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N° 687

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 21 septembre 2022

sur la réforme du corps diplomatique

et présenté par

M. Arnaud LE GALL et M. Vincent LEDOUX

Députés

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La mission d’information, conduite par les rapporteurs Arnaud Le Gall et Vincent Ledoux, était adossée sur un groupe de travail composé de : M. Moetai Brotherson (Polynésie française – Gauche démocrate et républicaine), M. Alain David (Gironde – Socialistes et apparentés), Mme Stéphanie Kochert (Bas-Rhin – Horizons et apparentés), M. Frédéric Petit (Français de l’étranger – Démocrate), M. Kévin Pfeffer (Moselle – Rassemblement national), M. Vincent Seitlinger (Moselle – Les Républicains) et M. Aurélien Taché (Val-d’Oise – Écologiste).

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. La rÉforme de l’encadrement supÉrieur de l’État suscite des rÉactions Au Quai d’Orsay

A. Les diplomates sont inclus dans la rÉforme de la haute fonction publique

1. La réforme de la haute fonction publique a plusieurs objectifs affichés

2. Cette réforme a d’importantes conséquences sur le corps diplomatique

a. Les deux corps d’encadrement supérieur du ministère sont mis en extinction

b. La réforme fait évoluer le parcours professionnel des diplomates

i. Les concours

ii. La formation initiale

iii. L’affectation

iv. Le déroulement des carrières

3. Le Quai d’Orsay a obtenu des garanties dans la mise en œuvre de la réforme

a. Certaines contreparties ont été accordées à tous les administrateurs de l’État

b. Le Quai d’Orsay a obtenu des garanties spécifiques

c. Des états généraux de la diplomatie ont été lancés

4. L’organisation de la fonction diplomatique diffère selon les pays

B. La rÉforme du corps diplomatique est l’objet de critiques À l’intÉrieur du Quai d’Orsay

1. La réforme est contestée au sein du Quai d’Orsay

2. Avec le rapport Bonnafont, les diplomates pensaient tenir leur propre déclinaison de la réforme

3. La réforme du corps diplomatique est l’objet de plusieurs critiques

4. La réforme arrive dans un contexte de malaise au Quai d’Orsay après deux à trois décennies de baisse des moyens

II. Les enjeux et les consÉquences attendues de la rÉforme de l’encadrement supÉrieur du Quai d’Orsay sont diversement appréciÉs et ÉvaluÉs par les rapporteurs

A. Souffrant d’Être mal comprise, cette rÉforme est une opportunitÉ pour notre diplomatie, selon M. Vincent Ledoux

1. L’ouverture du Quai d’Orsay bénéficiera à la diplomatie française

a. L’objectif central est de préserver un outil diplomatique de qualité

b. Le Quai d’Orsay peut gagner à être plus ouvert sur les autres administrations

c. De façon positive, la réforme décloisonnera les carrières des diplomates

2. L’intérêt principal de la réforme est de substituer une gestion par les compétences à une gestion par les corps

a. Les compétences des diplomates ne sont pas spécifiques au point de ne pouvoir être assumées par d’autres hauts fonctionnaires

b. Les corps ne sont pas la meilleure garantie que la diplomatie puisse compter sur les compétences dont elle a besoin

c. La réforme réduira l’arbitraire dans les affectations au Quai d’Orsay

3. La réforme est soucieuse de la préservation des carrières diplomatiques

a. La portée de l’obligation de mobilité sera plus limitée que certains ne le craignent

b. Le risque d’un renforcement de la concurrence sur les postes diplomatiques est limité

c. Pour atteindre les objectifs de la réforme, l’intégration des diplomates dans un corps interministériel était nécessaire

4. Les diplomates seront également mieux formés et plus ouverts sur la société

5. Les états généraux de la diplomatie sont l’occasion d’enrichir la réforme et de répondre au malaise qui affecte le Quai d’Orsay

a. Grâce à l’engagement du ministre Le Drian, le MEAE est l’un des ministères qui a obtenu le plus de contreparties

b. D’autres garanties permettraient de rassurer quant à l’avenir de la filière diplomatique

i. Demander une expérience préalable comme « numéro 2 » de mission diplomatique à la plupart des candidats aux postes d’ambassadeurs

ii. Accompagner la réforme d’une gouvernance robuste permettant d’en assurer un suivi fin

c. Les états généraux doivent permettre d’engager d’autres réformes dont le Quai d’Orsay a besoin

i. « Réarmer » la diplomatie française

ii. Renforcer la formation continue des diplomates

iii. Mieux faire connaître le métier diplomatique

B. Cette rÉforme nuira profondÉment À la qualitÉ de la diplomatie française, selon M. Arnaud Le Gall

1. Les postulats comme la méthode d’une réforme reposant sur une vision néolibérale de l’État expliquent en partie qu’elle soit si contestée

a. La réforme est construite sur un postulat erroné, à savoir que le MEAE serait un ministère fermé

b. La défiance avec laquelle la réforme a été accueillie tient en partie aux conditions dans lesquelles celle-ci a été conduite

c. Il existe une large majorité contre cette réforme

2. La réforme remet en cause la notion de diplomatie professionnelle

a. Le métier diplomatique est spécifique de sorte qu’il ne peut être exercé de la même manière par n’importe quel haut fonctionnaire de l’État

b. La nouvelle gestion interministérielle par les compétences est un pari très risqué sur les capacités de l’État gestionnaire

c. La suppression des corps ministériels favorisera le « fait du Prince »

3. La réforme fragilisera les perspectives professionnelles des diplomates

a. Les diplomates seront confrontés à un renforcement de la concurrence sur les postes qui leur étaient auparavant attribués

b. La réforme fait des victimes collatérales : les secrétaires des affaires étrangères

c. Les objectifs affichés par la réforme ne justifiaient en rien la suppression des corps diplomatiques

4. La réforme risque de renforcer l’endogamie sociale et d’affaiblir les compétences des agents appelés à occuper des postes diplomatiques

5. La réforme étant actée, le plus important est de garantir la préservation de la filière diplomatique

a. Suivre la mise en œuvre des garanties promises dans le cadre de la réforme

b. Consolider le déroulement des carrières diplomatiques

i. Inscrire explicitement le droit au retour après une mobilité sortante

ii. Garantir les perspectives de carrière des secrétaires des affaires étrangères au MEAE

c. Améliorer la procédure de nomination aux postes d’ambassadeurs

d. Garantir la réversibilité de la réforme

6. Une autre réforme est possible

a. Améliorer la gestion des ressources humaines du MEAE

i. Fusionner les corps des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères pour constituer un vrai corps diplomatique

ii. Remettre à plat les modes d’affectation des personnels

iii. Mieux sélectionner et former les aspirants ambassadeurs

b. Prévoir une mobilité au service de la professionnalisation de la fonction diplomatique de l’État

i. Subordonner toute mobilité entrante au MEAE par un passage en administration centrale

ii. Prévoir, pour tous, une première expatriation dans un pays de difficulté intermédiaire

iii. Créer un vivier des experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique

c. Se donner les moyens de nos ambitions

i. Donner une ligne politique claire aux diplomates

ii. Doter le MEAE d’une loi de programmation complète

iii. Réintégrer les opérateurs et les agences au sein du MEAE

d. Renforcer le contrôle démocratique sur les nominations des grands ambassadeurs

e. Mieux faire connaître le métier diplomatique

Examen en commission

annexe n° 1 :  Liste des personnes auditionnÉes

Annexe n° 2 :  DÉcret n° 2022-561 du 16 avril 2022

Annexe n° 3 :  Questionnaire, adressÉ À plusieurs ambassades, relatif À l’organisation de la fonction diplomatique dans plusieurs pays comparables À la France

Annexe n° 4 : Contribution de l’ambassade de France en Allemagne

Annexe n° 5 : Contribution de l’ambassade de France au Royaume-Uni

Annexe n° 6 : Contribution de l’ambassade de France EN ITALIE

Annexe n° 7 : Contribution de l’ambassade de France EN ESPAGNE

Annexe n° 8 : Contribution de l’ambassade de France AUX ÉTATS-UNIS

Annexe n° 9 : Contribution de l’ambassade de France AU CANADA


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   Introduction

La réforme de la haute fonction publique, dont découle la suppression des deux corps d’encadrement supérieur du Quai d’Orsay, a eu un large écho à l’intérieur de ce ministère qui a vécu, le 2 juin dernier, sa première grève depuis vingt ans.

C’est dans ce contexte que la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a créé, le 21 septembre dernier, une mission d’information sur la réforme du corps diplomatique. Pour tenir compte du large intérêt que suscite cette réforme, la mission d’information, conduite par les rapporteurs Arnaud Le Gall et Vincent Ledoux, a été adossée sur un groupe de travail dont la composition a permis d’associer l’ensemble des groupes politiques. Dans ce cadre, l’objectif de la mission d’information et du groupe de travail était simple : évaluer l’incidence de la réforme de la haute fonction publique sur le Quai d’Orsay et faire des propositions sur l’avenir du corps diplomatique.

Les rapporteurs tiennent à souligner le bon esprit dans lesquels ils ont conduit leurs travaux. Il n’en demeure pas moins que, après avoir entendu toutes les parties prenantes, ils tirent des conclusions très différentes, pour ne pas dire opposées, des enjeux et des conséquences attendues de la réforme.

En conséquence, le rapport est découpé en deux parties. La première tente de décrire, de façon aussi objective que possible, les paramètres de la réforme et les réactions qu’elle a suscitées au sein du Quai d’Orsay. La deuxième partie permet ensuite à chaque rapporteur d’exposer son appréciation de la réforme. Si, pour le rapporteur Vincent Ledoux, cette réforme, qui est mal comprise, est une opportunité pour notre diplomatie, le rapporteur Arnaud Le Gall considère pour sa part qu’elle nuira profondément à la qualité de la diplomatie française.

D’aucuns considéreront qu’un tel écart d’appréciation entre rapporteurs est synonyme d’échec. Bien au contraire, l’un comme l’autre estiment qu’il faut mettre au crédit de l’Assemblée nationale de permettre l’expression de sensibilités politiques différentes sur un même sujet de débat. Effacer les divergences entre rapporteurs aurait conduit, a contrario, à rendre un rapport fade, sans portée critique ni prospective. Or, ces derniers souhaitent que le travail d’analyse ici conduit nourrisse les travaux en cours sur l’avenir du corps diplomatique.

I. La rÉforme de l’encadrement supÉrieur de l’État suscite des rÉactions Au Quai d’Orsay

A. Les diplomates sont inclus dans la rÉforme de la haute fonction publique

1.   La réforme de la haute fonction publique a plusieurs objectifs affichés

La réforme de l’encadrement supérieur de l’État ambitionne de rendre la fonction publique :

– plus ouverte. Cet objectif sous-tend la création des « Prépas Talents », qui accueillent des étudiants boursiers ([1]), et l’ouverture pour ces étudiants d’une nouvelle voie d’accès à six concours de la fonction publique ([2]), dans l’objectif de renforcer la diversité sociale de la haute fonction publique ;

– mieux formée. Pour y parvenir, l’École nationale de l’administration (ENA) est remplacée par l’Institut national du service public (INSP), dont les missions sont plus larges puisqu’il assurera la formation initiale des futurs administrateurs de l’État mais aussi la formation de « troncs communs » des élèves issus de quatorze écoles d’encadrement supérieur de l’État. L’INSP s’est également vu adjoindre une mission de formation continue des cadres supérieurs de l’État ;

– mieux gérée. Pour dynamiser les carrières des cadres supérieurs de l’État, la plupart des corps de la catégorie A+ ([3]), quel que soit leur ministère de rattachement, sont fusionnés au sein d’un seul corps interministériel, celui des administrateurs de l’État, selon une logique dite de « fonctionnalisation ». Une gestion plus stratégique et individualisée des carrières doit par ailleurs voir le jour.

2.   Cette réforme a d’importantes conséquences sur le corps diplomatique

a.   Les deux corps d’encadrement supérieur du ministère sont mis en extinction

Au 31 décembre 2021, le corps diplomatique, ou plutôt les corps diplomatiques, incluaient 1 556 agents de niveaux A et A+, ce qui représente 11 % des personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).

Les corps diplomatiques comprennent :

– d’une part, les corps de catégorie A+, à savoir les corps des ministres plénipotentiaires (MP – 128 agents) et des conseillers des affaires étrangères (CAE – 559 agents).

– d’autre part, un corps de catégorie A, celui des secrétaires des affaires étrangères (SAE – 869 agents).

Les corps des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères se distinguent l’un comme l’autre entre le « cadre général », permettant de recruter des diplomates généralistes, et le « cadre d’Orient », qui regroupe des diplomates spécialisés sur certaines aires civilisationnelles et qui maîtrisent des langues rares.

RÉpartition des effectifs du corps diplomatique*

GRADE

F

H

Total

% de F

Ministres plénipotentiaires

41

87

128

32 %

Conseillers des affaires étrangères hors classe

60

175

235

26 %

Conseillers des affaires étrangères (CAE)

112

212

324

35 %

- dont sortie ENA CAE (2021)

1

4

5

20 %

- dont concours CAE (2021)*

2

6

8

25 %

- dont promotions au choix CAE (2021)*

6

6

12

50 %

Secrétaires des affaires étrangères principaux (SAEP)

90

162

252

36 %

Secrétaires des affaires étrangères (SAE)

293

324

617

47 %

- dont sortie IRA (2021)*

4

2

6

67 %

- dont recrutement au titre du handicap

4

100 %

- dont concours SAE cadre général (2021)*

6

13

19

32 %

- dont concours SAE cadre d’Orient (2021)*

12

15

27

44 %

- dont promotions au choix SAE (2021)*

9

6

15

60 %

*Au 31 décembre 2021.

Source : MEAE.

Comme le prévoit le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’État, la réforme de la haute fonction publique se traduit par la mise en extinction, à compter du 1er janvier 2023, des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires, mais pas du corps des secrétaires des affaires étrangères, qui demeure.

Désormais, tous les postes jusqu’ici réservés aux conseillers des affaires étrangères et aux ministres plénipotentiaires, à savoir les emplois de conception, d’expertise et d’encadrement à l’administration centrale du MEAE ainsi que les emplois concourant à la politique extérieure de la France, notamment dans les postes diplomatiques, peuvent être pourvus par des administrateurs de l’État, au-delà des seuls postes d’ambassadeurs sur lesquels le président de la République dispose d’un pouvoir de nomination discrétionnaire.

Ainsi, les administrateurs de l’État issus du nouvel INSP ou de l’un des quinze corps mis en extinction par la réforme, ainsi que les 2 600 administrateurs civils qui ont été versés au corps des administrateurs de l’État sans droit d’option, peuvent notamment être nommés aux postes d’ambassadeurs, de directeurs, de chefs de service, de sous-directeurs et de consuls généraux.

b.   La réforme fait évoluer le parcours professionnel des diplomates

i.   Les concours

D’après M. Christian Lequesne, professeur à SciencesPo spécialisé sur l’étude des pratiques diplomatiques, la France se distingue, parmi les pays démocratiques, par l’éclatement des modes de recrutement des diplomates. Jusqu’à présent, les diplomates étaient recrutés via le concours de l’ENA pour les conseillers des affaires étrangères « cadre général », ainsi que par des concours organisés par le Quai d’Orsay pour les secrétaires des affaires étrangères « cadre général » et « cadre d’Orient », de même que pour les conseillers des affaires étrangères « cadre d’Orient ».

La réforme ne remet pas en cause les différents concours. Le Quai d’Orsay continuera d’organiser le recrutement des secrétaires des affaires étrangères, tous cadres confondus. En revanche, le concours d’Orient de catégorie A+, à distinguer du concours d’Orient de catégorie A permettant de recruter des secrétaires des affaires étrangères, sera organisé par l’INSP, qui gérera aussi le concours général des administrateurs de l’État. Les épreuves du concours d’Orient qui sera organisé par l’INSP évolueront pour intégrer davantage de mises en situation professionnelle.

ii.   La formation initiale

 Aujourd’hui, tous les diplomates ne reçoivent pas le même niveau de formation initiale. Ceux recrutés par le Quai d’Orsay (secrétaires des affaires étrangères et conseillers des affaires étrangères « cadre d’Orient ») bénéficient de deux mois de formation initiale à l’Institut diplomatique et consulaire (IDC). Les élèves fonctionnaires appelés à devenir conseillers des affaires étrangères « cadre général » bénéficient pour leur part d’une formation de deux ans à l’ENA.

La réforme de l’encadrement supérieur de l’État, qui se traduit par le remplacement de l’ENA par l’INSP, a des conséquences sur la formation des diplomates. D’une part, l’INSP formera un plus grand nombre de diplomates, puisque cette école intègre les lauréats du concours d’Orient de catégorie A+. D’autre part, l’INSP devrait accorder une place plus importante aux compétences managériales dans la formation des hauts fonctionnaires.

Le renforcement de la formation est parallèlement à l’agenda du MEAE qui a décidé de créer une nouvelle école pour former tous les personnels du ministère, au-delà des seuls agents de catégorie A et A+. Créée en mars 2022, peu après l’INSP, l’École pratique des métiers de la diplomatie rassemble les différents dispositifs de formation préexistants : l’Institut de formation aux affaires administratives et consulaires (IFAC), l’Institut diplomatique et consulaire (IDC) et le Collège des hautes études de l’Institut diplomatique (CHEID). La création de l’École pratique répond, outre à un enjeu de meilleure visibilité, au besoin de renforcer la formation des personnels du ministère. D’une durée qui devrait rester de deux mois, le programme de formation initiale des diplomates est en cours de rénovation, l’objectif étant notamment de renforcer les mises en pratique en même temps que les liens avec le monde académique. La France se rapproche ainsi du modèle de l’École diplomatique qui existe dans d’autres pays, dont l’Espagne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Avec la réforme, les secrétaires des affaires étrangères bénéficieront toujours d’une formation de deux mois à l’École pratique des métiers de la diplomatie, qui a absorbé l’IDC. De la même manière, les administrateurs de l’État issus du concours général bénéficieront toujours de deux ans à l’INSP. En revanche, les lauréats du concours d’Orient organisé par l’INSP bénéficieront à la fois de la scolarité à l’INSP et des deux mois de formation à l’École pratique des métiers de la diplomatie.

iii.   L’affectation

Avant la réforme, les lauréats des concours organisés par le Quai d’Orsay (secrétaires des affaires étrangères et conseillers des affaires étrangères « Orient ») revenaient automatiquement au ministère. Pour les élèves de l’ENA, en revanche, le classement de sortie déterminait qui pouvait rejoindre le MEAE.

Sans modifier le régime applicable aux secrétaires des affaires étrangères, la réforme remplace le classement de sortie à la sortie de l’ENA par un principe d’« appariement » à la sortie de l’INSP qui conduira, d’un côté, l’employeur public à choisir et à classer les élèves, sur la base de curriculum vitae anonymisés, et de l’autre côté, les étudiants à classer les employeurs publics par ordre de préférence. Lorsqu’un appariement sera constaté, un entretien aura lieu entre l’étudiant et l’employeur public. Les lauréats du concours d’Orient de catégorie A+ organisé par l’INSP, en revanche, ne seront pas soumis à ce principe d’appariement et reviendront automatiquement au Quai d’Orsay.

iv.   Le déroulement des carrières

Jusqu’à présent, les diplomates relevant de toutes les catégories avaient vocation à faire l’intégralité de leur carrière au Quai d’Orsay, la règle étant d’enchaîner successivement un poste en administration centrale et deux postes à l’étranger. Au bout d’une dizaine d’années, la carrière des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères divergeait, ces derniers ayant accès aux fonctions d’encadrement. Une partie des conseillers des affaires étrangères accédait au corps des ministres plénipotentiaires en progressant dans la carrière.

Notons que, contrairement à l’image d’immobilisme parfois véhiculée, les évolutions de carrières étaient déjà soumises à une obligation de mobilité ([4]). Comme l’a précisé aux rapporteurs Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des ressources humaines du MEAE, le ministère a oscillé entre une obligation de mobilité contraignante, impliquant un changement d’administration, et une obligation de mobilité plus souple, qui pouvait s’effectuer au sein même du Quai d’Orsay, dans une autre direction ou à l’étranger. Depuis 2008, le MEAE n’imposait plus qu’une mobilité souple à ses diplomates.

Si les lignes directrices de gestion interministérielle adoptées dans le cadre de la réforme n’induisent pas de changement à cet égard ([5]), le Quai d’Orsay devrait prochainement adopter des lignes directrices ministérielles plus précises et plus strictes imposant une mobilité qui se traduise par un changement d’environnement professionnel des diplomates. Le MEAE reviendra ainsi à une obligation de mobilité contraignante, conforme à l’objectif consistant à renforcer la mobilité des hauts fonctionnaires. Le développement de cette mobilité suppose néanmoins d’organiser, à l’échelle de l’État, la fluidité de l’information sur les postes disponibles et d’objectiver les compétences pour permettre aux agents de se valoriser ailleurs que dans leur administration d’origine.

En principe, les administrateurs de l’État affectés au Quai d’Orsay pourront donc servir au sein de plusieurs ministères selon un parcours plus fluide qu’auparavant, que chaque agent devra construire en se portant candidat aux offres de postes à pourvoir quand il le souhaitera. En pratique, la portée de la mobilité pourrait cependant être plus limitée, afin de préserver la cohérence des carrières diplomatiques. En revanche, la situation des secrétaires des affaires étrangères resterait inchangée si ce n’est leurs perspectives de carrière, qui ne se situent plus dans le corps des conseillers des affaires étrangères mais dans celui des administrateurs de l’État.

3.   Le Quai d’Orsay a obtenu des garanties dans la mise en œuvre de la réforme

a.   Certaines contreparties ont été accordées à tous les administrateurs de l’État

La réforme s’accompagne, en premier lieu, de certaines contreparties qui bénéficient à tous les administrateurs de l’État et donc, par extension, aux diplomates qui seront versés dans le nouveau corps interministériel. Elle réalise en particulier une égalisation des statuts dans la haute fonction publique. C’est en effet l’une des conditions de la mobilité dans l’ensemble du champ des métiers couverts par le nouveau corps. D’après le Gouvernement, la rémunération des hauts fonctionnaires sera plus juste, grâce à la création d’une grille unique de rémunération pour tous les administrateurs de l’État, plus attractive, du fait d’un alignement à la hauteur des niveaux indiciaires et des plafonds indemnitaires les plus élevés, et mieux à même de récompenser le mérite, l’évolution de la rémunération indiciaire étant plus largement déterminée par la prise de responsabilités ou le risque d’exposition dans des postes supérieurs ([6]).

b.   Le Quai d’Orsay a obtenu des garanties spécifiques

L’ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, a par ailleurs obtenu trois garanties spécifiques censées préserver la qualité de l’outil diplomatique.

En premier lieu, le concours d’Orient, qui permet de recruter des profils plus diversifiés, dotés de connaissances approfondies sur des langues rares et des civilisations, restera une voie d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay. De façon transitoire, ce concours reste organisé, sous sa forme actuelle, par le MEAE ([7]) avant d’être organisé par l’INSP à partir de 2024, date prévue de l’entrée en vigueur de la réforme de la formation initiale des hauts fonctionnaires de l’État.

Les modalités définitives du concours d’Orient seront fixées par un décret en cours d’élaboration. Il portera tout à la fois sur les voies d’accès à l’INSP, la scolarité et la procédure d’affectation. Ce décret devrait prévoir un parcours en partie commun avec le reste des administrateurs de l’État, dans l’objectif affiché de favoriser une culture commune et d’inculquer des compétences managériales à tous les hauts fonctionnaires, tout en tenant compte des fortes compétences linguistiques et internationales des lauréats du concours d’Orient. Ainsi :

– le concours d’Orient sera composé d’épreuves communes avec le concours général de l’INSP mais aussi d’un jury et d’épreuves spécifiques ;

– les lauréats bénéficieront d’une formation composée du même schéma de scolarité que les élèves de l’INSP cumulé, à la fin de celle-ci, à une formation de deux mois à l’École pratique des métiers de la diplomatie ;

– à la fin de leur formation, les lauréats du concours d’Orient seront automatiquement affectés au Quai d’Orsay.

 

SchÉma du parcours des agents recrutÉs sur le concours Orient de catÉgorie A+, avant et aprÈs la rÉforme

Source : INSP, École pratique des métiers de la diplomatie.

En deuxième lieu, les parcours des agents ayant rejoint le ministère comme secrétaires des affaires étrangères, qui ne sont pas inclus dans la réforme mais qui craignent pour leur carrière, seront revalorisés. La promesse faite est que ceux-ci bénéficieront de modalités de passage dans le corps des administrateurs de l’État plus favorables à celles qui existent aujourd’hui pour passer dans le corps des conseillers des affaires étrangères.

Concrètement, une sélection exceptionnelle de 80 secrétaires des affaires étrangères, attachés des systèmes d’information et de communication et traducteurs du MEAE sera versée dans le corps des administrateurs de l’État au titre des années 2023 et 2024 ([8]). Les personnes promues seront titularisées dans le corps des administrateurs de l’État et directement affectées au Quai d’Orsay sans avoir à suivre une formation préalable à l’INSP.

À partir de 2025, une vingtaine de secrétaires des affaires étrangères seront promus chaque année, soit un volume inférieur à 2023-2024 mais revu à la hausse par rapport à 2022. À compter de ce moment-là, les secrétaires des affaires étrangères promus dans le corps des administrateurs de l’État seront, comme les fonctionnaires issus d’autres ministères, affectés selon un principe d’appariement ([9]) et suivront une formation à l’INSP d’une durée de quatre mois environ avant leur prise de fonctions.

Enfin, un troisième grade de hors classe est créé dans le corps des secrétaires des affaires étrangères, avec pour objectif de donner aux agents en fin de carrière un statut et une rémunération plus avantageux.

En dernier lieu, en vertu de la clause dite « du grand-père », qui figure dans le décret 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au MEAE de la réforme de la haute fonction publique et ses textes d’application, les personnels qui sont aujourd’hui en poste au Quai d’Orsay en tant que conseillers des affaires étrangères ou ministres plénipotentiaires ont la possibilité de ne pas opter pour le reversement dans le corps des administrateurs de l’État mais d’être versés dans un nouveau corps d’extinction, qui fusionne ces deux corps et qui est dénommé « corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ». La garantie donnée est que celles et ceux qui feront le choix d’utiliser ce droit d’option, non seulement ne seront pas pénalisés, mais pourront aussi poursuivre leur carrière au ministère dans des conditions satisfaisantes et au moins comparables à celles qui prévalent aujourd’hui.

Concrètement, ce nouveau corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires accueille, depuis le 1er juillet 2022, tous les membres des anciens corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires mis en extinction au 1er janvier 2023. Ce corps d’extinction a pour intérêt de maintenir les perspectives de carrière : sans sa création, il n’aurait en effet plus été possible pour un conseiller des affaires étrangères d’être promu ministre plénipotentiaire. Dans un second temps, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023, les agents concernés peuvent exercer leur droit d’option et décider de rester dans le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ou d’être intégrés dans le corps interministériel des administrateurs de l’État.

c.   Des états généraux de la diplomatie ont été lancés

Annoncés par le président de la République, pour tenir compte de la grève du 2 juin (cf. infra), à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs début septembre 2022, les états généraux de la diplomatie ont été lancés par Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à la fin du mois d’octobre.

D’après l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, nommé rapporteur général de ces états généraux, l’objectif de l’exercice est « de faire remonter un témoignage fidèle », des agents mais aussi de toutes les parties prenantes de la diplomatie française, sur l’évolution des missions et des métiers diplomatiques et consulaires.

Les discussions sont structurées autour de trois grandes thématiques, traitées dans le cadre de groupes de travail spécifiques :

– les défis de la diplomatie et la définition du métier de diplomate au XXIe siècle ;

– les conditions d’exercice des métiers, le déroulement des carrières, le fonctionnement et les méthodes de travail ;

– le rôle du MEAE comme chef-de-file interministériel de l’action extérieure de l’État et les interactions avec les partenaires non-étatiques.

La méthode retenue repose sur la consultation large des agents, quels que soient leur grade ou leur statut, afin qu’ils partagent leurs réflexions, leurs interrogations et leurs propositions, et l’audition de partenaires extérieurs. Afin d’assurer la participation du plus grand nombre, un questionnaire anonyme a été mis en ligne à destination des personnels du ministère et des contributions sont transmises directement à l’équipe en charge des états généraux. Les groupes de travail ont organisé des auditions de grands témoins et d’acteurs extérieurs ainsi que des ateliers auxquels tous les agents ont été conviés. La visite de certains postes du réseau est également prévue afin d’échanger directement avec les personnels en poste à l’étranger.

La diplomatie ne fonctionnant pas en vase clos, les états généraux de la diplomatie aspirent à une certaine ouverture sur la société, ce qui se traduit par l’implication de parlementaires, de chefs d’entreprises, d’organisations non-gouvernementales ou encore de partenaires étrangers. L’association des parlementaires, pour leur sens des attentes de nos concitoyens dans un contexte de redevabilité de la diplomatie à l’égard des Français, se traduit de trois manières : les rapports parlementaires portant sur les missions et les métiers diplomatiques et consulaires ont été intégrés dans une « bibliothèque virtuelle » mise à la disposition des agents, le comité consultatif des états généraux, qui supervise les travaux, est composé des présidents des commissions compétentes pour les affaires étrangères à l’Assemblée nationale et au Sénat et les parlementaires ont été invités à témoigner devant les états généraux ([10]).

L’équipe des états généraux de la diplomatie devrait remettre, au mois de février 2023, un rapport qui sera rendu public et qui devrait comprendre deux parties : une partie composée d’une synthèse destinée à refléter objectivement les résultats de la consultation et une partie recensant une série de recommandations concrètes et opérationnelles qui, d’après l’ambassadeur Bonnafont, seront le résultat d’« un arbitrage entre l’optimal et le possible » et qui s’inscriront sur différentes échelles de temps. La synthèse et la remontée des propositions exigeront « une grande discipline intellectuelle et morale » dont les valeurs sont reflétées dans une charte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4.   L’organisation de la fonction diplomatique diffère selon les pays

 

L’Italie maintient un corps diplomatique unique, distinct des autres grands corps de fonctionnaires, qui est ouvert par un seul et même concours. La carrière diplomatique italienne conduit les agents à gravir progressivement les grades suivants : secrétaire de légation, conseiller de légation, conseiller d’ambassade, ministre plénipotentiaire et ambassadeur. Le corps diplomatique italien est de taille légèrement inférieure au nôtre mais s’y apparente par la sélection stricte qui prévaut à son entrée, les grades d’avancement et le déroulement de la carrière.

L’Espagne dispose également d’un corps diplomatique unique, accessible par un seul concours d’entrée dans la carrera diplomática. Si, dans ce pays, les diplomates relèvent du cadre général des fonctionnaires de l’État, le fonctionnement du corps diplomatique est distinct du reste de la haute fonction publique ([11]).

La diplomatie allemande s’appuie sur un corps diplomatique, distinct du reste de l’administration fédérale, qui repose sur une base législative (Gesetzt über den Auswaertigen Dienst). Le corps diplomatique allemand est géré par l’Auswaertigesamt, le ministère fédéral des affaires étrangères. Les fonctionnaires de la catégorie la plus élevée du service diplomatique, le höherer Dienst, équivalent des catégories A et A+ en France, sont recrutés par des concours exigeants.

