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N° 5049

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2022

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 30 octobre 2019

sur la protection des espèces menacées

et présenté par

Mme Michèle TABAROT

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse des recommandations de la rapporteure

introduction

I. Un taux d’extinction des espÈces sauvages sans prÉCÉdent à l’Échelle planÉtaire

A. Une Érosion rapide et gÉNÉRALISÉe de la biodiversitÉ mondiale

1. Un état des lieux inquiétant concernant l’ensemble de la biodiversité mondiale

a. Le rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémique de l’IPBES alerte sur le déclin préoccupant de la nature

b. L’évolution de la liste rouge de l’UICN atteste d’une accélération de l’extinction des espèces animales et végétales

2. Un état des lieux préoccupant s’agissant des espèces emblématiques

a. L’extinction paradoxale des espèces les plus charismatiques malgré une visibilité médiatique forte

b. Proposition d’instauration d’une taxe sur l’utilisation de l’image des espèces animales menacées à des fins commerciales afin de renforcer les moyens dédiés à leur protection

B. Une Érosion de la biodiversitÉ causÉe par les activitÉs humaines

1. La dégradation et la destruction des écosystèmes

a. Les menaces pesant sur la biodiversité mondiale ont pour origine les activités humaines

b. Une perturbation de la biodiversité qui menace notre qualité de vie et la santé humaine

2. La criminalité faunique, une lourde menace pour la biodiversité

a. Le braconnage et le commerce illicite d’espèces sauvages constituent des activités criminelles très lucratives à l’échelle internationale

i. Un trafic très lucratif et peu risqué

ii. Des réseaux internationaux complexes aux multiples ramifications

b. Les espèces animales et végétales les plus exposées au braconnage et au trafic

c. La pandémie de covid19 confirme la nécessité de mieux contrôler les marchés de produits animaliers

II. L’Afrique, un continent sur lequel plane une dangereuse menace pour la vie sauvage

A. UnE biodiversitÉ fortement menacÉe

1. Les différents facteurs de dégradation des écosystèmes en Afrique

2. Les différentes tendances relevées dans certains pays d’Afrique s’agissant des atteintes portées à l’environnement

3. États des espèces sauvages menacées

a. Les pays qui sont parvenus, à des degrés divers, à mettre en place un cadre adéquat pour la préservation des espèces menacées

b. Les pays qui peinent à préserver leurs espèces sauvages

B. Le braconnage, un facteur de destruction de la biodiversitÉ pesant lourdement sur l’ensemble du continent

1. Les caractéristiques générales de la chasse illégale en Afrique

2. Les différentes tendances relevées dans certains pays d’Afrique

C. L’impÉrative association des populations locales aux actions de conservation pour renverser la tendance

1. Les rapports entre populations locales et espèces sauvages menacées

2. Question de l’écotourisme permettant de favoriser la préservation des espèces et le développement économique

a. L’écotourisme

b. La chasse légale

i. Une pratique intégrante du modèle de conservation dans certains pays

ii. Une pratique contestée si elle n’est pas très strictement encadrée et surveillée

III. L’EXIGENCE D’UNE MOBILISATION INTERNATIONALE FORTE ET COORDONNÉE AU BÉNÉFICE DE LA PROTECTION DES ESPÈCES

A. L’actuel systÈme international de protection de la vie sauvage et ses failles

1. Des instruments juridiques internationaux nombreux

a. La convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine

b. La convention sur le commerce international des espèces menacées de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)

c. La Convention sur la diversité biologique (CDB)

2. Un système juridique international trop fragmenté

B. Les actions menÉes par les pouvoirs publics pour lutter contre le trafic illégal d’espÈces sauvages menacÉes

1. La lutte contre la marchandisation des espèces sauvages menacées en France

a. Les actions de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) dans le cadre de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées

i. Missions de la DGDDI

ii. Organisation et moyens de la DGDDI

iii. La formation des agents à la lutte contre le commerce illégal de faune et flore sauvages menacées

iv. Les sanctions encourues en répression des infractions douanières

v. La réalité des peines prononcées

b. Les actions de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAEPS) dans le cadre de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées

i. Missions de l’OCLAEPS

ii. Organisation et moyens de l’OCLAEPS

2. Les actions menées en coordination à l’échelle internationale

a. Partenariats à l’échelle européenne

i. La plateforme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles

ii. L’agence Europol

iii. Le groupe « coopération douanière » (GCD) du Conseil de l’Union européenne.

iv. Commission européenne – direction générale de l’environnement

v. L’office antifraude (OLAF)

b. Partenariats à l’échelle internationale

i. Organisation mondiale des douanes et Interpol

C. La nÉcessitÉ d’une action rÉsolue de la France au service de la prÉservation de la vie sauvage

1. Une action diplomatique de la France en faveur de la préservation des espèces sauvages menacées

2. Des actions de terrains engagées en faveur de la préservation des espèces sauvages

a. Les engagements de l’Agence française de développement en faveur de la biodiversité

i. L’agence française de développement au service d’une économie pronature

ii. La protection des espèces sauvages est prise en charge par l’AFD dans le cadre plus large d’actions de conservation d’espaces naturels et ruraux et de développement local

iii. Une action en faveur des espèces menacées centrée sur l’Afrique

b. Mobilisation d’autres acteurs français pour la conservation ex situ et in situ des espèces menacées

EXAMEN EN COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteure

Annexe n° 2 : liste des contributions Écrites reçues par lA rapporteurE


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   SynthÈse des recommandations de la rapporteure

Mobilisation de la société civile :

- Soutenir la mise en place d’un « droit à l’image » pour l’utilisation à des fins publicitaires d’espèces sauvages menacées charismatiques. Les entreprises recourant pour la promotion de leurs produits à des images d’animaux en danger reverseraient ainsi un pourcentage de leurs profits à des programmes de conservation.

- Promouvoir la création de labels pour les entreprises finançant l’UICN ([1]) ou d’autres institutions œuvrant à la conservation des espèces sauvages afin de donner une plus grande visibilité aux menaces pesant sur la biodiversité et à alerter et sensibiliser le grand public.

Renforcer la sensibilisation du grand public et des nouvelles générations par un soutien affirmé à la vocation pédagogique des parcs zoologiques et des temps d’enseignement dédiés aux enjeux de la biodiversité durant la scolarité.

Mobilisation de la communauté internationale :

- Œuvrer pour que la communauté internationale adopte à l’occasion de la 15e conférence des Parties (COP15) à la Convention pour la diversité biologique (CDB), au printemps 2022, un cadre stratégique international ambitieux et opérationnel en faveur de la préservation de la nature.

- Soutenir financièrement la recherche en biologie de la conservation avec des moyens plus importants pour mieux évaluer l’état de la biodiversité et avoir des projets de conservation mieux calibrés et plus efficaces.

- Renforcer l’implication de la France dans la CITES ([2]) à travers la création d’une convention francophone de la CITES et un soutien plus important aux programmes financés dans le cadre cette convention.

- Soutenir l’intégration du trafic des animaux sauvages dans le cadre de la convention des Nations unies contre le crime organisé. Il constitue pour mémoire, le quatrième trafic le plus lucratif au monde.

 

 

Mobilisation des forces luttant contre le trafic d’espèces sauvages menacées :

- Soutenir le développement d’une coopération policière opérationnelle renforcée qui doit passer par un partage de renseignements entre les différentes autorités luttant contre les trafics à l’image de la messagerie sécurisée d’Europol, appelée SIENA ([3]).

- Affermir au niveau européen la priorité donnée à la lutte contre la criminalité environnementale et inciter chaque État membre à structurer sa lutte contre les atteintes à la faune sauvage en mettant en place des unités ad hoc, telles l’OCLAESP ([4]) en France ou le SEPRONA ([5]) en Espagne ;

- Encourager des investigations plus poussées sur le versant financier du trafic d’espèces sauvages menacées afin de mieux identifier les trajectoires des flux illicites et le lien avec la criminalité organisée ;

- Procéder à la création au niveau national d’un comité de pilotage interministériel ([6]) de lutte contre la criminalité environnementale, chargé de définir les priorités et la stratégie nationale.

- Procéder à la création dans chaque département d’un comité local de lutte contre la criminalité environnementale, coprésidé par le préfet et le procureur de la République et réunissant l’ensemble des services concernés. À l’image de ce qui existe déjà en matière de lutte contre les fraudes (CODAF).

- Améliorer aux échelles nationale, européenne et internationale, la qualité des formations dispensées aux enquêteurs et aux magistrats en charge de la lutte contre les atteintes à l’environnement.

Élaborer rapidement un « tableau des valeurs » des espèces principalement concernées par le commerce illégal pour faciliter et renforcer le travail des agents des douanes s’agissant notamment de la fixation du montant de l’amende douanière.

- Poursuivre l’ouverture des stations d’accueil pour les animaux au statut sanitaire incertain dans plusieurs aéroports et ports français en métropole comme en outre-mer.

- Créer une police dédiée à la lutte contre le trafic des espèces menacées à compétence nationale, le cas échéant à travers un service spécifique de l’OCLAESP.

- Étudier la possibilité de création d’une juridiction, le cas échéant à compétence nationale, spécialisée dans la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées.

Réglementations et sanctions pénales :

Œuvrer aux échelles européenne et internationale à un rapprochement des législations et à une harmonisation des sanctions pénales – qui connaissent de très grandes disparités pour les rendre réellement efficaces et dissuasives ;

Favoriser une réelle application des réglementations en vigueur, notamment dans les pays source, afin de rendre la protection de la biodiversité crédible et efficace et les sanctions afférentes dissuasives.

Sensibilisation et responsabilisation des populations dans les pays source :

Favoriser l’implication des populations locales en faveur de la conservation des espèces sauvages menacées à l’image de ce qui a pu être réalisé au Botswana, en Namibie ou au Kénya.

Encourager, via notamment les programmes d’aides publiques au développement, l’écotourisme c’estàdire d’un secteur d’activité générant à la fois des revenus pour les communautés locales tout en se montrant respectueux de la nature.

Prévention des épidémies en lien avec la protection de la nature :

Améliorer la gouvernance mondiale de la prévention des épidémies en lien avec la protection de la biodiversité.

Protéger plus strictement les écosystèmes et habitats naturels dans lesquels les interactions entre animaux sauvages et humains peuvent engendrer des transmissions et mutations virales et bactériennes ;

Renforcer le cadre institutionnel mondial pour perfectionner la gouvernance de la prévention des épidémies en s’appuyant sur les organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Convention sur la diversité biologique (CDB), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO ([7])), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE ([8])), le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Régulation du commerce en ligne d’espèces sauvages menacées :

Renforcer la surveillance et la coopération institutionnelle avec les différents acteurs du numérique, Internet constituant un vecteur de plus en plus important du trafic d’espèces sauvages menacées ;

Exiger des réponses systématiques et rapides de la part des diverses plateformes aux demandes de retrait d’annonces, formulées par les autorités en charge de la lutte contre le trafic d’espèces menacées ;

Améliorer la sensibilisation du grand public en imposant des messages d’alerte ou des mentions explicites sur les pages concernées des sites de manière à informer les acheteurs potentiels de l’existence d’une législation adaptée au commerce d’espèces sauvages menacées ;

Tendre vers une interdiction progressive de la vente sur ces sites d’animaux ou de produits issus d’espèces sauvages menacées et instituer en lieu et place une plateforme numérique dédiée comportant un certain nombre d’obligations .

 


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   introduction

Selon les données issues de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des écosystèmes ([9]) présentées en mai 2019 par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) – qui est l’équivalent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour l’étude de l’évolution de la biodiversité mondiale – environ 1 million d’espèces animales et végétales, soit une espèce sur huit, se trouvent aujourd’hui menacées de disparition. En 2018, le Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund – WWF en anglais) avait déjà relevé dans son rapport que les populations de vertébrés (mammifères, oiseaux, poissons, reptiles, amphibiens) avaient été réduites de 60 % depuis 1970. Le taux actuel d’extinction des espèces se révèle ainsi supérieur à la moyenne des 10 derniers millions d’années. Il serait ainsi de 100 à 1 000 fois supérieur au taux moyen naturel ([10]). Une telle érosion spectaculaire de la biodiversité mondiale est sans précédent dans l’histoire de l’humanité par sa vitesse et par l’ampleur de ses impacts. Elle s’accélère, à la fois en nombre et en étendue. En juin 2005, des chercheurs américains et mexicains avaient déjà mis en évidence les contours d’une « sixième extinction de masse ». Selon leurs calculs, les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années ([11]).

Pour donner une idée de l’ampleur de cette catastrophe écologique, en 2016, la planète ne comptait plus que 7 000 guépards en liberté. Ce félin n’occupant plus que 9 % de la surface du globe qu’il peuplait au début du XXe siècle. Par ailleurs, en 2016, on ne dénombrait plus que 35 000 lions d’Afrique dont la population a chuté de 43 % depuis 1993. En outre, les populations d’orangs-outans de Bornéo ont diminué de 25 % ces dix dernières années, pour atteindre 80 000 individus, tandis que celles des girafes sont passées de 115 000 spécimens en 1985 à 97 000 en 2015. Les éléphants sont depuis mars 2021 considérés par les experts de l’UICN comme « en danger » et « en danger critique » d’extinction, la population d’éléphants des savanes ayant reculé d’au moins 60 % en 50 ans, et la population des éléphants des forêts de plus de 86 % en 31 ans, en raison notamment du braconnage et de la disparition de leurs habitats ([12]). Les populations de pangolins ont été pour leur part décimées ([13]). S’agissant de la biodiversité marine, 3 % des stocks de poissons sont surexploités ou exploités à leur maximum et plus de 90 % des grands prédateurs marins (comme les requins, les thons ou les espadons) ont déjà disparu ([14]).

Les premières causes de cette hécatombe, que certains scientifiques qualifient à juste titre « d’anéantissement de la nature » ([15]), ont toutes pour origine des activités humaines (changement d’affectation des terres, déforestation, méthodes d’agriculture intensives, surexploitation des ressources, dérèglement climatique…). Certains écosystèmes sont désormais dégradés de manière pérenne. Ainsi, plus de 400 zones marines – qui rassemblées font la taille de la Grande‑Bretagne – sont désormais mortes, plus aucune vie ne pouvant s’y développer. De même, 83 % des zones humides ont disparu sur Terre et ne pourront pas se régénérer d’elles‑mêmes ([16]). Cependant selon les experts de l’IPBES, il est encore possible d’enrayer cette situation catastrophique et de conserver, restaurer et utiliser la nature de manière durable si des changements rapides et profonds sont mis en place aux niveaux économique, social, technologique et politique. Franck Courchamp, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), entendu par votre rapporteure, précise que « la nature est extrêmement résiliente, c’estàdire qu’elle peut rebondir rapidement dès qu’on relâche la pression. Les rhinocéros blancs d’Afrique australe sont passés d’une vingtaine dans les années 1970 à plusieurs milliers maintenant, grâce à un plan d’action volontaire et ambitieux » ([17]).

Il faut, par ailleurs, relever une hausse du trafic illégal d’espèces sauvages dans le monde entier. La valeur financière générée par ce trafic est estimée entre 7 et 23 milliards de dollars par an selon des données d’Interpol et du Programme des Nations unis pour l’environnement (PNUE) ([18]). L’offre se trouve notamment encouragée par la valeur financière générée par ce trafic ainsi que par la faiblesse des sanctions y étant associées. Quant à la demande, les marchés sont nombreux et très divers (médecine traditionnelle, cosmétique, alimentation, ameublement, zoos et domestication…). Les espèces concernées par le braconnage et le trafic sont multiples, mais un petit nombre seulement concentre près de 90 % des flux mondiaux illégaux ([19]). Toutes les régions du monde sont concernées par ce fléau, qu’elles constituent des territoires sources, de transit ou de destination. Cependant certaines espèces peuvent être plus spécifiquement associées à des aires particulières : les oiseaux avec l’Amérique centrale et latine, les mammifères avec l’Afrique et l’Asie, les reptiles avec l’Europe et l’Amérique du Nord, et enfin les coraux avec l’Océanie. Selon les données transmises à votre rapporteure par les différents organismes et personnalités entendues, la Chine et dans une moindre mesure le Vietnam constituent des territoires de destination privilégiés pour le trafic d’espèces sauvages menacées dédié aux secteurs de la médecine traditionnelle et de l’alimentation. L’Europe représente essentiellement un point de transit des trafics, notamment sur les routes de l’Afrique à l’Asie, même si le développement de liaisons aériennes et maritimes directes entre l’Afrique et l’Asie – et plus particulièrement vers la Chine – a désormais tendance à détourner les flux.

Face à cette situation particulièrement critique qui apparaît comme une urgence mondiale, la communauté internationale doit résolument se mobiliser pour la préservation de la biodiversité en général et des espèces sauvages menacées en particulier. Les raisons éthiques et morales devraient être suffisantes en elles‑mêmes, mais en réalité cette question se révèle tout simplement vitale pour l’humanité. Une perte de la biodiversité, que celle‑ci concerne les services qu’elle rend à l’humanité ou les ressources qu’elle produit, engendrera nécessairement des conflits et des déplacements de populations ([20]). Il apparaît primordial de faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens pour leur montrer à quel point l’humanité dépend de la biodiversité et à quel point nous serons tous touchés directement par son effondrement.

La France et l’Union européenne doivent montrer l’exemple et provoquer un effet d’entraînement auprès de leurs partenaires. Dans les semaines et mois à venir, la diplomatie environnementale française, aura fort à faire. En effet, les rendez-vous internationaux cruciaux vont se succéder dans le courant de l’année 2022.

Après avoir accueilli, à Paris, en 2019, la 7e conférence plénière de l’IPBES, la France a organisé en septembre 2021, à Marseille, le Congrès mondial de la nature de l’UICN, événement important permettant de mobiliser les diverses composantes de la société civile et prélude à la prochaine conférence des Parties (COP15) à la CDB qui reste pour l’instant maintenue du 25 avril au 8 mai 2022 à Kunming en Chine ([21]). Ce dernier rendez‑vous constituera une étape cruciale dans le combat contre l’érosion de la biodiversité mondiale. Il devra transformer les conclusions du rapport de l’IPBES en objectifs et en engagements politiques concrets. À cette occasion, la France et l’Union européenne devront porter une nouvelle ambition afin de favoriser l’adoption d’un cadre international plus audacieux et plus opérationnel en faveur de la protection de la nature.

Dans cette optique, l’objectif « 30 x 30 » – visant une protection de 30 % des terres et 30 % des mers de la planète d’ici 2030 – constitue pour la France un objectif phare du futur cadre mondial post‑2020. Quelques États parties à la CDB comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Brésil et l’Indonésie restent cependant très réservés quant à cet objectif : faisabilité d’une telle augmentation de la protection, limitation de l’accès aux ressources naturelles, ou respect des droits des peuples autochtones et des populations locales vivant dans ces aires protégées (un argument surtout porté par la société civile). L’adoption de cet objectif, bien que de plus en plus consensuel, nécessitera donc à la fois des efforts de conviction et une définition bien comprise de la protection à laquelle il est fait référence.

La France est le cinquième pays en termes de richesse de biodiversité. Grâce aux outre‑mer, la France est présente dans quatre des trente‑quatre points chauds de la biodiversité mondiale et possède le deuxième domaine maritime mondial, incluant 55 000 kilomètres carrés (km²) de récifs coralliens, soit environ 10 % de la superficie corallienne mondiale. Une telle « exception naturelle française » implique une responsabilité particulière pour la préservation des richesses de la Terre. La France doit donc, pour votre rapporteure, conduire aux échelles nationale, européenne et internationale une action ambitieuse et exemplaire afin de favoriser, à l’instar de ce qu’elle a su faire pour le climat, un élan collectif au service de la conservation des espèces sauvages menacées et de la préservation de la diversité biologique à l’échelle de la planète.

Le présent rapport permettra de faire un point général sur l’état inquiétant de la biodiversité à l’échelle mondiale. Un focus sera, en outre, réalisé sur les diverses raisons entraînant un déclin des populations d’espèces sauvages en Afrique et sur les solutions permettant d’enrayer un tel phénomène. Enfin le travail de votre rapporteure se concentra sur l’importance de la mobilisation internationale en faveur de la lutte contre le trafic d’espèces menacées et sur l’action spécifique de la France en faveur de la protection de la nature et du vivant.

 


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I.   Un taux d’extinction des espÈces sauvages sans prÉCÉdent à l’Échelle planÉtaire

A.   Une Érosion rapide et gÉNÉRALISÉe de la biodiversitÉ mondiale

1.   Un état des lieux inquiétant concernant l’ensemble de la biodiversité mondiale

Franck Courchamp, écologue et directeur de recherche au CNRS, dans une analogie avec l’incendie ayant ravagé Notre‑Dame de Paris le 15 avril 2019 avait intitulé un de ses articles sur l’érosion de la biodiversité mondiale : « la cathédrale du vivant brûle aussi, pourquoi ne faisonsnous rien ? » ([22]). En effet, la crise de la biodiversité a entraîné en moins de 40 ans la disparition des deux tiers des espèces terrestres et de la moitié des espèces marines. La sixième extinction de masse est à l’œuvre et elle ne cesse de s’accélérer à la fois en nombre d’espèces concernées et en étendue géographique. Une telle situation devrait susciter toute l’attention de la communauté internationale et appeler de sa part des actions urgentes et vigoureuses pour faire cesser les atteintes que l’humanité fait lourdement peser sur les écosystèmes dans lesquels elle évolue et – il ne faudrait jamais l’oublier – desquels elle dépend entièrement pour sa propre survie.

a.   Le rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémique de l’IPBES alerte sur le déclin préoccupant de la nature

La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) est un organisme intergouvernemental indépendant. Il a été institué par près de 100 gouvernements en 2012 en s’inspirant du fonctionnement du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La principale mission de l’IPBES consiste à fournir aux décideurs politiques des évaluations scientifiques sur l’état des connaissances relatives à la biodiversité et aux écosystèmes de la planète, sur les avantages qu’ils offrent aux populations, ainsi que sur les outils et les méthodes permettant d’assurer la protection et l’utilisation durable de cette diversité biologique essentielle à l’humanité.

En mai 2019, la 7e session plénière de l’IPBES a adopté le rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémiques. Ce rapport constituera le document scientifique de base pour les négociations à venir dans le cadre des travaux de la conférence des Parties de la convention sur la diversité biologique (CDB) qui devrait se réunir au printemps 2022 à Kunming en Chine. Cette étude qui a mobilisé les efforts de 500 chercheurs issus de toutes les régions du monde indique que l’effondrement de la biodiversité mondiale, en cours, est sans précédent dans l’histoire de l’humanité par sa vitesse et par l’ampleur de ses impacts.

Ainsi, sur les 8 millions d’espèces animales et végétales peuplant la Terre – dont 5,5 millions d’espèces d’insectes – 1 million d’espèces se trouvent actuellement menacées d’extinction à brève échéance. Ce taux d’extinction se révèle ainsi des dizaines, voire des centaines de fois, plus élevé à la moyenne des 10 derniers millions d’années. Et ce taux ne cesse de s’accélérer.

Les causes de cet « anéantissement de la nature » sont à chercher du côté des activités humaines : changement d’usage des milieux naturels, surexploitation des ressources naturelles, effets du dérèglement climatique, pollutions diverses, dissémination favorisée par le commerce mondial des espèces invasives… À ce rythme, et sans inflexion dans nos modes de vie et de production, le monde sauvage pourrait disparaître dans une échelle de temps très brève qui est celle d’une génération.

Les données alarmantes mises en avant par l’évaluation de l’IPBES sont nombreuses :

-         75 % du milieu terrestre et 66 % du milieu marin sont, à ce jour, sévèrement altérés par les activités humaines ;

-         87 % des zones humides présentes au XVIIIe siècle ont disparu ;

-         9 % environ des espèces terrestres mondiales disposant d’un habitat insuffisant pour leur survie à long terme se trouvent menacées si leur milieu n’est pas restauré ;

-         40 % environ des espèces d’amphibiens sont menacées d’extinction ;

-         33 % environ des récifs coralliens, des requins et des espèces proches, et plus de 33 % des mammifères marins sont menacés d’extinction ;

-         Au moins 680 espèces de vertébrés ont disparu depuis le XVIe siècle à cause des actions humaines à l’image du Dronte de Maurice ou dodo ([23]) et du loup de Tasmanie ([24]) ;

-         En 2015, 33 % des stocks de poissons marins ont été exploités à des niveaux non durables et 60 % l’ont été au niveau maximum de pêche durable ;

-         55 % environ des espaces océaniques sont exploités par la pêche industrielle.

Les infographies, ci‑après, extraites du rapport de l’IPBES présentent les tendances générales en matière d’extinction des espèces :

tendances gÉNÉrales en matiÈre d’extinction des espÈces

Source : Rapport de l’IPBES sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémiques, résumé à l’intention des décideurs, 2019.

Éviter la disparition des espèces sauvages et de leurs habitats constitue une urgence mondiale pour votre rapporteure. Les raisons éthiques et morales devraient être suffisantes en elles‑mêmes, mais en réalité, cette question se révèle tout simplement vitale pour l’humanité. En effet, notre avenir dépend entièrement de la biosphère, la nature contribuant à apporter ce qui est essentiel à la survie de notre espèce via des contributions régulatrices (purification de l’eau, régulation du climat, régulation de l’érosion des sols), des contributions matérielles (les animaux et les végétaux transformés en aliments, en énergie ou en matériaux) et des contributions non matérielles, la nature possédant également une fonction sociale, patrimoniale, historique et culturelle qu’il nous faut tout autant prendre en compte et protéger.

Nous devons impérativement réussir à adapter collectivement et urgemment le court terme économique et social au long terme environnemental, sans quoi les conséquences sanitaires, alimentaires, et socio‑économiques se révéleront dramatiques pour la survie de l’espèce humaine.

b.   L’évolution de la liste rouge de l’UICN atteste d’une accélération de l’extinction des espèces animales et végétales

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est une organisation internationale créée en 1948 qui a la particularité de rassembler en son sein des États, des agences gouvernementales et des organisations issues de la société civile. Elle constitue l’autorité mondiale pour ce qui concerne l’évaluation de l’état de la nature à l’échelle de la planète et l’établissement des mesures nécessaires pour la sauvegarder.

En 1964, l’UICN a mis en place sa Liste rouge des espèces protégées, devenue depuis l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation des espèces animales et végétales. La liste rouge est considérée comme la source scientifique la plus fiable pour connaître le niveau des menaces pesant sur la biodiversité. Grâce à cet indicateur, nous savons à présent qu’une espèce de mammifères sur quatre, un oiseau sur sept, plus d’un amphibien sur trois et un tiers des espèces de conifères sont menacés d’extinction à l’échelle du globe ([25]).

Pour établir cette liste rouge, les experts de la Commission de sauvegarde des espèces de l’UICN procèdent à une évaluation sur plusieurs années. Chaque espèce ou sous‑espèce peut être classée dans l’une des neuf catégories suivantes :

- Éteinte (EX),

- Éteinte à l’état sauvage (EW),

- En danger critique (CR),

- En danger (EN),

- Vulnérable (VU),

- Quasi menacée (NT),

- Préoccupation mineure (LC),

- Données insuffisantes (DD),

- Non évaluée (NE).

La classification d’une espèce ou d’une sous‑espèce dans l’une des trois catégories critiques – En danger critique (CR), En danger (EN), Vulnérable (VU) – résulte de plusieurs critères basés sur différents facteurs biologiques associés au risque d’extinction : la taille de population de l’espèce ou de la sous‑espèce considérée, le taux de déclin, l’aire de répartition géographique et le degré de peuplement et de fragmentation.

Le graphique ci‑après présente les différentes catégories de la liste rouge de l’UCIN :

les diffÉrentes catÉgories de la liste rouge de l’UCIN

Source : UICN, 2010.

La situation actuelle se révèle particulièrement préoccupante puisque dans la plus récente édition de la liste rouge de l’UICN, sur les 134 425 espèces étudiées, 37 480 sont classées comme menacées soit environ 28 % des espèces. Cette menace pesant sur le vivant touche toutes les régions du monde et tous les milieux naturels. Parmi les espèces menacées que l’on retrouve dans la liste rouge de l’UICN, 41 % sont des amphibiens, 26 % des mammifères et 14 % des oiseaux. C’est également le cas pour 36 % des requins et raies, 33 % des coraux constructeurs de récifs et 34 % des conifères.

Dans cet inventaire, la France figure parmi les dix pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées. Au total, 1 742 espèces menacées au niveau mondial sont présentes sur notre territoire, en métropole et dans les outre‑mer. La France, compte tenu de sa richesse biologique, a ainsi une grande responsabilité en matière de conservation des espèces menacées.

2.   Un état des lieux préoccupant s’agissant des espèces emblématiques

L’érosion de la diversité biologique concerne toutes les espèces animales et végétales et touche toutes les régions du monde. De manière paradoxale, les espèces sauvages emblématiques (éléphants, girafes, lions, ours polaires, rhinocéros, tigres…) particulièrement populaires grâce à leur présence massive dans les domaines culturels et commerciaux se trouvent également fortement menacées. Ces espèces charismatiques qui font l’objet d’une grande sympathie de la part de l’opinion publique sont virtuellement très présentes dans notre quotidien mais disparaissent néanmoins peu à peu dans leur milieu naturel.

a.   L’extinction paradoxale des espèces les plus charismatiques malgré une visibilité médiatique forte

La catégorie des espèces charismatiques demeure vague mais constitue pourtant une notion très utilisée en biologie de la conservation. Selon Franck Courchamp, écologue et directeur de recherche au CNRS, nous employons le terme d’espèce charismatique dès lors qu’une espèce spécifique provoque un sentiment particulier auprès du grand public en raison de ses caractéristiques (espèce impressionnante, dangereuse, attachante…). Ainsi, les requins blancs tout comme les koalas sont des espèces charismatiques. Ces espèces « porte‑drapeaux » qui généralement suscitent de la sympathie auprès du grand public se révèlent très utiles pour les conservateurs car elles permettent de sensibiliser et de mobiliser sur les questions ayant trait à la dégradation de la biodiversité dans son ensemble.

Certains dans la communauté scientifique estiment qu’il existerait un biais de conservation au bénéfice de ces espèces charismatiques. Selon eux, ces espèces profiteraient de manière disproportionnée des efforts de conservation et ils considèrent que leur protection est par conséquent suffisante et acquise ([26]). Plusieurs publications scientifiques recommandent d’ailleurs de ne pas concentrer les efforts de conservation sur ces espèces charismatiques, mais de s’intéresser à d’autres espèces moins connues ou d’adopter une approche écosystémique plus large. Franck Courchamp et ses équipes ont cherché à infirmer, dans le cadre de leurs travaux, cette hypothèse largement répandue, en étudiant la situation de dix des espèces les plus charismatiques – qui sont pour la plupart des grands mammifères carnivores se trouvant sur le continent africain. Le résultat de leurs travaux a mis en évidence un risque élevé et imminent d’extinction dans la nature les concernant, à l’exception du loup gris qui est considéré de « préoccupation mineure » par l’UICN. Les causes principales de ce déclin étant associées une nouvelle fois aux activités humaines (cf. infra). Cependant le grand public ignore la réalité de cette situation.

Pour Franck Courchamp, une telle méconnaissance au sujet de leur état de conservation pourrait notamment être imputable à une distorsion émanant du décalage entre la profusion de ces espèces charismatiques dans notre culture et leur disparition réelle dans leur milieu naturel. En recourant à des images d’espèces sauvages menacées pour la promotion de leurs produits de nombreuses entreprises participeraient ainsi à cette perception biaisée. Selon l’étude en question, cette situation nuirait in fine involontairement aux efforts de conservation des espèces menacées puisqu’elle invisibilise auprès du grand public les risques d’extinction pesant sur elles mais laisse au contraire penser qu’elles existent en abondance et ne méritent donc pas de protection particulière ou d’efforts supplémentaires. Cet état de fait instaure ainsi une sorte de compétition entre les populations virtuelles et les populations réelles et paradoxalement renforce le risque d’extinction de ces espèces en minimisant l’urgence à agir pour les protéger.

Pour Franck Courchamp, l’un des principaux obstacles à la conservation des espèces animales charismatiques est constitué par la faible connaissance du grand public des risques d’extinction les concernant. Les réponses apportées à un questionnaire de son équipe de recherche diffusé auprès des étudiants sur le campus de UCLA ([27]) se sont, en ce sens, révélées significatives. L’analyse de ces données atteste d’un important déficit de connaissance au sujet de l’état de conservation réel de ces espèces. Ainsi, une personne sur deux n’était pas au courant que les girafes, les guépards, les panthères ou encore les lions étaient des espèces menacées. Ces réponses sont à mettre en perspective avec les estimations scientifiques des populations d’espèces animales concernées. À titre d’exemple, la girafe de Nubie aurait ainsi perdu plus de 97 % de sa population en à peine une génération et plusieurs études scientifiques projettent une disparition des lions à l’état sauvage d’ici une vingtaine d’années.

Ce manque de connaissance quant à la situation réelle des espèces sauvages emblématiques proviendrait de la surmédiatisation de ces animaux dans la culture populaire médiatique. À titre d’illustration, en moyenne, en France, un Français est exposé à des images de lions plus de quatre fois par jour. Les animaux charismatiques font partie intégrante de nos vies quotidiennes et de notre imaginaire collectif. Depuis vingt ou trente ans, les espèces charismatiques ont certes fait l’objet d’importants programmes de conservation parfois très médiatiques, contribuant à fortifier l’idée selon laquelle leur préservation serait garantie. Pour autant, au cours de ce même intervalle de temps, nous avons vu les populations de ces espèces sauvages menacées décroître de manière inquiétante. Certaines espèces se sont depuis éteintes, à l’image du rhinocéros de Java, le dernier individu survivant ayant disparu au Vietnam du fait du braconnage en 2001 ([28]).

La prise de conscience générale du public et l’amélioration des connaissances scientifiques sont les pierres angulaires de la conservation des espèces. Or, nous devons relever un manque de moyens importants dans le domaine de la recherche en biologie de la conservation. À titre d’exemple, la population des éléphants d’Asie – plus grand mammifère terrestre – n’a pas fait l’objet d’un recensement depuis l’année 2003. Avec des moyens plus importants les scientifiques seraient en mesure de mieux évaluer l’état de la biodiversité et pourraient ainsi soutenir des projets de conservation mieux calibrés et plus efficaces. De même, la prise de conscience du grand public et son adhésion aux projets de conservation constituent des éléments indispensables pour leur permettre d’engranger des résultats probants au bénéfice de la préservation des espèces sauvages menacées. La variable socio‑économique et l’assentiment des populations représentent des éléments déterminants qu’il ne faut en aucun cas négliger pour la réussite d’un programme de conservation d’une espèce que l’on pense, par exemple, à la préservation du tigre en Inde, du léopard en Afrique ou du loup en Europe.

b.   Proposition d’instauration d’une taxe sur l’utilisation de l’image des espèces animales menacées à des fins commerciales afin de renforcer les moyens dédiés à leur protection

Pour Franck Courchamp et ses équipes, la perception biaisée du grand public vis‑à‑vis de l’état réel des populations d’espèces sauvages emblématiques devrait perdurer tant que l’utilisation de leurs images ne sera pas accompagnée de campagnes d’information pertinentes sur les menaces auxquelles ces espèces sont exposées. Pour agir dans cette direction, ils proposent notamment de compenser les effets préjudiciables de cette situation sur les efforts de conservation en captant une partie des bénéfices associés à l’utilisation commerciale de l’image des espèces menacées ([29]).

Ainsi, pour renforcer la préservation des espèces et améliorer la sensibilisation du grand public, votre rapporteure soutient cette proposition visant à mettre en place un « droit à l’image » pour l’utilisation publicitaire d’espèces charismatiques menacées. Un tel mécanisme conduirait ainsi les entreprises recourant à l’image d’espèces sauvages en danger d’extinction pour la promotion de leurs produits à reverser un pourcentage de leurs profits à des programmes de conservation mis en place. Lors du déplacement de votre rapporteure, au Kenya, différents acteurs œuvrant en faveur de la préservation de la nature ont salué une telle initiative qui permettrait effectivement de mieux sensibiliser le grand public et de diversifier les sources de revenus au bénéfice de la conversation des espèces sauvages menacées.

L’écosystème entrepreneurial paraît propice à la mise en place d’une telle mesure, comme en atteste le succès de l’initiative Save our species qui avait impliqué plusieurs marques, dont certaines françaises, à une campagne menée au profit de la protection des espèces sauvages menacées en collaboration avec l’UICN et cofinancée par l’Union européenne ([30]). Selon la même logique, a été mise en place au Royaume‑Uni, sous l’impulsion de Sir David Attenborough, naturaliste britannique, une contribution de 0,5 % des revenus de marketing des plus grandes entreprises anglaises. Ce mécanisme permettrait ainsi de générer environ 100 millions d’euros par an au profit de la préservation des espèces sauvages menacées.

En outre, votre rapporteure estime que des labels sur les produits d’entreprises finançant des institutions œuvrant à la conservation des espèces sauvages menacées – comme l’UICN – pourraient être développés. De même, la promotion d’écolabels contribuant efficacement à la préservation des habitats naturels devrait être encouragée. À titre d’illustration, comme cela a été relevé lors de l’audition à Nairobi d’un représentant du Partenariat en faveur de la survie des grands singes ([31]), une telle initiative dans le domaine de l’huile de palme avec une certification des produits, permettrait de mieux protéger les écosystèmes dans lesquels évoluent les grands singes africains. L’objectif de ces labels consiste in fine à donner une plus grande visibilité aux menaces pesant sur la biodiversité et à mieux informer le grand public.

B.   Une Érosion de la biodiversitÉ causÉe par les activitÉs humaines

1.   La dégradation et la destruction des écosystèmes

a.   Les menaces pesant sur la biodiversité mondiale ont pour origine les activités humaines

Les activités humaines ont conduit, dans presque toutes les régions du monde, à une altération significative de la nature. Selon les données de l’IPBES, les facteurs directs et indirects ayant des impacts sur le déclin de la biodiversité se sont intensifiés au cours des cinquante dernières années et comportent des risques pour la qualité de vie de tous les êtres vivants.

Pour ce panel d’experts internationaux, les causes directes d’atteintes à la biodiversité ayant eu les incidences les plus lourdes à l’échelle mondiale sont, par ordre décroissant :

-         la modification de l’utilisation des terres et des mers ;

-         l’exploitation directe des organismes ;

-         les effets du dérèglement climatique :

-         la pollution et la dissémination d’espèces exotiques envahissantes.

L’IPBES souligne, par ailleurs, que ces cinq facteurs directs découlent d’un ensemble de causes sous‑jacentes que sont les causes indirectes d’atteinte à la nature et au vivant qui reposent « sur des valeurs sociales et des comportements incluant les modes de production et de consommation, la dynamique et les tendances démographiques, le commerce, les innovations technologiques et la gouvernance depuis le niveau local jusqu’au niveau mondial » ([32]). Le rythme et l’intensité des changements induits par ces facteurs directs et indirects diffèrent en fonction des régions et des pays concernés.

