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N° 4974

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la dÉlÉgation aux outre-MER

 

sur la Mission flash relative à la situation

des Missions locales dans les outre-mer

 

PAR

Mmes StÉphanie Atger, Nathalie Bassire et ManuÉla KÉclard-MondÉsir,

 

 

Députées

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. L’insertion des jeunes ultramarins, un dÉfi complexe À relever

A. les difficultÉs socio-Économiques touchent particuliÈrement les jeunes

B. Les missions locales : un dispositif national de grande ampleur

1. Un dispositif d’accompagnement centré sur les jeunes

2. Toute une palette de parcours d’accompagnement

C. Les autres acteurs de la formation professionnelle outre-mer

1. Pôle emploi

2. Le service militaire adapté (SMA)

D. des facteurs complexifiant l’action des missions locales ultramarines

1. Des difficultés inhérentes aux outre-mer

2. Des problématiques liées à des situations particulières

II. des missions locales ultramarines freinÉes dans leur action envers les jeunes en difficultÉ

A. une sous-dotation chronique des missions locales ultramarines

1. Un budget insuffisant pour mener à bien les missions

2. Un manque de conseillers par rapport au nombre de jeunes à aider

3. Un manque de locaux qui doit encourager une mutualisation

4. Des financements qui ne sont pas pérennes

5. Des marges de manœuvre trop limitées pour développer l’offre de services

B. des opportunitÉs À dÉvelopper pour les jeunes ultramarins

1. Faire du sur-mesure pour correspondre aux besoins des jeunes

2. Améliorer la formation des jeunes

3. Favoriser l’insertion durable des jeunes sur le marché de l’emploi

C. une Évaluation en dÉcalage avec les rÉalitÉs locales

D. des redondances dans les dispositifs À destination des jeunes en difficultÉ

1. Complémentarité des dispositifs…

2. …ou concurrence des opérateurs ?

3. Une hausse continue du nombre de jeunes concernés

III. Un rÉseau des missions locales ultramarines À renforcer

A. État des lieux de l’implantation des missions locales dans les collectivitÉs de l’article 73

1. Des similitudes avec l’hexagone, mais aussi quelques particularités

2. La nécessité de créer une association régionale dans la zone Antilles-Guyane

B. État des lieux de l’implantation des missions locales dans les collectivitÉs de l’article 74

IV. récapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

Examen par la dÉlÉgation

Liste des auditions


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   INTRODUCTION

 

Le 21 octobre 2021, la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale auditionnait M. Claude Fournet, vice-président de l’Union nationale des missions locales (UNML) et M. Jacques Lowinsky, président de l’association régionale des missions locales de La Réunion.

Cette audition, à laquelle participait également la députée Christine Cloarec - Le Nabour, par ailleurs vice-présidente de l’UNML, avait attiré l’attention de la Délégation sur la situation singulière des missions locales ultramarines.

Les personnes entendues avaient regretté que les dispositifs de droit commun décidés au niveau national ne soient pas correctement mis en œuvre dans les outre-mer, et appelaient à une plus grande équité territoriale.

Il était notamment rappelé la nécessité de mettre en place des déclinaisons territoriales pour tenir compte des spécificités ultramarines, l’exemple le plus significatif étant l’absence de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dans les outre-mer, à l’exception de La Réunion, alors même que cette structure est chargée de la mise en place de certains dispositifs d’insertion.

L’audition avait permis de souligner la différence de moyens alloués aux missions locales pour accompagner les « jeunes décrocheurs », le nombre de jeunes suivis par un conseiller dans les outre-mer apparaissant largement supérieur à ce qu’il est dans l’hexagone.

Il avait également été rappelé que les formations proposées n’étaient pas toujours coordonnées avec les besoins des jeunes et avec ceux des entreprises locales susceptibles de les recruter. Les difficultés de mobilité des jeunes dans les territoires ultramarins, incomparablement plus aigües que dans l’hexagone, étaient également évoquées.

Certains, enfin, s’étaient interrogés sur une certaine forme de concurrence entre différents dispositifs d’insertion des jeunes comme Pôle Emploi ou le service militaire adapté (SMA), structure militaire spécifique aux outre-mer. Il était apparu nécessaire de clarifier les compétences de chacun de ces acteurs.

C’est dans ce contexte que la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a décidé de se saisir du sujet pour l’approfondir. Compte-tenu des délais restreints et de la fin prochaine de la législature en cours, la mise en œuvre d’une mission d’information classique n’était guère possible ; c’est la raison pour laquelle il fut décidé de créer une mission « flash » sur ce sujet.

 

 

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Trois rapporteures ont été nommées le 17 novembre 2021 : Mme Stéphanie Atger, députée LREM de l’Essonne, Mme Nathalie Bassire, députée LR de La Réunion et Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, députée GDR de la Martinique.

Malgré des délais très brefs, les corapporteures ont pu mener à bien 12 auditions, en plus de celle du 21 octobre, et entendre une trentaine de personnes issues de tous les départements ultramarins et de la plupart des collectivités, ces dernières n’étant pas toutes concernées par ce sujet qui relève parfois de compétences locales.

 


 

I.   L’insertion des jeunes ultramarins, un dÉfi complexe À relever

L’insertion des jeunes est une nécessité tant pour leur offrir des perspectives d’avenir que pour dynamiser les territoires ultramarins.

A.   les difficultÉs socio-Économiques touchent particuliÈrement les jeunes

Le contexte ultramarin est marqué par des difficultés socio-économiques touchant particulièrement les jeunes, sans commune mesure avec celles observées dans l’hexagone. Cette problématique est illustrée par un taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans qui atteint des sommets en outre-mer. En effet, d’après les chiffres de l’INSEE ([1]) de 2020, ce taux, qui était déjà élevé dans l’hexagone (19,7 %), était compris entre 27,9 % (en Guyane) et 42,3 % (à La Réunion) dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), hors Mayotte.

Ces contraintes socio-économiques sont renforcées par des difficultés scolaires importantes : la part des jeunes sortis du système scolaire peu ou pas diplômés dépasse 11,5 % dans tous les DROM quand la moyenne nationale est à 8 % ([2]). Les difficultés de lecture chez les jeunes ultramarins sont également particulièrement répandues : elles concernent de 25 % (à La Réunion) à 71 % (à Mayotte) des jeunes ultramarins reçus à la Journée de défense et de citoyenneté (JDC) contre 9,5 % des jeunes au niveau national ([3]).

À ces difficultés s’ajoutent les contraintes liées au marché local de la formation. En effet, l’offre de formation privée est marquée par une proportion importante de petits organismes de formation souvent précaires au niveau économique. De façon plus générale, l’offre de formation est sous-dimensionnée dans les territoires ultramarins. Ainsi, la mission locale de Mayotte n’a pu faire entrer en formation en 2020 que 10 % des jeunes en ayant fait la demande (800 entrées en formation pour 8 000 demandes).

Ainsi, les jeunes ultramarins sont plus exposés au chômage, ont plus de difficultés scolaires mais disposent de moins de possibilités de formation que les jeunes hexagonaux. C’est pourquoi le sujet de leur insertion socio-professionnelle est complexe à résoudre. Cela est d’autant plus vrai que certains facteurs structurels freinent les missions locales dans leur accompagnement des jeunes en difficulté.

B.   Les missions locales : un dispositif national de grande ampleur

Créées par l’ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982, qui reprenait en cela les préconisations du rapport de Bertrand Schwartz ([4]), les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes sont des organismes accompagnant les jeunes entre 16 et 25 ans pour les aider à surmonter les obstacles à leur insertion sociale et professionnelle. Elles traitent de l’ensemble des difficultés d’insertion : emploi, formation, orientation, mobilité, logement, santé, accès à la culture et aux loisirs.

1.   Un dispositif d’accompagnement centré sur les jeunes

Si elles ont été créées au départ pour être temporaires dans le contexte d’un très fort taux de chômage des jeunes et d’une précarisation de plus en plus importante des 16-25 ans, elles ont été pérennisées par la loi n° 89-205 du 19 décembre 1989 face à la persistance des difficultés socio-économiques rencontrées par les jeunes.

Les missions locales sont aujourd’hui au nombre de 427, réparties sur l’ensemble du territoire national. Elles accompagnent chaque année plus d’un million de jeunes et emploient plus de 13 000 professionnels ([5]).

Sur les territoires ultramarins, elles sont implantées à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte mais aussi en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Martin (en cours de constitution). Il existe également une association régionale des missions locales qui couvre La Réunion et Mayotte.

