N° 5112

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE la dÉfense nationale et des forces armÉes

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur la défense NRBC

ET PRÉSENTÉ PAR

MME Carole bureau-bonnard et M. André chassaigne

Députés

——

 

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.


La mission d’information sur la défense NRBC est composée de : Mme Carole Bureau-Bonnard et M. André Chassaigne, rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : Malgré l’adoption de conventions internationales, la menace NRBC redevient un enjeu opérationnel majeur pour les armées

I. Un encadrement, par le droit international et l’action diplomatique, de la prolifération d’armes de destruction massive

A. Une interdiction progressive des armes de destruction massive pendant et au lendemain de la Guerre froide

1. Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est associé à des modalités de vérification appuyées par une agence internationale

2. La Convention sur l’interdiction des armes biologiques et à toxines prévoit, sur base du volontariat, la présentation par les États parties de mesures de confiance, sans régime de vérification

3. La Convention sur l’interdiction des armes chimiques : un régime performant pour l’élimination des stocks déclarés, assorti d’un mécanisme d’inspection

B. Des dispositions transposées dans le code de la défense

C. Une contribution essentielle du ministère des armées au volet diplomatique de la lutte contre la prolifération

II. La recrudescence de la menace NRBC depuis une dizaine d’années en fait un enjeu opérationnel majeur pour les armÉes

A. Une recrudescence de la menace en provenance d’acteurs plus diversifiés

1. Une recrudescence de la menace depuis une dizaine d’années

2. Une évaluation de la menace assurée par l’état-major des armées et les services de renseignement

a. Une évaluation assurée dès la phase de planification par la cellule de contre-prolifération NRBC du CPCO

b. La nécessité d’un effort significatif en matière de renseignement d’intérêt militaire

3. Une diversification des adversaires potentiels

a. Les États « dotés ou capables ».

b. Les États proliférants

c. Les États « inédits ».

d. Les acteurs non étatiques et les groupes terroristes

B. Une menace complexe aux effets multiples

1. La distinction entre risque, menace, environnement et incident NRBC

2. Une menace protéiforme appréhendée dans sa globalité

a. Quatre types de dangers

b. Une menace appréhendée dans sa globalité

i. Une menace appréhendée dans sa globalité du point de vue des capacités de défense et de la réponse opérationnelle

ii. Des distinctions en matière de recherche de renseignement, de détection, d’identification et de neutralisation

3. Des armes de destruction et de désorganisation massives aux effets matériels et immatériels susceptibles de remettre en cause l’efficacité des forces armées

a. Les effets matériels : destruction massive ou désorganisation massive ?

b. Les effets immatériels : un impact psychologique majeur

i. Des effets traumatisants pour l’opinion publique susceptibles de se répercuter sur les armées

ii. Un effet de surprise pouvant conduire à une rupture dans la conduite des opérations

c. Des armes visant à remettre en cause l’efficacité des forces armées

d. Des effets complexes dans le temps

Deuxième partie : La France est dotée de réelles capacités de défense NRBC

I. Une doctrine fondée sur trois missions, trois principes d’action et cinq capacités

A. Une triple mission et trois principes d’action

1. Une triple mission : protéger les forces, contribuer à la protection de la population et à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive

2. Trois principes d’action : prévenir, gérer, restaurer

B. Cinq piliers capacitaires

II. Une organisation fondée sur la complémentarité et la non duplication, dans un contexte de rareté des moyens

A. Un pilotage interministériel du domaine NRBC assuré par le secrétariat général de la dÉfense et de la sécurité nationale

B. Une organisation de la défense NRBC clairement répartie entre les armées, directions et services du ministère des armées

1. La direction générale de l’armement est chargée de la recherche-développement et conduit les opérations d’armement du domaine NRBC

2. Une organisation à deux niveaux au sein de l’état-major des armées pour assurer permanence et complémentarité

a. L’état-major des armées

b. Une organisation fondée sur la distinction entre moyens génériques et spécialisés

i. La défense NRBC générique permet à toutes les unités de survivre et de continuer à combattre

ii. La défense NRBC spécialisée constitue un réservoir unique de capacités rares

c. Le 2e régiment de dragons : régiment spécialisé de l’armée de Terre remplissant un contrat opérationnel interarmées

d. La composante aérienne, avec la brigade des pompiers de l’air et les treize escadrons de sécurité incendie et de sauvetage, obéit à une logique d’emprise

e. La Marine ne dispose pas d’unité de défense NRBC spécialisée mais de capacités réparties dans ses différentes forces

f. Le service de santé des armées

g. Les centres experts

III. La formation des personnels, enjeu clef pour préserver un vivier rare et éviter toute perte de compétences

IV. Les équipements : l’amorce d’un rattrapage

A. Le schéma directeur SAFIR établi en 2012 visait à pérenniser l’existant et à combler les lacunes jugées critiques

B. Le programme à effet majeur CINABRE s’appuie sur une approche incrémentale

1. Le premier incrément vise au renouvellement des capacités et à combler les lacunes critiques

2. Les incréments suivants devraient permettre de développer des équipements de nouvelle génération

C. L’opération « EPIA » vise à assurer la production des équipements de protection individuelle

D. Le volet recherche : l’importance stratégique de l’innovation

V. Une soutenabilité de l’effort reposant sur la capacité à assurer dans la durée le soutien des équipements

VI. Une préparation opérationnelle prenant en compte la défense NRBC

Troisième partie : Bien que réelles et reconnues par nos alliés, nos capacités de défense NRBC doivent impérativement être renouvelées et consolidées au plus tôt

I. Sanctuariser et renforcer les moyens humains et capacitaires en loi de programmation militaire

A. Sanctuariser les acquisitions d’équipement en loi de programmation militaire pour éviter toute rupture temporaire de capacité

1. Garantir aux forces un développement capacitaire cohérent et compatible avec un engagement de haute intensité

a. Les forces armées sont confrontées à un risque de rupture capacitaire lié à l’obsolescence de certains matériels et à la vétusté des porteurs

i. Les matériels n’ont pas tous le même niveau d’ancienneté

ii. Les équipements lourds de l’armée de Terre se caractérisent par leur ancienneté

iii. L’armée de l’Air et de l’espace souffre elle aussi de lacunes et de la vétusté de nombre de ses équipements, à l’exception notable de ceux de ses pilotes de chasse

b. Le premier incrément du programme CINABRE ne permettra pas de combler les retards accumulés pendant la décennie 2010

c. Consacrer à la défense NRBC un budget de 2 milliards d’euros d’ici à 2030

d. Acquérir au plus tôt 25 GRIFFON NRBC

e. Mieux prendre en compte les spécificités de chaque armée dans les contrats d’acquisition d’équipement

2. Mettre un terme à l’érosion des crédits dédiés à la recherche-développement dans le domaine NRBC

B. Faire des ressources humaines une priorité

II. Approfondir la coopération internationale tout en garantissant le maintien de la souveraineté nationale

A. Approfondir la coopération internationale

1. Une contribution active de la France, compte tenu de ses compétences reconnues, à la force opérationnelle interarmées de défense NRBC de l’Alliance atlantique

2. Une contribution à la coopération européenne en matière de recherche et développement

3. Des coopérations renforcées possibles avec certains États européens, à condition de bien choisir ses partenaires

B. Conserver une autonomie stratégique

1. Disposer d’une appréciation autonome de la situation grâce au renseignement et conserver une capacité d’intervention

2. Soutenir une base industrielle et technologique de défense aujourd’hui fragmentée, condition sine qua non de notre souveraineté

a. Un enjeu de souveraineté

b. Une base industrielle et technologique de défense très fragmentée, composée de nombreux petits acteurs fabriquant des produits de niche

c. Un soutien notable de la DGA aux PME et ETI de la filière NRBC

d. Un droit de la commande publique adapté aux spécificités de matériels qualifiés comme équipements militaires

e. Une BITD qui pourrait être renforcée, moyennant un effort de rationalisation des stratégies capacitaires au niveau interministériel

f. Une BITD dont il faut aussi sécuriser la matière grise et les filières de matières premières afin de lui permettre de faire face à la concurrence étrangère

III. Conférer à la défense NRBC une plus grande visibilité pour renforcer son attractivité au sein du ministère des armées

Examen en commission

Synthèse des propositions

Annexes

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées, des contributions écrites et des déplacements des rapporteurs

1. Auditions

2. Contributions écrites

3. Déplacements

Annexe  2 : Les missions des forces de sécurité en cas d’événement NRBC sur le territoire national

I. Le rôle central de la sécurité civile en cas d’événement NRBC

II. Des formations militaires de la sécurité civile couvrant l’ensemble des risques et des menaces NRBC

A. Un commandement de l’armée de Terre mis pour emploi à la disposition du ministre de l’Intérieur

B. Des missions caractérisées par la polyvalence

C. Des capacités NRBC couvrant l’ensemble des risques et menaces mais des moyens financiers qui restent comptés

1. Des capacités NRBC couvrant l’ensemble des risques et des menaces

a. Un contrat opérationnel exigeant, alliant permanence et polyvalence

b. Une organisation adaptée au contrat opérationnel

c. Une ressource humaine qualifiée

d. Des matériels diversifiés, complexes et coûteux

e. Des entraînements réguliers avec des acteurs variés

2. Des innovations et des perspectives européennes à développer

a. Des efforts dans le domaine de la décontamination

b. Des projets européens en cours de développement

D. La militarité des ForMiSC, gage de leur efficacité et de leur résilience

1. La spécificité militaire des ForMiSC

a. Le recrutement

b. La formation de cursus

c. Les entraînements

d. Les missions

2. Les atouts de la militarité

III. La gendarmerie nationale : un acteur doté de capacitÉs majeures dans le domaine NRBC

A. Une stratégie de réponse NRBC fondée sur la complémentarité et la subsidiarité

B. Une force armée s’appuyant sur un réseau d’experts

C. Une intervention coordonnée des forces de sécurité intérieure en cas d’événement NRBC

D. Une action de la gendarmerie qui s’articule avec celle des autres acteurs du domaine NRBC

IV. La police nationale, un acteur au cœur de la gestion de crise

A. Une doctrine opérationnelle

B. Des personnels formés et entraînés

C. Du matériel de protection adapté au risque


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   Introduction

 

 

Abondamment illustrées au cinéma, évoquées dans la presse et objet des plus hautes attentions politiques et diplomatiques, les armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) – plus couramment appelées armes de destruction massive – demeurent dans l’ombre du secret et le flou d’une perception collective trop souvent tronquée par les lacunes historiques. Comment ne pas penser à ces poilus rescapés des tranchées – que les plus anciens d’entre nous ont connus, marqués dans leur chair par les effets durables des gaz de combat dont la tristement célèbre ypérite ? La compréhension de l’organisation, du rôle, de l’emploi, des contraintes et des effets de ces armes a, de tout temps, été déformée par la recherche du sensationnalisme, la simplification hâtive ou l’instrumentalisation délibérée.

Pourtant, l’histoire des armes de destruction massive, souvent méconnue, est riche d’enseignements. Depuis le Premier conflit mondial, avec la naissance de la guerre chimique, ces armes offrent l’image d’une forme de combat très paradoxale. Parfois d’emploi très limité et marqué par le secret et la dénégation, ces armes mystérieuses, redoutables et terrifiantes – maintes fois condamnées et rejetées avec vigueur – n’ont jamais disparu en dépit d’interdictions formelles. Au contraire, les évolutions technologiques n’ont cessé de permettre leur perfectionnement. L’usage de poisons et la propagation volontaire de maladies sont des procédés aussi anciens que la guerre elle-même. Les « progrès » scientifiques et industriels ont permis à ces moyens souvent empiriques de devenir de véritables armes au début du XXe siècle. La maîtrise de l’atome apporta ensuite une dimension apocalyptique supplémentaire. Les armes de destruction massive soulèvent des enjeux dont les réponses suivent une ligne globalement similaire depuis près d’un siècle, aux contraintes juridiques et aux progrès technologiques près. Par ailleurs, la rareté des cas concrets suffisamment détaillés entraîne celle des retours d’expérience, pourtant cruciaux dans l’anticipation de la menace.

Depuis l’Antiquité, l’utilisation des armes biologiques et chimiques au cours d’opérations militaires est récurrente. L’emploi de fumées irritantes ou toxiques, obtenues selon de nombreux procédés, de même que l’empoisonnement de puits et le catapultage de pestiférés sont relatés dans de nombreux ouvrages.

À l’époque moderne, c’est à la fin du XIXe siècle que les « progrès » réalisés dans le domaine de la chimie rendent crédible la perspective de développement de l’utilisation de ces armes nouvelles lors d’un futur conflit. La Déclaration faite à La Haye le 29 juillet 1899 interdit l’emploi de projectiles ayant pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères. La deuxième Conférence de La Haye, tenue en 1907, réitère l’interdiction d’emploi de poisons ou d’armes empoisonnées.

Pourtant, l’arme chimique fait son apparition sur le champ de bataille dès l’automne 1914 et l’emploi des gaz de combat ne cesse de croître durant tout le conflit. L’efficacité de la guerre chimique est en revanche réduite dès lors que des moyens de protection efficaces et immédiatement disponibles sont mis à disposition des troupes – qui doivent néanmoins être correctement instruites et respecter strictement les consignes. Si les pertes par gaz furent parfois exagérées par la propagande, l’opinion publique considéra les gaz de combat comme une arme barbare et les états-majors comme un moyen efficace et « prometteur » pour l’avenir…

Utilisée par l’Espagne à partir de 1923 durant la guerre du Rif, prohibée par le Protocole de Genève de 1925, l’arme chimique est également employée par l’Italie lors de la conquête de l’Éthiopie en 1935-1936 puis par le Japon contre la Chine dès 1938. En dépit d’une certaine émotion de l’opinion publique, les réactions internationales ne furent sans doute pas à la hauteur des épreuves subies par les victimes, rarement protégées et incapables de riposter.

Largement redoutée, mais consciencieusement préparée par les belligérants, la guerre chimique ne fut pas menée durant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, on note la rupture technologique et morale qu’entraîna l’emploi de la bombe atomique à Hiroshima et à Nagasaki, que résume si bien Albert Camus dans son éditorial de Combat du 8 août 1945 : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».

La Guerre froide est le théâtre d’un développement accéléré sans précédent, les deux camps militarisant toute substance toxique ou agent biologique jugés efficaces. C’est le début de la prolifération, tous domaines confondus – avec la constitution d’arsenaux nucléaires, l’amoncellement de munitions chimiques et le développement d’armes biologiques sophistiquées. Considérées comme incontournables sur un éventuel champ de bataille en Europe centrale, les armes de destruction massive marquent durablement de leur empreinte près d’un demi-siècle d’histoire mondiale. Les conflits périphériques voient eux aussi l’emploi de l’arme chimique, jamais revendiqué et souvent nié.

La conclusion de conventions et de traités pendant la Guerre froide vise une nouvelle fois à contraindre ou à interdire l’emploi des armes NRBC. Enjeu incontournable au cours de cette période et fait marquant durant la guerre du Golfe en 1990-1991, la défense NRBC a ensuite connu une désaffection générale à partir du début des années 1990, cet aspect des opérations étant largement absent des théâtres en dépit de situations présentant des dangers réels pour les forces, notamment en Bosnie et au Kosovo. Ainsi, la nature des engagements opérationnels depuis les années 1990 a considérablement réduit la prise en compte de la défense NRBC dans les activités de préparation opérationnelle ([1]). Ce phénomène est marqué non seulement en France mais aussi plus globalement chez nos Alliés.

On assiste à un tournant après les attentats du 11 septembre 2001 et la prise en compte de la menace terroriste NRBC ([2]).Toutefois, cette évolution ne concerne que les moyens spécialisés ([3]) de défense NRBC et le volet stratégique – en particulier, les aspects politico-diplomatiques de la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Certaines capacités militaires ont néanmoins conservé des standards adaptés en matière de défense NRBC, tels que les moyens des composantes de dissuasion ou les bâtiments de premier rang de la Marine nationale.

Depuis une dizaine d’années, l’évolution de la situation internationale se traduit par l’aggravation constante de la menace et des risques NRBC qui ont dorénavant atteint un niveau au plus haut depuis la fin de la Guerre froide. Ainsi, l’emploi d’armes chimiques par des États parties à la Convention d’interdiction des armes chimiques montre que le recours aux armes NRBC doit désormais être considéré comme une réalité. Le caractère hybride d’un conflit renforce l’intérêt d’employer ce type d’armes à petite échelle et de façon très discrète tout en causant des effets significatifs. La remise en cause de certains traités internationaux, tels que le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), et la poursuite des activités de recherche nucléaire à application militaire par certains pays fragilise les grands équilibres étatiques précédemment établis.

La guerre civile syrienne et l’emploi d’armes chimiques par les belligérants marquent un regain réel d’intérêt avec le développement de capacités spécifiques tournées vers la lutte contre la prolifération ([4]) et l’appui aux forces spéciales. L’empoisonnement de Sergueï Skripal en 2018, l’accélération des activités proliférantes de l’Iran et de la Corée du Nord dans le domaine nucléaire ainsi que le développement d’armes stratégiques de nouvelle génération par la Russie et la Chine associés à un contexte géostratégique de plus en plus menaçant ont permis une prise en compte accrue de la défense NRBC ([5]) .

À la recrudescence des menaces s’ajoute celle des risques biologiques, comme celui du SARS-COV-2, ou chimiques, comme l’accident industriel de Lubrizol. Les tensions politiques et la multiplication des conflits en zone urbanisée ne cessent d’augmenter la probabilité d’assister à des accidents technologiques et industriels majeurs, susceptibles d’être favorisés également par les catastrophes naturelles, dans un contexte de croissance démographique exponentielle dans les villes. Le développement des échanges, les flux de population ainsi que l’impact des activités humaines sur les écosystèmes contribuent à l’augmentation du risque biologique naturel, et notamment des épidémies, voire des pandémies.

Face à l’aggravation marquée des menaces et des risques NRBC, le chef d’état-major des armées a décidé en décembre 2020 la remontée en puissance des capacités de défense NRBC des armées. Un plan interarmées spécifiquement consacré au NRBC a été adopté le 5 août 2021, visant à faire en sorte que, dans les meilleurs délais possible, les armées, directions et services soient capables de mener l’ensemble de leurs missions dans le cadre d’un conflit de haute intensité ([6]) sous menace NRBC avérée. Face à un événement d’une probabilité toujours extrêmement difficile à évaluer, il convient de préparer une réaction adaptée et réaliste. L’évaluation la plus fine possible de la menace permet de proportionner raisonnablement la réponse. Face à des armes dont l’efficacité repose avant tout sur l’emploi par surprise, la clef du succès consiste à être doté d’une doctrine réaliste, d’une organisation simple et robuste, d’équipements performants et disponibles et de ressources humaines suffisamment nombreuses, correctement instruites et régulièrement entraînées. La leçon de l’histoire des armes NBC est très simple : être prêt, partout, tout le temps. Depuis le 22 avril 1915 ([7]), il n’est plus possible de baisser la garde.


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   Première partie : Malgré l’adoption de conventions internationales, la menace NRBC redevient un enjeu opérationnel majeur pour les armées

Pendant et au lendemain de la Guerre froide, la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive s’est appuyée sur le droit international et l’action diplomatique (I). La recrudescence, depuis une dizaine d’années, de la menace NRBC est telle que cette dernière redevient un enjeu majeur pour les armées (II).

I.   Un encadrement, par le droit international et l’action diplomatique, de la prolifération d’armes de destruction massive

Une arme de destruction massive est un type d’arme capable, par la mise en œuvre limitée de forces et de moyens, d’infliger des pertes humaines et des destructions massives allant jusqu’à modifier de façon irréversible l’environnement. Les principales caractéristiques d’une arme de destruction massive sont sa grande capacité de destruction, le nombre élevé de destructions durables et leur dispersion au-delà de la zone de l’objectif, le traumatisme psychologique prolongé, les graves conséquences génétiques et écologiques, ainsi que la difficulté à protéger les unités et la population, puis l’élimination des conséquences de son emploi. Les armes nucléaires, radiologiques, chimiques et biologiques font partie des armes de destruction massive.

Pendant et au lendemain de la Guerre froide, on assiste à l’interdiction progressive des armes nucléaires, biologiques et chimiques (A). Les conventions prohibant les armes biologiques et chimiques ont été transposées dans le code de la défense (B) et le ministère des Armées continue de jouer un rôle majeur dans la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive (C).

A.   Une interdiction progressive des armes de destruction massive pendant et au lendemain de la Guerre froide

1.   Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est associé à des modalités de vérification appuyées par une agence internationale

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ([8]) ([9]) vise à prévenir la prolifération des armes nucléaires, à promouvoir la coopération aux fins de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire et à faire progresser l’objectif du désarmement nucléaire et du désarmement général et complet.

Le traité, ouvert à la signature en 1968, est entré en vigueur le 5 mars 1970. Le 11 mai 1995, il a été prorogé indéfiniment. C’est le traité qui compte le plus d’États parties – 191 – dans les domaines de la non-prolifération nucléaire, des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire et du désarmement nucléaire.

Par le TNP, les États parties non dotés d’armes nucléaires se sont engagés à ne pas fabriquer ou acquérir par tout autre moyen des armes nucléaires ou tout autre dispositif nucléaire explosif tandis que les États parties dotés d’armes nucléaires se sont engagés à ne pas aider, encourager ou amener, en aucune manière, un État partie non doté d’armes nucléaires à fabriquer ou acquérir par tout autre moyen des armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires. On entend par États dotés d’armes nucléaires parties au Traité les États qui ont fabriqué et fait exploser une arme nucléaire ou tout autre dispositif explosif nucléaire avant le 1er janvier 1967. Cinq États dotés d’armes nucléaires – les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la Chine et France – sont parties au Traité. Les autres États dotés de l’arme nucléaire, ou réputés en être dotés – soit Israël, l’Inde et le Pakistan – ne l’ont pas signé ([10]).

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), créée en 1957, assume des responsabilités essentielles de vérification découlant du Traité. De fait, l’article III du TNP impose à chaque État non doté d’armes nucléaires de conclure un accord de garanties généralisées permettant de vérifier que cet État respecte l’obligation prévue par le traité, ce afin d’empêcher que l’énergie nucléaire soit détournée des utilisations pacifiques vers des armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires. À la fin de l’année 2020, 176 États parties non dotés d’armes nucléaires avaient mis en vigueur les accords de garanties généralisées prévus par le Traité et 10 devaient encore le faire.

2.   La Convention sur l’interdiction des armes biologiques et à toxines prévoit, sur base du volontariat, la présentation par les États parties de mesures de confiance, sans régime de vérification

La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction, plus communément appelée Convention sur les armes biologiques ou à toxines ([11])  (CABT), bannit la mise au point, la fabrication et le stockage de toute une catégorie d’armes de destruction massive. Elle a été ouverte à la signature le 10 avril 1972 et est entrée en vigueur le 26 mars 1975. Les États parties à la Convention sur les armes biologiques se sont engagés à ne jamais, et en aucune circonstance, mettre au point, fabriquer, stocker, ni acquérir d’une manière ou d’une autre ni conserver :

– des agents biologiques ainsi que des toxines, quels qu’en soient l’origine ou le mode de production, de types et en quantités qui ne sont pas destinés à des fins prophylactiques, de protection ou à d’autres fins pacifiques ;

– des armes, de l’équipement ou des vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés.

La convention interdit la mise au point, la fabrication, l’acquisition, le transfert, la conservation, le stockage des armes biologiques et de toxines et constitue un élément essentiel pour la communauté internationale dans sa lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

À l’issue des deuxième et troisième conférences d’examen (1986 et 1991), les États parties ont entrepris de présenter, sur la base du volontariat, des mesures de confiance : données sur les centres de recherche et laboratoires ; informations sur les installations de production de vaccins ; informations sur les programmes nationaux de recherche-développement en matière de défense biologique ; déclaration des activités menées dans le passé au titre de programmes de recherche-développement biologique de caractère offensif ou défensif ; informations sur l’apparition de maladies infectieuses ou autres accidents similaires causés par des toxines ; encouragement à la publication des résultats et promotion de l’utilisation des connaissances et des contacts ; informations sur les mesures législatives, réglementaires et autres.

La convention compte actuellement 183 États parties. Cependant, son efficacité reste limitée en l’absence de régime de vérification du respect de ses dispositions, du fait de l’absence de consensus.

3.   La Convention sur l’interdiction des armes chimiques : un régime performant pour l’élimination des stocks déclarés, assorti d’un mécanisme d’inspection

La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction ([12]), encore appelée Convention sur les armes chimiques, a été ouverte à la signature à Paris le 13 janvier 1993. Quatre ans plus tard, en avril 1997, la Convention entrait en vigueur. Il s’agit du premier traité multilatéral interdisant toute une catégorie d’armes de destruction massive et prévoyant la vérification internationale de la destruction de celles-ci.

La convention a été négociée dans un cadre entièrement multilatéral avec la participation active de l’industrie chimique du monde entier, garantissant ainsi le concours continu de cette dernière au régime de vérification de l’industrie établi par la Convention sur les armes chimiques. La convention prévoit l’inspection des installations de l’industrie afin de garantir que les produits chimiques toxiques servent uniquement à des fins non interdites par la Convention.

L’objectif de la convention est à la fois de pouvoir vérifier la destruction des armes chimiques à l’échelle mondiale et de garantir la non-prolifération de ces armes et des produits chimiques toxiques entrant dans leur fabrication.

Selon l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), 193 États se sont engagés à respecter la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, 98 % de la population mondiale vit sous la protection de la convention et 99 % des stocks d’armes chimiques déclarés par les États détenteurs ont été détruits de manière vérifiable. Toutefois, certains États, tels que la Corée du Nord, l’Égypte et le Soudan du Sud, n’ont pas signé cette convention. Israël ne l’a, quant à lui, pas ratifiée.

B.   Des dispositions transposées dans le code de la défense

Tous les travaux menés par le ministère des Armées en matière de défense NRBC s’inscrivent dans le cadre du droit international, et en particulier des conventions d’interdiction des armes biologiques et d’interdiction des armes chimiques précitées, auxquelles la France est partie. Les obligations fixées par ces conventions ont été transposées au sein d’un chapitre II du titre IV code de la défense, dont la version en vigueur résulte de la loi du 14 mars 2011 relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

L’article L. 2341 du code de la défense dispose ainsi que sont interdits la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, le transport, l’acquisition, la cession, l’importation, l’exportation, le commerce et le courtage des agents microbiologiques, des autres agents biologiques et des toxines biologiques, quels qu’en soient l’origine et le mode de production, des types et en quantité non destinés à des fins prophylactiques, de protection ou à d’autres fins pacifiques. Les articles L. 2341-3 à L. 2341-7 prévoient un arsenal de dispositions pénales visant au respect de cette interdiction.

Les articles L. 2342-1 à L. 2342-84 du code de la défense concernent l’interdiction des armes chimiques. L’article L. 2342-3 dispose ainsi que sont interdits l’emploi d’armes chimiques, leur mise au point, leur fabrication, leur stockage, leur détention, leur conservation, leur acquisition, leur cession, leur importation, leur exportation, leur transit, leur commerce et leur courtage. Il est interdit d’entreprendre tous préparatifs en vue d’utiliser des armes chimiques.

C.   Une contribution essentielle du ministère des armées au volet diplomatique de la lutte contre la prolifération

Placée au rang de priorité nationale par les autorités gouvernementales, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive vise à prévenir et à neutraliser les activités de pays proliférants sur le territoire national, en particulier l’acquisition de biens à double usage ou de connaissances, savoir-faire ou technologies, utiles à leur programme d’arme de destruction massive.

Le cadre juridique international, évoqué supra, pourrait être amendé régulièrement, en particulier lors des conférences d’examen, compte tenu des évolutions technologiques et de l’apparition de nouveaux agents – chimiques, biologiques ou encore de technologies artisanales ([13]). En outre, le besoin d’attribution des actes illégaux et le transfert devant des cours pénales représentent de nouveaux défis.

Le succès de la lutte contre la prolifération repose sur la vigilance, la permanence, le refus du fait accompli, l’échange d’informations et la condamnation de toute complaisance.

La direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées (DGRIS), en étroite coordination avec les états-majors, directions et services œuvrant dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes chimiques et biologiques et de leurs vecteurs, élabore la position du ministère en la matière. En lien avec le Quai d’Orsay – autorité nationale devant l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques – et les administrations nationales compétentes, la DGRIS concourt directement à la définition des positions françaises sur ces sujets et assure une analyse prospective de leurs développements dans les différentes enceintes multilatérales.

Elle siège par ailleurs au titre du ministère des Armées au Comité Prolifération, au format défense, de l’OTAN où elle soutient les positions du ministère définies en étroite coordination avec les états-majors, directions et services œuvrant dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, mais aussi avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Les armées contribuent au vivier d’experts internationaux ainsi qu’aux exercices d’analyse en laboratoire dans le cadre du Mécanisme du Secrétaire Général des Nations unies qui permettrait de diligenter une enquête internationale visant à confirmer ou infirmer une allégation d’emploi d’armes chimiques ou biologiques ([14]).

Dans le cadre de la participation de la France au Partenariat mondial du G7 dévolu à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, la DGRIS assure le pilotage des projets développés par le ministère des Armées. Ces projets de coopération scientifique répondent aux besoins du ministère des Armées. Les résultats concourent à la réduction du risque biologique dans une perspective d’aide au développement ainsi qu’au renforcement de la connaissance stratégique pour la protection des forces et le conseil aux autorités politiques en cas d’allégation d’emploi d’une arme biologique.

Les armées contribuent aussi à différentes initiatives ad hoc qui complètent, sur un volet plus opératoire, l’architecture internationale de lutte contre la prolifération :

l’Initiative de sécurité contre la prolifération (PSI), lancée en 2003, a pour objectif l’entrave des transports de biens et de matières pouvant être détournés au profit de programmes d’armes de destruction massive ;

– le Plan gouvernemental Interception Prolifération (PIP) établit le cadre d’intervention permettant de répondre aux trafics de biens ou de technologies liés à la prolifération d’armes de destruction massive. Son actualisation est en cours.

II.   La recrudescence de la menace NRBC depuis une dizaine d’années en fait un enjeu opérationnel majeur pour les armÉes

Si la menace NRBC a constitué un défi incontournable pendant la Guerre froide, la défense NRBC a connu une désaffection générale à partir du début des années 1990. Un tournant eut lieu après les attentats du 11 septembre 2001 et la prise en compte accrue de la menace terroriste NRBC. Ce n’est cependant que depuis une dizaine d’années que l’on parle véritablement, sur le plan stratégique, d’une recrudescence de la menace NRBC.

Cette menace recrudescente est le fait d’acteurs plus diversifiés (A). Elle est complexe et présente des effets multiples (B).

A.   Une recrudescence de la menace en provenance d’acteurs plus diversifiés

1.   Une recrudescence de la menace depuis une dizaine d’années

Depuis une dizaine d’années, l’évolution de la situation internationale montre l’aggravation constante de la menace et des risques NRBC qui ont dorénavant atteint leur plus haut niveau depuis la fin de la Guerre froide.

Ainsi, l’emploi d’armes chimiques par des États parties de la Convention d’interdiction des armes chimiques démontre que le recours aux armes NRBC doit désormais être considéré comme une réalité. Le caractère hybride d’un conflit renforce l’intérêt d’employer ce type d’armes à petite échelle et de façon très discrète tout en causant des effets significatifs. De plus, la remise en cause de certains traités internationaux comme le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ([15]) et la poursuite des activités de recherche nucléaire à application militaire par certains pays vient fragiliser les grands équilibres étatiques précédemment établis.

L’histoire, fortement médiatisée, du démantèlement du programme chimique syrien a remis au cœur de l’actualité cette menace particulière. Plus récemment, la conception et l’emploi d’agents chimiques par l’État islamique (EI) et l’empoisonnement du demi-frère de Kim Jong Un, Kim Jong-nam, de Sergueï Skripal et d’Alexeï Navalny, par des agents neurotoxiques illustrent eux aussi l’actualité de la menace.

L’aggravation de la menace se caractérise par des tendances lourdes, telles que la multiplication de l’emploi ou des tentatives d’emploi et la modernisation et l’adaptation des vecteurs ([16]) – notamment, avec les nanotechnologies et les missiles hypervéloces. La menace NRBC peut être employée sur tout le spectre de la surprise, technique et tactique, dans un contexte de fragilisation des traités internationaux et de recul des tabous. Elle est aussi l’une des facettes des stratégies hybrides : on assiste ainsi à une diminution des seuils d’emploi des armes de destruction massive ainsi qu’à une dissimulation de l’emploi lui-même, rendant difficile l’imputation de ce dernier. Par ailleurs, les objectifs et les effets d’emploi des armes NRBC sont diversifiés. L’usage d’armes NRBC par divers acteurs favorise le déni d’accès ([17]) et la neutralisation de cibles de grande valeur (high value targets).

2.   Une évaluation de la menace assurée par l’état-major des armées et les services de renseignement

L’évaluation des risques procède d’études technico-scientifiques associant les retours d’expérience de situations réelles, telles que les accidents industriels ou l’emploi historique d’armes NRBC, et la modélisation.

L’évaluation de la menace est assurée par le ministère des Armées s’agissant des théâtres d’opérations extérieures ([18]).

a.   Une évaluation assurée dès la phase de planification par la cellule de contre-prolifération NRBC du CPCO

S’agissant des théâtres d’opérations extérieures, dès la phase de planification et en fonction de l’évaluation des risques, la contribution des moyens de défense NRBC à la protection de la population est analysée et fait l’objet d’une décision politique. La veille stratégique permet d’identifier et de suivre l’évolution de la menace ou du risque NRBC. Au sein du Centre de préparation et de conduite des opérations (CPCO), la cellule de contre-prolifération nucléaire, radiologique biologique et chimique est chargée de l’évaluation des risques et des menaces NRBC et environnementaux. Elle s’appuie sur l’expertise technico-opérationnelle de l’état-major des armées, de la direction générale de l’armement (DGA) et du service de santé des armées ainsi que sur un réseau d’organismes civils spécialisés. À partir de cette évaluation, la cellule de contre-prolifération NRBC identifie les réponses ou contributions que peuvent apporter les armées face à une situation exposant les forces à des risques et des menaces NRBC.

b.   La nécessité d’un effort significatif en matière de renseignement d’intérêt militaire

L’aggravation de la menace et l’évolution de la situation géostratégique imposent un effort significatif en matière de renseignement d’intérêt militaire NRBC.

