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ASSEMBLÉE NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIEME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2022

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

en application de l’article 29 du Règlement,

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à

l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN)

 

sur l’activité de la délégation française au cours de l’année 2021

 

 

Par M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER,

 

Député

 

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. l’annonce d’un Basculement du monde auquel l’Alliance atlantique devra faire face au sommmet de Madrid en juin 2022

A. Des modifications fondamentales À la situation de sÉcuritÉ de la rÉgion euro-atlantique

1. Une Russie qui choisit le fait accompli brutal au détriment du dialogue et porte la guerre au cœur du continent européen

a. Une année 2021 marquée par un recours accru de la part de la Russie à la guerre hybride

b. Une nouvelle agression militaire russe contre l’Ukraine comme moyen d’obtenir une révision des garanties de sécurité

2. La dégradation de la situation sécuritaire dans les marges européennes méridionales

a. Des étapes franchies en faveur d’une complète stabilisation de l’Irak mais qui demeurent fragiles

b. La fin chaotique de l’engagement occidental en Afghanistan

c. L’aggravation de la situation sécuritaire sur la rive sud de la Méditerranée

3. L’accentuation des autres déséquilibres au sein de l’architecture globale de sécurité

a. L’affirmation de la Chine et la confirmation de la rivalité sino-américaine, permanence en 2021 de deux paramètres structurants

b. L’accélération de la fragilisation des instruments de maîtrise des armements

B. Une Alliance rÉnovÉe et recentrÉe sur ses fondamentaux pour faire face à l’accÉlÉration des dÉrÈglements du monde

1. Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement du 14 juin 2021 à Bruxelles : le réengagement des États-Unis et une feuille de route pour l’avenir

a. La mise en scène d’une relation apaisée

b. Une feuille de route pour l’adaptation de l’Alliance au nouvel environnement stratégique

2. Le retrait d’Afghanistan à l’été 2021 : les leçons tirées

3. Les menaces russes de l’hiver 2021-2022 : la solidarité euro-atlantique mise en jeu de manière effective et efficace

4. Un tel contexte doit inciter l’Alliance à se recentrer sur ses fondamentaux dans le futur concept stratégique et ses déclinaisons

a. Une priorité à donner à la mission, principale, de défense collective de l’espace transatlantique et à la complémentarité avec l’Union européenne

b. Le maintien du terrorisme comme priorité de haut rang en veillant à tirer parti des enseignements des engagements de l’OTAN en Afghanistan et en Irak

c. Le respect des règles, valeurs et principes communs devant régir les relations entre Alliés, ainsi que de leurs engagements, notamment en matière de dépenses de défense

II. LES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN

A. RAPPEL : DES PARLEMENTAIRES QUI S’EXPRIMENT À TITRE INDIVIDUEL

B. les INSTANCES DIRIGEANTES : BUREAU ET COMMISSION PERManente

1. Le Bureau : deux membres français, l’un en titre, l’autre en sa qualité d’ancien vice-président

2. La commission permanente : un retour au rythme et aux activités traditionnels

C. Les principaux thÈmes des travaux en 2021

1. Réaffirmer la force du lien transatlantique et son caractère indispensable

a. La présentation des priorités de la nouvelle Administration américaine

b. Un lien avec le Conseil de l’Atlantique Nord et le Secrétariat général de l’OTAN constant selon des modalités adaptées compte tenu de la pandémie

c. La consolidation du lien transatlantique grâce à la tenue des engagements pris et à de nouveaux outils

d. La clarification bilatérale de l’état de la relation alliée après l’affaire AUKUS

2. Le net durcissement d’une menace russe permanente et multiforme

a. Relever les défis géopolitiques et idéologiques lancés en permanence par la Russie, une impérieuse nécessité pour la commission Politique

b. Les défis politiques, économiques et diplomatiques posés par la Biélorussie : une vive préoccupation pour la commission de l’Économie et de la sécurité

c. L’Arctique marqué par une évolution rapide des enjeux sécuritaires qui requiert toute l’attention de l’OTAN, selon la commission de la Défense et de la sécurité

d. Ukraine, Géorgie, Caucase du Sud et Balkans, objets des visées de plus en plus déstabilisatrices de la Russie

e. Des visites en Pologne, en Lituanie et en Norvège pour entendre le point de vue d’Alliés en première ligne

3. Le flanc sud de l’Alliance, une zone dont l’Alliance ne peut se détourner sans mettre en péril sa sécurité

a. Le maintien de la sécurité en Méditerranée, un enjeu crucial pour la commission Politique

b. Une décennie après les soulèvements arabes, un premier bilan des espoirs et désillusions démocratiques dressé par la commission sur la Démocratie et la sécurité

c. Les défis communs et l’interconnexion des questions de sécurité en Méditerranée analysés lors de deux séminaires conjoints et inscrits à l’ordre du jour de la commission Politique lors de la session plénière annuelle

d. L’avenir de la gestion de crise : Afghanistan et Irak

e. Le spectre du bioterrorisme ravivé par la pandémie de covid-19

4. La réponse à apporter aux défis soulevés par l’influence croissante de la Chine

a. La posture de défense de la Chine : les moyens qu’a l’OTAN d’y faire face vus par la commission de la Défense et de la sécurité

b. Renforcer la coopération scientifique et technologiques avec les partenaires asiatiques, une voie pertinente pour la commission des Sciences et des technologies

5. Trois défis transversaux

a. La résilience des sociétés démocratiques alliées et partenaires au cœur des travaux de l’AP-OTAN en 2021

b. Des perceptions de plus en plus divergentes de l’environnement de sécurité international rendent l’avenir de l’architecture de maîtrise des armements plus incertain pour la commission de la Défense et la sécurité

c. L’espace extra-atmosphérique, nouveau domaine de confrontation

D. SEPT rÉsolutions qui rÉsument les principales prÉoccupations des Parlementaires

1. Commission sur la Démocratie et la sécurité : développer une approche pansociétale, intégrée et coordonnée de la résilience pour les démocraties alliées (résolution 466)

2. Commission de la Défense et de la sécurité : soutenir l’engagement de l’OTAN vers une défense et dissuasion renforcée à l’horizon 2030 (résolution 467) et tirer les enseignements de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan (résolution 468)

3. Commission de l’Économie et de la sécurité : dépenses de défense et développement des capacités de l’Alliance (résolution 469)

4. Commission Politique : maintenir l’attention de l’OTAN sur le défi russe (résolution 470) et réaffirmer la cohésion transatlantique et appliquer les décisions du sommet de l’OTAN à Bruxelles en 2021 (résolution 471)

5. Commission des Sciences et des technologies : relancer la maitrise des armements dans un environnement stratégique changeant (résolution 472)

annexe

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE, MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES  ET ACTIVITÉS DE L’AP-OTAN EN 2021

A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES

B. ACTIVITÉS DE L’AP-OTAN EN 2021


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

Marquée tout au long par la poursuite de la pandémie de covid-19 dévastatrice pour nos sociétés et nos économies, l’année 2021 s’est ouverte sur l’attaque, par une foule manipulée et désinformée, du Capitole à Washington D.C., le cœur battant de la démocratie américaine. Elle s’est refermée le 17 décembre par la publication de deux propositions russes de traités traduisant la volonté du Président Poutine de revenir sur l’architecture européenne de sécurité mise en place au sortir de la Guerre froide. Ce dernier, après avoir amassé aux portes de l’Ukraine la plus forte concentration de troupes et de matériels militaires depuis la Seconde Guerre Mondiale, l’a définitivement close dans la nuit du 23 au 24 février dernier avec l’agression armée brutale, injustifiée et non provoquée d’un État souverain qui avait fait librement le choix de devenir partenaire de l’Alliance atlantique, l’Ukraine, et le retour de la guerre au cœur du continent européen.

Dans l’intervalle, les conditions du retrait américain des forces alliées encore présentes en Afghanistan à l’été 2021, tout comme celles qui ont entouré l’annonce le 15 septembre de la conclusion d’un pacte de sécurité entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, ont assombri la réaffirmation par les Alliés de leur unité et de leur cohésion lors du Sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) à Bruxelles le 14 juin.

À quelques mois de la fin de cette législature, et du prochain Sommet à Madrid qui doit entériner l’actualisation du concept stratégique de notre Alliance et de ses déclinaisons, l’année qui vient de s’achever confirme, s’il en était encore besoin, les tendances déjà clairement mises en évidence dès 2017 par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale et confirmée lors de l’actualisation de cette dernière en janvier 2021.

Le retour de la compétition stratégique entre puissances a franchi un degré supplémentaire au cœur de l’Europe avec l’invasion de l’Ukraine ; le risque lié aux armes de destruction massive a pris une tournure bien réelle avec la menace d’escalade nucléaire sous-entendue par le Président Poutine ; la stratégie d’enracinement local et de dissémination globale du terrorisme djihadiste s’étend dans les marges européennes. S’y ajoute la multiplication des stratégies hybrides et des zones grises. Ces risques dans l’espace euro-atlantique et à ses portes s’étendent aux nouveaux espaces de conflictualité que sont le cyberespace, les fonds sous-marins et l’espace extra-atmosphérique.

Lors de leur Sommet du 14 juin 2021 à Bruxelles, les chefs d’État et de gouvernement alliés se sont engagés à adapter le document cadre de l’Alliance, le concept stratégique. La version en vigueur date en effet de 2010, à un moment où l’OTAN n’avait pas de « rival stratégique », devait s’adapter à des menaces transversales certes croissantes mais d’un niveau peu élevé, et pouvait se concentrer sur la gestion de crise. Les chefs d’État et de gouvernement auront à décider lors de leur prochain sommet, à Madrid les 29 et 30 juin, de la réaffirmation de l’attachement collectif aux trois tâches fondamentales.

Cette transformation brutale de l’ordre international de sécurité appelle une volonté forte et une réponse adaptée des Alliés pour recentrer le partenariat transatlantique sur ses fondamentaux et l’approfondir tout en le rééquilibrant. L’OTAN, pierre angulaire de notre défense collective dans la zone euro-atlantique, ne peut en effet que bénéficier d’une Europe plus forte. Notre principal Allié ne cesse de le souligner, dans la déclaration conjointe cosignée par les présidents Emmanuel Macron et Joseph R. Biden le 29 octobre en marge du G20, comme dans ses interventions dans le cadre de nos travaux à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) : les Européens doivent prendre conscience de la nécessité d’assurer par eux-mêmes une contribution substantielle à leur propre défense. Tragiquement, le Président Poutine en aura été en ce début 2022 le catalyseur.

L’AP-OTAN a adopté le 22 février dernier sa propre contribution, appuyée sur sa Déclaration 460 : une Alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale, et ses recommandations de politique générale adoptées en 2020 et enrichie de ses différentes travaux et réunions en 2021. La délégation française y a pris toute sa part ; elle concourt activement à la vitalité de cette assemblée parlementaire, et exprime chaque fois que nécessaire les conceptions françaises en matière de défense et de politique internationale. Dès avant la concrétisation brutale des menaces russes, elle a insisté sur la mission, principale, de défense collective de l’Alliance, et à cet effet, sur la place et le rôle de la dissuasion nucléaire. À son initiative, la persistance de la menace terroriste a été pleinement prise en compte dans l’analyse de l’environnement de sécurité. Elle a, enfin, ardemment défendu l’importance de la complémentarité avec l’Union européenne.

En 1990, la dislocation du monde connu depuis la Seconde Guerre Mondiale avait ouvert deux pages blanches, celles du monde à venir et de l’identité de chacun dans celui-ci, sur lesquelles l’Alliance atlantique avait, sans coercition aucune et dans le respect des choix souverains des Alliés et des partenaires, choisi de contribuer à rebâtir une architecture européenne de sécurité fondée sur les valeurs démocratiques communes, respectueuse des règles de droit international et protectrice de nos populations. Ce 24 février, au petit matin, le Président Vladimir Poutine a décidé de déchirer ces pages pour revenir au monde, évanoui, des empires et des sphères d’influence. La France, l’Alliance, l’Union européenne, ont tout fait pour l’éviter ; notre Alliance s’y opposera unanimement et fermement, en affirmant sa nature défensive, son attachement indivisible à la garantie de l’article 5 du Traité de Washington et en les mettant en œuvre au profit des Alliés de son flanc oriental. Elle l’en empêchera également en conjuguant ses efforts avec son premier partenaire institutionnel, l’Union européenne, ainsi qu’avec l’ensemble de la communauté internationale, pour se tenir aux côtés de l’Ukraine et de son peuple courageux dans ce combat pour les valeurs démocratiques et l’ordre international fondé sur les principes de liberté, de souveraineté, de droit. Ces principes et ces valeurs nous rassemblent, et nous obligent.

 

 

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN)

Depuis la Conférence des parlementaires des pays de l’OTAN au Palais de Chaillot à Paris, alors siège de l’organisation, du 18 au 22 juillet 1955, les représentants des États membres de l’Alliance se sont régulièrement réunis, donnant ainsi corps au préambule du traité de Washington qui affirme que ces États sont « fondés sur les principes de la démocratie ».

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN comprend actuellement 269 parlementaires venant des 30 nations membres de l’Alliance atlantique. La délégation française compte 18 membres, à raison de 11 députés et 7 sénateurs. Depuis le 10 novembre 2020, la présidence de la délégation de l’Assemblée nationale est assurée par M. Philippe Michel-Kleisbauer.

Des parlementaires des pays non membres de l’OTAN, pays partenaires, prennent aussi part à certains de ses travaux, selon trois statuts différents. Bénéficient ainsi du statut de délégation associée celles provenant des onze pays suivants : Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Finlande, Géorgie, Moldavie, Serbie, Suède, Suisse et Ukraine, ainsi que le Parlement européen. Quatre délégations ont le statut de partenaires régionaux et membres associés méditerranéens : Algérie, Israël, Jordanie et Maroc. Ont enfin le statut d’observateur parlementaire l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (AP-CE) et l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (AP-OSCE), ainsi que les parlements des sept pays suivants, Australie, Égypte, Japon, Kazakhstan, République de Corée, Kosovo et Tunisie, de même que le Conseil national palestinien. Des délégués d’autres pays peuvent également être invités aux réunions.

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN tient deux sessions plénières par an, au printemps et à l’automne. En 2021, la première a été organisée en ligne, en raison de la pandémie de covid-19, par la Suède les 14-17 mai. Lors de la seconde, à Lisbonne les 9-11 octobre, quinze rapports et sept résolutions ont été adoptés. La commission permanente a également adopté, le 22 février 2022, la contribution de l’AP-OTAN au futur concept stratégique de l’OTAN (dont l’adoption est prévue lors du prochain Sommet de l’Alliance à Madrid les 29 et 30 juin), nourrie par l’ensemble des débats tenus en 2020 et 2021.

Chacune de ses cinq commissions est habituellement le cadre de quatre ou cinq déplacements chaque année. Avec les trois réunions du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient et les séminaires, plus de trente sessions de travail sont ainsi organisées. Ce rythme a nécessairement été affecté en 2021 ; plus d’une vingtaine de réunions, séminaires et visites en ligne et sept déplacements ont toutefois permis aux parlementaires de continuer à faire connaître et à rapprocher leurs différents points de vue au sein de l’Alliance. En outre, lors de la session plénière et lors de la réunion conjointe des commissions à Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN s’exprime devant les parlementaires et répond à leurs questions. Cette réunion conjointe des commissions permet également aux parlementaires d’entendre le point de vue des représentants permanents alliés au Conseil de l’Atlantique nord.

L’Assemblée est essentiellement financée par les contributions des parlements ou des gouvernements des pays membres. Les contributions de chaque pays sont calculées sur la base de la clef de répartition utilisée pour le budget civil de l’OTAN, qui pour sa part verse également une contribution.

Son secrétariat international est à Bruxelles, place du Petit-Sablon, dans des locaux distincts de ceux de l’OTAN.

Son site Internet est à l’adresse suivante : http://www.nato-pa.int. Les activités de l’assemblée parlementaire sont retracées sur ce site. Celles des membres de la délégation française peuvent être suivies sur les sites de chacune des assemblées : www.assemblee-nationale.fr et www.senat.fr.

 

 


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I.   l’annonce d’un Basculement du monde auquel l’Alliance atlantique devra faire face au sommmet de Madrid en juin 2022

A.   Des modifications fondamentales À la situation de sÉcuritÉ de la rÉgion euro-atlantique

Dès le début de la XVème législature, les rapports annuels d’activité de la délégation française auprès de l’OTAN ont insisté sur les profonds changements à l’œuvre sur le plan géopolitique. La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, décidée dès son élection par le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a mis en lumière en 2017 un environnement stratégique instable et incertain, dans lequel la France et l’Europe se trouvaient directement exposées. En juillet 2020, le chef d’état-major des armées françaises décrivait devant la représentation nationale les trois scénarios auxquels il était désormais impératif de se préparer : « la possibilité d’un grand conflit ; la dégradation de la situation sécuritaire dans les marges européennes […] ; et la multiplication des stratégies hybrides et des zones grises » ([1]).

En janvier 2021, l’Actualisation stratégique a montré la persistance (pour certaines) et l’accélération et l’aggravation (pour d’autres) des tendances dégagées en 2017. Les mois qui viennent de s’écouler ont confirmé que « les repères traditionnels à partir desquels s’organisent les lignes de force structurant les relations internationales et sur lesquels était fondée notre vision du monde ont […] particulièrement volé en éclats – et parfois, très douloureusement » ([2]). Début 2022, les scénarios évoqués en juillet 2020 se sont matérialisés.

Des rapports d’information adoptés ces huit derniers mois par les commissions en charge des affaires étrangères et de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat – dont certains des auteurs sont des membres titulaires ou suppléants de la délégation française à l’AP-OTAN ([3]) – analysent en détail la plupart des évolutions dont la présentation suit, et dont le contenu doit être apprécié au regard du contexte très volatil qui prévalait lors de sa rédaction. Le présent rapport a en effet été enregistré le 24 février 2022, c’est-à-dire le jour de l’attaque militaire russe sur le territoire ukrainien.

1.   Une Russie qui choisit le fait accompli brutal au détriment du dialogue et porte la guerre au cœur du continent européen

Les précédents rapports de la délégation française ont rappelé les principes d’une coopération renforcée entre l’OTAN et la Russie posés par l’« Acte fondateur » OTAN-Russie en 1997, son principal instrument, le Conseil OTAN-Russie (COR), ainsi que les différentes phases successives par lesquels sont passées les relations entre les deux parties de 2002 à 2014 puis à partir d’avril 2014, à la suite de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et des actions portant atteinte à la pleine souveraineté ukrainienne sur le Donbass. La Russie a persisté dans ses actions agressives (en particulier, renforcement de ses capacités nucléaires – y compris en violation d’accords internationaux – et conventionnelles). Tout en se montrant prête à poursuivre le dialogue au sein du COR, l’Alliance a été conduite à modifier sa perception de sa relation avec cette dernière, la qualifiant non plus de « défi pour l’Alliance » (comme en 2018) mais de « menace pour la sécurité euro-atlantique » dans la Déclaration de Londres du 4 décembre 2019 tout comme dans le communiqué du Sommet de Bruxelles du 14 juin 2021.

L’accord in extremis à la fin du mois de janvier 2021 entre la Russie et les États-Unis permettant une extension pour cinq ans du traité New Start de réduction des arsenaux nucléaires semblait alors de bon augure, puisqu’il démontrait qu’un dialogue était possible sur des sujets d’intérêt partagé. Ce relatif optimisme s’est ensuite trouvé conforté par la rencontre organisée, dans la foulée du Sommet de l’OTAN à Bruxelles du 14 juin, entre le président des États-Unis, Joseph R. Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine, à Genève, le 16 juin. En amont, les deux dirigeants avaient exprimé leur espoir de relations plus stables et plus prévisibles, en dépit de leurs nombreuses divergences. À son issue, les deux hommes ont fait part de points d’entente, le président russe indiquant que « sur beaucoup de questions, [leurs] évaluations divergent, mais les deux parties ont démontré un désir de se comprendre l’une l’autre et de chercher les moyens de rapprocher les positions », et le chef de l’État américain confirmant que « la rencontre s’était déroulée dans une atmosphère positive » et que « les deux pays [avaient] des intérêts communs » ([4]) 

Or le Président Poutine, tout en continuant d’instrumentaliser la déstabilisation indirecte de tout l’environnement de sécurité de l’Alliance, a clairement assumé au cœur du continent européen l’usage de la force comme mode d’expression dans les relations internationales.

a.   Une année 2021 marquée par un recours accru de la part de la Russie à la guerre hybride

Loin d’un reset qu’aurait pu encourager la stabilisation de la politique extérieure américaine, la Russie a poursuivi en 2021 ses « guerres invisibles » ([5]),  recourant à divers moyens sous le seuil du conflit armé et souvent non attribuables. Les exemples suivants en donnent un aperçu dans l’ensemble de l’environnement de l’Alliance Atlantique.

Tout en mettant en avant les mérites de la route maritime du Nord en parallèle au blocage du canal de Suez, l’armée russe a multiplié les manœuvres dans l’Arctique russe au printemps, déployant des systèmes de défense anti-aérienne S-400, simulant la destruction d’un avion par des systèmes anti-aériens Pantsir-S1 et neutralisant une attaque de drones ([6]). Fin mars, l’exercice Umka-2021 a combiné la remontée simultanée de trois sous-marins nucléaires ([7]) faisant surface de sous la banquise – une première –, le survol du pôle par des chasseurs Mig-31 ravitaillés en vol, un tir de torpille sous la glace et le déploiement de 600 hommes de la nouvelle brigade motorisée de l’Arctique. À la veille d’occuper pour deux ans la présidence tournante du Conseil de l’Arctique, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a exprimé sans ambiguïté la volonté russe de contrôle, direct ou indirect, du Grand Nord: « ce sont nos terres ! » ([8]).

Sur le flanc sud de l’Alliance, la Russie continue à jouer de l’ensemble de la palette de l’hybridité – participation aux opérations militaires directe et/ou indirecte, désinformation, atteintes cyber, etc. –  des franges de la Méditerranée (Syrie, Libye) jusqu’au Sahel (République Centrafricaine, Soudan, Mali).

Mais c’est, plus largement, l’ensemble de l’environnement de l’Alliance Atlantique, qui a été continument testé, des domaines cyber et informationnel à l’espace exo-atmosphérique et aux fonds marins. En matière cyber, l’exemple le plus emblématique est sans doute l’opération de cyber espionnage très sophistiquée envers l’entreprise américaine SolarWinds, décelée en décembre 2020 et officiellement attribuée par les États-Unis le 15 avril 2021 au service de renseignement extérieur russe (SVR) ainsi qu’à un groupe de pirates APT29/ Cozy Bear réputé très proche de ce dernier ([9]). Une autre cyberattaque, celle menée le 7 mai 2021 à l’encontre du système d’oléoduc américain Colonial Pipeline qui assure la distribution d’environ 45 % de tout le carburant consommé sur la côte Est des États-Unis, a obligé le gouvernement américain à déclarer l’état d’urgence le 9 mai. Tout en estimant que les responsables de cette attaque se trouvaient en Russie mais que le gouvernement russe n’était pas impliqué dans cette attaque, le Président Biden a rappelé à son homologue russe à Genève que « certaines infrastructures critiques devraient être intouchables, que cela soit par des moyens cybernétiques ou autres », en lui transmettant une liste de seize entités spécifiques « allant du secteur de l’énergie à nos systèmes de distribution d’eau » ([10]).

L’escalade des tensions dans et autour de l’Ukraine tout au long de l’année 2021 s’est accompagnée d’une campagne de désinformation de grande ampleur, mettant l’accent sur une prétendue nazification et militarisation de l’Ukraine, tout comme sur un inventé génocide en cours contre les populations russophones. Cette campagne, éventée et dénoncée notamment par l’Union européenne qui s’est dotée d’outils puissants de détection, prétend indûment que « l’Ukraine et l’OTAN sont les agresseurs, que Kiev mène un génocide des populations russophones dans la région du Donbass… On a repéré 2 700 exemples de ce type en 2021 » ([11]).

Outre des campagnes sous-marines en Atlantique Nord « par " bouffées " puissantes, qui viennent tester la crédibilité du dispositif opérationnel occidental du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France » ([12]), la Russie a continué de s’intéresser de près aux infrastructures sous-marines de communication – les câbles sous-marins transportent actuellement 98 % du trafic internet mondial. Le navire  Yantar, disposant de capacités d’intervention sous-marines allant jusqu’à 6 000 mètres, a ainsi été repéré en août à proximité des câbles sous-marins AEConnect-1 et Celtic Norse reliant l’Irlande aux États-Unis et à l’Écosse ([13]). Or ces câbles peuvent être utilisés également à des fins de détection. « Des travaux universitaires soulignent le fait que les technologies de fibres optique employées dans ces câbles leur confèrent la capacité de détecter des séismes mêmes très faibles et donc pourquoi pas de détecter le passage de sous-marins », rappelait l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine française, au printemps dernier ([14]).

Enfin, le 15 novembre dernier, le ministère russe de la défense a reconnu avoir détruit un satellite lancé en 1982 et devenu inactif. Outre l’indifférence face à la production de débris susceptibles de menacer les milliers d’autres satellites de communication ou de localisation, la Russie faisait ainsi la preuve pour l’OTAN de ses « nouveaux systèmes d’armement qui peuvent détruire des satellites ainsi que des capacités spatiales utilisées pour des infrastructures de base sur Terre, comme des communications, la navigation ou des systèmes d’alerte de tir de missile » ([15]).

b.   Une nouvelle agression militaire russe contre l’Ukraine comme moyen d’obtenir une révision des garanties de sécurité

Le Président Poutine a méthodiquement organisé, sous couvert d’exercices au printemps puis à partir de l’automne, le déploiement progressif d’un dispositif militaire massif en troupes et en matériels autour de l’Ukraine, ainsi que dans la Crimée illégalement annexée et dans les territoires sous contrôle séparatiste dans l’est du pays (avant d’étendre ensuite ce déploiement à la Biélorussie).