La diplomatie américaine, quant à elle, repose sur un corps diplomatique unique servant au Département d’État, équivalent de notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et dans cinq autres « agences » gouvernementales ([12]). Ce corps diplomatique unique regroupe toutes les catégories de personnels, des ambassadeurs aux fonctions support. Il comprend deux grandes catégories d’agents : les « généralistes » (environ 60 % des membres du corps), qui doivent passer l’examen du Foreign Service pour entrer dans le corps diplomatique, et les « spécialistes » (environ 40 % des membres du corps), recrutés pour leurs connaissances ou leurs compétences particulières, qui ne sont pas obligés de passer l’examen d’entrée mais doivent justifier des qualifications exigées pour le poste auquel ils postulent.

Le Canada a également un corps diplomatique. Le ministère canadien des affaires étrangères, du commerce et du développement, appelé « Affaires mondiales Canada », ne peut cependant pas gérer de manière autonome son personnel, qui est employé par le ministère canadien de la fonction publique. Les membres du corps diplomatique sont par ailleurs soumis aux lois, régimes et conventions collectives négociés pour tous les fonctionnaires fédéraux. À l’intérieur de ce cadre commun, le « service extérieur » a cependant ses spécificités, qui comprennent notamment l’exigence de rotation entre la centrale et l’étranger.

Enfin, au Royaume-Uni, malgré l’absence de corps diplomatique de jure, les agents du Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) forment une fonction publique distincte, sous l’autorité directe du Foreign Secretary, alors que le reste de la fonction publique d’État est dirigé par le Minister for the Civil Service ([13]). Le code de la fonction publique ne s’applique pas aux agents diplomatiques, qui sont soumis au code de la fonction diplomatique. Le FCDO a ainsi la faculté de définir, sous le contrôle de la Civil Service Commission, les règles de recrutement et de gestion de ses agents. Contrairement aux agents titulaires du MEAE, les diplomates britanniques sont recrutés uniquement par contrat et non sous statut. Toutefois, le FCDO recrute ses diplomates d’un statut équivalent à celui des agents de catégorie A et A+ par une voie spécifique (fast stream), qui s’apparente, en pratique, à un concours. Si un diplomate, quel que soit son grade, n’est pas affecté à l’issue d’un poste, le FCDO n’interrompt ni sa rémunération, ni la relation contractuelle. Le licenciement d’un agent permanent n’est possible qu’en cas d’insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et le processus est suffisamment long et laborieux pour être rare.

B.   La rÉforme du corps diplomatique est l’objet de critiques À l’intÉrieur du Quai d’Orsay

1.   La réforme est contestée au sein du Quai d’Orsay

La suppression du corps diplomatique a suscité des résistances importantes au sein du Quai d’Orsay, qui ont d’ailleurs trouvé à s’exprimer dans la presse ([14]).

Fait inédit pour le ministère, une grève a eu lieu le 2 juin 2022, à l’appel d’une intersyndicale ([15]). Selon la direction des ressources humaines du MEAE, 920 agents, en poste en administration centrale ou à l’étranger, se sont déclarés grévistes. Une large majorité des grévistes, 805 sur les 920 déclarés, étaient des agents titulaires et 115 étaient des contractuels, des vacataires ou des agents relevant d’autres statuts. Parmi les agents (titulaires et contractuels confondus), 26 % de l’effectif total des A+ s’est déclaré gréviste, contre 15 % de l’effectif de la catégorie A, 7 % de l’effectif de la catégorie B et 4 % de l’effectif de la catégorie C. Parmi les agents titulaires, les deux corps ayant compté le plus de grévistes sont les conseillers des affaires étrangères (25 % de grévistes) et les secrétaires des affaires étrangères (40 %).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.   Avec le rapport Bonnafont, les diplomates pensaient tenir leur propre déclinaison de la réforme

En septembre 2020, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait lancé sa propre réforme des métiers diplomatiques et consulaires, qui visait toutes les catégories et l’ensemble des agents. Pour ce faire, il avait confié à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont une mission de réflexion dont le rapport ([16]), remis au premier semestre 2021, n’a pas été rendu public.

Certains regrettent que cet effort de réforme interne ait été partiellement remis en cause par la réforme de l’encadrement supérieur de l’État. Certaines propositions faites par Jérôme Bonnafont ont été reprises ([17]), dont la revalorisation des rémunérations en administration centrale et l’augmentation des promotions de grade, la création d’une troisième voie de recrutement par concours dans le corps des secrétaires des affaires étrangères et la création de l’École pratique des métiers de la diplomatie, par fusion des structures de formation préexistantes.

Mais les propositions relatives à la carrière diplomatique sont en revanche devenues obsolètes. Le rapport Bonnafont, qui prônait l’ouverture, appelait à faire des diplomates des experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique, appelés à servir au Quai d’Orsay mais aussi dans l’ensemble des entités publiques françaises, dans les organisations européennes et internationales et même dans le secteur privé. En revanche, l’idée d’une dissolution des corps diplomatiques dans un ensemble interministériel n’était pas retenue.

3.   La réforme du corps diplomatique est l’objet de plusieurs critiques

Les rapporteurs ont recensé cinq principales critiques visant la réforme.

Premièrement, cette dernière reposerait sur un postulat erroné, à savoir que le MEAE serait un ministère fermé. Or, le Quai d’Orsay est présenté par tous les tenants de cette thèse comme l’une des administrations les plus ouvertes et les plus diversifiées socialement et professionnellement. En voulant ouvrir un ministère déjà très ouvert, la réforme serait donc, au mieux, inutile.

Deuxièmement, cette réforme conduirait à une remise en cause de la diplomatie professionnelle. Elle serait fondée sur l’idée que les personnels diplomatiques sont interchangeables avec le reste des hauts fonctionnaires de l’État. En ne prenant pas en compte les compétences spécifiques des diplomates, la réforme « déprofessionnaliserait » la fonction diplomatique.

Troisièmement, la réforme est accusée d’aboutir à la politisation des affectations au Quai d’Orsay, en supprimant le garde-fou que représentait à cet égard l’existence de corps ministériels.

Quatrièmement, les diplomates s’inquiètent également d’une fragilisation de leurs perspectives professionnelles. Certains craignent qu’avec cette réforme, qui favorise la circulation des hauts fonctionnaires, la diplomatie ne puisse plus être pratiquée que de façon intermittente alors qu’il s’agit d’un métier vocationnel. Dans la mesure où les changements décidés renforceront les flux entrants au MEAE et la mobilité sortante des diplomates, ces derniers s’inquiètent de ne plus pouvoir faire la carrière imaginée. La réforme romprait ainsi le contrat moral qui lie le ministère aux agents et qui les conduit à accepter les fortes sujétions du métier. Le ministère perdrait par conséquent en attractivité aux yeux des jeunes talents, qui ne seraient plus assurés de pouvoir faire l’intégralité de leur carrière en son sein.

Enfin, les jeunes secrétaires des affaires étrangères, qui étaient nombreux à tenter de devenir conseillers des affaires étrangères, ont le sentiment que la réforme les dépossède de leurs perspectives d’évolution professionnelle. Bien que leur corps ne soit pas supprimé, les secrétaires des affaires étrangères, qui représentent la moitié des effectifs de catégorie A du ministère, sont au final les personnels les plus mobilisés contre cette réforme, dont ils estiment qu’elle les prive de possibilités d’évolution dans leur carrière.

4. La réforme arrive dans un contexte de malaise au Quai d’Orsay après deux à trois décennies de baisse des moyens

Le mécontentement autour de la réforme est aussi attribué au spleen que traverse de longue date le MEAE, attribué à un affaiblissement des moyens et des attributions du ministère sur le temps long qui conduit les personnels à s’interroger sur le sens de leurs missions.

 La contestation visant la réforme s’inscrit dans un contexte marqué par des décennies de restrictions des moyens du Quai d’Orsay, malgré la stabilisation intervenue en 2021 et 2022. Le MEAE est l’un des seuls à avoir connu, au cours des vingt dernières années, une si nette et ample diminution de ses dotations budgétaires et effectifs. Depuis 1996, son budget se situe en deçà du seuil de 1 % du budget de l’État. Ces deux dernières décennies, ses effectifs ont baissé de 30 %. Enfin, sous l’effet des cessions, son patrimoine immobilier s’est réduit et l’état d’entretien de ce parc est inquiétant. Les rapporteurs s’entendent sur ce point : la diplomatie française est « à l’os ». Ils relèvent que des inquiétudes de même nature s’expriment aux États-Unis, compte tenu de la diminution de 50 % du budget du Foreign Service depuis 1991, parfois mis en parallèle avec la diminution de l’influence mondiale des États-Unis.

 Le MEAE a subi dans le même temps une concurrence accrue – de l’Élysée, d’autres ministères, d’opérateurs ou d’acteurs non-étatiques – qui tend à réduire son poids dans la conduite de l’action extérieure. Le périmètre d’action du ministère s’est réduit sous l’effet de la dévolution à des opérateurs, comme l’Agence française de développement (AFD), Expertise France ou l’Institut français, d’une partie de ses missions d’exécution. Le Quai d’Orsay a aussi perdu une partie de ses compétences migratoires par le rattachement de la sous-direction des visas au ministère de l’intérieur. Dans les régions où l’armée française est engagée sur des théâtres d’opérations extérieures, les prérogatives du Quai d’Orsay tendent à se réduire par rapport à celles du ministère des armées. Enfin, le poids du président de la République et de la cellule diplomatique de l’Élysée tend également à marginaliser le Quai d’Orsay.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré ces tendances, le poids des missions du Quai d’Orsay continue de croître. Ces dernières années, les responsabilités du ministère ont cru par l’amplification des fonctions de gestion de crise, d’action humanitaire et des affaires dites globales. En particulier, beaucoup d’efforts ont été demandés aux diplomates récemment, à l’occasion du rapatriement de 370 000 de nos compatriotes à l’étranger pendant la pandémie, des évacuations d’Afghanistan ou de la gestion des conséquences multidimensionnelles de la guerre en Ukraine.

La déconnexion croissante entre les ambitions et les moyens de la diplomatie explique en partie l’accroissement des sujétions qui pèsent sur les personnels. L’augmentation de la charge de travail est attestée par divers indicateurs, du nombre d’heures supplémentaires au nombre de jours de congé non pris. Les contraintes de l’expatriation sont par ailleurs vécues comme étant plus fortes qu’auparavant, compte tenu des évolutions sociétales, marquées par la réticence croissante des conjoints à suivre un agent affecté à l’étranger, mais aussi des évolutions géopolitiques, sous l’effet des guerres ou des crises de toute sorte. La pandémie mondiale de Covid-19, qui s’est traduite par une forte hausse de la charge de travail et des restrictions de circulation limitant les possibilités de rentrer en France, a provoqué une grande fatigue morale et physique chez les agents.


   II. Les enjeux et les consÉquences attendues de la rÉforme de l’encadrement supÉrieur du Quai d’Orsay sont diversement appréciÉs et ÉvaluÉs par les rapporteurs

A. Souffrant d’Être mal comprise, cette rÉforme est une opportunitÉ pour notre diplomatie, selon M. Vincent Ledoux

1.   L’ouverture du Quai d’Orsay bénéficiera à la diplomatie française

a.   L’objectif central est de préserver un outil diplomatique de qualité

Malgré les interrogations réelles des diplomates sur le sens de leurs missions, il ne fait aucun doute que ceux-ci sont plus nécessaires que jamais à l’action publique. La mondialisation et l’évolution de l’Europe accroissent année après année le poids de la fonction européenne et internationale dans l’action publique. La guerre en Ukraine, aujourd’hui, révèle le degré de nos interdépendances, économique, énergétique ou alimentaire. Pour gérer cette matière européenne et internationale en expansion, la France a besoin d’agents compétents.

L’évolution du contexte international, marqué par le retour des rapports de force entre puissances, se traduit par le renforcement des fonctions traditionnelles de la diplomatie. Dans un monde qui, contrairement aux États, ne comprend ni juge, ni gendarme pour maintenir l’ordre public, il est besoin de diplomates pour négocier avec des pays qui ne partagent pas toujours nos valeurs. Dans un monde plus instable, la gestion de crise voit également son importance renforcée.

En même temps, le métier diplomatique évolue beaucoup. La diplomatie tend à devenir plus technique en raison de l’importance acquise par les sujets liés à la gouvernance mondiale, comme la santé publique ou la lutte contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, si la diplomatie « de l’ombre » n’a pas disparu, le travail des diplomates relève, de façon croissante, du champ de la « diplomatie publique », qui consiste à promouvoir l’image de son pays d’origine auprès de l’opinion publique de son pays d’accréditation. La communication tend ainsi à prendre une place considérable dans les fonctions diplomatiques.

Le rapporteur Vincent Ledoux considère que l’argument parfois avancé selon lequel, faute de relever d’un corps spécifique, nos diplomates perdraient de leur prestige aux yeux de leurs principaux homologues étrangers, procède d’une erreur d’analyse profonde.

En effet, si de nombreux États étrangers réservent à leurs diplomates un statut spécifique (cf. supra), c’est que leur modèle administratif ne comporte pas l’équivalent d’un haut encadrement généraliste doté de garanties statutaires et d’un prestige social comparables à celui des très hauts fonctionnaires français.

Aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Allemagne, des facteurs tels que la très forte contractualisation de l’encadrement public, le caractère fédéral de l’État ou encore la pratique des « dépouilles » (spoil system) ont pour effet de limiter fortement l’accès des fonctionnaires de carrière aux plus hauts postes de direction en administration centrale. C’est afin de pallier ce manque plus général d’attractivité des carrières administratives que les diplomates y sont, par contraste, dotés de garanties propres, sous la forme de « corps » spécifiques... 

Le besoin n’est évidemment pas le même en France. Nos diplomates ne vont rien perdre de leur prestige en rejoignant le nouveau corps interministériel des administrateurs de l’État, héritier direct de celui des administrateurs civils qui avait été voulu par le Conseil national de la Résistance pour doter la France d’une haute administration au service de son redressement.

b.   Le Quai d’Orsay peut gagner à être plus ouvert sur les autres administrations

Contrairement à ce qui est souvent avancé par les organisations syndicales du ministère, l’ouverture du Quai d’Orsay est en réalité à géométrie variable.

S’il est vrai que le MEAE a une longue tradition d’accueil de personnels issus d’autres ministères, l’ouverture est limitée à certains domaines : le développement et l’influence, les représentations permanentes auprès des organisations internationales, le consulaire et les fonctions support (ressources humaines, finances, immobilier et logistique). La plupart des postes d’encadrement supérieur du MEAE ouverts à des personnels extérieurs se trouvent ainsi dans les métiers de l’influence et de la coopération. Les représentations permanentes comptent également, aux côtés des spécialistes qui continuent de relever des ministères techniques, de nombreux externes sur des postes du MEAE, car le travail multilatéral rend nécessaire de se doter de tels spécialistes. Enfin, dans le consulaire et dans les fonctions support, l’ouverture est importante car les diplomates n’y ont pas beaucoup de plus-value.

Les métiers politiques du MEAE sont en revanche beaucoup plus fermés à l’extérieur. Or, dans ce domaine, la diversité est un atout, y compris au sommet de la pyramide.

Sous la précédente législature, dans ses fonctions de rapporteur spécial des crédits de la mission Action extérieure de l’État au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le rapporteur avait pu directement mesurer la contribution de chefs de postes diplomatiques issus de l’administration préfectorale, à l’exemple de l’ambassadeur Marc Vizy au Bénin, ou ayant eu un parcours dans le secteur de l’humanitaire, comme l’ambassadrice Stéphanie Rivoal en Ouganda.

Le Quai d’Orsay a tout à gagner à une réforme qui lui permettra de recruter plus facilement des administrateurs de l’État ayant démontré, dans l’exercice de leurs missions, qu’ils ont des compétences utiles pour les métiers de la diplomatie. À titre d’exemple, rien ne s’opposerait ainsi à ce qu’un administrateur de l’État qui n’aurait pas choisi le Quai d’Orsay comme première affectation mais qui aurait ensuite multiplié les expériences de négociations européennes ou multilatérales au sein d’un ministère technique puisse poursuivre son parcours professionnel au sein du MEAE, en administration centrale ou dans un poste diplomatique.

Par ailleurs, les diplomates sont aujourd’hui confrontés à des difficultés pour faire des mobilités hors du Quai d’Orsay. Fin novembre 2022, seuls 120 diplomates de catégorie A+ étaient en mobilité en dehors du MEAE. Les postes ouverts dans d’autres ministères, comme ceux de conseillers diplomatiques auprès des préfets de région, sont trop souvent perçus comme des postes d’attente et non comme des accélérateurs de carrière. Les diplomates doivent donc pouvoir, de façon plus fluide, quitter le MEAE puis y retourner, ce qui exige de créer l’architecture qui leur permettra de le faire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Allemagne, la mobilité entrante et sortante au niveau de l’encadrement supérieur de l’Auswaertigesamt est soutenue en principe, mais faible en pratique. La part des contractuels est très limitée. Le ministère propose au cas par cas certains postes ou certaines fonctions à des non-diplomates. La proportion des postes d’encadrement occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique est par ailleurs très restreinte : à titre d’illustration, ce n’est le cas actuellement que d’un seul poste, celui du directeur général en charge de la culture. La mobilité des diplomates vers d’autres postes à l’extérieur est possible mais relève plus d’opportunités qui s’offrent à certains que d’une politique volontariste de l’Auswaertigesamt.

À l’inverse, d’autres ministères des affaires étrangères, notamment ceux situés dans les pays anglo-saxons, apparaissent plus ouverts.

Aux États-Unis, comme expliqué plus haut, environ 40 % des membres du corps sont des spécialistes, recrutés pour leurs connaissances ou leurs compétences particulières, qui ne sont pas obligés de passer l’examen d’entrée du Foreign Service. De manière spécifique aux États-Unis, les postes d’encadrement peuvent également être attribués à des « political appointees » (cf. infra). Certains diplomates peuvent, dans le sens de la mobilité sortante, être détachés dans d’autres agences américaines et de nombreux haut gradés au sein de l’armée américaine disposent de conseillers diplomatiques issus du Foreign Service. Les diplomates américains peuvent par ailleurs faire valoir leurs droits à la retraite dès 50 ans, ce qui leur permet ensuite de dérouler éventuellement une deuxième carrière.

Au Canada, l’encadrement supérieur du ministère des affaires étrangères a été ouvert aux autres administrations, il y a environ une décennie. Le processus de réflexion et de concertation collective sur l’avenir de la diplomatie actuellement en cours à Ottawa (cf. supra) a toutefois mis en lumière les limites de l’exercice. En sens inverse, la mobilité sortante des diplomates au sein d’autres administrations est limitée à une dizaine de personnes chaque année et la mobilité vers le secteur privé est pratiquement inexistante. Les mobilités dans des cabinets politiques ne sont par ailleurs pas particulièrement valorisées.

Au Royaume-Uni, le FCDO n’a longtemps eu qu’une pratique très limitée des recrutements temporaires, qui ne concernait que des personnels issus de certains ministères régaliens et n’avait cours qu’en ambassade, pour les fonctions support, et en administration centrale, pour les services techniques ou certaines spécialités. Les recrutements à durée limitée et au sein des autres ministères se sont développés, en centrale et dans le réseau. Les diplomates britanniques témoignent notamment d’une flexibilité grandissante pour la mobilité interministérielle, particulièrement entrante. Certains postes auparavant réservés aux diplomates de carrière sont désormais ouverts aux candidatures de civil servants issus d’autres ministères. Au 31 mars 2022, 517 civil servants issus d’autres ministères étaient en fonction au sein de la diplomatie britannique, dont 65 au plus niveau d’encadrement (soit 10 % environ des senior civil servants). En sens inverse, 173 diplomates servaient dans d’autres administrations.

c.   De façon positive, la réforme décloisonnera les carrières des diplomates

La réforme permettra de décloisonner et de diversifier les carrières des hauts fonctionnaires en favorisant des parcours plus fluides au sein de l’administration de l’État. Cette évolution est utile pour la puissance publique car la diversité des expériences est de nature à favoriser le renouvellement des regards des hauts fonctionnaires et l’acculturation réciproque des différents univers ministériels. Elle sera aussi bénéfique pour les fonctionnaires, qui pourront avoir des carrières plus riches, ce qui permettra de renforcer l’attractivité de la fonction publique.

Le décloisonnement des parcours professionnels des diplomates obéit aux mêmes considérations que celles qui prévalent pour le reste des hauts fonctionnaires. La mobilité des agents diplomatiques renforcera, au sein de l’État, une culture internationale qui fait actuellement largement défaut. En sens inverse, elle favorisera, au sein du Quai d’Orsay, une meilleure connaissance de la France et de ses territoires, que les personnels du ministère sont chargés de promouvoir à l’étranger. L’imbrication croissante entre le national et l’international, illustrée par la pandémie mondiale de Covid-19 et les conséquences de la guerre en Ukraine, justifie, de la même manière, une plus grande circulation des hauts fonctionnaires au sein de l’État. Pour les diplomates eux-mêmes, qui font légitimement valoir les fortes sujétions qui accompagnent une vie d’expatriations, une mobilité peut représenter un moment de respiration salutaire en même temps qu’une source d’enrichissement professionnel. La réforme pourrait même accroître l’attractivité du Quai d’Orsay pour les jeunes générations, qui ont une envie croissante de mobilité, de flexibilité et de polyvalence.

2.   L’intérêt principal de la réforme est de substituer une gestion par les compétences à une gestion par les corps

a.   Les compétences des diplomates ne sont pas spécifiques au point de ne pouvoir être assumées par d’autres hauts fonctionnaires

En premier lieu, il est nécessaire de lever un possible malentendu. Il ne fait aucun doute que, pour gérer la matière internationale et européenne, l’État a besoin d’agents dotés d’un certain nombre de savoirs propres, dont une culture générale spécialisée dans les affaires publiques – la guerre et la paix, le terrorisme et la criminalité organisée, l’environnement, la santé publique, etc. –, une connaissance du monde et des langues qui s’acquière avec les études, l’expérience et le voyage, et des savoir-faire professionnels comme la capacité à organiser une conférence, la négociation, la communication ou la gestion de crise. Les personnels diplomatiques doivent par ailleurs avoir certains savoir-être, dont la fiabilité, une capacité d’adaptation au changement et une capacité à prendre de la distance par rapport à ses référentiels, par exemple pour faire l’effort de comprendre pourquoi de nombreux pays n’ont pas condamné la Russie après l’invasion de l’Ukraine.

Le rapporteur comprend que les diplomates, comme d’ailleurs d’autres hauts fonctionnaires très engagés dans leur travail, aient pu percevoir cette réforme comme une remise en cause de leur expertise. Mais contrairement à la manière dont le débat est souvent formulé, la question que pose la réforme n’est pas tant de savoir si les diplomates ont des compétences ou une expertise propre mais si celles-ci sont spécifiques au point de ne pouvoir être exercées, avec autant d’efficacité et de résultats, par des administrateurs de l’État issus d’autres ministères.

En l’occurrence, si les diplomates ont des compétences et une expertise qui sont propres, celles-ci ne paraissent pas spécifiques au point de ne pouvoir être assumées par des hauts fonctionnaires issus d’autres ministères. Contrairement à des médecins ou des ingénieurs, les diplomates ont des compétences généralistes qui sont à la portée, non pas de n’importe qui, mais d’autres hauts fonctionnaires, qui peuvent au demeurant bénéficier, pour les acquérir, d’une formation. Il faut dire, par exemple, que la plupart des diplomates qui ont été récemment confrontés à la gestion de crise, comme en Afghanistan et en Ukraine, l’ont été pour la première fois.

De fait, d’autres corps que les corps diplomatiques comprennent des agents dont les compétences peuvent être utiles à la diplomatie. Les similitudes entre préfets et ambassadeurs illustrent la possibilité d’une plus grande circulation des hauts fonctionnaires. D’abord, les deux exercent une fonction d’incarnation de l’État, sur le territoire national ou à l’étranger, qui suppose des qualités similaires, telles qu’un comportement irréprochable, la neutralité, une aisance dans la prise de parole en public, etc. Ensuite, les missions des préfets et des ambassadeurs consistent à mettre en œuvre des politiques de l’État dans un champ de compétence donné. Elles supposent par ailleurs de développer des partenariats avec tous les acteurs d’un écosystème, à savoir les acteurs politiques, économiques ou culturels. Enfin, les préfets et les ambassadeurs exercent ponctuellement des missions communes, comme la gestion de crise ou le traitement de dossiers touchant aux problématiques de l’immigration, de l’état-civil et des élections.

Comme dans la plupart des métiers, il faut cependant reconnaître l’importance de l’expérience dans l’exercice du métier de diplomate. La valorisation de l’expérience est essentielle pour préserver une filière diplomatique de qualité. Ainsi, même si la nomination des ambassadeurs relève du pouvoir discrétionnaire du chef de l’État, il paraît difficile d’envisager que la majorité des ambassadeurs n’aient pas d’expérience diplomatique précédente.

b.   Les corps ne sont pas la meilleure garantie que la diplomatie puisse compter sur les compétences dont elle a besoin

La réforme de la haute fonction publique est trop souvent caricaturée. Contrairement à ce qui est fréquemment avancé, cette réforme ne postule pas que les diplomates sont interchangeables, ni qu’il n’y a pas d’expertise propre au métier diplomatique. La réforme postule seulement que le corps et les concours ne sont pas la meilleure garantie que la diplomatie puisse compter sur les compétences dont elle a besoin. L’idée est, demain, de pouvoir affecter les agents moins en fonction de l’appartenance à un corps spécifique qu’en fonction de leurs compétences.

Le pilotage des carrières des hauts fonctionnaires en fonction de leurs compétences, et non plus en fonction de leurs corps, permettra à l’État de mieux affecter les compétences dont il dispose en fonction de ses besoins. Aujourd’hui, comme l’a rappelé aux rapporteurs le député des Français de l’étranger Frédéric Petit, les personnels extérieurs recrutés par le Quai d’Orsay pour combler des besoins de compétences sont des exceptions, de sorte que le ministère manque de personnels spécialisés. Pour lui, le directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) doit connaître l’école et le responsable du projet de « Grande muraille verte » au Sahel « doit avoir déjà planté un arbre dans sa vie ». La suppression des « silos » que représentent les corps ministériels permettra ainsi de gagner en compétence.

En promouvant les compétences, la réforme permettra aussi de récompenser les agents les plus motivés et les plus méritants. À l’heure actuelle, le mérite compte faiblement dans les trajectoires des agents du Quai d’Orsay. Les contractuels de catégorie A ne sont pas de moins bons diplomates et, pourtant, quel que soit leur mérite, ils ont des perspectives bien moindres que les titulaires. De même, quelles que soient ses qualités, un volontaire international en administration (VIA) ne pourra, à l’issue de son service civique, rejoindre une ambassade en tant que contractuel. La réforme n’améliorera pas les perspectives de carrière des contractuels et des VIA puisqu’elle conserve le concept de corps comme mode d’organisation principal de la haute fonction publique. En revanche, au sein du corps interministériel des administrateurs de l’État, le poids du mérite sera mieux reconnu dans l’évolution des carrières qu’il ne l’est aujourd’hui.

Il n’y a donc pas lieu de craindre une remise en cause du métier diplomatique. D’une part, l’ouverture créée par la réforme est prudente : l’affectation sur des postes au MEAE n’est facilitée que pour les administrateurs de l’État, à savoir pour des hauts fonctionnaires qui ont en commun d’avoir passé un concours très sélectif. D’autre part, les diplomates disposent majoritairement des compétences qui les rendent légitimes pour occuper les postes ouverts au MEAE. Les hauts fonctionnaires issus d’autres ministères qui rejoindront le Quai d’Orsay seront uniquement ceux qui pourront justifier de compétences équivalentes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

c.   La réforme réduira l’arbitraire dans les affectations au Quai d’Orsay

Le « fait du Prince » est une réalité dans le jeu des affectations au MEAE. En vertu de l’article 13 de la Constitution, le président de la République dispose d’un pouvoir de nomination discrétionnaire sur les ambassadeurs. Dans tous les pays comparables à la France, l’autorité politique dispose d’un tel pouvoir dans la nomination des ambassadeurs, ce qui est légitime car la diplomatie est une fonction politique. En pratique, la nomination de non-diplomates comme ambassadeurs est cependant l’exception. Au MEAE, la politisation existe toutefois bien au-delà des nominations des ambassadeurs par le chef de l’État. Nombreux sont les diplomates qui ont bénéficié d’une forte accélération de carrière grâce à une expérience en cabinet ministériel ou à la cellule diplomatique de l’Élysée.

Face à la critique selon laquelle la réforme renforcera la politisation des affectations au Quai d’Orsay, il faut répondre que, bien au contraire, elle viendra « sécuriser » les nominations. De fait, elle limitera non seulement la politisation mais également le poids des réseaux et du copinage qui, sans même l’intervention du politique, contribue beaucoup à une forme d’arbitraire dans les affectations.

Pour cela, la réforme prévoit deux garde-fous :

– en premier lieu, l’examen des compétences renforcera la transparence et l’objectivation des conditions de nomination des diplomates. Une personne extérieure au MEAE ne pourra être nommée sur un poste que si elle justifie des compétences nécessaires. Certaines compétences s’acquérant avec l’expérience, la plupart des postes à responsabilité seront de facto confiés aux agents qui auront fait leur carrière au MEAE ou, lorsqu’ils viennent de l’extérieur, à ceux qui auront effectué des mobilités au sein du ministère plus tôt dans leur carrière ;

– en second lieu, une commission d’aptitude dont la compétence est de formuler un avis sur l’aptitude professionnelle des personnes candidates à une première nomination en qualité de chef de mission diplomatique ([18]) est créée. Auparavant, le MEAE disposait d’un comité pour les primo-ambassadeurs, devant lequel ne passait que les agents titulaires du ministère. La commission d’aptitude entendra désormais l’ensemble des candidats, qu’ils soient diplomates de carrière ou candidats externes au MEAE, ce qui renforce les garanties d’égal accès à ces emplois. La composition de cette commission garantira la représentation des diplomates de métier ([19]). Elle permettra de « filtrer » les candidatures extérieures, en obligeant les personnes intéressées à se positionner véritablement en amont. Elle aura pour mission de rendre un avis sur les candidats. Si cet avis n’a qu’une valeur consultative, le président de la République disposant d’un pouvoir discrétionnaire sur la nomination des ambassadeurs, ce dernier aura, en toute hypothèse, certaines difficultés à s’écarter d’un avis très négatif, susceptible de fuiter dans la presse.

3.   La réforme est soucieuse de la préservation des carrières diplomatiques

a.   La portée de l’obligation de mobilité sera plus limitée que certains ne le craignent

Bien que certains redoutent que la réforme ne se traduise par un va-et-vient permanent entre administrations, la portée de la mobilité imposée aux diplomates sera en réalité limitée, compte tenu de la nécessité de préserver la cohérence des carrières. Comme l’a assuré aux rapporteurs Mme Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique, rien n’empêchera les diplomates de faire carrière. Les articles 10 et 11 du décret du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'État prévoient seulement que ces derniers devront avoir effectué une mobilité avant chaque passage de grade ([20]).

Pour les diplomates, la mobilité pourrait se traduire, d’une façon qui en limite la portée, par le remplacement d’un retour à Paris, entre deux expatriations à l’étranger, par un passage dans une autre administration. Dans l’esprit de la réforme, l’idée est de promouvoir des mobilités qui interviennent relativement tôt dans les carrières, et pas uniquement sur des postes à responsabilité. Il serait par ailleurs judicieux de promouvoir des mobilités fonctionnelles, qui verraient les diplomates occuper des postes à caractère international, par exemple dans les directions internationales des autres ministères, sur des postes de conseillers diplomatiques de préfets ou dans des organisations européennes ou internationales.

