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N° 5108

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information

sur les mécanismes de détaxe en matière de TVA

 

M. Mohamed LAQHILA,
Rapporteur

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. La dÉtaxe de tva est un dispositif d’exonÉration fiscale au bÉnÉfice des touristes internationaux, qui constitue un ÉlÉment de dynamisme de la dÉpense touristique intÉrieure

A. dÉfinition et fonctionnement de la dÉtaxe

1. Fondements juridiques des opérations de détaxe

2. Le parcours de détaxe

3. Les modèles de détaxe

B. la dÉtaxe constitue une opportunitÉ pour notre commerce et notre tourisme

II. La dÉtaxe de tva a connu des Évolutions rÉcentes qui favorisent son dÉveloppement, sans rÉpondre À l’ensemble des failles relevÉes par les acteurs impliquÉs

A. Des Évolutions rÉcentes favorables au dÉveloppement de la dÉtaxe touristique

1. L’introduction d’une procédure d’agrément des opérateurs de détaxe afin de sécuriser les procédures de détaxe de TVA

2. L’adoption de mesures réglementaires permettant de faciliter le recours à la détaxe touristique

3. L’amélioration des supports informatiques et techniques de la détaxe pour fluidifier la procédure

B. Des failles persistantes dans la procÉdure de dÉtaxe touristique

1. La détaxe de TVA constitue une charge administrative et financière pour les commerçants français, qui les dissuade de proposer ce dispositif à leurs clients

2. La complexité du parcours de la détaxe de TVA décourage également les touristes internationaux

3. Les évolutions récentes du dispositif de détaxe de TVA n’ont pas suffisamment pris en considération les risques importants de fraude fiscale

III. les propositions du rapporteur

A. amÉliorer l’Information des commerçants et des touristes sur la dÉtaxe

B. Poursuivre l’allÉgement de la procÉdure et Fluidifier le parcours de dÉtaxe

C. Renforcer les contrÔles sur les opÉrateurs et sur les voyageurs

D. Faire Évoluer le dispositif de dÉtaxe de TVA

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES entendues par le rapporteur

Liste des recommandations

Recommandation n° 1. Mettre en place des campagnes d’information à destination des commerçants au sujet de la vente en détaxe de TVA par l’intermédiaire des services douaniers, des chambres de commerce et d’industrie et des réseaux de commerçants.

Recommandation n° 2. Les acteurs de la détaxe, opérateurs comme commerçants, doivent élaborer des campagnes d’information relatives à la procédure de détaxe de TVA en France à destination des touristes résidant hors de l’UE via divers supports (affiches dans les aéroports, publicité sur les réseaux sociaux, partenariats avec les agences de voyages, etc.).

Recommandation n° 3. Le ministère chargé du tourisme doit assurer la promotion de la « Destination France » auprès des touristes internationaux en tant que destination privilégiée pour l’achat de biens et de marchandises, au-delà de son intérêt patrimonial.

Recommandation n° 4. Achever la mise en œuvre du « Plan détaxe » en procédant au relèvement du plafond de remboursement en espèces dans le cadre de la détaxe de TVA.

Recommandation n° 5. Supprimer le seuil minimal d’achat afin de favoriser le recours à la détaxe.

Recommandation n° 6. Implanter des bornes PABLO dans les « zones blanches » qui demeurent (aéroport de Beauvais, Les Verrières à la frontière suisse, Gare de Lyon).

Recommandation n° 7. Moderniser les bornes PABLO en prévoyant la possibilité, pour le voyageur, de scanner son passeport pour rapatrier l’ensemble des bordereaux de détaxe émis et ainsi les valider en une seule opération.

Recommandation n° 8. Réfléchir à des solutions de validation mobile des bordereaux de détaxe aux points de sortie du territoire les plus fréquentés par les voyageurs internationaux.

Recommandation n° 9. Renforcer l’encadrement de l’activité d’opérateur de détaxe par le biais des vérifications effectuées au cours de la procédure d’agrément.

Recommandation n° 10. Effectuer des contrôles sur l’activité des opérateurs de détaxe pendant la durée de validité de l’agrément.

Recommandation n° 11. Intégrer dans les mentions obligatoires du bordereau de vente à l’exportation l’identité du vendeur initial de la marchandise ainsi qu’une référence de vente afin de prévenir l’usage répété d’une même preuve d’achat dans le but d’obtenir des remboursements indus de TVA.

Recommandation n° 12. Réfléchir à l’élaboration d’un système de contrôle de la présence de la marchandise dans les bagages personnels du voyageur au moment de la délivrance du visa douanier (utilisation de puces électroniques, lecture du code-barres des produits, etc.).

Recommandation n° 13. Réaliser une étude économique relative à l’impact de la détaxe de TVA sur la consommation touristique et évaluer l’influence des évolutions réglementaires et techniques déjà mises en œuvre sur le recours à la détaxe de TVA par les touristes internationaux.

Recommandation n° 14. La France doit activement participer aux discussions engagées par la Commission européenne au sujet de l’harmonisation des dispositifs de détaxe de la TVA afin de favoriser l’élaboration d’un système européen interopérable.

Recommandation n° 15. Développer une application étatique à destination des touristes internationaux pour permettre leur remboursement direct par l’administration.

 

   INTRODUCTION

La détaxe de TVA est un dispositif d’exonération prévu par le droit européen en faveur des personnes résidant en dehors de l’Union européenne (UE) et effectuant des séjours courts au sein de l’UE. Elle leur permet de bénéficier, à certaines conditions, d’un remboursement de la TVA qu’ils ont acquittée sur leurs achats effectués au sein de cette dernière.

Cette exonération découle du fait que ces achats sont assimilés à des exportations, c’est-à-dire à des livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de l’UE.

La détaxe est prévue par le droit européen, et s’applique, en conséquence, dans tous les États membres de l’UE. Cependant, seuls le principe de la détaxe et ses modalités générales de fonctionnement sont communs à tous les États membres. Ces derniers disposent d’une certaine liberté dans la mise en œuvre de ce mécanisme, en particulier concernant le seuil à partir duquel il peut être enclenché, et les modalités de remboursement.

Les achats détaxés représentaient en 2019, pour la France, un montant de presque 7 milliards d’euros toutes taxes comprises (TTC). La crise sanitaire liée au Covid-19 a depuis, bien entendu, considérablement restreint les séjours touristiques à l’échelle mondiale, et, corrélativement, la dépense touristique.

Pour les États membres, la détaxe représente une opportunité de favoriser la dépense par les touristes au cours de leur séjour. Elle est un facteur d’attractivité pour les séjours touristiques motivés par le souhait de réaliser des achats, et constitue, dans certaines zones, un enjeu essentiel pour les commerçants.

Le souhait de réaliser une étude approfondie sur ce sujet tient à plusieurs constats :

– Tout d’abord, la crise sanitaire a eu des effets particulièrement négatifs pour le tourisme et les commerces qui lui sont liés. C’est ainsi que les recettes tirées du tourisme international en France ont diminué de moitié en 2020, pour atteindre 28,5 milliards d’euros, alors qu’elles affichaient une croissance régulière depuis plusieurs années ([1]) . La relance de ces secteurs est donc urgente, et la détaxe apparaît comme un levier ;

– Ensuite, la sortie du Royaume-Uni de l’UE a changé la donne pour la France, puisqu’elle permet aux Britanniques de faire des achats en détaxe en France, et qu’elle pourrait renforcer l’attrait du commerce parisien pour certaines clientèles étrangères. Il y a là une opportunité pour notre commerce qu’il s’agit de saisir pleinement, en s’assurant que le fonctionnement de la détaxe en France permettra effectivement de capter ces nouveaux flux ;

– Au-delà de ces événements exceptionnels, la détaxe demeure un mécanisme sous-utilisé par rapport à son potentiel. Dans la pratique, seules certaines catégories de commerçants, situés dans des zones bien délimitées, proposent de bénéficier de la détaxe. Les touristes eux-mêmes ne sont pas tous informés de l’existence de ce dispositif, quand ils ne sont pas découragés d’y recourir par la relative complexité des procédures ou la barrière de la langue.

La détaxe recèle donc un important gisement de dynamisme pour notre tourisme et notre commerce. Le désir de le voir être pleinement exploité, en contribuant à l’attractivité de la destination France, justifiait une mission spécifique sur ce sujet.

Le rapporteur a procédé à une dizaine d’auditions, qui lui ont permis d’entendre l’ensemble des acteurs de la détaxe : l’administration fiscale et celle des douanes bien sûr, les administrations chargées du tourisme, les organisations représentatives des entreprises, un représentant des chambres de commerce et d’industrie, mais aussi des entreprises assurant des services de détaxe, qui jouent en pratique un rôle essentiel dans le fonctionnement de ce dispositif.

Le rapporteur salue l’esprit de disponibilité et de transparence qui a animé ces échanges, ainsi que la qualité des réponses écrites qui lui ont été fournies à la suite des auditions. Il souhaite que les constats qui ont nourri ce rapport et les propositions qui en découlent permettent de lancer un débat sur le fonctionnement de la détaxe, en particulier en vue de sa rediscussion au niveau européen, qui doit avoir lieu au cours de l’année 2023. La présidence française de l’Union européenne, qui se tient ce semestre, constitue une bonne occasion de planter les germes d’une réforme qui soit favorable au tourisme en France et à notre commerce.

Le présent rapport rappelle les contours du mécanisme de la détaxe, en soulignant qu’elle constitue un facteur d’attractivité de la destination France et un élément de dynamisme de la dépense touristique, ainsi que les modifications dont elle a fait récemment l’objet. Il relève également les insuffisances qui demeurent, et trace des pistes de réforme afin de favoriser la pleine utilisation de la détaxe au service de notre tourisme et de notre commerce.

 


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I.   La dÉtaxe de tva est un dispositif d’exonÉration fiscale au bÉnÉfice des touristes internationaux, qui constitue un ÉlÉment de dynamisme de la dÉpense touristique intÉrieure

A.   dÉfinition et fonctionnement de la dÉtaxe

1.   Fondements juridiques des opérations de détaxe

La détaxe de TVA trouve sa source dans le droit européen, et plus particulièrement dans les articles 146 et 147 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA ». Ces articles concernent les exonérations à l’exportation.

L’article 146 dispose que les États membres exonèrent « les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté » ([2]). L’article 147 précise que dans le cas où une telle livraison « porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont réunies :

– le voyageur n’est pas établi dans la Communauté ;

– les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;

– la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 euros ».

Toutefois, les États membres peuvent exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure au seuil de 175 euros.

Les voyageurs concernés sont ceux dont le domicile ou la résidence habituelle n’est pas situé dans la Communauté. Pour les besoins du mécanisme de la détaxe, ce lieu est celui mentionné comme tel sur le passeport, la carte d’identité ou tout autre document reconnu comme valant pièce d’identité par l’État membre sur le territoire duquel la livraison est effectuée.

La directive prévoit, enfin, que la preuve de l’exportation doit être apportée au moyen de la facture, ou d’une pièce justificative en tenant lieu, revêtue du visa du bureau de douane de sortie de la Communauté.

 

 

Ces dispositions sont transposées à l’article 262 du code général des impôts. Cet article précise également que certaines livraisons sont exclues du bénéfice de la détaxe ([3]), et que la valeur globale minimale de la livraison permettant de bénéficier de la détaxe est fixée par arrêté du ministre chargé du budget.

Cette valeur a été modifiée à compter du 1er janvier 2021 ([4]). Depuis cette date, l’exonération porte sur des biens acquis dans un magasin, ou acquis dans un délai de trois jours calendaires dans plusieurs magasins disséminés dans une même ville et identifiés sous le même numéro de TVA intracommunautaire, dont la valeur globale, TVA comprise, excède 100 euros ([5]).

Le CGI prévoit encore que la preuve de l’exportation est apportée au moyen d’un bordereau de vente à l’exportation (BVE) dûment visé par le service douanier de sortie de l’UE ([6]). Ce document est délivré le jour de la transaction par le vendeur au voyageur éligible à la procédure et muni de son passeport ([7]).

Enfin, une circulaire du ministre chargé des comptes publics, publiée au Bulletin officiel des douanes, encadre de manière détaillée la procédure de détaxe. La circulaire en vigueur depuis le 1er janvier 2022 a été publiée le 10 décembre 2021 ([8]). Le Bulletin officiel des finances publiques contient également certaines précisions ([9]).

Ces textes prévoient notamment les règles suivantes :

– le touriste doit effectuer, au sein de l’UE, un séjour de moins de six mois, et être âgé d’au moins 16 ans ;

– les achats doivent être effectués à des fins strictement personnelles, à l’exclusion de toute fin commerciale ;

– le paiement ne peut être réalisé que par l’acheteur, c’est-à-dire la personne qui bénéficiera du remboursement ;

– les marchandises achetées en détaxe ne doivent pas être utilisées ou consommées, en tout ou partie, avant la sortie effective du territoire de l’UE, sous peine d’annulation de la totalité du bordereau concerné ;

– certaines marchandises, tels que les tabacs manufacturés, les matériels de guerre et les biens à double usage ([10]), sont exclues du bénéfice de la détaxe ;

– certaines catégories de personnes ne peuvent pas non plus en bénéficier, à savoir les membres des missions diplomatiques et consulaires et ceux des organismes internationaux en poste en France ou dans l’UE, le personnel des entreprises de transport à l’occasion d’un déplacement effectué dans le cadre de leur activité professionnelle, ou encore les étudiants et stagiaires qui séjournent en France ou dans l’UE plus de six mois par an.

