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N° 5122

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information

 

relative aux conséquences financières et budgétaires de la présence
des grands prédateurs sur le territoire national

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie BONNIVARD

 

Députée

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

 

synthÈse

recommandations de la rapporteure

introduction

première partie : La protection de l’espÈce en droit international, communautaire et national rÉsulte d’une Époque où le loup et l’ours Étaient menacÉs

I. les normes juridiques protÉgeant des grands prÉdateurs

A. Le droit international

B. Le droit communautaire

C. une tentative de "conciliation" de la prÉsence des grands prÉdateurs et du pastoralisme : les plans nationaux d’action

1. La protection du loup

2. La protection de l’ours

3. La protection du lynx

II. une croissance de la population des prÉdateurs entraînant de lourdes consÉquences pour le pastoralisme

A. La croissance des populations de prÉdateurs

1. Le loup

2. L’ours

3. Le lynx

4. Les autres prédateurs présents sur le territoire national et leur protection par l’État : l’exemple de la multiplication des attaques de requins

B. Les consÉquences de la croissance de la population de prÉdateurs sur l’Élevage et les activitÉs pastorales

1. La croissance du nombre d’attaques et de victimes de la prédation par le loup

a. La croissance du nombre d’attaques par le loup

b. La croissance du nombre de victimes de loups

2. Les attaques et les victimes de la prédation par l’ours

3. Les attaques et les victimes de la prédation par le lynx

C. Les autres consÉquences de la prÉdation : Économie, savoir-faire et environnement

1. Difficultés économiques pour les éleveurs

2. Conséquences pour la santé physique et mentale des éleveurs et des bergers

3. Conséquences écologiques significatives

SECONDe partie : une politique d’encadrement et de limitation des effets de la prÉdation à l'efficacitÉ relative au regard du rapport coût public/nombre d'attaques et de victimes

I. une politique de protection coûteuse, tant pour l’union europÉenne que l’État français, A l’efficacitÉ incomplÈte

A. la mesure de protection des troupeaux et d’accompagnement du pastoralisme

1. La mise en œuvre spécifique à la prédation par le loup

2. La mise en œuvre spécifique à la prédation par l’ours

B. le Coût et l’efficacitÉ des mesures de protection

1. Le coût des mesures de protection

2. Une utilité indéniable, mais une efficacité insuffisante des mesures de protection

a. Une utilité renforcée avec la multiplication des mesures de protection, mais une efficacité qui reste relative

b. Un fonctionnement handicapant pour les éleveurs et un reste à charge élevé

c. De nouvelles compétences à acquérir par les éleveurs et la sous-utilisation ou la mauvaise utilisation de certaines mesures

d. Un déficit majeur d’évaluation et d’information

C. les crÉdits d’urgence du ministÈre de l’agriculture

II. l’indemnisation : des dÉpenses croissantes mais nÉcessaires

A. les modalitÉs de plus en plus favorables de l’indemnisation des pertes

1. Des conditions d’indemnisation souples

2. Un système différencié selon les prédateurs a laissé place à un fonctionnement harmonisé et plus favorable aux éleveurs.

3. Une procédure de constat chronophage, bien qu’en cours de simplification

B. Le coût des mesures d’indemnisation

C. les autres dÉpenses du ministÈre de la transition Écologique relative à la prÉdation

III. une hausse du plafond d'autorisation de prÉlÈvements et leur simplification rendus nÉcessaires par l’intensitÉ de la prÉdation

A. les parties prenantes aux protocoles de tirs

B. Des rÈgles relatives aux opÉrations de tirs diffÉrentes selon les prÉdateurs

1. Le loup

2. L’ours

IV. Des moyens humains significatifs mobilisÉs au titre de la politique d’encadrement de la prÉdation et de ses effets

A. Les prÉfets coordonnateurs des plans nationaux d’action

1. Le préfet coordonnateur du PNA « loup »

2. Le préfet coordonnateur du PNA « ours brun »

3. Le préfet coordonnateur du PNA « lynx »

B. Les moyens des ministÈres en administrations centrales et dÉconcentrÉes

C. Les moyens de L’office français de la biodiversitÉ

personnes auditionnÉes

ANNEXES

SOURCES UTILISÉES


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   synthÈse

La réintroduction ou la réapparition, puis la croissance démographique sensible des grands prédateurs terrestres sur le territoire national, ont ravivé des tensions disparues et fragilisent le pastoralisme. Aujourd’hui, plus de 30 ans après l’identification d’un premier loup dans le Mercantour, force est de constater que l’équilibre recherché par les différentes politiques publiques déployées depuis lors entre, d’une part la protection des loups et des ours, et d’autre part le maintien et la sauvegarde de pratiques pastorales ancestrales pourvoyeuses d’emplois, d’opportunités économiques, et d’aménités positives pour les espaces de montagne, n’est pas atteint.

La prise de conscience de l’importance des dommages de la prédation sur les activités pastorales a donné naissance à une politique publique d’encadrement et de limitation des effets de la prédation, organisée en triptyque. En amont des attaques, la prise en charge de mesures de protection vise à limiter le nombre d’attaques sur les troupeaux et leur mortalité. En aval, l’indemnisation offre une compensation, néanmoins incomplète, aux éleveurs. Enfin, et face aux insuffisances des mesures de protection, des protocoles de tir ont été mis en œuvre et permettent de diminuer sensiblement la pression de la prédation dans les territoires les plus touchés.

Face à l’ampleur croissante des dommages de la prédation, la rapporteure a mené une analyse inédite de cette politique publique, dans le but d’en évaluer le coût complet ainsi que l’efficacité. Il résulte de ses travaux que le coût de la politique publique d’encadrement et de limitation des dommages de la prédation représente en 2020 environ 56 millions d’euros, et suit une augmentation soutenue. Il convient d’ajouter au coût public les dépenses engagées par les éleveurs pour se protéger (représentant un reste à charge estimé à 7,86 millions d’euros par an), de même que par d’autres acteurs investis dans le dispositif, comme les chasseurs (pour qui les divers frais liés aux opérations de tirs peuvent être estimés à plus de 2 millions d’euros). Au total, l’effort national et européen relatif à cette politique a explosé, et peut être estimé aujourd’hui à un montant minimum de 66 millions d’euros environ.

Malgré la forte croissance du coût des mesures de protection au cours des 15 dernières années et leur déploiement de plus en plus large, elles n’ont pas permis de faire diminuer significativement le nombre d’attaques et la mortalité sur les troupeaux (avec 3 572 attaques et 10 900 animaux tués en 2021, contre 2 447 attaques et 8 973 victimes en 2015). La courbe soulignant l’augmentation des dépenses publiques liées à la protection du pastoralisme face à la prédation est malheureusement parallèle à celle relative à l’augmentation des attaques et des victimes, ce qui interroge évidemment l’efficience de la méthode choisie pour sauvegarder le pastoralisme face à la prédation, et le principe même de « cohabitation » entre pastoralisme, loups et ours. Évidemment, la situtation serait pire sans les mesures de protection, mais la rapporteure a souhaité interrogé l’efficience de cette dépense publique en croissance forte depuis 15 ans, au regard de l’objectif qu’elle s’est assignée : parvient-elle à faire baisser drastiquement, voire à supprimer, les attaques des grands prédateurs sur les troupeaux ? Peut-elle y parvenir dans un contexte de forte croissance démographique et géographique de ces espèces strictement protégées sur le territoire national, et si oui à quel prix pour les éleveurs et à quel coût en matière d’argent public ?  La question se pose de l’avenir à moyen terme du pastoralisme, des conditions de travail et de vie des éleveurs, soumis à une pression constante sur leur troupeaux malgré le déploiement des mesures de protection, si aucune réforme du statut des grands prédateurs n’est entamée, et si un équilibre plus protecteur du pastoralisme n’est pas trouvé.

Une autre difficulté doit être soulignée : il s’agit des effets pervers de certaines mesures de protection sur les espaces de montagne. La multiplication des chiens de protection, rendue nécessaire par la présence des grands prédateurs sur ces espaces, et financée par l’État et l’Union européenne, peut engendrer de graves conflits d’usage des espaces de montagne, entre randonneurs et pastoralisme, voire entre habitants et éléveurs  au sein des villages à l’année, avec une multiplication des incidents, parfois graves (morsures, plaintes, fermetures d’espaces de randonnées, etc.). Ces accidents mettent les maires et éleveurs dans des situations extrêmement difficiles, sans outil juridique adapté à ce nouveau contexte (absence de statut des chiens, non-définition de la responsabilité, etc).

De manière générale, l’efficacité des différents aspects de la politique publique, et les effets induits de la protection stricte de ces espèces ne sont que très peu évalués, alors même que ces mesures et leurs effets sont dus aux engagements internationaux de la France à protéger ses espèces prédatrices.  

Face à ces constats, le rapporteure formule 26 recommandations pour réformer la politique de protection du pastoralisme et pour réévaluer à une échelle pertinente la protection des grands prédateurs. Ultimement, il convient de s’interroger sur la possibilité d’une meilleure régulation de la population des grands prédateurs terrestres, comme toutes les espèces sauvages, afin de permettre de faire diminuer la pression de la prédation et d’assurer aux activités pastorales leur maintien dans le temps et dans l’espace.


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   recommandations de la rapporteure

Axe 1 : réviser les modalités d’estimation de la population et de la gestion des grands prédateurs terrestres

– Recommandation n° 1 : établir un seuil de viabilité des espèces à l’échelle européenne et non nationale ;

– Recommandation n° 2 : demander à l’Union européenne une possible réévaluation du classement du statut des espèces strictement protégées dans la directive « Habitats » en fonction de la réalité de leur état de viabilité biologique au niveau européen ;

– Recommandation n° 3 : réviser le protocole « ours à problème » pour l’élargir aux ours durablement et particulièrement prédateurs ;

– Recommandation n° 4 : revoir les modalités d’estimation de la population lupine, aujourd’hui controversées, par une meilleure valorisation des indices de présence et par un pilotage plus large, sous l’autorité du préfet. Dans ce cadre, développer le financement par l’État d’outils technologiques permettant de faciliter la collecte d’indices (pièges photos, etc.). Un travail similaire doit être mené pour l’estimation de la population de lynx ;

– Recommandation n° 5 : collecter à l’échelle de l’Union européenne des données sur les systèmes pastoraux, la pression de la prédation, les moyens de protection mis en œuvre ainsi que leur coût, afin de pouvoir mener des analyses comparatives solides, des évaluations des dispositifs nationaux et des effets de la prédation sur les pastoralismes ;

Axe 2 : améliorer les dispositifs de protection, systématiser leur évaluation et renforcer leur efficacité

– Recommandation n° 6 : dans les zones particulièrement sujettes à la prédation de l’ours, créer des « cercles zéro » comme il en existe dans les zones particulièrement sujettes à la prédation par le loup, dans lesquelles le montant des aides à la protection est renforcé ;

 Recommandation n° 7 : renforcer sensiblement l’information du Parlement et des citoyens quant aux dépenses engendrées par la mise en œuvre de moyens de protection, et plus largement quant aux dépenses découlant de la protection des grands prédateurs terrestres. L’identification de ces dépenses au sein des projets annuels de performance (PAP) et des rapports annuels de performance (RAP) doit notamment être enrichie ;

 Recommandation n° 8 : financer les mesures de protection, et plus globalement toutes les dépenses relatives aux effets de la prédation sur les troupeaux, par le budget du ministère de la transition écologique ;

– Recommandation n° 9 : instaurer et financer un « plan cabanes » et « pistes », dont l’objet serait de systématiser sur tout le territoire le recensement cabanes de bergers, d’évaluer leur état, et de dresser un bilan des besoins en rénovation et en construction. Ces travaux seraient par la suite financés par des moyens budgétaires identifiés et adaptés aux besoins, à 100 % via le budget de l’État ;

– Recommandation n° 10 : mettre en œuvre des évolutions concrètes des conditions de travail des bergers, par une modernisation de leurs contrats de travail, par le déploiement de « brigades » de bergers de remplacement, et le développement de formations, accessibles y compris aux bergers embauchés par des contrats saisonniers ;

 Recommandation n° 11 : élargir le financement des mesures de protection aux éleveurs bovins et équins ;

– Recommandation n° 12 : encourager et favoriser la diversification des mesures de protection en fonction des caractéristiques propres de chaque territoire ;

– Recommandation n° 13 : instaurer un système d’acomptes pour le versement des aides à la mise en œuvre des mesures de protection, simplifier les dispositifs de demande et accélérer les versements pour limiter les difficultés de trésorerie des éleveurs engendrées par ces dépenses imposées et non productives ;

– Recommandation n° 14 : créer un cadre juridique solide et complet concernant les chiens de protection et les accidents dans lesquels ils peuvent être impliqués. Dans ce cadre, étudier la possibilité d’une responsabilité partagée, notamment par l’État, en cas d’incident ;

– Recommandation n° 15 : modifier le fonctionnement des diagnostics de vulnérabilité en supprimant le plafond de dépenses qui leur est appliqué et intégrer les éleveurs et bergers dans leur réalisation, afin d’en faire un outil co-construit ;

 Recommandation n° 16 : renforcer et systématiser l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection, par la réalisation d’études et de la collecte d’information de terrain. Dans cette optique, la publication des premiers travaux des observatoires de l’efficacité des moyens de protection prévus dans les plans nationaux d’action et la feuille de route « ours et pastoralisme » doivent être réalisées dans les meilleurs délais ;

Axe 3 : réviser et élargir les dispositifs d’indemnisation

– Recommandation n° 17 : aboutir rapidement à des conclusions quant à la révision des critères d’indemnisation des pertes indirectes ;


– Recommandation n° 18 : à long terme, envisager la transformation de l’indemnisation en cas d’attaque de prédateurs en une indemnité compensatoire de présence de prédateurs (ICPP), sur le modèle de l’indemnité compensatoire handicaps naturels (ICHN) ;

– Recommandation n° 19 : généraliser la télé-déclaration là où la couverture numérique le permet, et développer l’usage des constats déclaratifs sur la base du volontariat ;

– Recommandation n° 20 : dans les Pyrénées, décentraliser le paiement des indemnisations de l’ASP vers les services déconcentrés de l’État ;

Axe 4 : Mieux protéger les troupeaux soumis à une forte pression de prédation en simplifiant les protocoles de tirs

– Recommandation n° 21 : recruter et former au niveau local davantage de lieutenants de louveterie, disposant d’une véritable proximité et connaissance des terrains d’intervention. En outre, financer non seulement leurs besoins en matériel et leurs déplacements, mais mettre également en place une indemnité « d’intervention » prise en charge par l’État ;

– Recommandation n° 22 : assouplir le plafond de quotas de prélèvements de prédateurs afin de défendre, de manière systématique et réactive, les troupeaux des attaques tout au long de l’année ;

– Recommandation n° 23 : mener des évaluations de l’efficacité des protocoles de tir, afin de déterminer les modalités les plus efficaces ;

– Recommandation n° 24 : mener une concertation au sein du groupe national « loup » quant à l’équipement des chasseurs participant aux protocoles de tirs et à leur place dans le dispositif ;

– Recommandation n° 25 : instaurer un permis de chasse spécifique aux éleveurs et bergers, restreint aux tirs de défense ;

– Recommandation n° 26 : installer une antenne de la brigade mobile d’intervention « grands prédateurs » en Ariège, à proximité des zones les plus soumises à la prédation par l’ours.


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   introduction

Dans ses mémoires intitulées Économies royales, le duc de Sully, rapportant ses propres paroles au roi Henri IV, considère que « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Il souligne par cette formule la place centrale des activités pastorales dans l’agriculture française, qui ne saurait s’en passer sans pertes patrimoniales ni dommages économiques conséquents.

Historiquement présent sur l’ensemble du territoire métropolitain et aujourd’hui principalement exercés dans les massifs (Alpes, Pyrénées, Massif central, Vosges et Jura), « le pastoralisme regroupe l’ensemble des activités d’élevage valorisant par un pâturage extensif et saisonnier les ressources fourragères spontanées des espaces naturels, pour assurer tout ou une partie de l’alimentation des animaux » ([1]). La présence des hommes et des animaux sur les espaces pastoraux constitue la richesse première d’une pratique ancestrale fondée sur l’intrication des pratiques humaines et des écosystèmes.

Le pastoralisme est un secteur économique majeur de l’agriculture française. Aujourd’hui, et malgré la complexité de la quantification de la contribution de l’activité pastorale à l’économie nationale, l’activité pastorale représente, selon le réseau des chambres d’agriculture, un potentiel économique de 8,5 milliards d’euros et plus 250 000 emplois. La surface occupée par le pastoralisme s’étend sur environ 5,4 millions d’hectares, dont 2,2 millions d’hectares d’estives, d’alpages et de parcours de montagne. Les élevages pastoraux sont au nombre de 60 000, soit environ 35 % des élevages français.

Le pastoralisme joue par ailleurs un rôle essentiel dans la structuration des territoires ruraux. Modalité d’agriculture extensive, le pastoralisme œuvre à la préservation des espaces naturels de montagne et permet de maintenir une économie et une présence humaine dans des espaces enclavés. Les pratiques pastorales concourent ainsi à faire de la montagne un lieu accessible, riche de ses activités et de sa biodiversité.

Les espaces pastoraux sont également des espaces partagés, soumis à des contraintes économiques et à des enjeux sociaux, culturels, et environnementaux. Les acteurs du pastoralisme se heurtent à plusieurs freins, parmi lesquels la perte d’attractivité des métiers d’éleveur et de berger, suscitée par la pénibilité et de la charge de travail importante.

Plus encore, le pastoralisme est confronté depuis plusieurs années à l’accroissement d’une prédation polymorphe : à la faveur de leur réapparition ou réintroduction sur le territoire national et de leur protection à l’échelle internationale et européenne, le développement rapide des loups, des ours et, dans une moindre mesure, des lynx, cause des dommages majeurs aux éleveurs, qui doivent dès lors adapter leurs pratiques.

Le loup est réapparu sur le territoire en 1992 en provenance de l’Italie ([2]). La population de l’espèce a ensuite cru, jusqu’à représenter, selon l’estimation officielle de l’Office français de la biodiversité (OFB), 624 spécimens en 2021, avec un intervalle de confiance (ou marge d’erreur) compris entre 414 et 834 individus. Ce chiffre est toutefois contesté par les éleveurs, chasseurs et lieutenants de louveterie, qui l’estiment largement sous-évalué. Ils considèrent qu’une évaluation contradictoire du nombre de spécimens devrait être lancée sous l’autorité du préfet coordonnateur du plan national d’action « loup ». Au nombre de 6 ou 7 lors de leur réintroduction en 1996, les ours sont aujourd’hui plus d’une soixantaine dans les Pyrénées. De même, réintroduits dans les Vosges dans les années 1980 et 1990, entre 100 et 150 lynx sont présents sur le territoire national, principalement dans l’arc jurassien. Par conséquent, en l’espace d’une décennie, la pression de prédation a été décuplée et s’exerce principalement sur les cheptels d’ovins (88 % des victimes) dans les massifs alpins et pyrénéens.

L’extension non maîtrisée des prédateurs et la difficulté à en limiter les dégâts collatéraux fragilisent l’équilibre entre les activités humaines et la protection dont ces espèces font l’objet. Face au malaise grandissant et aux difficultés prononcées des acteurs économiques du pastoralisme, les pouvoirs publics européens et nationaux ont instauré plusieurs mesures dont l’objectif commun est de limiter les conséquences négatives de la prédation sur le pastoralisme. La protection des troupeaux, le financement d’études visant à connaître davantage les grands prédateurs, ou encore les mesures d’indemnisations sont autant de palliatifs aux dommages que représente la prédation pour le monde pastoral.

La prédation et ses conséquences sur les activités pastorales ont fréquemment suscité l’intérêt des parlementaires, qui y consacrent bon nombre de leurs travaux. Peuvent à cet égard être cités le rapport paru en 2003 de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale présidée par M. Christian Estrosi et dont le rapporteur était M. Daniel Spagnou, sur les conditions de la présence du loup en France et l’exercice du pastoralisme dans les zones de montagne, ou plus récemment le rapport d’information de 2018 du sénateur M. Cyril Pellevat, intitulé « Politique du loup : défendre un pastoralisme au service de la biodiversité ».

Le présent rapport d’information est l’aboutissement des travaux de la mission d’information relative aux conséquences financières et budgétaires de la présence des grands prédateurs sur le territoire national, dont la création a été décidée par le bureau de la commission des finances de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2020. La mission d’information s’est donné plusieurs objectifs : d’une part, la rapporteure a souhaité fournir une estimation en coûts complets pour la puissance publique de la politique d’encadrement des effets de la prédation. Ces dépenses publiques représentent en 2020, environ 56,02 millions d’euros, et suivent une croissance dynamique depuis plusieurs années. En y ajoutant les dépenses réalisées par les éleveurs au titre de la mise en œuvre des mesures de protection et par d’autres parties prenantes comme les chasseurs, l’effort national atteint au minimum 66,08 millions d’euros. D’autre part, la rapporteure a souhaité proposer une évaluation de l’efficacité de cette politique publique, afin de mettre en regard l’évolution des moyens qui lui sont consacrés et son efficacité : cette politique parvient-elle à faire baisser drastiquement, voire à ramener à zéro, le nombre d’attaques des prédateurs sur les troupeaux ([3]) ?

Par une analyse des dispositifs existants, de leur coût et de leur efficacité, ainsi que par la formulation de recommandations, le présent rapport a pour ambition d’évaluer et d’améliorer les dépenses publiques liées à la présence des grands prédateurs sur le territoire national.

Au-delà de la question de l’efficacité de la dépense publique, les modalités de la potentielle « cohabitation » entre grands prédateurs et pastoralisme appellent plus largement à se questionner sur la place des activités humaines au sein des espaces de montagne. Une montagne fermée à une présence humaine respectueuse et mesurée serait un renoncement majeur à la manière de vivre des usagers et des habitants de la montagne, qui en sont aussi ses premiers protecteurs.

Dès lors, la question de la prédation doit être conçue comme un problème pouvant être résolu par le contrôle et l’encadrement des espèces vivantes prédatrices, et non par une fermeture des accès aux espaces naturels, qui seraient dès lors dépourvus de présence et d’activités humaines. Cette tendance à la désertification des espaces pastoraux pourrait s’installer de fait, pas à pas, si l’on ne réforme pas le statut des espèces prédactrices. La pression et le stress constants subis pas les éleveurs, leur famille et leurs bergers, les traumatismes liés à la vue de leur troupeau attaqués, de brebis et d’agneaux agonisants, ne seraient tolérés dans aucune autre profession. À ce désarroi s’ajoute le sentiment des éleveurs de ne pas être protégés par l’État. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives d’installation des jeunes éleveurs et de renouvellement des générations dans le pastoralisme ? Ce dernier risque aujourd’hui et à très moyen terme un risque majeur de disparition, dans ce contexte de crise et de tension permanente qui dure.

L’équilibre entre la protection des espèces protégées et le maintien des activités pastorales et, plus largement, humaines, impose de dépasser une vision manichéenne et totémique de la relation entre l’homme et de la nature, et de mener à ce sujet une politique publique cohérente, efficace et transparente, libérée d’un sentiment de culpabilité contre-productif, mais fondée sur un principe de responsabilité.


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   première partie : La protection de l’espÈce en droit international, communautaire et national rÉsulte d’une Époque où le loup et l’ours Étaient menacÉs

La vulnérabilité des espèces de grands prédateurs a conduit à leur protection par un cadre juridique communautaire et international strict, traduit dans le droit national par des normes législatives et réglementaires, ainsi que par les plans nationaux d’action propres à chaque espèce.

À la faveur de cette stricte protection, les grands prédateurs retrouvent peu à peu un état de conservation satisfaisant, se déployant de plus en plus sur l’ensemble du territoire hexagonal, entraînant des dommages importants et croissants sur les activités pastorales.

I.   les normes juridiques protÉgeant des grands prÉdateurs

L’ours, le lynx et le loup sont aujourd’hui les trois grands prédateurs présents sur le sol national. L’évolution historique de ces trois espèces diffère toutefois grandement :

– le loup a disparu du territoire national dans les années 1930, en raison de campagnes de chasse massives et de la réduction de son habitat engendrée par la déforestation. Le loup a par la suite été absent pendant de très nombreuses années, avant de réapparaître dans le parc national du Mercantour en 1992 ;

– si l’ours a toujours été présent sur le territoire, il a failli disparaître : alors que les Pyrénées accueillaient environ 150 ours au début du XXe siècle, seulement cinq individus, localisés dans les Pyrénées occidentales, étaient recensés en 1995. Un programme de revitalisation a été mené en 1996 et 1997 dans les Pyrénées, par l’introduction d’ours slovènes. D’autres opérations ont été menées en 2006 et 2018. En 2016, l’Espagne a également mené son propre programme de revitalisation ;

– le lynx a progressivement disparu du territoire entre le XVIIe siècle et le début du XXe siècle, en raison de la raréfaction de son habitat, de ses ressources alimentaires, et victime de la chasse pour sa fourrure. Il a été réintroduit dans les années 1980 et 1990 en Suisse et dans les Vosges, permettant son retour progressif dans les massifs des Vosges et du Jura.

La faiblesse numérique de la population de ces trois espèces a donné lieu à la construction d’un système de protection fondé sur plusieurs normes juridiques.


A.   Le droit international

La convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’État, dont l’objet est « d’assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels » ([4]), classifie les espèces de faune selon le degré de protection : elles peuvent être strictement protégées, et figurent à ce titre au sein de l’annexe II, ou protégées, et figurent dès lors dans l’annexe III. Le canis lupus (loup), ainsi que toutes les espèces d’ursidae (ours) figurent au sein de l’annexe II. Le lynx lynx (lynx commun) figure au sein de l’annexe III.