Afin de rassurer les agents qui attendent des signes de confiance, la directrice des ressources humaines du Quai d’Orsay a assuré aux rapporteurs que plusieurs garanties de gestion avaient été données aux diplomates. En premier lieu, le pouvoir de nomination du ministre de l’Europe et des affaires étrangères est préservé en même temps que la gestion des parcours des diplomates reste entre les mains du Quai d’Orsay. Ensuite, les lignes directrices de gestion du MEAE mentionnées à l’article 4-6 du décret du 16 avril 2022, qui seront nourries par les réflexions des états généraux de la diplomatie, garantiront que les diplomates pourront dérouler leur carrière au ministère, sous réserve de leur obligation de mobilité. Enfin, face à l’inquiétude des agents diplomatiques relative à la garantie d’un retour au MEAE après une mobilité extérieure, l’article 7 du décret du 1er décembre 2021 prévoit que chaque département ministériel aura l’obligation de garder en gestion ses effectifs en mobilité sortante pendant six ans, période durant laquelle ces derniers conserveront leurs droits à l’avancement et à l’issue de laquelle ceux-ci pourront retrouver une affectation dans leur ministère d’origine.

b.   Le risque d’un renforcement de la concurrence sur les postes diplomatiques est limité

Le risque d’un renforcement de la concurrence sur les postes diplomatiques, qui serait lié à un accroissement important du nombre de candidatures des administrateurs de l’État issus d’autres ministères, paraît assez faible. En effet, l’expatriation est perçue par nombre de hauts fonctionnaires comme une contrainte, qui est d’ailleurs d’autant plus importante que le contexte international devient inquiétant. En d’autres termes, vivre à l’autre bout du monde n’est pas un rêve que nourrissent tous les hauts fonctionnaires. La directrice des ressources humaines du Quai d’Orsay a ainsi rapporté n’avoir pas constaté de déferlement de candidatures sur les postes de « numéro 2 » d’ambassade et de consul général, dont un grand nombre a déjà été fonctionnalisé.

Le risque d’une concurrence ciblée sur les postes les plus convoités ne paraît pas plus inquiétant. L’examen des compétences et des expériences précédentes des candidats constitue une garantie solide contre le risque de privilégier des agents en mobilité au détriment des diplomates expérimentés. Par ailleurs, il est à parier que l’autorité de nomination sera très attentive dans l’attribution de ces postes prestigieux, compte tenu du niveau de sensibilité des diplomates sur ce sujet.

c.   Pour atteindre les objectifs de la réforme, l’intégration des diplomates dans un corps interministériel était nécessaire

Le rapporteur souligne que l’objet de la réforme n’est pas de « supprimer le corps diplomatique » mais d’intégrer l’ensemble des cadres supérieurs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le nouveau corps interministériel des administrateurs de l’État.

Les contempteurs de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État avancent souvent que ses objectifs auraient pu être atteints sans fusionner les corps, mais en développant la mobilité. La fusion des corps favorisera cependant une plus grande fluidité que ne le permet actuellement le régime du détachement, qui est plus laborieux qu’un changement de poste au sein d’un même corps.

Surtout, l’intégration des plus hauts diplomates au sein d’un même corps interministériel est un prérequis indispensable à une gestion des ressources humaines fondée, non plus sur la base d’un concours administratif spécifique passé des décennies auparavant, mais sur les compétences et l’expérience. Avec ou sans corps, la nécessité de conserver et même de renforcer les compétences ainsi que l’expertise de ceux qui exercent des fonctions diplomatiques demeurera. La France conservera donc une filière diplomatique. Cependant, la réforme élargira la gamme de personnes sur lesquels le MEAE pourra se reposer et déverrouillera la gestion des personnels.

4.   Les diplomates seront également mieux formés et plus ouverts sur la société

Bien loin de favoriser l’endogamie sociale, l’un des objectifs de la réforme est de démocratiser l’accès à la haute fonction publique par la création des « Prépas Talents » et par l’ouverture d’une voie d’accès spécifique à l’INSP pour les élèves de ces classes préparatoires, qui accueillent des étudiants boursiers. Le Quai d’Orsay a adopté sa propre déclinaison des « Prépas Talents » en créant une Académie diplomatique, dont la première édition s’est tenue à l’été 2021. À travers l’Académie diplomatique, des lycéens sélectionnés sur des critères sociaux bénéficient d’un programme de découverte et de formation aux métiers diplomatiques et, par la suite, d’un soutien pour obtenir une première expérience dans la diplomatie ou pour préparer les concours du Quai d’Orsay.

Le rapporteur se félicite par ailleurs de la suppression du classement de sortie de l’ENA, qui permettra de mieux orienter les talents de l’international vers le MEAE. À l’heure actuelle, le classement de sortie contraint le Quai d’Orsay à devoir recruter des élèves qui n’ont pas toujours le profil pour devenir diplomate mais qui souhaitent rejoindre le ministère pour son prestige. À l’inverse, le ministère ne peut recruter d’autres élèves, certes moins bien classés, mais dont le parcours et la vocation laissent penser qu’ils feraient d’excellents diplomates. Le principe d’appariement apportera une réponse à une situation insatisfaisante.

Enfin, la réforme se traduit par un effort très positif pour renforcer la formation des diplomates. De l’avis de la plupart des personnes entendues par les rapporteurs, le système de formation initiale et continue du Quai d’Orsay demeure en deçà des besoins. Les évolutions en cours du métier de diplomate, dont la place acquise par la « diplomatie publique », qui suppose des compétences relationnelles et la maîtrise des outils numériques, exigent par ailleurs d’adapter la formation.

Contrairement à certaines critiques, la formation initiale ne sera pas amoindrie. La réforme a pour conséquence de rehausser le niveau de la formation des lauréats du concours d’Orient de catégorie A+. Alors, qu’aujourd’hui, les lauréats de ce concours bénéficient d’une formation de seulement deux mois à l’IDC, demain, ces derniers bénéficieront, comme les autres administrateurs de l’État, de deux ans de formation à l’INSP en plus des deux mois de formation à l’École pratique des métiers de la diplomatie. La programme de formation à l’INSP devrait avoir une forte composante internationale, matière à laquelle seront donc mieux formés tous les administrateurs de l’État. Il faut ajouter à cela que la formation aux compétences managériales constituait jusqu’à présent un véritable manque dans la formation des lauréats du concours d’Orient, à qui il ne suffit pas de parler des langues rares. Enfin, il est fondamental que les diplomates, qui représentent la France et ses territoires à l’étranger, puissent mieux les connaître.

5.   Les états généraux de la diplomatie sont l’occasion d’enrichir la réforme et de répondre au malaise qui affecte le Quai d’Orsay

a.   Grâce à l’engagement du ministre Le Drian, le MEAE est l’un des ministères qui a obtenu le plus de contreparties

Le rapporteur se félicite d’abord de l’harmonisation des rémunérations des hauts fonctionnaires, qui mettra fin à des écarts injustifiés. D’après la directrice générale de l’administration et de la fonction publique, les hauts fonctionnaires pouvaient, à la sortie de l’ENA et en fonction de leur ministère d’affectation, subir une différence indemnitaire pouvant aller jusqu’à 14 000 euros par an. Ces écarts sont non seulement injustes mais peuvent aussi créer des effets pervers, le niveau de rémunération pesant dans le choix d’affectation de certains élèves. Les diplomates bénéficieront, de façon considérable, d’un alignement sur le niveau des primes d’administration centrale versées dans les autres administrations de l’État.

Surtout, le MEAE apparaît comme l’un des ministères – si ce n’est le ministère – qui a obtenu le plus de contreparties dans le cadre de cette réforme, grâce à l’engagement de l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian. Comme l’a expliqué la directrice des ressources humaines, toutes les garanties données oralement aux diplomates sont ou devraient bientôt être « crantées » dans des textes juridiques, ce qui permet d’affirmer que les engagements sont bien tenus. Le Quai d’Orsay est par ailleurs le seul ministère à avoir obtenu la sanctuarisation d’une voie d’accès spécialisée à l’INSP à travers le concours d’Orient.

Enfin, l’organisation d’états généraux de la diplomatie, qui était une revendication des agents, est une initiative qui mérite d’être saluée et qui semble d’ailleurs l’être par l’ensemble des groupes politiques. Ce moment de réflexion est l’occasion de remettre les agents en situation d’être des acteurs et de faire des propositions sur l’avenir des métiers diplomatiques et consulaires. Il est donc très encourageant d’entendre, de la part de l’équipe chargée d’animer ces états généraux, que les personnels du ministère se sont appropriés l’exercice. La grève du 2 juin 2022 étant le reflet d’un profond malaise au sein du Quai d’Orsay, il était d’opportun d’organiser une réflexion au champ large, qui ne se limite pas aux seules conséquences de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État. La diplomatie a en effet besoin d’une réforme en profondeur pour retrouver du souffle.

b.   D’autres garanties permettraient de rassurer quant à l’avenir de la filière diplomatique

i.   Demander une expérience préalable comme « numéro 2 » de mission diplomatique à la plupart des candidats aux postes d’ambassadeurs

Contrairement à ce qu’elle prévoit pour les préfets, la réforme n’impose aucune condition d’ancienneté pour l’accès au poste de chef de mission diplomatique. Pour sa part, le corps préfectoral a obtenu que les deux-tiers des postes de préfet soient occupés par des personnes ayant au moins cinq années d’expérience sur des fonctions territoriales d’encadrement, dont au moins trois ans en qualité de sous-préfet, ce qui consolide la notion de filière préfectorale.

Ainsi que l’a proposé la mission d’information du Sénat sur l’avenir du corps diplomatique ([21]), l’accès aux postes d’ambassadeur pourrait, comme pour les postes de préfet, être conditionné au fait d’avoir exercé, pendant au moins trois ans, des fonctions de « numéro 2 » de mission diplomatique, avec la possibilité de prévoir une exception pour une minorité de postes d’ambassadeurs. Cette proposition est également portée par l’autre rapporteur (cf. infra).

ii.   Accompagner la réforme d’une gouvernance robuste permettant d’en assurer un suivi fin

Afin de rassurer sur la réforme, celle-ci doit s’accompagner d’un dispositif d’évaluation robuste capable d’assurer le suivi de ses effets. Un tableau de bord doit être élaboré et donner lieu à publication annuelle. L’enjeu est de définir les indicateurs qui soient à la fois les plus judicieux et les plus facilement mesurables, afin d’éviter qu’ils ne se traduisent par une charge de « reporting » excessif sur un grand nombre d’agents. En fonction des résultats, le dispositif de la réforme pourra être adapté progressivement.

c.   Les états généraux doivent permettre d’engager d’autres réformes dont le Quai d’Orsay a besoin

i.   « Réarmer » la diplomatie française

Le manque de moyens n’est certes pas la seule difficulté du Quai d’Orsay. Néanmoins, le réarmement du MEAE est une nécessité et, dès aujourd’hui, une réalité, comme a pu l’annoncer Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs en septembre 2022. Après la fin de l’hémorragie des moyens budgétaires et humains obtenue par son prédécesseur au cours des deux dernières années, la loi de finances pour 2023 incarne une rupture, car elle permet de recréer, pour la première fois depuis 1993 – depuis trente ans – des emplois au ministère. Ce réarmement de la diplomatie française devra être confirmé à l’occasion des prochains exercices budgétaires.

ii.   Renforcer la formation continue des diplomates

Après la refonte de la formation initiale, le renforcement de la formation continue des diplomates est un chantier qui doit être ouvert prochainement. L’École pratique des métiers de la diplomatie est la bonne structure pour assurer la formation tout au long de la vie. Par souci d’économie de moyens, il serait opportun que l’École pratique développe des partenariats avec d’autres écoles, comme l’INSP ou l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), pour mutualiser les formations, ce qui lui permettra de recentrer son propre programme de formation continue.

S’agissant de l’apprentissage des langues, le concours d’Orient, qui n’existe dans aucun autre pays comparable, est un des meilleurs dispositifs pour permettre au Quai d’Orsay de recruter des locuteurs de langues rares. Compte tenu de la nécessité de renforcer notre influence en Afrique et de répondre aux narratifs anti-français qui s’y développent, le nombre de langues africaines que les candidats peuvent présenter au concours d’Orient doit être élargi.

iii.   Mieux faire connaître le métier diplomatique

Les états généraux de la diplomatie doivent aussi être l’occasion de mieux faire connaître les métiers diplomatiques. En France comme ailleurs, le corps diplomatique jouit d’un certain prestige mais, en pratique, l’opinion publique connaît mal l’activité quotidienne de cet outil de la politique extérieure de notre pays. Si la pandémie mondiale a donné à voir le rôle des consuls dans l’organisation des rapatriements et si la guerre en Ukraine a partiellement restauré dans l’opinion publique l’image de la diplomatie, bien qu’elle ait échoué à prévenir la guerre, le métier de diplomate reste encore mal connu.

D’autres pays tentent aujourd’hui de revaloriser l’image du métier diplomatique. Aux États-Unis, le Département d’État développe des programmes de communication et de diplomatie publique destinés à mieux faire connaître le Foreign Service, y compris à travers une présence massive sur les réseaux sociaux. De même, le ministère canadien des affaires étrangères songe à renforcer sa communication publique, afin de mieux faire connaître l’expertise des diplomates et les résultats concrets de leur action au quotidien. La direction de la communication et de la presse du Quai d’Orsay pourrait développer des actions similaires.

B.   Cette rÉforme nuira profondÉment À la qualitÉ de la diplomatie française, selon M. Arnaud Le Gall

1.   Les postulats comme la méthode d’une réforme reposant sur une vision néolibérale de l’État expliquent en partie qu’elle soit si contestée

a.   La réforme est construite sur un postulat erroné, à savoir que le MEAE serait un ministère fermé

Le Quai d’Orsay est d’ores et déjà l’une des administrations les plus ouvertes et les plus diversifiées. En effet, le ministère est composé pour moitié d’agents contractuels, qui contribuent à « oxygéner » le MEAE et à en compléter les compétences. Fin novembre 2022, 153 administrateurs de l’État ou agents de corps équivalents de niveau A+ venant d’une autre administration étaient affectés au MEAE, dont environ un cinquième était placé sur des postes situés dans le réseau à l’étranger.

Cette ouverture vaut également pour les personnels qui composent l’encadrement supérieur du Quai d’Orsay : en effet, 20 % de l’encadrement du ministère n’est pas issu du corps diplomatique. Plus précisément, d’après les chiffres donnés par le Sénat, en 2019, 19 % des emplois d’ambassadeurs et 41 % des emplois de chefs de service étaient occupés par des personnels en détachement ou intégrés au MEAE. S’agissant des flux sortants, 16 % des agents d’encadrement supérieur du ministère étaient en mobilité extérieure.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères apparaît aussi déjà très ouvert sur le plan de la diversité sociale. Malgré les clichés dont les diplomates continuent de faire l’objet, l’endogamie sociale qui caractérisait le Quai d’Orsay est synonyme d’une période révolue. Le concours d’Orient, en particulier, contribue beaucoup à l’intégration dans la diplomatie de personnes issues de l’immigration, qui maîtrisent des langues rares.

Plus que l’ouverture, cette réforme semble motivée par une envie de « fluidifier » la gestion de la haute fonction publique, perçue comme excessivement rigide. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé aux rapporteurs Mme Laurence Badel, professeure d’histoire des relations internationales à l’Université Paris I, selon laquelle la réforme s’inscrit dans un mouvement de rénovation de l’État marqué par les théories du « new public management », c’est-à-dire essentiellement l’introduction des outils de l’entreprise dans la gestion publique, voire l’alignement de l’État sur les entreprises.

Le rapporteur Arnaud Le Gall considère que rappeler l’arrière-plan idéologique de cette réforme est fondamental pour la comprendre, tant ses contours sont par ailleurs flous. On ne peut, sans la resituer dans son contexte, comprendre les oppositions qu’elle suscite. En effet, au premier abord, qui peut s’opposer à des objectifs consistant à « valoriser les compétences », « ouvrir la haute fonction publique », « diversifier les parcours », etc. ? Mais ces expressions clés de la réforme peuvent, dans la réalité, avoir des applications antagonistes. Les craintes quant aux objectifs et effets réels de cette réforme sont d’ailleurs renforcées par l’importance donnée aux « compétences managériales » au sein de l’INSP, les déclarations passées du président de la République considérant comme obsolète le statut de la fonction publique – conquête révolutionnaire contre la captation du bien public qu’est l'État par le monarque et les intérêts particuliers – ou encore le recours croissant à des cabinets de conseil privés onéreux et dont l’esprit de service public est contestable.

b.   La défiance avec laquelle la réforme a été accueillie tient en partie aux conditions dans lesquelles celle-ci a été conduite

La méthode de la réforme est critiquable à plusieurs titres.

D’abord, l’environnement de ces changements n’a pas été préparé de sorte que, depuis le début, l’Exécutif donne l’impression de « naviguer à vue », ce qui ne peut que susciter inquiétudes et questionnements s’agissant de la plus profonde réforme de la haute fonction publique depuis 1945.

La réforme a commencé, après le mouvement des « gilets jaunes », avec l’annonce par le président de la République, en avril 2019, de la suppression de l’ENA, qui a finalement été transformée en INSP. Deux ans plus tard, en avril 2021, le chef de l’État annonçait la suppression des grands corps, à l’exception de ceux du Conseil d’État et de la Cour des Comptes. Alors que les diplomates ont un temps pensé qu’ils seraient épargnés, ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’il leur a été annoncé que la réforme entraînerait bien la suppression des corps diplomatiques.

Ensuite, aucune concertation n’a eu lieu en amont de l’amorce du processus. Par contraste, le travail conduit par l’ambassadeur Bonnafont a fait l’objet de consultations « tous azimuts », incluant les organisations syndicales et professionnelles, les administrations du Quai d’Orsay et des autres ministères, Matignon et l’Élysée, des personnalités qualifiées, dont des responsables politiques, et des responsables du secteur privé. Outre qu’il est toujours important d’écouter avant de réformer, la concertation se justifiait par le fait que le président de la République n’a qu’une vision parcellaire du métier diplomatique. Ce dernier aurait pu annoncer ses objectifs, demander aux diplomates de lui faire des propositions, organiser une concertation et permettre le débat avant de prendre une décision.

Enfin, cette réforme a contourné la discussion parlementaire. Après sa présentation par le président de la République lors de la convention managériale de l’État du 8 avril 2021, elle a été déclinée dans une ordonnance, comme l’autorisait l’article 59 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 ([22]). L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, qui contient les grandes dispositions de principe de nature législative, a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale dans le délai imparti, avec pour effet de lui donner force juridique, mais n’a pas été inscrite à l’ordre du jour. Pour débattre de cette réforme majeure, plusieurs sénateurs ont décidé de déposer une proposition de loi autorisant la ratification de l’ordonnance du 2 juin 2021 ([23]), avant de la rejeter le 30 septembre 2021.

Sur le fondement de cette ordonnance, le Gouvernement a pris – et continue de prendre – toute une série de textes réglementaires destinés à redessiner le paysage de la haute fonction publique de l’État, dont le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’État et le décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au MEAE de la réforme de la haute fonction publique.

Enfin, de l’aveu même des acteurs de la réforme, celle-ci a été mal expliquée et la communication a fait défaut. Le travail d’auditions conduit par les rapporteurs a montré que les principaux intéressés n’ont pas toujours la même compréhension des paramètres des changements qui les concernent. Le rapporteur Arnaud Le Gall considère que les responsables chargés de mettre en œuvre la réforme semblent eux-mêmes ne pas avoir la même perception de sa portée. Ce fonctionnement parfois « en silo » est d’autant plus inquiétant que cette réforme comprend une forte dimension interministérielle. La lisibilité, aux yeux des observateurs comme des acteurs, n’est par ailleurs pas rendue aisée par le temps mis pour rédiger les décrets et les arrêtés, qui ne sont pas encore tous publiés. Il n’est en définitive pas exagéré de dire que le pilotage de cette réforme se fait en partie à vue.

c.   Il existe une large majorité contre cette réforme

La réforme arrive non seulement dans un contexte de mal-être de longue date provoqué par la baisse continue des moyens du Quai d’Orsay, mais également de crispations conjoncturelles entre le président de la République et les diplomates, tant sur le choix de nominations que sur les options de politique étrangère. Les diplomates ont notamment très mal vécu l’accusation de constituer un « État profond », formulée en 2019 par le président de la République, qui souhaitait opérer un rapprochement avec la Russie. Ils n’ont pas compris que leur loyauté soit ainsi mise en cause. La réforme est ainsi perçue par certains comme une mesure de représailles destinée à mettre au pas une administration injustement perçue comme réfractaire.

Si la réforme impacte directement une minorité de fonctionnaires du Quai d’Orsay, toutes les organisations syndicales et professionnelles, à l’exception de l’AP-MAE, estiment qu’elle nuira à notre outil diplomatique. Les diplomates étaient fortement représentés lors de la grève du 2 juin, à laquelle ont même participé certains ambassadeurs, mais toutes les catégories d’agents y ont pris part. D’après Mme Laurence Badel, la réforme crée au Quai d’Orsay un séisme comparable à celui produit par la mise en place de l’ENA en 1945, qui avait privé le ministère d’une partie de son autonomie dans le recrutement des diplomates.

Au-delà des diplomates, cette réforme concerne en effet l’ensemble des agents du Quai d’Orsay, qui craignent de ne plus pouvoir compter sur des diplomates expérimentés pour régler les problèmes et gérer les situations de crise. Le risque existe par ailleurs que l’interministérialisation concerne, à terme, toutes les catégories de personnels, ce qui se traduirait par une vraie perte de compétences et d’expérience. Au-delà des personnels du Quai d’Orsay, il faut bien noter que cette réforme fait l’unanimité des groupes politiques contre elle à l’exception de la majorité relative, qui met peu d’entrain à la défendre.

2.   La réforme remet en cause la notion de diplomatie professionnelle

a.   Le métier diplomatique est spécifique de sorte qu’il ne peut être exercé de la même manière par n’importe quel haut fonctionnaire de l’État

Le rapporteur reconnaît l’importance pour le Quai d’Orsay de recruter des personnels extérieurs, notamment dans les représentations permanentes à l’ONU, auprès de l’Union européenne etc., où le besoin de technicité est important, ou sur les fonctions support, comme les ressources humaines ou les questions immobilières, sur lesquels les diplomates n’ont souvent qu’une faible plus-value.

Pour autant, le métier diplomatique est, à plusieurs égards, spécifique au point de ne pouvoir être exercé de manière aussi satisfaisante par n’importe quel haut fonctionnaire de l’État.

D’abord, le métier diplomatique est une vocation qui suppose une psychologie particulière. Il se distingue par la fréquence de l’expatriation et l’exposition à des contextes culturels différents. Ce métier peut être difficile, puisqu’il s’exerce parfois dans des pays caractérisés par une forte insécurité, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, et dans un contexte où la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle est un défi. Il exige toujours un tempérament, une disponibilité, une exigence et une discipline de vie professionnelle.

Par ailleurs, les diplomates sont des « ensembliers ». À l’étranger, où le MEAE a le rôle de chef-de-file de l’action extérieure de l’État, les diplomates acquièrent une profonde connaissance de l’interministériel. Par exemple, la gestion des conséquences de la guerre en Ukraine, qu’elles soient migratoires, alimentaires ou énergétiques, implique l’intervention d’ensembliers capables de synthèse et de coordination.

Contrairement aux agents d’autres ministères, le propre des diplomates, du moins quand ils sont en poste à l’étranger, est d’agir dans des territoires relevant d’autres souverainetés où ils n’ont pas d’autorité, ce qui exige une forte capacité à la négociation pour, entre autres, y faire valoir les intérêts de la France. La réussite d’une négociation d’un traité complexe, par exemple sur les pandémies, le climat ou les grands fonds marins, nécessite aussi bien la compétence de l’expert que celle du diplomate. Les nouveaux moyens de communication ont certes renforcé la possibilité donnée aux chefs d’État et de gouvernement, soucieux de se donner à voir en action sur la scène internationale, de « court-circuiter » les diplomates, par exemple en interpellant directement leurs homologues étrangers. Mais, justement, dans ce contexte, marqué parfois par les invectives et les brusques montées de tensions, il est crucial de disposer de médiateurs capables de s’abstraire de l’immédiateté et du tête-à-tête pour restaurer une relation.

L’exercice du métier diplomatique suppose aussi d’être apte à la gestion des crises, qui sont moins codifiées et plus difficiles à gérer que celles qui se déroulent sur le territoire national. Ce professionnalisme dans la gestion de crise à l’étranger a permis à la France de rapatrier près de 370 000 Français pendant la pandémie et de gérer les évacuations d’Afghanistan et d’Ukraine.

Pour toutes ces raisons, le métier de diplomate se construit sur le temps long, au fil des affectations, par la sédimentation des expériences. Celles-ci apportent une capacité à comparer, à distinguer de ce qui est important de ce qui est contingent et à éviter la répétition des erreurs passées. Lorsqu’un agent devient ambassadeur, celui-ci est d’autant plus compétent qu’il a exercé, au cours de sa carrière, les différentes fonctions remplies par les subordonnés qu’il aura à encadrer. De cette expérience découlent aussi des relations interpersonnelles avec des diplomates étrangers, qui sont cruciales pour tenir des discussions sur des sujets sensibles. À titre d’exemple, un agent en poste au Brésil à plusieurs années d’intervalle aura constitué des réseaux qui pourront s’avérer très utiles à l’heure de l’entrée en fonctions d’un président moins enclin au dialogue. De cette expérience découle aussi une légitimité aux yeux des interlocuteurs de la France à l’étranger.

b.   La nouvelle gestion interministérielle par les compétences est un pari très risqué sur les capacités de l’État gestionnaire

Pour le rapporteur le plus critique à l’encontre de cette réforme, les conditions ne sont en l’état pas réunies pour garantir la préservation du métier diplomatique en l’absence des corps diplomatiques. Comme l’a relevé le député Karim Ben Cheikh lors d’une table ronde organisée par les rapporteurs autour des députés des Français de l’étranger, si l’on veut supprimer les corps, alors il faut envisager de créer un autre type d’encadrement professionnel spécifique aux métiers diplomatiques, ce qui n’est pas prévu par cette réforme.

En l’occurrence, le travail d’objectivation des compétences attendues des diplomates est largement inachevé, ce qui ne permet pas de s’en faire une idée précise. Les auditions conduites ont révélé que la gestion interministérielle par les compétences doit reposer sur un référentiel interministériel, qui définira des compétences « métier », des compétences transversales et des « soft skills », mais qui n’existe pas encore. Des viviers interministériels, regroupant les personnels en fonction de leurs domaines d’expertise, devront ensuite être animés. Ce travail sur les compétences sera soutenu par la réforme de la formation dans le cadre de l’INSP.

Chaque employeur public aura par ailleurs la responsabilité de définir, ou de compléter, son référentiel de compétences afin de définir celles attendues de ses cadres. Le MEAE doit ainsi définir les compétences attendues des diplomates, en utilisant le langage du référentiel interministériel, afin de permettre d’articuler ces compétences d’un ministère à l’autre. Plus encore, le Quai d’Orsay devra réfléchir aux parcours permettant l’acquisition de certaines compétences : pour être ambassadeur, par exemple, il sera préférable d’avoir franchi certaines étapes, dont celle d’avoir été au moins une fois « numéro 2 » d’ambassade.

Pour compléter cette architecture, il sera par ailleurs indispensable de renforcer l’évaluation. Si l’article 3 de l’ordonnance de juin 2021 fixe le principe et les objectifs d’évaluations collégiales à intervalles réguliers des cadres supérieurs, ce sujet a été peu évoqué par les personnes entendues par les rapporteurs et ne semble pas avoir été décliné. Dès lors que les carrières ont vocation à être déterminées par les compétences plus que par le concours d’entrée, l’évaluation devient indispensable. Or, l’évaluation des diplomates est encore balbutiante, en partie parce que, jusqu’à présent, la progression à l’ancienneté était déterminante mais aussi, peut-être, parce qu’il est assez difficile de mesurer l’action diplomatique selon les critères d’évaluation privilégiés dans le « néomanagement » public. Pourtant, le rapport de l’ambassadeur Bonnafont faisait plusieurs propositions qui peuvent servir de base de réflexion pour combler cette carence.

Les pistes de renforcement de l’évaluation des diplomates émises par le rapport Bonnafont

Pour renforcer l’évaluation des diplomates, le rapport Bonnafont proposait de :

– renforcer le collège central des évaluateurs du MEAE, qui doit être constitué d’une quinzaine de diplomates chevronnés en activité, potentiellement dotés du titre d’inspecteurs généraux ;

– mettre en place l’« évaluation à 360° » pour tous, pour procéder à une évaluation générale à dix ans ayant valeur d’examen professionnel distinguant ceux qui progresseront et ceux qui gagneront à une réorientation aidée par le ministère ;

– instaurer une évaluation systématique à l’issue de la première prise de poste de responsabilité en centrale ou à l’étranger ;

– réaliser la dernière grande évaluation au bout de vingt-cinq ans de carrière ;

– faire à chaque agent, à l’issue de chaque grande évaluation, une proposition de poursuite du parcours avec formation supérieure, de reconversion accompagnée avec pécule ou de maintien dans le grade.

Lorsque cette nouvelle architecture des ressources humaines sera mise en place, le rapporteur craint que l’État ne soit pas en mesure d’assurer une gestion rationnelle de ses agents en fonction de leurs compétences.

Pire, le pilotage des ressources humaines de l’État risque de devenir ingérable. Les ministères sont d’ores et déjà incapables de gérer les carrières de façon satisfaisante. Au MEAE, par exemple, les affectations ne sont pas transparentes et la gestion des carrières des agents se limite bien souvent à un jeu de « Tetris ». Déjà compliquée à l’échelle des corps ministériels, la gestion des ressources humaines risque d’être encore plus insatisfaisante à l’échelle d’un corps interministériel composé de dizaines de milliers de hauts fonctionnaires.

Il est donc à craindre que les compétences – qu’il faudrait en tout état de cause définir plus précisément comme expliqué précédemment – prévaudront moins dans les décisions d’affectation que le poids des réseaux et des rapports de force, notamment entre les différents ministères. Il faudrait être naïf pour ne pas anticiper de telles logiques : à titre d’exemple, lorsque M. Laurent Fabius, ancien ministre des affaires étrangères et du développement international, a récupéré la compétence sur le commerce extérieur en 2014, le Trésor aurait obtenu dix postes d’ambassadeurs. La réforme risque ainsi de favoriser les administrateurs de l’État qui seront gérés par des ministères plus puissants et qui disposeront donc de réseaux plus efficaces pour les promotions.

L’expérience du Canada, qui a fait le choix d’ouvrir l’encadrement supérieur du ministère des affaires étrangères aux autres administrations, renforce ce scepticisme. En effet, certaines des carences actuelles de l’outil diplomatique canadien sont imputées par les agents à la forte présence de hauts fonctionnaires n’ayant qu’une connaissance trop parcellaire du fonctionnement de la diplomatie.

c.   La suppression des corps ministériels favorisera le « fait du Prince »

Alors que, à l’heure actuelle, l’appartenance des agents à des corps ministériels limite la politisation dans les nominations au MEAE, il est à craindre que la réforme vienne renforcer ce risque. Demain, certains hauts fonctionnaires issus d’un autre ministère pourront, après une expérience en cabinet ministériel, bénéficier d’une intervention d’un responsable politique pour obtenir une affectation sur un poste qui était auparavant réservé à un diplomate de métier. Si ce risque se matérialise, la réforme n’aura pas créé plus d’ouverture, elle aura uniquement créé plus de faveur.