L’action des services de renseignement contribue directement à la contre-prolifération en décrivant les capacités, les emplacements, les mouvements, les développements, les doctrines d’emploi, les vecteurs, les infrastructures et les personnes-clefs ainsi que l’emploi d’agents NRBC ou d’armes de destruction massive ou de tout autre type de produits dont la prolifération est préoccupante. L’identification des nouveaux acteurs ayant la volonté ou pouvant disposer d’armes NRBC – ainsi que le suivi des acteurs en disposant ou en développant déjà – et de leurs capacités, est primordiale. Dans l’exercice de leurs missions, les services de renseignement développent une connaissance des réseaux et programmes de pays cherchant à développer tout type d’armes de nature NRBC.

L’action des services de renseignement contribue aussi directement à la défense NRBC en permettant l’appréciation de la menace, l’analyse des modes d’action ennemis et l’évaluation des capacités de défense NRBC de l’adversaire.

Enfin, elle favorise plus largement la connaissance générale de l’environnement (infrastructures, géographie et météorologie) dans le cadre du renseignement visant l’analyse tactique du champ de bataille (Intelligence Preparation of the Battlefield) en prenant en compte les spécificités du domaine NRBC.

Le suivi des menaces NRBC est défini, au sein de la communauté nationale du renseignement, par des documents classifiés, dont le Plan national d’orientation du renseignement (PNOR) et la directive annuelle des actions de renseignement, émis par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

3.   Une diversification des adversaires potentiels

Le spectre de la menace NRBC est large et protéiforme, du fait de la diversité des modes d’action, opérationnels et techniques, de la variété des agents et de leur létalité. Il s’étend de la menace étatique de grande ampleur de type Guerre froide, susceptible d’être dissuasive et utilisée à des fins stratégiques, aux utilisations terroristes d’ampleur circonscrite visant la déstabilisation et la désorganisation, et peut concerner également des emplois tactiques, dans le cadre notamment de conflits asymétriques.

La doctrine de certains États n’exclut pas l’emploi éventuel de l’arme nucléaire sur le champ de bataille et donc à des fins tactiques. Dans le cadre d’un conflit de haute intensité ([19]), certains belligérants peuvent envisager un usage non restrictif de la coercition. Le respect des conventions, des traités internationaux et du droit des conflits armés est aujourd’hui clairement en question.

Par ailleurs, un conflit de haute intensité verra s’affronter, directement ou indirectement, des belligérants dotés de l’arme nucléaire, ayant souvent possédé des capacités de guerre chimique par le passé et disposant de ressources scientifiques et technologiques très importantes ou des compétiteurs stratégiques capables de développer ou d’acquérir des armes de destruction massive. Le recours aux armes de destruction massive, bien que prohibé, ne peut donc être exclu dans le cadre d’un conflit majeur.

a.   Les États « dotés ou capables ».

Tous les États dotés, au sens du Traité de non-prolifération, et non alliés de la France constituent de facto une potentielle menace nucléaire et radiologique, en ceci que la détention d’armements et de capacités nucléaires constitue, en cas d’affrontement de haute intensité, une menace existentielle pour la Nation.

b.   Les États proliférants

Les États proliférants le sont potentiellement sur l’ensemble du spectre des armes de destruction massive, soit sur tout le périmètre des armements NRBC et de leurs vecteurs (missiles balistiques, bombes, munitions, drones etc.).

Ainsi, la Syrie, la Corée du Nord ([20]) mais également l’Iran ([21]) peuvent être considérés comme des États proliférants dans la mesure où ils développent – ou ont cherché à développer – une ou plusieurs capacités parmi celles citées supra.

Concernant l’arme nucléaire, les programmes sont clandestins ou menés sous couvert de développement du nucléaire civil. S’agissant des armes chimique et biologique, les capacités industrielles et technologiques peuvent permettre de synthétiser assez aisément des quantités significatives d’agents chimiques de guerre voire d’agents biologiques et donc, là aussi, de dissimuler des programmes militaires clandestins. Les États proliférants peuvent également partager leurs connaissances et leur appui matériel avec des pays tiers cherchant à se doter de telles capacités.

c.   Les États « inédits ».

Ces États ont ratifié le Traité de non-prolifération, la Convention d’interdiction des armes chimiques et la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques ou à toxines et sur leur destruction. Ils n’ont jamais déclaré de stocks d’armes chimiques et ne possèdent aucune arme nucléaire. Toutefois, ils disposent des capacités scientifiques et technologiques et des ressources financières qui leur permettraient de développer rapidement ou d’acquérir, sur court préavis, avec l’aide d’un pays tiers, des armes de destruction massive. Ils peuvent donc rapidement devenir des États proliférants sans pour autant avoir été formellement identifiés comme des adversaires potentiels, notamment pour répondre à une menace régionale de même nature ou pour appuyer des ambitions particulières.

d.   Les acteurs non étatiques et les groupes terroristes

Les acteurs paraétatiques, notamment les groupes terroristes comme l’État islamique, ne représentent aujourd’hui qu’une menace chimique, jugée modérée. Les services restent toutefois vigilants quant au développement de ces armements chez ces groupes ou aux velléités d’acquisition d’autres compétences – éventuellement à faible ambition technologique de type « bombes sales » – dans la gamme NRBC.

Des acteurs non étatiques peuvent synthétiser de façon plus ou moins rudimentaire certains agents chimiques de guerre et les employer avec des vecteurs de circonstance. Ils peuvent aussi se procurer puis utiliser des armes nucléaires, des matières radiologiques, ou des agents chimiques ou biologiques à des fins terroristes (sources radioactives médicales ou industrielles, usage détourné de pesticides organophosphorés, synthèse de toxines …). Les engins improvisés constituent l’un des moyens pour réaliser une attaque NRBC contre les forces ou la population. Le recours à ce type de procédé peut permettre à un adversaire de franchir soit un seuil quantitatif en matière de victimes, soit un seuil en termes d’impacts médiatique, psychologique, voire politique. Dans le cadre d’un conflit hybride, un État doté, proliférant ou « inédit » peut utiliser un acteur non étatique comme intermédiaire afin de masquer son intervention ou frapper sur le territoire national et ainsi crédibiliser sa puissance.

B.   Une menace complexe aux effets multiples

1.   La distinction entre risque, menace, environnement et incident NRBC

On distingue la menace NRBC, par essence intentionnelle, du risque NRBC, non intentionnel.

Le risque NRBC représente un potentiel de danger matériel ou immatériel dont le déclenchement ou la propagation sont non intentionnels. Le risque est connu et couvre essentiellement les activités quotidiennes et industrielles. Les réactions sont prévues et organisées au travers de plans. L’activité d’un site est organisée et les moyens de réaction sont prévus, de même que les moyens permettant le retour à un état de fonctionnement normal. Les équipements sont présents et les personnels interviennent en sécurité. La lutte contre le risque se traduit par des obligations préventives autour des produits à risques, le pré-positionnement de dispositifs de protection et la diffusion d’informations sur les réactions en cas d’incident.

La menace NRBC correspond, quant à elle, à l’acquisition, à la possession, à la possibilité d’emploi et à la volonté d’utilisation d’armes ou de matières NRBC de façon malveillante ou à des fins d’agression par un adversaire. La menace NRBC renvoie à la surprise et est par essence difficilement prévisible. Seule la recherche et l’exploitation du renseignement permettent d’y faire face autant que possible.

Un incident NRBC est une situation générée par l’emploi suspecté ou avéré d’armes NRBC ou, la dispersion intentionnelle, accidentelle ou naturelle d’agents NRBC. Il peut avoir pour conséquences de menacer la force ou de provoquer une crise majeure.

Un environnement NRBC décrit une situation dans laquelle les armées et le service de santé des armées peuvent se trouver sous menace ou dans une « ambiance » NRBC. Il résulte d’un ou de la combinaison de plusieurs incidents NRBC.

2.   Une menace protéiforme appréhendée dans sa globalité

a.   Quatre types de dangers

Le NRBC renvoie à quatre types de dangers ([22]) : le nucléaire, le radiologique, le biologique et le chimique ([23]).

La menace nucléaire suppose une attaque menée sur une installation nucléaire civile ou militaire, ou sur un transport de matières. L’objectif est d’obtenir une réaction de fission ou de fusion qui s’accompagne de forts effets mécaniques et thermiques en raison d’un puissant dégagement d’énergie. La menace sommitale d’attaque nucléaire par un pays doté de cette arme ne doit pas être exclue mais la France dispose de ses postures permanentes de protection du territoire national – dissuasion nucléaire, défense aérienne et défense maritime.

L’arme nucléaire reste un outil de statu quo politique et permet, au titre de la dissuasion, de sanctuariser le territoire national afin d’accroître la liberté d’action extérieure ou de valoir comme gage de survie. Elle est aussi devenue une arme de contestation de l’ordre établi et un facteur de cohésion nationale lorsqu’un pays émergent cherche à s’en doter au mépris des conventions internationales. Depuis quelques années, on assiste à une nouvelle compétition nucléaire par comparaison aux efforts accomplis en ce domaine pendant la Guerre froide. Les armes nucléaires offrent un large panel de vecteurs et d’effets et donc une grande souplesse d’emploi.

Le danger radiologique désigne l’irradiation ([24])  par une source ionisante ou la contamination ([25])  par de la matière radioactive dispersée, leurs effets ayant des conséquences néfastes sur l’organisme. La dispersion peut viser à contaminer des personnes, des objets ou une zone. La contamination d’un territoire d’étendue limitée est possible par la dispersion de produits radioactifs et permet de neutraliser une zone et y interrompre toute activité, sans pour autant détruire les installations existantes. Elle peut ainsi soit retarder l’occupation, soit ralentir l’activité ou la remise en état de zones déjà attaquées par d’autres moyens. La menace peut provenir du vol de sources médicales ou pharmaceutiques. L’emploi détourné de ces dernières aurait un impact psychologique élevé.

Une menace possible pourrait être une bombe sale constituée d’une charge pyrotechnique de dispersion entourée de matériaux radioactifs destinés à être répandus en poussière lors de l’explosion. Les effets thermiques et mécaniques sont uniquement liés à la quantité d’explosif utilisée. Le but principal n’est donc pas de détruire, mais de contaminer une zone et les personnes présentes par l’ingestion et l’inhalation de particules radioactives et d’avoir un effet psychologique majeur. L’efficacité est proportionnelle au temps d’exposition, à la quantité et l’activité des matériaux radioactifs utilisés dont le contrôle strict réduit d’autant la probabilité d’emploi à des fins malveillantes.

Quant au danger biologique, il est représenté par les agents infectieux, tels que les virus ([26]) , bactéries ([27])  et champignons, et les toxines ([28]) , telles que la ricine et la toxine botulique, qui existent à l’état naturel mais qui peuvent être utilisés à des fins malveillantes.

Bien qu’abondamment décrit et étudié, l’emploi d’agents biologiques militarisés reste difficile à maîtriser. Toutefois, le recours à des agents naturels, peut-être moins efficaces, ne peut être exclu. La pandémie du SARS-COV-2 a ainsi illustré l’ampleur des conséquences possibles d’un tel scénario.

Des idées peuvent germer au sein de groupes terroristes, voire d’États, pour tenter cette voie, dont l’obtention et la maîtrise des agents restent très délicates. La crise des enveloppes au bacille de charbon ayant circulé entre septembre et novembre 2001 aux États-Unis a marqué les esprits. D’autres tentatives portèrent sur la ricine en raison de la facilité d’accès aux graines végétales contenant cette toxine. L’arme biologique ne peut pas être considérée comme une arme à effets immédiats : les dommages qu’elle entraîne sont différés a minima de quelques heures et son action est insidieuse. Elle est difficilement contrôlable et peut se retourner contre son utilisateur dans certains cas.

Le choix de l’agent biologique en tant qu’arme est le fruit d’un compromis entre différents facteurs permettant d’atteindre le niveau d’efficacité espéré. Dix critères ont été définis en 1949 par Théodore Rosebury, permettant de caractériser l’efficacité opérationnelle d’un agent infectieux détourné pour un usage en tant qu’arme biologique. Toutefois, ces critères ne sont pas exclusifs et reflètent les préoccupations de leur époque. En effet, la pandémie COVID-19 a eu des conséquences militaires telles que la baisse de capacité opérationnelle et la réduction de la liberté de mouvement notamment alors que le virus incriminé ne satisfait pas aux critères précités.

Les agents chimiques désignent les produits toxiques fabriqués par l’homme et portant atteinte à la santé par inhalation, ingestion, ou pénétration cutanée. Il s’agit notamment du chlore, du sarin (comme à Matsumaro en juin 1994 et à Tokyo en mars 1995) et des acides. Le chlore et l’ypérite ont ainsi été utilisés dans le cadre d’attaques par l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie depuis 2014 avec démantèlement de laboratoires associés entre 2018 et 2020. Les produits toxiques sont très répandus dans les industries et par conséquent faciles à obtenir. Les munitions, dispositifs et autres matériels spécifiquement conçus pour transformer en arme des produits chimiques toxiques entrent également dans la définition des armes chimiques ([29]).

L’arme chimique n’est pas une arme de destruction massive si le personnel est correctement équipé et entraîné. En revanche, cette arme peut entraîner des pertes massives si le personnel n’est pas, ou mal, protégé ou en cas de surprise tactique ou technique absolue. Elle a un impact psychologique évident. L’arme chimique permet facilement de réduire la capacité opérationnelle des unités attaquées. En outre, la persistance de certains agents donne une dimension supplémentaire à l’effet des armes et aux conséquences sur les opérations.

Outre les effets psychologiques qu’il peut occasionner – angoisse et insécurité –, le danger chimique revêt un caractère propre et de nature très différente des autres dangers. Les effets des armes chimiques varient suivant les agents utilisés, les modes de dispersion et les conditions extérieures.

Source : Centre interarmées NRBC

b.   Une menace appréhendée dans sa globalité

i.   Une menace appréhendée dans sa globalité du point de vue des capacités de défense et de la réponse opérationnelle

Les interlocuteurs de la mission d’information sont unanimes : la menace NRBC doit être considérée dans sa globalité. Seules les capacités de l’adversaire permettent de hiérarchiser les conséquences éventuelles et la nature exacte de la menace.

Les capacités de défense NRBC, considérées dans leur globalité, permettent de couvrir l’ensemble des besoins opérationnels, quelle que soit la nature de l’arme ou de l’agent utilisé. La réponse opérationnelle – zonage, port des équipements de protection individuelle, point de rassemblement des victimes – face à un événement NRBC sera assez standardisée, quel que soit l’agent utilisé. Lors des mises en sécurité, c’est bien la menace NRBC dans son ensemble qui est prise en compte avec la recherche des différents agents.

Sur le plan fonctionnel, c’est-à-dire quant aux moyens permettant de se prémunir et de se défendre de la menace NRBC, les cinq piliers de la défense NRBC (détection, identification et surveillance ; protection ; décontamination, contre-mesures médicales et C4I ([30])), sur lesquels les rapporteurs reviennent en détail en deuxième partie de ce rapport, sont communs aux trois menaces R, B et C.

Si l’on peut considérer que la menace nucléaire présente des spécificités, les menaces RBC ont des effets recherchés similaires : effets incapacitant ou létal, peur et désorganisation, interdiction de zone et déni d’accès – sur lesquels les rapporteurs reviennent infra. Pour un même effet, le choix d’un agent pourra donc être fonction de sa disponibilité, de la maîtrise technique qu’en a l’agresseur ou des capacités de défense de l’agressé.

Il existe aussi des points communs en matière de protection ([31]).

ii.   Des distinctions en matière de recherche de renseignement, de détection, d’identification et de neutralisation

Dans le cadre de la recherche de renseignement, on distinguera les quatre menaces car un acteur malveillant, à moins qu’il ne soit étatique, ne pourra que difficilement se concentrer sur tous les aspects NRBC pour développer son mode d’action. Certaines matières ou vecteurs nécessitent des connaissances ou des moyens que seuls des États peuvent rassembler et développer et le développement des différents produits relève de capacités et de vecteurs différenciés.

Autre domaine qui distingue les quatre menaces, il n’existe pas d’appareillage unique permettant de détecter tous les agents NRBC. À cet égard, on distinguera entre trois agents : radiologique, biologique et chimique. Les spécificités de chaque agent obligent à apprécier chaque situation de manière distincte.

Il en va de même en matière d’identification et de surveillance qui font appel à des technologies et à des moyens différents.

Enfin, chaque menace présente des enjeux et suppose des réponses différentes en vue de la neutralisation du produit et du choix du type de protection ([32]).

3.   Des armes de destruction et de désorganisation massives aux effets matériels et immatériels susceptibles de remettre en cause l’efficacité des forces armées

L’emploi d’armes de destruction massive correspond à un mode d’action défini par des objectifs et des effets à obtenir dans un cadre spatio-temporel précis. Un État, ou un acteur, employant des armes NRBC peut provoquer des effets matériels et immatériels lui permettant d’atteindre des objectifs stratégiques, opératifs ou tactiques. En outre, l’emploi d’armes de destruction massive prolonge une attitude politique et diplomatique intransigeante et marque la détermination absolue d’un État dans un conflit.

a.   Les effets matériels : destruction massive ou désorganisation massive ?

Les armes NRBC ont des effets complémentaires dans l’espace et dans le temps, ce qui peut expliquer l’intérêt qu’elles suscitent.

Les armes nucléaires, biologiques et chimiques sont considérées comme des armes de destruction massive en raison des effets de grande ampleur qu’elles sont susceptibles de produire. Mais la facilité d’utilisation des agents biologiques et chimiques – qui s’accroît –, la capacité qu’ont certains acteurs de doser l’ampleur des dégâts causés par ces armes et la difficulté que l’on peut avoir à désigner l’acteur qui les emploie (attribution), confèrent à ces armes une capacité d’emploi tactique, associée à un effet psychologique fort, qui les distinguent de l’arme nucléaire, aux effets dévastateurs incomparables, vecteur stratégique et politique de dissuasion et principalement de non-emploi. C’est le cas également de la menace radiologique associée à une bombe sale. Pour ces raisons, le qualificatif de « destruction massive » apparaît moins approprié aux armes R, B et C que celui de « désorganisation massive » (mass disruption).

Les effets physiques des armes de destruction et de désorganisation massives sont immédiats ou différés et s’étendent dans une zone de dimensions variables selon les agents, les vecteurs et les objectifs :

– les effets de l’arme nucléaire la caractérisent, on l’a dit, comme une arme de destruction massive. Cette arme permet en effet de détruire massivement des équipements, installations ou infrastructures, de provoquer des pertes humaines massives, de provoquer l’interdiction d’accès à certaines zones par contamination radioactive, de neutraliser définitivement tout ou partie du dispositif militaire et de marquer la détermination politique par une frappe d’ultime avertissement ;

– l’arme radiologique peut avoir pour effet physique d’interdire l’accès à des zones par contamination ;

– les effets d’une arme biologique sont plus ou moins différés dans le temps selon la durée de la période d’incubation et dépendent des agents employés. Bien que capable de provoquer des pertes humaines significatives – tant civiles que militaires – et d’entraîner une interdiction d’accès à certaines zones par contamination, sans parler du risque de désorganisation du système de santé, l’arme biologique est avant tout d’une arme de désorganisation massive par le fort impact psychologique induit sur les populations ciblées et le risque d’épidémie échappant à tout contrôle. Dans le même objectif, des agents biologiques dirigés contre les cultures céréalières et le bétail entraîneraient une désorganisation massive de la chaîne agroalimentaire ([33]). Ces agents peuvent néanmoins être employés à des fins tactiques ou pour de la destruction à grande échelle dépendant de l’objectif visé, de l’agent biologique choisi et du moyen de dissémination utilisé ;

– les effets de l’arme chimique dépendent des agents employés. Ces derniers peuvent viser à provoquer la mort, des blessures, une incapacité temporaire plus ou moins longue ou une irritation sensorielle. Compte tenu des moyens de protection disponibles, il s’agit d’une arme de baisse de la capacité opérationnelle si elle est employée contre des forces armées. L’emploi de l’arme chimique peut entraîner une interdiction d’accès à certaines zones par contamination, neutraliser avec un effet immédiat une partie du dispositif militaire par la baisse de la capacité opérationnelle inhérente au port des équipements de protection et provoquer des pertes humaines à grande échelle contre des civils voire contre les forces si elles ne sont pas protégées.

b.   Les effets immatériels : un impact psychologique majeur

L’impact psychologique des armes de destruction ou de désorganisation massive, sur les populations comme sur les forces, doit être considéré comme majeur, avec des conséquences sur la conduite des opérations, le niveau d’attrition ou encore la perception du conflit.

i.   Des effets traumatisants pour l’opinion publique susceptibles de se répercuter sur les armées

Les effets immatériels des armes de destruction massive peuvent directement contribuer à la déstructuration des organisations et de la société. Ces armes ont une résonance très forte dans les opinions publiques mais aussi dans les armées : menace imperceptible, horreur de l’attaque, incertitude quant à l’évolution et à la gravité de la situation, blessures traumatisantes, difficultés de mise en place d’une protection totalement efficace, réduction de la liberté de manœuvre et de l’aptitude à combattre.

Les mouvements d’opinion, les réactions disproportionnées et irrationnelles, voire la panique des populations, pourraient ainsi, notamment en étant relayées par les réseaux sociaux, avoir des conséquences tactiques et stratégiques importantes, restreignant de manière considérable la liberté d’action des armées à tous les niveaux de commandement.

De fausses attaques ou des allégations de développement ou d’emploi par nos propres forces d’armes NRBC prohibées peuvent être utilement exploitées par l’adversaire.

Enfin, une coalition peut être fragilisée, par l’intermédiaire de l’opinion publique, par la simple menace d’emploi par l’adversaire d’armes de destruction massive.

ii.   Un effet de surprise pouvant conduire à une rupture dans la conduite des opérations

L’effet de surprise est la « clef du succès », si l’on ose dire, de l’emploi des armes NRBC. Celui-ci pourrait conduire à une véritable rupture dans la conduite des opérations voire entraîner une banalisation de leur utilisation.

Ainsi, l’emploi des armes de destruction massive peut être pleinement intégré à une stratégie hybride comme un mode d’action à part entière pour, par exemple, favoriser un effet de surprise, atteindre des objectifs spécifiques, obtenir des effets particuliers, paralyser les stratégies de dissuasion en abaissant les seuils d’emploi ou en dissimulant les frappes.

Toute structure de décision ou de commandement, qu’elle soit civile ou militaire, peut être frappée par un événement NRBC. Sans mesures visant à anticiper le risque, à planifier des mesures de protection particulières, à se protéger efficacement et à recouvrer ses capacités, les chaînes de commandement risquent d’être désorganisées pendant une durée significative. Les redondances et les structures de secours doivent assurer la continuité de l’action gouvernementale et des armées et ainsi pallier toute interruption, même momentanée, de la chaîne de commandement. Même un événement réduit peut frapper de stupeur ou de panique des dirigeants mal préparés par un changement de la nature du conflit. Des pertes massives et une rupture des communications peuvent aggraver ce phénomène qui sera d’ailleurs décuplé par les inquiétudes du personnel sur son niveau de protection et les inévitables rumeurs qui se développeront sur les effets des armes NRBC.

c.   Des armes visant à remettre en cause l’efficacité des forces armées

Les armes NRBC entraînent des effets communs sur l’efficacité des forces armées :

– le port d’effets de protection NRBC, même adaptés, entraîne de lourdes contraintes physiologiques, en particulier pour les unités non dotées de moyens de protection collective ;

– la présence d’agents NRBC sur un site, dans une zone, sur des véhicules ou sur des équipements, peut rendre ces derniers inutilisables ou inaccessibles jusqu’à leur décontamination, remettant en cause la liberté de mouvement des forces ;

l’impact psychologique majeur, voire la panique, que peut entraîner sur les populations l’usage d’armes NRBC est susceptible de « contaminer » et donc de fragiliser les unités ;

– l’atteinte des populations civiles, en entraînant par exemple des mouvements de population ou la désorganisation des systèmes de santé et de certains secteurs économiques, peut avoir des conséquences significatives sur l’action de la force.

d.   Des effets complexes dans le temps

L’illustration ci-dessous décrit la complexité dans le temps des différents effets des agents NRBC.

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Source : Centre interarmées NRBC


  1  

 

   Deuxième partie : La France est dotée de réelles capacités de défense NRBC

« Da materiam splendescam » ([34])

 

La défense NRBC désigne l’ensemble des actions et capacités visant à protéger les forces contre la menace NRBC. Active en permanence, dès le temps de paix, sur le territoire national comme en opérations, elle a pour mission principale de permettre l’action des forces sans contraintes, de porter assistance à la population et de lutter contre la prolifération des armes de destruction massive. Elle s’applique aussi directement à la force de dissuasion nucléaire et à ses installations opérationnelles de mise en œuvre afin de contribuer à l’impératif de permanence de la dissuasion nucléaire. Elle contribue à la connaissance et à l’anticipation des risques NRBC par l’analyse experte des données du renseignement et de la surveillance épidémiologique. Elle renforce les capacités d’intervention en garantissant à la force projetée une capacité d’engagement sous menace NRBC et de poursuite de la mission en ambiance NRBC. Elle participe à la prévention, notamment au travers de sa contribution à la lutte contre la prolifération.

La défense NRBC est une capacité transverse qui concerne l’ensemble des missions des armées et qui repose sur cinq piliers capacitaires : la détection-identification et la surveillance ; la protection individuelle et collective ; la décontamination du personnel et du matériel ; les contre-mesures médicales ; enfin, la gestion du risque, qui inclut les moyens de commandement et de communication.

Contrairement à certains alliés, la France, grâce à une volonté exprimée au plus haut niveau, demeure dotée de réelles capacités de défense NRBC, s’articulant autour de six axes que résume l’acronyme « DORESE » : la doctrine ; l’organisation, c’est-à-dire la structure ; les ressources humaines et leur formation ; les équipements ; le soutien logistique, qui inclut la gestion des stocks et le maintien en condition opérationnelle ; enfin, l’entraînement. Ces moyens sont comptés.

En outre, l’efficacité de la défense NRBC repose sur :

– le renseignement qui permet de s’adapter à la menace ([35])  ;

– le triptyque formation, entraînement, équipements-stocks-soutien ;

– le pré-positionnement des moyens qui permet de réduire les délais de réaction.

 

La doctrine de défense NRBC vise à remplir trois missions et est fondée sur trois principes d’action et cinq capacités (I).

Son organisation s’appuie sur la complémentarité et la non-duplication, dans un contexte de rareté des moyens (II).

En matière de ressources humaines, la formation des personnels est un enjeu essentiel à la préservation d’un vivier rare, permettant d’éviter toute perte de compétences (III).

Les équipements de défense NRBC font depuis 2020 l’objet d’un effort budgétaire de rattrapage indispensable (IV).

La soutenabilité de l’effort de défense NRBC repose sur la capacité à assurer dans la durée le soutien des équipements (V).

Enfin, pour que la défense NRBC soit efficace, la préparation opérationnelle des forces doit impérativement la prendre en compte (VI).

I.   Une doctrine fondée sur trois missions, trois principes d’action et cinq capacités

Les capacités de défense NRBC s’appuient tout d’abord sur une doctrine. Cette doctrine repose elle-même sur la définition de trois missions et de trois familles d’action ainsi que sur cinq piliers capacitaires, comme le synthétise le schéma ci-dessous.

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Source : Centre interarmées NRBC

A.   Une triple mission et trois principes d’action

L’objectif global de la défense NRBC est la poursuite de la mission sans baisse significative de capacité opérationnelle. La doctrine de défense NRBC a pour objet trois missions et repose sur trois familles d’actions.

1.   Une triple mission : protéger les forces, contribuer à la protection de la population et à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive

La doctrine assigne à la défense NRBC une triple mission :

– protéger les forces déployées contre l’ensemble des risques et menaces NRBC ;

– participer à la protection des populations en cas d’événement NRBC ;

– contribuer à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

Les rapporteurs reviennent tout au long du rapport sur la mission de protection des forces et ont évoqué en première partie la contribution du ministère des Armées à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

S’agissant de la mission de protection des populations civiles, les rapporteurs tiennent à rappeler qu’en dehors de situations d’urgence et des cas où des moyens spécifiques seraient stationnés ou prépositionnés à proximité d’un événement, les capacités de défense NRBC ne sont pas destinées à se substituer aux « primo-intervenants » civils que sont les forces de sécurité civile et de sécurité intérieure – sapeurs-pompiers, gendarmes et policiers ([36]).  Qu’il s’agisse des forces armées ou des services de soutien, tels que le service de santé des armées, les capacités militaires sont uniquement mises en œuvre au moyen de réquisitions ou de demandes de concours selon la règle des « 4 i » ([37]). Compte tenu des effets dévastateurs des armes NRBC décrits en première partie du rapport, les rapporteurs estiment qu’il ne faut pas écarter l’éventualité que les civils qui sont primo-intervenants sur le territoire national exercent leur droit de retrait en cas d’incident ou d’événement NRBC. D’où l’intérêt majeur que présente le modèle de gestion des événements NRBC sur le territoire national qui place au cœur du dispositif des militaires exerçant des missions civiles – au premier rang desquels les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) ([38]). Les rapporteurs présentent ce modèle en annexe 2.

2.   Trois principes d’action : prévenir, gérer, restaurer

Selon les termes de la doctrine interarmées de défense NRBC du 11 janvier 2012, en cours de révision, la défense NRBC a pour but de participer à la prévention d’incidents NRBC, d’assurer la protection des forces à la suite d’un incident de cette nature et de mettre en place les actions nécessaires pour un retour à une situation de risque acceptable. Elle doit ainsi permettre aux forces de continuer leurs missions, de préserver et restaurer leur capacité opérationnelle et de maintenir la liberté d’action du commandement.

La prévention des événements NRBC consiste notamment à mener des expertises de théâtres et des reconnaissances. La gestion des conséquences des événements NRBC consiste notamment à effectuer des prélèvements d’échantillons et des reconnaissances de zones contaminées. Il s’agit alors de conseiller le commandement pour lui permettre de prendre les décisions les plus adaptées. La restauration des capacités opérationnelles des forces après un événement NRBC consiste à décontaminer le personnel et le matériel.

La défense NRBC doit pouvoir en tout temps et en tout lieu :

– maintenir et renforcer la capacité opérationnelle des forces sur le territoire national et en opérations ainsi que l’impératif de permanence de la dissuasion nucléaire ;

– intervenir en complément du dispositif civil de protection des populations ;

– contribuer à la connaissance et à l’anticipation des risques NRBC ;

– participer à la prévention, notamment au travers de sa contribution à la lutte contre la prolifération.

B.   Cinq piliers capacitaires

La défense NRBC repose sur cinq piliers capacitaires :

– la détection, l’identification et la surveillance ;

– la protection individuelle et collective ;

– la décontamination du personnel et du matériel ;

– les contre-mesures médicales ;

– les moyens de commandement et de communication.

Le tableau ci-dessous présente les caractéristiques et conséquences opérationnelles pouvant être tirées d’un incident NRBC, en fonction du type d’agent ou d’engin utilisé.

Type d’agent ou d’engin

Chimique

Biologique

Radiologique

Nucléaire

Toxique
industriel

Impact

Surfacique

Relativement restreinte

Potentiellement

Vaste

Relativement restreinte

Vaste

Fonction de la quantité

Facilité de
détection

Difficile sans instruments spécialisés

Très difficile

Possible avec instruments spécialisés

Signature
caractéristique

Possible avec instruments spécialisés

Délai
d’identification

De quelques
secondes à

quelques
minutes

De quelques minutes

à plusieurs jours

De quelques minutes à

plusieurs heures

Instantanément

De quelques
secondes

à quelques
minutes

Délai entre
l’exposition et les premiers
effets

De quelques
secondes à

plusieurs heures

De quelques heures à
plusieurs jours. En quelques
secondes pour certaines toxines.

Fonction de la dose absorbée

Immédiat pour le souffle et la chaleur.

Fonction de la dose absorbée pour les

radiations

De quelques
secondes à

plusieurs

minutes

 

Traitement

médical

 

 

 

 

 

Traitement

efficace pour

certains agents

 

 

 

 

Efficacité des mesures de
prévention pour certains agents.

Traitement

efficace pour

certains agents.

Fonction de la

dose

équivalente

 

 

Fonction des

blessures et

de la dose

équivalente

Traitement
efficace pour

certains agents

 

Cinétique

Rapide

Lente

Rapide

Extrêmement rapide

Rapide

Source : 2e régiment de dragons

II.   Une organisation fondée sur la complémentarité et la non duplication, dans un contexte de rareté des moyens

L’organisation de la défense NRBC est fondée sur une complémentarité des moyens, compte tenu de la rareté de ces derniers.

A.   Un pilotage interministériel du domaine NRBC assuré par le secrétariat général de la dÉfense et de la sécurité nationale

Au niveau interministériel, c’est le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), organe sous tutelle du Premier ministre, qui assure le pilotage du domaine NRBC. Le schéma ci-dessous décrit cette organisation interministérielle.

C:\Users\adelvaux\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Outlook\417SPXK3\ministeres.png

Source : Centre interarmées NRBC

Le SGDSN assure la présidence du comité stratégique NRBC-E. Ce comité est chargé d’assurer la cohérence interministérielle des capacités de protection contre les menaces NRBC et E ainsi que la bonne exécution des programmes afférents à ces capacités. Présidé par le secrétaire général du SGDSN, il regroupe des autorités désignées par chaque ministère pour coordonner l’action de l’ensemble des directions et services dans le domaine NRBC-E. Y sont représentés les ministères de la Transition écologique ; de l’Économie et des finances ; des Armées ; de l’Intérieur ; de la Justice ; des Solidarités et de la santé ; de l’Agriculture et de l’alimentation ; et, éventuellement, de l’Europe et des affaires étrangères. Ce comité stratégique se réunit une à deux fois par an en comité « ordinaire » et autant que nécessaire en comité exceptionnel. Le SGDSN définit l’ordre du jour en choisissant les actions pertinentes du programme national NRBC qui doivent être traitées, arbitrées ou validées. Le SGDSN rend compte au Premier ministre ([39]).