Leurs missions sont définies par l’article L.5314-2 du Code du travail :

- assurer un accompagnement global des jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus en les aidant à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale ;

- favoriser la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter leurs actions ;

- concourir à la mise en œuvre de l’obligation de formation prévue par l’article L.114-1 du Code de l’éducation ;

- contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre, dans leur zone de compétence, d’une politique locale concertée d’insertion professionnelle et sociale des jeunes ;

- participer au repérage des situations qui nécessitent un accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins et orienter les jeunes vers des services compétents.

2.   Toute une palette de parcours d’accompagnement

Les missions locales suivent les jeunes éprouvant des difficultés d’insertion socio-professionnelle par le biais de différentes modalités d’accompagnement :

- le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) : c’est le cadre contractuel générique de l’accompagnement des jeunes par les missions locales. Avant toute entrée en PACEA, un diagnostic initial est réalisé entre le conseiller et le jeune afin d’identifier la situation, les besoins, les attentes et les compétences acquises. Ensuite, le jeune suivi matérialise son engagement par la signature, avec la mission locale, d’un contrat PACEA, constitué de phases d’accompagnement successives pouvant s’enchaîner pour une durée maximale de 24 mois consécutifs. Le conseiller peut mobiliser l’ensemble de l’offre de services de la mission locale dans le cadre du PACEA (alternance, mission de service civique, formation professionnelle…). Le PACEA peut ouvrir droit à une allocation financière en fonction de la situation et des besoins de l’intéressé ;

- la Garantie jeunes : c’est une modalité spécifique du PACEA, collective et particulièrement intensive, d’une durée comprise entre 9 et 18 mois. Le jeune est suivi par un conseiller référent qui se consacre exclusivement à l’accompagnement de 50 jeunes en Garantie jeunes et suit un accompagnement intensif pendant les six premières semaines. La Garantie jeunes est soumise à des conditions plus restrictives que le PACEA. En effet, le jeune ne doit être ni en études, ni en emploi, ni en formation et ne pas disposer du soutien financier de ses parents. Il bénéficie alors d’une allocation forfaitaire qui lui garantit une stabilité financière. Cette allocation est dégressive et tient compte des ressources d’activité perçues par le jeune au cours du mois précédent ;

- le contrat d’engagement jeune (CEJ) : récemment annoncé par le Président de la République, le CEJ a pour vocation de remplacer la Garantie jeunes à compter du 1er mars 2022. Il pourra durer de six à douze mois et proposera un accompagnement intensif de bout en bout avec un programme d’accompagnement de quinze à vingt heures par semaine minimum. Il sera proposé non seulement par les missions locales mais également par Pôle emploi et des organismes publics ou privés proposant des services d’insertion.

 


C.   Les autres acteurs de la formation professionnelle outre-mer

Les missions locales ne sont pas les seules à participer à la formation et à l’insertion des jeunes. Compétent pour l’ensemble du territoire national, Pôle emploi est présent dans les outre-mer ; en revanche, le Service militaire adapté (SMA) est une spécificité ultramarine.

1.   Pôle emploi

Pôle emploi est un établissement public à caractère administratif (EPA), chargé de l’emploi en France. Créé le 20 décembre 2008, il est issu de la fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic).

Pôle emploi a trois tâches essentielles : l’accompagnement au retour à l’emploi, l’indemnisation des demandeurs d’emploi, par le biais des différentes allocations existantes (allocation d’aide au retour à l’emploi, allocation de solidarité spécifique, etc.) et la mise en relation des entreprises et des candidats demandeurs d’emploi. Ces trois missions correspondent donc, dans l’organisation interne, à trois services distincts, mais travaillant en synergie.

Avec 54 478 agents dans toute la France répartis dans 896 agences et 63 plateformes de services, Pôle emploi, qui est compétent pour l’ensemble des demandeurs d’emploi, ne peut être comparé aux missions locales qui ne sont compétentes que pour les jeunes de moins de 25 ans. Pôle Emploi ne publie pas de statistiques spécifiques aux outre-mer.

2.   Le service militaire adapté (SMA)

Le Service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle conçu et mis en place en 1961 par le général Jean Némo et destiné aux jeunes les plus éloignés de l’emploi au sein des outre-mer.

Il accueille essentiellement des jeunes hommes (70 % environ) et femmes (30 %) âgés de 16 à 25 ans éloignés de l’emploi et résidants dans les territoires suivants : Martinique, Guadeloupe (accord avec St Martin), Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie (accord avec Wallis et Futuna) et Polynésie française.

Sa mission prioritaire vise à accueillir 6 000 jeunes volontaires par an pour leur faire acquérir des compétences professionnelles et des compétences sociales en leur offrant un accompagnement socio-éducatif complet, en régime d’internat. Les différentes formations proposées par le SMA, d’une durée moyenne de 10 mois, reposent sur les règles de vie et de discipline militaires, renforcées par un accompagnement socio-éducatif permanent et un suivi individualisé de chaque volontaire. La lutte pour sortir les jeunes de l’illettrisme (44 % d’illettrés de niveaux 1 et 2 en 2019) est une absolue priorité.

40 % des jeunes sont en situation d’illettrisme avant le début de leur formation au SMA et un stagiaire sur trois n’a aucun diplôme. À l’issue de leur parcours, plus de 95 % des stagiaires obtiennent le Certificat de formation générale (CFG), huit sur dix obtiennent leur permis B et plus de trois jeunes sur quatre sont insérés à l’issue de leur parcours, dont la moitié dans l’emploi durable.

En 2019, le budget d’investissement et de fonctionnement du SMA s’élevait à 71 millions d’euros. Si les ressources financières proviennent essentiellement du programme 138 Emploi outre-mer, de nombreux acteurs apportent leur contribution de manière significative : collectivités territoriales (Conseil général, conseil régional…), via les subventions régionales spécifiques, et les entreprises via la taxe d’apprentissage. Par ailleurs, les Fonds de concours européens contribuent à plus de 35 % de ce budget hors masse salariale.

D.   des facteurs complexifiant l’action des missions locales ultramarines

L’action des missions locales ultramarines est rendue difficile par certains facteurs qui influent fortement sur l’accompagnement des jeunes. Certains de ces facteurs sont propres aux outre-mer et s’imposent à tous ; d’autres peuvent être plus spécifiques à des situations particulières.

1.   Des difficultés inhérentes aux outre-mer

L’étroitesse des économies locales ainsi que la situation socio-économique des populations ultramarines posent un certain nombre de contraintes :

- les contraintes du marché local de l’emploi : certaines filières n’existent pas sur tous les territoires ultramarins ce qui interdit certains horizons professionnels aux jeunes, le secteur marchand crée peu d’emplois et trop peu de grandes entreprises sont implantées dans ces territoires.

Ces facteurs structurels sont liés à la petitesse des économies insulaires. Ces éléments expliquent en partie le fait qu’en 2012, dans les six mois suivant le premier accueil, seuls 11,7 % des jeunes ultramarins avaient accédé à une forme d’emploi contre 26,1 % des jeunes hexagonaux d’après une étude de la DARES ([6]). Dans le détail, les jeunes ultramarins sont presque aussi nombreux à bénéficier d’une alternance ou d’une formation mais ils sont moins nombreux à bénéficier d’un emploi aidé (3,2 % contre 4,1 %) et bien moins nombreux à accéder à un « emploi classique » (5,3 % contre 19,3 %) ;

- la pauvreté des jeunes : les missions locales ultramarines sont confrontées à une plus forte occurrence des situations de forte précarité (survie alimentaire, décohabitation conduisant au nomadisme…). On constate également l’existence de jeunes mineurs en rupture familiale qui se retrouvent exclus de tout dispositif financier et sont rarement bancarisés. Les missions locales ultramarines peuvent parfois intervenir lorsqu’elles disposent de moyens financiers suffisants. Ainsi, la mission locale centre de la Martinique a pu financer des tickets services pour faire face à des demandes urgentes ([7]).