Le politique a d’ailleurs souvent la tentation de renforcer sa mainmise sur les nominations des hauts fonctionnaires. Le président de la République, qui avait indiqué souhaiter mettre en œuvre un spoil system à la française, a ainsi braqué les diplomates en tentant de nommer Philippe Besson, auteur d’un livre flateur sur Emmanuel Macron, comme consul général à Los Angeles, avant de renoncer. La récente nomination d’Amélie de Montchalin comme ambassadrice auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), après avoir été pressentie pour Rome, a renforcé les inquiétudes autour de la politisation dans le cadre de cette réforme, que Mme de Montchalin a elle-même pilotée comme ministre de la fonction publique. Dans la même logique, aux États-Unis, le Foreign Service s’est senti particulièrement en danger sous le mandat de Donald Trump, qui avait exprimé l’intention de publier un executive order prévoyant que les senior federal employees puissent être licenciés sans justification.

Or, la politisation apporte des risques contre lesquels la diplomatie doit se prémunir. La liberté de contredire est un élément essentiel à l’objectivité des diplomates, qui n’ont pas seulement comme rôle d’obéir, mais aussi de proposer. Un ambassadeur doit avoir suffisamment de statut et d’indépendance pour pouvoir s’opposer à la décision politique lorsque cela est nécessaire. Contrairement à ce que laissait entendre l’accusation visant les diplomates de constituer un État profond, il faut au contraire regretter que ces derniers soient le plus souvent trop soumis, ce sur quoi le politique porte une part de responsabilité. Certains diplomates ont en effet pu subir des représailles dans leur carrière pour avoir exprimé une opinion dissonante de celle de l’Exécutif. En accentuant la politisation des nominations, le risque est donc de nuire à un conseil indépendant pour aboutir sur un conseil orienté, alimenté par l’inquiétude des diplomates pour leurs carrières.

Avec cette réforme, la France risque ainsi d’aller bien plus loin dans la politisation des affectations que les États-Unis, qui servent pourtant de modèle en la matière. Aux États-Unis, les ambassadeurs, les directeurs (assistant secretaries) et les directeurs-adjoints (deputy assistant secretaries) peuvent être des diplomates de carrière ou des political appointees. Durant l’administration Trump, 45 % des ambassadeurs étaient ainsi des political appointees. En revanche, tous les autres postes au Département d’État sont réservés aux personnels du Foreign Office.

Les political appointees : une exception dans les autres pays

Hormis aux États-Unis, la politisation des affectations des ambassadeurs est peu fréquente.

En Allemagne, la part des affectations qui peuvent être jugées politisées est très limitée. La nomination d’anciens ministres comme ambassadeurs est déjà intervenue dans l’histoire de l’Auswaertigesamt mais représente un fait très rare.

En Espagne également, la quasi-totalité des postes de diplomates et d’ambassadeurs est confiée à des diplomates de carrière de sorte que la part des nominations à caractère politique est considérée comme très résiduelle, de l’ordre de 2 à 5 %. Actuellement, deux ambassadeurs espagnols, sur un total de 117 ambassades et 11 représentations permanentes, sont d’anciens politiques : il s’agit d’une ancienne ministre de l’éducation, ambassadrice auprès du Saint-Siège, et d’un ancien député, représentant permanent de l’Espagne auprès de l’OCDE.

En Italie, la Farnesina résiste à la forte pression pour ouvrir des postes diplomatiques à des personnalités extérieures, considérant que l’instabilité politique chronique constitue un repoussoir pour ce type d’ouvertures. Le gouvernement italien a en théorie les moyens de nommer des personnalités extérieures mais de telles occurrences sont cependant rares dans les faits. Le cas le plus célèbre est celui de M. Carlo Calenda, secrétaire d’État au commerce extérieur de M. Matteo Renzi, alors président du Conseil, brièvement nommé, en janvier 2016, représentant permanent de l’Italie auprès de l’Union européenne, ce qui avait suscité un tollé au sein du corps diplomatique italien.

Au Royaume-Uni, les postes d’ambassadeur et de consul ne sont attribués qu’à des civil servants, à de très rares exceptions près, dont M. Ed Llewellyn, actuel ambassadeur à Rome, auparavant accrédité à Paris, nommé après avoir servi en tant que directeur de cabinet de l’ancien Premier ministre David Cameron.

Au Canada, les nominations politiques discrétionnaires représentaient 10 % des nominations en 2021, un chiffre stable au cours de la dernière décennie. Récemment, le ministère canadien des affaires étrangères a obtenu que certains grands postes (Pékin et Washington) soient attribués à des diplomates de carrière.

Le rapporteur Arnaud Le Gall considère les garde-fous prévus par la réforme comme insuffisants pour limiter le risque lié au « fait du Prince ». Comme expliqué précédemment, l’examen des compétences pourra être neutralisé par les réseaux et les rapports de force. Par ailleurs, le filtre de la commission d’aptitude pour les primo-ambassadeurs risque d’être contourné de la même manière que le sont les différents comités de nomination aujourd’hui. Le plus souvent, l’issue d’une nomination est en effet connue à l’avance. Enfin, il suffit de lire la presse pour s’apercevoir que les avis ne sont pas toujours suivis par l’Exécutif.

3.   La réforme fragilisera les perspectives professionnelles des diplomates

a.   Les diplomates seront confrontés à un renforcement de la concurrence sur les postes qui leur étaient auparavant attribués

Le rapporteur Arnaud Le Gall n’est pas opposé à la mobilité des diplomates. Il est légitime de vouloir renforcer l’acculturation de tous les secteurs de l’État aux enjeux internationaux. La mobilité est aussi une occasion de mieux faire connaître le métier diplomatique, qui souffre encore d’importants clichés, jusqu’au sein même de l’État, et peut-être de mieux défendre le Quai d’Orsay dans les arbitrages budgétaires, si certains diplomates devaient rejoindre Bercy.

Le cœur du métier s’exerce toutefois au MEAE. Il est donc au premier abord rassurant que plusieurs garanties de gestion aient été données aux diplomates pour limiter la portée de l’obligation de mobilité et préserver les carrières diplomatiques. Mais, à supposer qu’elles soient suffisantes et réellement mises en œuvre, ces garanties ne prémuniront cependant pas les agents du MEAE contre le risque d’un renforcement de la concurrence sur les postes diplomatiques, dont l’effet sera de resserrer les perspectives de carrière. La concurrence risque d’être concentrée sur les postes situés dans des pays jugés faciles, avec pour conséquence de cantonner les diplomates sur les postes aux conditions de vie difficiles.

Le risque ne doit pas être sous-estimé d’un déséquilibre entre les flux entrants, qui risquent d’être importants compte tenu du prestige du Quai d’Orsay et des opportunités d’expatriation qu’il propose, et les flux sortants, qui risquent d’être limités, les diplomates qui exercent un métier vocationnel étant rares à quitter leur ministère. Il n’est d’ailleurs pas exclu que, en définitive, de nombreux administrateurs de l’État en mobilité entrante au MEAE demandent à être rattachés au ministère. Au Royaume-Uni, où certains postes auparavant réservés aux diplomates de carrière sont désormais ouverts aux candidatures de civil servants issus d’autres ministères, nombreux sont ceux qui considèrent que l’interministérialisation des postes a réduit la prime accordée de facto aux diplomates de carrière.

La concurrence pourrait être encore plus forte sur les postes les plus prestigieux du Quai d’Orsay, notamment les postes d’ambassadeurs. Le MEAE est déjà confronté au défi de devoir gérer un encombrement au sommet de la pyramide des âges, avec une centaine d’agents seniors sous-employés. Dans ce contexte compliqué, la réforme risque de renforcer l’engorgement au niveau des postes à responsabilité, qui devraient intéresser de nombreux administrateurs de l’État. Contrairement au Trésor, qui parvenait déjà à gérer ses personnels de catégorie A+ dans le cadre d’un corps interministériel, celui des administrateurs civils, le Quai d’Orsay comprend de nombreux postes qui peuvent être perçus comme des récompenses et qui peuvent susciter les convoitises.

Au final, il serait dangereux de voir ce renforcement de la concurrence comme une remise en cause légitime d’une situation de rente dont bénéficieraient les diplomates. Dans un métier qui conduit ceux qui l’exercent à consentir d’importants sacrifices personnels – il suffit, pour s’en rendre compte, de regarder le taux de divorce des diplomates –, priver ces derniers des postes les plus attractifs pourrait déstabiliser profondément ce qui fait la colonne vertébrale de la diplomatie française.

b.   La réforme fait des victimes collatérales : les secrétaires des affaires étrangères

Les secrétaires des affaires étrangères subissaient déjà une série d’injustices avant le lancement de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État. Alors qu’ils sont nominalement des fonctionnaires de catégorie A, ces derniers occupent des postes de niveau A+. Les secrétaires et les conseillers des affaires étrangères occupent en effet les mêmes postes en début de carrière, ce qui distingue le MEAE des autres ministères qui différencient clairement les tâches qui sont attribuées aux administrateurs civils et aux attachés d’administration centrale. À fonctions égales, les conseillers sont pourtant mieux rémunérés que les secrétaires des affaires étrangères. Surtout, la carrière des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères diverge au bout d’une dizaine d’années, lorsque seuls ces derniers peuvent accéder à des fonctions d’encadrement. Alors que la réforme de la haute fonction publique prétend renforcer le mérite au détriment de l’appartenance à un corps, elle ne s’attaque pas à ce qui apparaît comme l’injustice la plus évidente.

Comme l’a rapporté le député Vincent Seitlinger dans le cadre de son avis budgétaire sur la mission Action extérieure de l’État pour 2023, « la réforme crée aujourd’hui une série d’injustices nouvelles pour les secrétaires des affaires étrangères. En les laissant de côté, elle renforce le cloisonnement entre ces derniers et les nouveaux administrateurs de l’État affectés au Quai d’Orsay » ([24]). En effet, les secrétaires avaient auparavant la possibilité de passer le concours interne pour devenir conseillers, ou alors d’être promus conseillers au moins trois ans après avoir atteint le grade de secrétaire principal. La réforme remet en cause ces voies de progression de carrière, suscitant l’inquiétude légitime des agents concernés. Avec la réforme, lorsqu’ils accéderont, après 2025, au corps des administrateurs de l’État, les secrétaires des affaires étrangères devront interrompre leur carrière pour aller se former à l’INSP et n’ont plus la garantie de demeurer au MEAE. La philosophie de la réforme fait par ailleurs craindre, à plus long terme, que les secrétaires des affaires étrangères soient in fine interministérialisés avec les attachés d’administration centrale, dont ils ne sont pourtant pas les équivalents.

Le rapporteur Arnaud Le Gall souhaite insister sur l’inégalité de traitement entre les secrétaires et les conseillers des affaires étrangères, attesté par le tableau ci-dessous. Si l’harmonisation des rémunérations entre hauts fonctionnaires mérite d’être saluée, l’inégalité de traitement entre secrétaires et conseillers des affaires étrangères résultant de cette réforme devrait s’accentuer.

RÉmunÉration moyenne des diplomates en administration centrale*

*Coût moyen annuel avec charges sociales

Source : MEAE.

c.   Les objectifs affichés par la réforme ne justifiaient en rien la suppression des corps diplomatiques

Aucun des objectifs affichés de la réforme n’appelait la suppression des corps diplomatiques. Le renforcement de l’obligation de mobilité, nécessaire à une plus grande circulation des hauts fonctionnaires entre les administrations, ne justifiait en aucune manière de supprimer ces corps. Non seulement rien ne démontre que ces derniers nuisaient à l’exercice du métier diplomatique mais ils sont à ce jour la meilleure garantie de la préservation d’un parcours métier et, par extension, d’une filière diplomatique professionnelle. En supprimant le corps, la frontière entre le diplomate et le non-diplomate disparaît avec le risque, si la gestion par les compétences fonctionne mal, de diluer les compétences diplomatiques et de perdre ce qui faisait l’excellence de la diplomatie française.

La France est aujourd’hui le seul État membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies à se priver d’un corps diplomatique ou, du moins, d’une filière diplomatique spécialisée. Comme décrit plus haut, tous les pays comparables au nôtre distinguent l’organisation de la fonction diplomatique du reste de la haute fonction publique, y compris le Royaume-Uni qui, sans avoir de corps à proprement parler, maintient une filière diplomatique bien identifiée au sein de l’État. Il est d’ailleurs ironique que la France, qui a milité, en amont de la création du service européen d’action extérieure (SEAE) en 2010, pour que ce service qui met en œuvre la diplomatie européenne soit composé de fonctionnaires européens spécialisés et distincts du reste des fonctionnaires de la Commission européenne, décide aujourd’hui de remettre en cause le statut spécial de ses propres diplomates.

La singularisation française entraînée par cette réforme est d’autant plus dommageable que plusieurs pays partenaires considéraient la diplomatie de notre pays comme l’une des meilleures, si ce n’est la meilleure, au monde. En 2012, un panel composé de personnalités qualifiées mandaté par le FCDO pour comparer la performance de la diplomatie britannique avec celle d’autres pays avait appelé le FCDO à s’inspirer de l’organisation de la diplomatie française, considérée comme le meilleur service diplomatique au monde ([25]).

4.   La réforme risque de renforcer l’endogamie sociale et d’affaiblir les compétences des agents appelés à occuper des postes diplomatiques

Le rapporteur Arnaud Le Gall s’inquiète, en premier lieu, du remplacement du classement de sortie de l’ENA par le nouveau principe d’appariement entre les besoins des administrations et les souhaits des élèves. Alors que le Quai d’Orsay avait commencé à diversifier l’origine sociale de ses diplomates, ce nouveau système risque de reproduire le recrutement fondé sur l’endogamie sociale qui prévalait avant la création de l’ENA. Si l’ENA n’avait évidemment pas supprimé ce phénomène, il est tout sauf évident que la disparition de l’ENA améliore la situation. Les administrations, désormais en situation de choisir leurs recrues, seront en effet tentées de choisir des candidats qui leur ressemblent. Il faut ajouter à cela que la procédure d’appariement prendra plusieurs mois, le temps d’organiser un dialogue assez long entre les étudiants et les administrations.

La refonte du programme de formation initiale de l’INSP, par rapport à celui de l’ENA, est un autre motif d’inquiétude. La place donnée aux compétences managériales, qui ne sont pas le cœur du métier diplomatique, risque d’aboutir à une dilution de la formation de nos diplomates, qui ont d’abord besoin d’être formés aux affaires du monde.

Il est en revanche difficile de porter une appréciation sur la formation initiale qui devrait être proposée dans le cadre de la nouvelle École pratique des métiers de la diplomatie, car celle-ci n’est pas encore stabilisée. Le renforcement relatif des moyens budgétaires consacrés à la formation n’en garantit cependant pas le succès. À ce stade, le MEAE n’est même pas en mesure de donner des locaux suffisants à l’École pratique, en même temps que celle-ci anticipe des difficultés à identifier des formateurs à la fois disponibles et légitimes pour former les diplomates.

Si la formation initiale compte, son importance est en pratique relativisée par le poids de l’expérience dans l’apprentissage du métier diplomatique. Le MEAE doit bien plus miser sur la formation de ses personnels tout au long de la vie. La formation continue se limite aujourd’hui à des cours de management et des mises à jour des connaissances, qui interviennent tardivement dans la carrière. La formation préalable à la prise de poste à l’étranger et l’apprentissage des langues sont faibles. Par contraste, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada rémunèrent leurs agents pour suivre une formation linguistique à plein temps, une fois qu’ils sont désignés pour occuper des postes dans des pays dont ils ne maîtrisent pas la langue.

5.   La réforme étant actée, le plus important est de garantir la préservation de la filière diplomatique

La diversification des parcours professionnels des diplomates ne doit pas conduire à sacrifier la filière diplomatique, ce qui impose des limites à la fluidité. Dès lors que la réforme est actée et que l’Exécutif ne semble pas tenir compte de l’opposition large qu’elle suscite, l’essentiel est de concilier, autant que possible, la suppression des corps avec le maintien des filières et de l’expertise au MEAE.

a.   Suivre la mise en œuvre des garanties promises dans le cadre de la réforme

Si les garanties données aux diplomates semblent bien ancrées dans des textes, ce qui est ancré juridiquement peut être défait. Il faudra donc être vigilant à ce que, d’ici quelques années, ces garanties ne soient pas remises en cause. Tôt ou tard, le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires pourrait être supprimé et tous les hauts diplomates pourraient être in fine basculés dans le corps des administrateurs de l’État. Le concours d’Orient, qui permet au ministère de recruter des spécialistes des autres civilisations et de diversifier l’origine sociale de ses agents, pourrait aussi être menacé.

S’il est opportun que les états généraux traitent, de façon large, les problèmes du ministère, ceux-ci sont aussi le cadre pour proposer des amendements à la réforme du corps diplomatique. Comme l’a souligné le député Moetai Brotherson devant l’équipe en charge des états généraux, ce moment de réflexion collective aurait dû être un préalable au lancement de la réforme. Ce calendrier illogique jette le doute sur la sincérité de la consultation qui paraît motivée par le souci de « faire passer » la réforme, alors que les arbitrages politiques sont pris depuis longtemps. Des « lignes rouges » semblent d’ailleurs avoir été fixées à l’équipe des états généraux de la diplomatie, le chef de l’État ayant clairement fait savoir qu’il ne reviendrait pas sur cette réforme. Interrogé par les rapporteurs, l’ambassadeur Bonnafont a ainsi expliqué qu’il n’appartiendrait pas aux états généraux de la diplomatie « de dire ce que vaut la réforme de la haute fonction publique » mais que le président de la République avait demandé à « enrichir la réforme » et à « professionnaliser le métier ». Il est donc permis d’espérer que ces états généraux proposent des améliorations à la réforme.

b.   Consolider le déroulement des carrières diplomatiques

i.   Inscrire explicitement le droit au retour après une mobilité sortante

Le rapporteur Arnaud Le Gall appelle à donner une garantie plus claire et plus solide aux agents sur leur retour au Quai d’Orsay après une mobilité interministérielle. La mobilité suppose en effet de garantir les retours au MEAE, sous peine de nuire aux vocations des diplomates. À l’heure actuelle, il n’est prévu qu’une obligation pour chaque ministère de garder en gestion ses effectifs en mobilité sortante pendant six ans. Dans un contexte marqué par un déficit de confiance, le décret du 16 avril 2022 pourrait être révisé pour inscrire, explicitement, une garantie de réintégration des personnels diplomatiques au MEAE après une mobilité à l’extérieur.

ii.   Garantir les perspectives de carrière des secrétaires des affaires étrangères au MEAE

Les contreparties les plus substantielles, du droit d’option pour les conseillers des affaires étrangères et les ministres plénipotentiaires à la création d’un troisième grade pour les secrétaires des affaires étrangères, concernent des populations en fin de carrière et ne sont pas susceptibles de contenter les jeunes secrétaires des affaires étrangères, qui sont les plus mobilisés contre la réforme.

Comme évoqué plus haut, les secrétaires des affaires étrangères sont des victimes collatérales de la réforme alors même que ces derniers subissaient déjà une injustice dans leur évolution professionnelle vis-à-vis des conseillers des affaires étrangères. Afin de protéger leurs perspectives de carrière, il est nécessaire de donner aux secrétaires des affaires étrangères entrés au MEAE avant 2023 un droit d’option leur permettant d’être versé en pied du corps mis en extinction, en créant un premier grade pour ces derniers. Alternativement ou cumulativement, il paraîtrait justifié d’exempter, au-delà de 2024, les secrétaires accédant au corps des administrateurs de l’État d’une scolarité à l’INSP et de leur donner la garantie de pouvoir demeurer au MEAE. Enfin, il est nécessaire de compenser l’inégalité de rémunération que la réforme contribue à creuser entre les secrétaires des affaires étrangères et les administrateurs de l’État, dont la rémunération est rehaussée. Ces mesures permettraient de donner une plus grande sécurité aux secrétaires des affaires étrangères au regard de leurs aspirations et attentes à l’entrée du MEAE.

c.   Améliorer la procédure de nomination aux postes d’ambassadeurs

Sauf à réviser la Constitution, le pouvoir de nomination des ambassadeurs par le chef de l’État ne peut être encadré juridiquement. Pour autant, certaines règles ou certains principes permettraient d’améliorer la procédure avant qu’une décision finale ne soit prise par le président de la République.

Dans un métier comme celui de diplomate, qui se construit sur le temps long par le jeu des affectations successives, l’expérience est essentielle pour préserver une filière diplomatique de qualité. Il est donc souhaitable que les personnels amenés à occuper les fonctions de chef de poste diplomatique puissent justifier, dans la plupart des cas, d’une expérience précédente dans la diplomatie.

Les deux rapporteurs se rejoignent donc ici pour demander une expérience préalable comme « numéro 2 » de mission diplomatique à la plupart des candidats à des postes d’ambassadeurs, sur le modèle du corps préfectoral et comme le préconisait la mission d’information du Sénat. Les ambassadeurs ne pouvant justifier d’une expérience diplomatique précédente doivent rester l’exception. Dans la même logique et à titre de comparaison internationale, l’Espagne prépare actuellement un projet de règlement qui fixe une ancienneté minimale de quinze ans dans la fonction diplomatique pour l’accès au rang d’ambassadeur ([26]).

d.   Garantir la réversibilité de la réforme

Puisqu’il est très improbable que l’Exécutif accède à la demande d’abrogation de la réforme, il est à tout le moins nécessaire d’en prévoir une évaluation régulière, ce qui est aussi l’une des recommandations portées par l’autre rapporteur. Le suivi des effets de la réforme devra cibler, tout particulièrement, les sujets d’inquiétude pour les diplomates. Le tableau de bord devra notamment inclure un indicateur de suivi de la mobilité, afin de s’assurer que les flux entre ministères soient équilibrés, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas aujourd’hui, et un indicateur de suivi de l’attractivité des différents ministères, afin de s’assurer que la réforme ne se traduise pas par une crise des vocations, notamment au MEAE. Cette évaluation régulière doit être enrichie par la conduite d’une étude indépendante de comparaison internationale pour s’inspirer des meilleures pratiques et éviter les écueils. En fonction des résultats, le dispositif de la réforme devra être adapté.

Le rapporteur Arnaud Le Gall appelle par ailleurs à adopter une clause de revoyure politique de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État, afin d’anticiper l’éventualité que cette réforme soit un échec et, le cas échéant, d’en assurer la réversibilité. S’il paraît aujourd’hui difficile d’inclure cette clause de revoyure dans la loi, un débat au Parlement devrait a minima avoir lieu d’ici la fin du quinquennat pour dresser le bilan de la réforme et en tirer les conséquences.

6.   Une autre réforme est possible

Le rapporteur Arnaud Le Gall estime que la réforme du corps diplomatique mériterait d’être abrogée. Même si cette orientation a peu de chance d’être retenue dans le contexte actuel, il est utile de proposer une autre réforme, dont une prochaine majorité pourrait se saisir.

a.   Améliorer la gestion des ressources humaines du MEAE

i.   Fusionner les corps des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères pour constituer un vrai corps diplomatique

Si l’objectif du Gouvernement est réellement de décloisonner les corps et de valoriser davantage les compétences et le mérite, alors pourquoi n’avoir pas fusionné les corps des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères qui, à travail égal, n’ont ni la même rémunération, ni les mêmes perspectives de carrière ? Pourtant, l’injustice dans la gestion de ces deux catégories de diplomates, que la réforme contribue à renforcer, est connue de longue date. Le rapport Bonnafont préconisait ainsi de fusionner les secrétaires et les conseillers des affaires étrangères dans un corps unique respectant la variété des parcours, entre cadre général et cadre d’Orient.

ii.   Remettre à plat les modes d’affectation des personnels

La gestion des personnels doit être améliorée dans un contexte où les affectations manquent de transparence, sont trop souvent fonction des réseaux des candidats et prennent insuffisamment en compte les compétences des personnels. Pour cela, il faut envisager de passer d’une gestion des personnels par catégories à une gestion par fonctions, ce qui suppose de définir des filières de métiers plus claires, ayant un réel poids dans les affectations des agents. Une réflexion mériterait également d’être menée sur la durée des affectations des personnels, dont la brièveté semble parfois préjudiciable au niveau de la diplomatie.

iii.   Mieux sélectionner et former les aspirants ambassadeurs

Le rapporteur Arnaud Le Gall propose la création d’un système de recrutement et de promotion des personnels ayant vocation à devenir ambassadeurs. Par comparaison, au ministère des armées, un militaire qui aspire à exercer des fonctions de commandement ne doit pas seulement avoir fait une école d’officier mais doit également passer par l’École de Guerre, ce qui implique de passer un examen, d’être formé et de recevoir un diplôme. Ce dispositif a le mérite de recréer de la sélection dans les parcours professionnels et de professionnaliser les métiers. Dans le cas du Quai d’Orsay, une structure analogue, ouverte aux personnels qui auront démontré, au cours de leur carrière, un intérêt pour le métier diplomatique, pourrait permettre de sélectionner ceux qui ont le potentiel pour devenir ambassadeurs.

À défaut, il pourrait être au moins opportun de créer un programme de formation spécifique à destination des personnels candidatant pour la première fois à un poste d’ambassadeur et ayant reçu un avis positif de la commission d’aptitude. Le MEAE pourrait à cet égard s’inspirer des programmes de préqualification mis en œuvre par le ministère de l’intérieur. Les agents de celui-ci ayant passé l’étape de la commission d’aptitude peuvent, en effet, bénéficier de formations permettant de combler des lacunes éventuelles avant de se voir nommer sur un poste à responsabilité. L’École pratique des métiers de la diplomatie pourrait mettre en œuvre ces programmes de formation pour les aspirants primo-ambassadeurs.

b.   Prévoir une mobilité au service de la professionnalisation de la fonction diplomatique de l’État

Le rapporteur Arnaud Le Gall estime que, si des personnels extérieurs peuvent légitimement rejoindre le Quai d’Orsay, ces derniers doivent s’inscrire dans un parcours permettant de garantir l’apprentissage du métier diplomatique.

i.   Subordonner toute mobilité entrante au MEAE par un passage en administration centrale

Comme tous les diplomates, tout personnel effectuant une mobilité entrante au Quai d’Orsay doit d’abord effectuer un passage en administration centrale pour apprendre le métier.

ii.   Prévoir, pour tous, une première expatriation dans un pays de difficulté intermédiaire

Par ailleurs, l’intégration d’un agent en mobilité entrante au MEAE doit être subordonnée à une expatriation dans un pays en zone B, de difficulté intermédiaire, entre les postes A, très difficiles, et les postes C, plus faciles. Pour être cohérente, équitable et acceptable, cette règle doit aussi s’appliquer aux agents du MEAE dont la première affectation à l’étranger pourrait être réalisée dans un pays en zone B. En Espagne et en Italie, le passage par des postes jugés difficiles est ainsi obligatoire pour progresser dans la carrière diplomatique. En Italie par exemple, la promotion au grade de conseiller de légation – le deuxième grade dans la carrière d’un diplomate italien – suppose d’avoir servi au moins quatre ans à l’étranger dans une ambassade située en dehors de la zone euro-atlantique.

Ce système serait utile pour le ministère, qui peine à trouver des candidats pour certains postes plus difficiles, dont certains ont pourtant un poids croissant dans un monde post-occidental. Il serait aussi formateur pour les jeunes, plus équitable et plus incitatif, les postes plus faciles retrouvant leur statut de récompense après un début de carrière plus difficile. Enfin, il répondrait à la crainte que la concurrence ne s’intensifie sur les postes diplomatiques les plus faciles, sur lesquels seront tentés de postuler les hauts fonctionnaires issus d’autres ministères.

iii.   Créer un vivier des experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique

Plutôt que de se traduire par la suppression des corps diplomatiques, l’ouverture peut être atteinte par la création d’une filière de la fonction diplomatique de l’État, comme le proposait d’ailleurs le rapport Bonnafont (cf. supra). Pour structurer cette filière, des mobilités croisées pourraient être développées entre le Quai d’Orsay, ses opérateurs et les directions internationales des autres ministères.

c.   Se donner les moyens de nos ambitions

i.   Donner une ligne politique claire aux diplomates

La diplomatie ne doit pas être réglée sur le temps de la communication politique, de l’information en continu et des réseaux sociaux, qui confine à l’immédiateté, mais être au service d’orientations politiques de long terme. Le rapporteur Arnaud Le Gall regrette toutefois le manque de ligne politique claire donnée aux ambassadeurs, quel que soit le Gouvernement en place, dont l’effet est de contribuer à affaiblir l’action de notre réseau.

Une des forces de nos compétiteurs ou rivaux tient à l’existence d’orientations diplomatiques cohérentes et inscrites dans le long terme, même si celles-ci sont parfois contraires à celles qui doivent animer la diplomatie française. La clarté de la ligne politique est en effet la garantie d’une action qui s’inscrit sur le temps long, et non d’une diplomatie du « coup par coup », écartelée entre des objectifs inconciliables, qui prévaut trop souvent actuellement.

ii.   Doter le MEAE d’une loi de programmation complète

Dans un contexte où les réductions des moyens ont aujourd’hui atteint la limite de ce qui est supportable et où la réduction des missions n’est pas une option souhaitable pour ceux qui souhaitent que la France maintienne son rang à l’international, il est important de redonner au MEAE les moyens de ses ambitions.

À l’heure actuelle, le Quai d’Orsay est l’un des rares ministères régaliens à ne pas être doté d’une programmation budgétaire couvrant l’ensemble de ses missions. Afin de rassurer quant à la volonté réelle de l’Exécutif de réarmer la diplomatie, le MEAE doit être doté d’une loi de programmation qui détermine une trajectoire pluriannuelle de remontée des moyens qui aille au-delà du seul périmètre de l’aide publique au développement ([27]). Cette loi de programmation pourrait prévoir la création de 1 500 équivalents temps plein sur cinq ans, la mise en place d’un parcours d’intégration des contractuels et la professionnalisation des fonctions support.

iii.   Réintégrer les opérateurs et les agences au sein du MEAE

En complément, la diplomatie française ne retrouvera une certaine force qu’en étant confortée dans son rôle d’ensemblier de l’action extérieure de l’État. Ceci suppose de réintégrer les agences et les opérateurs au sein du Quai d’Orsay selon des modalités qui méritent une réflexion spécifique. Pour les agences et les opérateurs qui resteraient extérieurs, une meilleure coordination doit être recherchée.

iv. Restaurer le contrat de confiance entre le Quai d’Orsay et ses agents

En outre, le ministère doit explorer diverses pistes pour réduire les sujétions qui pèsent sur les agents et ajuster les compensations à la hauteur des contraintes vécues par les personnels. Comme évoqué plus haut, ces sujétions sont en augmentation, de sorte que le contrat de confiance qui lie le Quai d’Orsay et les personnels peut paraître, sinon rompu, du moins fragilisé. Le MEAE pourrait notamment réfléchir à acquérir des logements pour héberger les diplomates dans les capitales où le logement est le moins accessible, comme le font beaucoup d’autres pays, à faciliter les déménagements des agents et à mieux prendre en charge les retours des diplomates en France pendant leurs périodes d’affectation à l’étranger.

d.   Renforcer le contrôle démocratique sur les nominations des grands ambassadeurs

Comme la mission d’information du Sénat évoquée plus haut, le rapporteur Arnaud Le Gall appelle à étendre le dispositif de consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes, prévu par l’article 13 de la Constitution, aux nominations des grands ambassadeurs (G20 et organisations internationales). Ces auditions permettraient de s’assurer que les ambassadeurs, qui exercent une mission politique, présentent toutes les garanties pour exercer ces fonctions. Les États-Unis, où l’intervention du Congrès se traduit par des délais considérables dans la nomination de certains ambassadeurs, ne sont en revanche pas un modèle à suivre, alors même que le MEAE a déjà des difficultés à réaliser ces nominations.

e.   Mieux faire connaître le métier diplomatique

Comme le rapporteur Vincent Ledoux, le rapporteur Arnaud Le Gall appelle en dernier lieu à revaloriser l’image des diplomates dans la société française. En effet, les diplomates restent trop souvent victimes de préjugés, celui des « Ferrero Rocher » en France ou celui d’être des « cookie pushers » aux États-Unis. Les deux rapporteurs soutiennent donc la conduite d’actions de communication publique par la direction de la communication et de la presse du Quai d’Orsay.

