaient des taux d’intérêt majorés par rapport aux taux interbancaires (entre + 0,18 % et °0 ;49 %)- ce qui n’est pas anormal – avec des commissions de montage (entre 0,03 % et 0,07 % du montant emprunté ou du montant de la « ligne » empruntable) et parfois de non-utilisation (0,07 à 0,147 % du montant non utilisé). On peut relever à titre de comparaison que la sécurité sociale, qui doit emprunter des montants importants pour couvrir des besoins de trésorerie, emprunte à des taux négatifs et directement sur les marchés.

([181]) La mission a détaillé le mécanisme proposé : il s’agirait non d’une baisse uniforme mais d’un objectif global de baisse du coût moyen de prise en charge par branche, France compétences pouvant reprendre la main si l’objectif n’est pas atteint par la branche.

([182]) Montants à revoir au regard de la dynamique plus marquée que ne l’estimait la mission « IGAS-IGF ».

([183]) La mission est toutefois prudente sur cette piste et reconnaît qu’elle est « susceptible de ralentir le développement constaté ces dernières années de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, qui a permis d’améliorer l’image de l’apprentissage auprès du grand public et des élèves » (rapport cité, p. 42).

([184]) Respectivement propositions n°s 1, 15, 17, 19 et 20.

([185]) Titre 6 de l’ACNI, octobre 2021.

([186]) Ces stipulations font écho aux mécanismes d’exonération de la taxe d’apprentissage : entreprises qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, entreprises de moins de dix salariés, structures publiques...

([187]) L’article L. 6332-14 du code du travail prévoit que les niveaux de prise en charge peuvent faire l’objet de modulations en fonction de critères et selon un montant déterminés par décret.

([188]) Le rapport « IGAS-IGF » identifiait mi-2020 une augmentation de 3,40 % en 2022 et de 3 % en 2024. Plus proches de nous, les perspectives pluriannuelles contenues dans l’annexe B de la LFSS pour 2022 prévoyaient une dynamique de la masse salariale du secteur privé beaucoup plus grande grâce à une reprise vigoureuse : 5,9 % en 2022, 4,0 % en 2023, 3,6 % en 2024 et 3,5 % en 2025. Il faut toutefois relever que si ces prévisions « guident » très largement les tendances de la CUFPA, les mécanismes d’exonérations ou de réduction notamment en matière d’apprentissage ainsi que le caractère fondamentalement « comportemental » de la CSA peuvent s’écarter de ce sous-jacent.

([189]) Étude d’impact du projet de loi, p. 201.

([190]) Table ronde réunissant les OPCO du 5 juillet 2021.

([191]) Réponses de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs.

([192]) Étude d’impact du projet de loi, p. 204.

([193]) Jaune budgétaire annexé au PLF 2022, « Formation professionnelle », p. 75.

([194]) Étude d’impact du projet de loi, p. 204.

([195]) Seul l’OPCO Constructys n’a pu être entendu.

([196])  L’étude d’impact du Gouvernement sur le projet de loi postulait que « cette modification est susceptible d’entraîner une augmentation de la collecte globale de la formation professionnelle car l’URSSAF dispose de la visibilité de l’ensemble des entreprises assujetties et des moyens de contrôle organisés et que « les coûts de collecte devraient diminuer : représentant actuellement environ 0,7 % de la collecte, les coûts moyens URSSAF sont de 0,26 % de gestion des sommes encaissées » (p. 204).

([197]) Relevée durant les débats de dix-huit à trente mois par le Gouvernement.

([198]) Formule employée par l’étude d’impact sur le projet de loi (p. 205).

([199]) Pour mémoire, le rapport « IGAS-IGF » évoquait l’hypothèse qu’un point d’amélioration de la collecte pouvait rapporter 100 millions d’euros à horizon 2022.

([200]) La loi confie en effet aux partenaires sociaux le soin de choisir quel « organisme de droit privé » se voit confier la gestion du régime d’assurance chômage (article L. 5427-1 du code du travail).

