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N° 5038

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ([1])

sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations
du secteur des métiers d’excellence et métiers d’art

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Huppé

Députés

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La mission d’information est composée de : Mme Anne-Laure Blin, présidente ; Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Huppé, co-rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

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Pages

MOT DE LA PRÉSIDENTE

INTRODUCTION

LISTE DES PROPOSITIONS

I. Les mÉtiers d’art et d’excellence sont des acteurs traditionnels du rayonnement de la France dans le monde, qui bÉnÉficient d’une reconnaissance institutionnelle et lÉgislative unique en Europe

A. Une tradition artisanale d’excellence ancienne

1. Des corporations médiévales aux manufactures royales

2. Le formidable essor des métiers d’art français aux XVIème et XVIIème siècles

3. Le XVIIIème siècle, « moment de perfection de l’art français »

4. Malgré la disparition des corporations, la période post-révolutionnaire reste faste pour les métiers d’art

5. La marginalisation de certains savoir-faire artisanaux à l’ère de la mondialisation

B. Un poids économique majeur, mais difficilement quantifiable faute de statistiques précises :

1. Un poids économique majeur mais difficilement quantifiable

2. Un écosystème professionnel et un secteur économique très diversifiés

a. La diversité des statuts professionnels

b. Des entreprises aux caractéristiques très diversifiées, un secteur hétérogène

C. La prise en compte des intérêts des métiers d’art par les pouvoirs publics est ancienne, mais une véritable reconnaissance institutionnelle du secteur N’a été actée QUE depuis 2014 :

1. Dans les années 1970, les prémices d’une politique publique d’encouragement et de sauvegarde des métiers d’art

2. Une reconnaissance législative des artisans d’art accélérée à partir de 2014

3. Le volontarisme du ministère de la culture et de la communication en faveur des métiers d’art

4. Le rapport « France, Métiers d’excellence » remis en 2018 au Premier ministre : 22 propositions au service des métiers d’art et du patrimoine vivant

D. Des savoir-faire d’excellence qui participent au rayonnement de la France à l’international

1. Un rayonnement ancien, instrument du « soft power » français

2. Un modèle d’inspiration : les Trésors nationaux vivants japonais », à l’origine du dispositif « Maîtres d’art-élèves »

a. La politique japonaise en faveur du patrimoine culturel immatériel

b. Le modèle japonais a directement inspiré la création du titre de « Maître d’art » et du dispositif « Maître d’art - élèves » piloté par le ministre de la culture depuis 1994

3. Mais une concurrence internationale croissante sur la scène des métiers d’art :

E. Néanmoins, CERTAINS savoir-faire SONT menacés d’extinction

1. Certains savoir-faire ne sont plus enseignés et leur transmission repose sur la bonne volonté des quelques dépositaires encore vivants de ces « gestes » : vers une liste des métiers d’art en péril ?

2. Le vieillissement généralisé des artisans d’art et la difficile cession des ateliers

3. Le dispositif « Maître d’art - élèves » a néanmoins permis de sauver certains métiers d’art menacés de disparition

4. Les difficultés croissantes de certaines maisons à attirer et à fidéliser de la main d’œuvre très qualifiée, notamment dans les régions « périphériques »

II. Si les métiers d’art ont plutôt bien résisté aux confinements successifs, la crise de la covid-19 a mis en exergue les failles et les forces du secteur, tout en servant de catalyseur à certaines mutations de fond

A. LE SECTEUR DANS SON ENSEMBLE A plutôt BIEN résisté à la crise sanitaire, MAIS les impacts de la crise sont très inégaux selon les acteurs

1. Des impacts très inégaux sur le secteur selon les caractéristiques des acteurs : taille, statut, modèle économique (dépendance aux salons, exportation etc.) et leur degré d’appropriation des outils numériques

a. L’impact général de la crise sanitaire sur le secteur

b. Les métiers d’art ont été inégalement affectés par la crise sanitaire

c. Des conditions de reprise assez inégales

2. Les dispositifs d’aide mis en place par les pouvoirs publics ont été considérablement utilisés par les métiers d’art

a. Un taux de recours globalement satisfaisant

b. Néanmoins, un traitement des demandes difficile en début de crise, en raison d’une mauvaise identification administrative du secteur

3. Un soutien indirect de l’État aux artisans d’art via les commandes publiques des manufactures nationales

4. Des actions complémentaires menées par le réseau des chambres consulaire des métiers et de l’artisanat

B. LA CRISE A MIS EN LUMIÈRE LES FAIBLESSES ET LES FORCES STRUCTURELLES DU SECTEUR

1. La crise a rendu davantage visibles les failles du secteur

a. La difficile identification administrative des métiers d’art : le serpent de mer des codes NAF

b. En sortie de crise, de nombreux métiers sont confrontés à de vives tensions de recrutement, qui obèrent leur capacité à répondre à la demande

c. Un insuffisant recours aux nouvelles technologies : quand « l’illectronisme » menace le développement et la survie d’une activité

2. La crise sanitaire a également mis en lumière les forces du secteur

a. Plus que jamais, la nécessité de rencontrer les artisans et les œuvres dans les foires et salons

b. Les valeurs des métiers d’art sont en phase avec les aspirations de nombreux citoyens : durabilité, consommation locale, retour aux belles matières.

c. La crise sanitaire a renforcé l’attention portée par les ménages français à l’aménagement de leurs intérieurs, ce qui a considérablement stimulé la demande adressée aux artisans d’art

3. La crise sert de catalyseur à certaines tendances de fond

a. Un secteur de plus en plus attractif

i. La crise amplifie les reconversions professionnelles dans le secteur.

ii. Le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris constitue une occasion unique de revaloriser les métiers d’art.

iii. Au sortir de la crise, des effectifs d’apprentis de plus en plus importants

b. Le recours croissant au numérique : production, communication, et canal de vente

c. La nécessité de s’emparer des enjeux durables et la revalorisation du « Fabriqué en France »

i. La revalorisation du « Fabriqué en France » profite aux métiers d’art et d’excellence

ii. La nécessité pour les métiers d’art et d’excellence de s’engager vers toujours plus de responsabilité sociale et environnementale

d. Un modèle d’insertion par les métiers d’art à la faveur de la crise migratoire : la Fabrique nomade.

III. Afin de garantir le rayonnement du secteur, les pouvoirs publics doivent renforcer leur soutien AUX MÉTIERS D’ART à travers un programme d’actions multidimensionnel

A. Construire une véritable politique publique en faveur des métiers d’art implique de pouvoir compter sur une tête de réseau aux pouvoirs consolidés et des relais nationaux et territoriaux puissants

1. La réorganisation de l’INMA doit être accélérée et achevée, afin de transformer l’INMA en véritable « bras armé » des métiers d’art

a. Une réorganisation de l’INMA toujours en cours

b. La mise en place d’un annuaire unique des métiers d’art géré par l’INMA

c. Donner davantage de visibilité et de légitimité au label « Entreprise du patrimoine vivant »

i. Le label EPV, un soutien stratégique à l’excellence des savoir-faire français

ii. Les réformes récentes du label ne font pas l’unanimité parmi les professionnels des métiers d’art

iii. Un label favorisant les « Industries du patrimoine vivant » au détriment des petits artisans ?

d. Renforcer la présence à l’international de l’INMA

e. Renforcer et pérenniser le financement public de l’INMA

2. Les établissements publics que sont la Manufacture de Sèvres et le Mobilier national doivent être des fers de lance de l’engagement de l’État au service des métiers d’art

a. Le nouveau rayonnement du Mobilier national

b. La nécessité pour l’État de continuer à soutenir la transformation de la Manufacture de Sèvres

c. À terme, un rapprochement des deux institutions ?

3. Des relais institutionnels des métiers d’art doivent irriguer les différents niveaux d’action de la puissance publique :

a. La nécessité de créer un groupe d’études métiers d’art à l’Assemblée nationale

b. Le besoin de désigner un chargé de mission métiers d’art au moins dans chaque région

c. Renforcer la visibilité des métiers d’art dans le réseau territorial des chambres consulaires des métiers et de l’artisanat

B. Afin de garantir la bonne santé et le rayonnement des métiers d’art français, il importe de concevoir une stratégie d’actions multidimensionnelle :

1. La fiscalité applicable aux professionnels des métiers d’art doit être harmonisée et gagner en visibilité

a. Harmonisation des taux de TVA applicables aux œuvres indépendamment du statut professionnel

b. Pérennisation et évolution du crédit d’impôts métiers d’art (CIMA)

c. Maintien des taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique

2. Encourager les collectivités territoriales favorisant l’installation d’artisans d’art dans les centres-villes : la politique « Action Cœur de ville »

3. Encourager les mutations structurelles du secteur : transition écologique, relocalisation des savoir-faire en France, investissement dans les nouvelles technologies

a. Favoriser la relocalisation des savoir-faire en France

i. Stimuler l’artisanat de proximité

ii. Encourager au « Fabriqué en France »

iii. Accompagner la transition écologique des métiers d’art

4. Renforcer le rayonnement des métiers d’art français à l’international, avec notamment le soutien d’Atout France et de Business France

5. Face au risque avéré de la disparition prochaine de certains savoir-faire rares, il est plus que jamais nécessaire de relever le défi de la formation aux métiers d’art

a. Un système de formations éclaté et pluriel ne correspondant pas toujours aux besoins du marché

i. Un système de formations éclaté et pluriel

ii. Un secteur d’élection de l’apprentissage

iii. Un modèle parfois difficilement conciliable avec le modèle économique des métiers d’art ?

iv. L’inadaptation des référentiels de formation dans les formations publiques

v. La croissance des écoles de formation privées sur-mesure par les entreprises du luxe

vi. Les inquiétudes soulevées par la réforme du DN MADE : renforcer les heures de présence en atelier

vii. Augmenter la visibilité des formations en organisant la mise en réseau :

b. L’enjeu majeur des métiers d’art en extinction

i. Point de départ : liste des savoir-faire en péril

ii. Assouplir le fonctionnement du dispositif « Maître d’art-élèves » afin de permettre aux maîtres d’art de former plusieurs élèves dans leur vie

iii. Favoriser l’installation des jeunes artisans d’art sur le modèle des « jeunes agriculteurs »

c. Sensibiliser dès le collège les jeunes aux métiers d’art

6. Communiquer davantage sur les métiers d’art à destination du grand public :

a. Revalorisation des journées européennes des métiers d’art, trop peu connues du grand public

b. Promouvoir davantage le tourisme des savoir-faire

c. Organiser une campagne de communication « métiers d’art » d’envergure

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe :  liste complète des métiers et spécialités officiellement reconnus par l’arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat

Liste des personnes auditionnÉes

Liste des personnes AYANT EXCLUSIVEMENT SOUMIS UNE CONTRIBUTION ÉCRITE


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   MOT DE LA PRÉSIDENTE

Élue dans un territoire qui peut s’enorgueillir de sa tradition d’artisanat d’art, c’est avec un grand honneur que j’ai présidé les travaux de la mission d’information sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations du secteur des métiers d’excellence et des métiers d’art.

Les artisans d’art font le rayonnement de la France. Héritiers de savoir-faire ancestraux, ils sont les gardiens des gestes rares et sont une vitrine pour la France et nos régions. S’inscrivant dans le temps long du travail artisanal, leur quête d’authenticité et de durabilité est résolument moderne.

La crise sanitaire a affecté toutes les entreprises et particulièrement les entreprises unipersonnelles et les très petites entreprises (TPE), qui composent l’essentiel du tissu économique des artisans d’art. Elle a exacerbé les forces et les faiblesses du secteur.

La question de la transmission de ces gestes minutieux aux nouvelles générations reste brûlante. Comment assurer la bonne transmission des gestes rares, quand il n’y a plus de formations pour certains de ces métiers ? Comment promouvoir le Beau et les métiers manuels dès le plus jeune âge ? Comment parvenir à maintenir sur notre territoire les savoir-faire artisanaux d’excellence quand il existe une telle tension sur la formation et le recrutement ? Si cette tension affecte de nombreux secteurs professionnels, elle pèse d’autant plus sur les artisans d’art qui doivent assurer la transmission de leurs savoir-faire.

J’ai eu la chance d’effectuer de nombreuses visites de terrain dans le
Maine-et-Loire et également à Limoges dans le cadre de la mission ; c’est au contact des artisans d’art que l’on bénéficie de leur expérience concrète d’entrepreneurs. Je les en remercie. J’ai rencontré des hommes et des femmes à l’infinie patience, qui chaque jour travaillent minutieusement et harmonieusement pour offrir le plus beau de ce que l’on fait en France. La rénovation de notre patrimoine national unique ainsi que la promotion de notre art de vivre sont à l’évidence de puissants leviers du soft power français.

Afin de redonner ses lettres de noblesse à l’artisanat d’art français, il est indispensable de concevoir une véritable politique publique en faveur de ces pépites entrepreneuriales qui font la richesse de nos territoires.

La première des priorités est de les accompagner dans la promotion de ces métiers uniques, ce qui implique notamment de ne pas les entraver dans leurs initiatives et de ne pas les ralentir par des lenteurs administratives ou une sur-transposition normative.

La France et les Français sont fiers de leurs artisans, donnons-leur les moyens de continuer à proposer leurs talents à nos enfants et aux yeux du monde.


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   INTRODUCTION

L’enracinement des métiers d’art pour mieux rayonner dans le monde

Le XXIème siècle débute en 2020. La pandémie de la covid-19 marque en effet profondément les sociétés occidentales et ses contrecoups ont accéléré les changements déjà à l’œuvre au sein des populations. L’économie mondiale a pâti des mesures de santé publique prises pour venir en aide aux populations nationales. En France, le Gouvernement et le Parlement ont mis en place un plan d’urgence de soutien à l’économie qui a largement porté ses fruits. Les mesures économiques établies par l’État au cours de cette pandémie ont été salvatrices pour un grand nombre d’artisans d’art et d’Entreprises du patrimoine vivant. Le Fonds de solidarité, les prêts garantis par l’État, les reports et annulations de charges ont permis à de nombreux professionnels de survivre durant cette crise exceptionnelle.

Néanmoins, l’économie française sort affectée par l’épidémie tout en ayant su accélérer l’adaptation du commerce aux nouvelles technologies et aux attentes des Français. L’épidémie de la covid-19 n’a pas épargné le monde des métiers d’excellence qui a subi les conséquences du choc économique. Et, nombreux sont les ateliers, les entreprises et les manufactures, les indépendants, les artisans et les artistes dont l’existence même a été attaquée. Toutefois, la résilience de ces professionnels des métiers d’art et d’excellence s’est montrée plus forte que le virus. Leur détermination et l’attrait des 281 activités qui composent les métiers d’art en France se révèlent, in fine, être au cœur de valeurs de plus en plus prisées par les citoyens.

Depuis longtemps, les artisans d’art ouvrent notre monde consumériste à une autre conscience. Conscience d’une inscription essentielle des métiers d’art dans des cycles de production courts, locaux, régionaux qui dessinent les traits d’un capitalisme à visage humain. Conscience d’une création d’emplois non délocalisables contribuant donc à la souveraineté économique. Aussi, les métiers d’art concourent à l’émergence d’une mondialisation raisonnée qui sera, à n’en pas douter, l’un des défis du XXIème siècle en devenir. Enfin, conscience d’une aspiration partagée par les nouvelles générations de redonner un sens au travail, qui s’est parfois perdu. Ainsi, nombreux sont les candidats à la reconversion, d’anciens cadres, majoritairement féminins, recherchant des métiers qui redonnent du sens à leur vie, des savoir-faire manuels où la créativité trouve toute sa place. Les reconvertis transforment les métiers et s’éloignent de la classique transmission familiale, du travail en silo et la détention de secrets au fond de l’atelier. Cette forte tendance nous impose de repenser la formation tant initiale que continue ainsi que la transmission des techniques et des entreprises.

Pour synthétiser, les métiers d’art et d’excellence portent avec eux la promesse d’une humanité agissante et respectueuse du monde qui les entoure. Et en cela, ils sont au cœur des valeurs qui s’imposent dans nos sociétés. Ils sont l’avenir des territoires de la République. Ils sont l’âme d’une vision humaniste de notre société et des rapports qu’entretiennent les citoyens entre eux et vis-à-vis du reste de l’humanité.

La lente maîtrise du geste, de savoir-faire ancestraux constamment adaptés, et le contrôle de soi patiemment recherché sont les objectifs dans cette quête de l’excellence des artisans d’art.

Nos territoires français regorgent de ces hommes et de ces femmes qui émerveillent les enfants, enchantent les parents et attirent les actifs en mal de sens.

De génération en génération, d’anciens artisans aux nouveaux reconvertis, l’amour de la liberté dans la création, associée à la fixation dans l’atelier assurent la pérennité du plaisir du métier.

Des contraintes mentales et très souvent physiques naissent une vitalité de nos savoir-faire d’exception qui irriguent nos communautés humaines.

La France des territoires puise sa force dans ces professionnels à l’esprit à la fois libre et fraternel. L’histoire de l’artisanat d’art et de l’excellence des savoir‑faire imprègne toutes les pages de l’histoire de France. De l’Antiquité avec ses mosaïques à la révolution industrielle et son pendant qu’est le Craft, en passant par le Moyen-Âge et la renaissance des villes, à chaque fois, l’artisanat a tenu une place centrale dans l’élaboration d’un art de vivre partagé.

La France abonde en savoir-faire historiques : le maître-verrier, le souffleur à la canne, le marqueteur et mosaïste, le lissier savonnerie, le porcelainier, l’émailleur, le laqueur, le dentellier, le chapelier, le gantier, le passementier et plumassier, le dinandier et le vannier, le staffeur-stucateur, le murailler, l’imprimeur et le relieur, le calligraphe et tous les facteurs instrumentaux, le graveur héraldiste etc. La Nation est riche de ces hommes, de ces femmes et du lien d’exigence qui les lie.

Les métiers d’art qui rayonnent dans le monde entier constituent un fort lien entre des Hommes égaux. La multitude des savoirs dans le monde est un trait d’union universel. Notre patrie doit prendre conscience de cette richesse pour intégrer les artisans réfugiés. Détenteurs de métiers, reconnus dans leur pays d’origine comme artisans, leurs atouts permettent de bâtir un pont entre leur passé et l’avenir qui les attend, au sein de la patrie des droits de l’Homme.

Ainsi, les métiers d’art dépassent la simple maîtrise de savoir-faire pour embrasser une intégration réussie par le travail d’excellence. Cette richesse rayonnera dans nos villes, dans nos campagnes, au sein de nos ateliers pour finir par éveiller de nouvelles vocations.

L’artisanat d’art est par essence un univers sans mur, bâti sur l’échange et sous le regard de l’autre. Les métiers d’excellence qu’exercent les professionnels des métiers d’art, les Entreprises du patrimoine vivant, les Maîtres d’art ou encore les meilleurs ouvriers de France incarnent la France dans le monde. Le secteur de la mode, des arts de la table, du cuir, de la gastronomie, de la cristallerie, de l’ameublement intérieur ou encore de la restauration, notamment, constituent cet art de vivre français tant apprécié par le monde entier. Cette capacité à révéler le meilleur de nos provinces, cette possibilité à offrir aux étrangers un savoir-faire d’excellence unique en son genre, cette aptitude à adapter notre créativité à la demande nationale et internationale, seule la France en est capable ! Cette domination française dans le secteur du luxe à l’international mérite d’être préservée, défendue et encouragée comme un formidable outil économique et d’influence. Ainsi, la place de la France dans le monde, son « soft power » ou son pouvoir d’influence dépendent en partie de la vitalité de ses métiers d’art sur la scène nationale comme internationale. Les métiers d’excellence caractérisent pour partie la voix de la France à l’international.

Au travers des nombreuses auditions de cette mission d’information, il est d’abord ressorti une crainte d’affaiblissement des métiers d’art à moyen terme, en raison, surtout, d’une méconnaissance précise de la portée de ces métiers dans l’économie nationale et internationale. Actuellement, la France est une des premières nations au monde en matière de savoir-faire d’excellence dans le domaine du luxe. Nombreux sont les autres pays à vouloir développer ce secteur florissant économiquement : les États-Unis, l’Italie, le Moyen-Orient, l’Inde, le Japon mais aussi l’Afrique. Pour mémoire, d’ici 2027, 45 % des ventes du marché du luxe s’effectueront en Chine.

Ensuite, la crise de la covid-19 a marqué les professionnels inégalement, sans pour autant les faire disparaître massivement. Grâce en partie aux aides de l’État et à la résilience des artisans d’art, les métiers ont plutôt bien résisté. Mais, la disparition de savoir-faire rares, risque mortel pour les métiers d’art, pourrait être évitée grâce à de nouvelles dispositions intégrées dans un futur plan en faveur des métiers d’art et d’excellence. À cette occasion, nous pourrions imaginer aller au‑delà de la hausse à 100 000 € du seuil de mise en concurrence et introduire dans les marchés publics des critères de préférence locale. Nous pourrions aussi développer le label « Indications géographiques » en lien avec l’activité économique de type circuit court, ou encore encourager le tourisme de savoir-faire. De plus, depuis la disparition du FISAC, un outil manque au développement de l’artisanat et du commerce local. Pourquoi ne pas imaginer un nouveau fonds ayant cet objectif ? Ce constat et ces propositions ne doivent pas effacer l’apparition de certaines failles et les mutations de fond en cours jusque-là, qui se sont accélérées.

Enfin, pour que la France maintienne sa place, il faudrait développer une politique volontariste en faveur de ce secteur à fort potentiel, tant humain qu’économique. La première des actions doit se situer autour des formations initiales et continues. Le monde a changé et nous devons adapter nos formations aux attentes actuelles. Plusieurs pistes pourront être suivies, et notamment le déploiement d’une réelle culture des métiers d’art dans l’Hexagone, faire de Paris la première place de marché en matière de métiers d’art et du luxe, créer une offre de formation à dimension internationale et enfin que l’État porte une ambitieuse politique métiers d’art au travers d’un GIE Métiers d’excellence.

Le temps est venu pour la France et l’Europe de promouvoir les métiers d’excellence, tant politiquement, qu’humainement et économiquement. Les Français et les Européens se dirigent vers une consommation durable, locale, verte et respectueuse du milieu dans lequel ils vivent. Les métiers d’art et d’excellence portent en eux ces valeurs qui préservent notre identité séculaire tout en maintenant les liens commerciaux avec le reste du monde.


   LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Élaborer une liste des métiers d’art en péril, dont la gestion serait confiée à l’INMA.

 

Proposition n° 2 : Retravailler la table de concordance entre les métiers d’art et les codes NAFA afin de préciser certains codes, et faire officialiser cette table de concordance par les tutelles afin que tous les services instructeurs puissent en prendre connaissance et s’appuyer sur cette référence.

 

Proposition n° 3 : Inviter les entreprises du secteur métiers d’art à accélérer leurs transitions numériques et environnementales en candidatant aux appels à projets 2022, 2023 et 2025 de la stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives.

 

Proposition n° 4 : Terminer la réorganisation de l’Institut national des métiers d’art (INMA) en transformant l’association en groupement d’intérêt économique (GIE) afin d’en faire un véritable « bras armé de l’État » au service des métiers d’art.

 

Proposition n° 5 : Actualiser et moderniser l’annuaire des métiers d’art de l’INMA, en lien avec le réseau consulaire des chambres de métiers et de l’artisanat, et le porter au niveau européen.

 

Proposition n° 6 : Recentraliser la procédure d’attribution du label « Entreprise du patrimoine vivant », en proposant la signature du Président de la République afin de renforcer le prestige international du label. Rétablir la commission nationale des entreprises du patrimoine vivant.

 

Proposition n° 7 : Créer un label « métiers d’art d’excellence » à destination des professionnels des métiers d’art travaillant seul ou à deux, reconnaissant un savoir-faire exceptionnel, une production locale, respectant des critères de développement durable et la création de pièces uniques dont au moins 70 % sont fabriquées en France.

 

Proposition n° 8 : Renforcer et sanctuariser le budget de l’INMA, en revenant sur les baisses de subventions programmées. Prévoir une enveloppe annuelle de 150 000 euros dans le budget afin de développer les actions à l’international.

 

Proposition n° 9 : Garantir le soutien financier de l’État à un vaste projet de réorganisation du musée de la Cité de la céramique et de ses archives, afin de transformer la Manufacture de Sèvres et le Mobilier national en fers de lance de l’État au soutien des métiers d’art.

 

Proposition n° 10 : Créer un groupe d’études consacré aux métiers d’art et au patrimoine vivant à l’Assemblée nationale.

 

Proposition n° 11 : Désigner un chargé de mission métiers d’art dans chaque grande région.

 

Proposition n° 12 : Consolider la visibilité des métiers d’art dans le réseau consulaire des chambres de métiers et de l’artisanat, en formant davantage les équipes aux besoins et spécificités du secteur.

 

Proposition n° 13 : Harmoniser à la baisse le taux de TVA appliqué aux œuvres des professionnels des métiers d’art, indépendamment de leur statut : application d’un taux réduit à 5,5 %.

 

Proposition n° 14 : Pérenniser le crédit d’impôt métiers d’art (CIMA) au-delà du 31 décembre 2023. Rendre éligibles au CIMA les dépenses relatives au temps de création des dirigeants non salariés.

 

Proposition n° 15 : Maintenir les taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique.

 

Proposition n° 16 : Créer un fonds de soutien aux collectivités territoriales engagées dans des commandes publiques à destination des métiers d’art ou dans une politique d’installation des métiers d’art en centre-ville.

Proposer l’exonération totale ou partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux collectivités territoriales louant des locaux commerciaux en centre-ville à prix très réduit aux artisans d’art.

 

Proposition n° 17 : Après réalisation d’une étude sur les effets économiques et financiers de l’extinction du FISAC, créer un nouveau fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce de proximité.

 

Proposition n° 18 : Créer un crédit d’impôt « Fabriqué en France » reposant sur un cahier des charges exigeant : minimum de 70 % de matières premières d’origine France et ensemble des étapes de fabrication réalisées en France.

 

Proposition n° 19 : Affirmer le rôle de l’INMA pour accompagner les porteurs de projet « Indications géographiques » pour l’artisanat d’art et accroître la visibilité nationale et européenne de ce label.

Proposition n° 20 : Introduire dans les marchés publics des critères comprenant des clauses sociales et environnementales : réduction des prélèvements des ressources, actions en faveur du réemploi, intégration de matières recyclées, économies d’énergie et développement des énergies renouvelables.

 

Proposition n° 21 : Développer massivement les mécanismes de compensation carbone dans les entreprises artisanales et le label « Bas carbone ».

 

Proposition n° 22 : Mettre en œuvre un taux réduit de TVA pour les activités artisanales qui exercent dans la réparation afin de limiter les effets de la surconsommation.

 

Proposition n° 23 : Créer un fonds d’accompagnement à la transition écologique pour les métiers d’art et du patrimoine vivant permettant de financer la recherche de matières premières substituables aux matériaux controversés de plus en plus réglementés aujourd’hui utilisés (plomb, cadmium, ivoire etc.)

 

Proposition n° 24 : Créer un fonds de participation des grandes entreprises du luxe au recrutement d’apprentis dans les entreprises unipersonnelles du secteur métiers d’art.

 

Proposition n° 25 : Associer systématiquement les professionnels des métiers d’art à la construction des référentiels de certification de formation et l’élaboration des nouveaux diplômes de l’éducation nationale. Passer en revue l’ensemble des référentiels existants afin de les moderniser.

 

Proposition n° 26 : Favoriser autant que possible la mise en réseau des formations métiers d’art au sein d’écosystèmes mixtes (écoles, entreprises, institutions culturelles et de recherche), afin d’accroître leur visibilité nationale et internationale.

 

Proposition n° 27 : Permettre aux maîtres d’art de former plusieurs élèves consécutivement.

 

Proposition n° 28 : Instaurer une obligation de maintien des formations à très petits flux.

 

Proposition n° 29 : Entreprendre un vaste chantier de numérisation des gestes rares des artisans d’art, afin d’alimenter un répertoire numérique des gestes de l’artisanat d’art.

 

Proposition n° 30 : Favoriser l’installation des jeunes artisans d’art via la création d’une aide « Entreprise du patrimoine naissant » inspirée du dispositif idoine existant pour les jeunes agriculteurs.

 

Proposition n° 31 : Augmenter le temps de sensibilisation des jeunes élèves aux métiers d’art, en renforçant la dimension « métiers d’art » de l’éducation artistique et culturelle.

 

Proposition n° 32 : Lancer une campagne de communication nationale de grande ampleur afin de faire davantage connaître les journées européennes des métiers d’art au grand public.

 

Proposition n° 33 : Favoriser le développement du tourisme des savoir-faire afin de diffuser le plus largement possible en France une culture « métiers d’art » et asseoir la position stratégique de la France dans le secteur.

 

Proposition n° 34 : Sous l’égide de l’INMA, des deux ministères de tutelle et du ministère des affaires étrangères, organiser une campagne de communication d’envergure au soutien du secteur « métiers d’art ».


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I.   Les mÉtiers d’art et d’excellence sont des acteurs traditionnels du rayonnement de la France dans le monde, qui bÉnÉficient d’une reconnaissance institutionnelle et lÉgislative unique en Europe

A.   Une tradition artisanale d’excellence ancienne

Si l’histoire des métiers d’art remonte à l’Antiquité, chaque civilisation ayant développé ses propres savoir-faire particuliers, la tradition des métiers d’art français prend son véritable essor à l’époque médiévale.

1.   Des corporations médiévales aux manufactures royales

Au Moyen Âge, la vie artisanale est structurée par le système des corporations. Ce cadre très réglementé assure la transmission des savoir-faire mais permet également de garantir la qualité de la production. Au XIIIème siècle, le Livre des métiers du Prévôt de Paris Etienne Boileau consigne les statuts des corporations parisiennes. L’émergence d’une riche clientèle à travers tout le pays stimule la créativité et la qualité des artisans d’art, qui essaiment dans tout le pays. Les compagnons voyagent à travers la France, diffusant ainsi leurs gestes et techniques, notamment à l’époque gothique où les tailleurs de pierre ou les charpentiers passent fréquemment d’un chantier de cathédrale à l’autre. Malgré leur mobilité géographique, les artisans de certaines villes sont assez tôt réputés pour leurs savoir-faire spécialisés : ainsi, les émailleurs font la réputation de Limoges, les faïenciers celle de Nevers. D’après le site internet de l’Institut national des métiers d’art (INMA) : « Les objets précieux deviennent un véritable enjeu politique. Louis IX entretient dans son palais un atelier d’enluminure prolifique, donnant l’exemple aux seigneurs de la cour qui commandent des livres à leur tour. Henri IV fait venir des lissiers des Flandres et contribue à l’établissement des premiers ébénistes à Paris, venus d’Allemagne et des Pays-Bas. Pour contrer la concurrence, les verriers de Murano ont interdiction de quitter l’île, mais ceux d’Altare émigrent dans toute l’Europe avec leurs secrets. ».

Les commandes royales et le soutien de riches mécènes éclairés expliquent l’essor des métiers d’art français. Conseiller des rois Louis VI puis Louis VII, Suger, abbé de Saint-Denis, fait travailler des orfèvres et réaliser des vitraux d’exception et une croix monumentale pour l’abbaye de Saint-Denis.

2.   Le formidable essor des métiers d’art français aux XVIème et XVIIème siècles

Les innovations techniques et artisanales en provenance de l’Italie florissante de la Renaissance renouvellent les pratiques des artisans d’art français. Dans le domaine de la céramique, la majolique et la faïence remplacent progressivement la terre vernissée auparavant utilisée. Sous l’influence transalpine, les sculpteurs français exécutent des œuvres en bronze de petite taille ainsi que des pièces d’horlogerie de petites dimensions.

Les XVIème et XVIIème siècles signent l’essor des métiers d’art français. Sous le règne d’Henri IV se développe l’ébénisterie, nouvelle technique d’origine allemande du meuble plaqué sur du bois massif. Les savoir-faire dans l’ébénisterie se développent sous Louis XIV, notamment sous l’impulsion d’André‑Charles Boulle, qui crée des meubles en marqueterie d’écaille et de laiton sur fond d’ébène.

Grâce à ses nombreuses commandes et son goût personnel pour l’artisanat d’art, Louis XIV donne leurs lettres de noblesse aux métiers d’art. La magnificence du château de Versailles, vitrine royale, est un outil au service du rayonnement de la monarchie française en Europe. Le roi Soleil crée de nouvelles corporations et ouvre des ateliers au Louvre, à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye. Sous son règne apparaissent la technique du bronze d’ameublement doré à l’or moulu ainsi que la dorure sur bois des sièges, tables et boiseries. De grands orfèvres conçoivent le mobilier d’argent du château de Versailles. Louis XIV et Colbert regroupent au sein de la manufacture royale des meubles de la Couronne, créée en 1667 à l’hôtel des Gobelins, des petites manufactures de tapisserie. Cette manufacture, qui emploie en son sein plusieurs centaines d’artisans d’art, comprend également à l’époque des ébénistes, des orfèvres, et des lapidaires italiens. Louis XIV soutient également le développement de la manufacture de la Savonnerie, créée par son prédécesseur Louis XIII en 1627 sur l’emplacement d’une ancienne savonnerie transformée en orphelinat par Marie de Médicis et installée sur la colline de Chaillot. Les savonniers y produisent des pièces de dimension exceptionnelle, comme les tapis exécutés sur les cartons de Charles Le Brun et destinés à la grande galerie du Louvre. Au XIXème siècle, les deux manufactures des Gobelins et de la Savonnerie seront regroupées. D’autres manufactures nationales sont créées sous le règne de Louis XIV, qui bénéficient de monopoles avantageux : citons Saint-Gobain pour les miroirs, Alençon pour la dentelle, ou encore Aubusson toujours concernant les tapisseries. L’artisanat d’art français rayonne alors dans l’ensemble des cours européennes.