Ils invitent en outre à appuyer la réalisation d’une série sur la diplomatie, à l’image du « Bureau des légendes », qui a revalorisé l’image de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), alors que le film Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier, adapté de la bande dessinée du même nom de Christophe Blain et Abel Lanzac, s’il a rencontré un certain succès, abordait le sujet sous un angle humoristique.

Les rapporteurs rappellent cependant que leur proposition n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà été formulée, lors de la précédente législature, tant par le rapporteur Vincent Ledoux que par notre collègue Anne Genetet lors des débats budgétaires sur les crédits du ministère ([28]). Le coût d’une nouvelle série mettant en valeur le travail des diplomates serait minime mais représenterait, en cas de succès, un bénéfice très important pour le MEAE.

 

 

 


—  1  —

    

   Examen en commission

 

Au cours de sa séance du mercredi 11 janvier 2023, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

https://assnat.fr/JxNNfX

 

La commission autorise le dépôt du rapport d’information sur la réforme du corps diplomatique en vue de sa publication.

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes

Auditions à Paris

– M. Fabrice Desplechin, conseiller syndical de la CFDT-MAE ;

– M. Franck Vermeulen, secrétaire général de l’ASAM-UNSA-MEAE ;

  – M. Alain Maestroni et M. Yannick Guidoux de la CGT-MAE ;

– M. Olivier Da Silva de la CFTC Affaires étrangères ;

– M. Didier Mari de l’USASCC ;

 Mme Cécile Place-Bernardin et M. Phi-Ho Nguyen de l’AP-MAE ;

– M. Maxime Lefebvre, vice-président de l’ADIENA ;

 Mme Laurence Auer, secrétaire générale de l’ASAO ;

– M. Pierre-Alain Voltz, vice-président de l’OSAE ;

– M. Benjamin Weisz, président de l’Association française des diplomates de métier.

– M. Christopher Weissberg, député des Français d’Amérique du Nord (première circonscription de l’étranger) ;

 Mme Eléonore Caroit, députée des Français d’Amérique latine et de la Caraïbe (deuxième circonscription de l’étranger) ;

– M. Stéphane Vojetta, député des Français de la péninsule ibérique (cinquième circonscription de l’étranger) ;

– M. Frédéric Petit, député des Français d’Europe centrale et des Balkans (septième circonscription de l’étranger) ;

– M. Karim Ben Cheikh, député des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest (neuvième circonscription de l’étranger) ;

– Mme Amélia Lakrafi, députée des Français du Proche-Orient et de la majeure partie de l’Afrique (dixième circonscription de l’étranger).

 

Contributions écrites

 

 


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   Annexe n° 2 :
DÉcret n° 2022-561 du 16 avril 2022

 

Décret no 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret no 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires

NOR : EAEA2204635D

 

Publics concernés : agents appartenant aux corps des administrateurs de l’État, des ministres plénipotentiaires, des conseillers des affaires étrangères, des secrétaires des affaires étrangères, des attachés des systèmes d’information et de communication du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Objet : mise en extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires et création du nouveau corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires les fusionnant ; instauration de la possibilité d’ouvrir une troisième voie de recrutement par concours d’accès aux corps des secrétaires des affaires étrangères et des attachés des systèmes d’information et de communication et création d’un troisième grade dans ces corps.

Entrée en vigueur : les dispositions du décret entrent en vigueur le 1er juillet 2022, le 1er janvier 2023 ou le 1er juillet 2023 dans les conditions prévues à son article 32.

Notice : le texte tire les conséquences de la réforme de la haute fonction publique pour ce qui concerne les corps du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il fixe les modalités de mise en extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires, conformément à l’article 13 du décret no 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’État. Il modifie par ailleurs le décret no 69-222 du 6 mars 1969 en créant un troisième grade dans les corps des secrétaires des affaires étrangères et des attachés des systèmes d’information et de communication et en instaurant la possibilité d’ouvrir une troisième voie de recrutement par concours d’accès à ces deux corps, afin de permettre le recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire de personnes justifiant de l’exercice, pendant un nombre déterminé d’années, d’une ou de plusieurs activités professionnelles, d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d’une association. Par ailleurs, ce décret modifie les conditions d’accès aux emplois de chefs de mission diplomatique ainsi que le dispositif de la disponibilité spéciale.

Références : le décret et les textes qu’il modifie, dans leur rédaction issue de cette modification, peuvent être consultés sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).

 

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères et de la ministre de la transformation et de la fonction publiques,

Vu la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 ;

Vu le code général de la fonction publique ;

Vu le code du travail, notamment son article L. 6113-1 ;

Vu le décret no 69-222 du 6 mars 1969 modifié relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires ;

Vu le décret no 73-196 du 27 février 1973 relatif à l’octroi de la dignité d’ambassadeur ;

Vu le décret no 79-433 du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l’organisation des services de l’État à l’étranger ;

Vu le décret no 2004-1105 du 19 octobre 2004 modifié relatif à l’ouverture des procédures de recrutement dans la fonction publique de l’État ;

Vu le décret no 2005-1090 du 1er septembre 2005 modifié relatif à l’avancement de grade dans les corps des administrations de l’État ;

Vu le décret no 2019-1594 du 31 décembre 2019 modifié relatif aux emplois de direction de l’Etat ;

Vu le décret no 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’Etat ; Vu l’avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat en date du 25 février 2022 ;

Vu l’avis du comité technique ministériel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères en date du 9 mars 2022 ;

Le Conseil d’Etat (section de l’administration) entendu,

 

Décrète :

 

CHAPITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION DU CORPS D’EXTINCTION

DES CONSEILLERS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET MINISTRES PLÉNIPOTENTIAIRES

Art. 1er. En vue de leur mise en extinction, le corps des conseillers des affaires étrangères et celui des ministres plénipotentiaires sont fusionnés, à compter du 1er juillet 2022, en un corps unique d’extinction, dénommé

« conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires », régi par les articles 4-1 à 4-6 du décret du 6 mars 1969 susvisé.

Les agents appartenant à ces deux corps sont reclassés dans le corps d’extinction des « conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires » dans les conditions prévues à l’article 26.

Les conseillers des affaires étrangères et les conseillers des affaires étrangères hors classe du cadre d’Orient conservent, au sein du corps d’extinction, l’appellation de ce cadre.

Art. 2. L’article 13 du décret du 1er décembre 2021 susvisé est ainsi modifié : 1o Le 3o du II est abrogé ;

2o Au III, après les mots : « corps mentionnés au II » sont insérés les mots : « ainsi que les membres du corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires régi par le décret no 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires ».

Art. 3. – Nul ne peut être détaché dans le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires.

 

Chapitre II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE DÉCRET DU 6 MARS 1969

Art. 4. Le décret du 6 mars 1969 susvisé est modifié conformément aux dispositions des articles 5 à 24 du présent décret.

Section 1

Dispositions générales

Art. 5. L’article 1er est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 1er. Le personnel diplomatique et consulaire comprend les ambassadeurs de France et les fonctionnaires appartenant aux corps suivants :

« 1o Administrateurs de l’État, lorsqu’ils sont affectés au ministère des affaires étrangères ;

« 2o Conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires (corps mis en extinction) ;

« 3o Secrétaires des affaires étrangères (cadre général, cadre d’Orient et cadre d’administration) ;

« 4o Secrétaires de chancellerie ;

« 5o Attachés des systèmes d’information et de communication ;

« 6o Secrétaires des systèmes d’information et de communication.

« Le personnel diplomatique et consulaire comporte également les fonctionnaires, magistrats de l’ordre judiciaire et militaires détachés dans l’un des corps mentionnés ci-dessus et les personnes recrutées sur un contrat pour occuper un emploi diplomatique ou consulaire, au sens de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 et de la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, pendant la durée du détachement ou du contrat. »

Section 2

Dispositions relatives à l’encadrement supérieur du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

« Art. 2. La dignité d’ambassadeur de France est conférée par le Président de la République en conseil des ministres dans les conditions prévues par le décret no 73-196 du 27 février 1973 relatif à l’octroi de la dignité d’ambassadeur. »

Art. 7. Après la section I, il est inséré une section I bis ainsi rédigée :

« Section « I bis

« Administrateurs de l’Etat

« Art. 3-1. Les membres du corps des administrateurs de l’Etat affectés au ministère des affaires étrangères sont soumis, pendant la durée de leur affectation, aux dispositions du présent décret, sans préjudice des dispositions régissant leur statut particulier. »

Section 3

Dispositions relatives au corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires

Art. 8. Les sections II et III du chapitre 1er sont remplacées par les sections I ter et I quater ainsi rédigées :

« Section I ter

« Conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires

« Art. 4-1. Le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires comprend trois grades :

« 1o Le grade de ministre plénipotentiaire, qui comporte cinq échelons et un échelon spécial ;

« 2o Le grade de conseiller des affaires étrangères hors classe, qui comporte cinq échelons ;

« 3o Le grade de conseiller des affaires étrangères, qui comporte douze échelons.

« Les changements de grade et d’échelon sont prononcés par arrêté du ministre des affaires étrangères.

« Art. 4-2. I. La durée passée dans chacun des échelons des grades du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires est fixée ainsi qu’il suit :

 

«

GRADES ET ÉCHELONS

DURÉE

Ministre plénipotentiaire

 

Échelon spécial

---

5e échelon

---

4e échelon

3 ans

3e échelon

3 ans

2e échelon

3 ans

1er échelon

3 ans

Conseiller des affaires étrangères hors classe

 

5e échelon

---

4e échelon

4 ans

3e échelon

3 ans

2e échelon

3 ans

1er échelon

3 ans

Conseiller des affaires étrangères

 

12e échelon

---

11e échelon

3 ans

10e échelon

3 ans

9e échelon

2 ans

8e échelon

2 ans

7e échelon

2 ans

6e échelon

1 an et 6 mois

5e échelon

1 an et 6 mois

4e échelon

1 an

3e échelon

1 an

2e échelon

1 an

1er échelon

1 an

« II. – Peuvent accéder au choix à l’échelon spécial du grade de ministre plénipotentiaire, dans la limite d’un pourcentage des effectifs de ce grade fixé par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, les ministres plénipotentiaires inscrits sur un tableau d’avancement ayant atteint le 5e échelon de leur grade.

« Art. 4-3. Peuvent être inscrits au tableau d’avancement pour l’accès au grade de conseiller des affaires étrangères hors classe les conseillers des affaires étrangères parvenus au 10e échelon de ce grade et justifiant de quatre ans de services effectifs dans le corps ou dans un corps ou cadre d’emplois de niveau comparable.

« Les intéressés sont, lors de leur promotion, classés à l’échelon comportant l’indice brut égal à celui dont ils bénéficiaient antérieurement. Ils conservent à cette occasion l’ancienneté acquise dans le précédent échelon.

« Le nombre de conseillers des affaires étrangères pouvant être promus chaque année est déterminé par application au nombre des conseillers des affaires étrangères promouvables pour l’ensemble du corps d’un taux fixé par arrêté du ministre des affaires étrangères après avis conforme du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget.

« Art. 4-4. Peuvent être inscrits au tableau d’avancement pour l’accès au grade de ministre plénipotentiaire les conseillers des affaires étrangères hors classe parvenus au 2e échelon de ce grade, justifiant de seize ans de services dans le corps ou dans un corps ou cadre d’emplois de niveau comparable.

« Les intéressés sont, lors de leur promotion, classés à l’échelon comportant l’indice brut égal à celui dont ils bénéficiaient antérieurement. Ils conservent à cette occasion l’ancienneté acquise dans le précédent échelon.

« Le nombre de conseillers des affaires étrangères hors classe pouvant être promus chaque année est déterminé par application au nombre des conseillers des affaires étrangères hors classe promouvables pour l’ensemble du corps d’un taux fixé par arrêté du ministre des affaires étrangères après avis conforme du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget.

« Art. 4-5. – Le pouvoir de prononcer, à l’encontre des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, les sanctions des premier et deuxième groupes définies à l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique est délégué au ministre des affaires étrangères.

« Il saisit la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est requise.

« Section I quater

« Dispositions communes aux administrateurs de l’État

et aux conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires

« Art. 4-6. Les membres du corps des administrateurs de l’État affectés au ministère des affaires étrangères et les membres du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires sont chargés de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique extérieure de la France. Ils ont vocation à occuper les emplois diplomatiques et consulaires régis par le présent décret dans les conditions prévues par ce dernier, les emplois de conception, d’expertise et d’encadrement à l’administration centrale du ministère des affaires étrangères ainsi que les emplois concourant à la politique extérieure de la France dans les administrations de l’État et de ses établissements publics.

« Les principes généraux de déroulement des carrières des agents mentionnés à l’alinéa précédent sont fixés par les lignes directrices de gestion interministérielle régies par l’article L. 413-4 du code général de la fonction publique, précisées par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre des affaires étrangères dans les conditions prévues aux articles L. 413-1 à L. 413-3 du même code. »

Section 4

Dispositions relatives au recrutement et au déroulement de carrière des secrétaires des affaires étrangères et des attachés des systèmes d’information et de communication

Art. 9. Le 1o de l’article 19 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 1o Pour ce qui concerne les secrétaires des affaires étrangères du cadre général et du cadre d’Orient, par la voie d’un concours externe, d’un concours interne et d’un troisième concours, organisés, dans chacun des deux cadres, dans les conditions fixées à l’article 35.

« Les concours prévus à l’alinéa précédent pour le recrutement des secrétaires des affaires étrangères du cadre d’Orient sont organisés en sections géographiques. La liste des sections géographiques et le nombre de places offertes par section sont fixés par arrêté du ministre des affaires étrangères pris dans les conditions fixées à l’article 2 du décret no 2004-1 105 du 19 octobre 2004 relatif à l’ouverture des procédures de recrutement dans la fonction publique de l’Etat.

« Les emplois de secrétaire des affaires étrangères du cadre d’Orient qui n’ont pas été pourvus par la nomination des candidats à une section de l’un des concours peuvent être attribués par le jury :

« a) Aux candidats de la même section de l’un des autres concours ;

« b) A défaut, aux candidats d’une autre section du même concours ou de l’un des autres concours ; ».

Art. 10. Le 1o de l’article 33 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 1o Par la voie d’un concours externe, d’un concours interne et d’un troisième concours dans les conditions fixées à l’article 35 ; ».

Art. 11. L’article 34-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 34-1. Le corps des secrétaires des affaires étrangères et celui des attachés des systèmes d’information et de communication comprennent chacun :

« 1o Le grade de hors classe, qui comporte six échelons et un échelon spécial ;

« 2o Le grade de principal qui comporte dix échelons ;

« 3o Le premier grade qui comporte onze échelons.

« Le grade de hors classe donne vocation à exercer des fonctions correspondant à un niveau élevé de responsabilité. »

Art. 12. L’article 35 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 35. Les concours d’accès au corps des secrétaires des affaires étrangères et au corps des attachés des systèmes d’information et de communication sont ouverts par arrêté du ministre des affaires étrangères pris dans les conditions fixées à l’article 2 du décret no 2004-1 105 du 19 octobre 2004 relatif à l’ouverture des procédures de recrutement dans la fonction publique de l’Etat. Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de cet article, l’avis conforme du ministre chargé de la fonction publique sur l’arrêté d’ouverture du concours est exprès.

« Au titre d’une même année et pour chaque corps peuvent être ouverts :

« 1o Un concours externe, ouvert aux candidats titulaires d’une licence, ou d’un autre titre ou diplôme classé au moins au niveau 6 au sens du répertoire national des certifications professionnelles ou d’une qualification reconnue comme équivalente à l’un de ces titres ou diplômes dans les conditions fixées par le décret no 2007-196 du 13 février 2007 relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonction publique. Les candidats aux concours externes doivent remplir les conditions de diplôme ou de qualification au plus tard à la date de la première épreuve de chaque concours ;

« 2o Un concours interne, ouvert aux fonctionnaires et agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, y compris ceux mentionnés à l’article L. 5 du code général de la fonction publique, aux agents permanents de droit public relevant de l’État ou des circonscriptions territoriales ou du territoire exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna, ainsi qu’aux militaires et magistrats qui, à la date de début des épreuves écrites, sont en position d’activité, de détachement ou de congé parental. Ce concours est également ouvert aux candidats en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale.

« Les candidats mentionnés à l’alinéa précédent doivent justifier, au premier janvier de l’année au titre de laquelle le concours est organisé, de quatre années au moins de services publics.

« Ce concours est également ouvert aux candidats justifiant de quatre ans de services auprès d’une administration, d’un organisme ou d’un établissement mentionnés à l’article L. 325-5 du code général de la fonction publique, dans les conditions fixées par cet alinéa.

« 3o Un troisième concours, ouvert aux candidats justifiant, au premier janvier de l’année au titre de laquelle le concours est organisé, de l’exercice pendant cinq ans au moins d’une ou de plusieurs des activités ou d’un ou de plusieurs des mandats mentionnés à l’article L. 325-7 du code général de la fonction publique.

« Les périodes au cours desquelles l’exercice d’une ou plusieurs activités ou d’un ou plusieurs mandats a été simultané ne sont prises en compte qu’à un seul titre. »

Art. 13. L’article 35-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 35-2. Lorsque, au titre d’une même année, sont organisés un concours externe et un concours interne pour l’accès à l’un des corps, le nombre de postes offerts au concours interne ne peut être inférieur au tiers du nombre total des postes offerts à l’ensemble des concours d’accès au même corps.

« Le nombre de postes offerts, le cas échéant, au troisième concours ne peut être supérieur au quart du nombre total de postes offerts à l’ensemble des concours du même corps.

« Les postes offerts aux concours qui n’ont pas été pourvus par la nomination des candidats à l’un des concours d’accès à l’un des corps peuvent être attribués aux candidats de l’un des autres concours du même corps par le ministre des affaires étrangères.

« Toutefois, ce report ne peut avoir pour conséquence que le nombre des postes offerts au concours interne ou externe soit supérieur aux deux tiers du nombre total de postes offerts à l’ensemble des concours du même corps, ou que le nombre des postes offerts au troisième concours soit supérieur à 30 % du nombre total des postes offerts à l’ensemble des concours du même corps. »

Art. 14. Le deuxième alinéa de l’article 35-3 est remplacé par les dispositions suivantes :

« La proportion des nominations au choix susceptibles d’être prononcées au titre du présent article est d’au minimum un cinquième et d’au maximum un tiers du nombre total des nominations effectuées par voie du concours externe, du concours interne, du troisième concours, des instituts régionaux d’administration et des détachements de longue durée, des intégrations directes et des détachements au titre de l’article L. 4139-2 du code de la défense. »

Art. 15. Le premier alinéa du I de l’article 35-4 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les secrétaires des affaires étrangères et les attachés des systèmes d’information et de communication recrutés par la voie du concours externe, du concours interne et du troisième concours sont nommés stagiaires et classés au 1er échelon du premier grade de leur corps, sous réserve des dispositions de l’article 36. »

Art. 16. L’article 37 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 37. La durée du temps passé dans chacun des échelons des grades du corps des secrétaires des affaires étrangères et du corps des attachés des systèmes d’information et de communication est fixée ainsi qu’il suit :

«

GRADES ET ÉCHELONS

DURÉE

Secrétaire des affaires étrangères hors classe et attaché hors classe des systèmes d’information et de communication

 

Échelon spécial

 

6e échelon

---

5e échelon

3 ans

4e échelon

2 ans et 6 mois

3e échelon

2 ans

2e échelon

2 ans

1er échelon

2 ans

Secrétaire des affaires étrangères principal et attaché principal des systèmes d’information et de communication

 

10e échelon

---

9e échelon

3 ans

8e échelon

3 ans

7e échelon

2 ans et 6 mois

6e échelon

2 ans et 6 mois

5e échelon

2 ans

4e échelon

2 ans

3e échelon

2 ans

2e échelon

2 ans

1er échelon

2 ans

Secrétaire des affaires étrangères et attaché des systèmes d’information et de communication

 

11e échelon

---

10e échelon

4 ans

9e échelon

3 ans

8e échelon

3 ans

7e échelon

3 ans

6e échelon

3 ans

5e échelon

2 ans et 6 mois

4e échelon

2 ans

3e échelon

2 ans

2e échelon

2 ans

1er échelon

1 an et 6 mois

».

Art. 17. Après l’article 37-4, sont insérés les articles 37-5 à 37-8 ainsi rédigés :

« Art. 37-5. Peuvent être promus au grade de hors classe, au choix, par voie d’inscription à un tableau annuel d’avancement établi par le ministre des affaires étrangères, les secrétaires des affaires étrangères principaux et les attachés principaux des systèmes d’information et de communication ayant atteint au moins le cinquième échelon de leur grade.

« Les intéressés doivent justifier :

« 1o De six années de détachement dans un ou plusieurs emplois de chef de poste consulaire ou un ou plusieurs emplois culminant au moins à l’indice brut 985 et conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite, à la date d’établissement du tableau d’avancement ;

« Les services accomplis auprès des organisations internationales intergouvernementales ou des administrations des États membres de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans des emplois de niveau équivalent sont également pris en compte pour le calcul des six années requises.

« 2o Ou de huit années d’exercice de fonctions de direction, d’encadrement, de conduite de projet, ou d’expertise, correspondant à un niveau élevé de responsabilité, à la date d’établissement du tableau d’avancement. Ces fonctions doivent avoir été exercées en position d’activité ou en position de détachement dans un corps ou cadre d’emplois culminant au moins à l’indice brut 966.

« Les fonctions de même nature et de niveau équivalent à celles mentionnées au précédent alinéa, accomplies auprès des organisations internationales intergouvernementales ou des administrations des États membres de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, sont également prises en compte pour le calcul des huit années mentionnées au précédent alinéa.

« La liste des fonctions mentionnées au 2o est fixée par arrêté du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de la fonction publique. Les années de détachement dans un emploi culminant au moins à l’indice brut 985 et conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraites peuvent être prises en compte pour le décompte mentionné au 2o.

« Dans la limite de 20 % du nombre des promotions annuelles prononcées, peuvent également être inscrits au tableau d’avancement au grade de hors classe mentionné au premier alinéa les secrétaires des affaires étrangères principaux ou les attachés principaux des systèmes d’information et de communication ayant fait preuve d’une valeur professionnelle exceptionnelle et ayant atteint le 10e échelon de leur grade.

« Art. 37-6. – I. – Les secrétaires des affaires étrangères principaux et les attachés principaux des systèmes d’information et de communication nommés au grade de hors classe sont classés dans ce nouveau grade conformément au tableau de correspondance suivant :

«

SITUATION

dans le grade de principal

SITUATION

dans le grade de hors classe

ANCIENNETÉ CONSERVÉE

dans la limite de la durée de l’échelon

10e échelon

6e échelon

Ancienneté acquise

9e échelon

5e échelon

Ancienneté acquise

8e échelon

4e échelon

5/6 de l’ancienneté acquise

7e échelon

3e échelon

4/5 de l’ancienneté acquise

6e échelon

2e échelon

4/5 de l’ancienneté acquise

5e échelon

1er échelon

Ancienneté acquise

 

« II. – Par dérogation au I, les secrétaires des affaires étrangères principaux mentionnés au III de l’article 26 du décret no 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’Etat, ainsi que les secrétaires des affaires étrangères principaux et les attachés principaux des systèmes d’information et de communication qui ont été nommés dans un ou plusieurs emplois de chef de poste consulaire au cours des deux années précédant celle au titre de laquelle est établi le tableau d’avancement de grade sont classés, sous réserve que ce classement leur soit plus favorable, en tenant compte, pour ce qui concerne les emplois régis par le décret du 31 décembre 2019 mentionné ci-dessus, de l’échelon et de l’ancienneté d’échelon qu’ils ont ou avaient atteints dans l’emploi concerné.

« Dans la limite de l’ancienneté exigée à l’article 37 pour une promotion à l’échelon supérieur, les agents mentionnés à l’alinéa précédent conservent l’ancienneté d’échelon acquise lorsque l’augmentation d’indice brut consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui aurait résulté d’un avancement d’échelon dans leur emploi.

« Les secrétaires des affaires étrangères principaux et les attachés principaux des systèmes d’information et de communication nommés au grade de hors classe alors qu’ils ont atteint le dernier échelon de leur emploi conservent leur ancienneté d’échelon dans les mêmes limites lorsque l’augmentation d’indice brut consécutive à leur nomination est inférieure à celle résultant d’un avancement à ce dernier échelon.

« Les agents classés en application du II du présent article à un échelon comportant un indice brut inférieur à celui perçu dans cet emploi conservent à titre personnel le bénéfice de l’indice brut antérieur sans qu’il puisse toutefois dépasser celui afférent à l’échelon spécial de secrétaire des affaires étrangères hors classe et d’attaché hors classe des systèmes d’information et de communication. »

« Art. 37-7. – Par dérogation aux dispositions du décret no 2005-1090 du 1er septembre 2005 relatif à l’avancement de grade dans les corps des administrations de l’Etat, le nombre de promotions au grade de hors classe n’est pas calculé en fonction d’un taux d’avancement appliqué à l’effectif des secrétaires des affaires étrangères principaux et des attachés principaux des systèmes d’information et de communication remplissant les conditions d’avancement.

« Pour chacun de ces deux corps, le nombre de secrétaires des affaires étrangères hors classe et d’attachés hors classe des systèmes d’information et de communication ne peut excéder celui résultant d’un pourcentage des effectifs considérés au 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle sont prononcées les promotions. Ces pourcentages sont fixés par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. »

« Art. 37-8. L’accès à l’échelon spécial du grade de hors classe des secrétaires des affaires étrangères et des attachés des systèmes d’information et de communication se fait au choix, par voie d’inscription à un tableau annuel d’avancement.

« Pour chacun des deux corps, peuvent être respectivement inscrits sur le tableau correspondant les attachés hors classe des systèmes d’information et de communication et les secrétaires des affaires étrangères hors classe justifiant de trois années d’ancienneté dans le 6e échelon de leur grade ou qui ont atteint, lorsqu’ils ont ou avaient été détachés dans un emploi fonctionnel, un échelon doté d’un groupe hors échelle.

« Il est tenu compte, pour le classement dans l’échelon spécial, du chevron et de l’ancienneté que l’agent a atteints dans cet emploi pendant les deux années précédant la date au titre de laquelle l’accès à l’échelon spécial a été organisé.

« Le nombre de secrétaires des affaires étrangères et d’attachés des systèmes d’information et de communication relevant de l’échelon spécial ne peut être supérieur à un pourcentage des effectifs de chacun des deux corps. Ce pourcentage est fixé par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. »

Section 5

Dispositions relatives à la disponibilité spéciale et au retrait d’emploi

Art. 18. L’article 55 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 55. Par dérogation aux articles L. 514-1 à L. 514-8 du code général de la fonction publique, les membres du corps des administrateurs de l’État affectés au ministère des affaires étrangères et ceux du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ayant atteint le 7e échelon du premier grade comptant au moins dix ans de services publics peuvent être mis en disponibilité spéciale, pour une durée maximale de cinq ans, par arrêté du ministre des affaires étrangères pris après avis de la commission administrative paritaire compétente. »

Art. 19. L’article 57 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 57. Un arrêté du ministre des affaires étrangères fixe le traitement de disponibilité spéciale, qui est égal au plus au traitement indiciaire et au moins à 50 % de ce même traitement. »

Art. 20. L’article 59 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 59. Les agents remplissant les conditions prévues à l’article 55 qui, six mois après l’expiration des congés auxquels ils peuvent prétendre, n’ont pas accepté d’affectation peuvent être placés en disponibilité spéciale dans les conditions prévues à l’article 55.

« Cette décision ne peut intervenir sans que les intéressés aient fait l’objet de deux propositions d’affectation dans un emploi correspondant à leur grade. »

Art. 21. L’article 61 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 61. Les personnes nommées dans un emploi diplomatique ou consulaire autre que ceux mentionnés à l’article 62 peuvent se voir retirer leur emploi dans l’intérêt du service dans les conditions prévues à l’article 16 du décret no 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État. »

Section 6

Dispositions relatives aux emplois de chef de mission diplomatique

Art. 22. L’article 62 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 62. Les chefs de mission diplomatique exercent, dans les pays où ils sont accrédités, les attributions fixées par le décret no 79-433 du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l’organisation des services à l’étranger.

« Ils sont nommés par décret du Président de la République, sur la proposition du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères.

« Les nominations dans les emplois de chef de mission diplomatique sont essentiellement révocables.

« La durée maximum d’exercice continu des fonctions de chef de mission diplomatique est de neuf ans, quel que soit le nombre de postes occupés pendant cette période. Lorsque la durée entre deux affectations est inférieure à deux ans, ces deux affectations sont comptabilisées comme relevant d’un exercice continu des fonctions.

« Les chefs de mission diplomatique bénéficient pendant la durée de leur mission du rang et des prérogatives d’ambassadeur.

« En cas d’absence du chef de mission diplomatique, l’intérim est assuré par un agent soumis aux dispositions du présent décret et désigné par le ministre des affaires étrangères.

« Les agents ayant occupé les fonctions de chef de mission diplomatique pendant deux ans au moins conservent le titre d’ambassadeur après la cessation de leurs fonctions. »

Art. 23. Après l’article 62, il est inséré un article 62-1 ainsi rédigé :

« Art. 62-1. I. – Une commission d’aptitude est instituée pour formuler un avis sur l’aptitude professionnelle des personnes candidates à une première nomination en qualité de chef de mission diplomatique.

« Cette commission apprécie les candidatures éligibles et détermine les candidats à auditionner au regard du principe d’égal accès aux emplois publics.

« La commission transmet au ministre des affaires étrangères la liste des candidats qu’elle estime, après audition, aptes à l’exercice des fonctions.

« II. La commission d’aptitude comprend :

« 1o Le directeur général de l’administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères ou son représentant ;

« 2o Le délégué interministériel à l’encadrement supérieur de l’État ou son représentant ;

« 3o Le chef du service de l’inspection générale des affaires étrangères ou son représentant ;

« 4o Une personne exerçant ou ayant exercé depuis moins de trois ans les fonctions de chef de mission diplomatique ;

« 5o Deux personnes ne relevant pas du ministère des affaires étrangères choisies en raison de leurs compétences en matière de ressources humaines sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique.

« Sa composition est déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 325-17 du code général de la fonction publique.

« Hormis le directeur général de l’administration et de la modernisation, le chef du service de l’inspection générale des affaires étrangères et le délégué interministériel à l’encadrement supérieur de l’État, qui siègent ès qualités, les membres titulaires de la commission ainsi que leurs suppléants sont nommés pour deux ans, non renouvelables, par arrêté du ministre des affaires étrangères. Ils perdent cette qualité en même temps que les fonctions qui les ont fait désigner. Dans ces circonstances, le remplaçant est désigné pour la durée du mandat restant à courir.