2.   Des problématiques liées à des situations particulières

Au-delà des difficultés globales liées à l’étroitesse des marchés ultramarins, les jeunes en insertion peuvent également éprouver des contraintes liées à leur situation particulière :

- la faiblesse de la mobilité intra-insulaire : peu de jeunes suivis par les missions locales disposent d’un moyen de locomotion privé motorisé et l’organisation des transports en commun dans ces territoires reste insatisfaisante. Par exemple, seuls 19 % des jeunes suivis par la mission locale nord de la Martinique disposent d’un moyen de locomotion privé motorisé, les autres dépendent des transports en commun dont il faut toutefois noter le développement actuel. Cette circonstance peut freiner les jeunes dans leurs démarches, voire les décourager. C’est pourquoi, l’obtention du permis de conduire paraît indispensable pour accéder à un emploi, mais cela pose d’une part la problématique du financement du permis et d’un véhicule, d’autre part la question des moyens de transports à favoriser : individuels ou collectifs ?

- le manque de logements autonomes : seuls 3 à 11 % des jeunes reçus en premier accueil sont en logement autonome, contre 18 % au niveau national. Entre 70 et 83 % des jeunes suivis sont hébergés chez leurs parents, contre 59 % au niveau national ([8]) ;

- la parentalité de certains jeunes suivis : le nombre de jeunes suivis au sein des missions locales des DROM ayant au moins un enfant à charge (de 8,3 à 21,6 %) est supérieur à celui des jeunes suivis au sein des missions locales dans l’hexagone (7 %) ([9]). Un accompagnement spécifique de ces jeunes parents est nécessaire ;

- la faiblesse de la mobilité extra-insulaire : cette mobilité doit être encouragée pour faciliter le développement personnel du jeune et élargir ses horizons, pour donner accès à des formations inexistantes sur le territoire et pour figurer comme un atout sur le CV des jeunes. Toutefois, si cette solution est pertinente dans le cas où la formation souhaitée est absente du territoire, elle n’est pas la panacée car elle pose deux problèmes : la fuite des forces vives de certains territoires ultramarins et la potentielle mise en concurrence des jeunes ultramarins en cas de mobilité sur un autre territoire d’outre-mer.

II.   des missions locales ultramarines freinÉes dans leur action envers les jeunes en difficultÉ

Les missions locales ultramarines sont en première ligne dans l’insertion des jeunes ultramarins en difficulté. Toutefois, leur action est freinée par différentes réalités qu’il conviendrait de faire évoluer.

A.   une sous-dotation chronique des missions locales ultramarines

1.   Un budget insuffisant pour mener à bien les missions

Les dernières statistiques que la mission d’information a pu se procurer sur le budget des missions locales datent de 2016, ce que déplorent les rapporteures qui regrettent que les administrations concernées n’aient pas pu fournir de chiffres plus récents. Pour autant, ces données sont tout à fait éclairantes sur la situation financière des missions locales ultramarines.

 

 

Nombre de jeunes en contact

Budget moyen / jeune

Écart par rapport au taux moyen national

ML Guadeloupe

11 400

419,50 €

-63,80 €

ML Guyane

4 400

670,40 €

187,10 €

ML Réunion

43 700

442,20 €

-41,10 €

ML Martinique

16 200

478,10 €

-5,20 €

ML Mayotte

8 000

282,90 €

-200,40 €

Total ML DROM

83 700

442,80 €

-40,50 €

Total ML France entière

1 370 000

483,30 €

 

Source : Compte-rendu d’activité 2016 des missions locales – ICARE – Traitement DMML / Bilan d’activité des missions locales 2016.

En 2016, le budget moyen par jeune était donc inférieur dans les DROM à la moyenne nationale, à l’exception – du moins en apparence – de la Guyane. Un mouvement de rééquilibrage semble toutefois être mis en œuvre. En effet, lors de son audition, la DGEFP a indiqué que les missions locales ultramarines ont vu leur budget augmenter en moyenne de 1,2 % en 2020 contre 0,7 % sur la France entière et de 50,3 % en 2021 contre 41,7 % au niveau national. Rien n’indique cependant que cela ait suffit pour combler le déséquilibre initial.

Ces problématiques budgétaires sont particulièrement criantes dans deux territoires ultramarins : la Guyane et Mayotte. En effet, les moyens des missions locales sont très faibles au regard des besoins énormes de leur territoire. En Guyane, 38,5% des jeunes de 15 à 24 ans n’étaient ni scolarisés, ni en emploi (dits NEET ([10])) en 2018 ([11]). Cela représente un vivier d’environ 21 000 jeunes alors que la mission locale n’a pu en accompagner en 2020 que 7 000 à 8 000 grâce aux crédits supplémentaires du plan de relance. Si les chiffres du tableau précédent semblent montrer que les moyens financiers attribués à la Guyane sont confortables, ils méritent d’être nuancés : ce ne sont pas les crédits qui sont élevés, mais le nombre de jeunes réellement suivis (par rapport à ceux qui devraient l’être) qui est faible.

À Mayotte, le taux de scolarisation est évalué à 37 % tandis que 43 % des jeunes sont au chômage ([12]). Les moyens de la mission locale de Mayotte sont sous-dimensionnés face aux besoins, d’autant que les jeunes à suivre sont en général très éloignés de l’autonomie, n’ayant ni compte bancaire, ni téléphone, ni moyen de locomotion. Ils nécessitent donc un accompagnement renforcé. 

Préconisation n° 1 : augmenter les dotations financières des missions locales ultramarines de manière à ce que le budget moyen par jeune suivi y soit au moins égal à la moyenne nationale. Redimensionner notamment les moyens accordés aux missions locales de Guyane et de Mayotte pour qu’ils correspondent aux besoins constatés de ces territoires.

2.   Un manque de conseillers par rapport au nombre de jeunes à aider

Outre un manque de budget pour déployer leurs dispositifs et aider efficacement les jeunes éloignés de l’autonomie, les missions locales ultramarines déplorent également un manque de ressources humaines. En effet, le nombre de jeunes suivis par conseiller est plus important en outre-mer que dans l’hexagone et atteint des sommets en Guyane (où le nombre moyen de jeunes par conseiller est 300) et à Mayotte (où un conseiller peut s’occuper de 1 000 jeunes dans certaines communes).

Cela concerne cependant toutes les missions locales ultramarines : en Martinique par exemple il y a 7 000 jeunes pour 44 salariés soit une moyenne théorique de 160 jeunes par conseiller. Mais dans certaines communes excentrées, ce nombre peut bondir à 600 jeunes gérés par agent ! Dans l’hexagone, une mission locale avec 7 000 jeunes aurait plutôt entre 100 et 150 salariés d’après la directrice d’une mission locale auditionnée.

Préconisation n° 2 : augmenter les effectifs des missions locales ultramarines de manière à ce que chaque conseiller gère un nombre de jeunes équivalent à ce que gère les conseillers de l’hexagone.

Les problèmes de ressources humaines des missions locales ultramarines ne se limitent pas à un manque de conseillers mais concernent également leur fidélisation. En effet, les fonctionnaires bénéficient localement d’une surrémunération qui rend les salaires plus attractifs que ceux proposés par les missions locales, créant une certaine concurrence.

Ainsi, les missions locales de La Réunion soulignaient le fait que, régulièrement, des salariés – et souvent les meilleurs – des missions locales démissionnaient pour rejoindre une collectivité locale ou Pôle emploi du fait de l’attractivité des salaires proposés par ces organismes. À cela s’ajoute le fait que, sur cette île, un tiers du personnel des missions locales travaille sous contrat à durée déterminée. Ces difficultés de gestion de personnel ne facilitent pas l’activité des missions locales.

Préconisation n° 3 : rapprocher le niveau des rémunérations des agents des missions locales de celui des agents de Pôle emploi pour éviter une concurrence déloyale entre ces deux organismes.

3.   Un manque de locaux qui doit encourager une mutualisation

Toutes les missions locales ultramarines soulignent également un manque de locaux pour mener à bien leur mission. L’aide des communes dans ce domaine est aléatoire et les missions se retrouvent souvent dans l’obligation de passer par des locations qui pèsent sur leur budget. La mission locale de Guadeloupe est par exemple obligée de louer son siège ainsi que sept sites d’accueil, ce qui représente une somme importante pour son fonctionnement structurel.

Le directeur de la mission locale de Guyane soulignait même que dans certains cas il avait les moyens de recruter de nouveaux conseillers mais qu’il était limité par le manque de locaux pour qu’ils puissent accueillir les jeunes. Une attention toute particulière doit donc être apportée à la question des locaux qui peuvent représenter un frein à l’action des missions locales ultramarines.