Puis il a appelé en décembre dernier à un dialogue diplomatique afin de réviser des garanties de sécurité nées de l’Acte final d’Helsinki en 1975, de la Charte de Paris de 1990, du Mémorandum de Budapest de 1994 et de l’Acte OTAN-Russie de 1997, qu’il jugeait désormais à la fois injustes et insuffisantes car nées, selon son interprétation, d’une exploitation abusive de la position de faiblesse de la Russie au sortir de la Guerre froide et de l’implosion de l’URSS. Lors d’un deuxième sommet – virtuel – avec le Président Biden le 7 décembre 2021, le Président Poutine a d’abord dénoncé auprès de son homologue américain le potentiel militaire croissant de l’OTAN aux frontières de la Russie et demandé des garanties sur le non-élargissement de l’Alliance Atlantique vers l’Est. Puis la Russie a rendu public, dans une démarche atypique le 17 décembre, deux projets de traités, l’un bilatéral avec les États-Unis, l’autre avec l’OTAN, et demandé l’engagement sans délai de discussions.

Les Alliés ont immédiatement dénoncé le caractère inacceptable de certaines des propositions – au premier rang desquelles l’interdiction de futur élargissement de l’OTAN à l’Ukraine, à la Géorgie ou à tout autre pays candidat, au mépris du droit souverain de chaque État de choisir ses alliances et ses propres arrangements en matière de sécurité, ou encore le retrait des forces et la fin des exercices sur les territoires des États devenus membres de l’OTAN après 1997, soit la création d’Alliés de second rang –. Mais ils ont signalé leur disponibilité sur des points méritant une discussion, dans les enceintes appropriées (dialogue stratégique bilatéral sur le désarmement, COR, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, « format Normandie »).

Le COR s’est ainsi réuni le 12 janvier 2022, pour la première fois depuis juillet 2019. Les Alliés ont réitéré leur disponibilité à des discussions approfondies sur des propositions concrètes afin de rechercher des résultats constructifs. « En particulier, les Alliés souhaitent discuter des moyens concrets d’accroître la transparence des exercices militaires, prévenir les incidents militaires dangereux, et réduire les menaces spatiales et cybernétiques. Les Alliés ont également proposé d’examiner la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération, y compris pour répondre aux limitations réciproques sur les missiles, et d’aborder les politiques nucléaires » a indiqué le secrétaire général, Jens Stoltenberg ([16]).

Le nombre d’entretiens à haut niveau entre les 17 décembre 2021 et 21 février 2022 – parmi lesquels on peut distinguer ceux conduits par le Président de la République, alors que la France assume également la présidence du Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron, avant son déplacement à Moscou le 7 février et à Kiev et Berlin le 8 puis à nouveau du 19 au 21 février 2022 –, ainsi que les réunions sous divers formats de l’OTAN et de l’Union européenne démontrent l’intensité des efforts menés pour conduire ce dialogue diplomatique que la Russie déclarait appeler de ces vœux en faisant l’annonce d’un retrait de ses troupes et d’une disponibilité au compromis. Ces efforts occidentaux se sont appuyés en parallèle sur un ensemble d’avertissements sur les conséquences pour la Russie elle-même si la voie de la désescalade n’était pas empruntée, et sur des mesures fortes de réassurance à l’égard des Alliés les plus menacés et de soutien envers l’Ukraine.

Or, loin de retirer effectivement ses troupes, la Russie a, à partir de la mi-février, accentué sa posture menaçante en combinant de nouvelles manœuvres navales en mer Noire à des exercices nucléaires stratégiques impliquant des tirs de missiles balistiques. Puis, le 21 février, Moscou a reconnu certaines régions des oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk, contrôlées par des séparatistes pro-russes, comme des entités indépendantes, violant le droit international, l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine ainsi que les engagements internationaux de la Russie. Après la signature d’accords « d’amitié et d’entraide », elle y a ensuite déployé des troupes sous couvert d’une « mission de maintien de la paix ».

Ce choix clair de la voie de la déstabilisation et de la confrontation, le Président Poutine l’a enfin parachevé en lançant, sur la base d’allégations sur la nature du régime ukrainien et ses actes fabriquées de toute pièce et sans aucun fondement dans la réalité, une agression militaire d’envergure contre l’Ukraine, et en menaçant, en des termes à peines voilés, d’une escalade nucléaire. Cette décision a été annoncée au moment même où le Conseil de sécurité se réunissait en urgence sur la situation en Ukraine, « illustrant le mépris dans lequel la Russie tient le droit international et les Nations unies » ([17]).

Le 24 février au petit matin, non pas pour faire pièce à une attitude agressive de l’Alliance inexistante, car cette dernière est une alliance uniquement défensive, mais bien parce qu’il considère les valeurs démocratiques comme une menace existentielle, le Président Poutine « a ramené la guerre sur le continent européen. Il s’est placé du côté obscur de l’histoire » ([18]) . Et il y a placé son pays et son peuple, dont il est douteux qu’il souhaite la guerre. Des sanctions massives et ciblées vont venir s’ajouter à celles déjà mises en place de manière proportionnée et coordonnée aux niveaux national, européen et international, dont le peuple russe sera aussi victime, même s’il n’en est pas la cible.

Tout en restant lucide sur la possibilité d’obtenir à très court terme des résultats concrets, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, avait rappelé à l’occasion d’un entretien avec l’Atlantic Council le 5 février 2021 que les dimensions historique et géographique de la relation avec la Russie imposaient de persister dans une stratégie de patience pour redéfinir de manière durable un cadre international d’échanges non seulement sur la sécurité de l’Europe dans son voisinage, mais aussi à l’échelle globale : « Cela prendra plusieurs années, peut-être même plusieurs décennies, mais nous devons bâtir un tel dialogue pour assurer la paix et la stabilité en Europe » ([19]). Le Président Poutine, en dépit de toutes ses promesses, a choisi de faire parler les armes et de devenir un paria sur la scène internationale. Tout en permettant de tenter de convaincre le Président Poutine et son entourage de renoncer à cette voie sans issue pour la Russie et le peuple russe, le dialogue pourrait aussi prévenir la contagion et l’élargissement du conflit.

Ce dialogue doit toutefois nécessairement reposer sur l’affirmation sans concession par l’Alliance de ses lignes de force, dont fait partie la double approche. Dans ce cadre, l’Alliance réexamine en permanence sa posture de dissuasion et de défense et est prête à s’adapter à une nouvelle dégradation de l’environnement de sécurité selon ce qui est approprié. Elle l’a fait dès 2014, avec notamment la Présence avancée renforcée, la Présence avancée adaptée et la Police du Ciel. Elle a décidé désormais de nouvelles mesures renforçant encore sa capacité à répondre aux défis militaires de la Russie, et la France y prendra de nouveau une part active (cf. infra).

2.   La dégradation de la situation sécuritaire dans les marges européennes méridionales

De la Libye au Sahel en passant par le Moyen-Orient, le flanc sud de l’Alliance est au centre d’un certain nombre de menaces allant des conflits régionaux et de la fragilité des États au terrorisme et à la criminalité transnationale organisée. Ces menaces représentent des risques directs et indirects pour la sécurité des pays membres de l’OTAN et de leurs sociétés, alors même que les premiers effets du changement climatique sont déjà perceptibles dans cette grande périphérie Sud.

Dix ans après le début des soulèvements arabes pour la démocratie, le bilan est marqué par des revers. Les trois foyers d’instabilité majeure que sont le Yémen, la Syrie et le Liban en sont le signal le plus visible. Le présent rapport concentrera son propos sur trois pays qui ont fait directement l’objet d’une attention particulière de l’OTAN ces derniers mois. Si les efforts de stabilisation de l’Irak se poursuivent avec des étapes satisfaites, vingt ans après leur chute les talibans sont de retour au pouvoir à Kaboul. Et la réorganisation du dispositif occidental de lutte contre le terrorisme au Sahel prend place dans un contexte de fragilisation politique accrue de plusieurs États cruciaux dans cette zone.

a.   Des étapes franchies en faveur d’une complète stabilisation de l’Irak mais qui demeurent fragiles

Depuis la proclamation en décembre 2017 de la victoire contre l’organisation terroriste Daech après trois ans de combat, l’Irak est entré dans une phase de stabilisation et de reconstruction, encore en cours.

L’année 2020 avait été marquée par de fortes tensions internes (un mouvement de contestation politique et social, principalement dans le sud du pays – où il trouve son origine – et à Bagdad s’ajoutant aux conséquences toujours importantes sur le terrain de la guerre contre Daech et à de graves difficultés économiques amplifiées par la pandémie de covid-19) et externes (les tensions irano-américaines y trouvant un terrain d’expression privilégié). Ce contexte fragile et volatile a perduré en 2021, mais des étapes en faveur d’une complète stabilisation de l’Irak ont toutefois pu être franchies, qui demandent à être confirmées.

Sur le plan intérieur, les élections générales tenues les 8 et 10 octobre derniers se sont dans l’ensemble bien déroulées, sans incident de sécurité majeur. Tous les partis politiques qui ont souhaité contester les résultats ont pu le faire auprès de la commission électorale et celle-ci a procédé à des recomptages lorsqu’elle l’a jugé nécessaire. Des femmes ont été élues en nombre au Parlement. La tentative d’assassinat du Premier ministre Mustafa al-Kadimi, dans la nuit du 6 au 7 novembre n’a pas dérapé dans des affrontements intercommunautaires ou la résurgence du mouvement de protestation avec une violence accrue. Toutefois, près de cinq mois après ces élections, la situation institutionnelle reste bloquée et les aspirations légitimes exprimées par le peuple irakien au changement démocratique, aux réformes économiques, à la justice sociale et à plus de transparence, demeurent insatisfaites.

L’Irak a également retrouvé une plus grande capacité d’intervention budgétaire. Le mandat de la Commission d’Indemnisation des Nations Unies, ainsi que les obligations financières de l’Irak au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, viennent de prendre fin. L’Irak, nonobstant des circonstances difficiles, a respecté scrupuleusement ses engagements au cours des 31 années d’activité de cette commission, qui a procédé au règlement de près de 1,5 million de réclamations d’une valeur de plus de 52 milliards de dollars, ce qui est sans précédent dans l’histoire du règlement des réclamations internationales.

Toutefois, la menace représentée par Daech demeure forte malgré les efforts de la communauté internationale. Des attaques terroristes contre la population, des emprises diplomatiques et les bases de la Coalition internationale ont ainsi scandé l’année 2021. Encore le mois dernier, cette organisation a visé les forces de sécurité irakiennes et tué plusieurs militaires dans la province de Diyala. La capture, par les autorités irakiennes de Sami Jasim al-Jaburi devrait toutefois permettre d’apporter un éclairage sur les finances de l’organisation et, donc, de mieux lutter durablement contre celles-ci. Ces financements jouent en effet un rôle majeur pour Daech comme pour ses affiliés : ils permettent d’amplifier les recrutements, dans une optique espérée de résurgence qui doit être combattue avec une détermination sans faille.

Sur le plan régional, l’Irak s’efforce de passer de point de cristallisation des tensions régionales à celui de point d’équilibre et de dialogue dans la région, et la conférence organisée l’été dernier à Bagdad en a été une étape importante. Cette conférence, tenue à l’initiative conjointe de l’Irak et de la France, a réuni les principaux voisins de l’Irak, au niveau des chefs d’État ou de gouvernement et des ministres des affaires étrangères, dans un format inédit permettant de dépasser plusieurs des lignes de faille qui traversent la région. Une première réunion de suivi dans le même format s’est tenue le 21 septembre en marge de l’Assemblée générale des Nations unies sous la présidence du ministre irakien des affaires étrangères Fouad Hussein. Le format de Bagdad est ainsi inscrit dans la durée, au bénéfice de la souveraineté irakienne et de la stabilité régionale.

b.   La fin chaotique de l’engagement occidental en Afghanistan

La chute de Kaboul et la prise de pouvoir par les talibans le 15 août dernier, après vingt années d’engagement continu de la communauté internationale, imposent de prendre en compte les conséquences de ce retrait brutal et chaotique.

La première est géopolitique, à plusieurs titres. Pour l’OTAN, il s’agissait de sa première opération menée en conséquence de l’invocation de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, en 2001, et de la première opération de gestion de crise hors de la zone euro-atlantique. Opérée en plusieurs phases – une mission de combat menée par la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en vertu d’un mandat des Nations Unies (2003–2014) et la mission Resolute Support (RSM) de formation, de conseil et d’assistance conduite par l’OTAN au profit des forces de sécurité afghanes (2015–2021) –, elle se conclut sur une fin dont le sens (départ) et le terme (1er mai 2021) étaient actés dans l’accord bilatéral entre les États-Unis et les talibans signé à Doha le 29 février 2020, même si ses modalités (effondrement des autorités et forces afghanes dès lors que le départ des Américains est devenu certain, et retrait précipité et chaotique des forces occidentales encore présentes) sont restées longtemps sous-estimées.

En quittant l’Afghanistan, les États-Unis ont répondu à une fatigue de leur opinion publique vis-à-vis des « guerres sans fin » ; ils ont aussi libéré des ressources pour se consacrer à la compétition avec la Chine. Et de nombreux observateurs ont mis en avant la fin de l’engagement occidental pour expliquer la décision de la Russie de pousser son avantage au Sahel mais aussi en Ukraine.

Depuis l’annonce de la composition d’un gouvernement, le 7 septembre dernier, les nouvelles autorités talibanes n’ont pris aucune mesure pour limiter les activités des groupes terroristes en Afghanistan et ceux-ci bénéficient d’une liberté inégalée depuis de nombreuses années. Loin d’avoir rompu leurs liens avec Al Qaeda, les talibans, qui ont intégré des membres de cette organisation terroriste dans leur gouvernement intérimaire, risquent de transformer à nouveau l’Afghanistan en sanctuaire pour ce groupe et pour ses affiliés. De plus, l’État islamique - Province de Khorassan (EI-K), la branche locale afghane de Daech, se déploie dans de nouvelles provinces, ce dont témoigne le nombre d’attentats.

L’Afghanistan, enfin, s’enfonce dans une grave crise politique et humanitaire. Le gouvernement n’est en effet ni inclusif ni représentatif de la société afghane en contradiction avec les attentes de la communauté internationale. En outre, plusieurs ministres sont sous le coup de sanctions internationales. Les mesures prises ne sont pas non plus conformes aux attentes en matière de respect des droits humains. Quant à la situation humanitaire, elle connait une grave dégradation liée à la fois au gel des avoirs afghans à l’étranger qui ne peuvent être réemployés dans le cadre de la reconstruction du pays mais également en raison de la troisième sécheresse consécutive qui frappe durement l’Afghanistan. En outre, plus de 3 millions de personnes ont été déplacées du fait des combats.

c.   L’aggravation de la situation sécuritaire sur la rive sud de la Méditerranée

Le flanc sud de l’Alliance doit être considéré comme le maillon d’une chaîne : ce qui se passe au Sahel, en Indo-Pacifique, ou même en Ukraine, est susceptible d’y avoir des répercussions. Longtemps analysé sous le prisme du « risque de la faiblesse » lié aux menaces engendrées par des États faibles, le « risque de la force » s’y fait aujourd’hui également sentir.

Le rapport d’activité 2020 de la délégation détaillait l’état de ce flanc sud, marqué par une grande hétérogénéité des situations, un retour des régimes autoritaires, l’enhardissement des puissances régionales qui retardent de fait le règlement de situations de crise politique au détriment des populations directement concernées et fragilisent les normes et le droit international. Le rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale sur les enjeux de défense en Méditerranée ([20]) publié le 17 février dernier fait un point complet sur la dégradation sécuritaire en Méditerranée, résultat d’une multitude de facteurs interconnectés et alimentée par le retour de la compétition et de la conflictualité entre puissances, de stature régionale (Turquie) ou plus globale (Russie, Chine), dans un contexte de réengagement sélectif des États-Unis, centré sur la Méditerranée orientale, porte d’accès à la mer Noire.

Aussi, le présent rapport s’intéressera plus particulièrement à la lutte contre la menace terroriste et le soutien à la paix et à la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest, l’hypothèse d’une plus grande implication de l’OTAN en bande sahélo-saharienne ayant été régulièrement avancée depuis 2019 par le secrétaire général de l’OTAN.

La France est engagée au Sahel depuis près de dix ans, avec ses partenaires européens, africains et internationaux dans un combat commun contre le terrorisme et en soutien aux populations. L’opération Serval a en effet été lancée en janvier 2013, dans le cadre de la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies et à la demande du gouvernement malien. Prolongée par l’opération Barkhane à partir d’août 2014, elles ont évité l’effondrement du Mali et permis aux pays sahéliens concernés de faire face à la menace terroriste et de commencer à réaffirmer leur autorité sur leurs territoires. À la suite de la sahélisation et l’internationalisation des efforts en soutien à la sécurité régionale, une multitude d’acteurs interviennent sur place, en plus de la force Barkhane, au sein de laquelle est intégrée la Task Force Takuba composée de forces spéciales européennes, et des armées nationales sahéliennes : l’ONU (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali - MINUSMA), l’Union européenne (mission de formation de l’Union européenne au Mali - EUTM - et mission de soutien aux capacités de sécurité intérieure maliennes au Sahel - EUCAP Sahel) et la Force conjointe du G5 Sahel, constituée de militaires sahéliens.

Le focus, après le Sommet de Pau de janvier 2020, de l’action sur la zone des trois frontières et l’envoi de 600 soldats français supplémentaires pour faire face à la résurgence de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ont permis d’entraver son projet d’enracinement territorial, et les armées sahéliennes ont pu reprendre le contrôle de ces territoires. Tirant les leçons de leurs échecs, marqués par la neutralisation de plusieurs hauts responsables de divers groupes terroristes ([21]), les groupes djihadistes ont aujourd’hui délaissé leur ambition territoriale au profit d’un projet de dissémination de la menace vers les pays côtiers du Golfe de Guinée, avec, fin 2021 et début 2022, des attaques contre les forces de défense et de sécurité au Bénin et au Burkina Faso.

Cette évolution de la menace sécuritaire se produit de surcroît dans un contexte politique très préoccupant, dans plusieurs pays de la région. Le coup d’État survenu le 25 janvier 2022 au Burkina Faso aggrave encore un contexte politique régional grandement détérioré en 2021 par la fuite en avant de la junte militaire malienne. Les défaillances du gouvernement malien, incapable de faire revenir l’autorité et les services de l’État dans les zones dégagées de l’influence des groupes terroristes, notamment en raison de détournements des financements qui auraient dû les permettre, et l’absence d’institutions solides avaient conduit à un premier coup d’État le 18 août 2020, renversant le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta. La junte militaire et les acteurs civils membres du gouvernement de transition se sont ensuite divisés, paralysant l’action publique. Une tentative de remaniement du gouvernement pour clarifier les options et élargir sa base civile, sociale et politique, a entraîné un second coup d’État, le 24 mai 2021, qui s’est traduit par un accroissement de la mainmise des militaires. Ces derniers ont renoncé à l’engagement envers la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022, puis fait le choix de la rupture avec l’ensemble de leurs partenaires, des pays voisins en passant par les organisations régionales jusqu’aux partenaires européens, privilégiant une Russie présente derrière le paravent de la société militaire privée Wagner.

Dans un dialogue régulier avec les pays et organisations africains et européens concernés, notamment au sommet du G5 Sahel de N’Djamena en février 2021, une adaptation du dispositif a été annoncée par le Président de la République le 9 juin, puis précisée le 9 juillet dernier. Le nouveau dispositif est articulé autour de quatre dimensions majeures : une dimension « contre-terrorisme » (avec la poursuite de la mission de la Task Force Sabre à Ouagadougou) ; une dimension « montée en puissance des armées régionales » pour former, entraîner, équiper et conseiller les armées partenaires (dimension renforcée et élargie aux pays du Golfe de Guinée) ; une dimension « partenariat de combat » pour être en mesure d’accompagner les partenaires africains dans leurs opérations (avec un rôle central dévolu à la Task Force Takuba européenne) ; une dimension « réassurance » pour demeurer en permanence en mesure d’intervenir rapidement au profit des forces alliées ou partenaires, grâce aux moyens aériens déployés au Niger.

Mais la rupture du cadre politique qui entourait la transition malienne et le déploiement désormais effectif de mercenaires russes dans plusieurs zones du territoire malien ainsi que des mesures d’entrave des autorités maliennes à l’action de la communauté internationale conduisent à une réarticulation plus prononcée du dispositif européen et international dans la région, dont les modalités précises sont en cours de définition, de façon collective avec l’ensemble des partenaires européens et africains concernés. Une première conséquence sur le terrain a été la fermeture, début 2022, des emprises de Tombouctou, Kidal et Tessalit.

3.   L’accentuation des autres déséquilibres au sein de l’architecture globale de sécurité

a.   L’affirmation de la Chine et la confirmation de la rivalité sino-américaine, permanence en 2021 de deux paramètres structurants

i.   La confirmation de la réorientation de long terme de la politique de sécurité américaine au prix d’une crise de confiance d’ampleur entre deux Alliés majeurs

Quoiqu’exprimée en des termes moins brutaux que ceux de l’Administration précédente, et couplée avec un message très clair de réengagement dont, après de premiers gestes symboliques en début d’année (retour dans les Accords de Paris, à l’Organisation Mondiale de la Santé), le soin mis à partir de novembre 2021 à organiser l’unité et la cohésion des Alliés face à une Russie de plus en plus menaçante témoigne sans équivoque, la réorientation de long terme de la politique de sécurité américaine a été confirmée à nouveau cette année. Trois évènements en particulier l’ont mis en évidence.

L’attaque du Capitole à Washington le 6 janvier 2021, qui a révélé au grand jour les fragilités de la démocratie américaine, a sinistrement éclairé l’impératif de recentrage des États-Unis sur leur reconstruction intérieure. Selon Denis Lacorne, directeur de recherche émérite au CERI-Sciences Po et spécialiste reconnu des États-Unis, « le test ultime d’une démocratie consiste à réussir une passation des pouvoirs pacifique, après des élections libres et équitables » ([22]). La mise en cause du système électoral, les démarches enclenchées par l’ancien président Trump pour conserver son siège, les propos tenus pour les justifier, ont, semble-t-il, durablement marqué la vision d’une partie du parti Républicain et de ses électeurs. Les élections de mi-mandat en novembre 2022 pourraient être défavorables au parti Démocrate, accentuant encore les difficultés que connait aujourd’hui l’Administration dans un Congrès divisé pour faire avancer ses principales ambitions politiques, alors que l’attitude menaçante de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine a remis en lumière l’existence d’un puissant courant isolationniste dont l’élection de Donald Trump, en 2016, avait été la première manifestation.

La poursuite du pivot vers l’Asie s’est traduite par l’annonce et les modalités du retrait des forces américaines d’Afghanistan (cf. supra) et, bien plus encore, par l’annonce brutale le 15 septembre par les États-Unis de la rupture du partenariat stratégique entre la France et l’Australie et la mise en place d’une nouvelle alliance militaire entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (AUKUS) dans l’Indo-Pacifique.

Cet évènement, survenu après des mois de tromperie et de faux-semblants dans des conditions indignes des liens tissés entre Alliés aussi anciens que la France et les États-Unis, a entraîné une crise diplomatique autant qu’une crise de confiance d’ampleur entre ces deux Alliés majeurs.

Il traduit aussi la volonté d’alignement sur une logique stratégique antagoniste avec la Chine qui se met progressivement en place aux États-Unis depuis l’administration Obama. Cette logique stratégique n’est pas celle choisie par la France et par l’Union européenne –  qui a publié sa propre stratégie pour l’Indo-Pacifique le jour même où l’accord AUKUS était rendu public –. Justifié par l’Australie par l’aggravation des tensions avec la Chine, ce choix australien de la sécurité au détriment de la souveraineté (en faisant le choix de recourir à la technologie nucléaire qu’ils ne maîtrisent pas et ne maîtriseront pas à l’avenir, les Australiens se sont soumis aux évolutions de la politique américaine) n’est pas non plus partagé par la France et par l’Union européenne.

L’une comme l’autre assument pleinement la compétition avec la Chine, dont la montée en puissance militaire, les visées hégémoniques et l’agressivité croissante, y compris au besoin par des moyens militaires, s’accompagnent d’un multilatéralisme de façade qui en réalité cherche à enfermer les autres États dans un face-à-face asymétrique. La France et l’Union européenne promeuvent pour leur part la construction d’un modèle alternatif au modèle chinois, respectant pleinement la souveraineté de l’ensemble des acteurs partenaires, et utilisent tous les leviers – sécurité, commerce, connectivité, protection de l’environnement, développement, liberté de navigation, conformité au droit international – afin de mieux défendre leurs intérêts et leurs valeurs, tout en assumant pleinement le jeu des rapports de force, y compris militaires, si nécessaire. 

Elles persévèrent dans cette voie, tout en prenant en compte le durcissement considérable des opérations d’influence d’une Chine à la fois partenaire, concurrente et rivale –  dans un ordre qui n’est pas figé –  et qui semble désormais préférer susciter la crainte à l’émulation.

ii.   L’affirmation de la Chine se double d’interrogations sur sa relation avec la Russie

Les ambitions de la Chine ne sont plus voilées, sa Vision 2035 est sans ambiguïté, même si officiellement les dirigeants chinois ne revendiquent pas – encore – de ravir aux États-Unis leur statut de première puissance mondiale. Mais les briques se mettent en place. Quatre excellents rapports ([23]) ont mis en lumière fin 2021-début 2022 tous les enjeux liés au nouveau paradigme de puissance chinoise et de rivalité sino-américaine.

La Chine assume aujourd’hui une vision qui associe étroitement affirmation intérieure et projection extérieure, au moyen d’une large palette d’outils de politique étrangère, d’une stratégie d’influence multidimentionnelle et d’une stratégie d’affirmation militaire qui s’étend désormais bien au-delà de l’Océan indien. Elle devient ainsi un acteur incontournable sur différents sujets multilatéraux (lutte contre le réchauffement climatique, gestion de la dette des pays en développement, etc.), à la fois partenaire de négociation et promotrice d’un modèle différent de celui des démocraties libérales.