B.   Une organisation de la défense NRBC clairement répartie entre les armées, directions et services du ministère des armées

La défense NRBC s’inscrit pleinement dans le triptyque compétition-contestation-affrontement et dans un objectif de résilience générale des forces et de préservation de la liberté d’action en opération. Reposant impérativement sur des capacités interdépendantes, la défense NRBC doit, dans un conflit marqué par la haute intensité et la surprise, être permanente, immédiate et massive.

En juin 2019, le ministère des Armées a institué une nouvelle organisation de la défense NRBC afin de couvrir de façon indépendante cinq aspects du domaine NRBC :

– la recherche et développement, ainsi que les activités spécifiques sont sous la responsabilité de la direction générale de l’armement (DGA) ;

– le volet capacitaire est placé sous la responsabilité de l’état-major des armées (EMA) ;

– les relations internationales sont, on l’a vu, sous la responsabilité de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) ([40]) ;

–  la défense et la sécurité sont placées sous la responsabilité de la direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense ([41]) (DPID) ;

– enfin, l’emploi relève de l’EMA.

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Source : Centre interarmées NRBC

1.   La direction générale de l’armement est chargée de la recherche-développement et conduit les opérations d’armement du domaine NRBC

Dans le domaine NRBC, la direction générale de l’armement (DGA) exerce plusieurs fonctions :

– elle conduit les opérations d’armement du domaine, qui serviront à équiper les forces armées en matériels de défense NRBC ;

– elle contribue en collaboration avec l’état-major des armées, à la cohérence capacitaire globale de l’ensemble du système de défense. Elle conduit également des projets technologiques de défense (activités de recherche et développement – R et D) en lien fort avec l’Agence de l’innovation de défense (AID).

Pour ce faire, la DGA mobilise des ressources d’expertise technique et des moyens d’essais parfois uniques nécessaires à la conduite des opérations d’armement. Elle assure la qualification des équipements mais aussi la sécurité des biens et des personnes utilisatrices de ces équipements ([42]), la lutte contre la prolifération, l’innovation et la préparation de l’avenir, un rôle d’expert opérationnel en « base arrière » au profit direct des forces armées ou des entités chargées de la sécurité du territoire national ([43]) , la réalisation de prestations au profit de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ([44]) et, enfin, l’organisation de campagnes de formation et d’entraînement des forces mobilisant certaines installations uniques détenues par la DGA dans les centres DGA Maîtrise NRBC et DGA Techniques terrestres.

Le centre DGA Maîtrise NRBC de Vert-le-Petit et le centre DGA Techniques terrestres de Bourges

Situé à Vert-le-Petit, le centre « DGA Maîtrise NRBC » exerce des missions d’expertise dans les domaines des risques biologique et chimique, des systèmes de défense NRBC, du durcissement des équipements biologiques et chimiques, de la lutte contre la prolifération des armes biologiques et chimiques et dans celui de la dépollution et de la destruction des armes chimiques.

Le laboratoire P4 de DGA Maîtrise NRBC permet l’expertise et la caractérisation des agents de classe 4, et notamment de mettre au point des techniques et sondes de détection et d’identification, ainsi que d’évaluer la persistance de ces agents dans différentes conditions environnementales ou de décontamination. Dans ce cadre, il contient une copie du souchier défense qui regroupe les agents biologiques détenus par le ministère des Armées ([45]).

Les capacités de ce centre sont complétées par celles du centre DGA Techniques terrestres, situé à Bourges, dans le domaine radiologique : les forces peuvent s’y entraîner depuis plus de 50 ans en ambiance radiologique réelle et en vraie grandeur. Les unités spécialisées (armées de Terre et de l’Air principalement, Marine plus occasionnellement) viennent s’y entraîner six semaines par an dans les domaines de la reconnaissance, de la réalisation de prélèvement et de l’intervention en ambiance NBRC ainsi que de la décontamination.

Enfin, au titre de ses missions définies par l’arrêté du 30 décembre 2019, l’inspecteur de l’armement chargé de la sécurité du domaine biologique et chimique (ISBC) s’assure du respect des dispositions de la Convention d’interdiction des armes chimiques au sein du ministère des Armées. Il exerce une fonction de conseiller de sécurité, sûreté, prévention des risques auxquels sont exposés les travailleurs lors de la manipulation des agents biologiques pathogènes et des agents chimiques hautement toxiques. Il exerce ses compétences au profit du ministère des Armées dans le domaine chimique, auprès des organismes qui sont amenés à fabriquer, détenir ou mettre en œuvre des agents chimiques toxiques du tableau I de la Convention d’interdiction des armes chimiques. L’ISBC exerce ses compétences dans le domaine de la biologie au sein de la DGA. L’ISBC assure ses missions de contrôle par des prescriptions techniques vérifiées lors d’inspections, enquêtes et contrôles prévus aux articles L. 2342-51 et L. 2342-52 du code de la défense. L’ISBC est assisté des services de la DGA et du service de santé des armées pour exercer ses missions.

2.   Une organisation à deux niveaux au sein de l’état-major des armées pour assurer permanence et complémentarité

a.   L’état-major des armées

Dans le périmètre du chef d’état-major des armées, le sous-chef d’état-major « plans », responsable de la réalisation et de la cohérence du modèle d’armée et des capacités de défense qui y sont rattachées, pilote le domaine NRBC.

Sous ses ordres, l’officier général commandant la division maîtrise des armements de l’état-major des armées est l’autorité fonctionnelle interarmées pour la défense NRBC. À ce titre, il préside le comité exécutif de la défense NRBC, le comité stratégique ministériel des collections biologiques de défense, et siège au comité directeur du Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC (CNCMFE) ([46]) dont il exerce alternativement la présidence avec un représentant de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. L’officier général commandant la division maîtrise des armements préside avec la DGA le comité de pilotage du système de défense NRBC « SAFIR », sur lequel les rapporteurs reviennent infra. Il assure l’autorité fonctionnelle sur le Centre interarmées de défense NRBC, plus couramment appelé CIA NRBC, situé à Saumur et que les rapporteurs ont eu l’honneur de visiter ([47]). Cet officier général dispose d’un bureau « défense NRBC » ([48]). Le commandant de la division « maîtrise des armements » et le bureau DNRBC travaillent en synergie avec les autres divisions de l’état-major des armées ([49]) ainsi qu’avec la DGRIS, la direction générale de l’armement et les états-majors d’armée sur les sujets portant un caractère NRBC à l’exclusion des questions portant strictement sur la dissuasion et les forces nucléaires.

b.   Une organisation fondée sur la distinction entre moyens génériques et spécialisés

L’efficacité de la défense NRBC repose à la fois sur les capacités des unités génériques et celles des unités spécialisées.

Source : 2e régiment de dragons

i.   La défense NRBC générique permet à toutes les unités de survivre et de continuer à combattre

La défense NRBC générique constitue un socle commun permettant de faire face à tout événement NRBC. Toutes les unités des armées sont formées, équipées et entraînées sur un socle commun NRBC leur permettant de survivre et de continuer à combattre. En outre, chaque unité comprend du personnel à la qualification renforcée. Le socle commun comprend la protection, la détection et la décontamination immédiate et opérationnelle.

ii.   La défense NRBC spécialisée constitue un réservoir unique de capacités rares

Les capacités de la défense NRBC spécialisée permettent au commandement de préserver sa liberté d’action sous menace ou en ambiance NRBC. Elles constituent un réservoir unique de capacités rares. La défense NRBC spécialisée se voit confier des missions telles que l’évaluation, le prélèvement, la reconnaissance et la décontamination.

Chaque armée dispose de capacités de défense NRBC adaptées à ses missions et à ses logiques de milieu.

Source : Centre interarmées NRBC

 

c.   Le 2e régiment de dragons : régiment spécialisé de l’armée de Terre remplissant un contrat opérationnel interarmées

Image illustrative de l’article 2e régiment de dragonsLe 2e régiment de dragons de Fontevraud, que les rapporteurs ont pu visiter, est un élément organique des forces terrestres faisant partie de la troisième division, et dont le contrat opérationnel est interarmées. Depuis 2005, c’est un régiment spécialisé dans le combat en milieu contaminé disposant de capacités tactiques particulières, et en particulier d’équipements pour la reconnaissance mobile embarquée, l’évaluation et le prélèvement biologique et la décontamination approfondie. Depuis cette date, tous les moyens NRBC de l’armée de Terre sont sous commandement unique à des fins de cohérence de la préparation opérationnelle.

Le 2e régiment de dragons présente la singularité d’être le principal appui NRBC au profit de l’ensemble de la communauté de défense. Le régiment comporte sept escadrons, dont un escadron de commandement et de logistique, cinq escadrons NRBC mixtes d’active et un escadron NRBC de réserve. Chacun des cinq escadrons d’active dispose d’un peloton de commandement, d’un peloton d’équipes de reconnaissance et d’évaluation, d’un peloton de véhicules de l’avant blindés (VAB) de reconnaissance NRBC et de deux pelotons de décontamination. Le régiment comporte en son sein un groupement d’appui aux opérations spéciales (GAOS). L’autorité de tutelle du régiment est le général commandant la 3e division (Marseille).

Le 2e RD, qui compte environ 900 personnels tous grades confondus, dispose de 45 véhicules légers de reconnaissance et d’appui (VLRA) de décontamination, de 24 VAB de reconnaissance NRBC et de 16 centres de remise en condition du personnel (CERPE), soit d’un CERPE par peloton de décontamination. Le régiment dispose aussi de 28 systèmes de décontamination approfondie (SDA) sur TRM 1000 ([50]) équipés d’une nacelle permettant la décontamination de gros engins en sécurité.

 

Source : 2e régiment de dragons

Le 2e régiment de dragons offre à ses personnels des formations techniques de spécialité, des formations générales élémentaires et des formations d’adaptation complémentaires qualifiantes. Il est doté d’un bâtiment d’instruction, de moyens de simulation, d’une dalle de décontamination et d’un bâtiment dédié à l’entraînement.

Depuis 2008, le 2e régiment de dragons prend régulièrement – une fois tous les quatre ans, en moyenne – la relève du bataillon multinational de défense NRBC de l’OTAN. Il permet alors à la France d’assumer le rôle de nation cadre en fournissant les capacités majeures du bataillon, en intégrant les contributions multinationales et en se soumettant à la certification de l’OTAN. Cette première contribution en 2008 a apporté au 2e régiment de dragons et, plus largement, aux capacités de défense NRBC françaises, une visibilité importante au sein des armées et surtout, de l’Alliance atlantique. Les rapporteurs reviennent plus en détail sur cet aspect en troisième partie du rapport.

Parmi les opérations menées par le 2e RD, citons les Balkans (Kosovo), l’opération Tamarin en Guinée – la France ayant contribué au Centre de traitement des soignants de Conakry dans le cadre de l’épidémie de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest –, Chammal et Résilience.

Outre le 2e régiment de dragons, l’armée de Terre s’appuie sur les unités médicales de décontamination des armées (UMDA) du régiment médical de la Valbonne-Béligneux.

d.   La composante aérienne, avec la brigade des pompiers de l’air et les treize escadrons de sécurité incendie et de sauvetage, obéit à une logique d’emprise

L’enjeu de la défense NRBC est pris en compte par l’armée de l’Air et de l’Espace au travers de trois objectifs :

– garantir la permanence de la mission de dissuasion et, par conséquent, préserver la capacité de l’armée de l’Air à mettre en œuvre les moyens de la dissuasion en ambiance et sous menace NRBC ;

– assurer la continuité des autres missions sans baisse significative des capacités opérationnelles ;

limiter les effets d’un événement NRBC sur le personnel et les matériels.

Dans l’espace aérien national, l’armée de l’Air et de l’espace est chargée d’animer le réseau interarmées d’alerte en cas d’explosion nucléaire militaire afin de déterminer la localisation, la puissance et les retombées de l’explosion ; d’intercepter les aéronefs porteurs de potentiels événements NRBC et de prémunir les grands événements des drones potentiellement porteurs d’agents.

La défense NRBC de l’armée de l’Air et de l’espace active et passive s’inscrit dans un cadre interarmées, interministériel et interalliés, dans le cadre de l’OTAN. Elle comprend trois niveaux de capacités, générique, renforcée et spécialisée :

tout aviateur est acteur de la défense NRBC générique et, à ce titre, est capable d’opérer sous menace et d’appliquer les actes de sauvegarde de la défense NRBC ;

– les unités et aviateurs devant assurer des opérations en ambiance NRBC appliquent les procédures de la défense NRBC renforcée et disposent de moyens NRBC pour durer ;

la défense NRBC spécialisée regroupe les unités et les aviateurs devant accomplir des actions spécifiques au domaine NRBC afin de gérer les risques et de garantir la restauration des forces.

Créée en septembre 2021 et composée de 1 500 personnels présents sur trois bases aériennes à vocation nucléaire, quatre bases de soutien à la dissuasion et sept bases à vocation NRBC, la brigade des pompiers de l’air, est le référent et le représentant de l’armée de l’Air et de l’espace dans le domaine NRBC ([51]) . À ce titre, elle participe à tous les travaux doctrinaux interarmées, interministériels et interalliés, au sein de l’OTAN. Elle assure ainsi la préparation des capacités spécialisées et les développements capacitaires afin de répondre aux exigences du domaine. Elle participe aussi à l’armement des cellules d’aide à la gestion de crise. La brigade des pompiers de l’air dispose de capacités structurées autour de moyens spécialisés au milieu aérien dans la détection, l’identification et le contrôle, la décontamination, les systèmes de commandement et la gestion de l’information.

La doctrine de défense NRBC propre à l’armée de l’Air repose sur :

– l’articulation des capacités renforcées et spécialisées autour de la mission de dissuasion ;

– une défense NRBC inscrite dans une logique d’emprise, la base aérienne étant le système de combat à protéger. D’où une redondance et une dispersion des moyens et des capacités renforcées et spécialisées sur le territoire national. Un maillage des capacités spécialisées issues des escadrons de sécurité incendie et de sauvetage des bases aériennes à vocation d’intervention ([52]) assure la réactivité d’intervention de l’armée de l’Air sur le territoire national. Les treize escadrons sont situés à Évreux, Villacoublay, Orléans, Saint-Dizier, Nancy, Luxeuil, Avord, Lyon, Cazaux, Mont-de-Marsan, Orange, Istres et Solenzara.

Les rapporteurs notent que l’armée de l’Air et de l’espace porte actuellement ses efforts sur la formation initiale et la préparation individuelle opérationnelle de l’aviateur à l’application des actes de sauvegarde de la défense NRBC, et notamment de procédures de sauvegarde et de repli en cas d’attaque terroriste. Elle accomplit également un effort en faveur des équipements de protection des pompiers de l’air.

e.   La Marine ne dispose pas d’unité de défense NRBC spécialisée mais de capacités réparties dans ses différentes forces

La Marine n’a pas à proprement parler d’unité de défense NRBC spécialisée. Ses personnels spécialisés ou qualifiés en NRBC sont répartis dans les différentes forces de la Marine. La priorité de la Marine est en effet d’opérer en mer avec des bâtiments et sous-marins constituant en eux-mêmes des équipements militaires aptes à faire face à la menace NRBC.

Le volet « défense NRBC » du contrat opérationnel de la Marine s’appuie sur trois niveaux de protection et d’action – vigilance, menace et ambiance – et vise à assurer la permanence de la dissuasion, la posture permanente de sécurité maritime, le contrat du contre-terrorisme maritime et les missions de sauvetage de l’action de l’État en mer.

Par ailleurs, premier exploitant nucléaire du ministère des Armées, avec douze chaufferies embarquées, des installations nucléaires de base secrète et des armes, la Marine est quotidiennement confrontée à la gestion du risque d’incident ou d’accident à caractère nucléaire, c’est-à-dire au risque radiologique. Cette dimension n’est pas incluse dans la notion de NRBC mais se nourrit d’approches communes.

f.   Le service de santé des armées

Le service de santé des armées assure au profit du ministère des Armées des fonctions d’expertise, de soin, de développement capacitaire, notamment en matière de contre-mesures médicales, et de conseil au commandement. Il contribue aussi aux réflexions menées dans le domaine NRBC à l’échelon interministériel, sous l’égide du SGDSN. Le service doit être en mesure de garantir le soutien aux engagements à venir ; d’adapter les unités médicales opérationnelles NRBC, d’en constituer de nouvelles et d’en assurer l’entretien ; de constituer et de pérenniser les stocks stratégiques nécessaires (équipements de protection, contre-mesures médicales) et d’honorer sa contribution à la gestion interministérielle des crises via sa composante hospitalière et via le contrat capacitaire interministériel ([53])  NRBC.

Le service de santé des armées dispose pour ce faire de moyens humains et matériels dédiés : le bureau NRBC de la direction centrale du SSA, la division NRBC de l’Institut de recherche biologique des armées (IRBA), deux hôpitaux d’instruction des armées (HIA) spécialisés dans le risque biologique (Bégin) et chimique (Percy), le centre de traitement des brûlés (Bégin) et des laboratoires de niveau de sécurité biologique 3 appartenant au réseau national des laboratoires Biotox-Piratox.

La division NRBC de l’IRBA œuvre au développement de contre-mesures médicales spécifiques aux risques NRBC, sur les plans du diagnostic et de la thérapeutique, incluant le champ de la décontamination médicale. Elle assure une veille scientifique et technique en ce domaine et participe à des enseignements.

La pharmacie centrale des armées développe et fabrique des médicaments pour répondre aux besoins du soutien médical des engagements opérationnels : il s’agit principalement de contre-mesures médicales aux agents des menaces NRBC mais aussi de présentations adaptées aux besoins opérationnels, notamment pour la prise en charge de la douleur. Ainsi, elle contribue à l’autonomie stratégique des armées en matière de production de contre-mesures médicales face aux risques NRBC. Elle produit notamment des comprimés d’iodure de potassium stable empêchant la captation des iodes radioactifs émis en cas d’accident nucléaire.

La médicalisation d’une victime NRBC en opération extérieure s’appuie sur la chaîne opérationnelle de prise en charge d’une victime « conventionnelle » mais fait l’objet d’adaptations visant à éviter les transferts de contamination à la victime, à l’environnement et aux soignants. Le SSA bénéficie ainsi de l’appui du régiment médical pour le déploiement des unités médicales de décontamination des armées. Ces UMDA permettent d’adapter la chaîne médicale opérationnelle sur les théâtres d’opérations extérieures pour rendre compatible la survie des blessés de guerre intoxiqués ou contaminés avec les spécificités de chaque théâtre. Ces unités permettent d’effectuer une décontamination médicale approfondie du blessé de guerre, selon un principe de marche en avant – du sale vers le propre – tout en effectuant tout au long des opérations de déshabillage, de douchage et de reconditionnement, la poursuite de la médicalisation et le maintien des fonctions vitales. Les UMDA nécessitant un soutien logistique important (eau, électricité, systèmes d’information), elles ne peuvent être déployées sans le personnel militaire spécialisé.

Le service de santé des armées participe aux enseignements du CIA NRBC de Saumur et organise un master NRBC à l’École du Val-de-Grâce. Il participe aussi aux formations dispensées par le Bureau des affaires de désarmement de l’Organisation des Nations unies (UNODA).

Les rapporteurs notent que l’ambition stratégique SSA 2030 prend en compte le risque NRBC « en veillant à la mise en place d’une réponse adaptée de la chaîne santé du SSA face aux risques émergents liés à la nature des agents ».

g.   Les centres experts

La défense NRBC spécialisée dispose également de centres experts relevant de l’EMA et de la DGA, répartis sur l’ensemble du territoire national :

 

Source : Centre interarmées NRBC

Le Centre interarmées de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (CIA NRBC) de Saumur a pour mission de garantir aux armées la maîtrise des capacités de défense NRBC afin de leur permettre de remplir leur contrat opérationnel dans le domaine NRBC et de préserver leur capacité opérationnelle face à l’ensemble des risques et des menaces NRBC dans le cadre de leurs engagements.

La division doctrine, prospective et emploi du CIA NRBC est chargée dans sa dimension interarmées, de l’ensemble des études du domaine NRBC interarmées relatives à la doctrine, aux équipements, à la prospective, et à la préparation opérationnelle NRBC confiées par l’état-major des armées tout en étant chargée du retour d’expérience NRBC interarmées. Elle contribue à l’élaboration et à l’actualisation interarmées des doctrines en matière de défense NRBC et conduit, sous le pilotage du Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), les travaux doctrinaux qui en découlent. Le CIA NRBC pilote le plan d’action du comité exécutif NRBC, apporte une expertise opérationnelle et conseille l’état-major de l’armée de Terre.

Le centre organise, coordonne et dispense des formations spécialisées dans le domaine NRBC.

Il prépare à l’engagement en coordonnant la préparation opérationnelle spécialisée NRBC.

Il coordonne la participation au dispositif NRBC interministériel et participe à la coopération militaire internationale.

Le CIA NRBC comprend un effectif de 55 personnels, dont 31 sont officiers et 19, sous-officiers, et dont 45 sont issus de l’armée de Terre.

III.   La formation des personnels, enjeu clef pour préserver un vivier rare et éviter toute perte de compétences

La défense NRBC repose avant tout sur du personnel formé et entraîné à tous les niveaux de la chaîne des forces ainsi qu’au sein des différentes directions et services. La gestion fine du personnel qualifié et spécialisé doit permettre de préserver un vivier rare et d’empêcher la perte des compétences sans pour autant entraîner un cloisonnement excessif.

La complémentarité dans la formation reflète le principe de complémentarité opérationnelle et organisationnelle des armées : les volets générique – dont la formation est assurée directement dans les unités – et qualifié doivent pouvoir interagir avec la défense NRBC spécialisée. C’est pourquoi la formation s’appuie sur la complémentarité entre les organismes de formation d’armée, suivant une logique de milieu, et les deux centres de formation à vocation interarmées que sont le Centre interarmées de défense NRBC de Saumur et le Centre de formation des techniciens de sécurité de l’armée de l’Air (CFTSAA) de Cazaux.

Le Centre interarmées de défense NRBC de Saumur, déjà évoqué, assure des formations au profit non seulement de la défense NRBC spécialisée mais aussi de la défense NRBC qualifiée. Ces formations peuvent être interarmées ou spécifiquement destinées à l’armée de Terre.

Dans l’armée de l’Air et de l’espace, la brigade des pompiers de l’air, implantée sur la base aérienne 120 de Cazaux, assure la tutelle des unités qui lui sont rattachées et dirige leurs activités de formation et de préparation au combat. La formation de la défense NRBC spécialisée est articulée autour de différents stages afin d’attribuer les qualifications nécessaires aux différentes fonctions. La formation de la défense NRBC renforcée est déclinée au sein des différents commandements, bases et unités au travers des procédures et des équipements adaptés au domaine NRBC pour la poursuite des missions dans la durée. La formation de la défense NRBC générique concerne la totalité des aviateurs. Intégrée dans la formation initiale de tous les aviateurs, elle est ensuite entretenue via une formation théorique et pratique.

Dans la Marine :

– des formations métier spécialisées sont assurées, notamment pour les officiers du nucléaire, les spécialistes de la sécurité à bord des navires et les pharmaciens et chimistes des laboratoires d’analyse, de surveillance et d’expertise de la Marine ;

– des stages d’adaptation à l’emploi et des formations sont organisés en unité ;

– enfin, la formation est complétée par la préparation opérationnelle.

La Marine forme en interne ses marins aux compétences spécifiques à la Marine et aux bâtiments de combat. S’agissant des compétences plus génériques aux autres armées, elle s’appuie sur le CIA NRBC de Saumur. Chaque unité à terre de la Marine possède une instruction NRBC afin d’agir sur ses emprises.

Le schéma ci-dessous illustre l’organisation des formations à la défense NRBC au ministère des Armées :

Source : Centre interarmées NRBC

Enfin, le SGDSN, avec les ministères des armées, de l’intérieur et de la santé, a créé – sous commande du Livre blanc de 2008 – un centre de formation interministériel dans le domaine NRBC : le centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC-E (CNCMFE). Situé à Aix-en-Provence, le CNCMFE est la cheville ouvrière de la formation interministérielle aussi bien des primo-intervenants que des généralistes de haut niveau. Il s’appuie sur des centres d’entraînement répartis dans chaque zone de défense et de sécurité pour la formation des acteurs locaux. Ces formations concernent les forces de sécurité intérieure, les enquêteurs de police judicaire, les services d’incendie et de secours, les services médicaux, les forces « Sentinelle » et bientôt les douaniers et les personnels du ministère de l’Agriculture dans les zones de défense et de sécurité.

Le centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC-E d’Aix-en-Provence

Le CNCMFE a pour mission d’améliorer les capacités d’intervention face aux menaces et aux risques de nature NRBC-E au profit des trois ministères qui contribuent à son fonctionnement : l’Intérieur, la Défense et la Santé. Ses trois principales actions concernent :

– l’organisation de formations interministérielles dans le domaine de la gestion de crise NRBC-E pour mettre en évidence et améliorer les procédures conjointes d’intervention. Ces formations, dispensées au siège d’Aix-en-Provence, sont destinées à des cadres mais également à des responsables de haut niveau ainsi qu’aux référents ministériels des zones de défense et de sécurité ;

– l’organisation d’entraînements interministériels zonaux pour les intervenants locaux, dans des centres d’entraînement zonaux qui lui sont rattachés par convention ;

l’organisation d’entraînements interministériels spécialisés pour permettre le partage de bonnes pratiques entre experts du domaine NRBC-E et l’organisation de séminaires thématiques, notamment sur les nouveaux agents de la menace chimique et sur le bioterrorisme.

Le CNCMFE interagit avec les acteurs issus des armées, directions et services qui contribuent à son fonctionnement. Les participants et les intervenants lors des formations ou des entraînements sont majoritairement issus de ces directions, des trois armées et du service de santé des armées, mais aussi du Commissariat à l’énergie atomique et du CIA NRBC.

Dans la limite de ses capacités organiques, ce centre est le seul organisme légitime et en mesure d’organiser des apprentissages communs aux forces NRBC civiles et militaires.

IV.   Les équipements : l’amorce d’un rattrapage

A.   Le schéma directeur SAFIR établi en 2012 visait à pérenniser l’existant et à combler les lacunes jugées critiques

Les dangers NRBC couvrent un spectre large et complexe de situations allant de l’emploi par un groupe terroriste à l’emploi par un État organisé, de produits naturels, industriels ou militarisés avec des modes de dispersion rudimentaires ou élaborés sur des cibles variées, allant des personnes civiles non protégées aux militaires équipés.

Pour faire face à la complexité de ces situations, les équipements NRBC sont nombreux et de diverses natures. Afin de garantir la complétude des moyens nécessaires, a été élaboré un schéma directeur de la défense NRBC appelé Système Anticipatif des Forces, Intégré et Réactif, de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (SAFIR). Ce système, décrivant plus de 150 équipements, s’articule autour des cinq piliers évoqués supra ([54])  qui structurent la réflexion capacitaire ainsi qu’un pilotage des opérations d’armement couvrant l’ensemble des besoins NRBC.

Source : Centre interarmées NRBC

Document établi conjointement par l’EMA et la DGA, le schéma « SAFIR », élaboré en 2012, décrivait les capacités nécessaires pour faire face aux enjeux de l’époque, qui n’étaient pas encore ceux de la haute intensité et de l’hypothèse d’engagement majeur. Parmi les trois options décrites, celle retenue prévoyait le renouvellement des matériels et le comblement des lacunes critiques.

Faute de moyens budgétaires, le schéma n’a pu être mis en application jusqu’en 2018. Ce n’est qu’en 2018-2019 qu’a été élaboré, conformément à SAFIR, un programme intitulé « Capacité d’identification confirmée biologique » (CICB) qui, comme son nom l’indique, se concentrait sur le volet biologique du domaine NRBC.

À la suite d’une revue des programmes opérée en novembre 2019 et afin de garantir le renforcement de l’axe stratégique « mieux se protéger » qui fait de la défense NRBC une priorité dans le cadre de la résurgence de la menace, la DGA a décidé de reprendre le dispositif du CICB et de l’étendre à l’ensemble du NRBC, définissant ([55]) au printemps 2020 un programme à effet majeur ([56]) intitulé « Capacité INtégrée d’Armement de défense Biologique Radiologique chimiquE », plus connu sous l’acronyme CINABRE ([57]), spécifique aux principaux équipements des armées pour la défense NRBC.

Le programme CINABRE vise à couvrir progressivement la réalisation des équipements majeurs (hors GRIFFON NRBC) des différents piliers décrits par SAFIR. Il est complété par d’« autres opérations d’armement » (AOA) c’est-à-dire des petites opérations ou des opérations de flux ([58]) (équipements de protection individuelle, par exemple).

B.   Le programme à effet majeur CINABRE s’appuie sur une approche incrémentale

Pour garantir la pérennisation et le développement de la capacité d’appui NRBC aux opérations, le PEM incrémental ([59])  couvrant l’ensemble des cinq piliers de la défense NRBC a été créé par extension du périmètre du PEM de la capacité d’identification confirmée biologique (CICB). Il couvrira ainsi pour la capacité d’appui NBRC :

– les équipements de détection, d’identification et de surveillance ;

– les équipements de protection individuelle et collective ;

– les équipements de décontamination ;

– les contre-mesures médicales ;

– les systèmes d’aide au commandement ([60])  et de transmission de l’alerte.

CINABRE vise à donner de la cohérence et de la visibilité à la réalisation de ces équipements et a pour but de renforcer l’aptitude opérationnelle « Protéger contre les agressions NRBC et opérer en milieu NRBC ».

Dans la nomenclature budgétaire, ce programme relève de la sous-action 10-86 de l’action 10 « protection et sauvegarde » du programme 146 dont la DGA est responsable ([61]).  Le lancement du programme CINABRE a été effectué dans le cadre de l’ajustement annuel à la programmation militaire 2021 (A2PM21).

1.   Le premier incrément vise au renouvellement des capacités et à combler les lacunes critiques

Lancé à l’été 2021, le premier incrément du programme CINABRE, qui reprend le schéma « CICB » et qui vise donc essentiellement le risque et la menace biologiques, a pour objectif de renforcer la réactivité des armées face à une attaque NRBC d’ampleur limitée, employable sur le territoire national pour les grands événements de 2023, et en particulier la coupe du monde de rugby, puis de 2024, notamment pour les jeux olympiques de Paris. Le coût de la phase de réalisation de l’incrément 1 de CINABRE s’élève à 78,3 millions d’euros.

Les principales livraisons attendues sont les suivantes :

– la livraison de matériels d’identification biologique pour les grands événements sportifs de 2023 et 2024 ;

– l’obtention d’autorisations de mise sur le marché des premières contre-mesures médicales d’ici à la fin de l’année 2023.

Devraient également être livrés :

– des ensembles de protection individuelle, des masques et des cartouches filtrantes ;

– et des capacités d’identification biologique et de développement d’une filière nationale de réactifs biologiques, notamment en finançant une filière nationale de réactifs biologiques garante de la souveraineté et de la résilience françaises.

Le premier incrément permettra aussi la préparation des incréments ultérieurs.

2.   Les incréments suivants devraient permettre de développer des équipements de nouvelle génération

Selon les informations fournies aux rapporteurs, les incréments ultérieurs devraient permettre de compléter les mesures déjà prévues dans le premier incrément mais aussi de développer les équipements de nouvelle génération dans les domaines de la protection collective, de la décontamination des matériels et des personnels et de commandement, contrôle et communication informatisés, plus couramment appelés « C4I ». Le deuxième incrément devrait couvrir la période 2023-2025.

Le renouvellement des équipements majeurs de défense NRBC devrait débuter dans le cadre du deuxième incrément du programme CINABRE, les premières commandes étant prévues en 2023 et devant être livrées à partir de 2025.

C.   L’opération « EPIA » vise à assurer la production des équipements de protection individuelle

S’agissant des équipements de protection individuelle, l’opération « Ensemble de protection individuelle interarmées (EPIA) », qui fait partie des « autres opérations d’armement ([62]) » concerne l’ensemble de protection interarmées comprenant la tenue, le masque et les gants de protection. Elle est assurée en lien avec quatre PME ou entreprises de taille intermédiaire (ETI) regroupées au sein d’un groupement momentané d’entreprises (GME), comprenant Paul Boyé, NBC-Sys ([63]), SP Défense et Ouvry. Le flux financier de cette opération s’élève à 50 millions d’euros entre 2019 et 2024, quant au volet développement de l’opération, suivi par des commandes s’étalant jusqu’en 2038 pour un montant envisagé de 500 millions d’euros, au titre des programmes 146 (équipement des forces) et 178 (emploi des forces), pour moitié.

Le dossier d’orientation (DOR) étendu de la défense NRBC

Prenant en compte l’évolution des menaces, le dossier d’orientation étendu de la défense NRBC définit des objectifs capacitaires pour les dix prochaines années permettant de faire face à cette évolution. Sur l’ensemble du spectre « DORESE », il décrit les nouvelles capacités nécessaires ainsi que la répartition des moyens et des responsabilités NRBC entre forces génériques, forces spécialisées et centres experts. Il définit des jalonnements de niveaux capacitaires jusqu’en 2030 et les principes de répartition des crédits entre les programmes budgétaires P178 « Emploi des forces » et P146 « Équipement ». Ce DOR étendu couvre l’ensemble du spectre capacitaire, soit CINABRE, les autres opérations d’armement, les équipements relevant d’autres programmes à effet majeur (programme 146) et l’environnement NRBC ne relevant pas d’opérations d’armement mais du programme 178.

Les objectifs capacitaires définis dans ce dossier d’orientation s’appuient sur l’état des équipements – qui ont pour la plupart plus de trente ans en intégrant les réductions temporaires de capacité attendues. Les diverses opérations d’armement, programme à effet majeur ou autres opérations d’armement, permettent ainsi de réaliser les capacités décrites par le dossier d’orientation étendu.

D.   Le volet recherche : l’importance stratégique de l’innovation

Les rapporteurs l’ont souligné à plusieurs reprises, le domaine NRBC est en mouvement perpétuel, du fait du développement constant de nouveaux agents, en particulier biologiques et chimiques. À cet égard, la recherche-développement est stratégique et la France peut s’enorgueillir d’être dotée de véritables fleurons en la matière.