Par ailleurs, bien que l’ensemble des territoires ultramarins ne disposent pas d’établissements France service, la tenue de permanences de ces dernières dans les locaux des missions locales permettrait aux jeunes d’être plus proches des services publics de leur territoire, de permettre un meilleur développement de leur autonomie, mais aussi de réduire les problèmes de mobilités qu'ils peuvent rencontrer, en agrégeant, quelques jours par mois, l’ensemble des services participant à leur réussite.

Préconisation n° 4 : permettre aux agents des établissements France service d’organiser des permanences au sein des missions locales présentes dans les départements ultramarins.

4.   Des financements qui ne sont pas pérennes

Enfin, la problématique du financement des missions locales ultramarines ne se limite pas au niveau du budget mais couvre également la question de sa pérennité. Le programme 102 du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion subventionne chaque mission locale, de l’hexagone et des outre-mer, selon deux modalités :

- un financement « socle » réparti selon des indicateurs socio-économiques ;

- un financement déterminé en fonction de la réussite d’objectifs fixés à l’avance comme le nombre d’entrées en Garantie jeunes, par exemple.

Les missions locales reçoivent également des subventions de certaines collectivités territoriales. Pour compléter leur financement, elles répondent à des appels à projet qui leur permettent de financer certains dispositifs particuliers. Ce fonctionnement est positif car comme le rappelait une responsable de mission locale, il permet d’expérimenter de nouveaux services dans le cadre d’appels à projet tout en ayant un financement « socle » pour les dispositifs de droit commun. À titre d’exemple, le financement par des appels à projet représente 4 % du budget des missions locales de Martinique, ce qui n’est pas négligeable.

Cependant, ce fonctionnement n’a pas que des avantages car les sommes sont contraintes, les réponses ne peuvent être que ponctuelles lorsque la création d’un appel à projet est décidée et surtout le financement de telles actions n’est pas pérenne. Ainsi, à la fin de la durée de l’appel à projet, le service n’est plus financé alors même qu’il a pu se révéler très utile pour les missions locales. Cela rend difficile la constitution d’une offre de services diversifiée, structurée et pérenne pour les missions locales et cela peut créer des interruptions dans le parcours de formation des jeunes.

Préconisation n° 5 : pérenniser le financement du parcours de formation des jeunes de manière à éviter que des formations individuelles soient interrompues en raison du non-renouvellement de crédits.

5.   Des marges de manœuvre trop limitées pour développer l’offre de services

Les jeunes ultramarins sont confrontés à de nombreux freins à l’autonomie : absence de moyen de transport personnel, absence de logement autonome, parentalité fréquente, faible bancarisation, manque de moyens de télécommunication, etc. La mission locale de Mayotte soulignait la faible bancarisation des jeunes ce qui les empêche de percevoir les allocations auxquelles ils ont droit et les freine ainsi dans leur insertion.

Une évaluation du cabinet ITINERE-ORSEU publiée en 2020 ([13]) souligne que l’offre de services déployée sur les territoires de La Réunion et de Guyane ne prend pas suffisamment en compte les besoins des moins de 18 ans (besoins d’accompagnement plus importants auxquels les dispositifs ne répondent pas ou mal) et des jeunes d’un niveau Bac et supérieur (offre insuffisamment développée, les dispositifs étant axés sur les personnes moins qualifiées).

Cette même étude souligne aussi les besoins majeurs autour de la mobilité ainsi que la problématique autour des jeunes mères célibataires (ne pouvant suivre les dispositifs faute de solution pour garder leurs enfants). Les missions locales ultramarines doivent donc développer toute une offre de services, en plus des dispositifs de formation, afin de lever ces freins et d’accompagner les jeunes en difficulté vers l’insertion sociale et professionnelle.

Entre 2006 et 2011, les missions locales pouvaient financer de telles actions complémentaires grâce au fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ), notamment pour les jeunes accompagnés dans le cadre du contrat d’insertion dans la vie sociale. Cela a permis de consolider le parcours des jeunes vers l’emploi en les rapprochant de l’autonomie sociale et financière. L’existence de ce fonds a facilité l’expérimentation et l’innovation pour créer des solutions adaptées aux situations particulières vécues par les jeunes suivis. Le FIPJ a disparu en 2017 lors de l’arrivée du PACEA.

Désormais, les expérimentations peuvent être financées dans le cadre des appels à projet mais leur cadre d’intervention est défini à l’avance et non modifiable et l’obtention de fonds est aléatoire car soumis à sélection. Un fonds pour l’innovation, en complément des subventions et des financements par appel à projet, permettrait donc d’expérimenter des solutions sur mesure pour lever les freins à l’autonomie des jeunes.

Préconisation n° 6 : accompagner financièrement les missions locales ultramarines, par le biais d’un fonds à l’innovation, pour qu’elles puissent développer une offre de services accompagnant les jeunes vers l’autonomie.

B.   des opportunitÉs À dÉvelopper pour les jeunes ultramarins

1.   Faire du sur-mesure pour correspondre aux besoins des jeunes

L’un des objectifs des missions locales est de repérer, d’identifier et de mobiliser dans un parcours la population la plus en difficulté ([14]). Le repérage des jeunes en précarité est donc la première étape et elle est fondamentale car de nombreux jeunes ne se présentent pas spontanément aux missions locales. Ainsi, en Guyane, le nombre de jeunes « NEET » est estimé à 21 000 alors que la mission locale n’accompagne actuellement que de 7 000 à 8 000 d’entre eux.

Pour mieux repérer les jeunes dits « invisibles », la démarche du « aller vers » s’est développée dans le cadre de l’appel à projet « Repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux » lancé en 2019. Vingt‑six projets ultramarins ont été retenus dans ce cadre comme l’a rappelé la DGEFP lors de son audition.

Plusieurs missions locales ont souligné lors de leur audition l’importance de ce dispositif pour aller à la rencontre des jeunes marginalisés. Toutefois, cette mission reste difficile car les jeunes rencontrés par ce biais sont très éloignés de l’autonomie et il est parfois difficile de les faire adhérer aux programmes. C’est pourquoi, il est nécessaire de poursuivre dans cette voie, tout en renforçant les moyens alloués et en permettant aux missions locales d’innover.

Préconisation n° 7 : encourager la démarche du « aller vers » en instaurant des équipes mobiles se déplaçant dans les quartiers les plus éloignés à la rencontre des jeunes marginalisés.

Si la démarche du « aller vers » doit être modulable pour s’adapter aux besoins des jeunes, il en est de même lorsque ceux-ci intègrent des parcours au sein de la mission locale. Ces parcours doivent intégrer plus d’expérimentation et de « sur-mesure », ainsi que l’indiquait un directeur de mission locale interrogé. En effet, lorsqu’il a pu travailler sur de petits formats, en formant une poignée de jeunes à des métiers pour lesquels il y avait une demande, les intéressés ont pu s’insérer rapidement. Il a cité l’exemple de deux formations, l’une aux métiers de la boucherie, l’autre au métier de maître-nageur : dans les deux cas les apprentis concernés avaient trouvé un emploi avant la fin de leur formation en raison des besoins sur le marché du travail.

Le directeur auditionné parlait de « démarche inversée », c’est-à-dire qu’il partait des besoins exprimés par le marché du travail et formait ensuite un nombre cohérent de jeunes à ces métiers pour les insérer durablement. Si cette façon de faire coûte plus cher et est plus compliquée à mettre en œuvre, elle garantit de meilleurs résultats. Il serait intéressant d’encourager ce type d’action, au détriment de grands programmes de formation qui se révèlent parfois inefficaces.

Préconisation n° 8 : favoriser la création de parcours de réussite sur-mesure pour améliorer l’insertion durable des jeunes suivis.

Enfin, les besoins des jeunes ultramarins sont très variés. Ils sont parfois très éloignés de l’autonomie et leur insertion peut prendre du temps. C’est pourquoi, il pourrait être intéressant de permettre à ces personnes de bénéficier des prestations des missions locales jusqu’à l’âge de 30 ans. C’est d’autant plus nécessaire que les missions locales travaillent particulièrement sur l’accès à l’autonomie alors que Pôle emploi se concentre davantage sur la recherche d’emploi.

Préconisation n° 9 : à titre expérimental et dans les outre-mer seulement, permettre aux jeunes âgés de 26 à 30 ans de continuer à bénéficier des prestations de formation et d’insertion des organismes publics.

2.   Améliorer la formation des jeunes

L’absence de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) en outre-mer est préjudiciable pour les missions locales mais aussi pour leur public. En effet, l’AFPA dispense de nombreuses formations sur tout le territoire national. Son large catalogue, adapté aux jeunes, serait utile dans les territoires ultramarins.