La convention édicte ensuite les obligations des États signataires. Son article 6 détermine ainsi que les parties contractantes prennent « les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour assurer la conservation particulière des espèces de faune sauvage énumérées dans l’annexe II » ([5]). Dès lors, il est interdit de pratiquer sur ces espèces :

– la capture intentionnelle, la détention ou la mise à mort intentionnelle ;

– la détérioration ou la destruction intentionnelle des sites de reproduction ou des aires de repos ;

– la perturbation intentionnelle de la faune sauvage ;

– la destruction ou le ramassage intentionnel des œufs dans la nature ou leur détention même vides ;

– la détention et le commerce de ces animaux, vivants ou morts, et de tout ou partie de tout produit facilement identifiables et obtenu à partir de l’animal.

Toutefois, la convention de Berne prévoit en son article 9 des dérogations, applicables à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la survie de l’espèce concernée. Plusieurs objectifs peuvent justifier la mise en œuvre de ces mesures de dérogation :

– l’intérêt de la protection de la flore et de la faune ;

– la prévention des dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et aux autres formes de propriété ;

– l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, de la sécurité aérienne, ou d’autres intérêts publics prioritaires ;

– la recherche et l’éducation, le repeuplement, la réintroduction ainsi que l’élevage ;

– permettre, dans des conditions strictement contrôlées, sur une base sélective et dans une certaine mesure, la prise, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains animaux et plantes sauvages en petites quantités.

La convention de Berne a été ratifiée par la France en 1989 ([6]). Le Conseil d’État a toutefois précisé que la convention ne créait d’effets qu’entre les parties et pas en droit interne ([7]), imposant sa traduction en droit européen puis à l’échelle nationale.

B.   Le droit communautaire

Le droit européen consacre également l’obligation de protection des espèces de prédateurs, par le biais de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive « Habitats », dont l’objet est de « contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique » ([8]).

La directive définit l’état de conservation favorable d’une espèce comme l’état dans lequel les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme de constituer un élément viable des habitats naturels auxquelles elle appartient ; que l’ère naturelle de l’espèce ne diminue ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible ; et qu’il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme.

La directive définit également la notion d’espèce d’intérêt communautaire, qui peut être :

– en danger et jugée dès lors comme espèce prioritaire « pour la conservation desquelles la Communauté porte une responsabilité particulière » ;

– vulnérable (c’est-à-dire dont le passage dans la catégorie des espèces en danger est jugé probable dans un avenir proche ou en cas de persistances des facteurs en cause de la menace) ;

– rares (c’est-à-dire dont les populations sont de petite taille et qui, bien qu’elles ne soient pas actuellement en danger ou vulnérables, risquent de le devenir) ;

– ou endémiques mais requérant une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat et/ou des incidences potentielles de leur exploitation sur leur état de conservation.

L’annexe IV de la directive recense les espèces présentant un intérêt communautaire et nécessitant une protection stricte : parmi ces espèces prioritaires figurent le loup ([9]) et l’ours ([10]) et le lynx.

La directive interdit, comme la convention de Berne, la détention, la capture, la mise à mort intentionnelle, ou encore le commerce de spécimens prélevés dans la nature des espèces protégées. En outre, elle crée une interdiction de détérioration ou de destruction des sites de reproduction et des aides de repos de l’espèce.

Suivant une logique similaire à celle de la convention de Berne, l’article 16 de la directive « Habitats » permet la mise en œuvre de mesures dérogatoires, qui ne peuvent intervenir qu’à la condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, qu’il existe un réel intérêt d’agir et que ces mesures ne nuisent pas au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable. Ainsi, des mesures dérogatoires peuvent par exemple être accordées pour prévenir des dommages importants aux élevages, sans toutefois qu’il ne puisse s’agir de mesures générales de destruction de l’espèce.

En application de cet article, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que « les dérogations sont possibles à titre exceptionnel même lorsque la situation de la population de loups n’est pas dans un état favorable, dès lors qu’elles n’aggravent pas cette situation ou n’empêchent pas son rétablissement dans un état de conservation favorable » ([11]).

Les demandes de déclassement du loup de l’annexe II
de la Convention de Berne et de l’annexe IV de la directive « Habitats » :
une demande partagée mais qui reste en suspens

Par le passé, plusieurs États membres ont émis le souhait de voir le loup changer de statut, et passer ainsi de l’annexe II à l’annexe III de la Convention de Berne, moins contraignante. La Suisse a notamment présenté plusieurs demandes en ce sens : en 2004, la confédération helvétique a sollicité le comité permanent de la convention de Berne, dont la décision a été ajournée en attente d’un rapport supplémentaire de la part du Conseil de l’Europe. Le 27 novembre 2006, le comité permanent a rejeté la demande de la Suisse, considérant que les dérogations autorisées par l’article 9 de la convention de Berne apportaient une réponse suffisante aux problèmes liés au loup en Europe.

Plusieurs demandes de déclassement du loup de l’annexe II de la convention de Berne et de l’annexe IV de la directive « Habitats » ont ensuite été formulées par des députés européens, dont Mmes Angélique Delahaye et Anne Sander et M. Michel Dantin en 2014, par le biais d’une question avec demande de réponse écrite. Aucune de ces initiatives n’a toutefois prospéré, la Commission européenne considérant que le concept d’état de conservation favorable ne se limitait pas à la prévention de l’extinction d’une espèce en termes purement numériques, mais incluait également des facteurs génétiques et écologiques, l’aire de répartition de l’espèce, son habitat, ainsi que ses perspectives futures ([12]).

La rapporteure souligne que les réponses de l’Union européenne ne sont pas satisfaisantes, car elles n’apportent aucune donnée chiffrée et objective, concernant notamment le nombre de spécimens présents à l’échelle européenne. Lors des auditions des fonctionnaires de la Commission euroépenne, la rappoteure les a interrogé sur le bilan européen de cette politique de protection imposée à l’échelle européenne en leur posant entre autres les questions suivantes : combien de spécimens sont-ils présents ? Quel budget consolidé de cette politique ? Lors de l’atteinte de quel seuil et selon quelles conditions une réévaluation de place des espèces dans la directive « Habitats » sera-t-elle possible ? Il est en effet essentiel de mener une évaluation à l’échelle européenne, et non pas seulement État par État, du nombre de loups présents en Europe et de l’état de conservation de l’espèce. La rapporteure déplore le manque de réponses et d’informations consolidées disponibles ainsi que l’absence d’un seuil de viabilité défini à l’échelle européenne, alors même que la protection de l’espèce repose sur des bases juridiques européennes uniformisées.

La Commission ne souhaite vraisemblament pas se donner les moyens d’estimer le nombre de spécimens présents à l’échelle européenne, ni même de consolider les chiffres de ses États membres, comme si, politiquement, elle refusait le principe même d’une réévalution, sans être capable d’en donner les raisons objectives. Or, dès lors qu’une espèce sauvage n’est pas menacée, elle fait l’objet de régulation, pour permettre la cohabitation entre les espèces et les activités humaines. Pour quelle raison la Commission refuse-t-elle de donner un seuil de viabilité et une cartographie de présence qui amènerait à interroger le statut de protection de l’espèce, non pas comme une fin en soi, mais tout simplement pour maintenir un équilibre aujourd’hui rompu entre activité pastorales et grands prédateurs ?


Recommandation n° 1 : établir un seuil de viabilité des espèces à l’échelle européenne et non nationale ;

Recommandation n° 2 : demander à l’Union européenne une possible réévaluation du classement du statut des espèces strictement protégées dans la directive « Habitats » et dans la Convention de Berne en fonction de la réalité de leur état de viabilité biologique au niveau européen.

C.   une tentative de "conciliation" de la prÉsence des grands prÉdateurs et du pastoralisme : les plans nationaux d’action

En droit national, les dispositions relatives à la protection des espèces ont été transposées au sein du code de l’environnement, dont l’article L. 411-1 détermine les pratiques interdites concernant des espèces animales présentant un intérêt scientifique ou un rôle essentiel dans l’écosystème.

Les grands prédateurs figurent également parmi les espèces reconnues comme menacées à l’échelle nationale. Le lynx, l’ours et le loup sont en effet cités parmi les espèces protégées de l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés ([13]).

En outre, l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN), pris comme référence dans le code de l’environnement pour la détermination des espèces en danger, fait figurer sur la liste rouge des espèces menacées en France l’ours brun, avec un statut de danger critique, le lynx avec un statut en danger, le loup avec un statut vulnérable ([14]).

Afin de matérialiser ces engagements juridiques, l’article L. 411-3 du code de l’environnement crée les plans nationaux d’actions (PNA), dont l’objet est d’assurer la conservation ou le rétablissement dans un état de conservation favorable d’espèces de faune et de flore sauvage menacées.

L’article L. 411-3 du code de l’environnement :
la base légale des plans nationaux d’action

« Des plans nationaux d’action opérationnels pour la conservation ou le rétablissement des espèces visées aux articles L. 411-1 et L. 411-2 ainsi que des espèces d’insectes pollinisateurs sont élaborés, par espèce ou par groupe d’espèces, et mis en œuvre sur la base des données des instituts scientifiques compétents et des organisations de protection de l’environnement lorsque la situation biologique de ces espèces le justifie. Pour les espèces endémiques identifiées comme étant "en danger critique" ou "en danger" dans la liste rouge nationale des espèces menacées, établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature, ces plans sont élaborés avant le 1er janvier 2020.

Ces plans tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des impératifs de la défense nationale.

Les informations relatives aux actions prévues par les plans sont diffusées aux publics intéressés ; les informations prescrites leur sont également accessibles pendant toute la durée des plans, dans les secteurs géographiques pertinents.

Un décret précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. »

La définition des PNA figurant dans le code de l’environnement souligne que la prise en compte des « exigences économiques, sociales et culturelles » est impérative dans la rédaction et la mise en œuvre des PNA. Pour cette raison, le lien entre les activités d’élevage et la protection des espèces menacées est présent dans chacun des PNA relatifs aux grands prédateurs.

1.   La protection du loup

En application de l’article L. 411-3 du code de l’environnement, un premier PNA sur le loup fut initié en 2004 pour la période 2004-2008, à la suite notamment de la parution en 2003 du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la présence du loup et le pastoralisme en montagne ([15]). Le PNA « loup » fixe le seuil de viabilité de l’espèce à 500 individus, seuil toujours d’actualité. Ainsi, une fois que ce seuil est atteint, l’espèce est considérée comme viable.

Ce premier PNA se donnait trois objectifs principaux : garantir un état de conservation favorable du loup selon les critères de la directive « Habitats », réduire les dommages aux troupeaux notamment par la mise en place de mesures de protection et le développement de pratiques pastorales moins vulnérables, et mettre en place des méthodes de gestion économes en moyens humains et financiers.

Ces objectifs illustrent les principes directeurs de la politique de contrôle et de prise en compte des effets de la prédation, qui s’est attachée dès ses premières années à concilier deux impératifs : d’une part, la préservation de l’espèce lupine, dans le respect des engagements communautaires de la France, et d’autre part le maintien d’une activité pastorale prospère.

Par la suite, plusieurs PNA ont conforté et poursuivi les mêmes objectifs :

– le PNA « loup » 2008-2012, sous-titré « dans le contexte français d’une activité importante et traditionnelle d’élevage », prenait acte de la croissance de la population lupine sur le territoire (entre 2004 et 2008, le nombre de zones de présence permanente de l’espèce est passé de 13 à 25 ([16])), mais également de l’efficacité de mesures de protection mises en œuvre. Les trois objectifs définis dans le cadre du PNA précédent ont été réaffirmés ;

– par la suite, le PNA 2013-2017 a également dressé le constat d’une hausse des attaques depuis 2008, « essentiellement corrélée à la colonisation spatiale du loup » ([17]). En effet, alors que 736 attaques avaient fait l’objet d’une indemnisation en 2008, elles étaient 1 414 en 2011. Parallèlement, alors que 310 unités pastorales étaient concernées par au moins un cas de prédation en 2008, ce nombre atteint 450 en 2011. Ce PNA soulignait déjà la très forte corrélation qui lie l’évolution du nombre d’attaques et l’évolution du nombre de secteurs concernés par la présence du loup : l’extension sur le territoire de la population lupine entraîne une hausse des dommages infligés aux éleveurs. La multiplication numérique du nombre de loups augmente également la pression de la prédation sur les troupeaux.

Ce PNA a défini plusieurs grands axes de travail proches de ceux des précédents PNA, formulés toutefois de manière plus explicite : le suivi biologique de la population de loups, la protection des troupeaux contre la prédation, l’indemnisation des dommages, les interventions sur les spécimens de loups, le développement de la communication et de l’information au sujet de la prédation, la coopération transfrontalière et les échanges internationaux. Enfin, le PNA 2013-2017 insiste particulièrement sur la nécessité de croiser les expertises pour améliorer l’état des connaissances et l’efficacité des actions menées ;

– enfin, le PNA 2018-2023, actuellement en vigueur, est venu mettre à jour et compléter les axes de travail susmentionnés. Ce dernier PNA s’inscrit dans un contexte d’extension continue de la présence du loup. De 31 zones de présence permanentes (ZPP) en 2013, le PNA fait état de 63 ZPP à la fin de l’été 2017. Ce chiffre a depuis encore crû : il est de 125 ZPP en 2021.

Le PNA en vigueur repose sur huit axes de travail :

– la protection des troupeaux, principalement par la poursuite du déploiement des mesures de protection. L’amélioration de l’efficacité de ces mesures est également visée par la mise en place d’un dispositif d’accompagnement technique des éleveurs, la mise en place d’un réseau technique « chiens de protection », et le déploiement d’expérimentations de dispositifs innovants de protection et d’effarouchement. Cet axe de travail comprend également des actions visant à renforcer l’attractivité du métier de berger et l’expérimentation d’un dispositif mobile d’interventions pour appuyer les éleveurs dans les foyers de prédation ;

– le soutien au pastoralisme par des actions permettant de favoriser l’emploi agricole et l’installation (soutenir la conduite des troupeaux et former les éleveurs, financer des cabanes pastorales…), d’accroître la richesse par la production et la transformation de produits agricoles de qualité, de favoriser la croissance par la recherche et l’innovation, et enfin de favoriser les démarches collectives ;

– le renforcement du pilotage départemental du PNA « loup » en lien avec le préfet coordonnateur ;

– l’indemnisation des dommages, par la mise en place de nouvelles modalités de calcul et le déploiement de la procédure déclarative des constats ;

– le suivi biologique du loup, notamment par le suivi de l’hybridation et le développement du réseau des correspondants chargés de la collecte des indices de présence ;

– les interventions sur la population de loups, par l’instauration des modalités cadres de l’intervention, la pérennité de la brigade nationale loup, l’intégration des lieutenants de louveterie dans le dispositif ainsi que le maintien d’un haut niveau d’implication des chasseurs. Enfin, la formation des éleveurs souhaitant passer le permis de chasse pour la défense des troupeaux est identifiée comme un objectif ;

– le développement de la communication, de l’information et de la formation ;

– et la mise en œuvre d’études et d’analyses prospectives, notamment sur le pastoralisme dans le contexte de présence du loup, et la réalisation d’une cartographie de la vulnérabilité des territoires. Enfin, une évaluation de l’effet sur la prédation des autorisations de tirs accordés par les préfets ainsi qu’une réévaluation des pertes indirectes subies par les troupeaux sont prévues.

Il n’existerait pas de coût estimé total du PNA « loup » 2018-2023, d’après les informations reçues par la rapporteure. Elle n’a pu disposer que d’une estimation des coûts pour l’année 2019, au cours de laquelle les actions du PNA représentent un coût estimatif de 31,47 millions d’euros, dont 26,82 millions d’euros d’aide à la protection et 4,2 millions d’indemnisation (cf. infra). Le détail des dépenses réalisées au titre du PNA figure dans le présent rapport.

La rapporteure recommande que soit fournie une estimation du coût pluriannuel du PNA « loup » : il s’agit là d’une nécessité pour mener une réelle évaluation de l’efficacité du plan.


2.   La protection de l’ours

Le PNA « ours brun » couvre une période plus longue, de 2018 à 2028.  
De la même manière que pour le PNA « loup », le PNA « ours brun » fixe plusieurs  objectifs :

– la conservation de l’espèce est le premier d’entre eux : le plan fixe un seuil de viabilité de l’espèce, qui doit compter environ 50 individus matures, c’est-à-dire en capacité de se reproduire, sur l’ensemble du massif. En outre, cette population doit être caractérisée par des échanges entre les différents noyaux afin de préserver un patrimoine génétique qualitatif ;

– l’amélioration de la cohabitation avec les activités humaines, permise par un partage des espaces et des usages de la montagne. La chasse, la gestion forestière, et les activités pastorales sont notamment visées ;

– le renforcement de la dimension patrimoniale de l’ours dans les Pyrénées par des actions des communications sur la population d’ours et le risque pour l’homme.

En effet, à la différence du PNA « loup », le PNA « ours brun » souligne explicitement que la présence de l’ours représente un risque pour l’homme, et notamment pour les randonneurs et les chasseurs. Le PNA identifie plusieurs situations de risques, dont la rencontre avec une ourse suitée ([18]), le fait de passer à proximité d’une tanière, ou la situation d’attaque. Un tel risque s’est tristement concrétisé le 20 novembre 2021 en Ariège : un chasseur a été blessé par une ourse accompagnée de ses deux oursons. Il a dû pour se défendre tirer sur l’ourse, la tuant. Une enquête judiciaire est en cours et permettra d’élucider les circonstances de cet évènement. Lors de ses auditons, la rapporteure a recueilli d’autres témoignages, inquiétants pour la sécurité des personnes, de présence sur un même massif d’ours, d’éleveurs et de randonneurs, notamment en famille.

Le coût estimé du PNA représente 3,38 millions d’euros par an sur toute la durée du plan. Le détail de ces dépenses est présenté dans ce rapport.

moyens mis en œuvre sur une base annuelle
pour chaque grand domaine d’actions du pna « ours brun »

Source : plan d’action « ours brun » 2018-2028.

Outre le PNA et les mesures de protection des troupeaux qu’il contient, le massif des Pyrénées dispose d’une feuille de route « ours et pastoralisme », qui fixe les principales mesures devant être mises pour accompagner les bergers, « dans l’objectif de réduire la prédation des ours sur les troupeaux et les pertes qu’ils subissent en estives quelles qu’en soient les causes » ([19]).

Ce document, dont la première version a été créée à la suite d’un rapport du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER) ([20]), vise la modification des pratiques pastorales pour y intégrer l’existence de la prédation par l’ours.

Ce document indique tout d’abord que l’État s’engage à ne pas procéder à de nouvelles introductions, sauf en cas de mortalité notamment liée à une cause anthropique. Il fixe ensuite plusieurs objectifs :

– améliorer la connaissance et la communication concernant la présence des ours, par la mobilisation et l’élargissement du réseau « ours brun », la modernisation des moyens de communication des informations afin d’améliorer l’efficacité des alertes et une actualisation des travaux sur la dynamique de population. Cet axe de travail vise également l’amélioration de la couverture numérique du massif, fondamentale pour mettre fin à l’isolement des éleveurs et bergers et fluidifier les alertes et constats (cf. infra) ;

– expérimenter des actions destinées à éloigner les ours des estives, tout d’abord par des mesures d’effarouchement. Le protocole lié à l’effarouchement prévoit la possibilité, pour l’éleveur lui-même, de procéder à un effarouchement simple à l’aide de moyens sonores, lumineux et olfactifs. L’effarouchement renforcé, reposant sur des tirs non létaux, est réservé à des personnes habilitées et doit être réalisé en présence d’un agent de l’office français de la biodiversité (OFB) ou d’un autre service de l’État. Des actions d’accompagnement par l’OFB et de fixation des ours dans les zones forestières sont prévues. En outre, un protocole spécifique aux foyers de prédation doit être créé afin de renforcer les moyens de protection, l’équipement de l’estive, et les actions d’éloignement ;

Le protocole « ours à problème »

La feuille de route « ours et pastoralisme » prévoit que le préfet coordonnateur doit dresser un bilan de l’utilisation du protocole « ours à problème ». Ce protocole, élaboré en 1992 et actualisé à plusieurs reprises, vise à mettre en place des mesures graduelles pouvant aller jusqu’à la capture ou la destruction d’un ours dont le comportement atypique vis-à-vis de l’homme le rend dangereux.

En 2019, le protocole « ours à problème » a été mis en œuvre pour un même ours à deux reprises, en 2019 et en 2021.

Les éleveurs, et notamment plusieurs professionnels rencontrés par la rapporteure, déplorent la complexité de mise en œuvre de ce protocole et son inefficacité. En outre, il se focalise sur les événements extrêmes nécessitant une intervention immédiate, et échoue par conséquent à repérer les ours les plus prédateurs sur le long terme, et donc les plus dangereux pour les élevages. La rapporteure recommande donc que le protocole « ours à problème » soit complété et élargi pour viser les ours ayant un comportement excessivement prédateur.

Recommandation n° 3 : réviser le protocole « ours à problème » pour l’élargir aux ours durablement et particulièrement prédateurs.

– mettre en place les moyens d’un renforcement des mesures de protection des troupeaux, en premier lieu par le financement du gardiennage par des bergers d’appui et la réalisation de cabanes pastorales et abris. La feuille de route mentionne également la mise en œuvre de diagnostics pastoraux et d’analyses de vulnérabilité, la meilleure prise en compte de la situation des bergers et des éleveurs par des journées de sensibilisation, et enfin la mise en place d’un observatoire sur l’efficacité des mesures de protection ;

– améliorer le dispositif d’indemnisation en tenant compte de la situation pyrénéenne, par le biais d’une revalorisation des barèmes, entraînant la suppression de la prime de dérangement, versée par le passé au berger après une attaque d’ours, par la possibilité de classer des zones non protégeables, et par la mise en place de constats déclaratifs ;

– renforcer la gouvernance « pastoralisme et ours » à l’échelle des Pyrénées et des départements, sous l’égide du préfet coordonnateur et la responsabilisation des préfets de départements qui pourront réunir les acteurs des territoires afin de décliner la gouvernance à l’échelle locale.

Toutefois, ces objectifs séduisants sur le papier, sont très loin d’avoir réussi à protéger les troupeaux, à faire baisser la prédation et à renforcer la confiance des éleveurs vis-à-vis de l’État. La concentration d’un grand nombre d’ours sur un seul périmètre restreint en Ariège (le Couserans) rend la situation explosive et a engendré une forte défiance des agriculteurs à l’égard de l’État et de sa politique

La réintroduction par l’Etat, par héliportage, le 20 septembre 2018, de deux ours slovènes dans les Pyrénées-Atlantiques : une pratique unilatérale
et sans concertation, contreproductive, désormais rejetée
par une majorité d’élus locaux et d’agriculteurs

Alors que la situation était déjà extrêmement tendue dans le massif pyrénéen concernant la multiplication du nombre d’ours, et que les mesures visant à protéger le pastoralisme face à la prédation n’étaient ni encore pleinement arrêtées, ni totalement déployées, le Gouvernement a souhaité procéder, sans réelle concertation avec les acteurs du territoire, à la réintroduction de deux ours slovènes dans le massif des Pyrénées.

L’oppositon massive à cette réintroduction a amené le Gouvernement, non pas à réévaluer son choix et sa méthode de dialogue, mais à « passer en force », en utilisant l’héliportage pour réintroduire ces deux individus. Évidemment, cette réintroduction a légitimement été vécu par les agriculteurs et par de nombreux élus comme une provocation et a exacerbé les tensions entre éleveurs, chasseurs, élus et État. Il est à noter que la présence de 40 à 50 ours sur le secteur restreint du Couserans, en Ariège, rend la situation particulièrement intenable sur ce territoire spécifique. Face à ce divorce qui s’accentue entre l’Etat, son PNA « ours brun » et les acteurs du territoire ariégeois, la présidente du Conseil départemental, soutenue par la Chambre d’agriculture et d’autres acteurs locaux dont la Fédération pastorale, a créé le « Parlement avenir montagne ». L’objectif est que cet instance devienne une interlocutrice privilégiée sur le questions intéressant le massif, et notamment celle de la présence de l’ours.

Il est en effet urgent d’agir pour ce territoire : les Pyrénées se trouvent désormais potentiellement dans une double situation de prédation, à la fois par le loup et par l’ours.

3.   La protection du lynx

Un PNA en faveur du lynx boréal est entré en vigueur à compter du 1er janvier 2022, pour la période 2022-2026, après avoir été soumis au conseil national de la protection de la nature (CNPN) et à la consultation du public.

La diminution de la population du lynx depuis 2017 a incité à la mise en place en d’un PNA dédié, dont la coordination sera assurée par le préfet de région Bourgogne-Franche-Comté. L’objectif de ce plan est de rétablir l’état de conservation de l’espèce sur cinq ans. Pour ce faire, plusieurs objectifs sont fixés dans le projet de PNA :

– améliorer l’état des connaissances de la dynamique de l’espèce sur l’ensemble des massifs où elle est présente ;

– sur les massifs jurassiens et alpins, garantir le maintien ou le rétablissement d’une dynamique démographique favorable ;

– sur le massif des Vosges où le lynx est en danger critique d’extinction, enrayer la dynamique démographique négative en travaillant prioritairement sur l’amélioration de la perception de l’espèce par les acteurs locaux.

La coexistence avec les activités humaines est l’une trois thématiques de travail définies dans le projet de PNA, aux côtés de la connaissance et du suivi de l’espèce et de la communication et sensibilisation à son sujet.

Le coût prévisionnel du PNA « lynx » peut être estimé, au total pour les années 2022 à 2026, à 16,12 millions d’euros ([21]). Cette somme permet de financer certaines actions uniquement pour une ou deux années, et d’autres actions sur toute la durée du plan. Par conséquent, le coût annuel lissé sur la période du PNA « lynx » représente au minimum 3,22 millions d’euros, en sus des moyens humains mobilisés pour la mise en œuvre du plan.