« La présidence de la commission est assurée par le directeur général de l’administration et de la modernisation ou, à défaut, par un autre membre désigné par arrêté du ministre des affaires étrangères. »

Art. 24. Les articles 3 et 51, le premier alinéa de l’article 64, l’article 65, le premier alinéa de l’article 66 et les articles 67, 67 bis, 67 ter et 68 sont abrogés.

Chapitre III

DISPOSITIONS RELATIVES À CERTAINS POSTES D’ENCADREMENT DU MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Art. 25. Le décret du 31 décembre 2019 susvisé est ainsi modifié :

1o La seconde phrase du premier alinéa du II de l’article 26 est supprimée ;

2o L’intitulé du chapitre II du titre IV est remplacé par l’intitulé suivant : « Emplois des services de l’État à l’étranger » ;

3o Le premier alinéa de l’article 66 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les personnes mentionnées à l’article 4 du présent décret peuvent être nommées par décret pour occuper les emplois de chef de poste consulaire ou par arrêté du ministre des affaires étrangères pour occuper les emplois d’adjoint au chef de mission diplomatique dont la liste est fixée, en fonction du nombre d’emplois relevant du ministère des affaires étrangères dans le pays de résidence, par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique. » ;

4o L’article 68 est ainsi modifié :

Au premier alinéa, les mots : « aux articles 4 et 9 » sont remplacés par les mots : « à l’article 4-2 » ;

Le dernier alinéa est supprimé.

Chapitre IV

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Art. 26. – Sous réserve des dispositions qui suivent, les membres du corps des conseillers des affaires étrangères et du corps des ministres plénipotentiaires sont reclassés dans le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, à la date du 1er juillet 2022, par arrêté du ministre des affaires étrangères, à identité de grade et à l’échelon comportant un indice brut égal ou immédiatement supérieur avec conservation de l’ancienneté acquise.

Les conseillers des affaires étrangères ayant atteint le 11e échelon du premier grade et ayant au moins trois ans d’ancienneté dans cet échelon sont reclassés au 12e échelon dans le premier grade du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, sans ancienneté conservée.

Les conseillers des affaires étrangères hors classe ayant atteint le 4e échelon et ayant plus de quatre ans d’ancienneté dans cet échelon sont reclassés dans le 5e échelon du deuxième grade du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, sans ancienneté conservée.

Les ministres plénipotentiaires de 2e classe ayant atteint le 2e échelon et ayant plus de trois ans d’ancienneté dans cet échelon sont reclassés au 3e échelon du troisième grade du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, sans ancienneté conservée.

Les ministres plénipotentiaires de 1re classe détenant une ancienneté supérieure à trois ans sont reclassés au 5e échelon du troisième grade du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, sans ancienneté conservée.

Art. 27. – Les fonctionnaires détachés à la date du 1er juillet 2022 dans le corps des conseillers des affaires étrangères ou dans le corps des ministres plénipotentiaires peuvent poursuivre, à compter de cette même date, leur détachement dans le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires puis, à compter du 1er janvier 2023, dans celui des administrateurs de l’État. Leur intégration peut être prononcée dans le corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, sous réserve qu’ils remplissent les conditions prévues à l’article 13 du décret du 6 mars 1969 susvisé dans sa version en vigueur au 30 juin 2022, puis, à compter du 1er janvier 2023, dans celui des administrateurs de l’État, conformément aux conditions statutaires propres à ce corps.

Art. 28. – Pour l’application du quatrième alinéa de l’article 62 du décret du 6 mars 1969 susvisé, dans sa rédaction résultant de l’article 22 du présent décret, seuls sont pris en compte les services effectués à compter de l’entrée en vigueur de cet article.

Art. 29. Dans toutes les dispositions réglementaires en vigueur concernant le corps des conseillers des affaires étrangères et le corps des ministres plénipotentiaires :

1o Les références à chacun de ces deux corps sont remplacées par des références au corps d’extinction des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ;

2o Les références aux conseillers des affaires étrangères et aux conseillers des affaires étrangères hors classe sont conservées ;

3o Les références aux ministres plénipotentiaires de 2e classe, 1re et hors classe sont remplacées par des références aux ministres plénipotentiaires.

Art. 30. Pour le corps des conseillers des affaires étrangères, les procédures de recrutement ouvertes au titre de l’année 2022 se poursuivent jusqu’à leur terme conformément aux dispositions du décret du 6 mars 1969 susvisé régissant ce corps, dans leur rédaction en vigueur au 30 juin 2022. Les procédures d’intégration et de titularisation des personnes ainsi recrutées se poursuivent conformément aux mêmes dispositions.

Art. 31. Le tableau d’avancement pour la promotion au grade de conseiller des affaires étrangères hors classe arrêté avant le 1er juillet 2022 reste valable au titre de l’année pour laquelle il a été dressé.

Les tableaux d’avancement pour la promotion au grade de ministre plénipotentiaire de 2e classe, de ministre plénipotentiaire de 1re classe et de ministre plénipotentiaire hors classe arrêtés avant le 1er juillet 2022 restent valables au titre de l’année pour laquelle ils ont été dressés.

Le nombre maximum de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires bénéficiant d’un avancement de grade au sein du corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires est déterminé en application des dispositions relatives à leur corps d’origine, dans leur rédaction en vigueur au 30 juin 2022.

Art. 32. Les articles 1er à 3, 5 à 8, 18 à 21, 24, les 1o et 4o de l’article 25 et les articles 26, 27 et 29 à 31 entrent en vigueur le 1er juillet 2022.

Les articles 11, 16, 17, 22, 23, les 2o et 3o de l’article 25 et l’article 28 entrent en vigueur le 1er janvier 2023.

Les articles 9, 10 et 12 à 15 entrent en vigueur le 1er juillet 2023.

Art. 33. – Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le ministre de l’économie, des finances et de la relance, la ministre de la transformation et de la fonction publiques et le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

 

Fait le 16 avril 2022.

 

Par le Premier ministre :       Jean Castex

 

Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian

La ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin

Le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire

Le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance,

chargé des comptes publics, Olivier Dussopt

 


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   Annexe n° 3 :
Questionnaire, adressÉ À plusieurs ambassades, relatif À l’organisation de la fonction diplomatique dans plusieurs pays comparables À la France

 

1. Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

2. Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

3. Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

4. Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

5. Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

6. Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

7. Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

8. Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

9. Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

 

 


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   Annexe n° 4 : Contribution de l’ambassade
de France en Allemagne

  1.      Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

 

L’Allemagne dispose d’un corps diplomatique distinct du reste de l’administration fédérale. Le corps diplomatique allemand est géré par l’Auswaertigesamt (AA), le Ministère fédéral des Affaires étrangères. Une loi (« Gesetzt über den Auswaertigen Dienst ») constitue la base législative du corps diplomatique allemand.

 

  1.      Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

L’attractivité de la carrière diplomatique est bonne : lors du dernier concours de recrutement pour la catégorie de fonctionnaires la plus élevée du service diplomatique allemand, le « höherer Dienst » (équivalent catégorie A), pour 90 postes, 1400 candidats se sont présentés. À noter, toutefois, une tendance à la baisse du nombre de candidats, tendance qui se retrouve dans la quasi-totalité de la fonction publique allemande. Le métier de diplomate conserve son prestige en Allemagne et les diplomates allemands jouissent, dans l’ensemble, d’une bonne image dans l’opinion publique allemande même s’ils n’échappent pas, parfois, aux préjugés habituels à l’encontre des diplomates.

 

  1.      Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

 

L’objectif poursuivi par l’Auswaertigesamt est de parvenir à une parité 50/50 entre les femmes et les hommes au sein du service. Cet objectif fait partie de la diplomatie féministe que met en œuvre Mme Annalena BAERBOCK, Ministre allemande des Affaires étrangères. L’évolution en matière de parité est jugée, cependant, lente par la plupart des commentateurs. Il existe de la mixité sociale au sein du corps diplomatique allemand.

 

  1.      Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

Pour le « höherer Dienst », les diplomates allemands sont recrutés par des concours exigeants (épreuves écrites d’admissibilité puis épreuves orales d’admission). La DRH de l’AA fixe chaque année le nombre d’agents dont elle a besoin dans cette catégorie. Le niveau requis pour se présenter au concours de recrutement est le master. Il n’existe pas de concours comparable aux concours d’Orient français mais, outre l’anglais, les candidats doivent maîtriser une deuxième langue (qui peut être une langue rare).

  1.      Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

La carrière diplomatique allemande est linéaire et débute par une nomination au grade d’Attaché puis les diplomates nouvellement recrutés suivent une formation initiale d’une année à temps plein. Le cursus de formation s’organise comme suit : études théoriques (par ex. : droit, gestion de crise, rhétorique, communication, management) : 6 mois puis stage en administration centrale : 6 mois (ce stage conduit les agents à effectuer des tâches actives en responsabilité dans les services. Une journée par semaine, les agents suivent une formation portant par exemple sur le numérique ou l’apprentissage de langues étrangères). Ce stage donne lieu à une évaluation par les supérieurs hiérarchiques directs des agents. En tant que telle, il n’y a pas de procédure de titularisation formelle des agents. La formation d’un an, librement organisée par l’AA, ne donne pas lieu à l’octroi d’un diplôme fédéral. À noter : le français fait toujours partie des épreuves obligatoires ; s’agissant de la formation en management, elle est limitée à ce stade mais elle est renforcée dans le cadre de la formation continue. Après la période de formation et une première affectation, une promotion au grade de Legationssrat (conseiller de légation) puis Erster Sekretar (premier secrétaire) intervient. Le concours d’entrée joue un rôle très important mais la formation initiale également car c’est à l’issue de celle-ci qu’intervient la première affectation. La manière de servir de chaque diplomate est évaluée annuellement. Les réseaux des agents sont à ne pas négliger mais c’est à l’aune des mérites et qualités professionnelles et humaines que progressent les diplomates dans leur parcours professionnel. La mobilité des diplomates vers d’autres postes à l’extérieur de l’AA (Ministères, secteur privé, société civile) est possible mais relève plus d’opportunités qui s’offrent à certains diplomates que d’une politique affirmée de l’Auswaertigesamt.

 

  1.      Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

La part des affectations susceptibles d’être qualifiées de politisées est très limitée par exemple le cas d’une ancienne Ministre à qui un poste d’ambassadrice a été proposé, ce qui est déjà intervenu dans l’histoire de l’Auswaertigesamt mais c’est un fait très rare.

  1.      Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

 

Les nominations aux fonctions de chef de mission diplomatique interviennent après un examen détaillé de la performance et des capacités du diplomate candidat à celles-ci.

 

  1.      Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

L’Auswaertigesamt propose au cas par cas certains postes ou certaines fonctions à des non-diplomates. La mobilité entrante et sortante est, en principe, soutenue mais est, dans les faits, faible. La part des contractuels au sein de l’AA est très limitée. La proportion des postes d’encadrement occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique est très restreinte : c’est le cas actuellement d’un seul poste, celui de directeur général culture de l’AA.

  1.      Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

 

Il n’y a pas à proprement parler de réforme du corps diplomatique engagée ou envisagée en Allemagne mais il y a des évolutions importantes voulues par les autorités politiques comme la mise en place d’une diplomatie féministe, une meilleure prise en compte de la diversité, l’abaissement de l’âge maximal pour les recrutements toutes catégories de personnels à l’Auswaertigesamt (qui est passé de 32 à 50 ans) et la meilleure prise en compte de l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Ces évolutions sont pilotées en permanence par les responsables de l’AA.

 

 


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   Annexe n° 5 : Contribution de l’ambassade
de France au Royaume-Uni

1. Le Royaume-Uni maintient une filière diplomatique d’excellence

1/ La diplomatie constitue une filière distincte du reste de la fonction publique, malgré des principes communs (Questions 1 & 4)

Après avoir successivement fusionné avec le Commonwealth Office, en 1968, et avec le Department for International Development, le 2 septembre 2020, le FCDO employait 16 124 personnes au 31 mars 2022 (par contraste, avant la fusion avec le DfID, le FCO employait 13 751 agents au 31 mars 2020). Il constitue, par sa taille et ses ambitions, l’appareil diplomatique le plus comparable au ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.

Aux termes du Constitutional Reform and Governance Act (section 3, 1), les agents du FCDO forment une fonction publique distincte, sous l’autorité directe du Foreign Secretary, alors que le reste de la fonction publique d’État est dirigé par le Minister for the Civil Service. Le FCDO a la faculté de définir, sous le contrôle de la Civil Service Commission, les règles de recrutement et de gestion de ses agents. Ainsi, le Code de la fonction publique ne s’applique pas aux agents diplomatiques, qui sont soumis au Code de la fonction diplomatique. Les seuls autres services à ne pas être couverts par les statuts généraux de la fonction publique d’Etat sont le Secret Intelligence Service, le Security Service, le Government Communications Headquarters, et le Northern Ireland Civil Service.

Les diplomates britanniques, contrairement aux agents titulaires du Département, sont recrutés uniquement par contrat et non sous statut. Il existe néanmoins une distinction entre les agents recrutés pour une durée indéterminée, de facto titulaires, et ceux qui sont engagés pour une durée limitée. Cette division entre deux types d’agents existe au sein du FCDO comme des autres ministères britanniques.

En pratique, le FCDO recrute à l’issue d’un processus sélectif qui peut s’apparenter à un concours. Si un diplomate, quel que soit son grade, n’est pas affecté à l’issue d’un poste, le FCDO n’interrompt ni sa rémunération ni la relation contractuelle. Le licenciement d’un agent permanent n’est possible qu’en cas d’insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et le processus est suffisamment long et laborieux pour être rare.

Les diplomates d’un statut équivalent à celui des agents de catégorie A et A+ du Département sont recrutés par une voie spécifique pour les « hauts potentiels », intitulée fast stream. Le processus, très sélectif, se déroule en 6 étapes pour le corps diplomatique, avec une base commune pour toutes les branches de la fonction publique. Les candidats sont appelés à classer par ordre de priorité 4 « corps » (sur 14) qu’ils souhaitent rejoindre. Le corps diplomatique est à la fois le plus attractif et le plus sélectif, avec celui du Parlement (équivalent des administrateurs de l’Assemblée Nationale et du Sénat). Les épreuves sont ensuite réparties comme suit, chacune ouvrant la voie à la suivante : (1) questionnaires à réponses multiples incluant des connaissances et des mises en situation, en ligne ; (2) études de cas ; (3) entretien vidéo consistant à répondre à une série de questions communes à tous les candidats ; (4) tests spécifiques selon les « corps » choisis ; (5) demi-journée de mise en situation dans trois scenarii : encadrement, équipe, et écrit ; et (6) panel de sélection final. Il n’existe pas de concours spécialisé sur la base des compétences linguistiques ou civilisationnelles des candidats.

La formation continue est privilégiée à la formation initiale. C’est tout particulièrement le cas de la formation linguistique : une fois désigné pour occuper un poste dans un pays dont il ne maîtrise pas encore la langue, un diplomate britannique équivalent cat. A se verra dispenser une formation linguistique à plein temps (au cours de laquelle il est placé en interaffectation et n’occupe plus de fonctions actives au sein du FCDO) pouvant durer jusqu’à 24 mois pour les langues les plus difficiles.

2/ Non sans difficultés, le FCDO demeure l’un des ministères les plus attractifs (Question 2)

Le Foreign, Commonwealth and Development Office est dirigé par l’occupant de l’un des quatre Great Offices of State aux côtés du Premier Ministre, du Chancelier de l’Échiquier, et du Secrétaire d’État à l’Intérieur. Boris Johnson comme Liz Truss avaient servi dans les fonctions de Foreign Secretary directement avant d’accéder au 10, Downing Street.

Traditionnellement influent et prestigieux, sa réputation dans le système britannique a souffert depuis le début des années 2000. Les Premiers ministres conservateurs successifs depuis l’élection de David Cameron n’ont eu de cesse de renforcer les compétences internationales du Cabinet Office : création du National Security Council et du poste de National Security Adviser en 2010 (désormais secondé par 4 adjoints).

La division des champs de compétence entre politique étrangère pour le FCDO et retrait de l’Union Européenne pour un ministère spécialisé pendant les négociations du Brexit a entamé les marges de manœuvre de la diplomatie britannique, d’autant que celle-ci s’est vue reprocher, après le référendum de 2016, d’être institutionnellement pro-européenne et réticente à construire l’après-Brexit.

En 2017, un rapport d’Oliver Letwin, ancien ministre du Cabinet Office, adressé à la commission de l’administration et des affaires constitutionnelles des Communes, était très sévère pour le Foreign Office : les diplomates en poste à l’administration centrale changeaient de poste trop souvent (la durée maximale dans un emploi à l'administration centrale est de deux ans et la durée moyenne est même inférieure, entre 18 et 24 mois), connaissaient mal les dossiers techniques et n’étaient pas assez réactifs. Le retrait d’Afghanistan à l’été 2021 et les manquements perçus de Dominic Raab, alors Foreign Secretary, ainsi que du secrétaire général, Philip Barton, ont encore écorné l’image de compétence et de dévouement des diplomates britanniques.

Hors de Westminster cependant, cette perception a moins de prise et le prestige du métier reste intact, teinté de romanesque par association notamment avec le Secret Intelligence Service qui relève toujours du ministère. La popularité du Foreign Office auprès des étudiants a d’ailleurs augmenté au cours des dernières années. En 2021, sur 59 603 candidats au total au civil service fast stream, 15 872 (premier contingent) souhaitaient rejoindre le Foreign Office. Celui-ci n’avait ouvert au recrutement que 28 postes pour l’année 2021, dont 27 ont été pourvus, soit un taux de réussite de 0,2 % (1,8 % pour tous les fast streams). Seul le Parlement est plus sélectif, avec 0,1 % de réussite, mais il n’offrait en 2021 que 4 postes en tout et pour tout. Enfin, le FCDO a repris depuis lla fin de l'année 2022 dans son giron la gestion pleine des relations avec l’Union Européenne, et la fusion avec le DfID a considérablement renforcé ses moyens financiers, en accroissant son contrôle sur les dépenses d’aide au développement (malgré les réductions de celle-ci ces derniers mois).

2. Le FCDO cherche à s’ouvrir à de nouveaux publics, mais le déroulement des carrières évolue lentement

1/ Tout en conservant la spécificité de la filière diplomatique, le FCDO s’est progressivement ouvert à d’autres profils (Questions 5 & 8)

Le FCDO n’a longtemps eu qu’une pratique très limitée des recrutements temporaires. Le recrutement de personnalités extérieures ne concernait que des personnels issus de certains ministères régaliens (Cabinet Office, Treasury, Defence), par la voie du détachement ou de rares nominations politiques. Le recrutement d’agents temporaires n’avait cours que dans les postes (pour les fonctions support) et, à l’administration centrale, pour les services techniques (maintenance, accueil, restauration) ou certaines spécialités (segments de leur direction des systèmes d’information; certaines langues rares).

Les recrutements à durée limitée et au sein des autres ministères se sont développés, en centrale comme dans le réseau. Le FCDO comptait, au 31 mars 2022, 7 076 agents recrutés de manière permanente (ceux-ci sont désignés comme « UK based » y compris lorsqu’ils servent à l’étranger, car leur contrat est systématiquement de droit britannique) et 9 048 agents de droit local.

Les diplomates britanniques témoignent d’une flexibilité grandissante pour la mobilité interministérielle, particulièrement entrante. Certains postes auparavant réservés aux diplomates de carrière sont désormais ouverts aux candidatures de civil servants issus d’autres ministères, pour peu qu’ils disposent des habilitations nécessaires et que le FCDO ait déterminé qu’une plus grande diversité de profils étaient nécessaires (ou qu’aucun candidat satisfaisant n’ait pu être recruté en interne). Les candidats du MoD, du Treasury et du Cabinet Office sont les plus nombreux. Au cours du processus de sélection, les expériences préalables à l’étranger dans le réseau du FCDO constituent l’un des premiers critères d’appréciation de la compétence des candidats. Toutefois, les interlocuteurs de cette ambassade estiment que l’interministérialisation des offres a réduit la prime de facto accordée aux diplomates de carrière.

Au 31 mars 2022, 517 civil servants issus d’autres ministères de que le FCDO étaient en fonction au sein de la diplomatie britannique, dont 65 au plus haut niveau d’encadrement (soit 10 % environ des Senior Civil Servant ou SCS du FCDO, voir infra), et avec une durée moyenne de service diplomatique de 3 ans. En contrepoint, 173 diplomates servaient dans d’autres administrations.

2/ Le FCDO a mis en place des politiques volontaristes pour féminiser et diversifier socialement son recrutement (Question 3)

Le FCDO, comme les autres administrations britanniques, dispose de statistiques non seulement de genre mais également d’appartenance ethnique, de handicap, et d’orientation sexuelle. On en retient que le corps diplomatique (UK based diplomatic civil servants) comprend 51 % de femmes, 17 % de minorités ethniques, 13 % de personnes handicapées, et 7 % de LGBTQ. Au sein des grades SCS correspondant aux fonctions d’encadrement, les femmes sont 42,5 % de l’effectif total, et elles occupent 36 % des postes de directeurs (chiffres au 31 mars 2022). Depuis 2021, le Royaume-Uni est représenté par des femmes dans tous les pays du P5 ainsi qu’à New York : Dame Karen Pierce à Washington, Caroline Wilson à Pékin, Dame Barbara Woodward à la RP New York, Deborah Bronnert à Moscou, Dame Menna Rawlings à Paris. S’y ajoutent Julia Longbottom (Tokyo), Jill Gallard (Berlin)… Le FCDO entreprend régulièrement des études sur la discrimination au sein de l’institution (par exemple, Black Skin, Whitehall).

La progression de carrière au sein du FCDO n’est pas fondée sur l’ancienneté mais sur le mérite, évaluée sur la base du niveau de difficulté des postes occupés (responsabilités exercées, contraintes – ex. hardship postings, prestige de la fonction) et de la performance dans ces fonctions. Le passage d’un grade à un autre peut également s’obtenir lors des entretiens de recrutement pour les postes auxquels candidatent les diplomates britanniques. Les agents du FCDO estiment que ce système permet la promotion des meilleurs éléments, mais provoque une certaine désorganisation (« free for all »).

3. La diplomatie britannique résiste largement à la politisation des carrières (Questions 6, 7 et 9)

Le fast stream était, à l’origine, l’unique moyen d’accéder in fine à des responsabilités d’envergure au sein du FCDO. La suppression d’un certain nombre d’examens professionnels permettant des promotions à la voie longue et la fusion avec le DfID, qui a nécessité d’intégrer les civil servants issus de ce ministère dans le corps diplomatique, ont rebattu les cartes. Les postes ouverts au recrutement, en centrale comme dans le réseau, font généralement l’objet de trois publications annuelles. Le processus de recrutement est déterminé par les spécifications du poste en termes de corps d’origine, de grade, et de compétences, et les postes sont attribués à l’issue d’entretiens.

Les chefs de postes et les directeurs sont également auditionnés par des panels qui se prononcent notamment sur leurs capacités managériales. Sur 7 076 civil servants, le FCDO comptait, au 31 mars 2022, 536 « senior civil servants » ou SCS, peu ou prou équivalents des Ministres plénipotentiaires et Conseillers hors classe, et répartis en 5 grades de SCS : permanent undersecretary (2), SCS4 (1), SCS3 (30), SCS2 (138) et SCS1 (365). Contrairement au système américain, les postes d’ambassadeurs et de consul ne sont attribués qu’à des civil servants, à de très rares exceptions près (dont Ed Llewellyn, actuel ambassadeur à Rome, auparavant accrédité à Paris, nommé après avoir servi en tant que Directeur de Cabinet du Premier Ministre, David Cameron).

Le Foreign Secretary dispose d’un private office, équivalent d'un cabinet ministériel, constitué traditionnellement de diplomates. S’y ajoute les conseillers politiques ou Spads (special advisors), nominations purement politiques et n’ayant pas vocation à servir de nouveau au FCDO après le départ du ministre (il s’agit de profils « Westminster », c’est-à-dire politiques, plutôt que « Whitehall », donc administratifs).

Il n’existe pas de réforme envisagée de la filière diplomatique britannique, bien qu’elle évolue au diapason de certaines des grandes orientations gouvernementales pour la fonction publique britannique dans son ensemble, qui pourrait subir de nouvelles coupes claires dans ses effectifs et ses budgets, compte tenu des contraintes économiques actuelles et du mouvement amorcé par Boris Johnson visant à réduire les effectifs et certaines marges de manœuvre - de la haute fonction publique britannique.

 


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   Annexe n° 6 : Contribution de l’ambassade
de France EN ITALIE

1)            Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

L’Italie entretient une longue tradition de diplomatie marchande, due à sa position centrale sur le plan géographique et à son histoire (cités et républiques maritimes). Le jeu de balance entre la Papauté, les Etats italiens et les puissances européennes au fil des siècles a contribué de longue date à forger une tradition diplomatique profondément ancrée dans le pays.

Compte-tenu de l’unification tardive de l’Italie (« Risorgimento », 1861) et de l’avènement récent de la République (1946), l’institution d’un corps diplomatique centralisé ne s’est toutefois réalisée que progressivement, à partir du XXe siècle. Alors que la diplomatie italienne était régie par des traditions héritées du XVIIIe siècle, la première grande réforme fut celle mise en œuvre par Dino Grandi qui, ministre des affaires étrangères à 34 ans, décida de mettre un terme au monopole de l’aristocratie sur la carrière diplomatique, et d’autoriser tout lauréat en droit, en sciences politiques ou en économie d’y entrer sur concours méritocratique. Ce système qui perdure encore aujourd’hui, maintient un corps diplomatique unique, distinct des autres grands corps de fonctionnaires.

La carrière diplomatique italienne [équivalent des catégories A et A+] s’articule autour des grades suivants :

-          Ambassadeurs : 24

-          Ministres plénipotentiaires (MP) : 185

-          Conseillers d’ambassade (CA) : 244

-          Conseillers de légation (CL) : 261

-          Secrétaires de légation (SL) : 435

2)            Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

La Farnesina occupe une place centrale dans la stratégie d’influence de l’État, bien qu’étant plus réduite que le Quai d’Orsay, avec un corps diplomatique moins nombreux (1.149 agents). Elle coordonne l’action extérieure. La carrière diplomatique jouit d’une tradition et d’une réputation d’excellence qui la distingue du gros de l’administration italienne.

Le corps diplomatique bénéficie d’une image très positive au sein de la société italienne. Il est apprécié pour son engagement au service de l’État, son expertise, son savoir-faire et sa valeur ajoutée et jouit d’un grand prestige dans l’appareil d’État comme dans l’opinion publique.

A l’instar d’autres corps reconnus pour leur expertise et leur réseau (notamment Conseil d’État, Banque d’Italie, préfets, administrateurs des assemblées parlementaires, magistrats), ils sont vus comme une ressource indispensable pour faire fonctionner l’appareil d’Etat et assurer la continuité de son fonctionnement, en parallèle des équipes politiques dont les ministres s’entourent, mais qui sont par définition renouvelées très fréquemment (64 gouvernements en 74 ans de République). Les diplomates sont très recherchés tant par les autres ministères que par les entreprises.

Le corps diplomatique italien est de taille légèrement plus petite que le nôtre mais s’y apparente par la sélection stricte qui prévaut à son recrutement (plusieurs centaines de candidats pour 25 à 30 postes par an), les grades d’avancement (6 de catégorie A à A+), ses méthodes de travail (prédominance de l’écrit) et le déroulement de la carrière (notamment : deux postes consécutifs à l’étranger).

3)            Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

En application des normes juridiques italiennes sur le principe de parité entre femmes et hommes, qui dérivent des décisions prises en 2006 par le Conseil et le Parlement européens, la Farnesina a institué un comité unique de garantie et un centre d’écoute, et adopté consécutivement trois plans triennaux d’actions positives afin de parvenir « à une pleine parité, au bien-être de l’organisation, à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, à la prévention de toute forme de discrimination et de harcèlement physique, psychologique et moral, et au règlement des conflits professionnels ».

La directive de 2019 pour l’action administrative de la Farnesina et ses annexes relatives au cycle de performance du ministère mettent en exergue le principe de « gender mainstreaming », en affirmant que l’objectif de parité de traitement et d’opportunités entre femmes et hommes doit être intégré dans la formulation et la mise en œuvre des actes administratifs et politiques du ministère.

Au sein de la DGRI [DRH] a été nommé un point de contact qui agit en lien étroit avec la Secrétaire générale, en particulier pour toutes les questions transversales amenées à figurer à l’ordre du jour du conseil d’administration de la Farnesina.

Dans les faits, les femmes représentent à ce jour 23 % de l’ensemble des agents diplomatiques, cette proportion étant plus importante dans les premiers grades de la carrière et, au niveau directorial, la proportion est de 34 %. À noter que les catégories d’agents non-diplomates mais liées à l’activité diplomatique (personnels technique et administratif, réseau culturel, agents de droit local), la parité est atteinte depuis plusieurs années.

L’administration a adopté une série d’initiatives qui ont pour but soit de promouvoir la participation des femmes au concours diplomatique (par l’ajout de communications dédiées dans les établissements y préparant), soit pour assurer une composition paritaire des jurys de concours et des commissions de promotion interne. La Farnesina escompte par conséquent que la proportion de femmes dans la carrière continue de croître au cours des prochaines années, jusqu’à obtention de la parité au niveau directorial.

Cela étant, le Secrétaire général insiste sur la nécessité que le critère de mérite prévale sur la discrimination positive : à mérite égal, il est possible de privilégier une femme, mais pas au-delà.

La Farnesina indique par ailleurs que plusieurs associations dont l’objet est lié aux questions de genre et de parité existent au sein du ministère, qui entretient avec elles des interlocutions régulières :

Donne italiane Diplomatiche e Dirigenti (Femmes italiennes diplomates et dirigeantes)

GLOBE-MAE : réseau des agents LGBTI

POEM / Pari opportunità e merito (Egalité des chances et mérite)

4)            Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

En principe, l’accès à la carrière diplomatique intervient exclusivement par concours public, sur titres et examens, au grade de « Secrétaire de légation ».

La Constitution italienne, à son article 97, dispose que « l’accès aux emplois des administrations publiques est ouvert par concours, sauf exceptions établies par la loi. ». L’accès au corps diplomatique italien se fait par un concours unique qui s’articule en trois phases sélectives :

Épreuve d’aptitude : questionnaire de 60 questions à choix multiples (QCM) portant sur les principales matières du concours : histoire des relations internationales, politique économique et coopération économique multilatérale, droit international de l’Union européenne, anglais, logique. Seuls les candidats qui obtiennent au moins 2/3 de réponses correctes (40 sur 60) sont autorisés à se présenter aux épreuves écrites.

Épreuves écrites : Réparties sur cinq journées d’examen, il s’agit de cinq notes notées sur 20 portant sur l’histoire des relations internationales, la politique économique et la coopération économique multilatérale, le droit international et le droit de l’Union européenne, l’anglais, et une seconde langue au choix entre le français, l’espagnol ou l’allemand. Seuls les candidat(e)s ayant obtenu une moyenne de plus de 70 sur 100 (14/20), dont au moins 70 sur 100 en anglais et au moins 60 sur 100 (12/20) dans les autres épreuves, sont autorisés à se présenter aux épreuve orale.

Épreuve orale : Elle consiste à vérifier les connaissances du candidat dans les matières passées à l’écrit et dans plusieurs autres domaines : droit public italien (administratif et constitutionnel), comptabilité publique, droit civil et droit international privé, géographie politique et économique, éventuelles langues facultatives au choix du candidat, épreuve pratique d’informatique. L’épreuve est sanctionnée de manière globale par le jury qui s’exprime de manière collégiale en s’accordant sur une note. Seuls les candidats ayant obtenu une note minimale de 60 sur 100 à l’épreuve (12/20) sont admis.