De plus, l’AFPA concourt parfois au développement de dispositifs d’insertion. Cela a notamment été le cas dans l’hexagone avec le programme de la « Promo 16-18 ans » dévolu à l’accompagnement des mineurs. N’étant pas présent dans les outre-mer, l’AFPA n’a pu y développer ce programme qui a donc été lancé via un appel à projet territorialisé, comme l’a rappelé la DGEFP lors de son audition. Toutefois, l’appel à projet ayant été infructueux à Mayotte la procédure sera à recommencer en 2022. Ainsi, la présence de l’AFPA dans les outre-mer serait très utile pour étoffer le catalogue de formations mais également pour y développer certains dispositifs d’insertion.

Préconisation n° 10 : élargir le périmètre d’intervention de l’AFPA aux territoires ultramarins.

En attendant un potentiel élargissement du périmètre d’intervention de l’AFPA dans les outre-mer, il serait intéressant de permettre aux missions locales de développer leur propre offre de formation. Cela aurait pour avantage de mieux les adapter aux besoins des jeunes et d’améliorer leur efficacité. En effet, actuellement toutes les formations commencent en même temps, lors de la rentrée des classes, ce qui rend compliquée la construction d’un parcours de formation cohérent.

De plus, la temporalité des formations peut parfois poser problème : le temps que certains jeunes soient prêts à commencer une formation, celle-ci a déjà débuté. Si les missions locales les développaient, l’efficience des formations s’en trouverait améliorée car elles correspondraient mieux à la réalité des besoins des jeunes.

Préconisation n° 11 : permettre aux missions locales de développer leur propre offre de formation afin qu’elle soit mieux adaptée aux besoins des jeunes et des employeurs locaux.

Enfin, comme l’a montré l’exemple (cf. supra) de la démarche inversée ayant conduit à la formation de jeunes aux métiers de la boucherie, la formation est d’autant plus efficace qu’elle est centrée sur des besoins réels. De telles démarches sont donc à encourager pour favoriser l’insertion rapide et durable des jeunes.

Préconisation n° 12 : centrer principalement les formations des jeunes sur les besoins des employeurs locaux.

3.   Favoriser l’insertion durable des jeunes sur le marché de l’emploi

Pour permettre une insertion durable des jeunes suivis, il est nécessaire de mettre fin à l’un des principaux freins les concernant : une faible mobilité sur leur territoire. Cette question est centrale, qu’il s’agisse d’aller à la mission locale, de se rendre sur le lieu de formation ou encore sur le lieu de son alternance ou de son emploi. Il est donc nécessaire que la question de la mobilité intra-territoriale soit centrale dans le processus d’insertion des jeunes pour espérer une insertion durable. La mobilité suppose par ailleurs que les jeunes qui habitent trop loin de leur lieu de formation puissent être hébergés lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux.

Préconisation n° 13 : faciliter la mobilité intra-territoriale dans le parcours d’intégration et de formation des jeunes (hébergement, transport, permis de conduire, etc.).

De même, pour espérer une insertion durable des jeunes, il est nécessaire de l’orienter autant que possible vers le secteur marchand. Un directeur de mission locale expliquait que le mécanisme des contrats aidés avait de très bons résultats d’insertion durable lorsqu’il était réalisé dans le secteur marchand, alors que c’était beaucoup moins le cas dans le secteur non-marchand.

Un autre responsable soulignait qu’il fallait accompagner les entreprises car elles ne se manifestaient que lorsqu’elles avaient un besoin, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur non-marchand. Les perspectives d’insertion sont meilleures dans le premier cas, ce qui doit conduire à orienter en priorité les outils comme les contrats aidés dans cette direction.

Préconisation  14 : dans les outre-mer, orienter les contrats aidés en priorité vers le secteur marchand qui offre de meilleures perspectives d’insertion durable des jeunes bénéficiaires.

Toutefois, le tissu économique des territoires ultramarins étant limité, tous les jeunes ne pourront obtenir un emploi dans le secteur marchand. Il paraît donc nécessaire d’encourager la création d’activité par les jeunes eux-mêmes, certains développant des idées pertinentes mais ayant besoin de soutien technique. Cependant, les missions locales n’ont pas toujours les ressources adéquates et suffisantes pour accompagner les jeunes dans cette voie-là.

Préconisation n° 15 : mettre à disposition des missions locales ultramarines des ressources leur permettant d’accompagner au mieux les jeunes le souhaitant dans la création de leur propre activité.

C.   une Évaluation en dÉcalage avec les rÉalitÉs locales

L’évaluation de l’action des missions locales est essentielle car une partie de leur financement dépend de l’atteinte d’objectifs définis par avance. En effet, comme le rappelle une instruction datant du 16 mai 2019 ([15]), l’allocation des crédits régionaux se fait de la façon suivante depuis 2020 : 90 % de l’enveloppe régionale est répartie entre les missions locales selon des critères prédéfinis, les 10 % restants étant distribués aux missions locales suivant l’atteinte ou non d’objectifs prédéfinis.

L’évaluation repose sur dix indicateurs définis au niveau national. Des objectifs sont fixés par indicateur pour chaque mission locale. Si elle les remplit, son financement est majoré. Parmi les dix indicateurs, deux d’entre eux mesurent les sorties positives des dispositifs portés par les missions locales :

- indicateur 5 : nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis du PACEA ;

- indicateur 6 : nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis de la phase Garantie jeunes à 12 ou 18 mois.

Comme le montrent ces deux indicateurs, une « sortie positive » du PACEA ou de la Garantie jeunes est évaluée à l’aune d’une situation professionnelle. Pour la Garantie jeunes, la sortie positive s’apprécie strictement à la date anniversaire de l’entrée du jeune. À cette date précise, le jeune doit être soit en emploi, soit en formation professionnelle qualifiante ou diplômante, soit avoir créé une entreprise, soit avoir été en situation professionnelle pendant au moins 4 mois, dont 80 jours effectivement travaillés.

Cette appréciation stricte de la sortie positive, qui conditionne une partie des financements reçus par la mission locale, est regrettée par l’un des directeurs de mission locale interrogé. En effet, dans les outre-mer, les jeunes suivis sont plus éloignés de l’autonomie que les jeunes hexagonaux et leurs perspectives d’insertion dans l’emploi sont contraintes par la faiblesse du tissu économique. Ainsi, il est plus difficile pour les missions locales ultramarines d’aboutir à une « sortie positive ». Or, les critères sont les mêmes que pour les missions locales hexagonales.

C’est, en quelque sorte, une « double peine » pour les missions locales en outre-mer : une partie de leurs subventions est calculée sur leurs performances, donc sur le nombre de sorties positives. Or, ces critères ne sont pas adaptés aux outre-mer donc leurs résultats ne sont pas bons. De ce fait, elles perdent des subventions, ce qui ne les aide pas à améliorer leurs performances. C’est pourquoi, il apparaît nécessaire d’introduire des critères propres aux outre-mer, par exemple en mesurant la progression vers l’autonomie des jeunes en difficulté.

Préconisation n° 16 : adapter les critères d’évaluation de l’action des missions locales ultramarines aux réalités de terrain en ne définissant pas une sortie positive uniquement par l’obtention d’un emploi, d’une formation professionnelle qualifiante ou diplômante ou par la création d’une entreprise mais en valorisant également l’accès à l’autonomie du jeune.

D.   des redondances dans les dispositifs À destination des jeunes en difficultÉ

Plusieurs dispositifs destinés à l’insertion socio-professionnelle des jeunes éprouvant des difficultés cohabitent. Les missions locales sont porteuses de deux dispositifs : le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) et la Garantie jeunes, qui sera remplacée par le Contrat d’engagement jeune (CEJ) au 1er mars 2022. Trois autres dispositifs principaux s’adressent aux jeunes de 16 à 25 ans en difficulté : l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ) porté par Pôle emploi, le service militaire adapté (SMA) et les Écoles de la deuxième chance (E2C) portées par l’État, les régions et le Fonds social européen. Si ces dispositifs ont vocation à concerner des publics différents, sur le terrain ils sont parfois perçus comme redondants et ils peuvent mettre en concurrence les opérateurs qui les portent.

1.   Complémentarité des dispositifs…

L’AIJ s’adresse aux demandeurs d’emploi de 16 à 30 ans. Ce dispositif prévoit un accompagnement intensif par un conseiller Pôle emploi pour retrouver rapidement un emploi.