II.   une croissance de la population des prÉdateurs entraînant de lourdes consÉquences pour le pastoralisme

Les différentes mesures de protection des prédateurs présentées ci-avant, ainsi que le reboisement des espaces et la réintroduction des ongulés sauvages ([22]), ont concouru à une augmentation significative de la population des loups, des ours, et des lynx.

Si la croissance de la population des prédateurs permet de satisfaire aux engagements internationaux de la France, elle entraîne toutefois de lourdes conséquences pour les activités agropastorales et interroge sur la survie même du pastoralisme.

A.   La croissance des populations de prÉdateurs

Après une période au cours de laquelle les trois grands prédateurs présents sur le territoire national ont menacé de disparaître, la croissance de leur population est désormais confirmée.

1.   Le loup

Le loup est réapparu en France en 1992, dans les Alpes et en provenance de l’Italie. La population lupine témoigne depuis plusieurs années d’une croissance dynamique, voire exponentielle. Selon les estimations officielles le nombre de de zones de présences permanentes a explosé entre 2015 et 2021, passant de 42 à 125, soit une progression de près de 200 %. Le nombre d’individus aurait lui progressé, toujurs selon les chiffres officielles, de 113 %, passant de 293 à 624 individus. Mais la progression la plus spectaculaire est relative au nombre de meutes constituées, qui souligne la forte dynamique biologique de l’espèce : de 30 meutes constitués en 2015, nous sommes passés à 106 entre 2021, soit une progression de 253 %.

Évolution de la population de loups en France entre 2014 et 2021

(en nombre de meutes et d’individus et en pourcentage)

 

Suivi hivernal 2014-2015

Suivi hivernal 2015-2016

Suivi hivernal 2016-2017

Suivi hivernal 2017-2018

Suivi hivernal 2018-2019

Suivi hivernal 2019-2020

Suivi hivernal 2020-2021

Évolution entre 2015 et 2021

Évolution entre 2020 et 2021

Zone de présence permanente (ZPP)

42

45

57

74

92

100

125

198 %

25 %

Dont constituées en meutes

30

34

42

54

70

81

106

253 %

31 %

Nombre d’individus

293

357

360

430

527

580

624

113 %

8 %

Intervalle

entre 215 et 372

entre 265 et 402

 

entre 387 et 477

entre 477 et 576

entre 528 et 633

entre 414 et 834

/

/

Source : commission des finances à partir des données communiquées par le ministère de la transition écologique et l’infoloup n° 37.

Le département de l’Isère est particulièrement représentatif de cette situation. Depuis le retour du loup dans ce département en 1998, une phase de stabilité a d’abord été observée jusqu’en 2013 : un petit nombre de meutes (5 en 2013) étaient présentes dans les Hauts-plateaux du Vercors notamment. Entre 40 et 50 attaques faisaient chaque année l’objet d’une indemnisation. Depuis 2014, une phase de croissance ininterrompue à ce stade a mené à l’indemnisation de 371 attaques en 2020 et à la présence de 19 meutes dans cette zone.

De manière générale, la population de loups ne se trouve plus dans une situation de danger particulier, mais témoigne au contraire d’une croissance importante.

En outre, la prédation s’est fortement diversifiée : alors qu’elle était majoritairement estivale et ne concernait initialement que des élevages ovins d’alpage, souvent transhumants, elle se produit désormais dès le début du printemps et se termine plus tard en début d’hiver. En outre, elle touche désormais des élevages de moyenne montagne, de vallées, ainsi que des élevages bovins (en 2019, 3,8 % des attaques ont visé des élevages bovins).

Toutefois, à la faveur de la relative et récente décélération de la croissance de la population, une légère décorrélération semble apparaître entre la croissance géographique, toujours très dynamique et traduite par la croissante forte du nombre de ZPP, et la croissance démographique, qui ralentit. La population progresse en effet de 8 % en 2021, contre 9 % l’année précédente. L’office français de la biodiversité (OFB) confirme à cet égard une dégradation de la dynamique de la population qui passerait d’une population en croissance à une population stable ([23]). Ceci étant, les estimations indiquent que le loup devrait être présent dans la quasi-totalité du territoire métropolitain en 2050.

Ce constat de bonne santé démographique de l’espèce lupine est confirmé par l’UICN, qui considère dans le cadre de l’évaluation des espèces au prisme du statut vert, dont le but est de mesurer les effets des actions de conservation des espèces, que le loup n’est pas considéré comme menacé mais est en train d’être rétabli écologiquement dans son habitat d’origine.

L’estimation même du nombre de loups présents sur le territoire national soulève des interrogations : la répartition du loup en France est estimée de manière statistique, par des relevés d’indices de présence. Un nombre d’individus est ensuite estimé, ainsi qu’un écart-type, et la compilation des indices de présence et des constats d’attaques permet d’établir une carte de détection de la présence du loup.

Cette méthode fait l’objet de vives contestations, tant de la part du monde agricole que des chasseurs, qui considèrent que le nombre d’indices relevés est trop faible pour donner une idée juste du nombre de loups présents en France. Cette insuffisance des indices relevés peut s’expliquer par la stagnation du nombre de correspondants du Réseau loup, chargés de relever ces indices de présence, ainsi que sur le faible nombre de correspondants actifs (environ un quart des correspondants le serait). Ces réserves sont partagées par certains chercheurs, comme l’indiquait en 2016 Laurent Garde, coordonnateur au centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (CERPAM), sur France Culture ([24]). En ce sens, comment s’assurer de la pertinence du PNA,  si les données de base censées mesurer le nombre de loups, et sur lesquelles tout le dispositif est basé, sont fragiles ?

Le réseau loup-lynx, un appui indispensable
de la politique de suivi des espèces de prédateurs

Le réseau loup-lynx regroupe des membres bénévoles qui participent au suivi et à la surveillance des loups et des lynx sur le territoire national, par l’obtention d’informations scientifiques quant à leur présence. Les membres du réseau loup-lynx sont donc formés à repérer les indices de présence.

Le réseau loup-lynx est piloté par l’office français de la biodiversité (OFB) et comprend environ 4 000 correspondants formés et présents sur 40 départements. Le réseau se caractérise par la diversité de ses membres : environ 55 % des correspondants sont des agents de l’État et des parcs naturels régionaux. Les particuliers représentent 16 % des membres, et les acteurs de la chasse environ 13 %. Les acteurs de la protection de la nature sont également impliqués.

Ces désaccords entre l’OFB et les acteurs de la montagne entraînent une crise de confiance préjudiciable à l’efficiene du PNA. Afin d’apaiser ces tensions et d’aboutir à une méthode de comptage plus précise, plus transparente et plus partagée, une concertation doit être menée au sein du Groupe national Loup (GNL), l’enceinte de concertation dédiée à la mise en œuvre du PNA « loup », dans le but de déterminer de nouvelles modalités d’estimation de la population de loups. Outre une révision de la manière dont sont pris en compte les indices de présence du loup et un renforcement des outils modernes de collecte d’indices (pièges photos, caméras thermiques, etc.), qui doivent être plus systématiquement valorisés et communiqués aux partenaires du GNL, une réflexion de long terme sur une refonte des modalités d’estimation pourrait être envisagée. L’utilisation du matériel génétique pourrait par exemple être systématisée. La rapporteure estime que l’État peut se donner les moyens de mesurer de manière plus précise le nombre d’individus par massif.

Recommandation n° 4 : revoir les modalités d’estimation de la population lupine, aujourd’hui controversées, par une meilleure valorisation des indices de présence et par un pilotage plus large, sous l’autorité du préfet. Dans ce cadre, développer le financement par l’État d’outils technologiques permettant de faciliter la collecte d’indices (pièges photos, etc.). Un travail similaire doit être mené pour l’estimation de la population de lynx.


2.   L’ours

La réapparition de l’ours sur le territoire national s’est réalisée dans des conditions très différentes : après son extinction, il a été réintroduit sur décision du Gouvernement français par plusieurs opérations de réintroduction qui se sont déroulées entre les années 1980 et 2018. Au total, quatorze individus ont été réintroduits, principalement dans les Pyrénées centrales et dans le Béarn.

Dans une moindre mesure, mais de manière significative également, la population d’ours présente sur le territoire national est en croissance importante. Sa concentration massive sur certains territoires restreint pose de graves difficultés aux élveurs et interroge plus globalement le partage des usages de la montagne, en raison des risques potentiels, mais bien réels, de sécurité que peut entraîner la présence d’ours, dans certaines conditions, pour les usagers de la montagne (éleveurs, randonneurs, chasseurs, etc.).

Évolution de la population ursine

(en nombre d’individus)

Source : commission des financess à partir des données communiquées par le ministère de la transition écologique.

Si la croissance moyenne de 12 % par an, soit le doublement de la population d’ours en France ces six dernières années, venait à se confirmer dans les années à venir, la population ursine doublerait tous les six à sept ans et environ 150 ours seraient présents dans les Pyrénées en 2030. La population ursine se concentre principalement en Ariège, et plus particulièrement dans la province du Couserans (entre 40 et 50 ours y sont recensés).

Évolution de la population d’ours en France entre 2014 et 2020

(en nombre et d’individus et en pourcentage)

 

Suivi 2015

Suivi 2016

Suivi 2017

Suivi 2018

Suivi 2019

Suivi 2020

Évolution entre 2015 et 2020

Évolution entre 2019 et 2020

Individus détectés

32

41

46

40

52

64

100 %

23 %

Source : commission des finances à partir des données communiquées par le ministère de la transition écologique.

La méthode de comptage des ours diffère de celle du comptage des loups : l’estimation du nombre d’ours est réalisée à partir du nombre d’ours dont la présence a été prouvée dans l’année. Elle est donc plus fiable que celle utilisée pour estimer le nombre de loups.

3.   Le lynx

Le lynx a fait l’objet de réintroductions en Suisse entre 1972 et 1975 puis dans le massif des Vosges entre 1983 et 1993, période au cours de laquelle 21 lynx ont été relâchés, entraînant la réapparition de l’espèce sur le territoire français. Le retour par la Suisse de l’espèce a entraîné la recolonisation du massif du Jura, puis du nord des Alpes. Une méthode satisfaisante de comptage du lynx reste toutefois à trouver : l’approche en surface actuellement utilisée, qui consiste à étudier les zones dans lesquelles le lynx vit de manière certaine, ne fait pas la preuve de son efficacité. La rapporteure recommande à cet égard d’inclure dans le PNA « lynx » à venir une méthode de comptage du lynx proche de celle de l’ours.

4.   Les autres prédateurs présents sur le territoire national et leur protection par l’État : l’exemple de la multiplication des attaques de requins

Si le requin figure indiscutablement parmi les prédateurs présents sur le territoire national, les attaques de requins ne peuvent faire l’objet d’une étude similaire à celle présentée pour les trois prédateurs terrestres étudiés dans le cadre de ce rapport. Il s’agit d’une problématique particulière, dont les causes et les effets sont d’un autre ordre que celui des prédateurs terrestres. Si le requin-bouledogue présent à La Réunion n’a jamais disparu de ces eaux, la mise en place d’espace marins protégé, a considérablement modifié sa présence et son risque pour les baigneurs, sur les côtes, ayant amené l’Etat à fermer des espaces de baignade et de surf. L’espèce n’est pas classée en danger d’extinction par l’UICN, mais est quasi menacée.

La première attaque confirmée de requin-bouledogue a eu lieu le 5 mars 1990 sur un surfeur. Depuis cette date, le phénomène n’a cessé de prendre de l’ampleur, jusqu’à accoucher à partir de 2011 d’une véritable crise du requin à la Réunion. Le Centre Sécurité Requin, le groupement d’intérêt public (GIP) qui gère et coordonne le risque sur l’île, a recensé 63 interactions entre humains et requins à la Réunion, dont 27 mortelles. Selon cette méthodologie, 48 morsures sur humains ont été recensées entre 1980 et 2021. Le nombre annuel d’attaques recensées a augmenté de 5 % par an entre 1980 et 2016. Au cours des années les plus récentes, le phénomène a pris davantage d’ampleur encore : 25 attaques se sont déroulées entre 2011 et 2021, dont 11 mortelles, soit 2,8 attaques en moyenne par an.

Les principaux usagers de la mer menacés par les attaques de requins sont les surfeurs : ils constituent 69 % des 48 personnes attaquées entre 1980 et 2021. En réaction à cette augmentation de la probabilité d’attaques, la population de surfeurs a été divisée par 8 entre 2011 et 2013, passant de 160 à 20. D’après les données communiquées à la rapporteure, sans cette réduction de la fréquentation, le nombre moyen d’attaques sur surfeur aurait été d’une trentaine d’événements par an entre 2011 et 2016.

L’enjeu de la sécurité excède toutefois largement celle des surfeurs. Des nageurs, chasseurs en apnée, ou encore des pêcheurs ont également été tués lors d’attaques de requin. La mort d’une jeune femme de 22 ans, en 2015, alors qu’elle se baignait à moins de 5 mètres du bord et en ayant pied, est difficilement supportable, tout comme celle d’une jeune fille de 13 ans, dans les mêmes conditions, en 2013, et de toutes les autres victimes perdant la vie dans des condtions atroces. Ces attaques, où les membres des victimes sont arrachées (bras, jambes, torax, etc.), sont d’une violence inouïe, pour les victimes et leur famille.

Si plusieurs facteurs explicatifs à la multiplication des attaques de requins sont envisagés (création d’une réserve marine, disparition de la pêche traditionnelle du requin liée à l’interdiction de sa commercialisation, urbanisation,…), il est urgent qu’une étude scientifique formelle, independante et transparente permette d’identifier les causes de la hausse massive des attaques de requins sur les humains sur la période récente. Il semble que si, dans un premier temps, l’augmentation du nombre d’attaque puisse être liée à une augmentation de la pratique des activités marines, la période qui a débuté en 2011 ne traduit pas la même dynamique : une hausse de la probabilité d’attaque a été observée, indépendamment d’une quelconque augmentation de la densité de surfeurs, d’où la necessité et l’urgence de pouvoir établir une étude independante sur les causes réelles de l’augmentation de ces attaques. Selon de nombreux acteurs du territoire, la création de la réserve marine protégée serait un facteur déterminant expliquant la hausse des attaques.

Face à la multiplication des attaques, qui sont autant de drames endurés par les familles de victimes et de traumatismes générés au sein de la population réunionnaise, en 2013, un arrêté préfectoral reconduit depuis lors a interdit la baignade et toute activité nautique le long des côtes de l’île hors lagons. En 2014, un premier programme de pêche de prévention, visant à réguler l’espèce, a été mis en œuvre dans la baie de Saint-Paul. L’autorisation de la pêche a été très tardive, ses bénéfices étant connus depuis 2011. Par la suite, un dispositif complet de surveillance a été installé.

Le programme Vigies Requins Renforcée a été déployé en 2014. Il repose sur une surveillance humaine d’un spot, via un réseau de détection constitué d’une dizaine d’agents immergés, appelés les vigies requins. Un bateau assure la coordination des déplacements des vigies immergées, et un bateau technique équipé d’une caméra sous-marine capte des images du fond et relaie ces images à terre. Enfin, un jet ski assure des navettes de transports.

En 2015, des filets de baignade et de surf ont été mis en place sur deux plages, puis ont été remplacés en 2017 par des filets de taille plus modeste. Enfin, en 2020, un dispositif mobile de vigies embarquées est mis en place à Saint-Leu (dispositif Water Patrol). Les dispositifs Vigies requins renforcées et Water Patrol semblent faire la preuve de leur efficacté : aucune attaque de surfeur n’a été constatée depuis 2019 à La Réunion. En outre, une étude technique menée par le Centre Sécurité Requins et l’Université de la Réunion montrent une fréquence de surveillance comprise entre 50 et 80 % le long du rideau de détection. Ce dispositif est toutefois limité par la turbidité de l’eau, qui conditionne la distance de détection de la présence de requins. En outre, il nécessite de former des vigies à ce nouveau métier exigeant d’un point de vue physique et nécessitant une grande rigueur et discipline. Ces dispositifs de surveillance s’appuient également sur les équipements de protection individuelle (EPI) électriques. Il s’agit de dispositifs constitués d’électrodes, généralement fixés sur la place de surf, alimentés par une batterie externe amovible.

Ces différentes mesures entraînent des dépenses importantes pour l’État. Le coût moyen du programme de pêche s’élève à 700 000. Au total, sur la période allant de 2014 à 2021, la puissance publique a engagé dans la recherche ou la mise en place de dispositifs opérationnels de réduction du risque lié au requin un montant total de 26,6 millions d’euros, soit 3,3 millions d’euros par an après lissage du coût total sur cette période, financés principalement par le ministère des sports et le ministère des outre-mer. Enfin, le GIP Centre Sécurité Requins dispose d’un budget annuel de 2,56 millions d’euros.

Malgré son coût très important, ce dispositif de sécurité présente des limites. La question qui se pose est la suivante : ferme-t-on définitivement l’océan à la baignade et aux activités sportives, comme le surf ? C’est évidemment l’intention que traduit la méthode des arrêtés d’interditiction pris depuis 2013, qui a contribué à éloigner les surfeurs mais aussi les baigneurs de la mer, même si la pratique du surf n’a pas disparu. Les EPI sont très coûteux (environ 500 euros), et ne sont pas toujours efficaces (le plus efficace d’entre eux réduit les approches de 77 %). De manière générale, le dispositif de surveillance et de protection vise à éviter la manifestation des symptômes d’une problématique plus large, celle de la place respective de l’homme et du requin dans un espace balnéaire.

Outre le coût de la mise en œuvre de ces dispositifs, les attaques de requins ont un coût évident pour la collectivité au titre des soins qu’elles entraînent. Le montant des soins engendrés par la prise en charge des victimes d’attaques de requin dépend de la gravité des blessures et est donc très variable, mais ne peut être sous-estimé a fortiori dans cette période de forte sollicitation de l’hôpital.

Au-delà des dépenses réalisées par la puissance publique, les attaques de requins entraînent également des coûts indirects. L’activité économique de La Réunion, et en premier lieu le secteur du tourisme, pâtit fortement de cette situation de risque. Une première étude économique réalisée par un bureau d’études en 2014 évalue la perte de chiffre d’affaires à 33 millions d’euros entre 2011 et 2014.

Enfin, la crise du requin creuse les dissensions au sein de la population réunionnaise. Une enquête réalisée en 2017 souligne le rejet unanime de l’arrêté préfectoral d’interdiction de la baignade, et la volonté partagée des usagers de la mer de voir la mise en place d’opérations de prélèvement de requins potentiellement dangereux. Toutefois, si une partie de la population souhaiterait voir la population de requins-bouledogues plus fortement régulée, l’autre partie est favorable à une non-intervention de l’homme dans le milieu marin.

Un dialogue apaisé sur cette thématique est nécessaire, afin de mener une politique publique respectueuse de la biodiversité et de toutes les pratiques marines.

B.   Les consÉquences de la croissance de la population de prÉdateurs sur l’Élevage et les activitÉs pastorales

La croissance continue de la population des grands prédateurs ainsi que la multiplication de leurs zones de présence entraînent des conséquences directes sur les activités pastorales. Plusieurs indicateurs en traduisent les effets.

1.   La croissance du nombre d’attaques et de victimes de la prédation par le loup

a.   La croissance du nombre d’attaques par le loup

Le nombre de constats ayant donné lieu à une indemnisation à la suite d’une attaque de loups a fortement augmenté au cours des dernières années. Entre 2010 et 2020, le nombre de constats indemnisés a augmenté de 279 %, passant de 984 à 3 730 ([25]).

Une légère décrue s’observe toutefois en 2021, mais sur un niveau d’attaques qui reste innacceptable pour les éleveurs : d’après les données disponibles, non encore définitives, le nombre d’attaques atteindrait 3 572 occurrences, en baisse de 2,5 % par rapport à 2020.

Évolution des constats indemnisÉs depuis 2010

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la transition écologique et des données de suivi disponibles en ligne sur le site la DREAL de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

De manière générale, la rapporteure déplore la difficulté à recueillir des données consolidées cohérentes entre elles d’une année à l’autre. Si ce travail a été fourni par le préfet coordonnateur pour les années les plus récentes et si des données sont accessibles en ligne ([26]), il s’avère bien plus difficile de trouver des données cohérentes en libre accès pour les années antérieures.

Outre la croissance numérique des attaques recensées, leur extension géographique sur l’intégralité du territoire national est particulièrement préoccupante. Alors qu’en 2009, 12 départements étaient concernés par la préation, ils passés 40 en 2019, et 44 en 2021.  

En 2020, sur trente-six départements concernés par des dommages causés par les loups seize départements enregistraient un nombre de constats en hausse par rapport à 2019, et trois départements enregistraient une forte hausse (l’Isère, la Saône-et-Loire, et le Vaucluse). Plus préoccupant encore, sept départements qui jusqu’à l’année 2020 n’étaient pas concernés par la prédation le sont désormais.

Évolution entre 2019 et 2020 du nombre de constats par dÉpartements

Source : Infoloup n° 36, bilan 2020.

Ce constat renseigne sur la nature de la réponse publique à la prédation : d’une politique ciblée sur quelques départements, il ne peut s’agir désormais que d’une réponse publique généralisée à l’ensemble du territoire.

b.   La croissance du nombre de victimes de loups

Conséquence immédiate et directe de la croissance du nombre d’attaques, le nombre de victimes de la prédation est également en hausse importante depuis plusieurs années. Alors qu’en 2010, 3 791 victimes de la prédation étaient recensées, leur nombre atteint 11 849 en 2020, augmentant ainsi de 213 %.

Évolution du nombre de victimes depuis 2010

Source : réponses du préfet coordonnateur au questionnaire de la rapporteure.

Une corrélation marquée existe entre la croissance du nombre de loups présents et le nombre de victimes de la prédation.

nombre de loups prÉsents et de victimes de la prÉdation

(en nombre d’individus)

Source : réponses du préfet coordonnateur au questionnaire de la rapporteure.

Cette tendance à l’augmentation du nombre de victimes de la prédation par le loup s’avère structurelle et s’observe depuis l’année 2010 a minima.

Toutefois, entre 2019 et 2020, le nombre de victimes indemnisables a légèrement diminué, passant de 12 058 victimes en 2019 à 11 849 en 2020. Une nouvelle baisse semble être observée en 2021. Les données n’étant néanmoins pas définitives, elles doivent être considérées avec prudence : en 2021, 10 900 victimes seraient recensées, en baisse d’environ 8 % par rapport à 2020. Cette légère diminution fait toutefois suite à une hausse importante du nombre de victimes entre 2015 et 2019 (+ 34 %, 8 973 victimes étant recensées en 2015). Elle doit donc se confirmer dans le temps pour constituer une tendance. Par ailleurs, le nombre d’animaux tués comme le nombre d’attaques restent structurellement et particulièrement élevés, la pression de la prédation se concentrant aussi sur certains territoires.

En effet, ces résultats sont variables selon les départements : dans les départements qui font l’objet de la plus forte prédation, à savoir les Alpes Maritimes, les Alpes de Haute Provence, la Savoie, et les Hautes-Alpes, les attaques semblent conjoncturellement stagner et au global légèrement diminuer au cours de la dernière année ([27]). Toutefois, il peut exister des différences par massif au sein d’un même département, avec des territoires historiquement fortement touchés comme la vallée de la Maurienne en Savoie, et les Bauges, plutôt épargnés jusqu’à il y’a peu, mais qui voit la pression s’accentuer avec la colonisation de ces massifs. D’autres départements, et notamment, l’Isère, la Haute-Savoie, la Drôme et le Vaucluse subissent quant une forte poussée de la prédation.

L’évolution géographique du nombre de victimes est proche de l’évolution géographique des attaques : le nombre de victimes est en hausse dans treize départements et en forte hausse dans quatre départements.

Évolution entre 2019 et 2020 du nombre de victimes par dÉpartements

Source : Infoloup n° 36, bilan 2020.

La difficile comparaison européenne

En 2019, les ministres en charge de l’agriculture et de l’écologie ont commandé au conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) une mission de parangonnage sur la gestion du loup dans plusieurs pays européens. La mission s’est intéressée à la situation de l’Italie (Piémont), de la Suisse, de l’Espagne (Castille et León), de l’Allemagne (Saxe) et de la Pologne.

Parmi les constats dressés par la mission, il apparaît que la France est le pays qui subit le plus de dégâts en raison de la prédation, avec environ 3 300 attaques en 2018 contre 2 000 en Castille et Léon, 90 en Saxe et 120 en Suisse.

La France et la Suisse présenteraient par ailleurs les systèmes d’aides à la protection et d’indemnisation les plus importants, a fortiori rapportés à la population lupine. Ainsi, la France consacre, d’après les auteurs du rapport, 25 millions d’euros aux mesures de protection et 3,5 millions d’euros aux indemnisations, pour une population de 500 loups. En comparaison, l’Allemagne consacre 13 millions d’euros aux mesures de protection et 0,2 million d’euros à l’indemnisation, pour une population de 600 loups.

Les comparaisons sont toutefois difficiles, et doivent pour être pertinentes intégrer le contexte agricole des territoires, leurs caractéristiques, ainsi que les modalités d’élevage, paramètres qui manquent souvent dans les études comparatives disponibles. En outre, les différents régimes de prise en charge des dégâts, selon que cette prise en charge soit publique ou privée, peuvent avoir une influence sur le nombre de victimes déclarées.

La rapporteure déplore la faible disponibilité de l’information au niveau européen concernant les différents systèmes pastoraux, leurs modes de fonctionnement et leurs spécificités. Ce manque de données consolidées au niveau européen complique fortement la comparaison. Les États membres ne communiquent pas non plus de données relatives à la prédation à la commission européenne, qui ne les exige pas non plus. La collecte et la publicité des données relèvent donc du bon vouloir de chaque État.