L’État consacre à la recherche dans le domaine NRBC des crédits qui se répartissent entre les programmes 144 de la mission Défense et le programme 191 de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, actuellement repris sous forme de programme d’investissement d’avenir  4 (France relance) en 2021 et 2022.

Au titre du programme 144 de la mission Défense, la DGA consacre en 2022 un budget de 15 millions d’euros en crédits de paiement au domaine d’innovation de la défense NRBC et de la santé. Ce financement permet d’entretenir la recherche de nouvelles technologies sur des problématiques complexes telles que la décontamination ou encore la détection de menace et les contre-mesures médicales, à la fois par les études amont, l’innovation ouverte et en allant chercher un effet de levier dans un cadre du Fonds européen de développement.

En outre, des entreprises développant des technologies duales de rupture d’intérêt en santé NRBC, notamment des « jeunes pousses » du secteur des biotechnologies, pourraient être éligibles au fonds d’innovation de défense ([64])  institué par l’Agence de l’innovation de défense pour soutenir l’innovation duale et transverse.

Enfin, la création, à la fin de l’année 2019, du pôle d’innovation GINCO, issu d’un partenariat entre la DGA Maîtrise NRBC, l’armée de Terre, le service de santé des armées (SSA) et la direction des applications militaires du CEA, a favorisé les échanges entre les acteurs industriels, académiques et étatiques du domaine afin de retenir des projets innovants ([65]).

Sur le programme 191 jusqu’en 2020, puis sur le programme d’investissement d’avenir n° 4 depuis 2021, l’État consacre 12 millions d’euros par an au financement du programme interministériel NRBC-E à travers la subvention versée au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour la recherche duale, intéressant tant la communauté civile que celle de défense. Ce programme a notamment pour objet de financer des actions d’intérêt pour la défense menées par le CEA.

La direction des applications militaires du CEA ([66]) s’est en effet vu confier en 2005 un programme interministériel de recherche-développement pour la lutte contre le terrorisme NRBC-E, l’objectif étant d’apporter des solutions technologiques à l’État s’agissant des besoins pour lesquels il n’existe pas de solution commercialement disponible satisfaisante et pour lesquels un effort majeur de recherche-développement est nécessaire. Il s’agit ainsi de combler des lacunes capacitaires dans le domaine NRBC ([67]).

Dans ce cadre, le CEA est en contact avec de nombreux acteurs des différents ministères impliqués dans le domaine NRBC dont ceux du ministère des Armées ([68]). Le CEA est également en contact direct avec les industriels français du domaine NRBC auxquels il transfère des technologies ayant acquis un certain niveau de maturité ([69]), comme par exemple au groupement d’intérêt économique NBC. De fait, il n’a pas vocation à industrialiser les technologies issues de la recherche-développement.

Le pilotage opérationnel du programme de recherche-développement est assuré par une cellule exécutive présidée par la DGA et dont le CEA assure le secrétariat.

Le budget consacré à la lutte contre le terrorisme NRBC-E, figurant initialement dans le programme 191 et désormais repris dans le programme d’investissement d’avenir n° 4, est complété par des crédits accordés par convention avec le SGDSN et dans le cadre de marchés de la DGA tels que les marchés « PI ABC 3 » et « Dragon » ([70]). Le programme interministériel de recherche-développement NRBC-E est financé par la subvention de recherche duale allouée au CEA par la direction générale de l’armement (DGA), à hauteur de 12 millions d’euros par an constant depuis 2015 ([71]).

Enfin, le ministère des Armées a construit depuis de nombreuses années des partenariats solides avec la recherche académique en s’attachant à développer une connaissance approfondie des laboratoires et de leurs activités et à susciter leur intérêt pour les travaux répondant aux priorités du ministère. Il finance notamment, par l’intermédiaire de l’Agence de l’innovation de défense (AID), des projets de recherche d’intérêt pour la défense. Il s’appuie notamment pour cela sur les dispositifs « ASTRID » ([72]) et « ASTRID maturation » de l’Agence nationale de la recherche.

V.   Une soutenabilité de l’effort reposant sur la capacité à assurer dans la durée le soutien des équipements

La défense NRBC s’appuie sur des forces qui doivent non seulement être correctement instruites, entraînées et suffisamment équipées, mais aussi disposer des stocks nécessaires à la durée d’engagement. Il importe que les capacités de défense NRBC ne soient pas indisponibles, en raison d’un maintien en condition opérationnelle insuffisant car trop coûteux ou mal dimensionné, ni insuffisantes du fait de l’absence des stocks nécessaires, qu’il s’agisse d’équipements de protection individuelle, de produits de décontamination ou de contre-mesures médicales. La soutenabilité de l’effort NRBC repose donc sur la capacité à assurer, dans la durée, le soutien des équipements et le renouvellement des consommables, d’autant que les équipements de protection sont voués à péremption.

La liberté d’action des forces serait fortement contrainte si les stocks et les flux logistiques ne permettaient pas de faire face à une consommation souvent brutale, massive et répétée. C’est pourquoi les stocks d’équipement NRBC doivent être – et sont effectivement – gérés de façon à éviter les ruptures d’approvisionnement et à garantir les capacités industrielles de production dans la durée, grâce à la programmation de commandes régulières.

Enfin, une capacité industrielle nationale robuste, capable de garantir ses approvisionnements en matières premières permet de régénérer plus rapidement les stocks. Les rapporteurs reviennent sur cet aspect en troisième partie du rapport.

En matière de développement de matériels, il est préférable d’éviter une approche exclusivement fondée sur la technologie au profit de solutions associant étroitement les équipements et la manœuvre. Il est en effet possible de réduire certaines lacunes d’équipements par l’instauration de modes d’action et de procédures adaptés.

La démarche capacitaire en matière NRBC se doit d’être agile afin de capter au plus tôt les innovations, de saisir les opportunités existant sur étagère, et de réduire les délais d’acquisition tout en maîtrisant les coûts, compte tenu de la nécessité de constituer des stocks d’équipements de protection individuelle et collective ainsi que de contre-mesures médicales et de les entretenir dans la durée.

VI.   Une préparation opérationnelle prenant en compte la défense NRBC

Si la fin de la Guerre froide et la nature des engagements opérationnels depuis les années 1990 ont considérablement réduit la prise en compte de la défense NRBC dans les activités de préparation opérationnelle, hors dissuasion, Marine et unités spécialisées – un phénomène marqué non seulement en France mais aussi plus globalement chez nos Alliés –, tel n’est plus le cas.

La préparation opérationnelle est de la responsabilité exclusive des chefs d’état-major d’armée. On distingue les exercices spécifiques NRBC de ceux intégrant dans leur canevas un caractère NRBC. Il existe à la fois des activités internationales, menées dans le cadre de l’OTAN ou dans un cadre bilatéral, comme ce fut le cas avec les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni, des activités interministérielles, comme dans le cadre du CNCMFE évoqué plus haut et des activités nationales. Les exercices zonaux et départementaux ont lieu une fois tous les trois ans et les entraînements dans les centres d’entraînement ont lieu deux fois par an dans chaque zone de défense et de sécurité.

Au terme de leurs travaux et de leur déplacement, les rapporteurs notent qu’il est très important de poursuivre l’effort porté sur l’entraînement pour assurer le réalisme des activités et l’intégration permanente de la défense NRBC à la manœuvre générale. Ils estiment que la prise en compte de la défense NRBC doit être systématique, quel que soit le niveau de l’exercice. La résilience implique en effet l’entraînement aux actes élémentaires de sauvegarde afin de limiter les effets d’un événement et nécessite l’accomplissement d’actions dans le cadre de la préparation opérationnelle dédiée. Elle suppose notamment de l’enseignement à distance (« e-learning »), pour l’acquisition des connaissances théoriques, et des exercices réguliers de port des équipements de protection incluant un passage en atmosphère viciée – au cours duquel le personnel est exposé à un produit lacrymogène, identique à celui utilisé dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, afin de lui faire prendre conscience de l’efficacité de la protection qu’il revêt et de vérifier qu’il porte correctement son masque.

Les états-majors établissent ainsi des scenarii de référence – classifiés – permettant d’établir des hypothèses et des besoins. L’objectif de ces scenarii est d’établir la liste des situations-types permettant de définir l’impact maximal qu’aurait un événement NRBC sur le personnel et sur les matériels – et donc sur la manœuvre en cours.

Le plan de remontée en puissance des capacités de défense NRBC des armées prévoit d’intégrer celle-ci de manière indissociable aux standards de préparation opérationnelle. La réappropriation de la défense NRBC à tous les niveaux passe par l’intégration d’événements NRBC dans tous les scenarii d’entraînement aboutissant à une amélioration des capacités. L’accroissement progressif du nombre, de la nature, et de l’intensité des événements NRBC dans les exercices doit ainsi « banaliser » le fait NRBC et favoriser les automatismes, notamment en matière de protection, de détection et d’alerte.


  1  

 

   Troisième partie : Bien que réelles et reconnues par nos alliés, nos capacités de défense NRBC doivent impérativement être renouvelées et consolidées au plus tôt

La défense NRBC est un ensemble capacitaire qui ne peut souffrir d’un axe défaillant. À cet égard, on l’a vu en deuxième partie du présent rapport, la France offre de réelles capacités reposant sur :

– une doctrine complètement interopérable avec l’OTAN ;

– des ressources humaines certes robustes, s’appuyant sur une formation de qualité, mais limitées car correspondant à un domaine non prioritaire depuis la fin de la Guerre froide ;

– des équipements essentiellement d’origine nationale mais dont plusieurs éléments majeurs doivent être remplacés avant 2030 – en particulier les équipements vieillissants datant des années 1990 – tandis que, dans le même temps, certaines lacunes critiques doivent être comblées, dans les domaines de la protection collective et de la détection biologique ;

– un soutien fragile – la définition des stocks devant être effectuée dans l’optique d’un conflit de haute intensité et le maintien en condition opérationnelle étant coûteux pour des matériels anciens ;

– un entraînement de qualité pour les unités de défense NRBC spécialisées et une préparation opérationnelle en progression pour les non-spécialistes.

La participation à des opérations exigeantes sur le plan NRBC (Ebola en Guinée, Levant, Résilience) a permis à la France de se placer au premier rang des nations ayant une réelle expérience récente des exigences d’un environnement NRBC. À ce titre, et au-delà d’un besoin réel de modernisation et de renforcement, la France est un partenaire crédible pour les États-Unis même si, dans ce domaine comme dans d’autres, un certain manque d’« épaisseur capacitaire » ne peut être nié.

Dans le contexte de recrudescence de la menace NRBC déjà décrit et dans l’hypothèse d’un engagement majeur à l’horizon 2030, les rapporteurs jugent impératif de sanctuariser et de renforcer les capacités de la défense NRBC en loi de programmation militaire (I).

Ils estiment aussi que la coopération internationale, fondée sur l’interopérabilité, peut permettre à la France de jouer un rôle moteur – voire de leader – dans le domaine NRBC, sans pour autant qu’elle néglige la nécessité de garantir sa souveraineté, en particulier dans le domaine industriel (II).

Enfin, la spécialité NRBC mériterait d’être mieux mise en valeur au sein de l’état-major des armées afin d’en renforcer l’attractivité (III).

I.   Sanctuariser et renforcer les moyens humains et capacitaires en loi de programmation militaire

Au-delà des échéances fixées par les retraits de service des capacités arrivant en fin de vie, le renouvellement capacitaire de la défense NRBC est soumis à de fortes contraintes temporelles : les moyens de défense NRBC devront permettre au ministère des Armées de concourir à la sécurité des grands événements internationaux à venir sur le territoire national, tels que la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques et paralympiques de 2024. Par ailleurs, la défense NRBC doit contribuer à sa juste mesure à l’hypothèse d’engagement majeur.

Or, les travaux en cours sur le volet NRBC de l’hypothèse d’engagement majeur 2030, mettent en évidence l’importance de la capacité de protection pour permettre aux armées de se préserver et de poursuivre leurs missions avec l’impératif de durer en ambiance NRBC. Trois grands principes doivent alimenter les réflexions présidant au développement des futures capacités de protection des armées :

– la synergie interarmées, interministérielle et internationale afin d’éviter toute duplication des efforts – ce qui suppose de favoriser l’interopérabilité ;

une économie de moyens, un emploi planifié et une gestion interarmées permettant de préserver les ressources humaines et matérielles et de conserver en permanence une réserve d’intervention ;

– la liberté d’action par l’anticipation et la prévention, la planification, la gestion, la restauration et la communication. Cela suppose que les différentes composantes de la défense NRBC soient en mesure, dans leurs milieux respectifs, de poursuivre l’ensemble des actions planifiées et envisageables malgré une menace ou ambiance NRBC. Cette capacité repose sur des équipements, des procédures ainsi que sur une préparation opérationnelle adaptée.

Afin de pouvoir mener l’ensemble de leurs missions dans le cadre d’un conflit de haute intensité sous menace NRBC avérée, les forces armées doivent pouvoir disposer d’unités instruites, entraînées, équipées et capables de faire face à un événement NRBC dans les meilleures conditions possible.

Cet objectif nécessite un effort capacitaire significatif sur l’ensemble du spectre « DORESE », évoqué en deuxième partie. Cet effort, graduel, a été amorcé en 2021 et doit se poursuivre au plus vite par le renouvellement des équipements et le comblement des lacunes. Cette ambition impose de consacrer les ressources humaines et financières nécessaires et suppose une volonté forte du commandement à tous les niveaux ainsi qu’une très forte adhésion collective.

A.   Sanctuariser les acquisitions d’équipement en loi de programmation militaire pour éviter toute rupture temporaire de capacité

La remontée en puissance des capacités de défense NRBC des armées repose, au-delà de la réappropriation des problématiques spécifiques et de la préparation opérationnelle associée, au renouvellement des équipements et au comblement des lacunes majeures. À ce titre, et en dépit d’un effort financier important en 2020-2022, le volet équipement va nécessiter des ressources budgétaires significatives pour atteindre les objectifs fixés. Pour les rapporteurs, il s’agit clairement d’un enjeu majeur de la future loi de programmation militaire.

Ne pas allouer de ressources suffisantes aux équipements NRBC entraînerait irrémédiablement une rupture temporaire de capacité, qu’il convient impérativement d’éviter. La défense NRBC ne peut souffrir d’à-coups – l’intérêt qui lui est porté doit donc être constant – et ne s’improvise pas : il faut du temps pour concevoir les équipements nécessaires et du temps, aussi, pour former les personnels à leur emploi. Si l’idée est, selon les mots du chef d’état-major des armées, de « gagner la guerre avant la guerre », l’enjeu est bien pour les armées de disposer d’une défense NRBC qui soit robuste et efficace avant tout événement, pour pouvoir parer à toute éventualité.

Les rapporteurs notent que l’évolution des menaces suppose de retenir des solutions techniques les plus souples, les plus polyvalentes et les plus robustes possible. Ces solutions doivent aussi tenir compte de l’évolution rapide de certains agents, chimiques notamment.

1.   Garantir aux forces un développement capacitaire cohérent et compatible avec un engagement de haute intensité

a.   Les forces armées sont confrontées à un risque de rupture capacitaire lié à l’obsolescence de certains matériels et à la vétusté des porteurs

La défense NRBC, on l’a vu, s’appuie sur cinq piliers capacitaires ([73]).

La DGA estime que « l’ensemble des métiers des armées, directions et services du ministère peut être couvert par un ensemble de protection individuelle. La France se distingue particulièrement dans l’équipement de protection NRBC des navigants ([74]) . » Cependant, les rapporteurs décèlent l’existence d’un risque de rupture capacitaire lié à l’obsolescence de certains matériels.

i.   Les matériels n’ont pas tous le même niveau d’ancienneté

Dans le domaine de la détection et de l’identification, les détecteurs chimiques par spectrométrie de flamme de type AP4C, c’est-à-dire dotés de quatre voies, datent de 2010 et sont donc relativement récents. Est par ailleurs engagé le renouvellement des détecteurs radiologiques de poing ou embarqués sur véhicule. En outre, les unités spécialisées disposent de biocollecteurs cycloniques liquides permettant l’identification PCR (réaction en chaîne par polymérase) ainsi que des tickets détecteurs d’agents biologiques, sortes de bandelettes à anticorps issues des recherches du CEA.

S’agissant des équipements de protection individuelle, le renouvellement générationnel des masques équipés d’appareils normaux de protection à visière panoramique – appareils filtrant l’air avant qu’il n’entre dans l’organisme et protégeant la peau du visage contre les toxiques liquides, datant du milieu des années 1990 – est engagé dans le cadre de l’opération EPIA (cf. supra), l’objectif étant d’offrir un système complet intégrant masque et tenue et offrant une plus grande maîtrise des risques aux interfaces entre le premier et la seconde.

Dans le domaine de la décontamination, en revanche, de nombreux matériels équipant nos forces armées sont entrés en service avant la fin de la Guerre froide et ne font pas encore l’objet d’un renouvellement : c’est en particulier le cas des appareils portatifs de décontamination équipant les véhicules terrestres et des gants poudreurs de décontamination. Les rapporteurs notent néanmoins la livraison de centres de reconditionnement du personnel (« tentes » CERPE) modernisés.

Eu égard aux contre-mesures médicales, les rapporteurs ne peuvent que saluer l’apport indispensable de la pharmacie centrale des armées du SSA. Cette dernière est en effet le producteur national exclusif de certains antidotes NRBC.

S’agissant des systèmes d’aide au commandement, les armées sont équipées d’un système « S4x » dont la DGA indique qu’il fait l’objet de mises à jour régulières. À terme, ce système devrait s’intégrer au système d’information des armées sous forme de module NRBC.

ii.   Les équipements lourds de l’armée de Terre se caractérisent par leur ancienneté

Concernant les équipements plus lourds, les moyens d’appui actuels du 2e régiment de dragons se caractérisent par des capacités uniques à l’échelle nationale, achetées successivement, sans recherche d’un développement capacitaire cohérent et raisonné, que les rapporteurs jugent peu compatibles avec un engagement dans un conflit de haute intensité du fait de leur ancienneté.

Le régiment de Fontevraud compte ainsi, outre une quinzaine d’équipes de 6 personnels équipés de véhicules Master (véhicules de gamme civique sans capacité tout chemin blindage) pour la reconnaissance et l’évaluation, 24 véhicules de l’avant blindés (VAB) de reconnaissance NRBC, 45 véhicules légers de reconnaissance et d’appui (VLRA) de décontamination, 28 systèmes de décontamination approfondie (SDA) et 16 unités de décontamination CERPE ([75]) pour la décontamination approfondie des matériels et des personnes. Les rapporteurs se félicitent que l’acquisition par l’armée de Terre de véhicules blindés multirôle légers SERVAL dédiés au NRBC ait été actée. Ils notent cependant que ces équipements font partie d’un programme d’acquisition plus global, non spécifique au NRBC.

iii.   L’armée de l’Air et de l’espace souffre elle aussi de lacunes et de la vétusté de nombre de ses équipements, à l’exception notable de ceux de ses pilotes de chasse

L’armée de l’Air et de l’espace doit, quant à elle, prendre en compte les différents enjeux capacitaires de la défense NRBC tout en préservant ses particularités, liées à la défense NRBC d’emprise structurée autour de la dissuasion et de ses outils de combat ([76]). Pour ce faire, elle doit disposer de moyens de protection et de détection permettant d’équiper ses unités chargées des secours et de la sécurité sur ses emprises ainsi que de moyens de décontamination prenant en compte ses différents équipements – aéronefs, matériel d’environnement aéronautique, équipements personnels spécifiques – et infrastructures, telles que les pistes et les taxiways.

L’armée de l’Air et de l’espace a appelé l’attention des rapporteurs sur la nécessité pour elle de renouveler certains de ses équipements vieillissants ou obsolètes. Il s’agit :

 – d’une part, de ses équipements de protection individuelle, vieillissants, ce qui est prévu dans le cadre du programme EPIA (cf. supra la deuxième partie du rapport) ;

– et, d’autre part, des détecteurs chimiques, radiologiques et biologiques, rendus obsolètes par l’émergence de nouvelles menaces.

L’armée de l’Air et de l’espace a également souligné la nécessité de combler des lacunes en matière :

– de protection collective semi-mobile permettant de sécuriser les centres de commandement et unités déployées en opération ;

– de capacités de décontamination de grande hauteur et de grande surface pour prendre en compte les nouveaux vecteurs de type A400M et A330 MRTT ;

– de décontamination facilitée pour les équipements spécifiques, tels que les équipements optiques de visée, de vision nocturne et de vol.

L’armée de l’Air et de l’espace a aussi souligné l’absence de structures RBC permettant au personnel de se soustraire à une menace autre que nucléaire.

Elle a indiqué aux rapporteurs que le dernier programme majeur en cours de concrétisation porte sur l’équipement NRBC des pilotes de chasse, avec le système Équipements de protection NRBC pour équipages d’avions de chasse ([77]), fruit d’une collaboration entre l’industriel Ouvry, la DGA et le centre d’expertise aérienne militaire. Les premiers équipements ont été livrés en 2021 et les escadrons qui doivent en bénéficier sont en train de se les approprier. Ces livraisons devraient se poursuivre en 2022. Dans le domaine de la détection, de nouveaux capteurs chimiques de type appareils portatifs de contrôle de la contamination chimique et radiologique sont en cours de livraison et de répartition.

b.   Le premier incrément du programme CINABRE ne permettra pas de combler les retards accumulés pendant la décennie 2010

Le programme CINABRE, on l’a vu, a pour objectif de contribuer au besoin de cohérence et de structuration du domaine NRBC et d’assurer l’accélération des développements et acquisitions autorisés en ajustement annuel de la programmation militaire. Son premier incrément vise en particulier à l’équipement des forces en vue de la surveillance biologique de la coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux olympiques de 2024. Il vise aussi au développement de cinq contre-mesures médicales.

Or, les rapporteurs notent que ce premier incrément ne permettra que de palier en partie le déficit d’achat des quatre dernières années pour les filtres et une première augmentation des cibles « masque » afin de faire face à une menace terroriste. Concernant les contre-mesures médicales, le ministère des Armées n’en est qu’au stade de l’élaboration de solutions et non encore à la réalisation de stocks d’antidotes. De fait, les délais de recherche-développement sont très longs en ce domaine, rares étant les laboratoires adaptés à la réalisation de tests d’évaluation impliquant des agents NRBC par nature très dangereux.

Le deuxième incrément du programme à effet majeur CINABRE vise, à partir de 2025-2027, à remplacer les matériels majeurs de décontamination vieillissants et à augmenter les capacités de détection et de protection collective. La réalisation d’EPIA doit permettre, à partir de 2027, de doter les forces d’un nouvel ensemble de protection individuelle dont les performances attendues sont très largement supérieures aux capacités actuellement détenues.

c.   Consacrer à la défense NRBC un budget de 2 milliards d’euros d’ici à 2030

La nécessité de combler les retards accumulés, de renouveler les équipements vieillissants et d’éviter toute rupture temporaire de capacité dans le cadre de la remontée en puissance souhaitée, implique des moyens budgétaires conséquents, que les rapporteurs estiment à 2 milliards d’euros d’ici à la fin de la loi de programmation militaire 2025-2029, soit environ 250 millions d’euros par an entre 2023 et 2029.

Proposition n° 1 : Porter à 250 millions d’euros par an les crédits dédiés à la défense NRBC.

 

Proposition n° 2 : Consacrer un budget de deux milliards d’euros d’ici à 2029 à la défense NRBC et sanctuariser ce budget en loi de programmation militaire.

Ce budget annuel de 250 millions d’euros par an et de 2 milliards d’euros à la fin de la LPM 2025-2029 inclurait – et viendrait compléter – les crédits déjà programmés au titre du programme CINABRE, qui s’élèvent à quelque 80 millions d’euros pour le premier incrément. Il permettrait aussi de financer l’acquisition :

– de 25 GRIFFON NRBC, ce qui représente en soi un budget de 250 millions d’euros ;

– de panoplies EPIA ;

– de véhicules et de moyens légers de décontamination ;

– d’équipements de protection collective ;

– de contre-mesures médicales ;

– d’appareils de détection portatifs etc.

Il devrait aussi favoriser la prise en compte des besoins en investissement du service de santé des armées. En effet, la préparation à la survenue d’événements NRBC, qui contribue à prévenir les risques sanitaires pour les militaires, nécessite la réalisation d’investissements durables dans la prochaine loi de programmation militaire. Les rapporteurs se félicitent d’ailleurs que l’Ambition stratégique SSA 2030 prenne en compte le risque NRBC, en veillant à la définition d’une réponse adaptée de la chaîne de santé du service face aux risques émergents liés à la nature des agents. Ils estiment que cette prise en compte dans l’Ambition stratégique du service doit impérativement trouver sa traduction concrète dans le budget alloué audit service.

d.   Acquérir au plus tôt 25 GRIFFON NRBC

Dans le contexte non seulement de recrudescence de la menace mais aussi de lancement du programme SCORPION ([78]), les rapporteurs estiment que les 24 VAB NRBC du 2e régiment de dragons doivent être remplacés au plus tôt par 25 GRIFFON ([79]) NRBC, une donnée qu’il convient de prévoir en ajustement annuel de la programmation militaire et dans la prochaine loi de programmation militaire. Il est en effet impératif de faire en sorte que le régiment de Fontevraud puisse atteindre le standard SCORPION en termes de mobilité, de blindage, d’armement et de communications.

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GRIFFON (source : ministère des Armées)

Proposition n° 3 : Prévoir, en ajustement annuel de la programmation militaire puis en loi de programmation militaire, l’acquisition de 25 GRIFFON NRBC d’ici à la fin de la LPM 2025-2029.

e.   Mieux prendre en compte les spécificités de chaque armée dans les contrats d’acquisition d’équipement

Les rapporteurs notent que la DGA a tendance à encourager les gros programmes de production afin d’éviter la démultiplication des contrats de soutien. En conséquence, il arrive que certains équipements soient achetés à l’identique pour l’ensemble des corps d’armées, sans prendre en compte les spécificités des uns et des autres. Ainsi, l’armée de l’Air a indiqué qu’il serait souhaitable que comme pour les pilotes de Rafale, les pilotes d’hélicoptère puissent bénéficier d’équipements de protection tenant compte des spécificités de leur appareil.

2.   Mettre un terme à l’érosion des crédits dédiés à la recherche-développement dans le domaine NRBC

Lors de la création du programme budgétaire 191 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en 2005, 15 millions d’euros étaient affectés au programme interministériel de recherche-développement pour la lutte contre le terrorisme NRBC. Ce budget a été maintenu à ce niveau jusqu’en 2015. En 2016, il a été amputé de 3 millions d’euros et est toujours de 12 millions d’euros en 2021. Compte tenu de l’évolution des coûts, et en particulier de l’inflation, le budget consacré au programme interministériel de recherche-développement pour la lutte contre le terrorisme NRBC-E s’érode progressivement. Ainsi, les 12 millions d’euros de 2021 correspondent en fait à 11,3 millions d’euros de 2016 et n’en représenteront plus que 10 en 2026. Les rapporteurs notent que dans le programme de travail du CEA pour 2022, sur les 23 nouveaux projets de recherche-développement NRBC proposés par le Commissariat à la Cellule exécutive, seuls 9 ont été retenus. Les 15 millions d’euros alloués jusqu’en 2015 ne semblent donc pas un luxe.

D’autre part, si ce programme est financé par le biais d’une subvention de recherche duale allouée au CEA par la DGA dans le cadre du programme 191, en 2021-2022, le programme a été financé via le programme d’investissement d’avenir n° 4 (PIA 4). Lorsque ce programme d’investissement d’avenir arrivera à son terme, il conviendra de veiller au bon retour des lignes budgétaires et donc des financements consacrés à la recherche NBRBC-E sur le programme 191.

Proposition n° 4 : Porter à 15 millions d’euros par an le budget consacré à la recherche duale pour la lutte contre le terrorisme NRBC-E et garantir la pérennité de ce budget au-delà de l’échéance du programme d’investissement d’avenir n° 4.

B.   Faire des ressources humaines une priorité

L’évaluation des besoins humains dans le domaine NRBC étant en cours, les rapporteurs ne sauraient se prononcer avec précision sur leur quantification exacte. Ils se contenteront de rappeler ici les effets déplorables des déflations d’effectifs opérées dans les années 2008 à 2015 au ministère des Armées, non seulement dans les trois armées mais aussi à la DGA et, plus encore, dans les services de soutien.

Les rapporteurs estiment, globalement, que les ressources humaines consacrées à la spécialité NRBC devront être renforcées mais aussi que la défense NRBC ne doit pas rester une préoccupation de spécialistes.

S’agissant des unités spécialisées, le deuxième régiment de dragons compte quelque 900 personnels dont une cinquantaine d’officiers, près de 300 sous-officiers et un peu plus de 550 militaires du rang ([80]) . Les rapporteurs estiment que cet effectif, tout en gardant la même répartition pyramidale, pourrait être augmenté d’une dizaine de pourcents et être porté à 1000, compte tenu du contrat opérationnel interarmées du régiment mais aussi de l’engagement quasi constant – environ trois ans sur quatre – du régiment au sein de la NATO Response force (NRF) de l’OTAN ([81]).

Les rapporteurs tiennent également à souligner qu’au regard des missions dévolues au service de santé des armées, ses effectifs dédiés au NRBC sont sous tension ([82]) , alors même que le retour d’expérience de la première phase de la crise sanitaire de SARS-COV-2 a mis en lumière la nécessité de disposer de capacités robustes en la matière.

Proposition n° 5 : Accroître les effectifs dédiés à la défense NRBC spécialisée afin de tenir compte de la recrudescence de la menace.

II.   Approfondir la coopération internationale tout en garantissant le maintien de la souveraineté nationale

A.   Approfondir la coopération internationale

La coopération internationale dans le domaine de la défense NRBC s’effectue essentiellement au sein de l’OTAN, permettant de standardiser les procédures, aussi bien sur le plan opérationnel que matériel, et améliore de ce fait l’interopérabilité des armées. La France, dont les compétences en matière de NRBC sont pleinement reconnues par ses alliés, contribue activement à la force NRBC de l’Alliance atlantique (1).

À l’échelle de l’Union européenne, la coopération se développe en particulier dans le domaine de la recherche et développement et là encore, la France contribue activement aux programmes en cours (2).

Aux yeux des rapporteurs, la coopération mériterait également d’être approfondie à une échelle infra-européenne (3).

1.   Une contribution active de la France, compte tenu de ses compétences reconnues, à la force opérationnelle interarmées de défense NRBC de l’Alliance atlantique

En matière de défense NRBC, les compétences de la France sont reconnues par ses partenaires, notamment américain et britannique. Les spécialistes français ont en effet fait la preuve de leur efficacité, notamment lors de la mission Ebola en Guinée ou lors des opérations au Levant. Parmi les États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’Allemagne et la République tchèque jouissent elles aussi d’une certaine réputation en matière de défense NRBC mais leurs capacités n’ont pas été engagées récemment et significativement dans des opérations militaires impliquant la mise en application d’une telle expertise.

La France participe activement à la force opérationnelle multinationale interarmées de défense NRBC ([83]), organe de l’OTAN spécialement entraîné et équipé pour faire face à des incidents ou à des attaques dirigées contre les populations, le territoire ou les forces des pays membres de l’Alliance. Capacité interarmées et interalliée du commandement pour les opérations de l’OTAN, cette force opérationnelle (task force) est entraînée et certifiée dans le cadre du processus de la Force de réaction de l’OTAN (NATO Response Force, NRF) ([84]) . Elle est constituée d’une équipe d’évaluation interarmées, assurant, au profit d’un état-major opératif ou stratégique une mission d’expertise NRBC et mise pour emploi auprès du commandement opératif, et d’un bataillon NRBC multinational ([85])  opérant au profit de l’ensemble du théâtre d’opération et des composantes. En 2022, c’est le CIA NRBC de Saumur qui arme cette équipe d’évaluation interarmées, la Joint Assessment Team ([86]), renforcé par du personnel de l’armée de l’Air et de l’espace ([87])  et par une équipe hongroise. Le 2e régiment de dragons arme quant à lui cette année l’ossature de la force opérationnelle – avec un poste de commandement et au moins une unité élémentaire – et s’y agrègent des unités d’autres nations de l’OTAN.

Les rapporteurs notent cependant que l’organisation actuelle de l’OTAN, où la part des spécialistes NRBC représente une portion congrue de 22 postes identifiés dans la structure de commandement de l’OTAN, ne permet pas à la France d’avoir une visibilité significative.

La défense NRBC de l’OTAN

La défense NRBC de l’OTAN est prise en compte à travers l’ensemble de la structure de l’organisation :

– au niveau politique du Conseil de l’Atlantique Nord ;

– au niveau politico-militaire du quartier général (NATO HQ) ;

– au niveau stratégique (ACO et ACT),

– au niveau opératif (JFC) ;

– au niveau des commandements tactiques.

La défense NRBC de l’OTAN repose sur une très forte interopérabilité. L’OTAN met en place dans le cadre de ses capacités de réaction rapide la Combined Joint CBRN Task Force ou force opérationnelle multinationale interarmées de défense NRBC (CJ-CBRND-TF). Cette dernière comprend une équipe d’évaluation interarmées (JAT) NRBC et un bataillon de défense NRBC. Il s’agit d’un organe spécialement entraîné et équipé pour faire face à des incidents NRBC ou à des attaques NRBC dirigées contre les populations, le territoire ou les forces des pays de l’OTAN. Le bataillon et l’équipe d’évaluation interarmées, créés en 2003 et déclarés opérationnels l’année suivante, constituent un ensemble multinational polyvalent qui peut être déployé rapidement pour participer à toute la gamme des opérations menées par l’OTAN.

La mission du bataillon de défense NRBC est de fournir une capacité de défense NRBC crédible et pouvant être déployée rapidement, pour préserver la liberté d’action et l’efficacité opérationnelle de l’OTAN dans un contexte de menace NRBC. Conformément à la structure qui a été instituée, le bataillon est constitué de personnels qui proviennent de plusieurs pays de l’OTAN et qui se tiennent en attente pendant une période de douze mois. Il peut aussi inclure des personnels et des moyens de défense NRBC mis à disposition par des pays partenaires. De la même manière que pour la Force de réaction de l’OTAN (NRF), les personnels désignés pour constituer le bataillon restent basés dans leur pays et se réunissent pour l’entraînement et le déploiement.