Ce cadre juridique étant posé, comment se déroule la procédure de détaxe pour le touriste ?

2.   Le parcours de détaxe

Pour obtenir la détaxe de ses achats, le touriste doit suivre un certain nombre d’étapes visant à garantir qu’il est effectivement autorisé à bénéficier de ce dispositif et que les marchandises sont bien transportées en dehors de l’UE. La relative complexité de ces opérations justifie depuis longtemps l’intervention d’entreprises spécialisées dénommées « opérateurs de détaxe », qui prennent en charge certaines d’entre elles en échange d’une commission. Le recours à de tels opérateurs n’est, cependant, pas obligatoire, et certains commerçants choisissent de s’en passer. En outre, de nouveaux opérateurs, dont l’offre repose sur une digitalisation accrue du parcours de détaxe, ont fait leur entrée sur ce marché au cours des années récentes.

Chaque commerçant choisit s’il souhaite ou non faire bénéficier ses clients de la procédure de détaxe. Il peut toujours choisir de vendre aux conditions normales, soit, selon les termes de la circulaire, « aux conditions du marché intérieur » ([11]).

Le parcours de détaxe se présente de la manière suivante. Le client réalise ses achats et doit indiquer, au moment du règlement, qu’il souhaite bénéficier de la détaxe. Le commerçant doit alors vérifier qu’il en remplit les conditions, en particulier le statut de non-résident, en contrôlant l’original de sa pièce d’identité. Il doit également informer l’acheteur du déroulement de la procédure, du montant de la TVA sur les achats, et du montant net qui lui sera remboursé une fois les frais de gestion déduits.

De plus, le client doit recevoir le bordereau de vente à l’exportation – BVE – évoqué supra. Ce bordereau est, en pratique, édité par voie informatique dans le cadre d’un téléservice ([12]), sauf dans le cas où il est recouru à la procédure de secours. Le BVE doit comporter des informations sur l’acheteur (son identité, son pays de résidence et son numéro de passeport), sur le magasin détaillant (son nom complet, son adresse et son numéro de TVA intracommunautaire), sur l’opérateur de détaxe et sur les marchandises achetées. Il précise le taux et le montant de la TVA applicable par marchandise. Il doit être signé par le vendeur et l’acheteur. Ce bordereau peut être remis au client au moment de l’achat ou, au plus tard, à la fin du troisième jour consécutif à compter du premier jour d’achat ([13]). Il est accompagné d’une notice explicative en dix langues sur les conditions d’octroi de la détaxe.

La production d’un ticket de caisse comme preuve d’achat n’est pas considérée comme suffisante par l’administration. En effet, celle-ci ne comporte aucune information sur l’identité de l’acheteur.

Jusqu’au 1er janvier 2022, le bordereau devait obligatoirement être remis à l’acheteur sous format papier. Depuis cette date, il peut lui être remis sous une forme dématérialisée.

Outre la remise du bordereau au client, les données qu’il contient sont transmises instantanément, par voie électronique, à la base de données de la douane, selon des spécifications techniques publiées par l’administration.

En cas de dysfonctionnement informatique, une procédure de secours est prévue ([14]) : le bordereau doit alors être établi sur un formulaire CERFA et transmis par courriel à la direction des douanes.

Lorsqu’il quitte le territoire français, l’acheteur doit valider son bordereau via une borne située à un point de sortie du territoire, dite « borne PABLO » ([15]). En effet, la vente n’est définitivement exonérée de TVA que lorsque le vendeur a reçu la confirmation que le bordereau a obtenu le visa douanier électronique. Les bornes PABLO permettent de vérifier de manière rapide la sortie des marchandises du territoire français. Elles sont situées aux principaux points de sortie du territoire, soit dans les ports, aéroports et gares, et à certains points de sortie routiers. Elles permettent, via la lecture optique du code-barres figurant sur le bordereau de vente, de valider la sortie des marchandises du territoire de l’UE. Lors du passage à la borne, les données émises au moment de l’achat sont croisées avec celles enregistrées sur le bordereau. En l’absence d’anomalie, et si le voyageur ne fait pas partie de certaines personnes faisant l’objet d’une vigilance particulière, la borne délivre le visa douanier électronique au touriste. Une impulsion est alors envoyée au commerçant ou à l’opérateur afin de lui indiquer qu’il peut faire bénéficier son client de la détaxe, ce qui déclenche le remboursement ([16]).

En l’absence de borne PABLO, ou en cas de problème technique, le touriste doit se présenter directement au guichet douanier muni de son bordereau en version papier. En l’absence de service douanier, il devra procéder à une demande de régularisation a posteriori, auprès du bureau douanier de son pays de destination.

Le recours à un bordereau papier est également nécessaire pour les touristes qui visitent, après la France, un autre pays de l’UE. En effet, les autres États membres ne sont pas tous dotés d’un système numérique comparable au système français PABLO et, lorsqu’ils le sont, leurs systèmes ne sont pas interopérables avec le nôtre. Le touriste doit alors présenter son bordereau français au format papier à un point de sortie du territoire de l’UE situé dans un autre État membre, ce qui est un important facteur de complexité.

Le remboursement du touriste peut être effectué sous différentes formes : par carte bancaire, par virement, en espèces, par chèque, ou encore sous la forme d’un paiement en ligne, sur un compte Paypal par exemple. Une détaxe anticipée, c’est-à-dire accordée à l’acheteur avant que l’ensemble des conditions de la détaxe, notamment la sortie des marchandises du territoire de l’UE, ne soient réalisées, est également possible. L’opérateur prend alors le risque que le touriste ne sorte pas de l’Union européenne. Ce risque est généralement couvert par une garantie prise sur la carte bancaire de l’acheteur. En 2021, 57 % des BVE ont donné lieu à un remboursement par carte bancaire, et 31 % à un remboursement en espèces. Par ailleurs, la détaxe n’a été accordée de manière anticipée que pour 2 % des BVE.

3.   Les modèles de détaxe

Dans la pratique, trois modèles de détaxe coexistent.

Le premier, le plus simple, consiste pour le commerçant à pratiquer lui-même la détaxe, sans l’intermédiaire d’un opérateur. Il doit alors recourir à une interface fournie par l’administration des douanes et dénommée « PABLO Indépendants » ou « PABLO-I ». Un identifiant est attribué au commerçant, et sa moralité fiscale est vérifiée. Le commerçant a la possibilité d’attribuer directement la détaxe lors de l’achat, ou bien d’attendre la validation, par le touriste, de sa sortie du territoire à une borne PABLO pour déclencher le remboursement de la taxe. Les commerçants qui attribuent la détaxe lors de l’achat prennent en général une garantie sous la forme d’une pré-autorisation sur la carte bleue du client, afin de se prémunir de tout rejet du bordereau.

Cette solution demeure minoritaire ; elle ne représentait que 7 à 8 % des bordereaux émis en 2019. En effet, pour des raisons pratiques, la plupart des commerçants préfèrent recourir aux services d’une entreprise spécialisée dite « opérateur de détaxe ».

Les prestations de ces opérateurs de détaxe se présentent, quant à elles, sous deux formes.

Le premier schéma est celui suivi par les opérateurs « historiques » de détaxe. Il consiste, pour le commerçant, à exonérer la vente dès sa conclusion, l’opérateur de détaxe se chargeant de gérer, pour le compte du commerçant, les obligations liées à la détaxe, en particulier la justification de la réunion des conditions du bénéfice de l’exonération. Dans ce schéma, l’opérateur de détaxe est un prestataire de services du commerçant, ce qui suppose l’existence d’une relation contractuelle entre eux, c’est-à-dire d’une affiliation du commerçant à l’opérateur. Il prend en charge les formalités administratives afférentes à la détaxe, à l’exception de la vérification de la pièce d’identité et de la production du bordereau. De plus, le recours à un opérateur permet au commerçant de ne pas supporter les coûts d’investissement dans des outils informatiques, qui doivent nécessairement être régulièrement revus pour s’adapter aux évolutions réglementaires et technologiques.

Le second schéma, plus récent ([17]), consiste pour l’opérateur de détaxe à jouer le rôle d’un acheteur-revendeur : il achète les biens au commerçant dans les conditions de droit commun, avant de les revendre au touriste, selon un mécanisme dit de « double vente ». Il assume ainsi le risque de l’exonération accordée au touriste, et fait son affaire de la gestion du bordereau. Le commerçant fait, quant à lui, une vente ordinaire. Afin que l’identité du vendeur puisse, le cas échéant, être vérifiée par l’administration, le commerçant doit établir une facture au nom de l’opérateur de détaxe. L’opérateur de détaxe est, dans ce schéma, lié à l’acheteur. Le seul contrat qui le lie avec le commerçant est la vente du bien dont la détaxe est demandée, si bien que celle-ci peut ainsi être obtenue auprès de tout commerçant, sans contrat préalable.

Ce second schéma passe par une digitalisation accrue du parcours de détaxe. C’est ainsi que la vérification de la pièce d’identité n’est pas faite par le commerçant, mais à distance, par l’opérateur lui-même, par la transmission d’une photographie du document d’identité.

S’agissant de ce nouveau modèle, l’administration fiscale a eu l’occasion d’indiquer qu’il impliquait que l’opérateur de détaxe soit en possession d’une facture émise par le commerçant au nom de cet opérateur, et non d’un simple ticket de caisse. Le remboursement de la TVA n’est pas admis en l’absence d’une telle facture.

Enfin, un cas particulier est constitué par les Galeries Lafayette, qui sont à la fois un commerçant et un opérateur de détaxe autonome.

Le premier schéma, qui est celui des opérateurs historiques, continue de concentrer la très grande majorité des ventes en détaxe. Le marché est organisé autour de deux opérateurs, qui ont attiré, en 2021, respectivement 54 % et 31 % de parts de marché calculées en nombre de bordereaux émis, soit 85 % à eux deux. Les Galeries Lafayette ont attiré à elles seules près de 6 % des parts de marché au cours de la même année. Les nouveaux opérateurs de détaxe proposant un modèle reposant sur la double vente demeurent donc des acteurs émergents.

Depuis le 1er janvier 2018 ([18]), les opérateurs de détaxe ont été dotés d’un véritable statut, et doivent faire l’objet d’un agrément, qui est octroyé par l’administration des douanes ([19]). Quinze entreprises ont aujourd’hui obtenu un agrément en tant qu’opérateur de détaxe.

Le recours aux services d’un opérateur de détaxe a, bien évidemment, un coût. Ce coût est répercuté sur le montant de TVA remboursé au touriste. Dans le modèle historique, c’est le commerçant qui fixe la commission perçue. À titre d’exemple, les Galeries Lafayette ont indiqué au rapporteur reverser 12 % du prix hors taxe au touriste en règle générale, ce taux pouvant atteindre 15 ou 16 % pour les montants importants. Dans le modèle de la double vente, la commission est fixée par l’opérateur. À titre d’exemple, une entreprise a affirmé percevoir 20 % du montant de la TVA remboursée.

B.   la dÉtaxe constitue une opportunitÉ pour notre commerce et notre tourisme

La détaxe de TVA concerne d’ores et déjà un nombre de commerçants et des volumes d’achat conséquents.

Selon les informations fournies au rapporteur, au cours de l’année 2019, 9 321 commerçants ont émis au moins un bordereau de vente à l’exportation.

En volume, 5,2 millions de bordereaux de vente à l’exportation ont été émis en 2019. Ce nombre s’est élevé à 1,1 million en 2020 et 1,3 million en 2021.

En valeur, le montant TTC des achats détaxés s’est élevé, en 2019, à 6,9 milliards d’euros, dont 1,1 milliard d’euros de TVA. Ce montant était de 1,5 milliard d’euros TTC en 2020 dont 248 millions d’euros de TVA, et de 2,0 milliards d’euros en 2021 dont 359 millions d’euros de TVA.

 

En termes de types de marchandises ayant fait l’objet d’opérations de détaxe, au cours de l’année 2021, ce sont les produits de mode et les accessoires qui ont concentré le plus fort montant d’achats, à savoir 1,197 milliard d’euros TTC. Suivent les secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie pour 574 millions d’euros TTC, les matériels informatiques et électroniques pour 62 millions d’euros TTC et les parfums, cosmétiques et médicaments, pour 50 millions d’euros TTC.

La pratique de la détaxe n’est pas également répartie sur le territoire. Elle est très fortement concentrée à Paris et à la frontière avec la Suisse et, dans une moindre mesure, à Nice et dans le Calaisis.

Les paramètres de la détaxe emportent des conséquences économiques, dans la mesure où une partie des flux touristiques sont motivés par le souhait d’acquérir des marchandises et où les États membres de l’UE se trouvent, en conséquence, en situation de compétition les uns avec les autres pour attirer ces flux.

L’enjeu est d’autant plus important que la détaxe constitue, par elle-même, un levier d’accroissement de la dépense touristique. En effet, un touriste qui bénéficie d’une détaxe voit son pouvoir d’achat automatiquement accru et est ainsi tenté de dépenser immédiatement l’économie réalisée en achetant plus ou plus cher. Ce qu’on pourrait appeler l’« effet multiplicateur » de la détaxe est accru lorsqu’un touriste obtient le remboursement de la TVA en espèces. En effet, dans ce cas, les frais et contraintes liés au change renforcent l’incitation à dépenser sans attendre l’argent économisé.