3.   Le XVIIIème siècle, « moment de perfection de l’art français »

Selon Annie Schneider, auteure du Grand Artisanat d’art français, le siècle des Lumières est un « moment de perfection de l’art français ». Les manufactures sont florissantes. Madame de Pompadour fonde l’atelier de porcelaine à Vincennes, qui deviendra la manufacture de Sèvres en 1756 après son rachat par le roi Louis XV.

En 1768, un gisement de kaolin est repéré dans la région de Limoges. Matière indispensable pour la conception de la porcelaine chinoise, cette découverte va permettre la fabrication de la véritable porcelaine, dite « porcelaine dure ». Turgot, alors intendant du Limousin, perçoit l’intérêt économique de cette découverte et souhaite la création d’une manufacture royale à Limoges, dans un contexte où la cour de France importe alors à grand prix de la porcelaine de Saxe. Le roi Louis XV crée la première manufacture royale de porcelaine à Limoges.

Avec l’installation de la manufacture Oberkampf sur son territoire dès la fin du XVIIIème siècle, la Ville de Jouy-en-Josas devient le berceau de la fabrication et du développement d’un style original de toile imprimée qui a rapidement acquis une grande popularité dans toute l’Europe des Lumières sous le nom de « Toile de Jouy », en raison de l’originalité du graphisme de ses créations, aux caractéristiques très reconnaissables.

Citons encore parmi les pépites de l’artisanat d’art du XVIIIème siècle français l’atelier parisien de Réveillon, qui produit des papiers peints de renom, ou encore les premières cristalleries de Lorraine, dont Saint-Louis et Baccarat. À Paris s’installent de nombreux ébénistes d’origine germanique, comme Oeben ou Riesner, et, d’origine flamande avec Van Risamburgh, qui produisent des pièces exceptionnelles conciliant la rigueur allemande et la fantaisie française.

4.   Malgré la disparition des corporations, la période post-révolutionnaire reste faste pour les métiers d’art

La Révolution française entraîne la disparition des corporations, accusées de créer un corps intermédiaire entre les citoyens et la Nation. Une grande partie du mobilier royal et des biens de l’aristocratie émigrée sont vendus, et de nombreux artisans d’art font faillite. Pour autant, cette éclipse est de courte durée, et rapidement, les métiers d’art reconquièrent les faveurs du pouvoir. Napoléon Bonaparte, premier consul puis empereur, s’inscrit dans la tradition monarchique en passant d’importantes commandes nationales aux soieries lyonnaises et à l’industrie parisienne du meuble, qui emploie à l’époque plus de 10 000 ouvriers. L’empereur organise plusieurs expositions dans la cour du Louvre ; au total, onze expositions nationales des produits de l’industrie ont eu lieu entre 1798 et 1849.

Dans les ateliers, les procédés changent d’échelle et s’industrialisent. L’invention du métier Jacquard révolutionne le secteur textile et de nouveaux brevets sont déposés, comme celui de l’argenture par électrolyse déposé par Christofle. L’industrialisation crée les conditions du développement de techniques comme l’orfèvrerie plaquée ou le papier peint. La technique de la verrerie se perfectionne ; l’émail et le vitrail sont remis à l’honneur. En parallèle, le mouvement ouvrier prend de l’ampleur, la main-d’œuvre des ateliers exigeant de meilleures conditions de travail. Originaire d’Angleterre, le mouvement « Arts and Crafts » entend réhabiliter le travail de l’artisan.

Dans une volonté nouvelle de décloisonner les arts et l’artisanat, Gustave Sandoz, bijoutier, et Gustave Larroumet, directeur des Beaux-Arts, fondent la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie en 1889.

L’expansion de l’Art nouveau à la fin du XIXème siècle permet d’aborder le verre ou la céramique d’une façon plus sculpturale, sous l’égide d’Émile Gallé. Apparu dans les années 1920, l’Art décoratif transforme les techniques de la laque ou de la dinanderie avec Jean Dunand, et donne un nouvel essor aux ébénistes, bronziers, orfèvres, gainiers, tisseurs ou passementiers. C’est l’époque où le verrier Lalique et l’orfèvre Puiforcat acquièrent une renommée mondiale.

5.   La marginalisation de certains savoir-faire artisanaux à l’ère de la mondialisation

Au milieu du XXème siècle, de nombreux métiers d’art traversent des périodes difficiles. La crise économique de 1905 ébranle le secteur porcelainier à Limoges, tandis que de nombreux mouvements sociaux mettent en péril la production. Les deux guerres mondiales et la crise économique de 1929 portent un coup d’arrêt brutal à l’expansion du secteur. Depuis les années 1980, les manufactures porcelainières traversent une crise profonde et durable, due à la concurrence des fabricants asiatiques et à la délocalisation des ateliers. À Limoges, la manufacture Havilland, qui a incarné l’âge d’or de la porcelaine limougeaude, ne produit actuellement plus que 10 % de la porcelaine. La majorité des manufactures existantes ont fermé, et l’essentiel de la production locale (90 %) est aujourd’hui réalisée par la manufacture Bernardaud, visitée par la présidente de la mission d’information. Le savoir-faire porcelainier est inscrit à l’inventaire du patrimoine immatériel en France, qui « vise à répertorier des pratiques vivantes grâce à l’aide de communautés, de groupes et d’individus. Il a pour objectif de répondre aux obligations de la Convention UNESCO, mais il fournit également un outil de connaissance pour les publics » ([2]).

Ces transformations sont caractéristiques de la mondialisation marchande, qui a vu de nombreuses productions d’art délocalisées à partir des années 1980. Ce phénomène s’est notamment illustré dans les secteurs de la bijouterie/orfèvrerie (maintien de la production de luxe en France mais délocalisation de l’entrée et du milieu de gamme), de la menuiserie/ébénisterie (apparition de grandes sociétés étrangères produisant en grande série des meubles bon marché), ou encore de la mode. À cet égard, la mission d’information a eu la chance, lors de son déplacement à Limoges, de visiter la manufacture J.M. Weston, fondée en 1891. La région de Limoges dénombrait environ 90 000 employés dans le secteur de la chaussure à l’époque, la région comptant de nombreuses tanneries. Aujourd’hui, J.M. Weston est l’un des derniers témoins de cet âge d’or, employant 140 artisans dans son usine limougeaude, chacun étant détenteur d’un savoir-faire rare, unique en France.

B.   Un poids économique majeur, mais difficilement quantifiable faute de statistiques précises :

Il est actuellement très difficile d’obtenir des chiffres précis sur le poids économique des métiers d’art. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait :

 la multiplicité des métiers d’art (281 spécialités reconnues officiellement aujourd’hui), chacun dépendant d’une branche professionnelle différente ;

 leur représentation professionnelle et syndicale est éclatée ;

 la possibilité pour les artisans d’art d’exercer sous une diversité de statuts professionnels (artiste auteur, artisan, fonctionnaire, autoentrepreneur etc.) ;

 l’absence d’observatoire des métiers d’art tenant à jour des statistiques relatives au secteur.

1.   Un poids économique majeur mais difficilement quantifiable

Les chiffres que vos rapporteurs ont pu réunir lors de leurs auditions sont en général concordants bien que sensiblement différents, selon les organismes interrogés :

 ainsi, pour l’INMA, au moins 60 000 entreprises des métiers d’art et du patrimoine vivant étaient en activité en 2019 ;

– d’après la direction générale des entreprises (DGE), environ 60 000 entreprises étaient en activité en 2019, soit 150 000 actifs au total. En 2019, dernière année « régulière » avant la survenue de la crise sanitaire, le secteur rapportait 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel cumulé, dont 8 milliards à l’export ;

– dans une étude consacrée aux métiers d’art, l’INMA évoque un nombre de 69 000 entreprises d’artisanat d’art inscrites au répertoire des métiers (RM) en 2017 ;

– d’après une étude réalisée en 2019 par la Confédération française des métiers d’art (CFMA), les entreprises relevant du secteur des métiers d’art « constituent une véritable force économique estimée à plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 35 % à l’exportation, pour 34 000 entreprises de toutes tailles et plus de 95 000 salariés » ;

– par ailleurs, d’après la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA France), ce sont 69 000 entreprises artisanales qui relèvent des métiers d’art. Ce secteur emploierait près de 95 000 personnes, dégagerait un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros et 727 millions d’euros sont réalisés à l’export ;

– enfin, d’après les chiffres communiqués à vos rapporteurs par la direction générale de la création artistique du ministère de la culture, plus de 50 000 entreprises ont des métiers d’art en leur sein. Les métiers d’art représenteraient plus de 60 000 emplois et dégageraient un chiffre d’affaires cumulé estimé à 18 milliards d’euros (15,4 milliards d’euros pour les entreprises du patrimoine vivant).

Ainsi, le nombre d’entreprises « métiers d’art » serait compris entre 60 000 et 70 000. Le nombre de salariés varierait selon les chiffres entre 60 000 et 150 000 personnes. Toujours aussi difficilement cernable, le chiffre d’affaires du secteur oscillerait entre 8 milliards et 18 milliards d’euros selon le périmètre retenu.

Malgré les imprécisions statistiques sur la réalité économique des métiers d’art, il est toutefois manifeste que le poids économique des métiers d’art est substantiel.

2.   Un écosystème professionnel et un secteur économique très diversifiés

a.   La diversité des statuts professionnels

Par ailleurs, les métiers d’art abritent une grande diversité de statuts professionnels, ce qui explique aussi la difficulté de ces professions à être bien identifiées statistiquement :

– d’après la DGE, sur les 60 000 entreprises relevant des métiers d’art, on compterait 65 % d’artisans, 18 % de professions libérales, tandis que les artistes auteurs représenteraient 10 % des effectifs ;

– selon la maison des artistes et l’INMA, 4 400 professionnels des métiers d’art étaient inscrits à la maison des artistes en tant qu’artistes-auteurs à la fin 2012 ;

– certains professionnels peuvent exercer en libéral. C’est notamment le cas des conservateurs-restaurateurs. Faute de statistiques, on ne peut avancer de chiffre global sur ce statut. Toutefois, la fédération française des professionnels de la conservation-restauration (FFCR) estime que 1 400 personnes détiennent un diplôme dans cette spécialité ;

– en 2013, le ministère de la culture et ses établissements publics employaient quelque 1 100 agents dans la filière des métiers d’art, ayant le statut de fonctionnaire ou de contractuel de la fonction publique ;

– en outre, de nombreuses personnes travaillant dans le secteur des métiers d’art sont également salariées. Ainsi, la filière bijouterie, joaillerie, orfèvrerie des pierres et perles emploie près de 15 000 salariés en France. Par ailleurs, les différentes filières entraînent bien souvent dans leur sillage de nombreuses entreprises sous-traitantes ; ces dernières seraient près de 1 000 entreprises pour la filière BJOPP : artisans, TPE, PME et ETI, créateurs designers, négociants de pierres et perles, en métaux précieux, entreprises prestataires de services et de développement etc.

b.   Des entreprises aux caractéristiques très diversifiées, un secteur hétérogène

D’après une étude menée par l’association Révélateurs, les caractéristiques des entreprises intervenant dans le secteur des métiers d’art sont très hétérogènes.

Concernant la taille des entreprises, 70 % des entreprises n’ont pas de salarié, 13 % salarient entre 1 et 3 personnes, et 9 % seulement emploient plus de 10 salariés.

Toujours d’après la même étude, la moitié des entreprises relève de deux secteurs : ameublement et horlogerie bijouterie. Le secteur du textile et de l’habillement représenterait 10 % des entreprises métiers d’art, tandis que les secteurs bois, pierre, terre et cuir représenteraient entre 5 et 10 % pour chaque secteur.

Les entreprises métiers d’art ont une localisation variable, selon les activités : 28 % des entreprises sont situées dans des communes rurales, notamment dans les domaines de la coutellerie (46 %), de la céramique, du bois d’ameublement, de la taille de pierre. 35 % des entreprises seraient situées dans les grandes unités urbaines (supérieures à 200 000 habitants), dont Paris. Cette dernière part atteint près de 58 % pour la bijouterie joaillerie.

Le nombre d’entreprises métiers d’art est en progression de plus de 33 % depuis 2005. Cette progression ne concerne cependant pas tous les métiers : la fourrure, le tissage et la fabrication de meubles échappent à cette tendance. Cette progression est liée à l’importance du nombre de micro-entrepreneurs dans le secteur : 81 % de ces entreprises sont unipersonnelles. Dans le secteur, 66 % des dirigeants non-salariés sont micro-entrepreneurs.

En parallèle, l’emploi salarié dans les métiers d’art est en baisse sur la moyenne période : il existerait environ 10 000 établissements employeurs, ce qui représente une baisse de 21 % depuis 2009 ([3]). L’emploi salarié est affecté par des dynamiques contrastées : dynamique dans les secteurs de la maroquinerie, du sellage ou encore du façonnage de verre, l’emploi salarié est en revanche en crise dans les secteurs de la fabrication de sièges et meubles, la reliure, la fourrure et la céramique.

La moitié des dirigeants sont des femmes, tandis que 60 % des micro- entrepreneurs sont des femmes. Cette prépondérance numérique des femmes vaut notamment dans la céramique (72 %), le secteur textile habillement ainsi que le secteur de la bijouterie fantaisie (88 %). La féminisation concerne la quasi-totalité des secteurs dans des proportions plus ou moins importantes.

Deux éléments sont particulièrement vecteurs d’inquiétude. Premièrement, près de 30 % des dirigeants non salariés sont âgés de plus de 55 ans, ce qui indique un vieillissement généralisé des artisans d’art et pose la question de la relève générationnelle. Deuxièmement, les revenus annuels des artisans d’art sont inférieurs à ceux des autres artisans. Ainsi, les revenus annuels moyens des indépendants de l’artisanat et de la fabrication sont de 4 010 euros pour des micro-entrepreneurs et de 35 110 euros pour les autres indépendants. Pour les micro-entrepreneurs relevant des métiers d’art, les revenus annuels moyens sont de 3 900 euros, et de 21 740 euros pour les autres indépendants.

C.   La prise en compte des intérêts des métiers d’art par les pouvoirs publics est ancienne, mais une véritable reconnaissance institutionnelle du secteur N’a été actée QUE depuis 2014 :

1.   Dans les années 1970, les prémices d’une politique publique d’encouragement et de sauvegarde des métiers d’art

Dans l’histoire de notre pays, le pouvoir politique a bien souvent accompagné l’essor des métiers d’art, ainsi que vos rapporteurs l’ont démontré précédemment. Si les commandes royales, impériales, puis présidentielles ont rythmé la vie du secteur, la mise à l’agenda politique de la question des métiers en tant qu’objet législatif ou réglementaire est relativement récente.

En 1976, le président de la République Valéry Giscard d’Estaing commande un rapport intitulé Les difficultés des métiers d’art au haut fonctionnaire Pierre Dehaye, directeur de l’hôtel de la Monnaie de 1962 à 1984 et membre de l’Académie des Beaux-arts. Ce rapport constitue une étape essentielle dans la reconnaissance institutionnelle du secteur, en préconisant notamment la création de la Société d’encouragement aux métiers d’art (SEMA), fondée la même année à partir de la Société d’encouragement aux arts et à l’industrie créée en 1889.

La création en 1994 par le ministère de la culture d’un « conseil des métiers d’art » constitue la deuxième étape majeure dans la reconnaissance institutionnelle du secteur. Ce conseil nomme la première promotion de « Maîtres d’art » la même année. Ce titre, délivré à vie par le ministère de la culture, distingue les professionnels détenteurs d’un savoir-faire rare et s’engageant à le transmettre à un élève. Ce dispositif est directement inspiré du modèle des « trésors nationaux vivants » japonais.

Deux années plus tard, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, dite « loi Raffarin », consacre l’existence des artisans d’art au sein de la catégorie professionnelle des artisans. Dans les répertoires des métiers tenus par les chambres de métiers et de l’artisanat, une section spécifique « artisans d’art » est créée afin de mieux identifier les professionnels concernés.

En 2003, une nomenclature officielle consacre pour la première fois 217 métiers d’art. Par un arrêté du 12 décembre 2003, dit « arrêté Dutreil », le secrétaire d’État à l’artisanat définit une liste des 217 métiers, répartis en 19 « domaines » ([4]). La même année, sous l’impulsion décisive du Japon, l’organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a reconnu la notion de patrimoine culturel immatériel, en adoptant la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. La notion de patrimoine vivant est sous-jacente : le patrimoine n’est pas seulement relatif aux monuments, mais intègre aussi les traditions, rites et savoir-faire.

En parallèle, l’intégration des métiers d’art dans le champ du contrôle parlementaire progresse. En 2009, la sénatrice de Paris Catherine Dumas remet au Premier ministre un rapport intitulé Les métiers d’art, d’excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels : l’avenir entre nos mains ([5]). La sénatrice y insiste sur le rôle fondamental des métiers d’art en faveur du rayonnement culturel français.

Enfin, en 2010, à l’initiative du Premier ministre François Fillon, la Société d’encouragement aux métiers d’art devient l’Institut national des métiers d’art (INMA). L’INMA, avec le statut d’association reconnue d’utilité publique (ARUP), est alors placé sous la triple tutelle des ministères de l’économie, de la culture, et de l’éducation nationale.

2.   Une reconnaissance législative des artisans d’art accélérée à partir de 2014

La reconnaissance institutionnelle des métiers d’art s’accélère en 2014. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, complétée par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, donne une définition légale des métiers d’art :

« Relèvent des métiers d’art, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique. La liste des métiers d’art est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’artisanat et de la culture.

« Une section spécifique aux métiers d’art est créée au sein du répertoire des métiers » ([6]).

Un arrêté daté du 24 décembre 2015 et signé par les ministres chargés de l’artisanat et de la culture a donc fixé la liste des métiers d’art ([7]). Elle regroupe 198 métiers et 83 spécialités (soit 281 activités au total), répartis dans les 16 domaines suivants : architecture et jardins, ameublement et décoration, luminaire bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et horlogerie, métal, céramique, verre et cristal, tabletterie, mode et accessoires, textile, cuir, spectacle, papier, graphisme et impression, jeux, jouets et ouvrages mécaniques ; facture instrumentale, restauration. Cet arrêté modifie lui-même l’arrêté du 12 décembre 2003, fixant la liste de 217 métiers répartis en 19 domaines. L’organisation de la liste a été revue, les métiers ont été regroupés par domaine dans une logique de filières économiques afin de les relier à leur univers marchand. Au total, 39 métiers et 39 spécialités ont été ajoutés à la précédente liste, comme par exemple : émailleur sur lave, malletier, fresquiste, guillocheur, feutrier, restaurateur de cuirs. Certains intitulés de métier ont été transformés dans une recherche de précision. Enfin, certains métiers ont été supprimés de la liste car ils ne correspondaient plus à la définition législative des métiers d’art, comme les métiers de graphiste et d’infographiste, devenus entièrement numériques.

La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (dite loi « LCAP ») reconnaît officiellement les métiers d’art comme un secteur à part entière :

– l’article 3, alinéa 19, de cette loi inscrit la participation « à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d’art » parmi les objectifs de la « politique de service public en faveur de la création artistique » ;

– l’article 44 de ladite loi précise par ailleurs la définition des métiers d’art issue de la loi relative au commerce, à l’artisanat et aux très petites entreprises du 18 juin 2014. Il reconnaît en effet la pluralité des statuts des professionnels des métiers d’art dont la liste est définie par l’arrêté interministériel du 24 décembre 2015, en soulignant que cette liste « ne préjuge pas du statut professionnel des personnes exerçant l’une des activités y figurant ». Les professionnels relevant de la liste des métiers peuvent exercer sous différents statuts selon la nature de leur activité (artisan, artiste-auteur, profession libérale, salarié, fonctionnaire…).

3.   Le volontarisme du ministère de la culture et de la communication en faveur des métiers d’art

Le ministère de la culture conduit une politique volontariste au soutien du secteur économique des métiers d’art. Par un arrêté de la ministre chargée de la culture en date du 31 décembre 2020 relatif aux missions et à l’organisation de la direction générale de la création artistique ([8]), le ministère de la culture s’est récemment doté d’un bureau consacré aux industries créatives des métiers d’art, du design et de la mode, hébergé au sein de la direction générale de la création artistique.

Dans le cadre de la politique de soutien à la création et à l’artisanat d’art dans le secteur de la mode, le ministère organise depuis quatre ans un appel à projets « mode et métiers d’arts », s’adressant aux jeunes marques de mode et aux entreprises des métiers d’art de la mode. Dans le cadre de l’appel à projets 2021, plus de 135 dossiers ont été reçus et examinés par un jury composé des fédérations professionnelles et d’experts dans le domaine du digital et du développement durable ([9]). Le jury a sélectionné 26 entreprises bénéficiaires pour une dotation globale de 500 000 euros. La sélection des projets, dotés de 20 000 euros maximum, s’est faite sur plusieurs critères : la créativité des entreprises, leur volonté d’investir dans l’amélioration de leur chaîne de production en France, le développement de nouveaux outils de communication digitaux ou encore leur engagement dans une démarche écoresponsable. Dix des vingt-six lauréats sont des entreprises intégrant des métiers d’art.

Les actions conduites plus globalement par le ministère au service des métiers d’art sont de divers ordres :

– la réalisation de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel, où les métiers d’art représentent 25 % des patrimoines immatériels recensés ;

 la tutelle sur les manufactures nationales (460 fonctionnaires techniciens d’art/chefs de travaux d’art (dont 240 au Mobilier national et 120 à la Cité de la céramique, sur 1 200 agents de la « filière métiers d’art » du ministère). Les subventions de fonctionnement et d’investissement prévues dans le projet de loi de finances pour 2022 pour ces deux établissements s’élèvent au total à 12,7 millions d’euros (dans le détail, 8,2 millions d’euros pour le Mobilier national, hors schéma directeur et 4,56 millions d’euros pour la manufacture de Sèvres-Cité de la céramique) ;

 la subvention aux lieux de production en région (le centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques [CIRVA] de Marseille, le centre international d’art verrier [CIAV] de Meisenthal, le centre de recherche sur les arts du feu et de la terre [CRAFT] de Limoges, le centre européen de formation d’art verrier [CERFAV] de Vannes-le-Châtel ou encore la cité internationale de la tapisserie d’Aubusson) à hauteur de 700 000 euros ;

 la subvention aux structures associatives de promotion des métiers d’art (INMA à hauteur de 630 000 euros et association des maîtres d’art et de leurs élèves pour 35 000 euros par an) ;

 le fonds de prêt et de garantie bancaire de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), dont le ministère est bailleur public depuis 2015 (à hauteur 0,75 million d’euros) ;

– la préservation des savoir-faire rares et remarquables par la délivrance, depuis 1994, du titre de Maître d’art, assorti de l’obligation de transmettre ces savoir-faire rares et remarquables à un élève de son choix.

4.   Le rapport « France, Métiers d’excellence » remis en 2018 au Premier ministre : 22 propositions au service des métiers d’art et du patrimoine vivant

Si l’entrée des métiers d’art dans le champ du contrôle parlementaire est relativement récente, la défense des métiers d’art est à présent bien ancrée.

Le 19 octobre 2009 ; la sénatrice de Paris Catherine Dumas a remis un rapport « Les « métiers d’art, d’excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels : l’avenir entre nos mains ». Ce rapport formulait vingt propositions au service du secteur, visant notamment à « encourager et généraliser l’innovation, améliorer la reconnaissance spécifique des métiers d’art à différents niveaux, et préserver le patrimoine national constitué par ces métiers. »

Près de dix ans plus tard, par une lettre de mission datée du 11 juin 2018, le Premier ministre confiait à l’un de vos rapporteurs une mission « dont l’objectif est de formuler des propositions permettant de préserver et de développer en France les métiers d’art et du patrimoine vivant ». La remise au Premier ministre du rapport « France, métiers d’excellence » ([10]) formulant vingt-deux propositions au service des métiers d’art, a constitué un nouveau jalon important dans la défense des intérêts d’un secteur trop souvent méconnu, à la représentation éclatée. La mission d’information sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations du secteur des métiers d’excellence et métiers d’art entend s’inscrire pleinement dans la continuité de ces travaux.

D.   Des savoir-faire d’excellence qui participent au rayonnement de la France à l’international

1.   Un rayonnement ancien, instrument du « soft power » français

 

Le rayonnement européen et mondial des métiers d’art français est pluriséculaire. Ce rayonnement constitue depuis longtemps un instrument non négligeable du « soft power » français.

À titre d’exemple, la filière de fabrication de la bijouterie joaillerie, orfèvrerie des pierres et des perles, est une filière emblématique du savoir-faire français et de l’image de la France dans le monde. En 2020, la filière de la fabrication représentait 2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La même année, le chiffre d’affaires à l’exportation s’élevait à 6,4 milliards d’euros.

Les métiers d’art et d’excellence, conscients du prestige international dont ils bénéficient, se sont eux-mêmes structurés pour garantir le rayonnement des savoir-faire français. Fondé en 1954 à l’initiative de Jean-Jacques Guerlain, le comité Colbert regroupe aujourd’hui 113 membres, 90 maisons de luxe et 17 institutions culturelles auxquels s’agrègent 6 membres européens. Certaines maisons sont très anciennes à l’image de la Monnaie de Paris, créée au IXème siècle, jusqu’aux plus récentes fondées au XXIème siècle, à l’instar de la maison Francis Kurkdjian. Le comité Colbert a publié en octobre 2021 une nouvelle étude sur la perception du luxe français sur ses marchés phares : États-Unis, Chine et France. Intitulée « Le luxe français, une valeur sûre dans le monde qui vient » ([11]), elle souligne la prééminence de la France dans ce secteur, si désirable pour les Américains et les Chinois. L’objectif de l’association est, entre autres, d’œuvrer pour le « rayonnement international de la France à travers son art de vivre et ses entreprises et institutions abritant un patrimoine, une créativité, un savoir-faire ou une main d’œuvre de haute qualification » ([12]). Auditionnés par vos rapporteurs, les représentants du comité ont reconnu qu’« en cette période de sortie de crise, et dans un contexte ultra-concurrentiel, il semble important de pouvoir s’appuyer sur des marqueurs identitaires pour notre destination, sur son ADN pour se démarquer de la concurrence. L’expertise française dans le secteur des métiers d’art et de la création nous permet de faire rayonner la France et de travailler notre influence auprès des cercles de décideurs, mais aussi d’un plus large public. Les dimensions d’innovation et de durabilité doivent être encore être davantage mises à l’honneur aujourd’hui pour nous permettre de maintenir un leadership au niveau international demain ».

2.   Un modèle d’inspiration : les Trésors nationaux vivants japonais », à l’origine du dispositif « Maîtres d’art-élèves »

a.   La politique japonaise en faveur du patrimoine culturel immatériel

La politique interministérielle française de valorisation, de reconnaissance et de transmission des savoir-faire rares trouve une inspiration majeure dans la défense des biens culturels immatériels menée par le gouvernement japonais depuis les années 1950.

Le Japon a en effet été un pionnier dans la protection du patrimoine immatériel en promulguant en 1950 une loi de protection des biens culturels. Parmi les biens culturels, le Japon distingue notamment des « biens culturels immatériels », à savoir le théâtre, la musique, l’artisanat et d’autres produits culturels intangibles qui ont une grande valeur historique ou artistique ([13]). Des « biens culturels immatériels importants » peuvent être désignés par l’État parmi ces biens. Cette désignation s’effectue dans huit domaines des arts du spectacle (théâtre No, théâtre de marionnettes, théâtre Kabuki, etc.) et sept domaines de l’artisanat (céramique, teinture et tissage, laque, entre autres.). L’État japonais désigne les biens culturels immatériels importants parmi les biens culturels immatériels et peut, en même temps, reconnaître comme individu ou groupe détenteur de ces biens ceux et celles qui incarnent ces arts à un haut degré. Il existe trois méthodes de reconnaissance de ceux qui incarnent les biens culturels immatériels importants : la reconnaissance individuelle et la reconnaissance collective. Parmi eux, les détenteurs individuels de biens culturels immatériels importants sont communément appelés « trésors nationaux vivants ». Le trésor national vivant n’est pas un terme juridique.

En janvier 2021, d’après les chiffres communiqués par le service culturel de l’ambassade du Japon en France, 112 personnes sont reconnues comme trésors nationaux vivants. Au total, 374 personnes ont été désignées comme trésors nationaux vivants à ce jour. L’État accorde une subvention annuelle de 2 millions de yens (environ 15 000 euros) par personne aux trésors nationaux vivants pour le perfectionnement de leurs compétences et la formation de leurs successeurs. Cette dotation est versée à vie.

Cette reconnaissance d’individus ou groupes détenteurs de biens culturels immatériels importants est opérée annuellement par le ministre de l’éducation, de la culture, des sports, des sciences et de la technologie, sur la base du rapport du conseil des affaires culturelles.

Outre cette reconnaissance spécifique des trésors nationaux vivants, le ministre de l’économie, du commerce et de l’industrie japonais certifie des « produits de l’artisanat traditionnel », en application de la loi japonaise pour la promotion de l’industrie de l’artisanat traditionnel (1974). Ces produits certifiés doivent répondent aux cinq exigences suivantes :

– les produits sont principalement utilisés dans la vie quotidienne ;

– l’essentiel du processus de fabrication est artisanal ;

– ils sont fabriqués selon des techniques ou des méthodes traditionnelles et doivent avoir au moins cent ans d’histoire ;

– les produits sont fabriqués principalement à partir de matières premières utilisées traditionnellement ;

– un minimum de personnes doit s’employer à la fabrication ou être engagé dans la fabrication de ces produits sur certains territoires.

En octobre 2021, le Japon comptabilise 236 produits certifiés comme « produits de l’artisanat traditionnel. »

Par ailleurs, le Japon a conduit les discussions dès la phase de négociation en vue de l’élaboration de la Convention de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture pour la sauvegarde du patrimoine mondial immatériel, adoptée le 17 octobre 2003.

En outre, en 1993, le Japon a créé le fonds-en-dépôt japonais pour la sauvegarde et la promotion des biens culturels immatériels à l’UNESCO qui a soutenu la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel immatériel dans le monde entier (les contributions cumulées jusqu’en 2017 s’élevaient à 16,69 millions de dollars américains).

b.   Le modèle japonais a directement inspiré la création du titre de « Maître d’art » et du dispositif « Maître d’art - élèves » piloté par le ministre de la culture depuis 1994

Créé en 1994, le titre de Maître d’art est délivré à vie aux professionnels des métiers d’art possédant un savoir-faire remarquable et rare, qui s’engagent pendant trois ans dans un processus de transmission à un élève, tant dans le champ de la création artistique que de la préservation du patrimoine. Ce dispositif concerne des techniques spécifiques qui ne peuvent être transmises qu’au sein d’un atelier et pour lesquelles il n’existe pas ou très peu de formations par ailleurs (notion de « petit flux »).

D’après le site internet de l’INMA, « un maître d’art est un professionnel d’excellence qui maîtrise des techniques et des savoir-faire exceptionnels. Il est reconnu par ses pairs pour son expérience, son expertise et ses compétences pédagogiques. Il doit être capable de transmettre ses connaissances et son tour de main à un élève afin qu’il les perpétue. Le candidat maître d’art doit s’engager à transmettre à son élève, au sein de son atelier, la maîtrise des gestes et techniques les plus complexes de son métier. » Le maître d’art perçoit annuellement une dotation de 30 000 euros pendant trois ans pour former son élève.

Les élèves candidats au dispositif « Maître d’art - élèves » doivent posséder un diplôme et justifier d’une première expérience professionnelle. La candidature doit faire l’objet d’un programme de transmission cohérent, construit conjointement par le binôme, avec un contenu détaillé et une description précise de sa mise en œuvre. Le candidat élève est tenu de présenter le projet professionnel et économique qu’il souhaite concrétiser à l’issue de la transmission. La procédure de sélection est mise en œuvre par l’INMA. Un appel à candidatures est ouvert tous les deux ou trois ans. L’étude des dossiers est confiée à un jury composé de professionnels des métiers d’art, de directeurs d’établissements et d’experts du ministère de la culture. D’après les données délivrées par l’association des ateliers des maîtres d’art et leurs élèves, ce sont en moyenne entre 7 et 9 maîtres d’art qui sont désignés tous les deux ou trois ans, Aujourd’hui, 441 professionnels d’excellence des métiers d’art sont officiellement reconnus comme maîtres d’art.

3.   Mais une concurrence internationale croissante sur la scène des métiers d’art :

Si les métiers d’art concourent au rayonnement international de la France, les auditions réalisées par vos rapporteurs ont mis en évidence la concurrence croissante s’exerçant à l’égard des métiers d’art français.