Mais la pandémie de covid-19, partie de Chine, a révélé les forces et les faiblesses d’un régime dont le parti unique a célébré en 2021 son centenaire, et qui tiendra à l’automne prochain un Congrès crucial pour le Président Xi Jinping. La répression religieuse, culturelle, politique, sociétale, a atteint son apogée durant cette pandémie. Toute contestation et a fortiori toute réforme du système sont aujourd’hui perçues comme une mise en danger du régime. La stratégie « zéro covid », illustrée par les modalités dans lesquelles se sont tenus les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de Pékin 2022, a accru l’isolement du reste du monde choisi par la Chine.

Cette dernière a multiplié en 2021 les gestes d’affirmation de sa puissance. La marine chinoise a ainsi inauguré le 23 avril trois navires de guerre : un navire d’assaut amphibie pouvant embarquer une trentaine d’hélicoptères et des drones légers multimissions, un croiseur doté de 112 tubes de lancement vertical pouvant tirer divers types de missiles (antinavires, croisière, antiaériens) et un sous-marin nucléaire lanceur d’engin chargé d’assurer la dissuasion nucléaire chinoise. En 2015, la marine de l’Armée populaire de libération (PLAN) comptait 255 navires de combat dans sa flotte, selon l’Office of Naval Intelligence (ONI) des États-Unis. Fin 2020, elle en comptait 360, soit plus de 60 de plus que la marine américaine, et l’ONI estime à 400 le nombre de navires de combat en 2025 ([24]). Des révélations de presse à l’été puis l’automne 2021 ont en outre fait naître des interrogations sur les capacités chinoises en matière balistique. Selon le Washington Post, la Chine a procédé au creusement de 119 silos pouvant accueillir des missiles nucléaires intercontinentaux, et pour le Financial Times, la Chine a testé en août dernier une nouvelle capacité spatiale avec un missile hypersonique en orbite, à capacité nucléaire. Et les forces navales, aériennes, amphibies et aéronavales chinoises se sont livrées à des exercices quasi quotidiens autour de Taiwan. 969 incursions d’avions de guerre chinois ont été ainsi enregistrées dans la zone de défense aérienne de Taiwan en 2021, soit plus du double de celles (380) effectuées en 2020 ([25]).

La Russie et la Chine partagent l’objectif de repousser loin de leurs frontières respectives la présence ou l’influence occidentale, et notamment américaine, qui forment un contre-modèle pour ces deux régimes. L’attaque brutale de l’Ukraine par la Russie a donc d’autant plus ravivé les interrogations sur la relation Chine-Russie, que la première a apporté un soutien ambigu à la seconde. La déclaration sino-russe signée le 4 février par les deux dirigeants appelle à « l’entrée des relations internationales dans une nouvelle ère » et chacune des parties y soutient l’autre sur ses sujets de préoccupation principaux. La déclaration se dit ainsi « opposée à tout élargissement futur de l’OTAN ». La Chine y réitère son soutien à la demande russe d’obtenir des garanties juridiques pour sa sécurité. Moscou y confirme de son côté « que Taïwan est une partie inaliénable de la Chine » et se dit préoccupée par la création de l’AUKUS, cette union « touchant à des questions de stabilité stratégique ».

Pour autant, la Chine n’est pas alignée sur la Russie. La disparité de forces et les interactions économiques avec les économies occidentales en faveur de la première sont sans doute trop importantes pour ce faire.  Les prochains mois seront à cet égard riches d’enseignements.

b.   L’accélération de la fragilisation des instruments de maîtrise des armements

La politique de sécurité et de défense de l’Alliance – tout comme celle de la France – repose sur la dissuasion nucléaire, qui vise à se protéger de toute agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle qu’en soit la forme. Mais tous les Alliés souscrivent aussi à l’objectif, fixé par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), du désarmement nucléaire, qui est plus généralement celui du désarmement général et complet. Un tel objectif impose de créer collectivement les conditions qui permettront à terme l’élimination des armes nucléaires. Cela nécessite la progression du désarmement nucléaire mais aussi celle du désarmement conventionnel, l’universalisation et le respect de l’interdiction des armes chimiques et biologiques, la prise en compte de la prolifération balistique, la sécurité dans l’espace extra-atmosphérique, et la résolution des crises régionales de prolifération.

De précédents rapports de la délégation de l’Assemblée nationale à l’AP-OTAN ([26]) ayant décrit précisément l’état de mise en œuvre des obligations et engagements dans le domaine de la maîtrise des armements et des mesures de confiance et de sécurité, il sera ici fait une présentation des faits marquants survenus depuis lors, l’OTAN demeurant attachée à sa double approche en matière de sécurité – d’une part, la dissuasion et, d’autre part, le dialogue et la maîtrise des armements.

Les activités de vérification et d’inspection ont été longuement suspendues à partir du mois de mars 2020 en raison de la pandémie de covid-19, gelant en quelques mois tout ce qui avait été mis en place au fil des années. Mais l’extension in extremis, pour cinq ans, fin janvier 2021 du traité russo-américain New Start de limitation des armements nucléaires, semblait de bonne augure alors que les deux dernières années avaient été marquées par un recul du cadre de maitrise des armements. Il n’en a rien été, bien au contraire.

i.    La maitrise des armements conventionnels, déjà moribonde, a volé en éclat le 24 février avec l’attaque brutale et non justifiée de l’Ukraine par la Russie

La Russie sapait déjà depuis plusieurs années l’esprit, les textes et les travaux menés collectivement dans les enceintes de désarmement. L’acte de décès du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) (dénoncé par les États-Unis avec l’approbation de l’OTAN, en raison des missiles SSC-8 développés par la Russie) a été prononcé en août 2019, le Traité sur les forces conventionnelles en Europe est dans l’impasse depuis plusieurs années, la Russie ayant suspendu en 2007 sa participation. Le Document de Vienne a urgemment besoin d’être adapté aux évolutions du contexte stratégique. Le Traité « Ciel ouvert » (TCO) entré en vigueur en 2002 restait le seul dispositif juridiquement contraignant de confiance et de sécurité mis en œuvre de manière réciproque dans le cadre de l’OSCE. Les deux principaux protagonistes s’en sont désormais retirés, les États-Unis en décembre 2020 et la Russie en décembre 2021.

La violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine constitue aujourd’hui une violation directe par la Russie de ses engagements et garanties de sécurité au titre du Mémorandum de Budapest de 1994.

ii.   Une double interrogation quant à l’attachement des Alliés à la conception suivie jusqu’alors par l’Alliance dans le domaine nucléaire

L’année 2021 a vu naitre une double interrogation quant à l’attachement des Alliés à la conception suivie jusqu’alors par l’Alliance.

Le premier questionnement résulte d’une potentielle révision de la doctrine nucléaire américaine. Dans son programme de candidat, Joe Biden indiquait une volonté ferme de restreindre, en consultation avec les alliés et forces armées, le rôle des forces nucléaires dans la doctrine américaine, « la seule vocation de l’arsenal nucléaire américain devrait être de dissuader – et, si nécessaire, répliquer contre – une attaque nucléaire. », lançant ainsi un débat américain sur le non-emploi en premier et le sole purpose (« vocation unique »), dont les avantages et inconvénients ont été mis en lumière par un rapport de l’Institute for Defense Analyses en janvier 2021. Si « l’adoption d’une doctrine de non-emploi en premier d’induirait pas nécessairement de conséquences sur la posture et la structure de forces », les « coûts en seraient significatifs. L’adoption d’une telle doctrine conduirait à accroître l’inquiétude des alliés les plus proches (OTAN, Asie – notamment Europe orientale et Japon), ce qui impliquerait pour les États-Unis de chercher des mesures de "compensation" » et les « bénéfices en seraient incertains. […] Les adversaires potentiels des États-Unis ne croiraient pas à la sincérité de l’engagement américain, et chercheraient à exploiter les tensions qui en résulteraient au sein des alliances. Les bénéfices pour la stabilité de crise seraient inexistants. Une telle politique pourrait même encourager l’aventurisme russe ou chinois. L’effet net sur la non-prolifération nucléaire serait "au mieux incertain, au pire passager" »([27]).

La publication en juin 2021 des propositions budgétaires par le Pentagone le 31 mai 20 a toutefois confirmé la progression continue des grandes composantes de la recapitalisation de la Triade ([28]) et n’a pas donné d’indication sur une révision de la posture nucléaire américaine dans le sens du programme du candidat. La persistance d’un consensus bipartisan dans le domaine de la dissuasion plus importante que ce qui avait pu être anticipé lors de l’élection du Président Biden doit encore être vérifiée dans le texte de la prochaine Nuclear Posture Review.  

La seconde interrogation fait suite à la décision de plusieurs Alliés de devenir membres observateurs au Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), entré en vigueur le 22 janvier 2021. Ce dernier est, en effet, loin de s’inscrire dans le cadre de dissuasion de l’Alliance. S’adressant exclusivement aux démocraties occidentales, il ne servira pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera. En créant une norme contraire au TNP tout en ne reprenant pas les plus hauts standards de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique, et en n’étant par ailleurs assorti d’aucun mécanisme de vérification, le TIAN fragilise l’approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape.

Deux membres de l’Alliance, l’Allemagne et la Norvège, ont toutefois décidé de devenir observateur, et de participer à la première conférence des parties prévue en mars 2022, légitimant ainsi un traité qui fragilise le TNP au moment où un régime de non-prolifération robuste et respecté est plus que jamais nécessaire.

iii.   L’absence de progrès dans les situations de prolifération régionale

Trois rencontres entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le Président Trump et la signature d’un accord en 2018, n’ont pas conduit à un recul du programme nucléaire et balistique de la Corée du Nord. Dès son arrivée, l’Administration Biden a donc fait savoir que « le président […] ne serait disposé à rencontrer Kim Jong-un que si le dirigeant nord-coréen acceptait de réduire la capacité nucléaire du pays », la Corée du Nord indiquant pour sa part qu’elle souhaitait « voir les États-Unis faire des concessions » ([29]).

Ce pays a poursuivi tout au long de 2021 ses efforts pour étendre et améliorer ses capacités en matière balistique, comme en témoignent les multiples essais de missiles balistiques à courte ou longue portée effectués, qui incluent de nouveaux missiles dits hypersoniques et un missile balistique mer-sol lancé depuis un sous-marin. L’année 2022 ne semble pas devoir être marquée par une amélioration de la situation à ce stade : la Corée du Nord a présenté un nouveau missile balistique SLBM, le Pukguksong-5, lors d’un défilé militaire le 14 janvier, et multiplié les tirs de missiles (sept pour le seul mois de janvier 2022, alors que la Corée du Sud s’apprête à élire son prochain président le 9 mars, et que la situation en Ukraine est au centre de l’attention).

Le retrait des États-Unis en 2018 et les violations incrémentales par l’Iran vidant de leur substance ses engagements en vertu du Plan d’Action Global Conjoint (PAGC), en réponse à la politique de « pression maximale » engagée par la précédente Administration américaine, avaient placé dans une impasse les efforts diplomatiques pour contrer la volonté iranienne de prolifération nucléaire. Le processus diplomatique a pu être relancé en 2021.

Les progrès rapides du printemps ont toutefois été suivis d’une pause de cinq mois à la suite de l’élection présidentielle en Iran, largement remportée par les conservateurs hostiles à l’accord. Le nouveau gouvernement iranien a cependant accepté de revenir à la table des négociations, en réclamant toutefois la levée de toutes les sanctions américaines et des garanties pour éviter qu’une nouvelle administration ne dénonce à nouveau le texte. Les États-Unis auraient ainsi offert de lever non pas la totalité mais la majeure partie des sanctions financières et économiques qui frappent l’Iran, en échange du retour à ses engagements pris dans le PAGC en 2015, sans prolongation donc du délai de 2025 retenu par l’accord initial. La Russie est pressentie pour être le pays de stockage de la matière fissile que l’Iran devra exporter afin de se mettre en conformité avec ses engagements (le pays ne pourra pas garder plus de 300 kilos d’uranium enrichi à 3,67 %) ([30]).

En ce début 2022, une convergence entre les E3 (Grande-Bretagne, Allemagne, France), la Chine, la Russie et les États-Unis suffisamment significative a été trouvée, et la France et ses partenaires considèrent que les négociations ont permis de dégager une solution respectueuse des intérêts essentiels de toutes les parties prenantes, qui permettrait d’éviter une grave crise nucléaire. Il appartient dorénavant à l’Iran de saisir cette opportunité et de prendre les décisions politiques qui permettront de préserver l’Accord de Vienne, dans l’intérêt de l’Iran et de tous.

iv.   Le continent européen sous une menace nucléaire directe

Le 3 janvier 2022, dans une Déclaration sur la prévention de la guerre nucléaire et la course aux armements, les cinq États dotés ont exprimé leur détermination à poursuivre leurs efforts en faveur de la réduction des risques stratégiques et du renforcement de la stabilité stratégique. « Une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ».

Or, l’encre de cette déclaration à peine sèche, la situation est brutalement devenue inquiétante au beau milieu du continent européen. La Russie a en effet accompagné son agression armée contre l’Ukraine de plusieurs déclarations, menaçantes quant à l’usage de son propre arsenal nucléaire et fausses quant à la prétendue volonté de l’Ukraine – qui a renoncé aux armes nucléaires héritées de l’ancienne URSS dans le cadre du Mémorandum de Budapest de 1994 – de s’en doter à nouveau. De plus, la Biélorussie a annoncé la tenue le 27 février d’un référendum – dont le résultat est couru d’avance – visant à supprimer de sa Constitution l’objectif de neutralité du pays et de dénucléarisation de son territoire. Un tel changement créerait une nouvelle source d’instabilité et d’incertitude pour la sécurité du continent européen.

v.   La généralisation du recours aux stratégies hybrides et multiformes

Enfin, ce cadre de sécurité établi se délite aussi sous la généralisation du recours aux stratégies hybrides et multiformes, conçues pour rester sous le seuil estimé de riposte ou de conflit ouvert, dans les nouveaux domaines de conflictualité que sont le cyber et l’espace et dans celui de confrontation de valeurs qu’est devenue l’information. Des exemples en ont été donnés supra pour 2021.

Il est trop tôt pour mesurer toutes les conséquences pour toutes les enceintes de désarmement de cette détérioration brutale du contexte stratégique international. Mais il est d’ores et déjà clair qu’elle entraîne des risques nouveaux dans l’espace euro-atlantique, et tout particulièrement aux portes de l’Europe, qui appellent une volonté forte et une réponse adaptée de l’Alliance, mais aussi de l’Union européenne, dans leurs Concept et Boussole Stratégiques respectifs attendus dans quelques mois.

B.   Une Alliance rÉnovÉe et recentrÉe sur ses fondamentaux pour faire face à l’accÉlÉration des dÉrÈglements du monde

La Rencontre de Londres en décembre 2019 avait initialement vocation à célébrer les 70 ans de l’OTAN. Mais, dans un contexte international de montée des tensions se répercutant de manière profonde sur l’Alliance elle-même, le Président de la République française a jugé indispensable que cette Rencontre soit l’occasion d’une véritable discussion stratégique sur le sens de l’Alliance atlantique, ses objectifs présents et futurs et ses moyens d’actions. Après plusieurs sommets dominés par le sujet des moyens de l’OTAN, il était impératif d’engager une réflexion stratégique sur les finalités de l’Alliance.

En 2021, l’OTAN a approfondi la réflexion entamée en 2020, en mettant au premier plan les enjeux de valeurs et de cohésion mais aussi des menaces, ce qui inclut la lutte contre le terrorisme, et des moyens d’y faire face. Replacée au centre des grands enjeux géostratégiques par l’action illégale du Président Poutine, l’OTAN a retrouvé sa « raison d’être ». L’irruption d’un conflit majeur sur le continent européen vient renforcer la pertinence d’un retour de l’Alliance à ses fondamentaux, la défense collective de l’espace euro-atlantique appuyée sur le respect des règles, valeurs et principes communs devant régir les relations entre Alliés, ainsi que celui des engagements pris.

Le futur concept stratégique appelé à être adopté lors du Sommet de Madrid les 29 et 30 juin devra en être le reflet. En effet, le sommet des chefs d’État et de gouvernement à Bruxelles le 14 juin 2021 a entériné la décision de réviser ce document cadre de l’Alliance, et a posé les jalons de l’adaptation de l’OTAN à l’horizon 2030. Cet exercice de révision a débuté par une phase de consultation et de dialogue, initiée le 1er septembre et devant s’achever vers la fin du premier trimestre 2022, à laquelle l’AP-OTAN a participé, avec la contribution active de la délégation française. La coïncidence du développement par l’Alliance Atlantique de son document cadre en écho à la Boussole stratégique de l’Union européenne doit permettre la mise en œuvre enfin effective de la prise de conscience par les Européens de la nécessité d’assurer par eux-mêmes une contribution substantielle à leur propre défense dans le cadre d’un pilier européen en complémentarité avec une OTAN qui reste le cœur de la défense collective du continent européen.

1.   Le Sommet des chefs d’État et de gouvernement du 14 juin 2021 à Bruxelles : le réengagement des États-Unis et une feuille de route pour l’avenir

La déclaration finale du Sommet s’ouvre sur la promesse d’un « nouveau chapitre dans les relations transatlantiques ». Cela concerne à la fois les relations avec le principal Allié et la politique alliée face à l’ensemble des défis lancés à l’Alliance.

a.   La mise en scène d’une relation apaisée

Après les tumultes des années passées, notamment marquées par la remise en cause par le Président Donald J. Trump lors de sa campagne électorale de la validité de la garantie de sécurité collective de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord puis, en amont du Sommet de Bruxelles de juillet 2018, de la pertinence même de l’Alliance, l’organisation de ce – court, trois heures – Sommet des chefs d’État et de gouvernement a permis de tourner la page et de mettre en images une relation transatlantique plus apaisée. « La Russie et la Chine cherchent à nous diviser, mais notre alliance est solide. L’OTAN est unie et les États-Unis sont de retour », a ainsi affirmé le président américain, Joseph R. Biden, lors de sa conférence de presse ([31]).

b.   Une feuille de route pour l’adaptation de l’Alliance au nouvel environnement stratégique

Le concept stratégique adopté en 2010 a été élaboré alors que l’Alliance se trouvait dans une position de leadership difficilement contestable, sans rival stratégique, et confrontée à des menaces transversales certes croissantes mais de faible envergure, pour lesquelles la gestion de crise était la réponse appropriée. Or l’Alliance s’est vue ces dernières années contestée dans sa cohésion et dans sa capacité à s’acquitter de ses tâches fondamentales, dans son aire de responsabilité comme sur les théâtres où elle s’est engagée. Les Alliés ont donc entériné le 14 juin 2021 le principe d’une révision de ce concept stratégique.

Le long communiqué publié à l’issue du sommet comporte une présentation exhaustive de la politique alliée face à l’ensemble des défis lancés à l’Alliance dans le nouvel environnement de sécurité et forme le cadre d’évolution de l’Alliance. Parmi tous les points listés, la Russie demeure la principale menace désignée de l’Alliance et la double approche est réaffirmée ; le terrorisme demeure lui-aussi une menace agrée, la Chine devenant une source de préoccupation pour la première fois, « les ambitions déclarées de la Chine et son comportement déterminé [représentant] des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance » ; enfin, l’Alliance se trouve de plus en plus souvent confrontée à des menaces cyber et hybrides qui ont une influence sur sa sécurité et les Alliés se sont déclarés conscients que « dans certaines circonstances, les incidences d’actes de cyber malveillance majeurs aux effets cumulés sont telles que ces actes peuvent être considérés comme équivalant à une attaque armée » et qu’il « reviendrait au Conseil de l’Atlantique Nord de décider, au cas par cas, des circonstances d’une invocation de l’article 5 à la suite d’une cyberattaque ».

Les dirigeants alliés ont également arrêté huit priorités pour adapter l’OTAN pour la décennie à venir : le développement des consultations politiques, le renforcement de la défense collective et de la dissuasion, l’amélioration de la résilience, la préservation de l’avance technologique de l’OTAN, la défense de l’ordre mondial fondé sur le respect des règles, l’intensification de la formation et du renforcement de capacités des pays partenaires, la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à celui-ci, et enfin l’investissement dans l’OTAN via les budgets militaires nationaux et le financement commun.

Dans l’aire de responsabilité, la crise aiguë déclenchée par la Russie a permis de mettre en œuvre de manière satisfaisante les mesures de réassurance adéquates envers les Alliés du flanc oriental. Le retrait d’Afghanistan opéré en 2021 a déclenché un processus de retour d’expérience de ce théâtre dont les conclusions devront être prises en compte pour l’avenir.

2.   Le retrait d’Afghanistan à l’été 2021 : les leçons tirées

La question du retrait d’Afghanistan a mis à mal à nouveau la cohésion des Alliés en 2021, après la décision unilatérale et non concertée de l’Administration Trump de conclure un accord avec les talibans le 29 février 2020.

Bien que plus engagée envers le multilatéralisme et les alliances, et en dépit de réticences exprimées lors des consultations par ses Alliés quant à la perte d’un instrument de pression sur les talibans, l’Administration Biden a décidé d’honorer l’engagement de retrait d’Afghanistan pris en 2020, confirmant le 14 avril 2021 que les États-Unis quitteraient l’Afghanistan avant le 11 septembre 2021. Les Alliés ont accepté cette décision le même jour, indiquant dans la déclaration ministérielle du Conseil de l’Atlantique Nord sur l’Afghanistan que : « nos troupes sont entrées en Afghanistan ensemble, nous nous sommes adaptés ensemble, et nous allons en partir ensemble », ce retrait se faisant « de manière méthodique, coordonnée et réfléchie ».

Initialement, le retrait des troupes américaines, et par conséquent alliées,  donnant la priorité à leur sécurité plutôt qu’à l’évacuation des civils américains et de leurs alliés afghans – compte tenu de la conviction de l’Administration Biden que les forces afghanes pourraient contenir les talibans pendant encore au moins 18 mois – devait se dérouler en deux phases : le départ, avant le 4 juillet des 3 500 soldats américains encore présents en Afghanistan, en majorité déployés sur la base aérienne de Bagram, l’ambassade américaine, avec plus de 1 400 ressortissants américains sous la protection de 650 Marines et soldats, restant ouverte et l’aéroport de Kaboul – devenue alors la seule voie d’entrée et de sortie sûres du pays – sous contrôle. Or ce scénario ne s’est pas réalisé. Les talibans ont lancé à partir de mai une offensive à partir de multiples points, en particulier en verrouillant l’accès aux frontières du Nord. La plupart des entreprises américaines sous contrat, notamment celles en support à l’aviation afghane, se sont retirées avec les troupes américaines, enlevant aux forces afghanes un élément crucial de soutien. Les forces afghanes combattant dans certaines zones seulement, dès début août, la situation sécuritaire était préoccupante, avec la chute de neuf capitales provinciales sur trente-quatre, dont une majorité dans le nord du pays.

Le 12 août, la chute de Kaboul était envisagée pour la fin de l’année. Or deux jours de progression fulgurante des talibans, avec une résistance de l’armée afghane quasiment inexistante, ont entrainé la chute de la capitale dès le 15 août, prenant de court une Administration américaine, peu encline jusque-là à un réel dialogue avec les Alliés([32]), ainsi que l’ensemble des pays alliés présents sur place. La quasi-totalité d’entre eux n’avaient pas anticipé le départ de leurs ressortissants et ayants droits, alors qu’après la fin de sa participation aux opérations alliées, le 31 décembre 2013, la France s’était préoccupée du sort des agents afghans ayant travaillé pour ses armées, et de leur famille et a organisé dès le printemps 2021 des opérations complémentaires pour les agents afghans de droit local.

Les conditions de la chute de Kaboul ont transformé l’opération d’évacuation de ressortissants et d’ayants droit initialement planifiée en une opération s’apparentant à une évacuation humanitaire d’urgence de plusieurs dizaines de milliers de personnes, en milieu semi-permissif et dans un temps très réduit – moins de deux semaines, alors que l’accès au théâtre n’était possible que depuis le seul aéroport international (certains alliés ont cherché une autre solution, sans succès). La France y a pris sa part avec l’opération Apagan, lancée le 15 août. Cette dernière a permis, jusqu’à l’attentat du 26 août, d’évacuer plus de 3 000 personnes, dont plus de 2 600 Afghans, avec l’aide des Émirats arabes unis. Puis entre le 10 septembre 2021 et le 14 février 2022, 396 Afghans et 110 Français ont bénéficié des opérations mises en place avec l’aide du Qatar ([33]).

Si les États-Unis et les autres Alliés méritent d’être félicités pour les 120 000 personnes qu’ils ont réussi à évacuer du pays en un peu plus de deux semaines, le manque de planification et de consultation a inévitablement nui à l’image et à la réputation de l’OTAN, tout comme à celles du principal Allié. L’Alliance s’est, depuis, s’engagée collectivement dans un double processus.

Premièrement, un retour d’expérience sur les vingt ans de l’intervention de l’OTAN en Afghanistan a été initié le 13 septembre par le Conseil de l’Atlantique Nord. Ce processus a comporté à la fois une revue militaro-opérationnelle et une revue politique, chacune d’elles couvrant toute la chronologie de l’action de l’OTAN, depuis l’invocation de l’article 5 du Traité de Washington au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001 jusqu’aux évacuations de Kaboul. Avec l’aide de dix-neuf experts qui ont donné leur analyse de l’action de l’OTAN d’un point de vue historique, politique, opérationnel et culturel, le Comité des représentants permanents adjoints de l’OTAN a tenu sept réunions. Discutés lors la Ministérielle Affaires étrangères de Riga les 30 novembre-1er décembre, une partie des analyses ont été rendues publiques.

Sur le plan militaire, les missions de l’OTAN en Afghanistan ont favorisé l’interopérabilité des forces des Alliés et des partenaires d’opération, accroissant ainsi les capacités de combat globales de l’Alliance. Néanmoins, de futures missions OTAN de formation, de conseil et d’assistance militaire devraient soigneusement prendre en considération les normes politiques et culturelles du pays hôte ainsi que l’aptitude de la société en question à absorber le renforcement des capacités et la formation.