Classement final ! Il se compose de la somme des notes obtenues à l’écrit, à l’oral, aux épreuves facultatives de langue ainsi qu’aux diplômes qui auraient été obtenus par les candidats après le dépôt de leur dossier de candidature.

Il n’existe pas de concours comparable au concours d’Orient en tant que tel. Les candidats peuvent sélectionner des langues rares en option dans le cadre du concours général.

Les lauréats suivent une période d’essai de neuf mois, composée de trois mois de formation et de six mois dans leur première affectation en centrale.

La carrière diplomatique s’est toutefois progressivement ouverte à la contractualisation : À partir des années 1990, la fonction publique italienne s’est transformée en une fonction publique d’emploi, en ouvrant de nombreux postes aux contractuels. Le décret-loi n° 29 adopté en 1993 instaure un régime de droit privé des agents publics. Une large place est laissée à la négociation collective pour déterminer les normes auxquelles ils sont soumis.

Considéré comme exerçant une fonction de souveraineté, le métier de diplomate bénéficie d’exceptions et il est réservé dans les faits aux diplomates de carrière à partir d'un certain niveau : le décret-loi susmentionné dispose que « le personnel de la carrière diplomatique […] à partir du grade de secrétaire de légation [secrétaire des affaires étrangères primo-entrant] reste soumis à l’organisation propre du ministère ». En toute hypothèse, les emplois directoriaux ne sont en aucun cas ouverts à des contractuels.

Dans ce contexte, les contractuels employés au sein du ministère italien des affaires étrangères sont le plus souvent de droit local : ils occupent des emplois en ambassade, dans les consulats et instituts culturels italiens et en administration centrale dans des fonctions de soutien et de rédaction. Ces contrats peuvent être à durée indéterminée ou déterminée (pour une période inférieure à six mois). Des places sont réservées aux concours de la diplomatie (le plus souvent ceux de catégorie C) pour les contractuels italiens à durée indéterminée, à hauteur de 10 %.

5)            Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

i/ Le déroulement des carrières des diplomates s’articule autour de règles précisément établies :

-          les Secrétaires de légation suivent un cours de formation initial puis d’application dans un bureau en centrale et une ambassade à l’étranger (période d’essai de neuf mois). Ils sont ensuite nommés en centrale, puis effectuent un, deux ou trois postes successifs à l’étranger. En rentrant au ministère, ils suivent un cours de formation qui actualise leurs connaissances pendant 6 mois.

Pour être promu au grade supérieur (Conseiller de légation), il est nécessaire d’avoir servi au moins 4 ans à l’étranger dans une ambassade située en-dehors de la zone euro-atlantique. Après 10 ans et 6 mois, il est possible d’être promu, après avis d’une commission présidée par un Ambassadeur en exercice, où siègent toujours un magistrat du Conseil d’Etat ou de la Cour des comptes.

-          les Conseillers de légation peuvent effectuer un nouveau poste à l’étranger et, après un minimum de 4 ans dans le grade, peuvent être promus au grade supérieur, après avis d’une commission comparable à celle formée pour les Secrétaires de légation.

-          les Conseillers d’ambassade peuvent faire un nouveau poste à l’étranger ou en centrale, et ne peuvent être promus qu’après 4 ans dans le grade, après avis d’une commission « consultative » présidée par le Secrétaire général et où siègent le DGRI (DRH), l’Inspecteur général et le directeur de cabinet du ministre, qui propose à l’arbitrage de ce dernier le double de profils par rapport au nombre de postes à pourvoir (« la rosa dei nomi »). C’est l’avancement le plus difficile, et le nombre de postes est très variable chaque année (6 en 2020, 18 en 2021).

-          les Ministres plénipotentiaires effectuent un nouveau poste à l’étranger ou en centrale, et doivent compter au moins 6 ans d’ancienneté dans le grade pour espérer être promu au grade d’Ambassadeur. Le SG propose des noms au ministre après une revue des pairs (« peer review ») informelle parmi les Ambassadeurs de grade.

-          les Ambassadeurs sont nommés en centrale ou à l’étranger. Les nominations aux rangs de MP et d’Ambassadeurs sont décidées par décret du Président de la République, après délibération du Conseil des ministres, sur proposition du ministre des affaires étrangères.

Les campagnes de promotion ont lieu une fois par an, sur la base des postes disponibles dans l’organigramme au 1er janvier pour les Ambassadeurs et les Ministres plénipotentiaires, et au 1er juillet pour les Conseillers d’ambassade et de Légation.

ii/ Tensions sur les avancements : Le Secrétaire général de la Farnesina ne fait pas mystère des pressions fortes qui s’exercent pour élargir les corps, particulièrement celui des 185 ministres plénipotentiaires, alors que 20 sont aujourd’hui surnuméraires. La principale difficulté serait de détourner un plus grand nombre d’agents vers des postes peu prisés (en Afrique notamment, où plusieurs conseillers d’ambassade exercent déjà, faute de MP candidats, les fonctions d’ambassadeur) et d’augmenter ainsi l’insatisfaction.

Dans ce contexte, le Secrétariat général incite les MP (sans succès) depuis la fin des années 2000 à :

-          postuler aux postes de Consuls généraux de 1re classe du réseau (une dizaine comme Munich, Shanghai, Sao Paulo, mais dont ne font pas partie San Francisco ou Los Angeles par exemple) ;

-          accepter des postes éloignés au sein du réseau, en valorisant ces choix ;

-          effectuer une mobilité en tant que conseiller diplomatiques d’institutions tierces de l’Etat ou du privé.

En revanche, les postes d’ambassadeurs thématiques sont peu développés en Italie et ne paraissent pas constituer un débouché suffisamment utile. Il existe cependant quelques « Envoyés spéciaux » (Corne de l’Afrique, Sahel, Arctique, « Brexit » notamment)

Système d’évaluation et d’avancement

Le système d’évaluation s’articule en fonction des grades :

-          les fonctionnaires aux grades de SL et de CL sont évalués annuellement, en remplissant une grille d’évaluation rédigée pour chaque fonctionnaire par son supérieur hiérarchique direct (chef de bureau ou équivalent en centrale, chef de mission à l’étranger). Ce premier niveau est complété par un second, l’évaluation du directeur général (ou équivalent) qui est compétent pour le bureau ou l’ambassade évaluée. Le conseil d’administration du ministère se prononce sur l’évaluation finale du fonctionnaire ;

-          pour les CA est prévue une évaluation biennale, sur le fondement d’un rapport établi sur ses mérites par son supérieur direct (DG ou chef de mission). Si le CA occupe la fonction de chef de mission diplomatique, le rapport est du ressort du Secrétaire général du ministère, qui prend en compte les éléments fournis par le DG compétent ;

-          pour les MP, l’évaluation est triennale, sur le fondement d’un rapport de son supérieur direct, le DG compétent ou le chef de mission. Dès lors que le MP occupe les fonctions de CMD le rapport est du ressort du SG, qui comprend les éléments fournis par le DG compétent pour l’ambassade concernée. Les rapports concernant les DG sont également du ressort du SG.

Dans tous les cas de figure, l’évaluation est établie en prenant en compte un rapport rédigé par le fonctionnaire évalué.

6)            Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

Il existe une forte pression de la part du Parlement et de la société civile pour ouvrir des postes diplomatiques à des personnalités extérieures. La Farnesina résiste, considérant qu’en Italie l’instabilité politique chronique (64 gouvernements en 74 ans de république) constitue un repoussoir pour ce type d’ouvertures, qui ne manqueraient pas de se multiplier par la succession des gouvernements. Elle donne des arguments à ceux qui privilégient la continuité et le mérite.

Si les Chefs de mission diplomatiques sont recrutés traditionnellement parmi les membres du corps diplomatique, le gouvernement peut en théorie exercer un pouvoir discrétionnaire en nommant une personnalité extérieure, le plus souvent politique. En effet, contrairement aux postes de direction en administration centrale, les textes régissant l’organisation du ministère des affaires étrangères italien ne prévoient pas de dispositions particulières pour être chef de mission.

De telles occurrences sont cependant rares dans les faits, le cas le plus célèbre étant celui de Carlo Calenda, secrétaire d’Etat au commerce extérieur de Matteo Renzi, alors président du Conseil, nommé en janvier 2016 (à 43 ans) Représentant permanent de l’Italie auprès de l’Union européenne. Sa nomination avait suscité un tollé au sein du corps diplomatique : le syndicat majoritaire des diplomates italiens, le SND-MAE, avait envoyé une lettre au président du Conseil, soulignant sa « perplexité » face à ce choix, et l’impossibilité de faire de la nomination de politiques à des postes d'ambassadeurs une règle générale (aucun recours devant les juridictions administratives n’avait pour autant été déposé). Carlo Calenda n’est resté que deux mois à ce poste, étant ensuite promu ministre du développement économique.

7)            Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

Si les Chefs de mission diplomatiques sont recrutés traditionnellement parmi les membres du corps diplomatique, le gouvernement peut en théorie exercer un pouvoir discrétionnaire en nommant une personnalité extérieure. Contrairement aux postes de direction en administration centrale, les textes régissant l’organisation du ministère des affaires étrangères italien ne prévoient pas de dispositions particulières pour être chef de mission.

8)            Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

La Farnesina demeure un département ministériel relativement fermé aux mobilités entrantes (cf. supra) où peu de postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique. Le recours aux contractuels demeure limité à certaines fonctions et exclut de fait les fonctions d’encadrement (cf. point 4).

La gestion de la carrière diplomatique reste classique et très hiérarchisée, en s’attachant à préserver l’équilibre entre les corps et à éviter les nominations extérieures. Les diplomates sont recherchés par les autres administrations et par les entreprises, ce qui conduit la Farnesina à choisir pour conserver ses cadres et servir son influence. L’Italie se caractérise notamment par un réseau de conseillers diplomatiques auprès des ministres et des chefs de grandes entreprises, tous diplomates confirmés, qui fait système.

i/ Mobilité sortante vers le secteur public

Compte-tenu du plus faible nombre de diplomates italiens que français, la Farnesina est réticente à favoriser une trop grande mobilité de ses cadres. Le dialogue avec les autres administrations est, à cet égard, difficile. Elle exige en contrepartie un retour sur investissement : que les fonctions exercées lors de la mobilité servent les compétences du ministère au retour des agents.

Les interlocutions apparaissent particulièrement délicates avec le champ politique, de nombreux ministres et parlementaires cherchant à s’entourer des compétences de diplomates comme collaborateurs, ou à nommer leurs collaborateurs non diplomates en centrale ou à l’étranger. Cette tendance se serait même accentuée au cours de la période récente.

Dans ce contexte, la Farnesina réaffirme le primat du concours au mérite comme seule voie d’accès à la carrière, afin de faire échec aux tentatives d’y promouvoir des personnalités extérieures comme récompense pour services rendus, en milieu de carrière notamment.

Au demeurant, les postes de conseillers diplomatiques dans les administrations tierces [y compris au sein d’institutions para-publiques et d’entreprises privées, des diplomates étant en poste dans certaines régions comme la Ligurie ou le Latium, ainsi qu’au sein d’Enel ou de Pirelli], au premier chef au sein de la cellule diplomatique de la présidence du Conseil (Palazzo Chigi), représentent des atouts d’influence majeurs de la Farnesina dans l’appareil d’Etat et la garantie de compétences complémentaires solides à leur retour.

Sauf exception, ces postes sont tous réservés à des ministres plénipotentiaires, et à des conseillers d’ambassade pour les collaborateurs diplomatiques de Chigi. En revanche, la Farnesina refuse en général les détachements qui semblent manifestement destinés à remplir des vides dans les organigrammes, ainsi que ceux de rang inférieur à conseiller diplomatique.

ii/ Mobilité sortante vers le secteur privé

A ce titre, le ministère italien estime également que les expériences acquises au bénéfice d’une mobilité dans le privé sont utiles à la carrière, en particulier dans le comportement et les interlocutions de l’agent diplomatique à l’étranger, mais considère que la durée de ces détachements devrait être limitée à 3 ou 4 ans, en maintenant le lien avec l’autorité centrale.

Le cas d’un diplomate de haut rang, demeuré 10 ans au sein de la direction d’une grande banque italienne, a été cité comme problématique en termes d’allocution des ressources, la Farnesina s’interrogeant sur sa plus-value au sein du ministère et l’intéressé ayant peu de chances de voir ses prétentions à de hautes responsabilités satisfaites. Dans ces conditions, la limite qui devrait présider aux décisions de détachement est l’assurance de conserver une proximité avec le ministère et de ses besoins sans atteindre un point de non-retour (« in or out »).

9)            Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

Après les réformes concernant la direction générale de la mondialisation et du « système-pays », et l’incorporation du commerce extérieur, la Farnesina estime qu’un équilibre a été atteint. En l’état actuel, la coordination est déjà forte entre directions générales du ministère, entre bureaux géographiques et thématiques notamment, en toute logique compte-tenu de l’interconnexion toujours plus étroite des sujets. En particulier, les compétences du commerce extérieur et de l’internationalisation économique semblent avoir été intégrées correctement.

La récente réforme ayant créé une direction générale à part entière à partir de l’ancien service de presse et de communication répondait à une double exigence :

-          renforcer la communication institutionnelle pour développer une véritable diplomatie publique ;

-          mieux articuler les fonctions de porte-parole du ministre avec celles du chef du service de presse, et faire de ce dernier le véritable responsable de la diplomatie publique du ministère.

Une dernière réforme est encore à l’étude : la création d’un institut diplomatique et consulaire à part entière, qui serait rattaché à la DGRI (DRH), afin de renforcer le rôle et la visibilité accordée à la formation initiale et continue au cours de la carrière.

 

 


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   Annexe n° 7 : Contribution de l’ambassade
de France EN ESPAGNE

1. Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

L’Espagne dispose d’un corps diplomatique unique, accessible par un seul concours d’entrée dans la « Carrière diplomatique » (« Carrera Diplomática »). Si, en Espagne, les diplomates relèvent du cadre général des fonctionnaires d’Etat (décret législatif du 30 octobre 2015 relatif au statut du salarié public), le fonctionnement du corps diplomatique espagnol est distinct de la haute fonction publique ; il est régi par le décret royal du 7 mai 1993 relatif « aux postes de travail à l’étranger et à l’avancement des fonctionnaires de la Carrière diplomatique ».

 

2. Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

Le ministère espagnol des Affaires étrangères recrute, en moyenne, 30 nouveaux diplomates par an, pour plus de 600 candidats (600 en 2020, 625 en 2021) qui se présentent chaque année aux épreuves du concours pour l’accès à la carrière diplomatique. L’attractivité de la carrière diplomatique espagnole progresse, dans la mesure où les candidats étaient près deux fois moins nombreux il y a dix ans (environ 350 candidats).

Les lauréats du concours d’entrée sont généralement titulaires de diplômes de droit, d’économie, ou encore de relations internationales. Marqué par une série d’épreuves successives (étalées sur 6 mois), qui couvrent la culture générale, les questions internationales et européennes, l’économie, les langues, ainsi que par un grand oral, ce concours a la réputation d’être attractif, malgré son caractère très sélectif, exigeant une préparation de plusieurs années.

L’Ecole diplomatique de Madrid, qui assure la formation initiale et continue des diplomates espagnols, constitue une référence en matière universitaire et de formation pratique aux métiers des relations internationales ; bénéficiant d’une bonne notoriété, elle propose un Master interuniversitaire « Diplomatie et relations internationales », en partenariat avec six universités espagnoles dont l’Université Complutense de Madrid et l’Université nationale d’enseignement à distance. Ce Master, qui fait office de préparation de référence pour le concours, accueille 100 élèves par an (sur 400 candidats environ).

La perception des diplomates dans l’opinion publique ne faisant pas l’objet de sondages, elle apparaît difficile à évaluer. Récemment, l’évacuation des ressortissants espagnols par l’Ambassade d’Espagne à Kaboul, en août 2021, a fait l’objet d’une couverture favorable par la presse.

 

3. Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

S’il y a environ 30 % de femmes diplomates au ministère espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la coopération, ce taux atteint 50 % dans les dernières promotions recrutées par le biais du concours d’entrée dans la carrière diplomatique.

S’agissant de l’évaluation de la mixité sociale en son sein, le ministère espagnol des Affaires étrangères ne dispose pas d’indicateurs, mais des bourses sur critères sociaux existent dans le cadre du Master de l’Ecole diplomatique faisant office de centre de préparation au concours (cf. question 3). Les bourses accordées sont au nombre de 15 par an environ, en plus des bourses attribuées par diverses fondations (Carolina, banque Caixa, etc).

 

4. Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

Il n’existe pas de concours d’Orient en Espagne. Dans le cadre du concours unique d’entrée dans la carrière diplomatique, seuls le français et l’anglais font l’objet d’épreuves obligatoires, les autres langues (allemand, arabe, chinois, portugais, russe) étant à caractère optionnel et ne rapportant de points aux candidats que si les notes obtenues leur sont favorables. La maîtrise d’une troisième langue étrangère est toutefois répandue parmi les lauréats.

La formation initiale des diplomates espagnols, d’une durée de 4 mois, correspond à la scolarité au sein de l’Ecole diplomatique de Madrid, à l’issue de la réussite au concours d’entrée dans la carrière diplomatique (cf. question 2). Il s'agit d'une formation essentiellement pratique, associant cours et stages dans des représentations diplomatiques et consulaires. Cette formation vise à doter les nouveaux diplomates d’outils qui leur seront directement utiles dans l'exercice de leurs fonctions (fonctionnement des institutions européennes, gestion de crise, négociation dans les enceintes multilatérales, questions consulaires, questions administratives…).

5. Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

Comme leurs homologues français, les diplomates espagnols alternent destinations à l’étranger (avec l’obligation d’alterner pays aux conditions de vie difficiles et destinations plus « classiques », classés en trois catégories de pays, comme en France) et fonctions au sein de l’administration centrale. Le passage par des postes jugés « difficiles » est obligatoire pour progresser dans la carrière diplomatique.

Les postes ont généralement une durée de 3 à 4 ans (voire, plus rarement, 5 ans). Le retour à l’administration centrale (pour une durée comprise entre 2 et 8 ans) intervient généralement après trois postes consécutifs à l’étranger au maximum (avec une limite de séjour à l’étranger de 9 années consécutives).

Le décret royal du 7 mai 1993 relatif aux postes de travail à l’étranger et à l’avancement des diplomates prévoit que la progression des carrières se fait par le biais d’un tableau d’avancement, fonctionnant essentiellement à l’ancienneté, valorisant l’expérience et exigeant le passage par des postes dans des « pays difficiles », selon un modèle directement calqué sur l’avancement des militaires et non pas sur le reste de la fonction publique espagnole.

Au sein d’un unique corps diplomatique, les diplomates espagnols progressent ainsi, de façon quasi automatique, d’une « catégorie diplomatique » (secrétaire d’ambassade, conseiller d’ambassade, ministre plénipotentiaire, ambassadeur) vers une autre. Certains se spécialisent progressivement dans certaines filières (affaires européennes, questions multilatérales, sujets politico-militaires, enjeux globaux, coopération culturelle…), d’autres optent pour une carrière généraliste, en alternant les différents « métiers » de la diplomatie.

 

6. Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

La quasi-totalité des postes de diplomates et d’ambassadeurs étant confiée à des « diplomates de carrière », la part des nominations à caractère politique est considérée comme très résiduelle en Espagne (2 à 5 %). Actuellement, deux ambassadeurs espagnols (sur un total de 117 ambassades et 11 représentations permanentes) sont d’anciens politiques (une ancienne ministre de l’Education, ambassadrice auprès du Saint-Siège et un ancien député, représentant permanent de l’Espagne auprès de l’OCDE).

La Direction générale du Service extérieur espagnol fait notamment observer que 90 % des représentations diplomatiques sont à caractère très technique et que les rotations d’ambassadeurs suivent de manière générale un rythme normal (3 ou 4 ans dans un poste), les alternances politiques n’ayant qu’un impact à la marge sur les nominations (à l’inverse des nominations des directeurs de l’administration centrale qui peuvent être davantage affectées par des changements de gouvernement et/ou de ministre).

 

7. Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

C’est dans le cadre du conseil des ministres que sont nommés les ambassadeurs espagnols. Il n’y a pas de prérequis pour ces nominations, mais les chefs de missions diplomatiques sont généralement choisis parmi les agents du ministère des Affaires étrangères ayant rang de ministre plénipotentiaire ou d’ambassadeur, à de rares exceptions près (cf. question 6).

L’usage est de nommer des ambassadeurs pouvant se prévaloir d’une ancienneté de 15 ans dans des fonctions diplomatiques ; ce critère devrait être précisé dans le prochain règlement relatif à la carrière diplomatique (cf. question 9).

 

8. Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

Le fonctionnement par tableau d’avancement, qui valorise l’expérience confirmée des métiers diplomatiques et consulaires et, de manière générale, les années consacrées au service du ministère espagnol des Affaires étrangères, n’encourage pas les mobilités sortantes, ni, par voie de conséquence, les mobilités entrantes. La part de contractuels est résiduelle et porte essentiellement sur des fonctions support. Seuls 3 % des diplomates espagnols effectuent actuellement une mobilité vers d’autres ministères et les mobilités vers le secteur privé (entreprises stratégiques espagnoles des secteurs de l’énergie ou de la défense notamment) sont encore plus rares.

Les mobilités les plus fréquentes se font vers l’Agence espagnole pour la coopération internationale et le développement (AECID, équivalent de l’AFD, qui dépend directement du MAE espagnol), ou encore en direction des “Casas”, qui sont des consortiums publics destinés à promouvoir le rayonnement du pays par zone géographique : Casa África, Casa de América, Casa Árabe, Casa Asia, Casa Mediterráneo et Centre Sefarad–Israel ; ces structures associent le ministère des Affaires étrangères et d’autres entités publiques, comme l’équivalent de l’AFD et les collectivités territoriales qui accueillent ces établissements.

La quasi-totalité des postes de direction du ministère espagnol des Affaires étrangères sont occupés par des « diplomates de carrière » (20 sur 25). De très rares exceptions existent, comme, depuis peu, pour le poste de Directeur général du Service extérieur (équivalent du Directeur général de l’administration du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). À l’initiative de l’actuel ministre espagnol des Affaires étrangères, ce poste est occupé, depuis août 2021, par une administratrice civile.

 

9. Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

Un nouveau règlement relatif à la carrière diplomatique en Espagne est en cours d'élaboration, mais ne devrait pas prévoir de changements d’ampleur, selon la Direction générale du Service extérieur. Le processus de préparation du texte prévoit une période de consultation publique préalable et deux périodes d'audiences publiques, pour associer à la réflexion l’ensemble des membres de la carrière diplomatique.

L’Association des diplomates espagnols, qui regroupe environ 70 % des membres du corps diplomatique espagnol, est l’interlocuteur privilégié de l’administration, s’agissant du fonctionnement du ministère des Affaires étrangères, et propose notamment des sessions de mentorat en direction des lauréats du concours.

Un projet de règlement, en 2014, qui ne modifiait qu’assez marginalement le fonctionnement du corps diplomatique espagnol, a été annulé par le Tribunal suprême en 2017, pour des raisons de forme : au titre de la méconnaissance des règles de concertation avec les organisations syndicales. Dans ce texte, il s’agissait notamment de prévoir davantage de temps entre la décision d’affectation des diplomates et la prise de fonctions à l’étranger (qui peut être de l’ordre de trois mois seulement), ou encore de mettre par écrit les prérequis pour les nominations de chefs de missions diplomatiques. Ce projet de 2014, qui prévoyait, pour l’accès au rang d’ambassadeur (cf. question 7), une ancienneté minimale de 20 ans dans la carrière diplomatique et une expérience préalable dans des postes de direction au sein des administrations publiques, des institutions européennes ou d’organisations internationales, a été interprété comme une tentative de limitation de la marge de manœuvre pour les nominations politiques.

Enfin, à titre de contexte général, on retiendra un projet de l’actuelle ministre espagnole des Finances et de la Fonction publique, María Jesús Montero, de renforcer la place de la promotion interne au sein de la Fonction publique d’Etat espagnole (en prévision des nombreux départs à la retraite prévus dans les prochaines années). Cette initiative gouvernementale, négociée avec les grandes centrales syndicales nationales représentatives (Union générale des travailleurs et Commissions ouvrières) préoccupe les organisations professionnelles spécifiques des cinq principaux « grands corps » espagnols (les inspecteurs des finances, les technico-commerciaux et économistes de l’Etat, le corps diplomatique, les contrôleurs des finances), qui s’inquiètent d’une potentielle remise en cause du concours comme principale voie d’accès à la haute fonction publique espagnole.

 


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   Annexe n° 8 : Contribution de l’ambassade
de France AUX ÉTATS-UNIS

1.Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

La diplomatie américaine s’appuie sur un corps diplomatique unique servant dans les six « agences » gouvernementales : le Département d’Etat (équivalent de notre ministère de l’Europe et des affaires étrangères), l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le service commercial extérieur (Foreign Commercial Service), le service agricole extérieur (Foreign Agricultural Service), l’agence américaine pour les médias dans le monde (US Agency for Global Media), le service d’inspection sanitaire animale et végétale (Animal and Plant Health Inspection Service). Ce corps diplomatique unique regroupe toutes les catégories de personnel, des ambassadeurs aux « fonctions support ».

Le corps diplomatique américain sert dans environ 265 représentations dans le monde. Il compte plus de 18 000 membres, dont environ 25 % servent en dehors du Département d’Etat et de ses ambassades (9 % environ sont employés par l’agence de développement américaine USAID).

Il est représenté depuis 1924 par l’American Foreign Service Association, association indépendante qui compte 16 500 membres (plus de 85 % des diplomates) et est devenue également un syndicat en 1972 (date à laquelle la liberté syndicale a été octroyée aux fonctionnaires).

2. Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

Le métier diplomatique reste largement méconnu du grand public mais la perception de l’opinion à l’égard des diplomates évolue dans un sens globalement favorable. Les médias se sont montrés particulièrement positifs lors des auditions relatives à la procédure d’impeachment conduite durant le mandat du président Donald Trump. Ces développements ont permis au public de mieux connaître le « Foreign Service » et le travail concret mené par le corps diplomatique à travers le monde, au rebours de l’image facile de « cookie pushers ».

Le Bureau « Global Public Affairs » du Département d’Etat développe des programmes de communication et de diplomatie publique destinés à mieux faire connaître la diplomatie américaine, y compris à travers une présence massive sur les réseaux sociaux.

3. Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

Le « Foreign Service » était traditionnellement considéré comme largement masculin et « blanc ». Il s’est très fortement diversifié depuis le début du vingtième siècle et le Département d’Etat affiche désormais sa volonté de rechercher les profils les plus variés. Les thèmes de l’inclusion et de la diversité sont devenus centraux dans l’action du Département d’Etat et dans le processus de recrutement.

Le « Foreign Service Act » de 1980 dispose notamment que « les membres du Service extérieur doivent être représentatifs du peuple américain, conscients des principes qui fondent les États-Unis ainsi que de l’histoire de leur pays, informés des points d’attention et tendances qui marquent actuellement la vie américaine ; ils doivent connaître les situations, les cultures et les langues des pays étrangers, et être prêts à partir en poste dans l’ensemble du monde ».

4. Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

Le corps diplomatique comporte deux catégories d’agents :

-          Les « généralistes » (environ 60 % des membres du corps) qui constituent doivent passer l’examen du Foreign Service (écrit et oral) pour entrer dans le corps diplomatique. Ils doivent pour ce faire justifier d’une licence (Bachelor degree). Ils doivent ensuite choisir une filière spécifique (politique, économique, consulaire, management, etc.).

-          Les « spécialistes » (environ 40 % des membres du corps) sont recrutés pour leurs connaissances particulières de certaines zones ou leurs compétences sur certains sujets utiles au Foreign Service. Ils ne sont pas obligés de passer l’examen d’entrée mais doivent disposer des qualifications exigées pour le poste auquel ils postulent (diplômes ou expérience professionnelle). En font partie entre autres les agents de sécurité diplomatique, les spécialistes médicaux et les spécialistes de gestion de l’information.

Le Foreign Service dispose de plusieurs programmes spécifiques (programme Mustang, « Pickering Fellow ») qui permettent aux étudiants d’entrer dans le corps diplomatique immédiatement après l’obtention de leur diplôme. On peut devenir diplomate jusqu’à un âge avancé (parfois plus de 50 ans). Les diplomates peuvent prendre leur retraite dès 50 après 20 ans de service, et doivent obligatoirement prendre leur retraite à 65 ans maximum.

Les généralistes ou spécialistes récemment recrutés sont examinés par un comité spécifique deux à trois ans après leur entrée dans la carrière, en vue de leur titularisation. Dans le cas où ils ne seraient pas titularisés lors de ce premier examen, leur dossier peut encore être examiné à deux reprises. S’ils échouent trois fois, ils ne sont pas titularisés et doivent quitter le Foreign Service.

Les agents nouvellement recrutés suivent une simple formation initiale de 6 semaines, puis sont informés de leur affectation et suivent des formations complémentaires en lien direct avec cette affectation (notamment les formations linguistiques adaptées). Les nouveaux « Foreign Service officers » commencent par partir en poste à l’étranger avant toute fonction en administration centrale, afin de disposer d’une expérience de terrain. Leur première affectation est traditionnellement orientée vers les services consulaires, afin de leur permettre de connaître de l’intérieur ce volet important de l’action diplomatique (et pour répondre aux besoins exprimés par la filière consulaire).

Le Département d’Etat met l’accent moins sur la formation initiale que sur la formation continue et la formation préalable à la prise de poste : les diplomates nommés dans une ambassade suivent généralement six mois à un an de formation, en particulier linguistique, avant leur prise de fonction, et la plupart des formations sont sanctionnées par une évaluation et un certificat. Les agents formés sont dégagés de toute activité professionnelle et remplacés dans leurs fonctions.

5. Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

Différents critères sont pris en compte dans le déroulement de carrière selon que le diplomate est généraliste ou spécialiste. Les résultats à l’examen sont valorisés en début de carrière pour les généralistes. Les diplômes et l’expérience professionnelle préalable le sont davantage dans la carrière des spécialistes. Mais ces éléments sont remis en balance au fil du parcours des diplomates : la carrière se déroule sur six échelons que doivent franchir un à un les diplomates, de manière plus ou moins longue en fonction des qualités démontrées dans l’exercice de leur métier. Un diplomate qui n’aurait pas atteint l’échelon suivant à l’issue d’une certaine durée est théoriquement contraint à quitter le Département d’Etat, mais cette situation se produit très rarement.

6. Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

Les ambassadeurs, les « assistant secretaries » et « deputy assistant secretaries » (qu’on pourrait assimiler à nos directeurs et directeurs adjoints) peuvent être des diplomates de carrière ou des « political appointees ». Tous les autres postes sont réservés aux fonctionnaires.

Durant l’administration Trump, 55 % environ des ambassadeurs étaient des diplomates de carrière et 45 % des « political appointees ». La nomination de « political appointees » est souvent plus longue et conduit à des vacances de postes parfois jugées préjudiciables aux intérêts de la diplomatie américaine. Elle nécessite également un accompagnement spécifique en termes de formation, les « political appointees » étant contraints à des formations spécifiques en vue de leur prise de fonction. Les numéros 2 des ambassades, membres du corps diplomatique, ont également un rôle clé pour accompagner la nomination de « political appointees ».

7. Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

Les chefs de mission diplomatiques sont nommés par le président des États-Unis et doivent être confirmés par le Sénat (depuis la création du Département d’Etat le 27 juillet 1789), ce qui cause parfois des retards de nominations dont les conséquences sont déplorées par de nombreux diplomates.

Les chefs de mission diplomatiques doivent, sauf dans le cas des « political appointees », avoir franchi les six échelons du corps diplomatiques et entrer dans la catégorie des « senior foreign service officers ». Ils doivent pour cela justifier d’un certain nombre de conditions en termes de postes occupés en administration centrale et à l’étranger et en termes de formations reçues au fil de leur carrière. Un certain nombre d’entre eux suivent à mi-carrière une formation d’un an de type « école de guerre ».

L’entrée dans la catégorie des « senior service officers » est basée sur la recommandation d’un comité spécialisé (le « Senior Foreign Service Commissioning Board ») sur la base de 6 critères : « compétences de fond », « capacité de leadership », « capacités managériales », « qualités intellectuelles », « qualités interpersonnelles » et « connaissance des langues étrangères ». S’y ajoutent un certain nombre de facteurs dirimants : réticence à assumer des responsabilités, manque de ponctualité dans l’accomplissement des tâches, manque de productivité, difficulté à s’adapter à un environnement étranger, refus d’appliquer les directives, inhabilité au travail collectif, manque de sensibilité à l’égalité des chances, indifférence à l’égard des responsabilités managériales.

8. Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

Les agents du Département d’Etat et du réseau diplomatique américain, incluant les six agences gouvernementales (voir réponse 1) sont soit des membres du corps diplomatique (Foreign Service), soit des fonctionnaires généralistes (« civil service »). Ces derniers servent en très grande majorité à Washington mais parfois aussi en poste - de façon marginale - en fonction de leurs compétences spécifiques ; ils bénéficient généralement d’une moindre progression de carrière au sein du Département d’Etat.

Certains membres du Foreign Service peuvent être détachés dans d’autres agences américaines. De nombreux hauts gradés au sein de l’armée américaine disposent de conseillers diplomatiques issus du Foreign Service, de même que de nombreux directeurs du Département d’Etat disposent de conseillers militaires issus des rangs de l’armée. Les diplomates américains peuvent par ailleurs faire valoir leurs droits à la retraite dès 50 ans, ce qui leur permet de dérouler éventuellement ensuite une deuxième carrière.

Les postes d’encadrement peuvent être attribués à des « political appointees ».

9. Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

Des inquiétudes sont régulièrement exprimées au sein du Foreign Service sur l’avenir de la diplomatie américaine, notamment au regard de la diminution de 50 % du budget du Foreign Service depuis 1991, parfois mis en parallèle avec une diminution de l’influence mondiale des États-Unis.

Le Foreign Service s’est senti particulièrement en danger sous le mandat de Donald Trump, qui avait exprimé l’intention de publier un executive order prévoyant que les « senior federal employees » puissent être licenciés sans justification. Ce projet avait particulièrement choqué les diplomates américains, la liberté de contredire (« dissent ») étant considérée comme un élément essentiel à l’objectivité de la diplomatie américaine (certains rappelant l’exemple de l’under-secretary of State George Ball, resté en poste de longues années malgré son opposition constante à la guerre du Vietnam).

Les principaux débats en termes de réforme sont centrés sur les moyens d’accroître l’inclusivité et la diversité de la diplomatie américaine en recrutant dans les établissements les plus variés d’un point de vue social et géographique et en évitant une prépondérance trop marquée des universités d’élite (à commencer par l’« Ivy League »). En 2019, le nombre d’Afro-américains n’était que de 2,9 %, celui d’Hispaniques de 5,3 % et celui d’Américains d’origine asiatique de 3,6 %.

 


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   Annexe n° 9 : Contribution de l’ambassade
de France AU CANADA

1. Votre pays de résidence dispose-t-il d’un ou de plusieurs corps diplomatiques distinct(s) du reste de la haute fonction publique ? Si tel n’est pas le cas, votre pays de résidence maintient-il, en pratique, une « filière diplomatique » ?

L’ensemble des membres du corps diplomatique sont employés par le Conseil du Trésor (organe fédéral en partie équivalent à un ministère de la fonction publique, sous l’autorité d’un président qui a un rang ministériel). Affaires mondiales Canada [NDR : dénomination simplifiée du ministère canadien des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement] ne peut pas gérer son personnel de manière autonome et doit se soumettre aux lois, régimes et conventions collectives négociés pour les 335 000 fonctionnaires fédéraux (dont 35 500 embauchés pendant la pandémie). À l’intérieur de ce cadre, le "Service extérieur" a cependant ses spécificités, notamment l’exigence de rotation entre la Centrale et l’Étranger, que les nouveaux entrants s’engagent à satisfaire à leur arrivée au ministère.

Affaires mondiales Canada dispose actuellement de 13 106 agents, dont 7 723 de Canadiens et 5 383 recrutés locaux. La moitié de ces agents (6 669, soit 51 %) exercent leurs fonctions à l’étranger et 6 443 au Canada. Une faible proportion des agents canadiens sert à l’étranger (16,6 %), l’essentiel d’entre eux travaillant à l’administration centrale (81,5 %), les 1,9 % restants étant affectés dans des bureaux régionaux au Canada. Les agents dits « rotationnels » (appartenant au Service extérieur et ayant vocation à servir à l’étranger à plusieurs reprises dans leur carrière) sont au nombre de 2 059 ; 52 % d’entre eux travaillent à l’étranger, 46 % à l’administration centrale et 2 % dans des bureaux régionaux. Environ 73 % des agents canadiens ne font pas partie du Service extérieur (proportion qui s’établissait à 62 % en 2014). Ils appartiennent à la catégorie des « non-rotationnels », c’est-à-dire qu’ils n’ont vocation qu’à servir une seule fois à l’étranger.

2. Comment évaluez-vous l’attractivité de la carrière diplomatique dans votre pays de résidence ? Les diplomates jouissent-ils d’une perception favorable dans l’opinion publique ?

Selon les interlocuteurs de l’Ambassade, Affaires Mondiales Canada reste l’organe fédéral le plus attractif, allant parfois jusqu’à attirer 10 000 candidats pour ses concours de recrutement (lesquels ne sont certes pas conduits chaque année, mais uniquement en fonction des besoins, par cycles de promotion).

Affaires Mondiales Canada n’a cependant pas le même poids comparatif que le MEAE en France, pour deux raisons principales. La première est la prédominance permanente des affaires intérieures dans la politique canadienne et dans la vie quotidienne de ses habitants. Jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale, le Canada, sous statut de « Dominion » britannique, n’avait d’ailleurs pas la main sur sa propre politique étrangère. L’histoire particulière du Canada, ainsi que son éloignement des crises régionales et de la plupart des menaces grâce à sa géographie, conduisent à une tendance naturelle à faire passer ces questions au second plan, à l’exception notoire de la relation avec les États-Unis. La seconde tient aux attributions d’Affaires Mondiales Canada lui-même, qui a pour mission de coordonner l’action de l’ensemble du gouvernement fédéral mais n’a que peu de compétences propres sur les sujets hors des trois domaines « purs » des relations politiques, du développement et du commerce, ce qui laisse un large champ d’action aux ministères techniques.

La question de la perception des diplomates par l’opinion publique fait actuellement l’objet de réflexions à Affaires mondiales Canada. Celui-ci a constaté que la société canadienne ne connaissait que de manière lacunaire l’activité quotidienne de son outil diplomatique. L’action d’Affaires mondiales Canada passe largement inaperçue, sauf lorsque surgissent des crises (récemment l’Afghanistan et l’Ukraine) ; les Canadiens sont alors prompts à critiquer vertement la lenteur et l’impréparation des diplomates, sans prendre en compte la réactivité et l’efficacité dont ils s’efforcent de faire preuve dans ces situations. Par conséquent, Affaires mondiales Canada songe à renforcer sa communication publique afin de mieux faire connaître l’expertise des diplomates et les résultats concrets de leur action au quotidien.

3. Comment évaluez-vous le niveau de parité et de mixité sociale des profils des diplomates dans votre pays de résidence ?

La parité est aujourd’hui atteinte dans le réseau diplomatique canadien (50 % d’ambassadrices en poste depuis trois ans, y compris parmi les postes du G7), ainsi qu’en centrale (46 % de femmes dans des positions de direction à Affaires Mondiales).

La représentation des femmes dans la diplomatie canadienne n’est pas une question traitée à part. Elle est régie, comme celle des minorités ethniques, des autochtones et des personnes handicapées, dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi dans la fonction publique fédérale canadienne. Selon cette loi, la fonction publique doit être représentative de la société canadienne. À compétence égale, il est donc possible de sélectionner un représentant de l’une de ces 4 catégories si cette dernière est sous-représentée au ministère. S’agissant des femmes, la DRH a décidé de fonctionner de manière progressive en augmentant d’environ 6 % le pourcentage de femmes ambassadrices chaque année sur 6 ans, et en allant parfois « chercher » les femmes qui avaient le bon profil mais qui, dans l’ensemble, osaient moins s’engager, afin d’atteindre la parité. Cette approche progressive, non fondée sur des quotas explicites, a été nécessaire afin de veiller à ne pas « catapulter aux responsabilités des personnes qui ne seraient pas prêtes » et ne pas susciter de réactions négatives.

Les Canadiens notent le succès des approches basées sur le mentorat et sur la nomination de « Champions des femmes » chargés d’identifier et de promouvoir les profils prometteurs.

4. Quels sont les modes de recrutement des diplomates dans votre pays de résidence ? Existe-t-il un concours comparable au concours d’Orient en France ? À leur entrée dans le ministère, les diplomates bénéficient-ils d’une formation initiale ?

Dans sa très large majorité, le recrutement des agents du Service extérieur se fait par le biais d’un processus de sélection externe, essentiellement dirigé vers les lauréats universitaires (équivalent licence et plus). En réalité, ce processus de sélection est un entonnoir pour des profils bien plus divers, avec des candidats âgés de 36 ans en moyenne, avec souvent une première expérience de travail et un master. Les personnes intéressées doivent d’abord déposer un dossier de candidature, puis être retenues pour passer un premier entretien de sélection propre à Affaires Mondiales (visant à évaluer l’intérêt pour le métier, l’expérience de l’international, et les compétences transversales de type négociation, conviction…), avant de passer l’examen d’entrée de la Fonction Publique canadienne (lequel repose traditionnellement sur des tests psychotechniques et des mises en situation demandant l’exercice d’un jugement, dans les deux cas sous la forme de QCM, pour une durée d’environ 3 heures). Le caractère relativement généraliste de ce concours ne permet pas d’identifier de cursus de formation privilégié pour le réussir. Ce processus de sélection externe n’est pas régulier, plusieurs années s’écoulant souvent avant chaque cycle de recrutement. Ce système de recrutement se veut au service d’une gestion de carrière linéaire et « égalitaire » : tous les agents recrutés par ce biais entrent au niveau « de base » (FS 1, voir question 5 ci-après) et gravissent progressivement (et lentement) tous les échelons. La présomption est que tout directeur général a commencé sa carrière comme FS 1 plusieurs décennies auparavant.

Un processus de sélection interne existe également, qui repose sur un dossier de candidature, suivi d’entretiens et, en fonction des années, d’un examen écrit pour apprécier les connaissances et les qualités rédactionnelles du candidat. Cette sélection interne est généralement destinée aux personnels contractuels d’Affaires Mondiales qui ne sont pas considérés comme membres du Service extérieur mais qui souhaiteraient en faire partie. Cela a notamment été le cas après l’absorption de l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI) par Affaires Mondiales, qui a été suivie par plusieurs concours internes visant spécifiquement les personnels ayant des compétences dans le domaine du développement. D’autres concours internes moins spécifiques peuvent être organisés (ils ont notamment l’avantage d’être moins coûteux lorsque les besoins sont limités, par rapport aux examens externes qui attirent énormément de candidats), mais, là encore, ils ne sont pas réguliers.

La formation des agents diplomatiques (comme celle du reste du ministère) est assurée par l’Institut Canadien du Service extérieur. L’ICSE dispose de 120 employés et a recours à une vingtaine de prestataires, notamment sur les questions de leadership ou les questions interculturelles. L’ISCE facture également des prestations de formation pour d’autres ministères et certains organismes non gouvernementaux.

L’ensemble des nouveaux agents du Service extérieur bénéficie d’une formation initiale d’environ 6 semaines, visant à présenter le ministère et à couvrir les connaissances de base (bilinguisme, évolution dans un milieu multiculturel, influence et création d’alliance, prise de décision, adaptabilité…). Cette formation prévoit également une séquence sur le Canada et une tournée du territoire, afin que les diplomates aient une bonne connaissance du pays qu’ils vont représenter. À l’issue de ce processus, les agents sont ensuite affectés au sein d’une filière (diplomatie, commerce, consulaire, développement) et reçoivent une seconde formation correspondant aux particularités de cette filière, dont la durée peut varier (2 à 6 semaines pour la filière commerce, 8 mois pour la filière consulaire par exemple).

Si l’agent n’effectue pas ces deux formations, il perd sa capacité à signer/certifier des actes officiels du ministère (NV, factures…). Ces deux formations initiales sont régulièrement interrompues pendant des années, au même rythme que les recrutements externes. Les métiers évoluant considérablement tous les 5 ans, elles sont donc réinventées d’une fois sur l’autre et il n’est pas possible de s’appuyer sur un « programme type ».

À l’issue de ces formations initiales, si l’agent souhaite partir en poste (il n’y a pas d’exigence de durée minimum en centrale avant un départ), une troisième formation, linguistique, sera proposée à plein temps jusqu’au départ, afin que l’agent maîtrise la langue de son futur poste d’affectation. Là encore, la durée de la formation varie en fonction de la langue cible considérée et de la langue maternelle de l’agent (quelques mois pour un agent francophone qui part dans un pays hispanophone, un an ou deux pour un agent qui part en Chine ou au Japon).

Les personnels exécutifs partant à l’étranger (chefs de poste et chefs de service) doivent suivre une formation pré-affectation de deux semaines pleines (les ambassadeurs désignés politiquement y sont également soumis). Outre un module sur la sécurité en partenariat avec Défense Canada, cette formation se concentre essentiellement sur les valeurs, l’éthique, les finances publiques, le management et la gestion des ressources humaines. En centrale, lorsqu’ils sont repérés lors de leur « évaluation du talent » et dans le cadre de l’attribution de leur prime de rendement, les personnels exécutifs peuvent bénéficier d’un catalogue de formation spécifique pour les leaders, y compris à l’extérieur d’Affaires Mondiales (mobilité d’un an à Harvard pour étudier la gestion stratégique par exemple).

5. Comment se déroulent les carrières diplomatiques dans votre pays de résidence ? Quel est le poids respectif du concours d’entrée, du mérite et des réseaux dans la progression de la carrière ? Est-il fréquent ou facile pour un diplomate de progresser d’un corps vers un autre corps au cours de sa carrière ?

Les carrières canadiennes sont relativement linéaires. La plupart des agents, entrés par le concours externe, débutent au niveau FS 1 (Foreign Service/ Service Extérieur 1, niveau « d’agent junior ») puis peuvent progresser au niveau FS 2 (agent), puis FS 3 (agent principal), par le biais de concours internes qui sont déclenchés par la Direction des Ressources Humaines quand un besoin suffisamment important est identifié. Là encore, le candidat devra déposer un dossier qui permettra à la DRH de faire un premier filtrage au regard des exigences et de l’expérience attendus pour le niveau supérieur, avant le cas échéant d’avoir des entretiens avec la DRH puis, en fin de parcours, de subir un examen écrit complémentaire. L’ancienneté et la hiérarchie n’ont (théoriquement) aucun rôle dans ce processus. Auparavant, les agents pouvaient passer « automatiquement » du niveau FS1 au niveau FS2 après un certain temps, mais cette possibilité a été supprimée par la DRH il y a quelques années. La fin de cette possibilité et l’absence de régularité des concours internes (parfois interrompus pendant des années à la suite) génèrent une certaine frustration parmi les jeunes agents interrogés par ce poste.

Aux qualifications de base (savoir-être, savoir-faire) exigées pour chacun de ces niveaux s’ajoutent les compétences requises spécifiquement pour la filière dans laquelle évolue l’agent (politique étrangère et diplomatie ; commerce ; développement ; affaires consulaires et gestion des urgences). S’il est théoriquement possible de passer d’une filière à l’autre (notamment au sein d’un même niveau), il est plus difficile de passer au niveau supérieur dans une autre filière que la sienne (FS1 politique à FS2 commerce par exemple) en raison de l’expérience spécifique requise.

Au-delà du niveau FS 3, les agents du Service extérieur deviennent des agents exécutifs et continuent d’évoluer selon une grille distincte (EX 1, EX 2, EX 3, EX 4, EX 5). Le passage de FS à EX fait l’objet d’un examen particulièrement approfondi dans la mesure où la progression à EX 2, 3, etc. se fait avec des modalités plus légères, avec une quasi-disparition des filières pour se concentrer sur les compétences managériales/de gestionnaire.

6. Quelle est la part des affectations de diplomates qui peuvent être jugées « politisées » dans votre pays de résidence ?

Les nominations politiques discrétionnaires font l’objet de contrats individuels négociés (y compris sur le salaire) avec le Bureau du Premier ministre. En 2021, elles représentaient 10 % des nominations (chiffre stable tout au long de la dernière décennie). Récemment, Affaires mondiales Canada a obtenu que certains grands postes (Pékin, Washington) soient attribués à des diplomates de carrière.

7. Quelles sont les conditions posées à l’accès au poste de chef de mission diplomatique dans votre pays de résidence ?

Les affectations au niveau ambassadeur relèvent de la prérogative du Premier ministre (décret en conseil validé par la Gouverneure générale, représentante du Roi au Canada). La DRH ouvre la liste un an à l’avance, collecte les candidatures et effectue un premier tri. Les sous-ministres adjoints géographiques se prononcent ensuite, et le sous-ministre des affaires étrangères (équivalent du Secrétaire général) contrôle et approuve l’ensemble des propositions avant transmission au Bureau du Premier ministre. Ce processus prend environ un an. L’on relèvera que tous les ambassadeurs ne sont pas nécessairement issus de la filière politique/diplomatie : de nombreux personnels exécutifs issus de la filière commerce et développement deviennent également chefs de poste.

8. Quel est le degré d’ouverture du ministère des affaires étrangères dans votre pays de résidence ? Quelle est la part des contractuels au sein du ministère ? La mobilité entrante et sortante est-elle développée ? Quelle proportion des postes d’encadrement sont occupés par des personnes qui ne sont pas issues du corps diplomatique ?

Les personnels contractuels ne peuvent prétendre au statut d’agent du Service extérieur. Dans les faits, certains d’entre eux ont des fonctions (en centrale) très proches et peuvent être dotés de CDI, mais ils resteront attachés au poste sur lequel ils ont été recrutés. Une affectation à l’étranger est possible, mais dans des conditions très particulières (autorisation du Directeur général compétent pour la zone ou le domaine, priorité aux postulants du Service extérieur, réaffectation sur le même emploi en centrale au retour).

La mobilité entre le Service extérieur canadien et le secteur privé est pratiquement inexistante. Il n’existe aucun dispositif particulier pour l’encourager. Un « programme d’échange Canada » géré par la DRH aux fins de mobilités courtes hors d’Affaires Mondiales existe bien, mais la dizaine de personnes concernées chaque année est en général accueillie au sein d’autres administrations. Même les mobilités dans des cabinets politiques ne sont pas particulièrement valorisées, et les agents concernés ne reçoivent en général pas de soutien du ministre auprès duquel ils travaillaient en vue de leur prochaine affectation.

En théorie, les agents du Service extérieur sont habilités à prendre un congé sans solde de 4 à 5 ans pour aller travailler hors d’Affaires mondiales Canada, même si peu d’entre eux font usage de cette faculté.

Sur les 431 agents de niveau EX (encadrants) que compte Affaires mondiales Canada, 375 d’entre eux appartiennent à la catégorie des « rotationnels » (cf. point n° 1) ; il s’agit d’agents du Service extérieur ou d’agents initialement non-issus du corps diplomatique mais qui l’ont intégré par voie de concours. Les 56 EX restants appartiennent à la catégorie des « non-rotationnels » (ne faisant pas partie du corps diplomatique et ne pouvant servir qu’une seule fois à l’étranger dans leur carrière).

Le processus de réflexion sur l’avenir de la diplomatie (cf. infra) a mis en lumière que l’ouverture de l’encadrement supérieur aux autres administrations, mis en œuvre il y a de cela une décennie, avait atteint ses limites. Certaines des carences actuelles de l’outil diplomatique canadien sont ainsi imputées par les agents à la forte présence de hauts fonctionnaires n’ayant qu’une connaissance trop parcellaire du fonctionnement de la diplomatie.

9. Quelles sont les réformes récentes ou envisagées du corps diplomatique dans votre pays de résidence ? Des missions de réflexion et/ou des moments de concertation collective sur l’avenir du métier de diplomate ont-ils déjà été organisés ?

La lettre de mandat [NDR : document fixant les priorités des administrations] de la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly mentionne la nécessité de « renforcer les capacités diplomatiques du Canada ». Dans le contexte de la pandémie, la diplomatie canadienne a pris conscience de la nécessité de disposer de davantage de personnels sur le terrain (cf. point n° 1). Par ailleurs, en raison du nombre grandissant de crises (pandémie, Afghanistan, Ukraine) et de menaces pesant sur l’ordre international, le ministère canadien des Affaires étrangères a été amené à s’interroger sur l’adéquation entre d’une part ses structures et ses capacités, et d’autre part les défis qui s’imposent à lui dans le contexte mondial qui prévaut actuellement.

La ministre des Affaires étrangères a par conséquent lancé en mai 2022 une vaste réflexion intitulée « L’avenir de la diplomatie : transformer Affaires mondiales Canada ». Plus de quarante consultations ont à ce stade été menées, en interne tout autant qu’avec des interlocuteurs extérieurs. Un sondage a été effectué auprès de la totalité des personnels d’Affaires mondiales Canada. Les conclusions devaient initialement être présentées à l’automne 2023 mais, anticipant la nécessité de plaider en faveur d’une augmentation des moyens de la diplomatie, la ministre des Affaires étrangères a souhaité qu’un rapport soit élaboré avant la fin de l’année budgétaire 2022. Par conséquent, un consensus interne devra être dégagé avant le mois de décembre. Certaines recommandations formulées à l’issue du processus pourront être mises en œuvre immédiatement, d’autres se borneront à lancer des travaux de long terme.

La réflexion s’articule autour de quatre piliers (les ressources humaines, la capacité en matière de politiques, la capacité technologique et numérique, ainsi que la présence mondiale). S’y est ajouté un cinquième axe de réflexion sur la culture organisationnelle. La petite équipe (une dizaine d’agents) chargée de mener le projet sur l’avenir de la diplomatie canadienne a en effet constaté que de nombreux agents appelaient de leurs vœux des discussions sur leur environnement de travail. Ils critiquent notamment la lourdeur des procédures administratives, les problèmes de recrutement (de nombreux emplois demeurent vacants et certains agents doivent s’acquitter des tâches confiées en temps normal à deux personnes), ainsi que la nécessité de garantir le bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. À ce stade, l’équipe chargée du projet a recensé 70 recommandations. Elle ne les retiendra pas toutes et devra établir une liste d’actions prioritaires.

À l’heure actuelle, les réflexions sont centrées sur les questions relatives aux ressources humaines. L’équipe chargée du projet considère qu’il s’avère nécessaire de recruter des contractuels disposant d’une expertise spécifique, mais aussi d’accompagner la construction de la carrière des agents diplomatiques en spécialisant leurs compétences sur une zone géographique ou une thématique transversale. Est également envisagée une plus grande mobilité – tant entrante que sortante - avec le milieu universitaire. En outre, Affaires mondiales Canada considère que trop d’agents restent affectés pour de longues périodes à l’administration centrale. Il en résulte un sentiment de frustration chez les jeunes agents, lesquels ont intégré le service diplomatique pour pouvoir, au cours de leur carrière, exercer des fonctions à l’étranger. Tous ces constats amènent à l’idée selon laquelle il convient de renforcer la direction des ressources humaines d’Affaires mondiales Canada, notamment afin de mieux gérer les carrières et de valoriser l’expertise acquise par les agents quant à une zone ou un thème. Une des préconisations actuellement à l'étude plaide en faveur d'une spécialisation accrue du concours de recrutement des agents diplomatiques.

On relèvera enfin que le Sous-ministre adjoint d’Affaires mondiales Canada responsable du projet sur l’Avenir de la diplomatie canadienne, M. Alexandre Levesque, se rendra en France au cours de la semaine du 18 novembre 2022 et souhaitera rencontrer l’équipe des États généraux de la Diplomatie afin d’échanger sur ces sujets.

 

 


([1]) Présentes sur tout le territoire, les 93 « Prépas Talents » ont accueilli 2 000 étudiants boursiers à la rentrée 2022, contre 1 700 en 2021.

([2]) Institut national du service public, administrateur territorial, directeur d’hôpital, directeur des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, commissaire de police et directeur des services pénitentiaires.

([3]) Soit quinze corps au total : les corps des conseillers des affaires étrangères, des ministres plénipotentiaires, des sous-préfets, des préfets, de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration au ministère de l’intérieur, de l’inspection générale de l’agriculture, de l’inspection générale des affaires culturelles, des inspecteurs généraux et inspecteurs de l’administration du développement durable, du contrôle général économique et financier, des administrateurs des finances publiques, des administrateurs du Conseil économique, social et environnemental, de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche.

([4]) Schématiquement, il est possible de distinguer trois types de mobilités : la mobilité géographique, qui consiste à changer de lieu d’exercice et qui est naturelle dans les corps diplomatiques et préfectoraux ; la mobilité fonctionnelle, qui conduit à changer de politique publique ou de métier et qui peut, par exemple, conduire un agent à passer des secteurs de l’énergie au transport ; et la mobilité au sein de l’environnement professionnel, qui permet de travailler sur un angle différent d’une même politique publique.

([5]) Ces lignes directrices de gestion interministérielle ont été édictées par une circulaire du Premier ministre du 20 avril 2022.

([6]) Selon le Gouvernement, l’ensemble des administrateurs de l’État et des emplois supérieurs relèveront d’un régime indemnitaire composé d’une part principale liée à l’exercice des fonctions, modulable en fonction de l’expérience acquise, de la prise de responsabilité ou de la mobilité, et d’une part variable en fonction des résultats. Celle-ci représentera désormais jusqu’à 30 % du montant global des primes et sera déterminée par le niveau de réalisation des résultats collectifs et individuels fixés annuellement.

([7])  Décret n° 2022-721 du 28 avril 2022 relatif aux modalités transitoires d’accès au corps des administrateurs de l’Etat par la voie de concours complémentaires dénommés « concours d’Orient ».

([8]) Décret n° 2022-562 du 16 avril 2022 relatif aux modalités exceptionnelles de recrutement de secrétaires des affaires étrangères, d’attachés des systèmes d’information et de communication et de traducteurs du ministère des affaires étrangères dans le corps des administrateurs de l’État au titre des années 2023 et 2024.

([9]) La procédure d’affectation est prévue à l’article 13 de l’arrêté du 18 octobre 2022 fixant les modalités de l’examen des titres professionnels et de l’établissement de la liste d’aptitude d’accès au corps des administrateurs de l’Etat. Elle se décompose en deux tours, durant lesquels les candidats expriment des vœux d’affectation avant d’être auditionnés par les départements ministériels qui classent à leur tour les candidats qu’ils souhaitent recruter. Lorsqu’un employeur, pour un emploi donné, a classé un candidat en premier rang et que ce candidat a lui-même choisi cet emploi en premier rang, le candidat est retenu pour cet emploi.

([10])  Une délégation de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est ainsi intervenue devant les états généraux de la diplomatie à l’occasion d’une réunion de travail le jeudi 1er décembre 2022.

([11]) Le fonctionnement du corps diplomatique est régi par le décret royal du 7 mai 1993 relatif aux postes de travail à l’étranger et à l’avancement des fonctionnaires de la carrière diplomatique.

([12]) L’agence des États-Unis pour le développement international (US Agency for International Development), le service commercial extérieur (Foreign Commercial Service), le service agricole extérieur (Foreign Agricultural Service), l’agence américaine pour les médias dans le monde (US Agency for Global Media) et le service d’inspection sanitaire, animale et végétale (Animal and Plant Health Inspection Service).

([13]) Aux termes du Constitutional Reform and Governance Act (section 3,1).

([14]) À titre d’exemple, voir la tribune du groupe Théophile Delcassé, réunissant une cinquantaine de diplomates et de fonctionnaires du ministère, publiée dans le journal Le Monde le 24 mai 2021. Accessible ici.

([15]) Cette disposition remplace les dispositions du statut des préfets de 1964, lequel prévoyait que deux-tiers des postes étaient occupés par des sous-préfets ou des administrateurs civils, ce qui est censé illustrer le passage d’une logique statutaire à une logique de compétences.    

([16]) En réalité, l’ambassadeur Bonnafont a remis au ministre deux rapports, l’un sur la gestion des agents de catégorie A et A+ et l’autre sur toutes les autres catégories de personnels du ministère, à savoir les fonctionnaires de catégories B et C, les contractuels de droit français et les agents de droit local.

([17]) Notamment dans le décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et dans le « plan de modernisation des ressources humaines », qui bénéficie d’une enveloppe budgétaire dans les lois de finances pour 2022 et 2023.

([18])  Article 23 du décret du 16 avril 2022 portant application au MEAE de la réforme de la haute fonction publique.

([19]) La commission d’aptitude sera composée de trois personnes appartenant au MEAE, dont le directeur général de l’administration et de la modernisation, qui préside la commission, deux personnes qualifiées n’en relevant pas et le représentant du délégué interministériel à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE).

([20])  En vertu de l’article 9 du décret du 1er décembre 2021, le corps des administrateurs de l’État comporte trois grades : administrateur, administrateur hors classe et administrateur général.

([21]) Rapport d’information (n° 777) de MM. Jean-Pierre Grand et André Vallini, sur l’avenir du corps diplomatique, rendu au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, en juillet 2022.

([22]) L'article 59 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a autorisé le Gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi pour, tout « en garantissant le principe d'égal accès aux emplois publics, fondé notamment sur les capacités et le mérite, et dans le respect des spécificités des fonctions juridictionnelles, réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d'emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils, harmoniser leur formation initiale, créer un tronc commun d'enseignements et développer leur formation continue afin d'accroître leur culture commune de l'action publique, aménager leur parcours de carrière en adaptant les modes de sélection et en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé ».

([23])  Proposition de loi n° 807 (2020-2021) de MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, Guillaume Gontard, Jean-Pierre Sueur et François-Noël Buffet tendant à permettre l’examen par le Parlement de la ratification de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État.

([24]) Avis réalisé par M. Vincent Seitlinger sur les programmes 105 et 151 de la mission Action extérieure de l’État du projet de loi de finances pour 2023 au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Accessible ici. Citation extraite à la page 27.

([25]) Voir l’article de la BBC News accessible ici.

([26]) Ce projet de règlement fait suite à un autre projet de règlement datant de 2014 qui prévoyait, pour l’accès au rang d’ambassadeur, une ancienneté minimale de vingt ans dans la carrière diplomatique et une expérience préalable dans des postes de direction au sein des administrations publiques, des institutions européennes ou des organisations internationales. Ce projet de règlement avait cependant été annulé juridiquement.

([27])  Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

([28]) Voir l’avis budgétaire réalisé par la députée Anne Genetet, au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, sur les crédits de la mission Action extérieure de l’Etat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Accessible ici.