([201]) Ces « items » correspondent aux différentes sections de la partie législative du code du travail relatives au régime d’assurance chômage (chapitre II du titre II du quatrième livre de la partie législative de ce code).

([202]) Article L. 5422-20 du code du travail qui a été peu modifié par la loi « Avenir professionnel ».

([203]) Le législateur a prévu par ailleurs que le document de cadrage était transmis « concomitamment » au Parlement.

([204]) Le Sénat avait pris position en faveur d’une procédure de cadrage limitée aux accords d’assurance chômage principaux.

([205]) Difficultés récurrentes qui ont été rappelées par les auteurs de la note du Conseil d’analyse économique (CAE) sur l’assurance chômage lors de leur audition par la mission. Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo et Camille Landais, « Repenser l’assurance chômage : règles et gouvernance », janvier 2021, note disponible ici : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note061v3.pdf.

([206]) Compte-rendu de l’examen en commission en première lecture à l’Assemblée nationale, prise de parole de M. Boris Vallaud sur l’amendement AS848.

([207]) Une subtilité vient de ce que la négociation-cadrage entamée l’a été autant sur le fondement des nouvelles dispositions de l’article 56 que sur celles de l’article 57 qui prévoyait qu’un tel processus devait s’engager après la promulgation de la loi.

([208]) D’après les informations obtenues auprès des partenaires sociaux, le document daté du 24 a été transmis le 25 septembre 2018 aux organisations, après que les « grandes lignes » leur avaient été présentées le 21 septembre au cours d’une réunion multilatérale avec le Gouvernement.

([209]) Document qui peut être retrouvé ici : https://www.actuel-rh.fr/sites/default/files/article-files/document_de_cadrage.pdf.

([210]) Mesure à laquelle il n’a pas été donné suite ni dans le cadre de la négociation, ni dans le cadre de la réforme par voie réglementaire.

([211]) Il restait donc aux partenaires sociaux à fixer les modalités de calcul de cette durée prédéfinie par le document de cadrage, alors que l’article 1er de l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018 signé avant la réforme proposait une durée de sept ans pour une proposition très similaire d’allocation d’aide au retour à l’emploi (ANI disponible ici : https://www.unedic.org/sites/default/files/2018-02/ANI%20re%CC%81forme%20assurance%20cho%CC%82mage%2022%20fe%CC%81vrier%202018.pdf).

([212]) Le document précisait les principales hypothèses sous-jacentes, issues du projet de loi de finances, à savoir 1,7 % de croissance « économique » en 2019, 2020 et 2021, une baisse du nombre de chômeurs indemnisés de 1,4 % en 2019, de 1,6 % en 2020 et de 1,3 % en 2021 ainsi qu’un maintien de la compensation par « des impositions de toute nature » de la suppression de la part salariale des contributions d’assurance chômage et de la compensation « à l’euro » de l’extension des allègements généraux aux cotisations d’assurance chômage.

([213]) Pour prendre des exemples récents, la négociation engagée le 22 février 2016 devait se clore le 16 juin 2016 (soit un peu moins de quatre mois) avant de reprendre en décembre 2016 pour un aboutissement le 28 mars 2017 (environ quatre mois également).

([214]) Le terme n’est pas utilisé expressément mais transparait dans la partie du discours suivante, qui évoque aussi les mesures contre la permittence : « À côté de ceux qui bénéficient de contrats stables, une part croissante de nos concitoyens, souvent moins qualifiés, plus fragiles, est de plus en plus condamnée à enchaîner des emplois toujours plus précaires, de toujours plus courte durée. Comment peut-on se loger, élever une famille quand on enchaîne perpétuellement des contrats de quelques jours ? Les règles de l’Assurance Chômage ont pu involontairement encourager le développement de ce qu’on appelle la permittence et de la précarité. Or, je crois qu’il y a là aussi une voie française, celle qui permet de conjuguer en même temps le progrès économique et le progrès social. C’est pourquoi je souhaite que les partenaires sociaux révisent les règles de l’Assurance Chômage afin que, dans cette période de reprise économique, nous puissions non seulement nous assurer qu’elles récompensent bien davantage la reprise d’activité, mais aussi qu’elles incitent à la création d’emplois de qualité. Le projet de loi "avenir professionnel" sera modifié en ce sens dans les prochains jours et ces règles seront négociées dans les prochains mois par les partenaires sociaux afin qu’une telle réforme puisse entrer en vigueur au printemps 2019. Ce sont ces transformations et, plus largement, l’agenda des réformes attendues que je souhaite pouvoir partager avec les partenaires sociaux que je recevrai le 17 juillet prochain. » (discours complet disponible ici : https://www.vie-publique.fr/discours/206304-declaration-de-m-emmanuel-macron-president-de-la-republique-devant-le).