L’opération d’évacuation a été jugée réussie par le général de division Philippe Susnjara, chef du centre de planification et des conduites des opérations, lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale le 29 septembre. Mais « la coordination ou la coopération entre alliés est, en revanche, un facteur à améliorer. L’absence de coopération au niveau stratégique, durant la phase de planification, a été préjudiciable à une bonne coordination, voire à une optimisation des moyens au niveau tactique ». 

Sur le plan politique, des dysfonctionnements organisationnels (remontée d’informations depuis le terrain fréquemment retardée et alourdie par les procédures) ont contribué à empêcher une évaluation correcte de la situation et la définition de directives appropriées pour la mission. Si les consultations menées en février et mars 2021 sur l’avenir de la mission RSM ont été ouvertes, franches et sans équivoque, les Alliés auraient gagné à mener des débats plus approfondis sur la négociation de l’accord entre les États-Unis et les talibans. Il conviendra donc à l’avenir d’envisager des mécanismes permettant d’améliorer les délais de communication et la pertinence des informations remontant du terrain, et de développer les débats interactifs au sein du Conseil de l’Atlantique Nord.

Fondamentalement, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a indiqué que l’Organisation s’était laissé dériver dans une mission beaucoup trop vaste pour elle : l’édification de la nation afghane, ce changement d’ambition n’étant pas imputable uniquement à l’OTAN, mais résultant de décisions prises par la communauté internationale dans son ensemble « Cette tâche plus vaste s’est avérée beaucoup plus difficile. Nous devons donc veiller à ce que nos niveaux d’ambition restent réalistes », a ainsi affirmé Jens Stoltenberg en conférence de presse, tout en plaidant pour que l’OTAN reste « prête, une fois de plus, à mener de grandes opérations ».

Deuxièmement, une réflexion s’est aussi ouverte sur les futures missions envisageables dans ce pays en soutien des actions de la communauté internationale mais aussi pour prévenir tout risque de reconstitution d’un sanctuaire terroriste, et plus largement sur la conduite future des opérations de gestion des crises.

Sur le premier point, la stabilisation de l’Afghanistan est difficilement envisageable dans l’immédiat, voire à moyen et long termes. En l’absence d’une reconnaissance par la communauté internationale du gouvernement taliban comme représentant légitime du peuple afghan, si l’Alliance devait avoir un rôle, ce dernier doit s’inscrire dans le prolongement de la résolution 2593 qui définit les exigences vis-à-vis des Talibans avant toute forme de reconnaissance ([34]). Les Alliés ont indiqué par ailleurs lors de la Ministérielle Défense des 21 et 22 octobre 2021 qu’ils conservaient la capacité de frapper les organisations terroristes à distance et qu’ils continueraient à se coordonner, à surveiller toute tentative des groupes terroristes internationaux pour se regrouper en Afghanistan, et à participer à la coalition internationale contre Daech. Les djihadistes, locaux et transnationaux, disposent d’une nouvelle plate-forme, et l’éventualité que l’EI-K planifie depuis le refuge afghan des opérations terroristes en Europe ou/et en Asie ne peut être exclue ([35]).

Sur le second point, l’OTAN a privilégié, parmi des modes d’action, son rôle de formateur militaire au profit du développement des capacités des forces armées locales. En conséquence, l’Alliance va maintenant devoir repenser son approche des activités de formation et établir des mécanismes mieux adaptés. Mais plus fondamentalement, cette expérience confirme la vocation première de l’Alliance, qui est de se concentrer prioritairement sur son cœur de métier, la défense de l’espace euro-atlantique. Les modalités de fin de la mission Resolute Support ont également fait la preuve que, si les circonstances l’exigent, les pays européens doivent désormais être en mesure d’agir pour défendre leurs propres intérêts. Le Haut Représentant et vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, a d’ailleurs émis l’idée d’une capacité européenne de déploiement rapide.

3.   Les menaces russes de l’hiver 2021-2022 : la solidarité euro-atlantique mise en jeu de manière effective et efficace

L’accumulation menaçante de la plus forte concentration de troupes et de matériels dans et autour de l’Ukraine à partir de novembre 2021 puis la reconnaissance des deux républiques auto-proclamées des territoires séparatistes pro-russes le 21 février et enfin l’invasion de l’Ukraine par la Russie constituent un tournant majeur pour l’OTAN.  Cette dernière a réagi immédiatement, en mettant en œuvre sa politique de double approche : d’une part, l’offre d’un dialogue au sein du Conseil OTAN-Russie, dont la réunion du 12 janvier a été suivie de propositions écrites (cf. supra) et, d’autre part, le renforcement significatif et proportionné de la posture de défense et de dissuasion en faveur des Alliés du flanc oriental, en réponse aux graves incertitudes de la situation.

Au lendemain de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, en 2014, les chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance s’étaient accordés sur le déploiement d’une présence avancée renforcée dans les États baltes et en Pologne. Il s’agissait de montrer à tout agresseur potentiel que le territoire des pays baltes et de la Pologne était bien couvert par la garantie de l’Alliance. Quatre bataillons multinationaux sont déployés par rotation dans ces quatre pays ; ils sont dirigés respectivement par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada et les États-Unis, avec des contributions d’une quinzaine d’autres pays membres, dont la France. Chaque groupement tactique comprend environ 1 200 soldats, mais les effectifs varient selon les pays et changent régulièrement en fonction des procédures de déploiement ([36]). Une police du ciel (« enhanced Air Policing », eAP) complète ces déploiements, à laquelle la France participe également.

La situation créée par l’attitude menaçante russe a conduit l’Alliance à décider du renforcement de ces dispositifs. À la mi-janvier, le Président de la République a annoncé le déploiement de moyens français en Roumanie dans le cadre de l’OTAN, et la disponibilité de la France à assurer le leadership de cette opération de réassurance. Examiné lors de la Ministérielle Défense des 16 et 17 février, le déploiement de ces forces devrait se faire dans les prochains jours, avant que, dans un second temps d’autres forces alliées rejoignent ce nouveau dispositif de l’OTAN, pour lequel la France jouera le rôle de nation-cadre.

Le 2 février, l’administration américaine a annoncé le redéploiement temporaire de 2 700 soldats – dont un tiers se trouvent déjà en Allemagne – vers la Pologne et la Roumanie. Ces troupes s’ajoutent aux 8 500 militaires placés en état d’alerte fin janvier par le président Biden pour être déployés dans la force de réaction rapide de l’OTAN (NATO Response Force, NRF) en cas de besoin. Cette dernière consiste en une force multinationale interarmées hautement performante, capable de réagir en très peu de temps à l’ensemble des défis sécuritaires, de la gestion de crise à la défense collective. Depuis le 1er janvier 2022, la France participe de manière décisive au tour d’alerte de la NRF, en prenant notamment la tête de la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (Very High Readiness Joint Task Force, VJTF).

Au total, l’OTAN a déployé des milliers de forces terrestres et aériennes défensives supplémentaires dans la partie orientale de l’Alliance, ainsi que des moyens maritimes dans l’ensemble de la zone OTAN. L’Alliance a activé les plans de défense de l’OTAN afin d’être prête à répondre à toute évolution et à sécuriser le territoire de l’Alliance, notamment en s’appuyant sur des forces de réaction entrainées et prêtes.

Enfin, l’OTAN, avec l’Union européenne et d’autres partenaires, a aidé à coordonner l’adoption de l’ensemble de mesures restrictives imposées à la Russie, y compris des sanctions.

4.   Un tel contexte doit inciter l’Alliance à se recentrer sur ses fondamentaux dans le futur concept stratégique et ses déclinaisons

a.   Une priorité à donner à la mission, principale, de défense collective de l’espace transatlantique et à la complémentarité avec l’Union européenne

Le concept stratégique de l’OTAN adopté en 2010 au Sommet de Lisbonne a identifié trois tâches fondamentales pour l’Alliance : la défense collective et la dissuasion, la gestion de crise et la sécurité coopérative. Les débats intervenus en 2020 dans le cadre du groupe d’experts puis de l’agenda OTAN 2030 ont vu émerger deux tendances.

D’une part, la hiérarchie des menaces était appelée à évoluer, avec l’intégration du défi chinois au même niveau que la Russie, avec en conséquence l’orientation des futurs axes de travail de l’OTAN vers les capacités chinoises (espace, cyber, nucléaires et militaires) et leur impact sur la sécurité euro-atlantique, mais aussi vers les questions de technologies de défense, de résilience et de sécurité économique.

D’autre part, l’idée d’une quatrième tâche consacrée à la résilience, avait été évoquée, avant d’être finalement rejetée au profit d’une réaffirmation de l’attachement collectif aux trois tâches fondamentales. Le débat relatif aux tâches fondamentales est désormais relancé par la question du bilan de l’OTAN en Afghanistan, qui interroge l’équilibre entre les missions de l’Alliance (défense collective vs gestion de crise et sécurité coopérative).

Sur le premier point, des divergences sur le sens de l’intérêt de l’OTAN pour la Chine mentionné dans le communiqué sont clairement apparues dès la fin du Sommet de Bruxelles du 14 juin. Le président Biden a ainsi souligné que le comportement de cette dernière posait des défis pour la sécurité collective de l’alliance, alors que le président Macron mettait en garde contre une dispersion de l’OTAN au-delà de sa vocation initiale qu’est la sécurité collective de l’Europe, dont la géographie est clairement définie.

L’analogie faite entre la Chine et la Russie apparait inadéquate à plus d’un titre. La première ne constitue pas une menace militaire directe, contrairement à la seconde, mais un défi, de long terme et à multiples facettes. Certes rival systémique, elle est aussi un concurrent et un partenaire absolument essentiel pour régler les autres grands défis globaux, à commencer par le changement climatique. Le communiqué précité comporte, d’ailleurs, un appel à un « dialogue constructif avec la Chine lorsque cela est possible ». Il n’est donc pas souhaitable que l’OTAN devienne une sorte de bras armé de l’AUKUS, entrainant les Alliés dans une nouvelle Guerre froide (indo-pacifique cette fois) qui ne prendrait pas en compte leurs propres intérêts de sécurité ni dans cette zone, ni dans une Europe où les États-Unis ne seront plus en mesure d’intervenir dans le cas de crises simultanées.

La tentation constante de la Chine de jouer sur les divisions de ses interlocuteurs – son attitude vis-à-vis de l’ASEAN, en Asie, ou bien la mise en place du groupe des 17+1, en Europe – devrait inciter l’OTAN à un préalable indispensable, déterminer soigneusement comment et où ce pays affecte les intérêts fondamentaux de ses membres et asseoir sa stratégie sur une position solidement consolidée des Alliés. Des pistes ont été proposées dans le rapport d’information (n° 5053) sur les enjeux de la défense en Indopacifique de la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale du 17 février 2022, telles que « un partage accru de renseignement entre les alliés, un renforcement de l’expertise interne de l’OTAN et un suivi plus étroit des activités militaires chinoises (exercices notamment) ». « L’Alliance pourrait également servir de plateforme d’échange » permettant aux alliés et aux partenaires, en particulier ceux situés dans la zone Indopacifique, de partager leurs appréciations quant aux actions de la Chine ainsi que leurs réactions éventuelles. Les quatre partenaires dits « AP4 » que sont le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont sans aucun doute des enseignements dont l’Alliance pourrait tirer parti, tout comme des points de vue d’autres pays de la zone partageant une similarité de valeurs, tels que Singapour ou l’Indonésie.

L’Alliance pourrait enfin tirer parti d’une intensification de la coopération avec l’Union européenne, cette dernière étant particulièrement avancée en matière d’évaluation des investissements chinois dans les infrastructures critiques, de sécurisation des réseaux de télécommunications 5G et de lutte contre les campagnes de désinformation chinoises.

b.   Le maintien du terrorisme comme priorité de haut rang en veillant à tirer parti des enseignements des engagements de l’OTAN en Afghanistan et en Irak

La transformation progressive de son concept stratégique en 1999 puis en 2010 ayant élargi, pour l’Alliance, sa compréhension de la sécurité, l’OTAN s’est impliquée à différents niveaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dans des activités qui relèvent maintenant de ses deux tâches principales, la gestion des crises et la sécurité coopérative.

Pour faire face à ces défis de sécurité, l’OTAN s’est fixé comme objectif prioritaire, dès le Sommet de Varsovie de 2016, de : « contribuer davantage aux efforts de la communauté internationale pour projeter la stabilité et renforcer la sécurité en dehors de notre territoire, contribuant ainsi à la sécurité de l’Alliance ». Les chefs d’État et de gouvernement sont également convenus que la lutte contre le terrorisme devrait être reconnue comme un effort important à long terme pour l’OTAN et comme faisant partie intégrante de l’approche à 360 degrés de l’Alliance en matière de dissuasion, de défense et de projection de la stabilité.

Dans le domaine de la sécurité coopérative, les activités de l’OTAN ont pris la forme d’une formation et d’un renforcement des capacités de défense des pays partenaires. Elle a également développé des activités bilatérales par le biais d’accords individuels et de partenariat de coopération, avec la Jordanie et l’Irak, au Machrek, et avec le Maroc et la Tunisie, au Maghreb. Ces initiatives visent à développer l’interopérabilité des forces des partenaires avec celles de l’OTAN, renforcer leurs capacités de défense en leur fournissant des conseils sur la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité, la mise en place d’institutions et contribuer au développement des forces locales par la formation et l’entraînement, ou des conseils et une assistance dans des domaines spécialisés.

Depuis lors, la question du rôle de l’OTAN dans l’analyse commune des menaces potentielles pour la sécurité collective dans la région a été relancée par la réapparition de la Russie et l’émergence de la Chine dans la région. De nouveaux défis, qui n’avaient pas été envisagés il y a dix ans, gagnent en rapidité et en ampleur. Les premiers effets du changement climatique sont en effet déjà perceptibles dans cette grande périphérie Sud et impliquent une évaluation des impacts opérationnels, des adaptations nécessaires et des moyens de prévenir et contenir les effets induits sur la stabilité du continent européen dans son ensemble. La menace terroriste demeure réelle ; elle doit continuer à être prise en compte par le prochain concept stratégique (le communiqué de Bruxelles mentionne la Russie 63 fois, le terrorisme 23 fois, la Chine 10 fois), et le flanc sud doit faire l’objet d’une attention spéciale lors du futur Sommet à Madrid, en Espagne, alors que le sud du continent européen se trouve en première ligne.

 Deux théâtres d’opérations sont plus particulièrement concernés par cette problématique, l’Afghanistan (cf. supra) et l’Irak. L’OTAN a d’abord agi en Irak dans le cadre de la Coalition internationale contre le terrorisme, dont elle est membre à part entière depuis mai 2017, et à laquelle elle apporte un soutien sous la forme de vols AWACS de renseignement. Puis, dans le contexte d’un engagement accru dans la lutte contre le terrorisme traduit dans le plan d’action décidé à l’occasion de la rencontre des chefs d’État et de gouvernement du 25 mai 2017, révisé lors du Sommet de l’OTAN à Bruxelles en juillet 2018, et à la demande du gouvernement irakien, l’OTAN a validé la création d’une mission non combattante. Mise en place au mois d’octobre suivant, et bénéficiant de la contribution des trente Alliés ainsi que de trois partenaires, l’Australie, la Finlande et la Suède, la mission OTAN en Irak (NMI) a pour but de conseiller, former et renforcer certaines institutions et forces de sécurité irakiennes afin qu’elles puissent empêcher le retour de Daech, combattre le terrorisme et stabiliser le pays. L’OTAN conseille ainsi les responsables irakiens de la défense et de la sécurité au ministère de la défense, au bureau du conseiller à la sécurité nationale et au centre national des opérations du Premier ministre. La mission conseille également des établissements d’enseignement militaire professionnel irakiens dans la région du Grand Bagdad.

La grave escalade des tensions entre l’Iran et les États-Unis fin décembre 2019/début janvier 2020, qui a culminé le 3 janvier 2020 avec l’annonce de l’élimination par les États-Unis du général iranien Qassem Soleimani (commandant de la force Al-Qods depuis 1998, figure charismatique et homme clé du régime de Téhéran) puis le vote le 5 janvier par le Parlement irakien d’une résolution, non contraignante, en faveur du retrait des forces étrangères d’Irak, et enfin l’appel, dans le cadre d’une allocution télévisée, du Président Donald J. Trump à une implication accrue de l’OTAN au Moyen-Orient, ont conduit le secrétariat international de l’OTAN à lancer une réflexion pour faire évoluer le rôle de l’OTAN en Irak. Le principe d’une telle évolution a été acté lors de la Ministérielle Défense de février 2020.

Avec les annonces successives durant l’année 2020 de réduction de la présence des troupes américaines au Moyen-Orient, effectives dès la mi-janvier 2021, l’OTAN a ensuite décidé, lors de la Ministérielle Défense des 17 et 18 février 2021, les modalités d’une NMI renforcée (« eNMI »). Cette dernière pourra désormais étendre ses activités de conseil à d’autres institutions de sécurité irakiennes, en dehors de la zone géographique précitée, sur demande de l’Irak et après approbation par le Conseil de l’Atlantique Nord. Dans le contexte persistant de la pandémie de covid-19, le renforcement alors décidé (jusqu’à 4 000 personnes) de l’eNMI s’est toutefois limité à un nombre bien plus réduit. Ce renforcement de la mission de l’OTAN devra s’inscrire dans une coordination impérativement étroite avec la Coalition contre Daech, dont le rôle demeure crucial et incontournable.

 En décembre 2020, la Ministérielle Affaires étrangères avait mis à son ordre du jour une Stratégie de l’OTAN pour le Sahel, qui s’articule autour de deux grands axes : développer le partenariat avec la Mauritanie (avec laquelle des liens ont déjà été établis dans le cadre du Dialogue Méditerranéen), essentiellement dans le domaine de la formation ; créer des liens avec les structures du G5 Sahel, notamment à travers les collèges de défense respectifs ([37]).

Un arrangement technique, conclu le 9 juin 2021 avec l’agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA), a fait un pas supplémentaire. La NSPA s’est en effet vue confier la couverture des besoins logistiques du camp de la force Takuba situé à Menaka (Mali), soit l’alimentation, le soutien « base vie » et les transports terrestres et aériens intra-théâtre ([38]). « C’est la première fois que la France, en tant que leader d’une coalition, demande un soutien externalisé. C’est également la première fois que la NSPA soutient une coalition non membre de l’OTAN. Il s’agit sans aucun doute d’un partenariat gagnant-gagnant », pour le général de division aérienne Laurent Marboeuf, officier général « relations internationales militaires » de l’État-major des armées ([39]).

Puis le communiqué du Sommet de Bruxelles du 14 juin 2021 a dédié un point spécifique (point 75) à cette région, « théâtre de défis complexes et liés entre eux », où « la détérioration de la situation importe pour la sécurité collective de l’OTAN ». À cette occasion, les dirigeants de l’OTAN ont indiqué deux grands axes d’efforts pour le Sahel : développer le dialogue politique avec les parties prenantes concernées et apporter une assistance aux structures du G5 Sahel.

Le cadre politique de l’Alliance est particulièrement utile pour accroître le niveau d’information sur les enjeux africains et sahéliens, et leur complexité. En effet, de nombreux alliés européens et structures internationales sont déjà très présents et actifs (MINUSMA, missions PSDC de l’UE, Coalition pour le Sahel et de l’Union africaine, etc.). De surcroit, la nature transverse des défis sécuritaires dans la région limite nécessairement ce qu’un acteur à vocation militaire peut accomplir ou résoudre lorsque les aspects militaires du problème se révèlent périphériques par rapport aux sources liées aux économies dysfonctionnelles, aux effets du changement climatique, aux inégalités sociales et aux violations des droits politiques. Les réticences des acteurs locaux déjà manifestes pourraient trouver à s’exprimer encore davantage en cas d’implication accrue de l’OTAN.

Un des enjeux du Sommet de Madrid sera l’articulation avec les efforts de défense européens, dont il est dorénavant clair qu’ils sont soutenus par l’Administration Biden. La crise ouverte par l’attaque brutale et injustifiée de l’Ukraine par la Russie a démontré la nécessité de ce que les deux présidents Joe Biden et Emmanuel Macron avaient affirmé en marge du sommet du G20 fin octobre : les Européens doivent faire plus pour leur propre défense. Ils agissent déjà au Sahel. Une coopération OTAN-UE dans la région pourrait donc être appropriée, comme le signalait le rapport fait, pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN en 2021, par une membre de la délégation française ([40]), alors que l’OTAN est aujourd’hui amenée à se concentrer sur sa mission, principale, de défense collective.

En tout état de cause, avant de jouer un rôle accru dans la région, il est primordial que l’Alliance identifie des objectifs réalistes, répondant aux besoins exprimés par les pays de la région, et les partenaires fiables afin de développer une approche adaptée et efficace dans la région en complément des initiatives déjà existantes. C’est là certainement un des points majeurs à retenir de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan. Des partenariats techniques (formation à la lutte contre les engins explosifs improvisés, sécurisation d’emprises de stockage de munitions- à l’instar de l’action menée en Mauritanie), sont des pistes possibles. Un rapport de l’AP-OTAN en 2020 évaluait également positivement le paquet de formation des capacités de défense » (Defense Capacity Building-DCB) mis en place au profit de la Mauritanie, qui pourrait gagner à être renforcé, sans dupliquer ni concurrencer les initiatives bilatérales ou européennes, mais en les complétant.

c.   Le respect des règles, valeurs et principes communs devant régir les relations entre Alliés, ainsi que de leurs engagements, notamment en matière de dépenses de défense

L’un des principaux défis auxquels a été récemment confrontée l’Alliance est celui de la cohésion et l’unité des Alliés (cf. supra et les précédents rapports de la délégation de l’Assemblée nationale auprès de l’A-OTAN). Ces derniers se sont mis d’accord sur la nécessité de préserver et de renforcer cette cohésion, sans que cet objectif aille à l’encontre de la souveraineté des Alliés ni des principes du Traité.

Outre la réaffirmation du socle fondamental que constituent les valeurs démocratiques sanctuarisées dans le préambule du Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949, le renforcement des processus de consultations, de coordinations politiques entre Alliés, ainsi que la concertation sur les grands enjeux stratégiques, permettant de favoriser des lectures et analyses communes pourrait être approfondie, à travers un rôle renouvelé du Conseil de l’Atlantique Nord, voire des formats ad hoc.

Enfin, au sommet de Newport, au Pays de Galles (2014), les chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance ont pris plusieurs engagements en matière de dépenses de défense (Defence Investment Pledge, DIP), selon trois axes budgétaire, capacitaire et opérationnel. Les nations alliées s’y sont engagées, à un horizon de dix ans (d’ici fin 2024), à se rapprocher d’un niveau de dépenses de défense équivalent à 2 % de leur PIB et à porter leurs investissements annuels destinés aux équipements majeurs (R&D incluse) à 20 % de ces dépenses (dimension budgétaire). En juin 2021, dix Alliés atteignaient ou dépassaient la barre des 2 %, et seules cinq étaient en deçà de la barre des 20 % ([41]).

Ils se sont également engagés à développer des capacités nationales adéquates et interopérables (dimension capacitaire), ainsi que à déployer ces dernières quand cela est nécessaire (dimension opérationnelle).

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a fait d’un accroissement notable des financements communs ([42])  l’un des axes forts de son Agenda OTAN 2030. Le communiqué du Sommet de Bruxelles du 14 juin 2021 en a précisé le cadre, qu’il conviendra de confirmer à Madrid dans quelques mois : « Compte tenu des besoins, nous décidons d’accroître ces ressources, y compris si nécessaire le financement commun de l’OTAN à partir de 2023, en prenant en considération la soutenabilité, l’abordabilité et la redevabilité. À notre réunion de 2022, parallèlement à l’adoption du concept stratégique, nous approuverons les besoins spécifiques de financement supplémentaire jusqu'en 2030 ainsi que les incidences en termes de ressources pour le budget militaire de l’OTAN, le programme OTAN d’investissement au service de la sécurité et le budget civil, et nous définirons d’éventuelles mesures d'efficience ».


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II.   LES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN

La présente partie du rapport d’activité retrace les activités de la délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) en 2021.

Le programme de visites et de réunions de l’AP-OTAN a continué en 2021 à être fortement impacté par la pandémie de covid-19. Celles-ci se sont donc déroulées en visioconférence la majeure partie de l’année. Le Bureau et les membres de l’AP-OTAN ont jugé indispensable de pouvoir continuer à débattre de l’ensemble des questions politiques et sécuritaires inscrites à l’ordre du jour transatlantique à un moment critique de l’histoire de l’OTAN. À Bruxelles le 14 juin 2021, les chefs d’État et de gouvernement des pays alliés ont en effet ouvert un nouveau chapitre de l’adaptation de l’Organisation et marqué leur accord sur la révision de son concept stratégique d’ici à leur prochain sommet, qui doit avoir lieu à Madrid les 29 et 30 juin 2022.

Seule la session plénière annuelle à Lisbonne – première activité en présentiel de l’APOTAN depuis deux ans – et sept déplacements ont pu être organisés de manière physique, entre début octobre et début décembre. En dépit de la concomitance avec la période d’examen du projet de loi de finances pour 2022 – qui obère traditionnellement la disponibilité des députés –, la délégation française a été bien représentée lors de la session annuelle (organisée de manière hybride afin de permettre la participation de plusieurs délégations empêchées par leurs règles sanitaires nationales de se rendre au Portugal) et a participé à six des sept déplacements.

Elle a également activement participé à la session plénière de printemps, organisée en ligne par la Suède les 11-14 mai, ainsi qu’aux réunions et visites tenues en visioconférence. Elle a organisé l’une d’entre elles, début juillet, pour la commission des Sciences et des technologies au sein de laquelle le député Philippe Michel-Kleisbauer assume la fonction de président de la sous-commission Tendances technologiques de la sécurité.

Enfin, la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, vice-présidente de l’AP-OTAN et rapporteure générale de la commission sur la Démocratie et la sécurité est à l’origine de la création par la commission permanente du prix « Femmes pour la paix et la sécurité », décerné pour la première fois en 2021. Visant à mettre en relief la précieuse et éminente contribution des femmes à la défense et à la sécurité, ce prix a été décerné lors de la session plénière de Lisbonne, le 11 octobre, à la présidente de la Chambre des représentants du Congrès américain, Nancy Pelosi.