L’infographie, ci‑après, présente des situations de déclin observées dans la nature à l’échelle mondiale, soulignant le recul de la biodiversité provoqué par les facteurs de changement directs et indirects :

Facteurs indirects et directs de dÉclin de la nature

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Source : Rapport de l’IPBES sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et les services écosystémiques, résumé à l’intention des décideurs, 2019

La dégradation des terres se traduit par un changement d’affectation des sols, par leur érosion ou par l’appauvrissement de leur qualité. La dégradation des terres altère la biodiversité en entraînant une destruction ou une fragmentation des habitats naturels indispensables à la survie d’espèces végétales ou animales. Les principaux éléments à l’origine du changement d’utilisation des terres sont l’agriculture, l’exploitation forestière et l’urbanisation. Ces différents facteurs sont tous associés à une pollution de l’air, de l’eau et des sols. L’expansion agricole constitue la forme la plus répandue de changement d’utilisation des terres, plus d’un tiers de la superficie terrestre de la planète étant utilisée pour les cultures et l’élevage.

Les changements dans les utilisations de la mer et des terres côtières ont, par ailleurs, un impact sur la nature à l’échelle de la planète. L’aménagement du littoral, le développement de l’aquaculture au large, de la mariculture et de la pêche au chalut de fond peuvent engendrer des atteintes à la biodiversité tout comme l’aménagement des terres côtières avec le défrichage du littoral et l’étalement des villes le long des côtes.

Depuis 1970, selon les données de l’IPBES, la production a augmenté dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, des bioénergies et des industries extractives. La production agricole a presque triplé en valeur sur la même période, atteignant ainsi 2 600 milliards de dollars en 2016. Cette utilisation intensive des terres a eu pour effet de provoquer une dégradation des sols qui a engendré une réduction de la productivité agricole sur 23 % de la surface terrestre.

Selon le rapport de l’IPBES, le changement d’utilisation des terres et des mers explique, avec l’exploitation directe des organismes, plus de 50 % de l’impact mondial sur les écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce ([33]).

L’exploitation directe des organismes, et en particulier la surexploitation des animaux et des plantes constitue pour les écosystèmes terrestres et d’eau douce, le deuxième facteur direct, après le changement d’utilisation des terres, ayant l’incidence relative la plus néfaste sur la nature depuis les années 1970.

S’agissant des écosystèmes marins, l’exploitation directe des organismes  constitue, pour sa part, le facteur ayant l’incidence relative la plus importante. La surpêche représente une véritable agression pour la biodiversité marine, un tiers de la population de poissons étant actuellement surpêché à l’échelle mondiale et près des deux tiers le sont au maximum de leur capacité. Ainsi les populations de poissons s’effondrent sous l’effet d’une surexploitation par les humains. Le phénomène de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), aggrave, par ailleurs, cette situation de manière particulièrement préoccupante ([34]).

Le dérèglement climatique représente un facteur direct ayant un impact important sur la nature et le bien‑être humain. Le rapport de l’IPBES relève que les « facteurs anthropiques sont estimés être à l’origine d’un réchauffement observé d’environ 1,0 °C en 2017 par rapport aux niveaux préindustriels, avec des températures moyennes en augmentation de 0,2 °C par décennie au cours des trente dernières années » ([35]). Le dérèglement climatique a eu pour effet d’augmenter ces cinquante dernières années, la fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les incendies, les inondations et les épisodes de sécheresses.

Par ailleurs, le dérèglement climatique a entraîné une augmentation du niveau moyen des mers à l’échelle de la planète de l’ordre de 16 à 21 centimètres depuis 1900, à raison de plus de 3 millimètres par an au cours des vingt dernières années. Ce phénomène a eu de nombreux impacts sur la biodiversité qu’il s’agisse de la répartition des espèces, de la phénologie ([36]), de l’évolution des populations, de la structure des communautés et du fonctionnement des écosystèmes. Les effets du dérèglement climatique exacerbent les conséquences d’autres facteurs ayant une incidence sur le déclin de la biodiversité. Ainsi, la moitié environ de la surface de corail vivant a été perdue depuis les années 1870, mais ces pertes se sont accélérées au cours des dernières décennies en raison des effets du dérèglement climatique.

Selon les données scientifiques, les effets du changement climatique devraient se renforcer au cours des prochaines décennies, avec des incidences variables selon les scénarios et les zones géographiques considérées. Le rapport de l’IPBES relève que le changement climatique aura « des effets majoritairement défavorables sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes » ([37]), et ces effets seront « exacerbés, parfois de manière exponentielle, par le réchauffement graduel de la planète. Même avec un réchauffement mondial de 1,5 °C à 2 °C, la plupart des aires de répartition des espèces terrestres devraient rétrécir considérablement » ([38]). Le panel de scientifiques internationaux précise que ces changements peuvent accroître considérablement le risque d’extinction d’espèces à l’échelle mondiale. Selon les estimations mises avant dans leur rapport « la proportion d’espèces menacées d’extinction du fait du climat se situe à 5 % avec un réchauffement de 2 °C, mais passe à 16 % avec un réchauffement de 4,3 °C. Les récifs coralliens sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques et devraient décliner jusqu’à 10-30 % de leur couverture originale avec un réchauffement de 1,5 °C, et à moins de 1 % avec un réchauffement de 2 °C » ([39]).

Ainsi, il apparaît essentiel d’œuvrer dans la droite ligne des objectifs de l’accord de Paris de 2015 pour contenir le réchauffement planétaire bien en dessous de 2 °C, le dérèglement climatique faisant peser d’importantes menaces sur la nature et le vivant.

Les types de pollution portant atteinte à la nature sont divers. Bien que les tendances au niveau mondial soient variées, la pollution de l’air, de l’eau et du sol continue d’augmenter dans certaines zones géographiques engendrant des effets néfastes sur la biodiversité. À titre d’illustration, la pollution plastique des mers et des océans « a été multipliée par dix depuis 1980, affectant au moins 267 espèces, dont 86 % des tortues marines, 44 % des oiseaux marins et 43 % des mammifères marins » ([40]). Par ailleurs, « les émissions de gaz à effet de serre, les déchets urbains et ruraux non traités, les polluants issus de l’activité industrielle, minière et agricole, les déversements d’hydrocarbures et les décharges sauvages de déchets toxiques ont des effets désastreux sur les sols, la qualité des eaux douces et marines, et l’atmosphère » ([41]).

L’afflux d’espèces exotiques envahissantes dans certains écosystèmes endémiques représente une véritable menace pour la biodiversité mondiale. Selon le rapport de l’IPBES, concernant un ensemble de 21 États pour lesquels existent des données détaillées, « le nombre d’espèces exotiques envahissantes par pays a augmenté d’environ 70 % depuis 1970 » ([42]). Ce phénomène mondial – qui ne montre aucun signe de ralentissement trouve notamment son origine dans l’intensification des échanges commerciaux et dans les dynamiques démographiques. L’introduction et la prolifération d’espèces exotiques envahissantes entraînent souvent des conséquences particulièrement graves pour les espèces endémiques fragiles et plus particulièrement dans les environnements vulnérables comme les écosystèmes insulaires. Selon les données de l’IPBES, près d’un cinquième de la surface terrestre se trouve actuellement exposé à des invasions végétales et animales nuisibles aux espèces endémiques et aux fonctions écosystémiques locales.

L’introduction et le développement d’espèces exotiques envahissantes d’une part et le déclin des espèces endémiques d’autre part contribuent à gommer à grande échelle les différences entre les communautés écologiques de différentes zones géographiques mondiales. Ce phénomène appelé « homogénéisation biotique » peut avoir des incidences importantes sur le fonctionnement des écosystèmes concernés. À titre d’illustration, le déclin et la disparition des grands herbivores et prédateurs ont eu pour effet de modifier « la structure, le régime des feux, la dissémination des graines, l’albédo de la surface des terres et la disponibilité des nutriments dans de nombreux écosystèmes » ([43]). Une telle situation en plus de faire peser une lourde menace sur la biodiversité altère indéniablement les contributions que la nature peut apporter aux populations, ainsi qu’à l’économie et à la santé humaine.

b.   Une perturbation de la biodiversité qui menace notre qualité de vie et la santé humaine

Depuis plus de deux ans, le monde est confronté à une crise sanitaire sans précédent du fait de la pandémie de la covid‑19. Les conséquences de cette crise sont elles aussi inédites : des milliards de personnes confinées, plusieurs centaines de milliers de morts à déplorer et une économie mondiale déstabilisée, laissant présager de lourdes difficultés socio‑économiques qui mettront du temps à être surmontées.

Il paraît donc plus que vital aux yeux de votre rapporteure de tirer les leçons de cette crise sanitaire pour renforcer notre résilience et notre capacité d’anticipation, d’adaptation et de gestion coordonnée sur le plan international, face aux épidémies modernes. En perturbant l’ensemble de la planète, cette pandémie nous impose de nous questionner et d’agir sur les conditions de son émergence.

Toute la lumière devra nécessairement être faite sur l’origine exacte de la pandémie. Aucune piste ne doit être laissée de côté de l’hypothèse d’un accident de laboratoire à celle d’un débordement zoonotique. Cette dernière piste reste cependant, à ce jour, considérée comme la plus probable pour un grand nombre de scientifiques ([44]) et la quête d’un éventuel hôte « intermédiaire » entre l’homme et la chauve‑souris se poursuit.

Les zoonoses naissent lorsque des agents pathogènes sont capables de passer des espèces dites « réservoirs » à l’espèce humaine. Cela suppose une promiscuité forte car ces évènements de passage ne sont pas toujours de simples contaminations causées par des contacts rapides entre un animal et un humain. De plus, les agents pathogènes doivent souvent évoluer sous sélection ou par recombinaison avant de devenir pathogènes pour l’espèce humaine, c’est‑à‑dire avant d’être capables de rentrer dans notre organisme et d’atteindre leur cible (cellule, tissu, etc.) C’est pourquoi très souvent, outre l’espèce animale dite « réservoir » et l’homme se trouve un hôte dit « intermédiaire » qui aide à l’humanisation de l’agent pathogène, soit parce que ses cellules sont plus semblables à celles de l’espèce humaine, soit parce que ces hôtes contiennent un autre agent apparenté (notamment pour les virus) qui se recombine avec le premier (mécanisme génétique qui aboutit à un virus chimère génétique naturelle).

Ainsi le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est apparu il y a plusieurs décennies ([45]) à la suite de contacts primates anthropoïdes-humains et a circulé à bas bruit sur une longue période avant de devenir une pandémie. Le virus Ébola, quant à lui, est apparu à la suite de contacts entre des chauves-souris et des êtres humains, le plus souvent dans des lieux de déforestation ou de fragmentation forestière récente comprenant des populations humaines locales importantes. Le premier virus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) résulte pour sa part d’une recombinaison entre un virus de chauve‑souris rhinolophes opportunistes en lisière forestière et de civettes capturées dans le cadre de trafics. Enfin le virus Nipah est transmis aux êtres humains via des porcs de petits élevages fermiers en Malaisie vivant en promiscuité avec des chauves-souris frugivores qui se nourrissent dans les arbres fruitiers situés au‑dessus des exploitations porcines.

La déforestation ou la fragmentation forestière connaît chaque année, une croissance exponentielle depuis des décennies. Sur la période 2000‑2017, 3,4 millions km2 d’arbres ont été défrichés dans le monde entraînant une réduction du couvert forestier mondial de l’ordre de 8,4 %. Ainsi, c’est l’équivalent de la surface du Portugal qui est défrichée tous les ans principalement pour l’élevage ([46]) en Amérique du Sud et pour les plantations d’huile de palme en Asie du Sud‑Est. Un tel phénomène, qui ouvre des espaces à exploiter, favorise les contacts entre les êtres humains et les espèces sauvages en permettant aux premiers de pénétrer dans ce qui était auparavant des forêts sauvages. Il ne s’agit plus en l’espèce de populations premières isolées et peu nombreuses mais de populations plus importantes et connectées qui peuvent facilement amener un agent pathogène au stade épidémique voire pandémique. La combinaison de ces différents facteurs dans des zones à forte richesse biologique (incluant espèces « réservoirs », espèces « hôtes » et des micro‑organismes, populations humaines, élevages d’animaux, et capacité de transports) aboutit à la survenance plus fréquente de crises sanitaires.

Face à cette forte présomption sur l’origine environnementale du sars‑cov‑2, Yann Werhling, précédent ambassadeur délégué à l’environnement, avait réuni en 2020 un large panel d’experts de la biodiversité, sous la coordination de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) afin de travailler sur cette question ([47]). Les conclusions de leurs travaux nous permettent d’établir que la pression sur la nature constitue bien un facteur d’apparition de nouvelles pandémies, constat qui avait été également formulé par les experts de l’IPBES : l’artificialisation et la réduction de l’espace sauvage sont associées à la multiplication et à l’accélération des épidémies depuis 40 ans. Sur près de 400 nouvelles maladies infectieuses apparues sur cette période, 60 % sont d’origine animale, dont les deux tiers seraient issus de la faune sauvage et 30 % seraient liées à la destruction des habitats et à la probabilité accrue de contacts répétés avec l’homme ou les animaux domestiques. L’identification de multiples virus potentiellement pathogènes chez des espèces sauvages de plus en plus proches des hommes et des animaux domestiques, et la capacité accélérée de mutation et de passage chez l’homme, puis de transmission interhumaine suscitent une légitime inquiétude.

La seconde édition du rapport mondial sur la criminalité liée aux espèces sauvages de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ([48]), publié en août 2020, souligne que la pandémie de la covid‑19 a montré la nécessité d’imposer un meilleur contrôle des marchés de produits animaliers. Dans son rapport, l’ONUDC reconnaît que de nombreuses zones d’ombre persistent dans le domaine des zoonoses mais alerte quant au lien probable entre le développement de ces maladies et le commerce et la consommation d’espèces sauvages. Bien que de nombreux vecteurs aient contribué à la propagation des zoonoses (l’urbanisation, l’augmentation de la densité de population humaine, le dérèglement climatique et l’accélération des échanges et des déplacements), le trafic d’animaux sauvages à grande échelle et la déforestation figurent pour les auteurs du rapport parmi les facteurs majeurs. Des interactions plus fréquentes entre les humains et la faune sauvage augmentent, en effet, la probabilité que ces premiers contractent des agents pathogènes d’origine animale. Ainsi, les espèces sauvages commercialisées de manière clandestine et qui échappent à tout contrôle sanitaire, exposent les humains à la transmission de nouveaux virus et autres agents pathogènes.

La santé de l’homme dépend indéniablement de son rapport à la nature et de sa capacité à bien gérer et préserver la biodiversité. Des écosystèmes fonctionnels peuvent, en effet, constituer la première barrière contre l’émergence de maladies infectieuses, grâce à leur capacité de régulation des pathogènes. Afin de prévenir de prochaines crises sanitaires similaires à celle que le monde connaît actuellement, il apparaît primordial pour votre rapporteure de mener une réflexion sur la nécessaire amélioration de la gouvernance mondiale de la prévention des épidémies en lien avec la protection de la biodiversité. Pour ce faire, les pistes suivantes pourraient se révéler pertinentes :

- accroître la recherche et mieux prendre en compte la biodiversité dans le traitement des questions sanitaires. Il s’agit de réserver, aux niveaux national et international, une part nécessaire de l’effort de connaissance pour une meilleure compréhension de l’origine et de l’écologie des pathogènes ainsi que pour la surveillance et l’identification des écosystèmes et des zones à risque ;

- renforcer la réglementation et l’interdiction du commerce d’espèces animales sauvages : interdire le commerce de certaines espèces, à la lumière des connaissances scientifiques sur la transmission des zoonoses. En parallèle, réglementer plus strictement la commercialisation et la consommation de l’ensemble des espèces sauvages ;

- renforcer la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité : mieux protéger, spécifiquement, les écosystèmes et les habitats naturels favorisant les interactions entre animaux et humains et la mutation et transmission de virus ;

- renforcer le cadre mondial institutionnel pour perfectionner la gouvernance de la prévention des épidémies en s’appuyant sur les organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO ([49])), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE ([50])), le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ou encore le secrétariat général de la Convention sur la diversité biologique (CDB).

La crise sanitaire due à la covid‑19 nous a montré combien l’humanité et les États étaient en capacité de surmonter des crises majeures et de déployer à cette fin des réponses inédites et spectaculaires. Hélas, à cette heure, la crise environnementale mondiale ne semble pas être perçue comme suffisamment grave pour susciter une réaction de même ampleur. Cependant la dégradation rapide de la nature et ses conséquences de plus en plus visibles nous obligeront à mobiliser des énergies équivalentes pour permettre à notre planète de rester, dans l’avenir, un milieu dans lequel l’humanité peut vivre et s’épanouir.

2.   La criminalité faunique, une lourde menace pour la biodiversité

a.   Le braconnage et le commerce illicite d’espèces sauvages constituent des activités criminelles très lucratives à l’échelle internationale

i.   Un trafic très lucratif et peu risqué

Le braconnage et le commerce illicite d’espèces sauvages font partie des activités criminelles parmi les plus lucratives au monde, au même titre que le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes ou encore la traite des êtres humains. Pour repère, un kilogramme (kg) de poudre de corne de rhinocéros se vendait fin 2014 aux États‑Unis, 70 000 dollars américains, soit 2,5 fois plus cher qu’un kg de cocaïne. Il constituerait aujourd’hui le quatrième trafic le plus important au monde en termes de revenus, ses bénéfices étant estimés, à l’échelle mondiale, entre 7 et 23 milliards de dollars américains par an environ ([51]). Il est important de souligner que cette estimation reste très imprécise en raison du caractère clandestin de cette activité. À cela s’ajoute la criminalité forestière, qui comprend notamment l’exploitation illégale des forêts, qui est évaluée entre 30 et 100 milliards de dollars américains par an, soit entre 10 % à 30 % du commerce mondial de bois ([52]).

Le commerce illégal d’espèces sauvages incarne l’archétype des trafics à la fois hautement lucratifs et peu risqués : les sanctions encourues dans la plupart des pays sont dérisoires et peu appliquées, quand les systèmes judiciaires ne sont pas eux‑mêmes fragiles. Par ailleurs, le manque d’harmonisation des législations et de coopération internationale facilite également les activités des personnes ou entités criminelles. Votre rapporteure souligne la nécessité d’œuvrer à un rapprochement des législations et à une harmonisation des sanctions à l’échelle internationale afin de rendre la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces sauvages menacées réellement efficace et dissuasive. Il serait, par exemple, possible de fixer au niveau du droit européen les échelles de sanctions encourues. Une telle approche ambitieuse permettrait ainsi d’harmoniser utilement la réponse pénale pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Votre rapporteure tient cependant à souligner que pour les pays sources – notamment en Afrique – une harmonisation des sanctions pénales, bien que nécessaire ne sera pas suffisante. Il faut impérativement développer, en parallèle, une étroite coopération juridique entre les différents pays. Comme l’ont relevé les représentants du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) lors de la visite de votre rapporteure à Nairobi : pour être efficace sur ces questions, il faut agir à l’échelle régionale et promouvoir des actions transfrontalières. À leurs yeux, il est également nécessaire de ne pas uniquement se focaliser sur la lutte contre le braconnage mais d’œuvrer en faveur d’une bonne gouvernance et d’un meilleur partage des bénéfices avec les populations locales pour espérer obtenir des résultats décisifs en faveur de la préservation des espèces sauvages menacées.

Le tableau ci‑dessous, issu du rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) Cadres de gouvernance pour lutter contre le commerce illicite ([53]), publié le 1er mars 2018, met en évidence quelques différences existant entre certaines législations nationales.

Sanctions pour l’importation et la vente de produits de la faune sauvage

 

Chine

Malaisie

Philippines

Thaïlande

Vietnam

Sanction criminelle

oui

oui

oui

oui

non disponible

Amende maximum

n/a

300 000 USD

20 000 USD

1 200 USD

23 000 USD

Peine maximum

prison à vie

7 ans

12 ans

4 ans

7 ans


Législation

Législation anti-blanchiment d’argent pour trafic d’animaux sauvages

peu fréquent

oui

aucun cas

non disponible

non disponible

Mention de la corruption mentionnée comme barrière majeure à la justice

oui

oui

oui

non disponible

oui

Application de législation anticorruption pour le trafic d’animaux sauvages

rarement

rarement

rarement

non disponible

non

Application des lois sur les produits du crime

non disponible

non disponible

aucun cas

non disponible

non

Source : OCDE.

La Banque mondiale estimait dans une étude en 2019 que le coût réel pour les gouvernements des trafics de bois, d’espèces sauvages et d’espèces issues de la pêche illégale s’élevait au moins à 1 000 milliards de dollars américains par an ([54]).

Par ailleurs, le rapport de l’ONUDC ([55]) de juillet 2020 sur la criminalité liée aux espèces sauvages dresse un bilan alarmant en raison notamment de l’ampleur des trafics en question et du nombre croissant d’espèces sauvages concernées. L’inaction des autorités est‑asiatiques se perçoit en filigrane à la lecture du rapport, celles‑ci luttant en priorité contre d’autres formes de criminalité, alors que cette région est présentée comme la destination de la quasi‑totalité des trafics décrits par l’Office onusien. Les auteurs du rapport précisent qu’il est difficile d’évaluer avec précision la taille du marché des espèces sauvages victimes du trafic, d’autant plus que la frontière entre ce qui est licite et ce qui est illicite est particulièrement poreuse. En effet, le commerce et la consommation des produits issus de ces espèces ne sont pas toujours pleinement interdits, à l’instar de la corne de rhinocéros. Comme nous le verrons par la suite, le bois de rose et la civelle sont, par exemple, braconnés par les groupes criminels, avant d’être vendus sur des marchés légaux. Dans cette configuration, la quantité d’acheteurs potentiels croît alors considérablement. Votre rapporteure insiste sur le fait que l’existence d’un marché légal, même résiduel, peut ainsi peser négativement sur la préservation et la restauration des populations d’espèces concernées.

ii.   Des réseaux internationaux complexes aux multiples ramifications

Le rapport de l’ONUDC ([56]) analyse par ailleurs les chaînes d’approvisionnement et les flux financiers liés au braconnage et au trafic d’espèces sauvages. Ce document met également en lumière la place centrale qu’occupe la corruption dans le cadre de la criminalité faunique.

S’agissant des revenus et flux financiers illicites issus du braconnage de cornes de rhinocéros et de défenses d’éléphants, les auteurs du rapport de l’ONUDC pointent, en une décennie, une accélération préoccupante du trafic, par voies terrestres, maritimes et même aériennes, entre l’Afrique et l’Asie. Les auteurs ont identifié différentes étapes dans le processus de trafic de ces produits. Ainsi, les cornes de rhinocéros et l’ivoire sont, dans un premier temps, récoltés après que les braconniers ont tué illégalement les animaux. Ces derniers sont souvent recrutés par des groupes criminels  asiatiques, directement dans les pays africains. Dans une moindre mesure, les produits sont volés ou récoltés sur des animaux morts naturellement. L’ivoire et les cornes sont ensuite remis à des marchands locaux et à des intermédiaires qui se chargent de compiler les ressources et de les envoyer vers les marchés de destination, où les grossistes puis les détaillants vendent les produits finis aux consommateurs.

L’Office onusien estime que la plupart des criminels impliqués dans ces trafics sont des citoyens des pays d’Asie de l’Est ou du Sud‑Est, bien que certains braconniers soient des ressortissants africains. Deux pays concentrent principalement les trafics : la Chine et le Vietnam. Entre 2015 et 2019, l’ONUDC note que 76 % des envois illégaux d’ivoire étaient destinés à la Chine ou au Vietnam, de même que 80 % des envois illégaux de cornes de rhinocéros entre 2002 et 2019.

Selon les données officielles, 1 060 rhinocéros ont été tués en moyenne chaque année entre 2016 et 2018. L’analyse du poids des cornes (entre 2,9 et 5,5 kg) permet d’affirmer qu’environ cinq tonnes de corne braconnées ont atteint le marché tous les ans (près de 960 kg ont été saisis en moyenne chaque année). Ce sont parallèlement près de 10 000 éléphants qui ont été tués chaque année sur la même période, entraînant la récolte d’environ 100 tonnes d’ivoire (près de 30 tonnes sont saisies chaque année). À l’appui de ces données, l’ONUDC estime le revenu brut moyen généré par le trafic illicite d’ivoire à 400 millions de dollars américains annuels et à 230 millions dollars américains pour le marché de la corne de rhinocéros.

Dans ces deux cas, les plus fortes hausses de prix sont constatées entre la vente en gros et la vente au détail dans les pays asiatiques. Comme sur de nombreux autres marchés – licites comme illicites – la plus grande valeur ajoutée est générée par la vente au détail. À ce stade, l’ivoire et la corne de rhinocéros sont transformés en produits artistiques. Les premiers maillons de la chaîne – braconniers et commerçants locaux – ne perçoivent quant à eux qu’une partie infime des bénéfices.

À des fins de domestication, plusieurs espèces vivantes sont également concernées par le trafic. C’est le cas d’oiseaux en particulier comme les perroquets, les reptiles, les félins, les grands singes ou encore les tortues.

La carte, ci‑après, présente les principaux réseaux transnationaux de contrebande et de crimes environnementaux :

rÉseaux transnationaux de contrebande et de crimes environnementaux

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Source : Riccardo Pravettoni – RHIPTO 2016.

L’Europe représente un point de transit des trafics, notamment sur les routes de l’Afrique à l’Asie, même si le développement de liaisons aériennes et maritimes directes entre l’Afrique et l’Asie – et plus particulièrement avec la Chine – a tendance à détourner les flux. L’Europe semble également être une région de destination pour le trafic de spécimens vivants de reptiles et d’oiseaux exotiques rentrant dans la catégorie des nouveaux animaux de compagnie (NAC).

La carte ci‑après présente les itinéraires du commerce illégal d’espèces sauvages menacées depuis, vers et à travers l’Europe :

ItinÉraires du commerce illégal d’espÈces sauvages menacÉes depuis, vers et à travers l’Europe

Source : Commission européenne, 2016.

L’ONUDC estime par ailleurs que les flux financiers illicites issus de ces trafics pourraient être deux fois plus élevés que les revenus globaux illicites générés. On appelle flux financiers illicites l’ensemble des transactions internationales visant à générer ou à gérer des revenus illicites. Des revenus sont générés lors de la vente de produits illicites tout au long de la chaîne du trafic. Le nombre de transactions constituant le flux financier dépend de la complexité de la chaîne. Ces chaînes sont généralement courtes, ce qui rend les transactions, donc les trafics, difficilement détectables. La gestion de revenus s’apparente, quant à elle, au blanchiment d’argent. À titre d’exemple, l’acquisition à l’étranger de biens immobiliers avec des revenus issus du braconnage est considérée comme une gestion de revenus.

Enfin, l’Office onusien met en lumière les coûts qu’engendre ce type de trafics pour les organisations criminelles. Ces derniers peuvent être très élevés et ainsi réduire fortement les bénéfices. L’ONUDC pointe essentiellement les coûts logistiques (dépenses liées au transport, à la main-d’œuvre), les coûts de dissimulation ainsi que les coûts d’évasion fiscale et de corruption.

Votre rapporteure estime essentiel, à l’instar des auteurs du rapport de l’ONUDC, de connaître les trajectoires des flux financiers illicites afin de perturber les chaînes d’approvisionnement et regrette une trop grande focalisation des enquêtes sur les saisies, au détriment d’investigations poussées sur l’aspect financier des trafics d’espèces sauvages. Cette connaissance semble pourtant essentielle pour mieux comprendre l’ensemble des imbrications et mieux identifier les organisations qui profitent de cette activité criminelle dans l’objectif, parfois, d’en financer d’autres.

Par ailleurs, l’ONUDC met en exergue le rôle prépondérant de la corruption dans ce type de trafics. Le trafic d’espèces sauvages induit le déplacement de cargaisons importantes et volumineuses, qu’il n’est en effet pas facile de dissimuler. Selon l’Office onusien, le versement de pots‑de‑vin a lieu à tous les niveaux du trafic, dans le pays source comme dans le pays destinataire, ainsi qu’aux escales ou en transit, le cas échéant. Aussi, la corruption implique des agents et responsables à tous les niveaux décisionnels. Il peut s’agir de petites sommes permettant de corrompre des officiers sur le terrain, dont le versement est décidé soudainement, mais aussi des responsables haut gradés grâce à un versement décidé à l’avance. Cette dernière forme serait la plus courante.

Dans une enquête sur le trafic d’ivoire en Chine menée par l’ONG Environmental Investigation Agency, il a été démontré que la corruption pouvait coûter cher aux groupes criminels, qui, dans ce cas de figure, devaient verser entre 5 et 10 % des bénéfices totaux en pots‑de‑vin. L’ONUDC relaie aussi une enquête de l’OCDE de 2018, menée à partir de sources ouvertes portant sur quatre pays (Kenya, Ouganda, Tanzanie et Zambie), visant à identifier le rôle et le poste occupé par des agents reconnus officiellement coupables de corruption : 32 % étaient des officiers de police, 19 % des agents administratifs gouvernementaux, 17 % des militaires, 7 % des rangers de parc nationaux, 7 % des élus, 7 % des diplomates ou représentants officiels de pays étrangers et 6 % des agents des douanes ou garde‑frontières.

L’Office onusien estime cependant encourageant que le fléau de la corruption facilitant le trafic d’espèces sauvages soit de plus en plus reconnu par la communauté internationale, citant l’adoption d’une première résolution sur la corruption liée aux crimes ayant un impact sur l’environnement, portée conjointement par la France et la Belgique, lors de la 8e session de la conférence des Parties à la Convention des Nations unies contre la corruption (Convention de Mérida), en décembre 2019, ainsi qu’une résolution sur le même sujet adoptée à la CITES en 2016.

Le commerce en ligne et le trafic d’espèces sauvages menacées

Le commerce en ligne a dernièrement gagné en importance en tant que vecteur du trafic d’espèces sauvages menacées. Le volume conséquent des transactions quotidiennes, l’existence de frais relativement faibles et la possibilité offerte aux différents intervenants de masquer leur véritable identité ont ainsi permis de faire d’Internet une vaste plateforme pour la vente illicite de produits issus d’espèces sauvages menacées.

Si les annonces sur les sites de commerce en ligne traditionnels (Le Bon Coin, Ebay, Naturabuy...) demeurent, il a été constaté ces derniers mois un net glissement de ce type d’annonces vers les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat…). À ce jour, la présence du trafic d’espèces sauvages menacées sur le darknet n’a pas été clairement mise en évidence par les acteurs de la lutte contre cette forme de criminalité. Ce type de transactions semble plutôt essentiellement se dérouler sur le clearnet, les vendeurs ayant dans les faits besoin de visibilité pour écouler leur marchandise.

Le commerce en ligne permet essentiellement de proposer à la vente des spécimens d’espèces sauvages menacées ou des produits dérivés et donc de mettre en contact le vendeur et l’acheteur avec une grande facilité ou d’acquérir de faux documents facilitant ces trafics. Un certain nombre d’acheteurs peuvent ainsi avoir accès à des animaux sans aucune connaissance préalable de ce milieu criminel. Ce phénomène n’est pas propre au trafic d’animaux mais touche de très nombreuses autres formes de trafics, notamment les médicaments et les produits dopants. Le commerce en ligne constitue, selon des données transmises à votre rapporteure par la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP), un des principaux vecteurs de vente d’animaux entrés illégalement sur le territoire français.

En 2018 les associations IFAW, WWF et TRAFFIC se sont associées avec 21 acteurs du numérique dont Alibaba, Baïdu, Google, Microsoft pour constituer la Coalition mondiale contre le trafic de faune sauvage en ligne. Après un peu plus de trois ans d’existence, ses membres ont bloqué ou supprimé plus de 3 millions d’annonces. Ce regroupement d’acteurs s’attache notamment à harmoniser les politiques des entreprises, à faire coopérer les acteurs de l’industrie, et à informer les utilisateurs ainsi qu’à mobiliser des observateurs citoyens.

Pour votre rapporteure, la réglementation gagnerait à être renforcée au niveau national afin d’accompagner ce mouvement et de lutter plus efficacement encore contre le e‑commerce illégal d’espèces sauvages menacées et de produits dérivés. Sans règles assorties de sanctions effectives, il apparaît en effet difficile pour les autorités en charge de l’application de la loi de lutter effectivement contre ce type de trafic.

Le développement d’Internet comme vecteur dans le trafic d’espèces sauvages menacées impose, en outre, une surveillance renforcée et une collaboration institutionnelle plus étroite avec les grands acteurs du numérique. Ces derniers devraient systématiquement répondre dans des délais très brefs à des demandes de retrait d’annonce formulées par les autorités en charge de la lutte contre ce trafic. En contrepartie, la désignation d’une autorité ou d’un organisme référent clairement identifiée sur ces questions a été demandée par les acteurs du e-commerce pour favoriser les échanges et les coopérations.

Par ailleurs, une meilleure sensibilisation du grand public devrait être encouragée en imposant, par exemple, des messages d’alerte ou des mentions explicites sur les pages concernées de manière à informer les acheteurs potentiels de l’existence d’une législation adaptée au commerce d’espèces sauvages menacées. En outre, pourrait être inclus un lien vers un site Internet du Gouvernement permettant d’accéder à de plus amples informations sur le sujet.

Une autre solution consisterait à interdire progressivement la vente d’espèces sauvages menacées ou de produits dérivés sur ces sites pour promouvoir, en lieu et place, la mise en place de plateformes numériques dédiées auxquelles incomberaient des obligations particulières (vérifications de l’identification des animaux ou produits issus d’espèces animales ou végétales menacées, vérifications de l’identité du vendeur, nécessaire détention d’un agrément pouvant être retiré en cas de besoin…).

b.   Les espèces animales et végétales les plus exposées au braconnage et au trafic

Le rapport de l’ONUDC ([57]) dresse un tour d’horizon des trafics sous la forme d’études de cas ciblés centrées sur des espèces classées dans les annexes (cf. infra) de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Ce document insiste notamment sur les marchés de l’ivoire, des cornes de rhinocéros, d’écailles de pangolin, sur ceux des reptiles vivants, des grands félins, de l’anguille européenne ainsi que sur celui du bois de rose.

Le pangolin, petit mammifère nocturne et couvert d’écailles, demeure l’espèce de cette classe d’animaux la plus trafiquée au monde, principalement de l’Afrique vers l’Asie, en dépit d’une inscription à la CITES effective depuis 2016.

Le pangolin a été suspecté d’être l’espèce « hôte » responsable du développement de la pandémie de la covid‑19. Il a bénéficié pour cette raison d’une forte médiatisation au début de la crise sanitaire mondiale. Il existe huit espèces de pangolins, la moitié se trouvant sur le continent africain et l’autre moitié sur le continent asiatique. Ces deux régions consomment traditionnellement de la viande de pangolin, mais l’ONUDC estime que le trafic n’a pris une dimension transrégionale que depuis peu : désormais, le pangolin africain fournit les marchés asiatiques, alors que les huit populations déclinent, en particulier en Asie.

Le trafic s’organise principalement autour des écailles de pangolin, auxquelles la médecine traditionnelle chinoise attribue des vertus curatives et aphrodisiaques. Tout en soulignant la difficulté à estimer le nombre réel de pangolins tués et trafiqués – une tâche plus délicate que pour les estimations concernant l’ivoire ou les cornes de rhinocéros – l’ONUDC estime à 500 grammes (g) le poids moyen des écailles d’un seul spécimen de pangolin. Les 185 tonnes d’écailles saisies entre 2014 et 2018 représenteraient ainsi 370 000 pangolins, ce qui laisse à penser que ce phénomène de braconnage massif a conduit à la mort d’au moins un million d’individus ces dernières années. Un nombre important de pays d’Afrique subsaharienne est concerné par ce phénomène. Au Cameroun, au Congo, en Ouganda, en République démocratique du Congo, mais aussi au Gabon, en Centrafrique, en Guinée, au Liberia et en Côte d’Ivoire, des saisies mettent en évidence une forte activité des braconniers. Le Nigeria fait quant à lui figure de plaque tournante de ce trafic, véritable centre logistique des groupes criminels avant l’envoi des écailles vers l’Asie. Ainsi, près de 51 tonnes d’écailles de pangolins saisies à l’échelle mondiale en 2019 avaient pour origine le Nigeria, contre 9 tonnes en 2017 et 2 tonnes en 2015.

Le trafic est principalement opéré par voies maritime et aérienne. Les écailles de pangolins sont souvent dissimulées dans des cargaisons de produits alimentaires ou de déchets. Certaines saisies indiquent également un trafic sur les vols commerciaux, les écailles étant alors dissimulées dans des bagages en soute. La Chine et le Vietnam sont sans conteste les deux principaux pays destinataires des écailles de pangolin : sans inclure les cargaisons dont la destination finale est restée inconnue, près de 90 % des cargaisons d’écailles saisies entre 2007 et 2018 avaient pour destination ces deux pays.

Bien qu’il soit difficile de mesurer la taille du marché et les enjeux financiers qui y sont liés, l’Office onusien est en mesure d’affirmer, à l’appui d’études menées sur le terrain, que les chasseurs sont payés entre 10 et 30 dollars américains pour chaque pangolin braconné, selon la taille de l’animal. Des études en Asie (Hong Kong) concluent à un prix de revente de l’écaille autour de 1 200 dollars américains par kilogramme.

Le trafic de civelles, l’alevin de l’anguille européenne que lon trouve principalement au large des côtes espagnoles mais aussi françaises, italiennes, allemandes, britanniques et dans une moindre mesure en Égypte et en Tunisie, saccélère. Bien que le commerce de la civelle soit interdit depuis 2009 en dehors des frontières de l’Union européenne, le prix de vente de cette larve translucide en Asie – de 4 000 à 5 000 euros, contre 250 à 350 en France – attire les braconniers et les réseaux criminels. Les civelles trafiquées sont envoyées en Asie, où elles sont ensuite élevées jusqu’à devenir des anguilles destinées à la consommation. La chute vertigineuse de la production de l’anguille japonaise – 170 tonnes métriques annuelles dans les années 1970 contre environ 15 ces dernières années – a en effet entraîné les principaux pays consommateurs de la région (Chine, Corée du Sud, Japon) à importer des anguilles et civelles d’autres espèces, principalement européennes. En 2018, près de 90 % des importations globales d’anguilles et civelles étaient le fait de pays asiatiques.

L’interdiction d’exporter des civelles et anguilles européennes, entrée en vigueur en 2010, a déclenché une ruée vers les civelles d’autres sources (Canada, États‑Unis, Malaisie, Philippines). L’anguille européenne reste néanmoins très prisée sur le continent asiatique, ce qui a entraîné une accélération inquiétante des trafics au cours de la décennie écoulée.