([215]) Décrets n° 2019-796 et n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatifs au régime d’assurance chômage.

([216]) Décret n° 2020-361 du 27 mars 2020 portant modification du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 modifié relatif au régime d’assurance chômage.

([217]) Décret n° 2020-929 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage.

([218]) Décret n° 2020-1716 du 28 décembre 2020 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage.

([219]) Conseil d’État, 25 novembre 2020, CFE-CGC, FO, CGT, Solidaires et alii. Décision disponible ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-11-25/434920.

([220]) Décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage.

([221]) Décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage, pour l’acte attaqué, et pour la décision : Conseil d’État (référé), 22 juin 2021, CFDT, CFT, FO, UNSA, FUS, CFE-CGC ;Union syndicale solidaire et alii. Décision disponible ici : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-06-22/452210.

([222]) Conseil d’État, 15 décembre 2021, CFE-CGC,UNSA, CGT, CFDT et alii. Décision disponible ici : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044505264?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat.

([223]) Décret du 29 juillet 2020 précité qui appliquait cette règle jusqu’au 31 décembre 2020. Le décret du 30 mars 2021 précité a réitéré cette règle jusqu’à retour à meilleure fortune.

([224]) CAE, note déjà citée.

([225]) Dans la proposition, un troisième bloc concernerait le service public de l’emploi géré et financé lui aussi par l’État.

([226]) Des exemples de paritarisme pour des pans entiers de la protection sociale sans garantie explicite de l’État existent toutefois : c’est le cas notamment des régimes de retraite complémentaire. Une différence importante réside dans le fait qu’ils bénéficient de réserves importantes, dont l’Unédic est dépourvue à ce stade.

([227]) Contribution assimilable à une cotisation en droit, car elle est bien la contrepartie des prestations versées par le régime d’assurance chômage.

([228]) Article 8 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([229])  Baisse de 1,45 point au 1er janvier 2018 puis suppression au 1er octobre de cette même année.

([230])  La hausse de la CSG et la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie sont en effet intervenues au 1er janvier 2018.

([231]) Outre des mesures supplémentaires de compensation pour certains publics actifs non-salariés, la mesure n’était pas neutre pour tous les redevables de la CSG.

([232])  Changement qui n’avait pas échappé au Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi qui appelait « l’attention du Gouvernement sur la situation inédite présentée par l’absence de toute contribution salariale dans le financement d’un régime de protection sociale dont l’objet est presque exclusivement de servir un revenu de remplacement à caractère contributif. ».

([233]) Dès lors qu’il s’agissait de la réaffectation d’impositions existantes, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale disposent d’un monopole prévu par des dispositions organiques (article 36 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2021 et article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale).

([234]) À la suite des modifications apportées en loi de finances et loi de financement pour 2019, cette entrée en vigueur a été différée : la réduction était étendue aux cotisations d’assurance chômage au 1er janvier 2019 pour les employeurs relevant de la production agricole, les employeurs d’apprentis et les salariés en contrats de professionnalisation de plus de 45 ans, les associations intermédiaires et les ateliers et chantiers d’insertion, avant de l’être pour l’ensemble des employeurs au 1er octobre.

([235]) Dans le schéma de l’Unédic, la compensation de l’ACOSS et celle de l’État sont intégrées dans les cotisations « employeur », mais il s’agit bien d’une autre ressource que la cotisation payée par le cotisant-employeur.