2.   Une contribution à la coopération européenne en matière de recherche et développement

L’Agence européenne de défense (AED) dirige depuis janvier 2022 un nouveau programme de recherche et développement relatif au domaine NRBC, intitulé « Système de reconnaissance et de surveillance NRBC ».

Ce projet s’inscrit dans la continuité d’un autre projet, adopté en novembre 2018 et coordonné depuis 2019 par l’agence dans le cadre de la coopération structurée permanente (PESCO) ([88])  intitulé « Surveillance NRBC en tant que service » ([89]). La France contribue depuis le départ à ces deux projets aux côtés de la Croatie, de la Hongrie et de la Slovénie, sous la houlette de l’Autriche.

L’objectif de ces deux projets de recherche européens est de concevoir une capacité automatique et déportée de surveillance, de détection et de gestion d’incidents NRBC à partir de capteurs intégrés sur des plateformes robotisées terrestres et aériennes. Ainsi, le premier projet a pour but d’établir un réseau de drones aériens et terrestres interopérables avec d’autres systèmes afin de fournir une image NRBC reconnue et ainsi d’améliorer la visualisation des informations opérationnelles communes utilisées dans les missions de l’Union européenne. Une fois combinés, capteurs et porteurs fourniraient une « image NRBC » en temps réel au profit d’utilisateurs militaires et civils, contribuant à surveiller des frontières ou des infrastructures sensibles tout en éloignant le personnel d’un danger potentiel. Les deux programmes visent le même but, seuls diffèrent le niveau de maturité recherché et le canal de financement. Soutenu par l’Agence européenne de défense, le programme « Surveillance NRBC en tant que service » livrera une version de base de démonstrateur technologique qui sera améliorée au travers du second projet « Système de reconnaissance et de surveillance NRBC », quant à lui financé grâce au Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP).

Retenu en juin 2021 parmi une vingtaine d’autres projets, le programme « Système de reconnaissance NRBC » (CBRN RSS) rassemble 15 entreprises et instituts de recherches de six pays, dont deux de la filière défense française : Bertin Technologies et Bull, filiale d’Atos.

3.   Des coopérations renforcées possibles avec certains États européens, à condition de bien choisir ses partenaires

Si, pour l’heure, la coopération en matière de défense NRBC s’opère essentiellement dans le cadre multilatéral de l’OTAN, pour le volet opérationnel, et de l’Union européenne, s’agissant de la recherche-développement, les rapporteurs se sont interrogés quant à l’opportunité de développer des coopérations bilatérales ou multilatérales à un niveau infra-européen, dans un domaine où la ressource est rare mais stratégique. Ils notent que l’entraînement est un domaine dans lequel les coopérations sont particulièrement intéressantes. Si aucune décision ne semble arrêtée à ce stade au sein de l’état-major des armées, les rapporteurs estiment que plusieurs voies mériteraient d’être étudiées.

Une coopération existe déjà avec l’Allemagne dans le domaine de la défense NRBC mais elle est actuellement peu dynamique, notamment parce que l’Allemagne, bien qu’elle dispose de véritables capacités de défense NRBC, ne s’est pas engagée récemment en opération, contrairement à la France.

Le Royaume-Uni pourrait être un partenaire intéressant, y compris en dehors du cadre de l’Alliance atlantique.

Surtout, les rapporteurs tiennent à rappeler que la France a conclu en 2019 avec la Belgique un accord relatif à leur coopération ([90]) dans le domaine de la mobilité terrestre, couramment appelé « CaMo ([91]) ». Ce partenariat a pour point d’ancrage la fourniture à la Belgique de 442 engins blindés médians mais plus encore, l’accord intergouvernemental institue un dispositif pérenne de coopération militaire entre la composante « terre » de l’armée belge et notre armée de Terre. Ainsi, les deux forces adopteront la même doctrine d’emploi des matériels et le même système de formation des militaires appelés à les opérer, garantie d’un niveau d’interopérabilité sans équivalent dans les partenariats militaires noués par la France. Les Belges sont ainsi étroitement associés à l’opération SCORPION de modernisation des capacités blindées médianes. À ce titre, les rapporteurs estiment qu’une coopération bilatérale avec la Belgique dans le domaine NRBC a tout son sens. Elle existe d’ailleurs déjà s’agissant du pilier « entraînement ».

Cette coopération dans le domaine de la défense NRBC pourrait même être étendue aux autres États latins de l’Union européenne – l’Espagne, l’Italie et la Roumanie – voire aux États gréco-latins de l’Union, si l’on y adjoignait la Grèce. Les rapporteurs notent en particulier que des États comme la Roumanie et l’Italie disposent de réelles capacités de défense NRBC.

Les rapporteurs se félicitent d’ailleurs du projet d’installation d’un polygone d’entraînement (CBRN Defence Training Range([92]) en Roumanie, conjointement avec la France et l’Italie, dans le cadre de la coopération structurée permanente (PESCO). L’armée de l’Air et de l’espace a récemment affirmé sa volonté de contribuer à ce projet. Membre de l’Union européenne et de l’OTAN, la Roumanie, qui se situe au carrefour entre l’Ukraine, les Balkans et la Turquie, a la volonté de jouer un rôle déterminant dans la sécurité de l’Europe centrale et a pour ambition de devenir un centre logistique pour les forces de l’OTAN et de l’Union européenne. D’où l’intérêt pour la France de continuer à coopérer avec cet État dans le domaine NRBC.

Enfin, les rapporteurs notent que la Suède a amorcé sa remontée en puissance, qu’elle dispose d’une réelle expertise technique dans le domaine NRBC et que la France pourrait, à ce titre, trouver un réel intérêt à nouer un partenariat avec Stockholm.

Proposition n° 6 : Développer la coopération avec la Belgique dans le domaine de la défense NRBC et étudier les modalités d’une coopération renforcée de type « Union latine NRBC » avec, outre la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et la Grèce.

B.   Conserver une autonomie stratégique

Si les coopérations sont essentielles dans le champ militaire, la crise sanitaire a montré la nécessité de garantir impérativement, à l’échelon national, notre autonomie stratégique.

1.   Disposer d’une appréciation autonome de la situation grâce au renseignement et conserver une capacité d’intervention

Il convient tout d’abord de disposer d’une appréciation autonome de la situation grâce au renseignement, ce qui suppose de développer le concept de renseignement militaire d’intérêt NRBC.

Il s’agit aussi de conserver une capacité d’intervention, comme les rapporteurs l’ont souligné en première et deuxième parties du rapport.

Il convient enfin de soutenir la base industrielle et technologique de défense en sécurisant la matière grise, l’outil de production et les filières de production de matière première.

2.   Soutenir une base industrielle et technologique de défense aujourd’hui fragmentée, condition sine qua non de notre souveraineté

Comme on l’a vu, dans les années qui viennent, la France devra remédier à un trou capacitaire par des acquisitions complémentaires. Les équipements doivent par ailleurs évoluer pour faire face à l’évolution des menaces et des usages. Le temps exigé pour le développement d’un équipement n’est pas négligeable, en raison de la complexité des systèmes développés ainsi que des travaux nécessaires pour les qualifier – en vue de garantir les performances ainsi que la sécurité des personnes et des biens – et pour vérifier les informations du producteur.

Or, dans le domaine de la défense NRBC, la France dispose de plusieurs entreprises spécialisées, essentiellement des PME, qui disposent d’un savoir-faire et d’une expérience reconnus et dont l’activité à l’exportation est à souligner. L’autonomie stratégique est, là aussi, capitale pour permettre aux forces de disposer, sans contrainte extérieure, des matériels et des stocks nécessaires ([93]) .

a.   Un enjeu de souveraineté

L’achat d’équipements de défense auprès de l’industrie nationale mais surtout le lancement de nouveaux développements permet de garantir un approvisionnement souverain en entretenant le tissu industriel français, comme le prévoit le programme EPIA, notifié en mi-avril 2019 au groupement d’industriels NBC-Sys, Ouvry, Paul Boyé Technologies et SP Défense et visant à remplacer une très grande partie des tenues et masques de protection des armées contre les risques NRBC rencontrés sur les théâtres d’opérations.

La base industrielle et technologique de défense (BITD) française couvrant l’essentiel des besoins nationaux, la DGA s’adresse prioritairement à elle pour les besoins des armées. C’est d’ailleurs une tendance qui va probablement s’accentuer dans le contexte de réindustrialisation consécutif à la crise sanitaire ([94]). De fait, cette crise a mis en lumière des dépendances jusqu’alors indolores et un approvisionnement à l’étranger en biens consommables tels que les réactifs de détection et les matériaux filtrants – biens critiques pour la défense NRBC.

S’agissant de produits pour lesquels la constitution de stocks a priori peut s’avérer délicate du fait de leur faible durée de vie, il importe de limiter autant que faire se peut les démarches d’achat sur étagère à l’étranger et d’instituer des stratégies d’acquisition de long terme garantissant notre sécurité d’approvisionnement. Il convient aussi de soutenir la création d’une filière industrielle nationale de réactifs biologiques de base de type « PCR » au profit des activités de bio-défense.

b.   Une base industrielle et technologique de défense très fragmentée, composée de nombreux petits acteurs fabriquant des produits de niche

L’industrie française de défense NRBC regroupe environ 1 200 personnes – dont 750 emplois directs défense – pour un chiffre d’affaires ([95]) de 500 millions d’euros, dont environ 40 % sont réalisés à l’export, ce qui constitue une tendance stable depuis quelques années. Il s’agit d’une BITD fragmentée, composée de nombreux petits acteurs – plus d’une centaine étant référencée dans le domaine, la plupart étant des PME-ETI – souvent sur des produits de niche.

Les seuls industriels de taille significative du domaine sont Thales et Nexter, avec sa filiale spécialisée NBC-Sys. À l’exception de ce dernier, positionné sur l’ensemble des grands segments de marché de la lutte contre les menaces NRBC ([96]), les principaux spécialistes du traitement de la menace NRBC interviennent en général sur un seul grand segment d’activité.

L’étroitesse du marché et des budgets rend en effet difficile le maintien d’un intérêt fort par les grands groupes industriels de défense. Les acteurs de la filière doivent composer avec des commandes souvent « au coup par coup ». Cette fragmentation est par ailleurs liée au fait que cette BITD couvre des domaines très éloignés entre eux du point de vue technologique.

Les principaux acteurs « traditionnels » de la défense NRBC sont :

– Thales (C4I, expertise à distance, identification biologique) ;

– NBC Sys (tous domaines) ;

– Bertin (détection radiologique et biologique et chimique) ;

– Mirion (détection radiologique) ;

– Sp Defense (décontamination ; protection) ;

– Proengin (détection chimique) ;

– Utilis (protection, décontamination) ;

– Paul Boyé ([97])  (protection) ;

– Ouvry (protection).

À cela s’ajoute l’écosystème des contre-mesures médicales (CMM), avec des acteurs tels que Fab’entech, Provepharm, Minakem, Oril ou Novasep.

L’écosystème de l’identification biologique est, quant à lui, composé notamment de certains acteurs de la BITD traditionnelle, tels que Bertin, Thales et NBC Sys, ainsi que des PME innovantes comme BForcure ou DNA Script.

Enfin, les contre-mesures médicales françaises sont un véritable fleuron scientifique, grâce à l’action déterminée de l’Institut de recherche biologique des armées et de la pharmacie centrale des armées.

c.   Un soutien notable de la DGA aux PME et ETI de la filière NRBC

La DGA soutient de plusieurs manières les entreprises de la base industrielle et technologique de défense NRBC.

C’est naturellement le cas dans le cadre de la production, avec les programmes CINABRE et EPIA déjà évoqués.

C’est aussi le cas dans le cadre des études amont, avec la constitution en 2019 d’un groupement momentané d’entreprises Dragon visant à préparer un futur système de défense, de reconnaissance et d’appui global aux opérations en ambiance NRBC, couvrant la quasi-totalité des piliers capacitaires. Ce GME a notamment pour objectif d’impliquer les PME dans la structuration d’une industrie NRBC dès les phases de préparation d’un futur système NRBC en visant comme objectif un « retour sur investissement » équilibré pour chacun des acteurs impliqués et une répartition acceptable de la propriété intellectuelle.

Dans le domaine du soutien à l’innovation, a été créé à la fin de l’année 2019, le groupe GINCO afin de favoriser les échanges entre les acteurs industriels, académiques et étatiques du domaine et ainsi, d’identifier et d’attirer des projets innovants. Les dispositifs de soutien à la recherche-développement de l’AID favorisent aussi les innovations technologiques ([98]).

Le soutien à l’exportation permet quant à lui d’allonger les séries de production et d’éviter une trop grande dépendance des entreprises envers la commande publique. La part des exportations dans la production des entreprises du domaine est d’environ 40 % – ce qui illustre le fait que sa qualité soit reconnue au niveau international – mais est majoritaire pour certains, tels qu’Utilis, Ouvry et Proengin ([99]). L’accompagnement et le soutien de la DGA à l’export peuvent intervenir à différents stades, que ce soit au moment de la prospection auprès du client export ou lors de l’instruction du dossier en commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre. Par ailleurs, l’export est de plus en plus systématiquement pris en compte lors du lancement d’un programme. Ainsi, le système EPIA a été conçu dès le départ en intégrant cet enjeu, qui sera visé dès le prononcé de qualification.

La DGA assure aussi un accompagnement à la coopération. Les projets de l’Union européenne offrent en effet des opportunités d’évolution susceptibles de permettre le développement, avec des partenaires européens, de matériels ou d’architectures communs.

Ainsi, dans le cadre du programme européen de développement industriel de la défense (EDIDP) 2020, un projet « EAT » de développement de contre-mesures médicales dans les domaines NRBC, piloté par le CEA et intégrant la PME Fab’ Entech, a été accompagné par le DGA. Ce projet, soutenu par la France, l’Allemagne et la Suède, n’a finalement pas été retenu par la Commission européenne. Un nouveau projet « Counteract » de « contre-mesures médicales contre les menaces NRBC » a donc été déposé au Fonds européen de développement (FED) à la fin du mois de décembre 2021. Il rassemble une dizaine ([100])  de pays, sous coordination française et sous l’égide du CEA ([101]) , pour un budget d’environ 50 millions d’euros. L’objectif du projet est d’améliorer la préparation de l’Union européenne aux crises NRBC, de fournir aux forces armées européennes des contre-mesures médicales pertinentes et cohérentes et de développer des capacités européennes dans les domaines industriel et de recherche-développement.

Selon la DGA, le domaine NRBC, et plus particulièrement celui des contre-mesures médicales, à fort enjeu capitalistique, offrira d’autres opportunités, notamment à des PME.

Enfin, la DGA intervient via un apport en capital à travers les fonds d’investissement que sont DEFINVEST ou le fonds innovation défense. Fabentech a ainsi pu en profiter dans le domaine des contre-mesures médicales.

Globalement, les PME, avec lesquelles la DGA travaille majoritairement, sont aussi bien des acteurs traditionnels que des PME innovantes. Parmi les acteurs traditionnels, Paul Boyé et Ouvry, fournisseurs de tenues de protection NRBC, font partie du groupement momentané d’entreprises (GME) EPIA aux côtés de NBC Sys et de SP Défense, quatre entreprises nationales, historiques du domaine de la protection NRBC, habituellement concurrentes. Paul Boyé fournira les tenues filtrantes NRBC, et Ouvry les gants, sur-bottes et dispositifs de confort.

d.   Un droit de la commande publique adapté aux spécificités de matériels qualifiés comme équipements militaires

En matière d’équipements NRBC, le strict respect du code de la commande publique peut parfois entraîner des retards dans l’acquisition de matériels en petite quantité ou dans des délais très réduits. En outre, l’application de certaines normes peut réduire les possibilités d’utilisation de certains équipements tout en en augmentant le coût – comme par exemple l’interdiction du chrome dans la fabrication de cartouches filtrantes.

Il reste que le code de la commande publique offre un cadre spécifiquement adapté à l’acquisition des équipements militaires – définis par la directive 2009/81/CE comme des équipements spécifiquement conçus ou adaptés à des fins militaires, destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériels de guerre. Les dispositions du livre III de la 2e partie du code précité, applicables aux marchés de défense et sécurité (MDS), facilitent le recours à la procédure négociée et prennent en compte certains besoins propres au secteur de la défense, tels que la protection du secret de la défense nationale et la provision pour faire face à des aléas importants.

Les matériels NRBC sont, pour la plupart, qualifiés d’équipements militaires de sorte que les marchés publics passés pour leur acquisition relèvent des marchés de défense et sécurité et bénéficient des adaptations précitées. En sus, afin de garantir la protection d’informations particulièrement sensibles, le livre V de la 2e partie du code de la commande publique prévoit que certains marchés de défense et sécurité sont dispensés de toute mesure de publicité. C’est le cas de certains marchés d’acquisition de matériels NRBC.

e.   Une BITD qui pourrait être renforcée, moyennant un effort de rationalisation des stratégies capacitaires au niveau interministériel

La base industrielle et technologique de défense NRBC française est constituée d’un ensemble d’industriels aux capacités reconnues mais dont l’épaisseur est perfectible afin d’assurer l’innovation et le volume de fabrication dans un domaine marqué par une forte compétition internationale – anglo-saxonne et allemande, notamment.

La plupart des industriels de la défense NRBC ([102])  sont regroupés au sein du groupement d’intérêt économique « Défense NBC ». Ce groupement, créé en 1989 par Jacques Boyé, l’actuel PDG de Paul Boyé Technologies, est désormais préside par Jean-Marie Mathelin de NBC Sys (filiale NRBC du groupe NEXTER). Cependant, le statut de ce groupement ne lui permet pas de répondre lui-même à des appels d’offres, d’où certaines concurrences internes.

En dehors du ministère des Armées, les tentatives de constitution de filières « sécurité » n’ont pas abouti du fait d’un morcellement des acteurs publics et des budgets, de l’absence de lien entre recherche-développement et acquisition et de l’absence de planification pluriannuelle.

C’est pourquoi les rapporteurs suggèrent de mieux organiser l’expression des besoins et les processus d’achat, notamment en favorisant leur mutualisation à l’échelon interministériel. Une uniformisation des achats au niveau national, pour les forces armées comme pour les forces de sécurité civile et de sécurité intérieure aurait le mérite, non seulement de consolider la BITD française mais aussi de favoriser l’interopérabilité des capacités NRBC – sans pour autant perdre de vue les spécificités militaires des équipements de défense NRBC des armées, conçus pour permettre l’action au combat intense.

Les rapporteurs s’interrogent quant à l’opportunité de s’adosser à une structure existante en la renforçant, ou de créer une nouvelle structure, pour assurer cette mutualisation.

Proposition n° 7 : Organiser à l’échelon interministériel l’expression des besoins et les processus d’achat d’équipements NRBC.

f.   Une BITD dont il faut aussi sécuriser la matière grise et les filières de matières premières afin de lui permettre de faire face à la concurrence étrangère

La protection de la BITD suppose de sécuriser la « matière grise », grâce au dépôt de brevets mais aussi en luttant contre l’espionnage industriel. En la matière, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) jouent un rôle éminent.

Il s’agit aussi de sécuriser les filières de matières premières.

III.   Conférer à la défense NRBC une plus grande visibilité pour renforcer son attractivité au sein du ministère des armées

L’architecture de la défense NRBC reste fragile : elle repose sur un nombre limité de personnels et relève parfois de l’artisanat tant certaines compétences sont concentrées sur un nombre très restreint d’individus. Les rapporteurs estiment qu’il convient de pérenniser l’expertise et de la valoriser. À cet égard, un effort doit être accompli au ministère des Armées afin :

– d’adapter l’organisation de la défense NRBC, tant à l’échelon interarmées que dans les armées, directions et services, pour garantir sa prise en compte à tous les niveaux – stratégique, opératif et tactique ;

– de renforcer la lisibilité et la visibilité des carrières des spécialistes de la défense NRBC. Si certains alliés ou partenaires disposent d’une « arme NRBC », au titre des armes de l’armée de Terre, cette option n’a pas été retenue historiquement dans le modèle français.

Il reste que l’existence reconnue d’une fonction opérationnelle et d’une filière professionnelle pourrait justifier d’une meilleure représentativité de la défense NRBC, notamment à travers la description de postes spécifiques de haut niveau de personnel militaire aux échelons interministériel (SGDSN) et ministériel, assortis de responsabilités accrues.

S’il existe une autorité fonctionnelle de la défense NRBC au sein de l’état-major des armées, celle-ci n’est pas exclusivement issue du domaine NRBC. Les rapporteurs suggèrent la création d’une entité interarmées, de niveau division de l’état-major des armées, dédiée aux travaux d’état-major portant sur la défense NRBC et la lutte contre les armes de destruction massive.

Proposition n° 8 : Construire de véritables parcours de carrière au sein de la filière NRBC en s’appuyant sur des descriptifs de postes militaires spécifiques aux niveaux interministériel et ministériel.

 

Proposition n° 9 : Créer au sein de l’état-major des armées une entité dédiée à la défense NRBC et à la lutte contre les armes de destruction massive.

Plus globalement, les rapporteurs constatent la nécessité, pour la défense NRBC, de développer une stratégie de rayonnement et d’influence tant au niveau interarmées que dans les enceintes internationales – OTAN, Union européenne et autres organisations internationales.


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   Examen en commission

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur la défense NRBC au cours de sa réunion du mercredi 23 février 2022.

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, notre commission a créé à l’automne dernier une mission d’information sur la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) française, confiée à nos collègues Carole Bureau-Bonnard et André Chassaigne.

Au cours de ces dernières années, nous assistons à une recrudescence des menaces et risques NRBC. Le Président des États-Unis Barack Obama avait établi en 2012 la doctrine politique de la « ligne rouge » prévoyant des représailles en cas d’utilisation d’armes chimiques, ce qui n’a pas empêché leur utilisation par la suite. Je pense tout particulièrement au conflit syrien, avec le massacre de la Ghouta orientale en 2013 ou bien à Khan Cheikhoun en 2017, ou encore, en 2018 à Douma, à nouveau dans la Ghouta orientale. Cette politique de la « ligne rouge » est régulièrement rappelée en appui des textes internationaux et nous ne devons pas baisser la garde : la France doit se préparer à un danger NRBC.

Ce sujet est d’ailleurs au cœur des préoccupations des derniers chefs d’état-major des Armées qui ont tour à tour pointé la nécessité de faire remonter en puissance nos capacités de défense NRBC dans la perspective de l’ambition opérationnelle 2030. Dès lors, nos deux collègues se sont posé la question de savoir si la France avait effectivement les moyens de prévenir les événements NRBC, d’assurer la protection des forces à la suite de tels événements et ainsi, de préserver leur capacité opérationnelle et de réduire les effets des armes NRBC.

Je sais que les rapporteurs ont mené cette mission tambour battant, sans perdre de temps. Au terme d’une quinzaine d’auditions, ils ont rencontré tant les acteurs publics que privés de la défense NRBC, allant des ministères aux PME françaises. Ils se sont rendus à Fontevraud, auprès du deuxième régiment de dragons de l’armée de Terre, qui prend cette année la relève du bataillon multinational de défense NRBC de l’OTAN ; au Centre interarmées de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique de Saumur – qui forme les spécialistes en matière de défense NRBC – ainsi qu’à la direction générale de gendarmerie nationale.

Madame et Monsieur les rapporteurs, nous attendons vos conclusions et vos points de vigilance. Nos capacités de défense NRBC sont-elles optimales ? Est-il possible et souhaitable de les renforcer et si oui, comment ?

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Les armes de destruction massive sont abondamment évoquées dans la presse, mises en scène au cinéma et font l’objet d’une grande attention politique et diplomatique. L’histoire de ces armes, souvent méconnue, est riche d’enseignements. Les armes biologiques et chimiques sont utilisées depuis l’Antiquité. Que l’on pense seulement à l’empoisonnement de puits ou au catapultage de pestiférés !

Plus près de nous, c’est le Premier conflit mondial qui scelle l’avènement de la guerre chimique. La Seconde guerre mondiale est, quant à elle, marquée par l’usage de la bombe atomique à Hiroshima et à Nagasaki, ce qui fit écrire à Albert Camus dans son éditorial de Combat, le 8 août 1945 : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».

La Guerre froide est le théâtre d’un développement accéléré sans précédent : c’est le début de la prolifération, tous domaines confondus. Considérées comme incontournables sur un éventuel champ de bataille en Europe centrale, les armes de destruction massive marquent durablement de leur empreinte près d’un demi-siècle d’histoire mondiale.

La défense NRBC connaît une désaffection générale à partir du début des années 1990, jusqu’au fameux épisode des enveloppes au bacille de charbon, en 2001.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. C’est surtout depuis une dizaine d’années que la menace et les risques NRBC ne cessent de s’aggraver. On pense bien sûr au conflit syrien mais aussi à l’affaire Skripal et à l’accélération de la prolifération nucléaire en Iran et en Corée du Nord ou encore au développement d’armes stratégiques de nouvelle génération en Chine et en Russie. Les risques s’accroissent eux aussi en parallèle : la crise sanitaire en est l’exemple le plus frappant.

Face à l’aggravation de la menace, le chef d’état-major des Armées a décidé en décembre 2020 la remontée en puissance des capacités de défense NRBC des armées. Un plan interarmées spécifiquement consacré au NRBC a d’ailleurs été adopté en août dernier, l’objectif étant que dans les meilleurs délais possible, les armées, directions et services puissent mener leurs missions dans le cadre d’un conflit de haute intensité sous menace NRBC.

Il nous paraît important, avant d’expliquer en quoi consiste la défense NRBC, de vous présenter brièvement quelques éléments sur le contexte de la menace.

Pendant et au lendemain de la Guerre froide, pour lutter contre la prolifération d’armes de destruction massive, les États ont adopté plusieurs conventions internationales, parmi lesquelles le traité de non-prolifération des armes nucléaires, entré en vigueur en 1970, la convention d’interdiction des armes biologiques, en vigueur depuis 1975, et la convention d’interdiction des armes chimiques, en vigueur depuis 1997. Cette dernière prévoit un mécanisme d’inspection des arsenaux d’armes chimiques, de même que dans le domaine nucléaire, nous connaissons tous l’Agence internationale de l’énergie atomique – l’AIEA.

Le ministère des Armées, par le biais de la direction générale des relations internationales et de la stratégie, contribue pleinement, aux côtés du Quai d’Orsay, à la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive. Pourtant, malgré l’adoption de ces conventions, la menace connaît une recrudescence depuis une dizaine d’années, on l’a dit.

Quelle est la nature du danger NRBC ?

On distingue le risque NRBC, involontaire et accidentel, de la menace qui, elle, est volontaire. Ces dangers regroupent donc quatre composantes : le nucléaire, le radiologique, le biologique et le chimique. Nous n’aurons pas le temps de le faire ici mais nous présentons en détail dans notre rapport la nature de ces dangers.

Les exemples historiques que nous avons cités tout à l’heure illustrent qu’on assiste à une diversification des « auteurs » de la menace NRBC : il peut s’agir de ce qu’on appelle les États non alliés de la France et qui sont « dotés » au sens du traité de 1970. Il peut aussi s’agir d’États proliférants cherchant à acquérir des armes comme la Corée du Nord ou l’Iran. Il y a aussi des États qu’on appelle « inédits » : ils n’ont jamais déclaré de stocks d’armes mais ont des capacités scientifiques et technologiques et les ressources financières nécessaires. Enfin, il y a des acteurs para-étatiques ou encore des groupes terroristes transnationaux comme l’État islamique.

La menace NRBC est complexe, ses effets sont multiples. On parle souvent, à propos des armes NRBC, d’armes de destruction massive mais ce sont aussi des armes de désorganisation massive. Leurs effets sont aussi bien matériels qu’immatériels. Elles ont de fait des conséquences traumatisantes tant sur l’opinion publique que sur les armées. L’effet de surprise est, si l’on ose dire, la « clef du succès » de l’emploi des armes NRBC. D’où l’importance de la préparation des armées, sur laquelle nous reviendrons dans quelques instants. Ces armes visent à remettre en cause l’efficacité des forces armées – ne serait-ce que parce qu’elles obligent les combattants à porter des tenues particulières – et ont des effets complexes dans le temps, qui diffèrent selon les agents et les vecteurs utilisés. Nous détaillons l’ensemble de ces effets dans notre rapport.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Nous vous avons dressé un tableau somme toute assez apocalyptique. Cependant, face à cette menace aussi traumatisante que complexe, la France est dotée de réelles capacités de défense et se distingue à cet égard en Europe.

Nous allons vous décrire ces capacités en suivant ce qu’on appelle le schéma « DORESE » : ce schéma englobe la doctrine, l’organisation, les ressources humaines, l’équipement, les soutiens et l’entraînement.

La doctrine s’appuie sur trois missions : protéger les forces, contribuer à la protection de la population et contribuer à la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive, comme on l’a vu tout à l’heure. Cette doctrine part de trois principes d’action : prévenir, gérer, restaurer. Enfin et surtout, elle s’adosse à cinq piliers capacitaires : la détection, la protection individuelle et collective, la décontamination, les contre-mesures médicales et les moyens de commandement.

J’en viens à l’organisation de la défense NRBC – dont le maître mot est la complémentarité. Cette organisation repose de fait sur une distinction entre les capacités spécialisées et les capacités génériques, dans le but d’assurer la permanence de la défense NRBC. Toutes les unités des armées sont formées, équipées et entraînées à partir d’un socle commun NRBC leur permettant de survivre et de continuer à combattre. Ce socle commun peut se résumer à trois éléments : détecter, se protéger et alerter. Il y a également dans les unités du personnel à la qualification renforcée. D’autre part, les armées s’appuient sur des compétences spécialisées : la défense NRBC spécialisée est un réservoir unique de capacités rares. Il s’agit en particulier du 2e régiment de dragons de Fontevraud, qui relève de l’armée de Terre mais qui a un contrat opérationnel interarmées. Son action est complétée par celle de la brigade des pompiers de l’air, créée en 2021 au sein de l’armée de l’Air et de l’espace et disposant de 13 escadrons de sécurité incendie et de sauvetage. Quant à la Marine, elle ne dispose pas d’unité de défense NRBC spécialisée mais de capacités réparties dans ses différentes forces.

J’insisterai également sur le rôle du service de santé des armées qui assure l’élaboration et la production de contre-mesures médicales et qui conseille le commandement. Le service de santé des armées dispose d’une division NRBC au sein de l’Institut de recherche biologique des armées (IRBA), d’unités spécialisées à Bégin et à Percy et de la pharmacie centrale des armées, établissement dont il faut saluer l’excellence et qui développe et fabrique des médicaments pour répondre aux besoins de soutien médical des forces.

Enfin, citons les centres experts et en particulier le centre interarmées NRBC de Saumur qui joue un rôle clef, en particulier dans la formation. Ce qui me permet de faire la transition et d’évoquer le volet « ressources humaines et formation » du schéma « DORESE ».

Le régiment de Fontevraud, qui est donc le spécialiste NRBC en France, comprend environ 900 personnels, tandis que la brigade des pompiers de l’Air dispose d’environ 1500 personnels.

La formation est un enjeu majeur pour préserver un vivier rare et éviter toute perte de compétences. Il y a en France deux principaux centres de formation. Le centre interarmées de Saumur, dont je viens de parler, et le centre de formation des techniciens de sécurité de l’armée de l’Air qui est à Cazaux. Enfin, il existe en France un centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC, à Aix-en-Provence. Ce centre est la cheville ouvrière de la formation interministérielle au NRBC et interagit avec les armées, directions et services du ministère des Armées qui contribuent à son fonctionnement.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. Pour que la défense NRBC soit efficace, il faut aux armées une doctrine solide, une organisation claire, des ressources humaines bien formées mais aussi des personnels bien équipés. J’évoquerai donc à présent les équipements. Face à la complexité des dangers et des situations NRBC, les équipements sont nombreux. Ils sont à l’image des cinq piliers capacitaires que nous avons évoqués tout à l’heure : la détection, l’identification et la surveillance ; la protection individuelle et collective ; la décontamination des personnels et du matériel ; les contre-mesures médicales ; enfin, les systèmes de commandement et de communication.

Il ressort des travaux de la mission d’information que la France a accusé ces dernières années un double retard dans le domaine des équipements. Je dis double car ce retard tient à la fois à des lacunes dans certains domaines et à la nécessité de renouveler des matériels anciens dans d’autres domaines. Afin de rattraper ce retard, la direction générale de l’armement (DGA) a lancé en 2020-2021 un programme à effet majeur appelé CINABRE couvrant les cinq piliers précités. Ce programme procède par étapes, appelées techniquement « incréments ». La première étape du programme a été inaugurée à l’été 2021 et concerne, pour près de 80 millions d’euros, la livraison de matériel d’identification biologique – les fameux tests PCR, entre autres – et l’obtention d’autorisations de mise sur le marché pour des contre-mesures médicales. Les étapes suivantes devraient concerner l’acquisition de matériels de nouvelle génération.

Le programme CINABRE sera complété par une opération appelée « EPIA » qui permettra l’acquisition d’équipements de protection interarmées, comprenant la tenue, le masque et les gants de protection.

En lien avec ces équipements, permettez-moi d’évoquer à présent un point qui nous tient particulièrement à cœur : le volet recherche-développement. Nous sommes convaincus, avec le co-rapporteur Chassaigne, de l’importance stratégique de la recherche publique dans le domaine NRBC. C’est pourquoi nous avons rencontré un ingénieur du Commissariat à l’énergie atomique qui suit un programme de recherche-développement dans le cadre de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », aujourd’hui repris dans le programme d’investissement d’avenir n° 4. Au titre du programme 144 de la mission Défense, la DGA consacre également 15 millions d’euros de crédits à l’innovation de défense NRBC. La France peut s’enorgueillir d’être dotée de véritables fleurons dans la recherche-développement en ce domaine.

S’agissant des soutiens, nous insistons dans notre rapport sur le fait que l’effort de défense NRBC ne peut tenir dans la durée qu’à condition d’assurer le soutien et le maintien en condition opérationnelle des matériels. Vous me direz que cela vaut sur l’ensemble du spectre de défense mais s’agissant de la logistique et de la gestion des stocks, les équipements NRBC présentent la particularité, pour certains d’entre eux, de ne pas pouvoir être conservés intacts éternellement : beaucoup de ces équipements sont voués à péremption et doivent être régulièrement remplacés. Il convient donc d’assurer une gestion fine de ces stocks tout en évitant aussi, autant que faire se peut, des commandes au coup par coup.