D’après l’INMA, la France dispose d’une « position intéressante » sur la scène internationale des métiers d’art et d’excellence, mais pas dominante pour autant : « La diversité des savoir-faire d’excellence français est unanimement reconnue, mais d’autres pays bénéficient d’une image très favorable dans différents domaines, comme notamment l’Italie dans la mode et l’ameublement-décoration. D’autres pays sont dans une dynamique très porteuse comme le Portugal, sur les secteurs textile et décoration. ». Devant vos rapporteurs, l’INMA a mentionné l’exemple de Dubaï. Dans la cité émiratie, composée à près de 90 % d’expatriés, « les métiers d’art et du patrimoine vivant ont des difficultés à se démarquer des produits indiens ou chinois (problématique de prix, les consommateurs ne sont pas toujours prêts à investir dans la qualité, cela dépend des zones et de la typologie de clientèle) et des produits italiens (réseau solidaire bien implanté, avec des savoirfaire importants, l’Italie disposant même des manufactures de maroquinerie sur place). » Par ailleurs, les artisans d’art italiens sont réputés « chasser en meute » à l’international, tandis que les artisans d’art français opèrent traditionnellement selon une logique plus individualiste.

Si l’étude précitée du comité Colbert « Le luxe français, une valeur sûre dans le monde qui vient » souligne que les produits de luxe français restent réputés à l’international pour leur qualité supérieure, l’étude met également en exergue le fait que certains savoir-faire se trouvent désormais en Italie, en raison d’une absence de main d’œuvre formée en France. Ainsi, d’après le comité Colbert, dans le secteur de la maroquinerie l’Italie concurrence fortement la France, tandis que la Suisse la concurrence sur le secteur de l’horlogerie, secteur qui a malheureusement quasiment complètement disparu sur le territoire hexagonal. Auditionné par vos rapporteurs, le président de l’association « Révélateur, ambassadeur des savoir-faire français » a souligné la place prépondérante du Portugal dans le secteur de la maroquinerie. L’État portugais conduirait une « vraie stratégie d’État » en faveur du secteur, proposant aux artisans d’excellence étrangers d’installer leurs ateliers sur place, grâce à des dispositifs de défiscalisation particulièrement incitatifs.

E.   Néanmoins, CERTAINS savoir-faire SONT menacés d’extinction

1.   Certains savoir-faire ne sont plus enseignés et leur transmission repose sur la bonne volonté des quelques dépositaires encore vivants de ces « gestes » : vers une liste des métiers d’art en péril ?

Certains métiers d’art, qualifiés de « métiers à petit flux », sont menacés d’extinction. En effet, les savoir-faire techniques relatifs à ces métiers ne sont plus enseignés et les dépositaires encore vivants de ces gestes se raréfient. Certaines de ces personnes sont dans l’incapacité de transmettre leurs « gestes », faute de temps, d’espace, de moyens financiers, ou encore de forme physique.

2.   Le vieillissement généralisé des artisans d’art et la difficile cession des ateliers

D’après les chiffres communiqués par l’association Révélateur, près de 30 % des dirigeants non-salariés du secteur sont âgés de plus de 55 ans. Les indépendants non micro-entrepreneurs des métiers d’art sont plus âgés encore : près de 40 % ont 55 ans et plus, contre 22 % des micro-entrepreneurs.

À ce constat quelque peu alarmant d’un vivier vieillissant de professionnels des métiers d’art et d’excellence, se rajoute le constat corollaire des difficultés rencontrées par ces personnes dans la cession de leurs ateliers. À cet égard, les contributions reçues par vos rapporteurs évoquent notamment le problème de la surévaluation par les cédants de la valeur réelle des biens transmis et la difficulté pour un repreneur de convaincre les établissements de crédit pour une reprise d’atelier dans le secteur des métiers d’art.

3.   Le dispositif « Maître d’art - élèves » a néanmoins permis de sauver certains métiers d’art menacés de disparition

Le dispositif « Maître d’art - élèves » a permis de sauver certains métiers menacés d’extinction, comme les métiers d’éventaillistes ou de plumassiers. Si la reprise des ateliers « n’est pas toujours au rendez-vous », l’important est avant tout que le maître transmette son savoir à l’élève, qui pourra éventuellement créer ensuite son propre atelier ou s’engager dans un processus de reprise d’atelier.

Aujourd’hui, il est difficile d’obtenir des informations précises sur la liste des savoir-faire en péril dans le secteur des métiers d’art. Vos rapporteurs plaident pour la création d’une « liste des métiers d’art en péril », à l’instar de la liste du patrimoine mondial en péril tenue le comité du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette liste pourrait être élaborée et actualisée par les services de l’INMA, en lien avec les maîtres d’art et les services de la direction générale de la création artistique (DGCA) au ministère de la culture ainsi que les services de la DGE. Cette liste pourrait être adossée à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel, conduit depuis 2008 par les services de la DGCA. L’inventaire vise à « répertorier des pratiques vivantes grâce à l’aide de communautés, de groupes et d’individus. Il a pour objectif de répondre aux obligations de la Convention UNESCO, mais il fournit également un outil de connaissance pour les publics » ([14]). L’inscription d’un métier d’art en extinction sur la liste des métiers d’art en péril entraînerait une obligation, pour l’ensemble des parties prenantes, de mettre tous les moyens disponibles en œuvre pour transmettre les gestes rares menacés d’extinction. La tenue régulière de cette liste permettrait également de piloter des actions de sensibilisation et de communication à l’égard du grand public ou des scolaires, en insistant sur la fragilité du patrimoine vivant et la nécessité d’en garantir la bonne transmission.

Proposition n° 1 : Élaborer une liste des métiers d’art en péril, dont la gestion serait confiée à l’INMA.

4.   Les difficultés croissantes de certaines maisons à attirer et à fidéliser de la main d’œuvre très qualifiée, notamment dans les régions « périphériques »

De nombreuses maisons de luxe éprouvent des difficultés croissantes à attirer de la main d’œuvre qualifiée, dans des métiers relevant des métiers d’art et d’excellence.

Les exemples sont hélas nombreux : citons la Maison Fabre, ganterie à Millau ou encore la manufacture Brun de Vian-Tiran, à l’Isle-sur-la-Sorgue. C’est tout particulièrement le cas du maroquinier de luxe JM. Weston, qui possède son unique site de production dans la zone industrielle Nord de Limoges, où la présidente de la mission d’information a pu se rendre lors d’un déplacement de la mission.

Une paire de chaussures JM. Weston nécessite en moyenne entre 150 et 200 étapes de production différentes, mobilisant des dizaines de personnes. Certains postes, nécessitant des savoir-faire rares et uniques en France (cousu norvégien ou Goodyear), requièrent des mois voire plusieurs années de formation. Dans un reportage réalisé par le quotidien Le Monde consacré à la manufacture limougeaude ([15]), plusieurs salariés ont fait part de leur expérience et des difficultés actuelles de l’usine. La chef d’atelier de la couture précise notamment « qu’une mécanicienne doit savoir tenir une ligne droite sur un tracé, mais aussi maîtriser les arrondis, les parallèles. (…)». « Et piquer une peau de veau ne pardonne pas. On n’a pas le droit à l’erreur, puisque dans le cuir, un trou, c’est un trou, contrairement au textile, où on peut défaire une couture et la refaire », note une autre salariée en poste depuis presque cinq ans. Les postes proposés sont des postes minutieux, extrêmement rigoureux. L’article du Monde rapporte que durant les semaines d’immersion en entreprise proposées par Pôle emploi, seulement deux candidats sur dix réussissent les tests de dextérité.

Dans l’usine, le personnel, très qualifié, est vieillissant. D’après Gaël Cœuret, le directeur de la manufacture, près de « 45 % des artisans ont plus de vingt ans d’ancienneté ». La moyenne d’âge dans l’entreprise est de 48 ans. En 2020, ce sont neuf salariés qui sont partis à la retraite, et douze qui devraient partir à la retraite à leur tour en 2021. Parmi ces douze salariés, un des uniques détenteurs du savoir-faire « cousu Goodyear », emblématique des chaussures JM. Weston.

Cette pyramide des âges défavorable accroît d’autant plus l’urgence de former et de recruter. Ces difficultés sont emblématiques de l’ensemble de la filière cuir, qui bénéficie pourtant d’une réputation prestigieuse à l’international et offre près de 4 200 emplois en Nouvelle Aquitaine, dont 400 en Haute-Vienne. Très peu de lycées forment au CAP de cordonnier, et malgré l’implantation historique de JM. Weston et Hermès en Haute-Vienne, aucun de ces lycées n’est situé dans le département.

La direction de la manufacture, rencontrée sur site, explique n’avoir aucun critère préalable pour recruter ses équipes, si ce n’est une grande dextérité, une méticulosité extrême, et une bonne adaptation aux contraintes des postes. Les personnels en reconversion provenant de secteurs aux antipodes de la maroquinerie de luxe sont nombreux, « toutes les volontés étant bonnes à prendre ». JM. Weston a formé au sein de son usine des demandeurs d’emploi, à hauteur de dix personnes par an depuis 2015. Toutefois, la crise de la covid-19 a retardé l’accueil d’une nouvelle promotion. Les formations internes ne reprendront qu’en 2022, avec près de deux ans d’interruption. D’après Henda Lasram, conseillère auprès des entreprises au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Limoges et de la Haute-Vienne, plusieurs facteurs expliquent ces difficultés de recrutement : « Les métiers du cuir sont peu connus, malgré l’image de papier glacé du secteur du luxe et son rayonnement international. L’éducation nationale délaisse ces métiers de la production. Et, c’est une évidence, peu de parents incitent leurs enfants à s’orienter vers l’industrie, de manière générale ».

En outre, les postes proposés sont des postes sédentaires, « où une jeune recrue se rend très vite compte que le périmètre de travail de son établi est plus petit encore que celui d’une caissière en hypermarché. » Ces contraintes de périmètre, souvent appréciées des anciennes générations, semblent en contradiction avec les désirs professionnels des jeunes générations. D’après Gaël Cœuret, il n’est pas rare que l’usine doive proposer un changement de poste tous les ans aux plus jeunes, afin de les garder, ce qui nécessite une nouvelle approche managériale, un surcroît de formation, mais permet aussi davantage de polyvalence entre les chaînes.

Enfin, les contraintes physiques sont nombreuses. « De fait, les conditions de travail dans ces ateliers esquintent », souligne un représentant syndical élu CGT chez JM. Weston. Plusieurs postes nécessitent de rester de longues heures debout. Toutefois, la direction souligne qu’il n’y a pas de travail posté, et que les salariés, qui embauchent à 8 heures, partent tous à 16 heures, ce qui est un des grands avantages comparatifs du secteur face à d’autres secteurs réputés « difficiles », comme l’hôtellerie-restauration. Surtout, les syndicats déplorent le manque de revalorisation des salaires. Une salariée rapporte au Monde « C’est beau, mais cela ne paie pas ». Malgré plusieurs années d’ancienneté, un maître ouvrier perçoit un salaire de 1 600 euros nets par mois, une mécanicienne, 1 460 euros nets. À la coupe des semelles et des talons, le recrutement se fait au SMIC : environ 1 250 euros nets. Par conséquent, un salarié explique que « les intérimaires préfèrent travailler à la mission, toucher des primes de précarité et leurs congés payés chaque mois, plutôt que d’être embauchés en CDI. » En raison des difficultés économiques de la maison JM. Weston, la revalorisation des rémunérations n’a pu être conduite, d’après la direction, qui est pleinement consciente de l’enjeu.

Les difficultés de recrutement de JM. Weston ne sont pas isolées dans la filière. En 2020, à Rochechouart en Haute-Vienne, le maroquinier Parallèle, fabricant de chaussures féminines, a clos les portes de sa manufacture. Les fabricants de chaussures français se comptent désormais sur les doigts d’une main : Paraboot en Isère, Heschung dans le Bas-Rhin, et Mephisto en Moselle. En 2020, le maroquinier Heschung a été placé en procédure de sauvegarde. Il a subi une forte baisse de son chiffre d’affaires en 2020 du fait de la crise sanitaire. À la fin de l’année 2021, le fonds French Legacy Group (FLG) a annoncé avoir racheté le groupe alsacien. Le fonds « Mirabaud patrimoine vivant », codirigé par Renaud Dutreil, ancien ministre des PME à l’origine du label « Entreprise du patrimoine vivant », est adossé au fonds FLG.

De manière globale, ces difficultés de recrutement sont partagées par de nombreuses maisons emblématiques des savoir-faire d’excellence français. Lors de son déplacement à Limoges, la mission d’information a également eu la chance de visiter la manufacture de porcelaine Bernardaud. La maîtrise des savoir‑faire emblématiques de la maison requiert, là encore, des années de pratique et de formation. Comme chez JM. Weston, la direction ne demande aucune qualification particulière antérieure pour les postes offerts, à la condition que les recrues soient motivées, très rigoureuses et minutieuses. Toutes les formations sont faites en interne, au contact des salariés les plus expérimentés de l’usine, faute de formations adéquates et sur mesure à l’extérieur.

Face à cette problématique, on peut souligner une initiative visant à recréer un vivier de main d’œuvre qualifiée en milieu rural : le laboratoire pédagogique TEKHNE, développé par l’association l’Espace contemporain d’art urbain, à Vesoul. Située dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, cette structure se donne pour mission d’accueillir en internat et de former dans un laboratoire équipé un public de jeunes de 15 à 29 ans entrant dans la catégorie démographique des NEETS (« Not in Education, Employment or Training ([16]) ») à différentes techniques d’artisanat d’art. Ce travail s’effectue en partenariat avec la GRETA départementale pour la certification, et avec l’industrie du luxe présente en
Franche-Comté (maroquinerie, horlogerie) et des imprimeurs locaux pour les débouchés. S’il n’est pas à ce stade possible d’évaluer le succès de ce projet en cours de création, de telles démarches sont à encourager et doivent pouvoir bénéficier du soutien public adéquat.


II.   Si les métiers d’art ont plutôt bien résisté aux confinements successifs, la crise de la covid-19 a mis en exergue les failles et les forces du secteur, tout en servant de catalyseur à certaines mutations de fond

A.   LE SECTEUR DANS SON ENSEMBLE A plutôt BIEN résisté à la crise sanitaire, MAIS les impacts de la crise sont très inégaux selon les acteurs

1.   Des impacts très inégaux sur le secteur selon les caractéristiques des acteurs : taille, statut, modèle économique (dépendance aux salons, exportation etc.) et leur degré d’appropriation des outils numériques

a.   L’impact général de la crise sanitaire sur le secteur

D’après les données issues d’une enquête réalisée par l’INMA en novembre 2020 sur l’impact de la crise sanitaire sur les métiers d’art ([17]), les entreprises des métiers d’art ont enregistré une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires annuel sur l’année 2020. Un sondé sur cinq a subi une perte de moins de 20 % de son chiffre d’affaires par rapport à l’année 2019, que ce soit pour le premier ou le second semestre. De même, seul un sondé sur cinq semble être parvenu à vendre en ligne sur la période. 25 % déclarent avoir pâti d’annulations de chantiers de commande, de difficultés de trésorerie, ou encore d’annulation des formations. Les contraintes relatives à la commercialisation et à la prospection de nouveaux clients sont celles qui pèsent le plus lourd pour les répondants : 76 % des sondés ont subi des annulations d’évènements, tandis que 35 % d’entre eux ont dû subir une fermeture de leurs points de vente traditionnels.

En outre, la crise sanitaire aurait pesé sur la transmission des savoirfaire rares au sein des filières des métiers d’art : ainsi, 45 % des sondés estiment que la transmission d’un de leurs savoir-faire est menacée ou en voie de l’être si la crise sanitaire perdure. Par ailleurs, résultat inquiétant pour la relève générationnelle, 40 % d’entre eux déclarent que la crise aura un effet négatif sur leur politique ultérieure d’accueil d’apprentis.

b.   Les métiers d’art ont été inégalement affectés par la crise sanitaire

Toutes les entreprises du secteur métiers d’art n’ont pas subi les conséquences de la crise sanitaire avec autant de vigueur.

D’après l’enquête précitée conduite par l’INMA, il est déjà possible de distinguer des effets différenciés de la crise sanitaire sur le secteur des métiers d’art :

– les entreprises labellisées « Entreprises du patrimoine vivant » résistent de manière globale mieux à la crise : ainsi, au premier semestre 2020, la moitié d’entre elles enregistrent moins de 20 % de pertes de chiffre d’affaires semestriel (contre 50 à 60 % pour la moyenne des entreprises du secteur) ;

– les entreprises écoulant une partie substantielle de leur production lors des salons des métiers d’art ont été les plus affectées par la crise ;

– de manière non surprenante, le choc de la crise a été globalement mieux absorbé au second semestre qu’au premier semestre ;

– aux premier et second semestres 2020, les entreprises actives dans les domaines de l’ameublement décoration et du métal sont celles qui résistent le mieux à la crise. Les secteurs de la verrerie-cristal, de l’horlogerie, de la bijouterie, la joaillerie et de l’orfèvrerie, ainsi que de la céramique subissent particulièrement les conséquences de la crise. Auditionnée par vos rapporteurs, l’Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles (UFBJOP) a déclaré que près de 60 % des participants à une enquête menée en septembre 2020 estimaient avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 60 % pendant la période de suspension d’activité, et près de 40 % l’estimaient entre 20 et 40 % sur l’ensemble de l’exercice ;

– globalement, plus l’entreprise emploie de salariés, mieux elle parvient à encaisser le choc de la crise sanitaire ;

– en outre, plus les entreprises sont anciennes, plus la résistance à la crise augmente : ainsi, plus de 40 % des entreprises de plus de 50 ans enregistrent une perte de chiffre d’affaires de moins de 20 % sur les deux semestres 2020. En revanche, plus de 20 % des entreprises de moins de 10 ans déplorent une perte de chiffre d’affaires de plus de 80 % ;

– les entreprises travaillant en « B to B », réalisant plus de 60 % de leur chiffre d’affaires auprès d’une clientèle professionnelle résistent mieux. À l’inverse, celles ne travaillant qu’avec les particuliers (modèle dit « B to C ») subissent de manière plus forte la récession ;

– les effets de la crise sur l’emploi sont substantiels : les effectifs salariés de près d’un sondé sur 4 ne subissent aucune conséquence. Pour plus de 27 % des entreprises, les recrutements sont gelés pendant la période. Près du quart des entreprises sondées recrute (22 %), mais nombreuses sont les entreprises connaissant des difficultés dans la recherche d’un candidat qualifié pour un poste. (19 % des « Entreprises du patrimoine vivant »). Enfin, 12 % des « Entreprises du patrimoine vivant » ont dû procéder à des licenciements. En outre, les effets de la crise sur l’emploi varient selon les régions et les secteurs : parmi les professionnels des secteurs de la mode, des accessoires et du textile, 26 % ont dû procéder à des licenciements. Les professionnels de la région Grand Est semblent avoir mieux résisté ; ainsi, 55 % des entreprises de la région employant au moins un salarié ont signalé ne pas subir les conséquences de la crise sur leurs effectifs.

D’après le ministère de la culture, en l’absence de statistiques parfaitement fiables, les principales conséquences de la crise sanitaire sur le secteur sont les suivantes :

– la perturbation des filières d’approvisionnement des matières premières, a fortiori le renchérissement de certaines matières premières et produits semi-finis ;

– le confinement avec la fermeture historique de la Manufacture de Sèvres mais la continuité d’activité du Mobilier national ;

– la fermeture inédite des foires et salons ;

– la révélation de l’illectronisme ([18]) et de nombreux retards dans la transition numérique des entreprises et des personnels, en particulier les canaux de vente numérique.

c.   Des conditions de reprise assez inégales

D’après les données fournies par l’INMA, les conditions de reprise du secteur ont été inégales. Certaines entreprises ont vu leur production augmenter de plus de 50 %, voire de plus de 100 %. L’activité des donneurs d’ordre, notamment dans le secteur du luxe et dans les secteurs majoritairement exportateurs, a été très porteuse. La reprise vigoureuse des grandes maisons du luxe français constitue un élément moteur pour l’ensemble du secteur, et entraîne dans son sillage de nombreux ateliers sous-traitants.

Il résulte de l’enquête conduite par l’INMA que deux actions sont largement plébiscitées par les professionnels des métiers d’art et du patrimoine vivant afin de soutenir la relance de leur activité :

– 77 % des répondants souhaitent voir menées des actions de promotion et de valorisation des métiers d’art, encore trop souvent identifiés comme des métiers de niche et peu connus du grand public ;

– 57 % désirent que des solutions de commercialisation mieux adaptées aux métiers d’art et au patrimoine vivant soient apportées.

2.   Les dispositifs d’aide mis en place par les pouvoirs publics ont été considérablement utilisés par les métiers d’art

a.   Un taux de recours globalement satisfaisant

Les dispositifs d’aide mis en place en urgence par les pouvoirs publics ont été dans l’ensemble largement utilisés par les métiers d’art. Parmi les différentes aides demandées, une différenciation est à faire entre le recours au fonds de solidarité et la souscription de prêts garantis par l’État (PGE), selon la taille des entreprises.

Ainsi, selon une étude menée par Ateliers d’art de France en juillet 2020, 81 % des entreprises du secteur ont bénéficié de mesures d’aide, dans le cadre du fonds de solidarité. D’après l’étude de l’INMA, 58 % des répondants ont bénéficié du fonds de solidarité, qui est la principale aide perçue.

Il est à noter que la sollicitation et l’obtention d’un prêt garanti par l’État a été très dépendante de la taille des entreprises : les entreprises de moins de trois salariés ont eu majoritairement recours au fonds de solidarité. Les entreprises de plus de 50 salariés en revanche ont massivement sollicité des prêts garantis par l’État. De même, l’obtention d’un PGE est plus courante chez les entreprises dont la clientèle est majoritairement tournée vers les professionnels.

D’après des chiffres communiqués par l’association Révélateur, 30 % environ des professionnels des métiers d’art n’ont pas su comment faire leur demande d’aide, n’ont pas été bien identifiés par l’administration pour percevoir les aides, ou avaient honte de demander des aides. L’INMA estime de son côté que 15 % des entreprises n’ayant perçu aucune aide ont estimé ne pas avoir eu besoin d’aides. Une entreprise sur 5 n’ayant pas recouru aux aides se serait considérée, à tort ou à raison, comme inéligible aux aides. Enfin, si les taux de recours aux aides ont été globalement élevés parmi les professionnels des métiers d’art, ces dispositifs n’ont pas su pleinement convaincre les professionnels de leur pertinence. Ainsi, près de 53 % des professionnels interrogés par l’INMA ont jugé les aides perçues pas adaptées ou peu adaptées à la crise.

Les taux de recours aux aides publiques par les acteurs de la filière bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, pierres et perles

D’après les données communiquées par l’UFBJOPP, les acteurs de la filière ont eu massivement recours aux mécanismes de soutien proposés par l’État : report des charges sociales et fiscales, activité partielle, prêts garantis par l’État. Dans le détail :

– près de 67 % des entreprises ont fait appel au PGE ;

– près de 60 % des entreprises estimaient que le plan de charge à compter du 1er septembre 2020 était incertain et 33 % estimaient qu’il était insuffisant ;

– plus de 75 % des entreprises estimaient un retour à la normale à plus de 6 mois ;

– 60 % des entreprises ont reporté leurs dépenses d’investissement ;

– 20 % des entreprises trouvent pertinente la conversion du PGE en prêt participatif ;

– près de 55 % des entreprises trouvent que la marge est leur point faible pour affronter la période ;

– plus de 66 % envisagent de ne pas recruter de nouveaux apprentis.

b.   Néanmoins, un traitement des demandes difficile en début de crise, en raison d’une mauvaise identification administrative du secteur

Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont entendu à de nombreuses reprises des témoignages d’artisans d’art ayant connu des difficultés à percevoir les aides, en raison d’une mauvaise identification des métiers d’art par l’administration.

La chambre des métiers et de l’artisanat – CMA France a accompagné à cette occasion de nombreux professionnels. Auditionnée par vos rapporteurs, la direction de CMA France a constaté que le traitement des demandes n’était pas le même en fonction des régions. CMA France a en effet réceptionné et recensé les cas de refus pour vérifier le bien-fondé des décisions et le cas échéant corriger les informations. CMA France a souligné devant vos rapporteurs que dans l’ensemble, beaucoup de refus ont pu être solutionnés. Cependant, au total six cas demeurent toujours non résolus.

Concernant l’accès au fonds de solidarité, différents artisans, notamment des verriers vitraillistes ou des créateurs de bijoux fantaisie se sont vu refuser l’accès au fonds de solidarité au motif notamment que leurs activités n’entraient pas dans la rubrique « autres métiers d’art » du secteur S1 bis (correspondant à l’annexe 2 au décret n° 2020-371 du 30 mars 2020). La foire aux questions (FAQ) mise en place par la DGFIP, actualisée le 23 décembre 2020, est venue préciser que la rubrique « autre métiers d’art » concernait tous les métiers de la liste officielle des métiers d’art. Après ces clarifications ainsi qu’après l’intervention de CMA France et du réseau des chambres consulaires en région, ces entreprises ont finalement pu bénéficier du fonds de solidarité. Cependant, deux cas de refus du fonds de solidarité demeureraient non résolus.

Il semblerait également que l’aide financière exceptionnelle (AFE) versée par l’URSSSAF aux indépendants pendant la crise ait posé quelques problèmes aux artisans d’art. Interrogé par vos rapporteurs, le réseau consulaire précise que l’URSSAF n’est pas revenue sur sa décision ou n’a pas communiqué les critères d’éligibilité sur lesquels sa décision s’est basée.

Afin de pallier ces difficultés, CMA France a mené un travail d’accompagnement des artisans d’art, en invitant toutes les chambres du réseau à accompagner ou à relancer les demandes des artisans d’art, ou encore en produisant des attestations certifiant leur appartenance à la section des métiers d’art du répertoire des métiers. Ce travail a rencontré plus ou moins de succès selon les régions concernées. CMA France a également alerté le ministre délégué chargé des PME après du ministre de l’économie, des finances et de la relance de ces éventuelles difficultés. En outre, un travail parallèle a été effectué avec l’INMA et la direction générale des entreprises (DGE) afin d’élaborer des outils clairs d’identification des professionnels des métiers d’art, visant notamment la correspondance entre les codes APE/NAF et les métiers d’art, quelle que soit la nature de l’inscription du professionnel (CMA, CCI, Maison des artistes, professions libérales). In fine, les difficultés d’identification des entreprises des métiers d’art par l’administration, et notamment les services des impôts, ont pu être dans leur ensemble relativement bien réglées.

Enfin, de nombreux professionnels des métiers d’art ont fait remonter au cours des auditions leurs difficultés à rembourser les prêts garantis par l’État. Ils demandent la possibilité d’aménager au cas par cas la durée de remboursement de leurs prêts, une demande en partie entendue par le Gouvernement. Le ministre chargé de l’économie a en effet annoncé la semaine du 17 janvier 2022 la signature d’un accord de place avec la Banque de France et la fédération bancaire française (FBF) permettant aux sociétés d’étaler sur dix ans, contre six ans jusqu’à présent, leurs mensualités, et de décaler les premières échéances de remboursement de six mois (à octobre 2022).

3.   Un soutien indirect de l’État aux artisans d’art via les commandes publiques des manufactures nationales

L’État a par ailleurs soutenu indirectement les artisans d’art via des subventions exceptionnelles ou des commandes publiques aux deux grandes manufactures nationales que sont la Manufacture de Sèvres-Cité de la céramique et le Mobilier national.

Ainsi, la Manufacture de Sèvres-Cité de la céramique a bénéficié d’un million d’euros en 2021 sur les crédits du plan de relance pour soutenir ses activités.

En outre, deux campagnes de restauration inédites des œuvres issues des collections du Mobilier national ont été lancées par la manufacture des Gobelins et mises en œuvre entre 2020 et 2022 pour soutenir les artisans d’art durement affectés par la crise sanitaire.

La première campagne de restauration lancée en juin 2020, pour un budget de 150 000 euros, a concerné douze pièces issues de la collection de meubles et luminaires des années 1930-1950. L’appel d’offres permettait de candidater sur sept ensembles, composés soit de mobilier, soit de luminaires. D’après Hervé Lemoine, le directeur du Mobilier national, ces pièces devenues démodées ont connu un long séjour en réserve. Malgré le soin qui leur a été apporté, elles ont nécessité des restaurations : « La spécificité du design des années 1930-1950 – au-delà de ses lignes épurées et résolument modernes – est d’associer de nombreuses techniques et matériaux complexes à travailler – on trouve ainsi du mobilier laqué ou recouvert de galuchat, de parchemins, de miroirs etc. Or, nous n’avons pas toujours, dans nos propres ateliers, les techniciens d’art qui maîtrisent la spécificité et la diversité de gestes nécessaires à sa restauration (…). La particularité du mobilier des années 1930 à 1950 est de mobiliser des savoir-faire variés et le talent de nombreux métiers d’excellence. Nous avons donc mobilisé des restaurateurs du patrimoine, des gainiers, bronziers, lustriers, miroitiers, ébénistes, souffleur de verre et décorateurs de verre.» Au total, 18 artisans ont été retenus.

Surtout, une seconde campagne de restauration de plus grande envergure a été lancée en 2021, dotée d’un budget d’un million d’euros, financé en partie par les crédits de France Relance, mais aussi à hauteur de 500 000 euros par la direction générale des entreprises (DGE). Durant cette seconde campagne, 56 artisans ont été retenus, dont 17 restaurateurs du patrimoine et 39 artisans d’art. Les métiers concernés par le plan de soutien sont :

– des restaurateurs du patrimoine avec les spécialités suivantes : sculpture, mobilier, arts du feu, arts graphiques/cuir, peinture ;

– artisans d’art spécialisés dans le métal, l’ébénisterie, la menuiserie, les abat-jours, passementiers, tapissiers, doreurs sur bois, doreurs sur métal, laqueurs et verriers.

Au total, 120 œuvres ont été concernées par le second plan de restauration, dont 20 pièces de lustrerie, 59 meubles, et 41 sièges. Huit régions ont été couvertes par le plan de soutien : Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Bourgogne Franche‑Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Pays de la Loire, Normandie et enfin Occitanie.

Dans un souci de valorisation des collections du Mobilier national et de mise en lumière des métiers d’art, les œuvres restaurées ont été présentées au public avant leur restauration, à l’occasion des journées européennes du patrimoine 2020 puis lors des journées européennes du patrimoine 2021, après avoir été restaurées. D’après le directeur du Mobilier national, « Ce fut l’occasion de faire de la pédagogie sur les savoir-faire, le geste et les métiers. Une présentation similaire est prévue pour la seconde campagne ». Les œuvres concernées seront par ailleurs présentées au public dans le cadre de l’exposition « La création du chic : le mobilier et les arts décoratifs 1930-1950 » que le Mobilier national devrait organiser à l’automne 2022.

4.   Des actions complémentaires menées par le réseau des chambres consulaire des métiers et de l’artisanat

Si les chambres consulaires ont joué un rôle important d’aide à l’identification des métiers d’art auprès de l’administration pendant la crise sanitaire, certaines chambres ont également tenté de pallier la fermeture des salons et marchés d’art en proposant aux artisans d’art de leur région des espaces d’exposition.

Ainsi, la CMA des Vosges a initié en 2020 le dispositif « J’expose mon artisan d’art ». Ce dispositif, mis à la disposition de l’ensemble du réseau par la ÈCRMA Grand Est, a répondu aux difficultés rencontrées par les artisans d’art qui ne pouvaient plus exposer sur des salons, marchés, événements. Il visait à mobiliser des artisans volontaires, solidaires, inscrits au répertoire des métiers, à offrir au sein de leur local « un espace d’exposition » aux artisans d’art pour rendre visibles leurs savoir-faire et leurs pièces. Ils ont pu bénéficier d’une mise à disposition de 15 jours minimum à titre gracieux et sans contrepartie financière sur des ventes éventuelles. Ce dispositif a été déployé par de nombreuses chambres régionales et, selon CMA France, a rencontré un grand succès pendant la crise sanitaire.

B.   LA CRISE A MIS EN LUMIÈRE LES FAIBLESSES ET LES FORCES STRUCTURELLES DU SECTEUR

1.   La crise a rendu davantage visibles les failles du secteur

a.   La difficile identification administrative des métiers d’art : le serpent de mer des codes NAF

D’après CMA France, la crise sanitaire a mis en lumière une nonconnaissance du secteur des métiers d’art lors des instructions de dossiers de demande d’aide. En effet, ces difficultés d’identification des professionnels des métiers d’art en France se sont cristallisées lors de l’attribution des aides. Le problème a été parfaitement résumé lors de son audition par le président de CMA France : « Le code unique attribué aux artistes auteurs a semé une certaine confusion au démarrage des aides, car tous les métiers ont été au départ assimilés au secteur des arts et de la culture et au code attribué aux artistes auteurs, à savoir 9003a création artistique relevant des arts plastiques et 9003b. Par conséquent, les artisans d’art relevant d’autres métiers de la liste officielle des métiers d’art et appartenant à la section métier d’art du répertoire des métiers, se sont vu refuser l’aide et nous avons dû mobiliser les chambres pour revenir sur ces premières décisions. »

Dans ce contexte, plusieurs associations ou syndicats représentant les métiers d’art défendent l’établissement d’un code unique pour l’ensemble des métiers d’art au niveau d’européen : c’est notamment la proposition d’Ateliers d’art de France, principal syndicat professionnel français des métiers d’art. Devant vos rapporteurs, CMA France a émis un avis défavorable à l’établissement d’un code unique pour l’ensemble des métiers d’art. En effet, un code unique pourrait conduire à la mise en place d’un double référencement des artisans d’art en France, c’est-à-dire l’attribution du code unique, en complément du code référençant le métier relevant de l’artisanat. Un code unique risquerait de diluer la diversité des métiers d’art, surtout si ce code englobe uniquement une partie de ces professionnels.