Seule une étude du Parlement européen de 2018 a permis de révéler plusieurs données consolidées à l’échelle européenne. Entre 2012 et 2016, 19 500 brebis ont été tuées par des loups en Europe, 1 200 par des ours et 400 par des lynx. En prenant en compte la Norvège et la Suisse, le nombre de victimes doublerait, en raison du grand nombre de brebis tuées en Norvège. La France et la Norvège sont par ailleurs les pays les plus touchés par la prédation : environ trente brebis sont tuées par chaque loup, alors que les autres pays perdent entre une et quatorze brebis par loup présent sur le territoire. Concernant les ours, la Norvège et la France perdraient entre dix et vingt brebis par ours présent sur le territoire, contre des pertes comprises entre une et quatorze par ours dans les autres pays.

Toutefois, en l’absence de données stabilisées sur des sytsèmes d’élevage bien différents, et qui ne sont donc pas exposés de la même manière au risque de prédation, permettant la comparaison entre les États, il est délicat de fournir des comparaisons européennes pleinement fiables.


Recommandation n° 5 : collecter à l’échelle de l’Union européenne des données sur les systèmes pastoraux et d’élevage, la pression de la prédation, les moyens de protection mis en œuvre ainsi que leur coût, afin de pouvoir mener des analyses comparatives solides et des évaluations des dispositifs nationaux.

2.   Les attaques et les victimes de la prédation par l’ours

Si le nombre de victimes de l’ours reste inférieur au nombre de victimes du loup, leur croissance est particulièrement forte depuis plusieurs années.

Évolution de la prÉdation par l’ours

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution 2015-2020

Nombre de dossiers ours indemnisées

93

125

173

474

658

403

297

333 %

Total des dommages indemnisés

Animaux

247

471

803

780

1 712

930

617

277 %

Ruches

0

0

25

22

36

11

/

 

Note : les données de l’année 2021 ont été communiquées à la fin du mois de novembre 2021 et ne sont pas encore stabilisées à date.

Source : commission des finances à partir des informations communiquées par les services du préfet coordonnateur du PNA « ours brun ».

Le nombre de dossiers indemnisés au titre d’attaques d’ours a crû de 333 % depuis 2015, témoignant de l’extrême dynamisme de la population d’ours sur le territoire national et de l’importance de ses conséquences. Le nombre d’animaux indemnisés a quant à lui crû de 277 %. Une augmentation importante du nombre de victimes a notamment été observée en 2019, année au cours de laquelle de nombreux dérochements ont eu lieu. Si depuis 2020, une modération du nombre d’attaques et du nombre de victimes s’observe, cette tendance devra être confirmée dans le futur.

3.   Les attaques et les victimes de la prédation par le lynx

Les attaques de lynx sont moins meurtrières. Entre 2010 et 2020, entre 46 et 102 attaques sont recensées chaque année, correspondant à un nombre de victimes indemnisées compris entre 59 et 176 animaux par an.


C.   Les autres consÉquences de la prÉdation : Économie, savoir-faire et environnement

Les conséquences de la prédation sont nombreuses et multidimensionnelles. Outre les dommages sur les élevages, coûteux pour la puissance publique (cf. infra) la prédation s’avère dommageable pour plusieurs autres aspects.

1.   Difficultés économiques pour les éleveurs

Le pastoralisme occupe une place particulière dans l’agriculture française : il assure la conservation de pratiques traditionnelles de haute qualité et permet le maintien d’activités économiques dans des territoires souvent enclavés.

La prédation entraîne pourtant des difficultés économiques importantes qui, associées à d’autres facteurs touchant la profession (exigence du métier, contraintes de vie, revenu modéré, etc.), se traduisent notamment par une baisse tendancielle du nombre d’exploitations ovines en France. En 2000, 95 700 exploitations ovines étaient recensées, ce chiffre est tombé à 39 234 en 2019 ([28]). Si une légère augmentation du nombre d’exploitations ovines s’observe depuis 2018, la tendance de long terme est bien celle d’une diminution du nombre d’exploitations ovines en France. En 2004, le plan national d’action loup estimait que l’ensemble des coûts induits par la présence du loup, hors pertes indirectes, représentait entre 4 000 et 16 000 euros par éleveur et par an, selon les types d’élevages.

À ces difficultés économiques s’ajoute la charge de travail supplémentaire que représente la prédation pour les éleveurs. L’accroissement de la charge de travail est estimé à 7 heures par jour en estive et à 4 heures par jour pour les éleveurs résidents ([29]).

En outre, la prédation peut entraîner à terme une évolution des pratiques dommageables pour les animaux et la qualité de la production, ainsi que pour les conditions économiques d’exploitation. La tendance croissante à rentrer les bêtes en intérieur par crainte des attaques en est un exemple significatif : alors que la tradition pastorale repose sur le fait de laisser les bêtes paître librement dans la montagne, le développement de l’élevage plus intensif et réalisé en intérieur est préjudiciable pour la qualité de la production mais également pour l’équilibre économique des exploitations. Il s’agit d’une regression majeure en termes d’agriculture durable, et directement liée à la prédation.  La transformation des pratiques pastorales, par la réduction du temps d’estives, entraîne en outre des coûts supplémentaires, en premier lieu car elle oblige les éleveurs à se faire livrer davantage de fourrages pour les bêtes.

2.   Conséquences pour la santé physique et mentale des éleveurs et des bergers

Trois effets de la prédation sur la santé des éleveurs et des bergers peuvent être notés. Tout d’abord, les attaques de prédateurs sur les troupeaux et la mort des bêtes élevées engendrent une souffrance psychologique souvent très importante chez les éleveurs et leur famille (enfants, conjoint ou conjointe), sujets à d’importantes angoisses pouvant prendre la forme de symptômes de stress post-traumatiques. Les conséquences physiques et psychologiques des attaques poussent certains éleveurs à quitter la profession et accentuent le turn over des bergers, entraînant une perte d’expérience dans la conduite des troupeaux et la perte de savoir-faire pastoraux.

En outre, la prédation a des retentissements sur l’activité des éleveurs, qui doivent introduire dans leur pratique de nouvelles techniques de protection qui concourent à modifier les conditions de travail et qui sont sources pour certaines d’entre elles de nouvelles contraintes et risques psycho-sociaux.

Si les effets quantitatifs de la prédation sur la sécurité sociale agricole sont difficilement mesurables, des effets qualitatifs sont rapportés par les équipes de la mutualité sociale agricole (MSA) de manière croissante. Les équipes de la MSA sont par ailleurs sollicitées en raison de la prédation et de ses conséquences : elles assurent notamment des formations sur l’accueil et la gestion des chiens de protection, pilotent des plans de prévention du suicide et de bien-être par le biais de cellules médico-sociales intervenant auprès des éleveurs. Les services de santé sécurité au travail, composés de médecins et d’infirmiers du travail ainsi que de conseillers en prévention, interviennent auprès des éleveurs pour l’évaluation des risques directs et indirects de leur profession.

3.   Conséquences écologiques significatives

Le pastoralisme remplit un rôle majeur d’entretien de la montagne, prévenant les éboulements de terrain, les avalanches ou encore les incendies. Cet apport du pastoralisme à la protection de l’environnement est souligné dans le code rural, qui reconnaît le caractère d’intérêt général du pastoralisme en raison de sa « contribution à la production, à l’emploi, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, l’agriculture » ([30]).

Pour cette raison, « dans les régions où la création ou le maintien d’activités agricoles à prédominance pastorale est, en raison de la vocation générale du territoire, de nature à contribuer à la protection du milieu naturel, des sols et des paysages ainsi qu’à la sauvegarde de la vie sociale, des dispositions adaptées aux conditions particulières de ces régions sont prises pour assurer ce maintien » ([31]).

Les dispositifs de soutien progressivement mis en place traduisent cet état de fait : à cet égard, l’indemnité spéciale montagne (ISM) ([32]) créée en 1972 a été pensée comme le socle des mesures de soutien au pastoralisme. Depuis 1975, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) de la PAC a remplacé l’ISM. Elle ne vise pas à soutenir les dommages causés par les grands carnivores aux élevages, mais seulement à indemniser les agriculteurs au titre des désavantages auxquels la production agricole est exposée en raison de contraintes naturelles ou d’autres contraintes spécifiques.

Quoi qu’il en soit, selon la géographe Corinne Eychenne, « depuis plus de 45 ans, tous les discours de légitimation des dispositifs de soutien spécifiques à l’élevage de montagne, notamment pastoral, reposent sur la reconnaissance des services rendus » ([33]).

Cet intérêt écologique majeur du pastoralisme, par la préservation d’espaces naturels, s’accompagne également de retombées économiques touristiques vitales pour les territoires de montagne


—  1  —

   SECONDe partie : une politique d’encadrement et de limitation des effets de la prÉdation à l'efficacitÉ relative au regard du rapport coût public/nombre d'attaques et de victimes

La prolifération des prédateurs sur le territoire national et la généralisation de ses conséquences néfastes a appelé au déploiement d’une politique publique d’encadrement et de limitation des effets de la prédation. Cette politique repose sur deux axes principaux : la protection des troupeaux et l’indemnisation des dommages. Si leur utilité est prouvée, ces mesures restent insuffisantes pour apporter une réponse satisfaisante aux difficultés engendrées par la prédation. La possibilité de réaliser des opérations de tir a par conséquent été ouverte : il s’agit là du seul moyen permettant de diminuer la pression de la prédation dans les territoires les plus touchés.

La présente partie vise à proposer une analyse exhaustive des dépenses publiques engendrées par cette politique publique en triptyque. La rapporteure a tenu à réaliser une analyse en « coûts complets », qui n’omettrait pas les dépenses de personnel induites par la mise en œuvre des différentes mesures. Ce montant est toutefois par nature difficile à appréhender, un grand nombre de communes engageant par exemple des dépenses d’un montant faible sur leur territoire, de la même manière que certains départements. En prenant en compte les principaux postes de dépenses publiques, il apparaît que la politique publique d’encadrement et de limitation des effets de la prédation représenterait en 2020 un coût total minimum annuel de 56,02 millions d’euros.

rÉcapitulatif des dÉpenses publiques engendrÉes par la politique
d’encadrement et de limitation des effets
de la prÉdation en 2020

(en millions d’euros)

Prise en charge du coût des mesures de protection

29,76

Indemnisation

4,54

Mesure "pastoralisme"

7,85

Crédits d'urgence du ministère de l’agriculture

0,56

Dépenses du ministère de la transition écologiques autres que pour l’indemnisation

1,54

Dépenses de personnel *

11,45

Défraiement des louvetiers

0,087

Dépenses complémentaires des régions

0,23

TOTAL

56,02

Note : les dépenses de personnel ne comprennent pas la rémunération du préfet référent « ours brun », dont la prise de fonction est ultérieure à l’année 2020.

Source : commission des finances.

 

En ne prenant en compte que les montants consacrés à la prise en charge des mesures de protection et au coût de l’indemnisation (il s’agit des postes de dépenses pouvant être les plus facilement comparés d’une année à l’autre car peu sujets à des évolutions de périmètre), le coût total de la politique publique a fortement augmenté (+ 58 %).

Évolution des dÉpenses consacrÉes à la prise en charge
des mesures de protection et à l’indemnisation des Éleveurs

(en millions d’euros et en pourcentages)

 

2015

2020

Évolution

Prise en charge des mesures de protection

18,85

29,76

57,9 %

Indemnisation

2,88

4,54

57,8 %

TOTAL

21,73

34,30

57,9 %

Source : commission des finances.

I.   une politique de protection coûteuse, tant pour l’union europÉenne que l’État français, A l’efficacitÉ incomplÈte

Le maintien d’une activité pastorale prospère n’est possible que si une politique de protection des troupeaux suffisante et efficace est déployée. Une telle politique de protection a été progressivement mise en œuvre, et repose sur des fonds européens (51 % des aides à la protection en moyenne) ([34]), largement complétés par des financements nationaux. L’efficacité de ces mesures dépend toutefois de nombreuses variables et ne s’avère pas toujours complète.

A.   la mesure de protection des troupeaux et d’accompagnement du pastoralisme

Au cours d’une première période débutant dans les années 1990, l’aide à la protection des troupeaux a été assurée pour moitié par des financements rattachés au fonds européen LIFE Nature ([35]) et pour moitié par le ministère de l’écologie.

Depuis 2004, l’accompagnement des éleveurs repose sur une mesure co-financée par l’État français et le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Dans le cadre de la programmation 2014-2020 du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le cadre national français, qui assure la cohérence du déploiement des financements du FEADER sur le territoire, prévoit ainsi qu’« une aide à l’adaptation de la conduite pastorale des troupeaux soumis au risque de prédation par les grands prédateurs sera prévue dans tous les programmes de développement (PDR) des régions concernées » ([36]). Cette aide est plus communément appelée « aide à la protection » et est déployée par le ministère de l’agriculture.

Chaque région, en tant qu’autorité de gestion, assure ensuite la mise en œuvre concrète de cette mesure via son programme de développement rural (PDR). Plusieurs régions et départements peuvent bénéficier de cette aide : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Provence-Alpes-Côte-D’azur, ainsi que dans les départements suivants : Bas-Rhin et Haut-Rhin ; Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques ([37]).

L’application de règles transitoires pour les années 2021 et 2022

Pour la période 2014-2020, le budget du FEADER représente environ 100 milliards d’euros. Si une réforme importante de la PAC était attendue en 2021, l’importance et la sensibilité des négociations, doublées d’un contexte sanitaire instable, ont conduit à repousser son entrée en vigueur à 2023. Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil sont parvenus en juin 2021 à un accord qui régira la politique agricole de l’Union européenne entre 2023 et 2027.

Le règlement modificatif 2020/2220, adopté en décembre 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, permet de prolonger les PDR et donc de continuer à appliquer les règles de la PAC dans sa programmation initialement prévue pour les années 2014 à 2020. Le paiement des fonds aux bénéficiaires de la PAC, et notamment du FEADER, est donc intégralement maintenu en 2021 et 2022, jusqu’à la date d’application du nouveau cadre, le 1er janvier 2023.

L’objectif principal de cette aide est d’accompagner l’évolution des pratiques pastorales, permettant ainsi aux éleveurs de protéger leurs troupeaux. Plusieurs mesures peuvent être prises en charge au titre de cette aide :

– analyses de vulnérabilité des exploitations et des territoires ;

– achat de clôtures mobiles de protection électrifiables et systèmes d’électrification, achat et pose de parcs de pâturage de protection renforcée électrifiés ;

– achat de chiens de protection des troupeaux, stérilisation des chiens et tests de comportement ;

–  réalisation d’études permettant de mieux caractériser le risque de prédation des systèmes d’exploitations, d’identifier et d’améliorer les dispositifs de protection ;

– actions d’animation sur les territoires qui font face au risque de prédation : communication destinée au grand public ou aux exploitants par exemple pour mieux faire accepter et comprendre les contraintes liées à la présence des prédateurs (clôtures électriques, chiens de protection...) ;

– actions visant à accompagner l’adaptation des conduites pastorales à la présence des prédateurs ;

– réalisation de cabanes pastorales destinées au logement des gardiens et équipement périphérique.

Cette aide à la protection prend la forme d’une subvention, financée à hauteur de 80 % dans la plupart des cas. Sauf exception, les 20 % restant sont à la charge de l’éleveur. Il s’agit donc d’une charge supplémentaire importante et récurrentes pour l’éleveur (bergers, achat et soin des chiens, etc.).

Certaines de ces aides, considérées comme un investissement non productif (analyses de vulnérabilité, test de comportement des chiens de protection et accompagnement technique), sont financées à hauteur de 100 %.

Si les régions sont chargées du déploiement de la mesure d’aide à la protection, les principes encadrant sa mise en œuvre sont définis à l’échelle nationale, via l’arrêté du 28 novembre 2019 relatif à l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation.

Cet arrêté détermine les grands principes d’application de la mesure d’aide à la protection des troupeaux :

– l’aide est attribuée par troupeau, définie comme l’ensemble des animaux détenus en propriété ou en pension par le demandeur. En règle générale, il est considéré qu’un bénéficiaire détient un unique troupeau, même si par dérogation, le service instructeur pourra reconnaître l’existence de plusieurs troupeaux pour un bénéficiaire, dans la limite de trois troupeaux ;

– l’aide peut permettre de financer plusieurs mesures de protection des troupeaux, chacune constituant une « option » :

● le gardiennage et la surveillance renforcés ;

● l’acquisition et l’entretien de chiens de protection ;

● l’investissement matériel et notamment l’acquisition de clôtures électrifiées ;

● la réalisation d’analyses de vulnérabilité ;

● l’accompagnement technique (formation et conseils individualisés à l’utilisation de chiens de protection) ;

– les mesures de protection font l’objet d’une contractualisation annuelle par les éleveurs éligibles, ce qui leur assure la prise en charge publique. L’instruction des dossiers d’aide à la protection est réalisée par les directions départementales des territoires (DDT). Ces dernières proposent également une mission de conseil dans la mise en place de ces moyens de protection ;

– l’arrêté définit un plafond de dépense annuel ou pluriannuel pour chaque option de protection, déterminé en fonction du mode de conduite prépondérant ([38]) du troupeau, de sa taille et de sa durée de pâturage en cercle 0 et/ou en cercle 1 ou en cercle 2 et/ou cercle 3 (cf. infra). À titre d’exemple, le plafond de dépense annuel pour le gardiennage et les chiens de protection est de 10 000 euros pour un troupeau conduit majoritairement en parcs, comprenant entre 151 et 450 animaux, et dont la durée de pâturage est d’au moins 30 jours en cercle 0 et 1 ([39]). Ces plafonds peuvent être majorés, par exemple pour les troupeaux qui passent au moins 244 jours à l’herbe.

1.   La mise en œuvre spécifique à la prédation par le loup

Après avis du préfet coordonnateur, le préfet de département arrête une liste des communes, ou des parties communes, concernées par la prédation. Il classe ces espaces en quatre cercles, dont deux, les cercles 1 et 2, préexistaient à l’arrêté de 2019 :

– le cercle 1 regroupe les communes ou parties de communes où au moins un acte de prédation pour lequel la responsabilité du loup n’a pas été écartée a été constaté au cours des deux dernières années, les communes classées en cercle 1 en année N-1 et sur lesquelles au moins un indice de présence de l’espèce est retenu, et les communes ou parties de communes enclavées entre des espaces répondant aux deux conditions précitées ou limitrophes à ceux-ci, ou comprenant une entité pastorale cohérente ;

– le cercle 2 regroupe les communes ou parties de communes contiguës à celles classées en cercle 1 ou qui étaient classées en cercle 1 en année N-1 sans toutefois satisfaire aux conditions de classement en cercle 1 en année N, les communes ou parties de communes où au moins un acte de prédation a donné lieu à une indemnisation au cours des trois dernières années, les communes enclavées ou limitrophes d’espaces répondant aux trois critères précités, et, au sein des zones définies comme difficilement protégeables, les communes qui remplissent les conditions pour être classées en cercle 1.


Deux cercles supplémentaires ont été créés par l’arrêté du 28 novembre 2019 précité :

– le cercle 0 correspond aux foyers de prédation, c’est-à-dire aux communes ayant enregistré au moins 45 attaques au cours des trois dernières années. Les communes ou parties de communes enclavées entre ces espaces, qui leur sont limitrophes ou qui comprennent une entité pastorale en cohérence avec eux sont également concernées ;

– le cercle 3 correspond aux zones où des loups sont susceptibles de se fixer dans les prochaines années. Il regroupe les départements comprenant des espaces classés en cercles 1 ou 2 et les communes ou parties de communes incluses dans les départements limitrophes des départements comprenant des cercles 1 et 2. Dans ce cas, les dépenses liées aux chiens de protection sont prises en charge à hauteur de 80 à 100 %. Le but de la création du cercle 3 est de mieux anticiper l’arrivée du loup.

exemple de zonage par cercle dans le dÉpartement de haute-savoie

Source : document disponible en ligne, préfecture de Haute-Savoie.

Des modulations du dispositif sont prévues pour s’adapter aux besoins spécifiques des différentes zones. Tout d’abord, les options ouvertes dépendent du cercle l’activité du pâturage a principalement lieu. À titre d’exemple, le gardiennage ou la surveillance renforcé ne sont éligibles au financement que lorsque l’activité de pâturage se déroule pendant une durée d’au moins 30 jours dans les cercles 0 et/ou 1.

En outre, dans les zones de cœur de parc national et dans les réserves naturelles nationales situées en cercle 0 ou 1, le taux d’aide est porté à 100 %.

Enfin, les dépenses relatives au gardiennage, réalisé par un salarié ou par un prestataire de services en cercle 0 ne sont pas soumises au plafond annuel si cette durée excède 90 jours par an. Cette disposition a pour objet d’inciter à renforcer la présence humaine, particulièrement utile pour la protection des troupeaux, mais aussi très coûteuse.

2.   La mise en œuvre spécifique à la prédation par l’ours

De la même manière que pour le loup, le préfet coordonnateur arrête la liste des communes ou parties de communes concernées par la prédation. Deux cercles sont définis :

– le cercle 1 correspond aux communes dans lesquelles la présence de l’ours est avérée, c’est-à-dire les communes ou parties de communes où la présence de l’ours a été constatée au moins une fois au cours des deux dernières années ;

– le cercle 2 regroupe les zones dans lesquelles des actions de prévention sont justifiées par la possible survenue de la prédation par l’ours. Il comprend les communes ou parties de communes contiguës à celles classées en cercle 1, et les communes ou parties de communes classées en cercle 1 en années N-1 mais qui ne remplissent plus les conditions pour l’être en année N.

La rapporteure considère qu’une évolution du zonage de la prédation par l’ours serait utile, dans le but de créer un cercle 0 sur le modèle de ceux utilisés pour la prédation par le loup. En effet, si un protocole spécifique « estives sur-prédatées » comprenant des mesures d’accompagnement spécifique doit être instauré, il pourrait être envisagé la création d’un cercle 0, sur le modèle de ceux utilisé pour la prédation par le loup, bénéficiant de plafonds plus élevés et de prises en charge à 100 % de certains dispositifs, par exemple les cabanes et les abris, permettant d’apporter une réponse ciblée aux estives les plus prédatées.


Recommandation n° 6 : dans les zones particulièrement sujettes à la prédation de l’ours, créer des « cercles zéro » comme il en existe dans les zones particulièrement sujettes à la prédation par le loup, dans lesquelles le montant des aides à la protection sont renforcées. Simplifier également, à la faveur des éleveurs et de la protection de leurs troupeaux, cette politique des « cercles ».

B.   le Coût et l’efficacitÉ des mesures de protection

Si le coût pour la puissance publique des mesures de protection est croissant, leur efficacité est démontrée mais reste insuffisante pour réduire les dommages de la prédation à un niveau satisfaisant. Les mesures de protection peuvent en outre entraîner des effets néfastes sur les autres usages de la montagne et des contraintes fortes sur les éleveurs (chiens de protections, parcs, etc.).

1.   Le coût des mesures de protection

L’aide à la protection des troupeaux est co-financé par des crédits européens et des crédits nationaux, majoritairement du ministère de l’agriculture. La contrepartie nationale est en effet financée à hauteur de 80 % par le ministère de l’agriculture et à 20 % par le ministère de la transition écologique. Ce dernier assure le financement des dépenses engagées pour le financement des chiens de protection, des clôtures et des analyses de vulnérabilité. En 2020, le montant transféré par le ministère de la transition écologique au ministère de l’agriculture s’établit à 3,2 millions d’euros.

En 2019, le montant total des dépenses de protection de la prédation par le loup et par l’ours s’élevait à 27,41 millions d’euros, dont 14,12 millions d’euros financés par des crédits européens et 13,29 millions d’euros financés par la contrepartie nationale. En 2020, les dépenses de protection consacrées à la prédation par le loup et l’ours atteignent 29,76 millions d’euros, dont 15,60 millions d’euros financés par le FEADER et 14,16 millions d’euros financés par la contrepartie nationale.

Le loup représente une part massive des crédits consacrés aux aides à la protection : en 2019, il représente 26,84 millions d’euros, et en 2020, il représente 28,63 millions d’euros (de crédits nationaux et européens), soit 96 % des dépenses de protection contre les prédateurs. En outre, les moyens dédiés aux mesures de protection contre la prédation par le loup sont en hausse : alors qu’ils représentaient 6,2 millions d’euros en 2010, leur coût atteint 28,63 millions d’euros en 2020 ([40]). En 2021, d’après les premières estimations disponibles, le coût des dépenses de protection représenterait 31,8 millions d’euros, enregistrant une nouvelle hausse.


DÉpenses de protection des troupeaux au titre de la prÉdation par le loup

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des données fournies par le ministère de l’agriculture.

Ainsi, une hausse régulière de plus de 7 % des dépenses de protection liées au loup est observée. En 2023, si cette tendance se maintenant, les besoins de financement public dépasseraient 35 millions d’euros.

La croissance des dépenses publiques engagées traduit une hausse du nombre de contrats d’aide à la protection contre la prédation par les loups signés : de 2 624 en 2018, ils sont 2 708 en 2019. Ils atteignent le nombre de 2 790 en 2020. Le nombre de mesures de protection mises en œuvre en application de ces contrats ne peut toutefois être précisément identifié, l’indicateur utilisé est celui du nombre d’éleveurs ayant sollicité un dossier d’aide à la protection.

NOMBRE DE CONTRATS DE PROTECTION ET MONTANTS CORRESPONDANTS PAR RÉgion

(en nombre et en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

Région

Nombre de dossiers

Montant d’aides (État et FEADER)

Nombre de dossiers

Montant d’aides (État et FEADER)

Nombre de dossiers

Montant d’aides (État et FEADER)

Provence-Alpes-Côte d’Azur

1 402

15,45

1 459

16,49

1 494

18,05

Auvergne-Rhône-Alpes

850

7,40

902

8,04

936

8,76

Occitanie

182

1,09

159

0,96

182

0,73

Grand Est

101

0,69

112

0,87

107

0,76

Nouvelle Aquitaine

 

 

69

0,40

38

0,21

Bourgogne-Franche-Comté

12

0,03

21

0,07

33

0,15

Total

2 547

24,67

2 722

26,84

2 790

28,63

Source : commission des finances à partir des données fournies par le préfet coordonnateur.