Enfin, il est bon d’avoir des unités équipées, formées et soutenues. Mais il faut aussi assurer l’entraînement et la préparation opérationnelle des forces – c’est le dernier aspect du schéma « DORESE ». À cet égard, nous voudrions souligner la nécessité d’un entraînement NRBC qui soit en réelle interaction avec les autres fonctions opérationnelles. La prise en compte de la défense NRBC doit être systématique, quel que soit le niveau de l’exercice.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Au terme de ce bref panorama de la menace et de nos capacités françaises de défense NRBC, nous en arrivons à la troisième étape de notre réflexion : les enjeux d’avenir. La France dispose de réelles capacités de défense contre les dangers nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Des capacités pleinement reconnues par nos alliés. Mais la défense NRBC est un ensemble capacitaire qui ne peut souffrir d’aucun axe défaillant. Or, si ses ressources humaines sont robustes, elles sont limitées car le domaine NRBC n’est plus considéré comme prioritaire depuis la fin de la Guerre froide. De plus, certains équipements, datant des années 1990, sont vieillissants tandis que d’autres présentent des lacunes dans les domaines de la protection collective et de la détection biologique. Le soutien est fragile : la définition des stocks doit être énoncée dans l’optique d’un conflit de haute intensité et le maintien en condition opérationnelle est coûteux pour les matériels anciens. La France a participé à des opérations exigeantes en termes de défense NRBC, comme l’opération Tamarin en Guinée, où sévissait le virus Ebola, ou l’opération Chammal au Levant. Nos armées jouissent donc d’une véritable expérience récente. Cependant, la défense NRBC française manque d’épaisseur capacitaire et c’est sur ce point que nous tenons à revenir. Les forces armées sont confrontées à un risque de rupture capacitaire lié à l’obsolescence des matériels et à l’ancienneté des équipements, en particulier des équipements lourds de l’armée de Terre.

L’effort de remontée en puissance des capacités de défense NRBC a commencé en 2020-2021 avec le programme CINABRE. Mais la première étape de ce programme ne permettra que de combler les retards accumulés pendant la décennie précédente. C’est pourquoi nous proposons de porter l’effort en faveur de la défense NRBC à 2 milliards d’euros d’ici à 2030, soit 250 millions d’euros par an. Ces crédits permettront de financer le programme CINABRE mais aussi l’acquisition d’autres matériels NRBC, et en particulier des matériels s’intégrant au programme SCORPION de l’armée de Terre : 25 « Griffon » NRBC.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. Tout à l’heure, nous avons insisté sur la dimension stratégique de la recherche dans le domaine NRBC. Or, nous constatons une érosion des budgets, en contradiction totale avec l’effort de remontée en puissance de la défense NRBC. Nous estimons que le Commissariat de l’énergie atomique devrait bénéficier de 15 millions d’euros par an dédiés à la recherche dans le domaine NRBC. Ce budget a pourtant été ramené à 12 millions d’euros en 2016. Il faudrait aussi garantir la pérennité de ce budget au-delà de l’échéance du programme d’investissement d’avenir n° 4.

Enfin, on n’insiste jamais assez sur la nécessité de soutenir les efforts colossaux qu’accomplit le service de santé des armées, dans un contexte de surchauffe opérationnelle et d’insuffisance d’effectifs. Il importe de faire en sorte que ce service dispose de moyens matériels et humains suffisants dans ce domaine stratégique.

Et s’il est bien de disposer d’équipements et de matériel moderne et adapté aux nouvelles menaces, il faut aussi avoir des ressources humaines spécialisées en nombre suffisant. Le 2e régiment de dragons comprenant environ 900 personnels, nous estimons qu’il pourrait en gagner une centaine de plus. Compte tenu du niveau actuel de la menace, cela ne nous paraîtrait pas un luxe…

J’en viens à présent à un deuxième aspect qui peut être consolidé : il s’agit de la coopération internationale. Le co-rapporteur Chassaigne l’a dit tout à l’heure : la France est pleinement reconnue par nos alliés dans le domaine NRBC. Elle participe très activement à la coopération internationale au sein de l’Alliance atlantique et le 2e régiment de dragons arme cette année le bataillon de la cellule de la force opérationnelle NRBC de l’OTAN. La défense NRBC française est donc interopérable. La France contribue aussi activement à deux projets de recherche-développement dans le cadre de l’Union européenne : le projet de « système de reconnaissance et de surveillance NRBC » de l’Agence européenne de défense et le projet de « Surveillance NRBC en tant que service », projet s’intégrant à la coopération structurée permanente.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Nous estimons qu’il faut aller encore plus loin et proposons que cette coopération se fasse aussi entre États européens. La France a en effet une véritable carte à jouer dans le domaine NRBC. La France a conclu un partenariat capital avec la Belgique permettant une interopérabilité totale dans le domaine de la mobilité terrestre : le fameux accord « CaMo » de coopération militaire entre la composante terre de l’armée belge et notre armée de Terre. Les deux forces adopteront la même doctrine d’emploi et le même système de formation, autour de l’opération SCORPION de modernisation des capacités blindées médianes. Ce pays nous semble donc un partenaire tout désigné pour une coopération bilatérale dans le domaine NRBC.

De même, nous contribuons avec l’Italie à un projet d’installation d’un polygone d’entraînement en Roumanie dans le cadre de la coopération structurée permanente. La Roumanie et l’Italie nous semblent donc ainsi des partenaires tout à fait intéressants. Nous pourrions même étendre cette coopération à l’Espagne et à la Grèce.

Si la coopération internationale est essentielle et mérite d’être approfondie dans un domaine où les capacités sont rares, l’autonomie nationale reste toutefois stratégique. La France doit continuer à pouvoir disposer d’une appréciation autonome de la situation grâce au renseignement et conserver la pleine autonomie de sa capacité d’intervention. Elle doit aussi, selon nous, soutenir une base industrielle et technologique de défense qui reste très fragmentée.

Dans le domaine qui nous occupe, la France dispose de plusieurs entreprises spécialisées, essentiellement des PME, dotées d’un savoir-faire et d’une expérience reconnues. Ces PME ont d’ailleurs une activité importante à l’exportation. Cependant, il s’agit de nombreux petits acteurs fabriquant des produits de niche. Les seuls industriels de taille sont Nexter et Thales. En dehors de Nexter et de sa filiale NBC Sys, les principaux spécialistes du NRBC ne sont que sur un seul segment d’activité. On peut notamment citer Bertin, Mirion, Utilis, Paul Boyé Technologies ou encore Ouvry ainsi que les entreprises fabriquant des contre-mesures médicales.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. La direction générale de l’armement apporte à ces entreprises un soutien tous azimuts, allant des études amont au soutien à l’innovation, en passant par le soutien à l’exportation, l’accompagnement à la coopération et l’apport en capital.

Il reste que la base industrielle de défense NRBC doit être mieux structurée et nous proposons pour cela que les volets civil et militaire mutualisent davantage l’expression de leurs besoins et leurs processus d’achat. Cela aurait le double mérite de favoriser l’interopérabilité des équipements et de renforcer nos PME.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Enfin, il nous paraît essentiel, compte tenu des enjeux, de conférer à la défense NRBC une plus grande visibilité et une plus grande notoriété dans les armées. Les parcours de carrière des spécialistes du NRBC manquent encore cruellement d’attractivité. L’existence d’une fonction opérationnelle et d’une filière professionnelle justifie une meilleure représentativité de la défense NRBC. Nous proposons donc de construire de véritables parcours de carrière au sein de la filière NRBC en s’appuyant sur des descriptifs de postes militaires. Nous proposons aussi de créer une entité interarmées dédiée à la défense NRBC et à la lutte contre les armes de destruction massive.

Au terme de notre exposé, vous l’aurez compris, la défense NRBC est une fonction essentielle, une véritable assurance-vie des forces armées face à des risques et à des menaces parfois difficiles à discerner mais qui sont omniprésents dans les engagements opérationnels.

La défense NRBC est une fonction en pleine remontée en puissance dans le cadre de l’hypothèse d’engagement majeur, dont les évolutions attendues sont en grande partie portées par le volet capacitaire. La défense NRBC doit être permanente, immédiate et massive. Nous ne sommes pas à l’abri de cygnes noirs, ce qui ne signifie pas pour autant que le chant du cygne menace, en cette fin de mandat, chacun d’entre nous !

Pour terminer, je voudrais, en notre nom à tous deux, remercier l’ensemble des personnalités que nous avons auditionnées dans le cadre de notre mission. Sur un sujet extrêmement complexe, ils se sont montrés très disponibles, pédagogues et à l’écoute de nos interrogations.

Mme Monica Michel-Brassart. Un grand merci à vous, chers collègues rapporteurs, pour vos travaux. Nos armées, comme vous l’avez souligné, disposent de moyens dédiés à la défense NRBC avec le 2e régiment de dragons et le régiment médical en liaison avec le SSA. Ils nous protègent face aux menaces et risques NRBC, protéiformes et qui exigent des expertises de haut niveau comme la crise sanitaire liée au coronavirus nous l’a montré. L’expérience tirée de la crise due à la COVID-19 – au cours de laquelle nos armées ont été mobilisées – nous permettra-t-elle de mieux faire face à ces risques à l’avenir ? Pouvez-vous nous préciser le rôle du SSA dans la crise ? Enfin, vous avez aussi rappelé l’obsolescence de l’équipement. Si votre recommandation d’un engagement financier de l’ordre de 250 millions d’euros par an pour l’acquisition de nouveaux matériels et d’augmentation des effectifs est suivie, serons-nous armés pour faire face à d’autres crises, sanitaires ou liées au domaine NRBC ?

Mme Marianne Dubois. Madame la rapporteure, vous avez rappelé que les équipements spécialisés atteignaient rapidement la péremption et qu’il fallait assurer une gestion très fine des stocks. Si nos armées sont en première ligne face aux menaces, elles sont aussi en première ligne pour être protégées. Qu’en est-il de la population ? Comment est-elle prévenue, préparée, entraînée, le tout, dans des délais extrêmement rapides ? Je pense aux personnes présentes en entreprise et dans les écoles et fais le lien avec la crise due à la COVID-19 : les stocks de masques que nous n’avions plus nous ont cruellement fait défaut au début de cette crise. Ces stocks étaient en effet périmés ou avaient été supprimés, ce qui a entraîné une cacophonie et une panique certaines. Je ne parle que des masques mais je pourrais également citer le dépistage, les tests, etc. En cas de crise grave, comment prévenir la population et protéger le plus grand nombre ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. La défense contre les menaces nucléaires et chimiques constitue une mission de premier ordre pour les armées mais quelles sont leurs relations et quelle peut être leur complémentarité avec les sapeurs-sauveteurs de la sécurité civile ? Comment ces deux corps peuvent-ils s’entendre pour être les plus efficaces possible ?

M. Jean-Philippe Ardouin. Chers collègues, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour ce rapport très intéressant. Qu’il soit militaire ou terroriste, le risque d’attaque NRBC est toujours très élevé. Cela a malheureusement donné lieu à de nombreuses utilisations dans le passé et encore trop fréquemment, notamment au Proche-Orient. La diversité de ces formes d’attaques rend complexe l’anticipation et la préparation du service de santé des armées. Nos forces de sécurité civile et militaire s’estiment-elles suffisamment équipées d’un point de vue matériel au regard des budgets fléchés dans ce domaine et suffisamment préparées, compte tenu des diverses formes que peuvent prendre ces attaques ?

Mme Nathalie Serre. Je vous remercie beaucoup de ce rapport de haute importance en ce moment. Vous avez parlé des différents acteurs : États non-alliés, proliférants et inédits. Vous avez aussi mentionné les acteurs para-étatiques. Pourriez-vous développer cette notion : qui sont-ils ? Sont-ils identifiés ? Sont-ils exclusivement terroristes ?

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. Je répondrai tout d’abord à Mmes Monica Michel-Brassart et Marianne Dubois et évoquerai le rôle du SSA dans l’opération Résilience. Ce service y a contribué par ses huit hôpitaux d’instruction des Armées (HIA), qui ont pris en charge des malades de la COVID-19, en réanimation comme en secteur conventionnel ; par des renforts zonaux, notamment à Mulhouse où nous avons pu observer les moyens de contribution des Armées avec le déploiement d’un élément militaire de réanimation (EMR) ; par des modules militaires également en outre-mer, et par la mise à disposition de 5 millions de masques. C’est justement la coopération entre le militaire et le civil qui peut permettre d’éviter les manques en équipements de ce type pour la population. Nous n’avons pas parlé de l’organisation de la défense NRBC mais il faut savoir que dans l’organisation militaire, la coopération avec le civil représente une part importante et cette crise a bien montré l’intérêt de ce travail commun. Toujours concernant la contribution du SSA à la gestion de la crise sanitaire, citons les transferts interrégionaux de patients, par voie aérienne à travers le dispositif Morphée ou MEROPE – acronyme désignant les modules d’évacuation en réanimation pour les opérations –, la contribution scientifique et technique, et enfin la campagne de vaccination – au cours de laquelle les hôpitaux militaires ont également été mis à disposition.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. S’agissant du matériel nécessaire, les 2 milliards d’euros que nous proposons d’inscrire dans le budget d’ici à 2030, soit 250 millions par an, sont répartis entre des besoins ciblés.

Cela comprend tout d’abord les ensembles de protection interarmées (EPIA) : si nos soldats ne sont pas protégés en cas d’attaque, même s’il n’y a pas énormément de dégâts, nos troupes seront désorganisées. Un autre besoin concerne l’acquisition de 25 GRIFFON qui seront équipés NRBC, en termes de protection et de détection : pour le moment, le matériel utilisé est obsolète. Ensuite, viennent les véhicules de décontamination, pour l’acquisition desquels on a beaucoup de progrès à faire. Enfin vient la question des équipements de protection collective et des contre-mesures médicales. Ces contre-mesures sont très coûteuses. Voilà pourquoi nous proposons de tels investissements – c’est une question de sécurité pour nos armées.

Je reviens sur la question de la sécurité civile, madame Dubois, car j’ai rendu un rapport avec Jean-Marie Fiévet dans le cadre de la commission des Affaires européennes qui traitait du sujet de la protection civile en Europe. Au terme de la crise sanitaire, on pourrait prendre l’habitude de considérer que c’est à l’armée de régler tous les problèmes. Or, lors de nos rencontres avec les militaires, ils ont souvent insisté sur le fait que ce n’était pas à eux de prendre en charge des missions qui relèvent du civil. Cela ne veut pas dire qu’ils n’interviennent pas : ainsi, les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) sont des éléments militaires intervenant en cas de catastrophes touchant les civils. Mais n’oublions pas qu’en France, nous avons un système de sécurité civile, tout complexe qu’il soit – aux niveaux départemental, zonal et national – et que toute crise est gérée par le préfet au niveau local. L’État mobilise les forces civiles et peut faire appel aux forces armées, mais toujours selon la règle des quatre « i » : les moyens militaires sont employés si les moyens civils sont inexistants, inadaptés, insuffisants ou indisponibles. C’est sur le fondement de cette règle que peut se faire la complémentarité entre capacités civiles et militaires. Dans le rapport que nous avons présenté avec Jean-Marie Fiévet sur la protection civile en Europe, nous avons constaté que la France manquait, contrairement à d’autres États européens depuis des décennies, d’un système permettant d’alerter très rapidement la population, que ce soit en cas de catastrophe naturelle ou de risque NRBC. C’est un aspect qui doit être traité par la sécurité civile et je vous renvoie donc à ce rapport, dans lequel nous formulons des propositions très précises en ce sens.

Cela ne veut pas dire qu’il y ait un mur entre le civil et le militaire pour autant : dans notre rapport, nous proposons par exemple de mutualiser les commandes de matériel afin de permettre aux PME de produire du matériel à la fois à destination des civils et des militaires. Quand vous pensez que les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) commandent des matériels différents d’un département à l’autre, il y a des progrès à faire. Deuxième élément qui existe déjà, c’est la formation interministérielle qui est conduite à Aix-en-Provence. La colonelle qui dirige actuellement le centre de formation, que nous avons rencontrée, est issue du corps des sapeurs-pompiers mais la direction tourne entre les différents corps. Une mutualisation effective de la formation est assurée au sein de l’école d’Aix-en-Provence.

Je citerai enfin le rôle de la gendarmerie, qui est à l’interface du militaire et du civil. Il y aura une annexe à ce sujet dans notre rapport car nous tenons à valoriser l’action de la gendarmerie.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. Madame, Nathalie Serre, au sujet des acteurs paraétatiques, on peut citer l’État islamique mais aussi la secte Aum au Japon qui avait perpétré une attaque au gaz sarin dans le métro. Ce sont des entités pouvant utiliser des produits présentant une menace NRBC de manière clandestine mais que l’on surveille particulièrement. Parfois, il peut s’agir d’engins improvisés représentant un danger car les produits peuvent alors être diffusés dans les endroits où l’on s’y attend le moins. C’est là qu’intervient tout le travail du renseignement, dont nous avons peu parlé dans l’introduction mais qui est bien décrit dans le rapport, qui est très important également pour lutter contre les menaces.

Je voudrais vous citer les propositions que nous avons faites dans le rapport pour voir si celles-ci suscitent d’autres questions.

André Chassaigne vient d’énoncer la proposition visant à organiser à l’échelon interministériel l’expression des besoins et les processus d’achat d’équipement NRBC, celle de porter à 250 millions d’euros par an les crédits dédiés à la défense NRBC, la proposition de consacrer un budget de 2 milliards d’euros au NRBC en loi de programmation militaire et celle visant à acquérir 25 GRIFFON NRBC. Cela me permet d’évoquer la visite que nous avons faite au 2e régiment de dragons. Nous y avons eu l’occasion de participer à une manœuvre des militaires, très fiers de montrer à la représentation nationale le matériel qu’ils ont, la tente de décontamination qui peut être installée sur place, les véhicules de l’avant blindé (VAB) qui seront bientôt remplacés par les GRIFFON, etc.

Nos autres propositions concernent l’accroissement des effectifs dédiés à la défense NRBC, la construction de véritables parcours de carrière au sein de la filière NRBC en s’appuyant sur les descriptifs de postes militaires spécifiques aux niveaux interministériel et ministériel, la création au sein de l’état-major des armées d’une entité dédiée à la défense NRBC et à la lutte contre les armes de destruction massive et, enfin, le développement de la coopération en matière de défense NRBC avec la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et la Grèce.

M. Rémi Delatte. Monsieur le co-rapporteur, vous parlez de la coopération nécessaire entre le civil et le militaire en matière de lutte contre les risques NRBC. Vous avez tout à fait raison mais il ne faut pas oublier le rôle des collectivités territoriales et notamment des mairies qui doivent intervenir dans les procédures, par exemple pour la distribution de l’iode.

Mme Carole Bureau-Bonnard, co-rapporteure. Effectivement, il ne faut pas l’oublier. Le rapport est centré sur l’aspect militaire mais nous avons bien vu à travers la crise sanitaire dont nous sortons qu’une coopération à l’échelle la plus basse est indispensable. Il existe des plans spécifiques, par exemple avec les zones Seveso, et comme M. Chassaigne l’a expliqué, la prise en charge militaire se fait conformément à la règle des « 4 i ». Cette coopération existe et peut être renforcée encore, sur le matériel notamment. Vous avez raison concernant les contre-mesures médicales, telles que les pastilles d’iode : il est essentiel de les développer afin que nous ayons la capacité sur place de protéger mais aussi de soigner nos populations le plus rapidement possible.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. Nous avons volontairement axé notre rapport sur la défense et les armées. Nous traiterons en annexe le rôle de la gendarmerie, très important notamment au niveau territorial. Dans chaque département, des correspondants de la gendarmerie sont formés au NRBC et jouent un rôle de conseil auprès des collectivités territoriales et des populations.

Je souhaiterais revenir sur le point évoqué avec Jean-Pierre Cubertafon dans notre rapport sur le petit matériel des armées. À l’époque, nous avions insisté sur le rôle des PME et j’ai fait la même chose avec Carole Bureau-Bonnard dans le présent rapport, parce que ces entreprises sont sur nos territoires. C’est pourquoi nous évoquons sous cet angle les équipements. Nous considérons qu’il faut être davantage sensible aux PME qui fabriquent en France quand elles le peuvent ou qui fabriquent une partie de leurs produits en France pour sauvegarder leur entreprise – même si elles sont parfois obligées, pour diverses raisons, de délocaliser une partie de leur production.

Mme Nathalie Serre. Nous avons parlé de la Défense, mais existe-t-il aujourd’hui une évaluation concrète du risque ? Hervé Bazin en parlait en 1994 dans Le neuvième jour.

M. André Chassaigne, co-rapporteur. En parlant d’Hervé Bazin, la question est de savoir si nous avons la vipère au poing ou dans la poche ! (Sourires.) Tout un travail de recherche est fait actuellement mais les cygnes noirs, c’est-à-dire les événements qui ne sont pas forcément prévisibles, existent aussi. Ceux-ci demandent de l’anticipation et des moyens de financement au profit de la recherche. Ces événements peuvent arriver très vite. Il y a ce qui est dit dans le cadre des conventions internationales et le non-dit, certains États agissant peut-être en dépit de leurs engagements internationaux. Si, à la suite de la Guerre froide, nous avons diminué nos investissements dans ce domaine en considérant qu’il y avait d’autres priorités, il n’est pas certain que d’autres pays n’aient pas pris une très large avance sur nous et puissent aujourd’hui nous menacer. Il faut distinguer le risque de la menace, qui demande notamment du renseignement.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous remercie, madame et monsieur les rapporteurs, de tous ces éclaircissements. Nous allons effectivement garder à l’esprit les évolutions qu’il est dès maintenant nécessaire d’obtenir, au regard des menaces et des risques que vous avez décrits.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur la défense NRBC en vue de sa publication.

 


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   Synthèse des propositions

 

Proposition n° 1 : porter à 250 millions d’euros par an les crédits dédiés à la défense NRBC.

Proposition n° 2 : consacrer un budget de deux milliards d’euros d’ici à 2029 à la défense NRBC et sanctuariser ce budget en loi de programmation militaire.

Proposition n° 3 : prévoir, en ajustement annuel de la programmation militaire puis en loi de programmation militaire, l’acquisition de 25 GRIFFON NRBC d’ici à la fin de la LPM 2025-2029.

Proposition n° 4 : porter à 15 millions d’euros par an le budget consacré à la recherche duale pour la lutte contre le terrorisme NRBC-E et garantir la pérennité de ce budget au-delà de l’échéance du programme d’investissement d’avenir n° 4.

Proposition n° 5 : accroître les effectifs dédiés à la défense NRBC spécialisée afin de tenir compte de la recrudescence de la menace.

Proposition n° 6 : développer la coopération avec la Belgique dans le domaine de la défense NRBC et étudier les modalités d’une coopération renforcée de type « Union latine NRBC » avec, outre la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et la Grèce.

Proposition n° 7 : organiser à l’échelon interministériel l’expression des besoins et les processus d’achat d’équipements NRBC.

Proposition n° 8 : construire de véritables parcours de carrière au sein de la filière NRBC en s’appuyant sur des descriptifs de postes militaires spécifiques aux niveaux interministériel et ministériel.

Proposition n° 9 : créer au sein de l’état-major des armées une entité dédiée à la défense NRBC et à la lutte contre les armes de destruction massive.

 


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   Annexes

 

   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées, des contributions écrites et des déplacements des rapporteurs

(Par ordre chronologique)

 

1.   Auditions

 Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) – M. Yves Hocdé, sous-directeur de la préparation, de l’anticipation et de la gestion des crises, M. le colonel Stanislas Rouquayrol, commandant des formations militaires de la sécurité civile, et Mme Hélène Jamin, adjointe du chef de bureau « analyse et gestion du risque » ;

 Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) – M. le préfet Nicolas de Maistre, directeur de la protection et de la sécurité de l’État, M. Lionel Lachenaud, conseiller NRBC, chef adjoint du pôle « développement des technologies de sécurité » (DTS), M. Nils Braun, expert en risques biologiques, biosûreté et biosécurité, et M. Gwenaël Jézéquel, conseiller ;

 M. le médecin général Éric Valade, adjoint au directeur central du service de santé des armées (SSA), chef de la division expertise et stratégie santé de défense à la direction centrale ;

 M. le colonel (T) Olivier Lion, chef du bureau NRBC de l’état-major des Armées ;

 M. Yannick Morel, expert NRBC auprès du directeur général de la santé ;

 M. Ludovic Ouvry, président de la société Ouvry SAS ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace (EMAAE) – M. le général de brigade aérienne Olivier Fabre, commandant de la brigade des pompiers de l’air (BPA) du commandement des forces aériennes (CFA), et M. le colonel Jean-Charles Lenoble, chef du bureau emploi à l’EMAAE ;

 Société Emergent BioSolutions – M. Xavier Lacour, responsable France-Espagne-Portugal, Mme Laura Cochrane, directrice médicale pour les affaires internationales, et M. Nicolas Trouvé, consultant ;

 Direction générale de l’armement (DGA) – Mme l’ingénieur en chef de l’armement Jacqueline Burin des Roziers, chargée de mission « synthèse stratégique, préparation de l’avenir et cohérence capacitaire » au service d’architecture du système de défense (SASD), M. l’ingénieur en chef de l’armement Michel Gostiaux, directeur de l’unité de management « nucléaire, biologique et chimique », et M. l’ingénieur en chef de l’armement Olivier Gueldry, responsable du pôle « sciences de l’homme et protection » à la direction technique de la DGA ;

 Direction générale de la police nationale (DGPN) – M. le commandant de police Alexandre Fouchard, chef du bureau de la préparation à la gestion des crises (BPGC) rattaché à l’état-major du cabinet du directeur général de la police nationale, et M. Benjamin Gidelle, chargé de mission NRBC ;

 Mme le Colonel hors classe Christine Saludas-Monnier, directrice du centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux risques et menaces NRBC-E (CNCMFE – NRBC-E) ;

 M. Stéphane Tortel, directeur de programme « sécurité globale » à la direction des applications militaires (DAM) du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;

 M. Jacques Boyé, président de Paul Boyé Technologies.

2.   Contributions écrites

 Direction du renseignement militaire du ministère des Armées ;

Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice ;

 Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation.

3.   Déplacements

 8 décembre 2021 – Issy-les-Moulineaux  Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) : entretien avec M. le général de brigade Jean-Luc Villeminey, sous-directeur de l’emploi des forces à la direction des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale, M. le lieutenant-colonel David Bême, adjoint au chef du bureau de la défense et de la sécurité nationale à la direction générale de la gendarmerie nationale, M. le chef d’escadron Christophe Péré, commandant de la cellule nationale nucléaire, radiologique, biologique et chimique, et M. le chef d’escadron Pierre-Emmanuel Gaurat du bureau de la synthèse budgétaire et visite du Centre national des opérations ;

 9 février 2022 – 2e régiment de dragons de Fontevraud : visite du régiment et entretiens avec M. le colonel Thierry Pern, commandant le 2e régiment de dragons, M. le commandant Hembert, M. le capitaine Foult et M. le lieutenant-colonel Bertrand Dias, officier chargé des relations parlementaires à l’état-major de l’armée de Terre.

 9 février 2022  Centre interarmées de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (CIA NRBC) de Saumur : entretiens avec M. le colonel Laurent Giot, commandant le centre interarmées de défense NRBC, M. le colonel Jean-Louis Guéritte, commandant en second, M. le colonel Guillaume Leroy, chef de la division doctrine, prospective et emploi, M. le colonel Stéphane Guiot, chef de la division formation, et M. le lieutenant-colonel Christophe Dannenhoffer, chef de la section interarmées de programme.

 


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   Annexe n° 2 : Les missions des forces de sécurité en cas d’événement NRBC sur le territoire national

Si la défense NRBC est assurée par le ministère des Armées, tant sur ses emprises qu’en opérations extérieures, les services de la sécurité civile (I) – et notamment les formations militaires de sécurité civile (II) – sont compétents en cas d’événement NRBC sur le territoire national. Les forces de sécurité intérieure – gendarmerie (III) et police (IV) nationales – sont quant à elles entraînées à pouvoir exercer leurs missions en cas de menace ou d’événement NRBC sur le territoire. En cas d’attaque sur une cible civile, l’intervention revient à la force de sécurité intérieure territorialement compétente ou à l’unité la plus proche en application de la procédure d’urgence absolue du schéma national d’intervention, sous l’autorité du préfet. En cas d’attaque terroriste, ce sont les forces d’intervention, telles que le GIGN, qui prennent le commandement de l’opération de neutralisation en application du schéma précité.

Une coordination interministérielle du domaine NRBC par le SGDSN

Comme les rapporteurs l’ont expliqué en deuxième partie, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui assiste le Premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationales, assure la présidence du comité stratégique NRBC-E.

Ce comité est chargé d’assurer la cohérence interministérielle des capacités de protection contre les menaces NRBC-E ainsi que la bonne exécution des programmes afférents à ces capacités. Présidé par le secrétaire général du SGDSN, le comité NRBC-E regroupe des autorités désignées par chaque ministre pour coordonner l’action de l’ensemble des directions et services dans le domaine NRBC-E. Y sont représentés les ministères de la Transition écologique ; de l’Économie et des finances ; des Armées ; de l’Intérieur ; de la Justice ; des Solidarités et de la santé ; de l’Agriculture et de l’alimentation ; et, autant que de besoin, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Le comité NRBC-E se réunit une à deux fois par an en comité « ordinaire » et autant que nécessaire en comité exceptionnel. Le SGDSN en définit l’ordre du jour en choisissant les actions pertinentes du programme national NRBC qui doivent être traitées, arbitrées ou validées. Le SGDSN rend compte au Premier ministre.

La gestion de crise NRBC s’appuie sur le plan gouvernemental NRBC de 2016, les doctrines nationales d’emploi des moyens de secours et de soins sur les dispositions relatives aux plans ORSAN ([103]) NRC et B, et sur les dispositions relatives aux plans ORSEC ([104]).

Le contrat capacitaire interministériel de lutte contre le terrorisme NRBC, signé en 2021, définit le cadre d’action stratégique et la feuille de route à suivre dans la lutte contre la menace NRBC. Il impose notamment une remise à niveau accélérée afin de préparer les événements sportifs majeurs des prochaines années.

I.   Le rôle central de la sécurité civile en cas d’événement NRBC

La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’Intérieur contribue au traitement des risques et menaces NRBC en participant à des actions de prévention de toute nature, à l’information et à l’organisation du système d’alertes à la population, à l’instauration de mesures de protection des populations et à la coordination des opérations de secours. En vertu du Livre blanc et du code de la sécurité intérieure, elle est l’un des acteurs de référence de la gestion de crise.

Son action vise à :

– coordonner l’action des administrations de l’État, des organismes spécialisés, des collectivités territoriales et des opérateurs, et notamment l’application de la doctrine, l’évaluation permanente de la menace ou encore l’élaboration des plans de réponse aux menaces NRBC-E ;

– optimiser l’emploi des unités et des moyens répartis sur le territoire ;

– dissuader ou rendre difficile, par tous les moyens, la réalisation d’un attentat NRBC-E, comme la mise en place de dispositifs pour prévenir les attentats de cette nature lors de grands événements ou une réglementation visant à limiter l’accès aux produits dangereux ;

– détecter la menace ou l’exécution d’une action terroriste NRBC-E, notamment par l’instauration de dispositifs de veille et de surveillance sanitaire des populations comme les radars de matière radioactive ;

– protéger la population ainsi que les sites et installations sensibles, selon le système d’alerte classique entre les mains du préfet ;

– empêcher le déroulement d’une action terroriste, notamment grâce à la mise en application de la circulaire 750 relative à la découverte de plis, colis, contenants et substances suspectés de renfermer des agents radiologiques, biologiques et chimiques dangereux et la mise en œuvre de mesures conservatoires pour sécuriser un engin improvisé NRBC-E et à le neutraliser avant son déclenchement ;

– conduire une action efficace, prolongée et sécurisée face à un attentat avéré ;

– évaluer la situation et limiter les dommages ;

– prendre en charge de façon adaptée les victimes avérées ou potentielles ;

– gérer les conséquences de l’événement pour revenir à une situation normale.

La sécurité civile ne traite pas de l’évaluation de la menace NRBC-E, qui relève du SGDSN et des services de renseignement, mais contribue à la prévention, à la préparation, à l’anticipation et à la gestion de l’événement en lui-même.

La DGSCGC s’appuie sur l’ensemble des moyens de la sécurité civile et sur une capacité de réponse territoriale grâce à une couverture opérationnelle spécialisée de proximité des services d’incendie et de secours (SIS) recensant des moyens de protection, d’intervention, de détection chimique et radiologique pour faire face à tout incident ou accident NRBC sous l’autorité des préfets, directeurs des opérations.

Elle s’appuie aussi sur une capacité de réponse nationale grâce à des unités spécifiques : les ForMiSC, le Groupement d’intervention du déminage et des moyens aériens.

Aux côtés des services d’incendie et de secours ainsi que des autres services concourant (gendarmerie, police, santé, ministère de la Transition écologique, DGA et CEA ([105]) ), les ForMiSC, le Groupement d’intervention du déminage et les moyens aériens participent à l’action du Détachement central interministériel d’intervention technique (DCI-IT) et permettent ainsi la projection de moyens nationaux en moins de trois heures.

Le détachement central interministériel d’intervention technique

Créé le 6 mars 1995, le Détachement central interministériel d’intervention technique (DCI-IT) est un détachement stratégique à vocation d’intervention opérationnelle tactique, placé sous l’autorité du ministre de l’Intérieur auprès du cabinet du directeur général de la police nationale. Il a pour mission toute intervention sur les engins de type nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.

Il effectue une assistance technique des services de l’État lors des menaces et enquêtes de type NRBC. Il a un rôle de prévention d’actes de terrorisme NRBC, notamment lors de la sécurisation des grands événements, nationaux ou internationaux.

Dans le cadre de l’Euro 2016, le DCI-IT a pour mission principale la sécurisation des stades, des équipes et des fan zones. Pour prévenir toute menace liée au risque NRBC, le DCI-IT assure une permanence d’intervention.