En outre, la pratique des métiers d’art n’est pas considérée comme une activité économique en soi et ne bénéficie par conséquent pas d’une nomenclature dédiée. Les professionnels des métiers d’art sont actifs dans des entreprises opérant dans des branches professionnelles diverses, s’insérant dans des filières économiques plus vastes (ameublement, mode, décoration, industries culturelles et créatives, etc.). Les personnes chargées des inscriptions des entreprises aux différents répertoires et registres d’activité ou des traitements de statistique économique n’ont pas la connaissance nécessaire à la compréhension de l’écosystème des métiers d’art et du patrimoine vivant, ce qui, par conséquent, rend vaine toute velléité de distinction statistique particulière de ces entreprises aujourd’hui. D’après l’INMA, l’étendue du travail à fournir afin de mettre à jour et qualifier l’ensemble des registres concernés (répertoire des métiers, registre du commerce et des sociétés, artistes-auteurs notamment) nécessite un « effort humain et budgétaire sans commune mesure avec le degré de priorité que recèlent les entreprises des métiers d’art et du patrimoine vivant pour ces organismes ».

Par ailleurs, devant vos rapporteurs, l’INMA a évoqué l’ensemble des écueils qui pourraient résulter d’un code unique pour le secteur des métiers d’art :

– ce code ne saurait tenir compte de la réalité économique des entreprises qui s’inscrivent dans des filières de production et des univers de marché différents ;

– il induirait une perte de précision statistique sur l’activité réellement exercée : il ne serait pas possible de distinguer un céramiste d’un bijoutier par exemple ;

– il induirait une mauvaise représentation de la réalité statistique des métiers d’art : certaines entreprises n’ayant pas connaissance de leur appartenance à la liste des métiers d’art pourraient s’enregistrer sous d’autres codes, tandis que d’autres entreprises pourraient préférer un code qui reflète leur activité de filière plutôt qu’un code général « métier d’art » ou « artisan d’art » ;

– pour les entreprises, il y aurait un risque d’exclusion des conventions collectives liées à leur secteur d’activité ;

– ce code ne permettrait pas de distinguer les activités réglementées identifiées par le code NAF : artisan du bâtiment (carte d’identification professionnelle BTP ; assurance obligatoire) ; bijoutier-joaillier, horloger, orfèvre (livre de police ; poinçon) ;

– enfin, il rendrait d’autant plus difficile la perception des aides calibrées pour des types d’activités et de filières particulières (par exemple, exonération de la taxe sur le gaz pour les céramistes et les verriers).

En partant du constat qu’il semble très difficile de proposer un code unique pour les métiers d’art, des efforts conjoints visant une meilleure identification administrative des métiers d’art au sens de l’arrêté du 24 décembre 2015 et des codes NAF/ NAFA ont déjà été déployés par l’INMA et CMA France, qui ont élaboré ensemble une table de concordance. C’est cette table de concordance qui permet l’identification des professionnels des métiers d’art et l’identification de la part des artisans d’art.

En outre, il convient de rappeler que l’identification NAF s’inscrit au sein d’une nomenclature européenne (NACE) qui doit elle-même respecter les standards internationaux. D’après la DGE, les travaux de révision de la nomenclature européenne NACE au cours de l’année 2021 ont montré de nouveau qu’il était peu opportun de créer une catégorie réservée aux « activités des artisans d’art » au sein de la section R « arts, spectacles et activités récréatives ». En effet, le périmètre de l’artisanat d’art, basé sur une liste règlementaire de métiers, est spécifique à la France. Les autres États-membres de l’UE ont des périmètres différents, qui se rapprochent par exemple des arts folkloriques ou du spectacle.

Toutefois, le secteur des métiers d’art étant toujours confronté aux difficultés de produire des statistiques fiables, en raison de l’éparpillement de son écosystème en une grande diversité de métiers, plusieurs pistes pourraient être explorées afin d’approcher au plus près la réalité statistique du secteur :

 retravailler avec les acteurs concernés la table de concordance afin de préciser certains codes, ce qui permettrait d’obtenir des statistiques plus fiables sur les métiers d’art et du patrimoine vivant et d’améliorer la visibilité de ces savoir‑faire au sein de leurs filières ;

 faire officialiser cette table de concordance par la tutelle afin que tous les services instructeurs puissent en prendre connaissance et s’appuyer sur cette référence ;

 au sujet de la prochaine mise en place d’un registre unique des entreprises, établir une section spécifique de tous les professionnels des métiers d’art (artisans ou non) afin de pouvoir les identifier dans leur ensemble ;

 définir des modalités d’inscription de tous les professionnels des métiers d’art à la section spécifique au sein du registre général (déclaratif, volontaire, obligatoire, évolution des métiers, mais aussi des supports juridiques et rattrapage/mise à jour d’inscription en fonction de l’évolution des activités …).

Proposition n° 2 : Retravailler la table de concordance entre les métiers d’art et les codes NAFA afin de préciser certains codes, et faire officialiser cette table de concordance par les tutelles afin que tous les services instructeurs puissent en prendre connaissance et s’appuyer sur cette référence.

b.   En sortie de crise, de nombreux métiers sont confrontés à de vives tensions de recrutement, qui obèrent leur capacité à répondre à la demande

Les métiers d’art, parce qu’ils sont des métiers de niche, sont structurellement confrontés à des tensions sur le recrutement.

Ces difficultés semblent significativement accrues par la crise, en raison de la reprise économique notamment dans les secteurs de l’ameublement décoration, l’ébénisterie, la joaillerie et plus largement l’ensemble des métiers du luxe et de l’excellence. D’après l’UFBJOPP, l’ensemble des ateliers font part de vives tensions sur les recrutements. Ces tensions se ressentent notamment sur les métiers de sertisseurs, de polisseurs, et de joailliers.

c.   Un insuffisant recours aux nouvelles technologies : quand « l’illectronisme » menace le développement et la survie d’une activité

La crise a notamment révélé une insertion insuffisante des entreprises relevant des métiers d’art dans la transition numérique. À cet égard, la DGCA a évoqué un phénomène d’« illectronisme » de certaines entreprises des métiers d’art, très peu présentes sur internet et les réseaux sociaux, et n’ayant pour ainsi dire pas développé des canaux de vente numériques.

2.   La crise sanitaire a également mis en lumière les forces du secteur

a.   Plus que jamais, la nécessité de rencontrer les artisans et les œuvres dans les foires et salons

La crise sanitaire a mis en exergue la grande dépendance des professionnels des métiers d’art aux foires et salons. L’annulation ou le report de la majorité de ces évènements traditionnels en 2020 et 2021 ont drastiquement réduit voire annihilé les sources de revenus de certains professionnels n’ayant pas mis en œuvre d’autre canaux de ventes de leur production. D’après une enquête menée par Ateliers d’art de France à l’automne 2020, 96 % des entreprises interrogées réalisent une partie de leur chiffre d’affaires lors des foires et salons, en moyenne à hauteur de 65 %.

L’ensemble des acteurs auditionnés par vos rapporteurs ont précisé que les salons des métiers d’art ont bien évidement un avenir. D’après la confédération française des métiers d’art (CFMA) : « Le besoin de rencontre en présentiel reste un moteur important, plus que le digital ! ». Ce besoin de rencontrer de nouveau les professionnels des métiers d’art sur les foires et salons s’est en effet fait fortement ressentir lors des premiers évènements réorganisés en 2021. Lors de l’édition 2021 de l’exposition De Main de Maître organisée à Paris par la CFMA du 3 au 6 septembre 2021, autant les exposants que le public ont répondu présents. Au total, 57 artisans d’art ont été présents pour cette édition qui a accueilli un peu plus de 1 000 visiteurs sur quatre jours. CFMA a précisé à vos rapporteurs que de grandes maisons du luxe comme Chanel ont visité l’exposition et ont proposé à certains exposants des offres de collaboration.

L’attractivité et les retombées économiques d’un salon majeur des métiers d’art : Résonance(s) Strasbourg

 

Le salon Résonance(s) Strasbourg a été créé en 2012, à l’initiative de la fédération des métiers d’art d’Alsace (FREMAA), pour des professionnels des métiers d’art exclusivement. Le salon permet au public de découvrir des objets de mobilier, bijoux, luminaires, arts graphiques, arts de la table etc. La ligne éditoriale est orientée vers la création contemporaine uniquement. Résonance(s) poursuit une haute ambition esthétique, à la fois dans le processus de sélection des exposants, mais aussi dans la scénographie du salon.

Chaque année, la direction du salon reçoit entre 350 et 400 candidatures, pour un espace disponible de 180 exposants au maximum. De nombreuses démonstrations sont organisées devant le public. Un invité d’honneur, un pays ou un professionnel de renom, ainsi qu’un métier d’art sont distingués. En novembre 2021, l’un des derniers maitres plisseurs en activité a été l’invité d’honneur du salon. Une exposition collective est traditionnellement organisée sur un thème, comme le nichoir en 2021. Le salon permet également de présenter des centres de formation aux métiers d’art, dans une perspective de recrutement.

Les retombées économiques du salon sont majeures. En 2019, le salon a accueilli près de 21 000 visiteurs. Ce public est un public fidèle, composé en majorité de catégories socio‑professionnelles supérieures, déjà sensibilisées aux métiers d’art. La même année, le salon avait accueilli 186 exposants, dont 12 % provenant de l’étranger proche. Les exposants ont réalisé plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires sur le salon, sans inclure les retombées économiques ultérieures et indirectes résultant de leur présence sur le salon. La moyenne des ventes directes par exposant est de 5 600 euros. Lors de l’édition de novembre 2021, la moyenne des ventes directes a augmenté, ce qui témoigne là encore d’un désir exacerbé du public métiers d’art de retrouver les professionnels sur les salons. Le chiffre d’affaires moyen par exposant est en augmentation constante depuis le lancement du salon en 2012.

D’après les données communiquées par la FREMAA, 97 % des exposants sont « satisfaits à très satisfaits » à l’issue du salon. 91 % souhaitent de nouveau candidater pour un stand lors de la prochaine édition. Chaque année, la direction table sur un renouvellement d’environ 30 % de ses exposants. L’entrée du salon est fixée à un tarif de huit euros pour le public. Le salon Résonance(s) a un budget de près de 320 000 euros, pour une superficie d’exposition de 6 200m2.

La FREMAA a indiqué que si la fréquentation s’est établie cette année à un niveau légèrement inférieur à celui des années antérieures, en raison de l’instauration du pass sanitaire, le chiffre d’affaires global réalisé sur le salon a augmenté. Ce constat justifierait donc la nécessité de maintenir un niveau de fréquentation du salon maîtrisé, afin de garantir un temps d’échange de qualité entre le public et les exposants, ce temps se révélant souvent propice aux ventes.

b.   Les valeurs des métiers d’art sont en phase avec les aspirations de nombreux citoyens : durabilité, consommation locale, retour aux belles matières.

Le travail pluriséculaire des artisans d’art est en adéquation avec les aspirations d’une part croissante de la population. Le travail de l’artisan d’art suppose le respect et la recherche des matières nobles souvent ancrées dans un bassin géographique de proximité. Le temps long du travail artisanal, la transmission intergénérationnelle de savoir-faire, et la durabilité des œuvres créées rencontrent la quête d’authenticité et de qualité de nombreux « consom’acteurs ». Cette recherche de qualité, de durabilité, et de singularité dans les pratiques de consommation se trouve renforcée au sortir de la crise sanitaire.

Les métiers d’art sont porteurs de sens. Parce qu’il s’inscrit pleinement dans les mutations des modes de consommation, l’artisanat d’art est plus que jamais un secteur d’avenir.

c.   La crise sanitaire a renforcé l’attention portée par les ménages français à l’aménagement de leurs intérieurs, ce qui a considérablement stimulé la demande adressée aux artisans d’art

Si dans un premier temps beaucoup d’artisans d’art issus des secteurs de l’ameublement, de l’ébénisterie ou de la décoration ont pâti de la crise sanitaire (interruption des chantiers et des livraisons lors du premier confinement au printemps 2020), l’installation dans la durée de la crise leur a globalement profité. Vos rapporteurs ont à cet égard auditionné le centre de formation des apprentis « La bonne graine », situé faubourg Saint-Antoine à Paris, quartier qui abrite la grande tradition ébéniste française depuis le XVIIIème siècle. D’après la direction du CFA spécialisé dans l’ameublement, l’accroissement du temps passé « chez soi » en télétravail a renforcé le souci des Français de disposer d’un intérieur confortable, pratique et esthétique. La demande adressée aux artisans d’art en a été considérablement renforcée, dans un contexte de renchérissement du coût des matières premières.

D’après les premières enquêtes réalisées sur le sujet en 2021, la hausse des dépenses médianes consacrées aux travaux intérieurs a été de 50 % en 2020. Cette tendance semble structurelle et devrait se poursuivre. Ainsi, pour une économiste travaillant pour le site internet d’aménagement intérieur Houzz, « La crise sanitaire a tout d’abord inquiété les acteurs de la rénovation dans le résidentiel. Il s’avère en réalité que les propriétaires ont été nombreux à disposer des fonds et du temps nécessaire à la réalisation de leurs projets prévus de longue date. Ces projets, en attente depuis longtemps, et l’importance qu’ont pris les intérieurs dans la conscience collective permettent aux propriétaires de continuer à investir dans leur résidence actuelle. ».

D’après une étude Sociovison réalisée pour Le Meuble Français au mois de mars 2021, 40 % des Français ont fait des travaux dans leur résidence principale entre mars 2020 et mars 2021 : travaux d’appoint ou de second œuvre (35 %) pour 550 euros en moyenne, et de gros-œuvre (7 %) pour 987 euros. Les résidences secondaires ont également été concernées (5 %), avec un budget moyen de 3 543 euros ([19]).

Cet accroissement de l’intérêt porté au bien-être intérieur se traduit, pour le CFA « La bonne graine », par une hausse sensible des effectifs d’étudiants.

De manière générale, ce sont les ventes de l’ensemble des métiers de la décoration et des arts de la table qui ont augmenté significativement depuis la crise sanitaire.

3.   La crise sert de catalyseur à certaines tendances de fond

a.   Un secteur de plus en plus attractif

i.   La crise amplifie les reconversions professionnelles dans le secteur.

Le secteur de l’artisanat est un secteur attractif, qui attire de nombreux adultes en reconversion professionnelle. Ce phénomène semble s’accentuer depuis la crise sanitaire. D’après Joël Fourny, président de CMA France, environ 1 créateur d’entreprise artisanal sur 3 provient d’un autre univers professionnel, avec probablement 15 % d’anciens cadres ou professions libérales issues de moyennes et grandes entreprises. L’année 2020 s’est traduite dans le monde de l’artisanat par un record de créations d’entreprises, avec 848 200 créations, notamment d’entreprises individuelles, soit 4 % de plus qu’en 2019 ([20]).

Au sein de l’artisanat, les métiers d’art sont directement concernés par l’accroissement des effectifs de reconvertis. Au CFA « La bonne graine », la moyenne d’âge des reconvertis est de 43,6 ans. L’effectif total des étudiants est constitué à 80 % par des apprentis en formation initiale, et à 20 % par des effectifs en reconversion. Les apprenants en reconversion sont principalement des diplômés de l’enseignement supérieur. Ce phénomène a été documenté par des sociologues et universitaires, telles qu’Anne Jourdain ([21]) ou Caroline Mazaud ([22]). D’après leurs travaux, plus de 63 % des nouveaux professionnels seraient des reconvertis, dont une majorité de femmes (57 %). La crise renforce cette tendance. Pour le directeur du CFA, « une part grandissante de personnes bénéficiant de plans de départs volontaires de leurs entreprises » s’oriente vers des reconversions professionnelles dans le secteur.

ii.   Le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris constitue une occasion unique de revaloriser les métiers d’art.

Par ailleurs, des évènements récents, comme l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris et le chantier de restauration subséquent, semblent susciter également un regain d’intérêt pour le secteur des métiers d’art. Lors de l’édition 2021 des journées européennes du patrimoine, un « village des métiers » a été installé sur le parvis de la cathédrale, afin de favoriser la rencontre entre le public et des professionnels impliqués dans le chantier de restauration, dont de nombreux métiers d’art (restaurateurs de sculptures pierre et métal, restaurateurs de peintures murales, facteurs d’orgues). Le lancement d’une campagne de soutien aux métiers d’art et du patrimoine a également été annoncé à l’occasion des journées européennes du patrimoine par l’institut supérieur des métiers et l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale, sous le patronage du ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. Son objectif est « d’apporter un soutien exceptionnel aux actions de valorisation des métiers d’art et du patrimoine mobilisés sur le chantier pour rebâtir la cathédrale (…) ce chantier étant une occasion unique de promouvoir et de valoriser auprès du grand public, et en particulier des jeunes, l’ensemble des métiers d’art et du patrimoine qui œuvrent à la renaissance de la cathédrale ».

D’un montant global de 4,8 millions d’euros, cette campagne devrait poursuivre trois objectifs principaux :

– tout d’abord la programmation d’évènements culturels : expositions, manifestations et création d’outils de médiation tels que des mallettes pédagogiques, des ateliers et des « fiches métiers » ;

– l’information du public et la communication ensuite, notamment grâce à la production et la publication en ligne de vidéos valorisant les métiers à l’œuvre ;

– enfin, des actions en faveur de l’apprentissage et de la formation, en favorisant sur le chantier la présence d’apprentis et de personnes éloignées de l’emploi.

Plus généralement, les synergies entre des événements notables et les métiers d’art sont bénéfiques à la visibilité de l’artisanat d’art. On peut notamment citer dans le domaine gastronomique le prix remporté par l’équipe française concourant à la finale européenne du Bocuse d’Or en 2021 pour le « meilleur plateau », lequel avait été réalisé par des artisans d’art français (Bernard Frizza MOF bronzier d’art, Manon Bouvier MOF en marqueterie de paille, Maxime Lacroix, menuisier ébéniste, Claire Pirollet, artisane d’art en bijouterie avec les concours de l’atelier Dubarry (Feuille d’argent) et de l’atelier Vercadi (Laque). Vitrines de l’excellence française, les concours gastronomiques permettent de mettre en lumière les métiers d’art liés notamment, mais pas exclusivement, aux arts de la table. La victoire française à la finale mondiale de ce même concours en septembre 2021 pourrait susciter un regain d’intérêt vers tous les métiers qui y sont associés. À ce titre, il conviendrait d’intégrer une prise en considération des métiers d’art dans une logique collaborative au sein du nouveau centre d’excellence de la gastronomie annoncé par le Président de la République.

iii.   Au sortir de la crise, des effectifs d’apprentis de plus en plus importants

Le regain d’attractivité en faveur des métiers d’art se traduit également par une croissance des effectifs en apprentissage dans ces métiers.

D’après les Compagnons du devoir, auditionnés par vos rapporteurs, « l’exercice d’un métier concret et utile répond à la quête de sens qui motive les membres de la génération Z, tout comme l’appartenance à une communauté soudée partageant des valeurs fortes et faisant de chacun l’héritier de ceux qui l’ont précédé ». Un constat corroboré devant vos rapporteurs par Patrick Toulmet, délégué interministériel chargé du développement de l’apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les effectifs d’apprentis dans les diplômes menant à des métiers d’art sont passés de 39 000 en 2017 à 47 800 en 2020, soit une augmentation de près de 20 % en quatre ans. D’après le délégué interministériel, cette progression est notable, mais inférieure à celle des effectifs d’apprentis dans leur ensemble, qui ont augmenté de près de 45 % sur la même période.

L’évolution des effectifs d’apprentis dans les diplômes des métiers d’art
et sur l’ensemble entre 2017 et 2020 (base 100 en 2017)

b.   Le recours croissant au numérique : production, communication, et canal de vente

L’ensemble des acteurs rencontrés convergent sur le fait qu’une dynamique de numérisation du secteur des métiers d’art était déjà en cours avant la crise sanitaire. La DGE a notamment souligné que des pôles d’innovation pour l’artisanat (PIA) spécialisés dans les métiers d’art (CERFAV, ITEMM) travaillent depuis un certain temps sur la numérisation des modalités de transmission des savoir-faire et des modes de production. Toutefois, la crise sanitaire a joué un effet d’accélérateur sur ces mutations.

La transition numérique de l’activité des entreprises des métiers d’art et du patrimoine vivant opère sur les trois leviers suivants :

– les outils numériques de communication et de commercialisation :

La crise sanitaire a pu avoir un effet accélérateur sur le développement de canaux de distribution numériques pour pallier l’annulation de salons, aidé en cela par les dispositifs du plan de relance (chèque numérique de 500 €, actions de formations-actions). Des initiatives de développement de plateformes d’intermédiation entre professionnels des métiers d’art, donneurs d’ordre, designer et clients se développent, mais sont encore très fragiles. Les donneurs d’ordre ont de plus en plus l’opportunité d’identifier des professionnels par d’autres biais, comme celui des réseaux sociaux. Il est important de sensibiliser les professionnels des métiers d’art à ces nouvelles méthodes d’approche. L’enjeu de la visibilité est en effet particulièrement fort pour ce secteur. La numérisation peut être un accélérateur de notoriété en permettant un accès beaucoup plus large et démocratisé à davantage de donneurs d’ordre et de clients partout sur le territoire et à l’étranger.

Toutefois, les retours d’expérience post-crise sur l’opportunité pour les artisans d’art de développer des canaux numériques de vente sont mitigés.

Une étude réalisée par l’observatoire FRANCÉCLAT indique que pour le marché de la bijouterie-joaillerie-horlogerie en France, la vente à distance a montré des résultats positifs. Ainsi, sur l’année 2020, la vente à distance est en augmentation de 25 % par rapport à 2019. Pour les trois premiers trimestres 2021, les ventes sont stables par rapport à 2020 et affichent une augmentation moyenne de 3 %. ». Par ailleurs, plus les entreprises sont orientées vers l’export, plus la mobilisation des outils numériques est intéressante, afin de conquérir de nouveaux marchés et clients. Cela vaut notamment pour les entreprises du luxe, réunies dans le comité Colbert. Ainsi, le comité a lancé dernièrement un programme sur WeChat ([23]), le site de micro˗blogging chinois, afin de capter l’attention de la génération Z et d’éduquer les consommateurs chinois au goût français.

Pour d’autres secteurs des métiers d’art en revanche, les canaux numériques de vente en ligne s’avèrent délicats à mettre en place, comme pour la couture sur mesure. Une représentante du secteur auditionnée dans le cadre de l’audition de la CFMA concède : « Concernant notre secteur le numérique ne peut être envisagé car faute de clients, et il ne peut pas remplacer le contact direct, l’artisan a besoin du lien avec son client ! ».

Dans l’ensemble des métiers d’art, la vente en ligne reste encore très minoritaire dans le chiffre d’affaires principal, même si on note aujourd’hui une progression de l’ordre de 10 % en moyenne. La CFMA a insisté sur le fait qu’il « faut cependant garder à l’esprit que la plupart des métiers sont mal ou très peu connus par le public, il faudrait faire connaître davantage ces métiers pour avoir une nouvelle clientèle. »

La CMA de la Charente a relayé auprès de vos rapporteurs la contribution écrite d’une artisane d’art restauratrice de tableaux, qui illustre parfaitement la nécessité pour les métiers d’art de se doter d’outils de vente en ligne, tout en étant conscients des limites d’une stratégie de développement des canaux numériques de vente : « Je vais finir par faire mon site internet, le site sera une vitrine simple (…) Mais au-delà de cela je reste sur l’idée que pour acheter il faut voir un objet. En tout cas mon travail en verre églomisé est difficile à représenter en photo, car il y a trop de détails liés au reflet de l’effet miroir, aux nuances des couleurs de dorure, à la brillance du verre et à sa transparence, aux nuances de matité et de brillance… Bref, vendre un objet avec autant de subtilité par le biais d’un site n’est pas une bonne solution, ce n’est même clairement pas le plus vendeur. (…). En ce qui me concerne, le plus intéressant reste les salons à visée internationale, ou alors des agents qui pourraient promouvoir mon travail. Le site internet n’est qu’une vitrine.» ;

– Les outils numériques de conception et de production :

Ces outils sont aujourd’hui particulièrement bien intégrés dans certaines filières comme la joaillerie (techniques de modélisation en 3 dimensions et conception assistée par ordinateur). En réalité, leur intégration progressive est en cours dans la plupart des domaines (mode, ameublement, patrimoine). Leur place au sein des cursus de formation initiale ou même continue reste néanmoins encore insuffisante, voire inexistante. D’après l’INMA, « des tensions existent encore et perdureront longtemps entre la place accordée au travail de la main et au travail de la machine. Les gains de temps et de matières premières sont indéniables dans bien des cas, et peuvent permettre de passer plus de temps sur les étapes de fabrication où la valeur ajoutée du geste manuel est la plus forte. Les investissements nécessaires à l’intégration, la formation et la maintenance de ces outils restent néanmoins peu accessibles pour de nombreuses entreprises. La question de la mutualisation des outils, des moyens de formation et de maintenance se pose avec une acuité particulière » ;

– L’analyse et le partage des données induites par la numérisation :

Qu’il s’agisse d’affiner la connaissance des clientèles ou des procédés de production, d’assurer un meilleur suivi des filières d’approvisionnement, de production, de commercialisation et d’usage des objets, les données issues de la numérisation des activités doivent permettre aux entreprises d’optimiser leurs efforts. D’après l’INMA, « L’expertise, les outils, les infrastructures et l’expérience manquent aujourd’hui indubitablement dans un domaine amené à se développer fortement dans les deux prochaines décennies.».

Dans le cadre du plan France Relance, CMA France propose depuis décembre 2020 un dispositif d’accompagnement des TPE dans leur transformation numérique au quotidien. Dans ce cadre, 2 500 très petites entreprises (TPE) des métiers d’art ont bénéficié d’un diagnostic numérique sur les 10 000 entreprises parties prenantes de l’opération démarrée en décembre 2020. En sus, près de 113 TPE des métiers d’art ont bénéficié d’un accompagnement numérique sur les 550 entreprises accompagnées depuis juillet 2021. D’après CMA France, il s’agit dans l’ensemble d’entreprises assez jeunes (moins de 2 ans), sans salarié, sous statut d’entreprise individuelle. À la suite des diagnostics et de l’accompagnement numérique, des solutions pérennes sont proposées aux entreprises participantes, afin de mieux s’approprier les outils numériques.

En complément, le réseau consulaire des chambres des métiers et de l’artisanat a lancé, à la suite de la crise sanitaire, des études sur les places de marché (« market place ») adaptées pour à la fois valoriser les métiers d’art et pour permettre d’accroître le volume des ventes en ligne. Les sites en cours d’étude, de développement ou d’ores et déjà déployés, sont très variés : à titre d’exemple : la plateforme www.artiboutik.fr pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la plateforme du carrousel des métiers d’art, la boutique en ligne du salon de l’artisanat d’art du Val de Marne ou encore la plateforme « Monartisan91 » pour la région Île- de-France. Globalement, CMA France « constate que l’adhésion à des sites dédiés est encore timorée et pour ceux qui ont franchi le pas, les volumes vendus directement à partir des plateformes dédiées sont également limités. En complément, beaucoup de professionnels des métiers d’art ne souhaitent pas exposer leurs créations en ligne, par crainte d’être copiés. »

c.    La nécessité de s’emparer des enjeux durables et la revalorisation du « Fabriqué en France »

i.   La revalorisation du « Fabriqué en France » profite aux métiers d’art et d’excellence

La crise sanitaire donne lieu à une réflexion majeure sur la question de la souveraineté économique de la Nation, et la nécessité de relocaliser des savoir‑faire stratégiques délocalisés à l’étranger. Cette question se pose notamment pour les plus grandes entreprises des métiers d’art et les métiers du luxe.

D’après le comité Colbert, dans la très grande majorité des cas, la production des maisons françaises du luxe est réalisée en France. Toutefois, pour certaines catégories de produits, les maisons se sont implantées à l’étranger, « là où les savoir-faire sont les mieux maîtrisés et l’écosystème le plus riche : horlogerie en Suisse par exemple, ou maroquinerie en Italie.  En réalité, il n’y a pas de logique de relocalisation car l’industrie du luxe n’est jamais vraiment partie produire ailleurs. En revanche il y a actuellement une accélération des ouvertures de site en France en raison d’une bonne dynamique du secteur, portée par une croissance des marchés à l’international. Les maisons du comité Colbert ont ouvert 20 sites français depuis 2015 et 9 sont en cours d’ouverture.» Ainsi, d’après les chiffres communiqués par le comité, entre 2010 et 2020, 10 maroquineries de la maison Hermès ont été inaugurées en France. Ces ouvertures se seraient traduites par plus de 2 500 emplois qualifiés et pérennes créés sur le territoire national. Par ailleurs, « Hermès doit encore ouvrir 2 maroquineries en 2021, et 3 projets sont en cours, en Normandie, en Auvergne et dans les Ardennes. Dans la région lyonnaise, un ambitieux programme de renforcement des activités de production de la filière soie et textile sera finalisé en 2022, avec 120 emplois supplémentaires à terme. »

ii.   La nécessité pour les métiers d’art et d’excellence de s’engager vers toujours plus de responsabilité sociale et environnementale

Les métiers d’art et d’excellence doivent accélérer leur engagement en faveur d’une responsabilité sociale et environnementale, qui figure déjà dans l’ADN du secteur. Les valeurs portées par le développement durable sont, en effet, inhérentes aux métiers d’art : respect du créateur et de la transmission des savoir‑faire, qualité et pérennité des produits, préservation des matières premières, vision entrepreneuriale inscrite dans le temps long, et subtil équilibre entre répétition à l’infini d’un geste ancestral et innovation technique.

Les maisons du comité Colbert ont établi dès 2011 un référentiel commun de valeurs et d’objectifs de responsabilité sociale. Quatre valeurs intrinsèques ont été définies (esthétique, exigence, pérennité, respect), prolongées par 15 pistes visant à mettre en place une dynamique de progrès et ont été classées selon les objectifs de développement durable (ODD) définis par les Nations Unies ([24]).

L’ensemble des objectifs précédemment mentionnés : transition numérique, écologique, et densification du tissu industriel local des métiers d’art sont au cœur de la stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives mise en place dans le cadre du plan France Relance. Les professionnels des métiers d’art peuvent en bénéficier dans le cadre d’appels à projets sur les années 2021 et 2022 puis en 2023 et en 2025. Un budget de 122 M€ est consacré au déploiement de ces axes. À cet égard, vos rapporteurs saluent l’annonce qui leur a été faite par la ministre de la culture du lancement prochain par la banque publique d’investissement (Bpifrance) d’un accélérateur « métiers d’art ». Cet accélérateur serait financé à hauteur de 1,3 million d’euros. Le projet devrait concerner 25 entreprises du secteur, pendant un délai de 18 mois.

Proposition n° 3 : Inviter les entreprises du secteur métiers d’art à accélérer leurs transitions numériques et environnementales en candidatant aux appels à projets 2022, 2023 et 2025 de la stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives.

d.   Un modèle d’insertion par les métiers d’art à la faveur de la crise migratoire : la Fabrique nomade.

Vos rapporteurs ont rencontré la fondatrice de l’association La Fabrique nomade, une association fondée en 2016 afin de valoriser et favoriser l’insertion professionnelle des artisans d’art migrants et réfugiés en France.

La réussite de cette association, créée à la faveur de la crise migratoire, démontre le potentiel économique et sociétal des métiers d’art : en valorisant les compétences initiales des artisans d’art réfugiés, les métiers d’art peuvent constituer un modèle d’insertion unique par les compétences tout en répondant à un besoin de main d’œuvre urgent dans certaines filières.

 

 

 

 

 

 

Un modèle d’insertion par les métiers d’art : La fabrique nomade

La fondatrice de l’association La fabrique nomade a créé son association en partant du constat que la migration entraînait souvent une perte des compétences initiales pour les artisans d’art réfugiés, ainsi qu’un sentiment profond de déclassement et d’inutilité sociale. En parallèle, dans de nombreux métiers d’art en France, la main d’œuvre qualifiée manque. Cela est notamment le cas dans les métiers de la couture, dans lesquels près de 8 000 postes ne sont pas pourvus, faute d’adéquation entre l’offre et la demande de travail. Or, près de 50 % des savoir-faire détenus par les artisans d’art réfugiés en France sont des savoir-faire couturiers.

Afin de rendre possible cette passerelle entre besoins des employeurs français et désirs professionnels des artisans réfugiés, la fabrique nomade propose aux artisans réfugiés une formation certifiante en neuf mois, qui va leur permettre d’acquérir des compétences transversales : travail dans un atelier, règles de sécurité, fonctionnement, exigences qualité demandées dans les entreprises. Dans le domaine de la couture, l’ensemble des grandes maisons forment leurs employés en 18 mois en moyenne. La fabrique nomade propose des formations d’un an à ses artisans, qui bénéficient déjà de plusieurs années d’expérience dans leur pays d’origine.

L’association a installé en son sein un atelier d’insertion, conventionné par l’État. Des grandes maisons du luxe ou des Entreprises du patrimoine vivant comme LVMH ou Le slip français ont développé des partenariats avec l’association. Les partenariats impliquent du mécénat de compétences, des financements, un soutien à l’insertion professionnelle, des lancements de collections capsules communes.