La croissance du coût des mesures de protection se lit également dans l’évolution du montant moyen versé aux éleveurs.

dÉpenses nationales, contrats signÉs et montant moyen versÉ
aux agriculteurs au titre des mesures de protection
de la prÉdation par le loup

(en nombre de contrats, euros et millions d’euros)

Note : le montant moyen versé comprend des données relatives à l’ensemble des prédateurs, mais reste pertinent compte tenu de la prépondérance du loup parmi les dépenses de protection. Les données pour l’année 2021 ne sont pas définitives.
Source : commission des finances à partir des informations fournies par le préfet Célet et des programmes annuels de performance de la mission Agriculture.

En 2020, le montant des aides engagées ([41]) par l’État au titre de la prédation par le loup (aides plafonnées et non déboursées par les éleveurs et bergers) a permis de financer les différentes options d’aide dans des proportions différentes.


rÉpartition du financement public des mesures de protection en 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances à partir de l’infoloup n° 36.

Les dépenses de gardiennage, qu’il soit réalisé par l’éleveur ou par un prestataire, représentent 76,7 % des financements publics réalisés au titre des mesures de protection.

Si les dépenses relatives aux chiens de protection sont moins importantes, elles augmentent tendanciellement. En 2020, 4 920 chiens ont fait l’objet d’une aide forfaitaire à l’entretien, pour 4 258 en 2019. En 2021, le nombre de chiens financés augmente à nouveau, pour atteindre 5 300. 90 % des 3,6 millions d’euros affectés aux chiens de protection sont affectés aux dépenses d’entretien.

Les dépenses d’investissement matériel, l’accompagnement techniques et les analyses de vulnérabilité sont les postes de dépenses les moins importants.

Les dépenses relatives à la mesure de protection des troupeaux au titre de la prédation par l’ours représentent une plus faible part des dépenses totales, atteignant 1,13 million d’euros en 2020 pour les trois départements concernés (Ariège, Haute-Garonne et Hautes-Pyrénées). Toutefois, ces dépenses suivent également une tendance haussière marquée.


Évolution des dÉpenses liÉes à la mesure de protection des troupeaux
au titre de la prÉdation par l’ours

(en milliers d’euros)

Source : commission des finances à partir des informations communiquées par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun ».

D’un point de vue budgétaire, la contrepartie nationale finançant les mesures de protections est financée par le programme 149 de la mission Agriculture, et plus précisément l’action 24 Gestion équilibrée et durable des territoires. Le financement des dépenses de protection est toutefois compris dans un ensemble de dépenses plus large et non détaillé, ce qui empêche d’en suivre l’évolution précisément. Au regard du fort dynamisme de ces dépenses, la rapporteure recommande qu’un suivi plus détaillé en soit proposé dans la documentation budgétaire.

Recommandation n° 7 : renforcer sensiblement l’information du Parlement et des citoyens quant aux dépenses engendrées par la mise en œuvre de moyens de protection, et plus largement quant aux dépenses découlant de la protection des grands prédateurs terrestres. L’identification de ces dépenses au sein des projets annuels de performance (PAP) et des rapports annuels de performance (RAP) doit notamment être enrichie.

Par ailleurs, depuis de nombreuses années, la profession agricole demande que ces budgets nationaux de prise en charge des mesures de protection ne soient non pas prélevés sur le bugdet du ministère de l’agriculture, mais sur celui du ministère de la transition écologique. En effet, les mesures de protection et leur multiplication sont dues à la protection stricte des prédateurs, et non pas à un enjeu d’ordre agricole.

Recommandation n° 8 : financer les mesures de protection, et plus globalement toutes les dépenses relatives aux effets de la prédation sur les troupeaux, par le budget du ministère de la transition écologique.

Les parcs naturels régionaux et nationaux :
des partenaires de la protection contre la prédation mais des interdictions faisant peser un risque sur le pastoralisme dans ces espaces

Les parcs naturels régionaux et nationaux sont directement concernés par la croissance de la prédation, en raison de la forte correspondance entre les zones pastorales et ces parcs.

Chaque parc développe des actions en lien avec l’élevage pastoral, selon les contextes géographiques, économiques, et les besoins spécifiques aux territoires. Les actions d’animation et de médiation sont notamment favorisées. Des mesures d’aides plus directes sont également mises en œuvre, avec le déploiement de bergers d’appui ou encore de GPS pour équiper les chiens de protection dans les Baronnies.

Dans l’arc alpin et en région Auvergne-Rhône-Alpes, la quasi-totalité des parcs régionaux dispose d’un plan pastoral de territoire. Des personnels sont spécialement dédiés à la thématique de la prédation. D’après les informations collectées par la rapporteure, le parc du Verdon a dédié un ETP à cette problématique, le parc des Baronnies 0,8 ETP, le parc de l’Aube 0,5 ETP, le parc du Queyras 3 ETP, le parc de Bauge 0,4 ETP et le parc du Vercors 0,6 ETP. Sachant qu’un ETP représente environ 40 000 euros, le coût total des dépenses de personnel des parcs régionaux consacrés à la prédation représente 252 000 euros environ.

Toutefois, les dépenses des parcs régionaux en lien avec la prédation ne s’arrêtent pas aux dépenses de personnel. Dans le parc du Verdon par exemple, aux 172 000 euros de dépenses de personnel sur les dernières années, 324 000 euros de dépenses d’investissement ont été réalisés entre 2020 et 2021 en raison de la croissance des attaques de prédateurs.

Un bilan approfondi des moyens déployés par les parcs régionaux gagnerait toutefois à être réalisé.

Par ailleurs, l’interdiction des mesures de défenses dans les parcs nationaux (tirs de défense) fait craindre un risque de pression majeure dans ces zones, non seulement pour le pastoralisme, mais aussi pour toute la biodiversité de ces espaces.

En outre, une aide supplémentaire et spécifique à la prédation par l’ours existe dans le massif des Pyrénées. Il s’agit de la mesure « Mise en valeur des espaces pastoraux », dite mesure « pastoralisme ». Reconnaissant le rôle prépondérant de l’élevage pour la préservation des milieux ouverts et de la biodiversité, son importance patrimoniale et économique, mais également les contraintes et la faible productivité des espaces pastoraux, cette mesure vise à soutenir le maintien et le développement de l’élevage pastoral et notamment du pastoralisme collectif, identifié comme un « élément essentiel de la structuration et du développement du territoire de montagne des Pyrénées et des autres zones de pastoralisme traditionnel » ([42]).

La mesure « pastoralisme » repose principalement sur le financement de gardiennage à temps plein en estive, par la prise en charge des coûts salariaux des gardiens, du coût de prestations externes facturés pour les gardiens prestataires, ou l’application d’un forfait mensuel lorsque l’éleveur ou un membre d’une structure collective effectue lui-même le gardiennage.

Cette mesure finance également des travaux d’équipement des estives dont la construction de cabanes et d’abris pastoraux, de portage de matériel permettant d’accéder aux estives non desservies par la route ainsi que des études.

Le coût de la mesure « pastoralisme », spécifique aux Pyrénées, s’élève à 7,85 millions d’euros en 2020, répartis entre les différents financeurs.

financement de la mesure « pastoralisme »

(en milliers d’euros et en pourcentages)

Source : commission des finances à partir des informations communiquées par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun ».

Si cette mesure spécifique se justifie pleinement par les spécificités du pastoralisme pyrénéen, et notamment sa composante collective, l’articulation entre les mesures d’adaptation de la conduite pastorale et les mesures de mise en valeur des espaces pastoraux reste souvent floue. À titre d’illustration, plus de la moitié des fonds publics utilisé en Occitanie pour protéger les troupeaux provient de la mesure « pastoralisme », quand bien même la mesure « prédation » présentée ci-avant répond à cet objectif.

Afin de distinguer les différents dispositifs et politiques publiques qui leur sont liés, et dans un objectif de transparence, la rapporteure recommande de séparer distinctement ces deux mesures.

Les cabanes de berger : élément central du dispositif de protection
pour lequel des améliorations sont urgentes et nécessaires

Les cabanes sont essentielles pour les éleveurs et les bergers : elles permettent de se protéger des conditions climatiques parfois extrêmes de la montagne et de profiter de quelques heures de repos et de sommeil au cours des éprouvantes périodes d’estives.

L’équipement en cabanes est pourtant très insuffisant : leur nombre, s’il n’est pas parfaitement connu, est notablement inférieur aux besoins, et les conditions de vie y sont souvent très spartiates, parfois sans eau courante ni électricité. D’après les informations communiquées par la DRAAF de la région Occitanie, dans cette région, 50 % des bergers salariés ne sont pas logés conformément à la réglementation, 40 % des cabanes sont à rénover, et 50 cabanes supplémentaires seraient nécessaires pour répondre aux besoins.

Si la construction d’une cabane peut être réalisée par les éleveurs, les communes sont souvent à l’origine des projets et assurent leur financement. L’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales indique que toute collectivité territoriale maître d’ouvrage d’une opération d’investissement doit assurer une participation minimale au financement de ce projet à hauteur de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet.

Ce reste à charge a toutefois pour effet d’empêcher la réalisation de certains projets, certaines petites communes de montagne ne pouvant y faire face. Afin de répondre à cette difficulté, l’article 229 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a aménagé les conditions de la participation publique au financement des cabanes pastorales. Cet article permet d’étendre aux équipements pastoraux les possibilités des dérogations accordées par le représentant de l’État dans le département à cette participation minimale du maître d’ouvrage « si son importance est disproportionnée par rapport à la capacité financière du maître d’ouvrage » ([43]).

La rapporteure salue cette avancée, qui devrait permettre d’augmenter le nombre de cabanes en fonctionnement sur le territoire national. Elle recommande de compléter cette mesure par un recensement du nombre de cabanes en fonctionnement et de leur état, afin d’identifier les besoins, dans le cadre d’un « plan cabanes » ambitieux et généralisé aux différents massifs. Ce travail de recensement pourrait aller donner lieu aux opérations de construction et de rénovation nécessaires, par le biais de financements de l’État.


Recommandation n° 9 : instaurer et financer un « plan cabanes » et « pistes », dont l’objet serait de systématiser sur tout le territoire le recensement cabanes de bergers, d’évaluer leur état, et de dresser un bilan des besoins en rénovation et en construction. Ces travaux seraient par la suite financés par des moyens budgétaires identifiés et adaptés aux besoins, à 100 % via le budget de l’Etat.

Il convient d’ajouter à ces dépenses publiques les moyens déployés par les régions pour limiter les effets de la prédation. Ces moyens sont déployés à titre volontaire, la politique publique d’encadrement de la prédation était très majoritairement pilotée par l’État. En 2020, les cinq régions concernées par la prédation (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche Comté, Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Provence Alpes Côte d’Azur) ont mobilisé 232 560 euros de crédits propres (hors fonds européens) pour des actions de prévention ou de lutte contre la prédation, en complément des actions de l’État.

Ces dépenses complémentaires ont permis de renforcer l’accompagnement des louvetiers (par l’achat de matériel par exemple), le soutien aux bergers (aides à la construction et à la rénovation de cabanes ou autres équipements pastoraux), ou de financer d’autres actions, comme des études sur l’impact de la prédation sur le territoire, des formations sur les chiens de troupeaux ou encore le développement d’une plateforme numérique dédiée.

2.   Une utilité indéniable, mais une efficacité insuffisante des mesures de protection

D’après le projet annuel de performance pour 2021 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales « les attaques progressent malgré le développement des mesures de protection dont l’efficacité est pourtant démontrée » ([44]). Toutefois, au regard de l’augmentation du nombre de victimes, y compris dans des élevages protégés, cette affirmation soulève d’importantes questions : quels sont les moyens utilisés pour mesurer l’efficacité réelle des mesures de protection ? Comment expliquer que leur déploiement et le coût croissant qu’elles représentent ne permettent de limiter qu’à la marge les attaques de prédateurs et le nombre de victimes de ces attaques ?

En effet, il n’apparaît pas de corrélation permettant de montrer que la hausse des dépenses réalisées au titre des mesures de protection soit liée à une baisse du nombre de victimes de la prédation du loup, qui a fortement augmenté puis s’est stabilisé à un niveau élevé. Au contraire, la hausse du nombre d’animaux indemnisés est concomitante à celle de l’augmentation des dépenses réalisées au titre du financement des mesures de protection.


dÉpenses de protection
au titre de la prédation par le loup et pertes indemnisÉes

(en millions d’euros et en nombre de victimes indemnisées)

Note de lecture : les dépenses réalisées au titre des mesures de protection se lisent sur l’axe de gauche, le nombre d’animaux indemnisés se lit sur l’axe de droite.
Source : commission des finances à partir des données fournies par le préfet coordonnateur du PNA « loup » et des données sur les dommages disponibles en ligne.

Il existe en revanche une corrélation importante entre le nombre de loups présents sur le territoire et le nombre de victimes de la prédation.

ÉVOLUTION du nombre de loups et des victimes indemnisÉes

(en nombre de loups et en nombre de victimes indemnisées)

Note de lecture : le nombre de loups se lit sur l’axe de gauche, le nombre d’animaux indemnisés se lit sur l’axe de droite.
Source : commission des finances à partir des données fournies par le préfet coordonnateur du PNA « loup » et des données sur les dommages disponibles en ligne.

De la même manière, il n’existe aucune corrélation évidente entre les dépenses de protection et le nombre de victimes de la prédation par l’ours.

dÉpenses de protection au titre de la prÉdation par l’ours et pertes indemnisÉes

(en milliers d’euros et en nombre de victimes indemnisées)

Note de lecture : la courbe de tendance permet de neutraliser lisser les effets de l’année 2019, particulièrement meurtrière. Les dépenses réalisées au titre du financement des mesures de protection se lisent sur l’axe de gauche, le nombre d’animaux indemnisés se lit sur l’axe de droite.

Source : commission des finances à partir des données fournies par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun », des ministères de l’agriculture et de l’environnement.

En regard, une corrélation évidente apparaît entre les effectifs d’ours et les animaux indemnisés, à l’exception de l’année 2020, tendance qui devra là aussi être confirmée.


ÉVOLUTION du nombre d’ours et des victimes indemnisÉes

(en nombre de loups et en nombre de victimes indemnisées)

Note de lecture : la courbe de tendance permet de neutraliser lisser les effets de l’année 2019, particulièrement meurtrière. Le nombre d’ours se lit sur l’axe de droite, le nombre d’animaux indemnisés se lit sur l’axe de gauche.

Source : commission des finances à partir des données fournies par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun », des ministères de l’agriculture et de l’environnement.

Les précédents graphiques indiquent que d’un point de vue pluriannuel, l’augmentation des mesures de protection n’a pas eu pour effet de limiter le nombre de victimes de la prédation : ces deux éléments croissent de manière marquée sur la période. Une inflexion du nombre de victimes indemnisées est toutefois observée depuis 2020 : sa durabilité et l’impact des mesures de protection sur ce phénomène devront être vérifiés. Quoi qu’il en soit, comme l’indiquent les réponses écrites du préfet coordonnateur du plan « ours brun » et si les retours d’expérience corroborent l’intérêt d’assurer la protection des troupeaux, il n’existe pas « d’étude scientifique ni d’analyse statistique mettant en relation le niveau des mesures de protection et celui des prédations exercées par les ours dans les Pyrénées françaises » ([45]).

En conclusion, les sommes importantes dédiées aux mesures de protection ne permettent pas de réduire le nombre de victimes et les coûts afférents à leur indemnisation.

Une régulation plus prononcée et plus efficace de la population de prédateurs semble nécessaire, tout en maintenant les mesures de protection, pour faire baisser la pression de la prédation et limiter le nombre de victimes.

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette incapacité des mesures de protection à limiter efficacement les dommages causés par la prédation.

a.   Une utilité renforcée avec la multiplication des mesures de protection, mais une efficacité qui reste relative

De nombreuses études ont confirmé le fait que la protection des troupeaux limite la fréquence des attaques et le nombre de victimes, preuve de l’utilité des moyens de protection ([46]). Ce constat est partagé par les acteurs institutionnels rencontrés par la rapporteure, et notamment par le préfet coordonnateur du plan « loup », qui considère que la diminution récente du nombre de victimes est largement imputable à la généralisation des mesures de protection dans tous les départements touchés par la prédation. La baisse de la prédation est particulièrement marquée dans les départements les plus équipés en moyens de protection, car les plus anciennement victimes de la prédation, semble confirmer cette analyse.

Toutefois, la rapporteure tempère cette analyse, puisque la stagnation récente du nombre d’attaques et de victime correspond également au doublement des autorisations de prélèvements de loups, notamment dans les zones les plus prédatés. Il convient en outre de préciser que malgré la stagnation ou la légère baisse au niveau national (3 572 attaques et 10 900 victimes), le nombre d’attaques et de victimes restent particulièrement élévés et en augmentation depuis 5 ans, et ce malgré la multiplication des mesures de protection.

La garde par l’éleveur et les bergers, et la présence de chien sont les mesures les plus efficaces ([47]). La revalorisation du métier de berger et une formation solide à ce métier et ses contraintes sont absolument nécessaires non seulement pour trouver des bergers (il en manque partout actuellement), mais aussi pour qu’ils soient le plus efficaces possibles dans la protection des troupeaux.  

Des améliorations nécessaires aux conditions de travail des bergers

Les bergers sont essentiels au dispositif de protection et remplissent une mission pluriséculaire consubstantielle aux espaces pastoraux. Des difficultés majeures ont toutefois été signalées à la rapporteure par la quasi-totalité des interlocuteurs auditionnés et rencontrés.

Tout d’abord, les contrats des bergers sont souvent imprécis quant aux missions et aux horaires de travail des salariés. Ce manque de précision entraîne des incertitudes importantes notamment lors des attaques nocturnes de prédateurs : le berger est-il en activité ? Est-il censé sortir de la cabane ? Combien d’heures d’affilée est-il censé travaillé ? Un possible accident dans ce contexte peut-il être qualifié d’accident du travail ? Pour sécuriser les relations salariales et renforcer l’attractivité de la profession, ces questions doivent trouver des réponses par la conclusion de contrats modernisés et plus précis.

En outre, les conditions de travail et les amplitudes horaires qu’implique la surveillance continue du troupeau sont difficilement conciliables avec les principes les plus élémentaires du droit du travail. Les bergers craignent de redescendre des estives pour prendre une pause, de peur de retrouver le troupeau décimé à leur retour. Pour la santé des bergers et la bonne réalisation de leurs missions, des pauses doivent pouvoir être effectuées sans que cela ne génère un stress supplémentaire. Pour ce faire, il est impératif de créer un système de remplacement des bergers, par exemple par la création de « brigades » de bergers de remplacement, condition sine qua none à des moments de respiration et de repos. Dans le massif des Pyrénées, les groupements pastoraux pourraient avec l’aide de la puissance publique organiser un tel système. Dans les zones menacées par la prédation du loup, moins coutumières des organisations collectives, cette mise en commun pourrait enclencher une dynamique collective vertueuse.

Enfin, compte tenu de la durée de leurs contrats de saisonniers, les bergers n’ont pas accès à la formation continue. Le développement de formations diplômantes au bénéfice des bergers, dont le souhait est souvent de s’installer à leur propre compte, pourrait être utile pour rendre la profession plus attractive.

Recommandation n° 10 : mettre en œuvre des évolutions concrètes des conditions de travail des bergers, par une modernisation de leurs contrats de travail, le déploiement de « brigades » de bergers de remplacement, et le développement de formations accessibles y compris aux bergers embauchés par des contrats saisonniers.

Les parcs de regroupement présentent quant à eux une efficacité un peu moins importante : s’ils facilitent la garde, ils entraînent un nombre important de victimes si le prédateur parvient à pénétrer l’enclos.

L’efficacité des moyens de protection semble d’autant plus forte que les mesures sont déployées en combinaison. Ainsi, plus le dispositif de protection est complet et repose sur le déploiement en combinaison de plusieurs mesures, plus le nombre de victimes d’attaques diminue, sans toutefois disparaître. Plus précisément, seules des combinaisons de trois moyens ou plus semblent permettre de limiter le nombre d’attaques ([48]). Un constat similaire est réalisé en Occitanie concernant la prédation par l’ours : les premiers résultats d’une expérimentation menée par l’OFB indiquent que la mise en œuvre groupée des mesures de protection permet de limiter les risques d’attaques. Des conclusions proches résultent également de plusieurs expériences menées dans le cadre du protocole « estives sur-prédatées » et du protocole « foyers de prédation », tous deux prévus dans la feuille de route « ours et pastoralisme ».

Plusieurs éléments de nuance doivent toutefois être apportés à ces constats et viennent limiter l’efficacité des mesures de protection :

– l’efficacité des moyens de protection sature avec l’augmentation de la taille du troupeau : cette diminution de l’efficacité lorsque le troupeau augmente s’observe surtout avec la garde, par un berger ou par l’éleveur ;

– les moyens de protection peinent à limiter la fréquence des attaques. Cette fréquence est surtout influencée par l’environnement et le niveau de pression de la prédation. Ceci peut expliquer le fait que certains foyers d’attaque supportent la majorité des attaques : en 2013 par exemple, ces foyers d’attaque par le loup représentaient 20 % des éleveurs attaqués et 64 % des victimes indemnisées, sans qu’une corrélation puisse être établie entre ces foyers d’attaques et un niveau de protection plus faible des troupeaux ([49]) ;

– en outre, les moyens de protection sont plus efficaces dans les milieux d’alpages (éleveurs de montagne transhumants sur des estives) qu’au sein de milieux intermédiaires (éleveurs sédentaires préalpins ou méditerranéens) ([50]). Il ressort toutefois également des études que la garde est moins efficace lorsque le relief de la parcelle augmente ;

– le loup semble adapter ses comportements aux mesures de protection. Si cet aspect doit faire l’objet de davantage de recherche, il arrive par exemple que les loups sautent les clôtures. Ce phénomène a été observé à plusieurs reprises en 2020 en Isère. Il semble également raisonnable de considérer que face à une estive très protégée, les prédateurs se reportent sur une estive voisine ;

– enfin, l’aide à la protection a été pensée pour les alpages, et échoue à intégrer l’évolution de la prédation (systèmes agricoles plus morcelés, péri-urbains, plus étendus comme les vallées et plaines). En outre, les bovins et équins, réputés non-protégeables, ne peuvent faire l’objet de mesures de protection, alors que les attaques de loups sur les vaches et les chevaux tendent à augmenter depuis une dizaine d’années (en 2019, la prédation sur les bovins représentait 4,7 % des attaques pour 2,4 %).

Recommandation n° 11 : élargir le financement des mesures de protection aux éleveurs bovins et équins.

De manière générale tous les moyens de protection ne peuvent pas être déployés sur tout le territoire avec la même efficacité. À titre d’exemple, des chiens de protection ont été victimes en Ariège d’attaques d’ours, et y ont succombé. Le brouillard empêche également parfois de procéder au regroupement des troupeaux. Il n’existe par ailleurs pas de mesures spécifiques au lynx, quand bien même il s’agit d’un félin et non d’un canidé comme le loup. Dès lors, le lynx peut par exemple sauter par-dessus les clôtures, les rendant bien moins efficaces.

Ainsi, l’harmonisation totale des mesures de protection ne permet pas de répondre aux spécificités de chacun des territoires concernés. Pour gagner en efficacité, il conviendrait d’adapter davantage le choix du dispositif au contexte naturel de l’environnement : en effet, alors que l’efficacité des mesures dépend de l’environnement naturel, la pratique démontre qu’il n’y a pas de lien entre les choix de mesures de protection et l’environnement de l’exploitation.

Recommandation n° 12 : encourager et favoriser la diversification des mesures de protection en fonction des caractéristiques propres de chaque territoire.

En somme, si les mesures de protection font la preuve de leur utilité, elles s’avèrent insuffisantes pour limiter fortement et dans la durée les dommages causés par les attaques de prédateurs.

b.   Un fonctionnement handicapant pour les éleveurs et un reste à charge élevé

Si les aides de l’État sont essentielles pour les éleveurs, elles peuvent être sources de difficultés de gestion et génératrices de charges importantes.

Tout d’abord, l’aide à la protection suppose de réaliser une avance de trésorerie pour les éleveurs, pouvant conduire par exemple à freiner l’embauche. C’est également le cas pour les analyses de vulnérabilité, qui nécessitent une avance de trésorerie considérable (l’aide à la protection est versée a posteriori).

Des aménagements doivent être trouvés à cet égard : un système d’acomptes pourrait notamment être mis en œuvre. Un tel système permettrait d’une part d’accélérer le décaissement de l’aide au bénéfice des éleveurs, et d’autre part aux services de l’État de pouvoir engager des contrôles plus rapidement, ces derniers ne pouvant être engagés que dès qu’un paiement est réalisé. Une mise en cohérence des moyens et de l’organisation des DTT serait toutefois nécessaire.


Recommandation n° 13 : instaurer un système d’acomptes pour le versement des aides à la mise en œuvre des mesures de protection, simplifier les dispositifs de demande et accélérer les versements pour limiter les difficultés de trésorerie des éleveurs engendrées par ces dépenses imposées et non productives.

En outre, les règles applicables à la prise en charge des dépenses de protection entraînent un reste à charge considérable pour les éleveurs : ce reste à charge représente en effet 20 % du coût des mesures de protection. Seules quelques mesures (gardiennage en cœur de parc ou en réserve naturelle nationale, accompagnement technique, analyse de vulnérabilité, tests de comportement des chiens de protection) sont prises en charge à 100 % (cf. supra).