L’Office onusien appelle l’attention des gouvernements sur le haut niveau de sophistication des méthodes de trafic employées, notamment pour maintenir les civelles en vie au cours de leur transport vers leur destination finale. Les groupes criminels ont, par exemple, recours à des mules pour transporter les civelles par voie aérienne d’Europe en Asie, comme en témoigne l’arrestation de deux citoyens hongkongais en 2019 à l’aéroport Charles‑de‑Gaulle, à Paris, qui transportaient plus de 60 kg de civelles dans leurs bagages. L’Office onusien relève également une utilisation de la voie maritime et de conteneurs pour acheminer les civelles jusqu’au marché est‑asiatique. Placées dans des conteneurs réfrigérés, les civelles peuvent être dissimulées dans des cargaisons d’autres produits issus de la pêche ou non déclarées comme telles aux autorités douanières. Les saisies ont très nettement augmenté ces dernières années, au même titre que les arrestations et condamnations liées au trafic de civelles. En Espagne, entre 2016 et 2018, sur les 40 individus arrêtés pour des faits de trafic et braconnage, 29 étaient des ressortissants chinois. L’ONUDC estime que les 6 000 kg de civelles saisies en 2018 représentaient une valeur totale allant jusqu’à 9 millions d’euros pour les importateurs et que chaque kilogramme de civelle trafiqué peut être converti ensuite sur le marché asiatique, après élevage, à hauteur de 9 000 euros, tandis que les coûts d’importation s’élèveraient à 1 500 euros.

Autre phénomène inquiétant, le trafic de concombres de mer, espèce détritivore et essentielle à l’équilibre des fonds marins, qui est en recrudescence. Alors quil a émergé comme un aliment de luxe au milieu des années 1980, le concombre de mer se trouve aujourdhui dans une position délicate car braconné massivement par les réseaux criminels essentiellement au profit du marché asiatique. Ce trafic se révèle fortement lucratif puisque le kilogramme peut atteindre jusqu’à 1 800 dollars américains. Le rapport de l’ONUDC met en avant l’exemple de la condamnation en 2018 par les États‑Unis de deux citoyens américains reconnus coupables d’avoir trafiqué 17 millions de dollars américains de concombres de mer du Mexique vers l’Asie en l’espace de seulement deux ans (2010-2012).

L’analyse sur la situation du trafic de bois de rose dans le rapport de l’ONUDC est l’unique étude de cas du document ne portant pas sur une espèce animale. Elle n’en est pas moins alarmante, en considération de l’ampleur du trafic et de ses conséquences, notamment sur la biodiversité et le climat. Le bois de rose est en effet le bois le plus trafiqué du monde, si bien que onze espèces de cette famille de bois ont été successivement placées sous la protection de la CITES, entre 1975 et 2019. La terminologie « bois de rose », d’origine commerciale, recouvre néanmoins un très grand nombre d’espèces de bois tropical, qui ne sont pas toutes placées sous protection internationale. L’Office onusien relève ainsi que les criminels se tournent vers d’autres bois à trafiquer lorsque certains sont placés sous protection par la CITES et deviennent plus difficiles à exporter.

Ces dernières années, la demande et donc le trafic de bois de rose à l’échelle internationale ont explosé, atteignant une valeur estimée à plus de 3 milliards de dollars américains à l’importation en 2018 (18 millions de mètres cubes de bois).

Tandis que le trafic de bois de rose de Madagascar, devenu au cours de la dernière décennie une denrée très demandée, était déjà bien connu – en 2014, les autorités de Singapour ont intercepté 3 000 tonnes en provenance de l’île africaine, ce qui constitue un record – l’Afrique de l’Ouest (Gambie, Ghana, Guinée, Guinée‑Bissau, Mali, Nigeria, Sierra Leone) devient une région source du trafic de bois de rose, en l’occurrence le « kosso », classé depuis 2018 comme espèce en danger par l’UICN. En 2017, l’équivalent de 4 millions d’arbres a été exporté vers l’Asie (la Chine essentiellement). L’Afrique centrale (Congo, Gabon, République démocratique du Congo) et l’Afrique de l’Est (Mozambique, Zambie) ne sont pas non plus épargnées par les trafics de bois de rose, tels que le « bubinga » au Gabon ou encore le « mukula » en Zambie. En 2019, 300 conteneurs de « bubinga » ont été saisis au Gabon et 74 tonnes à Hong Kong, en provenance du Gabon. Plusieurs types de bois de rose poussant dans les forêts du Vietnam, du Cambodge, du Laos et de la Thaïlande sont aussi sujets à l’exploitation illégale pour servir de base à la confection de meubles de luxe, principalement en Chine, dans la province du Fujian, mais aussi au Vietnam. Ces meubles d’inspiration antique sont devenus à la mode au sein des classes moyennes et supérieures chinoises.

Les cargaisons de bois de rose transitent principalement par la mer, plus ou moins dissimulées dans des conteneurs. La corruption est systématique pour ce trafic note l’ONUDC qui met en avant la difficile dissimulation de cargaisons de cette taille. En Zambie, des chercheurs ont estimé qu’en 2018, 110 000 mètres cubes de « mukula » avaient été extraits en une seule année et que des pots‑de‑vin d’un montant cumulé d’environ 1,7 million de dollars américains avaient été versés à des représentants de l’État. À cela s’ajoute que le caractère industriel de ce trafic, en termes de volume total exporté, rend impossible la mise en place de contrôles efficaces. Au Nigeria ; il est estimé que 750 000 mètres cubes de « kosso » ont été exportés en 2017, soit près de 40 000 conteneurs de bois sur l’année, ou plus de 100 conteneurs par jour.

Dans ce même rapport ([58]), l’ONUDC évoque également l’ampleur du trafic de reptiles vivants, protégés dans leur grande majorité par les protocoles de la CITES et commercialisés notamment pour répondre à la demande des collectionneurs. La Chine, l’Inde et les États‑Unis sont les principales destinations de ce type de trafic, qui concerne principalement les tortues, serpents et lézards. Les os de lion d’Afrique du Sud et les canines de jaguar comptent parmi les produits issus des félins les plus trafiqués. Les tortues semblent être les reptiles préférés des trafiquants, en raison de leur résistance aux voyages et de leur prix sur le marché noir. Internet se présente comme un vecteur efficace pour ce type de trafics et les animaux – originaires d’Amérique latine ou d’Afrique – sont généralement transportés par voie aérienne.

Par ailleurs, l’ONUDC s’inquiète du trafic de félins, alors que toutes les espèces se trouvent inscrites dans les annexes de la CITES, à l’exception du lion d’Afrique. Braconné pour sa peau mais aussi pour ses os ou encore ses dents, le tigre est la principale victime de ce trafic, bien que son commerce international soit interdit depuis 1987. On estime que 95 % de la population sauvage a été décimée en un siècle. L’ONUDC souligne que le nombre de saisies rapportées à la CITES entre 2007 et 2018 s’élève à environ 913 tigres (pour certains reconstitués à partir des produits saisis) pour un total de 1 032 saisies. Les quantités saisies semblent ainsi augmenter d’année en année et sont d’autant plus alarmantes qu’il ne resterait plus qu’entre 3 500 et 4 500 tigres sauvages dans le monde, contre près de 100 000 au début du XXe siècle.

c.   La pandémie de covid‑19 confirme la nécessité de mieux contrôler les marchés de produits animaliers

Pour les auteurs du rapport ([59]) de l’ONUDC la crise sanitaire a eu un impact limité sur le trafic d’espèces sauvages menacées au niveau mondial. Plusieurs explications sont avancées à ce propos. Bien que les restrictions de voyages, la fermeture des frontières et le ralentissement du commerce mondial auraient dû logiquement contribuer à ralentir ce type de trafics, les groupes criminels ont su faire preuve de résilience et d’adaptabilité en se réorganisant rapidement.

Dans les pays sources, le braconnage n’a ainsi pas subitement cessé. En outre, l’arrêt brutal du tourisme a considérablement fragilisé les économies des pays et régions concernés – notamment en Afrique de l’Est, mais aussi en Afrique australe notamment en Afrique du Sud – généralement sources de ces trafics. Cette situation a conduit à une réduction des ressources et moyens des autorités locales pour protéger l’environnement (rangers, gardes des parcs nationaux…), laissant craindre une recrudescence de la criminalité à l’encontre des espèces sauvages et des trafics. Enfin, le rapport relève l’émergence de nouveaux prétendus « remèdes », principalement dans la médecine traditionnelle asiatique, censés guérir la covid‑19 et fondés sur des produits issus du trafic d’espèces sauvages.

II.   L’Afrique, un continent sur lequel plane une dangereuse menace pour la vie sauvage

A.   UnE biodiversitÉ fortement menacÉe

1.   Les différents facteurs de dégradation des écosystèmes en Afrique

En Afrique, le déclin ou la disparition de certaines espèces animales ou végétales ainsi que la détérioration des écosystèmes associés trouvent principalement leur origine, de la même manière qu’ailleurs sur la planète, dans les activités humaines.

Les principaux facteurs portant atteinte à la biodiversité sur le continent africain sont à différents degrés, en fonction des pays considérés :

-         la déforestation dont les principales causes sont l’exploitation du bois et l’avancée du front agricole qui entraînent une dégradation du couvert végétal et une dégradation des terres ;

-         l’urbanisation et la croissance démographique ;

-         la fragmentation des habitats ;

-         le braconnage et le trafic d’espèces sauvages ;

-         l’utilisation de la ressource en eau de manière non soutenable ;

-         l’industrialisation provoquant une augmentation des déchets et de la pollution ainsi qu’un accroissement de la demande en ressources naturelles ;

-         le dérèglement climatique qui en accroissant la fréquence des inondations et des sécheresses modifie le couvert végétal et a un impact sur la distribution des espèces ;

-         l’expansion des activités minières ou pétrolières – en zone terrestre pour les mines et côtières pour les plateformes pétrolières – provoquant notamment la destruction des habitats, une augmentation de la demande en eau et en électricité et ayant des incidences de long terme en raison de la présence de déchets contaminés ;

-         l’introduction et la prolifération des espèces invasives entraînant un appauvrissement et une décomposition des écosystèmes.

2.   Les différentes tendances relevées dans certains pays d’Afrique s’agissant des atteintes portées à l’environnement

Les divers éléments ci-après présentés offrent un panorama de l’état de la biodiversité et des dynamiques à l’œuvre dans plusieurs pays africains.

        Kenya

Le Kenya fait partie du club des pays les plus riches de la planète sur le plan écologique au même titre que l’Afrique du Sud, le Brésil, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, l’Indonésie, Madagascar et la Tanzanie. Ces pays ont ainsi été qualifiés de « méga‑divers » car abritant entre 50 à 80 % de la diversité biologique totale de la planète. On recense ainsi au Kenya plus de 400 espèces de mammifères, plus de 1 000 espèces d’oiseaux, plus de 6 000 espèces de plantes se répartissant sur des écosystèmes variés (montagnes, forêts humides, lacs caractéristiques de la présence du rift, savanes semi‑arides, déserts, côtes maritimes, mangroves, etc.).

Ce patrimoine naturel est néanmoins gravement menacé du fait, notamment, de la croissance démographique très importante du pays (7 millions de personnes en 1963, 37 en 2008 et 60 millions prévus en 2030) et de la grande pauvreté des populations rurales. Les sécheresses à répétition et les nombreux conflits homme‑faune sauvage sont également responsables de la dégradation de la biodiversité kényane. Ces pressions anthropiques entraînent une fragmentation et une dégradation des habitats. Elles mettent, en outre, en péril la viabilité des corridors biologiques de migration et la survie des espèces sauvages menacées.

Entre 1977 et 1997, le Kenya aurait ainsi perdu 30 à 40 % de sa faune sauvage. La vague de braconnage des années 1990 a bien failli entraîner la disparition des éléphants (170 000 éléphants en 1963 contre seulement 16 000 en 1989 et 30 000 suite à une reconstitution de la population en 2005) et des rhinocéros du pays (20 000 rhinocéros en 1970 contre seulement 381 en 1987 et à peine 500 en 2005).

La protection de la biodiversité et des écosystèmes constitue un défi majeur pour les autorités kényanes tant au niveau environnemental qu’économique. Les aires protégées représentent ainsi 8 % du territoire, réparties en 59 parcs et réserves. La préservation de la biodiversité constitue un véritable enjeu économique car le tourisme au Kenya s’appuie très largement sur la richesse des ressources biologiques du pays.

        Mozambique

Au Mozambique, pays situé sur la côte orientale du continent africain, la déforestation représente la principale activité humaine à l’origine de la détérioration de la biodiversité. Le pays est couvert par près de 34 millions d’hectares de forêts, soit environ 43 % de la surface du pays. Entre 2001 et 2019, le pays a perdu 3,29 millions d’hectares de couvert végétal, ce qui équivaut à une diminution de 11 % du couvert végétal depuis 2000 et à 816 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone (CO₂). Environ 267 000 hectares de forêts sont perdus chaque année au Mozambique, ce qui représente environ 1 000 terrains de football par jour.

Les principales causes de cette déforestation sont l’agriculture commerciale et itinérante qui emploie 75 % de la population active mozambicaine. Ce secteur représente plus de 25 % du produit intérieur brut (PIB) national. Les autres activités à l’origine de la déforestation au Mozambique sont l’exploitation de produits forestiers, la collecte de bois de cuisson et de charbon végétal, l’expansion urbaine, l’extraction de minerais et l’élevage du bétail à cause de la demande croissante en pâturage.

        Ouganda

Si en Ouganda, pays de la région des Grands Lacs, la présence de nombreuses aires protégées a considérablement ralenti le rythme de la perte de biodiversité à l’intérieur de leurs frontières, elles sont de plus en plus isolées par la déforestation, même si celle‑ci se déroule en dehors de l’aire protégée elle‑même. Ce faisant, les aires protégées perdent leur connectivité écologique avec d’autres écosystèmes similaires et, par conséquent, leur viabilité à long terme.

De nombreuses aires protégées en Ouganda font face à une hostilité considérable de la part des populations résidant en périphérie de celles‑ci en raison de la perte d’accès aux ressources naturelles que l’établissement des aires protégées engendre. Ainsi les habitants vivant à proximité des parcs se trouvent confrontés à des conflits croissants avec les grands mammifères qui mettent en danger les vies humaines ainsi que les biens matériels. Les zones d’habitat autour des aires protégées en Ouganda sont également confrontées à une dégradation croissante en raison de la surexploitation du bois de chauffe et des produits forestiers non ligneux et du pâturage du bétail.

Les aires protégées sont en Ouganda autant menacées par l’urbanisation croissante et l’amélioration des infrastructures que par la surexploitation de la biomasse ou le braconnage. L’Ouganda ne dispose pas de politique d’utilisation des terres qui protège efficacement les aires protégées contre l’exploration minière, la construction de barrages et l’amélioration des infrastructures adjacentes. Les activités de développement, même si elles se déroulent en dehors des limites des aires protégées, sont susceptibles d’affecter le fonctionnement écologique à l’intérieur de celles‑ci par le détournement de l’eau des rivières ou la pollution. Il est probable que de nombreuses aires protégées situées dans des zones reculées traversent une période de négligence jusqu’à ce que le prochain puissant groupe immobilier, industriel ou minier découvre que l’utilisation d’une partie des espaces protégés peut se révéler très rentable.

        Rwanda

Au Rwanda, pays de la région des Grands Lacs, la destruction des biotopes entraînant le déclin de certaines espèces résulte également des défrichements opérés sur les habitats naturels. Elle est notamment la conséquence des activités agricoles et pastorales ainsi que des prélèvements d’espèces à des fins artisanales. Par ailleurs, la biomasse demeure la source d’énergie la plus utilisée au Rwanda. Cependant on constate une réduction continue de l’espace d’approvisionnement face à une demande en constante augmentation ce qui provoque une pression accrue sur les forêts locales.

En outre, l’utilisation de certaines techniques et pratiques d’exploitation peut avoir des conséquences néfastes sur la survie de certaines espèces. À titre d’illustration, la faune des zones humides est menacée par les techniques rudimentaires et souvent destructrices de pêche. La pêche à la frappe et au filet à très petites mailles se révèle ainsi fortement préjudiciable au maintien de la richesse halieutique dans les lacs de cuvette de l’Est.

Par ailleurs, le Rwanda se caractérise par l’une des plus fortes densités de population d’Afrique. Environ 12 millions de personnes vivent sur une superficie de 26 338 kilomètres carrés, ce qui donne une densité de population de 456 habitants au kilomètre carré. Selon les statistiques nationales, la population rwandaise devrait doubler d’ici 2050. Or, un tel accroissement de la population entraîne une occupation et une mise en valeur de terres impropres à l’agriculture, entraînant une érosion des sols et une réduction de la biodiversité. À titre d’illustration, des troupeaux de bovins sont continuellement observés sur les limites et parfois à l’intérieur des zones protégées telles que dans les réserves forestières du parc national de l’Akagera, de Mukura et de Gishwati. Si la croissance démographique du pays n’est pas correctement anticipée et gérée, cela entraînera probablement un empiétement supplémentaire des activités économiques sur les écosystèmes protégés et pourra in fine directement porter atteinte à la survie d’espèces végétales ou animales menacées.

Une attention particulière peut être portée à la forêt de Gishwati. Cette réserve protégée située dans le nord‑ouest du pays, près du Lac Kivu, a été menacée d’extinction à la fin du XXe siècle. À la suite du génocide des Tutsis au Rwanda, de nombreux réfugiés se sont installés dans cette forêt et ont commencé à la défricher afin de cultiver la terre pour pouvoir s’alimenter. En 2001, il ne restait plus qu’une petite surface forestière dans la zone (6,07 km² contre 1 011,714 km² trente ans auparavant). Cette déforestation majeure fait planer un risque d’extinction sur différentes espèces animales et végétales, comme le singe doré.

        Tanzanie

En Tanzanie, pays d’Afrique de l’Est situé en bordure de l’océan Indien, le principal facteur menaçant la survie des espèces sauvages menacées est la démographie galopante du pays, qui sous‑tend toutes les autres menaces pesant sur la biodiversité. D’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la population tanzanienne dépassera les 100 millions d’habitants d’ici 2040 et atteindra 137 millions d’habitants en 2050 contre 58 millions aujourd’hui.

La pression démographique rurale entraîne la recherche de toujours plus d’espaces agricoles, de pâturages pour le bétail, d’espaces imperméabilisés pour les voies de transport. L’expansion de l’agriculture dans le pays raréfie l’espace disponible pour les animaux sauvages et pèse ainsi fortement sur leur survie. Si 38 % du territoire tanzanien est constitué de réserves naturelles – ce qui inclut les zones de chasse, deux fois plus importantes que les zones réservées aux safaris – les populations limitrophes empiètent de plus en plus sur ces espaces.

Or, tous les grands animaux ont besoin d’espace pour survivre : 100 000 hectares minimum pour les lions, cinq fois plus pour les éléphants. Ils sont également nombreux à se déplacer lors des migrations internes, ce qui les conduit à sortir du parc national à la saison sèche. Or, les corridors de migration se trouvent de plus en plus bloqués. Les animaux sont privés de liberté de mouvement et courent de grands risques en raison des conflits hommes-faunes sauvages d’être tués lorsqu’ils s’approchent des habitations, ce qui devient inévitable avec l’empiétement des populations limitrophes. La perte d’habitats constitue donc aujourd’hui la menace majeure à laquelle font face les animaux sauvages en Tanzanie.

La déforestation, causée par une exploitation agricole en expansion et un pastoralisme non contrôlé pèse, par ailleurs, lourdement sur la biodiversité tanzanienne. 55 % du territoire est composé de forêts, parmi lesquelles 10,4 millions d’hectares de réserves protégées, ce qui en fait le 8e pays au monde avec le plus de forêts protégées. Cependant la Tanzanie perd 1,5 % de son territoire boisé chaque année, ce qui en fait le 5e pays du monde du point de vue des surfaces déforestées chaque année selon des données de la FAO. En 2014, le pays avait ainsi perdu 38 % de son couvert forestier, ce qui conduit les experts à considérer que la couverture forestière nationale pourrait être épuisée d’ici 2050. Les forêts sont convoitées, à la fois pour la chasse (viande de brousse), l’obtention de matériel de construction et de chauffage (bois), la recherche de terres arables et certains cours d’eau, réputés détenir de l’or, sont tamisés.

Le pastoralisme constitue également une cause importante de destruction de la biodiversité en Tanzanie. Pour les Maasaï et les Sukuma, un troupeau démesuré est signe de puissance. D’après des données du WWF, la communauté Sukuma, qui fait également de l’agriculture nomade, utilise les terres jusqu’à leur dégradation, avant de les quitter.

S’agissant de la biodiversité marine tanzanienne, les recours à la pêche à la dynamite et à la pêche à la senne – deux techniques pourtant illégales – détruisent les écosystèmes marins en portant notamment atteinte aux récifs coralliens. En outre, la présence de pêcheurs chinois pratiquant illégalement la pêche à la dynamite dans la zone économique tanzanienne a été également relevée ces dernières années. Cependant depuis 2018, les autorités de Dodoma envoient régulièrement des bateaux militaires à l’encontre de ces embarcations pour lutter contre ces pratiques illégales particulièrement destructrices pour la biodiversité marine.

        Zambie

En Zambie, la déforestation qui provoque la détérioration ou la destruction des écosystèmes est liée à la forte expansion agricole qui représente à elle seule 90 % de la perte de couvert forestier du pays due à l’agriculture de subsistance ou à la production agricole commerciale. Le taux de déforestation annuel en Zambie est compris entre 79 000 et 270 000 hectares du couvert forestier total. L’explosion démographique dans ce pays d’Afrique de l’Est a entraîné une augmentation de la déforestation, en raison des besoins alimentaires (agriculture sur brûlis) d’une part et des besoins énergétiques (charbon de bois) d’autre part. Ces deux facteurs cumulés sont ainsi responsables de la disparition de plus de 1,1 million d’hectares de forêts depuis 2010, soit 1,9 % par an dans la dernière décennie. Comme relevé dans les autres pays africains, le phénomène de la déforestation réduit drastiquement les habitats laissés aux espèces sauvages. Elle engendre un déclin de la diversité biologique dans les zones concernées et entraîne une augmentation des conflits homme‑faune sauvage.

 Angola

En Angola, la surexploitation des ressources est l’une des principales menaces qui pèsent sur les écosystèmes aquatiques et côtiers ainsi que sur les habitats terrestres.

L’exploitation forestière pour le bois de chauffage et le charbon de bois, ainsi que les feux de brousse incontrôlés liés à l’agriculture mettent en péril de larges zones protégées, ou les marges de celles‑ci.

L’exploitation illégale d’espèces menacées est également très présente dans les provinces du nord (Cabinda, Zaïre et Uuige) et de l’est (Lunda Norte et Sul, Moxico), ainsi qu’à proximité des frontières avec la République démocratique du Congo et, dans une moindre mesure, de la Zambie.

Les activités minières ou pétrolières pèsent également sur de nombreux espaces – terrestres pour les mines, côtiers pour le pétrole. Au moins quatre cas majeurs de rejets pétroliers ont été enregistrés durant ces quinze dernières années dans les eaux de la province de Cabinda. En 2020, des rejets significatifs ont gravement pollué les eaux du parc national de Mayombe dans la province de Zaïre, causant d’importants dommages à la faune et à la flore locales. Ce dernier cas a exceptionnellement causé un regain de médiatisation, conduisant le gouvernement angolais à proposer une modification de la récente loi sur les aires environnementales, pour y renforcer les obligations des entreprises pétrolières.

 République du Congo

La République du Congo, par sa situation géographique, possède un très large éventail de ressources en matière de biodiversité. Le pays abrite des espèces issues de la forêt, de l’océan, des zones humides ainsi que des zones de savanes.

Le Congo est un pays peu peuplé, entretenant une économie essentiellement pétrolière et très peu diversifiée. La pression démographique et la détérioration de l’environnement liée aux activités humaines de survie restent faibles. Le Congo a, en outre, fait le choix d’un développement de l’agriculture exclusivement en zone de savanes.

Le principal impact sur les écosystèmes forestiers provient au Congo de la filière bois‑énergie (charbon de bois). Cependant le Congo compte substituer à ces filières traditionnelles en zones de forêts naturelles, des filières structurées à partir de bois de plantation.

De récentes découvertes ont mis en évidence l’existence d’une vaste zone de tourbières, extrêmement fragile. Une faible déforestation et des modifications dans le régime des eaux, liées à des mises en valeur hasardeuses, pourraient contribuer à les déstabiliser, avec des conséquences graves pour les espèces qui y vivent. D’après les estimations scientifiques, cette zone de tourbière se situe, pour un tiers sur le territoire de la République du Congo et pour les deux tiers en République démocratique du Congo. Un accord de coopération a été signé en février 2018 par les deux pays pour la création d’un organe de gestion commun des tourbières, qui ne semble pas encore opérationnel à ce jour.

 République démocratique du Congo

En République démocratique du Congo (RDC) se sont plus de 1 million d’hectares de forêts qui sont détruits chaque année, principalement pour couvrir les besoins essentiels en alimentation (agriculture sur brûlis) et en énergie (charbon de bois) des populations, principalement celles vivant à proximité des zones forestières. Ce phénomène a un impact majeur sur la biodiversité locale, en particulier sur les grands singes qui sont très sensibles à la destruction de leurs habitats naturels.

        Afrique du Sud

En Afrique du Sud, selon les données nationales d’évaluation de la biodiversité de 2018, les diverses menaces pesant sur la nature (l’urbanisation, les activités agricoles, forestières, minières et manufacturières, la prolifération d’espèces invasives, le braconnage et la chasse illégale…) ont conduit à la perte de 21 % des écosystèmes terrestres sud‑africains. Ainsi au niveau national, sur 458 types d’écosystèmes, 8 % sont en danger critique, 8 % sont en danger et 6 % se révèlent vulnérables.

 Bénin

Au Bénin, les forêts auraient reculé de 10 % entre 2000 et 2010, selon la FAO. Les principaux facteurs de la déforestation dans ce pays sont les coupes abusives et illicites de bois d’œuvre, les feux de brousse, l’agriculture, l’exploitation irrationnelle du bois‑énergie ainsi que l’élevage itinérant. Parallèlement à leurs effets sur les habitats, ces activités aggravent souvent le braconnage et facilitent le commerce illégal des ressources naturelles. Elles ont par ailleurs des effets directs et indirects sur le changement climatique, et sont souvent menées sans mesure d’adaptation, ni d’atténuation.

L’agriculture représente la première forme d’activité économique du Bénin et mobilise environ 70 % de la population active. Elle constitue le facteur principal de dégradation du couvert végétal. La culture du coton est de plus en plus encouragée en vue d’accroître les recettes d’exportation du pays et oblige les paysans à défricher plusieurs hectares chaque année notamment dans la partie septentrionale du pays. En outre, l’utilisation de grandes doses de pesticides pour sa culture constitue un facteur perturbateur de la chaîne trophique se traduisant par l’accumulation de polluants tout au long de la chaîne et menaçant les espèces sauvages.

        Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire figure parmi les pays tropicaux ayant les plus forts taux de déforestation, de 16 millions d’hectares au début du XXe siècle, le couvert forestier est passé à 3,4 millions d’hectares en 2015. Il couvrirait actuellement 10 % du territoire national. La Côte d’Ivoire a ainsi perdu près de 80 % de sa couverture forestière depuis 1960. Le taux de déforestation qui se situait autour de 4 % par an à la fin des années 1990, est à présent estimé à 2,7 %.

Les causes de la déforestation sont : l’exploitation du bois (bois d’œuvre et bois‑énergie), la croissance démographique, l’urbanisation et la création d’infrastructures, l’utilisation de terres pour l’agriculture et l’exploitation minière incontrôlée.

Cette diminution du couvert végétal conduit à la disparition d’espèces de flore endémiques et rares, ainsi qu’à la perte d’habitats pour les espèces animales, phénomène qui expose d’autant plus les animaux au braconnage et exacerbe les conflits homme‑faune sauvage.

        Niger

Au Niger, les activités humaines sont indéniablement à la base de la détérioration et de la disparition de certains écosystèmes et sont à l’origine du déclin de population de plusieurs espèces sauvages. L’exploitation minière, les pollutions des habitats naturels dues à l’emploi de produits chimiques, l’utilisation d’engins motorisés facilitant les déplacements pour la chasse et permettant d’échapper plus facilement aux forces de l’ordre, l’utilisation du feu, l’avancée du front agricole, le recours à des pâturages illégaux, la transhumance et la déforestation pour l’exploitation du bois à des fins de cuisson ou pour la construction et enfin le fuselage de puits de forage constituent autant de facteurs déterminants de la détérioration de la biodiversité nigérienne.

3.   États des espèces sauvages menacées

La situation générale des espèces sauvages menacées se révèle très différenciée sur le continent africain. Quelques pays apparaissent comme des modèles de bonne gestion à l’instar du Botswana ou de la Namibie. D’autres disposent d’une bonne réglementation (sanctions pénales pour les atteintes à la biodiversité, établissement de réserves et de parcs naturels, mise en place de compensations en cas de conflit hommes-faune sauvage…) mais c’est la mise en œuvre concrète qui peut alors faire cruellement défaut. Enfin d’autres contextes se révèlent particulièrement inquiétants pour la préservation des espèces sauvages menacées notamment dans les pays en proie à d’immenses difficultés sécuritaires ou socio‑économiques, situations faisant passer au second plan les problématiques environnementales en général et la préservation des espèces sauvages menacées en particulier.

À titre d’illustration, les populations d’éléphants augmentent dans certaines régions d’Afrique mais diminuent considérablement dans d’autres. Certaines zones protégées se trouvent ainsi confrontées à des problèmes liés à une surpopulation engendrant notamment des conflits homme‑faune sauvage tandis que d’autres enregistrent un déclin rapide de leurs populations de pachydermes, les éléphants étant notamment tués pour leur ivoire ([60]).

a.   Les pays qui sont parvenus, à des degrés divers, à mettre en place un cadre adéquat pour la préservation des espèces menacées

 Botswana

Le Botswana, pays enclavé d’Afrique australe, est recouvert à 70 % par le désert du Kalahari. 40 % de son territoire est considéré comme étant encore sauvage et en partie protégé (de l’ordre de 20 % de la surface du pays) par des parcs nationaux et des réserves. Le Botswana est réputé être un sanctuaire pour la faune sauvage, notamment pour les grands mammifères d’Afrique, puisque le braconnage y sévit moins qu’ailleurs. Ainsi, le Botswana possède la plus large population d’éléphants d’Afrique avec au moins 130 000 spécimens, soit un tiers de la population continentale. Le pays abrite, par ailleurs, 30 % de la population mondiale de guépards.

Selon la liste rouge de l’UICN, les espèces les plus menacées au Botswana sont notamment le rhinocéros noir en situation de danger critique comme quatre espèces de vautours. En 2000, seules 3,6 % des espèces de mammifères du territoire étaient menacées. Plus que le braconnage, ce sont les politiques d’aménagement du territoire, notamment la politique vétérinaire de protection du bétail contre la fièvre aphteuse, qui avec l’implantation de nombreuses barrières ayant entravé les migrations, a entraîné la baisse significative de certaines populations.

De nos jours, le principal danger pesant sur les espèces emblématiques au Botswana, notamment l’éléphant, est la surpopulation qui dépasse la capacité de portage de certains écosystèmes comme le parc national de Chobe. L’absence de gestion de cette croissance démographique pourrait à terme provoquer un effondrement de certains écosystèmes.

 Kenya

Conscientes de l’importance de préserver le patrimoine naturel du pays, les autorités kenyanes ont catalysé l’émergence de différentes formes d’aires protégées qui couvrent aujourd’hui près de 10 % du pays :

-         les parcs nationaux : 27 (dont 4 marins) soit un peu plus de 5 % du territoire. Ces parcs sont gérés par le Kenya Wildlife Service (KWS), une agence publique sous tutelle du ministère de la forêt et de la faune ([61]) ;

-         les réserves nationales et sanctuaires : il en existe 36 (26 réserves terrestres, 6 marines et 4 sanctuaires) soit environ 3 % du territoire. Ces zones sont sous la responsabilité des County Councils (administration gouvernementale décentralisée). KWS participe souvent au maintien de la sécurité mais ces réserves sont souvent délaissées ou au contraire surexploitées, à l’exception notable d’une partie de la réserve emblématique du Masai Mara dont la gestion a été déléguée à un opérateur privé qui paraît efficace. Si l’on exclut la réserve du Masai Mara, les réserves nationales couvrent 32 % des aires protégées (publiques et privées) mais n’abriteraient que 2 % de la faune kenyane ;

-         les forêts nationales classées : elles couvrent 1,7 % du territoire (1,4 million ha) et sont gérées par le Kenya Forest Service (KFS), agence publique créée en 2005 sous tutelle du ministère de la forêt et de la faune. Pour certaines forêts d’intérêt biologique fort, KFS et KWS ont signé des mémorandums et gèrent conjointement ces dernières. Certaines études estiment que 40 % des grands mammifères kenyans et 30 % des oiseaux dépendent de l’écosystème forestier. Enfin, certaines forêts sont sous la responsabilité des County Councils mais elles sont là aussi fortement dégradées ;

-         les ranchs privés : ces structures sont gérées par des propriétaires privés qui, de plus en plus, entreprennent des activités de conservation et de tourisme sur leurs terres ;

-         les réserves communautaires (conservancies en anglais) : ces réserves sont des structures au sein desquelles des communautés possédant ou utilisant une terre en commun se regroupent pour diversifier et stabiliser leurs revenus à travers notamment la préservation des écosystèmes et le développement d’un écotourisme. Elles sont reconnues par les autorités locales sans disposer d’un statut juridique légal dans la législation kenyane. Un système de zonage de ces conservancies est institué avec des zones exclusives de protection de la faune (dédiées à des activités non extractives comme le tourisme), des zones mixtes d’élevage et de faune avec pour objectif de gérer les pâturages de manière raisonnée et des zones d’habitation. D’autres activités annexes y sont également parfois développées afin de diversifier les sources de revenus des communautés et diminuer les impacts environnementaux d’une activité d’élevage trop intensive (artisanat, apiculture, etc.). Le modèle des réserves communautaires est censé favoriser le dialogue entre les populations, permettre de limiter les conflits hommes-faune sauvage et de rendre économiquement intéressante la préservation des richesses naturelles ;

La conservation de la biodiversité au Kenya est aujourd’hui confrontée à de multiples enjeux parmi lesquels :

- des carences de gestion au sein des agences publiques de gestion de la faune et de la flore sauvage (KWS et KFS) s’agissant notamment des moyens humains et matériels ;

- des plans de gestion d’aires protégées encore bien trop peu développés ;

- des problèmes d’insécurité et d’activités illégales (braconnage, coupe illégale, etc.) insuffisamment contrôlées ;

- des County Governments qui n’ont ni la capacité ni les compétences pour gérer les réserves nationales. Ces dernières n’existent parfois que sur le papier. Et des communautés locales trop peu impliquées ne percevant pas l’intérêt de protéger la faune sauvage ;

- un système de compensation des dégâts causés par la faune sauvage déficient. Celui-ci a le mérite d’exister mais ne permet pas de dédommager intégralement et rapidement les préjudices subis ;

- des infrastructures touristiques limitées qui ne favorisent pas pleinement les retombées économiques potentielles du tourisme.

 Rwanda

Les trois parcs nationaux du Rwanda – le parc national des Volcans, le parc national de l’Akagera et la forêt de Nyungwe – qui couvrent un peu plus de 8 % du territoire national, sont en première ligne dans la protection de la biodiversité et plus précisément des espèces menacées.

Selon le rapport sur l’état de l’environnement et les perspectives du Rwanda (2009), il existe 151 types différents d’espèces de mammifères, dont 11 sont actuellement menacées. Parmi ces dernières, se trouvent les primates (14 à 16), avec la moitié de la population mondiale restante de gorilles de montagne localisée dans le parc national des Volcans.  Se trouvent également le singe à tête de hibou, le singe de montagne à Nyungwe, le chimpanzé à Nyungwe et Gishwati et le singe doré trouvé dans le parc national des Volcans. Le Rwanda abrite aussi 15 espèces d’antilopes et possède une grande diversité d’espèces sauvages telles que buffles, zèbres, phacochères, babouins, éléphants, hippopotames, crocodiles, tortues et espèces rares comme le pangolin géant. Le parc national des Volcans abrite 13 espèces d’orchidées menacées répertoriées par la CITES.

La population de gorilles de montagne en danger dans le massif des Virunga serait passée de 480 en 2010 à 604 en 2016, selon un rapport récent du Conseil du développement du Rwanda. Selon un recensement aérien réalisé en 2013 dans le parc national de l’Akagera, il semblerait que la majorité des effectifs d’espèces animales soit à la hausse, bien que le braconnage constitue toujours une menace sérieuse pour certaines espèces.

Depuis le début des années 1990, le Rwanda a réalisé d’importants efforts pour contrer les différentes menaces pesant sur la biodiversité par le biais de programmes nationaux et par la ratification de différents protocoles et conventions internationales (CITES, CDB). Les politiques publiques mises en œuvre ont déjà permis d’observer des résultats tangibles, notamment grâce au pilotage de programmes clés tels que les « villages verts », les programmes de reboisement, la réhabilitation et la restauration de zones dégradées notamment dans les parcs nationaux de Nyungwe, de Gishwati et de Mukura, qui ont augmenté la couverture forestière nationale à 29,8 % en 2017. En effet, l’espace de la forêt de Gishwati a été réhabilité et établi comme zone légalement protégée en 2016, devenant ainsi le quatrième parc national de ce pays d’Afrique de l’Est. Ce parc a d’ailleurs été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en octobre 2020. Le parc de Gishwati abrite un groupe de 20 chimpanzés, qui vivent aux côtés de dizaines de singes dorés et de singes bleus. Les oiseaux sont également représentés avec 232 espèces observées à Gishwati et 163 à Mukura.

Par ailleurs, de nombreuses initiatives ont été prises par le gouvernement rwandais afin de protéger cette biodiversité menacée et de réhabiliter son habitat naturel. Par exemple, un braconnage intensif avait conduit à l’extinction des rhinocéros noirs dans le parc national de l’Akagera. Après la réintroduction de cette espèce en 2017, cinq nouveaux rhinocéros noirs ont été réintroduits dans le parc de l’Akagera durant l’été 2019, augmentant ainsi le chiffre de rhinocéros noirs à une vingtaine. De même, le Rwanda a réintroduit des lions d’Afrique du Sud en 2015 alors qu’ils avaient disparu dans le pays depuis une quinzaine d’années.