Les premiers retours chiffrés relatifs à l’insertion professionnelle des artisans d’art réfugiés sont éloquents : leur insertion professionnelle est réussie pour 76 % d’entre eux, alors que le taux d’insertion moyen des réfugiés est compris entre 40 et 50 % (hors secteur métiers d’art). La majorité des réfugiés trouvent un emploi salarié, et 24 % parviennent à créer leur entreprise. Si la fondatrice de l’association reconnaît qu’il « reste encore un gros travail à faire pour favoriser l’insertion professionnelle des artisans d’art réfugiés dans les maisons du luxe », beaucoup de sensibilisation a été faite en lien avec les services des ressources humaines de ces entreprises. Dernièrement, une couturière iranienne a été recrutée en CDI par la maison Dior.

L’association va bientôt disposer de son propre atelier de fabrication, de confection textile et métiers d’art. L’association sera installée au cœur d’un plateau technique de 300 m2 aux côtés d’autres structures de l’économie sociale et solidaire à Paris.


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III.   Afin de garantir le rayonnement du secteur, les pouvoirs publics doivent renforcer leur soutien AUX MÉTIERS D’ART à travers un programme d’actions multidimensionnel

A.   Construire une véritable politique publique en faveur des métiers d’art implique de pouvoir compter sur une tête de réseau aux pouvoirs consolidés et des relais nationaux et territoriaux puissants

1.   La réorganisation de l’INMA doit être accélérée et achevée, afin de transformer l’INMA en véritable « bras armé » des métiers d’art

Le rayonnement des métiers d’art et du patrimoine vivant en France suppose l’existence d’un opérateur étatique fort chargé de la conception et de l’exécution de la politique publique des métiers d’art. Vos rapporteurs sont convaincus du fait que l’actuel INMA doit devenir ce « bras armé » de l’État en faveur des métiers d’art. Toutefois, l’INMA n’a actuellement pas les moyens de cette ambition.

a.   Une réorganisation de l’INMA toujours en cours

Dans son précédent rapport « France, métiers d’excellence », votre rapporteur appelait à une réorganisation de l’INMA, via une absorption des compétences de l’institut supérieur des métiers au sein d’une entité unique prenant la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Le modèle d’Atout France, opérateur de l’État dans le domaine du tourisme, créé sous la forme d’un GIE par la loi n° 2009-888 de développement et de modernisation des services publics, avait été évoqué. Si cette préconisation a été partiellement mise en œuvre aujourd’hui, ce dont vos rapporteurs se félicitent, force est de constater que la réforme de l’INMA est encore « au milieu du gué ».

En effet, il y a bien eu création d’une nouvelle structure, issue de la fusion de l’Institut national des métiers d’art (INMA) et de certaines compétences de l’Institut supérieur des métiers (ISM). L’INMA pilote à présent le label « Entreprise du patrimoine vivant » qui était auparavant géré par l’ISM. Mais l’INMA est aujourd’hui une association reconnue d’utilité publique, et ne constitue toujours pas un GIE. Les avantages du statut de GIE sont nombreux, ainsi que le soulignait votre rapporteur dans son précédent rapport : « La création d’un groupement d’intérêt économique est avant tout un moyen d’affirmer l’ambition de l’État pour le secteur des métiers d’art et du patrimoine vivant en créant une plateforme d’échange permettant des interactions permanentes avec une pluralité d’acteurs : ministères, fédérations, collectivités, syndicats, associations, élus et entreprises. En outre, l’intérêt du GIE est de pouvoir organiser dans une seule structure des missions de service public au profit des métiers d’art et du patrimoine vivant, avec des activités relevant du champ concurrentiel. »

Actuellement, les statuts de l’INMA sont encore en cours de discussion. Ils ont pourtant été déposés en 2019 auprès du ministère de l’intérieur, afin de créer une nouvelle entité dont l’appellation envisagée était « Agence française des métiers d’art et du patrimoine vivant ». Des discussions sont actuellement en cours entre le ministère de l’intérieur, de l’économie et des finances et de la culture afin de faire aboutir les nouveaux statuts. Des désaccords interministériels sur le changement de statuts de l’INMA, son appellation, et, au final, son ambition, ont considérablement ralenti la réorganisation en cours de l’association.

Auditionnés par vos rapporteurs, le président et la directrice générale de l’INMA ont détaillé l’état d’avancement de la réorganisation de la future « Agence française des métiers d’art et du patrimoine vivant ». Depuis le changement de direction en 2019 et le dépôt des nouveaux statuts, l’INMA a transformé son mode de gestion administrative et financière, mis en œuvre une stratégie de rationalisation de ses dépenses tout en menant ses activités de promotion des métiers d’art, de transmission des savoir-faire et en pilotant la gestion du label « Entreprise du patrimoine vivant ». Il devrait changer de dénomination durant l’année 2022 et développer ses ressources propres via le déploiement de prestations de services, tout en poursuivant l’optimisation de son coût de fonctionnement.

Afin de rationaliser ses coûts de fonctionnement, l’INMA a déménagé ses locaux au début de l’année 2022. La superficie des nouveaux bureaux de l’INMA, situés dans le deuxième arrondissement de Paris, sera de 417 m2, dont 100 m2 sous‑loués à un partenaire, tandis que les anciens locaux situés au Viaduc des Arts, près de la Bastille, affichaient une superficie de 800 m2 mais étaient devenus « vétustes et inadaptés ». Cette opération de déménagement signifie pour l’INMA une économie annuelle de 60 000 euros sur le loyer et les charges afférentes.

L’INMA a pour objectif de « devenir un acteur incontournable tout au long de la chaîne de valeurs des métiers d’art et du patrimoine vivant et l’interlocuteur de référence sur tous les sujets concernant les savoir-faire français. Pour ce faire, ses communications et ses prises de parole dans les médias doivent être plus régulières et présenter des actions concrètes bénéfiques à tout l’écosystème. »

L’INMA entend porter les grandes réflexions et sujets du secteur, grâce à son pôle ressources et intelligence économique, qui œuvre à centraliser, structurer et analyser les données du secteur. D’après la direction de l’INMA, « une véritable recherche autour des métiers d’art et du patrimoine vivant commence à y être mise en œuvre ». Auprès du grand-public, l’INMA souhaite compléter son travail de valorisation des savoir-faire par de grandes campagnes de communication nationales, des formats contemporains comme la baladodiffusion (« podcast »), une communication digitale renforcée, et sensibiliser ainsi toujours plus à « la virtuosité d’une économie locale et raisonnée soutenue par un consommateur averti ».

Le travail de l’INMA auprès des scolaires s’inscrit également dans cette perspective, avec pour objectif d’encourager les vocations pour cultiver l’avenir du secteur et pérenniser les savoir-faire sur le territoire, via la transmission intergénérationnelle et la revalorisation du travail manuel d’excellence.

Le déploiement de cette nouvelle dynamique a tardé à se mettre en place, en raison notamment de la crise sanitaire. À l’été 2020 toutefois, l’INMA a lancé une grande campagne de communication afin de profiter de la présence des Français sur le territoire hexagonal pour leur faire découvrir le tourisme d’entreprise artisanal. À cette occasion, l’INMA a également lancé un grand concours photo sur le thème « L’art est la matière », afin d’éveiller la curiosité du public et de l’inviter à regarder avec un nouvel œil la matière environnante et les artisans qui la travaillent.

Enfin, des boutiques éphémères, baptisées « Excellent ! Les Pop’Up », ont été créées par l’INMA afin d’inciter les Français à acheter des produits fabriqués en France avant les fêtes. La première édition a eu lieu en 2020, en partie en présentiel et en partie en format digital.

Proposition n° 4 : Terminer la réorganisation de l’Institut national des métiers d’art en transformant l’association en groupement d’intérêt économique (GIE) afin d’en faire un véritable « bras armé de l’État » au service des métiers d’art.

b.   La mise en place d’un annuaire unique des métiers d’art géré par l’INMA

Un annuaire officiel des métiers d’art a été créé en 2007 par l’INMA, sous forme numérique. Cet annuaire répertorie plus de 4 000 entreprises artisanales des métiers d’art en France. Toutefois, cet outil est aujourd’hui devenu obsolète, incomplet, et inutilisé.

Vos rapporteurs plaident pour une réactualisation et une montée en gamme de l’annuaire de l’INMA, qui reste en effet une référence et un outil indispensable pour que les professionnels des métiers puissent se faire connaître, en France mais aussi à l’international. Il est le seul annuaire national spécifique aux métiers d’art et permettant à tous les professionnels de s’y inscrire, qu’ils soient adhérents ou non à l’INMA. En sus de filtres permettant une sélection par métier et localisation géographique, l’annuaire permet de valoriser les labels/titres ou distinctions éventuelles des entreprises ; Entreprise du patrimoine vivant, Meilleur ouvrier de France, maîtres d’art, lauréats du prix avenir métiers d’art. Il permet d’affiner également selon le type d’activité (création, tradition, restauration).

Si certaines chambres des métiers et de l’artisanat tiennent à jour des registres des métiers d’art, ces registres sont plus ou moins actualisés et pertinents selon les chambres. À titre d’exemple, la mission métiers d’art des Pays de la Loire dispose d’un référencement de 1 900 professionnels métiers d’art (tous les professionnels des métiers d’art, inscrits ou non au répertoire des métiers). Ces professionnels, une fois référencés, ont ensuite librement accès à un dispositif de présentation de leurs ateliers et/ou activités sur le site de la mission métiers d’art des Pays-de-la-Loire, à travers une fiche numérique dédiée qu’ils complètent. Il s’agit d’une démarche volontaire de leur part. Ce dispositif a été complété par un site annuaire consacré spécifiquement aux entreprises EPV ligériennes adhérentes de l’association régionale des EPV, partenaire de la mission métiers d’art des Pays de la Loire ([25]). L’INMA pourrait mener un travail conjoint d’actualisation de son annuaire en lien avec le réseau consulaire des chambres des métiers et de l’artisanat, en mutualisant les annuaires et les données déjà valorisées par certaines chambres.

Proposition n° 5 : Actualiser et moderniser l’annuaire des métiers d’art de l’INMA, en lien avec le réseau consulaire des chambres de métier et de l’artisanat et le porter au niveau européen.

c.   Donner davantage de visibilité et de légitimité au label « Entreprise du patrimoine vivant »

i.   Le label EPV, un soutien stratégique à l’excellence des savoir-faire français

Le label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) est une marque de reconnaissance de l’État, qui distingue les entreprises françaises aux savoirfaire artisanaux et industriels d’excellence. Le label a été créé par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Le label vise à valoriser les entreprises « détenant un patrimoine économique, composé en particulier d’un savoir-faire rare renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ». La loi a été mise en œuvre par le décret n° 2006-595 du 23 mai 2006 relatif à l’attribution du label « Entreprise du patrimoine vivant », lui-même modifié par le décret n° 2011-1091 du 9 septembre 2011, qui a rendu éligibles au label les entreprises du secteur alimentaire.

Les entreprises labellisées « Entreprises du Patrimoine Vivant » se caractérisent notamment par :

– la détention d’un patrimoine économique spécifique issu de l’expérience manufacturière ;

– la mise en œuvre d’un savoir-faire complexe et/ou rare reposant sur la maîtrise de techniques de haute technicité et/ou traditionnelles ;

– l’attachement à un territoire et une notoriété en France et/ou à l’international.

Le label est attribué pour 5 ans après une sélection rigoureuse des candidats.

Aujourd’hui, près de 1500 entreprises sont labellisées « Entreprises du patrimoine vivant ». En 2020, les 1 370 entreprises labellisées étaient actives dans 8 univers de marché différents, dont certains parmi les plus emblématiques de l’art de vivre et du fabriquer à la française : mode & beauté, ameublement et décoration, architecture et patrimoine bâti, arts de la table, gastronomie. Les entreprises du patrimoine vivant emploient près 68 384 personnes en 2020, pour un chiffre d’affaires cumulé de 15,4 milliards d’euros. Avec, en moyenne, un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros et un effectif de 50 personnes, le tissu des EPV est principalement composé de PME.

Le président de l’INMA a rappelé devant vos rapporteurs que « Bien souvent, ces entreprises occupent une position stratégique dans la chaîne de valeurs de leur filière d’activité. L’excellence et/ou l’unicité de leurs savoir-faire en font des acteurs incontournables de leur écosystème productif, disposant d’une reconnaissance particulière de leurs pairs et de leurs clients à travers le monde. Elles contribuent, et cela depuis de longues années, au maintien d’un tissu industriel, manufacturier et artisanal de haute technicité dans certains territoires où les taux d’emploi sont les moins élevés de France. Elles contribuent ainsi au maintien d’écosystèmes complets autour de ces savoir-faire (fournisseurs de matériaux, de machines, filières de formation, etc.). Ces deux premiers aspects prennent un sens particulier dans le contexte actuel de soutien à la réindustrialisation de la France. »

ii.   Les réformes récentes du label ne font pas l’unanimité parmi les professionnels des métiers d’art

La gestion du label EPV a évolué récemment, sous l’effet de plusieurs réformes successives ;

 en 2019, il a été décidé que la gestion du label EPV autrefois effectuée par l’institut supérieur des métiers (ISM) serait absorbée par l’INMA. D’après les chiffres communiqués par l’INMA, depuis 2020, ce sont près de 560 dossiers (260 en 2020 et 300 en 2021) qui ont été traités (dont 250 dossiers datant de la période 2018/2019). Avec la reprise de la promotion du label, la croissance du label EPV se poursuit : plus de 390 demandes de labellisation ont été déposées auprès de l’INMA en 2021, soit près de 100 de plus par rapport à l’année 2020.

Il convient de noter que les équipes gestionnaires du label EPV à l’ISM ont intégré l’INMA à la suite de cette réorganisation, à l’exception de la responsable du label EPV et d’une chef de projet. Les équipes EPV ont été renforcées avec l’arrivée de deux nouveaux chefs de projets et d’un alternant fin 2020/début 2021. Le transfert de compétences s’est donc effectué à moyens humains constants, et ce malgré la croissance soutenue du nombre de demandes de labellisation déposées.

– depuis deux ans, le Gouvernement a décidé de procéder à la déconcentration de certaines décisions administratives individuelles et de supprimer plusieurs commissions chargées de rendre des avis préalables. Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité insuffler une nouvelle dynamique aux politiques de soutien aux métiers d’art et du patrimoine vivant. Ces objectifs se sont traduits par :

● une déconcentration du label via son attribution par les préfets de région, et non plus par le ministre de l’économie, des finances et de la relance ;

● une simplification de la procédure avec la suppression de la commission nationale des entreprises du patrimoine vivant, la suppression des avis préalables des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et des chambres consulaires et la dématérialisation des candidatures par un téléservice accessible depuis le site internet de chaque préfecture de région ;

● une évolution des critères d’attribution du label EPV, et la mise en place d’une contribution financière des candidats au label. L’accent a davantage été mis sur les exigences en termes d’innovation, de numérisation, de transmission des savoir-faire et de responsabilité sociétale.

Pour bénéficier du label, les entreprises doivent maintenant répondre à au moins six des neuf critères de chacune des trois catégories suivantes (contre trois critères auparavant :

1. Critères indiquant la détention d’un patrimoine économique spécifique (et/ou) :

● L’entreprise possède des équipements, outillages, machines, modèles, documentations techniques rares ;

● l’entreprise détient des droits de propriété industrielle liés à ses produits, à ses services ou à ses équipements de production ;

● l’entreprise met en œuvre une démarche active de création ou d’innovation pouvant générer un réseau de clientèle significatif ;

2. Critères indiquant la détention d’un savoir-faire rare reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité (et/ou) :

● L’entreprise détient un savoir-faire spécifique, détenu par un petit nombre d’entreprises, contribuant de manière significative à sa valeur ajoutée produite ;

● l’entreprise forme en interne des salariés, notamment des apprentis, à des savoir-faire qui ne sont pas accessibles directement par des voies de formation habituelles ou concernant des petits flux de formation ;

● l’entreprise emploie un ou des salariés détenant collectivement un savoir‑faire d’excellence comportant une dimension créative ou d’innovation, justifié soit par des titres, des diplômes ou des récompenses de haut niveau, soit par une expérience professionnelle de durée significative leur permettant d’exécuter des travaux complexes ;

3. Critères indiquant l’implantation géographique, la notoriété de l’entreprise ou l’exercice d’une démarche de responsabilité sociétale (et/ou) :

● L’entreprise assure une production dans son bassin historique ou est installée dans sa localité actuelle depuis plus de cinquante ans ou est établie dans des locaux qui ont une valeur historique ou architecturale ;

● l’entreprise dispose d’un nom ou d’une marque notoire, notamment parce qu’elle bénéficie de distinctions nationales ou fait l’objet de publications de référence, ou parce qu’elle intervient sur des biens appartenant au patrimoine protégé au titre des monuments historiques ou sur des objets ou des meubles estampillés permettant de perpétuer un courant stylistique ou parce qu’elle fabrique des produits reflétant l’identité culturelle de son territoire ;

● l’entreprise mène une démarche de responsabilité sociétale à travers, par exemple, des actions de promotion de ses métiers auprès des jeunes publics ou une politique d’approvisionnement responsable privilégiant les circuits courts.

Les récentes réformes du label EPV ne font pas l’unanimité parmi les professionnels des métiers d’art. D’un côté, le réseau consulaire des chambres de métiers et de l’artisanat déplore de ne plus être une partie prenante du processus. CMA France, qui souligne que le label EPV reste un « label d’excellence », déplore la mauvaise identification territoriale et nationale des interlocuteurs opérationnels de la nouvelle procédure. Par ailleurs, d’après CMA France, aucune information n’aurait circulé sur le nombre d’entreprises labellisées depuis la mise en place du nouveau dispositif de labellisation en janvier 2020. Le réseau consulaire appelle à un renforcement des liens avec l’INMA dans la gestion du label.

Par ailleurs, la déconcentration de la procédure d’attribution du label au niveau des préfets de région cristallise les récriminations. En effet, depuis septembre 2020, les préfets de région doivent désigner un « référent régional EPV ». Or, d’après les données communiquées par l’INMA, après de nombreuses relances, 4 régions n’ont toujours pas désigné de référent régional EPV. En outre, l’INMA a indiqué à vos rapporteurs avoir observé un taux de rotation très important des référents, ce qui ne facilite pas la transmission des décisions. L’INMA, gestionnaire du label EPV, n’est pas toujours bien informé du départ des référents. À chaque nouvelle nomination, il convient de former le référent EPV sur la procédure. Cette déconcentration et cette démultiplication des interlocuteurs (18 référents EPV au total) ne simplifie pas la transmission des décisions aux entreprises. D’après le président de l’INMA, les délais d’attente pour obtenir la décision préfectorale d’attribution du label peuvent dépasser 6 mois en raison de ces « lourdeurs ». Les décisions d’attribution sont transmises grâce à un outil « démarches simplifiées » par les référents. Or, ces derniers ne maitriseraient pas cet outil. Par ailleurs, « démarches simplifiées » fait face à plusieurs dysfonctionnements (problèmes d’accès pour les référents EPV, erreur d’attribution des dossiers), qui complexifient d’autant plus la procédure d’attribution.

Surtout, de nombreuses entreprises regrettent que l’attribution ne soit plus effectuée par le ministre de l’économie et des finances. D’après elles, la signature du préfet aurait moins de poids à l’international, et diminuerait le prestige et la reconnaissance internationale du label. Vos rapporteurs ont entendu à de nombreuses reprises au cours de leurs auditions cet argument. L’ancien ministre des PME, du commerce et de l’artisanat Renaud Dutreil, fondateur du label EPV, s’est également ému devant vos rapporteurs de cette déconcentration de la procédure d’attribution du label, qui affaiblit durablement la crédibilité internationale des EPV.

Afin de pallier ces dysfonctionnements et de renforcer le prestige international du label, vos rapporteurs proposent de revenir sur la déconcentration du label EPV en confiant la signature d’attribution du label au Président de la République. Une délégation de signature au ministre chargé de l’économie serait prévue.

Proposition n° 6 : Recentraliser la procédure d’attribution du label Entreprise du patrimoine vivant, en proposant la signature du Président de la République afin de renforcer le prestige international du label. Rétablir la commission nationale des entreprises du patrimoine vivant.

iii.   Un label favorisant les « Industries du patrimoine vivant » au détriment des petits artisans ?

Il ressort des auditions que le label EPV est de plus en plus controversé parmi les acteurs des métiers d’art. « Label au bord du naufrage » pour le président de l’association nationale des meilleurs ouvriers de France, le label aurait « perdu de sa lisibilité » en absorbant de nombreuses entreprises industrielles et des entreprises issues du secteur de l’alimentation. Le label EPV favoriserait les grandes entreprises des métiers et du luxe, au détriment des petits ateliers artisanaux, qui ne se sentiraient plus représentés par le label.

Un constat que récuse le président de l’INMA, qui précise que seulement 4 % des EPV emploient plus de 250 salariés et 45 % des EPV ont un effectif compris entre 10 et 50 salariés : « Les microentreprises et les TPE sont donc représentées de façon plus importante qu’imaginé. Ces entreprises ayant moins de moyens, elles communiquent de façon plus discrète que les PME et ETI et sont donc sont moins visibles. En réalité, les TPE représentent près de 40 % des entreprises labellisées.» Afin de répondre à ces critiques, et à la demande de l’ancien ministre chargé des PME, la DGE a lancé un groupe de travail en septembre et octobre 2021 en vue de faire le bilan des critères en vigueur et le cas échéant de réviser ou de préciser les critères trop souples d’attribution du label. Une proposition sera faite au nouveau ministre qui tranchera l’opportunité de réviser les critères du label et la procédure d’attribution.

Conformément à une préconisation faite par votre rapporteur lors de son précédent rapport remis au Gouvernement, vos rapporteurs défendent l’idée de créer un nouveau label d’excellence, qui serait attribué aux professionnels des métiers d’art, travaillant seul ou à deux, maîtrisant un savoir- faire exceptionnel, respectant les critères de développement durable et la création de pièces uniques dont au moins 70 % est fabriqué en France, et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 80 000 euros. Il pourrait être attribué par le réseau consulaire des chambres des métiers et de l’artisanat. Ce label serait non éligible au label EPV, ce qui permettrait de distinguer l’excellence des artisans d’art exerçant en entreprises unipersonnelles, aujourd’hui minoritaires parmi les entreprises du patrimoine vivant. Ce nouveau label « Métiers d’art d’excellence » ouvrirait droit au bénéfice d’un crédit d’impôt métiers d’art élargi, les très petites entreprises ne bénéficiant actuellement pas ou que très peu du CIMA.

Proposition n° 7 : Créer un label « métiers d’art d’excellence » à destination des professionnels des métiers d’art travaillant seul ou à deux, reconnaissant un savoir-faire exceptionnel, une production locale, respectant des critères de développement durable et la création de pièces uniques dont au moins 70 % sont fabriquées en France.

d.   Renforcer la présence à l’international de l’INMA

Les métiers d’art font rayonner le savoir-faire français à l’international. L’INMA, bras armé de l’État, doit renforcer son action à l’international en faisant de la promotion des métiers d’art un levier du « soft power » français. Or, l’INMA n’a actuellement aucun budget lui permettant de mener une mission de rayonnement à l’international des métiers d’art.

Seules quelques actions ponctuelles sont aujourd’hui menées par l’INMA sur la scène internationale :

● sensibilisation des pays européens à l’importance de la valorisation de leurs métiers d’art et invitation à rejoindre l’évènement européen des journées européennes des métiers d’art. Depuis 2012, année de leur européanisation, les JEMA accueillent entre 15 et 20 pays européens partenaires ;

● réalisation d’études pour l’itinérance d’exposition INMA sur les hauts savoir-faire français à l’international ;

● analyse des fonds européens auxquels l’INMA serait éligible ;

● participation à la biennale Homo Faber à Venise avec des démonstrations de Maîtres d’art invités ;

● participation à une première exposition à Dubaï à l’occasion de l’exposition universelle 2020 ; une trentaine d’EPV ont été invitées sur place, tandis que deux voyages de prospections ont eu lieu. Dans ce cadre, des contacts ont été pris auprès des émiratis afin de les aider à valoriser leurs métiers d’art, tandis qu’un projet de coopération internationale est en cours de discussion avec l’ambassade française et l’Institut français sur place. Par ailleurs, d’après l’INMA, un projet d’exposition immersive sur les savoir-faire français serait également en discussion avec l’atelier des lumières de Dubaï.

Le président de l’INMA est « convaincu du rôle que pourrait jouer l’INMA pour faire rayonner les hauts savoir-faire français dans le cadre d’expositions, conférences et salons, mais également accompagner les professionnels à l’international et du rôle de facilitateur entre les professionnels et les organismes publics ou privés œuvrant dans les domaines couverts par notre champ d’actions. »

L’INMA estime à près de 150 000 euros annuels l’enveloppe nécessaire pour développer son action à l’international. Cette enveloppe permettrait de procéder à des recrutements, de financer des déplacements et enfin de renforcer le budget communication et projets à l’international. Une action interministérielle (concours des ministères chargés des affaires étrangères, du commerce extérieur, du tourisme, notamment) permettrait en parallèle d’amplifier les actions de promotion menées par l’INMA.

e.   Renforcer et pérenniser le financement public de l’INMA

Les missions de l’INMA n’ont eu de cesse de s’étoffer, avec l’intégration de la gestion du label EPV à moyens constants depuis 2019. Afin de devenir le véritable bras armé de l’État en faveur des métiers d’art, le financement public de l’INMA doit être accru.

Or, le budget actuel de l’INMA ne lui permettra pas d’avoir les moyens de cette ambition nouvelle, pourtant souhaitée par l’ensemble des acteurs de l’écosystème métiers d’art. En effet, l’INMA va faire face dans les prochaines années à une baisse importante de ses subventions publiques, qui passeront de 1,5 million d’euros en 2021 à 850 000 euros en 2024. Cette attrition des subventions s’explique en partie par le désengagement financier progressif du ministère de l’économie et des finances, qui réduira en 2022 sa subvention à l’INMA de 900 000 euros en 2021 à 800 000 euros en 2022. Le ministère de la culture restera constant dans son soutien en 2022, avec une subvention de 600 000 euros.

Afin de pallier la baisse des subventions, l’INMA doit accroître la part des financements privés dans son budget. Plusieurs canaux sont privilégiés :

 une stratégie mécénat renforcée : aujourd’hui, la fondation Bettencourt Schueller constitue le principal mécène de l’INMA, depuis 2002. La fondation soutient les JEMA pour un montant total de 2,93 millions d’euros. Or, vos rapporteurs insistent sur le fait que le réengagement financier des mécènes est bien souvent conditionné à la continuité du soutien public de l’État à l’INMA. Les subventions dont bénéficie l’INMA constituent une garantie importante d’engagement pour les mécènes. Si le budget public de l’INMA continue d’être réduit, le soutien infaillible des mécènes traditionnels pourrait ne plus être garanti ;

– la hausse du nombre d’adhérents de l’association : à l’arrivée de la nouvelle gouvernance en 2019, l’INMA ne comptait plus que 54 adhérents, contre 700 dans le passé ;

– le développement des activités privées de conseil, via Savoir-Faire conseils, filiale créée en mars 2021. La filiale proposera aux entreprises du secteur des services à « haute valeur ajoutée conçus pour vitaminer le développement économique des savoir-faire d’excellence française », réunis autour de quatre grandes thématiques : développement de projets à vocation commerciale, valorisation des savoir-faire et des métiers de l’entreprise, stratégie d’influence, de développement et de communication, optimisation et redéploiement des processus de production et de savoir-faire.

Si vos rapporteurs saluent les efforts déployés par l’INMA pour dégager de nouveaux financements privés, ils interpellent la tutelle sur la nécessité d’enrayer la dynamique actuelle de baisse des subventions. Il convient également de rappeler qu’il y avait 26 équivalents temps plein (ETP) à l’INMA en 2019. En 2021, il y a 19,4 équivalents temps plein (ETP), auxquels doivent être rajoutés trois apprentis et trois salariés en contrat à durée déterminée. L’ensemble de la réorganisation se fait donc à moyens réduits. Transformer l’INMA en un véritable bras armé de l’État au soutien des métiers d’art implique de renforcer, pérenniser et sanctuariser son financement public.

Proposition n° 8 : Renforcer et sanctuariser le budget de l’INMA, en revenant sur les baisses de subventions programmées. Prévoir une enveloppe annuelle de 150 000 euros dans le budget afin de développer les actions à l’international.

2.   Les établissements publics que sont la Manufacture de Sèvres et le Mobilier national doivent être des fers de lance de l’engagement de l’État au service des métiers d’art

La Manufactures de Sèvres et le Mobilier national s’inscrivent dans la longue histoire jacobine du rayonnement des métiers d’art français.

Colbert, qui fut le principal ministre d’État de Louis XIV de 1661 jusqu’à sa mort en 1683, fut en effet à l’origine de la création de 25 manufactures nationales d’État. Ces manufactures, qu’elles soient dites « royales » (dont la production autorisée par le roi, pouvait à la fois être destinée à l’État mais aussi au marché privé), ou « de la couronne » (ne destinant leur production qu’à l’État), incarnèrent le rayonnement des savoir-faire français de la France dès le XVIIème siècle. Certaines de ces manufactures sont devenues des fleurons industriels comme Saint‑Gobain (ancienne manufacture royale des glaces de miroir) ou encore Baccarat.

Aujourd’hui, six sites accueillent encore des Manufactures nationales en activité. Cinq d’entre elles sont rattachées depuis 1937 au Mobilier national : les Manufactures nationales de la Savonnerie (créées en 1627) qui se trouvent à Paris et Lodève, la Manufacture de tapisserie des Gobelins (fondée en 1662) et de Beauvais (créée en 1664) ainsi que les ateliers conservatoires de la dentelle d’Alençon et du Puy-en-Velay (depuis 1976). La Manufacture nationale de Sèvres fut elle fondée en 1740 à Vincennes grâce au soutien de Louis XV et de Madame de Pompadour, afin notamment de concurrencer les porcelaines allemandes de Meissen. Transférée en 1756 à Sèvres, elle est devenue en 2010 la Cité de la céramique en fusionnant avec le musée national de céramique qui la jouxte, puis avec le musée national de la porcelaine de Limoges.

Les Manufactures poursuivent des missions traditionnelles de conservation, de restauration, de développement et de transmission des savoir-faire. Vos rapporteurs, qui ont réalisé deux déplacements de terrain à Sèvres et aux Gobelins, sont convaincus du rôle de fer de lance de l’engagement de l’État pour les métiers que doivent jouer les Manufactures. Pour ce faire, il était nécessaire que les statuts des deux Manufactures se modernisent afin d’accompagner leur nouvel essor.

a.   Le nouveau rayonnement du Mobilier national

Dans son précédent rapport, votre rapporteur avait appelé à la transformation des statuts du Mobilier national de service à compétence nationale en établissement public industriel et commercial (EPIC). Votre rapporteur salue la décision de l’État de suivre partiellement sa recommandation, en ayant acté au 1er janvier 2022 la transformation du Mobilier national en établissement public administratif. L’État dotera en 2022 le Mobilier national d’un effort financier inédit, qui traduit son ambition pour les métiers d’art : une hausse de 4,5 millions d’euros des subventions en 2022 et un plafond d’emplois majoré de 10 équivalents temps plein (ETP).

Auditionné par vos rapporteurs, le directeur du Mobilier national a affirmé que « la transformation en établissement public facilitera ainsi le développement de l’ensemble des projets portés par l’institution pour en faire un véritable opérateur de l’État en faveur du rayonnement des métiers d’art et tout particulièrement dans le domaine de la formation et de la transmission des savoirs. Le développement de sa stratégie de coédition et de licences de marques devrait enfin permettre de mieux faire connaître ses métiers et ses savoir-faire grâce à la diffusion de ses créations. ». En effet, le Mobilier national sollicite des designers pour concevoir des pièces d’ameublement dont il fait ensuite réaliser les prototypes par son atelier de recherche et création (ARC), atelier fondé en 1964 par le ministre de la culture de l’époque André Malraux. La stratégie de coédition et de licences de marque consiste à faire appel à un prestataire privé pour éditer et commercialiser auprès de tiers, et à grande échelle, ces œuvres prototypées, en lui permettant d’apposer la marque Mobilier national en même temps que la sienne, tandis que le Mobilier national se rémunère par une commission sur les ventes. Cette stratégie est d’autant plus bénéfique que l’institution peut également, par la suite, faire l’acquisition de certains exemplaires à prix réduit pour ses propres besoins d’ameublement, mission qu’il peine à accomplir actuellement. L’excellence des savoir-faire français gagnerait à rayonner bien au-delà des hauts lieux de notre République, notamment dans les grands rendez-vous internationaux consacrés au design (FIAC, Salons du meuble de Cologne, de Milan, exposition universelle de Dubaï, Zona Maco mexico, etc).

Vos rapporteurs encouragent le Mobilier national à soutenir via la commande publique le tissu des PME du secteur des métiers d’art, comme il l’a fait lors de la crise sanitaire en lançant deux campagnes inédites de restauration de ses collections. Pour ce faire, l’expérimentation de démarches innovantes comme celles du « groupement de prestataires », qui doit compter au moins un restaurateur du patrimoine et des artisans d’arts (EPV, Maîtres d’art, MOF), doit être favorisée.