En termes de compétitivité, il faut rappeler que, si la France est la première destination touristique mondiale en nombre de visiteurs, elle n’atteint que le troisième rang, après les États-Unis et l’Espagne, concernant les recettes tirées du tourisme ([20]). Si cet écart s’explique certainement, en partie, par le fait que la position géographique de la France en fait, pour certains touristes, un pays de transit, il est également certain que nous peinons, plus que d’autres pays, à inciter les touristes qui choisissent la « destination France » à faire des achats au cours de leur séjour.

Plusieurs facteurs peuvent être invoqués : les choix faits pour la promotion de la « destination France » à l’étranger, qui valorisent, à juste raison, le patrimoine historique et artistique mais n’évoquent pas ou peu les possibilités d’achat qu’offre notre pays ; les paramètres de la détaxe, en particulier le seuil minimal d’achat chez un commerçant, dont il faut souligner qu’il s’élève à zéro euro en Espagne, contre 100 euros en France ; ou encore la facilité du parcours de détaxe.

 

 

L’actualité récente a, pourtant, rendu plus que jamais nécessaire d’inciter les touristes à acheter des produits en France. En effet, la crise sanitaire a eu un effet ravageur sur les dépenses touristiques, du fait de la réduction générale des flux, mais aussi parce que les clientèles extra-européennes, en particulier celles en provenance de Chine et des États-Unis, sont les plus dépensières.

De plus, la sortie du Royaume-Uni de l’UE a fait des résidents britanniques des bénéficiaires potentiels de la détaxe, ce qui constitue une opportunité importante pour notre commerce. Le Royaume-Uni a également décidé d’abandonner le mécanisme de la détaxe, ce qui place la France dans une situation privilégiée pour attirer des séjours touristiques motivés par l’achat de biens.

 


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II.   La dÉtaxe de tva a connu des Évolutions rÉcentes qui favorisent son dÉveloppement, sans rÉpondre À l’ensemble des failles relevÉes par les acteurs impliquÉs

Le dispositif français de détaxe de TVA a connu des évolutions récentes favorables à son développement et à son encadrement. Néanmoins, des difficultés persistent, sans que les enjeux en matière de lutte contre la fraude soient aujourd’hui pleinement appréhendés.

A.   Des Évolutions rÉcentes favorables au dÉveloppement de la dÉtaxe touristique

La détaxe touristique en France a fait l’objet de plusieurs évolutions réglementaires et techniques depuis 2017, qui ont permis d’accroître son potentiel en tant que levier de la dépense touristique sur le territoire français. Son développement a été favorisé par l’ouverture du marché de l’activité de détaxe à de nouveaux opérateurs qui facilitent le recours à la détaxe pour les touristes résidant hors de l’UE. L’augmentation du nombre d’opérateurs de détaxe en France a été prise en compte par l’administration des douanes, qui a instauré une procédure d’agrément visant à mieux encadrer l’exercice de cette activité.

1.   L’introduction d’une procédure d’agrément des opérateurs de détaxe afin de sécuriser les procédures de détaxe de TVA

Afin de renforcer la confiance des visiteurs et des commerçants français, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2016 ([21]) a introduit l’obligation, pour les opérateurs de détaxe, d’obtenir un agrément de la part de l’administration.

Cet agrément est accordé à trois conditions :

– l’opérateur doit disposer d’un dispositif efficace de sécurisation de ses opérations au moyen d’un système informatique de gestion des bordereaux de vente à l’exportation ([22]) ;

– il doit justifier d’une solvabilité financière suffisante ;

– il ne doit pas avoir été sanctionné du fait de manquements graves et répétés aux règles prévues par le code des douanes ou le CGI au cours des trois années précédant la demande.

 

L’octroi de l’agrément est également soumis à une certification de la plateforme informatique de l’opérateur. Il s’agit de contrôler le respect de standards en matière de communication et de sécurité afin de permettre l’interconnexion entre la plateforme de l’opérateur et le système informatique douanier.

Cette certification est suivie d’un audit portant notamment sur la santé financière, les procédures de contrôle interne et la maîtrise des risques de l’opérateur ([23]). La procédure de détaxe est également contrôlée, notamment les méthodes de sécurisation des transactions, à travers la vérification de l’identité du client, et les modes de paiement et de remboursement.

La délivrance de l’agrément peut être accompagnée de réserves ([24]).

L’agrément en tant qu’opérateur de détaxe est valable trois ans à compter de sa date de délivrance. Son renouvellement est possible dans les mêmes conditions que sa délivrance initiale ([25]).

Les obligations qui s’imposent aux opérateurs de détaxe dans l’exercice de leur activité sont prévues par l’article 262-0 bis du CGI et précisées par l’article 202 K de l’annexe 2 du CGI. Ainsi, les opérateurs de détaxe :

– assurent la transmission à l’administration des données électroniques des bordereaux de vente à l’exportation qu’ils émettent ou qui sont émis par les vendeurs qui leur sont affiliés via PABLO. Cette transmission des données doit être effectuée en temps réel, et au plus tard dans l’heure suivant l’émission du bordereau par le vendeur ;

– utilisent un système d’évaluation et de gestion des risques liés au processus de détaxe, avec notamment la mise en place d’outils permettant de détecter toute anomalie relative à la transmission, à l’intégration ou à l’intégrité des données des bordereaux de vente à l’exportation ;

– assurent la formation et l’information régulière de leurs personnels et de leurs clients, notamment par la mise en place d’outils ou de processus permettant l’acquisition des connaissances juridiques nécessaires et la diffusion des informations légales transmises par l’administration des douanes ;

– portent à la connaissance de l’autorité administrative toute modification de leurs statuts et tout changement ne leur permettant plus d’assurer le respect des critères de délivrance de l’agrément.

 

En cas de non-respect de ses obligations par l’opérateur, l’autorité administrative peut prononcer une amende proportionnée à la gravité du manquement ([26]). Par ailleurs, lorsque l’opérateur de détaxe ne remplit plus les conditions de délivrance de l’agrément ou qu’il n’apparaît plus en mesure de se conformer aux obligations qui lui incombent, l’administration des douanes peut suspendre l’agrément, voire le retirer ([27]).

La procédure d’agrément ainsi prévue est entrée en vigueur le 1er janvier 2018 ([28]) ([29]). Les audits réalisés auraient conduit plusieurs candidats à abandonner leur demande, et en ont amené d’autres à réorganiser leurs procédures et leur fonctionnement.

2.   L’adoption de mesures réglementaires permettant de faciliter le recours à la détaxe touristique

Dès la réunion du premier comité interministériel du tourisme, le 26 juillet 2017, le Gouvernement a annoncé un « Plan tourisme » dont l’un des volets portait sur la fluidification des opérations de détaxe.

En 2018, une première avancée a été réalisée avec l’harmonisation des différents formats de bordereaux de vente à l’exportation édités par les opérateurs de détaxe et les commerçants indépendants via l’interface PABLO-I ([30]).

Cet effort s’est poursuivi dans le cadre de la tenue du quatrième comité interministériel du tourisme, le 17 mai 2019. Le Premier Ministre Édouard Philippe a alors annoncé un « Plan détaxe » visant à optimiser les retombées économiques du tourisme international. Ce plan s’articulait autour de trois axes :

– l’extension de 1 à 3 jours du délai pendant lequel des achats réalisés en France au sein d’une même enseigne peuvent bénéficier de la détaxe ;

– la diminution du seuil minimum d’achat au sein d’une même enseigne pour bénéficier de la détaxe de TVA de 175 à 100 euros ;

– l’augmentation du plafond de remboursement en espèces de la TVA sur les achats réalisés en France de 1 000 à 3 000 euros.

L’allongement de 1 à 3 jours du délai pendant lequel des achats réalisés dans un même magasin peuvent faire l’objet d’une demande de détaxe est entré en vigueur le 1er janvier 2020 ([31]).

Le rapporteur salue cet élargissement de la période d’achat, qui offre plus de confort aux touristes. En effet, ceux-ci étaient parfois contraints de renoncer à la détaxe au moment de la fermeture du magasin en raison des files d’attente au guichet de détaxe en fin de journée. Cette mesure permet aux acheteurs de revenir dans le magasin le lendemain pour faire éditer leur bordereau de détaxe, et les encourage éventuellement à poursuivre leurs achats.

Ensuite, l’abaissement du seuil minimum d’achat de 175 à 100 euros est entré en vigueur le 1er janvier 2021 ([32]). La France avait jusqu’alors le seuil minimum d’achat le plus élevé de la zone euro, fixé au montant maximum autorisé par la directive TVA ([33]). L’abaissement de ce seuil visait à améliorer la compétitivité et l’attractivité de la France par rapport aux autres destinations européennes, et à stimuler la dépense touristique des clientèles internationales. Cette mesure favorise également le recours à la détaxe chez les petits commerçants, pour lesquels le panier d’achat moyen est moins élevé.

Dans le contexte de la pandémie liée à la Covid-19, l’impact de l’application de ce nouveau seuil est difficilement évaluable. Selon les chiffres communiqués au rapporteur par l’administration des douanes, en 2021, 173 bordereaux de vente à l’exportation dont le montant était compris entre 100 et 175 euros ont été émis, ce qui représente 13 % des bordereaux édités au cours de cette année.

Le rapporteur se réjouit de cette mesure, dont il conviendra d’évaluer l’impact dans les années à venir. Toutefois, il constate que le seuil minimum d’achat demeure élevé par rapport à ceux pratiqués par nos voisins européens. Ainsi, si le seuil minimum d’achat en Italie est fixé à 154,95 euros, il est de 25 euros en Allemagne, et a même été supprimé en Espagne. Or, en Espagne, le panier d’achat moyen par touriste est supérieur à celui de la France, et la dépense touristique intérieure y est plus élevée, alors que ce pays reçoit moins de touristes internationaux que le territoire français.

Enfin, le troisième volet du Plan Détaxe, qui prévoyait le relèvement du plafond de remboursement en espèces de 1 000 à 3 000 euros, n’a pas été mis en œuvre. En effet, cette mesure implique la modification d’une disposition législative ([34]), pour laquelle aucun véhicule pertinent n’a été trouvé.

3.   L’amélioration des supports informatiques et techniques de la détaxe pour fluidifier la procédure

L’administration des douanes a apporté une grande attention aux aspects techniques du parcours de la détaxe, en particulier concernant le système PABLO.

En prévision du Brexit, dans la perspective de l’ouverture du recours à la détaxe aux résidents britanniques, les efforts se sont concentrés sur le développement du parc de bornes PABLO aux différents points de sortie du territoire. Le nombre initial de 56 bornes a été multiplié par deux pour aujourd’hui atteindre 107 bornes. Des bornes ont notamment été implantées Gare du Nord à Paris ou encore au port de Calais, pour faciliter les transactions des ressortissants du Royaume-Uni.

Le rapporteur salue cet effort de grande ampleur réalisé par l’administration des douanes. Il lui a cependant été rapporté que quelques « zones blanches » demeurent, notamment à la gare de Lyon, malgré la présence d’une liaison vers la Suisse, à l’aéroport de Beauvais, ou encore aux Verrières, à la frontière suisse.

En outre, l’administration des douanes a apporté d’importantes améliorations techniques au système PABLO. Son ergonomie a été mise à jour, et le service est désormais proposé en neuf langues.

Enfin, une nouvelle étape a été tout récemment franchie dans la dématérialisation de la procédure de détaxe, grâce à la possibilité nouvelle de présenter à la borne les bordereaux de vente sous format dématérialisé, depuis un smartphone ([35]). Auparavant, les bordereaux devaient obligatoirement être présentés sous format papier. Le rapporteur salue cette avancée technique qui permet de moderniser la procédure de détaxe de TVA. Cette dernière peut être désormais entièrement dématérialisée, à la seule exception de la procédure de secours, rarement utilisée. La simplification des démarches à effectuer pour les touristes devrait contribuer à l’augmentation du volume d’affaires des commerçants.

Ainsi, la procédure de détaxe a récemment connu des évolutions importantes, qui en facilitent l’utilisation par les touristes et les commerçants.

B.   Des failles persistantes dans la procÉdure de dÉtaxe touristique

Malgré ces avancées, des difficultés persistent pour ces acteurs. En outre, des risques importants de fraude à la détaxe de TVA ont été portés à la connaissance du rapporteur.

1.   La détaxe de TVA constitue une charge administrative et financière pour les commerçants français, qui les dissuade de proposer ce dispositif à leurs clients

Le rapporteur constate que les commerçants français ne recourent pas suffisamment à la vente en détaxe de TVA alors même qu’elle constitue un levier d’augmentation de leur chiffre d’affaires.

En effet, le dispositif de détaxe de TVA est bien compris par les commerçants exerçant dans les secteurs du luxe ou des biens haut de gamme, qui attirent la clientèle internationale. La majorité des commerçants proposant des prestations de vente en détaxe se situent à Paris, sur la Côte d’Azur, ou près de la frontière suisse. De fait l’offre de détaxe est très sectorisée sur le territoire français, limitée aux grands magasins, aux marques internationalement connues, et à leurs succursales. En revanche, en dehors de ces secteurs économiques et géographiques, le recours à la vente en détaxe de TVA est très limité.