Il convient de souligner que la collecte d’informations au Rwanda sur les questions environnementales de façon générale et sur les espèces sauvages menacées plus précisément, constitue un réel défi pour les institutions rwandaises concernées. Aucune base de données scientifiques, précise et complète n’existe réellement à ce jour. Il s’agit essentiellement de données collectées par les parcs nationaux ou par certaines entités étatiques. Le manque de coordination et de centralisation de ces données rend ces dernières difficilement accessibles. Beth Kaplin, directrice du centre d’excellence en biodiversité et gestion des ressources naturelles à l’Université du Rwanda, constate également une pénurie d’études scientifiques complètes détaillant la biodiversité du pays. L’autorité rwandaise de gestion de l’environnement reconnaît que le manque de statistiques environnementales nécessaires, y compris celles liées aux plans de développement nationaux et régionaux, restreint la capacité des pôles décideurs à mettre en place des stratégies adaptées. Une mise à jour des données apparaît donc aujourd’hui essentielle. Cette situation critique – que l’on retrouve dans de nombreux autres pays – souligne ainsi un des besoins identifiés par votre rapporteure : il est nécessaire de soutenir financièrement la recherche en biologie de la conservation. C’est grâce à un renforcement des capacités que les scientifiques seront en mesure de mieux évaluer l’état de la biodiversité pour, par la suite, élaborer des projets de conservation mieux calibrés et plus efficaces.

 Namibie

La Namibie a, dès son indépendance en 1990, développé un modèle de bonne gestion en matière de conservation des espèces via le programme communautaire de gestion des ressources naturelles (communitybased natural resource management programme en anglais) qui a fait ses preuves et permis d’enregistrer de très bons résultats (cf. infra).

Dans le cadre du modèle des conservatoires communautaires, l’État délègue sous certaines conditions un droit d’usage des ressources naturelles aux communautés locales. En outre, un certain nombre de ces conservatoires emploient d’anciens braconniers pour veiller à la gestion durable des ressources et des espèces et préserver la biodiversité du pays. Indice du succès de cette politique de conservation, selon un rapport du WWF, le nombre d’éléphants a augmenté de 15 000 (1995) à 20 000 (2013) et celui des éléphants du désert de 150 (1980) à 750 (2012). La population de zèbres de montagne de Hartmann a crû de 1 000 (1982) à plus de 27 000, celle de springboks de 1 000 (1982) à 93 000. La Namibie abrite, à ce jour, les plus fortes populations au monde de guépards ainsi que de rhinocéros noirs. Seule la population de lions a enregistré une décrue entre 2004 et 2015, soit tout de même une légère hausse (+ 20) depuis 1995.

Cependant malgré ces résultats très encourageants, la Namibie doit également faire face à certaines situations critiques. Selon la liste rouge de l’UICN de 2020, les espèces sauvages les plus menacées du pays sont notamment le rhinocéros noir qui se trouve en situation de « danger critique » avec cinq espèces d’oiseaux dont quatre de vautours et six espèces de poissons. Dans cette liste se trouvent également 31 espèces classées comme « en danger » dont le chien sauvage, le rorqual boréal, la baleine bleue, 10 espèces de poissons dont 2 espèces de requins, la tortue marine verte, 17 espèces d’oiseaux dont une espèce d’aigle, trois espèces de vautours et le manchot africain.

 Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est l’un des dix-sept pays au monde considérés comme « méga‑divers » car disposant sur son territoire d’un fort taux d’endémisme avec 10 % des espèces de plantes mondiales et 7 % des espèces de reptiles, d’oiseaux et de mammifères. Il est par ailleurs reconnu comme un des pays leader en matière de conservation puisque disposant d’un important réseau de parcs nationaux et de réserves provinciales développé et correctement financé.

En dépit de ces bons éléments le pays est actuellement confronté à plusieurs défis en matière de biodiversité. Selon la liste rouge de l’UICN de 2016 concernant les 331 espèces évaluées en Afrique du Sud, 57 sont menacées (17 %) et 31 sont quasi menacées (10 %). Les mammifères les plus menacés sont au nombre de cinq espèces comprenant notamment le rhinocéros noir de l’Est en situation de danger critique tout comme la baleine bleue de l’Antarctique.

 Zimbabwe

Au Zimbabwe, les espaces protégés s’étendent sur 28 % du territoire national. Le pays abrite la deuxième plus grande population d’éléphants d’Afrique du monde ainsi que des populations importantes et croissantes de lions.

Selon la liste rouge de l’UICN, les principales espèces menacées au Zimbabwe sont le rhinocéros noir (en situation de danger critique), et le chien sauvage africain (en situation de danger). En outre plusieurs espèces emblématiques sont considérées comme vulnérables à l’instar des lions, girafes, éléphants, léopards et guépards.

b.   Les pays qui peinent à préserver leurs espèces sauvages

  Mozambique

Plus d’un quart (26 %) du territoire mozambicain est actuellement protégé. Ces aires de conservation, autrefois réserves de chasse et créées suite à l’indépendance du pays en juin 1975, incluent 16 réserves spéciales et parcs nationaux ainsi que des réserves forestières, communautaires et de chasse. À la fin des années 1990, le gouvernement a activement participé à la constitution des aires de conservation transfrontalières, notamment celle du Grand Limpopo, véritable démarche politique mettant en lumière l’importance de la biodiversité dans le développement des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe.

Cette préoccupation s’est accompagnée et s’illustre par l’évolution du cadre juridique notamment l’adoption en 2014 de la loi sur la conservation de la biodiversité qui établit les principes de protection, de conservation, de restauration et d’utilisation durable de la diversité biologique au Mozambique.

Néanmoins, à ce jour, les ressources financières allouées par le budget de l’État au fonctionnement des aires de conservation restent encore trop insuffisantes. En effet, l’investissement moyen de l’État dans les aires de conservation est de 4 dollars américains par km² au Mozambique contre par exemple 235 dollars par km² au Zimbabwe et 1 435 dollars km² au Kenya ou 3 014 dollars par km² en Afrique du Sud ([62]). Ainsi, le système des aires de conservation au Mozambique dépend à plus de 80 % de l’aide des bailleurs de fonds internationaux. À noter que près de 50 % des revenus propres de l’administration nationale des zones de conservation (administração nacional das áreas de conservação – ANAC en portugais) proviennent de la chasse sportive.

Selon la liste rouge de l’UICN, les principales espèces menacées au Mozambique sont le rhinocéros noir en situation de danger critique ainsi que de nombreux vautours (vautour de Rüppell, vautour à dos blanc, vautour à tête blanche…) qui se trouvent dans la même catégorie. Parmi les espèces classées en danger, on retrouve le chien sauvage africain, la raie manta, le requin gris de récif, le dauphin à bosse de l’océan Indien, le requin zèbre, la tortue verte, la grue royale, la baleine bleue et le requin-baleine. Enfin certaines espèces emblématiques tels que les éléphants, l’hippopotame, le guépard, le requin blanc, le requin-tigre, le léopard, l’hippocampe tacheté, la girafe, le lion, le pangolin se trouvent classées dans la catégorie vulnérable. En 2000, 9 % des espèces de mammifères du territoire étaient menacées.

 Ouganda

En Ouganda est observée une tendance inquiétante à la disparition d’espèces animales, même dans les zones strictement protégées. La chasse illégale et l’utilisation des terres à l’intérieur et à l’extérieur des aires protégées pour d’autres activités humaines peuvent avoir un impact négatif sur le sort des espèces hautement menacées.

L’UICN et le gouvernement ougandais se montrent très préoccupés par l’évolution de la situation des espèces sauvages menacées dans plusieurs zones géographiques du pays. C’est notamment le cas de la région du Karamoja, qui comprend plusieurs zones protégées dont le parc national de la vallée de Kidepo, les réserves de faune de Bokora‑Matheniko et de Pian‑Upe, les zones communautaires de gestion de la faune de Karenga et d’Amudat et les réserves forestières centrales environnantes, qui abritent des espèces animales et végétales endémiques, rares, menacées ou en voie de disparition. Cette région a des frontières poreuses avec le Soudan du Sud et le Kenya ce qui facilite le trafic illégal d’animaux sauvages. De plus, en raison des taux élevés de pauvreté et de chômage, le braconnage de la faune locale y est assez important. Plusieurs espèces animales sont maintenant éteintes et un grand nombre se trouve en danger.

De même la situation dans le parc national de Murchison Falls qui comprend le delta où le Nil se jette dans le lac Albert suscite des inquiétudes. Cette zone a, en effet, une grande valeur de conservation car elle est notamment essentielle pour la reproduction du bec‑en‑sabot du Nil et du jabiru d’Afrique, espèces endémiques dans la région. Le Nil Victoria se révèle également être une importante zone de reproduction pour les crocodiles du Nil.

Enfin, la situation du parc national Queen‑Elizabeth, qui fait partie d’un vaste système transfrontalier qui comprend le parc national de Kibale au nord‑est, le parc national des Monts Rwenzori au nord‑ouest et qui est contigu au parc national des Virunga en République démocratique du Congo retient l’attention des autorités et des scientifiques. 96 espèces de mammifères y sont recensées notamment des hippopotames, des éléphants, des buffles, des cobes à croissant mais aussi des kobs d’Ouganda, des phacochères, des topis et des porcs de forêt géants. Le parc abrite également des lions, des léopards et d’autres petits félins. On y trouve également plusieurs espèces de primates, par exemple des chimpanzés et des singes comme le colobe rouge, le colobe noir et blanc et le colobe à queue rouge. Diverses espèces de reptiles comme le crocodile du Nil, des chauves‑souris, des amphibiens et de petits mammifères habitent le parc. Dans les années 1960, les savanes du parc national Queen‑Elizabeth et le paysage des Virunga avaient la plus grande biomasse de grands mammifères jamais enregistrée sur Terre. En 2004, une épidémie d’anthrax s’est produite dans le parc et a tué au moins 300 hippopotames.

Par ailleurs, les taux élevés de pauvreté et de chômage en Ouganda expliquent en partie la pratique du braconnage et du commerce illégal d’espèces sauvages par les populations locales. Ce phénomène a entraîné la disparition de plusieurs espèces animales dans le pays.

 Tanzanie

En Tanzanie, la faune a connu deux périodes de grand danger dans les années 1970‑1980 puis en 2009‑2014 et deux périodes de relative stabilisation dans les années 1990‑2000 puis en 2015‑2020.

Cependant, de nombreuses espèces sauvages emblématiques de Tanzanie se trouvent actuellement en déclin. Les principales espèces subissant cette pression sont les grands carnivores (lions, léopards, guépards, chiens sauvages), les herbivores (éléphants, girafes, zèbres, buffles, antilopes, gnous et rhinocéros noirs, chimpanzés) et certaines espèces aquatiques (cœlacanthe, dugong et tortues de mer).

Les sécheresses prolongées, l’accroissement de la population tanzanienne (59,73 millions en 2020) qui induit une perte d’habitats, les diverses pollutions ainsi que le braconnage constituent les principaux facteurs expliquant cette détérioration.

Certaines espèces se révèlent plus difficiles à protéger que d’autres, soit parce qu’elles entrent en conflit avec les populations locales (grands carnivores), soit parce qu’elles font l’objet de braconnage (éléphants, lions) ou parce qu’elles nécessitent de larges territoires (le chien sauvage africain ou le léopard). La conservation des lions, par exemple, coûte très cher, cet animal nécessitant la préservation de grands espaces, un nombre de proies suffisant et une bonne coordination avec les populations locales.

La Tanzanie a connu une période récente catastrophique pour la population d’éléphants. Selon une étude de l’ONG Frankfurt Zoological Society (FZS) en partenariat avec l’Institut de recherche tanzanien, le pays aurait perdu la moitié de ses éléphants (60 000) en l’espace de 5 ans entre 2009 et 2014. Le parc national de Selous, d’une dimension de 50 000 km² et situé au sud du pays, a été le plus touché avec une perte de 63 % de sa population d’éléphants.

En parallèle, les rhinocéros noirs, que l’on ne peut trouver que dans le parc national de Selous, sont devenus extrêmement rares. Selon l’ONG WWF, il n’y en aurait plus qu’une dizaine, non aperçus mais identifiables par leurs traces.

Cette hécatombe n’est pas la première de l’histoire tanzanienne. Une première vague de braconnage liée à une montée de la demande des pays asiatiques (ivoire, cornes de rhinocéros) avait dans les années 1970‑1980 conduit la Tanzanie à lancer des opérations impliquant les forces armées tanzaniennes ainsi que les forces de police. Le pays est ainsi devenu exemplaire en matière de conservation au début des années 2000, avec une stabilisation de la population d’éléphants autour de 150 000 têtes. Néanmoins le trafic d’ivoire a de nouveau connu une résurgence à la fin des années 2000, menant à la perte de 60 000 éléphants en 2014. À l’échelle du continent africain, la moitié du déclin de la population d’éléphants est ainsi attribuée aux pertes en Tanzanie. La population d’éléphant étant alors passée en Tanzanie de 135 853 éléphants en 2006 à 50 433 éléphants en 2015. La Tanzanie est désormais le 4e pays d’Afrique au taux de mortalité d’éléphants le plus élevé.

Si la Tanzanie était encore le second pays d’Afrique comptant le plus d’éléphants en 2006, elle s’est vue dépasser par le Zimbabwe en 2015, pays qui se trouvait pourtant loin derrière en 2006 avec seulement 91 000 éléphants. Le Zimbabwe a ainsi su maintenir sa population d’éléphants quand la Tanzanie enregistrait un déclin fulgurant.

Autre élément inquiétant, selon WWF, la population de lions hors des parcs nationaux dans le nord de la Tanzanie serait passée de 5 000 têtes à quasi‑disparue.

 Zambie

Si 30 % du territoire zambien est officiellement protégé, représentant 752 614 km2, répartis entre les 20 parcs nationaux et les 34 espaces protégés, la gestion effective de ces espaces pose question. Le manque de formation des acteurs du secteur, l’insuffisance de financements ainsi que la faible application des réglementations en vigueur rendent la protection de la biodiversité peu efficace. Par ailleurs, six réserves forestières ont été récemment déclassées à des fins de développement des infrastructures.

Selon la liste rouge de l’UICN, les principales espèces menacées en Zambie sont le rhinocéros noir en situation de danger critique, plusieurs espèces de vautours, plusieurs espèces de plantes et une espèce de tortue. Le chien sauvage africain, le pangolin, plusieurs espèces de vautours et d’aigle, de végétaux et de coquillages se trouvent pour leur part en situation de danger quand certaines espèces emblématiques tels que les lions, les girafes, les éléphants et les hippopotames sont classés dans la catégorie vulnérables. En 2000, 6 % des espèces de mammifères du territoire étaient considérées comme menacées.

 Angola

La liste rouge des espèces menacées en Angola, présentée à la CITES et officialisée par un décret classe les espèces angolaises en danger, pour la période 2018‑2023, selon quatre catégories. Ce document est actualisé tous les cinq ans en fonction des informations et données scientifiques disponibles. Chaque espèce y est présentée en fonction de son habitat et des principales menaces pesant sur sa survie (braconnage, déséquilibre de la chaîne alimentaire, dégradation ou fragmentation des habitats, capture illégale, destruction des nids…).

Les quatre catégories sont les suivantes :

- catégorie A – espèces disparues : sont ici regroupées les espèces dont la présence naturelle est attestée en Angola mais sont données pour éteintes ou jamais revues dans leur habitat. Cela concerne notamment le rhinocéros noir, la hyène brune et le pingouin du Cap ;

- catégorie B – espèces menacées d’extinction : sont ici regroupées les espèces confrontées à plusieurs facteurs menaçant gravement leur existence, entravant leur reproduction ou leur régénération naturelle et ramenant leurs populations en dessous de niveaux durables. Cela concerne 29 espèces dont le gorille, le lion, le zèbre de Hartmann, le guépard, le lamantin, la tortue luth, l’hippotrague noir – qui est l’emblème du pays – le singe de Brazza et la girafe angolaise ;

- catégorie C – espèces vulnérables : sont ici regroupées les espèces dont la survie naturelle est menacée par les activités humaines sur le territoire angolais. Cela concerne une centaine d’espèces.

- catégorie D – espèces invasives : sont ici regroupées les espèces qui n’étaient pas présentes naturellement en Angola et qui deviennent envahissantes en menaçant ou en éliminant les espèces autochtones. Cela concerne un peu moins d’une vingtaine d’espèces.

Différents facteurs (retards pris dans le plan de développement des aires protégées, faiblesse des moyens de contrôle, absence de réelles sanctions en cas de braconnage avéré…) font courir à brève échéance de vrais risques d’extinction pour un certain nombre d’espèces classées en catégorie B, notamment les grands mammifères et reptiles terrestres ou aquatiques.

 République du Congo

S’agissant de la biodiversité issue de la forêt, trois espèces sont particulièrement menacées au Congo et inscrites sur la liste de rouge de l’UICN :

-         l’éléphant de forêt dont la population a diminué de plus de 60 % au cours des dix dernières années ;

-         le perroquet gris d’Afrique dont 20 % de la population est braconnée chaque année. Depuis 2017, les ONG constatent au sujet de cette espèce l’apparition d’un phénomène nouveau, les saisies concernent de plus en plus des perroquets morts, ce qui laisse penser que les individus sont désormais capturés et vendus morts pour une utilisation en médecine coutumière. Auparavant, ils étaient saisis vivants, leur capture étant réalisée pour alimenter un réseau de propriétaires de perroquets domestiques. Cette évolution pourrait être en lien avec l’inscription du perroquet sur l’annexe 1 de la CITES en 2017 ;

-         le gorille des plaines qui en 25 ans a vu sa population chuter de plus de 60 %.

D’après le témoignage des ONG présentes au Congo, le braconnage du pangolin – pour sa viande et ses écailles – serait en forte augmentation. Elles précisent également que d’importantes saisies de viande de brousse ont été effectuées en 2020 dans le nord du pays, soulignant la forte activité des filières d’approvisionnement des marchés des grandes agglomérations.

S’agissant de la biodiversité issue de l’océan, toujours selon les ONG présentes au Congo, il semble que de nouvelles tendances émergent avec une forte augmentation du braconnage des tortues et des requins (exportations massives d’ailerons). Par ailleurs, la pêche industrielle illégale est pratiquée intensivement sur les côtes congolaises, essentiellement par des compagnies chinoises. Les effets dévastateurs de cette pratique de pêche non raisonnée commencent à être constatés avec une raréfaction de certaines espèces et une nette diminution de la taille des poissons pêchés.

La République du Congo est entourée par la Cabinda (Angola), le Cameroun, le Gabon, la République Centrafricaine et la République démocratique du Congo. Cette position fait du pays un important hub de passage pour les trafiquants d’espèces protégées. Le comité tri national de supervision et arbitrages des réserves de la Sangha (TNS, composée du Cameroun, du Congo et du Gabon) a fait le constat d’une activité importante de braconnages transfrontaliers et d’une circulation d’armes et munitions de guerre.

Pour tenter d’assurer la préservation de ses écosystèmes exceptionnels, le Congo a développé un réseau d’aires protégées couvrant 13 % du territoire national. La réserve communautaire du lac Télé est notamment un exemple de modèle vertueux de préservation d’un écosystème local.

 République démocratique du Congo

Toutes les espèces de la faune sauvage connaissent une érosion extraordinaire en République démocratique du Congo. Les aires protégées, qui couvrent 17 % du pays sont elles‑mêmes soumises à une intense pression anthropique mais apparaissent pourtant comme les derniers remparts pour la protection des espèces sauvages. Dans le reste du territoire, la biodiversité n’est protégée que par les difficultés d’accès compte tenu de la faiblesse des infrastructures routières.

Comme dans beaucoup d’autres secteurs en République démocratique du Congo, les indicateurs manquent. Le nombre d’éléphants recensés dans le parc national de la Salonga est estimé à 2 000 individus de nos jours (8 000 dans tout le pays) contre 80 000 dans les années 1980.

L’instabilité et la faiblesse de l’État favorisent le pillage des ressources naturelles dans les zones protégées, en particulier dans l’est du pays, et compromettent systématiquement toute action de conservation.

 Bénin

Le complexe écologique du WAP qui regroupe les parcs transfrontaliers du W, d’Arly et de la Pendjari dans le nord du pays accueille de grands prédateurs et des espèces rares et en danger, caractéristiques de la savane soudanienne occidentale. Cet espace constitue un refuge pour de nombreuses espèces emblématiques de la faune sauvage qui ont disparu ou sont extrêmement menacées en Afrique de l’Ouest. Près de 70 espèces de mammifères y ont été recensées, notamment 10 espèces d’antilopes, 3 primates et 4 des « big five » ([63]) appartenant à la faune charismatique d’Afrique. Le complexe WAP abrite également 460 espèces d’oiseaux, 80 de reptiles et 120 de poissons, et possède une diversité remarquable en insectes. Il garantit la survie de nombreuses espèces rares et endémiques comme le damalisque, le léopard, le guépard, la gazelle à front roux, le vautour oricou, le messager sagittaire et le lamantin d’Afrique.

Les études scientifiques font état de plusieurs espèces menacées, comme le vautour africain, le lycaon ou le chimpanzé. Selon la liste rouge du Bénin établie en 2011, on dénombre 2 espèces d’amphibiens, 15 espèces de reptiles, 45 espèces d’oiseaux et 49 espèces de mammifères menacées de disparition. Concernant les menaces les plus importantes qui pèsent sur la faune sauvage au Bénin, on peut citer la disparition des habitats naturels, les changements climatiques, la transhumance et le braconnage. Certaines insuffisances peuvent également être observées dans ces dénombrements fauniques, qui ne sont plus réalisés de manière régulière. De l’aveu de certaines ONG, il est parfois complexe de dresser un bilan fiable de la tendance de la faune dans les réserves depuis le quatrième et dernier rapport sur l’état de la biodiversité réalisé en 2010.

 Côte d’Ivoire

Le territoire de la Côte d’Ivoire héberge divers écosystèmes terrestres           – avec une véritable frontière entre la forêt et la savane – et aquatiques abritant une biodiversité exceptionnelle, en flore et en faune, riche de nombreux endémismes. Le pays compte 244 espèces de mammifères, 723 espèces d’oiseaux, 94 espèces d’amphibiens et 93 espèces de reptiles. L’essentiel de cette biodiversité se retrouve aujourd’hui dans les parcs nationaux et réserves naturelles du pays. Les aires protégées ivoiriennes, dont le réseau a été élargi de 14 à 16 parcs et réserves en 2019‑2020, hébergent près de 90 % des espèces de mammifères et oiseaux connues d’Afrique de l’Ouest.

D’après la base de données actuelle de l’UICN, 291 espèces animales et végétales de cette biodiversité sont actuellement menacées. Pour la faune, 152 espèces connues sont menacées dont 19 espèces en danger critique d’extinction, 49 en danger et 84 vulnérables. Pour les espèces végétales, 139 d’entre elles sont menacées, parmi lesquelles 5 espèces en danger critique d’extinction, 30 espèces en danger et 104 espèces vulnérables.

Les principales espèces animales emblématiques menacées en Côte d’Ivoire sont l’éléphant, le chimpanzé, le lion, le lycaon, la pintade à poitrine blanche, le vautour à tête blanche, le vautour au dos blanc, le crocodile à nuque cuirassée, le vautour des noix palmistes, l’hippopotame pygmée, le céphalophe de Jentink et le crapaud vivipare.

La situation des éléphants se révèle particulièrement préoccupante, la population de pachydermes étant passée de 3 000 individus en 1960 à environ 1 100 individus dans les années 1990 puis à 500 individus estimés en 2020. Les effectifs d’éléphants ont donc connu une régression de 83 % en 60 ans, dont une perte de 55 % au cours des 30 dernières années.

S’agissant du chimpanzé, le pays aurait perdu 90 % de sa population en 17 ans, entre 1990 et 2007.

Plusieurs espèces aquatiques prisées pour la consommation humaine et le commerce illégal sont également menacées d’extinction, notamment l’hippopotame, le lamantin, les crocodiles, les tortues et les requins.

 Mali

Au Mali, à mesure que la situation sécuritaire du pays se dégrade et que les activités anthropiques continuent d’endommager l’environnement, la liste des espèces sauvages menacées dans le pays s’allonge. En tête des préoccupations du gouvernement du Mali figure le sort des éléphants du Gourma, région située au nord‑est du pays. Éléphant le plus septentrional d’Afrique, il avait échappé au braconnage intensif des années 1980 en raison de la mauvaise qualité de ses petites défenses. Le dernier inventaire réalisé concernant cette espèce (2014) faisait état d’une population de 346 spécimens. Parmi les autres espèces les plus menacées au Mali, figurent les lycaons, les guépards, les oryx, les addax, les damalisques ou encore les autruches et outardes. La région de Kayes, située au sud‑ouest du Mali et qui constituait autrefois une réserve d’une biodiversité exceptionnelle regroupant de nombreuses populations de chimpanzés, de lamantins et d’hippopotames s’est progressivement dépeuplée de ces espèces animales en raison d’activités humaines dévastatrices.

 Niger

La forte dégradation des ressources naturelles liée à la concomitance des actions humaines d’une part et des effets du dérèglement climatique d’autre part a des répercussions considérables sur la biodiversité nigérienne. Différents facteurs ont par ailleurs accentué ce phénomène, notamment l’avancée du front agricole dans certaines niches animalières, les feux de brousse et la désertification, contribuant au cours des dernières années à la raréfaction ou à la disparition de certaines espèces animales comme l’oryx algazelle.

Ainsi au Niger, parmi les mammifères, 14 espèces se trouvent menacées en raison des effets du dérèglement climatique, directs ou indirects, mais aussi de la chasse, sous toutes ses formes, sachant que le braconnage constitue une cause supplémentaire d’extinction. Chez les carnivores, il s’agit principalement du lion d’Afrique, du lycaon, des hyènes rayées et du guépard. Pour les herbivores, huit espèces sont concernées, les éléphants sauvages d’Afrique occidentale, l’addax, la gazelle dama, la gazelle dorcas, la gazelle à front roux, le damalisque, l’antilope bubale, le mouflon à manchette et le lamantin. Parmi les oiseaux, plusieurs espèces se trouvent menacées notamment l’outarde arabe et de Nubie, le canard armé et le canard casqué et la grue couronnée qui sont victimes du braconnage et de la dégradation de l’habitat. Les reptiles subissent les mêmes agressions, le python de seba et la tortue sillonnée sont en voie d’extinction.

La quasi‑disparition du lion dans le parc W se révèle par ailleurs particulièrement préoccupante. Cet animal a ainsi été classé en danger critique d’extinction en 2015 par l’UICN. La transformation des zones de chasse du lion en terres cultivées et l’abattage des proies de ce prédateur rendent son alimentation difficile. Les lions du Niger doivent, en outre, faire face aux éleveurs qui, inquiets pour leur bétail, n’hésitent pas à les abattre de façon préventive.

B.   Le braconnage, un facteur de destruction de la biodiversitÉ pesant lourdement sur l’ensemble du continent

1.   Les caractéristiques générales de la chasse illégale en Afrique

Deux types de chasse illégale visant les espèces sauvages menacées prédominent en Afrique. On relève tout d’abord l’existence d’un braconnage de subsistance impliquant les populations locales. Phénomène qui peut s’expliquer pour des raisons traditionnelles ou culturelles mais également économiques, une telle chasse permettant de générer des compléments de revenus. En outre, il faut relever, dans certains pays, un véritable engouement pour la consommation de viande de brousse, viande issue des espèces animales sauvages.

En dépit de l’existence de zones protégées et d’un arsenal juridique notable en matière de lutte contre le braconnage et les trafics d’espèces sauvages menacées, l’application de la loi se révèle souvent défaillante compte tenu du manque de moyens humains et matériels et des carences constatées en matière de formations des différents acteurs en charge de la protection de la biodiversité. Par ailleurs, la corruption des autorités, centrales ou locales, obère souvent significativement l’efficacité des actions menées à l’encontre des activités de chasse illégale.

La forte demande asiatique en produits issus d’espèces sauvages menacées, émanant notamment de Chine et du Vietnam a conduit à la constitution de groupes criminels opérant sur le continent africain. Des investissements significatifs ont ainsi été réalisés par ces groupes (infrastructures, stockage, transport, matériels spécialisés…) pour professionnaliser l’activité de braconnage et assurer le bon fonctionnement de la chaîne de production illégale. La plupart de ces groupes criminels sont financés par des acteurs asiatiques mais leur réalité, sur le terrain, est majoritairement africaine. Ces réseaux sont souvent liés au trafic illégal d’autres biens tels que l’alcool et le tabac, mais peuvent aussi être impliqués dans la fraude financière, le commerce de diamants, la traite d’êtres humains ou encore la vente d’armes. Par ailleurs, le braconnage et le trafic d’espèces sauvages menacées peuvent ainsi constituer des sources de revenus importants dans le cadre de conflits ou au sein de régions fortement déstabilisées.  Le financement du terrorisme via les activités de braconnage est souvent questionné et avéré dans certaines régions (groupes terroristes opérant à proximité de la bande sahélo‑saharienne ou al‑Shaabab en Afrique orientale…). Dans sa résolution 2482 du 19 juillet 2019, le Conseil de sécurité de l’ONU a par ailleurs souligné que les terroristes peuvent tirer profit d’activités relevant de la criminalité organisée parmi lesquels le trafic illicite d’espèces sauvages et d’autres activités criminelles qui nuisent à l’environnement.

Par ailleurs, la pandémie de la covid‑19 a constitué une aggravation de la menace pesant les espèces sauvages menacées en réduisant les recettes touristiques de certains pays. Une telle situation a pu d’une part conduire à une augmentation du recours au braconnage de subsistance et d’autre part se traduire par une réduction des effectifs en charge de la surveillance des zones protégées exposant plus encore les espèces sauvages menacées. La reprise des activités touristiques post‑covid paraît crucial afin de ne pas perdre les gains engrangés ces dernières années dans certains pays en matière de conservation et de lutte anti‑braconnage.

2.   Les différentes tendances relevées dans certains pays d’Afrique

 Afrique du Sud

Le National Environmental Management Biodiversity Act de 2004 interdit en Afrique du Sud, la chasse, la capture ou la mise à mort de toute espèce protégée ou menacée sans permis, ainsi que l’import, l’export, la vente et l’élevage de toute espèce protégée ou menacée sans permis, exposant les personnes impliquées à cinq ans de prison et à une amende de 100 000 rands, soit environ 5 300 euros. Afin de lutter contre le braconnage et le trafic illégal, le gouvernement sud‑africain a mis en place l’Inspection de gestion environnementale, appuyée par les services de police sud‑africains, et a investi dans des unités anti‑braconnage formées et équipées (hélicoptères, unités canines, trackers, etc.) et pouvant être assistées par l’armée sud‑africaine en cas de nécessité. Au sein de ces unités, les rangers ont l’autorisation de tirer sur les braconniers s’ils se font tirer dessus.

L’évaluation nationale de la biodiversité réalisée en 2018 note une augmentation depuis une décennie de l’activité des réseaux criminels de trafiquants d’animaux sauvages fournissant les espèces soumises à interdiction de commerce sur les marchés étrangers, principalement asiatiques. En particulier, la corne de rhinocéros se vend à 60 000 dollars le kilogramme, représentant une source de revenus conséquente pour les trafiquants. Au plus haut du braconnage, en considérant en moyenne qu’une corne de rhinocéros pèse 5 kg, le trafic de corne de rhinocéros représentait un trafic d’une valeur de 300 millions de dollars américains par an. Les filières jouent par ailleurs la diversification avec l’ivoire, les écailles et la viande de pangolin, la peau et les os de lion, mais également des produits issus de la mer comme l’ormeau.

Une étude menée par l’ONG TRAFFIC auprès de 73 braconniers emprisonnés en Afrique du Sud indique qu’une majorité d’entre eux se situent aux échelons les plus bas des chaînes illégales d’approvisionnement d’espèces de faune sauvage, et se tournent vers le braconnage en raison de facteurs socio‑économiques qui incluent la génération de revenus, le manque d’alternatives économiques viables, une illégalité contestée, ou encore une perception biaisée des risques et conséquences. Parmi eux, 48 % étaient sud‑africains, 38 % étaient mozambicains, 12 % étaient zimbabwéens et 1 % était chinois.

Une diminution globale du nombre de rhinocéros tués a été observée au début de la pandémie de la covid‑19. Toutefois, les autorités sud‑africaines s’inquiètent de l’augmentation du braconnage de rhinocéros dans certaines régions, dont la province du North West. La pandémie et l’absence de touristes dans les parcs ont permis aux braconniers de se rendre dans les parcs sans être vus, et de stocker les cornes avant la réouverture des frontières. En prévention d’une répétition de cette situation, le gouvernement sud‑africain a lancé une vaste opération d’écornage sur une centaine d’animaux. Cette politique permet aussi aux parcs de réduire les coûts impliqués par la protection des rhinocéros, dans un contexte de baisse des revenus.

À l’aune de la pandémie de covid‑19, le braconnage de subsistance a également augmenté dans les parcs sud‑africains. Principalement basé sur la chasse de gibier, ce braconnage de subsistance permet avant tout aux communautés avoisinantes des parcs, qui dépendent largement du tourisme, de se nourrir.

 Namibie

La Namibie est l’un des premiers États à avoir intégré la protection de l’environnement dans sa Constitution, promouvant la conservation des écosystèmes, ainsi qu’une utilisation durable des ressources naturelles, notamment à travers les réserves communautaires (conservancies) communautaires. La préservation de la biodiversité représente un enjeu capital pour le pays, car plus de 70 % de la population namibienne dépend directement de la biodiversité pour sa subsistance. Le plan de développement national de la Namibie considère l’utilisation durable des ressources comme un axe stratégique prioritaire pour la réduction de la pauvreté.

L’augmentation du braconnage et du trafic illégal d’espèces sauvages menacées depuis 2014, en particulier des éléphants pour leur ivoire, des rhinocéros pour leurs cornes, et des pangolins pour leurs écailles, a mené les autorités namibiennes à modifier en 2017 leur législation sur la conservation de la nature. Les amendes et les peines de prison liées au braconnage et au trafic illégal ont ainsi crû de manière substantielle, passant d’un maximum de 200 000 dollars namibiens, soit environ 11 000 euros, à un maximum de 25 millions de dollars, soit environ 1,4 million d’euros, pour les amendes et d’un maximum de 20 à 25 ans pour les peines de prison.

En complément de la réponse judiciaire, une unité opérationnelle a vu le jour en juillet 2018. Nommée Blue Rhino Task Force, cette unité interministérielle effectue un travail de prévention pour lutter contre le braconnage. L’unité travaille en étroite collaboration avec les services de renseignement namibiens (Namibia Central Intelligence Service – NCIS en anglais), les forces armées namibiennes (Namibian Defence Force – NDF en anglais), le ministère de l’environnement, des forêts et du tourisme (Ministry of Environment and Tourism – MEFT en anglais), la police (Namibian Police Force – NAMPOL en anglais) et les unités anti‑braconnage. Les financements proviennent principalement d’associations ou d’agence d’aide au développement (Wildcat Foundation, RooiKat Trust et USAID). Depuis deux ans, 100 arrestations préventives ont eu lieu et environ 700 suspects ont été déférés devant la justice pour des affaires de braconnage.

Selon des données du ministère de l’environnement, des forêts et du tourisme, en 2020, les chiffres de braconnage d’éléphants et de rhinocéros ont diminué et cela grâce à la coopération d’unités spécialisées avec la police, l’armée et les services de renseignement, au renforcement des patrouilles terrestres et aériennes, à la collaboration avec la population ainsi qu’en raison de l’aggravation des amendes et des peines de prison.

La protection des espèces menacées constitue un enjeu économique majeur pour la Namibie. Selon une étude menée par Lucy Olivia Smith et Lucas Porsch ([64]) en 2015, une diminution de 1 % de la population de rhinocéros entraînerait un manque à gagner de 56 millions d’euros par an pour l’économie nationale. Une baisse des revenus liés qui serait liée au manque à gagner des secteurs du tourisme et de la chasse légale.

Le centre de renseignement financier namibien a publié en 2017 un rapport sur les tendances et la typologie des crimes concernant le braconnage et le commerce illégal de produits dérivés d’espèces sauvages, en particulier des rhinocéros et des éléphants. Ce rapport indique que la Chine, le Vietnam, la Thaïlande et Hong Kong sont les pays et territoires où les saisies de cornes de rhinocéros et d’ivoire d’éléphant sont les plus nombreuses. Par ailleurs, le rapport souligne que la pauvreté, le manque d’opportunités économiques et les inégalités sociales sont des facteurs importants de développement des activités de braconnage. Le document précise par ailleurs qu’il existe parfois des désaccords entre les communautés et le gouvernement central au sujet des droits de chasse et d’utilisation des terres, situations qui peuvent déboucher sur des activités de braconnage et de trafic illégal d’espèces sauvages menacées.

 Botswana

Le braconnage est actuellement considéré par le gouvernement botswanais comme une priorité nationale. Dans son discours sur l’état de la nation de novembre 2020, le président Masisi a déclaré que le « braconnage représentait le plus grand défi pour la gestion soutenable de la faune sauvage ». L’économie du Botswana étant dépendante des recettes issues de l’industrie touristique, la protection de la biodiversité et des écosystèmes représente un enjeu majeur pour le pays.

Le Botswana a mis en place depuis plusieurs années une politique de lutte contre le braconnage très stricte, orchestrée par les unités anti‑braconnage de l’armée et par les rangers en charge des parcs nationaux. Dans les accrochages avec les braconniers, les soldats ont le droit de tirer à vue selon le principe du « shoot to kill policy » (politique du « tirer pour tuer »), une mesure critiquée par certains pays voisins puisqu’elle donnerait lieu à des assassinats extrajudiciaires encouragés par les autorités botswanaises. En 2020, les soldats des forces de défense du Botswana (Botswana Defence Force – BDF en anglais) ont tué au moins 12 personnes suspectées de braconnage, dont trois citoyens namibiens et un Zambien. Le gouvernement botswanais justifie de telles pratiques par le fait que les braconniers, principalement affiliés à des réseaux criminels transfrontaliers, sont bien organisés et lourdement armés, n’hésitant pas à tirer en premier sur les militaires en patrouille.

En matière d’espèces victimes du braconnage, la situation la plus alarmante concerne la population de rhinocéros dont 63 individus ont été tués par des braconniers depuis 2019, sur une population totale d’environ 500 – soit plus de 10 % de la population décimés en une année. Pour prévenir de futurs abattages, le gouvernement a procédé en 2020 à une opération de décornage des rhinocéros à grande échelle.