A.   RAPPEL : DES PARLEMENTAIRES QUI S’EXPRIMENT À TITRE INDIVIDUEL

Dans les assemblées parlementaires internationales, les parlementaires viennent dans le cadre d’une délégation nationale mais ont la liberté de s’exprimer à titre individuel.

L’AP-OTAN respecte bien ce principe de l’indépendance des parlemen-taires puisque l’article 29 de son règlement précise que « les délégués prennent la parole et agissent sous leur propre responsabilité. Leurs déclarations n’engagent ni leur gouvernement, ni leur parlement. »

En outre, les réunions de commissions et les visites à l’étranger respectent les règles de confidentialité de Chatham House, ce qui garantit la spontanéité et donc l’intérêt des échanges.

En règle générale, les parlementaires français veillent à bien préciser qu’ils s’expriment à titre personnel lorsqu’ils sont conduits à évoquer des éléments qui ne correspondent pas à la position du gouvernement.

B.   les INSTANCES DIRIGEANTES : BUREAU ET COMMISSION PERManente

1.   Le Bureau : deux membres français, l’un en titre, l’autre en sa qualité d’ancien vice-président

Le Bureau de l’AP-OTAN est constitué du président, de cinq vice-présidents et du trésorier.

Son fonctionnement et sa composition reposent sur le principe de continuité. Dans le cadre du Bureau élargi, les anciens présidents et les anciens vice-présidents prennent part aux réunions du Bureau pendant les deux années qui suivent l’expiration de leur mandat, qui est lui-même d’au maximum deux ans, dès lors qu’ils restent membres de leur délégation nationale.

La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, qui avait été élue vice-présidente lors la session plénière en ligne le 23 novembre 2020, a vu son mandat renouvelé lors de la session plénière annuelle à Lisbonne, le 10 octobre 2021. Le sénateur Philippe Folliot continue à participer aux travaux de cette instance jusqu’en novembre 2022, en sa qualité d’ancien vice-président (son mandat avait pris fin lors de cette session en ligne du 23 novembre 2020).

2.   La commission permanente : un retour au rythme et aux activités traditionnels

La commission permanente constitue l’organe d’orientation des travaux de l’AP-OTAN et elle décide collectivement des thèmes de travail auxquels elle va se consacrer.

Elle a retrouvé en 2021 un rythme normal avec trois réunions, au printemps et lors des deux sessions, mais n’a pu se réunir en présentiel que le 11 octobre, dans le cadre de la session plénière annuelle à Lisbonne. Les réunions à l’invitation de la délégation thèque (en mars) et de la délégation suédoise (dans le cadre de la session plénière de printemps) ont dû se tenir sous la forme de visio-conférence en raison de la pandémie de covid-19. Dans ce cadre virtuel, ces deux pays ont toutefois pu présenter leur vision des enjeux de défense et de sécurité et leurs réponses nationales à ces derniers.

Tout en continuant, comme en 2020, à valider l’adaptation des méthodes de travail imposée par la pandémie de covid-19, la commission permanente a concentré en 2021 son action sur l’organisation matérielle et thématique des travaux de l’Assemblée. Mais parallèlement à ses débats sur des sujets relatifs au fonctionnement interne de l’AP-OTAN, ces réunions – auxquelles ont participé les membres français, les députés Philippe Michel-Kleisbauer et Sonia Krimi, et les sénateurs Christian Cambon, Philippe Folliot et Joëlle Garriaud-Maylam –, ont été également l’occasion pour les délégués :

-            d’examiner, en mars, les observations en réponse du secrétaire général de l’OTAN, président du Conseil de l’Atlantique Nord, sur les recommandations de politique générale adoptées à la session plénière précédente ;

-            de confronter, en octobre, leurs points de vue sur les enseignements tirés de l’engagement de deux décennies en Afghanistan et sur les prochaines étapes dans les relations avec ce pays, alors que les chefs d’État et de gouvernement des pays alliés avaient lancé un processus de retour sur expérience après le retrait fin août des troupes de l’OTAN (cf. supra).

C.   Les principaux thÈmes des travaux en 2021

Le programme des travaux de l’AP-OTAN en 2021 a visé, comme en 2020, à mettre en lumière les priorités de l’Assemblée en ce qui concerne la nécessaire adaptation de l’OTAN, comme l’ont acté les chefs d’État et de gouvernement des pays alliés lors de leur Sommet à Bruxelles le 14 juin 2021.

Dans un contexte international et stratégique en profonde mutation caractérisé par une imprévisibilité accrue et la remise en cause brutale des principes et des règles internationales, catalysé par la crise sanitaire mondiale – même si la composition géographique de l’OTAN la concentre de fait sur la zone euro-atlantique – et toujours marqué par des interrogations sur la profondeur de l’engagement de certains Alliés, l’Alliance doit aujourd’hui clairement se pencher à nouveau sur son fonctionnement et ses missions.

Son adversaire principal désigné demeure le même, la Russie, mais la menace s’est grandement durcie. Dix ans après les soulèvements arabes, la situation sécuritaire sur le flanc sud demeure une source de préoccupation et la lutte contre le terrorisme, étendue au terrorisme biologique, une ardente obligation. Les implications d’une montée en puissance de la Chine suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Trois défis transversaux, enfin, ont fait l’objet d’une attention spécifique : la résilience, notamment sa composante démocratique ; la maitrise des armements ; l’Espace et la sécurité.

La délégation a cette année encore activement participé à ces différentes conversations.

1.   Réaffirmer la force du lien transatlantique et son caractère indispensable

a.   La présentation des priorités de la nouvelle Administration américaine

i.   Un rôle dévolu aux échanges directs dans le cadre du Forum parlementaire transatlantique

Plusieurs décisions des Administrations américaines successives, y compris l’Administration Biden, en ce qui concerne l’engagement des États-Unis envers la sécurité transatlantique ont fait naitre doutes et interrogations chez les alliés et partenaires (cf. supra). Les échanges directs avec les représentants des Congrès et Administration issus des élections du 3 novembre 2020 avaient donc une importance particulière en 2021. Le Forum transatlantique, évènement habituellement annuel organisé en coopération avec la National Defense University et l’Atlantic Council, est consacré spécifiquement aux priorités des États-Unis en matière de politique étrangère. Il s’est réuni de façon exceptionnelle à trois reprises cette année.

Lors de la première réunion, en ligne le 3 février, les membres de la délégation américaine ont présenté les priorités du nouveau Congrès américain et de la nouvelle Administration, deux semaines seulement après l’investiture de Joseph R. Biden en tant que 46ème président des États-Unis. À cette occasion, les membres de la délégation américaine présents ont, de façon bipartisane, souligné l’intérêt renouvelé des États-Unis pour l’OTAN et l’Alliance transatlantique. Et, à peine un mois après la prise d’assaut, le 6 janvier, du Capitole à Washington D.C., la délégation américaine a apporté son soutien plein et entier à la principale priorité, de longue date, du Président Connolly. Ce dernier souhaite en effet réaffirmer l’engagement de l’Alliance elle-même en faveur des valeurs démocratiques communes, notamment à travers l’instauration d’un centre sur la résilience démocratique au sein de l’OTAN, afin d’aider les pays membres et les nations partenaires à renforcer leurs institutions. Le président Connolly a insisté sur cette proposition à chacun de ses entretiens en tête à tête avec le secrétaire général de l’OTAN ou d’autres responsables de l’Organisation, lors des différentes réunions de l’Assemblée et à l’occasion de ses multiples prises de parole.

Dans le sillage de la réunion des ministres des affaires étrangères des pays de l’OTAN à Bruxelles le 25 mars, à laquelle a pris part le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken, l’AP-OTAN a organisé le 26 mars une deuxième rencontre en ligne, cette fois avec de hauts responsables du gouvernement américain et d’éminents experts. Les discussions sur les défis et menaces auxquels l’Alliance est confrontée et la manière dont elle doit s’adapter ont notamment abordé les questions du renforcement de la dissuasion et de la défense dans une conjoncture mondiale complexe marquée par la posture russe, des priorités de politique étrangère de l’administration Biden et en particulier des implications sécuritaires selon cette dernière de la montée en puissance de la Chine, et, enfin, des défis et opportunités en matière de sécurité dans la région du Golfe. 

Enfin, le Forum transatlantique a pu se réunir sous sa forme habituelle en présentiel les 29 novembre-1er décembre 2021. Plus de 80 parlementaires de 22 pays membres de l’Alliance et de la Finlande, partenaire de l’OTAN, ont échangé leurs points de vues avec des hauts fonctionnaires et des experts américains, sur des thèmes majeurs concernant l’ordre du jour transatlantique en matière de sécurité et les priorités américaines vis-à-vis de l’OTAN et des autres grands enjeux mondiaux.

Dans un contexte de réorientation des priorités américaines illustrée très concrètement en 2021 par le retrait des troupes américaines présentes en Afghanistan, et par conséquent de celles des autres Alliés de l’OTAN, la réaffirmation de l’engagement de l’OTAN en faveur de valeurs démocratiques partagées a constitué le premier thème des discussions, à quelques jours du Sommet virtuel pour la démocratie organisé par les États-Unis. La menace émanant de la Russie et les défis lancés par la Chine, ont occupé une grande place tout au long des débats. Le renforcement militaire russe en Ukraine et aux frontières ukrainiennes a été jugé très préoccupant par tous les participants.

Les nouvelles dynamiques à l’œuvre dans la région Asie Centrale et l’évolution de la situation au Moyen-Orient et dans les Balkans occidentaux, la nécessité de demeurer vigilants face à une menace terroriste en évolution ainsi que les menaces et les opportunités représentées par les technologies émergentes et disruptives ont également été au menu des discussions.

Enfin, alors que l’Union européenne réfléchit à ses orientations stratégiques au moment où l’OTAN se penche sur son prochain concept stratégique, les perspectives positives d’une coopération renforcée entre l’OTAN et l’Union européenne ont été soulignées.

Ces trois réunions se sont déroulées conformément aux règles de Chatham House, permettant ainsi aux participants d’y débattre en toute franchise. La délégation française a participé à chacune de ces réunions et y a exprimé ses priorités et ses attentes.

ii.   La visite conjointe des commissions Économie et sécurité et Démocratie et sécurité à Washington et New York

La délégation de l’AP-OTAN, qui comptait 36 membres des sous-commissions sur les relations économiques transatlantiques et sur la résilience et la sécurité civile (dont Mme Anissa Khedher, M. Jérôme Lambert et M. Jean-Luc Reitzer, pour l’Assemblée nationale, et Mme Nicole Duranton et M. Philippe Folliot, pour le Sénat) a eu l’occasion de mener de larges consultations autour de quelques-uns des enjeux majeurs sur le plan de la sécurité transatlantique lors de ses discussions avec des responsables de l’administration américaine et des experts. Cette visite a marqué la reprise en présentiel des visites d’étude des commissions de l’Assemblée, suspendues en raison de la pandémie depuis plus d’un an et demi.

Le programme a reflété la complexité des problèmes transnationaux qui se posent actuellement aux pays alliés : outre la menace réactualisée de la Russie, de la prolifération nucléaire et du terrorisme, la délégation s’est vue présenter les enjeux liés à la désinformation et aux actions d’États autoritaires qui entendent miner les démocraties pour conserver leur mainmise sur leurs propres sociétés. En lien avec la priorité affichée de la délégation américaine de matérialiser au sein de l’OTAN l’attachement aux valeurs communes avec la création d’un centre pour la résilience démocratique, la consolidation de la démocratie a ainsi occupé une place de choix dans les discussions.

Les parlementaires français ont rappelé que les pays alliés disposaient de deux atouts majeurs face aux menaces liées à la désinformation et aux États autoritaires dans le cyberespace : d’une part, la capacité à imposer des règles aux plus grands acteurs du numérique, afin de consolider, en matière de régulation des contenus comme de régulation des acteurs économiques, l’ordre public dans l’espace numérique ; d’autre part, la capacité à fédérer des coalitions avec les entreprises et la société civile, selon le modèle des Appels de Paris et de Christchurch, ou encore le Partenariat Information & Démocratie dans le cadre de l’Alliance pour le multilatéralisme.

Le défi grandissant posé par une Chine perçue comme nettement plus autoritaire et agressive a été le point principal des discussions. L’Administration Biden continue à se focaliser intensément sur cette menace particulière et souhaite qu’en partenariat avec les autres Alliés, les États-Unis modèlent par anticipation l’espace mondial, plutôt que de laisser ce rôle à Pékin.

Après un passage au Mémorial du 11 septembre, où ils ont rendu hommage aux victimes des attentats en 2001, les participants ont assisté à des réunions à l’ONU, au siège de la police new-yorkaise et au Watch Command/Emergency Operations Center du Bureau de gestion des situations d’urgence de la ville de New York.

Les membres français de la délégation ont rappelé que la France prend et continuera de prendre toute sa part à la lutte internationale contre le terrorisme afin de l’éradiquer et, à tout le moins, de contenir ce fléau.

Les parlementaires ont également rencontré des responsables du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Le changement climatique a fait dans ces échanges l’objet d’une attention particulière.

b.   Un lien avec le Conseil de l’Atlantique Nord et le Secrétariat général de l’OTAN constant selon des modalités adaptées compte tenu de la pandémie

i.   La réunion en ligne de l’Assemblée et du Conseil de l’Atlantique Nord le 2 mars

Le Sommet de l’OTAN du 14 juin à Bruxelles a lancé la révision du concept stratégique, qui doit aboutir au Sommet de Madrid prévu les 29 et 30 juin 2022. L’AP-OTAN a contribué au processus de réflexion prospective lancé par une impulsion française lors de la réunion de Londres en 2019 en fournissant ses recommandations au groupe indépendant d’experts sur l’OTAN à l’horizon 2030, ainsi qu’en publiant ses recommandations en novembre 2020 dans la Déclaration 460 : OTAN 2030, une Alliance plus forte et plus unie sur la scène internationale, transmise au secrétaire général de l’OTAN. La délégation française a activement participé à ce processus, portant en particulier les thèmes de l’unité de l’Alliance, de la complémentarité entre OTAN et Union européenne, et de la prise en compte adéquate des défis présents et émergents.

Le 2 mars, la réunion (tenue en ligne en raison de la pandémie de covid-19) avec les représentants permanents auprès du Conseil de l’Atlantique Nord et le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a permis aux membres de la commission permanente et du Bureau de passer en revue les priorités de l’OTAN. 

Le Président de la délégation française en 2021, le sénateur Christian Cambon, a rappelé que les délégations nationales avaient porté le projet de réforme politique de l’OTAN dans une situation de crise de l’Alliance, tout particulièrement dans cette Déclaration n°460. Si cette situation trouve une issue extrêmement satisfaisante dans la réaffirmation des valeurs démocratiques, encore faut-il que ces valeurs soient portées haut. Cela implique d’être crédibles sur la scène internationale et donc cohérents entre Alliés, alors que l’Alliance a dû affronter des désaccords parfois profonds. Le Président de la délégation française a en conséquence regretté que certaines des recommandations de l’AP-OTAN, relatives à la définition d’un code de conduite et l’organisation d’un dialogue politique constant entre Alliés permettant d’éviter l’aggravation des incompréhensions, ou organisant une « désescalade » en cas de besoin, n’aient pas été à ce stade retenues dans les recommandations du Secrétaire général.

Mme Sonia Krimi, présidente du Groupe Spécial Méditerranée et Moyen-Orient, a rappelé que la Méditerranée était une perspective stratégique et sécuritaire incontournable pour l’Alliance, et que cette région était aussi emblématique de l’environnement dans lequel s’inscrit la réflexion prospective lancée à la Réunion de Londres. Depuis près de trois décennies, l’OTAN a entamé un Dialogue avec six puis sept pays de la rive sud de la Méditerranée, dont l’objectif est de participer ensemble à assurer la sécurité et la stabilité dans la région méditerranéenne. Ce sera donc bientôt l’heure du bilan. Mais c’est aussi déjà l’heure des propositions, avec cette réflexion prospective. Coopérer avec les partenaires de la rive sud garantit une plus-value opérationnelle mutuelle. L’opération Sea Guardian en est un bon exemple sur les questions maritimes. Mais ce Dialogue ne peut évoluer seul. Pour être pleinement efficace, il doit développer de la cohérence et des synergies avec les autres initiatives traitant de l’ordre sécuritaire méditerranéen. Interrogeant le Secrétaire général sur la meilleure manière à ses yeux de mieux faire vivre ce Dialogue sur le flanc sud au bénéfice des pays partenaires mais aussi de l’Alliance, Mme Sonia Krimi a rappelé que lors de la session plénière annuelle de 2020, l’AP-OTAN avait souhaité une intensification du soutien apporté aux pays méditerranéens partenaires et souligné l’intérêt du partenariat stratégique OTAN-Union européenne.

ii.   L’échange en visioconférence avec le secrétaire général délégué de l’OTAN, Mircea Geoană, après le Sommet de l’OTAN du 14 juin

L’Assemblée aurait souhaité organiser une réunion en marge du sommet de Bruxelles, mais elle a dû y renoncer en raison des mesures sanitaires en vigueur à Bruxelles.

Le secrétaire général délégué de l’OTAN, Mircea Geoană, a donc fait le 25 juin à l’intention des membres de l’Assemblée le compte rendu des principaux résultats du sommet à l’occasion d’une réunion en ligne intitulée « le Sommet de l’OTAN 2021 et la visite du Président Biden en Europe ».

iii.   L’intervention du secrétaire général de l’OTAN lors de la plénière annuelle à Lisbonne le 11 octobre

Les principales questions débattues lors de la session plénière annuelle ont porté sur divers aspects du prochain concept stratégique et, plus largement, sur le processus d’adaptation de l’OTAN, mais aussi sur d’autres sujets, dont le retrait d’Afghanistan opéré au cours de l’été 2021, les budgets militaires, la maîtrise des armements et le défi posé par la Russie. Elles ont également été au centre d’un long débat entre les parlementaires et M. Stoltenberg.

Celui-ci a notamment été interrogé par le vice-président de la délégation française, le député Philippe Michel-Kleisbauer, sur les perspectives et sa vision d’un rôle accru de l’Europe dans le domaine de la défense. Cette dernière contribue positivement à la sécurité globale et transatlantique et est complémentaire à l’OTAN, et le Président Biden lui-même, au sortir de la crise de confiance générée par l’annonce de l’AUKUS, a apporté son appui manifeste à une défense européenne plus forte et plus capable, reconnue et respectée pour son rôle dans la mise en œuvre de la sécurité occidentale.

Une séquence de la session plénière a en outre permis l’intervention devant les parlementaires de M. Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies. Ce dernier a mis en avant la bonne coopération entre l’ONU et l’OTAN s’agissant des opérations de maintien de la paix de l’ONU. En marge de cette intervention en plénière, le secrétaire général adjoint aux opérations de paix s’est entretenu avec le vice-président de la délégation française, M. Philippe Michel-Kleisbauer.

c.   La consolidation du lien transatlantique grâce à la tenue des engagements pris et à de nouveaux outils

i.   Continuer à investir dans la défense dans une conjoncture économique difficile, une priorité doublement affirmée de la commission de l’Économie et de la sécurité

La commission de l’Économie et de la sécurité (ESC) s’est intéressée en 2021, d’une part, aux implications de la crise économique mondiale, et, d’autre part, aux menaces persistantes et aux nouvelles contraintes pesant sur les dépenses de défense dans un tel contexte.

● Plaidant pour un soutien total au redressement mondial d’après pandémie, le rapporteur de la sous-commission des relations économiques transatlantiques (ESCTER), Faik Öztrak  (Turquie), a averti que les risques pour la sécurité mondiale – notamment l’instrumentalisation de la situation par des régimes autoritaires et les niveaux très élevés de dette favorisant une forte inflation – pourraient être atténués par une plus grande coopération internationale dans des domaines allant de la distribution de vaccins à la gestion de la dette, en passant par une fiscalité équitable et le changement climatique.

Afin d’enrichir le projet de rapport par des exemples concrets susceptibles de servir de points de référence, la sénatrice Nicole Duranton a présenté la stratégie utilisée par la France pour aider les secteurs les plus touchés mais aussi pour maintenir l’accès des jeunes à l’éducation, sauvegarder les libertés individuelles et accompagner les populations les plus vulnérables, à travers le dispositif juridique de l’état d’urgence sanitaire mais aussi des mesures immédiates de soutien aux entreprises.

● La réunion du Réseau parlementaire mondial de l’OCDE, qui s’est tenue en ligne les 9-10 février, a permis à aux parlementaires de l’AP-OTAN qui y ont participé – dont le sénateur Philippe Folliot – de s’informer des stratégies de lutte contre la pandémie puis de reprise des pays de l’OCDE, ainsi que des enseignements qui devaient être tirés de ces deux dernières années. Pour les différents panelistes, si les gouvernements ont mis en place des politiques fiscales et monétaires robustes et efficaces ayant permis aux économies nationales de tenir bon, il convient désormais de concevoir des cadres de finances publiques durables qui permettent en même temps de stabiliser les chocs liés à la pandémie et d’assurer une croissance durable et inclusive à long terme.

● Craignant de voir les dépenses de défense sacrifiées au profit d’autres priorités, le rapporteur général de la commission ESC, Christian Tybring-Gjedde (Norvège), a souhaité que, outre le respect de l’engagement de consacrer au moins 2 % du PIB à la défense et de veiller à ce qu’au moins 20 % de ce montant soient consacrés aux nouveaux équipements et à la recherche, les Alliés veillent également à dépenser de manière efficace afin de garantir une utilisation optimale de leurs ressources, tout en notant que les capacités et les contributions aux missions doivent rester des éléments essentiels dans le contexte général du partage des charges.

La sénatrice Nicole Duranton a fait part des interrogations de la délégation française sur le projet de Banque de l’OTAN porté par M. Christian Tybring-Gjedde dans son avant-projet de rapport présenté lors de la session annuelle de printemps en ligne. Les pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord qui ne disposent pas des fonds nécessaires pour augmenter la dépense militaire au niveau requis par les engagements pris lors du sommet du Pays de Galle, pourraient les recevoir sous forme de prêts de l’OTAN à travers cette nouvelle institution financière. Une telle proposition pose cependant de nombreuses questions, sur l’abondement des fonds, sur les modalités de contribution des États, sur la conséquence d’un défaut, etc. Le rapporteur a convenu que ce thème était sans doute trop complexe pour ne pas faire l’objet d’un travail spécifique, et a choisi de ne plus retenir cette recommandation dans son rapport final.

La députée Séverine Gipson (membre suppléant de la délégation) a partagé l’avis du rapporteur sur la nécessité d’un respect par tous les Alliés de la lettre et de l’esprit du Traité de l’Atlantique Nord, et en particulier de son article 3, qui donne aux Nations la responsabilité première de leur défense et de la génération de force, ainsi que l’engagement pris collectivement au Sommet du Pays de Galles en 2014, les « 3 C » du Defense Investment Pledge. Outre des précisions sur les indicateurs suggérés dans les recommandations du rapporteur, elle a appelé lors de la session plénière annuelle à Lisbonne en octobre à promouvoir de nouveaux gains d’efficacité en matière d’organisation, notamment dans l’OTAN elle-même. Le Sommet de l’OTAN à Bruxelles en juin dernier avait réaffirmé cette ligne, constante depuis le Sommet de Lisbonne en 2010, en insistant sur une évaluation critique des besoins prenant en considération la soutenabilité, l’abordabilité et la redevabilité. Mme Nicole Duranton a elle-aussi mentionné la nécessité de veiller à ce que les dépenses et les investissements militaires soient maintenus à un niveau suffisant en dépit de la crise sanitaire.

ii.   Le lien transatlantique et le partage des charges dans un environnement stratégique en mutation, les propositions de la commission Politique

Tout en constatant un regain d’optimisme quant au nouveau souffle de la relation transatlantique, le rapporteur de la sous-commission sur les relations transatlantiques de la commission politique, M. Ahmet Yildiz (Turquie) a vu dans l’actualisation attendue du concept stratégique une excellente occasion de s’engager vers un partage plus équitable des charges. L’OTAN et les Alliés devraient se réengager à atteindre leurs objectifs d’investissement dans la défense des « 2 % et 20 % », et se concentrer sur les défis posés par la Russie, la Chine et les cyberattaques ou les attaques hybrides. Il a aussi plaidé pour une meilleure reconnaissance du rôle et des efforts nationaux fournis en matière de lutte contre le terrorisme ou d’immigration illégale par les pays situés aux frontières de l’Alliance.

Quant à la revitalisation de la coopération transatlantique, le rapporteur a constaté, d’une part, que les conditions étaient actuellement favorables pour que les Alliés nord-américains et européens s’accordent sur une stratégie commune à l’égard de la Chine fondée sur la notion de concurrence et, d’autre part, que l’approche multilatéraliste de la nouvelle administration américaine créait un nouvel élan pour développer un partenariat constructif entre l’OTAN et l’Union européenne (UE). Saluant les efforts déployés par l’UE pour parvenir à renforcer les capacités de défense européennes, il les a conditionnés à une participation à un renforcement de l’OTAN et à une pleine et entière implication des Alliés non-membres de l’UE.

d.   La clarification bilatérale de l’état de la relation alliée après l’affaire AUKUS

Les délégations française et américaine se sont retrouvées pour la première fois en présentiel depuis plus d’un an et demi lors de la 67ème session annuelle, les 8-11 octobre à Lisbonne, soit moins d’un mois après le choc qu’a été l’annonce abrupte et inattendue de la rupture du contrat australien relatif aux sous-marins, avec toutes ses conséquences stratégiques, et de la conclusion du partenariat AUKUS.