La méconnaissance du dispositif par les commerçants semble être la principale raison du non-recours à la vente en détaxe de TVA. Les informations qui leur sont fournies à ce sujet apparaissent, en effet, insuffisantes.

La complexité administrative de la procédure de détaxe et le coût potentiel du recours à des intermédiaires expliquent également le développement limité de la détaxe de TVA chez les commerçants français.

Le recours à l’application PABLO-I est encore insuffisant car il est perçu comme faisant peser un risque fiscal sur le commerçant. En effet, le commerçant peut choisir de proposer la vente au tarif hors taxe à ses clients, mais prend alors le risque que la marchandise ne quitte jamais le territoire de l’UE et de rester redevable de la TVA. La prise d’une garantie, qui permet de se protéger contre ce risque, entraîne, quant à elle, des frais bancaires. C’est aussi le cas lorsque le commerçant fait le choix de vendre sa marchandise sans exonérer immédiatement son client de la TVA, et d’attendre le visa douanier avant de pratiquer le remboursement. Il est alors tenu de conserver les coordonnées bancaires de son client pour pouvoir procéder au remboursement, ce qui génère une charge administrative.

Dès lors, le recours à la vente en détaxe chez les petits commerçants génère une charge supplémentaire qu’ils ne peuvent ou ne souhaitent pas toujours assumer. En outre, le recours à la vente en détaxe par le biais de PABLO-I implique un suivi des évolutions de la réglementation douanière, ainsi qu’une mise à niveau régulière d’un point de vue informatique.

En comparaison, l’affiliation à un opérateur de détaxe offre un certain nombre d’avantages aux commerçants, notamment en termes de mise à niveau informatique, de suivi de la réglementation douanière et de formation du personnel. L’affiliation à un opérateur de détaxe constitue également un support commercial important (image de marque, variété des modes de remboursement proposés, solvabilité garantie vis-à-vis des touristes). Néanmoins, le coût du recours aux services d’un opérateur de détaxe est souvent perçu de manière négative par les commerçants, au regard des bénéfices que la vente en détaxe peut générer. Leurs craintes portent en particulier sur les commissions prélevées par les opérateurs, qui peuvent représenter jusqu’à 30 % du montant de l’exonération de TVA.

À cet égard, les services proposés par les nouveaux opérateurs digitaux, qui ne reposent sur aucune affiliation contractuelle avec les commerçants, peuvent bénéficier aux vendeurs qui s’affranchissent ainsi de toute charge administrative et financière. En effet, dans cette hypothèse, la seule formalité administrative demandée au commerçant consiste en l’édition d’une facture au nom de l’opérateur de détaxe, et le touriste supporte seul le coût de l’opération de détaxe, au travers de la commission prélevée par l’opérateur dont il est le client. Le commerçant n’a pas à réaliser de contrôle de l’identité du touriste, ni à éditer le bordereau de vente à l’exportation, et ne procède pas au remboursement de la TVA à l’acheteur : toutes ces démarches sont prises en charge par l’opérateur de détaxe. De fait, l’activité des nouveaux opérateurs digitaux est bénéfique à l’activité des commerçants, en particulier des petits commerçants, puisqu’elle n’engendre aucune charge administrative, et permet d’augmenter la capacité d’achat de leurs clients.

Il existe ainsi un gisement significatif de commerçants qui ne se sont pas saisis du dispositif de détaxe de TVA, alors même qu’ils pourraient en tirer profit. Les différentes modalités de vente en détaxe – via PABLO-I ou les opérateurs de détaxe – ainsi que leurs avantages et inconvénients respectifs devraient, en conséquence, être mieux connus des commerçants sur l’ensemble du territoire national.

2.   La complexité du parcours de la détaxe de TVA décourage également les touristes internationaux

Il est difficile d’évaluer dans quelle mesure les touristes extra-européens éligibles à la détaxe de TVA n’en sollicitent pas le bénéfice, et de comprendre les raisons de ce défaut d’utilisation. Selon les informations communiquées au rapporteur par les opérateurs de détaxe, le taux d’émission de détaxe français (qui correspond au montant des achats ayant généré l’émission d’un bordereau de détaxe rapporté au montant total des achats réalisés par les touristes éligibles) se situe autour de 60 %, et la croissance potentielle de la détaxe en France serait de 10 à 15 points supplémentaires. Ainsi, il existerait une marge de développement considérable de la détaxe de TVA en France.

Comme pour les commerçants, la raison principale du non-recours à la détaxe de TVA chez les touristes internationaux semble être la méconnaissance du dispositif. Le rapporteur note néanmoins l’effort important accompli par l’administration en matière d’information des touristes internationaux et de formation des équipes douanières. En particulier, une page est désormais dédiée à la détaxe de TVA sur le site internet de l’administration des douanes ([36]), et des notices explicatives, traduites dans neuf langues, ont été mises à disposition des touristes.

La complexité du parcours de détaxe constitue également un facteur explicatif. D’abord, les formalités administratives restent nombreuses et sont parfois difficilement compréhensibles pour des étrangers : contrôle de l’identité et de l’éligibilité du touriste, demande de facture, émission du bordereau de vente à l’exportation, puis finalement visa douanier au point de sortie du territoire de l’UE, éventuellement assorti d’un contrôle physique de l’exportation des marchandises.

De plus, la question de la fluidité du parcours de détaxe est centrale pour les voyageurs internationaux. Les files d’attente aux bornes PABLO peuvent parfois décourager certains touristes détenteurs de bordereaux de détaxe, inquiets à l’idée de manquer un vol long-courrier. De fait, la fluidité du parcours, en particulier aux points de sortie du territoire, doit continuer à être améliorée, tant pour garantir aux touristes la possibilité de finaliser leur procédure de détaxe, que pour préserver l’image du territoire français en tant que destination touristique de premier ordre.

Les opérateurs de détaxe ont également un rôle central à jouer pour faciliter le parcours de détaxe. Ils sont en effet en première ligne pour informer les touristes internationaux sur leur éligibilité à la détaxe touristique et sur les formalités à accomplir.

Enfin, le rapporteur tient à attirer l’attention sur l’absence de système européen interopérable de détaxe. Alors même qu’environ 25 % des bordereaux de vente à l’exportation émis en France sont visés dans un autre État membre de l’UE ([37]), le format des bordereaux de détaxe ainsi que les procédures de visa douanier ne sont pas harmonisés au niveau européen. De fait, les formalités à accomplir peuvent varier d’un pays à l’autre, ce qui engendre des difficultés pour les touristes internationaux et constitue un frein au développement de la détaxe touristique.

Cette difficulté est identifiée par les autorités françaises et européennes mais les initiatives engagées en faveur d’une harmonisation de la procédure de détaxe au niveau européen n’ont, jusqu’à présent, pas abouti. En effet, en 2015, la France avait été désignée pour piloter un groupe de travail dans le cadre du programme de coopération fiscale « Fiscalis », en vue de développer un système interopérable en matière de détaxe. Néanmoins, plusieurs facteurs ont conduit la France à suspendre sa participation à ces groupes de travail en 2018. En premier lieu, le Brexit a largement mobilisé les services douaniers français, obligeant l’administration des douanes à réexaminer ses priorités. De plus, certains États membres auraient fait obstacle à l’avancée des négociations.

Le rapporteur regrette que ces discussions n’aient pas abouti et encourage les pouvoirs publics à se saisir pleinement de l’opportunité que constituent les discussions actuellement en cours au sein de la Commission au sujet de la relance du secteur touristique, dont l’un des volets porte sur l’harmonisation du système de détaxe européen.

3.   Les évolutions récentes du dispositif de détaxe de TVA n’ont pas suffisamment pris en considération les risques importants de fraude fiscale

En outre, le rapporteur souhaite attirer l’attention sur les risques de fraude qui ont été portés à son attention. L’existence de certaines failles dans la procédure de détaxe doit encourager l’administration à mieux encadrer l’activité de l’ensemble des opérateurs de détaxe et à renforcer ses contrôles sur les transactions détaxées.

Le rapporteur s’interroge notamment sur le système dit de la « double vente », dans lequel l’opérateur de détaxe agit comme un acheteur-revendeur entre le commerçant et le touriste extra-européen. Ce mécanisme alternatif au schéma traditionnel de l’affiliation de l’opérateur de détaxe au commerçant permet d’alléger la charge administrative qui pèse sur le vendeur, et simplifie, dans une certaine mesure, les démarches des touristes internationaux. Dans son principe, ce système a reçu l’aval de l’administration fiscale. Néanmoins, dans la pratique, un certain nombre de failles ont pu être identifiées.

En premier lieu, le mécanisme de « double vente » permet de contourner assez largement la réglementation douanière, en particulier le seuil minimum d’achat, fixé à 100 euros, et le délai de trois jours durant lequel des achats réalisés au sein d’une même enseigne peuvent faire l’objet d’une demande de détaxe de TVA. En effet, dans la mesure où l’opérateur de détaxe agit comme acheteur-revendeur entre le commerçant et le client final, c’est la transaction qui intervient entre l’opérateur et le touriste qui fait l’objet de la détaxe de TVA, et non l’achat de la marchandise, pour le compte de l’opérateur, auprès du vendeur initial. Cette opération permet aux touristes, au moment de l’émission du bordereau de détaxe, de rassembler l’ensemble des achats effectués sur le territoire français, même lorsqu’ils ont été réalisés chez des commerçants différents pour des montants chez chacun ou certains d’entre eux inférieurs à 100 euros.

De plus, le système de la « double vente » pose également des difficultés en matière de contrôle des transactions détaxées par les services douaniers. En effet, ces contrôles sont essentiellement informatiques, sur la base des données transmises par les opérateurs via le programme PABLO. Or, lorsque l’opérateur de détaxe agit comme acheteur-revendeur entre le commerçant initial et le touriste qui demande à bénéficier de la détaxe, la vision informatique de l’administration des douanes ne porte que sur la transaction effectuée entre l’opérateur de détaxe et le touriste, sans qu’il soit possible de retracer l’origine des achats réalisés.

Cette faille est susceptible de générer des fraudes massives à la détaxe de TVA, sans pouvoir de contrôle des services douaniers. En l’absence d’affiliation du commerçant à un opérateur de détaxe, et en l’absence de traçabilité informatique des achats qui font l’objet de la détaxe, il devient possible, pour le touriste éligible à la détaxe, d’en demander le bénéfice à plusieurs reprises pour la même transaction, par le recours à plusieurs opérateurs de détaxe.

Par ailleurs, ces difficultés en termes de traçabilité informatique des achats se répercutent sur les capacités de contrôles physiques des services douaniers aux points de sortie du territoire. En effet, l’administration des douanes ne dispose pas des moyens de contrôler systématiquement l’éligibilité des touristes et la sortie effective des marchandises du territoire de l’UE.

Aussi, les contrôles pratiqués, qui consistent en une vérification de la pièce d’identité et des bagages personnels du touriste, font l’objet d’un ciblage afin de garantir leur efficacité. Ce ciblage repose sur une analyse de risque automatisée des bordereaux de vente à l’exportation, qui sont comparés à des profils considérés comme « à risque » par l’administration des douanes. Ces profils sont conçus par les services douaniers sur la base des renseignements communiqués par les brigades de contrôle, soit au terme d’un contentieux, soit au terme de contrôles laissant suspecter une fraude ([38]). En présence d’un profil dit « à risque » lors du passage à une borne PABLO, le touriste est dirigé vers le guichet des douanes, qui réalise un contrôle physique avant d’accorder, le cas échéant, le visa douanier. Ainsi, en 2019, 4,3 % des bordereaux de vente à l’exportation émis ont été ciblés, et les services douaniers ont ainsi réalisé 221 789 contrôles ([39]).

Or, le travail de ciblage réalisé par les services douaniers est rendu plus difficile du fait du système de la « double vente », qui empêche l’identification du vendeur initial de la marchandise, alors même que son identité constitue l’un des éléments des profils ciblés informatiquement par l’administration des douanes.

Le rapporteur salue le travail de ciblage réalisé par les services douaniers et encourage l’administration des douanes à renforcer ses contrôles informatiques et physiques en matière de détaxe de TVA. Par ailleurs, au regard des informations qui lui ont été fournies, il s’interroge sur la nécessité éventuelle de favoriser le traçage des transactions effectuées en instaurant une obligation, pour les opérateurs de détaxe, de renseigner, sur le bordereau de détaxe, l’identité du vendeur initial de la marchandise concernée par l’exonération de TVA.

Enfin, une autre faille pouvant entraîner des fraudes a été portée à la connaissance du rapporteur. En principe, les opérateurs de détaxe ne doivent rembourser les touristes du montant de la TVA exonérée que sur la base d’une facture, laquelle doit comporter le nom et l’adresse du client ainsi que le numéro d’identification à la TVA du commerçant ([40]). La conservation des factures d’origine est également une obligation qui incombe aux opérateurs de détaxe, qui doivent être en mesure de les produire en cas de contrôle fiscal.

 

Or, selon les informations communiquées au rapporteur, certains opérateurs de détaxe procéderaient au remboursement de leur client sur la base de simples photographies de tickets de caisse, qui ne sont pourtant pas considérés comme des preuves d’achat par l’administration fiscale. De plus, l’utilisation des factures dans le cadre des procédures de détaxe constitue l’un des éléments vérifiés par l’administration des douanes avant de délivrer un agrément à un opérateur de détaxe. Dès lors, il y aurait une divergence importante entre ce qui est affirmé par certains opérateurs de détaxe au moment de leur demande d’agrément, et ce qui est pratiqué dans les faits.