Le SMA est un dispositif militaire d’insertion socio-professionnelle au profit des jeunes ultramarins de 16 à 25 ans éloignés de l’emploi (cf. supra). Présent dans tous les territoires ultramarins, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy, il vise à accueillir 6 000 jeunes volontaires par an pour leur faire acquérir des compétences professionnelles et sociales et leur offrir un accompagnement socio-éducatif complet en régime d’internat. La formation dure en moyenne 10 mois et repose sur les règles de vie militaires.

Les E2C ont pour objectif de lutter contre le décrochage scolaire et d’accompagner les jeunes sans diplôme et sans qualification dans leurs projets d’insertion professionnelle et sociale. Chaque DROM comprend au moins une E2C, pour un total de 11 sites.

Il existe une complémentarité très forte entre les opérateurs qui portent ces dispositifs. De nombreux jeunes inscrits dans une mission locale sont orientés vers le SMA lorsque ce dispositif correspond à leurs besoins. De même, il existe des conventions entre Pôle emploi et les missions locales afin d’orienter au mieux les jeunes en fonction de leurs besoins et ces deux opérateurs travaillent de concert sur l’offre de formation. Notons que la mission locale de Guadeloupe a signé une convention avec Pôle emploi afin qu’il mette en œuvre la Garantie jeunes à Saint‑Martin, car jusqu’à présent il n’y avait pas de mission locale sur ce territoire (elle est actuellement en cours de constitution).

Préconisation n° 17 : créer dans chaque territoire ultramarin un consortium des acteurs de l’insertion comprenant les différents organismes concernés ainsi que des représentants du monde économique afin de renforcer la coordination des acteurs et l’efficacité des dispositifs d’insertion.

2.   …ou concurrence des opérateurs ?

Toutefois, certains acteurs entendus par la mission d’information considèrent qu’une certaine concurrence entre les opérateurs existe du fait de la superposition des dispositifs. En théorie, la Garantie jeunes, l’AIJ et le SMA visent des publics différents. En effet, le SMA constitue une réponse ciblée à l’exclusion sociale et à l’illettrisme en proposant une remise à niveau concernant les savoirs de base tandis que l’AIJ vise davantage des jeunes en recherche d’emploi mais n’éprouvant pas de difficultés socio-économiques importantes car l’accompagnement est intensif mais plutôt court (de 3 à 6 mois en moyenne) et n’est pas global comme celui des missions locales. Entre les deux, se trouve la Garantie jeunes qui vise à aider les jeunes confrontés à des difficultés d’insertion socio-professionnelle sans être en situation d’exclusion sociale ni d’illettrisme.

Dans la pratique ces dispositifs ont tendance à se recouper et à viser des publics similaires. Une étude de 2019 du cabinet EDATER ([16]) soulignait ainsi que « les régiments du SMA de Guadeloupe et de Martinique éprouvent depuis quelques années des difficultés à atteindre leurs objectifs de recrutement, du fait notamment de la coexistence parallèle de plusieurs dispositifs d’accompagnement renforcé ciblant les jeunes en demande d’insertion de moins de 25 ans : la Garantie jeunes, les Écoles de la deuxième chance et l’Accompagnement intensif des jeunes. Ces trois mesures représentaient en 2017, avec le SMA, près de 75 % du vivier de NEET pouvant être suivis en Martinique et près de 66 % en Guadeloupe ». C’est pourquoi il peut paraître intéressant d’introduire un critère d’âge pour certains dispositifs.

Préconisation n° 18 : à titre expérimental et dans les outre-mer seulement, confier la formation et l’insertion des jeunes jusqu’à 25 ans aux missions locales et de 25 à 30 ans à Pôle emploi.

3.   Une hausse continue du nombre de jeunes concernés

Le débat entre complémentarité et concurrence trouvera une résolution par l’augmentation du vivier de jeunes concernés par la problématique de l’insertion, chaque dispositif trouvant son public.

Le tableau ci-après rend compte des entrées en Garantie jeunes et en PACEA depuis 2017.

 

Années

Régions

PACEA (entrées)

Dont Garantie jeunes (entrées)

2017

Outre-mer

12 793

4 834

France entière

271 285

82 440

Part outre-mer

5 %

6 %

2018

Outre-mer

15 360

5 541

France entière

288 920

92 859

Part outre-mer

5 %

6 %

2019

Outre-mer

16 720

6 565

France entière

338 398

99 390

Part outre-mer

5 %

7 %

2020

Outre-mer

15 872

6 610

France entière

350 215

100 096

Part outre-mer

5 %

7 %

2021 (données à août 2021)

Outre-mer

14 055

6 298

France entière

271 231

96 631

Part outre-mer

5 %

7 %

Source : DARES (PoEm). Requête PACEA et Garantie jeunes (entrées) en cumul annuel

L’évolution retracée par le tableau ne devrait aller qu’en s’accroissant car, dans le cadre du plan « Un jeune, une solution » mis en place à l’été 2020, les objectifs d’entrée en Garantie jeunes ont été doublés (passant de 100 000 en 2020 à 200 000 en 2021), tout comme ceux d’entrée en AIJ (passant de 70 000 en 2020 à 140 000 en 2021). De même, 80 000 nouveaux parcours d’accompagnement PACEA ont été prévus, sans compter l’objectif de 6 000 entrées en SMA chaque année. Cette hausse des volumétries et des objectifs a conduit certains opérateurs à élargir leur recrutement pour remplir leur objectif. Ainsi, le RSMA a pu recruter des jeunes jusqu’à Bac + 2 alors qu’il ciblait auparavant les jeunes en situation d’illettrisme.

Deux départements se trouvent toutefois dans une situation particulière : Mayotte et la Guyane. En effet, dans ces territoires, les besoins d’insertion des jeunes en difficulté sont si importants qu’il ne peut exister de concurrence entre les dispositifs. En Guyane par exemple, le nombre de « NEET » est estimé à 21 000 et la mission locale accueille chaque année 4 000 nouveaux jeunes. Le vivier de jeunes auxquels s’adressent ces dispositifs reste donc important.

Préconisation n° 19 : tenir compte des besoins des territoires dans la fixation des objectifs et de la volumétrie pour éviter que ne s’exerce une trop grande concurrence entre les différents opérateurs pour l’insertion des jeunes de moins de 25 ans.

Le futur contrat d’engagement jeune a vocation à renforcer la coordination entre les différents dispositifs. De plus, un futur accord cadre entre le SMA, l’Union nationale des missions locales (UNML), la direction générale des outre-mer (DGOM, qui dépend du ministère des outre-mer) et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP, qui dépend du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion) doit être signé courant 2022 pour renforcer la coordination entre les différents dispositifs.

Face à cette situation, les missions locales ultramarines sont en première ligne dans l’insertion des jeunes ultramarins en difficulté. Toutefois, leur action est freinée par différentes réalités qu’il convient donc de faire évoluer.

 


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III.   Un rÉseau des missions locales ultramarines À renforcer

Les missions locales ultramarines sont le premier réseau d’accompagnement des jeunes de moins de 25 ans en outre-mer. Toutefois, ce réseau peut être renforcé pour améliorer son action mais aussi mieux faire entendre la voix des ultramarins au niveau national.

A.   État des lieux de l’implantation des missions locales dans les collectivitÉs de l’article 73

Les missions locales sont présentes dans toutes les collectivités de l’article 73, c’est-à-dire les départements d’outre-mer. Si leur situation est plutôt similaire à celles des missions implantées dans l’hexagone, elles rencontrent parfois des problématiques spécifiques qui ont été présentées lors des auditions par la mission d’information.

1.   Des similitudes avec l’hexagone, mais aussi quelques particularités

Le territoire de La Réunion est doté de quatre missions locales qui se partagent le territoire suivant une répartition géographique. Ces missions emploient 476 salariés et accompagnent environ 28 000 jeunes. Lors de leur audition, leurs responsables ont souligné plusieurs difficultés : un nombre important de jeunes (environ 23 000) dont il est difficile d’attirer l’attention, d’où la nécessité de développer des dispositifs de type « aller vers » (cf. supra), la faiblesse du tissu économique qui freine les jeunes dans leur insertion, des difficultés de recrutement, de fidélisation et de professionnalisation des personnels et un manque de moyens pour financer les activités socle.