Selon le secrétaire permanent du ministère de l’environnement, de la conservation des ressources naturelles et du tourisme du Botswana, la plupart des braconniers opérant au Botswana proviendraient des pays voisins et seraient liés à un réseau organisé régional. Le principal groupe criminel serait basé au Zimbabwe mais opérerait principalement depuis la Zambie, à partir de laquelle il enverrait des agents pour recruter des délinquants, notamment zambiens et namibiens, avec pour objectif d’accéder aux parcs nationaux botswanais pour ramener des défenses d’éléphant et des cornes de rhinocéros. Ainsi, le trafic à l’échelle nationale serait marginal et les ressortissants botswanais qui en profiteraient peu nombreux. Il serait uniquement question d’agents locaux de moindre importance, complices des braconniers étrangers et vivant généralement dans les villages à proximité des réserves du nord du pays. Il semblerait, en effet, que les braconniers se trouvent parfois dans l’obligation d’importantes sommes d’argent aux villageois afin que ces derniers gardent les défenses prélevées illégalement en sécurité en attendant leur retour.

 Angola

Le braconnage à des fins alimentaires des populations locales est un fait majeur en Angola. Les populations considèrent les espèces sauvages comme un complément quotidien essentiel, dans un contexte de difficile accès aux ressources en protéines. La législation angolaise n’est que d’un faible recours pour empêcher ces pratiques, de fait illégales. Les relais de contrôle policier sur le terrain étant très peu nombreux et hautement corruptibles et les populations n’ayant qu’une représentation limitée des questions de préservation de la biodiversité.

La capture d’animaux à des fins de consommation externe ou de collection est également très présente dans certaines zones. Les relais du trafic se retrouvent également au sein des forces de l’ordre et des autorités locales, puis s’appuient sur des réseaux organisés pour une exportation essentiellement tournée vers les pays asiatiques comme la Chine, la Thaïlande, le Vietnam et la Malaisie mais aussi en direction de l’Australie. Pour la sortie du continent, le Kenya semble jouer un rôle de plaque tournante.

Les cas avérés de trafic d’ivoire d’éléphants et de cornes de rhinocéros semblent en forte diminution, et les dernières arrestations de braconniers ou d’acheteurs chinois relatées se concentrent dans le sud du pays, une grande partie des prises semblant pouvoir provenir de Namibie et avoir ensuite traversé la frontière.

Malgré quelques articles de presse sporadiques, détaillant parfois l’arrestation de trafiquants ou supposés trafiquants asiatiques ou angolais lors d’opérations policières ou militaires, l’opinion publique, focalisée sur les questions de crise économique et plus récemment sanitaire, n’est absolument pas sensibilisée. Le travail de quelques ONG internationales ou nationales n’est que faiblement relayé par les médias angolais.

L’hypothèse du financement de groupes terroristes peut être écartée s’agissant de l’Angola. Les groupes criminels impliqués dans le trafic d’animaux sauvages, dans un pays très contrôlé comme celui‑ci, restent localisés et ne semblent pas mener à l’organisation de groupes ou réseaux à une échelle importante. Plus certainement, les autorités policières, militaires et politiques provinciales ont fait de ces trafics l’une de leurs matrices de ressources, soit en « protégeant » les actes de prélèvements d’espèces, soit en facilitant leur écoulement transfrontalier en direction de l’Afrique centrale ou de l’est, puis de l’Asie.

 République du Congo

Bien que l’arsenal juridique, avec un Code pénal ancien mais une loi sur la faune existante de 2008, ne soit pas négligeable, les grandes difficultés rencontrées pour la mise en œuvre de la réglementation et la corruption qui en constitue le corollaire, obèrent l’action de l’administration judiciaire et des forces de sécurité concernées. Au Congo, l’impunité apparaît comme quasi‑totale pour les trafiquants, acteurs de la criminalité organisée liée à la faune et aux forêts, et très large pour les auteurs du simple braconnage. Cette situation perdure, malgré l’action des ONG qui a permis d’arrêter environ 200 braconniers par an, ces dernières années. En 2020, un premier jugement exemplaire a été rendu condamnant un braconnier à 30 ans de prison. Les ONG veulent y voir un signal fort du gouvernement congolais, suite à sa nomination au comité permanent de la CITES.

Les populations autochtones, très fragilisées en République du Congo, sont recrutées pour effectuer les battues et alimenter les filières de chasse illégales. Selon différents témoignages, les armes qui leur sont fournies proviendraient des corps militaires d’élite qui trouvent ainsi une rémunération en valorisant leurs équipements.

 République démocratique du Congo

Les groupes armés prolifèrent à l’Est de la République démocratique du Congo et vivent d’une pluralité de trafics (exploitations minières, rackets…) dont le trafic d’espèces sauvages menacées, végétales ou animales.

À titre d’illustration, s’agissant du parc des Virunga, le chiffre d’affaires annuel des trafics de ressources naturelles au départ du parc est estimé à 170 millions de dollars américains dont une partie revient directement aux groupes armés qui contrôlent les différents trafics. En 2007, 35 millions de dollars de chiffre d’affaires étaient ainsi générés par le trafic de « makala » (charbon de bois) issu du parc, sachant que ce trafic est tenu par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un des groupes armés les plus puissants au Nord Kivu. De même, la pêche illégale dans le lac Édouard – dont la partie congolaise est dans le périmètre du parc – génère près de 55 millions de dollars par an, sous le contrôle du groupe armé des Maï Maï Charles. D’où la nécessité de s’attaquer à l’économie des conflits, de favoriser la pacification de la région par le développement économique et de mieux gérer les ressources du parc pour qu’elles profitent à tous.

 Mozambique

Le gouvernement mozambicain, conscient de la richesse exceptionnelle de sa grande faune sauvage et des enjeux économiques et environnementaux associés, a de longue date fait de la lutte contre le braconnage et du trafic d’espèces menacées une priorité nationale. C’est l’administration nationale des aires de conservation, l’ANAC, qui est chargée de la lutte contre le braconnage. En 2017, les peines de prison concernant l’ensemble des personnes impliquées dans des crimes fauniques ont été rehaussées à un maximum de 16 ans. Ainsi, au‑delà du chasseur, toute personne transportant, collaborant, faisant abattre illégalement les espèces protégées ou finançant le braconnage peut être condamnée.

Outre les mesures liées à l’amélioration du cadre juridique, le gouvernement du Mozambique, avec le soutien de ses partenaires, renforce ses moyens humains via l’embauche d’éco‑gardes, grâce à la formation des agents de surveillance, des agents des douanes, de la police de l’environnement et de celle des enquêtes criminelles, ainsi que des membres du système judiciaire. Les autorités investissent également dans les moyens technologiques en améliorant les capacités de surveillance terrestre et aérienne. En ce qui concerne le trafic d’animaux sauvages, une unité canine a été mise en place à l’aéroport principal du pays – l’aéroport international de Maputo – en novembre 2018. L’ANAC travaille également avec les procureurs et les juges pour améliorer l’application de la législation. L’ensemble de ces efforts traduisent la priorité accordée par le gouvernement à la question du braconnage et du trafic des espèces menacées.

Depuis 2017, une insurrection islamiste se développe dans la province du Cabo Delgado dans le nord du Mozambique, dont les attaques s’étendent et s’intensifient actuellement. Il est très difficile d’identifier avec précision les moyens de financement de ces groupes, mais il semble qu’ils soient liés aux trafics de drogue, d’animaux sauvages et de bois. Trois districts de la province de Cabo Delgado, font partie du parc national des Quirimbas qui est historiquement une zone de forte activité de braconnage de l’ivoire qui est ensuite commercialisé en Tanzanie ou dans le cadre des réseaux des agents asiatiques. Par ailleurs, les réseaux de braconniers actifs au Mozambique font circuler d’importantes sommes d’argent mais aussi des armes qui peuvent également être utilisées pour d’autres activités criminelles.

Il existe au Mozambique un braconnage de subsistance pratiqué par les populations locales habitant depuis des générations aux alentours des aires de conservation et qui chassent pour pouvoir se nourrir de viande de brousse ou pour la vendre et ainsi augmenter leurs revenus. Environ 30 % des protéines animales consommées par la population mozambicaine des zones rurales proviennent de la faune sauvage. À titre d’exemple, en 2019, près de 1 430 pièges ont été enlevés par les éco‑gardes dans le parc national du Limpopo.

Le trafic illégal d’espèces menacées de la grande faune (éléphants, rhinocéros, lions, etc.), de plus grande ampleur, relève du braconnage commercial et implique à la fois les populations locales et des acteurs internationaux. Cette chasse illégale est pratiquée principalement par des chasseurs locaux et étrangers liés au trafic international d’ivoire et de cornes de rhinocéros. Ce phénomène implique une forte corruption ainsi que des activités criminelles. Ces chasseurs utilisent des armes de chasse sophistiquées et de gros calibres généralement fournies par les mandants du crime.

Le braconnage commercial se trouve amplifié au Mozambique par un ensemble de facteurs : le niveau élevé de pauvreté des communautés, la faible capacité de mise en œuvre de la législation, la vulnérabilité et la porosité des frontières du pays, le manque de coordination des différents intervenants dans la surveillance, la présence et la croissance de la population humaine à l’intérieur des zones de conservation et le niveau élevé de corruption.

En effet, ce type de trafic ne pourrait pas exister sans un fort niveau de corruption dans le pays. En 2019, le Mozambique était classé 34e pays sur 180 le plus corrompu au monde par l’ONG Transparency International. Cette corruption concerne tous les échelons mais essentiellement le niveau des autorités locales. Ainsi, beaucoup de braconniers sont relâchés après avoir été arrêtés et de nombreux permis d’exploiter dans les forêts sont délivrés en raison de la complicité des policiers, des juges ou des autorités locales. À titre d’illustration, en 2018, dans la réserve spéciale de Niassa située dans le nord du pays, l’ensemble des services de police de la municipalité de Mecula‑Sede a été licencié suite à de nombreux cas de corruption. Ce phénomène se trouve exacerbé par une méconnaissance générale des lois sur la conservation des espèces. Pour faire face à ce problème, plusieurs projets, dont le projet APPEM financé par l’Agence française de développement (AFD) depuis 2016, accompagnent les autorités mozambicaines pour améliorer l’application de la législation.

L’augmentation de la chasse et du trafic d’espèces sauvages menacées est liée à la demande d’ivoire et de cornes de rhinocéros sur les marchés asiatiques. S’agissant des rhinocéros, les équipes impliquées organisent des raids transfrontaliers en direction du parc national Kruger situé en Afrique du Sud. Du fait des efforts menés dans la zone du parc national du Limpopo et d’une coopération renforcée avec l’Afrique du Sud, ce type de braconnage transfrontalier a cependant fortement diminué en 2019 et 2020.

En 2019, plusieurs saisies d’ivoire ont été réalisées à l’aéroport et dans le port de Maputo, notamment un container contenant près d’une tonne d’ivoire. La même année, un citoyen chinois a été condamné à 15 ans de prison et à une forte amende après avoir été interpellé à l’aéroport de Maputo en possession de 4,2 kg de cornes de rhinocéros. Il s’agissait alors de la première condamnation d’un citoyen étranger au Mozambique pour un crime contre la faune sauvage.

Le braconnage reste une préoccupation majeure pour le pays, bien qu’il ait diminué de 70 % s’agissant des éléphants depuis 2010. Sur la période 2015‑2019, 360 cas de braconnage d’éléphants ont été recensés dans l’ensemble du pays alors qu’avant 2014 le Mozambique enregistrait une perte de 1 200 éléphants par an. Selon les données du dernier recensement (2018) la population d’éléphants au Mozambique s’élèverait à 9 114 environ.

En revanche les deux espèces de rhinocéros se sont éteintes au Mozambique dans les années 1970 à cause de la pratique de la chasse illégale. Le retrait de la clôture entre l’Afrique du Sud et le Mozambique dans le contexte de la création du parc transfrontalier du grand Limpopo, entre l’Afrique du Sud, le Mozambique et le Zimbabwe, a permis l’entrée de quelques rhinocéros au Mozambique. Hélas cette population a fait l’objet d’un braconnage intense puisqu’entre 2007 et 2012 environ 67 rhinocéros ont été abattus illégalement dans le parc national de Limpopo et dans les secteurs adjacents.

 Ouganda

Le rapport Évaluation du trafic d’animaux sauvages en Ouganda, produit par l’ONG TRAFFIC dans le cadre du projet Wildlife TRAPS financé par USAID, fournit un aperçu complet du commerce illégal et légal de la faune sauvage en Ouganda ainsi que des itinéraires du trafic de la faune sauvage au cours des quinze dernières années. Ce document identifie l’Ouganda comme l’un des points de transit communs pour le trafic d’animaux sauvages et de leurs produits dérivés dans la région de l’Afrique centrale et orientale.

Les organisations criminelles agissant dans ce secteur sont principalement associées à la contrebande d’ivoire mais ces dernières années, elles ont également fortement pris part au trafic de pangolin. L’Ouganda a enregistré une recrudescence du trafic de produits de la faune sauvage depuis 2010 : environ 9 961,45 kg d’ivoire, 17,75 kg de corne de rhinocéros et 1 374,7 kg d’écailles de pangolin ont ainsi été confisqués dans le pays.

Il est important de souligner que la majorité des animaux sauvages de l’Ouganda ne sont pas dans les faits confrontés à des menaces majeures dues au braconnage, le pays servant essentiellement de plaque tournante régionale pour le braconnage commercial international. Des routes de contrebande terrestres existent ainsi entre l’Ouganda et ses voisins (la Tanzanie, le Kenya, le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo). Routes qui s’étendent au moins jusqu’à la Centrafrique. Les principales destinations internationales des produits issus de la faune et de la flore sauvages passés en contrebande en Ouganda sont la Chine et le Vietnam.

La carte ci‑après présente les routes suivies par les trafics d’espèces menacées transitant par l’Ouganda :

 Rwanda

À l’échelle nationale, le braconnage, puni par la loi, est aujourd’hui très peu pratiqué au Rwanda. Comparativement aux pays frontaliers ou aux pays africains de façon générale, le braconnage y est une pratique minime et ne constitue pas une source de revenus importante. La circulation rapide de l’information dans ce pays constitue un obstacle important pour les braconniers.

Cependant les statistiques de suivi du département du tourisme et de la conservation indiquent que les taux de braconnage et d’autres activités illégales ont augmenté dans le parc national de Nyungwe de 2003 à 2013, comme cela apparaît dans les graphiques ci‑après.

Évolution du braconnage dans le parc national de Nyungwe de 2003 à 2013

Évolution des activitÉs illÉgales ont dans le parc national de Nyungwe de 2003 À 2013

Ces graphiques montrent ainsi une augmentation des taux de braconnage et d’autres activités illégales sur la période concernée. Néanmoins, cette augmentation s’explique notamment par le fait que la couverture des patrouilles au sein du parc de Nyungwe a été étendue à de nombreuses nouvelles zones de la forêt.

Au niveau du parc national de l’Akagera, le commerce de la viande de brousse, bien que minime aujourd’hui, continue de constituer une préoccupation importante pour la gestion du parc. Concernant les espèces végétales, certaines sont en danger d’extinction en raison de leur exploitation massive ou de la dégradation de leur habitat. Osyris lanceolata et Pterygota mildbraedii sont deux espèces exploitées massivement et illégalement. La première, appelée localement « kabaruka » est utilisée pour de multiples raisons, notamment dans le cadre de l’alimentation, de la médecine ou encore comme bois de chauffage.

 Tanzanie

Le braconnage représente une industrie lucrative en Tanzanie, le ratio risque‑bénéfice penchant largement en faveur du bénéfice. La majorité des braconniers touchent en moyenne 425 dollars américains par mois, quand le revenu moyen d’un agriculteur tanzanien est de 79 dollars, celui d’un éleveur 61 dollars, et celui d’un petit commerçant de 118 dollars.

Malgré une législation qui condamne le braconnage, une étude de 2018 ([65]) montre que les braconniers tanzaniens ont 0,007 % de chance d’être arrêtés. Plus de la moitié d’entre eux ne subissent qu’une amende de 39 dollars en moyenne, lorsqu’ils sont arrêtés et font en moyenne 0,004 jour en prison pour 5 années de chasse.

Deux types de braconnage coexistent en Tanzanie :

-         un braconnage de subsistance à l’échelle locale visant à se fournir en viande de brousse apportant un complément de revenus à une population rurale vivant dans la précarité ;

-         un braconnage commercial ayant pour visée la vente de produits issus d’espèces menacées à l’échelle internationale (cornes de rhinocéros, défenses d’éléphants, os de lions dans une moindre mesure).

La consommation de viande de brousse représente actuellement un véritable fléau en Tanzanie, plus encore que les réseaux internationaux de braconnage. Celle‑ci est en très nette augmentation depuis plusieurs années, jusqu’à être devenue incontrôlable selon certaines ONG. Cette forme de braconnage local, qui sert de moyen de subsistance aux populations vivant en périphérie des zones protégées, est plutôt bien acceptée par l’opinion publique tanzanienne, même lorsqu’elle concerne des espèces sauvages menacées. La consommation de viande de brousse se révèle désastreuse pour les populations de gnous, de zèbres, de girafes, d’antilopes et de singes. L’ouverture très médiatisée d’une boucherie vendant de la viande de brousse dans la capitale apparaît comme la première étape vers une légalisation de la vente de viande de brousse par des chasseurs qualifiés ou des zoos privés à destination d’hôtels et restaurants. D’après les autorités tanzaniennes, celle‑ci reste sous le contrôle de l’Autorité de gestion de la faune de Tanzanie (Tanzania Wildlife Management Authority – TAWA en anglais), entité qui protège la biodiversité hors des parcs nationaux, ce dont doutent certains défenseurs des espèces sauvages menacées. Le but restant à terme la promotion de la consommation de viande de brousse, puisqu’il s’agit selon les autorités d’encourager les citoyens à lancer leur propre zoo ou société de chasse avec pour objectif de fournir de la viande de brousse à de telles boucheries, qui ont vocation à couvrir l’ensemble du pays.

Le braconnage commercial à visée internationale concentre tous les efforts du gouvernement tanzanien. Le déclin de 60 % de la population d’éléphants en 5 ans enregistré en 2014 a été essentiellement le fait d’une croissance exponentielle de la demande asiatique en ivoire. Si l’ivoire concentre l’attention de la communauté internationale et se vend 1 500 euros le kg sur le marché noir, la demande est encore plus importante pour les cornes de rhinocéros, une seule corne valant 51 000 euros d’après une étude de WWF et IFAW en date de 2013. Les braconniers ont longtemps profité de la corruption de l’autorité chargée de la délivrance des permis de chasse (TAWA) mais cette situation a depuis évolué. En 2015, les autorités ont ainsi lancé une véritable lutte contre le braconnage en lien avec l’objectif anti‑corruption du président John Magufuli. Faisant pression sur le secteur judiciaire pour qu’il attribue des sanctions exemplaires (pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison à la confiscation de propriétés…), le gouvernement tanzanien dit avoir augmenté les effectifs des gardes forestiers à hauteur de 38 % et leur avoir attribué des équipements performants. Le braconnage est également présenté au public tanzanien comme un crime économique, l’économie tanzanienne reposant en partie sur le tourisme qui représente 10 % de son PIB, les régions braconnées étant particulièrement dépendantes vis‑à‑vis de ce secteur. La Tanzanie revient de loin, mais de réels efforts ont été faits à partir de 2015. Cette approche repose sur plusieurs piliers : l’usage du renseignement, une approche militarisée, l’association des communautés locales et une meilleure coordination entre les agences de l’État. Ainsi, le gouvernement tanzanien s’est tourné vers le renseignement en s’appuyant sur l’Unité tanzanienne d’investigation sur les crimes nationaux et internationaux (National and Transnational Serious Crimes Investigation Unit – NTSCIU en anglais) et sur la cellule de renseignements créée après les attentats de 1998 contre l’ambassade américaine à Dar‑es‑Salam.

Le braconnage en Tanzanie est mené par des groupes criminels très organisés. Les liens avec des organisations terroristes ne sont, en revanche, pas avérés, bien que quelques études suggèrent que le trafic d’ivoire en provenance du Kenya et de la Tanzanie finance 40 % du salaire des combattants d’al Shaabab mais ces recherches se concentrent sur le Kenya et présentent peu d’éléments probants s’agissant de la Tanzanie. Pour les ONG présentes sur place les réseaux impliqués relèvent plus du crime organisé et sont dotés d’un réseau international puissant, à l’image de la « reine de l’ivoire » arrêtée en 2015. Cette entrepreneuse chinoise, à la tête d’un réseau de braconnage en Tanzanie depuis 14 ans en direction de la Chine, avait vendu 400 défenses d’éléphants pour une valeur de 2,5 millions de dollars américains. Très bien implantée dans le paysage tanzanien, elle parlait couramment le swahili, habitait la Tanzanie depuis les années soixante-dix, était propriétaire d’une société d’investissement et d’un restaurant et avait été vice‑présidente du Conseil des affaires Chine-Afrique. Cette arrestation s’est révélée emblématique d’un virage de la politique tanzanienne à l’égard du braconnage : les têtes de réseaux, et non plus les trafiquants de seconde zone, sont désormais visées. Ainsi, la « reine de l’ivoire » a été condamnée à 15 ans d’emprisonnement en 2019. Mais la puissance de ces réseaux demeure indéniable. Ainsi en 2017, le directeur de l’ONG californienne PAMS, figure emblématique de la lutte anti‑braconnage et qui assistait le gouvernement dans son virage contre la corruption, a été assassiné en pleine rue à Dar‑es‑Salam.

Il faut cependant prendre avec d’extrêmes précautions les déclarations du gouvernement au sujet de la lutte contre le braconnage. Le président tanzanien s’était ainsi réjoui en juillet 2019 que ces efforts aient mené à une augmentation de près d’un tiers de la population d’éléphants en 4 ans, de 43 330 en 2014 – qui constituait une période noire – à plus de 60 000 aujourd’hui ainsi qu’à une augmentation de près d’un quart de la population de rhinocéros. Une telle évolution représenterait une baisse de près de 70 % du braconnage ([66]). Cependant, les ONG spécialisées dans la protection des éléphants émettent des doutes sur ces chiffres qui leur semblent exagérés. En outre, aucun dénombrement d’éléphants n’a été réalisé depuis 2018, les données paraissant donc insuffisantes pour déclarer une augmentation de la population. Les ONG s’accordent, en revanche, pour reconnaître une véritable stabilisation de la population d’éléphants, qui est effectivement due à une baisse drastique du braconnage depuis 2015. Cependant, la période gestatoire des éléphants étant très longue et la mortalité infantile non négligeable, la population d’éléphants ne peut qu’augmenter de 7 % par an dans le meilleur des cas, et seulement en l’absence de braconnage sur la durée. Même s’il faut nuancer les affirmations du gouvernement, les ONG sur le terrain constatent néanmoins l’efficacité de cette politique. Elles observent un recul considérable des cas de braconnages et rapportent des rumeurs selon lesquelles ces groupes criminels organisés auraient déplacé leurs activités vers l’Ouganda voisin depuis quelques temps. Pour l’association STEP Elephant, qui relève que très peu de véritables leaders des réseaux de braconnage ont été arrêtés, c’est la pression constante des autorités tanzaniennes qui les a obligés à interrompre leur activité. Cependant l’abandon d’une telle politique publique en faveur de la lutte contre le braconnage conduirait, selon cette association, à une reprise de la chasse illégale.

Depuis l’apparition de la pandémie de covid‑19, les aires protégées, qui représentent 38 % du territoire tanzanien, se trouvent menacées. Elles dépendent en effet des recettes touristiques, et plusieurs ont dû congédier leurs gardes forestiers. L’affirmation du gouvernement selon laquelle les différentes agences de protection des espèces sauvages menacées sont bien équipées ne semble plus d’actualité. Le Parlement tanzanien a imposé une coupe budgétaire drastique en 2019 dans le sillon de la crise sanitaire, l’Agence des services forestiers de Tanzanie (Tanzania Forest Services Agency – TFS en anglais) perdant 60 % de son budget, l’Autorité des parcs nationaux de Tanzanie (Tanzania National Parks Authority – TANAPA en anglais) 30 % de son budget et la TAWA perdant une majeure partie de la gestion du parc Selous, réattribuée à la TANAPA. Malgré la timide reprise du tourisme en Tanzanie, les gardes forestiers restent sous‑équipés et subissent une perte de revenus importante.

 Zambie

Le braconnage est une activité ancienne en Zambie. En cinquante ans, plus de 90 % des 200 000 éléphants ont été abattus par des braconniers, principalement dans la vallée du Luangwa. À la fin des années 1980, seuls 18 000 spécimens étaient dénombrés. Après une relative accalmie dans les années 2000, le braconnage a de nouveau repris fortement depuis 2015.

La répression des activités de braconnage nécessite le soutien des populations locales, rurales qui détiennent des informations sur les braconniers. Cependant, on note que peu d’informations sont récoltées s’il n’y a pas d’incitation monétaire, ni de récompense à la clé. Selon certains responsables, cela s’explique par le fait que la population locale ne voit les bénéfices qu’elle peut tirer de la conservation et protection de certaines espèces. Une des raisons permettant d’expliquer cet état de fait est qu’elle est beaucoup trop rarement bénéficiaire des retombées économiques qui en découlent. Néanmoins, selon les informations recueillies par votre rapporteure ce constat est en train d’évoluer actuellement en Zambie où une tendance de fond en faveur de la préservation de la biodiversité serait en train de prendre.

Plusieurs initiatives ont été menées pour lutter contre le braconnage, par exemple l’existence de brigades canines recherchant des produits illégaux dans les véhicules aux abords des parcs ou bien encore de projets d’incitation à l’abandon du braconnage grâce à des alternatives économiques viables comme les marchés des collectivités pour la conservation (community markets for conservation en anglais) systèmes au sein desquels les populations locales se voient récompensées pour les actions menées au bénéfice de la conservation de la nature (cf. infra).

 Zimbabwe

Depuis les années 2000, le braconnage a atteint des niveaux très élevés même si on peut noter une certaine amélioration de la situation au Zimbabwe ces dernières années. Les principales espèces braconnées sont les éléphants – qui peuvent représenter jusqu’à la moitié des individus tués – les buffles, les koudous, les impalas, les zèbres et les rhinocéros. Entre 2001 et 2014, le nombre d’éléphants a diminué d’un tiers en raison du braconnage. À ce rythme, la population d’éléphants pourrait être décimée au cours des trois prochaines décennies. Les rhinocéros sont aussi une cible privilégiée des braconniers avec plus de 500 animaux braconnés en 5 ans.

Selon Zimparks, le gestionnaire public des parcs qui gère environ 5 millions d’hectares de terres, soit 13 % de la superficie totale du pays, les activités de braconnage ont considérablement diminué en 2020, grâce à une répression croissante du braconnage par les autorités et l’introduction de nouvelles stratégies qui incluent le déploiement de drones de haute technologie pour surveiller les réserves, le changement des gardes et la mise en place d’une politique de tirer pour tuer. Selon Zimparks en 2020, 20 éléphants ont été tués par des braconniers, contre 30 en 2019. Seuls 8 rhinocéros ont été tués, contre 29 en 2019. 4 lions ont été braconnés en 2020 ce qui correspond au même nombre d’animaux tués l’année précédente. Par ailleurs, cinq braconniers ont été abattus par les gardes de la Zimparks dans 10 incidents de confrontation armée dans les parcs nationaux cette année.

 Bénin

De par sa position géographique, ses infrastructures portuaires et ses axes routiers qui permettent de rallier aisément les pays voisins et l’hinterland africain, le Bénin constitue une zone de transit idéale. Par ailleurs, le pays souffre de la situation sécuritaire dégradée des pays sahéliens frontaliers, qui relèguent la lutte contre le trafic d’espèces sauvages au second rang de leurs préoccupations. Le pays est ainsi devenu un des centres principaux, voire une plaque tournante, du braconnage international des éléphants, qui a lieu sur l’ensemble de leur aire de répartition, où plus de 1 000 carcasses ont été observées depuis 2011. La plupart des braconniers viennent des pays frontaliers et leur entrée dans le complexe du WAP est difficile à contrôler, surtout pendant la saison des pluies. Toutefois, selon l’inventaire aérien total réalisé en 2019, les « ratios carcasses », ainsi que le nombre de carcasses fraîches et récentes détectées, indiquent une diminution du braconnage par rapport à la mortalité naturelle des éléphants depuis 2015. Beaucoup d’autres espèces font également l’objet de ces activités illégales comme les oiseaux et poissons exotiques, les crocodiles, et les léopards.

Organisé et guidé par le grand banditisme, voire par les réseaux terroristes qui trouvent là une source aisée de profits conséquents, le braconnage inclut de nombreux acteurs (donneurs d’ordre, logisticiens et commanditaires) dont souvent des villageois en quête de revenus. Implantés dans les zones septentrionales, souvent isolées et peu sécurisées par l’État, les groupes armés terroristes sont idéalement placés pour contrôler ces trafics.

La demande de ces produits est forte, notamment en Asie et dans les pays du Golfe, poussant les prix à la hausse dans un secteur qui s’avère très lucratif, le kg de corne de rhinocéros ayant une valeur supérieure à l’or ou à la cocaïne. Les marchandises circulent ainsi de l’Afrique à l’Asie – l’Europe constituant essentiellement une zone de transit – grâce au transport maritime par conteneurs ou en vrac avec des techniques comparables à celles utilisées pour dissimuler les produits stupéfiants. Le Sud‑Est asiatique constitue le point d’arrivée intercontinental en servant de lieu de stockage, de travail des pièces brutes, de comptoir d’achat puis de redistribution. Les États‑Unis et l’Union européenne sont pour leur part principalement concernés par la problématique des nouveaux animaux de compagnie (NAC).

Les autorités béninoises sont conscientes des facteurs multiples qui motivent le braconnage et le trafic comme l’explosion de la demande en raison des facilités offertes par le commerce en ligne ou la porosité entre commerce et trafic (mélange de produits licites et illicites dans les containers, faux documents permettant d’inclure aux chargements légaux des produits d’origine illégale). Le rapport risque‑gain se révèle largement favorable aux trafiquants, les peines encourues étant encore bien trop peu dissuasives. Par ailleurs, le pays accuse un manque en matière d’enquêteurs bien formés au relevé de ces infractions spécifiques et de magistrats spécialisés. On constate en matière judiciaire une tendance à la transaction plutôt qu’à la pénalisation systématique. La corruption des autorités locales qui laissent faire, voire qui s’associent parfois aux braconniers constitue également un problème important. Enfin, les autorités béninoises peinent à définir des stratégies interministérielles, alors que ce préalable est indispensable à la mise sur pied de coopérations régionales, voire internationales.

Depuis quelques années, la lutte contre le trafic d’espèces sauvages et le braconnage a cependant été définie comme une priorité par les autorités béninoises, qui les traitent désormais de la même manière que la criminalité organisée, bien que le pays ne dispose encore que d’un arsenal juridique limité pour être réellement efficace et dissuasif. La loi 2002‑16 du 18 octobre 2004 portant régime de la faune en République du Bénin, dont l’article 154 spécifie que « nul n’a le droit de faire circuler, d’importer, d’exporter, de réexporter ou de commercialiser ses trophées », fixe une peine d’emprisonnement de 6 mois à 5 ans maximum. Son application est recherchée avec objectivité (recherche de preuves, interpellations, condamnations, qualité des procès‑verbaux, lien avec les ONG intervenant dans le champ de la protection de la biodiversité…). Cette mobilisation des autorités permet de régulièrement condamner les trafiquants, notamment d’ivoire, et de dissuader et de sensibiliser le public, certaines arrestations étant parfois très médiatisées. Le 12 janvier 2021, trois trafiquants d’ivoire ont ainsi été condamnés après la saisie de 183 kg d’ivoire à 24 mois d’emprisonnement ferme et à 1 million de francs CFA soit 1 500 euros chacun, en plus des 80 millions de francs CFA de dommages et intérêts dus au gouvernement béninois. Selon le réseau EAGLE, réseau régional de lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées, près de 166 enquêtes ont été réalisées, menant à 14 arrestations de trafiquants et à 8 condamnations à des peines de prison en 2020.

Des pistes de réflexion pour améliorer l’efficacité de la lutte contre les trafiquants sont actuellement explorées, notamment à travers : un renforcement de l’arsenal juridique en aggravant les sanctions, le développement des pouvoirs d’enquête, la désignation de magistrats‑référents (pour une plus grande qualité des réponses judiciaires) et la création d’une « task force » réunissant des compétences spécialisées pour combattre le phénomène. À titre d’exemple, le Bénin mène des projets innovants de lutte contre la criminalité environnementale, notamment via l’emploi de chiens au sein du port autonome de Cotonou, permettant aux équipes cynophiles de la police de détecter des traces d’ivoire ou les écailles de pangolin. Le Bénin est ainsi le deuxième pays d’Afrique, avec l’Afrique du Sud, à être doté d’un tel dispositif innovant.

 Côte d’Ivoire

La chasse illégale représente une des principales atteintes à l’environnement en Côte d’Ivoire que celle‑ci relève du braconnage de subsistance ou commerciale. Elles ont eu un grave impact sur la biodiversité en général en Côte d’Ivoire et en particulier sur celle des parcs nationaux et des réserves naturelles, en particulier lors des crises successives qu’a connues le pays. La crise de 2002 à 2011 a favorisé la chasse massive de certaines espèces pour l’approvisionnement des marchés urbains et même pour l’exportation vers les pays voisins. Bien qu’interdite depuis 1974, la chasse illégale continue d’être pratiquée aussi bien en zone rurale et que dans les aires protégées et les forêts classées du pays. Elle vise principalement les mammifères. Les animaux sont abattus ou capturés sans mesure de gestion durable et sans distinction de leur statut, âge ou état physique. Il est, par ailleurs, estimé que 86 % de la population rurale et 77 % de la population urbaine consomment de la viande de brousse.

En 2019 et 2020, sur l’ensemble du réseau d’aires protégées sous gestion de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR), le braconnage totalise 20 % des indices d’agression. Le prélèvement illégal affecte principalement la grande faune (chimpanzés, éléphants, hippopotames, grands bovidés tels que buffles et antilopes). Par ailleurs, entre 2011 et 2018, le pays a enregistré plus d’une soixantaine de conflits homme‑faune sauvage avec des pertes en vies humaines, des destructions de cultures, de bétail ou de biens matériels.

L’ONG EAGLE, structure spécialisée dans la lutte contre le trafic international d’espèces sauvages, la corruption et la criminalité faunique appuie le gouvernement ivoirien pour améliorer l’application de la législation environnementale nationale et internationale par le biais d’un programme d’activités (enquêtes, arrestations, poursuites et médiatisation). Grâce à ce dispositif, EAGLE vise à générer une forte dissuasion contre le commerce illicite de la faune, du bois et des produits connexes, ainsi que contre la corruption.

Les autorités ivoiriennes souhaitent accentuer leur capacité à protéger et à conserver les espèces sauvages et leurs habitats. Pour matérialiser leurs engagements, elles ont entrepris le développement d’une politique qui permet de gérer et d’utiliser de façon durable les ressources fauniques, de sorte à assurer la sécurité alimentaire, améliorer la croissance économique et lutter contre la pauvreté. Un document cadre a été adopté et vise à orienter tous les acteurs, dans leurs actions en faveur de la reconstitution et de la gestion durable des ressources fauniques.

 Mali

Le braconnage ainsi que le trafic illégal d’espèces sauvages ne constituent pas la principale source de déstabilisation de la faune au Mali. Il est possible de classer les quelques faibles activités de braconnage et de trafic illégal encore recensées au Mali dans deux catégories distinctes. Ainsi à un braconnage classique alimentant les circuits internationaux, s’ajoute un braconnage culturel ou coutumier se concentrant essentiellement sur la viande séchée de certaines espèces protégées à destination majoritairement de la Mauritanie ou de l’Algérie.

Le ministère de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable s’est doté d’une division contrôle‑réglementation pour suivre les activités illégales de chasse et de braconnage. En outre, une brigade anti‑braconnage a été mise en place en partenariat avec le ministère de la défense qui patrouille dans les réserves du Mali telles que le parc national de la boucle du Baoulé, classé en tant que réserve de biosphère par l’UNESCO, ou dans la région du Gourma, en passe d’être protégée au même titre par l’UNESCO.

Dans un pays où l’oralité est primordiale, le bouche-à-oreille permet aux autorités de suivre les populations d’espèces menacées et leurs déplacements sur le territoire. Les populations jouent ainsi un véritable rôle de relais au sein des réserves ou en dehors pour assurer un suivi de la biosphère malienne. Ces comportements individuels témoignent d’une responsabilisation croissante de la population locale face à la problématique de la protection des espèces sauvages menacées. Cependant le Mali étant actuellement confronté à d’immenses défis, la protection de la biodiversité demeure un sujet secondaire qui n’est au final que peu abordé dans le débat public.

 Niger

Il est très difficile d’évaluer l’importance du braconnage et du trafic illégal d’espèces sauvages menacées au Niger car les autorités locales n’en assurent pas un réel suivi. La direction générale des eaux et forêts relève toutefois une intensification de ces pratiques, commises entre autres par des orpailleurs et des djihadistes. Le phénomène s’est aggravé dans les zones de conflits car, outre l’incitation due aux conditions de vie difficiles, les services de surveillance de l’État y sont généralement absents.

C.   L’impÉrative association des populations locales aux actions de conservation pour renverser la tendance

1.   Les rapports entre populations locales et espèces sauvages menacées

Les rapports entre les populations locales et la faune sauvage diffèrent fortement en fonction des pays considérés. Il ressort clairement des travaux menés par votre rapporteure qu’une sensibilisation et une responsabilisation de l’opinion publique renforcent très significativement le niveau de préservation des espèces menacées. Il va ainsi au Botswana ou en Namibie, où la population se montre généralement favorable à la lutte anti‑braconnage, une large partie dépendant directement de la biodiversité pour sa subsistance via les revenus issus du tourisme et de la chasse légale. En Afrique du Sud, l’industrie de la faune sauvage représente un secteur majeur du développement économique du pays, les activités de safari, de chasse aux trophées, de ventes aux enchères, d’élevage, de production de viande de faune sauvage, représentant une source de revenus conséquente (31 milliards de rands par an soit environ 1,5 milliard d’euros).

En revanche, dans les pays en proie à de grandes difficultés, que celles‑ci soient d’ordre sécuritaire ou socio‑économique, la question de la conservation des espèces ne constitue pas pour les populations une priorité. Ainsi, au Congo, la grande majorité de la population, mobilisée pour assurer sa survie, n’est pas engagée contre les trafics environnementaux même si les ONG actives dans ce domaine ont remarqué, à travers leurs réseaux sociaux et leurs activités, une réelle sensibilité de la population sur ces questions. On relève parfois – comme en République démocratique du Congo et au Mozambique – une certaine complicité passive des populations qui bénéficient résiduellement des trafics soit pour leurs besoins alimentaires soit en fournissant des services aux réseaux de braconniers. Pour lutter contre cette situation, le gouvernement mozambicain a développé différentes actions avec les communautés concernées afin de les impliquer davantage dans la conservation de la biodiversité et dans le développement de moyens de subsistance alternatifs.