Pour servir leurs intérêts, les États-Unis n’ont pas hésité à se comporter brutalement à l’égard de la France, pourtant toujours qualifiée de « plus vieil allié » et seul pays européen à être un État de l’Indopacifique, avec près de 2 millions de ressortissants dans la région, 7 000 militaires français déployés de façon permanente et la deuxième plus grande zone d’exclusivité économique du monde. De tels comportements nous affaiblissent en tant qu’alliés, et profitent à nos adversaires. Les président et vice-président de la délégation française, Christian Cambon et Philippe Michel-Kleisbauer, l’ont rappelé à leurs homologues de la délégation américaine lors d’un échange bilatéral, qui a aussi permis d’explorer les voies de reprise d’un échange approfondi positif dans les relations entre Alliés à l’OTAN et au niveau bilatéral.

Les divers échanges entre les présidents Macron et Biden ont abouti le 29 octobre à une clarification utile pour l’avenir, et dont la délégation française attend une traduction concrète dans le futur concept stratégique pour ce qui en relève.

Le principal point d’attention en est le pilier européen de l’OTAN, alors que le communiqué souligne que les « États-Unis reconnaissent l’importance d’une défense européenne plus forte et plus opérationnelle, qui contribue positivement à la sécurité mondiale et transatlantique et soit complémentaire avec l’OTAN », avant d’appeler « au renforcement du partenariat stratégique entre l’UE [Union européenne] et l’OTAN ». À cet effet, le vice-président de la délégation française s’est d’ailleurs également entretenu avec le chef de la délégation du Parlement européen auprès de l’AP-OTAN, afin de mieux articuler Concept et Boussole stratégiques. Cet épisode AUKUS offre en effet une opportunité qu’il convient de mettre à profit car certains partenaires européens se montrent aujourd’hui bien plus ouverts à l’idée d’une défense européenne qu’auparavant. La Présidence Française du Conseil de l’Union européenne est, en 2022, le moment opportun pour consolider les bases de cette dernière, la dégradation de l’environnement de sécurité, notamment dans l’environnement proche, soulignant la nécessité d’accélérer dans la mise en œuvre.

Mais deux autres points sont également l’objet d’une attention particulière. D’une part, il importe que l’Alliance soit concentrée sur la sécurité euro-atlantique et le nouveau concept stratégique de l’OTAN doit correspondre à cet impératif. Il ne saurait être question que l’OTAN devienne le supplétif du pacte AUKUS, ou le rempart d’un Quad qui a proclamé son caractère non militaire. En Asie-pacifique, la préservation d’une voie promouvant l’équilibre, le respect des règles internationales, le dialogue plutôt que l’isolement, et la médiation plutôt que la confrontation s’avère plus que jamais nécessaire. D’autre part, l’implication directe des Européens dans les discussions engagées avec la Russie pour renforcer la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération, qui constituent des éléments centraux de la sécurité euro-atlantique, doit être garantie.

2.   Le net durcissement d’une menace russe permanente et multiforme

La commission de la Défense et la sécurité avait en 2020 consacré son rapport général à la persistance de la menace russe et aux moyens d’y répondre de manière efficace. Dans le contexte inquiétant de 2021 (cf. supra), plusieurs travaux de l’AP-OTAN ont été également consacrés à cette question par d’autres commissions.

L’AP-OTAN en a conclu que face à une menace russe durcie – y compris physiquement par le déploiement massif de forces aux frontières de l’Ukraine tout au long de l’année 2021 –, une double exigence s’imposait : maintenir une posture de défense et dissuasion à la fois unie et crédible, et pour cela renforcer la mission, principale, de l’OTAN de défense collective, en réponse à ce comportement agressif, et en même temps, engager avec Moscou un dialogue crédible, exigeant et lucide pour défendre nos intérêts, car ni l’histoire ni la géographie ne changeront.

a.   Relever les défis géopolitiques et idéologiques lancés en permanence par la Russie, une impérieuse nécessité pour la commission Politique

Le rapporteur général de la commission Politique, Brendan Boyle (États-Unis), a choisi en 2021 de faire un point complet sur la menace stratégique que représente la Russie pour l’OTAN et ses principaux partenaires, tant sur le plan militaire que dans des domaines non cinétiques. Il propose ainsi une vision globale des activités russes susceptible d’interroger la relation entre l’OTAN et ce pays dans la décennie à venir et au-delà de 2030, tout en réaffirmant la nécessité de conserver la double approche prudente de l’OTAN à l’égard de la Russie dans le futur concept stratégique.

Pour le rapporteur, depuis l’invasion de l’Ukraine en 2014, le régime de Vladimir Poutine s’est positionné de manière bien plus idéologique tant sur le plan intérieur – où la nature répressive du régime s’est encore durcie –  qu’avec les membres et partenaires de l’OTAN situés dans son voisinage proche – au nom d’une conception non seule datée mais erronée des rapports entre nations souveraines, celle des sphères d’influence – ou dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord, où Moscou exploite le vide politique créé par le désengagement occidental, notamment en Syrie et en Libye. Il souligne aussi l’alignement stratégique de plus en plus marqué à ses yeux entre la Russie et la Chine.

En réponse à cette évolution de la menace principale pour l’OTAN, il a proposé diverses recommandations : réaffirmation claire de la prééminence d’un ordre fondé sur des règles, maintien voire durcissement de la politique de sanctions, soutien accru en faveur de l’intégration euro-atlantique de la Géorgie et de l’Ukraine, froid réalisme quant aux perspectives de dialogue avec le régime actuel tout en préservant certains canaux de communication pour prévenir toute escalade accidentelle.

Durant la session plénière de printemps, lors du débat qui a suivi l’exposé de Mme Gudrun, directrice adjointe du programme d’études sur la Russie et l’Eurasie de l’Agence suédoise de recherche pour la défense, la députée Sonia Krimi a rappelé les fondements de la double approche de la Russie, et jugé qu’un dialogue exigeant était aussi un outil d’influence pour les Alliés, interrogeant l’oratrice sur les points d’ancrage possibles du point de vue suédois.

b.   Les défis politiques, économiques et diplomatiques posés par la Biélorussie : une vive préoccupation pour la commission de l’Économie et de la sécurité

Le changement de statut géopolitique de la Biélorussie au cours de l’année 2021 représente un changement aussi important pour l’évaluation de la sécurité que l’annexion illégale de la Crimée. Aussi la sous-commission sur la transition et le développement de la commission de l’Économie et de la sécurité (ESC) a choisi d’analyser les défis politiques, économiques et diplomatiques posés par ce pays de plus en plus soumis à son puissant voisin.

Michal Szczerba (Pologne) a ainsi rappelé que, même si la Russie était le principal partenaire de la Biélorussie, cette dernière s’était longtemps montrée néanmoins soucieuse de diversifier ses alliances, et qu’après la vague répressive qui avait accompagné le scrutin législatif de 2010 et conduit à l’adoption de sanctions européennes, le Président Alexandre Loukachenko –  en poste depuis 1994 –  avait fait preuve d’un relatif assouplissement sur le plan intérieur. Ce dernier a toutefois fait, depuis l’été 2020 et l’élection présidentielle dont le résultat a été truqué, le choix de s’accrocher à la Russie pour se maintenir au pouvoir. Le soutien russe ainsi apporté est de nature politique (mise en scène des entretiens entre les Présidents Poutine et Loukachenko, tous en territoire russe), économique (gestion de la dette de 8 milliards de dollars envers la Russie ; crédit sur le gaz dont bénéficie la Biélorussie prolongé d’un an en septembre) mais également militaire.

Le caractère renégat du régime biélorusse a été clairement illustré par le détournement de l’avion de Ryanair reliant Athènes à Vilnius le 23 mai 2021. L’Union européenne a adopté le 21 juin un quatrième paquet substantiel de sanctions, ciblant des individus et entités impliqués dans la répression et les violations des droits fondamentaux. Ce paquet couvre également les individus et entité ayant joué un rôle dans ce détournement d’avion. Mais, compte tenu du soutien de la Russie, ces sanctions ne sont pas parvenues à ce stade à faire dévier le régime de sa course. Ce dernier, en réponse, a même cherché à instrumentaliser la politique européenne de migration extérieure, en orchestrant l’afflux de migrants irakiens ou syriens en Lituanie puis en Pologne.

Pour M. Szczerba, il est donc indispensable d’agir selon deux axes : d’une part, faire pression à la fois sur la Russie – pour qu’elle cesse ses ingérences inacceptables dans les affaires intérieures de ce pays – et sur la Biélorussie afin qu’elle s’engage à respecter les principes des droits humains inscrits dans le droit international, en appliquant notamment des sanctions contre ceux qui sont directement engagés dans l’oppression du mouvement démocratique ou dans toute atteinte à la souveraineté du Bélarus ; d’autre part, tenter des efforts de médiation impliquant des interlocuteurs clés, y compris la Russie.

c.   L’Arctique marqué par une évolution rapide des enjeux sécuritaires qui requiert toute l’attention de l’OTAN, selon la commission de la Défense et de la sécurité

Le changement climatique représente le principal moteur de transformation de l’Arctique, passé d’une zone de confrontation pendant la Guerre froide à une zone de coopération pacifique organisée à partir du milieu des années 1990 autour du Conseil de l’Arctique. Pour le rapporteur de la sous-commission sur la coopération en matière de défense et de sécurité de la commission de la Défense et de la sécurité (DSC), le député Jean-Charles Larsonneur, deux évolutions sont principalement la cause de cette évolution : d’une part, « la divergence croissante des politiques menées par les Alliés et la Russie dans l’Arctique, et qui menace de se répercuter sur la concurrence préexistante entre les grandes puissances dans la région », et d’autre part, « les efforts grandissants déployés par des pays non arctiques, dont la Chine » pour accéder, eux aussi, aux voies de transit ainsi qu’aux ressources, devenues plus accessibles plus longtemps.

L’Arctique est perçu par la Russie comme le garant de son développement économique futur et de sa position internationale. En conséquence, cette dernière y multiplie les investissements le long de sa route maritime du Nord et y renforce ses capacités militaires. Or cela n’est pas sans impact sur le flanc Nord de l’Alliance, du Grand nord jusqu’en Atlantique nord : outre la défense des Alliés et les liens avec les partenaires de premier plan que sont la Finlande et la Suède dans cette zone, la question essentielle posée est en effet le maintien de la liberté de navigation des Alliés dans cette zone arctique, mais aussi le contrôle du passage GIUK ([43]) , vital à tout effort de guerre majeur éventuel sur le continent européen de la part des Alliés.

Le rapporteur note une présence économique et scientifique chinoise plus visible. Si cela suscite pour certains des craintes de nature militaire, il est pour sa part d’avis que la conséquence possible de ces investissements chinois dans l’Arctique pourrait être une divergence majeure d’intérêts entre Moscou et Pékin. 

Enfin, il se félicite de l’intérêt accru des différents Alliés aux côtés des Alliés et partenaires nordiques. Le rapport en fait d’ailleurs une présentation synthétique. Si l’Alliance a maintenu une présence active et vigilante dans l’Arctique tout au long de la guerre froide, cette présence a cependant essentiellement reposé sur les pays arctiques de l’Alliance eux-mêmes, à leur demande. Ces derniers sont également attachés au maintien d’initiatives de coopération mutuellement bénéfiques avec la Russie. De l’absence de consensus au sein des Alliés sur le rôle de l’OTAN découle ainsi l’absence de concept de sécurité officiel de l’Alliance dans son ensemble pour la région.

Toutefois, l’Alliance a pris depuis 2014 des mesures pour augmenter ses capacités de défense dans l’Atlantique Nord. Et le groupe d’experts indépendants nommé dans le cadre du processus prospectif sur l’avenir de l’OTAN a plaidé dans son rapport 2020 pour un « nouveau statu quo réévalué, basé sur de meilleurs renseignements qui permettraient aux Alliés arctiques de conserver leur leadership, mais qui laisserait également la porte ouverte à une réévaluation continue des développements stratégiques dans la région », comme l’indique le rapporteur. Ce dernier en tire trois priorités : moderniser et renforcer les moyens ISR indispensables pour obtenir le tableau le plus précis possible sur la région, se doter des capacités adéquates pour la défense des Alliés et de leurs intérêts si et à chaque fois que cela s’avère nécessaire, et, enfin, privilégier une présence des Alliés suffisamment flexible pour être en mesure de s’adapter rapidement aux fluctuations des dynamiques sécuritaires dans le Grand Nord. La révision attendue du concept stratégique de l’OTAN est, aux yeux du rapporteur, l’occasion d’élaborer pour l’Alliance une approche sophistiquée tenant compte à la fois des évolutions sécuritaires à l’œuvre dans l’Arctique, et des convictions des Alliés de cette zone sur un équilibre fragile qu’il convient de préserver.

d.   Ukraine, Géorgie, Caucase du Sud et Balkans, objets des visées de plus en plus déstabilisatrices de la Russie

● L’année 2021 a été marquée par la mise en place, progressivement, aux frontières de l’Ukraine d’une force militaire russe massive – le plus fort déploiement de troupes en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale –, sous le prétexte d’exercices dans son espace national. La Russie a fini par en dévoiler la raison véritable lorsque le 17 décembre, elle a présenté deux propositions de traités pour limiter l’influence militaire des États-Unis et de l’OTAN dans son voisinage, qui incluait un engagement à ne plus jamais élargir l’OTAN, y compris donc à l’Ukraine (cf. supra).

Dans ce contexte, les activités traditionnelles du Conseil interparlementaire OTAN-Ukraine (UNIC), principal forum de coopération entre l’Assemblée et l’Ukraine, ont pris une résonnance particulière, et la commission Politique s’est jointe à ce dernier pour deux activités : une réunion en ligne le 8 février, à laquelle a activement participé le vice-président de la délégation, le député Philippe Michel-Kleisbauer, et une visite conjointe à Kiev et Odessa les 26-27 octobre. Cette dernière ayant été malheureusement programmée au même moment que l’examen des missions Défense du projet de loi de finances pour 2022, les députés membres de la délégation française ont dû renoncer à y participer.

L’AP-OTAN a également tenu à utiliser deux autres canaux pour exprimer son plein soutien aux aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine. Un Groupe de soutien informel pour la Plateforme pour la Crimée a été lancé le 27 avril. Fin août, le président de l’Assemblée, Gerry Connolly, et Ojars Eriks Kalniņs, coprésident de l’UNIC, ont pris la parole – l’un en ligne, l’autre sur place – lors de la réunion au sommet de la Plateforme pour la Crimée. Par ailleurs, M. Kalniņs a assisté aux cérémonies marquant le 30ème anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine. Le Bureau s’est enfin entretenu avec la délégation ukrainienne lors d’une réunion en ligne le 16 décembre.

Membre de l’UNIC, et donc particulièrement attentif à tous les enjeux relatifs à l’Ukraine, le vice-président de la délégation française, M. Philippe Michel-Kleisbauer, s’est entretenu avec les président et vice-présidente de la délégation ukrainienne, M. Yehor Cherniev et Mme Solomiia Bobrovska, en marge de la 67ème session plénière de l’AP-OTAN à Lisbonne. Cet entretien s’est tenu dans le contexte connu de renforcement de la menace russe aux frontières de l’Ukraine et dans les territoires illégalement annexés et séparatistes, et les parlementaires ont partagé leurs analyses, convergentes, de la situation.

● En 2021, l’AP-OTAN a maintenu ses activités d’information et de coopération avec la Géorgie et les pays des Balkans. Le Conseil interparlementaire Géorgie-OTAN s’est réuni en ligne le 9 avril ; un premier séminaire Rose-Roth, consacré à la situation dans le Caucase du Sud, s’est tenu, également en ligne, le 28 juin ; le second séminaire Rose-Roth a pu se tenir en présentiel, à Belgrade en Serbie, les 15-17 novembre. Les Balkans sont le lieu d’un affrontement stratégique de moins en moins feutré opposant la Chine, la Russie ou encore la Turquie. Les députés Anissa Khedher et Jean-Luc Reitzer y ont participé pour la délégation française. La première est plus particulièrement intervenue sur les sujets relatifs à l’information, la désinformation et leurs implications pour la cohésion sociétale.

e.   Des visites en Pologne, en Lituanie et en Norvège pour entendre le point de vue d’Alliés en première ligne

i.   Une visite conjointe virtuelle en Pologne les 12 et 13 avril et en Lituanie les 8 et 9 novembre focalisées sur le renforcement de la menace multidimensionnelle russe et sur la crise en Biélorussie

Au printemps dernier, les membres de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN (PCNP) et de la sous-commission sur la transition et le développement (ESCTD) ont eu l’occasion de participer à une série d’entretiens en ligne avec des responsables et experts polonais.

Le renforcement de la présence militaire russe à Kaliningrad tout comme à la frontière orientale de l’Ukraine, les manœuvres de grande ampleur sur le territoire de la Biélorussie – dans un contexte de soumission croissante du régime de ce pays marqué par les avancées dans le projet d’union entre les deux pays – rendent pour ces derniers impératif d’avancer sur la mise en œuvre de l’initiative pour la disponibilité opérationnelle de l’OTAN. Face à ces menaces non seulement militaires mais aussi hybrides et de cyber-désinformation, un message fort doit être adressé à la Russie. Des sanctions plus importantes en sont une composante nécessaire, mais une action plus résolue en matière de résilience démocratique s’impose également compte tenu des tentatives récurrentes de la Russie pour déstabiliser les démocraties occidentales, notamment en finançant des partis politiques et en s’ingérant dans les processus électoraux. L’OTAN gagnerait à une collaboration plus étroite avec l’Union européenne, ainsi qu’avec les autres partenaires partageant les mêmes valeurs.

Puis, à l’automne, le député Jean-Luc Reitzer a participé à une visite conjointe des deux sous-commissions sur les relations transatlantiques des commissions Économie et Politique en Lituanie, centrée sur la situation intérieure préoccupante de la Biélorussie et l’instrumentalisation de la crise migratoire par le régime biélorusse. Les autorités lituaniennes ont reconnu que cette expérience avait renforcé la solidarité de la Lituanie envers ses alliés du Sud, confrontés de longue date à des migrations non choisies.

 Outre les grands défis que pose la politique du gaz russe pour la souveraineté énergétique de la Lituanie et sa sécurité nationale – le centre d’excellence de l’OTAN pour la sécurité énergétique est situé à Vilnius –, les experts et responsables lituaniens ont également abordé les tensions en cours avec la Chine à la suite du resserrement des liens commerciaux de la Lituanie avec Taiwan. Un déplacement à la frontière avec la Biélorussie ainsi qu’à Rukla, où se trouve déployé un groupement tactique de la présence avancée renforcée (EfP) de l’OTAN a conclu cette visite.

ii.   Une visite conjointe en Norvège les 22 – 26 novembre pour constater de visu l’évolution de la dynamique sécuritaire à l’œuvre dans l’Arctique

Une délégation issue des commissions de la Défense et de la sécurité (DSC) et des Sciences et des technologies (STC) menée par Alec Shelbrooke (Royaume-Uni) et le député Philippe Michel-Kleisbauer, vice-président de la délégation française en 2021, s’est rendue à Oslo, Kirkenes et Tromsø, en Norvège, afin de s’informer sur la situation sur le flanc Nord de l’OTAN et, en corollaire, sur les priorités norvégiennes en matière d’enjeux sécuritaire dans la région Grand Nord. Les étapes de Kirkenes et de Tromsø leur ont en particulier donné l’occasion d’examiner de façon extensive les enjeux de toute nature, notamment militaire et économique, dans le bassin de la mer de Barents.

Le principal enseignement de cette visite est la volonté de modération et de pragmatisme des responsables et experts norvégiens, qui ont tempéré les propos alarmistes sur l’évolution de la dynamique sécuritaire parfois tenus en dehors de la zone arctique, rejoignant en cela la position du rapporteur de la DSCTC. De leur point de vue en effet, en dépit de la montée des tensions entre grandes puissances ailleurs dans le monde, la coopération dans l’Arctique reste solide.

La leçon tirée de cette visite est que le nouveau concept stratégique doit prendre en compte à la fois les préoccupations des pays nordiques pour ce qui a trait au dispositif de défense et de dissuasion collectives, et leur recommandation quant aux représentations des défis lancés à l’OTAN par la Russie et la Chine. La possibilité d’entretenir avec ces deux pays, lorsque cela est envisageable, un dialogue et une coopération mutuellement profitables, doit en particulier être préservée.

3.   Le flanc sud de l’Alliance, une zone dont l’Alliance ne peut se détourner sans mettre en péril sa sécurité

a.   Le maintien de la sécurité en Méditerranée, un enjeu crucial pour la commission Politique

La députée Sonia Krimi, rapporteure de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN de la commission Politique, a rappelé que la mer Méditerranée présente des enjeux cruciaux pour l’OTAN mais aussi pour la Russie, la Chine et les États du Golfe. Outre des points d’accès stratégiques vers l’Atlantique, la mer Noire et la mer Rouge, cet espace a été marqué depuis le début des années 2010 par une succession de déstabilisations politiques, portées à leur paroxysme dans l’espace syro-irakien et en Libye. Ces évolutions ont suscité une crise migratoire sans précédent pour l’Europe et favorisé l’émergence de nouvelles menaces sécuritaires à l’échelle internationale, parfois exacerbées par le jeu d’acteurs externes à la région, au premier rang desquels la Russie.

Le concept stratégique de 2010 avait pris en compte les évolutions politiques et militaires de la situation sur le flanc Sud de l’Alliance, et les Alliés se sont efforcés de promouvoir la stabilité et la sécurité en Méditerranée dans le cadre de leurs tâches essentielles. Le pôle régional pour le Sud, au sein du Commandement allié de forces interarmées à Naples, renforce ainsi la vigilance et permet de coordonner les opérations maritimes alliées dans cette région. Le cadre d’échange que représente le Dialogue Méditerranéen est toujours pertinent mais gagnerait à être amélioré, en particulier grâce à une meilleure coordination avec l’acteur majeur dans cette région qu’est l’Union européenne.

Deux aires de ce vaste espace ont enfin été marquées par des divergences entre Alliés, en Méditerranée orientale, d’une part, et sur la Libye, d’autre part. Mais ces derniers se sont efforcés de tenter de les résoudre. La députée Sonia Krimi a mis en évidence le rôle du mécanisme de déconfliction de l’OTAN, et loué le rôle de l’AP-OTAN, qui permet des échanges francs entre les législateurs alliés. Ces divergences fragilisent toutefois aujourd’hui l’aptitude de l’Alliance à élaborer une stratégie constante, claire et cohérente, qui préciserait son rôle en matière de lutte contre les défis et les menaces venus du Sud. C’est l’ambition que la rapporteure souhaite voir traduite dans le futur concept stratégique en cours d’élaboration.

b.   Une décennie après les soulèvements arabes, un premier bilan des espoirs et désillusions démocratiques dressé par la commission sur la Démocratie et la sécurité

L’AP-OTAN a mis au cœur de sa contribution au prochain concept stratégique la réaffirmation que l’unité et la cohésion de l’Alliance atlantique sont fondées sur les valeurs démocratiques communes partagées par les trente Alliés. C’est en effet l’engagement en faveur de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit qui distingue l’Alliance parmi les autres alliances militaires.

Une décennie après les soulèvements dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord en 2011-2012, la sous-commission sur la résilience et la sécurité civile de la commission sur la Démocratie et la sécurité a souhaité examiner si et comment il avait été répondu aux attentes importantes des sociétés de la région en matière de démocratisation et de respect des droits fondamentaux des populations. Car, comme l’a noté la rapporteure, la députée Anissa Khedher, « la stabilité du voisinage méridional de l’OTAN est essentielle à la sécurité de l’Alliance, dès lors que les remous provoqués par les événements qui se produisent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ne se confinent pas aux pays concernés ».

Des avancées – diverses selon les pays et souvent timides – ont été réalisées. Une société civile moins encadrée s’est développée. Les femmes et les jeunes, dont le rôle a été crucial dans ces soulèvements, occupent désormais une plus grande place dans l’espace public, physique comme cyber. Aujourd’hui, les pays les plus stables sont ceux qui ont su entendre les revendications de leurs sociétés.

Mais depuis 2013, la restauration de règles, voire de régimes autoritaires se généralise dans la région, y compris en Tunisie qui semblait pourtant, au moment de la publication du rapport, demeurer une fragile exception. Les organisations formelles de la société civile subissent une reprise en main, l’accès à l’information tout comme la liberté d’expression sont de plus en plus contrôlés, les forces armées et les services de sécurité ont de nouveau une place centrale dans la gouvernance politique de plusieurs pays de la région. Et la pandémie persistante renforce encore ces tendances. Les raisons ayant donné naissance aux soulèvements sont donc toujours là, et s’expriment à nouveau depuis 2019, en Algérie et au Soudan, par exemple.

Pour Mme Anissa Khedher, « le processus de transformation et de libéralisation des sociétés de la région, déclenché il y a dix ans, se poursuit ». Car il est à la fois le signal et la conséquence d’une tendance de fond, celle d’une mondialisation porteuse de changements structurants auxquels ont réagi et réagissent encore les sociétés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

c.   Les défis communs et l’interconnexion des questions de sécurité en Méditerranée analysés lors de deux séminaires conjoints et inscrits à l’ordre du jour de la commission Politique lors de la session plénière annuelle

● Les députées Sonia Krimi et Anissa Khedher et la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam ont participé au séminaire conjoint « Dix ans après les printemps arabes – leçons et implications » organisé en ligne le 18 mars.

Deux sessions ont permis aux participants d’examiner successivement la situation en matière de politique intérieure (avec un focus spécial sur la Tunisie) puis la situation sécuritaire actuelle dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

La première session a mis l’accent sur l’état de désillusion des opinions publiques confrontées à des attentes déçues et à la prise de conscience que les seuls changements politiques ne suffisaient pas à résoudre tous les autres problèmes sous-jacents à l’origine même des soulèvements. Les experts intervenus lors de la seconde session ont également fait preuve de pessimisme sur la situation sécuritaire, notant que les pays occidentaux, confrontés à une certaine lassitude stratégique, privilégiaient dorénavant la simple atténuation des répercussions dans leur propre environnement des tensions fondamentales traversant la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

La députée Sonia Krimi, à la fois présidente du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) et rapporteure de la sous-commission sur les partenariats de la commission Politique (PC), a jugé très pertinente l’analyse des insuffisances du contrat passé entre les sociétés et les pouvoirs publics dans les pays du Golfe, où les libertés privées sont privilégiées au détriment des libertés publiques. Elle s’est interrogée sur les capacités qu’auront, au sortir de la pandémie de covid-19, les pays occidentaux à apporter un soutien économique pourtant absolument nécessaire aux pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord. Elle a aussi rappelé que la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes commis en Syrie était un impératif moral et une condition de la résolution durable de la crise, qui ne peut être que politique.