À Mayotte, les problématiques citées précédemment sont exacerbées. En effet, la seule mission locale de l’île compte plus de 13 000 jeunes inscrits alors qu’elle ne compte qu’une cinquantaine de conseillers, soit un ratio de 260 jeunes par conseiller. La mission connaît donc un déficit en ressources humaines, mais elle manque aussi de moyens financiers pour financer ses activités et également de locaux pour accueillir les jeunes et les conseillers. Lors de son audition, sa directrice a également précisé que le nombre de places en formation était très insuffisant face à la demande tandis que le contexte économique difficile de l’île freine l’insertion des jeunes. De plus, les populations suivies sont très éloignées de l’autonomie : 97 % n’ont aucune ressource financière, 23 % sont de jeunes mamans pouvant avoir jusqu’à 4 ou 5 enfants, certains jeunes sont dépourvus de compte bancaire et de téléphone, etc. La directrice a toutefois souligné la complémentarité du travail de la mission locale avec Pôle emploi en matière d’insertion.

En Guadeloupe, il existe une seule mission locale qui emploie une centaine de salariés et accompagne plus de 7 000 jeunes. Lors de son audition, sa directrice a mis en exergue un budget largement insuffisant, un nombre de jeunes par conseiller trop important et des coûts de location difficiles à supporter pour sa structure. Elle a également souligné les différents freins à son action, qui tiennent notamment à une inadéquation des jeunes avec l’offre d’emploi mais également aux freins à l’autonomie touchant les jeunes suivis (faible mobilité intraterritoriale, absence de logement autonome, etc.).

En Martinique, trois missions locales se partagent le territoire suivant une répartition géographique. Lors de leur audition, leurs responsables ont notamment souligné les freins structurels liés à un marché de l’emploi très contraint, à l’absence d’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) sur leur territoire et aux limites du mécanisme des contrats aidés orientés vers le secteur non-marchand. Ils déplorent les fortes contraintes liées aux appels à projet et l’absence de pérennisation de tels financements ainsi que le manque de conseillers avec une moyenne de 600 jeunes par conseiller.

En Guyane, il n’existe pour le moment qu’une seule mission locale dans ce département qui est le plus étendu de France, mais une autre doit ouvrir prochainement dans l’Ouest du territoire, en raison de la hausse très rapide des besoins d’insertion des jeunes dans le secteur de Saint-Laurent-du-Maroni. Lors de son audition, le directeur de la mission locale de Guyane a mis en évidence plusieurs problématiques : le caractère non pérenne du financement des missions locales qui empêche de se projeter à long terme, un manque de locaux qui empêche le recrutement de nouveaux conseillers, des difficultés dans la mobilité intraterritoriale, l’absence de structures d’hébergement adaptées aux jeunes issus de l’intérieur du territoire et une évaluation des sorties dites « positives » qui n’est pas adaptée au contexte ultramarin (cf. supra).

2.   La nécessité de créer une association régionale dans la zone Antilles-Guyane

Il n’existe actuellement qu’une seule association régionale des missions locales (ARML) en outre-mer et elle couvre la zone Océan indien, regroupant les missions locales de La Réunion et de Mayotte. Les missions locales de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane en sont dépourvues et ce sont d’ailleurs les seules missions locales du pays qui ne sont pas regroupées dans une association régionale.

Pourtant la création d’une ARML dans la zone Antilles-Guyane serait la source de nombreux bienfaits :

- une meilleure coordination des actions des missions locales sur le territoire recouvert par l’ARML ;

- une visibilité accrue sur le plan politique et la possibilité de disposer d’une représentation unique au sein des instances de décisions nationales et régionales afin d’y peser davantage ;

- un partage de bonnes pratiques entre les missions locales et entre les ARML ;

- une meilleure maîtrise des coûts des missions locales par une mutualisation de leurs dépenses de fonctionnement (autres que les charges de personnel).

Un précédent existe avec l’ARMAG (Association régionale des missions locales Antilles-Guyane) qui a regroupé entre 2004 et 2013 les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) de ces territoires. Depuis, plusieurs projets ont émergé mais aucun n’a véritablement vu le jour.

Un des points de blocage de ce projet concerne le financement d’une telle structure. Une participation pérenne des collectivités régionales est nécessaire au déploiement de ce projet.

Une telle association régionale pourrait réunir les missions locales de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane et de Saint-Martin. La constitution de cette association régionale pourrait se faire en plusieurs étapes, en rassemblant au fur et à mesure toutes les missions locales de la zone. À l’heure actuelle, les missions locales de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de la Guyane sont favorables à ce projet.

Préconisation n° 20 : soutenir la création d’une association régionale des missions locales dans la zone Antilles-Guyane.

B.   État des lieux de l’implantation des missions locales dans les collectivitÉs de l’article 74

Une réflexion doit tout d’abord être engagée sur la présence des missions locales dans les collectivités de l’article 74. Pour l’instant, seule la Nouvelle-Calédonie est pourvue d’un dispositif analogue. Il est à noter qu’une mission locale est en cours de constitution à Saint-Martin. Elle devrait émarger sur les crédits de droit commun des missions locales du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Ce projet est soutenu par la collectivité territoriale de Saint-Martin, avec l’appui financier de l’État et des partenaires institutionnels, pour un budget 2022 voté à hauteur d’environ 650 000 euros.

Sur le territoire néo-calédonien, il existe un dispositif analogue à celui des missions locales car l’emploi relève de la compétence propre du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. La structure a le même objectif qu’une mission locale classique : mettre en œuvre des dispositifs locaux d’insertion sociale et professionnelle. Il existait, il y a quelques années, deux structures de type mission locale en Nouvelle-Calédonie : l’une pour la province Nord et l’autre pour la province Sud. Mais cette dernière a été fermée il y a peu et seule la mission située dans la province Nord subsiste désormais. Cette situation s’avère d’autant plus problématique que la dernière enquête Forces de travail 2020 ([17]) montre que le taux de chômage sur l’île a augmenté de 24 % en 2020 par rapport à 2019, notamment en raison de la crise sanitaire, et que les trois quarts des nouveaux chômeurs sont âgés de 15 à 24 ans. Actuellement, la mission d’insertion de la province Nord reçoit à l’année environ 4 000 jeunes âgés de 16 à 35 ans.

Sur l’archipel de Wallis-et-Futuna, le taux de chômage des jeunes atteint 17 %. Pour faire face au besoin d’insertion socio-professionnelle de cette population, le contrat de convergence et de transformation 2019-2022 prévoyait la création d’une mission d’insertion jeunesse destinée à « offrir des espaces d’accueil où les jeunes seront informés, orientés, accompagnés vers une insertion sociale et professionnelle ». Le but est notamment de combler l’absence d’une structure unique qui centraliserait toutes les informations et qui organiserait les différentes actions pour répondre aux besoins des jeunes en matière d’insertion sociale et professionnelle. Le projet prévoyait une enveloppe de 100 000 euros de l’État et de 200 000 euros du territoire. Actuellement, le projet n’a pas encore abouti mais une personne a été recrutée afin de mettre en œuvre la nouvelle mission d’insertion jeunesse. 

Préconisation n° 21 : accélérer la mise en œuvre d’une mission d’insertion jeunesse sur le territoire de Wallis-et-Futuna.

Sur les autres territoires, il ne paraît pas forcément pertinent d’implanter une mission locale. En effet, dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy, le nombre de jeunes de moins de 25 ans au chômage est particulièrement faible : 40 demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie A de moins de 25 ans à Saint-Barthélemy au 3ème trimestre 2021 contre 9 dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon au 2ème trimestre 2020 d’après les données fournies par la Direction générale des outre-mer (DGOM). De plus, à Saint-Barthélemy, le PACEA et la Garantie jeunes sont mis en œuvre par Pôle emploi.

En Polynésie française, une telle implantation ne paraît pas nécessaire mais pour une toute autre raison : une mission exploratoire avait conclu en 2018 que l’implantation d’une mission locale n’aurait pas de plus-value car il existe déjà un dispositif de repérage précoce des jeunes (primaire/collège) de compétence locale, comme l’ont rappelé les représentants de la DGEFP lors de leur audition.

 


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IV.   récapitulatif des prÉconisations des rapporteurs

Préconisation n° 1 : augmenter les dotations financières des missions locales ultramarines de manière à ce que le budget moyen par jeune suivi y soit au moins égal à la moyenne nationale. Redimensionner notamment les moyens accordés aux missions locales de Guyane et de Mayotte pour qu’ils correspondent aux besoins constatés de ces territoires.