Les populations locales peuvent également se montrer hostiles vis‑à‑vis de la faune sauvage en cas de conflit homme‑animaux. En effet, les communautés locales vivant en périphérie des aires protégées sont souvent hostiles à la présence de grands animaux sur leur territoire. Les grands carnivores comme les lions présentent un danger mortel, notamment pour les enfants. De même, les éléphants détruisent les cultures, les points d’eau et peuvent blesser les enfants ou les empêcher d’aller à l’école. Ils sont en outre responsables de plusieurs morts chaque année, souvent relayées dans les médias. Ainsi, à titre d’illustration, entre 2011 et 2018, la Côte d’Ivoire a enregistré plus d’une soixantaine de conflits homme‑faune sauvage avec des pertes en vies humaines, des destructions de cultures, de bétail ou de biens matériels.

Au Kenya, la loi sur la conservation et la gestion des espèces sauvages de 2013 a permis d’instaurer des compensations à la suite de dégâts provoqués par les conflits homme-faune sauvage. Il a été précisé à votre rapporteure au cours de son déplacement à Nairobi que ce système de dédommagements était progressivement mis en place mais que cela prenait du temps. Certaines demandes déposées, il y a plus de deux ans, étant hélas encore au stade de l’instruction. Les députés rencontrés ont d’ailleurs évoqué une réflexion en cours sur la création d’un fonds de dotation qui serait abondé par les revenus du tourisme afin de rendre la procédure plus rapide et plus efficace. Ils souhaiteraient également que soient rendus possibles des dédommagements partiels afin de permettre aux personnes concernées de ne pas trop attendre avant d’être indemnisées. Votre rapporteure estime ces dispositifs très utiles car ils permettent de dédommager les populations locales vivant sur le même territoire que les animaux sauvages menacés. Un tel système de compensation permet ainsi de renforcer l’acceptabilité des mesures de préservation de la faune sauvage.

 

2.   Question de l’écotourisme permettant de favoriser la préservation des espèces et le développement économique

a.   L’écotourisme

Pour votre rapporteure le développement de l’écotourisme, c’est-à-dire d’un secteur d’activité générant à la fois des revenus tout en se montrant respectueux de la nature, pourrait constituer une solution à même de concilier préservation des espèces végétales et animales et développement économique.

L’écotourisme contribue ainsi à réduire les pressions exercées sur les ressources naturelles et crée des opportunités économiques pour les communautés vivant dans les zones périphériques des aires protégées. Qui plus est, le tourisme en tant que tel repose en grande partie sur la diversité biologique elle‑même : pour que le tourisme subsiste et continue à prospérer, il est alors impératif de préserver la biodiversité.

L’écotourisme favorise la création d’emplois directs (guides touristiques, employés des hôtels et restaurants, etc.), la création d’infrastructures hôtelières ou de restauration, la production agricole, la création de marchés ou de boutiques de vente de produits locaux d’artisanat et la valorisation des coutumes et des savoir-faire locaux. L’écotourisme réduit, par ailleurs, les conflits homme‑ faune sauvage.

Plusieurs pays africains – Afrique du Sud, Botswana, Kenya, Namibie – se sont d’ores et déjà engagés dans cette voie qui a produit des résultats très satisfaisants tant du point de vue de la conservation des espèces que du développement des territoires concernés. L’inclusion des communautés locales et la prise en compte de leurs intérêts et de leur mode de vie constituent un des éléments clé de réussite de ces initiatives. Une redistribution équitable des revenus issus de l’exploitation touristique des aires protégées, c’est‑à‑dire prenant en compte l’ensemble des bénéficiaires des communautés locales, permet ainsi de contribuer à la réduction de la pauvreté et de les détourner de l’utilisation non durable des ressources des aires protégées. Bénéficiant des retombées positives de l’écotourisme, les populations participent effectivement à la préservation de la biodiversité garante de leurs revenus. Par ailleurs, il a été démontré que la présence permanente des touristes dans les aires protégées réduisait les activités illégales.

Un tel dispositif a été également mis en œuvre au Kenya avec les réserves communautaires (conservancies), comme votre rapporteure a pu le constater à l’occasion de son déplacement dans le nord du pays. Ce sont là des structures au sein desquelles des communautés possédant ou utilisant une terre en commun se regroupent pour diversifier et stabiliser leurs revenus à travers notamment la préservation des écosystèmes et le développement d’un tourisme durable et responsable. Ces réserves, reconnues par les autorités locales, sont soumises à un système de zonage avec des zones exclusives de protection de la faune dédiées à des activités non extractives comme le tourisme, des zones mixtes d’élevage avec pour objectif une gestion raisonnée des pâturages et enfin des zones d’habitation. D’autres activités annexes y sont également parfois développées afin de diversifier les sources de revenus des communautés et diminuer les impacts environnementaux d’une activité d’élevage trop intensive (culture, apiculture). Le Northern Rangelands Trust (NRT) qui possède et gère un ensemble de 43 réserves communautaires s’étendant sur 6,2 millions d’hectares, situées dans le nord du pays et sur la côte kényane bénéficie notamment du soutien de l’Agence française de développement (AFD) et du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’appui des bailleurs français – avec une subvention de 3,7 millions d’euros pour l’AFD et de 2 millions pour le FFEM – vise en particulier à rétablir la connectivité écologique entre les différents écosystèmes couverts par les différentes réserves communautaires pour permettre, par exemple, aux éléphants de mener leur transhumance en toute sécurité.

S’agissant du modèle économique des réserves communautaires, l’une des questions principales reste celle des modalités de financement pérenne. En effet, ces structures ne peuvent pas reposer uniquement sur le tourisme de visite et de chasse. En outre, la crise sanitaire mondiale qui a considérablement réduit les flux touristiques, a montré la fragilité d’un tel modèle. Des réflexions sont actuellement en cours en Namibie pour développer des mécanismes de financement innovants impliquant notamment des paiements pour services écosystémiques, système reposant « sur l’idée d’un paiement (récompense, dédommagement) effectué par ceux qui bénéficient des services fournis par les écosystèmes à ceux qui en assurent le maintien » ([67]). De même, des projets sont actuellement en cours de développement au Kenya pour permettre aux réserves communautaires de diversifier leur modèle économique en s’engageant dans la vente de crédits carbone.

L’écotourisme ne constitue pas une solution miracle et se trouve confronté à plusieurs défis, l’investissement et l’entretien des infrastructures de tourisme coûtant cher. En outre, les retombées économiques locales ne sont pas toujours aussi importantes qu’escomptées (importation de produits, emplois qualifiés attribués à des personnels venant de grandes villes). Enfin, comme précisé précédemment, le secteur du tourisme étant souvent très dépendant de la clientèle internationale, il peut se révéler vulnérable comme a pu le montrer récemment la pandémie de covid‑19.

Par ailleurs, certains pays ne paraissent pas dans l’immédiat en mesure d’adopter cette voie compte tenu du manque de compétences et d’infrastructures ou en raison de difficultés sécuritaires ou socio‑économiques.

Au Mali, par exemple, le contexte sécuritaire actuel se révèle totalement incompatible avec le développement de l’écotourisme. Une labellisation par l’UNESCO ou par d’autres organisations internationales de certaines réserves emblématiques du pays reste dans ces circonstances l’option à privilégier pour attirer des financements dédiés à la préservation de la nature dans ces zones.

S’agissant du complexe WAP, site naturel transfrontalier partagé entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger, les autorités ont dû revoir le modèle économique projeté compte tenu du fait que l’ensemble du parc se trouve désormais classé en zone rouge.

En Angola, l’écotourisme pourrait du point de vue de tous les acteurs, constituer une solution idéale permettant de concilier exigences de développement, qualité de vie des populations et préservation des espaces et des espèces. Cependant le pays accuse un très grand retard en termes d’infrastructures et de formation. Il souffre, par ailleurs, de la comparaison avec ses grands voisins déjà fortement positionnés sur ce secteur à l’image de la Namibie, de l’Afrique du Sud et du Bostwana. En revanche, des projets de moindre ampleur pourraient se développer dans certaines localités du pays, dans une logique de niche et de qualité, pour peu que les incitations et aides nécessaires soient garanties par les autorités étatiques.

En République démocratique du Congo, la plupart des parcs nationaux sont difficilement accessibles (Salonga, Garamba…), voire situés en zones de conflits (Virunga, Kahuzi-Biega…). Le joyau des parcs congolais, le parc national des Virunga, parvenait à dégager jusqu’à 500 000 dollars américains par mois de recettes touristiques avant l’enlèvement d’un couple de touristes britanniques et l’assassinat d’une éco‑garde qui les accompagnait en mai 2018.

b.   La chasse légale

Dans certains pays africains, la « chasse aux trophées », pratique légale qui peut néanmoins faire polémique, consiste à tuer des animaux pour les empailler. Elle fait partie intégrante de certains modèles économiques permettant de générer des recettes pour financer les aires protégées et les politiques de conservation des espèces menacées. Selon ses défenseurs, en plus de procurer des revenus, cette pratique permettrait de fournir des protéines animales aux populations locales et mettrait ainsi un frein au braconnage de subsistance.

D’autres pays africains ont fait le choix d’interdire la pratique de la chasse comme la Côte d’Ivoire depuis 1974. Hélas, en raison notamment du fort intérêt socio‑économique de la viande de brousse, le pays n’est pas parvenu à atteindre pleinement les objectifs qu’il s’était fixés en matière de reconstitution des ressources fauniques.

Selon certaines données internationales, « les seuls pays africains où la population de lions sauvages augmente pratiquent la chasse aux trophées, y compris au lion, dans le cadre de la gestion de la faune sauvage. En Namibie, il n’y avait que 12 rhinocéros blancs en 1968. Depuis que la chasse aux trophées a commencé en 1982, leur nombre a augmenté » ([68]). En Namibie, la chasse rapporterait 28,5 millions de dollars américains par an. Tandis qu’au Zimbabwe, 770 000 foyers bénéficieraient des retombées de cette pratique ([69]).

Dans le cadre de la COP17 de la CITES en 2016, l’Union européenne a soutenu avec l’Afrique du Sud un projet de décision sur les trophées de chasse, qui a été approuvé par consensus. Ainsi les trophées provenant d’espèces classées à l’annexe II de la CITES ne peuvent plus désormais être considérés comme des objets personnels et sont assujettis à la délivrance de permis d’exportation.

La France soutient une interdiction de la chasse aux trophées pour les éléphants et les rhinocéros en raison de leur niveau de menace et de la difficulté à réguler le commerce illégal correspondant.

Il faut, par ailleurs, relever que certains pays africains ([70]) ont, lors de la 19e conférence des Parties de la CITES en 2019, mis en avant des questions de souveraineté et pris position contre l’interdiction du commerce de produits dérivés de certaines espèces protégées. Ces pays se sont ainsi offusqué qu’une instance internationale puisse leur demander de réduire leurs quotas de chasse dès lors qu’ils sont parvenus à enrayer le déclin des populations concernées et que les produits financiers des chasses paraissent pouvoir consolider la conservation desdites espèces. Ce groupe de pays a d’ailleurs menacé de se retirer de la CITES en cas de non-prise en compte de leurs intérêts.

Pour votre rapporteure, à la suite des auditions menées à Nairobi avec certains représentants d’association de défense de la nature – où la chasse est interdite depuis 1977 mais qui revient régulièrement dans le débat public – cette question délicate doit être traitée au cas par cas en évitant toute position moralisatrice. La chasse, bien encadrée et bien régulée, peut tout à la fois générer des revenus et participer à la préservation des espèces sauvages menacées et de leurs habitats. Elle peut, en outre, se révéler particulièrement pertinente dans les zones où les activités de tourisme ne sont pas possibles et dans celles où les surpopulations de certaines espèces peuvent faire peser un véritable risque pour la pérennité des écosystèmes concernés.

i.   Une pratique intégrante du modèle de conservation dans certains pays

-         Situation en Afrique du Sud

Le gouvernement sud‑africain autorise la chasse aux trophées et définit des quotas pour certaines espèces en fonction de leur état de menace. Ces quotas sont révisés chaque année en accord avec la CITES. Les permis de chasse sont ensuite approuvés par les gouvernements provinciaux, qui définissent également les lieux de chasse autorisés. La chasse est utilisée par le gouvernement sud‑africain comme un outil de conservation et de gestion de la biodiversité, permettant à la fois d’augmenter la superficie du territoire dédiée à la conservation et de soutenir économiquement les communautés voisines de ces réserves, qui bénéficient du tourisme lié à la chasse. La chasse légale dans les réserves privées contribue également à la viabilité économique de ces entreprises et constitue une incitation économique à la conservation des espèces et de leur habitat, y compris pour les rhinocéros qui représentent des coûts importants de protection. L’autorisation de l’élevage de la faune sauvage varie en fonction des espèces. En 2018, le gouvernement sud‑africain a ainsi défini un quota d’exportations de 1 500 squelettes de lions, principalement vers la Chine pour leurs vertus médicinales.

-         Situation en Namibie

En Namibie, la chasse légale est autorisée et strictement réglementée. Chaque réserve de chasse doit s’enregistrer auprès du ministère de l’environnement, des forêts et du tourisme. Le ministère définit quatre catégories de chasse et requiert, pour certaines, des permis spéciaux. Les saisons et quotas de chasse sont publiés pour chaque espèce et mis à jour annuellement par le gouvernement. Les espèces de chasse protégées comprenant notamment les lions, les gnous, les guépards, certaines antilopes, ne peuvent être chassées qu’après l’obtention d’un permis spécial obtenu auprès du ministère. Les individus chassés au sein de ces espèces sont en général des mâles âgés ou des individus problématiques, agressifs envers les humains ou ayant détruit des champs.

En Namibie, les activités de chasse et de commerce des espèces sauvages permettent d’encourager la protection des animaux sauvages, de fournir aux populations des sources de revenus et de maintenir les écosystèmes naturels. L’augmentation des populations d’espèces sauvages participe à l’augmentation des quotas de chasse, ce qui représente une incitation économique pour la protection et l’augmentation des espèces sauvages. Ainsi, les communautés rurales qui dépendent du tourisme et de la chasse ont moins tendance à pratiquer le braconnage, et sont moins tolérantes envers les braconniers étrangers. La chasse et le commerce des espèces sauvages génèrent des revenus importants qui sont reversés au Fonds des produits de la chasse (Game Products Trust Fund ou GPTF en anglais). Le GPTF investit les fonds collectés dans des programmes de conservation ou de développement rural visant à réduire les conflits homme‑faune sauvage. Dans un contexte de baisse des subventions en faveur de la conservation (– 24 % entre 2012 et 2016), les revenus issus des activités de chasse et de tourisme permettent à la Namibie de protéger ses écosystèmes. Ils ont plus que doublé entre 2012 et 2016, représentant désormais deux tiers des fonds du GPTF, alloués surtout à la lutte contre le braconnage et à la protection des espèces sauvages, à l’atténuation des conflits homme‑faune sauvage et à l’approvisionnement en eau des communautés rurales et de la faune elle‑même.

-         Situation en Angola

En Angola, la réglementation prévoit que les droits de chasse peuvent varier en fonction de l’espèce concernée, de la période de l’année, du lieu, des permis déjà délivrés et d’autres circonstances fixées par la législation. La chasse est soumise à permis (différents types de permis sont prévus pour la chasse récréative, la chasse touristique, la chasse d’espèces potentiellement dangereuses ou la chasse spécialisée), à l’exception de la chasse de subsistance des espèces qui ne sont pas protégées par la loi. Les propriétaires fonciers peuvent chasser sans permis sur leurs terres, si celles‑ci sont clôturées de telle sorte que les animaux sauvages ne puissent ni y entrer ni en sortir librement.

-         Situation au Mali

Au Mali, l’association nationale des chasseurs du Mali (ANACMA) et la fédération nationale des chasseurs du Mali (FNCM) encadrent et réglementent, en lien avec le gouvernement, la pratique de la chasse notamment en ce qui concerne les espèces menacées. Ces associations sont dépositaires d’une certaine autorité et ont une réelle influence sur les décisions ministérielles prises en la matière. L’ouverture et la fermeture de la période de chasse se décident sur la base d’un arrêté ministériel. En dehors des périodes autorisées, la chasse devient alors illégale sauf pour certains cas particuliers. En effet, une chasse dite de « survie » permet à certaines communautés reculées de chasser au‑delà de la période légale ou de chasser occasionnellement dans des espaces protégés pour subvenir à leurs besoins. Des régimes dérogatoires coutumiers existent donc dans ce cadre. S’il existe une véritable volonté politique de lutter contre les activités humaines menaçant la biosphère au Mali – en atteste le déploiement de militaires maliens ou de forces de police au sein des réserves – celle‑ci se trouve freinée par les multiples défis que le pays doit actuellement relever. Les moyens financiers sont terriblement limités ne serait‑ce que pour réaliser les inventaires des populations d’espèces sauvages menacées sur le territoire.

ii.   Une pratique contestée si elle n’est pas très strictement encadrée et surveillée

-         Situation en Tanzanie

En Tanzanie, la chasse légale a connu de récents bouleversements. En effet, en juillet 2015, le groupe européen de la CITES a suspendu l’importation dans l’Union européenne de trophées de chasse en provenance de Tanzanie devant le déclin de 60 % de la population d’éléphants. Dès 2014, les États-Unis avaient suspendu l’importation de produits de chasse, interdiction qui fut levée en 2019. La Tanzanie elle‑même a imposé une interdiction temporaire de trois ans des trophées de chasse à partir d’octobre 2015. Traditionnellement, la chasse aux trophées fait partie du modèle économique tanzanien et permet de générer des recettes financières conséquences pour les aires de conservation. Dans le cas tanzanien, le lien entre pratique de la chasse légale et politique de conservation des espèces menacées apparaît clairement. L’autorité nationale protégeant la biodiversité hors des parcs nationaux est ainsi entièrement financée par un pourcentage sur les revenus de la chasse d’où une baisse de 30 % de ses revenus après les suspensions américaines et européennes. En 2017, la chasse au trophée en Tanzanie générait 30 millions de dollars de revenus et créait 4 300 emplois directs.

Aujourd’hui, des débats importants continuent d’avoir lieu sur la pérennité du système actuel de chasse légale en Tanzanie. Certains rapports européens concluent que la chasse aux trophées n’est pas responsable du déclin de la population d’éléphants et de lions en Tanzanie, et considèrent par conséquent qu’elle doit être permise, tant que les restrictions d’usage sont respectées (pour un éléphant, seuls les mâles disposant de défenses de plus de 20 kg et de 1,60 mètre de long peuvent être chassés). Cependant une étude de l’IUCN, cofinancée par la France, présente d’autres conclusions. En 2015 selon elle, 66 % des lions tués avaient 5 ans ou moins, ce qui traduit une raréfaction de la population de lions. Alors que le quota de lions pouvant être tués par an était de 315 avant 2015 et 207 à partir de 2016, la réelle proportion de lions en âge disponibles est bien moindre : seule une cinquantaine a été tuée légalement avant 2014 et une quarantaine depuis. Pour les éléphants, le quota était de 200 en 2013 et de 100 à partir de 2014, ce qui est également bien supérieur au nombre d’éléphants disponibles (seulement 7 tués légalement en 2014, 3 en 2015 et 2 en 2016). En effet, la proportion d’éléphants disposant d’une défense de plus de 20 kg et de 1,60 mètre de long est extrêmement limitée en Tanzanie. L’IUCN considère également que la contribution des opérateurs de chasse légale aux efforts de conservation est insuffisante pour protéger ces espaces. L’opérateur standard tanzanien dépense 0,18 dollar américain par hectare par an pour la conversation, très loin de la norme de 7 à 8 dollars et des efforts kenyans situés aux alentours de 14 dollars. De même en termes de redistribution aux communautés locales, l’opérateur standard tanzanien dépense 0,008 dollar par hectare par an, quand la réserve nationale kényane de Masai Mara dépense, par exemple, 40 dollars. En outre, les zones de chasse tanzaniennes rapportent en moyenne 30 millions de dollars par an (2017) quand en comparaison, les safaris photographiques génèrent 1,9 milliard de dollars par an. En comparaison, le Kenya génère 2,8 milliards de dollars par an et interdit formellement toute chasse légale. 200 000 km² en Tanzanie sont dévolus à la chasse, contre 57 800 km² seulement pour les safaris. La dégradation de l’écosystème et le déclin des espèces en Tanzanie ont conduit à l’abandon de 110 des 154 zones de chasse (72 %), soit 140 000 km² toujours dévolus à la chasse, mais non exploités selon les études de l’IUCN.

La plupart des ONG concluent qu’actuellement, la chasse aux trophées est nécessaire au système de conservation tanzanien, car sans elle d’énormes aires de chasse, actuellement protégées par la TAWA, seraient abandonnées. Certes, l’industrie de la chasse est en déclin – mais le gouvernement continue à préserver les aires de chasse abandonnées, sans rentrée d’argent – et d’autres alternatives devront être trouvées à terme à la chasse aux trophées. Mais si certaines de ces terres de chasse peuvent, avec un peu de créativité, être transformées (nouvelles formes de safari : walking safaris, slow safaris, lodges de luxe…), d’autres n’ont aucune forme d’attractivité (présence de mouches tsé-tsé). Même si la contribution de la chasse aux efforts de préservation est sans doute exagérée par le gouvernement et les lobbys de la chasse, elle demeure un des piliers du modèle de conservation tanzanien.

III.   L’EXIGENCE D’UNE MOBILISATION INTERNATIONALE FORTE ET COORDONNÉE AU BÉNÉFICE DE LA PROTECTION DES ESPÈCES

A.   L’actuel systÈme international de protection de la vie sauvage et ses failles

1.   Des instruments juridiques internationaux nombreux

S’agissant de la protection des espèces sauvages menacées, il existe une cinquantaine de traités multilatéraux environ. Ces divers instruments peuvent être rangés en deux grandes catégories : ceux œuvrant pour la préservation des habitats et ceux favorisant la préservation des espèces menacées. Ils peuvent avoir une portée mondiale ou une portée régionale.

Les principales conventions relatives à la protection de la biodiversité auxquelles la France est partie prenante sont :

– la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, qui a été signée à Washington en 1946 ;

– la convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) qui a été signée à Washington, en 1973 ;

– la convention sur la diversité biologique (CDB) qui a été ouverte à la signature lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en 1992.

La France applique, par ailleurs, le droit européen en matière de protection de la biodiversité notamment la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (1992) et la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages (2009).

a.   La convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine

La convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine a été signée à Washington, le 2 décembre 1946. Son préambule indique que l’objectif de la convention est d’assurer la bonne conservation des populations de baleines à l’échelle du globe et de rendre possible un développement ordonné de l’industrie baleinière. Ce texte a institué la commission baleinière internationale (CBI) qui est l’organisme international compétent pour la conservation et la gestion des populations de baleines au niveau mondial.

Une annexe à cette convention, révisable lors des réunions de la CBI, régit la pratique de la chasse à la baleine à l’échelle internationale. Ces mesures comprennent notamment des limites de capture – qui peuvent être nulles, comme c’est le cas pour la chasse commerciale – par espèce et par zone, la désignation de zones spécifiques comme sanctuaires de baleines, la protection des baleineaux et des femelles accompagnées de baleineaux, et des restrictions sur les méthodes de chasse. En outre, la CBI régule les quotas de pêche sur un certain nombre de territoires où la pêche à la baleine constitue une pratique traditionnelle des communautés autochtones comme aux États-Unis (Alaska), au Groenland (Danemark), à SaintVincent‑et‑les‑Grenadines et en Russie.

L’une des premières missions de la CBI, née il y a 75 ans, a donc consisté à réglementer la pêche commerciale mais de nos jours les menaces pesant sur les cétacés sont d’un autre ordre. Ce n’est plus tant la chasse commerciale qui représente un danger pour la préservation des populations de cétacés mais davantage les risques liés aux diverses formes de pollution dont les pollutions sonores ([71]), aux collisions avec les navires de transport maritime ou les prises accidentelles ou accessoires, c’est‑à‑dire la capture d’espèces non ciblées par les engins de pêche.

Le secrétariat de la CBI est basé à Cambridge au Royaume‑Uni et dispose d’un budget de 1,8 million de livres issus des contributions obligatoires et volontaires des États membres. Le secrétariat est composé de 15 membres qui sont en charge de la coordination de la recherche et de l’organisation des discussions internationales entre les 88 pays membres de la CBI.

L’action de la CBI s’est révélée efficace. Certaines espèces ont pu grâce au moratoire de 1986 se reconstituer à l’image de la baleine grise du Pacifique qui après avoir été en danger critique d’extinction au début du siècle dernier a pu retrouver un niveau de population très encourageant. Ainsi, cette espèce est passée de quelques centaines d’individus seulement à plus de 20 000 aujourd’hui. Cependant le statut de conservation des cétacés est très variable, en fonction des espèces considérées et certaines se trouvent toujours dans une situation critique. En règle générale, les espèces les plus menacées sont celles dont l’environnement se trouve à proximité des côtes, zones dans lesquelles les individus se trouvent directement menacés par la pollution, les collisions et les prises accessoires. Ainsi, la vaquita dans le golfe du Mexique est actuellement menacée d’extinction puisqu’il resterait moins d’une dizaine d’individus. De même, la baleine franche de l’Atlantique se trouve en danger critique d’extinction avec une faible population se situant autour de 360 individus.

En 2019, la sortie du Japon de la Convention fut particulièrement préjudiciable pour la CBI, en raison du poids important de ce pays parmi les contributeurs de l’organisation (7,8 % du budget). Néanmoins, Tokyo continue de participer aux activités de recherche et dispose d’un statut d’observateur dans les réunions du comité scientifique. Depuis son retrait de la CBI, le Japon a arrêté ses campagnes de « chasse scientifique » en Antarctique au profit d’une chasse dans sa zone économique exclusive. Il est encore trop tôt pour en tirer des conséquences sur la préservation des populations de baleines dans cette aire géographique.

Au sein de la CBI, une grande partie des pays qui soutiennent les positions des pays pro‑chasse ne sont pas forcément directement concernés par cette activité. On remarque notamment qu’une grande partie des pays d’Afrique francophones membres de la CBI – à l’exception du Gabon – appuient les positions japonaises. Il semblerait que la CBI pâtisse d’un manque de moyens, notamment en matière de traduction des séances et des documents de travail, permettant à une minorité très active de faire valoir ses positions auprès de certains. Ces quinze dernières années, le Japon et ses alliés ont ainsi réussi à atteindre à chaque fois la minorité de blocage (25 % du quorum). Face à ce constat, votre rapporteure souligne la nécessité d’une forte mobilisation de notre diplomatie au service de la protection des cétacés.

En sens inverse, on note depuis 2005 une amélioration de la coordination européenne sur cette thématique et l’émergence d’une parole commune qui a aidé à renforcer la prise en compte des questions baleinières auprès de pays, comme la Hongrie, qui n’avait pas une longue histoire sur ce sujet.

b.   La convention sur le commerce international des espèces menacées de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)

La convention sur le commerce international des espèces menacées de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, généralement désignée par son sigle CITES, a été signée à Washington, le 3 mars 1973. Elle a pour objectif de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent. Cette convention demeure le seul instrument international permettant la régulation du commerce légal d’espèces menacées. La CITES compte actuellement 183 Parties qui peuvent être des États ou des organisations ayant pour but une intégration économique régionale comme l’Union européenne.

La CITES protège environ 38 700 espèces, dont à peu près 6 000 espèces animales et plus de 30 000 espèces végétales de la surexploitation. Elles figurent dans les trois annexes à la Convention où elles sont regroupées en fonction de la gravité du risque d’extinction que le commerce fait peser sur elle.

Depuis une dizaine d’années, le Secrétariat de la CITES constate une augmentation constante du nombre d’espèces ajoutées aux différentes annexes. La convention régit, en effet, le commerce de 5 000 espèces de plus qu’il y a une dizaine d’années. Le commerce illégal constitue actuellement une réalité pour environ 1 000 espèces selon les données transmises à votre rapporteure et parmi elles une majorité sont des espèces non emblématiques telles que les orchidées, les anguilles, les requins, certains oiseaux ou encore des espèces de bois. Leur utilisation se révèle très diverse (ameublement, médecine traditionnelle, mode…).

Les annexes peuvent couvrir des groupes entiers comme les primates, les cétacés, les tortues de mer, les perroquets, les coraux, les cactus et les orchidées – mais peuvent aussi parfois concerner, une seule sous‑espèce ou une seule population géographiquement isolée (une population d’une espèce donnée dans un seul pays, par exemple).

-         L’annexe I regroupe les espèces menacées d’extinction et dont la convention prohibe la commercialisation et applique le cas échéant des pénalités importantes. Le commerce des espèces inscrites à l’annexe I n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles ;

-         L’annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie. Ainsi, leur commercialisation est réglementée de façon stricte mais demeure autorisée ;

-         L’annexe III comprend toutes les espèces protégées dans un pays qui a demandé aux autres Parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce. La procédure applicable pour opérer des changements dans cette annexe est distincte de celle valable pour les annexes I et II car chaque Partie est ici habilitée à y apporter unilatéralement des amendements. Le recours à l’annexe III se révèle bien plus marginal.

Le processus d’inscription d’une espèce à l’une des annexes de la CITES implique la proposition d’une Partie qui est par la suite soumise aux débats lors de la conférence des Parties (COP), qui se réunit tous les trois ans. Un vote à la majorité des deux tiers permet d’inscrire une espèce à la liste ou d’en rehausser la protection. En 2013, le Secrétariat de l’organisation a reçu 71 propositions d’inscription, 51 propositions en 2016, et 67 propositions à Genève, en 2019, lors de la dernière COP. De plus en plus d’espèces à forte valeur commerciale se voient désormais inscrites aux annexes de la CITES. En outre, s’agissant de la faune, on remarque une demande d’inscription de plus en plus marquée d’espèces marines, jusqu’alors très peu concernées (vaquita, baleine bleue, etc.). De même, la flore et en particulier certains types d’arbres viennent s’ajouter aux espèces protégées par la CITES de manière croissante. Depuis une dizaine d’années, le Secrétariat de la CITES reçoit en amont de chaque COP des propositions visant à modifier l’inscription des populations d’éléphants et de rhinocéros à la CITES mais sans succès jusqu’à présent. Enfin, le Secrétariat de l’organisation reçoit de plus en plus de propositions d’interdiction du commerce international de certaines espèces telles que les lions, par exemple.

Le Secrétariat de la CITES joue un rôle de coordination et de surveillance et peut si nécessaire appliquer différents types de sanctions à des États Parties à la convention qui ne mettraient pas en application ou ne respecteraient pas les règles communes. Afin de permettre au Secrétariat de l’organisation de veiller à la bonne application de la convention, chaque Partie doit indiquer les transactions commerciales réalisées dans la base de données de la CITES, qui chiffre au total plus de 24 millions de transactions.

Il est important de souligner la différence qu’il existe entre la liste rouge de l’UICN et les annexes de la CITES. Ces deux ensembles ayant en réalité des buts très différents. Les annexes de la CITES prennent en considération des facteurs biologiques et commerciaux tandis que la liste rouge de l’UICN se fonde exclusivement sur des critères biologiques. Les représentants de la CITES ont notamment souligné auprès de votre rapporteure que « la CITES se trouve au carrefour entre l’environnement et le développement des populations humaines ». La CITES n’est, en effet, pas seulement une convention environnementale mais constitue aussi une convention portant sur le développement qui se doit de prendre en compte les besoins des populations locales dans le cadre de l’utilisation des ressources naturelles. En effet, toute décision prise par la CITES revêt des implications réglementaires importantes et produit des impacts socio‑économiques importants sur les pays concernés qui ne peuvent être négligés. Ainsi, si la CITES utilise des informations en provenance des travaux de l’UICN, elle ne peut se limiter à en suivre les recommandations. Cette situation permet d’expliquer les divergences qui peuvent parfois apparaître entre les deux inventaires réalisés par chacune des organisations.

La CITES est une arène politique où une pluralité d’intérêts se trouve représentée, les États Parties tout d’abord mais également des organisations non gouvernementales (ONG) internationales telles que le WWF mais aussi des représentants des chasseurs et des entreprises du secteur privé œuvrant dans le secteur de la commercialisation de produits issus d’espèces sauvages. On note de grandes divergences entre les pays quant à leur approche de l’utilisation de la biodiversité. Certains pays mettent en avant une réelle politique d’utilisation de la biodiversité à l’image des États d’Afrique australe quand d’autres pays très industrialisés et qui ont perdu une grande partie de leur biodiversité ou qui en sont dépourvus se positionnent en faveur d’une approche très prohibitive. Lors de leur audition, les représentants de la CITES ont relevé le développement d’une tendance mondiale confondant parfois les notions de bien‑être animal et de conservation des espèces sauvages menacées. Ainsi une telle dimension émotionnelle peut être instrumentalisée par certains, en particulier dans les pays du Nord, et in fine nuire à la préservation des espèces sauvages menacées en braquant certains pays sources comme le montrent les débats sur la question de la chasse (cf. supra).

Votre rapporteure regrette que le rôle de la CITES dans la protection des espèces menacées et dans la régulation de leur commerce international ne soit pas mieux connu, valorisé et soutenu. Elle rejoint le souhait émis par les représentants de la CITES de développer la mise en place de permis CITES électronique ou « eCITES » dont l’objectif est d’améliorer la mise en œuvre de la convention en utilisant les technologies modernes pour simplifier le commerce conforme et lutter contre le commerce illégal.

Ces permis électroniques doivent aider les agences gouvernementales à mieux cibler leurs inspections tout en économisant le temps et les ressources des organes de gestion de la CITES.

Selon les données fournies par la CITES, plusieurs pays dont la France, les États‑Unis et la Chine, ont mis en place des formes de permis électroniques. Plusieurs autres pays, notamment européens mais également en Amérique du Sud et dans le sud-est de l’Afrique développent de tels systèmes. Il convient de les soutenir dans le bon accomplissement de cette démarche.

Votre rapporteure souligne également la nécessité de favoriser les échanges entre pays à travers une initiative que les représentants de la CITES appellent également de leurs vœux : la création d’une convention francophone de la CITES qui permettrait de renforcer les échanges entre des pays qui ont, pour beaucoup d’entre eux, des habitudes de coopération approfondies.

Votre rapporteure regrette enfin que la contribution de la France aux activités de la CITES apparaisse limitée. La CITES bénéficie en effet d’un financement de base, dit « fonds d’affectation spéciale », qui finance ses dépenses administratives et qui est abondé par les contributions des parties à la convention, sur la base d’un barème.

Elle reçoit également des financements externes, issus du « fonds d’affectation spéciale de soutien aux activités » qui finance les dépenses des activités liées aux programmes de la CITES. Il est abondé par les contributions volontaires des parties et d’autres entités. L’état des subventions pour la période 2020-2021 montre que certains pays comme le Royaume‑Uni, la Suisse, les Pays‑Bas ou les États‑Unis semblent abonder plusieurs programmes de façon bien plus conséquente que la France.

Votre rapporteure appelle la France à amplifier son effort par des aides plus importantes aux programmes de la CITES financées par le fonds d’affectation spéciale de soutien aux activités.

c.   La Convention sur la diversité biologique (CDB)

La Convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio, rassemble 196 États, à l’exception notable des États‑Unis ([72]). Elle constitue la convention internationale de référence en matière de diversité biologique.

Ce traité international juridiquement contraignant a trois principaux objectifs :

-         la conservation de la biodiversité (désignation d’aires protégées, conservation des espèces et des espaces) ;

-         l’utilisation durable de la diversité biologique ;

-         l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

La Convention est complétée par deux protocoles importants, tous deux ratifiés par la France et entrés en vigueur : le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques ([73]) et le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ([74]).

L’organe directeur de la Convention est la conférence des Parties (COP), instance supérieure composée de tous les gouvernements ayant ratifié le traité. La COP se réunit tous les deux ans pour examiner les progrès accomplis ainsi que pour établir les priorités et les plans de travail.

En 2010, a été adopté, lors de la COP 10 de la CDB à Nagoya au Japon, un Plan stratégique pour la biodiversité 2011‑2020, assorti de 20 objectifs, plus connus sous le nom d’objectifs d’Aichi. Ce cadre prévoyait notamment, d’ici à 2020, que les zones dédiées à l’agriculture, à l’aquaculture et à la sylviculture soient « gérées d’une manière durable », que la pollution soit « ramenée à un niveau n’ayant pas d’effet néfaste sur les fonctions des écosystèmes et la diversité biologique », ou encore que « l’extinction d’espèces menacées connues soit évitée » ([75]). Le bilan de cette feuille de route adoptée il y a un peu plus de dix ans se révèle au final particulièrement décevant puisqu’une grande partie des objectifs que s’était alors fixée la communauté internationale n’ont pas été atteints. Au bout du compte, seuls six d’entre eux peuvent être considérés comme « partiellement atteints » au niveau mondial ([76]). Face à cet échec, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a indiqué qu’une « ambition beaucoup plus grande est nécessaire » ([77]). Certaines avancées doivent cependant être relevées. Ainsi depuis dix ans, des progrès ont été accomplis s’agissant notamment du développement des aires protégées, leur surface étant passée au niveau mondial d’environ 10 % à au moins 15 % des terres et de 3 % à 7 % des mers ([78]). La cinquième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique précise que « les récentes mesures de conservation ont notamment réduit le nombre d’extinctions grâce à un éventail de mesures, notamment les aires protégées, les restrictions de chasse et le contrôle des espèces exotiques envahissantes, ainsi qu’à la conservation ex situ et la réintroduction. Il est estimé que, sans ces mesures, les extinctions d’espèces d’oiseaux et de mammifères auraient été deux à quatre fois plus élevées » ([79]).

La prochaine COP de la Convention sur la diversité biologique, qui doit se dérouler à Kunming en Chine au printemps prochain, doit impérativement constituer pour votre rapporteure la séquence au cours de laquelle sera adopté un cadre stratégique international plus audacieux et plus opérationnel en faveur de la protection de la nature.

2.   Un système juridique international trop fragmenté

La gouvernance mondiale de la nature et du vivant se caractérise par l’absence d’un cadre juridique international unifié. Le foisonnement d’instruments juridiques internationaux – une cinquantaine de traités et de conventions – nuit in fine à la visibilité et à la cohérence des actions menées en faveur de la préservation et de la restauration de la biodiversité mondiale. Cet état de fait traduit à la fois l’importance des enjeux liés à la nature et au vivant mais également la complexité et la pluralité des causes, des conséquences et des solutions envisagées pour mieux préserver la biodiversité en général et les espèces sauvages menacées en particulier.

Cette situation constitue indéniablement, aux yeux de votre rapporteure, une lacune. Cependant comme cela a été relevé au cours des auditions de représentants du PNUE à Nairobi, le véritable problème réside dans la faiblesse de la coordination entre l’ensemble des acteurs à l’échelle internationale mais aussi aux échelles régionale, nationale et locale. L’important n’est pas de rajouter de nouveaux traités ou de chercher à en fusionner certains, ce qui pourrait se révéler particulièrement long et périlleux, mais plutôt d’œuvrer à des rapprochements et à des synergies en faveur des pratiques de bonne gouvernance et de renforcement des capacités. Votre rapporteure a, en effet, relevé au cours de ses travaux que de très nombreux pays disposaient de législations ambitieuses mais qui se révélaient in fine inopérantes car non ou mal mises en œuvre par manque de moyens ou de savoir-faire.