● Les députés Sonia Krimi et Jean-Luc Reitzer et la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam ont participé au séminaire conjoint GSM/PC co-organisé par l’AP-OTAN et l’Espagne à Barcelone les 19 et 20 novembre. Sonia Krimi, présidente du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient, a rappelé que la stabilité au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans le Sahel était essentielle pour la communauté transatlantique, et que cette dernière n’était pas à l’abri des développements de plus ou moins grande intensité qui affectent son voisinage sud. Giovanni Romani, chef de la Section Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’OTAN, a présenté les différents outils d’engagement de l’Alliance dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord. Les responsables et experts espagnols ont mis l’accent sur les défis partagés liés à l’immigration irrégulière, nourrie par les changements climatiques, démographiques et les conflits. Des séances de discussion spécifiques sur la Tunisie, l’Irak, la Libye et la situation au Sahel, ainsi que le conflit israélo-palestinien, ont permis de nourrir les propositions en matière de dialogue et coopération politiques de l’OTAN avec les pays de la région sur des questions communes, ainsi que la réflexion des membres de l’AP-OTAN sur la contribution que cette dernière s’apprêtait à faire au futur concept stratégique.

● Lors de la session plénière annuelle à Lisbonne, dans la discussion qui a suivi l’exposé de Mme Lucy Kurtzer-Ellenbogen, directrice du Programme sur le conflit israélo-palestinien à l’USIP, le sénateur Gilbert Roger a présenté la résolution demandant la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État qu’il avait récemment contribué à faire adopter au Sénat.

d.   L’avenir de la gestion de crise : Afghanistan et Irak

i.   Les leçons tirées de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan

Le 14 avril dernier, lors d’une réunion conjointe exceptionnelle, les ministres des affaires étrangères et de la défense alliés sont convenus de mettre un terme à deux décennies de présence militaire de l’Alliance en Afghanistan. Le retrait s’est achevé le 30 août 2021.

Alors que l’AP-OTAN fait de l’adaptation de l’OTAN au contexte stratégique et aux nouveaux défis le fil conducteur de ses travaux en 2020 puis 2021, les conditions de la décision puis du retrait lui-même, l’effondrement d’institutions afghanes pourtant aidées tout au long de cet engagement international d’ampleur dans ce pays, le retour des taliban, l’ont incitée à ajouter les enseignements tirés de l’engagement en Afghanistan et l’évolution de la situation dans ce pays à l’ordre du jour de ses travaux. Cet intérêt a pris plusieurs formes.

Deux réunions en ligne du Bureau ont été organisées au cours de l’été. Le 24 juillet, les membres du Bureau ont rencontré des membres de la commission de la défense et de l’intégrité territoriale de la Chambre du peuple (Wolesi Jirga) de l’Afghanistan pour parler de l’aggravation de la situation sécuritaire dans le pays. Les membres du Bureau se sont réunis à nouveau le 24 août pour faire le point sur les dramatiques événements qui se déroulaient alors en Afghanistan. Approuvant le déroulé des opérations d’évacuation menées à cette date par les Alliés, ils ont invité ces derniers à maintenir une pression diplomatique sur les talibans ; ils leur ont par ailleurs demandé de subordonner leur éventuelle reconnaissance des nouvelles autorités afghanes et leur soutien à une promesse claire et vérifiable de ce dernier de respecter les droits, les libertés et la dignité de tout le peuple afghan. Enfin, ils ont salué la décision de l’OTAN de procéder à une évaluation exhaustive de ses vingt années d’engagement en Afghanistan.

Des discussions avec des représentants de l’OTAN lors des deux sessions plénières ont d’ailleurs permis à l’AP-OTAN d’entamer pour son propre compte cette évaluation.  

La commission DSC a ainsi tenu deux séances d’échanges avec John Manza, secrétaire général adjoint pour les opérations : une première lors de la session plénière du printemps – et selon ce dernier, ce retrait se déroulait alors de manière rapide, efficace et conformément aux plans et n’empêcherait pas les Alliés de continuer à financer et à entraîner les forces de sécurité afghanes et à entretenir l’aéroport de Kaboul compte tenu de son importance stratégique – ; puis lors de la session plénière annuelle à Lisbonne, où John Manza a présenté le mécanisme de retour d’expérience décidé par les ministres. De son point de vue, l’une des principales leçons à tirer concerne la transmission et le traitement des rapports rédigés sur le terrain par les généraux aux représentants civils, trop souvent édulcorés avant de parvenir au Conseil de l’Atlantique Nord.

La DSC a entendu également le général de brigade Bogdan Cernat, commandant du centre d’analyse et d’enseignement (JALLC), qui a précisé que trois thèmes faisaient l’objet d’une attention toute particulière dans l’analyse des deux décennies d’engagement des Occidentaux : les opérations militaires proprement dites; l’opération Resolute Support (destinée à entraîner et à conseiller les forces de sécurité afghanes) ; les mesures de lutte contre la corruption et leurs résultats.

Le sous-secrétaire général de l’ONU pour les opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, est également intervenu en plénière.

 Une résolution, « Tirer les enseignements de l’OTAN en Afghanistan », présentée par le sénateur Cédric Perrin, rapporteur général de la commission DSC (cf. infra), a, enfin, été adoptée.

ii.   La situation en Irak analysée par le Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient

L’actualité tant nationale qu’à l’OTAN relative à l’Irak a poussé le Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient à choisir un rapport prospectif sur « l’avenir de l’Irak : sécurité, stabilisation et vocation régionale » en 2021.

Le renforcement de la mission de l’OTAN en Irak, évoqué fin 2019 mais freiné au long de l’année 2020 en raison de la pandémie de covid-19, a été décidé lors de la ministérielle Défense le 18 février 2021. Cela s’est traduit par le transfert à cette dernière d’une partie des activités de formation et de conseil conduites par la Coalition internationale contre Daech, et en corollaire, l’augmentation programmée, de manière graduelle, des effectifs de la mission de 500 à environ 4 000 personnels.

Dans un contexte de tensions régionales accrues puis des élections législatives anticipées, le rapporteur Ahmet Berat Çonkar (Turquie) est tout d’abord revenu sur les nombreux défis que les autorités et la population irakiennes rencontrent sur le plan intérieur. Une situation sécuritaire précaire, de nombreuses difficultés économiques et sociales qui frappent tout particulièrement une jeunesse dont le poids est prépondérant dans la population, l’enjeu encore non résolu du traitement judiciaire des responsables des violences commises visant la société civile par le passé ou plus récemment, tel est le paysage politique dans lequel se sont inscrites les élections législatives des 8 et 10 octobre 2021. Le rapporteur a également analysé le rôle des différents acteurs régionaux ou globaux, et leur influence sur la scène intérieure irakienne.

Lors de la réunion de Barcelone des 19 et 20 novembre 2021, au cours de laquelle le rapport final a été adopté, les membres français du GSM ont souhaité renforcer la prise en compte de la conférence de coopération et de partenariat pour l’Irak du 28 août 2021. En effet, cette conférence, tenue à l’initiative conjointe de l’Irak et de la France, a réuni les principaux voisins de ce pays à un niveau politique significatif. Contribuant à soutenir l’État irakien et à lui permettre de jouer pleinement son rôle d’équilibre régional, ce format inédit, dépassant plusieurs des lignes de faille qui traversent la région, a aussi permis d’engager un dialogue entre les États de la région, dont la stabilité et la sécurité régionales ne peuvent que tirer parti. Aux yeux des membres de la délégation, il est indispensable que l’Irak reste préservé des tensions régionales et que son intégrité territoriale soit respectée.

Enfin, face à une menace terroriste qui n’a pas disparu mais qui s’est transformée, la poursuite de l’action internationale contre Daech, en partenariat avec les autorités irakiennes s’impose pour prévenir le risque de résurgence de cette organisation terroriste.

e.   Le spectre du bioterrorisme ravivé par la pandémie de covid-19

La pandémie en cours depuis près de deux ans a démontré le caractère hautement disruptif des agents biologiques. Elle éclaire ainsi la nécessité de mieux se préparer à l’hypothèse de l’emploi d’armes biologiques, ce que propose notamment d’étudier le rapport de la sous-commission sur les tendances de la sécurité de la commission des Sciences et des technologies (STC).

Dans ce cadre, Leona Alleslev (Canada) puis à sa suite Sven Clement (Luxembourg) consacrent un développement au risque d’un intérêt renouvelé des groupes terroristes pour ces types d’attaques, aux moyens qu’auraient ces derniers d’accéder aux connaissances et aux équipements ayant trait aux armes biologiques, et enfin aux mesures et dispositifs mis en place pour les contrecarrer. À cet égard, une préparation efficace passera nécessairement par le renforcement de l’unique instrument quasi-universel à disposition de la communauté internationale pour traiter du risque et de la menace biologiques provoqués, la Convention sur l’interdiction des armes biologiques et à toxines (CIABT). Mais l’OTAN a également un grand rôle à jouer pour renforcer la défense biologique des pays membres de l’Alliance.

La délégation française s’est particulièrement intéressée à ce sujet en inscrivant ce point à l’ordre du jour de la visite   –  virtuelle en raison des contraintes liées à la pandémie de covid-19 – qu’elle a organisée le 2 juillet pour la commission STC. Comme l’a montré l’audition de l’Ambassadeur français auprès de la Conférence du désarmement dans ce cadre, la question biologique constitue un enjeu de sécurité humaine à l’échelle globale pour lequel la CIABT, avec ses 183 États parties, est compétente pour en traiter tant l’aspect sécuritaire que l’aspect industriel et innovant. Outre une clause d’assistance en cas d’attaque, l’une des forces de la Convention est de réunir chaque année des réunions d’experts techniques et scientifiques sur chacun des grands piliers sectoriels. Ces réunions permettent des présentations et des échanges de haut niveau entre les meilleurs experts biologiques de la planète dont les discussions viennent ensuite éclairer et nourrir les délibérations des États. À ce titre, la France porte depuis plusieurs années maintenant une proposition de création d’une Plateforme d’échange pour les exercices de transparence volontaire. Ces exercices permettent de rendre, sur une base volontaire, transparentes les mises en œuvre nationales des dispositions de la Convention. Cette transparence permet à la fois de construire la confiance entre les États parties sur leurs activités respectives, et de diffuser les bonnes pratiques et partager l’information.

4.   La réponse à apporter aux défis soulevés par l’influence croissante de la Chine

Un seul rapport – contre trois en 2020 – a été nominalement dédié aux défis soulevés par l’influence croissante de la Chine, celui de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense de la commission de la Défense et de la sécurité. Mais ce thème a également été abordé au fil de plusieurs rapports, directement sous l’angle de l’apport potentiel des partenaires asiatiques, mais aussi dans le cadre de l’enjeu global de la résilience démocratique.

a.   La posture de défense de la Chine : les moyens qu’a l’OTAN d’y faire face vus par la commission de la Défense et de la sécurité

Centré sur le cœur de métier militaire de l’Alliance, et de nature à accroître la compréhension commune entre Alliés de la portée stratégique de l’émergence de la Chine, le rapport de Lara Martinho (Portugal) pour la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense de la commission DSC, analyse l’évolution de la posture de défense de la Chine et les moyens qu’a l’OTAN d’y répondre.

Outre une présentation détaillée de la modernisation en cours de ses forces armées par ce pays, y compris sur l’aspect nucléaire, la rapporteure met en garde contre l’intensification de la coopération russo-chinoise, d’une part, et l’imbrication croissante des intérêts civils et militaires chinois, d’autre part. De son point de vue, les ambitions militaires déclarées de la Chine risquent dans un avenir plus ou moins rapproché de se heurter aux intérêts des Alliés dans trois domaines transversaux clés, les espaces maritime, spatial et cyber, avec en particulier deux arènes de compétition stratégique : les normes relatives à la liberté de navigation en haute mer et l’accès aux réseaux de communication par satellite sécurisés dans l’espace et dans le cyberespace.

L’Alliance a un rôle à jouer dans la sensibilisation de ses membres et leur meilleure compréhension – afin de faire passer à la Chine des messages constructifs et convergents –. Tout en jugeant pertinent de suivre l’évolution de la posture chinoise dans les domaines stratégiques qui peuvent affecter la sécurité alliée, la délégation française s’est toutefois montrée attentive à ce que l’équilibre dans l’approche trouvée jusqu’à présent perdure. En dépit d’un durcissement des termes relatifs à la Chine dans le communiqué du Sommet du 14 juin 2021, la Chine n’est pas caractérisée par l’Alliance comme une menace, et l’Alliance doit rester attentive aux opportunités. La Chine est un rival systémique, mais également un concurrent économique et un partenaire essentiel pour résoudre certains défis mondiaux, à l’instar du dérèglement climatique.

Nombre de défis posés par la Chine peuvent être relever en recourant à une approche multifocale fondée sur les valeurs du respect de la règle de droit et du multilatéralisme. Le rôle des partenaires asiatiques a plus spécifiquement été mis en valeur par la commission Sciences et technologies (cf. infra). D’autres acteurs ont des capacités à faire valoir, mieux à même d’aboutir à l’effet escompté. Ainsi, en matière de vulnérabilités économiques et technologiques, l’Union européenne s’est dotée de dispositifs d’analyse et de contrôle efficaces dont la duplication ne serait pas synonyme d’efficacité renforcée, bien au contraire. Dans la discussion engagée autour du caractère de comportement économique coercitif, ou non, de la part de la Chine dans le cas du rachat du port grec du Pirée, le sénateur Cédric Perrin a rappelé l’analyse fouillée récemment faite par le Sénat français du contexte dans lequel a été mené le rachat de cette infrastructure critique.

b.   Renforcer la coopération scientifique et technologiques avec les partenaires asiatiques, une voie pertinente pour la commission des Sciences et des technologies

Pour la rapporteure générale de la commission des Sciences et des technologies (STC), Nusrat Ghani (Royaume-Uni), deux raisons principales expliquent les transformations du paysage international de la sécurité : l’émergence de nouvelles technologies perturbatrices et une Chine de plus en plus agressive. Il est donc logique à ses yeux que l’OTAN cherche à relever ces deux défis aux côtés de ses partenaires asiatiques, le Japon et la République de Corée, ainsi qu’avec Singapour.  Ces trois pays occupent en effet les premières places dans plusieurs secteurs technologiques stratégiques.

Le Japon se distingue tout particulièrement en matière de robotique, de systèmes autonomes et de conception et utilisation de l’intelligence artificielle. Il est leader en matière spatiale et se distingue enfin par ses capacités en matière de recherche sur les nouveaux matériaux. Cela se traduit, pour le secteur de la défense, par des avancées notables dans trois domaines essentiels pour les capacités militaires futures : les systèmes totalement autonomes, un projet d’avion totalement furtif, et le développement d’une capacité d’arme hypersonique. La République de Corée possède des compétences exceptionnelles dans plusieurs segments du secteur des semi-conducteurs, ce qui lui confère également un avantage comparatif dans l’intelligence artificielle. Et elle appuie son avance dans le secteur émergent des systèmes autonomes sur sa domination du marché mondial des technologies de l’information et de la communication et de la 5G. Quant à Singapour, c’est en particulier son plan de « nation intelligente » y compris sur le plan militaire, avec par exemple ses recherches sur l’automatisation des armes, la réduction de la charge de travail pour les opérateurs des capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ou encore l’utilisation générale de la technologie pour améliorer les performances individuelles des soldats, qui ont retenu l’attention de la rapporteure.

Tirant les leçons des partenariats scientifiques et technologiques en cours – et déjà récemment renforcé en ce qui concerne le Japon, qui s’est vu décerné le statut d’EOP (« Enhanced Opportunities Partnership », ou opportunités de coopération renforcée) au début de l’année 2021 par le Comité OTAN pour la science et la technologie (STB) – la rapporteure générale souligne que « la coopération scientifique et technologique est un volet significatif mais trop peu exploité » des relations de l’OTAN avec ses partenaires asiatiques. Elle identifie trois axes d’action : primo, convier d’autres pays à devenir partenaire EOP, afin de mieux identifier les tendances technologiques et étoffer les réseaux de scientifiques – avec une attention particulière pour les jeunes et les femmes scientifiques, sous la forme de mentorat ; deuxio, cibler tout particulièrement le domaine cyber, les technologies maritimes, ainsi les dimensions éthiques et sécuritaires de l’utilisation de la technologie ; tertio, organiser un dialogue scientifique et politique structuré sur la politique à mener concernant les technologies de rupture et émergentes, sous l’angle à la fois de la défense et de l’économie, afin notamment de peser sur les normes mondiales relatives à l’espace et au domaine cyber.

5.   Trois défis transversaux

a.   La résilience des sociétés démocratiques alliées et partenaires au cœur des travaux de l’AP-OTAN en 2021

Priorité affirmée du Président de l’AP-OTAN, Gerald E. Connolly (États-Unis), la résilience des sociétés démocratiques alliées et partenaires a fait l’objet de développements dans la quasi-totalité des travaux de l’Assemblée en 2021. Trois d’entre eux ont été toutefois spécifiquement consacrés à cette question.

● La commission sur la Démocratie et la sécurité – ainsi rebaptisée lors de la session de printemps en ligne, en lieu et place de « commission pour la dimension civile de la sécurité », la sous-commission sur la gouvernance démocratique devenant pour sa part la sous-commission sur la résilience et la sécurité civile ­– a examiné cette question dans ses trois rapports. Outre le rapport présenté par la députée Anissa Khedher pour ladite sous-commission sur les espoirs et désillusions démocratiques une décennie après les soulèvements arabes (cf. supra), le rapport général et le rapport spécial ont spécifiquement abordé la question du nécessaire renforcement de la résilience des sociétés alliées et de l’Alliance elle-même.

Pour la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteure générale, renforcer la résilience des sociétés civiles par la préparation du secteur civil et une étroite coopération entre les acteurs civils ainsi qu’entre les secteurs civil et militaire est une des principales leçons à tirer de la pandémie de covid-19 et des évolutions drastiques en cours dans l’environnement de sécurité des pays de l’Alliance. En juin 2021, les Alliés ont d’ailleurs renouvelé et consolidé l’engagement du Sommet de Varsovie en faveur d’une meilleure résilience. Et la Roumanie a pris l’initiative en mai 2021 de créer un centre euro-atlantique d’excellence pour la résilience. Le rapport général présente ainsi les sept exigences de base, les mécanismes d’évaluation ainsi que les structures et les exercices au service de la résilience pansociétale mis en place par l’OTAN. La rapporteure générale insiste par ailleurs sur le caractère nécessairement partenarial de l’approche à suivre, et sur l’importance dans ce cadre de la coopération en premier lieu avec l’Union européenne. Quatre études de cas (résilience aux cyber menaces en Estonie, approche pansociétale en Finlande, défense totale en Suède et résilience dans le domaine des catastrophes naturelles au Japon) complètent cette présentation. La rapporteure générale tire de ces différentes analyses quatorze recommandations afin de renforcer la capacité de l’Alliance et des Alliés à faire face aux risques, de plus en plus nombreux, ayant un impact sur l’ensemble des sociétés alliées.

Quant au rapport spécial de Linda Sanchez (États-Unis), il est consacré à la question spécifique de la résilience démocratique de l’Alliance face à la désinformation et à la propagande, dans le double contexte de la pandémie de covid-19 – durant laquelle ont été clairement vus à l’œuvre les différents acteurs, étatiques ou non, les différentes méthodes et vecteurs ainsi que les conséquences que tous ensemble ils pouvaient avoir sur la sécurité et la sûreté des populations – et de l’attaque du 6 janvier 2021 du Capitole des États-Unis à Washington D.C.  Soulignant le rôle de la Russie et de la Chine, mais aussi des autres États autoritaires, et des groupes non étatiques, le rapport pointe le rôle crucial joué par les citoyens et la société civile, qui sont à la fois les principaux vecteurs de propagande et de désinformation, mais aussi la première ligne de défense. À ce titre, les efforts à fournir sont donc en priorité nationaux, compte tenu de la complexité des actions à mener face aux efforts de propagande et de désinformation et de la nécessité d’être au plus près des opinions publiques pour être efficace. Mais ces efforts ne peuvent réussir que dans l’union et la coopération pour défendre les valeurs et le socle démocratiques qui fondent l’Alliance. Une meilleure coordination avec d’autres partenaires faisant face à la même menace, au sein de l’espace euro-atlantique, dans son voisinage, voire au-delà, se ferait au bénéfice tant de l’Alliance que des pays concernés.

Pleinement consciente de cet enjeu, la France a annoncé à la mi-2021 la création d’un service national technique et opérationnel de l’État chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères, dit Viginum. Opérationnel depuis la fin de l’année, ce service a pour mission de préserver le débat public des manipulations de l’information provenant de l’étranger sur les plateformes numériques. Ses équipes rassemblent des analystes, des experts en réseaux sociaux, des spécialistes des médias, des « data scientists », des chercheurs en sciences humaines et sociales, etc.

● Une des lignes directrices majeures de l’Assemblée dans sa contribution en 2020 à la réflexion prospective sur l’avenir de l’Alliance est un retour de l’OTAN à la défense et la mise en valeur de son socle démocratique commun. Dans ce cadre, la commission permanente a mis en place un groupe de travail chargé d’affiner la proposition adoptée fin 2020 par l’Assemblée de centre de coordination pour la résilience démocratique au sein de l’OTAN. Ce groupe de travail a tenu une audition en ligne le 2 juin, et le Président Connolly a mis cette question au cœur des différents échanges tenus tout au long de l’année écoulée avec les représentants de l’Alliance et des Alliés rencontrées.

● Enfin, la visite de la commission sur la Démocratie et la sécurité, tenue en ligne le 22 avril à l’invitation de la délégation estonienne, a permis aux participants de tirer parti de l’expérience de l’Estonie, leader mondial en matière de renforcement de la résilience face à la désinformation et de résistance face aux cyberattaques. La députée Anissa Khedher, pour la délégation française, s’est plus particulièrement intéressée aux efforts conduits par l’Estonie pour, d’une part, renforcer les compétences en matière d’éducation aux médias dès le plus jeune âge et, d’autre part, sensibiliser ses citoyens aux vulnérabilités potentielles et les rendre ainsi plus résistants à ces attaques.

b.   Des perceptions de plus en plus divergentes de l’environnement de sécurité international rendent l’avenir de l’architecture de maîtrise des armements plus incertain pour la commission de la Défense et la sécurité

Si février 2021 a vu la prolongation in extremis pour cinq ans du traité New Start, dernier accord de maîtrise des armements nucléaires encore en vigueur entre les États-Unis et la Russie, la maîtrise des armements, pourtant pilier essentiel de la sécurité alliée, est aujourd’hui mise gravement à l’épreuve. Cette extension offre, pour le sénateur Cédric Perrin, rapporteur général de la commission DSC, l’opportunité unique de refonder l’architecture de maîtrise des armements, de sorte que celle-ci puisse faire face à un environnement sécuritaire international en évolution rapide et de plus en plus volatil. Cette opportunité ne doit pas être manquée.

Après un rappel des enseignements tirés des différentes phases ayant scandé l’architecture de maitrise des armements, et le constat d’une érosion constante enfin stoppée en 2021 avec, d’une part, l’extension de New Start précitée et, d’autre part, l’ouverture d’un cycle de pourparlers américano-russes à l’été, le sénateur Cédric Perrin identifie trois facteurs de fragilisation de l’architecture internationale de maîtrise des armements : le contournement, pour la Russie, et le peu d’appétence, pour la Chine, envers un système d’obligations internationales et le développement par ces deux États nucléaires de nouveaux armements hors procédure de transparence et de vérification ; l’aggravation du risque de prolifération, sans précédent depuis l’entrée en vigueur du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, avec la réaffirmation sans ambiguïté de leurs capacités (Corée du Nord) et de leurs aspirations (Iran) et l’apparition potentielle de nouveaux acteurs malveillants ;  la révolution des technologies émergentes et de rupture (TE/TR) qui sapent les fondements même de la dissuasion nucléaire.

Le communiqué du Sommet du 14 juin de l’OTAN à Bruxelles l’a clairement rappelé : « l’objectif des Alliés est de continuer de renforcer la dissuasion en tant qu’élément central de notre défense collective et de contribuer à la sécurité, indivisible, de l’Alliance. Aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire ». Les pays membres de l’OTAN continueront donc à garantir la sûreté, la sécurité, et l’efficacité des systèmes actuels, en modernisant leurs forces et en coordonnant leurs positions et leurs approches sur les enjeux de maîtrise des armements, de non-prolifération et de désarmement, afin d’appuyer fermement le principe de traités solides et reflétant l’environnement stratégique dans lequel évolue l’Alliance. Le rapporteur général identifie à cette fin neuf pistes d’action dont il recommande l’appropriation par les parlementaires des pays de l’OTAN.

c.   L’espace extra-atmosphérique, nouveau domaine de confrontation

Officiellement désigné cinquième domaine opérationnel de l’OTAN en 2019, l’espace extra-atmosphérique a fait l’objet en 2021 d’un rapport spécial de la commission des Sciences et des technologies.  

Secteur essentiel pour la sécurité et les économies des pays de l’Alliance, l’espace extra-atmosphérique est devenu en dix ans le lieu d’une compétition stratégique, économique et industrielle encore accélérée par les innovations de rupture technologique. En conséquence, c’est aujourd’hui un milieu où s’accroissent les risques et les menaces. Le rapporteur Karl Heinz Brunner (Allemagne) constate ainsi que l’infrastructure spatiale actuelle des Alliés est potentiellement exposée et qu’une éventuelle attaque pourrait venir perturber leur propre accès à l’Espace. La Russie et la Chine ont en effet largement développé ces dernières années des technologies de déni d’accès. Pleinement conscients de ce risque, plusieurs Alliés ont entrepris d’adapter leurs armées en se dotant de commandements de l’Espace ou en créant de nouveaux corps militaires.