L’application de plafonds concourt également à accroître le reste à charge des éleveurs. Ce phénomène s’observe notamment sur l’équipement en clôtures pour réaliser des parcs sécurisés. Le différentiel doit par conséquent être comblé par l’éleveur. D’après l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, dans le sud du Massif Central, le besoin en équipement d’équipement est de l’ordre de 20 à 25 km de clôtures électriques par exploitation, pour un coût compris entre 3 000 à 6 000 euros le kilomètre linéaire. La pose de clôture représente donc un coût compris entre 60 000 et 150 000 euros. Or, le plafond de subvention pour un mode de conduite prioritaire en parc est de 31 500 euros soit au mieux 50 % du coût total, et au pire 20 % du coût total. L’embauche de bergers est également rendue difficile par les modalités d’indemnisation : pour assurer une surveillance du troupeau en continu tout en respectant les principes élémentaires du droit du travail, il serait nécessaire d’embaucher trois bergers. Or, le reste à charge de 20 % pour l’éleveur peut s’avérer impossible à assumer lorsque de telles sommes sont en jeu.

D’après les estimations fournies par la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et la fédération nationale ovine (FNO), en 2019, les dépenses réalisées par les éleveurs éligibles étaient de 34,7 millions d’euros, le montant de dépenses éligibles une fois les plafonds appliqués était de 33,14 millions d’euros, et le montant d’aide total (État et FEADER) a atteint 26,84 millions d’euros. Le reste à charge pour les éleveurs représenterait donc en 2019, à un niveau agrégé, 7,86 millions d’euros.

c.   De nouvelles compétences à acquérir par les éleveurs et la sous-utilisation ou la mauvaise utilisation de certaines mesures

Pour pouvoir appréhender et utiliser toute la gamme des mesures de protection disponibles, un accompagnement et des compétences spécifiques sont nécessaires.

À titre d’exemple, la possession de chiens de protection nécessite de savoir les dresser et les entretenir. Pourtant, les formations concernant les chiens de protection sont peu nombreuses. De la même manière, le statut d’employeur de bergers nécessite de réaliser des tâches administratives supplémentaires. Face à ces impératifs, il apparaît que les éleveurs ne savent pas forcément où chercher l’information ([51]).

Ce déficit de formation vient amplifier des difficultés croissantes concernant les chiens de protection, qui attaquent parfois des randonneurs ou des riverains. Comme l’indique le rapport du groupe de travail mené par les députées Mmes Pascale Boyer et Bénédicte Taurine, ces constats ne sont pas suffisamment étayés par des données fiables ([52]), qui permettraient pourtant de proposer une amélioration de la réponse publique aux difficultés éprouvées par les éleveurs.

Au regard de la nécessité pour les éleveurs de se doter d’un ou plusieurs chiens de protection, la puissance publique se doit de leur proposer un accompagnement protéiforme et de les protéger juridiquement en cas d’incident. Au-delà de la formation au dressage, les responsabilités nouvelles créées par les attaques de chiens de protection appellent à la création d’un cadre juridique adapté. Or, la seule définition juridique applicable aux chiens de protection est celle utilisée par le code rural pour qualifier la divagation. Dans les faits, la responsabilité civile pèse sur l’éleveur en cas de morsure, en application de l’article 1243 du code civil. Or, l’éleveur confie la surveillance du chien au berger, et n’est pas nécessairement présent sur les lieux de l’accident. Le berger n’a quant à lui pas de droit de propriété sur le chien et n’est pas responsable de son éducation. Selon les cas, la responsabilité pénale de l’éleveur peut également être engagée ([53]) pour atteinte involontaire à l’intégrité de la personne.

Cet état de fait est difficilement acceptable alors que les chiens de protection (qui ne sont pas des chiens de « bergers », c’est-à-dire des chiens de conduite de troupeau) sont imposés aux éleveurs  comme mesures de protection en raison de la protection stricte des prédateurs, et que l’État ne s’est par ailleurs pas encore pourvu d’une filière claire et transparente de chiens de protection, ni de moyens de formation dédiés aux éleveurs pour gérer ce risque. Il convient de noter en outre que l’agressivité d’un chien de protection n’est pas nécessairement due à un déficit de la part de l’éleveur. Le stress permanent subi par les chiens dans des secteurs de forte prédation, protégeant de façon active le troupeau, peut engendrer des comportements agressifs à l’égard de randonneurs. Il s’agit bien de chiens de protection. Un éleveur dont la responsabilité est engagée, devant le tribunal, alors qu’il subit cet état de fait imposé par les pouvoirs publics, n’est pas acceptable.

Une base juridique spécifique aux chiens de protection est nécessaire pour permettre le bon traitement des contentieux et la juste indemnisation des victimes d’accidents. L’absence d’un tel cadre peut constituer un frein à l’adaptation dans les zones touristiques et creuser les dissensions de plus en plus nombreuses entre les usagers du montage.

Quant aux responsabilités en jeu lors d’une attaque de chien de protection, plusieurs pistes peuvent être envisagées, dont une mise en cause partielle de la responsabilité de l’État, dont les décisions ont rendu nécessaire la possession de chiens de protection.

Recommandation n° 14 : créer un cadre juridique solide et complet concernant les chiens de protection et les accidents dans lesquels ils peuvent être impliqués. Dans ce cadre, étudier la possibilité de créer une responsabilité partagée, notamment par l’État, en cas d’incident.

Enfin, certaines mesures sont sous-exploitées : en 2019, le montant des dépenses consacré aux analyses de vulnérabilité des exploitations s’est élevé à 32 550 euros et concerne uniquement des demandes liées à la prédation par le loup. Un diagnostic spécifique a été mis en place pour l’ours en 2020 : un seul a été sollicité, pour un montant de 12 960 euros.

Peu de structures sont par ailleurs en mesure de réaliser des diagnostics pastoraux dans les Alpes : il s’agit principalement des chambres d’agriculture, des services pastoraux ou départementaux et de bureaux d’étude.

La faible sollicitation de ce dispositif résulte de sa trop faible prise en compte des impératifs pastoraux des éleveurs et de son caractère impératif (l’éleveur devant s’engager à mettre en place les mesures préconisées par le bureau d’études). En outre, le plafond d’aide empêche en général d’atteindre un taux de financement effectif de 100 %. Pour être approprié par les éleveurs et pleinement efficace, ce dispositif doit reposer sur une co-construction. En outre, pour inciter à son usage, il pourrait être exempté de plafonds.

Recommandation n° 15 : modifier le fonctionnement des diagnostics de vulnérabilité en supprimant le plafond de dépenses qui leur est appliqué et intégrer les éleveurs et bergers dans leur réalisation afin d’en faire un outil co-construit.

d.   Un déficit majeur d’évaluation et d’information

Quelques études ont été réalisées concernant l’efficacité des mesures de protection ([54]). L’évaluation de l’efficacité des mesures de protection reste toutefois très insuffisante, comme l’illustre l’absence d’indicateurs de performance prévus au titre des PNA et dans la documentation budgétaire.

Les seuls indicateurs de performance portés à la connaissance de la rapporteure sont le suivi de la mise en œuvre de la feuille de route « ours et pastoralisme » et l’objectif, fixé par les services du préfet coordonnateur du PNA « ours brun », de satisfaire 100 % des demandes exprimées par les éleveurs concernant les demandes de protection des troupeaux et les demandes à la mesure « pastoralisme ». Si ces indicateurs ont une utilité, ils ne sont pas en mesure de renseigner quant à l’efficacité des mesures de protection ni sur l’efficacité du traitement administratif des dossiers.

La rapporteure note à cet égard que la création d’un observatoire de l’efficacité des mesures de protection, préconisée par le PNA « loup » (mesure 1.3), ne s’est pas concrétisée par la publication de travaux à ce stade ([55]). De la même manière, la feuille de route « pastoralisme et ours » prévoit la mise en place d’un observatoire de l’efficacité des moyens de protection, sans concrétisation à ce stade. La rapporteure recommande de procéder à leur installation et à la publication de leurs premiers travaux au plus vite.

Recommandation n° 16 : renforcer et systématiser l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection, par la réalisation d’études et de la collecte d’information de terrain. Dans cette optique, la publication des premiers travaux des observatoires de l’efficacité des moyens de protection prévus dans les plans nationaux d’action et la feuille de route « ours et pastoralisme » doivent se faire dans les meilleurs délais.

Il reste en outre très difficile de connaître le coût consolidé de la part de ces mesures financée par l’Union européenne. Ces crédits relèvent de la gestion partagée ; la décision de financer certains types d’opérations est donc laissée à la décision des États membres, qui ne sont pas tenus de communiquer à l’Union européenne des informations agrégées quant aux mesures des programmes de développement rural (PDR) et quant au soutien du FEADER pour le loup et les autres grands carnivores.

Il n’existe par ailleurs aucune exigence réglementaire de suivi de la performance des mesures en œuvre au niveau de l’Union européenne, ce soutien étant facultatif pour les États membres.

De la même manière, la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne n’a pas été en mesure d’indiquer à la rapporteure le nombre d’ETP spécifiquement consacrés à ce sujet en son sein.


C.   les crÉdits d’urgence du ministÈre de l’agriculture

En sus des dépenses de protection, le ministère de l’agriculture mobilise des crédits d’urgence pour la réponse aux situations de crise et l’équipement en urgence des élevages sur les fronts de colonisation. En 2019, le montant correspondant s’élève à 296 000 euros pour le loup et l’ours. En 2020, ces dépenses atteignent 564 000 euros, dont 214 000 euros pour le loup et 350 000 euros pour l’ours.

Pour l’ours, ces dépenses concernant le financement d’abris mobiles, de téléphones satellites pour les bergers, de matériel d’effarouchement et de diagnostics de vulnérabilité des estives.

montant des crÉdits d’urgence du ministÈre de l’agriculture mobilisÉs
en 2020 au titre de la prÉdation par l’ours

(en euros)

Abris en attente de réalisation de cabanes

298 277

Animation et expérimentation

12 960

Effarouchement

10 044

Communication

27 156

TOTAL

348 437

Source : données communiquées par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun ».

II.   l’indemnisation : des dÉpenses croissantes mais nÉcessaires

Tirant les conclusions de l’imparfaite efficacité des mesures de protection, la politique publique de gestion de la prédation a intégré une indemnisation au titre des dommages causés par les grands prédateurs. Ce volet de la politique publique est assuré par le ministère de la transition écologique. À la faveur de la multiplication des attaques et de la croissance des dommages, les coûts des indemnisations suivent eux aussi une tendance haussière marquée.

A.   les modalitÉs de plus en plus favorables de l’indemnisation des pertes

Pendant aval des mesures de protection qui visent la prévention des attaques en amont, l’indemnisation permet, une fois l’attaque survenue, de dédommager partiellement les éleveurs. Afin de respecter les exigences de la commission européenne qui considère l’indemnisation comme une aide d’État ([56]), l’indemnisation est conditionnée à la mise en place préalable de mesures de protection, à partir de la troisième attaque annuelle subie par un même troupeau dans une commune classée en cercle 0 ou 1. En 2020, 24 dossiers d’éleveurs victimes de la prédation par le loup ont été refusés en application de cette condition. Par exception, aucune mesure de protection n’est exigée si le préfet de département a reconnu le troupeau comme ne pouvant pas être protégé, ou si le troupeau a subi moins de trois attaques au cours des douze derniers mois ([57]).

La rapporteure considère que cette règle doit faire l’objet d’adaptation pour le lynx : au regard de la difficulté à empêcher ses attaques mais aussi de leur nombre relativement faible qui limite la probabilité que trois attaques aient lieu, l’indemnisation pourrait ne pas être conditionnée.

Des évolutions bienvenues sont intervenues récemment concernant l’indemnisation des dommages.

1.   Des conditions d’indemnisation souples

L’indemnisation repose sur un présupposé favorable à l’éleveur : elle est possible quand « la responsabilité d’un prédateur n’est pas écartée », sans qu’il soit nécessaire de prouver de manière certaine que le prédateur est la cause du décès des bêtes. Cette formule présente l’avantage de garantir à l’éleveur qu’il percevra une indemnisation en cas d’attaque, quand bien même il ne serait pas en mesure de fournir la preuve matérielle de la responsabilité du prédateur.

2.   Un système différencié selon les prédateurs a laissé place à un fonctionnement harmonisé et plus favorable aux éleveurs.

Avant 2019, un système d’indemnisation spécifique à chaque prédateur était appliqué. Ce précédent système reposait sur plusieurs bases légales :

– une circulaire de 2011 pour les loups, avec une gestion par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) puis l’ASP à partir de 2016, avec une indemnisation des pertes directes, indirectes et des animaux perdus ;

– concernant la prédation par l’ours, une décision du préfet Midi-Pyrénées revue annuellement et une gestion par la DREAL, avec une indemnisation des pertes directes, un forfait de perte de protection et une prime aux bergers ;

– une note et une convention avec l’ONCFS pour le lynx, avec une indemnisation des pertes indirectes, plus ou moins forte selon que la responsabilité du prédateur est avérée ou probable.

Ce système d’indemnisation en silo a laissé place à un fonctionnement harmonisé entre les trois prédateurs en application du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx.

L’indemnisation couvre deux volets des dommages.

D’une part, elle couvre les coûts directs des attaques, comprenant la valeur des animaux dont l’attaque a causé la mort ou qui ont nécessité une euthanasie. Le montant perçu par l’éleveur varie selon la bête tuée. Par exemple, la perte d’une brebis de dix à douze mois sera indemnisée à hauteur de 150 euros (contre 120 euros dans l’ancien barème), et celle d’un agneau de zéro à six mois sera indemnisée à hauteur de 105 euros (contre 95 euros dans l’ancien barème). Il convient également de noter que certains animaux font l’objet d’une valorisation spécifique, en raison de leur inscription à un organisme d’amélioration génétique, d’une production dans le cadre d’un label ou d’une pratique agricole biologique, ou encore de la vente en circuit court.

Les animaux disparus font également l’objet d’une indemnisation, représentant 20 % du montant de l’indemnisation des animaux tués lorsqu’ils ne sont pas tenus en parc clos, et égale au forfait total si l’éleveur apporte la preuve de la disparation de certains animaux tenus en parc clos ou si le constat indique que le parc a été endommagé lors de l’attaque.

D’autre part, l’indemnisation couvre des coûts indirects, qui comprend plusieurs aspects. Tout d’abord, les frais vétérinaires nécessaires pour les animaux blessés lors de l’attaque sont indemnisés sur facture et sans dépasser le barème de l’animal concerné. Les soins légers apportés par l’éleveur ou le berger sont indemnisés par un forfait annuel de 100 euros. Enfin, les pertes liées à la perturbation du reste du troupeau (engendrées par le stress et se traduisant par une moindre prise de poids, des avortements ou des baisses de lactation) sont prises en charge par un forfait en fonction de la taille du troupeau (100 euros pour un troupeau de deux à cent animaux, 260 euros pour un troupeau de 101 à 300 animaux, et au-delà de 300 animaux une indemnisation de 40 centimes d’euro par animal jusqu’à 1 200 bêtes lorsque le nombre de victimes est inférieur ou égal à cinq et sans plafonnement si le nombre de victimes de l’attaque est supérieur à cinq).

Enfin, l’indemnisation couvre les coûts de réparation ou le remplacement du matériel endommagé (notamment les clôtures, les parcs et les ruchers).


montant de l’indemnisation selon les dommages subis

Catégories de pertes

Dommages subis

Montant de l’indemnisation

Pertes directes

Animaux tués

Pour un ovin, entre 105 et 720 euros selon le type d’animal, son âge, et le type d’élevage pratiqué

Pour un caprin, entre 40 et 1 164 euros selon le type d’animal, son âge, et le type d’élevage pratiqué

Pour un bovin, entre 100 et 935 euros selon le type d’animal, son âge, et le type d’élevage pratiqué

Animaux disparus

Entre 20 % du montant versé en cas de décès de l’animal selon son type et la totalité de ce montant

Pertes indirectes

Animaux blessés

Frais vétérinaires dans la limite du barème correspondant à l’animal

Soins légers

Forfait annuel de 100 euros

Pertes consécutives à la perturbation du troupeau, du fait notamment du stress, de la moindre prise de poids, des avortements ou de la baisse de lactation

100 euros pour un troupeau composé de deux à cent animaux

260 euros pour un troupeau composé de 101 à 300 animaux

Au-delà de 300 animaux :

– si le nombre de victimes est inférieur ou égal à cinq : 40 centimes d’euros par animal par animal jusqu’à 1 200 bêtes

– si le nombre de victimes est supérieur à cinq : 40 centimes d’euros par animal sans plafonnement

Source : commission des finances à partir de l’arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l’application du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx.

Le montant des indemnisations a été revu à la hausse à la faveur de cette harmonisation.

Dans le système initial, seuls les dommages causés par les loups donnaient lieu à la prise en compte des dommages indirects.

L’harmonisation des grilles d’indemnisation est donc bénéfique pour les éleveurs victimes des attaques d’ours et de lynx : le nouveau dispositif revalorise de plus de 30 % les dommages dus aux ours. Les indemnisations engendrées par les attaques de loups bénéficient également de cette harmonisation : l’indemnisation des pertes indirectes a augmenté en moyenne de 15,77 % pour le loup, et jusqu’à 140 % pour les troupeaux de moins de 100 têtes.

Toutefois, ce nouveau barème d’indemnisation des pertes indirectes possède des limites : le dispositif favorise les gros troupeaux et est totalement déconnecté des spécificités des élevages touchés (peut par exemple être cité le cas des troupeaux laitiers et de l’impact sur la production laitière). D’après les informations communiquées par le ministère de la transition écologique, un travail serait en cours pour affiner les critères afin d’indemniser au plus juste les pertes liées aux attaques. Le but serait donc d’objectiver les pertes indirectes et de définir les cas pour lesquels l’indemnisation ne correspond au dommage réel (sous-estimation ou sur estimation).

Recommandation n° 17 : aboutir rapidement à des conclusions quant à la révision des critères d’indemnisation des pertes indirectes.

À terme et afin de prendre acte de l’extension à la quasi-totalité du territoire national de la prédation, il pourrait être envisagé la transformation de ce régime d’indemnisation au profit d’une d’indemnité compensatoire de présence de prédateurs (ICPP), sur le modèle d’une indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) ([58]), plus prévisible et protectrice pour les éleveurs. Cette solution permettrait également de limiter le coût relatif aux constats, tout en simplifiant le dispositif.

Recommandation n° 18 : à long terme, envisager la transformation de l’indemnisation en cas d’attaque de prédateurs en une indemnité compensatoire de présence de prédateurs (ICPP), sur le modèle de l’indemnité compensatoire handicaps naturels (ICHN).

3.   Une procédure de constat chronophage, bien qu’en cours de simplification

Afin de bénéficier de l’indemnisation, l’éleveur ayant subi une attaque de prédateur doit en informer les autorités dans un délai de 72 heures, afin qu’un constat puisse être établi. Ce constat est ensuite envoyé à la direction départementale des territoires (DDT), qui décide, en se fondant sur les éléments reçus, si la responsabilité d’un prédateur peut être écartée ou non. Si cette responsabilité n’est pas exclue, la demande d’indemnisation est transmise à l’agence de service et de paiement (ASP), chargée de réaliser les paiements.

Traditionnellement, les constats sont réalisés par des agents habilités par l’OFB, sollicités par les DDT. Les agents de l’OFB réalisent la grande majorité des constats. En 2020, ils en ont réalisé environ 4 000. Les agents des parcs nationaux en ont réalisés 700 supplémentaires. Dans les départements soumis à la prédation la plus importante, des renforts en personnel vacataires ou en CDD sont mis en place pendant la saison des estives, ou toute l’année comme en Provence-Alpes-Côte-D’azur.

Les constats mobilisent une trentaine d’ETP au sein de l’OBF, dont 17 ETPT de CDD, vacations et emplois aidés et une douzaine de personnels titulaires :

– environ 3 200 constats/an pour loup soit 25 ETP ;

– environ 700 constats /an pour l’ours 4 à 5 ETP pour l’OFB ;

– environ 100 à 150 constats pour le lynx, soit 1 ETP pour l’OFB.

La masse salariale correspondante est retracée parmi les dépenses de personnel de l’OFB présentées ci-avant (cf. infra).

Cette activité de constats exige la mobilisation d’un grand nombre d’agents, par ailleurs très qualifiés (la plupart sont techniciens de l’environnement). Cette mobilisation représente une difficulté pour l’organisation de l’OFB, car ces agents sont contraints de se désengager d’autres missions, tout aussi fondamentales, et notamment la police et l’expertise.

De manière générale, dans un contexte global de tension sur ses effectifs, l’OFB fait face à une charge de travail accrue en raison de l’expansion géographique du loup et de l’ours. Le renforcement des effectifs de l’OFB, parallèlement à une modernisation et à un allègement des procédures de constats, semble nécessaire pour les années à venir.

Dans cette optique, une démarche est engagée pour développer un système déclaratif dans de nouveaux départements : pour les attaques portant sur moins de cinq victimes ovines ou caprines, le préfet de département peut autoriser l’éleveur volontaire à déclarer lui-même ses dommages dans certaines conditions.

Cette évolution peut permettre d’accélérer une procédure souvent trop longue : le délai moyen entre le constat et l’indemnisation est de 125 jours, avec des dossiers mettant plus de 260 jours à aboutir. Elle ne doit toutefois pas se faire au détriment des éleveurs : l’auto-constat ne doit pas accentuer leur isolement en rompant le lien avec les agents de l’OFB, ni faire peser sur eux une responsabilité qui ne leur échoie pas. En outre, le développement du constat à distance peut localement se heurter à la persistance de zones blanches.

La rapporteure recommande dans un premier temps la généralisation de la déclaration à distance (télé-déclaratif) expérimentée durant la crise sanitaire liée au Covid-19. La déclaration à distance est réalisée par téléphone par un agent de l’OFB. Comme c’est actuellement le cas, le déploiement plus en avant des constats déclaratifs, ou auto-constat doit être encouragé, mais doit rester fondé sur le volontariat.

Recommandation n° 19 : généraliser la télé-déclaration là où la couverture numérique le permet, et développer l’usage des constats déclaratifs sur la base du volontariat.

Enfin, la rapporteure déplore une évolution de pratique administrative survenue lors de l’harmonisation des critères, concernant l’indemnisation des dommages causés par l’ours : les demandes d’indemnisation étaient auparavant traitées par la DDT de l’Ariège, qui versait par la suite les indemnisations à chaque éleveur à titre individuel. Désormais, le versement est réalisé par l’ASP aux présidents des groupements pastoraux, qui doivent ensuite reverser le montant correspondant à chaque éleveur.

Cette évolution conduit à une augmentation de la charge de travail des présidents de groupements pastoraux – qui occupent cette fonction bénévolement – et a conduit, d’après les éleveurs rencontrés par la rapporteure, à un allongement des délais de versement.

Recommandation n° 20 : dans les Pyrénées, décentraliser le paiement des indemnisations de l’ASP vers les services déconcentrés de l’État.

B.   Le coût des mesures d’indemnisation

L’amélioration des conditions de l’indemnisation, couplée à une augmentation des dégâts causés par les prédateurs, s’est traduite par une augmentation importante des dépenses publiques consacrées à l’indemnisation des dommages au cours des dernières années. En 2019, le coût total de l’indemnisation des dommages, en pertes directes et indirectes, représente 5,04 millions pour les trois prédateurs. Les dommages causés par le loup représentent la majeure partie de ce moment (4,18 millions d’euros en 2019).

Si une légère diminution du montant des dépenses d’indemnisation s’observe en 2020, année où elles atteignent environ 4,54 millions d’euros, une tendance haussière très nette des dépenses d’indemnisation se dégage : entre 2015 et 2020, les dépenses publiques d’indemnisation ont augmenté de 58 %.

Les dépenses d’indemnisation liées à la prédation par le loup ont particulièrement augmenté depuis 2010 (+ 263 %), passant de 1,09 million d’euros à presque 4 millions d’euros.

indemniSation au titre de la prÉdation par le loup

 

Nombre de constats indemnisés

Nombre de victimes indemnisées

Nombre de départements concernés

Montant total des indemnisations
(en millions d’euros)

2010

984

3 791

9

1,09

2015

2 414

8 882

25

2,79

2017

3 227

11 992

29

3,77

2018

3 591

12 051

33

3,84

2019

3 674

12 123

35

4,17

2020

3 730

11 849

36

3,96

Source : commission des finances à partir des informations communiquées par le préfet coordonnateur et le ministère de la transition écologique.

La croissance des dépenses d’indemnisation s’avère directement corrélée à l’augmentation du nombre de zones de présence permanente du loup.


dÉpenses d’indemnisation et zones de prÉsence permanente du loup

(en millions d’euros et en nombre de zones de présence permanente)

Source : données fournies par le ministère de la transition écologique.

Une dynamique similaire s’observe concernant les dépenses d’indemnisation au titre des dommages causés par l’ours.

indemniSation au titre de la prÉdation par L’ours

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Évolution 2015-2020

Nombre de dossiers ours indemnisées

93

125

173

474

658

403

333 %

Total des dommages indemnisés

Animaux

247

471

803

780

1 712

930

277 %

Ruches

0

0

25

22

36

11

 

Montant total des indemnisations
(en euros)

89 086

163 749

281 565

392 384

838 922

583 537

555 %

Source : commission des finances à partir des informations communiquées par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun ».

D’un point de vue budgétaire, les dépenses d’indemnisation sont financées par le programme 113 Paysages, eau et biodiversité de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Si ce programme finance d’autres mesures en lien avec les grands prédateurs (cf. infra), l’indemnisation des dommages représente la majeure partie des dépenses recensée au titre de la politique des grands prédateurs. Or, les crédits consacrés à cette politique au sein du programme 113 suivent une hausse soutenue, illustrant le poids croissant représenté par l’indemnisation pour les finances publiques.

crÉdits consacrÉs à la politique des grands prÉdateurs au sein du programme 113 de la mission Écologie

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des projets annuels de performances.