([236]) Article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

([237]) Ces règles ont été clarifiées par l’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui a modifié l’article L. 225-1-1 en ce sens.

([238]) Un dispositif similaire existe pour les cotisations de retraite complémentaire versées à l’AGIRC-ARRCO qui ont également été intégrées à la réduction générale de cotisations patronales.

([239])  Il est généralement estimé dans les rapports remis à la Commission des comptes de la sécurité sociale que la CSG « activité » dépend aux deux tiers de la masse salariale du secteur privé, qui est l’assiette naturelle des cotisations de sécurité sociale et d’assurance chômage.

([240]) Cette situation a une explication technique : la CSG « activité » a une assiette plus large que les cotisations sur les salariés du secteur privé, puisqu’elle est prélevée sur les travailleurs indépendants mais aussi et surtout sur les fonctionnaires.

([241]) Peu de missions budgétaires ont la « surface » financière pour assurer une compensation qui représente des montants de plusieurs centaines voire de milliards d’euros.

([242]) Propositions faites dans leur publication et réitérées lors de leur audition devant les rapporteurs.

([243]) Rapport précité. Le Sénat a même adopté cette extension lors de son examen en première lecture de la proposition de loi organique de M. Thomas Mesnier relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([244]) Plus dynamique avant la crise, la CSG a subi très directement les conséquences de la baisse de la masse salariale en tant que telle, mais aussi l’application d’un taux réduit sur les indemnités d’activité partielle et une forte réduction de l’activité des non-salariés.

([245])  L’Unédic a ses propres prévisions macro-économiques, qui ne sont pas nécessairement celles utilisées par la direction générale du Trésor pour ses prévisions financières. Elle s’appuie toutefois sur les institutions de prévisions économiques classiques. La note « Situation financière de l’assurance chômage pour 2021-2023 » du 22 octobre 2021 est disponible ici : https://www.unedic.org/sites/default/files/2021-10/Note_pr%C3%A9vision_22_octobre_2021_VF.pdf.

([246]) Dans les prévisions de l’Unédic les seules mesures « SJR et durée », « condition minimale d’affiliation » et « dégressivité », conduiraient à des économies de moins de 100 millions d’euros en 2021, de 1,86 milliard d’euros en 2022 et de 2,22 milliards d’euros en 2023 (note précitée).

([247]) En 2022, l’Unédic pourrait ainsi « bénéficier » de sa mauvaise année 2020.

([248])  Cette dette était issue des déficits « chroniques » de l’Unédic depuis 2009.

([249]) Recommandation 3 de l’insertion sur le régime d’assurance chômage, dans son rapport public annuel 2021 précité : « statuer sur le niveau et les modalités de reprise d’une partie de la dette du régime d’assurance chômage afin de ne laisser à la charge du régime qu’un niveau de dette susceptible d’être apuré par ses propres excédents à venir ».

([250]) La Cour relève qu’avant la création de Pôle emploi, l’Unédic consacrait 7,25 % de son budget au financement du service public de l’emploi et à la gestion de l’indemnisation. Ce niveau a été relevé à 10 % à la création de Pôle emploi et même à 11 % dans la dernière convention tripartite, à partir du 1er janvier 2020.

([251])  6,2 milliards de déficits cumulés entre 2009 et 2019, d’après les calculs de la Cour.

([252]) Si ce n’est peut-être pour les pertes de recettes de France compétences (cf. partie consacrée au titre I). La sécurité sociale a procédé à un transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale dans des conditions assez classiques de report, avec un mécanisme de remboursement à terme.

([253])  Cette hétérogénéité a été richement documentée dernièrement par le rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale, consacré à ce sujet en septembre 2020 : https://www.securite-sociale.fr/home/hcfips/zone-main-content/rapports-et-avis-du-hcfips/rapport--hcfips-sur-la-protectio.html.

([254]) Absence de soutien qui a été rappelée et confirmée par le MEDEF, la CPME et l’U2P lors de leur audition par la mission.