Le DCI-IT peut procéder pour l’ensemble des sites à des levées de doute, intervention, localisation et confinement, neutralisation et confinement d’engin, analyse et diagnostic. Le DCI-IT appuie l’intervention du RAID sur une crise majeure terroriste à composante NRBC.

II.   Des formations militaires de la sécurité civile couvrant l’ensemble des risques et des menaces NRBC

A.   Un commandement de l’armée de Terre mis pour emploi à la disposition du ministre de l’Intérieur

Les formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC) sont des corps de troupe de l’armée de Terre, issus de l’arme du Génie, mis pour emploi à disposition de la DGSCGC, en vertu de l’article R. 1321-14 du code de la défense. Les 1401 sapeurs-sauveteurs des ForMiSC représentent 56 % des effectifs de la direction générale. Les ForMiSC sont organisées autour d’un état-major et de trois régiments : les unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC) n° 1, 5 et 7. Elles participent à l’armement des centres opérationnels nationaux et zonaux en métropole et en outre-mer. Avec les établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL) Nord et Sud ([106])  et leurs 58 agents civils, les ForMiSC constituent le groupement des moyens nationaux terrestres de la DGSCGC.

L’organisation du commandement des ForMiSC est assurée par un colonel, chef du groupement des moyens nationaux terrestres. Ce groupement, qui constitue un bureau au sein de la DGSCGC du ministère de l’Intérieur, comprend les 1401 sapeurs-sauveteurs, de statut militaire, et 62 personnels civils. Les effectifs de l’état-major des ForMiSC, qui comprennent 131 militaires et un agent civil, sont répartis entre un état-major, des renforts au profit de bureaux spécialisés de la DGSCGC et des centres opérationnels national et zonaux.

À la suite de la catastrophe du barrage de Malpasset à Fréjus le 2 décembre 1959, le général de Gaulle décide que « dorénavant, l’armée interviendra dans ce type de secours aux populations ». L’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile (UIISC) 7 de Brignoles est créée en 1974. L’UIISC 1 de Nogent-le-Rotrou est créée en 1978 au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Ces unités de quelque 565 militaires chacune effectuent les mêmes missions. Pour permettre aux deux unités d’intervenir en tout temps et en tout lieu sur court préavis et en totale autonomie, l’ensemble des soutiens est intégré aux unités – qui ne sont pas embasées, contrairement aux autres régiments de l’armée de Terre. L’UIISC 5 de Corte est créée en 1988. Elle comporte 139 sapeurs-sauveteurs.

Les rapporteurs notent que les unités ont connu une déflation de plus de 10 % de leurs effectifs depuis 2005 et que les sollicitations croissantes dans tous les domaines opérationnels ont poussé à l’extrême la polyvalence des sapeurs-sauveteurs. Une remontée en puissance des effectifs permettrait aux ForMiSC de faire face à l’augmentation des menaces et des risques.

B.   Des missions caractérisées par la polyvalence

Échelon national d’intervention d’urgence de la sécurité civile, les ForMiSC sont aptes en permanence à servir, quels que soient le lieu et le type de catastrophe. Elles peuvent déployer partout en France et dans le monde plus de 250 sapeurs-sauveteurs en moins de trois heures et jusqu’à 600 en moins de 72 heures pour une durée d’un mois, sans relève, en totale autonomie. Compte tenu de leurs effectifs comptés et du spectre élargi des missions qui leur sont confiées ([107]), les sapeurs-sauveteurs sont polyvalents et leurs détachements d’intervention sont tous réversibles ([108]).

Les sapeurs-sauveteurs ont pour mission d’assurer l’intervention au nom de l’État en appui des sapeurs-pompiers au niveau territorial ou encore à l’étranger en cas de catastrophe. Les détachements des ForMiSC sont engagés sur ordre du préfet assurant la fonction de directeur général de la DGSCGC et interviennent sous la responsabilité du préfet ou de l’ambassadeur de France en cas d’intervention à l’étranger ([109]).

C.   Des capacités NRBC couvrant l’ensemble des risques et menaces mais des moyens financiers qui restent comptés

Face aux dangers NRBC, les ForMiSC sont en mesure de mettre en place immédiatement deux colonnes NRBC et des moyens spécifiques d’intervention, de reconnaissance, d’identification des produits chimiques, de prévention des actes terroristes et de décontamination de masse des victimes.

1.   Des capacités NRBC couvrant l’ensemble des risques et des menaces

a.   Un contrat opérationnel exigeant, alliant permanence et polyvalence

Les ForMiSC arment une astreinte 24 heures sur 24, sept jours sur sept, en mesure de couvrir l’ensemble des scenarii de risques et menaces en France et à l’étranger. Ce contrat opérationnel se fonde sur la vocation générale de renfort national des ForMiSC en ce qui concerne les risques industriels et sur le contrat capacitaire interministériel, en ce qui concerne les menaces.

En France, les moyens des ForMiSC n’ont pas à être engagés seuls mais en complément des moyens des sapeurs-pompiers, sous l’autorité d’un commandement des opérations de secours.

Les ForMiSC concourent à l’action du détachement central interministériel d’intervention technique, service interministériel placé sous l’autorité du ministre de l’Intérieur spécialisé dans la lutte contre les menaces terroristes de nature NRBC et dans la sécurisation des grands événements (cf. encadré supra).

b.   Une organisation adaptée au contrat opérationnel

Les ForMiSC peuvent être engagées soit de manière différenciée, soit dans le cadre de colonnes NRBC armées de deux des six compagnies d’intervention présentes dans les UIISC 1 et 7. Ces deux colonnes NRBC sont en mesure d’être déployées dans les trois heures suivant la décision de leur engagement.

Dans le cadre du détachement central interministériel, les ForMiSC contribuent à hauteur d’un officier d’état-major, de modules spécialisés dans la détection et la recherche de matières NRBC et de deux modules d’appui technologique.

c.   Une ressource humaine qualifiée

Pour répondre aux exigences de leur contrat opérationnel, les ForMiSC entretiennent deux viviers : des généralistes, pour lesquels le NRBC n’est qu’une des missions, et une vingtaine de spécialistes hautement qualifiés, exclusivement dédiés au NRBC.

d.   Des matériels diversifiés, complexes et coûteux

Les ForMiSC disposent de :

– six unités mobiles de décontamination de masse et deux chaînes modulaires de décontamination de masse projetables par voie aérienne ;

– quatre portiques de détection radiologique ;

– six cellules mobiles d’intervention chimique ou radiologique ;

– trois laboratoires d’analyse NRBC mobiles.

Les établissements de soutien opérationnel et logistique de Méry-sur-Oise et de la Valentine sont chargés de gérer, d’entretenir et de mettre à disposition les stocks nationaux d’équipements de protection individuelle NRBC de la DGSCGC, mobilisés en cas de crise majeure.

Les rapporteurs notent que le contrat opérationnel fixé impose un investissement financier important pour l’acquisition de matériel supplémentaire et le renouvellement d’appareils dont la technologie évolue rapidement mais que régulièrement, les objectifs annuels ne sont pas atteints.

e.   Des entraînements réguliers avec des acteurs variés

Les ForMiSC s’entraînent régulièrement avec l’ensemble des acteurs concernés par le NRBC. Ces acteurs sont à la fois interministériels et internationaux.

2.   Des innovations et des perspectives européennes à développer

a.   Des efforts dans le domaine de la décontamination

En plus de la prise en charge des victimes, déjà maîtrisée, les ForMiSC souhaitent innover dans le domaine de la décontamination en développant des capacités de décontamination des matériels, véhicules et infrastructures en phase d’urgence.

b.   Des projets européens en cours de développement

Les ForMiSC affichent deux modules NRBC et des capacités d’analyse et d’identification certifiées par l’Union européenne dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union européenne (MPCU). Ces modules peuvent être engagés en Europe et à l’étranger, en cas de sollicitation par l’Union européenne et de réponse favorable de la France. Chaque engagement bénéficie d’un remboursement à hauteur de 75 % des coûts opérationnels.

La création de la nouvelle force d’intervention européenne RescEU définit le domaine NRBC comme l’une des trois priorités de l’Europe avec la lutte contre les feux de forêt et les capacités médicales d’urgence. Les perspectives de travail, dans le cadre de RescEU, sont la détection et les laboratoires mobiles d’analyse.

D.   La militarité des ForMiSC, gage de leur efficacité et de leur résilience

La force des ForMiSC réside dans leur double subordination et leur double enracinement :

– un attachement au monde du secours qui s’illustre par leur logique d’emploi, leurs équipements, leurs procédures tactiques et leur savoir-faire multiples ;

– un attachement à l’armée de Terre qui s’illustre par leur héritage historique, leur culture de l’intervention et du combat et leur statut.

La militarité des ForMiSC, véritable gage d’efficacité et de résilience sur le terrain, irrigue cette capacité unique depuis le recrutement des sapeurs-sauveteurs jusqu’à l’engagement en mission opérationnelle.

1.   La spécificité militaire des ForMiSC

a.   Le recrutement

Le recrutement des sapeurs-sauveteurs est identique à celui de tout soldat de l’armée de Terre. En lien avec les centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA), les trois UIISC recrutent les jeunes sur dossier. Actuellement le taux de sélection est de 2,16, soit 46 % des candidats admis à intégrer les ForMiSC. Chaque jeune recrue signe un contrat de volontaire de l’armée de Terre (VDAT) d’un an et seules les meilleures recrues peuvent espérer signer un contrat d’engagé volontaire de l’armée de Terre (EVAT) à l’issue des un an. Les sous-officiers passent par l’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) de Saint-Maixent. Les ForMiSC intègrent des officiers issus de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et depuis près de 10 ans, des Saint-Cyriens peuvent choisir les unités ForMiSC directement après l’année d’application à l’École du Génie à Angers.

b.   La formation de cursus

Les sapeurs-sauveteurs suivent les mêmes formations de cursus que les soldats de l’armée de Terre, nécessaires aux passages de grade ou de fonction de commandement. Dès leur incorporation, les jeunes VDAT suivent une formation générale initiale à l’UIISC 1. Après avoir signé un contrat d’EVAT, ils suivent une formation militaire opérationnelle (FMO) dans leur unité. Dans le but de devenir de petits gradés d’encadrement, les sapeurs-sauveteurs suivent la formation générale élémentaire dans leur unité. Lors de ces stages de cursus militaires, les sapeurs-sauveteurs sont formés à la vie militaire et aux fondamentaux du combattant. En parallèle, ils sont formés aux spécialités de la sécurité civile.

Les cadres, sous-officiers et officiers, passent également par les mêmes écoles de formation initiale que les cadres de l’armée de Terre. Les recrutements internes et les différents stages de cursus militaires sont identiques à ceux de l’armée de Terre. La spécialité ForMiSC, identifiée comme force protection secours est une composante à part entière de l’École du Génie, maison mère des ForMiSC comme de tous les sapeurs.

Enfin, la grande majorité des cadres et militaires du rang dans les domaines du soutien sont issus d’autres régiments de l’armée de Terre.

c.   Les entraînements

Les UIISC planifient leur cycle de préparation opérationnelle au même titre que les régiments de l’armée de Terre. Sont pris en compte le cycle des saisons et des risques associés ainsi que les grands événements à venir.

L’entraînement passe par le maintien des acquis et leur perfectionnement au niveau de la section jusqu’à la mise en œuvre de grands exercices de niveau national voire international (coopération bilatérale ou dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union) ;

Les unités sont jumelées avec des régiments de l’armée de Terre (le 2e RIMA pour l’UIISC1, le 21e RIMA pour l’UIISC7, le 2e REP pour l’UIISC5) pour bénéficier de leurs infrastructures – camps de manœuvre, champs de tir, centres d’aguerrissement – en échange de formations à leur profit.

d.   Les missions

En plus des missions de renfort national de sécurité civile qu’exercent ces formations, la militarité des ForMiSC leur permet de s’insérer dans des dispositifs opérationnels de la gendarmerie et des forces armées.

La synergie avec la gendarmerie se développe de plus en plus. À titre d’exemple, les ForMiSC sont intervenus en appui de la gendarmerie à Notre-Dame-des-Landes et dans le cadre du référendum en Nouvelle-Calédonie pour rétablir les axes de communication avec leurs capacités uniques d’ouvertures d’itinéraires ;

Compte tenu de leur statut militaire, les ForMiSC peuvent prendre en compte sous leur commandement des unités militaires en renfort. Ce fut le cas lors de l’ouragan Irma en 2017 où des unités du service militaire adapté ont été placées sous les ordres des détachements ForMiSC ainsi que tous les étés dans le cadre du protocole Héphaïstos avec les hélicoptères de l’ALAT et des engins de travaux publics du génie.

2.   Les atouts de la militarité

Les ForMiSC ont une expérience de près de 50 ans d’interventions à l’étranger. Les enseignements et la culture militaires reçus permettent de mettre en œuvre des savoir-faire de planification et d’anticipation. Les détachements ForMiSC sont tous capables d’être déployés en totale autonomie sur le plan logistique (couchage, alimentation, sanitaires, financière), dans des délais extrêmement courts, soit en moins de 3 heures. Les ForMiSC peuvent aussi déployer un élément de reconnaissance et d’évaluation (ERE), pour préciser les conditions de déploiement des modules et un élément SIC d’appui au commandement permettant la mise en œuvre des communications dans des circonstances dégradées.

Les détachements sont tous constitués de personnel apte médicalement sans aucune restriction, capable d’affronter les conditions d’engagements les plus extrêmes selon les critères du service de santé des armées. Les ForMiSC sont pleinement intégrées dans les dispositifs d’aide aux blessés.

Animés par le culte de la mission et formés pour faire face aux situations les plus dégradées, les sapeurs-sauveteurs sont mus par une force morale leur permettant de tenir dans l’adversité, sans notion de durée, jusqu’à ce que la mission soit accomplie.

Le protocole de mise à disposition de ces unités au ministère de l’Intérieur vient d’être révisé. Le premier datait de 1988 et nécessitait d’être mis à jour, compte tenu de la nouvelle organisation du ministère des Armées. Ce nouveau protocole devrait être signé prochainement, selon les informations fournies aux rapporteurs.

III.   La gendarmerie nationale : un acteur doté de capacitÉs majeures dans le domaine NRBC

En cas d’événement NRBC, le Contrat capacitaire interministériel (CCI) 2020-2024 précise le rôle de la gendarmerie nationale. Ce rôle est organisé sur le fondement de deux principes – la complémentarité et la subsidiarité –, de quatre missions – alerter, renseigner, maintenir l’ordre public et enquêter (ARME) – ainsi que de cinq capacités (cf. infra).

En cas d’incident ou d’acte malveillant, la gestion de crise est de la responsabilité du préfet territorialement compétent qui déclenchera les plans ORSEC, voire du Gouvernement, selon l’ampleur de l’incident nécessitant le déclenchement de plans nationaux ([110]). Les unités de la gendarmerie nationale s’inscrivent dans l’interface entre sécurité et secours en cas d’attentat terroriste ou d’accident majeur à caractère NRBC. La réponse à la menace terroriste NRBC comporte deux phases : la phase de prévention des effets et la phase de lutte contre les effets. À ces deux phases correspondent deux dispositifs opérationnels d’intervention : un dispositif d’intervention préventive et un dispositif d’intervention post-attentat, ce dernier étant principalement orienté vers l’assistance aux populations, vers la sauvegarde des biens et de l’environnement, ainsi que vers l’enquête judiciaire.

La gendarmerie doit pouvoir assurer ses missions habituelles en ambiance NRBC en matière d’ordre public, d’enquête judiciaire, de renseignement, de contre-terrorisme et d’intervention spécialisée, de sécurité publique générale et de protection des populations et, enfin, de sécurité des mobilités.

A.   Une stratégie de réponse NRBC fondée sur la complémentarité et la subsidiarité

La stratégie de réponse NRBC de la gendarmerie s’inscrit dans le cadre de la doctrine NRBC interministérielle élaborée par le SGDSN, à laquelle la gendarmerie participe activement et conformément à sa doctrine interne intitulée « réponse opérationnelle de la gendarmerie à un événement à caractère NRBC ».

Elle se donne comme priorité d’intervenir le plus rapidement possible, en zone contaminée, afin de reprendre le contrôle de la situation. À ce titre, elle s’appuie sur les deux principes opérationnels de la gendarmerie : complémentarité et subsidiarité.

Elle se décline en quatre missions qu’elle est en mesure d’assurer en tout temps et en tout lieu y compris en ambiance NRBC : alerter, renseigner, assurer la sécurité et maintenir l’ordre public et mener les enquêtes judiciaires. Elle se décline aussi en grandes capacités d’action : intervention spécialisée contre-terroriste, protection et sécurisation, maintien de l’ordre public, gestion des flux, police judiciaire.

B.   Une force armée s’appuyant sur un réseau d’experts

La gendarmerie s’appuie sur un réseau d’experts reconnus en NRBC, qui viennent renforcer l’action des unités primo-intervenantes :

– la force nationale NRBC (F2NRBC), force spécialisée de la gendarmerie dans le domaine NRBC située à Satory, qui dispose de capacités de détection, de prélèvement, d’identification et de transport et qui peut mettre en place un sas intervenants. Quinze agents permanents sont prêts à se projeter sur le territoire. En complément, cette force anime un réseau de plus de 800 formateurs-relais NRBC répartis en métropole et en outre-mer susceptibles d’être engagés sous son contrôle. Ces relais ont notamment vocation à appuyer les unités de sécurité publique en sensibilisant les agents sur le terrain avant que les forces mobiles ne se déploient ;

– le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ([111])  qui dispose de sa propre cellule NRBC de contre-terrorisme en milieu contaminé pour intervenir de manière autonome sur toute menace du haut du spectre en milieu dégradé ;

l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) qui dispose d’un groupe d’investigations en milieu dégradé (GRID) ainsi que d’une chaîne forensique ([112]) complète lui permettant de travailler in situ. L’IRCGN fait partie des laboratoires du réseau Biotox-Piratox-Piratome ;

l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) qui a compétence pour intervenir dans les enquêtes impliquant des agents NRBC ayant un impact sur la santé publique ou l’environnement ;

– le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (COMCYBERGEND) qui va prochainement se doter d’une capacité d’analyse cybernumérique en milieu contaminé ([113]).

La F2NRBC

Il y a 20 ans, naissait la Cellule nationale NRBC (C2NRBC). Cette cellule, rattachée au Groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM), fut créée en 2001 pour faire face aux risques croissants dans le domaine NRBC. Première unité de ce type créée en Europe et unique en France, elle peut être projetée en tout temps et en tout lieu, sur l’ensemble du territoire métropolitain comme en outre-mer et même à l’étranger. Elle a été engagée au titre de la task force NRBC ([114])  de la gendarmerie lors de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen et lors de l’incendie du sous-marin nucléaire d’attaque Perle à Toulon. Elle est aussi récemment intervenue en Guyane dans le cadre d’une procédure judiciaire liée à des pollutions environnementales.

La C2NRBC, devenue Force nationale NRBC (F2NRBC) le 2 janvier 2022, assure quatre grandes missions : conseiller le commandant des opérations ; reconnaître une zone à risque NRBC (levée de doute/détection) ; mettre en œuvre et assurer l’entrée et la sortie des sas de décontamination et de déshabillage des personnels ; garantir la mise en sécurité de sites et la radioprotection des intervenants.

Elle compte quinze gendarmes et arme une permanence 24 heures sur 24, sept jours sur sept, de trois personnels projetables, appelée « Harpon NRBC » avec un départ sous deux heures, voire une heure s’il y a pré-alerte. Les quinze personnels de l’unité sont capables d’accomplir l’ensemble de ses missions en milieu contaminé : mise en sécurité, détection, levée de doute, prélèvements, identification et, si nécessaire, transport des matières. Ses deux officiers sont les conseillers NRBC du directeur général de la gendarmerie nationale.

Elle est un appui judiciaire, un appui à l’ordre public et à la sécurité publique, ainsi qu’aux interventions spécialisées, permettant de maintenir les capacités d’action des unités de gendarmerie mobile et départementale et GD.

Autonome, la F2NRBC joue également un rôle fondamental dans la formation et la sensibilisation au risque NRBC de toute la gendarmerie nationale avec pas moins de 800 formateurs-relais NRBC répartis sur l’ensemble du territoire hexagonal et ultramarin.

Acteur interministériel reconnu dans le domaine NRBC, composante du détachement central interministériel d’intervention technique (DCI-IT), la F2NRBC s’entraîne régulièrement avec les meilleurs spécialistes nationaux. L’unité est également investie dans les échanges internationaux et a récemment apporté son expertise à ses homologues jordaniens, roumains et libanais.

 La transformation de la C2NRBC en F2NRBC a été l’occasion d’une refonte de la doctrine et de la création en 2022 d’une chaîne opérationnelle NRBC claire et structurée permettant de faire face plus efficacement aux risques NRBC et de mieux diffuser les connaissances et les conseils, tant vers les intervenants que vers les chefs. Tête de l’action de la gendarmerie dans ce domaine, la F2NRBC est désormais au sommet d’une chaîne NRBC renforcée sur l’ensemble du territoire. La F2NRBC est projetable en appui de l’ensemble des unités, de la brigade en passant par l’escadron de gendarmerie mobile, les unités d’intervention spécialisée et les techniciens en identification criminelle.

Aux composantes spécialisées (F2NRBC), « ordre public et protection » en milieu NRBC, « contre-terrorisme en milieu contaminé » (GIGN) et police judiciaire (OCLAESP et ses sept antennes, IRCGN, COMCYBERGEND), il convient d’ajouter la composante soutien au NRBC, assurée par le service de soutien à la projection opérationnelle, basé à Rosny-sous-Bois : ce service assure la manœuvre logistique d’approvisionnement en équipements de protection individuelle et détient la réserve nationale.

La gendarmerie dispose aussi d’une composante « ordre public et protection en milieu NRBC » composée d’un groupement tactique de gendarmerie à deux escadrons propre à l’Île-de-France mais projetable sur l’ensemble du territoire national avec une capacité de déploiement dans la capitale, d’un groupement tactique à deux escadrons par zone de défense et de sécurité hors Île-de-France, destinés à effectuer des missions de maintien et de rétablissement de l’ordre et de sécurisation en milieu vicié.

Les groupements de gendarmerie départementale et les escadrons de gendarmerie mobile sont en mesure de réaliser leurs missions quotidiennes sous équipements de protection en milieu contaminé grâce au pré-positionnement de tenues étanches.

Tout gendarme de terrain peut être mobilisé dans le cadre d’une crise à caractère NRBC (sécurisation du site, etc.) et est sensibilisé et formé au risque NRBC et au port de l’équipement de protection individuelle lors de formations organisées par les forces NRBC répartis sur l’ensemble du territoire.

Le rôle du commandement de groupement est d’évaluer tactiquement le territoire afin de choisir la tenue la plus adaptée. Par ailleurs, il lui revient de tenter d’atteindre un équilibre entre concentration et répartition, mission pour laquelle il est conseillé par les formateurs relais. Chaque groupement possède des tenues, pour lesquelles la priorité demeure de s’assurer qu’elles soient renouvelées à temps.

Il existe deux types de tenues :

– celles des unités départementales qui sont des tenues étanches de catégorie 3 avec masques et cartouches filtrantes de spectre large, couvrant 99 % des risques. Ces tenues sont utilisées pour faire face à tous les risques ;

– celles des unités mobiles, plus faciles d’emploi, en tissu et possédant une couche de charbon pour l’étanchéité.

S’agissant du nucléaire, depuis 2009, la gendarmerie, par le biais de protocoles, a institué des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) sur l’intégralité des centres nucléaires de production d’électricité (CNPE) d’EDF pour en assurer en permanence la sécurité. Plus de 1000 gendarmes (soit 1 % de l’effectif total de gendarmes) sont mobilisés exclusivement pour assurer la sécurité des centrales nucléaires. Les commandants des PSPG sont les conseillers sécurité des directeurs de centrale au quotidien. Des gendarmes sont par ailleurs mis à la disposition du ministère de la Transition écologique et d’EDF afin d’être davantage au courant des problématiques tactiques et de terrain. Enfin, il y a un agent d’EDF au sein de la gendarmerie et vice versa pour assurer le lien entre les deux entités.

L’ensemble de ces capacités font de la gendarmerie nationale un des acteurs incontournables dans le domaine NRBC.

C.   Une intervention coordonnée des forces de sécurité intérieure en cas d’événement NRBC

La réponse des forces de sécurité intérieure s’inscrit dans le dispositif inter-services de réponse de l’État à une crise NRBC. Coordonnées par le commandant des opérations de police et de gendarmerie, les forces de sécurité intérieure assurent l’ensemble des missions de sécurité publique et de police judiciaire dans le cadre d’un acte terroriste ou d’un événement à caractère NRBC. Elles effectuent ces missions en liaison permanente avec le commandant des opérations de secours. Contribuant à la sécurité globale du dispositif, des personnes et des biens, elles appuient les secours dans le cadre de leurs missions.

Le commandant des opérations de police et de gendarmerie et le commandant des opérations de secours garantissent une coordination de leurs missions en veillant au respect des contraintes et impératifs opérationnels de chacun. L’urgence de la situation, la dangerosité de l’agent en cause et l’éventuelle présence de terroristes conduisent les commandants précités à prioriser leurs actions dans le but de sauver un maximum de vies humaines. Le dispositif mis en place s’adapte à l’évolution de la crise jusqu’au retour à la normale.

Définissant le zonage, excepté dans le cadre d’une attaque terroriste à caractère NRBC, le commandant des opérations de secours informe le commandant des opérations de police et de gendarmerie des limites de zonage, des itinéraires mis en place et des instructions à donner au public.

Les différents acteurs – forces de sécurité intérieure, armées, services départementaux d’incendie et de secours, personnels de santé – travaillent conjointement lors des entraînements interministériels zonaux organisés sous l’égide du CNCMFE NRBC-E d’Aix-en-Provence ([115]) , évoqué en deuxième partie du rapport.

D.   Une action de la gendarmerie qui s’articule avec celle des autres acteurs du domaine NRBC

La gendarmerie nationale participe à la réponse de l’État face aux risques et menaces NRBC et travaille en lien avec les autres acteurs NRBC que sont :

– les ForMiSC (cf. supra) ;

– les services départementaux d’incendie et de secours, et notamment les cellules mobiles d’intervention chimique et radiologique pour la reconnaissance, l’intervention, l’appui et la dépollution en cas d’accidents NRBC. Les pompiers sont responsables de la manœuvre et du SAS ;

– les forces armées, et en particulier le 2e régiment de dragons, selon la règle des « 4 i » ;

– l’entité de circonstance CONSTOX de la police nationale (cf. infra) pour les constatations judiciaires en milieu contaminé.

En outre, la gendarmerie nationale participe :

– au détachement central interministériel d’intervention technique (DCI-IT), rattaché à l’état-major de la direction générale de la police nationale, avec la F2NRBC en tant que composante pour l’intervention sur une menace NRBC avant toute notion de dispersion ;

– à la cellule nationale de conseil de la DGSCGC, armée à 100 % par la gendarmerie nationale ([116]) pour l’analyse et l’évaluation à distance d’une situation à risque NRBC au profit des autorités ou des primo-arrivants.

Enfin, le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSEN), service à compétence nationale créé en 2017 et hébergé par la gendarmerie, est placé sous la triple tutelle du ministère de l’Intérieur (qui assure 40 % de son financement), du ministère de la Transition écologique et de l’environnement (40 %) et du ministère des Armées (20 %). Son rôle est de garantir que l’écosystème du nucléaire est suffisamment sécurisé et intègre les évolutions de son environnement, partage les informations et est connecté aux injonctions des ministères.

IV.   La police nationale, un acteur au cœur de la gestion de crise

Compte tenu de son maillage territorial et de ses missions, la police nationale est un acteur majeur de la réponse à un événement NRBC sur le territoire national. Les policiers sont en effet souvent les primo-intervenants dans leur zone de compétence en cas de crise et sont formés à suspecter le caractère NRBC d’une situation opérationnelle.

La police nationale dispose d’ailleurs d’unités spécialisées NRBC afin de répondre à un événement sur le territoire national. L’unité du RAID est en mesure de poursuivre son action en milieu contaminé afin de neutraliser une éventuelle menace. Quant à l’unité de constatations en milieu toxique (CONSTOX), du service national de police scientifique (SNPS), elle a vocation à conduire des actes de police technique et scientifique en milieu contaminé. Cette mission est d’ailleurs assurée en lien constant avec la Justice, et en particulier avec le Parquet national antiterroriste en cas d’événement terroriste.

La direction générale de la police nationale contribue pleinement aux réflexions et travaux interministériels pilotés par le SGDSN, qu’il s’agisse du Contrat capacitaire interministériel 2021-2024, de l’animation du Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement NRBC-E ([117]) ou du Comité de suivi du terrorisme NR ([118]). Enfin, la police nationale est associée à la préparation et à la planification de la coupe du monde de rugby 2023 et des jeux olympiques de 2024 qui inclut la dimension NRBC.

En cas d’événement NRBC, l’enjeu majeur pour la police nationale est d’être en mesure d’assurer une réponse opérationnelle adaptée au risque, tout en assurant la continuité de ses activités quotidiennes. La réponse de la police nationale aux risques et menaces NRBC s’organise selon trois grands axes stratégiques : une doctrine opérationnelle, des personnels formés et entraînés et du matériel de protection adapté au risque.

A.   Une doctrine opérationnelle

Actuellement, la doctrine dite de gestion de foule en milieu contaminé est en vigueur. Datant d’avril 2015, il s’agit, pour la police, du premier document doctrinal préparant et cadrant l’action de la police nationale face aux situations NRBC. Les retours d’expériences des cinq dernières années ont conduit la police nationale à réviser cette doctrine pour prendre en compte le large spectre du domaine NRBC. Une nouvelle doctrine est en cours de rédaction et évoquera « Les risques et menaces NRBC ». L’intégration de la notion de risque dans cette doctrine permettra ainsi de concevoir les situations NRBC dans leur intégralité et de tenir compte de ce danger dans l’exercice quotidien des missions des policiers.

Cette doctrine vise également à repréciser l’organisation de la réponse opérationnelle de la police nationale face aux situations NRBC. Ainsi, s’inspirant du schéma national d’intervention (SNI) élaboré en 2015 à la suite des attentats, trois niveaux de réponses sont mis en œuvre dans le domaine NRBC :

– les primo-intervenants sont les policiers de « police secours » ;

– les échelons d’intervention NRBC sont les brigades anti-criminalité (BAC), les compagnies d’intervention et les unités des compagnies républicaines de sécurité (CRS) ;

– les échelons d’interventions spécialisées NRBC sont les forces d’intervention de la police nationale, c’est-à-dire le RAID et la BRI-UCT et l’unité CONSTOX (constatations en milieu toxique).

CONSTOX

Pour diligenter les enquêtes en milieu contaminé par des toxiques de type NRBCe (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques, explosifs), la direction générale de la police nationale dispose d’une unité spécialisée dénommée CONSTOX (CONStatations en milieu TOXique).

Créée en 2010 et composée à parité d’enquêteurs de police judiciaire et de fonctionnaires de police technique et scientifique, cette unité est en mesure de réaliser des constatations judiciaires sur les scènes d’attentats en présence de toxiques NRBC, ainsi que des perquisitions dans les lieux où sont détenus ou fabriqués de tels produits. Elle peut également intervenir à l’occasion d’accidents technologiques majeurs lors desquels des responsabilités pénales sont susceptibles d’être engagées.

Les composantes du Détachement central interministériel d’intervention technique (cf. supra), que CONSTOX a intégré en décembre 2014, permettent de planifier et de coordonner une intervention en bénéficiant de leur expertise en fonction de la nature de l’agent contaminant. Déployés en zone d’exclusion et équipés de scaphandres, tenues étanches ou filtrantes, les fonctionnaires de l’unité respectent une stricte méthodologie d’intervention : reconnaissance, sectorisation, fixation des lieux et prélèvements. L’ensemble du matériel peut être transporté aussi bien dans les camions d’intervention dont dispose l’unité que par des moyens aériens mis à disposition de la police judiciaire. Cette unité permet à la police nationale de disposer de capacités de recueil de traces et indices sur des scènes majeures et ainsi de contribuer à la manifestation de la vérité.

B.   Des personnels formés et entraînés

Le volet formation est consubstantiel au maintien des capacités de réponse de la police nationale aux menaces NRBC. La protection des policiers passe par une sensibilisation et une meilleure acculturation aux risques et menaces NRBC. Pour cela, il convient de distinguer :

– la formation initiale, durant les temps de scolarité pour les gardiens de la paix, les officiers et commissaires de police. Elle est assurée dans chaque école de police sous la forme d’une sensibilisation aux risques NRBC ;

– la formation continue, qui permet d’améliorer les compétences professionnelles. Elle se traduit notamment par un stage intitulé « échelon d’intervention NRBC » ou par des entraînements et exercices réguliers, tels que les entraînements interministériels zonaux.

C.   Du matériel de protection adapté au risque

Plusieurs équipements de protection individuels sont disponibles selon le niveau d’intervention et le risque encouru :

– pour les primo-intervenants, il s’agit d’une protection respiratoire de type masque FFP2 ou FFP3 ;

– pour les échelons d’intervention NRBC, d’un équipement composé d’un masque COSMO et/ou OC’50, d’une cartouche NRBC, d’une tenue filtrante d’intervention, de gants filtrants et de sur-bottes ;

– pour les échelons d’intervention spécialisés NRBC, il s’agit d’équipements de protection individuelle plus performants comprenant un appareil respiratoire isolant pour le personnel de la force d’intervention de la police nationale et des tenues étanches pour les spécialistes de l’unité de constatations judiciaires CONSTOX.

Ces équipements nécessitent un financement régulier afin de maintenir en condition opérationnelle des capacités de réponse de la police nationale sur le programme 176 « Police nationale » de la mission budgétaire Sécurités, par des subventions du SGDSN en fin d’année et par des fonds européens (FSI) ou des projets de recherche.

À l’approche des grands événements sportifs des années 2023-2024, les rapporteurs souhaitent mettre l’accent sur :

– la professionnalisation et la sensibilisation par la formation de tous les policiers de France au NRBC, et ce depuis trois ans dans leur cursus de formation de base ;

– la prise en compte du NRBC dans la formation des officiers et commissaires ;

– les formations en interne des unités CONSTOX et du RAID (interventions et actions sous contraintes NRBC).