L’Alliance, dans son communiqué du Sommet de Bruxelles du 14 juin, est explicite sur les enjeux spatiaux auxquels l’OTAN fait face, et notamment la question de l’application de l’Article 5. L’organisation a également décidé en 2021 la création d’un centre spatial basé à Ramstein (Allemagne) et salué l’implantation d’un centre d’excellence OTAN pour l’espace (CEO) à Toulouse (France).

Les délégations allemande et française auprès de l’AP-OTAN ont pour leur part organisé au premier semestre deux visites virtuelles de la commission STC autour du thème de l’espace. La première a été conduite par le député Philippe Michel-Kleisbauer, qui a également accueilli la seconde.

La première visite virtuelle, le 31 mars, a consisté en deux entretiens avec des experts allemands, Andrea Rotter, présidente de la division des affaires étrangères et sécuritaires à la Fondation Hanns Seidel, et Matthias Wachter, directeur du service Sécurité, matières premières et espace de la Fédération allemande de l’industrie. La première a insisté sur le bénéfice qu’aurait pour l’Alliance une conception commune des menaces liées au domaine spatial et une doctrine globale. Le second a mis l’accent sur le besoin de normes internationales définissant un comportement dans l’espace responsable. En effet, plusieurs pays ont édicté des législations nationales protégeant à leur profit le droit d’exploiter des matières premières et le développement des activités privées de télécommunications engendre une production de débris potentiels qui représente une réelle menace pour les satellites civils et militaire. L’encadrement des comportements susceptibles d’avoir un impact sur la sécurité des personnes et des biens apparaît donc essentiel en complément du traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 dont les grands principes demeurent valables et les effets stabilisateurs ne doivent pas être sous-estimés.

Puis le 2 juillet, les parlementaires ont entendu le général de division Michel Friedling, à la tête du commandement spatial français, et Isabelle Sourbès-Verger, géographe et chargée de recherche au CNRS, exposer les défis auxquels les Alliés de l’OTAN sont confrontés dans l’espace, et, pour le premier, la stratégie spatiale française publiée en 2019 et ses déclinaisons depuis lors. La feuille de route de cette stratégie est en effet articulée autour de quatre axes : une nouvelle doctrine, une nouvelle ambition capacitaire, une nouvelle organisation de l’espace militaire, le développement d’une expertise spatiale. Le centre d’excellence spatial de Toulouse sera d’ailleurs la cheville ouvrière pour la formation et l’entraînement des experts spatiaux mais également pour les travaux de doctrine, d’expérimentation et de retour d’expérience.

D.   SEPT rÉsolutions qui rÉsument les principales prÉoccupations des Parlementaires

Sept résolutions (ou recommandations de politique générale) ont été adoptées en 2021 par l’Assemblée à l’intention des gouvernements et des parlements des pays alliés. Elles portent sur divers aspects du prochain concept stratégique et, plus largement, sur le processus de modernisation « OTAN 2030 ».

Elles sont consultables sur le site de l’AP-OTAN, à l’adresse suivante : https://www.nato-pa.int/fr/document/2021-recommandations-de-politique-generale-de-lap-OTAN-156-sesa-21-f

1.   Commission sur la Démocratie et la sécurité : développer une approche pansociétale, intégrée et coordonnée de la résilience pour les démocraties alliées (résolution 466)

Adoptée dans le double contexte de la pandémie de covid-19 et de la mise en cause des valeurs démocratiques par des régimes autoritaires de plus en plus assertifs, la résolution présentée par la commission sur la Démocratie et la sécurité invite les gouvernements et parlements alliés à placer le développement de la résilience, y compris démocratique, au cœur du futur concept stratégique et de ses déclinaisons.

Outre l’appel à la création d’un centre pour la résilience démocratique au sein de l’OTAN pouvant soutenir les Alliés dans le renforcement de leurs systèmes et institutions démocratiques, elle met l’accent sur la bonne mise en œuvre, le renforcement et l’élargissement des exigences de base de l’OTAN en matière de résilience, ainsi que sur une meilleure coordination des acteurs des acteurs civil et militaire et une action d’information et d’éduction en direction des acteurs du secteur civil, et notamment des populations.

2.   Commission de la Défense et de la sécurité : soutenir l’engagement de l’OTAN vers une défense et dissuasion renforcée à l’horizon 2030 (résolution 467) et tirer les enseignements de l’engagement de l’OTAN en Afghanistan (résolution 468)

● Dans un environnement international de sécurité de plus en plus complexe et porteur de risques pour les Alliés, ces derniers doivent poursuivre leur action fondée sur les grandes mesures décrétées lors du Sommet de Newport (Pays de Galles) en 2014. La résolution 467 formule onze recommandations à cet effet, en mettant au premier plan la réaffirmation de la mission, principale, de défense collective de l’Alliance, et la nécessité d’accorder les moyens aux ambitions affichées, notamment en mettant en œuvre effectivement les décisions prises lors du Sommet de Bruxelles de juin 2021 et en tenant les engagements financiers et de capacités pris en 2014.

Face à une Russie qui reste une menace pour la sécurité alliée, et une Chine de plus en plus assertive envers les valeurs et les intérêts de l’Alliance, il importe que l’Alliance demeure engagée vis-à-vis de la première dans la double approche d’une dissuasion crédible et dynamique et d’un dialogue constructif lorsque cela est possible, et que les Alliés œuvrent ensemble à l’élaboration d’une stratégie transatlantique globale et conjointe à l’égard de la seconde, à la fois ouverte aux opportunités mais aussi vigilante quant aux défis que l’essor de la Chine pourrait poser pour la sécurité transatlantique et l’ordre international fondé sur les règles.

● Le retrait précipité d’Afghanistan a ouvert une phase d’analyse et de retour d’expérience et cette résolution 468 se veut être la première contribution de l’AP-OTAN à ce processus d’évaluation approfondie, lucide et exhaustive des vingt années de présence de l’Alliance en Afghanistan. Outre un appel aux gouvernements et parlements alliés à continuer d’exercer la pression nécessaire pour contraindre les nouvelles autorités afghanes à respecter toutes leurs obligations internationales, cette résolution rappelle l’enjeu majeur que continue d’être pour l’Alliance la question du terrorisme, notamment en raison des potentielles interactions avec des groupes fondamentalistes dans la région méditerranéenne.

3.   Commission de l’Économie et de la sécurité : dépenses de défense et développement des capacités de l’Alliance (résolution 469)

La principale recommandation de la résolution 469 concerne la nécessité de respecter les engagements pris collectivement par les Alliés en matière d’investissements de défense en 2014 lors du Sommet de Newport (Pays de Galles) et réitérés lors du Sommet de Bruxelles en juin 2021.

La résolution 469 insiste également sur une triple nécessité : utiliser plus efficacement les ressources allouées à la défense, notamment grâce à l’innovation et la coopération ; renforcer la base industrielle de défense grâce au maintien des budgets d’acquisition et d’investissement et la promotion de sa consolidation ; compléter la jauge des 2 % avec des indices de mesure supplémentaires.

4.   Commission Politique : maintenir l’attention de l’OTAN sur le défi russe (résolution 470) et réaffirmer la cohésion transatlantique et appliquer les décisions du sommet de l’OTAN à Bruxelles en 2021 (résolution 471)

● La résolution 470 réaffirme que, en dépit d’un environnement stratégique mondial devenu plus complexe, la menace principale pour la sécurité euro-atlantique demeure la Russie, compte tenu du caractère multiforme de ses actions agressives et de l’étendue du champ géographique dans lequel elle opère.

La double approche de l’OTAN à l’égard de la Russie demeure valable mais la résolution met prioritairement l’accent sur la dimension de défense et dissuasion, en insistant sur le soutien à apporter aux Alliés en première ligne ainsi qu’aux partenaires, au premier rang desquels l’Ukraine et la Géorgie.

Elle souligne enfin la nécessiter d’agir dans les champs de l’économie et des valeurs, en distinguant le régime de la population russes.

● La résolution 470 est centrée sur les attentes de l’AP-OTAN quant au contenu du futur concept stratégique. Elle se décline en six axes principaux : identifier des moyens pratiques qui permettront à l’OTAN de promouvoir et de défendre les valeurs démocratiques communes ; élargir les consultations politiques au sein de l’OTAN ; moderniser la structure des forces de l’OTAN, veiller au respect des engagements en matière de dépenses de défense et investir pour conserver l’avance technologique de l’Alliance ; continuer de renforcer le partenariat stratégique avec l’Union européenne ; faire preuve de cohérence dans l’approche envers la Russie et la Chine et s’opposer aux tentatives de déstabilisation de l’ordre international fondé sur des règles ; mener une politique de partenariat ambitieuse, s’engager davantage avec les pays démocratiques dans la région indo-pacifique et renforcer le soutien à l’Ukraine, à la Géorgie et à la Bosnie-Herzégovine.

5.   Commission des Sciences et des technologies : relancer la maitrise des armements dans un environnement stratégique changeant (résolution 472)

Insistant en premier lieu sur l’importance de la dimension nucléaire de l’Alliance, la résolution 472 rappelle les avantages, les objectifs et l’utilité de la maîtrise internationale des armements. Elle invite à continuer à faire pression sur la Russie pour qu’elle respecte ses engagements et ses obligations internationales, ainsi qu’à encourager la Chine à y prendre part. Elle juge nécessaire d’étendre les discussions aux technologies émergentes et de rupture et à l’espace extra-atmosphérique, ainsi que de renforcer le cadre réglementaire international de la défense biologique.

Enfin, elle promeut le recours à l’OTAN pour y tenir des débats approfondis et des consultations étroites sur les efforts internationaux de maîtrise des armements entre les trente États membres, et invite à mieux sensibiliser les parlements nationaux et l’opinion publique sur l’ensemble de ces questions.

 

 


 

   annexe

 

 


—  1  —

   COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE, MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES
ET ACTIVITÉS DE L’AP-OTAN EN 2021

 

A.   COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET MANDATS EXERCÉS PAR SES MEMBRES

Commission permanente

M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER, Président de la délégation de l’Assemblée nationale

Commission sur la dimension civile de la sécurité ([44])

Mme Anissa KHEDHER ([45])

M. Jérôme LAMBERT

Commission de la défense et de la sécurité ([46])

M. Jean-Jacques BRIDEY

M. Jean-Charles LARSONNEUR ([47])

Commission politique ([48])

Mme Marianne DUBOIS

Mme Françoise DUMAS

Mme Sonia KRIMI ([49])

Commission de l’économie et de la sécurité ([50])

Mme Patricia MIRALLÈS

M. Jean-Luc REITZER ([51])

Commission des sciences et des technologies

M. Jean-Christophe LAGARDE

M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER ([52])

Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient

Mme Françoise DUMAS

Mme Sonia KRIMI ([53])

M. Jean-Luc REITZER

B.   ACTIVITÉS DE L’AP-OTAN EN 2021

 

Janvier

11 En ligne Réunion du Bureau

14 En ligne Programme d’information sur l’OTAN

 

Février

3  En ligne Forum parlementaire transatlantique – 1ère partie  

8  En ligne Réunion conjointe UNIC et PC

9-10 En ligne Réunion OCDE, conjointe ESC et PC

19 En ligne Réunion des secrétaires de délégation

26 En ligne Réunion du Bureau

 

Mars

1er – 2 En ligne Réunion conjointe de commissions (DSC, ESC,                             PC et bureaux des CDS et STC)

18 En ligne Webinaire conjoint (GSM, PCNP et CDSRCS) sur « Dix ans après les printemps arabes – leçons et implications »

25 En ligne Réunion du Bureau

24 En ligne Réunion des secrétaires de délégation

26 En ligne Forum parlementaire transatlantique – 2ème partie 

29 En ligne Réunion de la commission permanente

31 En ligne – Allemagne Visite de la STCTTS

 

Avril

9 En ligne  Réunion GNIC

12-13 En ligne – Pologne Visite conjointe ESCTD et PCNP

22  En ligne – Estonie Visite de la CDS

27 En ligne Réunion de lancement – Groupe de soutien informel pour la Plateforme pour la Crimée

 

 

 

Mai

10 En ligne Réunion des secrétaires de délégation

12 En ligne Réunion du Bureau

14-17 En ligne - Suède Session de printemps

 

Juin

2 En ligne Audition – Groupe de travail sur la proposition de création d’un centre sur la résilience démocratique

24 En ligne Réunion du GSM

25 En ligne Webinaire sur le Sommet de l’OTAN 2021 et la visite du Président Biden en Europe

28  En ligne Webinaire Rose-Roth sur le Caucase du sud

 

Juillet

2 En ligne - France Visite de la STC

28 En ligne Réunion avec des membres de la Wolesi Jirga d’Afghanistan

 

Août

24 En ligne Réunion du Bureau

 

Octobre

7- 11 Lisbonne, Portugal  67ème session annuelle

25 - 29 Washington D.C./New York    Visite conjointe CDSRCS et ESCTER

 États-Unis  

26- 27 Odessa, Ukraine  Réunion conjointe UNIC et PCNP

 

Novembre

8-9 Vilnius, Lituanie Visite conjointe ESCTER et PCTR

15-17 Belgrade, Serbie Séminaire Rose-Roth

19-20 Barcelone, Espagne Visite conjointe GSM et PCNP

22-26 Oslo, Kirkenes et Tromsø Visite conjointe DSCTC et STCTTS

 Norvège

29-1er  Washington D.C, États-Unis Forum parlementaire transatlantique

 

Décembre

13 En ligne Programme de formation parlementaire pour la délégation de Moldavie

16 En ligne Réunion entre le Bureau et la délégation ukrainienne


([1]) Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, audition à huis clos du général d’armée François Lecointre, chef d’état-major des armées, sur l’adaptation de la LPM 2019-2025 aux enjeux stratégiques, 2 juin 2021.

([2]) Propos du général de corps d’armée aérienne Luc de Rancourt, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale lors de son audition à huis-clos sur le projet de loi de finances pour 2022, 13 octobre 2021.

([3])  Rapport d'information (n° 4316) sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l'après Chammal présenté par Mme Françoise Dumas, présidente, et MM.  Philippe Meyer et Gwendal Rouillard, rapporteurs (6 juillet 2021) ; rapport d'information (n° 5052) sur les enjeux de défense en Méditerranée présenté par MM. Jean-Jacques Ferrara et Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteurs (17 février 2022) ; rapport d'information (n° 5053) sur les enjeux de la défense en Indopacifique présenté par Mme Françoise Dumas, présidente, M. Charles de la Verpillière, vice-président, et Mmes Monica Michel-Brassart et Laurence Trastour-Isnart, rapporteures (17 février 2022) ; rapport d'information (n° 5054) sur la préparation à la haute intensité présenté par Mme Patricia Mirallès et M. Jean-Louis Thiériot  (17 février 2022) ;  rapport d'information  (n° 5112) sur la défense NRBC présenté par Mme Carole Bureau-Bonnard et M. André Chassaigne, rapporteurs (23 février 2022) ; rapport d'information  (n° 5113) sur les enjeux géopolitiques et de défense en Europe de l'Est présenté par MM. Jean-Charles Larsonneur et Charles de la Verpillière, rapporteurs (23 février 2022).

([4])  Vladimir Poutine et Joe Biden ont essayé d’aplanir leurs désaccords lors de leur première rencontre, Le Monde avec AP, AFP et Reuters, 16 juin 2021.

([5])  Guerres invisibles, nos prochains défis géopolitiques, Thomas Gomart,2021.

([6])  L'Arctique attise les tensions entre Russie et États-Unis, Benjamin Quénelle, Les Échos, 19 mai 2021.

([7])  Les deux SNLE (sous-marin à propulsion nucléaire lanceurs d’engins) permettent à la Russie de réaffirmer la capacité de dissuasion par l’arme nucléaire, tandis que le troisième sous-marin, spécialisé en « plongées profondes », en liaison avec la Société de géographie russe, réaffirme les revendications russes de souveraineté sur le plateau continental arctique, objet de contentieux avec d’autres pays riverains.

([8])  L'Arctique attise les tensions entre Russie et États-Unis, Benjamin Quénelle, Les Échos, 19 mai 2021.

([9])  Washington a décidé de faire de l’attribution des cyberattaques un des piliers de sa politique envers la Russie et de la Chine. Ce choix se traduit par la désignation de plus en plus directe des auteurs présumés des attaques contre les intérêts des États-Unis.

([10])  Vladimir Poutine et Joe Biden ont essayé d’aplanir leurs désaccords lors de leur première rencontre, Le Monde avec AP, AFP et Reuters, 16 juin 2021.

([11])  « Les campagnes russes de désinformation sont pensées pour cibler les points faibles dans chaque société », Stéphanie Le Bars et Isabelle Mandraud, Le Monde, 9 février 2022.

([12])  Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, audition à huis clos de l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2022, 13 octobre 2021.

([13])  Le navire espion russe Yantar repéré près de deux câbles de télécommunications au large de l’Irlande, opex360, 20 août 2021.

([14])  Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, audition à huis clos de M. l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine sur l’actualisation de la LPM 2019-2025, 16 juin 2021.

([15])  La Russie reconnaît avoir détruit un satellite avec un missile, Le Monde avec AFP, 15 novembre 2021.

([16])  OTAN, conférence de presse par le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, à l'issue de la réunion du Conseil OTAN-Russie, 12 janvier 2022.

([17])  Intervention de M. Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France auprès des Nations unies, au Conseil de sécurité, 24 février 2022.

([18])  Déclaration des dirigeants du G7 sur l'invasion de l'Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie

([19])  Entretien de M. Emmanuel Macron, Président de la République, avec le centre de réflexion américain Atlantic Council, 4 février 2021.

([20])  Rapport d'information (n°5052) sur les enjeux de défense en Méditerranée, présenté par MM. Jean-Jacques Ferrara et Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteurs, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale (17 février 2022).

([21])  Captures de Dadi Ould Chaib, chef de groupe  de l’EIGS, plus connu sous le nom d'Abou Dardar, et de Sidi Ahmed Ould Mohammed alias Khattab al-Mauritani, ainsi que neutralisation de Almahmoud ag Baye alias Ikaray, important cadre de l'EIGS, en juin ; neutralisation de Issa al-Sahraoui, coordinateur logistique et financier de l'EIGS, et véritable chef de l'EIGS au Mali, et de Abou Abderahmane al-Sahraoui, second cadre de l'EIGS chargé de prononcer des jugements, en juillet ; neutralisation de Adnan Abou Walid al-Sahraoui, émir de l'EIGS, en août ; neutralisation de Soumana Boura, chef de groupe de EIGS, en décembre 2021. Début février, la force Barkhane a conduit une opération visant un groupe affilié à l'organisation Ansarul Islam, qui avait conduit de nombreuses attaques contre les populations civiles de la région de Ouahigouya et contre les forces burkinabaises (attaque d'Inata le 14 novembre 2021 au cours de laquelle 53 gendarmes burkinabè ont été tués, puis au moins 5 autres attaques contre les forces de défense et de sécurité, qui ont causé plus d'une dizaine de tués et plus d'une vingtaine de blessés. Il a aussi été impliqué dans l'attaque d'un convoi de commerçants à Titao le 21 janvier 2022, au cours de laquelle deux soldats burkinabè ont été tués). Source : Ministère des Armées.

([22])  La démocratie américaine est-elle fragilisée ? François d’Alançon et Imane Lyafori, La Croix, 7 novembre 2020.

([23])  Rapport sur les opérations d’influence chinoises, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Paul Charon, Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), septembre 2021 ; rapport d'information (n° 846, 2020-2021) sur la contribution attendue de la France au réveil européen dans un 21ème siècle chinois, présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, par M. Pascal Allizard, Mme Gisèle Jourda,, MM. Édouard Courtial, André Gattolin et Jean-Noël Guérini ; rapport d'information  (n° 5041) sur l'espace indopacifique : enjeux et stratégie pour la France, présenté, au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par Mme Aude Amadou et M. Michel Herbillon ;  rapport d'information (n° 5053) sur les enjeux de la défense en Indopacifique, présenté, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, par Mme Françoise Dumas, présidente, M. Charles de la Verpillière, vice-président, et Mmes Monica Michel-Brassart et Laurence Trastour-Isnart, rapporteures (17 février 2022).

([24])  L'US Navy n'est plus la plus grande flotte du monde : un autre pays est passé en tête, La Libre Belgique, 23 mars 2021.

([25])  Chine : Taïwan dénonce un nombre record d'incursions d'avions chinois dans son espace aérien, RFI, 24  janvier 2022.

([26]) Notamment rapport d’information (n° 2726) déposé, au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), sur l’activité de la délégation française au cours des années 2018 et 2019, par M. Philippe Folliot, député, le 28 février 2020 ; rapport d’information (n° 3929) déposé, au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), sur l’activité de la délégation française au cours de l’année 2020, par M. Philippe Michel-Kleisbauer, député, le 24 février 2021.

([27])  Le débat américain sur le non-emploi en premier et le sole purpose, Bruno Tertrais, Observatoire de la dissuasion, n° 85, mars 2021.

([28]) Pour des éléments chiffrés, voir Premier budget de la Défense pour l’administration Biden, Emmanuelle Maitre, Observatoire de la dissuasion, n° 87, mai 2021.

([29])  Les grands dossiers nucléaires et la nouvelle administration Biden, Sophie Moreau-Brillatz, Note de la FRS n°04/2021, 8 mars 2021.

([30]) L’accord nucléaire avec l’Iran est sur le point d’être sauvé, Ghazal Golshiri et Philippe Ricard, Le Monde, 24 février 2022.

([31])  L'Otan signifie ses « lignes rouges » à Moscou et serre les rangs face à Pékin, La Croix avec AFP, 14 juin 2021.

([32])  « Bien que sensible, le sujet de cette évacuation de ressortissants n’est partagé ni par Washington ni par le commandement américain (USSOCOM) à Tampa. Il est traité en " no foreign ", c’est-à-dire uniquement entre Américains, ce qui crée un sentiment de frustration chez l’ensemble des alliés, tout le monde sentant que la situation commence à se dégrader. Les Américains tentent de nous rassurer, en indiquant notamment prendre en compte la problématique des alliés. Cependant, en l’absence d’ouverture dans les travaux, tout le monde se pose la question de la coordination en cas de déclenchement de l’opération. »: propos du général de division Philippe Susnjara, chef du centre de planification et des conduites des opérations, lors de son audition à huis clos sur l’opération APAGAN, Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 29 septembre 2021.

([33]) Point de presse du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, 14 février 2022.

([34])  (i) la levée de toutes les entraves pour ceux qui veulent quitter le pays ;  (ii) la rupture totale avec les groupes terroristes, et notamment avec Al-Qaïda ; (iii) le libre accès de l’aide humanitaire sur le territoire afghan ;  (iv) le respect des droits de l’Homme et tout particulièrement des droits des femmes ; (v) un gouvernement représentatif.

([35])  L’État islamique au Khorasan : une capacité de nuisance en Afghanistan et au-delà, note de la FRS n°02/2022, Carole André-Dessornes, 16 février 2022.

([36]) Pour la dernière évaluation en date :  NATO’s Enhanced Forward Presence, février 2022, consultable sur le site de l’OTAN : https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2022/2/pdf/2202-factsheet_efp_en.pdf

([37])  Le Collège de défense de l’OTAN a un partenariat avec le Collège de défense du G5 Sahel basé à Nouakchott.

([38])  Takuba. Une agence de l’OTAN va assurer la logistique du camp de Menaka, B2 Le blog de l'Europe géopolitique, 17 juin 2021.

([39])  La NSPA en soutien de la Task Force Takuba au Mali, NATO News, 15 juin 2021.

([40])  Assemblée parlementaire de l’OTAN, « L’agenda de l’OTAN quant au maintien de la sécurité en Méditerranée », rapport présenté par Mme Sonia Krimi, 24 novembre 2021.

([41]) Voir, sur le site de l’OTAN, Les dépenses de défense des pays de l'OTAN (2014-2021, 11 juin 2021) : https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2021/6/pdf/210611-pr-2021-094-fr.pdf

([42])  Le régime de financement commun sert à alimenter les principaux budgets gérés par l’OTAN : le budget civil (frais de fonctionnement du siège de l’Organisation), le budget militaire (coûts de la structure de commandement intégrée de l’OTAN) et le programme OTAN d’investissement au service de la sécurité (infrastructure militaire et certaines capacités militaires). Les 30 pays membres contribuent au budget de l’OTAN selon une formule de partage des coûts agréée qui est fondée sur leur revenu national brut.

([43]) Acronyme anglais de « Greenland, Iceland, United Kingdom », pour « Groenland, Islande, Royaume-Uni ».

([44])  Sa rapporteure générale est Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice, vice-présidente de l’AP-OTAN, réélue lors de la 67ème session annuelle à Lisbonne en octobre 2021.

([45])  Réélue rapporteure de la sous-commission sur la résilience et la sécurité civile lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([46])  Son rapporteur général est M. Cédric Perrin, sénateur, élu lors de la 65ème session annuelle à Londres en octobre 2019, réélu lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([47])  Désigné rapporteur de la sous-commission sur la coopération transatlantique en janvier 2020 puis élu lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et réélu de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([48])  M. Gilbert Roger, sénateur, a été élu vice-président de la commission lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, réélu lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([49])  Élue rapporteure de la sous-commission sur les partenariats de l’OTAN lors de la 65ème session annuelle à Londres en octobre 2019, et réélue lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([50])  M. Philippe Folliot, sénateur, a été élu président de la commission lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et réélu lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021. Mme Nicole Duranton, sénatrice, a été élue vice-présidente de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([51])  Élu vice-président de la commission lors de la 65e session annuelle à Londres en octobre 2019, et réélu lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) puis lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([52]) Élu président de la sous-commission tendances technologiques et sécurité lors de la 66ème session annuelle de novembre 2020 (réunion en ligne) et réélu lors de la 67ème session à Lisbonne en octobre 2021.

([53]) Élue présidente du Groupe spécial Méditerranée et Moyen-Orient le 11 décembre 2020 (réunion en ligne) puis réélue le 19 novembre 2021 lors de la réunion du GSM à Barcelone.