([255])  C. Cadoret, L. Caussat, E. Robert (IGAS) avec la participation de S. Baubry - P-M. Carraud, J-M. Charpin, C. Durrieu et C. Freppel (IGF), « Ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants », octobre 2017, rapport disponible ici : https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-Assurance_chomage_independants.pdf.

([256]) Décret n° 2019-976 du 20 septembre 2019 relatif à l’allocation des travailleurs indépendants.

([257])  Cela correspond approximativement à 800 euros par mois, en fonction de la durée de celui-ci (792 euros pour les mois de trente jours, 818,40 euros pour les mois de trente-et-un jours) dans l’Hexagone.

([258]) Six mois calendaires.

([259]) Le pouvoir réglementaire a fixé ce revenu maximal issu d’autres ressources au montant du revenu de solidarité active pour une personne seule (4° de l’article R. 5424-70 du code du travail).

([260]) Le champ visé par renvoi est en effet très large : non-salariés non agricoles visés à l’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale, non-salariés agricoles visés aux articles L. 722-1 et L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime, sous-agents d’assurances, mandataires, gérants, présidents et dirigeants de société,…

([261]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0904_etude-impact.pdf

([262]) Article R. 5424-70 du code du travail.

([263]) Niveau de revenu minimal confirmé au même article.

([264]) Chiffre tiré de l’étude d’impact annexée au projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante.

([265]) Dominique Da Silva, « L’allocation des travailleurs indépendants dans le contexte de la crise de la covid‑19 », rapport d’information de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale déposé le 7 avril 2021, disponible ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4051_rapport-information. Le bilan était fait alors sur la base de 800 dossiers enregistrés en 2020.

([266]) Chiffres que l’on peut retrouver dans le rapport de Dominique Da Silva précité, ou encore dans l’étude d’impact annexée au projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante.

([267])https://www.cngtc.fr/myfiles/files/Barom%C3%A8tre%20des%20entreprises_Flash%20sp%C3%A9cial%20Covid_septembre_novembre_VDEF.pdf

([268]) Idem.

([269]) L’ATI n’a pas d’incidence particulière sur l’obtention de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ouverte aux chômeurs en fin de droit : lorsqu’elle est obtenue, elle suspend les droits « ASS » et peut être obtenue après que le délai de versement de l’ATI ait expiré.

([270]) L’étude d’impact précitée précise que le critère retenu au niveau réglementaire pourrait être une baisse de 30 % du revenu fiscal d’une année sur l’autre.

([271]) Le ministre, pendant les débats sur le projet de loi « indépendants » en commission spéciale, a indiqué que le critère de 10 000 euros sur les deux dernières années pourrait évoluer vers un critère alternatif (10 000 euros sur une des deux années).

([272]) L’annexe IV du rapport IGAS-IGF demeure très utile, puisqu’elle fait la comparaison des modèles de différents pays en sériant les différents enjeux (cotisations, durée d’affiliation minimale...).

([273]) Données de Pôle emploi citées dans l’étude d’impact, p. 219.

([274]) Un démissionnaire n’est pas définitivement privé de son droit à l’allocation chômage mais sa situation est réexaminée tous les quatre mois par Pôle emploi pour voir si son chômage est devenu « involontaire ».

([275]) étude d’impact précitée, p. 221.

([276]) Décret nº 2 019-796 du 26 juillet 2019 relatif aux nouveaux droits à indemnisation, à diverses mesures relatives aux travailleurs privés d’emploi et à l’expérimentation d’un journal de la recherche d’emploi.

([277]) Parmi ces mesures, certaines visaient précisément les salariés démissionnaires. Ceux ayant démissionné entre le 1er juin et le 29 octobre 2020 d’un poste lié à un CDI, un CDD ou une mission d’intérimaire d’une durée minimale de trois mois ou 455 heures pour un autre contrat n’ayant pas pu se concrétiser ou ayant été interrompu par l’employeur au bout de 65 jours ont ainsi pu bénéficier d’indemnisations. Cette exception correspond au fait que les démissions d’un emploi en faveur d’un autre n’ayant pu commencer ont été considérées à titre exceptionnel comme des cas de démission « légitime ».