La rapporteure déplore le manque d’information dans les rapports annuels de performance concernant cette politique, justifiant le fait que le graphique ci-dessus se fonde sur les informations des PAP.

C.   les autres dÉpenses du ministÈre de la transition Écologique relative à la prÉdation

Si les dépenses d’indemnisation représentent la majeure partie des dépenses de la politique des grands prédateurs, le programme 113 Paysages, eau et biodiversité de la mission Écologie, développement et mobilité durables concourt au financement d’autres mesures, parmi lesquelles, en 2020 :

– des subventions aux associations, par les actions Pastoraloup (23 000 euros), le MOOC Erasmus (15 000 euros), le projet « permettre l’existence de l’élevage paysan dans un contexte d’expansion du loup » (40 000 euros), ainsi que des subventions versées par les DREAL (169 400 euros pour l’ours) ;

– des dispositifs de protection des ruchers ;

– les bergers d’appui (639 000 euros dont 550 000 pour l’ours et 89 000 euros dans les parcs nationaux pour le loup) ;

– le soutien au pastoralisme dans les parcs nationaux alpins (350 000 euros délégués par le MTES dont 153 000 euros pour les abris et équipements pastoraux) ;

– le développement d’outils de communication pour les bergers (59 000 euros) ;

– les frais de coordination des PNA (120 000 euros)

– des actions de communications réalisées par les DREAL (20 500 euros pour l’ours et 33 000 euros pour le loup) ;

– les développements informatiques des bases d’indemnisation (75 000 euros)

Ainsi, les dépenses réalisées par le ministère de la transition écologique, outre les dépenses d’indemnisation, s’élèvent environ à 1,54 million d’euros.

III.   une hausse du plafond d'autorisation de prÉlÈvements et leur simplification rendus nÉcessaires par l’intensitÉ de la prÉdation

Au regard des limites importantes des mesures de protection face à la realité de l’augmentation de la pression de prédation, une politique de tirs sur les grands prédateurs a dû être conçue et déployée pour permettre de limiter la pression de la prédation.

Les différentes protections juridiques des espèces protégées (cf. supra) permettent, par dérogation, d’effectuer des opérations de tirs. Pour rappel, les dérogations à la protection des espèces autorisées par la convention de Berne et par la directive « Habitats » ne sont possibles que sous trois conditions cumulatives :

– elles ne doivent pas nuire au maintien des populations des espèces dans un état de conservation favorable dans leur aire de répartition naturelle ;

– elles doivent s’inscrire dans un cadre défini, justifiant un intérêt à agir. Concernant les grands prédateurs, il s’agit de la prévention de dommages importants sur les élevages ;

– enfin, elles ne sont justifiées que si aucune autre solution satisfaisante ne peut être mise en œuvre.

Le premier de ces critères restrictifs, selon lequel les dérogations ne doivent pas nuire à l’état de conservation des espèces, prend en France la forme de plafonds de prélèvement, déterminés par arrêté ([59]). Ainsi, il est impossible, depuis 2020, de prélever chaque année plus de 19 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement. Ce plafond a été fortement relevé au cours des dernières années : avant l’entrée en vigueur de l’arrêté précité en 2020, le plafond était fixé à 10 % de l’effectif moyen de loups par année. Ce relèvement important du plafond traduit l’utilité majeure des protocoles de tirs, et doit être pris en compte dans la stagnation des attaques et des victimes depuis 2020.

A.   les parties prenantes aux protocoles de tirs

Plusieurs acteurs administratifs et économiques participent aux opérations de tirs :

– les préfets, via les DDT, assurent la mise en œuvre du protocole de tir (prise d’arrêté de tir et suivi des opérations de tir) ;

– les DDT pilotent également l’action des lieutenants de louveterie : il s’agit de collaborateurs bénévoles du service public, qui relèvent du préfet de département. Les louvetiers participent aux opérations de tirs ou d’effarouchement. La DDT les recrute, les missionne, les forme et les encadre. Les louvetiers sont bénévoles, mais la puissance publique prend en charge le renouvellement du matériel et le défraiement kilométrique.

Les défraiements kilométriques des louvetiers ont représenté 87 208 euros en 2020 et 68 927 en 2021. L’enveloppe annuelle moyenne est d’environ 70 000 euros. L’engagement des lieutenants de louveterie, bénévoles, pour la mise en œuvre de cette politique publique est remarquable. Non indemnisés, ils constituent la principale force effectuant avec succès des tirs de défense et tirs de défense renforcés. Il passent des nuits dehors, souvent en plus de leur travail, ou alors qu’ils sont retraités. Une indemnisation prise en charge par l’État de leurs heures passées dans ces missions, indispensables pour rassurer éleveurs et bergers, et leur permettre un peu de repos, est aujourd’hui indispensable, tant leur action est nécessaire.

Lieutenant de louveterie : le retour d’une mission essentielle

Les lieutenants de louveterie sont garants de l’harmonie entre les activités humaines et la présence des loups, et plus largement des espèces animales sauvages, sur le territoire national. Les lieutenants doivent détenir un permis de chasse depuis au moins cinq ans, posséder une compétence cynégétique suffisante, et se distinguent notamment par leur grande connaissance de la vie sauvage et une attention forte portée à l’équilibre biologique. En effet, au-delà de leur participation à la destruction d’animaux non domestiques nuisibles, ordonnée par le préfet, les lieutenants de louveterie sont régulièrement consultés quant aux prolèmes posés par la faune sauvage. Ils jouent également un rôle de médiation avec le monde agricole et sont compétents pour constater les infractions à la police de la chasse. Afin de remplir ces missions, ils sont tenus, en application de l’article R. 427-3 du code de l’environnement, d’entretenir à leurs frais au moins quatre chiens (deux s’il s’agit de chiens de déterrage).

La diversité et la qualité des missions remplies par les lieutenants de louveterie doit inciter les pouvoirs publics à faire connaître et valoriser ces collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public : il est nécessaire qu’un nombre suffisants de lieutenants soit présent dans chaque départements, qu’il puissent remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes, et qu’ils bénéficient de la considération qui leur est dûe.

 

 

Recommandation n° 21 : recruter et former au niveau local davantage de lieutenants de louveterie, disposant d’une véritable proximité et connaissance des terrains d’intervention. En outre, financer non seulement leur besoin en matériel et leur déplacement, mais mettre également en place une indemnité « d’intervention » prise en charge par l’État.

– la brigade mobile d’intervention « grands prédateurs », rattachée à la direction « grands prédateurs terrestres » (DGPT) de l’OFB remplit une mission particulière : elle mène des missions de tirs létaux contre les loups, et matérialise la présence de l’État dans les estives, contribuant ainsi à sécuriser les éleveurs. La brigade « grands prédateurs » assure également la formation des louvetiers et des chasseurs aux mesures de sécurité spécifique aux prélèvements de loups. Elle contribue enfin aux activités de recherche et de suivi de l’espèce.

La brigade est composée de 18 agents, dont trois techniciens de l’environnement, un adjoint technique de l’environnement, dix CDD de catégorie C (3 ans) et quatre contrats aidés (12 mois).

Le coût total de la DGPT, composée pour sa majeure partie des agents de la brigade, représente 1,2 million d’euros, dont 950 000 euros de masse salariale ([60]), 195 000 euros de fonctionnement et 55 000 euros d’investissement.

Le déploiement de la brigade « grands prédateurs » en Occitanie
pour l’effarouchement de l’ours : une expérimentation réussie

En 2020, une équipe de six agents dédiée à l’expérimentation de l’effarouchement renforcé de l’ours, a été mise en place au sein de la brigade « grands prédateurs ». Elle est composée de 4 CDD de six mois et de deux agents sous contrats parcours emploi compétences (PEC). Entre le 6 juillet 2020 et le 1er octobre 2020, 34 opérations ont été validées (sur 51 sollicitations), entraînant plus de 70 nuits d’intervention.

Le coût complet de cette intervention a représenté un coût de 260 000 euros en 2020 (dont 180 000 euros de masse salariale, 55 000 euros de dépenses de fonctionnement, et 25 000 euros d’investissements en véhicules et matériels). Ces dépenses ont été prises en charge sur le budget de l’OFB.

Le déploiement expérimental de la brigade « grands prédateurs » en Occitanie a reçu un accueil favorable des éleveurs : les agents de la brigade ont réalisé des actions de défense des troupeaux contre la prédation par l’ours, mais ont également représenté un appui psychologique pour les éleveurs soumis à une forte prédation. Des conseils relatifs à la protection ont également pu être dispensés.

Pour prolonger cette expérimentation, des moyens supplémentaires sont attendus par l’OFB, à hauteur d’une dizaine d’agents.

– les chasseurs sont appelés depuis 2010 en renfort des agents de l’OFB ou des lieutenants de louveterie pour réaliser des tirs de protection. 11 000 chasseurs ont bénéficié d’une formation spécifique.

La fédération nationale des chasseurs estime que le coût des interventions de chasseurs représente une valeur de 3,96 millions d’euros, dont 2,26 millions d’euros au titre de la valorisation du bénévolat pour 11 000 chasseurs formés et 1,7 million d’euros pour l’achat de matériels ([61]).

B.   Des rÈgles relatives aux opÉrations de tirs diffÉrentes selon les prÉdateurs

Des réglementations différentes s’appliquent selon le prédateur concerné. Les protocoles de tirs sur les loups sont bien plus développés que ceux visant les ours, en raison de la faiblesse numérique persistante de l’espèce ursine. Il n’existe pas d’autorisations de tirs sur la population de lynx.

1.   Le loup

Il existe plusieurs niveaux d’intervention pouvant être réalisées sur la population de loups, en fonction de la gravité de la prédation subie ([62]) :

– le tir d’effarouchement peut être réalisé lorsque le troupeau est susceptible de subir une prédation. Ce tir a pour objectif de dissuader le loup d’attaquer le troupeau. Il s’agit donc d’un tir non létal. L’effarouchement peut également prendre la forme de moyens olfactifs, sonores ou visuels ;

– le tir de défense simple vise les loups en situation d’attaque et a pour but de défendre le troupeau. Il est réalisé par le bénéficiaire de la dérogation ou toute personne mandatée par lui, à condition qu’ils soient titulaires d’un permis de chasse ;

– le tir de défense renforcé intervient si malgré l’usage du tir de défense simple, le troupeau a subi au moins trois attaques dans les douze mois précédant la demande ou se situe dans un territoire où il est constaté au cours des six derniers mois des dommages importants dans des élevages ayant recouru à des tirs de défense simple. Le tir de défense renforcé peut être réalisé par toute personne titulaire d’un permis de chasse valable et il peut être réalisé simultanément par plusieurs tireurs.

Les tirs de défense sont conditionnés à la mise en place de mesures de protection, à l’exception des zones reconnues comme non protégeables. Ils sont privilégiés entre janvier et septembre. Les conditions de sécurités sont définies par l’OFB ;

– le tir de prélèvement peut être mis en œuvre s’il est constaté des dommages exceptionnels dans des élevages ayant mis en œuvre des tirs de défense simple et malgré l’installation de mesures de protection, ou s’il est constaté des dommages exceptionnels au cours des douze derniers mois sur une zone de présence permanente du loup non constituée en meute. Ces tirs visent donc à détruire un ou plusieurs loups sur un territoire soumis à une forte prédation, et ainsi réduire la pression de la prédation dans les foyers d’attaque.

Les tirs de prélèvement sont réalisés entre le 1er juillet et le 31 décembre, dans les zones classées en cercle 0 ou en cercle 1 touché par une prédation exceptionnelle. Ils sont autorisés par arrêté préfectoral et soumis à l’avis du préfet coordonnateur et ne peuvent intervenir au cœur des parcs nationaux et des réserves nationales. Ces tirs sont supervisés par des agents de l’OFB et sont réalisés par une ou plusieurs personnes compétentes titulaires d’un permis de chasse, et en particulier des agents de l’OFB et des lieutenants de louveterie. En outre, les tirs de prélèvement peuvent être réalisés à l’occasion de battues aux grands gibiers réalisées dans le cadre de chasse ordinaires ou à l’occasion de chasses ou de battues administratives. On parle alors de tir de prélèvement renforcé.

Il est défini par arrêté le nombre maximum de loups dont la destruction est autorisée pour une année. L’arrêté actuellement en vigueur ([63]) détermine que le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée est fixé à 19 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement.

Toutefois, si ce seuil est atteint avant la fin de l’année, le préfet coordonnateur du PNA « loup » peut décider par arrêté que la mise en œuvre de tirs de défense simple pouvant conduire à l’abattage de loups peut se poursuivre dans la limite de 2 % de l’effectif annuel moyen de loups.

En 2020, cette possibilité n’a pas été mise en œuvre, le plafond national n’ayant pas été atteint. Cette même année, les différentes autorisations de tirs se sont réparties de la sorte :

protocole de tirs mis en œuvre en 2020

Autorisations de tirs de défense simple

2 084

Autorisations de tirs de défense renforcée

319

Arrêtés préfectoraux ordonnant la mise en œuvre de tirs de prélèvement simples

8

Arrêtés préfectoraux ordonnant la mise en œuvre de tirs de prélèvements renforcés

2

Source : commission des finances à partir de l’infoloup n° 36.

97 loups ont ainsi été tués dans le cadre de ce protocole d’intervention. En parallèle, huit loups ont été tués illégalement. D’après les premières données disponibles pour l’année 2021, 105 loups ont été tués, pour un plafond de 118 loups.

L’évaluation de l’efficacité des opérations de tir est inexistante, malgré l’ampleur des moyens humains mobilisés. L’évolution des tirs se caractérise d’ailleurs par la progression des tirs de défense des troupeaux les plus prédatés, tandis que les autorisations de tirs de prélèvement tendent à diminuer.

Évolution des protocoles de tirs

 

2018

2019

2020

Autorisation de tirs de défense simple

1 469

1 609

2 084

Autorisation de tirs de défense renforcé

161

210

319

Autorisation de tirs de prélèvement simple

5

12

8

Autorisation de tirs de prélèvement renforcé

15

2

2

Source : commission des finances à partir des données communiquées par le ministère de la transition écologique.

Les tirs de prélèvements sont pourtant plus efficaces : les agents bénéficient de matériel plus adapté et n’ont pas à attendre le passage du loup pour mener à bien l’opération de tir. Cette évolution entraîne une baisse de nombre de loups tués lors de chacune des opérations de tirs de prélèvement, et par conséquent une baisse de leur efficacité.

nombre de loups tuÉs par catÉgorie d’opÉrations de tirs

 

2018

2018

2020

Loups tués lors de tires de défenses simples

19

43

18

Loups tués lors de tirs de défense renforcé

20

46

75

Loups tués lors de tirs de prélèvement simple

0

3

3

Loups tués lors de tirs de prélèvement renforcé

8

1

1

Loups tués autres

0

1

8

Nombre total de loups tués

47

94

105

Source : commission des finances à partir des données communiquées par le ministère de la transition écologique.

Le seuil de 19 % de la population lupine ne constitue pas un quota qu’il serait nécessaire d’atteindre, mais bien un plafond qui peut être atteint si la situation le nécessite. Toutefois, au regard de l’importance des dommages engendrés par la prédation, la moindre mobilisation des tirs les plus efficaces est particulièrement dommageable pour les zones les plus prédatées, dans lesquelles seule une baisse de la pression de la prédation est efficace.

La rapporteure formule plusieurs constats et recommandations concernant les opérations de tirs.

Revenir au système facilitant l’octroi des tirs de défense renforcés dès la sortie des animaux est nécessaire : un retour en arrière à été observé ces deux dernières années sur la défense des troupeaux en raison d’une gestion comptable des autorisations maximum de prélèvements annuels. En effet, afin de bénéficier de possibilités de défense et de tirs en fin d’estives, les conditions d’octroi de tirs de défense renforcée au printemps se sont complexifiées, au risque d’exposer à une plus grande vulnérabilité les troupeaux en début de saison. Cette logique comptable n’est pas acceptable selon la rapporteur : les éleveurs doivent bénéficier tout au long de l’année des mêmes conditions de défense.

Recommandation  22 : assouplir le plafond de quotas de prélèvements de prédateurs afin de défendre, de manière systématique et réactive, les troupeaux des attaques tout au long de l’année.

Par ailleurs, il n’existe pas d’indicateurs de performance permettant d’évaluer l’efficacité et les effets des tirs. Au regard du grand nombre d’agents de l’OFB et de bénévoles mobilisés pour ces opérations, ainsi que de leur coût (cf. infra), il semble nécessaire de bâtir un référentiel d’évaluation des opérations de tirs. Une telle évaluation permettra dans le futur de déterminer avec plus de pertinence les modalités d’intervention à privilégier ;

Recommandation n° 23 : mener des évaluations de l’efficacité des protocoles de tir, afin de terminer les modalités les plus efficaces.

Le rôle des chasseurs doit ensuite être conforté et souligné : si les chasseurs ont par le passé pu pratiquer des tirs de prélèvement, leur rôle est désormais limité à celui de la protection des troupeaux. Leur équipement a donc été réduit en conséquence, et les chasseurs n’ont pas le droit de recourir à certains dispositifs pourtant essentiels. L’utilisation de lunettes thermiques est par exemple réservée aux agents de l’OFB et aux lieutenants de louveterie. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui permettrait d’augmenter l’efficacité des opérations de tirs mais également de les sécuriser. En effet, les chasseurs se retrouvent désormais à réaliser des opérations de protection de nuit, sans matériel adapté.

En outre, bien qu’acteurs à part entière des opérations de tirs, les chasseurs ne sont pourtant pas en relation avec la brigade d’intervention, et entretiennent des relations d’une intensité variable selon les départements avec les lieutenants de louveterie. La rapporteure recommande que ces différents acteurs soient coordonnés par les préfets. Elle souhaite également que les chasseurs puissent bénéficier de matériel adéquat pour prendre part aux opérations de tirs dans des conditions de sécurité et d’efficacité satisfaisantes.

Recommandation n° 24 : mener une concertation au sein du groupe national « loup » quant à l’équipement des chasseurs participant aux protocoles de tirs et à leur place dans le dispositif.

Enfin, l’accès des éleveurs au permis de chasse spécifique, pour ceux qui le souhaitent, doit être favorisé. En effet, un accès facilité au permis de chasse permettrait de mobiliser moins fortement les lieutenants de louveterie. Pour ce faire, il pourrait être déployé une autorisation d’usage d’arme contre le loup pour la réalisation de tirs de défense, spécifique aux éleveurs et bergers et délivrée à l’issue d’une formation de l’OFB.

Recommandation n° 25 : instaurer un permis de chasse spécifique aux éleveurs, restreint aux tirs de défense.

L’efficacité partielle des mesures de protection (cf. supra) plaide une régulation de la population de loups rationalisée, plus efficace, et incluant toutes les parties prenantes des espaces pastoraux.

La non-protégeabilité : une notion délicate

La notion de non-protégeabilité est apparue lorsque les premières attaques de loups ont eu lieu sur les troupeaux en Lozère, territoire emblématique de production de Roquefort où le poids de la filière agricole pastorale est considérable pour l’économie et les emplois du territoire.

Le concept de non-protégeabilité signifie que, eu égard à la spécificité des troupeaux, de leur conduite, et de la géographie du territoire, les mesures de protection sont difficiles à mettre en œuvre. Par conséquent, des tirs peuvent être autorisés sans mise en œuvre au préalable des mesures de protection.

Cette dichotomie dans la gestion des règles relatives à la protection et à la défense face à la prédation a créé de vrais inquiétudes au sein du monde agricole, qui craint une gestion « différenciée » de la prédation entre les territoires pastoraux où la présence des loups est plus ancienne (les Alpes) et ceux qui constituent des fronts de colonisation.

La question du fondement objectif de cette notion se pose : en quoi des estives en haute-montagne, dans des terrains escarpés, brumeux, avec reliefs, seraient-elles plus protegables que des zones de pâturages en plaine, même avec des systèmes d’élevage différents ? Pourquoi ces zones historiques ne peuvent-elles pas elles aussi être reconnues comme non-protégeables ? Selon quels facteurs objectifs ? Cette gestion différenciée fait craindre une volonté non assumée de cantonner les loups dans les Alpes, et de réduire fortement leur déploiement sur le reste du territoire national. Si une solidarité totale et une réelle compréhesnion existe à l’égard de tous les éleveurs des territoires colonisés, ces mesures différenciées sont vécues de manière négative par les éleveurs alpins qui subissent depuis plus de 15 ou 20 ans, selon les cas, la pression de la prédation.

2.   L’ours

Au regard de l’état de conservation moins favorable de l’ours, il est interdit de mettre en œuvre des tirs létaux à leur encontre. Seuls les tirs d’effarouchement simples et renforcés sont pratiqués à titre expérimental depuis 2020. L’effarouchement simple est pratiqué par les éleveurs, tandis que l’effarouchement renforcé est pratiqué par les agents de la brigade grands prédateurs.

Cette brigade est toutefois localisée à Gap : la rapporteure considère qu’il est essentiel qu’une antenne composée d’un nombre significatif d’agents de la brigade soit localisée en Ariège, à Foix par exemple. Ceci est d’autant plus nécessaire que l’effarouchement est la seule technique de protection consistante utilisée.

Recommandation n° 26 : installer une antenne de la brigade mobile d’intervention « grands prédateurs » en Ariège, à proximité des zones les plus soumises à la prédation par l’ours.


IV.   Des moyens humains significatifs mobilisÉs au titre de la politique d’encadrement de la prÉdation et de ses effets

Un grand nombre d’administrations et de structures privées mobilisent des personnels pour la mise en œuvre des différents axes de la politique d’encadrement et de prévention de la prédation. La rapporteure a souhaité réaliser une analyse en « coûts complets », et dès lors porter une attention particulière aux dépenses de personnel, trop souvent négligées dans les travaux d’évaluation d’une politique publique.

Des instances de coordination ad hoc, mais également des agents de l’État et de l’office français de la biodiversité sont mobilisés au titre de la politique d’encadrement de la prédation.

A.   Les prÉfets coordonnateurs des plans nationaux d’action

La présence des grands prédateurs sur le territoire national a obligé à la création d’une mission ad hoc, dévolue à des préfets : celle de préfet coordonnateur des plans nationaux d’action. Trois préfets coordonnateurs ont ainsi été nommés pour la gestion de chacun des trois grands prédateurs présents en France.

1.   Le préfet coordonnateur du PNA « loup »

La mission du préfet coordonnateur du PNA « loup » est confiée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et a été créée par un décret en Conseil d’État du 12 septembre 2018 ([64]), qui définit ses missions :

– il assure le recensement du nombre de loups abattus dans le cadre des tirs autorisés par les préfets de département, ainsi que du nombre de loups retrouvés morts dans d’autres circonstances ;

– il détermine les territoires sur lesquels les préfets de département peuvent ordonner la mise en œuvre de tirs de prélèvement simples ou renforcés, et il peut suspendre les décisions des préfets de départements quant aux tirs de prélèvements simples et renforcés et aux tirs de défense renforcée ;

– enfin, lorsque le plafond est atteint, il peut l’augmenter dans la limite de 2 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement (cf. infra).

En outre, le préfet coordonnateur émet un avis sur les demandes de reconnaissances de non protégeabilité d’un troupeau, sur les arrêtés des préfets autorisant les tirs de défense renforcée, ainsi que sur les arrêtés des préfets de départements ordonnant des tirs de prélèvement.

De manière générale, le préfet coordonnateur assure le déploiement et la coordination du plan national d’action, et remplit à cet égard une mission centrale de la politique d’encadrement de la prédation et de ses effets. Il dispose pour ce faire de moyens spécifiques, soit 8,5 équivalents temps plein (ETP), répartis de la sorte :

– 1 ETP pour le préfet référent qui exerce les prérogatives de préfet coordonnateur ;

– 0,5 ETP au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) ;

– 4 ETP au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ;

– 3 ETP à la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) Auvergne Rhône Alpes.

Malgré ses demandes répétées, la rapporteure n’a pu obtenir qu’une estimation de la masse salariale que représentent ces 8,5 ETP. Cette masse salariale serait comprise entre 300 000 et 500 000 euros par an.

2.   Le préfet coordonnateur du PNA « ours brun »

En sus de ses attributions, le préfet de la région Occitanie remplit une double mission de préfet coordonnateur du PNA « ours brun » et de préfet coordonnateur du plan de massif des Pyrénées. Ces deux fonctions sont complémentaires et permettent d’assurer une approche spécifique de la prédation.

Jusqu’à très récemment, le préfet coordonnateur ne disposait pas de moyens spécifiques pour remplir cette mission. Il s’appuie sur les équipes du secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR). Toutefois, un préfet délégué à l’ours a été nommé auprès du préfet coordonnateur et a débuté sa mission le 22 novembre dernier. Si le préfet titulaire de ce poste ne le sera qu’entre novembre 2021 et la fin de l’année 2022 en raison de son départ en retraite, ce poste devrait être renouvelé. La masse salariale correspondante n’a pas été communiquée à la rapporteure. Elle ne n’est par ailleurs pas prise en compte dans la synthèse des dépenses de personnel, ces dernières étant calculées pour l’année 2020 dans le cadre du présent rapport.

La rapporteure salue cette nomination, nécessaire au regard de l’augmentation de la population ursine et des besoins croissants d’accompagnement des éleveurs. Elle souligne toutefois l’intérêt qu’il y aurait à nouer un dialogue entre le préfet référent « loup » et le préfet référent « ours », dont les expériences individuelles pourraient utilement nourrir la réflexion sur la gestion des prédateurs en France.

3.   Le préfet coordonnateur du PNA « lynx »

Le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté est en sus de ses attributions le préfet coordonnateur du PNA « lynx ». Il ne dispose pas de moyens spécifiques à cette mission, les services de l’État existant la prenant en charge.