Le rapporteur considère cette question comme préoccupante et encourage l’administration des douanes à renforcer ses contrôles sur les opérateurs de détaxe, même après la délivrance de l’agrément.

S’agissant de la fiabilité des vérifications d’identité réalisées à distance par les nouveaux opérateurs, le rapporteur relève avec satisfaction que l’administration des douanes prévoit d’obliger ces derniers, d’ici 2023, à recourir à des prestataires ayant reçu une certification de conformité à un référentiel récemment élaboré par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) en la matière.

De manière générale, le rapporteur tient à souligner qu’il encourage toute solution réglementaire ou technique qui permet de faciliter le recours à la détaxe de TVA, tant pour les commerçants que pour les touristes. Néanmoins, la simplification de la procédure de détaxe ne doit pas ouvrir la voie à des possibilités de fraudes, et en particulier de fraudes qui reposeraient sur la multiplication des demandes de remboursement de TVA auprès de différents opérateurs pour un même achat.

À ce titre, le rapporteur encourage également l’administration à poursuivre les enquêtes douanières visant à déceler les fraudes plus complexes à la détaxe de TVA et à démanteler les réseaux organisés qui profitent du dispositif de détaxe de TVA pour bénéficier d’une exonération indue de TVA. Pour décourager ces initiatives, une sanction spécifique est prévue par le 10° de l’article 412 du code des douanes à l’encontre des personnes qui sollicitent ou obtiennent indûment le visa douanier d’un bordereau de vente à l’exportation. Ces dernières s’exposent à la confiscation des marchandises litigieuses et à une amende de 150 euros à 1 500 euros.

En outre, le fait pour un voyageur ayant obtenu le visa de la douane de ne pas procéder à l’exportation des marchandises telle que prévue par le bordereau de vente à l’exportation constitue désormais une manœuvre à l’exportation au sens du 3° de l’article 426 du code des douanes, tel que modifié par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 ([41]), infraction délictuelle sanctionnée à l’article 414 du code des douanes. Le rapporteur salue l’entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2022 et encourage les services douaniers à renforcer leurs contrôles afin d’en assurer la bonne application.

 


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III.   les propositions du rapporteur

A.   amÉliorer l’Information des commerçants et des touristes sur la dÉtaxe

Dans le cadre de cette mission d’information, le rapporteur a constaté que le non-recours à la détaxe résultait principalement de la méconnaissance du dispositif par les acteurs concernés.

Or la vente en détaxe de TVA doit pouvoir bénéficier à l’ensemble des commerçants susceptibles de recevoir une clientèle internationale car elle constitue un levier important d’augmentation de leur chiffre d’affaires, et non seulement aux grandes enseignes. En conséquence, le rapporteur préconise de développer l’information à destination des commerçants autour du dispositif de détaxe de TVA. Il est notamment important d’insister sur le fait que la vente en détaxe n’implique pas nécessairement un risque fiscal pour le commerçant.

Si tous les commerçants doivent pouvoir prendre connaissance de l’existence du dispositif de détaxe de TVA et de son fonctionnement, il convient, cependant, de cibler les magasins les plus concernés par la fréquentation touristique. Ainsi, les campagnes d’information devront être tout particulièrement axées sur les commerçants situés dans les zones touristiques internationales, ou susceptibles de recevoir une clientèle britannique régulière, nouvellement bénéficiaire de la détaxe en raison du Brexit.

Recommandation n° 1. Mettre en place des campagnes d’information à destination des commerçants au sujet de la vente en détaxe de TVA par l’intermédiaire des services douaniers, des chambres de commerce et d’industrie et des réseaux de commerçants.

Le développement de la détaxe touristique en France implique également une meilleure compréhension du dispositif par les touristes internationaux. Ces derniers doivent non seulement en connaître l’existence, mais aussi en comprendre le déroulement ainsi que les formalités administratives à accomplir.

Recommandation n° 2. Les acteurs de la détaxe, opérateurs comme commerçants, doivent élaborer des campagnes d’information relatives à la procédure de détaxe de TVA en France à destination des touristes résidant hors de l’UE via divers supports (affiches dans les aéroports, publicité sur les réseaux sociaux, partenariats avec les agences de voyages, etc.).

Par ailleurs, le recours à la détaxe de TVA devrait s’accroître si la France n’est plus seulement perçue comme une destination dédiée aux visites patrimoniales, mais aussi comme une destination privilégiée pour l’achat de biens et de marchandises. Cette démarche pourra s’accompagner d’une promotion de l’excellence française, des spécificités locales, du made in France, et du savoir-faire artisanal français.

Recommandation n° 3. Le ministère chargé du tourisme doit assurer la promotion de la « Destination France » auprès des touristes internationaux en tant que destination privilégiée pour l’achat de biens et de marchandises, au-delà de son intérêt patrimonial.

B.   Poursuivre l’allÉgement de la procÉdure et Fluidifier le parcours de dÉtaxe

La procédure de détaxe de TVA a connu des évolutions récentes très favorables au développement de la détaxe touristique. Le rapporteur considère que cette démarche positive de la part de l’administration fiscale et de l’administration des douanes doit continuer.

En premier lieu, les assouplissements relatifs au dispositif de détaxe de TVA doivent être poursuivis. La mise en œuvre du « Plan détaxe » doit ainsi être achevée.

Recommandation n° 4. Achever la mise en œuvre du « Plan détaxe » en procédant au relèvement du plafond de remboursement en espèces dans le cadre de la détaxe de TVA.

De plus, le rapporteur estime que le seuil minimum d’achat est encore trop élevé en France, en comparaison avec nos concurrents européens. La détaxe de TVA constitue un réel levier d’augmentation du panier d’achat moyen des touristes résidant hors de l’UE. À cet égard, le rapporteur juge souhaitable de supprimer tout bonnement ce seuil, comme l’Espagne l’a déjà fait.

Recommandation n° 5. Supprimer le seuil minimal d’achat afin de favoriser le recours à la détaxe.

Le développement de la détaxe touristique en France implique également la fluidification du parcours de la détaxe. Avant la sortie du territoire, la qualité et l’efficacité de la détaxe reposent essentiellement sur les commerçants et les opérateurs de détaxe. À ce titre, le service client proposé constitue un argument commercial important pour les opérateurs de détaxe, qui favorise la concurrence.

Les pouvoirs publics jouent néanmoins un rôle important au moment de la sortie du territoire pour la délivrance du visa douanier. La nécessité de réaliser des contrôles sur les transactions détaxées ne doit pas pour autant constituer un obstacle à la fluidité du parcours de détaxe. En premier lieu, il convient donc d’assurer la présence et le bon fonctionnement des bornes PABLO à tous les points de sortie du territoire fréquentés par des voyageurs pratiquant la détaxe de TVA.

Recommandation n° 6. Implanter des bornes PABLO dans les « zones blanches » qui demeurent (aéroport de Beauvais, Les Verrières à la frontière suisse, Gare de Lyon).

La fluidification des opérations de détaxe à l’aéroport peut également être favorisée par une modernisation du système PABLO. Pionnier en 2014, ce programme informatique apparaît aujourd’hui moins performant que ceux développés par l’Espagne et le Portugal. La possibilité, introduite récemment, de scanner des bordereaux dématérialisés depuis un smartphone est une avancée incontestablement positive, mais il convient de poursuivre ce type de développements techniques.

L’utilisation du passeport comme identifiant lors du passage aux bornes PABLO constituerait une avancée notable pour deux raisons. En premier lieu, cette solution technique permettrait un contrôle de l’identité du voyageur lors de la délivrance du visa douanier qui n’a pas lieu aujourd’hui lorsque le touriste ne fait pas l’objet d’un contrôle aléatoire par un agent des douanes. En second lieu, la lecture du passeport par les bornes PABLO permettrait un gain de temps considérable et apparaît donc comme un facteur de réduction des files d’attente à l’aéroport.

Recommandation n° 7. Moderniser les bornes PABLO en prévoyant la possibilité, pour le voyageur, de scanner son passeport pour rapatrier l’ensemble des bordereaux de détaxe émis et ainsi les valider en une seule opération.

Enfin, d’autres solutions techniques pourraient être envisagées aux points de sortie du territoire les plus fréquentés par les touristes internationaux, en particulier les aéroports parisiens. Le rapporteur juge particulièrement intéressante l’idée avancée au cours d’une audition d’un dispositif permettant de scanner et de valider les bordereaux de détaxe aux points de sortie du territoire, et d’octroyer le visa douanier, sans aucune démarche de la part du touriste (via des « couloirs intelligents de détaxe »).

Recommandation n° 8. Réfléchir à des solutions de validation mobile des bordereaux de détaxe aux points de sortie du territoire les plus fréquentés par les voyageurs internationaux.

C.   Renforcer les contrÔles sur les opÉrateurs et sur les voyageurs

La simplification de la procédure de détaxe et l’ouverture du marché de l’activité de détaxe à de nouveaux opérateurs ne doivent pas entraîner d’augmentation significative des risques de fraude. Il convient donc de renforcer les contrôles déjà exercés tant sur les opérateurs de détaxe que sur les voyageurs.

En premier lieu, le rapporteur veut insister sur l’importance de la procédure d’agrément des opérateurs de détaxe. Une attention particulière doit être portée à leur solvabilité financière et à leurs capacités de contrôle sur les transactions pour lesquelles leurs clients sollicitent la détaxe de TVA.

Recommandation n° 9. Renforcer l’encadrement de l’activité d’opérateur de détaxe par le biais des vérifications effectuées au cours de la procédure d’agrément.

Ensuite, le rapporteur souligne la nécessité de maintenir des contrôles sur l’activité des opérateurs de détaxe après la délivrance de l’agrément. En particulier, il convient de vérifier le respect de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière de facturation.

Recommandation n° 10. Effectuer des contrôles sur l’activité des opérateurs de détaxe pendant la durée de validité de l’agrément.

Par ailleurs, grâce aux informations fournies par les opérateurs de détaxe et les commerçants, les services douaniers doivent être en mesure de mieux cibler les contrôles aléatoires effectués aux points de sortie du territoire. À ce titre, les données informatiques transmises via le programme PABLO doivent permettre le ciblage des profils à risque. Le système de la « double vente » utilisé par les opérateurs de détaxe digitaux ne doit pas faire obstacle à l’analyse de risques effectuée par l’administration des douanes. En conséquence, il apparaît opportun de modifier les mentions obligatoires contenues dans le bordereau de détaxe.

Recommandation n° 11. Intégrer dans les mentions obligatoires du bordereau de vente à l’exportation l’identité du vendeur initial de la marchandise ainsi qu’une référence de vente afin de prévenir l’usage répété d’une même preuve d’achat dans le but d’obtenir des remboursements indus de TVA.

Enfin, le rapporteur insiste sur la nécessité, pour les services douaniers, de s’assurer que la marchandise détaxée est effectivement exportée en dehors de l’UE. Les contrôles aléatoires effectués par les agents des douanes aux différents points de sortie du territoire sont, en effet, insuffisants. En conséquence, le rapporteur invite l’administration des douanes à élaborer un système permettant de s’assurer, au moment de la délivrance du visa douanier par la borne PABLO, de la présence des marchandises détaxées dans les bagages personnels du voyageur.

Recommandation n° 12. Réfléchir à l’élaboration d’un système de contrôle de la présence de la marchandise dans les bagages personnels du voyageur au moment de la délivrance du visa douanier (utilisation de puces électroniques, lecture du code-barres des produits, etc.).

D.   Faire Évoluer le dispositif de dÉtaxe de TVA

Le rapporteur est favorable à une évolution plus globale du dispositif de détaxe de TVA en France et en Europe, au-delà des améliorations déjà préconisées.

Tout d’abord, le rapporteur tient à souligner le manque de données chiffrées relatives à la détaxe de TVA, tant au niveau national qu’européen.

En outre, si la détaxe représente un levier évident d’augmentation de la dépense touristique intérieure, aucune étude économique permettant d’en évaluer l’ampleur n’a été portée à la connaissance du rapporteur. En conséquence, afin de mieux connaître l’impact économique de la détaxe touristique, un travail d’évaluation approfondie semble indispensable.

Recommandation n° 13. Réaliser une étude économique relative à l’impact de la détaxe de TVA sur la consommation touristique et évaluer l’influence des évolutions réglementaires et techniques déjà mises en œuvre sur le recours à la détaxe de TVA par les touristes internationaux.

Par ailleurs, le rapporteur a constaté que l’absence de système européen interopérable constituait un obstacle réel au développement de la détaxe touristique en France et en Europe. En effet, ce manque d’harmonisation engendre des difficultés procédurales pour les touristes internationaux et peut les décourager de recourir à la détaxe de TVA.

Recommandation n° 14. La France doit activement participer aux discussions engagées par la Commission européenne au sujet de l’harmonisation des dispositifs de détaxe de la TVA afin de favoriser l’élaboration d’un système européen interopérable.