([278]) Alors que le Gouvernement prévoyait un chiffrage entre 230 et 345 millions d’euros par an, l’Unédic chiffrait la mesure dans la « fourchette haute » à 300 millions d’euros.

([279]) Médiateur national de Pôle emploi, Rapport d’activité 2019, précité.

([280]) Loi n° 2008-758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

([281]) Il prévoyait en effet qu’une « offre raisonnable d’emploi » correspondait à un emploi « compatible avec ses qualifications et compétences et rémunéré à 95 % du salaire entièrement perçu » si le demandeur était inscrit depuis plus de trois mois, et 85 % s’il l’était depuis plus de six mois. Au-delà d’un an, l’offre devait être rémunérée au moins au niveau de l’allocation d’assurance chômage.

([282]) Le même article prévoyait une alternative entre une mesure en temps de transport (une heure) et en distance (30 kilomètres).

([283]) Volonté rappelée par la DGEFP dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs.

([284]) Instruction disponible sur le bulletin officiel de Pôle emploi : http://bo-pole-emploi.org/bulletinsofficiels/instruction-n-2019-1-du-3-janvier-2019-bope-n-2019-1-du-3-janvier-2019.html?type=dossiers/2019/bope-n2019-001-du-3-janvier-2019.

([285]) Chiffres repris en janvier 2019 par Pôle emploi, dans une infographie disponible sur son site : https://www.pole-emploi.org/accueil/actualites/infographies/les-obligations-des-demandeurs-demploi.html?type=article.

([286]) Dans sa contribution transmise à la mission, la CFTC a notamment cité une étude de l’OFCE de 2017, « Obliger les chômeurs indemnisés à reprendre un emploi : la bonne mesure », en rappelant que les emplois vacants ne trouvaient pas preneurs chez les chômeurs indemnisés mais aussi chez les chômeurs non indemnisés.

([287]) Métiers en tension identifiés grâce à un indicateur Pôle emploi-DARES.

([288]) Ce motif de radiation est même automatisé dans les logiciels de Pôle emploi, dès lors que le conseiller constate que le demandeur d’emploi ne s’est pas présenté au rendez-vous. Les autres motifs de radiation nécessitent des investigations plus précises.

([289]) Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance. Le « droit à l’erreur » n’est applicable pour l’heure qu’aux erreurs de déclarations et aux majorations de retard, en matière d’assurance chômage.

([290])  Médiateur de Pôle emploi, Rapport d’activité 2020, p. 48, disponible ici : https://www.pole-emploi.org/files/live/sites/peorg/files/documents/Publications/Rapport%202020%20du%20M%C3%A9diateur%20national%20de%20P%C3%B4le%20emploi.pdf.

([291]) Ibidem, p. 51.

([292]) La France consacrait ainsi 1,52 point de son PIB aux dépenses d’assurance chômage, contre 0,59 dans l’OCDE. Elle a une des conditions d’affiliations minimales les plus basses (88 jours contre 12 mois en Allemagne ou en Suisse, 360 jours en Espagne, 312 jours en Belgique), une des durées d’indemnisation les plus longues (730 à 1 095 jours en fonction de l’âge, contre 182 jours au Royaume-Uni, 730 jours en Allemagne, 720 jours en Espagne, …) et un des montants maximaux d’allocation les plus élevés (près de 8 000 euros par mois contre environ 3 000 euros en Allemagne, 1 800 euros en Belgique, 1 335 euros en Italie). Chiffres UNEDIC pour 2021, disponibles ici : https://www.unedic.org/sites/default/files/2021-10/comparatif_europe_assurance_chomage%20%283%29.pdf.

([293]) Les exemples concrets cités dans les rapports du Médiateur national de Pôle emploi sont hélas très parlants de ce point de vue.

([294]) Catégories A, B et C confondues (chiffres Pôle emploi).

([295]) Règle de principe dégagée par le Conseil d’État qui a été atténuée dernièrement par ce dernier, dans un arrêt Czabaj du 13 juillet 2016.