Ainsi que le résume parfaitement le directeur du Mobilier national, « Les Manufactures d’État doivent être à la pointe des réponses nécessaires aux enjeux du XXIème siècle en matière de développement économique local, mais aussi en terme d’éco-responsabilité. » Aussi, des partenariats pourront être renforcés avec les collectivités territoriales, comme c’est déjà le cas pour Arles (laine) et avec le bassin d’emploi du pays d’Aubusson, pour la réalisation des tapisseries de la Commande du Danemark.

b.   La nécessité pour l’État de continuer à soutenir la transformation de la Manufacture de Sèvres

La Cité de la céramique de Sèvres a inspiré le Mobilier national dans sa transformation. À la fois conservatrice et restauratrice de la pure tradition des savoir-faire porcelainiers depuis 1756, la Manufacture de Sèvres s’est aussi imposée comme un lieu de création contemporaine, un laboratoire d’expérimentation, un lieu de formation et de rayonnement de la trentaine des métiers d’art qu’elle abrite en son sein. Aujourd’hui, plusieurs milliers de pièces sont produites chaque année dans la manufacture, attribuées pour une part aux grands corps de l’État (250 000 pièces de Sèvres sont disséminées dans les lieux officiels de la République en France et dans le monde), et pour l’autre, commercialisées dans les galeries à Sèvres et à Paris ou encore présentées à l’occasion de salons d’art tels que la FIAC, le Pavillon des Arts et du Design à Paris et à Londres ou la Brafa à Bruxelles. La Cité de la céramique prévoit de continuer sa transformation et son ouverture sur le monde en ouvrant une boutique en ligne à l’automne 2022.

Vos rapporteurs encouragent ces transformations qui vont dans le sens d’un rayonnement toujours croissant de l’excellence des savoir-faire de Sèvres. Toutefois, ils attirent l’attention de l’État et du ministère de la culture sur le nécessité d’accompagner budgétairement la Cité de la céramique dans sa nouvelle ambition. Lors d’un déplacement de terrain, votre rapporteur a pu constater la nécessité, pour la Manufacture, d’entreprendre très rapidement un vaste chantier de déménagement de ses archives et de ses réserves. Aujourd’hui, près de 50 000 pièces de Sèvres sont entreposées dans des réserves, alors que ces pièces pourraient être valorisées autrement (seulement 4 000 pièces sont exposées dans le musée). Près de 100 000 moules de Sèvres sont stockés dans des bâtiments d’archives, dans des conditions ne permettant pas d’assurer leur bonne conservation et traçabilité. Or, la bonne conservation de ces moules est une condition sine qua non de la préservation des savoir-faire historiques de l’ancienne manufacture royale. La direction de la Cité de la céramique souhaite pouvoir mener, à moyen terme, un projet de réorganisation complet des accrochages et des espaces du musée ainsi que de déménagement des archives. Ce projet permettrait de doter la Cité de la céramique de nouveaux espaces modernisés, avec notamment un auditorium, d’une programmation muséale enrichie, des expositions de plus grande ampleur, ou encore d’accueillir des conférences prestigieuses sur la céramique ou le public scolaire dans de meilleures conditions. L’aboutissement de ce projet permettrait de doter la Nation d’un second fer de lance de l’engagement de l’État pour les métiers d’art.

Dans cet objectif, vos rapporteurs interpellent l’État sur la nécessité d’accroître son effort financier en faveur de la Cité de la céramique.

Proposition n° 9 : Garantir le soutien financier de l’État à un vaste projet de réorganisation du musée de la Cité de la céramique et de ses archives, afin de transformer la Manufacture de Sèvres et le Mobilier national en fers de lance de l’État au soutien des métiers d’art.

c.   À terme, un rapprochement des deux institutions ?

Afin de donner encore davantage de moyens d’action et de rayonnement au Mobilier national et à la Cité de la céramique, le rapprochement des deux opérateurs culturels au sein d’une structure commune pourrait être envisagé.

3.   Des relais institutionnels des métiers d’art doivent irriguer les différents niveaux d’action de la puissance publique :

a.   La nécessité de créer un groupe d’études métiers d’art à l’Assemblée nationale

Ainsi que le résume parfaitement l’Assemblée nationale sur son site internet, « Les groupes d’études parlementaires sont des instances ouvertes à tous les députés et constituées pour approfondir et suivre des questions spécifiques, qu’elles soient de nature politique, économique, sociale ou internationale. Ces instances n’interviennent pas directement dans la procédure législative. Leur mission est d’assurer une veille juridique et technique sur des questions trop spécialisées pour faire l’objet d’un examen suivi par les commissions permanentes. »

Il existe un groupe d’études « Métiers d’art » au Sénat, dont la présidente a longtemps été Mme Catherine Dumas, sénatrice de Paris et auteure en 2009 d’un rapport majeur sur le secteur. Vos rapporteurs appellent de leurs vœux la création, lors de la prochaine législature, d’un groupe d’études exclusivement consacré aux métiers d’art et au patrimoine vivant à l’Assemblée nationale. Ce groupe d’études permettrait de favoriser un travail parlementaire de long terme sur le sujet, et d’ancrer durablement les métiers d’art dans le champ de réflexion et d’action du législateur français.

Proposition n° 10 : Créer un groupe d’études consacré aux métiers d’art et patrimoine vivant à l’Assemblée nationale.

b.   Le besoin de désigner un chargé de mission métiers d’art au moins dans chaque région

Votre rapporteur reprend à son compte la proposition n°14 de son précédent rapport. Les grandes régions, chargées du développement économique territorial et de la conception du schéma de développement économique, doivent s’emparer pleinement des enjeux des métiers d’art : enjeux de développement des filières, enjeux culturels, enjeux touristiques et enjeux sociétaux.

Aujourd’hui, le soutien des régions aux métiers d’art reste encore très inégal. Certaines régions, comme les régions Occitanie, Grand Est, ou Auvergne- Rhône- Alpes, mènent une politique active de soutien. Ainsi, la région Occitanie a mis en œuvre le « Pass métiers d’art Occitanie » qui a pour objectifs de maintenir et développer les métiers d’art et les savoir-faire locaux en soutenant avec réactivité les professionnels des métiers d’arts, ayant un projet de développement de moins de 40 000 €. L’aide accordée par la région s’adresse aux professionnels des métiers d’art quel que soit leur statut :

– artisan immatriculé auprès d’une chambre de métiers en tant qu’artisan d’art depuis plus de 2 ans ou ;

– adhérent à la « Route des métiers d’art Occitanie » et/ou à Ateliers d’Art de France et/ou référencé dans l’annuaire officiel des métiers d’art de France de l’Institut national des métiers d’art. Le professionnel doit disposer d’un premier bilan d’activité sur 12 mois minimum.

La désignation d’un chargé de mission métiers d’art par grande région permettrait à ce dernier d’être facilement identifié par les professionnels métiers d’art, en lien avec les autres partenaires territoriaux : chambre des métiers, EPCI, villes, associations des professionnels des métiers d’art etc.). Cette identification pourrait déclencher un réflexe « métiers d’art » dans certaines régions qui pour le moment n’identifient que très peu la spécificité des métiers d’art et les enjeux du secteur.

Proposition n° 11 : Désigner un chargé de mission métiers d’art par grande région.

c.   Renforcer la visibilité des métiers d’art dans le réseau territorial des chambres consulaires des métiers et de l’artisanat

Vos rapporteurs ont reçu la contribution écrite d’une artisane d’art dépendant de la CMA de Charentes, dont le témoignage a déjà été rapporté sur un autre point. Cette dernière a déploré le niveau très inégal de connaissances du secteur métiers d’art dans le réseau consulaire des chambres de métiers et de l’artisanat : « Il serait souhaitable d’avoir des personnes dans les chambres des métiers (ou dans d’autres infrastructures) qui seraient en charge des métiers d’art et sur le terrain, en contact direct avec ces petits artisans. Une personne qui les connaîtrait et qui pourrait relayer les appels d’offres, les informations, les aides potentielles, les expositions adaptées à leurs profils… En tout cas une personne qui ne traiterait pas du flux et des numéros mais qui prendrait en considération des êtres humains avec des qualifications, des rêves, (…). »

Auditionné par vos rapporteurs, le président de CMA France a souligné que l’ensemble des chambres de métiers et de l’artisanat régionales disposent d’un service destiné à l’accompagnement des professionnels issus des filières métiers d’art : « Ces services, composés de manière hétérogène, s’articulent autour des actions d’accompagnement de proximité et de rencontre avec les professionnels des métiers d’art avec des points d’accueil régionaux allant de 1 ETP jusqu’à 8 ETP. En complément, les services régionaux sont appuyés par des chargés de développement économique dans les départements, souvent « multi-casquettes », mais disposant d’un volet et d’une compétence métiers d’art. »

Dans certaines régions, notamment en Île-de-France et en région Centre Val-de-Loire, le volet métiers d’art est adossé avec le développement international. Par ailleurs, au sein de CMA France, un collaborateur coordonne l’ensemble des actions métiers d’art et le volet internationalisation : suivi des instances, appui des élus et animation du réseau sur ces deux thématiques.

En outre, au niveau de la représentation des élus au bureau des chambres, ont été mises en place des commissions métiers d’art dans toutes les régions, qui définissent l’offre de service auprès des artisans d’art. En complément, un élu métiers d’art est désigné par le bureau de CMA France afin de représenter les intérêts de ces professionnels au niveau national. Enfin, le président de CMA France a souligné que la réforme électorale du réseau consulaire a permis d’augmenter la représentativité des artisans d’art. Le décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat et de leurs délégations et à l’élection de leurs membres dispose en effet: « Au moins un candidat inscrit dans la section métiers d’art du répertoire des métiers figure parmi les sept premiers candidats de chacune des listes ».

Vos rapporteurs saluent la mobilisation importante du réseau consulaire au service des artisans d’art lors de la crise sanitaire, mais soulignent qu’il est important pour le réseau des CMA de consolider cette prise en compte des besoins des métiers d’art. Il faut continuer à renforcer la présence des élus « artisans métiers d’art » ainsi que le maintien de commissions spécifiques définissant l’offre de service auprès de artisans d’art en régions. Les équipes régionales affectées aux métiers d’art doivent être davantage formées aux spécificités économiques des métiers d’art, et leurs effectifs doivent être étoffés, afin de constituer des interlocuteurs crédibles et réactifs aux besoins des professionnels sur le terrain.

Proposition n° 12 : Consolider la visibilité des métiers d’art dans le réseau consulaire des chambres de métiers et de l’artisanat, en formant davantage les équipes aux besoins et spécificités du secteur.

B.   Afin de garantir la bonne santé et le rayonnement des métiers d’art français, il importe de concevoir une stratégie d’actions multidimensionnelle :

1.   La fiscalité applicable aux professionnels des métiers d’art doit être harmonisée et gagner en visibilité

a.   Harmonisation des taux de TVA applicables aux œuvres indépendamment du statut professionnel

De nombreux artisans d’art ont fait remonter à vos rapporteurs ce qu’ils estiment être des « distorsions de concurrence » dans l’application différenciée du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, en fonction du statut professionnel des artisans d’art.

Les organisations professionnelles font valoir que les artisans d’art inscrits au répertoire des métiers doivent appliquer un taux de TVA à 20 %, tandis que les artistes auteurs, inscrits auprès de la Maison des artistes, peuvent vendre leurs œuvres avec un taux réduit de TVA à 5,5 %.

Le taux de TVA applicable est déterminé par le produit vendu, et non pas par le statut du professionnel. En effet, comme l’a rappelé la DGE, en application du I de l’article 278-0 bis du code général des impôts (CGI) tel qu’issu de l’article 22 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, relèvent du taux réduit de 5,5 % les livraisons effectuées par leur auteur ou ses ayants droit d’œuvres d’art dont la liste est définie au II de l’article 98 A de l’annexe III au CGI. Ainsi, seules les œuvres d’art, strictement définies par le CGI ([26]), bénéficient d’un taux réduit.

Or, ainsi que le concèdent les services de la DGE, « Dans la pratique, entre la production d’une céramique en petite série d’un artisan d’art et une céramique au sens du CGI, la différence peut certainement être subtile et être la cause des ambiguïtés. »

Afin de tenter de résoudre ces difficultés, CMA France pilote un groupe de travail sur le statut fiscal et social des métiers d’art, en partenariat avec l’INMA, Ateliers d’art de France, et la Maison des artistes. CMA France se prononce pour l’application homogène par les services fiscaux du taux de TVA réduit à 5,5 % sur la base de l’acte de création de l’œuvre et non du statut social et fiscal du professionnel.

Vos rapporteurs soutiennent cette initiative, qui permettrait d’harmoniser à la baisse le taux de TVA appliqué aux œuvres des professionnels des métiers d’art indépendamment de leur statut, tout en limitant les motifs de rattachement à un statut professionnel en fonction du seul taux de TVA.

Proposition n° 13 : Harmoniser à la baisse le taux de TVA appliqué aux œuvres des professionnels des métiers d’art, indépendamment de leur statut : application d’un taux réduit à 5,5 %.

b.   Pérennisation et évolution du crédit d’impôts métiers d’art (CIMA)

Le crédit d’impôts métiers d’art

En application de l’article 244 quater O du code général des impôts, l’entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt métiers d’art doit remplir au moins l’une des conditions suivantes :

– les charges de personnels concernant les salariés qui exercent un métier d’artisanat d’art doivent représenter au moins 30 % de la masse salariale totale ;

– elle appartient aux secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie, de la lunetterie, des arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale (luthier par exemple) ou de l’ameublement ;

– elle détient le label Entreprise du patrimoine vivant (EPV) destiné aux entreprises détenant un savoir-faire artisanal ou industriel, rare, renommé ou ancestral. Il doit reposer sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité.

Une entreprise œuvrant dans le domaine de la restauration du patrimoine peut également bénéficier du crédit d’impôt si elle remplit les 2 conditions suivantes :

– les salaires et charges sociales des salariés sont directement affectés à la création d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou à l’activité de restauration du patrimoine ;

– elle emploie des personnes maîtrisant une technique ou un savoir-faire dans la restauration du patrimoine.

Les dépenses donnant droit au crédit d’impôt sont les suivantes :

– salaires et charges sociales des salariés directement affectés à la création d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. Il s’agit d’ouvrages nécessitant la réalisation de plans, de maquettes, de prototypes, de tests ou de mise au point manuelle particulière. Ils ne doivent pas figurer à l’identique dans les réalisations précédentes de l’entreprise.

– dotations aux amortissements des immobilisations directement affectées à la conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ;

– frais de dépôt des dessins et modèles relatifs aux nouveaux produits ;

– frais de défense des dessins et modèles dans la limite de 60 000 € par an ;

– dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections confiées par ces entreprises à des stylistes ou bureaux de style externes.

Le crédit d’impôt représente 10 % des dépenses liées à la conception de nouveaux produits ou au dépôt et la protection juridique des dessins ou modèles de ces nouveaux produits (exemple : dépôt de brevet). Les entreprises concernées peuvent en bénéficier jusqu’au 31 décembre 2023. Il est porté à 15 % pour les entreprises titulaires du label Entreprises du patrimoine vivant. Le crédit d’impôt est plafonné à 30 000 euros par an et par entreprise.

Les professionnels des métiers d’art rencontrés par vos rapporteurs ont tous souligné la pertinence du CIMA, qui a permis à de multiples entreprises de pouvoir produire de petites séries et pièces uniques grâce à des matériaux, équipements divers mais surtout grâce à une main d’œuvre qualifiée. Le crise sanitaire a encore renforcé le besoin pour les professionnels des métiers d’art de pouvoir s’appuyer sur le CIMA dans leur activité de production. Or, le CGI ne prévoit actuellement le maintien de l’aide que jusqu’au 31 décembre 2023.

Le ministère de la culture souhaite réaliser une évaluation du CIMA et a sollicité l’INMA afin de l’appuyer dans la mise au point et la réalisation de cette étude. Les travaux débuteront en janvier 2022.

Toutefois, des éléments d’évaluation du CIMA ont déjà été communiqués par l’INMA à vos rapporteurs, sur la base des données relatives au CIMA exploitées l’INMA en 2019 avant la reconduction du dispositif et après une enquête menée auprès des professionnels. Il en était ressorti que 90 % des entreprises bénéficiaires répondantes étaient satisfaites du CIMA. L’INMA a tenu à souligner devant vos rapporteurs que près de la moitié d’entre elles (41,4 %) avaient eu par la suite un contrôle fiscal, ce qui reste une « problématique majeure pour ce crédit d’impôt et peut susciter la défiance des entreprises ». L’analyse des données transmises par la DGFIP concernant les entreprises bénéficiaires sur la période 2013-2017 avait révélé que :

– le nombre de bénéficiaires annuel est variable depuis 2013 (1 165 entreprises en moyenne) et il est difficile de dégager une tendance claire à ce sujet ;

– en revanche, les performances économiques moyennes des bénéficiaires sont, elles, assez stables sur la même période ;

– le montant moyen de la créance par entreprise semble suivre une tendance croissante, ce qui pourrait indiquer une certaine maturité du dispositif et une bonne appropriation par les entreprises. En 2017, les 1 588 entreprises bénéficiaires du CIMA ont disposé d’une créance d’un montant moyen de 13 700 euros ;

– la croissance de la créance moyenne par bénéficiaire sur l’ensemble de la période est observable dans toutes les régions métropolitaines, et dans certaines d’entre elles, la créance moyenne a augmenté de plus de 5 000 €.

– l’Île-de-France et, en second lieu, l’Auvergne-Rhône-Alpes sont de loin les premières régions d’accueil des entreprises bénéficiaires.

Ces premières données, qui doivent être confirmées et étayées par une évaluation chiffrée de l’impact économique du CIMA pour les entreprises bénéficiaires, plaident pour une reconduction du CIMA au 1er janvier 2024. Vos rapporteurs soulignent le besoin pour les entreprises bénéficiaires de disposer de visibilité dans l’accès à cette dépense fiscale.

Si le CIMA doit être pérennisé, vos rapporteurs ont également été interpelés sur la nécessité d’en réviser les critères d’attribution, afin de mieux prendre en compte la réalité économique des métiers d’art.

D’après CMA France, le CIMA doit être révisé afin de prendre en compte le temps de création passé par les dirigeants non salariés et rendre ces dépenses éligibles. D’après le président de CMA France : « Le crédit d’impôt métiers d’art a pour objectif de permettre aux entreprises des métiers d’art de gagner en compétitivité. Or, une grande partie des professionnels ciblés par cette mesure fiscale n’y a pas accès. Le secteur des métiers d’art est constitué à 85 % d’entreprises unipersonnelles qui ne disposent ni de la taille requise, ni de la structure de charges permettant d’appliquer cette mesure fiscale à leur activitéCe crédit d’impôt, étant basé sur la prise en compte des charges salariales, il ne concerne que les effectifs salariés des manufactures et ateliers d’art. Ainsi, alors même qu’il constitue l’immense majorité des ateliers d’art, le modèle de l’entreprise individuelle n’est pas prévu dans ce dispositif. En conséquence 85 % des entreprises pour lesquelles il a été créé en sont, de fait, exclues. »

L’INMA s’est également positionné devant vos rapporteurs en faveur de la reconduction du CIMA tout en proposant une évolution du crédit qui impliquerait de prendre en compte la rémunération du dirigeant de l’entreprise dans l’assiette du CIMA, qu’il soit salarié ou non. En effet, la personne en charge de la création est souvent le chef d’entreprise dans le secteur des métiers d’art.

Proposition n° 14 : Pérenniser le crédit d’impôt métiers d’art au-delà du 31 décembre 2023. Rendre éligibles au CIMA les dépenses relatives au temps de création des dirigeants non salariés.

c.   Maintien des taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique

Vos rapporteurs rappellent dans ce nouveau rapport la nécessité de maintenir les taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique : taxe pour le développement des industries de l’ameublement ou des industries du bois, taxe pour le développement des industries du cuir, de la maroquinerie, de la ganterie et de la chaussure, taxe pour le développement des industries de l’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie ainsi que des arts de la table (taxe HBJOAT) ou enfin la taxe pour le développement des industries de l’habillement.

Ces taxes répondent à une mission de service public définie par la loi n° 78‑654 du 22 juin 1978 concernant les comités professionnels de développement économique. Ces taxes, dont le maintien est demandé par les entreprises elles- mêmes permettent des actions collectives auxquelles les entreprises ne pourraient accéder isolement.

Proposition n° 15 : Maintenir les taxes affectées destinées au financement des comités professionnels de développement économique.

2.   Encourager les collectivités territoriales favorisant l’installation d’artisans d’art dans les centres-villes : la politique « Action Cœur de ville »

Vos rapporteurs plaident pour un soutien de l’État aux collectivités locales qui hébergent des artisans d’art dans des locaux commerciaux ou des tiers-lieux leur appartenant. Sur l’ensemble du territoire, des collectivités territoriales s’engagent en faveur des métiers d’art. Beaucoup d’entre elles sont fédérées au sein du réseau « Villes et métiers d’art » (VMA).

Lors du dernier colloque de VMA, le 2 novembre dernier à l’Assemblée nationale, certaines de ces collectivités ont relayé leur action.

Ainsi, la ville de Villedieu-les-Poêles, dans le département de la Manche, a mis en place une ambitieuse politique publique de soutien à l’installation et au développement des artisans d’art. En 2018, un quartier des métiers d’art a été créé dans la ville, comprenant 10 ateliers boutiques ou boutiques éphémères. Dans cette ville normande caractérisée par son riche passé artisanal remontant au XIIème siècle (dinanderie, graveurs, fondeurs, doreurs, puis savoir‑faire dentelier à compter du XVème siècle), l’objectif était d’ancrer de manière pérenne des savoir-faire locaux artisanaux dans le centre-ville, tout en luttant contre les nombreuses vacances commerciales.

Dans un premier temps, des baux dérogatoires ont été signés entre le président de la collectivité et les propriétaires privés des locaux commerciaux. Dans un second temps, le président de la collectivité a signé une convention de sous‑location avec les artisans d’art, sous la forme de baux éphémères d’une durée de 3/6/9 mois renouvelables, pour un loyer moyen de 50 euros en haute saison et 30 euros en basse saison. La collectivité s’acquitte elle d’un loyer compris entre 300 et 400 euros par mois. D’autres collectivités ont répliqué ce modèle, ou proposent également une prise en charge partielle et dégressive du loyer aux artisans d’art.

À Villedieu-les-Poêles, cette politique de redynamisation du centre-ville par les métiers d’art a considérablement réduit les vacances commerciales, passées de 20 à 30 % des locaux du centre-ville à moins de 5 % actuellement.

Dans d’autres collectivités, comme dans la ville de Nontron en Dordogne, un pôle métiers d’art et une boutique associative existent depuis déjà plusieurs années, grâce aux financements de la communauté de communes, des conseil départemental et régional, ainsi que d’Ateliers d’Art de France. Les artisans d’art exposés dans la boutique se sont constitués en conseil d’orientation et valident l’ensemble des décisions prises concernant sa gestion. La boutique, qui fonctionne en dépôt vente et prélève une commission de 35 % sur les ventes, permet de donner aux artisans d’art une visibilité immédiate et offre un lieu de commercialisation très apprécié. Le pôle des métiers d’art de Nontron accueille chaque année près de 17 000 visiteurs.

Vos rapporteurs saluent également les collectivités territoriales engageant des commandes en faveur des métiers d’art, comme la rénovation du patrimoine bâti ou la création de mobilier urbain. Ils proposent la création d’un fonds de soutien aux collectivités territoriales engagées dans des commandes publiques à destination des métiers d’art ou dans une politique publique d’installation des métiers d’art en centre-ville. Pour les collectivités territoriales propriétaires de locaux commerciaux en centre-ville loués à prix très réduit à des artisans d’art, vos rapporteurs suggèrent une exonération totale ou partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Proposition n° 16 : Créer un fonds de soutien aux collectivités territoriales engagées dans des commandes publiques à destination des métiers d’art ou dans une politique d’installation des métiers d’art en centre-ville.

Proposer l’exonération totale ou partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux collectivités territoriales louant des locaux commerciaux en centre-ville à prix très réduit aux artisans d’art.

3.   Encourager les mutations structurelles du secteur : transition écologique, relocalisation des savoir-faire en France, investissement dans les nouvelles technologies

a.   Favoriser la relocalisation des savoir-faire en France

i.   Stimuler l’artisanat de proximité

Vos rapporteurs déplorent l’extinction du fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (FISAC), arrivé à échéance le 31 décembre 2020. Cette aide avait pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l’existence des services commerciaux et artisanaux de proximité dans les zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales. Elle prenait la forme d’une subvention, après sélection des dossiers à la suite d’appels à projets nationaux. Le FISAC avait permis, depuis 1991, la création des « pôles d’innovation pour l’artisanat » qui « accompagnaient les artisans dans l’intégration de solutions innovantes dans leurs produits, services, procédés et organisation, pour leur permettre de gagner en productivité, compétitivité et visibilité. ». Les PIA sont actuellement en extinction. Certains pôles continuent tant bien que mal de fonctionner. C’est notamment le cas de l’Institut technologique européen des métiers de la musique (ITEMM) et du Centre européen de recherche et de formation aux arts verriers (CERFAV). Mais d’après CMA France, ces pôles font face à de vraies difficultés faute de soutien financier. Interrogée à ce sujet, la DGE a précisé à vos rapporteurs que l’ITEMM et le CERFAV ont été informés du lancement d’appels à projets s’inscrivant dans la stratégie d’accélération des industries culturelles auxquels ils peuvent participer, dans le cadre de France Relance et du 4ème programme des investissements d’avenir (PIA 4). Dans ce cadre, le Gouvernement a décidé de renforcer le fonds de prêt à l’innovation des industries culturelles et créatives (FPINNOV) de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) à hauteur de 25 millions d’euros, afin de soutenir en prêts ou prêts participatifs les entreprises culturelles sur des projets innovants, qui ont parfois des difficultés à se financer auprès des banques traditionnelles.

Si vos rapporteurs saluent le renforcement du FPINNOV, ce dispositif correspond à un prêt, tandis que l’aide FISAC correspondait à une subvention. Ils appellent à la création d’un nouveau fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce de proximité, après réalisation d’une étude sur les effets économiques et financiers de l’extinction du FISAC.

Proposition n° 17 : Après réalisation d’une étude sur les effets économiques et financiers de l’extinction du FISAC, créer un nouveau fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce de proximité.

ii.   Encourager au « Fabriqué en France »

Vos rapporteurs défendent l’idée de créer un nouveau label d’excellence (cf. supra), qui serait attribué aux professionnels des métiers d’art, travaillant seul ou à deux, maîtrisant un savoir-faire exceptionnel, respectant les critères de développement durable et la création de pièces uniques dont au moins 70 % seraient fabriquées en France, et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 80 000 euros.

Outre ce label « Métiers d’art d’excellence », vos rapporteurs pensent nécessaire la création d’un crédit d’impôt « Fabriqué en France », conçu avec un cahier des charges exigeant. Pour l’obtention du label, l’utilisation d’un minimum de 70 % de matières premières d’origine France serait requise. L’ensemble des étapes de la fabrication devraient être intégralement réalisées en France. Le label serait attribué indépendamment du nombre de salariés travaillant dans l’entreprise, ce qui permettrait de l’ouvrir à la fois aux entreprises unipersonnelles, aux TPE, PME voire aux grandes entreprises du secteur. Ce label serait géré par l’INMA. Son attribution serait soumise à la signature du ministre de l’économie et des finances.

Proposition n° 18 : Créer un crédit d’impôt « Fabriqué en France » reposant sur un cahier des charges exigeant : minimum de 70 % de matières premières d’origine France et ensemble des étapes de fabrication réalisées en France.

Vos rapporteurs plaident également pour le développement du label « Indication géographique » qui permettrait de développer les circuits courts en accompagnant les porteurs de projet. Directement inspirée du modèle des indications géographiques protégées (IGP) qui reconnait le lieu de production et la qualité de fabrication des produits agricoles, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, prévoit la possibilité de créer des indications géographiques (IG) pour des produits manufacturés et des ressources naturelles. L’IG améliore la transparence pour le consommateur sur l’origine et le mode de fabrication des produits, reconnaît et valorise des savoir-faire. Ce label peut être un formidable vecteur de qualité à l’export. L’attribution de l’IG repose sur quatre critères cumulatifs : la dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé ; la désignation d’un produit artisanal, manufacturé ; originaire de cette zone ; ce produit doit posséder une qualité, une réputation ou des caractéristiques exclusivement attribuées à cette origine géographique. Le dossier d’homologation doit être déposé auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI).

Depuis décembre 2016, 12 IG ont été homologuées par l’INPI. Nombre de ces homologations impliquent le travail d’artisans d’art : porcelaine de Limoges, le siège de Liffol, la pierre de Bourgogne, la tapisserie d’Aubusson et le grenat de Perpignan. D’autres procédures impliquant des artisans d’art sont en cours d’homologation, comme les poteries d’Alsace ou le couteau de Laguiole. Le label IG participe du rayonnement des métiers d’art dans les territoires : ainsi, depuis sa reconnaissance, l’IG grenat de Perpignan a permis une augmentation consolidée de 20 % du chiffre d’affaires de ses 12 membres. ([27])

Vos rapporteurs plaident pour un travail conjoint à l’INMA et l’INPI, afin de mieux identifier les éventuels freins rencontrés par les entreprises au cours de la labellisation. Une fois ces freins identifiés et partiellement levés, vos rapporteurs plaident pour que l’INMA accompagne les porteurs de projet et développe ce label afin de le faire davantage connaître.

L’INMA pourrait notamment profiter de la présidence française de l’Union européenne pour mieux faire connaître le label au niveau européen.

Proposition n° 19 : Affirmer le rôle de l’INMA pour accompagner les porteurs de projet « Indications géographiques » pour l’artisanat d’art et accroître la visibilité nationale et européenne de ce label.

iii.   Accompagner la transition écologique des métiers d’art

Les métiers d’art s’inscrivent naturellement dans une logique durable. Toutefois, la transition écologique dans le secteur doit être accompagnée et encouragée. Cette dernière suppose de nombreuses actions visant à réduire et valoriser les déchets du secteur, limiter au maximum l’emploi de matières synthétiques et artificielles, limiter les émissions carbonées du secteur (émissions de production mais aussi émissions importées via l’achat des matières premières).

Parmi les entreprises du luxe membres du comité Colbert, nombreuses sont celles ayant déjà entrepris des démarches vertueuses, en phase avec un ou plusieurs des 17 objectifs onusiens dé développement durable :

– la société Louis Vuitton tente de donner une seconde vie aux carrés de soie, via le lancement en 2019 de la collection d’accessoires « Be Mindful », réalisée à partir d’accessoires textiles inutilisés. Louis Vuitton vise l’objectif de 100 % d’écoconception en 2025 ;

– le porcelainier Robert Haviland & C.Parlon développe la technique vertueuse du sablage pour le décor de ses porcelaines. En effet, l’incrustation est un procédé d’exception dans l’univers de la porcelaine, qui se révèle très polluant. La maison a choisi de le remplacer par la technique du sablage – utilisée pour le cristal – pour la décoration de ses collections ;

– Hennessy essaie de limiter l’impact environnemental de son transport. Alors que 99 % des produits de la maison sont exportés, moins de 0,5 % transite par avion, le reste étant acheminé par train ou cargo. Hennessy a mis en place un ferroutage vers la Chine avec 10 000 km de rails qui suivent le trajet de la route de la soie ;

– Céline a inauguré un nouvel atelier de maroquinerie en 2019 en Toscane, conçu selon les normes les plus élevées de développement durable, grâce à l’utilisation exclusive de matériaux de construction recyclables.

– Guerlain s’engage aux côtés de l’Unesco pour protéger les abeilles, emblème du parfumeur. Afin de protéger les abeilles menacées, la maison a créé le projet « Women for bees » destiné à former d’ici 2025 50 apicultrices et créer 2 500 ruches, soit 125 millions d’abeilles ;

– Hermès participe à la préservation des biotopes au Brésil. La maison accompagne le développement d’une filière d’approvisionnement de fils de soie au Brésil. Elle participe ainsi à la préservation des biotopes feuillus à faible traitement chimique, le ver à soie se nourrissant uniquement de feuilles de mûriers non polluées.

Afin d’accélérer la transition écologique du secteur, vos rapporteurs plaident pour une série de mesures :

– introduire dans les marchés publics des critères comprenant des clauses sociales et environnementales : réduction des prélèvements des ressources, actions en faveur du réemploi et de l’intégration de matières recyclées et du recyclage, économies d’énergie et développement des énergies renouvelables ;

– développer massivement les mécanismes de compensation carbone dans les entreprises artisanales et le label « Bas carbone » ;

– mettre en œuvre un taux réduit de TVA pour les activités artisanales qui exercent dans la réparation afin de limiter les effets de la surconsommation ;

– trouver un juste équilibre entre la nécessaire innovation quant aux matières et matériaux utilisés par les artisans et le besoin de continuité dans l’utilisation des matières premières nécessaires aux savoir-faire traditionnels. Vos rapporteurs pensent notamment à la réglementation sur les matériaux en contact avec les denrées alimentaires dans les domaines de la céramique et du verre, à la réglementation sur le plomb qui a des conséquences pour les secteurs du verre/cristal/vitraux et le patrimoine bâti, ou encore à la réglementation sur l’ivoire qui inquiète le secteur de la facture instrumentale et notamment le métier rare d’archetier. À cette fin, il serait pertinent de prévoir un fonds d’accompagnement à la transition écologique pour les métiers d’art, qui permettrait aux entreprises concernées par ces règlementations de se mettre en conformité avec les normes d’utilisation de ces matières, et de financer des actions de recherche et développement afin de développer des procédés/matières de substitution aux matières et techniques mises en cause.

 

 

 

 

 

Proposition n° 20 : Introduire dans les marchés publics des critères comprenant des clauses sociales et environnementales : réduction des prélèvements des ressources, actions en faveur du réemploi, intégration de matières recyclées, économies d’énergie et développement des énergies renouvelables.