Enfin, dans le cadre de cette mission d’information, le rapporteur a constaté que le non-recours à la détaxe de TVA, tant pour les commerçants que pour les voyageurs, était le résultat à la fois d’une méconnaissance du dispositif et de difficultés procédurales et administratives. À cet égard, le rapporteur salue le service fourni par les opérateurs de détaxe, qui favorise la réalisation de transactions détaxées et participe ainsi à l’augmentation de la consommation des touristes internationaux chez les commerçants français.

Toutefois, le rapporteur considère que l’administration des douanes devrait se saisir pleinement du dispositif de détaxe de la TVA et proposer elle-même ce service aux voyageurs. Ainsi, sans pour autant mettre fin à l’activité des opérateurs de détaxe, qui favorise le développement de la détaxe de TVA, l’administration des douanes pourrait également proposer ce même service aux touristes internationaux, via une application étatique dédiée.

 

Une telle application permettrait de proposer une alternative très fiable aux touristes internationaux, et de faciliter les contrôles douaniers informatiques et physiques sur les transactions détaxées. De plus, le remboursement direct du voyageur par l’administration fiscale serait ainsi rendu possible, moyennant une éventuelle commission destinée à rémunérer l’administration pour le service ainsi rendu.

Recommandation n° 15. Développer une application étatique à destination des touristes internationaux pour permettre leur remboursement direct par l’administration.

 

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 février 2022, la commission a procédé à l’examen du rapport sur les conclusions de la mission flash sur les mécanismes de détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée (M. Mohamed Laqhila, rapporteur)

M. le président Éric Woerth. Chers collègues, la mission flash sur la détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont notre collègue Mohamed Laqhila nous présente les conclusions avait été créée à l’automne 2021.

M. Mohamed Laqhila, rapporteur. Notre tourisme et nos commerçants ont été très durement touchés par la crise sanitaire. À l’heure où l’espoir renaît d’un retour à la normale, nous devons étudier tous les moyens de faciliter une prospérité retrouvée pour notre économie en général et pour le tourisme en particulier. À cet égard, la détaxe de TVA est un levier méconnu de rebond et de croissance pour le secteur touristique et les commerçants français. C’est pourquoi, chers collègues, vous m’avez confié une mission flash sur le sujet.

Ce dispositif d’exonération prévu par le droit européen permet aux personnes résidant en dehors de l’Union européenne et y effectuant de courts séjours de bénéficier du remboursement de la TVA sur leurs achats personnels lorsqu’ils en quittent le territoire. Au terme de la dizaine d’auditions que j’ai menée, je suis plus que jamais convaincu de l’utilité de ce mécanisme pour faire de la France un territoire attractif pour les touristes internationaux.

Si des efforts ont été accomplis ces dernières années, je crois cependant qu’il faut aller plus loin. Ce mécanisme est sous-utilisé par les commerçants et les touristes internationaux. Seuls certains secteurs économiques et géographiques en tirent profit. Les petits commerçants sont souvent dissuadés d’en proposer le bénéfice à leurs clients en raison de la complexité des procédures. Par ailleurs, le Brexit constitue une belle opportunité de recourir à la détaxe, puisque les résidents britanniques y sont devenus éligibles. Nos commerçants doivent pouvoir pleinement s’en saisir.

La détaxe de TVA est appliquée dans tous les États membres de l’Union européenne. Toutefois, seules son existence et ses modalités générales de fonctionnement sont définies par le droit européen. Les touristes extra-européens peuvent bénéficier de la détaxe sur leurs seuls achats effectués à des fins strictement personnelles lors d’un séjour touristique de moins de six mois dans l’Union européenne. Dans les faits, les marchandises les plus concernées sont les produits de mode, mais aussi, par ordre décroissant, l’horlogerie, la bijouterie, les matériels informatiques et la parfumerie.

Le touriste doit suivre un certain nombre d’étapes visant à vérifier son éligibilité et à garantir que les marchandises concernées sont bien transportées en dehors de l’Union européenne.

En premier lieu, le client réalise ses achats au sein d’un magasin. Pour qu’il puisse bénéficier de la détaxe, le montant total de ses achats réalisés au sein d’une même enseigne doit dépasser un seuil minimum de 100 euros. Au moment du règlement en caisse, le touriste indique qu’il souhaite bénéficier de la détaxe et demande l’édition d’une facture à son nom. Le commerçant doit alors vérifier l’éligibilité du client, en particulier son statut de non-résident européen, en contrôlant l’original de sa pièce d’identité. Si le client est éligible, le commerçant édite un bordereau de vente à l’exportation par le biais d’un téléservice fourni par les douanes et dénommé « PABLO ». Il renseigne, de manière informatique, diverses informations relatives à l’identité de l’acheteur, au magasin détaillant et aux marchandises achetées. Il précise également le taux et le montant de la TVA applicable à chaque marchandise. Il faut noter que le bordereau ne peut être émis que dans un délai d’un à trois jours suivant la date de l’achat. Le bordereau de détaxe est ensuite signé par le vendeur et l’acheteur, puis remis à ce dernier.

Au moment de sa sortie du territoire français, le touriste doit valider son bordereau sur une borne PABLO, mise à disposition par les services douaniers. La vente n’est définitivement exonérée de TVA que lorsque le vendeur reçoit la confirmation que le bordereau a obtenu le visa douanier électronique. En l’absence de borne ou en cas de problème technique, le touriste doit se présenter au guichet douanier pour un contrôle physique par les agents des douanes. Par ailleurs, les touristes peuvent également faire valider leur bordereau de détaxe dans un autre pays de l’Union européenne.

Le commerçant procède généralement au remboursement de l’acheteur après avoir reçu la confirmation de validation du bordereau via PABLO. Néanmoins, il peut également accorder une détaxe anticipée à l’acheteur ; dans ce cas, une garantie bancaire est généralement prise. Le remboursement du touriste peut être effectué sous différentes formes : par carte, virement bancaire, espèces, chèque ou encore paiement électronique.

Les modèles de détaxe sont au nombre de trois.

Dans un premier modèle, le commerçant pratique lui-même la détaxe. Il doit pour cela utiliser une interface gratuite, fournie par la douane, intitulée « PABLO-I ». Néanmoins, l’utilisation de ce service est relativement faible, puisqu’il représente seulement 7 à 8 % des bordereaux de détaxe émis en 2019. En effet, la détaxe de TVA peut rapidement constituer une charge administrative et logistique très importante pour les commerçants, qui préfèrent en pratique recourir aux services d’un opérateur de détaxe.

C’est le deuxième modèle : le commerçant recourt aux services d’un opérateur, auquel il est lié par contrat. L’opérateur prend alors en charge la quasi-totalité des opérations de détaxe – en dehors du contrôle de l’identité et de l’éligibilité du touriste, qui reste à la charge du commerçant. L’opérateur joue le rôle d’un prestataire de services pour le commerçant, ce qui comporte, pour ce dernier, de nombreux avantages : l’opérateur prend en charge les formalités administratives, ainsi que les mises à niveau informatiques, et assure un suivi des évolutions réglementaires. Ces services sont rémunérés par une commission prélevée par l’opérateur sur le montant de la TVA remboursée à l’acheteur. Ce modèle représente aujourd’hui 80 % du marché de la détaxe en France.

Un troisième modèle est apparu plus récemment. De nouveaux opérateurs de détaxe sont en effet entrés sur le marché et proposent une procédure de détaxe beaucoup plus dématérialisée. Dans ce cadre, l’opérateur joue un rôle d’acheteur-revendeur entre le touriste et le commerçant. Deux ventes se succèdent : un premier achat est réalisé auprès du commerçant, par le touriste mais au nom de l’opérateur de détaxe. Ensuite, par le biais d’une application, le touriste transmet la facture de cet achat à l’opérateur de détaxe, qui émet alors une deuxième facture, par laquelle il revend au touriste la marchandise acquise auprès du commerçant. L’opérateur de détaxe émet également le bordereau de vente à l’exportation qui permettra de justifier la sortie de la marchandise du territoire de l’Union européenne. Cette procédure de double vente présente l’avantage de réduire les formalités administratives pour le commerçant, qui n’a qu’à éditer une facture au nom de l’opérateur de détaxe. Ensuite, l’opérateur agit comme un prestataire de services, cette fois-ci uniquement auprès du touriste étranger. Le recours à une application est également un facteur de simplicité ; néanmoins, il présente aussi des risques de fraude non négligeables, sur lesquels je reviendrai.

Avant d’en venir aux évolutions positives et aux insuffisances du dispositif que j’ai pu constater au cours de cette mission d’information, je souhaiterais insister sur le potentiel de développement de la détaxe, qui pourrait offrir des possibilités intéressantes pour notre tourisme et nos commerçants.

Le recours à la détaxe avait bien progressé avant la crise sanitaire. En 2019, plus de 9 000 commerçants avaient émis un bordereau de détaxe et un total de 5,2 millions de bordereaux avaient été émis, pour un montant de près de 7 milliards d’euros d’achats détaxés. Avec la crise sanitaire, ce chiffre s’est élevé à 1,5 milliard d’euros en 2020, puis 2 milliards en 2021. Malgré les mauvais chiffres enregistrés au cours des deux dernières années en raison de la crise sanitaire, les montants en jeu sont donc élevés.

De plus, pour l’heure, le recours à la détaxe est essentiellement concentré à Paris, à la frontière suisse, sur la Côte d’Azur et dans le Calaisis. De surcroît, même dans ces zones fortement fréquentées par la clientèle touristique internationale, tous les commerçants ne proposent pas la détaxe de TVA, alors même que ce dispositif pourrait leur permettre d’augmenter sensiblement leur chiffre d’affaires. Encore une fois, la détaxe représente donc un gisement de croissance tout à fait intéressant.

En effet, elle constitue un levier d’accroissement de la dépense touristique. Le touriste qui en bénéficie voit automatiquement son pouvoir d’achat augmenter et est ainsi tenté de dépenser immédiatement l’économie réalisée en achetant plus ou plus cher. Cette forme d’effet multiplicateur s’accentue lorsque le touriste obtient le remboursement de la TVA en espèces, en raison des frais de change.

Je rappelle que les touristes venant en France dépensent relativement peu sur notre territoire par rapport à ce qu’on observe dans d’autres pays. Ainsi, si la France est la première destination touristique en nombre de visiteurs, elle n’est que la troisième, derrière les États-Unis et l’Espagne, pour les recettes liées au tourisme. Les choix faits en matière de promotion de la « destination France », presque exclusivement fondés sur la valorisation patrimoniale de notre pays, sont sans doute en partie en cause, mais la complexité du parcours de détaxe est probablement, elle aussi, un facteur important de moindre dépense touristique sur notre territoire.

En outre, le Brexit constitue une chance pour notre commerce, d’autant plus que les touristes britanniques sont présents sur une grande partie du pays et que le Royaume-Uni a décidé de supprimer la détaxe sur son territoire.

Il me paraît donc urgent d’améliorer notre procédure de détaxe afin d’en exploiter le plein potentiel. De réelles avancées ont d’ailleurs été accomplies dans les années récentes.

Tout d’abord, une procédure d’agrément à destination des opérateurs de détaxe est en vigueur depuis le 1er janvier 2018. Les opérateurs de détaxe qui souhaitent exercer leur activité en France doivent désormais être agréés par l’administration des douanes. Cette procédure permet de vérifier la sécurité de leur système informatique, leur solvabilité financière, ainsi que leurs procédures de contrôle interne et d’analyse des risques. L’agrément est valable trois ans. Pendant sa durée de validité, des audits de contrôle peuvent être effectués par l’administration des douanes. Des amendes sont encourues en cas de manquement, ainsi que la suspension, voire le retrait de l’agrément. Selon les informations qui m’ont été communiquées par l’administration, l’institution de cette procédure a conduit plusieurs opérateurs à abandonner leur démarche ou à réorganiser leurs procédures. Je ne peux donc que me réjouir de ce meilleur encadrement des opérateurs.

Ensuite, la procédure de détaxe de TVA a connu plusieurs assouplissements, dans le cadre d’un « plan détaxe » adopté en 2019, qui comprenait trois mesures. Tout d’abord, le délai pendant lequel des achats effectués en France au sein d’un même magasin peuvent bénéficier de la détaxe, qui était d’un jour, a été porté à trois jours. Cette mesure, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, offre plus de confort aux touristes internationaux. Ensuite, le seuil minimum d’achat a été abaissé, passant de 175 à 100 euros le 1er janvier 2021. Avant cette date, la France avait le seuil le plus élevé de la zone euro. Cet abaissement améliore notre compétitivité vis-à-vis de nos voisins européens, même si je pense que nous pouvons aller encore plus loin. En Espagne, le seuil minimum d’achat a en effet été supprimé ; en Allemagne, il n’est que de 25 euros. La diminution du seuil profite d’ailleurs aux petits commerçants, chez qui le panier moyen des touristes est moins élevé que dans les grands magasins. Enfin, il était prévu de relever le plafond de remboursement en espèces, qui passerait de 1 000 à 3 000 euros, mais cette mesure n’a pas encore été mise en œuvre. Elle implique, en effet, une modification législative, pour laquelle aucun véhicule n’a jusqu’à présent été trouvé.

En parallèle de ces assouplissements réglementaires, les efforts de l’administration des douanes ont également porté sur l’amélioration des supports informatiques et techniques de la détaxe. En effet, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le nombre de bornes PABLO présentes aux différents points de sortie du territoire a été doublé. J’ai néanmoins constaté la persistance de quelques zones blanches, notamment à la Gare de Lyon à Paris, qui constitue pourtant le point de départ de la liaison ferroviaire vers la Suisse.