B.   Les moyens des ministÈres en administrations centrales et dÉconcentrÉes

À mesure que les difficultés engendrées par la prédation ont gagné en importance, les ministères de l’agriculture et de l’environnement ont dû allouer des personnels à cette thématique.

PERSONNELS MOBILISÉS au titre de la prÉdation
au sein des ministÈres de l’agriculture et de l’environnement

(en ETP)

 

LOUPS

OURS

TOTAL

Ministère de l’environnement

Ministère de l’agriculture

Ministère de l’environnement

Ministère de l’agriculture

Administrations centrales

1

0,5

1

0,5

3

Services déconcentrés

32

32

5

4

73

TOTAL

33

32,5

6

4,5

76

Source : données communiquées par les ministères concernés à la rapporteure.

Au total, 76 ETP sont mobilisés au titre de la prédation au sein des services de l’État, à la fois centraux et déconcentrés. Pour un coût moyen annuel de 98 149 euros au titre des postes en administration centrale et de 66 466 euros au titre des postes en administration déconcentrés, la masse salariale annuelle de l’État dédiée à la prédation atteint 5,15 millions d’euros environ.

En outre, des moyens humains significatifs sont mobilisés au sein de l’agence des services de paiement (ASP). D’une part, la mesure de protection des troupeaux mobilise 5,41 ETP, pour une masse salariale estimée à 428 000 euros, sur l’ensemble des six directions régionales et au siège de l’ASP. D’autre part, l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux mobilise 5,19 ETP, pour une masse salariale estimée à 418 000 euros, répartis entre le siège de l’ASP et la direction régionale Corse-Provence-Alpes-Côte d’Azur, le site unique de gestion des dossiers d’indemnisation.

Au total, 10,6 ETP sont donc dédiés, au sein de l’ASP, à la mise en œuvre des paiements dus aux mesures de protection et d’indemnisation, pour une masse salariale totale représentant 846 000 euros.

La rapporteure salue l’engagement de l’ensemble des personnels des services déconcentrés de l’État mobilisés au titre de la politique de la prédation : souvent aux prises avec des situations inextricables et placés entre des acteurs aux positions divergentes, ils s’assurent de leur mieux du déploiement de la politique d’encadrement des effets de la prédation, dans un cadre légal extrêmement contraint.

C.   Les moyens de L’office français de la biodiversitÉ

L’office français de la biodiversité (OFB), créé le 1er janvier 2020 ([65]), est un établissement public placé sous tutelle du ministère de la transition écologique. Il regroupe les agents de l’agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). À l’occasion de la fusion de ces deux administrations, la direction des grands prédateurs terrestres (DGPT) a été créée. Cette direction a hérité des anciennes compétences de la direction régionale de la région Auvergne-Rhône-Alpes de l’ONCFS et de la brigade loup (cf. infra).

L’OFB assure la mise en œuvre de plusieurs axes des PNA :

– la direction de la recherche et de l’appui scientifique (DRAS) réalise le suivi biologique des grands prédateurs et l’évaluation de leur état de conservation. Elle mène également des recherches sur la génétique des populations de prédateurs, sur leurs habitats, ou encore sur leurs comportements en situation de prédation.

Elle s’appuie pour la réalisation de cette mission sur le réseau loup-lynx et ses animateurs régionaux. Il s’agit de 4 000 correspondants volontaires, issus de l’OFB, de l’ONF (55 % des correspondants sont des agents de l’État) ([66]), mais également de la société civile (particuliers, naturalistes, chasseurs…), qui concourent à réunir des indices de présence des prédateurs dans 44 départements (cf. supra). Un réseau ours similaire, bien que moins étendu, existe également ;

– l’OFB assure également la gestion des populations de prédateurs, par la réalisation des opérations de prélèvements, c’est-à-dire des opérations de tirs sur les prédateurs lorsque la situation l’oblige (cf. infra) ;

– il prend part à des actions conservatoires en faveur de la connectivité des populations et la préservation des habitats ainsi qu’à des programmes de recherche internationaux.

Ces différentes activités représentent un coût non négligeable pour l’office. Pourtant, sur ses 424 millions d’euros de budget annuel pour l’année 2020, l’établissement ne dispose d’aucun financement spécifique concernant les grands prédateurs. D’après les informations transmises à la rapporteure, en 2020, l’OFB a néanmoins consacré 81 ETPT aux activités liées aux grands prédateurs. Sur ces 81 ETPT, 58,8 traitent de la présence du loup, 17,5 de la présence de l’ours, et 4,7 de la présence du lynx. Ces postes représentent une masse salariale annuelle de 5,06 millions, répartie entre plusieurs directions et antennes territoriales.

Effectifs et masse salariale de l’OFB pour les grands prÉdateurs en 2020

Réalisation Grands prédateurs OFB 2020

Groupe général

Lynx borréal

(heure)

Ours brun

(heure)

Loup

(heure)

Total

(heure)

Équivalent ETPT

Masse salariale

(€)

Direction des grands prédateurs terrestres (DGPT)

139,73

4 949,05

19 367,81

24 457

15,2

951 116,90 €

Direction de la police et du permis de chasser (DPPC)

 

1 071,50

138,25

1 210

0,8

47 047,18 €

Direction de la Recherche et Appui Scientifique (DRAS)

1 491,25

8 871,25

7 695,00

18 058

11,2

702 256,18 €

Direction générale déléguée mobilisation de la société (DGDMS)

39,95

1,54

56,83

98

0,1

3 823,43 €

DIR PACAC

1,00

 

20 818,20

20 819

13,0

809 658,53 €

DR Auvergne-Rhône-Alpes

1 579,00

 

20 870,95

22 450

14,0

873 078,56 €

DR Bourgogne-Franche-Comté

2 885,50

 

4 024,75

6 910

4,3

268 739,53 €

DR Bretagne

 

 

47,50

48

0,0

1 847,28 €

DR Centre Val de Loire

 

 

1 115,92

1 116

0,7

43 398,26 €

DR Grand Est

1 427,93

 

3 685,43

5 113

3,2

198 858,47 €

DR Hauts de France

 

 

572,11

572

0,4

22 249,44 €

DR Ile de France

 

 

102,75

103

0,1

3 995,95 €

DR Normandie

 

 

1 649,00

1 649

1,0

64 129,61 €

DR Nouvelle Aquitaine

 

1 325,50

6 156,53

7 482

4,7

290 976,12 €

DR Occitanie

 

11 881,65

8 078,98

19 961

12,4

776 268,75 €

DR Pays de Loire

 

 

42,25

42

0,0

1 643,10 €

 

 

 

 

 

 

 

Totaux (h)

7 564

28 100

94 422

130 087

81,0

5 059 087,28 

ETPT

4,7

17,5

58,8

81,0

 

 

Masse salariale

294 177,60 €

1 092 828,08 €

3 672 081,61 €

5 059 087,28 €

 

 

Source : document communiqué par l’OFB à la rapporteure.

Au total, les dépenses de personnel consacrés par l’État français à la politique d’encadrement de la prédation sont comprises sont supérieures à 11,45 millions d’euros, sans que la rapporteure n’ait pu obtenir l’ensemble des informations à ce sujet. Elle déplore également l’absence de réponse à cette même question de la part de la direction générale de l’agriculture de la commission européenne.

*

*     *

L’analyse en coûts complets des dépenses publiques consacrées à la politique d’encadrement et de limitation des dommages engendrés par la prédation permet permet de conclure qu’en 2020, au moins 56,02 millions d’euros de dépenses publiques ont été consacrés à cette politique. Ce montant est toutefois certainement plus élevé, un grand nombre de communes et de départements finançant sur leur budget propre des opérations relatives à la prédation.

L’effort national lié à la politique d’encadrement des effets de la prédation comprend la dépense publique, mais la dépasse largement : il atteint un montant minimum annuel de 66,08 millions d’euros, dont presque 8 millions d’euros de reste à charge supporté par les éleveurs au titre des mesures de protection et environ 2,2 millions de dépenses liées à la mobilisation des chasseurs (matériels et frais liés aux opérations de tirs).

Pour les années ultérieures, ce coût devrait encore augmenter, en raison de l’entrée en vigueur du PNA « ours brun », de la prise de fonction d’un préfet référents « ours brun », ou encore de l’augmentation encore en cours des dépenses liées aux moyens de protection.

Ainsi, les dépenses publiques engendrées directement et indirectement par la politique de protection des grands prédateurs terrestres sont significatives par leur montant, et suivent une tendance haussière marquée, en raison de la dynamique démographique des espèces prédatrices et de l’importance des dommages qu’elles génèrent.

Outre le montant de ces dépenses, financées par les contribuables français et européens, la question de leur efficacité reste encore largement impensée. Déficit d’évaluation, manque de confiance entre les services de l’État et les acteurs économiques du pastoralisme, faiblesse des comparaisons européennes, sont autant de limites de cette politique publique.

La prise en charge par la puissance publique des dommages de la prédation est pourtant essentielle : elle seule peut permettre au pastoralisme de perdurer dans le cadre de cette cohabitation forcée avec les espèces prédatrices. Toutefois, cette prise en charge n’est pas suffisante : alors que les dépenses publiques ont crû de manière exponentielle au cours de la dernière décennie, les dommages sur les élevages restent massifs. Face à ce constat, seul l’élargissement des possibilités de régulation de la population de grands prédateurs peut permettre de rééquilibrer la relation entre les activités humaines et les espèces prédatrices d’une part, et de rétablir l’équilibre entre l’argent public dédié à cette politique publique et son efficacité d’autre part.

 

La biodiversité des espaces de montagne est un enjeu majeur, auquel les habitants de ces territoires sont attachés au premier chef. Ces territoires et les populations directement touchées par ce dossier extrêmement sensible, qui ne peut se réduire aux « pro » ou « contre » ces grands prédateurs, se sentent démunis, peu entendus et peu protégés par la puissance publique qui ne leur assurent plus, dans le cas des agriculteurs, la possibilité d’exercer leur métier dans des conditions de sécurité et de sérénité que chaque travailleur est en droit d’attendre.

Ces populations ont le sentiment de payer un tribut qui les dépasse largement et d’être sacrifiées sur l’autel d’une défense absolue des grands prédateurs, se traduisant par un risque de disparition à moyen et long termes d’une activité pastorale ancestrale, durable, créatrice de biodiversité et de protection des espaces de montagne.  Sortir des débats passionnés et irrationnels pour retrouver le chemin de la mesure, du bon sens et de l’équilibre, basé sur des éléments factuels, est désormais urgent.   


—  1  —

   personnes auditionnÉes

– M. Jean-Paul Celet, préfet référent pour la mise en œuvre du plan national loup auprès de M. Pascal Mailhos, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes

– M. Patrick Poyet, directeur de l’Office français de la biodiversité,, M. Christophe Aubel, directeur général délégué

– M. Jean-David Abel, vice-président de la Fédération des associations de protection de la nature et de l’environnement (FNE), en charge des questions de biodiversité

– M. Mihail Dumitru, directeur général adjoint de l’agriculture et du développement rural, Commission européenne

– M. Pascal Ferey, président de la Chambre d’agriculture de la Manche, membre du bureau de l’APCA, Mme Marion Demade, chargée de missions biodiversité à l’APCA, et Mme Juliette Boillet, chargée de missions affaires publiques

– M. Pascal Cormery, président de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), Dr Gaëtan Deffontaines, médecin du travail, conseiller technique national pour les risques biologiques et zoonoses, M. Christophe Simon, responsable des relations parlementaires

– M. André Mugnier, président de la Fédération des chasseurs

– Mme Pascale Boyer, secrétaire générale de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM)

– M. Jean-Pierre Lestoille, directeur de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté

Audition commune :

– Mme Sylvie Rizo, chargée de mission « grands prédateurs », M. Sébastien Bouvatier, adjoint au sous-directeur de la performance économique et environnementale au ministère de l’agriculture et de l’alimentation

– M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité, Mme Caroline Vendryes, adjointe du sous-directeur des écosystèmes terrestres, à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, ministère de la transition écologique et solidaire


Audition commune :

– M. Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FSNEA, Mme Angèle Evrard, chargée de mission politiques territoriales

– M. Claude Font, professionnel en charge du dossier prédation à la Fédération nationale ovine, Mme Cécile Barlier, chargée de mission Office français de la biodiversité (OFB)

Audition commune :

– M. Philippe Gamen, président du parc naturel régional du Massif des Bauges, 1er vice-président du Bureau de la Fédération,

– Mme Gwennaelle Pariset, chargée de mission au Parc des Baronnies Provençales,

– M. Emmanuel Mandon, président du Parc naturel régional du Pilat et membre du Bureau

Audition commune des Directions départementales du travail de l’Isère et des Alpes maritimes :

– M. Pascal Jobert, directeur départemental des territoires (DDT des Alpes-Maritimes)

– M. François-Xavier Cereza, directeur départemental des territoires (DDT de l’Isère)

Audition commune :

– M. Jean-Luc Poudroux, député de la Réunion

– M. Jean-François Nativel, conseiller départemental de la Réunion

 

Dans le cadre du déplacement de la rapporteure à Foix et à Toulouse :

– Mme Sylvie Feucher, préfète de l’Ariège, M. Stéphane Donot, secrétaire générale de la préfecture d’Ariège, Mme Catherine Lupion, sous-préfète de l’arrondissement de Saint-Girons, et M. Stéphane Defos, DDT de l’Ariège

– Mme Christine Téqui, présidente du conseil départemental de l’Ariège

– M. Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège,

– Échange collectif avec des éleveurs

– Mme Zoé Mahé, Sgar adjointe de la région Occitanie, pôle Politiques publiques, et des représentants de la DREAL, de la DRAAF de, l’OFB, et du Parc national des Pyrénées

– M. Romain Mouton, Président La Pastorale pyrénéenne, ou son directeur Xavier Coste

– M. Etienne Guyot, préfet de région Occitanie et M. Jean-Yves Chiaro, préfet délégué « ours » pour le massif des Pyrénées

 

Contributions écrites reçues de :

– Coordination rurale

– Fédération nationale des chasseurs, dont transmission de l’enquête sur la participation des chasseurs aux opérations d’intervention sur le loup réalisée par Instinctivement nature.

– Agence de services et de paiement (ASP)

– Régions de France

– Mme Sylvie Cendre, sous-préfète de l’arrondissement de Saint Paul

 


—  1  —

   ANNEXES

Plafonds de dÉpenses pour les aides à la protection,
fixÉs par l’arrêtÉ du 28 novembre 2019 relatif à l’opÉration de protection
de l’environnement dans les espaces ruraux
portant sur la protection des troupeaux contre la prÉdation

Plafonds de dépense lorsque la durée de pâturage est d’au moins 30 jours en cercle 0 et 1

Mode de conduite prépondérant

Parcs

Gardiennage

Mixte

Plafond de dépense pour les investissements matériels (sur la période 2015-2020)

31 500 €

6 500 €

15 500 €

Plafonds de dépense annuels : gardiennage/surveillance et chiens de protection

Jusqu’à 150 animaux

5 000 €

10 000 €

7 500 €

De 151 à 450 animaux

10 000 €

15 000 €

12 500 €

De 451 à 1 200 animaux

16 000 €

24 000 €

20 000 €

De 1201 à 1500 animaux

18 000 €

26 000 €

22 000 €

Plus de 1 500 animaux

22 000 €

32 000 €

27 000 €

Plafond de dépense pour l’analyse de vulnérabilité (sur la période 2015-2020)

5 000 €

Plafond de dépense pour le test de comportement du chien de protection (sur la période 2015-2020)

500 €/chien

Plafond de dépense pour l’accompagnement technique

2 000 €

Plafonds de dépense lorsque la durée de pâturage est d’au moins 30 jours
en cercles 0, 1 et 2 et moins de 30 jours en cercle 0 et/ou1

Mode de conduite prépondérant

Parcs

Gardiennage

Mixte

Plafond de dépense pour les investissements matériels (sur la période 2015-2020)

6 500 €

2 000 €

3 200 €

Plafonds de dépense annuels : chiens de protection

Jusqu’à 450 animaux

4 000 €

Au-delà de 450 animaux

8 000 €

Plafond de dépense pour le test de comportement du chien de protection (sur la période 2015-2020)

500 €/chien

Plafond de dépense pour l’accompagnement technique

2 000 €

Plafonds de dépense lorsque la durée de pâturage est d’au moins 90 jours
en cercles 0, 1, 2 et 3 et moins de 30 jours en cercles 0, 1 et 2

Plafonds de dépense annuels : chiens de protection

Jusqu’à 450 animaux

4 000 €

Au-delà de 450 animaux

8 000 €

Plafond de dépense pour le test de comportement du chien de protection (sur la période 2015-2020)

500 €/chien

Plafond de dépense pour l’accompagnement technique

2 000 €

Source : annexe II de l’arrêté du 28 novembre 2019 relatif à l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation.

constats d’attaques de loups par dÉpartements en 2020

Source : données communiquées à la rapporteure par les équipes du préfet référent du plan loup.


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   SOURCES UTILISÉES

– Plan national d’actions « loup », 2018-2023

– Plan national d’action « ours brun », 2018-2028

– Cadre national français du FEADER 2014-2022

– Catherine de Roincé et Julia Seegers, Terroïko et Blezat consulting, Étude prospective du pastoralisme française dans le contexte de la prédation exercée par le loup, mars 2020

– Conseil d’État n° 204756, lecture du 8 décembre 2000.

– Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l’exercice du pastoralisme dans les zones de montagne, dont le rapporteur était M. Daniel Spagnou, 2003

– Conclusions du groupe de travail sur les chiens de troupeau, réalisées par Mmes Bénédicte Taurine et Pascale Boyer, dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, 2020

– Feuille de route « pastoralisme et ours », 2020.

– CGEDD et CGAAER, Propositions d’évolution des mesures d’accompagnement aux éleveurs confrontés à la prédation de l’ours et aux difficultés économiques du pastoralisme, septembre 2018.

– Corinne Echeynne, Le pastoralisme entre mythes et réalités : une nécessaire objectivation - l’exemple des Pyrénées, Géocarrefour, 2018

– Numéros de « infoloup »

– OFB et CNRS, note technique portant sur la mise à jour des effectifs et paramètre démographiques de la population de loups en France :  conséquences sur la viabilité de la population à long terme, novembre 2020

– Projets annuels de performance de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

 Terroïko, rapport d’étude sur l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation exercée par le loup, commandité et financé par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, mai 2016.

– Research for AGRI Committee-The revival of wolves and other large predators and its impact on farmers and theirlivelihood in rural regions of Europe, Parlement européen, août 2018

– Guide technique du 21 avril 2020 relatif à l’indemnisation des dommages causés par le loup, l’ours et le lynx aux troupeaux et animaux domestiques, ministère de la transition écologique et solidaire

– M. Leuret, L. Garde, C.-H. Moulin, M.-O. Nozières-Petit, M. Vincent, Élevage et loups en France : historique, bilan et pistes de solution, INRA Productions animales, numéro 5, 2017

– Décision de la commission européenne du 17 septembre 2018 portant sur une notification au sens de l’article 297 du TFUE et portant sur l’aide d’État destinée à remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France.

 

 


([1]) Définition de l’association française de pastoralisme.

([2]) Une polémique subsiste relativement à la réapparition naturelle ou la réintroduction du loup dans les Alpes.

([3]) En réponse à une question au Gouvernement de la rapporteure en juillet 2017, le ministre de l’agriculture, M. Stéphane Travert, avait indiqué que le Plan national loup et activités d’élevage comportant un objectif « zéro attaque ».

([4])  Article premier de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite convention de Berne, 19 septembre 1979.

([5]) Article 6 de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite convention de Berne, 19 septembre 1979.

([6]) Loi n° 89-1004 du 31 décembre 1989 autorisant l’approbation d’une convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe.

([7]) Conseil d’État, lecture du 8 décembre 2000, décision n° 204756 Commune de Breil-sur-Roya.

([8]) article 2 de la directive « Habitats ».

([9]) Sauf exceptions géographiques.

([10]) Idem.

([11]) C-342/05 du 14 juin 2007.

([12]) Voir par exemple la réponse commune du 15 décembre 2014 donnée par M. Vella au nom de la Commission aux réponses écrite E-008877/14 et E-008439/14.

([13]) Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

([14]) Liste rouge des espèces menacées en France, disponible sur le site internet du comité français de l’UICN.

([15]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les conditions de la présence du loup en France et l’exercice du pastoralisme dans les zones de montagne, dont le rapporteur était M. Daniel Spagnou, 2003, https://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r0825-t1.asp#P301_30738.

([16]) Plan d’action national sur le loup 2008-2012 dans le contexte français d’une activité importante et traditionnelle d’élevage.

([17]) Plan d’action national loup 2013-2017.

([18]) Accompagnée de ses petits.

([19]) Feuille de route « pastoralisme et ours », 2020.

([20]) CGEDD et CGAAER, Propositions d’évolution des mesures d’accompagnement aux éleveurs confrontés à la prédation de l’ours et aux difficultés économiques du pastoralisme, septembre 2018.

([21]) Estimation réalisée par la commission des finances à partir des données disponibles dans le PNA « lynx ».

([22]) Cette catégorie comprend les chamois, les mouflons, les bouquetins, les cerfs, les chevreuils, ou encore les sangliers.

([23]) Office français de la biodiversité (OFB) et Centre national de la recherche scientifique (CNRS), note technique portant sur la mise à jour des effectifs et paramètre démographiques de la population de loups en France :  conséquences sur la viabilité de la population à long terme, novembre 2020.

([24]) https://www.franceculture.fr/environnement/omerta-sur-le-loup.  

([25]) Constats indemnisés ou en cours d’indemnisation pour 2020. Données communiquées par le ministère de la transition écologique à la rapporteure et infoloup n° 36.

([26]) Site internet de la DREAL de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

([27]) Les dérochements de troupeaux dus à une attaques peuvent faire fortement varier le nombre de victimes d’une année sur l’autre. Il est donc essentiel de faire preuve de prudence dans les conclusions de l’analyse des deux denrières années.

([28]) Institut de l’élevage (IDELE) et confédération nationale de l’élevage, (CNE), Les chiffres clés du GEB, Ovins 2021, production lait et viande.

([29]) Plan national d’action « Loup » 2004-2008.

([30]) Article L. 113-1 du code rural.

([31]) Article L. 113-2 du code rural.

([32]) Décret n°77-566 du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées.

([33]) Corinne Echeynne, Le pastoralisme entre mythes et réalités : une nécessaire objectivation - l’exemple des Pyrénées, Géocarrefour, 2018.

([34]) Projet annuel de performance pour 2021 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

([35]) Entre 1997 et 1999, le programme « Conservation des grands carnivores en Europe : le loup en France » avait pour objet le suivi de la population lupine, la compensation des dommages sur le cheptel domestique et l’expérimentation de mesures de protection. Un second programme LIFE Nature intitulé « Le retour du loup dans les Alpes françaises » a par la suite visé à prendre en compte les évolutions des matériels de protection et les financements proposés.f

([36]) Cadre national français pour la programmation 2014-2020 du FEADER.

([37]) Guide en ligne national sur les aides aux entreprises, réseau des chambres de commerce et d’industrie.

([38]) Conduite en « parcs », en « gardiennage » ou « mixte ».

([39]) Voir annexes.

([40]) Données communiquées à la rapporteure par le préfet Célet.

([41]) Les données à disposition n’étant pas définitives, le paiement des aides à la protection n’était pas encore terminé. Par conséquent, le montant des aides engagées, plus représentatif, a été retenu pour l’analyse.

([42]) Appel à projet 2021 de la mesure « Accompagnement du pastoralisme ».

([43]) Article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales.

([44]) PAP pour 2021 de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

([45]) Réponses écrites communiqués par le préfet coordonnateur du PNA « ours brun » à la rapporteure.

([46]) Voir par exemple Terroïko, rapport d’étude sur l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation exercée par le loup, commandité et financé par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, mai 2016.

([47]) Ibid.

([48]) PNA « loup » 2018-2023.

([49]) Terroïko, rapport d’étude sur l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation exercée par le loup, commandité et financé par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, mai 2016.

([50]) Ibid.

([51]) Rapport d’étude sur l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation exercée par le loup, commandité et financé par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, mai 2016.

([52]) Conclusions du groupe de travail sur les chiens de troupeau, réalisées par Mmes Bénédicte Taurine et Pascale Boyer, dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, 2020.

([53]) Ibid.

([54]) Par exemple, rapport d’étude sur l’évaluation de l’efficacité des moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation exercée par le loup, commandité et financé par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, mai 2016.

([55]) Et ce malgré les sollicitations des parlementaires, dont la question écrite n° 16807 de M. Arnaud Bazin, sénateur du Val d’Oise du 18 juin 2020, toujours sans réponse à ce stade.

([56]) Décision de la commission européenne du 17 septembre 2018 portant sur une notification au sens de l’article 297 du TFUE et portant sur l’aide d’État destinée à remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France.

([57]) Décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx.

([58]) L’ICHN est une aide utilisée dans le cadre de la PAC et visant à soutenir les agriculteurs installés dans des territoires où les conditions de production sont défavorables.

([59]) Arrêté du 23 octobre 2020 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année.

([60]) Renseignés dans le tableau des moyens humains de l’ODB consacrés à la prédation, cf. supra.

([61]) Instinctivement nature pour la fédération nationale des chasseurs, Enquête sur la particpation des chasseurs aux opérations d’intervention sur le loup, 8 décembre 2021.

([62]) Arrêté du 23 octobre 2020 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus).

([63]) Arrêté du 23 octobre 2020 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus).

([64]) Décret n° 2018-786 du 12 septembre 2018 relatif à certaines attributions du préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup.

([65])  loi n° 29-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

([66]) Données disponibles sur le site internet de l’OFB « Le loup en France ».