Proposition n° 21 : Développer massivement les mécanismes de compensation carbone dans les entreprises artisanales et le label « Bas carbone ».

Proposition n° 22 : Mettre en œuvre un taux réduit de TVA pour les activités artisanales qui exercent dans la réparation afin de limiter les effets de la surconsommation.

Proposition n°23 : Créer un fonds d’accompagnement à la transition écologique pour les métiers d’art et du patrimoine vivant permettant de financer la recherche de matières premières substituables aux matériaux controversés de plus en plus réglementés aujourd’hui utilisés (plomb, cadmium, ivoire etc.) ;

4.   Renforcer le rayonnement des métiers d’art français à l’international, avec notamment le soutien d’Atout France et de Business France

L’INMA n’est pas aujourd’hui armé pour mener des actions ambitieuses de promotion des métiers d’art à l’international. Certaines opérations de promotion et de prospection à l’international organisées pour les métiers d’art sont conduites par Business France. Toutefois, les professionnels auditionnés par vos rapporteurs ont tous souligné à cet égard leur déception à l’égard des retombées économiques concrètes de ces actions de prospection.

Par ailleurs, l’opérateur de l’État pour le secteur touristique Atout France intègre fréquemment l’artisanat d’art aux campagnes visant à promouvoir la destination France. Atout France a par exemple réalisé une série de vidéos pour les réseaux sociaux, intitulée « Secret d’ateliers », qui invite le spectateur dans les coulisses de la création autour des arts de la table (la coutellerie Ceccaldi en Corse, la porcelaine de Limoges au sein de la maison Bernardaud), la ganterie (manufacture Causse en Occitanie), la dentelle de Calais-Caudry (maison Sophie Hallette), ou encore l’univers de la haute joaillerie (maison Van Cleef & Arpels).

Atout France a également entrepris une démarche avec le ministère de la culture visant à promouvoir les pépites du patrimoine (bâti, naturel et immatériel), en lien avec l’ensemble des labels du patrimoine, notamment le label Villes et Métiers d’art et le label Entreprise et découverte. En partenariat avec l’Institut français, des expositions de photographies d’art à travers le monde sont régulièrement organisées afin de mettre en lumière le patrimoine français à l’international (exposition « Imagine France », réalisée par la photographe Maïa Flore). La stratégie de promotion des métiers d’art d’Atout France se décline en fonction des zones géographiques : un défi influenceur « Savoir-Faire » a ainsi été proposé sur le marché canadien en partenariat avec le CRT Bretagne, tandis que les « Routes touristiques des savoir-faire » sont promues sur le marché espagnol. Enfin, l’opérateur valorise les grands rendez-vous des métiers d’art dans le cadre de communications destinées au grand public, à l’instar des journées européennes des métiers d’art (JEMA).

Toutefois, les actions de promotion à l’international des métiers d’art et du patrimoine vivant doivent encore être renforcées.

D’après Business France, il convient notamment :

– d’appréhender les savoir-faire d’excellence français comme un véritable levier d’influence de la France dans le monde et de les intégrer dans la politique extérieure du pays dans toutes ces dimensions : attractivité, développement à l’export, diplomatie culturelle ;

– d’accompagner les entreprises dans l’élaboration de stratégies à l’export à la fois ambitieuses et soutenables, d’identifier et de favoriser les démarches de collaboration et de mutualisation ;

– de définir les zones-cibles prioritaires sur lesquelles concentrer les actions de mise en œuvre de cette politique ;

 d’inviter systématiquement des donneurs d’ordre étrangers à se rendre en France pour découvrir nos entreprises à l’occasion de grandes manifestations/salons/expositions ;

– de construire un réseau d’ambassadeurs des savoir-faire d’excellence français dans les zones définies comme prioritaires ;

– de structurer un réseau d’experts et de partenaires de développement fiables et sensibles aux particularités des métiers d’art et du patrimoine vivant à l’export ;

– d’adjoindre à ce soutien à l’export des entreprises un volet culturel de valorisation des savoir-faire français, en lien avec les acteurs culturels français à l’étranger mais aussi les relais locaux les plus pertinents ;

– d’aider à la professionnalisation des entreprises en matière de tourisme de savoir-faire ;

– d’aider à la professionnalisation des entreprises en matière de stratégie à l’export, de compétences linguistiques, en lien avec les filières de formation actives dans ce domaine.

Ces actions pourraient être menées et renforcées, sous l’égide de l’INMA, conjointement avec Business France, le réseau international de CMA France, et Atout France.

Par ailleurs, vos rapporteurs invitent l’INMA, en lien avec Ateliers d’art de France, à promouvoir la signature de la charte internationale des métiers d’art pour favoriser la fédération internationale du secteur. La charte a été signée en 2010 par Ateliers d’Art de France et ses partenaires italiens. Elle a, depuis, recueilli la signature d’institutions de 8 pays différents, parmi lesquelles la Master Alliance of Art Ceramic in China, la Kyoto Traditional Arts and Crafts Sponsorship Foundation (Japon), Oficio y Arte (Espagne) et de l’APCMA (Assemblée Permanente des Chambres de Métiers et de l’Artisanat).Une nouvelle fois, le volet culturel de la présidence française de l’Union européenne pourrait permettre à la France de valoriser son action en faveur des métiers d’art, en créant des synergies européennes.

5.   Face au risque avéré de la disparition prochaine de certains savoir-faire rares, il est plus que jamais nécessaire de relever le défi de la formation aux métiers d’art

a.   Un système de formations éclaté et pluriel ne correspondant pas toujours aux besoins du marché

i.   Un système de formations éclaté et pluriel

L’écosystème des formations aux métiers d’art est éclaté et pluriel. Il repose sur de nombreux organismes : centres de formation des apprentis, lycées professionnels, entreprises du luxe ouvrant leur propre école de formation, compagnonnage, formation continue, ou encore entreprises créant leur propre centre de formation des apprentis suite à la loi du 5 septembre 2018.

D’après Patrick Toulmet, délégué interministériel à l’apprentissage, il existe au total plus de mille établissements permettent de se former à l’un des 281 métiers d’art.

Dans l’artisanat d’art, une quarantaine de certificats d’aptitude professionnelle (CAP) permettent d’acquérir les connaissances techniques et les bases du métier visé. Ils se préparent généralement en deux ans après la classe de 3ème, dans une poignée d’établissements, voire parfois un seul établissement dans certaines spécialités rares (plumasserie, vannerie, archèterie), ou au contraire dans plusieurs dizaines de structures dans les secteurs de l’ébénisterie, de la ferronnerie d’art ou les métiers de la mode. Des CAP en un an sont également très attractifs, notamment dans le domaine de la bijouterie.

Après le CAP, il est possible de préparer un brevet des métiers d’art (BMA) dans certaines spécialités, en deux ans en temps plein ou par la voie de l’apprentissage. Le BMA permet de gagner en technicité et d’approfondir les gestes au côté d’un professionnel expérimenté. Parmi les nombreuses spécialités proposées: bijouterie-joaillerie, la maroquinerie, les arts graphiques, etc.

Le bac professionnel artisanat et métiers d’art (AMA) s’avère incontournable pour la pratique de certains métiers d’art et s’appuie sur la pratique professionnelle acquise en stage et le travail sur des projets menés en atelier. Généralement obtenu en trois ans après la classe de 3ème, il permet à l’étudiant d’approfondir sa maîtrise des savoir-faire et de prétendre à davantage de responsabilités. Sept options au choix sont proposées: communication visuelle plurimédia ; facteur d’orgues organier ; facteur d’orgues tuyautier, marchandisage visuel, métiers de l’enseigne et de la signalétique, tapisserie d’ameublement, verrerie scientifique et technique.

Enfin, le diplôme national des métiers d’art et design (DN MADE), en trois ans après le bac, a pour objectif de développer l’expérimentation et la créativité, dans une démarche de projet propre au designer et à l’artisan d’art créateur. Les formations de DN MADE en lien avec les métiers d’art sont proposées sous diverses mentions : matériaux, objet, ornement, livre, instrument etc., enrichies de spécialités.

Outre les lycées professionnels, parfois labellisés « lycées d’excellence » dans une filière (bois, verrerie), certaines écoles d’art sont particulièrement réputées: Boulle, Duperré, Estienne, Ensaama, ou encore La bonne graine.

Par ailleurs, CMA France est également certificateur de 53 titres (47 au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et 6 au répertoire spécifique).  Les certifications inscrites au RNCP se ventilent selon leur niveau : onze de niveau V, dix-huit de niveau IV, dix-huit de niveau III. Les titres ont une portée nationale : CMA France répond aux critères d’évaluation exigés par France Compétences.

ii.   Un secteur d’élection de l’apprentissage

Les métiers d’art requièrent en moyenne entre cinq et dix ans de formation pour acquérir le geste parfait. Aussi, ils constituent un secteur d’élection de l’apprentissage. Pour le délégué interministériel à l’apprentissage : « Apprendre un métier d’art requiert une technicité plus élevée que dans la plupart des métiers. La transmission et la maîtrise d’un savoir pratique y occupe une place plus importante ».

D’après les données fournies par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), parmi les 836 215 contrats d’apprentissage actuellement en cours d’exécution, 82 847 contrats ont été signés avec des entreprises ayant une activité dans laquelle s’exercent les métiers d’art, soit près de 10 % de l’ensemble des contrats d’apprentissage. Au 31 décembre 2020, 47 800 apprentis préparaient un diplôme menant à des métiers d’art. Cela représente 8 % de l’ensemble des apprentis. Au total, 439 CFA proposent au moins un des diplômes identifiés comme pouvant mener à un métier d’art. Les effectifs d’apprentis dans ces formations varient beaucoup, de plusieurs centaines d’apprentis à 1 ou 2 apprentis pour les formations à petit flux. Les cas où les formations proposées aux apprentis correspondent précisément à un métier d’art sont assez rares même si cela est le cas, par exemple, pour la bijouterie et la lutherie. Dans la plupart des cas, il s’agit en fait de formations plus larges, dont le métier d’art pourrait être une spécialité.

À l’issue de leurs diplômes, les apprentis inscrits dans des formations menant à des métiers d’art ont des parcours comparables à ceux de l’ensemble des apprentis : 41 % poursuivent une formation (38 % pour l’ensemble des apprentis), et parmi ceux qui ne sont plus en formation, 62 % ont trouvé un emploi 6 mois après la fin de leurs études (61 % pour l’ensemble des apprentis).

Au total, on peut donc identifier 178 diplômes, qui couvrent presque entièrement 10 domaines sur les 16 domaines des métiers d’art identifiés par le décret de 2015 : architecture et jardins, ameublement et décoration, joaillerie, métal, céramique, verre, mode, cuir, textile et facture instrumentale (le domaine du textile et celui de la mode se recoupent assez largement dans les formations). Les domaines du spectacle et du papier sont partiellement couverts par des formations en apprentissage. Enfin, les quatre domaines de la tabletterie, de la fabrication de luminaire, de la fabrication de jeux et jouets et de la restauration (qui correspond en partie à une spécialisation d’un autre domaine) n’ont pas de formation directement correspondante. Les diplômes menant à des métiers d’art sont majoritairement des formations du secondaire. Ils diffèrent fortement sur ce point du reste des apprentis, où les formations du supérieur sont désormais majoritaires.

À la Manufacture de Sèvres, visitée par vos rapporteurs, chacun des 27 métiers présents est transmis par apprentissage par les artisans en poste, trois ans avant leur départ à la retraite. Ensuite, beaucoup d’apprentis présentent et réussissent le concours de technicien d’art du ministère de la culture, et intègrent à leur tour les ateliers de la Manufacture de Sèvres.

D’après une étude publiée par l’institut supérieur des métiers en 2017, les effectifs d’apprentis sont très inégalement répartis selon les métiers : « Le nombre d’inscrits par filières-métiers est très variable, trois d’entre elles (la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie-horlogerie, les métiers du bois, les métiers du textile et de la mode) regroupant les deux tiers des effectifs formés. La filière recrutant le moins de jeunes est celle de la facture instrumentale (160 sortants en 2017). »

Parfois, certaines formations de niche ne sont plus proposées que dans un ou deux centres de formation en France. C’est par exemple le cas du CFA Eschau en Alsace qui propose l’une des dernières formations de facteur d’orgue en France. Par conséquent, les jeunes intéressés par ces formations doivent parfois déménager très loin de leur domicile, ce qui pose la question de l’accès au logement. Une solution pourrait être l’ouverture de centres de formation regroupant ces formations aux métiers d’art, au niveau régional. Des internats disponibles en priorité pour les jeunes ayant quitté leur département et leur région devraient être proposés.

iii.   Un modèle parfois difficilement conciliable avec le modèle économique des métiers d’art ?

Si l’apprentissage du geste dans les métiers d’art rend le secteur particulièrement indiqué pour les formations en apprentissage, beaucoup de professionnels des métiers d’art sont réticents à accueillir un apprenti. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette réticence.

Selon la DGEFP, 65 % des entreprises accueillant des apprentis ont moins de 11 salariés. Ce sont donc de très petites entreprises, voire des entreprises unipersonnelles. Les professionnels auditionnés par vos rapporteurs ont énuméré plusieurs freins à l’accueil d’apprentis pour ces très petites structures : manque de place, réglementation du travail et normes trop compliquées ou mal connues, ou encore manque de moyens financiers. Dans chaque métier, il existe aussi des freins spécifiques à l’embauche d’apprentis. Ainsi, concernant la profession de souffleur de verre, le principal frein est que les apprentis recrutés ne peuvent pas faire de travail de nuit (contrairement aux apprentis boulangers, qui ont obtenu une dérogation sur ce point). Or, les fours qui permettent de travailler le verre sont allumés 24 h/24, ce qui implique une organisation du travail en 3 x 8.

Pour les entreprises unipersonnelles pour lesquelles recruter un apprenti est à la fois compliqué sur le plan administratif et très difficile sur le plan économique, vos rapporteurs proposent d’imaginer un dispositif grâce auquel ces toutes petites entreprises, qui travaillent souvent en sous-traitance pour de grandes entreprises du luxe, bénéficieraient d’une sorte de « mécénat » de la part de ces grandes entreprises. Ce dispositif pourrait prendre la forme d’un fonds de participation des grandes entreprises du luxe au recrutement d’apprentis dans les entreprises unipersonnelles du secteur métiers d’art.

Proposition n° 24 : Créer un fonds de participation des grandes entreprises du luxe au recrutement d’apprentis dans les entreprises unipersonnelles du secteur métiers d’art.

Si les très petites entreprises du secteur métiers d’art renoncent à former des apprentis, c’est l’ensemble de la chaîne de transmission intergénérationnelle qui est menacée. D’après les chiffres communiqués par l’association Révélateurs, le nombre d’apprentis est déjà en forte baisse dans les entreprises de moins de 20 salariés (moins 28 %), et cette baisse est même de 35 % dans les entreprises de fabrication de meubles, qui représentent pourtant l’un des premiers secteurs employeurs en volume. Un constat corroboré par une étude de l’institut supérieur des métiers publiée en février 2016, selon laquelle la transmission des savoirfaire par l’apprentissage est minoritaire dans ces métiers et ne concernerait que 10 % des effectifs. L’apprentissage serait même anecdotique dans certaines filières telles que la céramique (2 %), les métiers du textile et la mode (3 %).

iv.   L’inadaptation des référentiels de formation dans les formations publiques

Les auditions menées par vos rapporteurs ont permis de mettre à jour un retard dans l’adaptation de nombreux référentiels de formation de l’éducation nationale aux besoins actuels des filières métiers d’art.

L’UFBJOPP a notamment souligné ce problème concernant les formations en conception assistée par ordinateur, largement insuffisantes. Une problématique reconnue par la direction de l’école Boulle, qui forme chaque année de très importants effectifs d’étudiants au CAP bijouterie : « Certains référentiels sont très récents. D’autres sont encore un peu poussiéreux. Chacun essaie de faire de son mieux, mais il y a beaucoup d’interlocuteurs et d’acteurs. Le processus d’adaptation prend du temps. Penser des processus permettant d’avancer plus vite sur les réponses serait un plus ».

D’après l’UFBJOPP, les besoins et le rythme des formations publiques ne sont pas toujours adaptés aux mutations du marché du travail. Le nombre d’heures passées en atelier est insuffisant. L’UFBJOPP salue l’ouverture à l’automne 2022, d’une mention complémentaire « Fantaisie », à l’initiative de l’école Boulle. Toutefois, l’UFBJOPP regrette que cette mention ait mis du temps à se mettre en place, alors que les entreprises ont des besoins en recrutement dans cette spécialité et qu’aucune formation diplômante en fantaisie n’existait auparavant.

Vos rapporteurs plaident pour la création d’un cadre officiel qui reconnaitrait le rôle des professionnels des métiers d’art auprès des CFA, ce qui pourrait se traduire par le projet de l’atelier-école. Les professionnels devraient être systématiquement associés à la construction des référentiels de certification de formation ainsi à la construction de nouveaux diplômes.

Proposition n° 25 : Associer systématiquement les professionnels des métiers d’art à la construction des référentiels de certification de formation et à l’élaboration des nouveaux diplômes de l’Éducation nationale. Passer en revue l’ensemble des référentiels existants afin de les moderniser.

v.   La croissance des écoles de formation privées sur-mesure par les entreprises du luxe

Face à l’inadaptation de certains référentiels de formation et face au risque de disparition de savoir-faire rares, de nombreuses entreprises du luxe ont créé leurs propres écoles de formation. Depuis la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les entreprises peuvent créer leur propre CFA. Les formations proposées sont alors des formations taillées sur mesure pour les besoins de l’entreprise. Les investissements des entreprises du luxe, membres du comité Colbert, sont éloquents :

– le réseau compte déjà 17 écoles et programmes de formation ;

– 90,7 millions d’euros ont été investis par LVMH au titre de la formation en 2020 ;

– 10 à 13 % des effectifs des maisons sont constitués par des collaborateurs en formation ;

– 35 000 élèves ont été accueillis par l’école des Arts joailliers depuis 2012 ;

– 400 élèves sont formés chaque année aux savoir-faire de la broderie au sein de l’école de la maison Lesage, maison d’art de Chanel ;

– 4 000 professionnels ont été formés à l’école des arts culinaires Lenôtre ;

– l’institut des métiers d’excellence LVMH, créé en 2014, a accueilli 28 apprentis l’année de sa fondation. En 2020, l’institut a accueilli près de dix fois plus d’apprentis. Ainsi, depuis 2004, plus de 1 000 apprentis de 15 à 51 ans ont ainsi été formés. 97 % de ces apprentis sont diplômés et la grande majorité est ensuite recrutée dans les maisons du groupe ou par les partenaires de LVMH ;

– Hermès mène également une politique volontariste de formation. Plus de 6 100 artisans ont été formés (formation initiale ou continue) à l’école du cuir Hermès depuis 10 ans. Par ailleurs, Hermès a également initié en 2021 un projet de CFA Hermès, afin de renforcer son engagement pour la transmission des savoir‑faire.

D’après la direction de l’école Boulle, la croissance des écoles de formation des grandes maisons françaises du luxe « répond à un vide, à quelque chose que nous n’avons pas réussi à faire. On y perd beaucoup. ». La direction du CFA d’ameublement « La bonne graine » s’est également inquiétée de cette tendance : « Nous aimerions profiter de notre expérience pour lancer une alerte. La réforme permet à toute entreprise d’ouvrir un CFA, opportunité déjà saisie par les grandes marques du luxe. Dans le cadre d’un apprentissage en CFA (…), l’expérience en entreprise est complétée par les connaissances générales professionnelles apportées par l’école et la découverte de l’environnement du métier se fait dans cette complémentarité, grâce à la variété des entreprises. Très attractives par l’image qu’elles renvoient, les écoles internes aux grands groupes du luxe vont formater les élèves en fonction des besoins de l’entreprises sans se soucier du potentiel de mobilité professionnelle des apprenants dans leur domaine.» D’après la direction, il y aurait un risque pour les jeunes formés exclusivement dans ces écoles de se retrouver « captifs » de la grande entreprise les ayant initialement formés. En outre, ces formations sont orientées vers la salariat, mais ne favoriseraient ni la création, ni la reprise d’entreprises.

vi.   Les inquiétudes soulevées par la réforme du DN MADE : renforcer les heures de présence en atelier

Le diplôme national des métiers d’art et design (DN MADE) est un nouveau diplôme post-bac en trois ans mis en place entre les rentrées 2018 et 2019. Se substituant à l’année de mise à niveau post bac (Manaa) et aux cursus en deux ans qui la suivaient (BTS et DMA), le DN MADE court sur trois années et confère désormais un niveau licence, et non plus bac +2. Le DN MADE a pour objectif de développer l’expérimentation et la créativité, dans une démarche de projet propre au designer et à l’artisan d’art créateur. Les formations de DN MADE en lien avec les métiers d’art sont proposées sous diverses mentions : matériaux, objet, ornement, livre, instrument etc., enrichies de spécialités.

La mise en place du nouveau diplôme a entraîné de vives réactions parmi les enseignants et les professionnels des métiers d’art, qui ont déploré la baisse des heures de pratique en ateliers prévues par les nouveaux référentiels. À la suite de cette mobilisation, les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont organisé un comité de suivi du diplôme entre juillet et novembre 2021, auquel l’INMA a participé. D’après l’étude approfondie réalisée dans le cadre de ce comité de suivi, la question des heures d’ateliers relève de l’organisation pédagogique des établissements. Or, dans leur grande majorité, les équipes pédagogiques ne sont pas favorables à l’ajout d’heures supplémentaires. Par conséquent, le référentiel ne devrait pas être modifié.

Les avis des professionnels sur la question ne sont pas toujours unanimes. Le directeur du Mobilier national voit dans le nouveau diplôme un outil permettant d’accompagner la montée en gamme du secteur artisanal et du design : « La France a choisi dans les années 1970-1990 une industrie de masse pour développer du moyen de gamme. Or, face à la concurrence internationale, il est temps de porter un développement vers le haut de gamme et l’innovation pour faire face à la concurrence de plus en plus forte de certaines régions du monde. »

La direction de l’école « La Bonne graine » n’est pas directement concernée par la réforme du DN MADE, mais s’inquiète de la frustration des futurs diplômés Bac + 3 du DN MADE, qui pourront difficilement être recrutés par des entreprises du secteur avec des niveaux de salaire correspondant à leur niveau de formation.

vii.   Augmenter la visibilité des formations en organisant la mise en réseau :

Vos rapporteurs appellent de leur vœux la mise en réseau des formations existantes, afin de leur donner davantage de visibilité aux niveaux national et international.

Le campus des métiers d’art et du design des Gobelins constitue un très bon exemple d’une mise en réseau réussie. Le campus a été créé par trois institutions publiques : le rectorat de Paris, la région Île-de-France et le Mobilier national. Il regroupe :

– des établissements d’enseignement partenaires (32 établissements) : lycées professionnels et lycées technologiques (16), écoles supérieures de métiers d’art et de design (4 : écoles Boulle, Estienne, Duperré, Ensaama), écoles supérieures de design (6 : Ensad, École Bleue, Camondo, EPSAA, ENSCI, École de l’image des Gobelins), établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (3 : Hesam (Comue), CNAM et ENS Paris-Saclay), centre de formation professionnel diplômant (haute école de la joaillerie) ; centre de formation continue des adultes (Greta CDMA) et un centre de formation des apprentis (CFA La Bonne graine) ;

– des institutions partenaires : institutions culturelles (Mobilier national, INMA, musée des Arts déco, cité de la céramique de Sèvres, académie de l’opéra) , organisations professionnelles (ameublement français, UNAMA, chambre syndicale du vitrail, CRMA Île-de-France, CCI-Chambre de commerce et d’industrie de Paris), fondations et mécènes (fondation Culture et diversité, Fondation Michelangelo), entreprises (comité Colbert, Hermès, institut des métiers d’excellence-LVMH), incubateurs et tiers-lieux (ateliers de Paris, pépite Hésam, incubateurs du CNAM, Design spot-Paris-Saclay).

Le campus regroupe près de 7 000 étudiants, répartis entre 12 domaines d’études.

Les avantages de la mise en réseau sont nombreux. Elle permet tout d’abord de créer une visibilité territoriale et thématique dans le cadre de l’offre de formation. Le campus est ainsi très présent durant les salons étudiants. Par ailleurs, la mise en réseau crée une visibilité internationale des filières de formation métiers d’art françaises, ce qui vient nourrir le soft power national.  Enfin, l’accueil du campus au sein de l’enclos des Gobelins par le Mobilier national permet une capacité de programmation d’évènements que les seuls établissements scolaires n’auraient pas pu porter tout seul : ainsi, une exposition est toujours organisée en septembre dans le cadre de la Paris Design Week.

Vos rapporteurs saluent l’annonce de l’ouverture prochaine du Campus Versailles, patrimoine et artisanat d’excellence, sur un modèle analogue. La Grande Écurie du château de Versailles accueillera en effet à l’horizon 2025 un campus d’excellence consacré aux métiers d’art et du patrimoine. Autour de la galerie des Carrosses et de l’Académie équestre de Bartabas, 7000 m² d’espaces disponibles constitueront la première « très grande infrastructure de formation » aux savoir-faire « à la française », regroupant cinq filières : métiers du patrimoine bâti, métiers d’art et de design, métiers de l’horticulture et des espaces paysagers, métiers de la gastronomie et métiers de l’accueil, des services et du tourisme. Le campus visera ainsi à « pourvoir aux besoins en compétences de ces filières renommées dans le monde entier, à accompagner leurs mutation et adaptation aux transitions numériques et écologiques, et à stimuler leur vitalité et leur rayonnement international. »

Le projet compte de nombreux partenaires publics et institutionnels :

– les ministères de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la culture, de l’agriculture et de l’alimentation et du travail ;

– des opérateurs de formation publics et privés multiples ;

– des centres de recherche comme le centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), le laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et la fondation des sciences du patrimoine (FSP).

Proposition n° 26 : Favoriser autant que possible la mise en réseau des formations métiers d’art au sein d’écosystèmes mixtes (écoles, entreprises, institutions culturelles et de recherche) afin d’accroître leur visibilité nationale et internationale.

b.   L’enjeu majeur des métiers d’art en extinction

Afin d’enrayer le risque de disparition des savoir-faire, vos rapporteurs préconisent plusieurs pistes d’action.

i.   Point de départ : liste des savoir-faire en péril

Le point de départ de toute démarche de sauvegarde des savoir-faire en extinction ou caractérisés par de très petits flux consiste à mettre à jour régulièrement la future liste nationale des savoir-faire en péril mentionné supra et dont l’actualisation incombera à l’INMA. Cette liste permettrait, en un clic, d’identifier rapidement les savoir-faire en question, les professionnels (particuliers ou entreprise) pratiquant encore ces savoir-faire, les formations existantes dans le domaine etc.

ii.   Assouplir le fonctionnement du dispositif « Maître d’art-élèves » afin de permettre aux maîtres d’art de former plusieurs élèves dans leur vie

Aujourd’hui, un maître d’art ne peut former qu’un seul élève, dans le cadre d’une période de trois ans, au cours de laquelle il reçoit une dotation du ministère de la culture.

Toutefois, si à l’issue des trois ans, le maître d’art est encore désireux de former un nouvel élève, le dispositif actuel ne le permet pas. Cette impossibilité de former plusieurs élèves de manière consécutive s’applique même pour les maîtres d’art formant à des métiers d’art en extinction, comme les plumassiers.

L’association nationale des maître d’art et leurs élèves demande à faire évoluer le dispositif.

Vos rapporteurs proposent une évolution du dispositif « Maîtres d’art et leurs élèves » inspirée du modèle japonais des trésors nationaux vivants : dans cette nouvelle configuration, les maîtres d’art pourraient continuer à former de nouveaux apprenants, par période triennale. Sans pour autant verser une dotation à vie aux maîtres d’art comme au Japon, le ministère verserait une nouvelle dotation financière à chaque nouvelle période de formation. Les maîtres d’art volontaires pourraient continuer à former de nouveaux élèves avec la satisfaction de voir leurs savoir-faire rares transmis. La numérisation 3D ou 4D des gestes spécifiques des métiers concernés devrait être effectuée auprès des quelques dépositaires encore vivants de ces gestes, afin de constituer, pour chaque métier en extinction, un « conservatoire numérique des gestes rares ».

Proposition n° 27 : Permettre aux maîtres d’art de former plusieurs élèves consécutivement.

i.   Garantir le principe de l’ouverture des formations préparant à des métiers d’art en extinction, indépendamment de l’objectif de rendement des CFA

Vos rapporteurs plaident pour l’instauration d’une obligation de maintenir les formations à très petits flux, sans considération de l’impératif de rentabilité.

Pour ces formations rares, le regroupement des heures de formation et des formateurs en un seul lieu physique sur le territoire national pourrait être envisagé, afin de mutualiser l’ensemble des ressources humaines et matérielles existantes. Un internat devrait être systématiquement disponible pour les étudiants de ces formations qui seraient probablement dans l’obligation de quitter leur territoire d’origine afin de suivre ces formations. Au vu du nombre très faible de formateurs disponibles en France sur ces métiers de niche, le recours à des outils numériques d’enseignement pourrait être envisagé afin de pallier l’absence physique ponctuelle de certains formateurs disséminés sur tout le territoire. Ces gestes pourraient alimenter le répertoire numérique des gestes artisanaux, un projet déjà initié par de nombreuses chambres des métiers et de l’artisanat ([28]).

Proposition n° 28 : Instaurer une obligation de maintien des formations à très petits flux.

Proposition n° 29 : Entreprendre un vaste chantier de numérisation des gestes rares des artisans d’art, afin d’alimenter un répertoire numérique des gestes de l’artisanat d’art.

La formation professionnelle continue doit également s’adapter aux enjeux de formation sur les métiers d’art en extinction. À cet égard, vos rapporteurs suggèrent de s’inspirer des dispositifs de formation continue mis en œuvre dans certaines régions, comme la région Grand Est.

Le dispositif de formation aux métiers d’art rares de la région Grand Est

Parce que certains métiers d’art ne disposent plus de filière de formation, parce que certains professionnels souhaitent continuer à se former ou tout simplement dans l’objectif de préserver le patrimoine culturel séculaire des entreprises métiers d’art, la fédération des métiers d’art d’Alsace (FREMAA) a mis en place un dispositif de transmission de savoir-faire rares et d’excellence.

Les objectifs principaux du dispositif sont la sauvegarde et la transmission des savoir-faire rares ou d’excellence, la formation d’une main d’œuvre qualifiée pour les ateliers, la contribution au développement des métiers d’art et en particulier à la création d’emploi le secteur des métiers d’art.

Le dispositif s’adresse en priorité aux personnes souhaitant se perfectionner dans un domaine rare afin de créer leur entreprise ou d’intégrer un atelier. La formation s’adresse à des demandeurs d’emploi ou à des salariés pouvant bénéficier d’un projet de transition professionnelle. Les ateliers d’art qui entrent dans le dispositif œuvrent dans le domaine de la tradition, de la restauration ou de la création et répondent à des critères de rareté, de qualité, et de potentialité en termes de débouchés. Les candidatures, établies sous forme de binômes artisans-stagiaires, sont sélectionnées par un comité de pilotage où siège la FREMAA.

Le projet repose sur la transmission des savoir-faire par un enseignement direct, délivré à temps plein sur une année par un artisan d’art au sein de son propre atelier. La formation peut dans certains cas particuliers faire l’objet d’un renouvellement. En complément, et dans le cadre d’un partenariat avec l’école de management de Strasbourg, les stagiaires suivent un programme pédagogique en regroupement dans les domaines de l’histoire de l’art, de la création artistique, de la communication, de la gestion, du marketing, etc. (160 heures, à raison d’une semaine par mois entre les mois de janvier et juin). Les ateliers d’accueil bénéficient d’une bourse annuelle d’un montant de 7 600 euros correspondant à une prise en charge partielle du travail de formation réalisé, et du matériel fourni. Les personnes formées bénéficient de la reconnaissance du statut de stagiaire de la formation professionnelle et des dispositifs légaux de rémunération liés à ce statut. Cette action est mise en place avec le soutien financier du Fonds social européen (montant prévisionnel subventionné pour les sessions 2019-2020 et 2020-2021 : 109 881,36 € par le Fonds social européen Alsace, et 46 216 € par le Fonds social européen Lorraine), du conseil régional Grand Est (90 000 € pour les sessions 2019-2020 et 2020-2021), et l’engagement des professionnels sur la transmission des savoirs.