L’administration des douanes a également apporté des améliorations techniques et ergonomiques au système PABLO. Surtout, la procédure de détaxe est entièrement « dématérialisable » depuis le 1er janvier 2022, puisqu’il est désormais possible de présenter le bordereau de détaxe à la borne PABLO non plus en format papier mais sur un téléphone.

Malgré ces avancées, la procédure de détaxe continue de présenter des difficultés, voire des failles. En premier lieu, les commerçants français ne proposent pas suffisamment le bénéfice de la détaxe de TVA à leurs clients, alors même que le dispositif constitue un levier d’accroissement de leur chiffre d’affaires.

La raison principale réside dans une méconnaissance du dispositif. J’ai été étonné de constater que les réseaux de commerçants, les organisations patronales et les chambres de commerce et d’industrie ne se saisissent pas suffisamment du sujet et ne font pas la promotion du dispositif auprès de leurs adhérents.

Il est vrai que la détaxe peut rapidement entraîner une charge administrative et financière, en particulier pour les petits commerçants. Ceux-ci sont parfois également mal informés et craignent de courir un risque fiscal. L’affiliation à un opérateur de détaxe, malgré son intérêt est, de surcroît, souvent perçue comme coûteuse.

En outre, les touristes internationaux ne recourent pas suffisamment à la détaxe. Selon certains opérateurs de détaxe, le montant des achats ayant donné lieu à détaxe, rapporté au montant total des achats réalisés par des touristes éligibles, se situerait autour de 60 %. Selon ces opérateurs, une progression de 10 à 15 points serait envisageable. Encore une fois, c’est surtout la méconnaissance du dispositif qu’il faut incriminer.

Par ailleurs, la relative complexité de la procédure de détaxe reste dissuasive pour les touristes extra-européens. Les formalités administratives sont nombreuses et parfois difficilement compréhensibles par des étrangers. La question de la fluidité du parcours de détaxe est également essentielle pour les touristes, et les files d’attente aux guichets de détaxe des grands magasins ou aux bornes PABLO peuvent rapidement les décourager d’y recourir.

Enfin, une difficulté importante pour les touristes a été portée à ma connaissance : l’absence de système européen interopérable de détaxe, alors même que 25 % des bordereaux de détaxe émis en France sont visés dans un autre État membre de l’Union européenne. Les formats de bordereaux ne sont pas harmonisés au niveau européen, pas plus que la procédure de visa douanier, ce qui peut engendrer des difficultés considérables pour les touristes. Face à ce constat, les autorités françaises s’étaient engagées, en 2015, dans un groupe de travail européen sur la question, dont les négociations n’ont pas abouti. Le sujet est aujourd’hui de nouveau en discussion au sein de la Commission européenne, et je pense que la présidence française de l’Union européenne constitue une belle occasion de faire avancer cette question.

En dernier lieu, des risques de fraude persistent en matière de détaxe de TVA. Il existe des failles dans la procédure, que l’administration doit mieux prendre en compte et contrôler. Ces failles portent essentiellement sur le modèle de détaxe proposé par les nouveaux opérateurs sur la base d’une double vente.

D’abord, ce mécanisme permet de contourner la réglementation douanière, en regroupant des achats réalisés dans des enseignes différentes, pour des montants parfois inférieurs à 100 euros, et sur une période supérieure au délai de trois jours attaché à l’émission du bordereau de détaxe. Je m’interroge donc sur la pertinence du maintien de cette réglementation douanière.

Ensuite, et c’est là que les risques de fraude sont les plus sensibles, le système de la double vente engendre des difficultés de contrôle pour les services douaniers. En effet, ces contrôles sont essentiellement informatiques, sur la base des données transmises par les commerçants et les opérateurs via le système PABLO. Or, lorsque l’opérateur agit comme acheteur-revendeur entre le commerçant et le touriste, l’administration des douanes n’a pas de visibilité sur la transaction réalisée auprès du premier vendeur, puisque seule la facture éditée par l’opérateur au nom de son client donne lieu à l’émission du bordereau de détaxe. L’identité du commerçant constitue pourtant l’un des éléments des profils de ciblage utilisés pour déclencher leurs contrôles physiques aux points de sortie du territoire.

Par ailleurs, l’absence d’identification de l’enseigne d’origine des achats dans le système PABLO permet potentiellement aux touristes de solliciter le bénéfice de la détaxe auprès de plusieurs opérateurs sur le fondement de la même preuve d’achat, sans que les contrôles douaniers puissent l’empêcher. Cette faille est accentuée par le fait que certains opérateurs, contrairement à la réglementation qui leur impose d’exiger une facture comme preuve d’achat, acceptent d’émettre des bordereaux de vente à l’exportation sur la foi de simples tickets de caisse présentés par leurs clients.

Je tiens à souligner que je suis favorable à toute évolution qui permet de faciliter le recours à la détaxe de TVA chez les touristes internationaux, afin que les commerçants français puissent pleinement tirer profit de l’attractivité touristique de notre territoire. Néanmoins, la volonté de simplifier le parcours de la détaxe ne doit pas conduire à rendre la fraude plus aisée. C’est pourquoi je me réjouis qu’un encadrement plus strict des contrôles d’identité pratiqués par les opérateurs de détaxe soit en voie d’être mis en place par l’administration des douanes.

J’en viens désormais à mes recommandations.

Tout d’abord, il faut améliorer l’information des commerçants et des touristes sur le dispositif de détaxe de la TVA, par le biais de campagnes d’information, en particulier dans les zones fortement fréquentées par les touristes internationaux. Il conviendrait également de mettre en avant, dans la promotion de la « destination France », les possibilités d’achats réalisables lors d’un séjour en France.

Ensuite, je crois fondamental d’alléger et de fluidifier le parcours de détaxe. À ce titre, il faut achever la mise en œuvre du « plan détaxe » en relevant le plafond de remboursement en espèces. Je pense également que nous devrions supprimer, à l’instar de l’Espagne, le seuil minimum d’achat.

La fluidification du parcours de la détaxe implique de meilleures infrastructures. Des bornes PABLO supplémentaires doivent être implantées dans les zones où elles manquent. Surtout, ces bornes PABLO pourraient être modernisées, à l’image de ce qui existe en Espagne ou au Portugal, où le scan du passeport sur la borne permet le rapatriement de l’ensemble des bordereaux de détaxe associés au touriste. Cela permet un gain de temps à l’aéroport, et donc une réduction des files d’attente.

En parallèle, il convient de durcir les contrôles sur les opérateurs et sur les voyageurs. Concernant les opérateurs, les vérifications réalisées pendant la procédure d’agrément doivent être renforcées, notamment sur la fiabilité de leurs procédures et le contrôle des risques de fraude. Une fois l’agrément délivré, les contrôles sur les opérateurs de détaxe doivent être poursuivis.

De plus, afin de garantir l’efficacité des contrôles douaniers informatiques, il serait souhaitable d’intégrer, dans les mentions obligatoires du bordereau de détaxe, l’identité du vendeur initial de la marchandise, ainsi qu’une référence de vente afin d’empêcher l’usage répété d’une même preuve d’achat.

Enfin, une réflexion doit être menée sur l’instauration d’un contrôle des bagages personnels du voyageur au moment de la délivrance du visa douanier, afin de s’assurer que la marchandise détaxée est bien exportée. Un système de puces électroniques ou de scan du code-barres du produit serait peut-être envisageable.

En outre, dans le cadre de cette mission d’information, j’ai été surpris par l’absence d’analyse économique sur l’impact des dispositifs de détaxe et de leurs différentes modalités. Je pense donc que la réalisation d’une telle étude serait souhaitable.

Je crois également urgent d’encourager la création d’un système européen interopérable de détaxe. Les discussions actuelles au sein de la Commission européenne sont une occasion à saisir.

Enfin, je pense souhaitable de réfléchir à une simplification de notre dispositif de détaxe, en proposant aux touristes internationaux la possibilité de bénéficier d’un remboursement direct de la TVA. Ce remboursement serait obtenu après transmission d’une preuve d’achat sur une application créée à cette fin par l’administration des douanes. Une telle évolution du dispositif aurait pour effet de simplifier à la fois les démarches des touristes, de réduire les formalités administratives pour les commerçants et de faciliter les contrôles des douanes sur les transactions détaxées.

Pour conclure, je souhaite remercier toutes les personnes que j’ai entendues dans le cadre de cette mission d’information flash. Elles m’ont apporté de précieux éclairages sur le fonctionnement de la détaxe de TVA en France et ont évoqué de nombreuses pistes d’amélioration possibles afin de faire de la détaxe un levier de la relance du secteur touristique et de la reprise économique pour l’ensemble des commerçants français.

M. le président Éric Woerth. Merci, monsieur le rapporteur, pour votre rapport extrêmement clair et vos propositions sur un sujet assez peu connu, que vous avez défriché. Il s’agit également d’un sujet évolutif, compte tenu des technologies en jeu, avec des enjeux financiers et des enjeux de contrôle importants.

M. Daniel Labaronne. Merci, cher collègue, pour votre rapport. Si la détaxe de TVA est prévue par le droit de l’Union européenne et s’applique dans tous les États membres de l’Union selon des modalités générales communes, sa mise en œuvre diffère dans chacun de ces pays. En effet, chaque État membre peut décider des modalités d’application spécifiques, notamment en ce qui concerne le seuil d’activation du dispositif.

Le mécanisme de détaxe incite les visiteurs étrangers à acheter en France durant leur séjour. Il constitue donc vraiment un facteur de dynamisme économique pour notre tourisme et notre commerce. En 2019, il représentait un montant important de 7 milliards d’euros.

D’après la direction générale des entreprises, si la France est l’une des premières destinations touristiques, elle n’est qu’en troisième position en ce qui concerne les recettes tirées du tourisme, derrière les États-Unis et l’Espagne. Nous avons donc un certain mal à inciter les touristes à effectuer des achats en France. Cela tient peut-être au seuil minimal d’achat requis pour bénéficier d’une détaxe de TVA. Vous indiquez dans votre rapport que le seuil français est l’un des plus élevés de l’Union européenne. Il a été abaissé de 175 euros à 100 euros en 2021, mais il est de 25 euros en Allemagne et nul en Espagne.

S’y ajoute la complexité du parcours de détaxe en France, constitué de plusieurs étapes, ce qui peut facilement décourager les touristes à profiter du dispositif.

Pensez-vous que la mise en place d’un seuil de déclenchement de la détaxe de TVA commun à tous les États membres de l’Union européenne participerait à une augmentation des achats réalisés par les touristes étrangers en France ? Cela pourrait-il être un moteur d’attractivité ?

Enfin, je m’interroge sur la pertinence de créer un système européen de détaxe. Vous l’avez indiqué, la France avait été désignée, en 2015, pour piloter un groupe de travail, dans le cadre du programme de coopération fiscale Fiscalis, afin de développer un système interopérable de détaxe. Toutefois, ces travaux ont été arrêtés. Quelles sont les perspectives ?

M. Brahim Hammouche. La détaxe de TVA, sur laquelle notre collègue Mohamed Laqhila a travaillé en un temps record, est un facteur d’attractivité déterminant pour ce qu’il a appelé la « destination France ». Elle représente des achats à hauteur de 6,9 milliards d’euros, principalement concentrés sur les secteurs de la mode, de l’horlogerie, de la bijouterie, de l’informatique, des cosmétiques et des parfums.

J’abonde dans le sens du rapporteur : la détaxe sera un des arguments de la « destination France » dans les prochains mois, lorsque les voyages internationaux seront de nouveaux pleinement possibles et que la situation nous permettra de préparer avec vigueur le retour des touristes internationaux.

Notre collègue rapporteur décrit très bien l’évolution de la détaxe, avec l’apparition de nouveaux opérateurs, qui s’appuient fortement sur les outils numériques et le mécanisme de double vente. Son rapport souligne que la détaxe en France a fait l’objet de plusieurs évolutions réglementaires et techniques depuis quelques années, notamment avec la création d’une obligation d’agrément pour les intermédiaires. Cette certification est suivie d’un audit portant notamment sur la santé financière, les procédures de contrôle interne et la maîtrise des risques de l’opérateur. La procédure de détaxe est également contrôlée, notamment par les méthodes de sécurisation des transactions, à travers la vérification de l’identité du client, ainsi que par les modes de paiement et de remboursement.

Toutefois, le développement du mécanisme de double vente est en lui-même porteur de nombreux risques de fraude. Il permet de contourner assez largement la réglementation douanière, en particulier ce seuil minimum d’achat fixé à 100 euros et le délai de trois jours durant lequel les achats réalisés au sein d’une même enseigne peuvent faire l’objet d’une détaxe de TVA. Est-il possible d’évaluer la proportion de ces fraudes ? Quelles mesures de contrôle peut-on envisager pour mettre fin aux dérives existantes ?

Mme Patricia Lemoine. La question de la détaxe de TVA est un sujet peu connu. Je le découvre ce matin, alors que le territoire de ma circonscription accueille un lieu particulièrement concerné, Disneyland Paris.

Vous avez indiqué que la détaxe constitue un gisement de croissance intéressant mais insuffisamment exploré ou exploité, et que la procédure de détaxe telle qu’elle existe aujourd’hui est encore trop complexe pour encourager les commerçants à y recourir.