En matière de protection de la nature, il paraît nécessaire de dépasser la vision sectorielle des instruments actuellement en vigueur pour favoriser les échanges et les collaborations prenant pleinement en compte les relations d’interdépendance. En effet, les instruments juridiques internationaux actuellement en vigueur sont souvent restreints dans leur objet. À titre d’illustration, la CITES a pour unique objet de réglementer le commerce international d’espèces sauvages obtenues légalement et durablement. Ainsi, si la cause du mauvais état de conservation d’une espèce n’est pas due au commerce international, alors l’espèce en question ne peut pas en principe faire l’objet d’une mesure de protection de la part de la CITES.

Il existe, par ailleurs, s’agissant de la criminalité environnementale, de très grandes disparités en matière d’incriminations et d’application effective des sanctions prévues. Ces écarts trop importants entre les différents pays d’une part et entre les réglementations prévues et leur mise en œuvre effective d’autre part obèrent significativement l’effectivité de la lutte contre le braconnage et les trafics comme cela a été relevé par Mme Véronique Jaworski, juriste pénaliste et internationaliste spécialiste du droit de l’environnement, dans le cadre de son audition.

En outre, l’entraide pénale internationale ne paraît pas suffisamment développée alors que cette criminalité notamment en matière de trafic d’espèces sauvages menacées s’inscrit par définition dans un contexte transfrontière. De même pour votre rapporteure, la qualité de la formation des enquêteurs et des magistrats ainsi que les moyens mis à leur disposition pour mener à bien leur mission dans ce cadre spécifique accusent également de trop fortes disparités. Enfin l’absence d’harmonisation des infractions environnementales et des sanctions afférentes réduit nécessairement la portée des mesures adoptées pour lutter contre les atteintes portées à la nature et au vivant. Face à la situation catastrophique dans laquelle se trouve actuellement la biodiversité planétaire une coopération effective à l’échelle globale paraît tout simplement indispensable.

Une intégration du trafic d’animaux sauvages – constituant, pour mémoire, le quatrième trafic le plus lucratif au monde ([80]) – dans le cadre de la convention des Nations unies contre le crime organisé constituerait, à tout le moins, une avancée importante à différents niveaux. Outre la prise de conscience nécessaire de certains États en faveur de la protection de la biodiversité et singulièrement des espèces sauvages menacées, une telle intégration pourrait permettre d’améliorer le cadre des échanges d’informations sur la connaissance des filières, mais aussi d’aligner et d’harmoniser les sanctions pénales et douanières. En effet, dans la lutte contre ces trafics, une prise en compte générale impliquant à la fois pays de provenance, de destination et de transit est impérative. Enfin, cela pourrait aussi permettre la mise en place de programmes d’aides techniques aux échelles locale et régionale.

Enfin, pour pallier les éventuelles carences des États, la mise en place d’une juridiction pénale européenne ou internationale de l’environnement – intervenant à titre subsidiaire lorsque les États ne peuvent pas ou ne veulent pas actionner leurs compétences – pourrait constituer une solution intéressante en faveur d’une meilleure protection de la nature et du vivant.

B.   Les actions menÉes par les pouvoirs publics pour lutter contre le trafic illégal d’espÈces sauvages menacÉes

1.   La lutte contre la marchandisation des espèces sauvages menacées en France

a.   Les actions de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) dans le cadre de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées

i.   Missions de la DGDDI

En France, la DGDDI constitue l’organe de contrôle de la CITES. À ce titre, elle encadre les flux commerciaux des espèces protégées par le contrôle des marchandises aux frontières et à la circulation. Pour toute opération d’importation, d’exportation ou de réexportation de spécimen repris aux annexes du règlement (CE) n° 338/97 ([81]), un opérateur ou un particulier doit être en mesure de présenter, à l’appui de la déclaration en douane (DAU), le document CITES requis (permis, certificat, notification d’importation selon le cas).

En tout point du territoire, les agents des douanes peuvent contrôler la régularité de la détention ou de la circulation d’espèces protégées, en vertu de l’article 215 du code des douanes ([82]). Les obligations déclaratives varient en fonction des flux (importation, exportation, réexportation, vente, circulation) et du degré de protection dont bénéficient les spécimens.

En 2019, la protection de la civelle a fait l’objet d’un plan de contrôle douanier spécifique qui a permis la saisie globale de 1,7 tonne de civelles et l’ouverture d’enquêtes judiciaires par le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Cette action illustre l’implication de l’ensemble de la chaîne douanière dans les contrôles en matière de CITES et de coopération avec les administrations partenaires comme l’Office français de la biodiversité (OFB) au niveau national et Europol au niveau européen.

En plus de ses actions sur le territoire national, la DGDDI est mobilisée dans la lutte contre le trafic d’espèces menacées aux échelles européenne et internationale. Ces dix dernières années, elle a participé à de nombreuses opérations de contrôle conjointes, coordonnées par différents acteurs, comme Europol, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), Interpol ou l’Organisation mondiale des douanes (OMD). À titre d’illustration, en 2019, une opération internationale organisée par Interpol en lien avec l’organisation mondiale des douanes (OMD) a permis de saisir 1 828 animaux et végétaux protégés

Au cours de la période 2010‑2019, 5 278 constatations ont été réalisées par les services douaniers portant sur des espèces menacées – soit une moyenne de 528 contentieux par an – ce qui atteste de leur implication dans la lutte contre les trafics illicites d’espèces protégées. La fin de période est marquée par une relative stabilité du nombre de constatations – 425 en 2019 contre 433 en 2018 et 484 en 2017 – qui portent sur la saisie d’un ou de plusieurs spécimens, de parties de spécimens ou de produits dérivés.

Évolution des saisies douaniÈres
concernant la protection des espÈces menacÉes (2010‑2019)

Source : DGDDI

La nature des constatations sur la période 2017‑2019 confirme que la France est un point de départ pour certaines catégories d’espèces telles que les civelles, les coraux polynésiens et les lambis qui donnent lieu à des saisies régulières, certaines portant sur des quantités importantes (897 kg de civelles ont ainsi été interceptés en une seule prise en janvier 2019).

Le territoire national représente aussi une zone d’arrivée pour le trafic d’espèces sauvages menacées. Les principaux spécimens importés illégalement à destination de l’Europe sont les reptiles vivants, les oiseaux vivants, les produits en peaux de crocodiles et les produits médicinaux. L’Europe est également une zone de destination pour tout ce qui a un rapport avec la viande de brousse – qui est la viande issue de la chasse ou du braconnage d’espèces sauvages prélevées en Afrique – ainsi que pour de nombreux compléments alimentaires composés de substances issues d’espèces protégées.

Saisies de viande de brousse

En 2018, la DGDDI a procédé à 2 554 constatations sur de la viande ou des produits à base de viandes et 22 tonnes de marchandises ont été saisies (2381 constatations pour 21,3 tonnes en 2017). Pour ce qui est de la direction interrégionale Paris-aéroports (qui regroupe notamment les aéroports d’Orly et de Roissy), un total de 2 980 saisies de denrées périssables (d’origine végétale ou animale) a été réalisé soit 26,2 tonnes, dont 2 079 constatations sur de la viande pour un total de 17,4 tonnes (contre 16,2 tonnes en 2017). Même si la nature exacte de la viande interceptée est difficile à déterminer, la direction de Paris‑aéroports estime que près de 25 %, soit environ 4 tonnes, sembleraient être de la viande de brousse.

Par ailleurs, des opérations ciblées ont montré, en 2014, des trafics importants transitant par les aéroports bruxellois et parisiens. À partir d’une étude menée en 2017 et 2018 par l’université de Liège, les autorités belges estiment que 44,4 tonnes de viande de brousse africaine transitent chaque année à l’aéroport de Zaventem, généralement dans les bagages des passagers des vols commerciaux. Cette marchandise est souvent intentionnellement cachée dans des boîtes contenant des denrées alimentaires autorisées, comme des poissons fumés et séchés.

Si les risques directement liés à la consommation de ces viandes sont faibles – viandes boucanées, viandes très cuites – les enjeux épidémiologiques demeurent réels s’agissant de ce trafic. Les voyageurs et les lots de viande peuvent, en effet, être vecteurs de pathogènes à potentiel épidémique (comme le monkeypox, virus nécessitant des laboratoires de niveau P4 pour l’analyse et responsable d’épidémies ponctuelles notamment aux États-Unis).

Votre rapporteure estime qu’une attention renforcée devrait être portée à ce phénomène en France à l’instar, par exemple, de ce que l’on constate dans les aéroports américains et australiens où des chiens renifleurs sont fréquemment mobilisés pour une surveillance sans concession de ce type de trafic. Il serait utile de mieux cibler les voyageurs, et donc les organisations, car ce sont elles qui maintiennent ce commerce frauduleux et élaborent des stratégies leur permettant de passer sous les radars de la surveillance sanitaire et douanière.

Le territoire national constitue également une zone de transit privilégiée pour les trafiquants s’agissant de spécimens ou parties de spécimens CITES utilisés dans la pharmacopée traditionnelle asiatique tels que les écailles de pangolins, les cornes de rhinocéros ou les hippocampes. Comme nous l’avons déjà vu, l’Europe en tant que zone de transit, constitue un passage entre l’Afrique et l’Asie (cf. supra). Les affaires réalisées par la DGDDI sur des marchandises en transit présentent peu d’intérêt sur le plan de l’enquête pénale, mais participent à la lutte contre la fraude internationale en retirant du circuit des produits saisis. La France a un rôle particulier du fait de l’importance du hub de la société Air France et de ses relations privilégiées avec l’Afrique et l’Asie. Le passage par l’aéroport Charles‑de‑Gaulle est incontournable pour certains pays de provenance et de destination. Il existe des problématiques liées au trafic d’espèces menacées en transit, notamment des trafics d’espèces d’oiseaux, de reptiles, d’insectes mais aussi toute la problématique du trafic des bois tropicaux. L’Union européenne représente également un lieu de passage privilégié entre l’Afrique et l’Asie pour le trafic de cornes de rhinocéros et d’ivoire.

Les services de la direction régionale de Roissy demeurent les plus concernés dans ce domaine en raison du fort développement du hub de l’aéroport Charles‑de‑Gaulle, second aéroport européen en volume de fret et nombre de passagers (25 à 30 % des constatations douanières par an en moyenne).

Compte‑tenu de cette réalité, votre rapporteure relaie le souhait émis en audition que la création d’une juridiction spécialisée dans la lutte contre le trafic d’espèces menacées puisse être étudiée.

Opérations en lien avec le trafic d’ivoire et de cornes de rhinocéros

En septembre 2015, un contrôle à la circulation de la brigade de surveillance intérieure de Poitiers a permis d’appréhender trois ressortissants britanniques et irlandais et la découverte de 4 défenses en ivoire brut (42,6 kg), de 32 800 euros et d’un bordereau d’adjudication inapplicable au nom d’une société parisienne. Suite à cette constatation douanière, une enquête préliminaire a été ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée de Rennes.

La société parisienne dont le gérant, un franco‑vietnamien et acheteur régulier d’ivoire, a des liens avec les ressortissants britanniques et irlandais membres de l’organisation criminelle. Les perquisitions de cette société et du domicile du gérant ont conduit à la découverte de 14 défenses brutes, 2 défenses partiellement ouvragées, 20 hippocampes et 23 documents CITES relatifs à 24 défenses brutes absentes. Une information judiciaire a été ouverte en mai 2016 afin de préciser l’organisation du réseau international « franco-vietnamien » de contrebande suspectée d’espèces protégées, dirigé par le gérant de la société parisienne.

Le SEJF a par la suite démantelé un réseau criminel organisé agissant sur le sol français, mettant en évidence les « acheteurs » au sein de l’Union européenne, le réseau d’exportation vers le Vietnam, le réseau d’exportation vers la Chine.

Les saisies ont permis d’intercepter 18,3 kg de corne de rhinocéros. La saisie d’une corne de 14,6 kg constitue la deuxième plus grosse saisie jamais réalisée dans l’Union européenne. 413 kg d’ivoire, dont une saisie de 212 kg qui constitue à elle seule la plus grosse saisie en France depuis ces 10 dernières années. Enfin 30 560 euros en numéraire et 15 000 euros de bijoux ont également été saisis.

L’augmentation de la demande en corne de rhinocéros en Asie a, ces dernières années, fait monter la valeur de ce produit. Des zoos, des musées européens ont ainsi été pillés par des membres de la délinquance itinérante irlandaise liée à des commanditaires asiatiques. Ce groupe se trouve être sous la surveillance de plusieurs services européens, notamment EUROPOL, car elle est soupçonnée de constituer un groupe organisé se livrant à des activités criminelles internationales en lien notamment avec le trafic des espèces protégées qu’elle fait parvenir en Asie.

Pour la douane, le service d’enquêtes judiciaires de finances a suivi plusieurs affaires, dont deux encore en cours, sur ce trafic spécifique, mettant en lumière des organisations européennes.

En mars 2017, au zoo de Thoiry, des individus se sont introduits par effraction dans la maison des rhinocéros et ont abattu de trois balles dans la tête un rhinocéros blanc de 5 ans. L’effraction s’est faite en forçant des cadenas et en dégondant une porte de l’enclos des rhinocéros, le bâtiment n’étant ni sous vidéo‑surveillance ni sous alarme. Ils ont ensuite entrepris de découper les cornes de l’animal mort à l’aide d’un outil de type tronçonneuse. Les braconniers ont réussi à emporter la corne la plus grosse mais ont laissé la plus petite des deux, découpée à moitié sur l’animal. Ce dossier a été suivi par le SEJF, en co-saisine avec l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST).

ii.   Organisation et moyens de la DGDDI

La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) est organisée en trois divisions : la direction du renseignement (DRD), la direction des enquêtes (DED) et la direction des opérations (DOD). Chacune des divisions participe pour sa spécialité à la lutte contre le trafic d’espèces. Consciente de la progression du trafic d’espèces protégées, la DNRED a réactivé au sein de la direction du renseignement douanier (DRD), en 2011, une cellule de deux agents dédiée au renseignement en matière de CITES. Cette cellule a notamment pour rôle de collecter du renseignement, de l’enrichir et de le diffuser aux services concernés en vue d’orienter les contrôles.

La collecte du renseignement s’effectue également sur internet. En effet, face à la croissance importante de la cybercriminalité dans de nombreux domaines de fraude, la DGDDI a créé au sein de la DRD, en 2009, la cellule Cyberdouane dédiée à la lutte contre la fraude sur ce vecteur et composée de plus d’une dizaine d’agents.

Au-delà du renseignement, depuis 2012, des opérations conjointes DRD‑DOD ont été menées ainsi que des enquêtes conjointes DRDDED et des opérations conjointes avec d’autres administrations en particulier avec l’OFB et l’OCLAESP.

La DNRED a également tissé des liens étroits en particulier avec l’organe de gestion CITES, et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Ce dernier apporte régulièrement son soutien technique en termes d’identification d’espèces.

Certains agents de la DGDDI sont particulièrement spécialisés sur ces questions. C’est le cas des agents du réseau CITES douanier animé par la cellule CITES de la DNRED, qui compte un correspondant dans chaque direction régionale et dans chaque service central ainsi que des experts diversement répartis sur le territoire. Le réseau, qui existe depuis 2011, compte actuellement 20 experts.

En France métropolitaine, les activités des douanes en lien avec ce trafic se concentrent essentiellement sur le contrôle des personnes et des marchandises dans les aéroports franciliens, ainsi que sur le secteur maritime méditerranéen via les contrôles des garde-côtes en matière de plaisance et de fret commercial. Dans les départements et régions d’outre-mer ainsi que dans les collectivités territoriales d’outre-mer, cette mobilisation est concentrée dans les circonscriptions de l’arc antillais et de la Polynésie française sur le vecteur aérien et maritime.

En moyenne, 31 % des effectifs de la DGDDI sont mobilisés chaque année pour la lutte contre le trafic d’espèces protégées et menacées. Cette mobilisation représente en moyenne 0,5 % du nombre de missions et 2 % du temps qui sont annuellement consacrés à la lutte contre la fraude (LCF) ce qui paraît faible au regard de l’ampleur et de l’importance de ce trafic. Il ressort des travaux de votre rapporteure que la lutte contre le trafic d’espèces menacées pâtit fondamentalement d’un manque de ciblage politique qui porte davantage sur la lutte contre le trafic de tabac, de stupéfiants, d’armes ou de contrefaçons que sur le trafic d’espèces menacées. Cet état de fait, qu’elle déplore, se matérialise d’une part, par un manque de moyens alloués à ce sujet et d’autre part, par un manque d’intérêts des magistrats de mener à bout des enquêtes financières, souvent coûteuses et fastidieuses. Ces dernières sont néanmoins indispensables pour remonter les circuits financiers parallèles et démanteler les filières criminelles. Elle estime qu’au regard des enjeux précédemment mentionnés, la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées devrait être érigée en priorité.

iii.   La formation des agents à la lutte contre le commerce illégal de faune et flore sauvages menacées

La protection des espèces menacées au titre de la CITES est enseignée dans les écoles des douanes, en formation initiale ainsi qu’en formation continue.

Les enseignements concernant les espèces menacées font partie des socles de fondamentaux dispensés aux agents des douanes dès leur entrée en fonction. Dans le cadre de la formation initiale des agents des trois catégories, les deux écoles des douanes mettent en place de manière obligatoire une formation relative à la Convention de Washington. Les inspecteurs‑élèves bénéficient de 3 heures de formation, en format numérique, complétées de plusieurs rappels présentiels d’une durée totale de 3 heures. Les stagiaires de catégories B et C bénéficient quant à eux de 2 heures de cours magistraux complétées de 2 heures de travaux dirigés.

Par ailleurs, chaque année, depuis 2016, l’École nationale des douanes de La Rochelle organise dans le cadre du Plan national de formation une formation continue qui s’adresse aux agents affectés dans un bureau de douane et aux agents de la branche surveillance.

Ainsi, 20 stagiaires par an sont formés :

- aux bases réglementaires CITES ;

- à l’articulation entre la CITES et les réglementations internationales, européennes et nationales ;

- aux mesures à prendre pour la gestion des contrôles (notamment les démarches à mettre en œuvre lors de la découverte de spécimens) et les procédures contentieuses ;

- à la procédure d’appel à un expert.

Cette formation d’une durée de 30 heures permet en outre d’appréhender les circuits de fraude, le ciblage et l’identification des espèces. Votre rapporteure est convaincue du bien‑fondé de ces formations approfondies et regrette qu’un plus grand nombre d’agents ne puissent y avoir accès.

Enfin, pour compléter ce dispositif, les agents des douanes peuvent bénéficier de formations organisées au plan local par des formateurs occasionnels. Ils ont également accès à un module de formation en ligne. Outre ces actions de formation, des éléments d’information et des outils pratiques sont accessibles en permanence à l’ensemble des agents douaniers. Ainsi, le site intranet de la douane « ALADIN-NG » comporte plusieurs pages relatives à la convention de Washington sur lesquelles les services peuvent consulter l’intégralité de la réglementation applicable, les instructions internes, des dossiers d’analyse de risque, des fiches méthodiques de contrôle ou encore des guides d’identification des espèces. Ces pages métiers sont consultables à tout moment et regroupent toute la documentation utile, ainsi qu’une synthèse des principes réglementaires. De même, un accompagnement particulier a été réalisé concernant le guichet unique national (GUN) qui a pour but de simplifier les formalités de dédouanement pour les opérateurs en dématérialisant les procédures. Avec la mise en place de l’interconnexion i-CITES/DELTA en décembre 2015, les services bénéficient également d’un accès direct à la base de données i-CITES pour leur permettre de consulter les permis et certificats délivrés par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Cette interconnexion a aussi fait l’objet d’instruction aux services. Ainsi, les agents des douanes bénéficient d’un soutien quotidien pour effectuer leurs contrôles en matière CITES.

iv.   Les sanctions encourues en répression des infractions douanières

Si les obligations CITES ne sont pas respectées (absence des documents CITES, documents CITES frauduleux), les agents des douanes ont le pouvoir de constater et de poursuivre les infractions aux obligations CITES, en application des dispositions du code des douanes. Ainsi, à l’importation, à l’exportation et à la réexportation, les spécimens CITES ne disposant pas de permis sont considérés comme des marchandises prohibées au sens de l’article 38 du code des douanes ([83]). Les infractions relevées sont qualifiées, selon les circonstances, aux articles 423 ([84]) (importation ou exportation sans déclaration), 426 ([85]) ou 428 ([86]) (réputation d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées) du code des douanes ou importation en contrebande avec moyens cachés au titre de l’article 417 ([87]) du code des douanes.

À la détention et à la circulation, les infractions relevées sont prévues à l’article 215 ([88]) et qualifiées à l’article 419 ([89]) du code des douanes (réputation d’importation en contrebande). L’article 215 du même code dispose : « ceux qui détiennent ou transportent […] des marchandises prohibées au titre d’engagements internationaux ou des marchandises faisant l’objet d’un courant de fraude internationale […] doivent, à première réquisition des agents des douanes, produire soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées dans le territoire douanier de la Communauté européenne, soit des factures d’achat, bordereaux de fabrication ou toutes autres justifications d’origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l’intérieur du territoire douanier de la Communauté européenne ».

Toutes les infractions en matière CITES sont de nature délictuelle et réprimées à l’article 414 ([90]) du code des douanes qui prévoit :

- une peine d’emprisonnement de trois ans ;

- la confiscation de l’objet de fraude, des moyens de transport, des objets ayant servi à masquer la fraude, des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction ;

- une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude.

En outre, lorsqu’ils sont commis en bande organisée, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 414 du code des douanes, ces faits sont passibles d’une peine d’emprisonnement portée à dix ans et d’une amende pouvant atteindre dix fois la valeur de l’objet de la fraude.

v.   La réalité des peines prononcées

Les éléments statistiques donnent un ordre de grandeur des pénalités infligées en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées comme le montre le tableau ci‑après :

Source : DGDDI.

Certains pays européens ont une certaine avance sur la France en termes de sévérité des sanctions en la matière. C’est le cas notamment du Royaume‑Uni où ont déjà été prononcées des peines d’emprisonnement. Cette situation est en train de progressivement changer en France comme le montrent certaines peines prononcées récemment. Par exemple, début mars 2020, un homme a été déclaré coupable du délit douanier d’exportation sans déclaration (ESD) de marchandises prohibées (civelles vivantes) et condamné à 18 mois de prison dont 6 avec sursis, avec maintien en détention, au paiement d’une amende douanière de 7 600 euros et à la confiscation des sommes saisies au titre des biens et avoirs.

De manière générale et depuis la mise en place de la loi sur la biodiversité en 2016, l’arsenal juridique apparaît théoriquement satisfaisant. Les sanctions pénales ont notamment été renforcées avec un doublement des amendes (jusqu’à 100 000 euros) et un rallongement des peines d’emprisonnement. En application de la CITES interdisant l’import/export de certaines espèces menacées sans autorisation, les sanctions sont également alourdies et peuvent aller jusqu’à 150 000 euros d’amende et 7 ans d’emprisonnement lorsqu’elles sont commises en bande organisée.

Cependant, au niveau de l’organisation judiciaire, se pose la question du manque de magistrats spécialisés ou même sensibilisés à la question de la criminalité environnementale en général et au trafic d’espèces sauvages menacées en particulier comme cela a déjà été relevé par votre rapporteure. Elle appelle à ce que le trafic d’espèces menacées devienne une priorité de la politique pénale des parquets avec des poursuites plus fréquentes et des peines plus lourdes afin de décourager les réseaux criminels.

Les difficultés de contrôles et de gestion rencontrées par la DGDDI

Compte tenu de la matière spécifique que représente le trafic d’espèces sauvages, les saisies réalisées par la DGDDI présentent certaines difficultés de contrôles et de gestion qui ne se présentent pas pour d’autre type de contrôle (comme la lutte contre le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes, ou les activités de blanchiment…). Les principales difficultés tiennent à la gestion d’espèces vivantes ainsi qu’à la diversité des espèces inscrites à la CITES.

Il est courant que des spécimens d’espèces de la faune et de la flore soient présentés aux services douaniers sans être accompagnés de documents CITES, alors qu’ils semblent pourtant appartenir à une espèce protégée au titre de la convention de Washington. Il convient alors d’identifier l’appartenance des spécimens pour déterminer ensuite si cette espèce est protégée. La première difficulté réside dans la capacité à trouver rapidement l’expert compétent pour qualifier l’espèce concernée. En effet, il n’existe pas de permanence d’experts capables de répondre aux interrogations des services, notamment la nuit ou le week-end. Par ailleurs, l’éloignement géographique des experts peut également constituer une difficulté car l’identification sur photo, régulièrement pratiquée, n’est pas toujours réalisable. En outre, l’identification d’un spécimen saisi représente un coût certain, notamment au niveau de la mise à disposition de ressources humaines adéquates pour pouvoir répondre, dans les meilleurs délais, aux nombreuses demandes d’expertise effectuées par les services douaniers.

Les agents des douanes ont besoin de connaître la valeur d’un spécimen saisi notamment pour fixer le montant de l’amende douanière. Il n’existe pas à ce jour de document unique établissant la valeur des espèces principalement concernées par le commerce illégal. La DGDDI dispose seulement d’indications de prix pour certaines espèces, en raison de la connaissance du trafic dont elles font l’objet. Mais ces connaissances sont très parcellaires et évolutives. En effet, la mise à jour de la valeur représente une difficulté supplémentaire, celle-ci étant fluctuante au gré de l’offre et de la demande et pouvant varier de façon importante selon la nature exacte du spécimen (taille, age, sexe). Votre rapporteure estime impérative la mise en place d’un tel « tableau de valeurs », en collaboration avec le secrétariat de la CITES et nos partenaires européens, afin de faciliter le travail des agents des douanes et de rendre plus efficace la lutte contre le trafic illégal d’espèces sauvages menacées. Une telle lacune avait déjà été relevée par Jean-François Mbaye, dans le cadre de ses travaux menés en tant que rapporteur de notre commission sur le projet de loi de finances pour 2019 ([91]). Il serait temps que le Gouvernement entende enfin les recommandations répétées des parlementaires sur ce point.

L’autre difficulté opérationnelle concerne le placement des spécimens vivants qui nécessitent d’être rapidement pris en charge dans une structure d’accueil adaptée. Les découvertes pouvant intervenir de jour comme de nuit, les week-ends et jours fériés, les structures pouvant éventuellement accueillir les spécimens saisis ne sont pas toujours immédiatement joignables et donc pas immédiatement en capacité de prendre en charge les spécimens saisis. Par ailleurs, les structures ne sont pas assez nombreuses et sont mal réparties sur le territoire. Les solutions de placement pérennes comme les zoos ou les parcs animaliers sont sujettes à une saturation progressive de leur capacité d’accueil. Le placement des animaux saisis est donc réalisé au cas par cas, souvent dans l’urgence, avec l’aide des services vétérinaires ou de l’OFB. Sur ce point, l’ouverture de la station d’accueil pour les animaux au statut sanitaire incertain à l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy, début mars 2020, a représenté une salutaire amélioration. Votre rapporteure estime nécessaire la poursuite de l’ouverture de telles stations dans plusieurs aéroports et ports français, en métropole comme dans les outre-mer.

b.   Les actions de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAEPS) dans le cadre de la lutte contre le trafic d’espèces sauvages menacées

i.   Missions de l’OCLAEPS

L’OCLAEPS est une structure interministérielle créée par le décret n°2004‑612 du 24 juin 2004 ([92]). C’est un service de police judiciaire à compétence nationale dont la mission est de lutter contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. L’Office vise notamment à coordonner et animer des investigations de police judiciaire, à assister les enquêteurs et les fonctionnaires des autres administrations intéressées dans la conduite de leurs enquêtes, à analyser les phénomènes en lien avec ses domaines de compétences. L’Office participe, par ailleurs à des actions de formation et d’information aux niveaux national et international. L’OCLAEPS traite, en outre, les demandes d’assistance internationale par le biais des canaux traditionnels comme Interpol et Europol.

ii.   Organisation et moyens de l’OCLAEPS

Il n’existe aucun moyen humain ou financier consacré spécifiquement à la lutte contre les trafics d’animaux au sein du ministère de l’Intérieur, y compris à l’OCLAESP. L’ensemble des moyens de la gendarmerie et de la police nationales concoure à cette mission, notamment dans le cadre des enquêtes judiciaires.

Le ministre de l’Intérieur ayant annoncé en décembre 2019, devant tous les cadres de la gendarmerie, que la lutte contre la criminalité environnementale constituait l’une de ses priorités, l’OCLAESP qui compte à ce jour 75 personnels (gendarmes, policiers et civils) devrait voir ses effectifs très sensiblement augmenter dans les années à venir.

Il convient de noter que la gendarmerie a également développé un réseau de 350 enquêteurs formés aux thématiques de l’environnement et de la santé (EAESP). Répartis dans les unités de terrain, ces enquêteurs constituent les premiers relais de l’Office central et sont formés par lui. Dans le cadre du plan général « gendarmerie 20-24 » il est notamment prévu de doubler le nombre de ces enquêteurs.

Les enquêteurs de l’OCLAESP et les EAESP sont tous officiers de police judiciaire (OPJ), ce qui constitue un élément essentiel sachant que les trafics d’animaux constituent des infractions pénales et doivent être combattus par le biais d’enquêtes judiciaires.

Les enquêteurs de l’OCLAESP et ceux des unités et services spécialisés en police judiciaire maîtrisent également parfaitement les nouvelles techniques de renseignement (NTR) et les techniques spéciales d’enquête (TSE). Développées pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, ces techniques s’appliquent à la lutte contre les trafics d’animaux. Il faut relever qu’en 2016, les trafics d’espèces protégées ont été intégrés à la criminalité organisée dans le code de procédure pénale (article 706‑73‑1 ([93])). L’OCLAESP recourt notamment dans le cadre de ses missions à des enquêtes sous pseudonyme ce qui permet aux enquêteurs formés et spécialement habilités à se faire passer sur internet et les réseaux sociaux pour des acheteurs. L’OCLAESP a également très régulièrement recours à des moyens spécialisés d’observation‑surveillance (par exemple, observations transfrontalières au-delà des Pyrénées dans le cadre de trafics de civelles) ou d’intervention y compris le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Il a également accès aux moyens aériens et nautiques de la gendarmerie nationale en cas de besoin.

S’agissant plus spécifiquement des espèces animales et donc de la CITES, tous les enquêteurs de l’Office et tous les EAESP reçoivent une formation particulière dispensée par l’Office et ses partenaires, au premier rang desquels figure l’Office français de la biodiversité (OFB). Cette formation en présentiel de 15 jours est précédée par l’acquisition des fondamentaux grâce à un enseignement à distance développé par l’OCLAESP et le Centre de production multimédia de la gendarmerie nationale (CPMGN).

Opérations récemment menées par l’OCLAEPS

En 2019, l’Office obtient un renseignement sur l’identité d’un délinquant trafiquant d’espèces animales non domestiques protégées par la CITES. Les perquisitions domiciliaires amènent la découverte de plusieurs animaux détenus illégalement : un bébé tigre blanc âgé d’un mois, 6 tortues d’Hermann, 2 tortues grecques, un perroquet gris du Gabon, 4 phalangers volants, un toucan mort congelé. 1 900 euros en espèces et plusieurs chèques d’un montant important, dont un de 58 800 euros, sont saisis.

La même année, l’OCLAESP, co-saisi avec le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), a procédé au démantèlement d’un important réseau français de trafic de civelles. Le système mis en place par les mareyeurs reposait sur des fausses facturations. Les civelles étaient principalement exportées au Vietnam, via la Bulgarie, en tant que crevettes par voie routière puis aérienne. L’aboutissement de l’enquête a permis la saisie de plus de 600 000 euros d’avoirs criminels et ce, alors qu’une partie des ressources générées par le trafic n’a pas pu être appréhendée en raison de son placement dans un paradis fiscal.

2.   Les actions menées en coordination à l’échelle internationale

a.   Partenariats à l’échelle européenne

i.   La plate‑forme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles

Au niveau européen, un plan d’action opérationnel est consacré à la criminalité environnementale. La plate-forme pluridisciplinaire européenne contre les menaces criminelles (European Multidisciplinary Platform Against Criminal Threats – EMPACT en anglais) constitue un véritable outil de coopération de l’ensemble des forces répressives des États membres (police, douane, gendarmerie en France) pour s’attaquer à la criminalité organisée, par nature transfrontalière et complexe.

Piloté par la France, ce plan d’action récent s’est décliné en 23 actions opérationnelles en 2020 et a contribué au renforcement de l’approche pluridisciplinaire en Europe et au niveau national français (police, douane, gendarmerie).

La France participe à 5 actions à vocation opérationnelle et concernant les thématiques suivantes :

- le renseignement et la mise en œuvre d’opérations en lien avec la pêche illégale en mer ;

- la lutte contre le trafic illégal d’espèces protégées ;

- la prévention et la détection de délits transfrontaliers en matière de pollution marine ;

- la mise en œuvre d’opérations et d’enquêtes concrètes en lien avec la pêche illégale en rivière ;

- la lutte contre la contrebande des oiseaux de la région des Balkans et le renforcement de la protection de ces espèces.

En outre, la France participe également aux travaux de prévention contre les menaces en lien avec la criminalité environnementale.

Afin de protéger les espèces sauvages menacées, la France développe également une action dédiée au renforcement des échanges de renseignements à travers la création d’un réseau d’experts associant des pays asiatiques, dont la Chine, et participe aussi à l’amélioration de la coopération entre les États d’Amérique du Sud et l’Union européenne (le « réseau Jaguar »).

Enfin, la France participe au réseau Cyber wildlife Consortium dédié notamment à la lutte contre les activités illicites en lien avec la faune sauvage sur internet.

ii.   L’agence Europol

Au niveau européen, Europol dévolue également un groupe d’analyse à la protection des espèces sauvages menacées permettant ainsi le croisement des données fournies par les États membres afin de soutenir l’ensemble des services répressifs et élargir les enquêtes sur la base des données traitées. L’objectif étant de s’attaquer à la criminalité organisée et de démanteler les structures criminelles.

Le développement d’une coopération policière opérationnelle renforcée constitue aux yeux de votre rapporteure une véritable priorité. Or celle‑ci doit nécessairement passer par l’échange d’informations à travers la messagerie sécurisée d’Europol, appelée SIENA. Le partage d’information via un tel canal présente plusieurs avantages. Tout d’abord, SIENA permet de communiquer de manière sécurisée des renseignements officiels, issus de procédures judiciaires. Ces renseignements peuvent alors être intégrés dans les procédures des États destinataires. De surcroît, l’information est stockée et analysée par un bureau dédié à Europol dénommé Analysis Project Envicrime. Cette gestion du renseignement permet de procéder à des recoupements d’information entre plusieurs enquêtes européennes et ainsi d’établir des liens entre les réseaux criminels. Il est donc fondamental que SIENA soit privilégié comme principal moyen d’échange de l’information, même si cela n’exclut pas les contacts en bilatéral qui sont importants pour créer du lien et permettre aux polices européennes de travailler ensemble. Néanmoins Europol ne pourra jouer pleinement son rôle de coordinateur et d’analyste que si tous les États membres partagent leurs enquêtes et leurs informations avec l’agence européenne. C’est là un préalable indispensable que votre rapporteure souhaite encourager.

En parallèle, la Commission européenne doit poursuivre le travail entrepris faisant de la criminalité environnementale une priorité de l’Union afin d’inciter les États à structurer leur lutte contre les atteintes à la faune sauvage en mettant en place des unités ad hoc, telles que l’OCLAESP ou le SEPRONA ([94]) de la Garde civile espagnole.

Europol dispose, par ailleurs d’une unité Criminalité économique et des biens. Si elle n’a pas vocation à s’atteler uniquement à la fraude en lien avec les espèces menacées CITES, elle répond néanmoins dans ce domaine en particulier à plusieurs objectifs au profit des États membres en offrant :

- un soutien technique et opérationnel ;

- une surveillance et l’élaboration de rapports ;

- une facilitation et une coordination entre États membres et services d’enquêtes ;

- un partage des connaissances dans le domaine CITES ;

- une organisation d’opérations européennes d’envergure.

Concernant en particulier les opérations internationales et européennes sur la thématique de la protection des espèces menacées, Europol est prédominant dans les initiatives opérationnelles suivantes :

- l’opération EEL‑LICIT : il s’agit d’une opération dédiée à la contrebande de civelles, sous l’égide d’Interpol et à laquelle Europol contribue. En 2019, 14 États membres, les États‑Unis, le Canada et l’Australie ont participé à cette opération ;

- l’opération TEMBO : lancée sous l’égide d’Europol et du bureau régional de liaison de l’OMD, cette opération est dédiée en 2017 à la lutte contre le commerce illicite d’espèces sauvages et de bois. Cette opération a permis d’identifier plus de 900 suspects et réaliser 1 300 saisies de produits illicites estimés à plus de 4 millions d’euros ;

- l’opération FAME : il s’agit d’une opération également dédiée à la contrebande de civelles, coordonnée par Europol et réunissant sept États participants (Allemagne, Croatie, Espagne, France, Portugal, République tchèque, Suisse) et cinq administrations douanières (Allemagne, Croatie, France, République tchèque, Suisse)

iii.   Le groupe « coopération douanière » (GCD) du Conseil de l’Union européenne.

Le groupe coopération douanière est chargé de la coordination générale de la coopération douanière entre les États membres. Il tend à promouvoir en continu la coopération entre les autorités douanières, et entre la douane et la police, adoptant pour ce faire plans d’action, projets et propositions d’opérations douanières conjointes.

Les plans d’actions sont programmés sur des périodes de deux ans. Actuellement, le 10e Plan d’actions, prévoit 9 actions et 12 sous‑actions. Une des actions de ce Plan concerne la criminalité environnementale. L’action se base sur la constatation qu’il existe de très nombreuses mesures concernant les flux et trafics pouvant nuire à l’environnement, et que ces restrictions ne sont pas toutes connues de toutes les administrations douanières. L’action permettra de dresser un panorama le plus exhaustif possible, sensibiliser aux risques, partager les meilleures pratiques et étudier les possibilités de renforcer les capacités d’action des États membres.

iv.   Commission européenne – direction générale de l’environnement

La Commission européenne, via la direction générale de l’environnement (DG ENV), soutient une politique commune de lutte contre le trafic des espèces. Lors des conférences des Parties de la CITES, l’Union européenne ne porte qu’une seule voix. Un travail de concertation et d’harmonisation des positions européennes est réalisé en amont et pendant les COP par la Commission.