Préconisation n° 2 : augmenter les effectifs des missions locales ultramarines de manière à ce que chaque conseiller gère un nombre de jeunes équivalent à ce que gère les conseillers de l’hexagone.

Préconisation n° 3 : rapprocher le niveau des rémunérations des agents des missions locales de celui des agents de Pôle emploi pour éviter une concurrence déloyale entre ces deux organismes.

Préconisation n° 4 : permettre aux agents des établissements France service d’organiser des permanences au sein des missions locales présentes dans les départements ultramarins.

Préconisation n° 5 : pérenniser le financement du parcours de formation des jeunes de manière à éviter que des formations individuelles soient interrompues en raison du non renouvellement de crédits.

Préconisation n° 6 : accompagner financièrement les missions locales ultramarines, par le biais d’un fonds à l’innovation, pour qu’elles puissent développer une offre de services accompagnant les jeunes vers l’autonomie.

Préconisation n° 7 : encourager la démarche du « aller vers » en instaurant des équipes mobiles se déplaçant dans les quartiers les plus éloignés à la rencontre des jeunes marginalisés.

Préconisation n° 8 : favoriser la création de parcours de réussite sur-mesure pour améliorer l’insertion durable des jeunes suivis.

Préconisation n° 9 : à titre expérimental et dans les outre-mer seulement, permettre aux jeunes âgés de 26 à 30 ans de continuer à bénéficier des prestations de formation et d’insertion des organismes publics.

Préconisation n° 10 : élargir le périmètre d’intervention de l’AFPA aux territoires ultramarins.

Préconisation n° 11 : permettre aux missions locales de développer leur propre offre de formation afin qu’elle soit mieux adaptée aux besoins des jeunes et des employeurs locaux.

Préconisation n° 12 : centrer principalement les formations des jeunes sur les besoins des employeurs locaux.

Préconisation n° 13 : faciliter la mobilité intra-territoriale dans le parcours d’intégration et de formation des jeunes (hébergement, transport, permis de conduire, etc.).

Préconisation n° 14 : dans les outre-mer, orienter les contrats aidés en priorité vers le secteur marchand qui offre de meilleures perspectives d’insertion durable des jeunes bénéficiaires.

Préconisation n° 15 : mettre à disposition des missions locales ultramarines des ressources leur permettant d’accompagner au mieux les jeunes le souhaitant dans la création de leur propre activité.

Préconisation n° 16 : adapter les critères d’évaluation de l’action des missions locales ultramarines aux réalités de terrain en ne définissant pas une sortie positive uniquement par l’obtention d’un emploi, d’une formation professionnelle qualifiante ou diplômante ou par la création d’une entreprise mais en valorisant également l’accès à l’autonomie du jeune.

Préconisation n° 17 : créer dans chaque territoire ultramarin un consortium des acteurs de l’insertion comprenant les différents organismes concernés ainsi que des représentants du monde économique afin de renforcer la coordination des acteurs et l’efficacité des dispositifs d’insertion.

Préconisation n° 18 : à titre expérimental et dans les outre-mer seulement, confier la formation et l’insertion des jeunes jusqu’à 25 ans aux missions locales et de 25 à 30 ans à Pôle emploi.

Préconisation n° 19 : tenir compte des besoins des territoires dans la fixation des objectifs et de la volumétrie pour éviter que ne s’exerce une trop grande concurrence entre les différents opérateurs pour l’insertion des jeunes de moins de 25 ans.

Préconisation n° 20 : soutenir la création d’une association régionale des missions locales dans la zone Antilles-Guyane.

Préconisation n° 21 : accélérer la mise en œuvre d’une mission d’insertion jeunesse sur le territoire de Wallis-et-Futuna.

 


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   Examen par la dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 27 janvier 2022, la Délégation aux outre-mer a procédé à la présentation du rapport de la mission flash relative à la situation des missions locales dans les outre-mer.

 

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/c3jz8k

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 

 

 


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   Liste des auditions

 

Mardi 23 novembre 2021

   Mme Marie-Andrée POTA, directrice de l’association régionale des missions locales de La Réunion ;

   M. Dominique SERY, directeur de la mission locale Nord ;

   M. Régis MÉRIEL, directeur de la mission locale Sud ;

   M. Lilian AH-VON, directeur de la mission locale Ouest ;

   Mme Magalie BUDEL, directrice de la mission locale Est.

 

Mercredi 24 novembre 2021

   Mme Zakia DOHOUNZO, directrice.

 

Mardi 7 décembre 2021

   Mme Alexandra VIDAL, directrice ;

   M. Yann CAUCHETIER, vice-président de la communauté d’agglomération Paris Saclay.

   M. Jean-Michel LOUTOBY, directeur de la mission locale Nord ;

   Mme Béatrice BALDARA MARIMOUTOU, directrice de la mission locale Centre.

 

 

 

Mercredi 8 décembre 2021

   Mme Bénédicte LEGRAND-JUNG, adjointe au Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle ;

   Mme Cécile CHARBAUT, adjointe au sous-directeur des parcours d’accès à l’emploi ;

   Mme Frédérique MAYIS, adjointe à la cheffe de la mission pour l’accès des jeunes à l’emploi.

   Mme Isabelle RICHARD, sous-directrice des politiques publiques ;

   M. Benjamin PARENTELLI, adjoint au chef du bureau de la vie économique, de l’emploi et de la formation ;

   Mme Amélie VIGUIER, chargée de mission au sein du bureau de la vie économique, de l’emploi et de la formation.

Jeudi 9 décembre 2021

   M. Jean-Raymond PASSARD, directeur.

   Mme Catherine CHOMEREAU-LAMOTTE, directrice ;

   Mme Eveline MICHELY, responsable financier ;

   M. Didier DAHAN, expert-comptable.

Vendredi 10 décembre 2021

   Mme Christine CLOAREC–LE NABOUR, députée et vice-présidente de l’UNML ;

   Mme Sandrine ABOUBADRA-PAULY, déléguée générale de l’UNML.

 

Mardi 14 décembre 2021

   M. Jean-Luc CALONNE, président ;

   Mme Myriam LAHROUR-BA, directrice.

   M. Laurent PINET, président ;

   M. Pierre-Luc MELLERIN, directeur-adjoint du groupe APROSEP et administrateur de COORACE ;

   M. Adrien RIVIÈRE, chargé de mission plaidoyer.

 

Jeudi 16 décembre 2021

   Mme Christina ATAMU, directrice.

 

 

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([1]) INSEE, Taux de chômage localisés par sexe et âge en moyenne annuelle en 2020 – Comparaisons régionales et départementales, 10 juin 2021.

([2]) DEPP, L’état de l’École 2021, novembre 2021, p. 81.

([3]) Ibid., p. 65.

([4]) Rapport remis en 1981 par Bertrand Schwartz sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes à la demande du Premier ministre Pierre Mauroy.

([5]) Sénat, Rapport d’information sur la situation et l’action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire, 6 octobre 2021, Emmanuel CAPUS et Sophie TAILLÉ-POLIAN, p. 14.

([6]) DARES, L’activité des missions locales en 2012 et 2013, DARES Analyses n° 048, 30 juin 2014, Lionel Bonnevialle.

([7]) MILCEM, Rapport d’activité 2013, p. 86.

([8]) Assises des outre-mer, Contribution des missions locales des départements outre-mer, 2018, p. 78.

([9]) Ibid., p.8.

([10]) « not in employment, education or training » (Ni en emploi, ni scolarisés, ni en stage).

([11]) Observatoire des territoires, Part des jeunes non insérés, 2018.

([12]) Mission locale de Mayotte, Rapport d’activité 2020, pp. 5 et 7.

([13]) ITINERE-ORSEU, Évaluation du déploiement et de l’articulation des dispositifs d’insertion sociale et professionnelle portés par l’État à La Réunion et en Guyane, juillet 2020.

([14]) Instruction n° DGEFP/SDPAE/MAJE/2019/89 du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022.

([15]) Instruction n° DGEFP/SDPAE/MAJE/2019/89 du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022.

([16]) Étude relative à l’évolution de la capacité de recrutement des régiments du service militaire adapté dans l’environnement de la formation et de l’insertion socioprofessionnelle en Guadeloupe et en Martinique à l’horizon 2025, 25 mars 2019.

([17]) Institut de la statistique et des études économiques Nouvelle-Calédonie (ISEE), Enquête Forces de travail 2020 – principaux résultats, synthèse n°54, septembre 2021.