– la poursuite des entraînements zonaux.

Le sujet du NRBC nécessite une approche commune et coordonnée entre les acteurs concernés. Cette coordination pourrait être améliorée en mutualisant l’achat d’équipements, comme les rapporteurs le proposent en troisième partie du rapport.

Une coopération internationale est également nécessaire. Dans ce cadre, le projet de recherche Franco-Allemand PLANT a vocation à développer les recherches sur la menace biologique.

 


([1])  Hors dissuasion, bâtiments de la Marine et unités spécialisées.

([2]) L’emploi d’agents chimiques et biologiques a été recherché et même exécuté par des organisations terroristes telles que la secte Aum.

([3]) DGA, SSA et unités spécialisées.

([4])  Expertise de prélèvement et d’identification, détachement d’investigation et de sécurisation.

([5]) Cela est d’ailleurs souligné dans l’actualisation stratégique 2021 : « La prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs constitue une menace croissante, comme l’illustrent l’aggravation des crises de prolifération nucléaire nord-coréenne et iranienne, ainsi que l’amélioration continue de certains vecteurs balistiques et l’utilisation d’armes chimiques sur le théâtre syrien. La menace NRBC s’est par ailleurs diversifiée et ne se limite plus aux seuls théâtres d’opérations. L’emploi répété d’agents chimiques à des fins de terreur ou d’empoisonnement a renforcé le sentiment qu’un tabou était levé. La menace est donc réelle, y compris sur le territoire national, et elle pourrait encore se renforcer avec les évolutions attendues en matière de biologie de synthèse. »

([6]) Opérations où toutes les fonctions opérationnelles sont susceptibles d’être activées pour s’opposer à une violence caractérisée de l’adversaire.

([7]) Le 22 avril 1915, à 17 heures, saillant d’Ypres en Belgique, un lourd nuage jaune et verdâtre, poussé par un vent de nord-est, progresse rapidement en direction des lignes françaises situées entre le canal de l’Yser et le village de Poelcappelle. Immédiatement pris de nausées et ne pouvant plus respirer, les soldats français, totalement démunis face à ce nuage mortel, s’effondrent devant leurs camarades présents en seconde ligne, propageant ainsi un effet de panique dans les lignes alliées. Au cours de cette journée, 5 000 soldats périssent dans l’attaque, alors que 15 000 ont subi les effets des gaz. Mais, malgré un gain de territoire important, la ville d’Ypres est toujours aux mains des alliés. L’arme chimique a montré son potentiel à briser la résistance ennemie ; l’essai probatoire semblait concluant et les partisans de l’utilisation de cette arme nouvelle nourrirent à nouveau l’espoir d’une percée du front grâce aux gaz. Pourtant, les possibilités de percée des vagues gazeuses s’étaient évanouies en même temps que le nuage de chlore se dissipait sur le saillant d’Ypres. L’élément indispensable à la réussite de ce type d’opération étant la surprise, une fois le procédé dévoilé et les premiers moyens de protections adoptés, les gaz avaient perdu une grande partie de leur potentiel. Ainsi, la première Guerre mondiale enseigne que les effets de l’arme chimique s’appliquent massivement dans le champ psychologique. D’où la nécessité d’une défense NRBC efficace.

([8]) https://www.iaea.org/sites/default/files/publications/documents/infcircs/1970/infcirc140_fr.pdf

([9])  Sur ce traité, cf. le rapport d’information sur l’arme nucléaire dans le monde, 50 ans après l’adoption du TNP : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b1155_rapport-information.pdf

([10])  La Corée du Nord s’en est quant à elle retirée en 2003.

([11]) Les toxines sont des substances chimiques toxiques élaborées par des organismes vivants. Elles sont considérées comme des armes à la fois chimiques et biologiques lorsqu’elles sont employées en violation de la Convention d’interdiction des armes chimiques. La mise au point, la fabrication et le stockage de toxines à des fins hostiles sont interdits et par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et par la Convention sur les armes biologiques. L’une comme l’autre font obligation aux États parties de détruire les armes à toxines en leur possession.

Les toxines sont aussi régies par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques parce qu’il s’agit de produits pouvant servir d’armes chimiques et répondant aux définitions énoncées plus haut (armes chimiques, produits chimiques toxiques). Il est possible de synthétiser de nombreux types de toxines en laboratoire sans cultiver les organismes qui les élaborent naturellement. De plus, certaines sont également des produits chimiques à double usage, ce qui signifie qu’au titre de la Convention elles peuvent être fabriquées dans les quantités requises pour des activités légitimes.

Deux toxines sont expressément inscrites dans le tableau 1 : la ricine (naturellement produite par les graines du ricin) et la saxitoxine (naturellement produite par des cyanobactéries).

([12])  La Convention sur les armes chimiques se compose d’un préambule, de 24 articles et de trois annexes : une annexe sur les produits chimiques, une annexe sur la vérification et une annexe sur la confidentialité.

([13]) Do it yourself technologies.

([14]) Cf. infra.

([15])  Signé le 8 décembre 1987 à Washington, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en français vise le démantèlement par les États-Unis et l’Union soviétique d'une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles. Le traité FNI concerne l'élimination de tous les missiles de croisière et missiles balistiques, à charge conventionnelle ou nucléaire, américains et soviétiques, lancés depuis le sol et ayant une portée se situant entre 500 et 5 500 km. Il est le premier traité à avoir éliminé totalement une catégorie d'armement.

([16]) Les vecteurs, tels que les grenades, obus, bombes et missiles, concourent à la mise en œuvre et à la dispersion des agents.

([17]) Le concept de déni d’accès décrit les actions commises par un acteur contrôlant un territoire pour en interdire l’accès à l’adversaire ainsi que les moyens visant à entraver la liberté de manœuvre de cet adversaire.

([18])  L’évaluation de la menace NRBC est assurée par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, sous tutelle de l’Élysée, pour le territoire national.

([19]) Sur ce sujet, les rapporteurs renvoient au rapport de la mission d’information sur la haute intensité : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5054_rapport-information.pdf

 

([20]) Selon les termes de l’actualisation stratégique 2021, « le défi stratégique posé par la Corée du Nord , qui vient bouleverser les équilibres stratégiques régionaux et à terme globaux, n’a fait que croître depuis 2017. »

([21]) L’Iran poursuit son programme nucléaire, notamment en matière de stocks d’uranium faiblement enrichi et se montre insuffisamment coopératif avec l’AIEA en matière de vérification de ses obligations nucléaires. Il poursuit également le développement de ses programmes balistique et spatial. Enfin, il continue de transférer des systèmes et technologies balistiques vers des acteurs non étatiques régionaux, au Liban comme au Yémen.

 

([22]) La notion de danger englobe le risque et la menace.

([23]) À l’origine, le « E » ajouté à l’acronyme NRBC provient du terme anglo-saxon « high yield explosives » évoquant les conséquences issues de la déflagration d’une importante quantité d’explosifs conventionnels. De tels événements sont historiquement anciens (explosions de poudreries, de dépôts de munitions, d’usines chimiques) mais furent considérés comme une menace, notamment après l’attentat d’Oklahoma City en avril 1995. Le « E » évoque maintenant davantage l’emploi d’explosifs au sens général et notamment le recours à des engins terroristes type IED ou « bombe sale ». Mais la doctrine nationale et la terminologie OTAN conservent l’acronyme NRBC. L’emploi d’explosifs représente un risque et une menace bien distincts et à ce titre des capacités dédiées même s’il peut y avoir des synergies en matière de doctrine (EOD-NRBC), de renseignement (contre-terrorisme), d’équipements (détection) ou d’entraînement. Par ailleurs, si beaucoup de moyens de dispersion d’agents RBC utilisent des explosifs, ce mode de fonctionnement n’est pas exclusif.

([24])  L’irradiation est une exposition directe de l’organisme aux rayonnements.

([25]) La contamination est due au contact avec des particules radioactives. Elle peut être externe (dépôt de poussières radioactives sur la peau) ou interne (inhalation, ingestion, pénétration par plaie).

([26]) Les virus sont des agents infectieux utilisant une cellule hôte pour se répliquer.

([27]) Les bactéries sont des agents infectieux se reproduisant seuls.

([28]) Les toxines sont des substances toxiques produites par certains êtres vivants.

([29]) En vertu de la Convention d’interdiction des armes chimiques, la définition des armes chimiques englobe tous les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs, à l’exception de ceux qui sont destinés à des fins non interdites par la Convention – aussi longtemps que les quantités en jeu sont compatibles avec de telles fins. Si elle prend des mesures pour prévenir la fabrication ou le stockage d’armes chimiques, la définition retenue par la Convention n’a pas pour conséquence de restreindre le droit d’un État partie à fabriquer et employer des produits chimiques à des fins pacifiques ou à acquérir et conserver des armes conventionnelles et les vecteurs qui y sont associés.

([30]) Commandement, contrôle, communication, ordinateurs.

([31])  Il y a des principes communs mais la nature physico-chimique des agents entraîne des différences plus techniques.

([32])  Cf. note précédente.

([33])  Des agents biologiques dirigés contre les cultures céréalières et le bétail pourraient cibler la chaîne agroalimentaire et faire émerger des épizooties transmissibles à l’homme.

([34]) « Donnez-m’en l’occasion et je resplendirai. », devise du 2e régiment de dragons.

([35]) Cf. première partie.

([36]) Cf. annexe 2.

([37])  Selon la règle des « 4 i », « les armées sont engagées sur le territoire national en complément des forces de sécurité et des moyens des autres ministères, dans des missions de sécurité intérieure et de sécurité civile, dès lors que les moyens civils, y compris les moyens de la gendarmerie nationale, s'avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles ».

([38])  Mais aussi la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la brigade des marins-pompiers de Marseille et les gendarmes.

([39]) Cf. annexe 2.

([40]) La DGRIS joue à la fois un rôle de prospective, afin d’analyser la menace NRBC à long terme et un rôle dans le domaine de la contre-prolifération où le ministère des Affaires étrangères est menant et où la DGRIS apporte une capacité d’appui à ce dernier, tout en défendant les positons du ministère des Armées.

([41]) La direction de la protection des installations, moyens et activités de la Défense (DPID) est la direction fonctionnelle du ministère des Armées, tête de chaîne de la fonction « Défense - Sécurité ». Cette fonction couvre la protection physique, la sécurité du numérique, la protection du secret, ainsi que la protection du potentiel scientifique et technique et la continuité d’activité. La mission de la DPID consiste à élaborer la politique de protection, à partir d’une analyse des menaces et vulnérabilités, et à en contrôler son application. En matière de défense NRBC, la DPID assure essentiellement la rédaction de directives portant sur la résilience NRBC des emprises et le suivi des actions du ministère des Armées dans ce domaine.

([42])  Dans le domaine de la défense NRBC, l’atteinte de certaines performances des matériels a également une influence sur la santé des opérateurs (par exemple pour les équipements de protection individuelle qui doivent garantir la protection contre les agents RBC).

([43])  La DGA dispose, au sein du centre DGA Maîtrise NRBC, d’une expertise nationale de référence pour, d’une part, l’évaluation de situations RBC et l’aide à la décision associée et, d’autre part, l’analyse d’échantillons suspectés de contenir des agents de guerre chimique ou biologique ou leurs signatures, à des fins notamment de constitution de la preuve juridique de leur emploi.

([44])  Essais payants, soutien à l’exportation, traitement des faits techniques, développements technologiques, etc.

([45])  Ce laboratoire est également prévu pour pouvoir être utilisé dans le cadre du volet biologique du plan Pirate-NRBC pour l’analyse d’échantillons biologiques, et fait partie des capacités apportées par DGA Maîtrise NRBC au réseau des laboratoires Biotox-Piratox.

([46]) Cf. le III infra.

([47]) Cf. infra.

([48])  Ce bureau :

– assiste le chef de la division maîtrise des armements en sa qualité d’autorité fonctionnelle interarmées pour la défense NRBC et d’autorité fonctionnelle du centre interarmées de défense NRBC ;

– veille à la cohérence générale du domaine au niveau interarmées et élabore la position des armées relative à l'emploi et au développement capacitaire en matière de défense NRBC. Il coordonne la participation des armées, directions et services aux actions de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ;

– pilote et coordonne la contribution des armées, directions et services dans les travaux ministériels, interministériels et internationaux portant sur la défense NRBC. Sous l’autorité du sous-chef plan, il assure le secrétariat permanent du comité directeur de la défense NRBC et le pilotage des domaines capacitaire et emploi de la gouvernance ministérielle de la défense NRBC.

([49]) Notamment avec les divisions de cohérence capacitaire, avec l’état-major particulier du Président de la République et le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO).

([50]) Le Renault TRM 10000 est un camion militaire français en service depuis 1987. Il est conçu pour le transport logistique (VTL) et les systèmes d'armes.

([51]) Outre les pompiers de l’Air, cette nouvelle brigade réunit également les unités NEDEX de neutralisation et de destruction d’explosifs de l’armée de l’Air et de l’espace. Elle compte 25 unités pour un total de 1 500 aviateurs spécialistes du secours, de la gestion de crise et des situations d’urgence. Le choix d’installer son état-major à Cazaux s’explique par le fait que la BA 120 est « historiquement liée au domaine de la pyrotechnie, du secours incendie et de la menace NRBC. S’ils ont les mêmes compétences que leurs homologues civils et militaires en matière de secours à la personne, de lutte contre les feux de forêt et de prévention des incendies, les pompiers de l’Air, dont l’origine remonte à 1947, sont en mesure de conduire des interventions hautement spécialisées, que ce soit pour assurer la protection incendie des aéronefs, la sécurité des installations aéroportuaires ou encore la lutte contre les menaces NRBC.

([52]) Les bases aériennes à vocation nucléaire et les bases supports aux activités de dissuasion sont exclusivement dédiées à la dissuasion.

([53]) Cf. annexe 2.

([54]) La détection, l’identification et la surveillance ; la protection individuelle et collective ; la décontamination du personnel et du matériel ; les contre-mesures médicales ; les moyens de commandement et de communication.

([55]) La loi de programmation militaire comprend un agrégat budgétaire intitulé « Équipement », qui retrace l’ensemble des dépenses et des programmes d’équipement des forces. Il regroupe des crédits répartis en dix « opérations stratégiques » et entre les quatre programmes de la mission « Défense » au sens de la loi organique relative aux lois de finances : les programmes 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », 146 « Équipement des forces », 178 « Préparation et emploi des forces » et 212 « Soutien de la politique de défense ».

([56]) Le programme à effet majeur (PEM) est l’un des huit types d’opérations stratégiques de l’agrégat « équipement » de la programmation militaire : cette opération stratégique regroupe les
activités associées aux opérations d’armement structurantes pour l’outil de défense, faisant
l’objet d’un calendrier de commandes et de livraisons et d’un devis. Cette opération
stratégique relève exclusivement du programme 146 « Équipement des forces ».

([57]) Le cinabre est une espèce minérale composée de sulfure de mercure. Il a été décrit pour la première fois par le philosophe grec Théophraste. Le cinabre (α-HgS) est le minerai de mercure le plus répandu et exploité. La présence de mercure libre dans le minerai de cinabre lui confère une toxicité indéniable.

([58]) Il s'agit d'acquisition d'équipements à péremption. Ce type d’opération permet de lisser les coûts et d’éviter des ruptures brutales de capacités.

([59]) Une approche incrémentale s’appuie sur une vision de long terme et consiste à ajouter des strates à un projet en procédant palier par palier, afin de s’assurer que chaque valeur ajoutée apporte une amélioration sans créer de dysfonctionnement.

([60]) Les systèmes d’aide au commandement NBC possèdent des fonctionnalités d’aide à la conduite des opérations sous menace ou en ambiance NBC. Ils sont destinés à la gestion d’un événement NBC et utilisent pour cela des capteurs chimiques et nucléaires ainsi que des systèmes de messagerie et de calcul spécifiques pour en assurer le suivi détaillé. Ils sont employés dans un cadre interarmées en métropole et outre-mer, en opérations extérieures et à l’étranger lors d’exercices interalliés.

([61]) Responsable de programme au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

([62]) Dans la programmation des équipements militaire, les autres opérations d’armement (AOA) sont des opérations stratégiques regroupant des besoins d’équipement transverses à plusieurs programmes d’équipement majeurs ou des opérations d’armement élémentaires. Les crédits de ces opérations stratégiques relèvent exclusivement du programme 146 « Équipement des forces ».

([63]) Filiale du groupe Nexter.

([64]) Ce fonds est doté de 200 millions d’euros.

([65]) Le pôle GINCO vise à identifier les innovateurs, à instaurer un dialogue avec eux et à les accompagner pour faire émerger de nouvelles solutions pour la défense NRBC en lien avec l’Agence de l’innovation de défense. Il a pour finalité de prendre en compte l’accélération du progrès technologique dans le domaine NRBC et d'exploiter rapidement les nouvelles technologies souvent développées à des fins civiles.

([66]) Le CEA assure aussi des missions opérationnelles et d’appui scientifique et technique dans la lutte contre le terrorisme nucléaire et radiologique. Il s’agit notamment de former les primo-intervenants que sont les démineurs pour le traitement initial d’un colis suspect et, d’autre part, de sécuriser les grands événements.

([67]) À ses débuts en 2005, 65 % du budget était consacré à la recherche-développement sur la détection des menaces biologiques et les contremesures médicales associées. Cette priorisation résultait de l’identification de fortes lacunes dans ce domaine suite aux « lettres au charbon » reçues par des officiels et des journalistes aux États-Unis en 2001, et ayant entraîné l’engorgement des quelques laboratoires français chargés d’analyser toutes les lettres suspectes qui se sont présentées sur le territoire français. La priorisation des menaces s’est progressivement équilibrée pour atteindre aujourd’hui la répartition suivante : 40 % pour la détection biologique, suivie par la détection chimique (26 %). Les actions concernant la protection et la décontamination (à hauteur de 16 %) sont en augmentation. Les actions de recherche-développement relatives à la détection des explosifs et à la détection NR restent stables, et représentent respectivement 10 % et 8 % du budget.

([68])  La DGA au premier chef – et en particulier le centre DGA Maîtrise NRBC– mais aussi l’Agence de l’innovation de défense, les unités opérationnelles du ministère des Armées, à qui le CEA met à disposition, pour évaluation, des briques technologiques, le service de santé des armées et en particulier les hôpitaux d’instruction des armées et les LASEM.

([69]) Ce programme a abouti aujourd’hui au transfert technologique vers des industriels de vingt et une technologies depuis 2005, dont une en 2021. Il s’agit de la mousse de décontamination biologique et chimique Confoam, commercialisée sous licence CEA par la société Fevdi depuis le 8 juin 2021. Une grande partie des transferts concerne la détection ou les contre-mesures médicales contre les agents biologiques, conformément aux priorités initiales du programme. On citera par exemple des kits de réactifs pour des tests de détection environnementale (tests bandelette, tests PCR) et des diagnostics médicaux (tests ELISA). Dans le domaine nucléaire et radiologique, plusieurs technologies ont été transférées et sont aujourd’hui commerciales : sondes de détection de nouvelle génération, gammacaméras, balises de détection... Des technologies arrivent aujourd’hui à maturité dans les domaines de la détection des explosifs (détection des vapeurs d’explosifs T-REX) et de la détection chimique (papiers détecteurs de nouvelle génération par des molécules chromogéniques et par chromatographie gazeuse). Certaines technologies telles que des protocoles de laboratoire ou des logiciels d’expertise sont transférés directement à des laboratoires étatiques. Citons par exemple le développement d’une méthode de détection de bactéries par spectrométrie de masse sans a priori sur la nature des bactéries (phylopeptidomique) transférée à la DGA en 2020-2021.

([70])  Qui sont des marchés de montée en maturité.

([71])  Il a été de 15 millions d’euros par an entre 2005 et 2015.

([72]) ASTRID est un dispositif de soutien à des projets de recherche duaux à caractère fortement exploratoire et innovant (TRL de 1 jusqu’à 4 – démonstration en environnement de laboratoire). Le programme ASTRID est financé totalement par l’AID, l’ANR assurant la mise en œuvre de la sélection et du suivi en lien avec l’AID. Les applications défense des projets ASTRID leur permettent d’accéder à plusieurs types de soutiens ultérieurs pour accompagner/accélérer la valorisation (ASTRID Maturation, RAPID, ID Lab etc…).

([73])  Auxquels on peut ajouter la capacité de télé-expertise opérationnelle ou expertise en base arrière, assurée notamment par le centre DGA Maîtrise NRBC. Cette télé-expertise peut par exemple concerner l’analyse d’échantillons ou la simulation.

([74]) Équipages de chasse EPPAC.

([75]) L’unité de décontamination CERPE est un conteneur maritime de 20 pieds à haute résistance mécanique pour le transport terrestre et maritime. Le système de décontamination est composé du CERPE lui-même ainsi que de 2 tentes TM36.

([76])  L’armée de l’Air doit pouvoir être capable de faire face aux scénarii de crise NRBC et de garantir la poursuite de ses activités prioritaires que sont la dissuasion et la posture permanente de sécurité et d’organiser le redéploiement et de ses moyens vers d’autres sites en métropole, en outre-mer ou à l’étranger.

([77]) L’équipement de protection NRBC pour équipages d’avions de chasse (EPPAC) est un équipement qui assure la protection globale contre les agressions NRBC en complément des effets de vol habituels : casque de vol Gallet LA 100, gants de vol, combinaison de vol (hiver ou étanche), chaussures de vol, pantalon anti-G, gilet « Mae-West ». Ce système EPPAC est constitué d’un sous-vêtement, d’une paire de chaussettes et d’une paire de sous-gants ; d’une cagoule de protection équipée d’un ensemble de ventilation de la visière ; d’un masque UA21S AME (modèle M2000) ou ARE (modèle Rafale) avec dispositif anti noyade, d’une housse de protection de la chenille O2 et d’une calotte de protection de masque ; d’une assistance ventilatoire sol (AVS : composée d’une soufflante et de son raccord) pour faciliter la respiration du personnel navigant à l’extérieur de l’aéronef, d’une cartouche de protection et d’un boîtier filtre de poitrine (F3P).

([78]) Le programme SCORPION vise à créer un système de combat tactique évolutif et flexible, à même de remplir toutes les missions opérationnelles présentes et futures de l’armée de Terre. Il comprend six opérations : trois nouveaux véhicules blindés (GRIFFON, JAGUAR et SERVAL), la rénovation du char LECLERC, le système d’information SICS et le système de préparation opérationnelle. La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit que 50 % des nouveaux blindés médians seront livrés d’ici à 2025.

([79])  Le Griffon est un véhicule blindé multi-rôles (VBMR) qui doit remplacer les 2 700 véhicules de l’avant blindés (VAB) actuellement en service.

([80]) En 2022, les 902 personnels sont répartis en 48 officiers, 282 sous-officiers et 563 militaires du rang.

([81]) Cf. le 1 du II de la troisième partie du rapport.

([82]) De façon générale, le SSA est à la fois en surchauffe opérationnelle – la crise sanitaire ayant amplifié cet état de fait – et en sous-effectifs. Avec 14 700 personnels, le SSA, a perdu 1 600 postes en cinq ans et aurait besoin d’un apport de 100 médecins. Le déficit en personnel soignant concerne en particulier certaines spécialités médicales et paramédicales indispensables à la prise en charge des blessés et malades militaires, aussi bien dans la médecine des forces que dans la composante hospitalière du service. Compte tenu de la durée de formation des soignants, les effets des mesures prises se font parfois sentir après un délai de plusieurs années. Certaines composantes sont davantage concernées par ce déficit.

([83])  Combined Joint Chimical Biological Radiological Nuclear Defence Task Force (CJ-CBRND-TF), composante NRBC de la Force de réaction de l’OTAN ou NATO Response Force (NRF).

([84]) La Force de réaction de l’OTAN (NRF) est une force multinationale regroupant des éléments des forces terrestres, aériennes et maritimes et des forces d'opérations spéciales (SOF) que l’Alliance peut déployer rapidement partout où cela est nécessaire. En plus de son rôle opérationnel, la NRF peut être utilisée en vue d'une plus grande coopération dans les domaines de la formation et de l'entraînement, d'un recours accru aux exercices, d’un soutien aux secours en cas de catastrophe et d'une meilleure utilisation de la technologie. La Force de réaction de l'OTAN comprend plusieurs composantes dont la force opérationnelle NRBC. La Force de réaction de l’OTAN est sous les ordres du commandant suprême des forces alliées en Europe (Supreme Allied Commander Europe, SACEUR).

([85])  Le bataillon et l’équipe d’évaluation interarmées, créés en 2003 et déclarés opérationnels l'année suivante, constituent un ensemble multinational polyvalent qui peut être déployé rapidement pour participer à toute la gamme des opérations menées par l'OTAN. Bien que le bataillon s’entraîne principalement pour les conflits armés, il se prépare aussi à des déploiements dans des situations de crise telles que les catastrophes naturelles, les épidémies de maladies infectieuses et les accidents industriels, y compris ceux faisant intervenir des matières dangereuses. Afin que la force opérationnelle conserve ses compétences et ses capacités spécifiques, le programme de travail de l'OTAN pour la défense contre le terrorisme prévoit certains exercices.

([86]) La Joint Assessment Team est une petite structure, armée d’une dizaine de personnels, d’expertise NRBC appelée à renforcer un état-major opératif de l'OTAN.

([87]) Des moyens projetables de défense NRBC spécialisée de l’armée de l’Air et de l’espace peuvent être intégrés à une structure interalliée telle que la Force de réaction de l’OTAN. Dans le cadre des exercices internationaux, les moyens spécialisés et renforcés de l’armée de l’Air et de l’espace cherchent en permanence à développer leur interopérabilité, tant dans l’adaptation des procédures que dans l’évolution des équipements. Conformément aux engagements internationaux de la France auprès de l’OTAN, le Centre national des opérations aériennes assure la diffusion de l’information NRBC auprès des partenaires de l’OTAN s’agissant de la France.

([88]) Sur la coopération structurée permanente, les rapporteurs renvoient le lecteur au rapport de leurs collègues Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot, rendu conjointement aux commissions de la Défense et des Affaires européennes : https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/Defense/rapport-CSP.pdf

([89])  Chemical, Biological, Radiological and Nuclear Surveillance as a Service.

([90]) Sur cet accord, les rapporteurs renvoient le lecteur au rapport pour avis de Jean-Charles Larsonneur : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b1954_rapport-avis.pdf

([91])  Pour « capacité motorisée ».

([92]) https://pesco.europa.eu/project/cbrn-defence-training-range-cbrndtr/

([93])  S’agissant de la gestion des stocks, la crise sanitaire a remis sur la table la question du dimensionnement du stock et de la capacité à produire en continu.

([94]) L’expérience des masques au début de la crise illustre bien que la dépendance envers un État étranger en matière de production fragilise et rend vulnérable.

([95])  Ce chiffre d’affaires est réparti entre les différentes fonctions suivantes : détection-Identification-Surveillance : 30 % ; protection individuelle : 30 % ; protection collective : 5 % ; décontamination : 15 % ; contre-mesures médicales : 10 % ; systèmes : 10 %.

([96])  Protection individuelle et collective, détection / identification, décontamination.

([97])  La fabrication d’équipements NRBC a permis à Paul Boyé de maintenir 300 emplois en France dans ses usines de Bédarieux et de Labarthe-sur-Lèze.

Paul Boyé fournit régulièrement aux armées, dans le domaine NRBC, des tenues filtrantes et étanches : des tenues filtrantes outre-mer et théâtre européen de l’armée de Terre, des combinaisons pour le personnel navigant et non navigant de l’armée de l’Air, des chaussettes filtrantes, des gants de protection de nouvelle génération, des cagoules filtrantes pour les pilotes d’hélicoptère de l’ALAT et de l’armée de l’Air, des tenues étanches de décontamination et, enfin, des masques de protection respiratoire FFP2 et chirurgicaux.

Les produits NRBC de Paul Boyé Technologies bénéficient de nombreux brevets développés par les ingénieurs de l’équipe de recherche-développement de l’entreprise.

Paul Boyé Technologies est co-traitant avec le groupe Nexter du marché de la tenue « Ensemble de protection individuelle des armées » (EPIA, cf. supra). Il fournit par ailleurs le ministère des Armées depuis un siècle.

L’entreprise exporte depuis trente ans ses équipements de protection NRBC dans 61 pays du monde, grâce au confort et au niveau de protection de ses technologies, même dans les pays tropicaux. Elle a aussi développé la commercialisation d’un concept de réponse globale à la menace NRBC offrant l’ensemble des moyens permettant de faire face à la menace (détection NRC, protection individuelle et collective, décontamination des infrastructures, des matériels et des hommes, contre-mesures médicales et formation à la doctrine et à l’utilisation des matériels). La société PBT consacre chaque année un budget de 3,2 millions d’euros à la recherche-développement, assurée par une équipe de 11 ingénieurs et de 15 techniciens.

([98])  Comme récemment avec la société BforCure dans le domaine de l’analyse génétique ultra-rapide.

([99])  Leader mondial pour ce qui est de la technologie Flame Photometric Detector dont la part export est d’environ 70 % en moyenne et qui exporte dans près de 70 pays.

([100]) Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque et Suède, ainsi que deux sous-traitants situés en Espagne et en Suède. Le consortium est constitué d’une vingtaine de partenaires européens – industriels, académiques et étatiques.

([101]) L’équipe française comprend le CEA, Fab’Entech, l’IRBA et l’université de Tours.

([102]) Adetests groupe Emitech, Bertin technologies, Cegelec Défense, le CEA, HOWA Tramco, Jacobi Carbons Pica, Mirion technologies, NBC Sys, Nuvia, Paul Boyé technologies, Proengin, RCY (Reynaud Cauvin Yvose), SERB Specialty Pharmaceuticals, SP défense filiale Honeywell, Thales, Utilis et la pharmacie centrale des armées.

([103]) Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles.

([104]) Organisation de la réponse de sécurité civile.

([105]) Outre ses missions de recherche, évoquées en deuxième partie du rapport, le CEA assure aussi des missions opérationnelles et d’appui scientifique et technique dans la lutte contre le terrorisme nucléaire et radiologique. Il intervient notamment, en cas de découverte de menace nucléaire ou radiologique avérée, au sein du DCI-IT, pour caractériser et définir les solutions de neutralisation de l’objet découvert mais également pour former les primo-intervenants, par exemple les démineurs, au traitement initial d’un colis suspect et, enfin, pour sécuriser les grands événements.

([106]) Rattachés, respectivement aux UIISC 1 et 7.

([107])  Feux de forêt, inondations, séismes, coulées de boue, glissements de terrain, effondrement d’infrastructures, tempêtes, cyclones, lutte contre les pollutions maritimes, catastrophes NRBC, crises sanitaires et humanitaires, commandement et gestion de crises.

([108])  Les ForMiSC peuvent mettre sur pied tout type de détachement grâce à leur polyvalence et sont capables de les déployer en trois heures en France ou à l’étranger, pour toute gestion de crise naturelle, sanitaire ou technologique.

([109])  Les ForMiSC sont capables d’intervenir à l’étranger dans le cadre de leurs différentes missions, quels que soient les conditions et l’environnement.

([110])  Dont le plan gouvernemental NRBC en cas d’acte de terrorisme.

([111]) Le GIGN a pour rôle d’assurer l’ensemble de ses missions d’intervention spécialisées et de protection en ambiance contaminée ; de participer à la sécurité NRBC d’évènements et de bâtiments et ainsi de travailler en coordination avec les équipes spécialistes (cynophiles, F2NRBC) ; de mettre en place un sas de décontamination d’urgence après identification du danger (levée de doute) ; d’opérer une veille et une prospection en lien avec la cellule R&D.

([112]) Science interdisciplinaire (chimie, informatique, biologie, anthropologie, etc.) regroupant les méthodes d'analyse de la police scientifique, de la criminologie et de la médecine légale, utilisée dans un cadre judiciaire.

([113])  Dans le domaine NRBC, le COMCYBERGEND apporte une composante stratégique. La montée en compétence, technique et humaine, en ce domaine est en effet l’une des priorités fixées cette année. Le Centre national d’assistance cyber (CNAC) de la Division de l'appui aux opérations numériques (DAONUM). participe à la conception d'un véhicule tout terrain, permettant, dans des conditions dégradées de se déplacer au plus près d'un incident NRBC pour en identifier les impacts ou causes numériques. Ce véhicule servira à tous les déploiements du COMCYBERGEND afin d'apporter tous les moyens nécessaires sur le terrain. Il est envisagé de l’équiper d'un générateur, de connectiques serveurs et d'une baie serveur, d'une zone de travail "type labo" ainsi qu'une d'une partie Poste Commandement cyber et d'une remorque avec fibre qualifiée pour les conditions NRBC.

([114]) La composante « police judiciaire » NRBC de la gendarmerie est ainsi constituée de l’OCLAESP et de ses sept détachements (Bordeaux, Metz, Marseille, Rennes, Lyon, Cayenne, Saint-Denis de la Réunion, Lille et Faa’a), de l’IRCGN, (GRID), du COMCYBERGEND et de la F2NRBC. Ces unités forment la « task force NRBC » lorsqu’elles travaillent ensemble. Cette mise en commun des capacités de l’IRCGN, de la F2NRBC, de l’OCLAESP et du COMCYBERGEND permet à la gendarmerie nationale d’être totalement autonome dans le domaine de la criminalistique NRBC avec la désignation d’un coordinateur des opérations de criminalistique sur le site de l’incident NRBC et la désignation d’un directeur de programme CRIM NRBC au sein de l’IRCGN pour poursuivre et développer de nouvelles capacités.

([115])  Le lien entre le civil et le militaire est très fort, comme l’illustre le fait que le Centre national de formation NRBC d’Aix en Provence soit un creuset commun de formation et un centre civilo-militaire mêlant personnels des armées et de la gendarmerie, pompiers et personnels de la police et de santé. Tous les responsables NRBC passent par ce centre de formation.

([116]) Deux postes.

([117])  La DGPN étant membre de son comité de pilotage et finançant une part de l'activité du centre.

([118])  Le détachement central interministériel d’intervention technique, rattaché fonctionnellement au cabinet du Directeur général de la police nationale, contribuant aux actions figurant sur la feuille de route établie par le SGDSN.