L’enjeu de la formation aux métiers d’art rares ou en extinction est crucial. Aujourd’hui, beaucoup d’initiatives reposent sur la seule bonne volonté des personnes encore dépositaires d’un savoir-faire rare. Vos rapporteurs ont recueilli la contribution écrite d’une artisane d’art de Charente à ce sujet : « J’ai souhaité m’ultra spécialiser dans un domaine où il n’y a pas de formation : le verre églomisé. Ce qui implique beaucoup de recherches, beaucoup de travail personnel mais pas de formation. Et pire encore, ce métier rare n’est même pas référencé en tant que tel alors qu’il est en voie de disparition. Je souhaiterais donc former d’autres personnes, et les solutions pour cela ne sont pas nombreuses. Soit il me faut monter un centre de formation, soit devenir maître artisan (car je n’ai pas les moyens de former un apprenti et de le payer). Cela implique un investissement pour accueillir du public, pour acheter du matériel (…). Mais c’est également un investissement pour ceux qui veulent être formés. En somme, pour avoir le plaisir de préserver le patrimoine il faut au préalable faire beaucoup de sacrifices, j’ai tendance à dire que ça s’apparente à un sacerdoce. Nous trouvons aujourd’hui des formations dans l’art, elles ne permettent pas toutes d’avoir accès à beaucoup de spécialisation ; ou alors elles sont déjà très spécialisées. Elles ont le mérite de poser les bases. Mais comment trouver sa voie sans rencontrer des artisans différents, sans tester des techniques différentes. Il est parfois difficile de trouver une technique qui nous est propre et que l’on souhaite travailler plus particulièrement. Pour beaucoup d’ailleurs, les stages apparaissent comme des révélations. Et comment envisager même de travailler une technique qui n’est pas enseignée ? En réalité, beaucoup d’apprentissages, de connaissances se font en « off », s’organisent en tête à tête avec des artisans spécialisés. C’est souvent un apprentissage oral et manuel mais discret, d’un vieux sage à un singe en demande. Ce type de formation pourtant important n’est pas référencé et ne donne pas lieu à des diplômes, c’est pourtant une transmission importante qu’on ne trouve pas dans les livres et qui ne donne de valeur qu’à ceux qui la partage. »

iii.   Favoriser l’installation des jeunes artisans d’art sur le modèle des « jeunes agriculteurs »

Afin d’aider les jeunes artisans d’art à s’installer, vos rapporteurs proposent de mettre en œuvre à leur endroit une aide similaire à celle déjà existante pour les jeunes agriculteurs.

L’aide « jeunes agriculteurs » concerne toute personne âgée majeure de moins de 40 ans qui souhaite s’installer comme exploitant agricole à titre individuel ou au sein d’une société agricole. Lors du dépôt de la demande, le jeune agriculteur doit présenter un plan d’entreprise (PE) qui va se réaliser sur une période de quatre ans et permettre de dégager un revenu au moins égal à un SMIC net annuel à son terme.

L’aide versée est une aide à la trésorerie versée en deux fois pour les installations à titre principal : 80 % la première année d’installation et 20 % en 5ème année. Le montant de base de la dotation jeune agriculteur (DJA) s’inscrit dans une fourchette nationale qui varie selon la zone géographique. En zone de plaine, le montant maximum de la DJA est de 8 000 euros, contre 15 000 euros en zone de montagne et 36 000 euros en DOM. L’installation progressive offre une alternative à l’installation à titre principal : la DJA est alors versée en trois fois : 50 % au démarrage de l’activité, 30 % à partir de la troisième année du plan d’entreprise (si atteinte de 0,5 SMIC) et 20 % à l’issue du plan d’entreprise si le revenu de 1 SMIC est atteint. Les jeunes agriculteurs percevant la DJA sont éligibles à un abattement de 100 % de leur part de bénéfice imposable la première année et 75 % les quatre années suivantes si les bénéfices de l’année sont inférieurs à 4 3914 euros.

Une dotation similaire destinée aux jeunes artisans d’art pourrait être labellisée « Entreprise du patrimoine naissant ». La dotation, qui pourrait également dépendre de la zone géographique et de la spécialité métiers d’art choisie, pourrait rendre l’artisanat d’art plus attractif. Il convient de rappeler que dans le secteur des métiers d’art, les revenus annuels moyens sont faibles : 3 900 euros en moyenne annuelle pour les micro-entrepreneurs, et 21 740 euros en moyenne pour les indépendants.

Proposition n° 30 : Favoriser l’installation des jeunes artisans d’art via la création d’une aide « Entreprise du patrimoine naissant » inspirée du dispositif idoine existant pour les jeunes agriculteurs.

c.   Sensibiliser dès le collège les jeunes aux métiers d’art

L’ensemble des professionnels auditionnés par vos rapporteurs ont regretté que l’enseignement des arts plastiques au collège ne comporte pas réellement de dimension « métiers d’art ». Un enseignement de sensibilisation aux gestes des métiers d’art permettrait d’éveiller les plus jeunes aux matières et au temps long de la création. En outre, c’est souvent en classe de 3ème que commence l’orientation professionnelle vers les métiers d’art.

Certains dispositifs de sensibilisation aux métiers d’art existent, mais ces dispositifs sont lacunaires. Piloté par l’INMA et le musée des arts décoratifs de Paris depuis 2016, « À la découverte des métiers d’art » est un programme d’éducation artistique et culturelle destiné en priorité aux élèves de 4ème et 3ème. Pour chaque classe participante, un parcours en trois temps est proposé sur une journée entière : dans un premier temps, visite thématique d’une institution culturelle, lieu patrimonial ou entreprise, sous l’angle des métiers d’art, atelier pratique puis dans un deuxième temps démonstration avec des professionnels pour découvrir les matières et les techniques et enfin, dans un dernier temps, rencontre des élèves avec les équipes d’un établissement de formation préparant à l’exercice de ces métiers. Vos rapporteurs saluent ce dispositif, mais appellent à sa généralisation sur l’ensemble du territoire.

Ils soulignent également que toute sensibilisation des jeunes élèves aux métiers d’art est bienvenue, même si elle ne dure qu’une journée. Toutefois, l’idéal reste une sensibilisation régulière par une immersion de longue durée dans les métiers d’art. À cet égard, le programme Manufacto développé par la fondation Hermès semble exemplaire.

Le programme Manufacto de la fondation Hermès

Le programme Manufacto, « la fabrique des savoir-faire » a été créé par la fondation d’entreprise Hermès. Il est mis en œuvre depuis 2016 en collaboration avec les Compagnons du devoir et du tour de France, en partenariat avec l’école Camondo (Paris) et la villa Noailles (Hyères).

Encadrés par des spécialistes – un artisan, son assistant et un enseignant –, les élèves de différents niveaux (primaire, collège et lycée, hors classes de terminale et 3ème) sont invités à réaliser un objet au cours d’un cycle d’ateliers de pratiques techniques. La fondation d’entreprise Hermès déploie ce dispositif directement au sein des établissements durant le temps scolaire. Pendant douze séances, un artisan, secondé d’un assistant, intervient en classe, avec la complicité d’un enseignant : ce trio accompagne les élèves pas à pas dans la fabrication d’un objet contemporain dessiné par le Studio BrichetZiegler. Au cours de cette immersion dans les métiers de la maroquinerie, de la sellerie-garnissage, de la menuiserie ou de la plâtrerie, les classes découvrent le quotidien d’un artisan et s’imprègnent des fondements de son métier : rigueur, précision, dextérité, entraide, respect des ressources.

À chaque séance, les élèves collaborent en suivant un cahier des charges adapté à leur niveau. Ils se familiarisent avec les outils, les gestes et le vocabulaire artisanal pour aboutir à l’objet achevé, souvent personnalisé, qui devient un « motif de fierté, preuve du travail accompli et incarnation du plaisir de faire. »

Onze académies sont désormais partenaires de Manufacto, celles de Reims et Orléans‑Tours ayant rejoint le programme en 2021 (et complètent celles de Paris, Créteil, Nice, Besançon, Lyon, Rouen, Montpellier, Bordeaux, Versailles). Le programme concerne ainsi près de 1 600 élèves du CM1 à la seconde, répartis dans 65 classes à travers la France. Après une année pilote réussie à l’étranger, le dispositif a été reconduit à Milan et à Londres au sein des établissements partenaires.

La fondation et ses partenaires poursuivent trois objectifs : revaloriser les métiers de la main, faire découvrir des filières artisanales et développer le regard des jeunes générations sur l’environnement quotidien des artisans d’art. À cela s’ajoutent des enjeux complémentaires et liés : susciter des vocations et faire découvrir des métiers méconnus.

L’ensemble des professionnels auditionnés reconnaissent que même si les français respectent souvent le travail manuel, ils restent « frileux » sur le fait d’envoyer leurs propres enfants dans des filières métiers d’art, dont les débouchés sont encore assez méconnus. Des programmes comme celui porté par la fondation d’entreprise Hermès pourraient permettre de transformer le regard des élèves, mais surtout de leurs parents, sur les métiers d’art qui sont bien souvent des métiers connaissant de grandes tensions sur le recrutement. L’ensemble des maisons du luxe réunies dans le comité Colbert ont mis en place au début de l’année 2021 une campagne de communication dans la presse sous le slogan « Le luxe, créateur de valeurs », afin d’attirer l’attention des jeunes et de leurs parents vers ces métiers pérennes et de qualité ([29]).

Proposition n° 31 : Augmenter le temps de sensibilisation des jeunes élèves aux métiers d’art, en renforçant la dimension « métiers d’art » de l’éducation artistique et culturelle.

6.   Communiquer davantage sur les métiers d’art à destination du grand public :

a.   Revalorisation des journées européennes des métiers d’art, trop peu connues du grand public

Si le grand public est à présent familier des journées européennes du patrimoine, il connait en revanche peu les journées européennes des métiers d’art (JEMA). Créées en 2002, les JEMA proposent chaque printemps au grand public de découvrir le « génie incarné par les métiers d’art et du patrimoine vivant ». Depuis 2020, les candidatures sont ouvertes à toutes les entreprises labellisées EPV. Les JEMA se déroulent pendant une semaine, les jours de semaine étant consacrés en particulier aux scolaires, tandis que le week-end est réservé aux manifestations populaires : ouvertures d’ateliers et évènements imaginés par des professionnels en lien avec des établissements de formation. Les JEMA sont coordonnées par l’INMA et reçoivent le soutien du ministère de l’économie, des finances et de la relance, du ministère de la culture et du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, de nombreux acteurs locaux ou encore de mécènes comme la fondation Bettancourt-Schueller.

Devenues le premier évènement international consacré aux métiers d’art, les JEMA sont organisées en France et dans de nombreux pays européens.

En 2018, les JEMA ont réuni 1,3 million de visiteurs, 8 900 événements sur l’ensemble du territoire national, 6 664 ateliers participants, 865 manifestations, 130 centres de formation ouverts, 55 circuits de visite, 230 sites patrimoniaux et culturels mobilisés, dont 130 musées nationaux. Les JEMA ont occasionné 5 452 retombées presse dans les médias nationaux et la presse quotidienne régionale, tandis que près de 1 470 actions pédagogiques ayant touché 680 classes ont été menées à cette occasion. D’après l’INMA, les enquêtes de satisfaction démontrent que 77,7 % des visiteurs interrogés sont prêts à participer à nouveau aux JEMA.

Les JEMA constituent un moment fort de l’agenda des métiers d’art, en donnant une visibilité inédite aux artisans d’art. Pour le Mobilier national, « Les JEMA représentent un moment important dans le calendrier de valorisation de ce secteur d’activité. Grâce notamment à l’INMA et à la fondation Bettencourt, la galerie des Gobelins a accueilli des expositions qui ont marqué ce moment national. Il est très important que les JEMA puissent continuer à exister car, au même titre que les journées européennes du patrimoine, c’est le seul moment fédérateur national qui valorise la pratique des ateliers d’artisans. La galerie des Gobelins (avant covid) avait accueilli plus de 15 000 personnes sur une durée de 3 semaines. Cela représente de très bon chiffres pour nous. »

Vos rapporteurs plaident pour le lancement d’une campagne de communication nationale de grande ampleur, portée par l’INMA, qui permettrait de faire davantage connaître les JEMA au grand public.

Proposition n° 32 : Lancer une campagne de communication nationale de grande ampleur afin de faire davantage connaître les journées européennes des métiers d’art au grand public.

b.   Promouvoir davantage le tourisme des savoir-faire

Le tourisme des savoir-faire constitue un levier majeur de rayonnement des métiers d’art en France et à l’international. S’inscrivant dans une démarche durable, il est en phase avec les aspirations d’une part croissante de la population : recherche d’authenticité, de consommation locale et durable, rencontre singulière avec des artisans, et meilleure répartition des flux touristiques sur le territoire.

Vos rapporteurs ont auditionné l’association d’intérêt général « Entreprise et découvertes » qui œuvre pour la promotion du tourisme industriel et des savoir- faire depuis plus de 25 ans. Elle intervient pour développer, promouvoir et professionnaliser l’offre de visite d’entreprise (création et optimisation de parcours de visite, organisation événements, formations etc.) L’association travaille en partenariat étroit avec trois ministères (économie, affaires étrangères et culture) et un groupement de 30 partenaires institutionnels et privés. Depuis 2016, l’association édite en partenariat avec les éditions Hachette des guides du Routard entièrement consacrés à la visite d’entreprise.

Les chiffres relatifs au tourisme des savoir-faire communiqués par Entreprise et découvertes laissent entrevoir le potentiel de ce type de tourisme pour faire rayonner le secteur des métiers d’art. D’après les données communiquées par l’association, 15 millions de visiteurs ont franchi les portes de 2 000 entreprises en 2019 en France (tous secteurs d’activités confondus). 15 % de ces entreprises se situent dans le secteur métiers d’art et artisanat, soit un total de 310 entreprises qui ont accueilli 3 millions de visiteurs. Un chiffre en nette augmentation, puisqu’ils n’étaient que 2 millions en 2017. Aujourd’hui, le secteur métiers d’art et artisanat totalise 20 % des visiteurs (contre 14 % en 2017). L’association compte 60 entreprises labellisées EPV adhérentes.

En outre, le potentiel de développement à l’international de ce type de tourisme est majeur. La fréquentation des touristes étrangers a doublé en quatre ans (ils représentent en moyenne 21 % des visiteurs). Les clientèles internationales qui pratiquent le plus la découverte des savoir-faire français sont les pays européens frontaliers pour l’essentiel. Mais les clientèles des pays asiatiques (Japon, Corée du sud, Chine), d’Amérique du Nord (États-Unis) et des pays émergents, qui sont sensibilisées au luxe et à l’art de vivre à la française, constituent également des cibles stratégiques et à haute contribution.

Vos rapporteurs sont convaincus que le tourisme des savoir-faire constituent une filière d’avenir pour les métiers d’art. En visitant un atelier d’art ou une entreprise du patrimoine vivant, le touriste des savoir-faire comprend l’excellence et l’exigence du travail artisanal, ainsi que le temps de main d’œuvre nécessaire à la production d’une œuvre nécessairement coûteuse.

Proposition n° 33 : Favoriser le développement du tourisme des savoir-faire afin de diffuser le plus largement possible en France une culture « métiers d’art » et asseoir la position stratégique de la France dans le secteur.

c.   Organiser une campagne de communication « métiers d’art » d’envergure

Vos rapporteurs appellent de leurs vœux l’installation progressive, en France, d’une culture « métiers d’art ».

Or, de nombreux freins existent encore à la diffusion d’une culture métiers d’art largement partagée :

– des lacunes culturelles substantielles dans l’ensemble de la population française quant aux métiers du « faire », à leur histoire et leur importance. Ces lacunes ont été exacerbées par la désindustrialisation de la France dans les quarante dernières années ;

– une sous-valorisation, voire une dévalorisation, depuis 40 ans, des métiers de la main (comparativement aux métiers intellectuels). Le manque de connaissance des techniques et savoir-faire artisanaux explique en partie le non-consentement au prix élevé des produits de l’artisanat d’art de la part d’une partie de la population française ;

– la compétitivité des produits industriels reste très forte, vis-à-vis de produits artisanaux de qualité, peu distribués et peu connus. Les productions d’artisanat d’art sont plus coûteuses que les productions industrielles, qui sont mieux distribuées. Le client souhaitant acquérir ce type de productions, s’il en a les moyens, s’inscrit dans une quête de qualité et de singularité. Il souhaite acquérir un bien à dimension culturelle, éventuellement dans une logique éthique et/ou locale. Bien souvent, la démarche client reste confidentielle, de l’ordre de la quête de l’amateur-collectionneur ;

– un manque de visibilité et de compréhension des métiers d’art et du patrimoine vivant. Les métiers d’art ne relèvent pas des loisirs ou de folklores locaux, bien qu’ils soient liés aux arts et traditions populaires.

Afin d’atténuer ces freins à la diffusion d’une culture métiers d’art, vos rapporteurs préconisent, sous l’égide de l’INMA, de ses deux ministères de tutelle et du ministère des affaires étrangères, l’organisation d’une campagne de communication d’envergure au soutien du secteur « métiers d’art ».

Cette campagne, qui comporterait un volet digitalisé substantiel, pourrait se décliner de la manière suivante :

– mise en lumière du label « Entreprise du patrimoine vivant » encore trop peu connu du grand public : spots publicitaires, télévisuels et radiophoniques, communications visuelles dans les transports ;

– mise en lumière du titre de Maître d’art, insuffisamment connu en France, contrairement au titre de Trésor national vivant japonais. Il s’agirait par exemple de prévoir des affiches dans les gares, stations de bus ou de métro mettant périodiquement en lumière un Maître d’art détenteur d’un savoir-faire particulier ;

– diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux pour aller à la rencontre des artisans et de leurs œuvres. Privilégier notamment les réseaux suivants : Brut Konbini, Tiktok, Instagram, et Twitch ;

– formation renforcée aux métiers d’art des conseillers d’orientation dans les collèges et les lycées, afin que ces derniers connaissent davantage la réalité du secteur, les formations disponibles ainsi que les besoins en recrutement. De même, une action de sensibilisation au secteur des métiers d’art à destination des agents de Pôle emploi est nécessaire, les auditions ayant permis de faire remonter leur manque de connaissance du secteur.

Proposition n° 34 : Sous l’égide de l’INMA, des deux ministères de tutelle et du ministère des affaires étrangères, organiser une campagne de communication d’envergure au soutien du secteur « métiers d’art.

 


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EXAMEN EN COMMISSION

 

La commission a examiné le rapport de la mission d’information sur l’impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations du secteur des métiers d’excellence et métiers d’art (Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Huppé, co-rapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/CqnylC

La commission a approuvé la publication du rapport d’information

 


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   Annexe :
liste complète des métiers et spécialités officiellement reconnus par l’arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat

– Domaine de l’ameublement et décoration (32 métiers et spécialités)

Canneur-rempailleur ; cirier ; doreur ; ébéniste ; émailleur sur lave ; encadreur ; fabricant de compositions et décors végétaux stables et durables ; fabricant de serrures ; fabriquant de tapis et/ou de tapisseries ; fresquiste ; graveur sur pierre ; lapidaire-tourneur ; laqueur ; marqueteur ; marqueteur de pailles ; marqueteur de pierres dures ; menuisier en sièges ; mosaïste ; mouleur ; passementier ; peintre en décor ; peintre sur mobilier ; poêlier ; sculpteur sur bois ; sculpteur sur métal ; sellier d’ameublement ; staffeur-stucateur ; tapissier d’ameublement et/ou tapissier décorateur ; tourneur sur bois ; tourneur sur métal ; vannier ; vernisseur

– Domaine de l’architecture et des jardins (29 métiers et spécialités)

Ardoisier ; âtrier ; briquetier ; campaniste ; charpentier ; charpentier de marine ; chaumier ; couvreur du patrimoine bâti ; couvreur ornemaniste ; escaliéteur ; fabricant de bardeaux ou de lattes ; fabricant de carreaux ; fabricant de girouettes et d’éléments de faîtage (terre cuite vernissée ou non, métal…) ; fontainier ; jardinier du patrimoine ; lauzier ; maçon du patrimoine bâti ; maître‑verrier (vitrailliste) ; marbrier ; menuisier ; métallier ; murailler ; parqueteur ; paveur-dalleur ; rocailleur ; sculpteur sur pierre ; tailleur de pierre ; treillageur ; tuilier

– Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, Horlogerie (19 métiers et spécialités)

Argenteur et/ou doreur sur métal ; batteur d’or ; bijoutier ; bijoutier fantaisie ; chaîniste ; ciseleur ; diamantaire ; émailleur sur cadrans ; émailleur sur métal ; glypticien ; graveur ; graveur héraldiste ; graveur médailleur ; guillocheur ; horloger ; lapidaire ; orfèvre ; polisseur ; sertisseur

– Céramique (3 métiers et spécialités)

Céramiste ; décorateur sur céramique ; santonnier

– Cuir (15 métiers et spécialités)

Bottier main ; fabricant de chaussures ; fourreur ; gainier ; gantier ; gaufreur ; malletier ; maroquinier ; mégissier ; parcheminier ; pareur ; sellier‑harnacheur ; sellier-maroquinier ; tanneur ; taxidermiste

– Facture instrumentale (15 métiers et spécialités)

Archetier ; facteur d’anches ; facteur et/ou restaurateur de clavecins et épinettes ; facteur et/ou restaurateur de harpes ; facteur et/ou restaurateur de percussions ; facteur et/ou restaurateur de pianos ; facteur et/ou restaurateur d’accordéons ; facteur et/ou restaurateur d’harmoniums ; facteur et/ou restaurateur d’instruments à vent en bois ; facteur et/ou restaurateur d’instruments à vent en métal ; facteur et/ou restaurateur d’instruments de musique mécanique ; facteur et/ou restaurateur d’instruments traditionnels ; facteur et/ou restaurateur d’orgues ; luthier et/ou restaurateur de guitares ; luthier et/ou restaurateur d’instruments à cordes frottées

– Jeux, Jouets et Ouvrages mécaniques (10 métiers et spécialités)

Carrossier ; charron ; fabricant de figurines ; fabricant de jeux ; fabricant de manèges ; fabricant de maquettes ; fabricant de marionnettes ; fabricant de poupées ou de peluches de collection ; fabricant d’automates (métal, bois, papier, textile, résine) ; fabricant et/ou restaurateur de véhicules de collection

– Luminaire (2 métiers et spécialités)

Fabricant de luminaires ; fabricant d’abat-jour

– Métal (17 métiers et spécialités)

Armurier ; bronzier ; ciseleur ; coutelier ; dinandier ; émailleur sur métal ; féron ; ferronnier-forgeron ; fondeur ; fondeur de cloches et sonnailles ; graveur ; graveur de poinçons ; modeleur mouleur ; monnayeur de monnaies ou de médailles ; patineur ; potier d’étain ; taillandier

– Mode et Accessoires (13 métiers et spécialités)

Boutonnier ; chapelier ; corsetier ; couturier ; éventailliste ; fabricant de cannes ; fabricant de parapluies, parasols, ombrelles ; formier ; lunetier ; modéliste ; parurier floral ; plumassier ; tailleur

– Papier, Graphisme et Impression (16 métiers et spécialités)

Calligraphe ; dominotier ; doreur sur cuir ; enlumineur ; fabricant de papier ; fabricant d’objets en papier et/ou carton ; graveur de poinçons ; graveur en taille‑douce ; graveur et imprimeur en gaufrage ; héliograveur ; imagier au pochoir ; imprimeur en sérigraphie ; imprimeur en typographie ; marbreur sur papier ; photographe technicien ; relieur

– Restauration (12 métiers et spécialités)

Céramiques ; cuirs ; documents graphiques et imprimés ; métal ; meubles ; mosaïque ; peintures ; photographies ; sculptures ; textiles ; verre et cristal ; vitraux

– Spectacle (5 métiers et spécialités)

Costumier ; fabricant de décors de spectacle ; fabricant de masques ; fabricant d’accessoires de spectacle ; perruquier-posticheur

– Tabletterie (7 métiers et spécialités)

Brossier ; cornier ; écailliste ; ivoirier ; nacrier ; pipier ; tabletier

– Textile (10 métiers et spécialités)

Brodeur ; dentellier ; ennoblisseur textile ; fabricant de coiffes ; fabricant d’objets en textiles ; feutrier ; sérigraphe ; tisserand ; tresseur ; veloutier

– Verre et Cristal (4 métiers et spécialités)

Verrier à la main ; verrier au chalumeau ; verrier décorateur ; verrier fondeur

 


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Liste des personnes auditionnÉes

Atelier Bettenfeld-Rosenblum (ABR)

M. David Rosenblum

Comité Colbert

M. Alain Proust, secrétaire général

Musée de la toile de Jouy

Charlotte du Vivier-Lebrun, directrice

Association des ateliers des Maîtres d’art et leurs élèves

Mme Guillet-Lubrano, présidente d’honneur

M. Pierre Reverdy, délégué à l’international

Ateliers de France

Mme Dominique Niel, directrice générale

Confédération française des métiers d’art (CFMA) *

Mme Nicole Roux, présidente, administratrice de la BOCI (bijoux fantaisie, métaux précieux et industries appliquées aux métiers d’art)

M. Dominique Gruson, trésorier, président de la BOCI

Mme Élodie Gillet, vice-présidente, secrétaire générale de la fédération du cristal et du verre

Mme Emmanuelle Andrieux, vice-présidente, présidente de la chambre syndicale nationale du vitrail

Association « Villes et métiers d’art »

M. Christophe Poissonnier, délégué général

Direction générale de la création artistique (DGCA ministère de la culture et de la communication).

Mme Hélène Orain, adjointe au directeur général de la création artistique

M. Florent Kieffer, chef du bureau des industries créatives, métiers d’art, design et mode

Direction générale des entreprise (DGE)

M. Alban Galland, sous-directeur du commerce, de l’artisanat et de la restauration

Mme Morgane Jambou, chargée de mission métiers d’art

Compagnons du devoir et du tour de France

M. Patrick Chemin, secrétaire général par intérim

Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France

M. Jean-François Girardin, président

Ateliers d’art de France

Mme Aude Tahon, présidente

Mme Cécile Bourhis, directrice de cabinet et de la communication institutionnelle

Ministère du travail

M. Patrick Toulmet, délégué interministériel au développement de l’apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, accompagné

Chambre d’apprentissage des industries de l’ameublement

École d’ameublement de Paris « La Bonne Graine »

M. Arnaud Seigneur, président

M. Jérôme Theveny, directeur général

M. Alain Keruzoré, conseiller.

École Boulle

M. Jean-Philippe Laby, proviseur adjoint

LVMH

M. Marc-Antoine Jamet, secrétaire général

M. Jean-Baptiste Voisin, président de LVMH Métiers d’art, directeur de la stratégie

M. Alexandre Boquel, directeur du développement de l’Institut des métiers d’excellence

Mme Stéphanie Bès, responsable affaires publiques

Fondation Bettancourt Schueller

Mme Hedwige Gronier, responsable du mécénat culturel

Mme Nicoletta Panza

Mobilier national, Manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie et ateliers nationaux de dentelle

M. Hervé Lemoine, directeur

Atout France

Mme Caroline Leboucher, directrice générale

Entreprises et Découverte

Mme Cécile Pierre, directrice

Mme Marie Cario, chargée de projets

Union Française de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie des pierres et des perles *

M. Daniel Cambour, président

Mme Bernadette Pinet-Cuoq, présidente déléguée

Institut national des métiers d’arts (INMA) *

M. Luc Lesénécal, président

Mme Anne-Sophie Duroyon-Chavanne, directrice générale

SPUP

M. Stéphane Pariente, fondateur et président de Finance Mode, expert du crédit d’impôt métiers d’art

Chambres de métiers et de l’artisanat- CMA France*

M. Joël Fourny, président

M. Samuel Deguara, directeur des affaires publiques

La Fabrique nomade

Mme Inès Mesmar, directrice

M. Kenichi Matsuda, ministre, directeur du service communication et culture de l’ambassade du Japon en France

 

Fondation d’entreprise Hermès *

M. Laurent Pejoux, directeur

Mme Sandrine Sangarin, responsable du projet Manufacto

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

M François-Xavier Huard, conseiller chargé de l’artisanat et du suivi de l’exécution des réformes auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

Mme Justine Soussan, conseillère parlementaire auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

M. Renaud Dutreil, ancien ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

M. Tristan Frigo, conseiller technique chargé des relations avec le Parlement auprès de la ministre de la culture

M. Arnaud Roland, conseiller technique chargé des industries culturelles et du plan artistes-auteurs auprès de la ministre de la culture

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


Liste des personnes AYANT EXCLUSIVEMENT SOUMIS UNE CONTRIBUTION ÉCRITE

Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)

M. Antoine Ginestet, responsable des indications géographiques, direction de la propriété industrielle

Pôle métiers d’art de la région Grand Est

M. Christophe de Lavenne, chef du pôle métiers d’art

M. Mathieu Gicquel, verrier à Moulins, président de l’association pour le développement de l’artisanat d’art verrier

Société nationale des meilleurs ouvriers de France (MOF)

M. Adrian Colin, verrier d’art meilleur ouvrier de France, co-responsable de la commission métiers d’art, responsable du concours MOF des Côtes-d’Armor

Mme Pauline Le Goïc, atelier « Armorique vitrail »

Mme Caroline Gomes, chargée de l’artisanat et du développement local à la ville et Eurométropole de Strasbourg, direction du développement économique et de l’attractivité

Mme Anne-Laure Roty, tapissière décoratrice à Autun, référente formation chez les Compagnons du devoir

Mme Christine Devoucoux, artisane d’art en bijouterie fantaisie à Strasbourg

Fédération des métiers d’art d’Alsace

Mme Ninon De Rienzo, directrice de la frémaa et du salon Résonance[s]

Institut européen des arts céramiques

Mme Isabelle Rabet, directrice

Institut des métiers d’art et de l’artisanat d’art

Mme Nadine Mirc, directrice

 

Creative mind, agence de communication visuelle

M. Antoine Vignault

Chambre de métiers et de l’artisanat de la région Pays-de-la-Loire

M. François Danieau, coordonnateur régional de la mission Pays-de-la-Loire métiers d’art

Chambre de métiers et de l’artisanat de la région Occitanie (PyrénéesMéditerranée)

Mme Céline Depond, chargée de mission métiers d’art

Chambre de métiers et de l’artisanat de la région Nouvelle-Aquitaine

Mme Valérie Crete, pôle accueil et développement des entreprises et des territoires, direction territoriale de Charente

Avec les témoignages des artisans d’art suivants:

● Mme Maryse Dayries, artisane d’art vitrailliste ;

● M. Paul Émile Fort, tapissier décorateur ;

● M. Laurent Souchere, graveur sur pierre et sur verre, maître artisan d’art ;

● Mme Marie-Christine Garon, tapissière décoratrice, maître artisane d’art, élue métiers d’art à la CMA Charente ;

● Mme Amélie Pautiers, factrice d’instruments à cordes et à vents, artisane d’art ;

● M. Thierry Develle, ébéniste, maître artisan d’art, président des EPV de Charente ;

● M. Cédric Hamon, ébéniste, maître artisan d’art ;

● M. Philippe Riffaut, maître verrier, président des MOF Charente ;

● Mme Marie Roux, artisane d’art, restauratrice de tableaux ;

● Mme Rebecca Larapidie, maroquinière, artisane d’art ;

● M. Xavier Maffre, céramiste, artisan d’art ;

● Mme Anne-Marie Merle, artisane d’art spécialisée dans le cannage et le rempaillage ;

● Mme Laure Simonet, artisane d’art en bijouterie ;

● M. Baptiste Charvolen, artisan d’art en ferronnerie d’art ;

● Mme Valentine Dewit, artisane d’art, luthier en violon ;

● M. Pascal Renoux, artisan d’art, MOF, coutelier d’art


([1]) La composition de la mission d’information figure au verso de la présente page.

([2]) https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/Le-Patrimoine-culturel-immateriel/L-inventaire-national-du-Patrimoine-culturel-immateriel

([3]) Source : ACOSS URSSAF

([4]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000610273/

([5]) https://www.vie-publique.fr/rapport/30653-les-metiers-dart-dexcellence-et-du-luxe-et-les-savoir-faire-tradition

([6]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000029108840/2014-06-20/#LEGIARTI000029108840. Version en vigueur du 20 juin 2014 au 9 juillet 2016

([7]) Arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat

([8]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042845605

([9]) Source : ministère de la culture

([10]) https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/locale/piece-jointe/2020/01/france_metiers_dexcellence.pdf

([11]) https://www.ifop.com/publication/le-luxe-francais-une-valeur-sure-dans-le-monde-qui-vient/

([12]) Source : audition du Comité Colbert

([13]) Source : audition du service culturel de l’ambassade du Japon à Paris

([14]) https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/Le-Patrimoine-culturel-immateriel/L-inventaire-national-du-Patrimoine-culturel-immateriel

([15]) https://www.lemonde.fr/fragments-de-france/article/2021/10/19/c-est-beau-mais-ca-paie-pas-a-limoges-l-usine-j-m-weston-peine-a-recruter_6098995_6095744.html

([16]) Jeunes en décrochage scolaire et professionnel.

([17]) https://www.institut-metiersdart.org/agenda/enquete-covid-19-chiffrescles-impact-relance

([18]) Incapacité à utiliser les outils informatiques

([19]) https://www.sdbpro.fr/depuis-la-crise-du-covid-19-la-maison-est-un-chantier-davenir/

([20]) Insee et https://www.20minutes.fr/production/3053399-20210603-artisanat-pleine-evolution

([21]) Anne Jourdain, Des artisans d’art aux artisanes d’art, Travail et Emploi, n° 150, avril-juin 2017, pp. 25‑52

([22]) Caroline Mazaud, Artisan, de l’homme de métier au gestionnaire? Travail et Emploi, n° 130, avril-juin 2012, pp. 9-20

([23]) https://youtu.be/FWdtQkMolg0)

([24]) https://www.comitecolbert.com/app/uploads/2021/06/cc-carnet-complet.pdf

([25]) https://www.signaturepatrimoinevivant-paysdelaloire.com/.

([26]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006298775&cidTexte=LEGITEXT000006069574

([27]) Source : INPI

([28]) https://pole-aten.fr/pages/MA_repertoire-numerique-du-geste-artisanal

([29]) https://www.comitecolbert.com/app/uploads/2021/03/cc-luxe-createur-de-valeurs.pdf