Le seuil minimum d’achat en France a certes été abaissé, mais il demeure supérieur à celui d’autres pays européens où la détaxe est possible dès le premier euro. Il s’agit d’un sujet qui mérite d’être de nouveau mis sur la table. L’harmonisation des procédures à l’échelle européenne permettrait peut-être en outre d’améliorer la visibilité du dispositif.

Existe-t-il un panorama des touristes qui utilisent le plus la détaxe ? Si c’est le cas, peut-être pourrait-on mieux cibler les campagnes d’information à destination de ceux qui l’utilisent le moins.

En ce qui concerne les risques de fraude, avons-nous une idée des montants en jeu ?

Vous nous avez fait part de la présence insuffisante des bornes PABLO sur le territoire français. Quel est le coût d’une borne PABLO ? Est-ce que ce coût explique en partie la présence insuffisante des bornes ?

M. Benjamin Dirx. Je salue l’excellent rapport de Mohamed Laqhila. J’ai moi-même eu l’occasion de travailler sur la détaxe de TVA, dans le cadre d’une mission que m’avait confié en 2018 le Premier ministre de l’époque, M. Édouard Philippe, visant à développer l’attractivité touristique de la France lors des grands événements sportifs à venir.

À l’époque, le seuil minimal d’achat pour bénéficier de la détaxe était encore de 175 euros. Nous avions envisagé de le supprimer complètement d’ici 2022. Il a finalement été abaissé à 100 euros, c’est une avancée.

Pour répondre à une des questions posées précédemment, je crois me souvenir que les Chinois utilisent beaucoup la détaxe de TVA.

Les travaux parlementaires sur ce sujet se poursuivent. Toutefois, au moment d’établir un bilan de l’activité de notre commission, je constate que nous manquons encore de « lien » entre les différents travaux parlementaires et que des avancées en la matière seraient souhaitables.

En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, je me dois d’insister sur l’importance de la Coupe du monde de rugby prévue en France en 2023. Le budget moyen des supporters en déplacement se situe entre 2 200 et 2 700 euros, et atteint même 5 000 euros pour les Japonais. Les Jeux Olympiques auront également lieu en France en 2024. Il faut donc que nous avancions sur les questions liées à la détaxe de TVA.

M. Mohamed Laqhila. Cher collègue Labaronne, faut-il un seuil minimum à l’échelle de l’Europe ? Je crois beaucoup plus à la concurrence. Les étrangers qui viennent en France et à Paris, qu’ils soient Américains, Chinois ou Japonais, viennent pour nos monuments. Alors qu’ils visitent l’ensemble des capitales européennes, c’est à Milan, Barcelone ou ailleurs qu’ils font leurs achats. Nous sommes très concurrencés par le Portugal ou l’Espagne. Il faut donc tout mettre en œuvre pour informer les étrangers que la détaxe en France existe, qu’il y a des systèmes qui permettent de détaxer facilement avec de nouveaux opérateurs. Il faut aussi et surtout faire connaître le dispositif à l’ensemble des commerçants.

Les étrangers qui viennent à Paris vont principalement aux galeries Lafayette, ces dernières étant aussi opérateurs. Les petits commerçants, eux, ne savent pas qu’ils peuvent bénéficier de la détaxe, y compris à Aix-en-Provence d’où je viens, où les étrangers achètent des calissons pour des montants qui dépassent largement le seuil de 100 euros. Or toute marchandise qui est exportée peut et doit bénéficier de la détaxe. Encore faut-il qu’il soit facile d’en bénéficier. Aujourd’hui, c’est le cas : avec les nouveaux opérateurs, le commerçant ne prend plus aucun risque. Il suffit que les touristes téléchargent une application et s’adressent aux commerçants pour que la facture soit émise au nom de l’opérateur. Cela leur permet d’acheter sans TVA déduction faite de la commission versée à l’opérateur.

C’est donc sur le terrain de la concurrence avec les autres pays de l’Union européenne que nous devons progresser même s’il faut aussi travailler sur les aspects informatiques du système d’interopérabilité où le bât blesse – par exemple, lorsqu’un étranger achète un produit en France et quitte l’Union européenne à partir de l’Italie ou de l’Espagne.

M. Hammouche a soulevé le sujet de la fraude sur la double vente. Elle existe effectivement : nous avons eu connaissance d’un scandale en Allemagne, d’où l’intérêt d’un meilleur contrôle des douanes. Dès la procédure d’agrément, nécessaire pour agir en France, certains opérateurs ont été écartés. Au-delà de cette procédure d’agrément, le contrôle des douanes doit être continu pour éviter une fraude massive. Il faut pour cela s’assurer que la marchandise a bien quitté le territoire. Je fais une proposition dans mon rapport : on pourrait réfléchir à une puce attachée à la marchandise achetée. De toute évidence, on ne peut pas mobiliser en permanence un douanier pour le vérifier.

Je ne connais pas le coût d’installation des bornes PABLO mais les douanes ont doublé leur nombre. Il existe encore quelques zones blanches, qui sont signalées. Les douanes le savent et devraient y remédier. Quant aux touristes qui utilisent le plus PABLO, les Américains sont nombreux mais les Chinois semblent assez spécialisés en la matière.

En application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport sur les mécanismes de détaxe en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES entendues par le rapporteur

Direction générale des douanes et droits indirects

– M. Yvan Zerbini, directeur des services douaniers

– Mme Rachilda Bouaouich, inspecteur des douanes, rédacteur détaxe

 

Direction de la législation fiscale

– M. Vincent Petit, chef de bureau

 

Direction régionale des Finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et des Bouches-du-Rhône 

– Mme Catherine Brigant, directrice régionale

 

Galeries Lafayette 

– M. Alexandre Liot, directeur

– Mme Valérie Capes, directrice des services à la clientèle

 

CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence 

– M. Jean-Luc Chauvin, président

 

En audition commune

 

CPME

– M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation

– Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe

– M. Gérard Orsini, président de la Commission fiscale

– Mme Jennifer Bastard, juriste à la direction des affaires économiques, juridique et fiscales

 

Medef

– M. Guillaume Simonin, directeur des affaires économiques et juridiques de l’Alliance du commerce

– Mme Marie-Pascale Antoni, directrice des affaires fiscales

– Mme Mathilde Hily, chargée de mission senior au pôle économie

– M. Antoine Portelli, chargé de mission senior à la direction des affaires publiques

En audition commune

 

GLOBAL BLUE

– M. Yan Mortreux, directeur général France

– M. Régis Lefebvre

 

PLANET PAYMENT

– M. David Campoy, directeur général France

– M. Julien Richard, directeur des affaires financières

 

SOLPAY

– M. Julien Balazun, président

– M. Gregory Briand, directeur général

 

CASH PARIS TAX REFUND

– M. Stéphane Deseine, gérant

 

En audition commune

 

SKIPTAX

– M. Raphaël Salama, co-fondateur

 

ZAPPTAX

– M. Jean-Marie Wodon, co-fondateur

 

En audition commune

 

Direction de la diplomatie économique

– M. Georges Goyon, chef du pôle attractivité touristique, mission de la promotion du tourisme

 

Direction générale des entreprises

– M. Nicolas Dupas, sous-directeur du tourisme

– M. Michel Anselin, chargé de mission à la sous-direction du tourisme

 

 


([1]) Source : Direction générale des entreprises.

([2])  Paragraphe 1, point b) de l’article 146 de la directive TVA.

([3])  Il s’agit de celles portant sur les tabacs manufacturés, les marchandises qui correspondent par leur nature ou leur qualité à un approvisionnement commercial ainsi que celles qui sont frappées d’une prohibition de sortie.

([4])  Arrêté du 23 juillet 2020 relatif à l’abaissement du seuil des achats en détaxe.

([5])  Article 24 bis de l’annexe 4 du CGI.

([6])  Article 24 ter de l’annexe 4 du CGI.

([7])  Article 75 de l’annexe 3 du CGI.

([8])  Circulaire du 10 décembre 2021 : https://www.douane.gouv.fr/sites/default/files/bod/src/dana/da/Transports-fiscalite%20europeenne_21-056.pdf

([9])  BOI-TVA-CHAMP-30-30-10-20 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1545-PGP.html/identifiant%3DBOI-TVA-CHAMP-30-30-10-20-20130528

([10])  Les biens à double usage sont les biens et les équipements susceptibles d’avoir une utilisation aussi bien civile que militaire ou pouvant, entièrement ou en partie, contribuer au développement, à la production, au maniement, au fonctionnement, à l'entretien, au stockage, à la détection, à l’identification ou à la dissémination d’armes de destruction massive. Leur exportation est soumise à autorisation. Certains actifs immatériels sont également considérés comme des biens à double usage.

([11])  Cependant, l’apparition de nouveaux opérateurs de détaxe, dont l’intervention repose sur le principe de la « double vente », permet aux touristes de bénéficier de la détaxe chez tout commerçant, pourvu que celui-ci établisse une facture au nom de l’opérateur (cf. infra).

([12])  Article 75 de l’annexe 3 du CGI.

([13])  L’édition et la remise du BVE postérieurement à l’achat permettent de regrouper, sur le même bordereau, des achats intervenus dans le même magasin, ou dans un magasin possédant le même numéro de TVA intracommunautaire, de manière à atteindre le seuil minimal de 100 euros.

([14])  Article 75 A de l’annexe 3 du CGI et articles 9 à 12 de l’arrêté du 10 décembre 2021 fixant la forme, les conditions d’établissement et d’apurement du titre justificatif des exportations effectuées par les voyageurs résidant dans un pays tiers à l’Union européenne ou dans une collectivité d’outre-mer de la République.

([15])  L’acronyme PABLO signifie « Programme d’apurement des bordereaux de vente en détaxe par lecture optique de codes-barres ». Le programme PABLO a été déployé à partir de 2009 par la direction générale des douanes et droits indirects. Depuis 2014, le recours à cette procédure électronique est obligatoire.

([16])  Cela dans l’hypothèse où le bénéfice de l’exonération n’a pas été accordé au touriste avant que les conditions légales de la détaxe ne soient toutes réunies, en échange d’une garantie.

([17])  Le premier de ces opérateurs est entré sur le marché français en 2018.

([18])  Décret n° 2017-1825 du 28 décembre 2017 relatif à l’exercice de l’activité d’opérateur de détaxe mentionnée à l’article 262-0 bis du code général des impôts.

([19])  Les critères de délivrance de cet agrément sont précisés infra.

([20])  Source : Direction générale des entreprises.

([21])  Article 87 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Ces dispositions ont été codifiées à l’article 262-0 bis du CGI. Leurs modalités d’application sont fixées par les articles 202 E à 202 O de l’annexe 2 du CGI.

([22])  Article 262-0 bis du CGI.

([23])  Article 202 G de l’annexe 2 du CGI et arrêté du 18 janvier 2021 pris pour l’application de l’article 202 G de l’annexe 2 au code général des impôts relatifs aux grilles d’audit pour l’agrément d’opérateur de détaxe.

([24])  Dans ce cas, la mise en conformité de l’opérateur de détaxe sera vérifiée lors de l’audit de suivi, réalisé six mois à un an après la délivrance de l’agrément.

([25])  Article 202 I de l’annexe 2 du CGI.

([26])  Article 262-0 bis du CGI et article 202 L de l’annexe 2 du CGI.

([27])  Articles 202 M et 202 N de l’annexe 2 du CGI.

([28])  Décret n°2017-1825 du 28 décembre 2017 relatif à l'exercice de l'activité d'opérateur de détaxe mentionnée à l'article 262-0 bis du code général des impôts.

([29])  Néanmoins, les entreprises qui exerçaient l’activité d’opérateur de détaxe avant cette date ont été autorisées à poursuivre cette activité sans agrément jusqu’au 1er juillet 2019, afin de leur permettre de se mettre en conformité avec les nouvelles exigences réglementaires et techniques.

([30])  Arrêté du 15 mai 2018 fixant la forme, les conditions d’établissement et d’apurement du titre justificatif des exportations effectuées par les voyageurs résidant dans un pays tiers à l’Union européenne ou dans une collectivité d’outre-mer de la République.

([31])  Arrêté du 10 octobre 2019 relatif à l’extension du délai d’émission du bordereau de vente à l’exportation (BVE).

([32])  Arrêté du 23 juillet 2020 relatif à l’abaissement du seuil des achats en détaxe.

([33])  Article 147 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([34])  Il s’agit de modifier l’article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui interdit le paiement en espèces d’une dette supérieure à un montant fixé par décret. Ce seuil est fixé à 1 000 euros par l’article D. 112-3 du même code.

([35])  Arrêté du 10 décembre 2021 fixant la forme, les conditions détablissement et dapurement du titre justificatif des exportations effectuées par les voyageurs résidant dans un pays tiers à lUnion européenne ou dans une collectivité doutre-mer de la République. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

([36])  https://www.douane.gouv.fr/fiche/eligibility-vat-refunds-pablo.

([37])  Source : DGDDI.

([38])  Selon les informations fournies au rapporteur par la DGDDI, il existe près de mille profils PABLO actifs qui permettent de cibler les bordereaux de vente à l’exportation considérés comme à risque, avant la délivrance du visa.

([39])  Source : DGDDI

([40])  Article 289 du CGI et article 242 nonies A de l’annexe 2 du même code.

([41])  Article 131 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.