L’Enforcement Group (EG CITES) est une réunion bisannuelle placée sous l’égide de la Commission européenne et réunissant les représentants CITES des États membres de l’Union et des pays candidats. L’objectif de cette réunion est de contrôler l’application de la réglementation relative à la CITES dans l’Union européenne, d’établir des recommandations visant à améliorer sa mise en œuvre et de permettre l’échange d’informations sur différents sujets comme les tendances du commerce illégal ou les saisies importantes.

Le réseau européen EU‑TWIX, géré par l’ONG TRAFFIC pour le compte de la Commission européenne, est un réseau d’échange d’informations sur les tendances de fraude et les saisies importantes, accessible à l’ensemble des représentants des organes de contrôle, de gestion et des organes scientifiques européens. Ces échanges permettent également d’interroger les homologues sur l’identification ou la valeur d’un spécimen. La DGDDI collabore pleinement à ce réseau en diffusant des informations relatives à des saisies douanières significatives. Par le biais de cette plateforme qui recense l’ensemble des saisies réalisées par les services de contrôle européens, la Commission européenne publie également chaque année en septembre un rapport sur l’état des saisies européennes en matière de CITES.

v.   L’office antifraude (OLAF)

Afin d’échanger des informations opérationnelles de façon instantanée et sécurisée, les autorités douanières des États membres utilisent le système d’information douanier (SID). Ce système informatique est géré par l’OLAF, en application des dispositions du règlement (CE) n° 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 modifié relatif à l’assistance administrative mutuelle communautaire en matière douanière. Le SID est un outil d’alerte et de signalement à des fins opérationnelles, qui permet d’associer une personne physique ou morale, un type de fraude, un moyen de transport ou un vecteur et une action à entreprendre. À ce titre, il permet aux autorités douanières des États membres de l’Union européenne d’échanger des informations en matière d’infractions ou de soupçons d’infractions à la CITES.

Il convient d’abord de noter que l’OLAF a pour mission principale de veiller à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne. En matière douanière, il est plus particulièrement compétent pour mener des enquêtes sur des fraudes ou des soupçons de fraudes portant atteinte aux ressources propres traditionnelles de l’Union (droits de douane, droits antidumping, droits additionnels et droits compensateurs). Dans ce cadre, l’Office est également compétent pour traiter de fraudes aux mesures restrictives à l’importation ou à l’exportation de marchandises commerciales : précurseurs de drogues, produits du tabac, contrefaçons, médicaments et matériels sanitaires, espèces animales et végétales protégées.

Outre ses pouvoirs d’enquête, l’OLAF dispose également d’une mission de coordination des actions de contrôle et d’enquêtes menées par les autorités douanières des États membres de l’Union, en application des dispositions de l’article 17 du règlement (CE) n° 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 modifié relatif à l’assistance administrative mutuelle communautaire en matière douanière.

Ainsi, lorsque les autorités douanières des États membres de l’Union européenne constatent des opérations contraires, ou qui leur paraissent contraires, à la réglementation douanière de l’Union, elles en avisent l’OLAF. Ce dernier peut alors communiquer des cas d’assistance mutuelle (AM) aux autorités douanières nationales. Ces dernières ont un délai de six mois pour rendre compte à l’OLAF des mesures prises (analyses de risques, ciblages, messages d’alertes, instructions de contrôles, résultats éventuels). Depuis 2015, l’OLAF a communiqué un seul cas AM, qui porte sur de possibles infractions à la CITES. Ce cas AM, diffusé le 14 août 2019, concerne des cas d’exportations illicites de civelles européennes vers des pays asiatiques, tels que le Vietnam, la Malaisie ou la Chine, à des fins d’élevage, en vue de leur réimportation frauduleuse ultérieure dans l’Union européenne en les déclarant comme anguilles américaines. Pour mémoire, l’anguille européenne est inscrite à l’annexe II de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et à l’annexe B du règlement (CE) nº 338/97 du Conseil en mars 2009.

b.   Partenariats à l’échelle internationale

i.   Le secrétariat de la CITES

Le Secrétariat CITES assure la coordination, conseille et fournit des services en vue du bon fonctionnement de la Convention. Il assiste les Parties à la CITES dans plusieurs domaines : législation, lutte contre la fraude, approches scientifiques et formation. Le Secrétariat de la CITES communique des informations aux Parties principalement par le biais de documents de session et de notifications. En France, la DGDDI est destinataire de l’ensemble des documents produits par le secrétariat CITES. La DGDDI est souvent associée par le Secrétariat de la CITES à des enquêtes sur des types de trafics spécifiques.

i.   Organisation mondiale des douanes et Interpol

Les opérations internationales de lutte contre le trafic d’espèces protégées sont menées au niveau international sous l’égide de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et d’Interpol. Ces opérations consistent en des actions ciblées, d’une durée limitée, visant à lutter contre la contrebande de marchandises sensibles et la fraude dans certaines zones, sur certaines routes commerciales ou certains vecteurs à risques.

Ces opérations en plus de la DGDDI peuvent également mobiliser en France les services du ministère de la Justice, de l’OFB, de l’OCLAESP, de la police aux frontières (PAF), de la gendarmerie des transports aériens (GTA), de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) et du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP).

La DGDDI a participé sous coordination OMD‑Interpol aux opérations Hope (2012), sur les importations de viande de brousse et d’espèces protégées, et Cobra III (2015) sur la lutte contre la fraude en matière de CITES. La DGDDI a récemment participé aux opérations mondiales de lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages Thunder : Thunderbird en 2017, Thunderstorm en 2018 et Thunderball en 2019.

De manière générale, si la participation de la douane française aux opérations douanières internationales paraît essentielle dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la fraude et de coopération internationale, encore faudrait-il que la programmation de telles opérations soit suffisamment anticipée et permette à la DGDDI de mobiliser ses moyens humains et techniques. Or, cette programmation paraît manquer de coordination, dans la mesure où elle émane de multiples enceintes non concertées tant européennes qu’internationales.

C.   La nÉcessitÉ d’une action rÉsolue de la France au service de la prÉservation de la vie sauvage

1.   Une action diplomatique de la France en faveur de la préservation des espèces sauvages menacées

La protection des espèces sauvages menacées passe par la réduction des pressions s’exerçant sur elles. Au niveau international, la COP15 à la Convention sur la diversité biologique (CDB), prévue au printemps à Kunming en Chine, devrait être marquée par l’adoption d’un cadre stratégique mondial pour la biodiversité pour l’après 2020, ainsi que de nouveaux objectifs mondiaux pour la nature et le vivant.

Dans cette optique, avec le plan d’action national biodiversité, adopté le 4 juillet 2018, la France s’est engagée à faire de la biodiversité une priorité environnementale de son réseau diplomatique et à mobiliser en particulier les chefs d’État et de Gouvernement en faveur de la biodiversité.

La France a ainsi fait adopter une charte biodiversité par les chefs d’État et de Gouvernement du G7 pendant sa présidence en 2019 et a accueilli en septembre 2021 le dernier congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Ce Congrès mondial de la nature constitue un moment de débat entre des acteurs très variés qui est destiné à toucher un public très large allant de la société civile aux chefs d’État et de Gouvernement. C’est l’événement portant sur la biodiversité le plus médiatisé au monde. À titre d’illustration, la dernière édition, en 2016, à Hawaï, aux États‑Unis, avait rassemblé environ 10 000 participants. La dernière édition s’est révélée plus modeste compte tenu des restrictions sanitaires mais a constitué une étape majeure de l’agenda 2021 en marquant la mobilisation de tous les acteurs les plus engagés à la veille de la COP15 de la CDB.

La France mène également des actions plus ciblées pour lutter contre la criminalité environnementale. Le précédent ambassadeur délégué à l’environnement présidait notamment une taskforce dédiée au sujet réunissant régulièrement les ministères et organisations publiques concernés. Votre rapporteure appelle de ses vœux la pérennisation d’une telle enceinte mobilisant les différentes administrations œuvrant contre le trafic d’espèces sauvages menacées.

Lors de la COP18 de la CITES, qui s’est tenue en août 2019 à Genève, la France a soutenu des positions en faveur de l’inscription en annexe II de trois sous‑espèces de concombres de mer ainsi que l’adoption de mesures similaires notamment pour les requins‑taupes, les mygales, les girafes et l’interdiction de la capture d’éléphants dans leur milieu naturel pour les envoyer en dehors de leur aire de répartition. La France soutient par ailleurs l’inscription en annexe I de l’intégralité des populations d’éléphants d’Afrique, demande soutenue par une trentaine de pays africains. L’Union européenne qui a un poids déterminant dans cette COP a, sur ce point, une position de réticence.

Par ailleurs notre pays est engagé dans plusieurs plateformes d’action, dont Interpol, l’ONUDC et le Consortium international de lutte contre la criminalité des espèces sauvages (International Consortium on Combating Wildlife Crime – ICCWC en anglais). La France participe également à des coalitions comme le Fonds pour l’éléphant d’Afrique et le Partenariat pour la survie des grands singes.

Au sein de l’ONUDC, la France a soutenu en décembre 2019 une résolution portant sur la corruption liée aux crimes ayant un impact sur l’environnement lors de la conférence des États parties à la Convention.

S’agissant de la biodiversité marine, notre pays défend au sein de la CBI, la clause de sauvegarde, soutient l’application du moratoire de 1986 sur la chasse commerciale de la baleine et s’oppose à la chasse scientifique. Nous sommes aujourd’hui le 5e contributeur de la CBI, avec 62 000 livres sterling de contributions obligatoires et 136 000 livres de contributions volontaires ces cinq dernières années.

La France porte en outre d’autres priorités dans les discussions internationales : le bruit sous‑marin, la question des collisions avec les navires et la question des captures accidentelles sur la façade atlantique dans le cadre d’un groupe de travail.

Votre rapporteure estime que la France devrait s’engager plus fortement en faveur de la promotion des sanctuaires marins qui ont fait preuve de leur efficacité dans le cadre de la préservation de la biodiversité marine. Il existe à ce jour deux sanctuaires désignés par la CBI, un dans l’océan Indien et un autre dans l’océan austral autour de l’Antarctique. Hélas une proposition d’établissement d’un sanctuaire de même type dans l’Atlantique sud se voit rejetée depuis plus d’une décennie car ne parvenant jamais rassembler la majorité des trois quarts. Par ailleurs, comme souligné par MM. Éric Girardin et Meyer Habib dans le rapport d’information sur la problématique des pôles ([95]), il paraît impératif de parvenir à amener la Russie et la Chine à reconsidérer leur position s’agissant des aires marines protégées en Antarctique auxquelles elles s’opposent depuis plusieurs années. Enfin votre rapporteure estime que la question des prises accessoires en mer devrait faire l’objet d’actions urgentes puisque portant fortement atteinte à certaines espèces menacées.

La France a également promu la lutte contre la criminalité environnementale dans le cadre de sa présidence du G7. Les ministres de l’Intérieur se sont ainsi engagés en avril 2019 à Paris à mettre en œuvre 10 priorités dans ce domaine (adaptations législatives et des moyens des forces de l’ordre ; lutte contre le blanchiment associé et les nouveaux modes de trafics associés à cette forme de criminalité ; renforcement la coopération internationale notamment).

Votre rapporteure est attentive à ces engagements et aux résultats concrets qu’ils pourront produire pour améliorer les coopérations, la préservation de la biodiversité ainsi que la lutte contre les trafics d’espèces menacées.

2.   Des actions de terrains engagées en faveur de la préservation des espèces sauvages

a.   Les engagements de l’Agence française de développement en faveur de la biodiversité

i.   L’agence française de développement au service d’une économie pro‑nature

Dans le cadre des mandats de protection des biens publics mondiaux et d’aide au développement, l’Agence française de développement (AFD) met en œuvre entre 12 et 14 milliards de financements dans plus de 110 pays en développement, sous forme de prêts, de dons et de garanties. Conformément aux orientations du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et de ses objectifs stratégiques, l’Agence obéit à un objectif d’alignement à l’accord de Paris pour 100 % de ses actions, tandis que 50 % de ses activités produisent des co‑bénéfices pour la lutte contre le changement climatique. Dans le même temps, l’Agence s’assure que 100 % de ses engagements sont favorables aux liens sociaux et suivent une priorité partenariale et reconnaissent une place importante aux actions avec des partenaires non étatiques.

Concernant la biodiversité, l’Agence a pour stratégie le financement et l’appui au développement d’une économie pro-nature dans laquelle les objectifs sociaux et économiques sont réconciliés avec la planète, en lien étroit avec les objectifs climatiques.

Ainsi, sur le 0,5 milliard de financements annuels de l’AFD en faveur de la biodiversité (2020), un cinquième à un quart est consacré à l’appui à des approches de conservation de la nature articulée au développement local (aires protégées terrestres et marines, financement des fonds de conservation de la nature, appui aux ONG de conservation de la nature), tandis que les trois quarts aux quatre cinquièmes de l’activité concernent des activités sociales et économiques favorables à la biodiversité : agroécologie, gestion durable des forêts et des activités de pêche, assainissement et lutte contre les pollutions, villes vertes, infrastructure vertes dans le cadre de projet d’adaptation aux effets de changement climatique, renforcement des politiques publiques en faveur de la biodiversité.

Ces chiffres et pourcentages d’activité varient d’une année sur l’autre en fonction des demandes des partenaires et fonds disponibles par l’AFD pour ces opérations. Les actions de conservation tendent à s’appuyer sur des dons, tandis que les opérations en faveur d’une économie pro‑nature font majoritairement l’objet de prêts. Les co‑financements, notamment avec l’Union européenne et avec le Fond vert pour le climat jouent un rôle important dans ce secteur.

Enfin, le financement des ONG de conservation, tant françaises qu’internationales, est également une constante à l’AFD, avec près de 10 à 15 millions abondés chaque année auprès de ces partenaires clé pour la conservation de la nature.

En 2020, le conseil d’administration de l’Agence a inscrit un objectif de convergence des agendas climat et biodiversité, afin d’assurer que d’ici 2025, 30 % des financements climat de l’agence seraient directement favorables à la biodiversité, en favorisant notamment les solutions fondées sur la nature.

À noter que le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) contribue également, pour des montants de 10 à 30 millions d’euros de subvention par an, aux objectifs associant conservation de la biodiversité et développement, par des approches innovantes et dans des géographies variées, en accompagnement des actions de l’AFD ou indépendamment.

ii.   La protection des espèces sauvages est prise en charge par l’AFD dans le cadre plus large d’actions de conservation d’espaces naturels et ruraux et de développement local

La protection des espèces sauvages menacées est rarement l’objectif premier des réponses apportées aux partenaires de l’Agence, dans la mesure où le développement local et la conservation plus générale d’écosystèmes stables et productifs sont plus alignés avec le mandat de l’AFD. Cependant, la protection des espèces peut tout de même occuper une partie importante des projets financés par l’Agence. Ainsi, les actions d’appui aux aires protégées, notamment africaines, comme dans le bassin du Congo, en Afrique australe et de l’Ouest, dont le Sahel, disposent le plus souvent d’un important volet de protection des espèces et de lutte contre les pressions et braconnages qui s’exercent sur les grandes espèces emblématiques et menacées, comme l’éléphant.

Dans ces cas, les actions contribuant à une meilleure connaissance des espèces menacées, le renforcement de capacités de suivi des équipes chargées de leur protection (parcs nationaux notamment), le soutien à une gestion comme dans les réserves communautaires (conservancies) intégrant les populations locales et à un partage des bénéfices pouvant être issus d’activités durables comme l’écotourisme, la gestion des conflits entre la faune sauvage et les populations agricoles et pastorales, la planification territoriale au profit de corridors et d’une connectivité suffisante pour la grande faune sont autant d’exemples d’action financée par l’AFD.

iii.   Une action en faveur des espèces menacées centrée sur l’Afrique

Le continent africain concentre la plupart des efforts favorables à la protection des espèces menacées déployés par l’Agence. Ces actions prennent le plus souvent la forme de soutiens techniques et financiers aux aires protégées.

Ainsi, au Kenya, l’AFD conduit depuis le début des années 2000 d’importants partenariats avec le Kenya Wildlife Services, essentiellement sous forme de prêts bonifiés, pour la réhabilitation et la gestion des parcs nationaux qui sont à la fois d’importantes sources de revenus pour le pays et des outils efficaces de conservation de la grande faune.

Au Mozambique, l’AFD apporte notamment un appui technique à la gestion locale des parcs nationaux, à des actions spécifiques de protection, de lutte contre le braconnage et de gestion de la grande faune ou encore à des actions de développement dans ou à la périphérie des aires protégées. L’Agence a ainsi lancé en mai 2017 un projet de 6 millions d’euros visant à lutter contre le braconnage dans le pays.

En Afrique australe, l’AFD, souvent associée au FFEM, appui plusieurs actions favorables à la protection et la gestion durable de la faune par des communautés rurales, comme les réserves communautaires (conservancies) en Namibie.

Dans la zone sahélienne, dans des contextes difficiles pour l’action sur le terrain, l’AFD finance des actions importantes au Tchad pour la bonne gestion des aires protégées avec des objectifs explicites de protection des espèces saharo‑sahéliennes emblématiques de cette région comme l’oryx algazelle et l’addax.

À Madagascar, c’est à la fois à travers l’abondement des instruments nationaux de financement des aires protégées et par des projets locaux de conservation ou de gestion durable des ressources que l’AFD contribue à la préservation du patrimoine naturel exceptionnel et très menacé du pays.

Cette focale africaine de l’AFD est complétée par une importante activité dans le secteur de la biodiversité favorable aux espèces protégées en Asie du Sud-Est et en Asie du Sud, dans le cadre de projets d’appui aux aires protégées. De même, en Amérique du Sud, la biodiversité amazonienne fait l’objet d’une impulsion grandissante de la part de l’AFD. Enfin, les régions océaniques, et notamment l’ouest de l’océan Indien, ainsi que la grande région Pacifique, mobilisent d’importants programmes de l’Agence en faveur de la conservation des écosystèmes terrestres et marins et de leur bonne gestion pour leur permettre de faire face aux effets du dérèglement climatique.

b.   Mobilisation d’autres acteurs français pour la conservation ex situ et in situ des espèces menacées

La conservation de la biodiversité est une des trois missions réglementaires des parcs zoologiques. Le rôle le plus évident des parcs zoologiques dans la conservation ex situ d’espèces menacées est celui de conservatoire génétique. Ces structures jouent donc un rôle essentiel pour la préservation des espèces menacées.

Les zoos hébergent et reproduisent des espèces notamment classées par la liste rouge de l’UICN comme étant vulnérables, menacées, en danger critique d’extinction, voire éteintes dans la nature comme dans les parcs zoologiques français le cerf du Père David, l’oryx dammah, le lion de l’Atlas, la tourterelle de Soccoro, le skiffia dorée et l’escargot partula tohiveana.

La participation des parcs zoologiques à la conservation de la faune locale passe aussi, pour certains, par la création et le soutien de centres de soins de la faune sauvage. La réhabilitation d’animaux ayant des traumatismes physiques ou psychiques fait également partie des actions des structures qui accueillent les animaux saisis pour cause de trafic, de maltraitance, de défaut d’autorisation. Au total, les parcs zoologiques participent au sauvetage de plus d’un millier d’animaux sauvages par an.

Par ailleurs, selon des données transmises à votre rapporteure dans le cadre de ses travaux par les représentants de l’Association française des parcs zoologiques (AFdPZ), les membres de ce regroupement de parcs zoologiques français soutiennent presque 200 programmes de conservation in situ, en France et dans plus de 40 pays et participent ainsi à la protection de la faune sauvage locale et étrangère. Chaque année, plus de 3 millions d’euros sont versés par les parcs zoologiques français à des programmes de conservation in situ et de recherche dans le monde. À l’échelle internationale, les zoos constituent les troisièmes financeurs de la conservation de la nature avec 350 millions de dollars américains, en plus d’apporter expertise, ressources humaine et logistique. Ces programmes, souvent gérés en partenariat avec des ONG locales, intègrent à la fois, la conservation des espèces animales, la protection des habitats mais aussi l’éducation et l’aide au développement des populations locales. Ainsi, les programmes de conservation in situ soutenus financièrement, techniquement ou humainement par les zoos œuvrent pour créer des conditions favorables pour la survie des espèces menacées dans leur milieu naturel en harmonie avec les communautés locales.

Par ailleurs, la crise sanitaire a eu un impact conséquent sur la protection de la nature à l’échelle de la planète avec une baisse significative des financements. En effet, plus de 70 % des actions de conservation prévues pendant cette période ont été annulées ou reportées. Un grand nombre d’acteurs de la conservation dans le monde déclarent que la pandémie de la covid‑19 a affecté leur capacité à travailler, avec pour 58 % d’entre eux des coupes budgétaires ([96]). Selon des données transmises par l’AFdPZ à vos rapporteure, les parcs zoologiques sont pour leur part restés solidaires de leurs partenaires sur le terrain et ont maintenu leur niveau de soutien.

En plus de ces financements directs, les parcs zoologiques apportent des animaux pour des opérations de renforcement de populations ou de réintroduction. Ce type de démarche fait l’objet d’analyses, de suivis, d’études et d’accords préalables stricts car réintroduire des spécimens de la faune sauvage peut s’avérer dangereux tant pour les individus réintroduits que pour la faune locale du pays concerné. Dans le monde, entre 1956 et 2014, les parcs zoologiques ont ainsi participé à 260 programmes de réintroduction de 12 000 animaux de 156 espèces dont le bison d’Europe, l’ibis chauve, l’oryx algazelle, le rhinocéros noir, le langur de java, le gorille des plaines, le grand hamster d’Alsace, la cigogne blanche, les vautours fauves et moines, la tortue cistude, l’outarde canepetière, le condor des Andes, et le tamarin lion doré.

Les parcs zoologiques ont également participé au sauvetage d’espèces déclarées éteintes dans la nature par la liste rouge de l’IUCN, tels que le cheval de Przewalski et l’oryx d’Arabie ou ayant atteint un nombre si faible d’individus que leur disparition dans la nature était programmée, comme le condor de Californie, le pigeon rose de Maurice et le tamarin lion doré.

Saluant l’engagement des parcs zoologiques dans la sauvegarde des espèces menacées in situ et ex situ votre rapporteure souhaite que leur vocation pédagogique puisse être encore plus fortement soutenue par les pouvoirs publics afin d’approfondir la sensibilisation des enfants et des publics aux dangers qui pèsent sur les espèces menacées.

 

Convaincue de l’importance de l’éducation aux enjeux liés à la protection des espèces menacées, elle soutient également une sensibilisation accrue des élèves.

Au lieu d’approcher ces problématiques de façon transversale à l’occasion d’autres enseignements, elle souhaite que ces enjeux puissent faire l’objet d’un temps d’enseignement dédié comme cela est le cas dans certains territoires, à l’initiative de collectivités locales ou d’associations, en partenariat avec l’Éducation nationale.


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

 

Au cours de sa séance du mercredi 16 février 2022 après-midi, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/uF317I

 

La commission autorise le dépôt du rapport d’information sur la protection des espèces menacées en vue de sa publication.

 


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   annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteure

    Mme Aurore Morin, chargée de campagnes France Fonds international pour la protection des animaux (International Fund for Animal Welfare – IFAW) ;

    Mme Alexandra Morette, présidente de Code animal ;

    M. Ludovic Lefevre, représentant de Sea Shepherd France ;

    Mme Julie Lasne, représentante en France de l’association internationale CACH (Campaign Against Canned Hunting) ;

    M. Stéphane Ringuet, responsable du programme « commerce des espèces sauvages » pour le Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund – WWF) ;

    Mme Ilaria Di Silvestre, Responsable du programme « Faune et flore sauvage » de l’association Eurogroup for Animals;

    Mme Tamara Guelton, responsable « services protection animale » de la Société protectrice des animaux (SPA) ;

    Mme Christelle Sollier, responsable « cellule anti trafic » de la Société protectrice des animaux (SPA) ;

    M. Arnauld Lhomme, responsable des enquêtes de l’association 30 millions d’amis ;

    Mme Laure Ieltsch, présidente de la Société nationale pour la défense des animaux (SNDA) ;

    Mme Nicole Sugier, administratrice de la Société nationale pour la défense des animaux (SNDA).

    M. Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ;

    M. Florian Kirchner, chargé de programme « espèces » de l’UICN.

    Mme. Charlotte Cheynard, responsable affaires institutionnelles France et Union européenne d’Ebay ;

    M. Thibault Guiroy, responsable des relations institutionnelles pour Google France ;

    Mme Élisabeth Bargès, responsable des relations institutionnelles pour Google France ;

    Mme Elisa Borry-Estrade, responsable des politiques publiques pour Facebook.

    M. Henri Fournel, coordinateur « trafic faune sauvage » au sein d’Interpol ;

    M. Gil Lorenzo, sous-directeur affaires juridiques et lutte contre la fraude de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

    M. Yann Wehrling, ambassadeur délégué à l’environnement, chef de la délégation française à la COP18 de la CITES (août 2019) et à la COP13 de la convention internationale sur les espèces migratrices (février 2020).

    M. Franck Courchamp, écologue, directeur de recherche au CNRS ;

    M. Rodolphe Delord, président de l’association française des parcs zoologiques (AFdPZ) ;

    Mme Céline Erny, directrice de l’AFdPZ et trésorière adjointe du comité français de l’UICN ;

    M. François Gay, directeur du bioparc de Doué la Fontaine et du zoo des Sables.

    M. John Migui Waweru, brigadier général et directeur général du Kenya Wildlife Service (KWS) et ses équipes ;

    M. Tom Lalampaa, directeur exécutif du Northern Rangelands Trust (NRT) et ses équipes ;

    M. Mathieu Guerin, adjoint au conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France au Kenya ;

    M. Bertrand Willocquet, directeur de l’Agence française de développement (AFD) ;

    Mme Nyokabi Gitahi, chargée de mission AFD ;

    M. Dominique Dumet, représentant de l’Institut de recherche pour le développement en Afrique de l’Est ;

    Mme Juliana Prosperi, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche ;

    M. Clément Payeur, représentant permanent adjoint de la France auprès des Nations unies à Nairobi ;

    Mme Susan Gardner du Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) ;

    Mme Doreen Robinson du PNUE ;

    M. Dixon Waruinge, coordinateur de la Convention de Nairobi ;

    Dr Johannes Refish, coordinateur du programme Great Apes Survival Partnership (Projet pour la survie des grands singes) ;

    M. Jeff Worden, représentant WWF international, bureau régional pour l’Afrique ;

    Réunion avec des députés de la commission départementale de l’environnement et des ressources naturelles de l’Assemblée nationale.

 


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   Annexe n° 2 : liste des contributions Écrites reçues par lA rapporteurE

-          Contribution écrite du ministère de l’Intérieur ;

-          Contribution écrite de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) de la fendarmerie nationale ;

-          Contribution écrite de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation ;

-          Contribution écrite de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice ;

-          Contribution écrite de Tracfin, service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance ;

-          Contribution écrite de l’Agence française de développement (AFD) et du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) ;

-          Contributions écrites de la direction du développement durable du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et des ambassades de France situées dans les pays suivants : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Botswana, République du Congo, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Kenya, Lesotho, Mali, Mozambique, Namibie, Niger, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe ;

-          Contribution écrite de l’entreprise Le Bon coin ;

-          Contribution écrite de M. Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, responsable de l’Institut de systématique, biodiversité, évolution au Muséum national d’histoire naturelle.

 

 


([1]) Union internationale pour la conservation de la nature.

([2])  Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

([3]) Acronyme anglais de Secure « Information Exchange Network Application » (réseau d’échange d’informations sécurisé).

([4]) Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

([5]) Servicio de protección de la naturaleza (Service de protection de la nature).

([6]) Ministères de l’intérieur, de la justice, de la transition écologique mais également des solidarités et de la santé, de l’action et des comptes publics et enfin de l’agriculture et de l’alimentation.

([7])  Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, plus connue sous l’acronyme anglais FAO pour Food and Agriculture Organization of the United Nations.

([8]) Organisation mondiale de la santé animale, anciennement connue sous le nom d’Office international des épizooties (OIE).

([9]) Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des écosystèmes, https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([10]) Clémentine Thiberge, Les grands animaux marins menacés d’extinction par l’homme, Le Monde, 14 septembre 2016 https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/14/les-grands-animaux-marins-sont-plus-menaces-que-les-petits-par-la-surpeche_4997772_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([11]) Ibid.

([12]) Perrine Mouterde, Les éléphants d’Afrique sont officiellement menacés d’extinction, Le Monde, 25 mars 2021, https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/25/les-elephants-d-afrique-menaces-d-extinction-en-raison-du-braconnage-et-de-la-disparition-de-leurs-habitats_6074437_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([13])  Gerardo Ceballos, Paul R. Ehrlich, and Rodolfo Dirzo, Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines, PNAS, 25 juillet 2017, https://www.pnas.org/content/114/30/E6089 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([14]) Extinction des espèces : est-il encore temps d’agir ?, Le Monde, 6 mai 2019, https://www.lemonde.fr/planete/live/2019/05/06/extinction-des-especes-est-il-encore-temps-d-agir_5458881_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([15]) Audrey Garric, La sixième extinction de masse des animaux s’accélère, Le Monde, 10 juillet 2017 https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/07/10/la-sixieme-extinction-de-masse-des-animaux-s-accelere-de-maniere-dramatique_5158718_1652692.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([16]) Loc. cit. https://www.lemonde.fr/planete/live/2019/05/06/extinction-des-especes-est-il-encore-temps-d-agir_5458881_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([17]) Ibid.

([18])  Interpol, PNUE, The environmental crime crisis : threats to sustainable development from illegal exploitation and trade in wildlife and forest resources, https://www.cbd.int/financial/monterreytradetech/unep-illegaltrade.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([19]) Office des Nations unies contre les drogues et le crime, World Wildlife Crime ReportTrafficking in protected species, https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/wildlife/World_Wildlife_Crime_Report_2016_final.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([20]) Ibid.

([21]) La COP15 pourrait être reportée à juin ou juillet 2022.

([22]) Franck Courchamp, La « cathédrale du vivant » brûle aussi, pourquoi ne faisons-nous rien ?, The conversation, 18 avril 2019 https://theconversation.com/la-cathedrale-du-vivant-brule-aussi-pourquoi-ne-faisons-nous-rien-115723 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([23]) UICN, https://www.iucnredlist.org/species/22690059/93259513, (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([24])  UICN, https://www.iucnredlist.org/species/21866/21949291 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([25]) Liste rouge mondiale des espèces menacées de l’UICN, https://uicn.fr/liste-rouge-mondiale (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([26]) F. Courchamp F., I. Jaric., C. Albert., Y. Meinard, W.J. Ripple, G. Chapron, synthèse d’Hélène Soubelet, L’extinction paradoxale des espèces les plus charismatiques, Fondation pour la recherche sur la biodiversité, https://www.fondationbiodiversite.fr/extinction-paradoxale-especes-charismatiques (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([27]) University of California, Los Angeles.

([28])  WWF, Rhinocéros Des cornes à prix d’or, https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/rhinoceros (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([29]) Loc. cit., F. Courchamp F., I. Jaric., C. Albert., Y. Meinard, W.J. Ripple, G. Chapron, synthèse d’Hélène Soubelet, https://www.fondationbiodiversite.fr/extinction-paradoxale-especes-charismatiques (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([30]) IUCN save our species, https://iucnsos.org (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([31]) Ce partenariat a été initié en 2001 sous l’égide du PNUE et de l’UNESCO.

([32]) Loc. cit., IPBES, https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([33]) Ibid.

([34]) Ibid.

([35]) Ibid.

([36]) Variations des phénomènes périodiques de la vie animale et végétale, en fonction du climat.

([37]) Ibid.

([38]) Ibid.

([39]) Ibid.

([40]) Ibid.

([41]) Ibid.

([42]) Ibid.

([43]) Ibid.

([44]) Stéphane Foucart, Sept questions-clés sur l’origine de la pandémie de covid-19, Le Monde, 7 juin 2021, https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/07/sept-questions-cles-sur-l-origine-du-sars-cov-2_6083149_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([45]) Son origine a reculé dans le temps, suite à des études d’évolution moléculaire.

([46]) Loc. cit., Extinction des espèces : est-il encore temps d’agir ?, Le Monde, 6 mai 2019, https://www.lemonde.fr/planete/live/2019/05/06/extinction-des-especes-est-il-encore-temps-d-agir_5458881_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([47]) FRB, Mobilisation de la FRB par les pouvoirs publics français sur les liens entre covid-19 et biodiversité, mai 2020 https://www.fondationbiodiversite.fr/mobilisation-de-la-frb-par-les-pouvoirs-publics-francais-sur-les-liens-entre-covid-19-et-biodiversite/ (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([48])  Loc. cit., ONUDC, World Wildlife Crime Report Trafficking in protected species, https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/wildlife/World_Wildlife_Crime_Report_2016_final.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([49])  Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, plus connue sous l’acronyme anglais FAO pour Food and Agriculture Organization of the United Nations.

([50])  Organisation mondiale de la santé animale, anciennement connue sous le nom d’Office international des épizooties (OIE).

([51]) OCDE, Illegal Trade in Environmentally Sensitive Goods, 2012, https://www.oecd.org/env/illegal-trade-in-environmentally-sensitive-goods-9789264174238-en.htm (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([52]) Loc. cit. Interpol, PNUE, The environmental crime crisis: threats to sustainable development from illegal exploitation and trade in wildlife and forest resources, https://www.cbd.int/financial/monterreytradetech/unep-illegaltrade.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([53]) OCDE, Cadres de gouvernance pour lutter contre le commerce illicite, 2018 https://read.oecd-ilibrary.org/governance/governance-frameworks-to-counter-illicit-trade_9789264291652-en#page1 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([54]) Banque mondiale ; Illegal logging fishing and wildlife trade the costs and how to combat it, 2019, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/32806 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([55]) Loc. cit., ONUDC, World Wildlife Crime Report Trafficking in protected species, https://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/wildlife/World_Wildlife_Crime_Report_2016_final.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([56])  Ibid.

([57]) Ibid.

([58]) Ibid.

([59]) Ibid.

([60]) CITES, Decision-Making Mechanisms and Necessary Conditions for a. Future Trade in African Elephant ivory, 2012, https://cites.org/sites/default/files/eng/com/sc/62/E62-46-04-A.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([61])  Le KWS représente le principal acteur de la conservation kenyane. Il est responsable de la préservation de la faune et de la sécurité tant des animaux que des hommes (prévention des conflits homme-faune sauvage) sur l’ensemble du territoire kenyan. Néanmoins, avec 65 % de la faune évoluant en-dehors des réserves et parcs nationaux, il est en pratique impossible pour cette agence publique de remplir intégralement son mandat.

([62])  Peter A. Lindsey et al., More than $1 billion needed annually to secure Africa’s protected areas with lions (2018), PNAS https://www.pnas.org/content/115/45/E10788.short (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([63])  Les cinq grands mammifères africains que sont le lion d’Afrique, le léopard d’Afrique, l’éléphant d’Afrique, le rhinocéros noir et le buffle d’Afrique.

([64])  Lucy Olivia Smith et Lucas Porsch, The Costs of Illegal Wildlife Trade : Elephant and Rhino, 2015, EFFACE, https://www.ecologic.eu/sites/default/files/publication/2016/efface_d3.2c_-_quantitative_and_monetary_analysis_of_elephant_and_rhino_hunting.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([65]) Eli Knapp, En Tanzanie, la fin du braconnage n’est pas pour demain, Le Monde, 10 juillet 2018, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/07/10/en-tanzanie-la-fin-du-braconnage-n-est-pas-pour-demain_5329135_3212.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

 

([66])  https://enactafrica.org/research/trend-reports/tanzanias-anti-poaching-success-offers-valuable-lessons-for-other-african-countries

([67]) Jean-François Le Coq, Philippe Méral, Géraldine Froger, Colas Chervier, Les paiements pour services environnementaux ou écosytémiques, 2016, Éditions Quæ.

([68])  En Afrique, la chasse aux trophées pourrait bien avoir de bons côtés, mardi 1er juin 2021, Courrier International.

([69]) Ibid.

([70]) Afrique du Sud, Botswana, Eswatini, Mozambique, Namibie, République démocratie du Congo, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe.

([71]) La question du bruit sous-marin mérite d’être signalée. C’est une menace qui a été récemment prise en considération mais qui se trouve de plus en plus confirmée par des études scientifiques récentes. Il existe deux grandes catégories de bruits : des bruits très puissants et potentiellement létaux, tels que ceux générés par des opérations militaires de prospection sismique, et des bruits ambiants perturbants, liés aux armateurs et aux transporteurs.

([72]) Liste des Parties à la CDB, https://www.cbd.int/information/parties.shtml (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([73]) Texte du Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques https://www.cbd.int/doc/legal/cartagena-protocol-fr.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([74])  Texte du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation https://www.cbd.int/abs/doc/protocol/nagoya-protocol-fr.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([75]) Perrine Mouterde, Biodiversité : les Nations unies appellent à « une ambition beaucoup plus grande », Le Monde, 15 septembre 2020 https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/15/biodiversite-les-nations-unies-appellent-a-une-ambition-beaucoup-plus-grande_6052283_3244.html (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([76]) Ibid.

([77]) Ibid

([78]) Ibid.

([79]) 5e édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique https://www.cbd.int/gbo/gbo5/publication/gbo-5-fr.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([80])  Emmanuelle Bastide ,Le trafic d’animaux sauvages, RFI, 25 janvier 2021, https://www.rfi.fr/fr/podcasts/7-milliards-de-voisins/20210125-le-trafic-d-animaux-sauvages (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([81]) Règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 09/12/96 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:31997R0338&from=LV (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([82]) Article 215 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020628002/ (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([83]) Article 38 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032045020/ (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([84]) Article 423 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006616043/ (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([85])  Article 426 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042779952 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([86])  Article 428 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006615956 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([87])  Article 428 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000025560129  (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([88])  Article 215 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020628002/ (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([89])  Article 419 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024243927  (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([90]) Article 414 du code des douanes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033815388 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([91]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b1304-tv_rapport-avis#  

([92])  Décret n°2004-612 du 24 juin 2004 portant création d’un Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801169  (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([93]) Article 706-73-1 du code de procédure pénale https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039183234 (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([94])  Servicio de protección de la naturaleza.

([95])  Éric Girardin et Meyer Habib, La France et l’Union européenne face aux nouveaux enjeux géostratégiques et environnementaux des pôles, rapport d’information de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, 14 avril 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b4082_rapport-information# (page consultée en ligne le 31 août 2021).

([96]) The Mohamed bin Zayed Species Conservation Fund, The Impact of the COVID-19 Pandemic on Conservation Activities Worldwide, 2020 https://www.speciesconservation.org/media/mbz-species-conservation-fund-70.pdf (page consultée en ligne le 31 août 2021).