([296]) Étude d’impact du projet de loi, p. 287.

([297]) Article 13 de la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

([298]) Cinquante et un articles au total, dont cinq censurés par le Conseil constitutionnel.

([299]) Chapitre Ier (articles 66 à 84).

([300]) Chapitre III (articles 89 à 103).

([301]) Chapitre IV (articles 104 à 107).

([302]) Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

([303]) Loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

([304]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

([305]) Loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap.

([306]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([307]) Étude d’impact du projet de loi, p. 337.

([308]) Idem.

([309]) Ibid., pp. 334 et 337.

([310]) L’article L. 5212-2 du code du travail prévoit désormais qu’il s’agit d’une proportion minimale.

([311]) Étude d’impact du projet de loi, p. 338.

([312]) Ibid., p. 341.

([313]) Ibid., p. 343.

([314]) Ancien article L. 5212-6 du code du travail.

([315]) Article L. 5212-8 du code du travail.

([316]) Décret n° 2019-521 du 27 mai 2019 relatif à la mise en œuvre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés par application d’un accord.

([317]) Article R. 5212-12 du code du travail.

([318]) Article L. 5212-9 du code du travail.

([319]) Article L. 5212-10-1 du code du travail.

([320]) Étude d’impact du projet de loi, p. 344.

([321]) Articles L. 5212-11 et D. 5212-23 du code du travail.

([322]) Étude d’impact du projet de loi, p. 337.

([323]) Article L. 5212-1 du code du travail.

([324]) Article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale.

([325]) Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

([326]) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

([327]) Réponses de la DGEFP au questionnaire adressé par les rapporteures.

([328]) Agefiph, Observatoire de l’emploi et du handicap, Emploi et chômage des personnes handicapées, avril 2021, p. 2.

([329]) À la fin du mois de juin 2021, les demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’OETH représentaient 8,3 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi.

([330]) Étude d’impact du projet de loi, p. 354.

([331]) Audition de M. Fabrice Masi, sous-directeur des parcours d’accès à l’emploi à la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

([332]) Décret n° 88-77 du 22 janvier 1988 pris pour l’application de la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

([333]) V de l’article 67 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([334]) Étude IFOP pour l’Agefiph, « Un an après le début de la crise du Covid-19 : quel est le vécu des personnes en situation de handicap ? », avril 2021.

([335]) Idem.

([336]) Étude IFOP pour l’Agefiph, « Quelles sont les connaissances et attentes des salariés à l’égard de leur employeur ? », mars 2021.

([337]) 52 % des salariés savent que les entreprises d’au moins 250 salariés ont l’obligation de nommer un référent handicap, d’après l’étude IFOP pour l’Agefiph intitulée « Quelles sont les connaissances et attentes des salariés à l’égard de leur employeur ? ».

([338]) https://www.lemonde.fr/emploi/article/2021/03/30/le-referent-handicap-encore-peu-visible-en-entreprise_6074949_1698637.html.

([339]) Ce recensement serait effectué à l’occasion des déclarations des entreprises au titre de l’OETH.

([340]) Directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

([341]) Directive (UE) 2017/1564 du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2017 sur certaines utilisations autorisées de certaines œuvres et d’autres objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés et modifiant la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

([342]) Aux termes de l’article R. 5213-65 du code du travail, ce contrat peut être conclu pour une durée maximale de cinq ans.

([343]) Cela correspond à l’objectif défini.

([344]) L’article 77 a modifié l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Cet article a été abrogé par l’article 21 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire sans que le principe de l’implantation des entreprises adaptées en détention ne soit remis en question.

([345]) D’après les informations communiquées par la DGEFP, la crise a entraîné la fermeture temporaire de 82 % des entreprises adaptées.

([346]) Voir l’arrêté du 23 septembre 2021 fixant la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail.

([347]) Voir l’arrêté du 23 septembre 2021 fixant la liste des organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire.

([348]) Agefiph, Observatoire de l’emploi et du handicap, L’emploi des personnes en situation de handicap, décembre 2020, p. 2.

([349]) Idem.

([350]) Loi n° 2014‑790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.

([351]) Étude d’impact du projet de loi, p. 395.

([352]) Idem.

([353]) Il doit s’agir d’un détachement réalisé soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France, soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe (1° et 2° de l’article L. 1262‑1 du code du travail).

([354]) Sont exclues du champ d’application de l’article L. 1262-6 les entreprises de travail temporaire définies à l’article L. 1251-2 du code du travail et les agences de mannequins définies à l’article L. 7123-12 du même code.

([355]) Il doit s’agir d’un détachement réalisé soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France, soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe (1° et 2° de l’article L. 1262‑1 du code du travail).

([356]) Décret n° 2019-555 du 4 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au détachement de travailleurs et au renforcement de la lutte contre le travail illégal.

([357]) Étude d’impact du projet de loi, p. 399.

([358]) Le montant de la contribution avait été fixé à 40 euros par salarié détaché par le décret n° 2017-751 du 3 mai 2017 relatif à la contribution destinée à compenser les coûts de mise en place du système dématérialisé de déclaration et de contrôle des détachements de travailleurs.

([359]) Étude d’impact du projet de loi, p. 403.

([360]) Étude d’impact du projet de loi, p. 404.

([361]) Idem.

([362]) Réponses de la DGT au questionnaire adressé par les rapporteures.

([363]) Les rapporteures n’ont pas été destinataires de données plus récentes.

([364]) Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI »).

([365]) Étude d’impact du projet de loi, p. 411.

([366]) Ibid., p. 417.

([367]) Idem.

([368]) Ibid., p. 424.

([369]) Ibid., p. 427.

([370]) Ibid., p. 430.

([371]) Réponses de la DGT au questionnaire adressé par les rapporteures.

([372]) Loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

([373]) Étude d’impact du projet de loi, p. 437.

([374]) Ibid., p. 438.

([375]) Article D. 1142-2-1 du code du travail.

([376]) Article D. 1142-2 du code du travail.

([377]) Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail.

([378]) Article D. 1142-4 du code du travail. À défaut de site internet, les résultats sont portés à la connaissance des salariés par tout moyen.

([379]) Décret n° 2021-265 du 10 mars 2021 relatif aux mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et portant application de l’article 244 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([380]) Loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle.

([381]) Les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ont succédé aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) le 1er avril 2021.

([382]) Le produit de la pénalité est affecté au Fonds de solidarité vieillesse.

([383]) Article D. 1142-6 du code du travail.

([384]) Le produit de la pénalité est affecté au Fonds de solidarité vieillesse.

([385]) Aux termes de l’article D. 1142-11 du code du travail, sont notamment prises en compte, au titre des motifs de défaillance : la survenance de difficultés économiques de l’entreprise ; les restructurations ou fusions en cours ; l’existence d’une procédure collective en cours.

([386]) Mme Sylvie Leyre fut chargée en 2018 par la ministre du travail d’une mission sur la définition de la méthodologie de l’index de l’égalité professionnelle.

([387]) Il convient de noter que, pour 44 % des entreprises appartenant à cette catégorie, la note globale n’a pas pu être calculée.

([388]) Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

([389]) Il s’agit de la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 du code du travail, aux termes duquel « [c]onstitue une rémunération [...] le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier ».

([390]) Article L. 1225-26 du code du travail.

([391]) D’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail.

([392]) Étude d’impact du projet de loi, p. 442.

([393]) Certaines entreprises avaient désigné un référent avant le vote de la loi du 5 septembre 2018.

([394]) Voir le rapport de la direction générale du travail, La négociation collective en 2019, édition 2020, p. 68.

([395]) Loi n° 2021-1458 du 8 novembre 2021 autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

([396]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11761824_61e7cbbf3a80d.commission-des-affaires-sociales--rapport-d-evaluation-de-la-loi--pour-la-liberte-de-choisir-son-a-19-janvier-2022

[397] Entreprises Burkert, Heuft France, Redex et Cap Ingelec

[398] Cabinet Catalys Conseil