N° 806

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES ENFANTS,

sur la proposition de loi
visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes
et covictimes de violences intrafamiliales (n° 658 2e rectifié),

PAR

Mme Nicole Dubré-Chirat,

Députée.

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SOMMAIRE

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introduction

PREMIÈRE PARTIE : une évolution progressive du cadre juridique de l’autorité parentale pour protéger l’enfant des violences intrafamiliales

I. des violences intrafamiliales de grande ampleur : une « société malade »

A. des données chiffrées sous-estimées

B. des conséquences destructrices

1. Les conséquences pour le développement de l’enfant

i. Le cas de l’enfant victime des violences intrafamiliales

ii. Le cas de l’enfant témoin des violences intrafamiliales

2. Les conséquences pour la société : la perpétuation de la violence

II. l’aménagement des liens familiaux pour protéger l’enfant

A. les restrictions de l’autorité parentale

1. Les mesures d’assistance éducative

2. La délégation de l’exercice de l’autorité parentale

B. les modalités de retrait de l’autorité parentale

1. Le retrait de l’autorité parentale laissé à l’appréciation du juge

a. La compétence du juge

i. Les cas de retrait de l’autorité parentale par le juge pénal

ii. Les cas de retrait de l’autorité parentale par le juge civil

b. L’appréciation du juge

c. Les effets du retrait de l’autorité parentale

2. La privation de l’exercice de l’autorité parentale

a. Le retrait de l’exercice de l’autorité parentale

i. La possibilité de ne retirer que l’exercice de l’autorité parentale

ii. La suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale

b. Les conséquences du retrait de l’exercice de l’autorité parentale : une solution de compromis

III. Les travaux de la Délégation aux droits des enfants s’inscrivent dans le cadre de ces réflexions

Deuxième partie : l’intérêt supérieur de l’enfant nécessite une évolution du cadre juridique de l’autorité parentale

I. une proposition de loi justifiée par des lacunes persistantes

A. la place prépondérante de l’autorité parentale en France

1. L’insuffisante prise en compte de l’enfant en tant qu’entité autonome

a. Les singularités françaises de la figure de l’autorité parentale

b. Une meilleure prise en compte de l’enfant suppose de rompre avec la logique de l’autorité parentale

i. La subsidiarité actuelle de la place de l’enfant

ii. La nécessité d’une transition de l’autorité à la responsabilité parentale

2. Le maintien préjudiciable des liens avec le parent violent

a. Des décisions de retrait de l’autorité parentale encore rares

b. L’insuffisance du retrait de l’exercice de l’autorité parentale

B. Le contenu de la proposition de loi a vocation à combler ces lacunes en privilégiant l’automaticité

1. La suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale

2. Le retrait automatique de l’autorité parentale

II. la proposition de loi apporte des garanties supplémentaires à la protection des enfants mais nécessite d’être enrichie

A. des imperfections et imprécisions

1. Une réécriture nécessaire

a. L’imperfection de la proposition de loi : une confusion des notions

b. L’imprécision de la proposition de loi : certains oublis

2. Des risques identifiés

a. Des risques juridiques

i. Les risques au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

ii. Les risques au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

b. Des risques pratiques

i. La possibilité d’une instrumentalisation des procédures par l’un des parents

ii. L’hypothèse de l’enfant privé de tout lien familial

iii. Le risque de relaxe face à une sanction trop importante

B. Les pistes d’amélioration

1. Le maintien d’un équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’appréciation souveraine du juge

a. Une gradation plus nuancée du dispositif

b. La valorisation d’instruments juridiques déjà existants : l’ordonnance de protection

2. La nécessité de compléter le texte

a. La création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale

b. Une demande de rapport visant une meilleure information du Parlement

C. Des pistes de réflexion supplémentaires

1. Une meilleure prise en compte de l’enfant dans le procès

2. La nécessité d’accentuer la formation des experts et d’améliorer la prise en charge des enfants

examen par la délégation

annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


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   introduction

L’autorité parentale est définie par l’article 371-1 du code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques (…) ».

L’autorité parentale s’exerce, en principe, de manière conjointe, l’article 371-2 du code civil disposant que « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celle de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ».

Le foyer, est donc habituellement un lieu de sécurité et de développement serein pour l’enfant. Pourtant, il peut aussi être « le creuset de toutes les violences, la violence [étant] le mode de vie habituel dans 20 % des familles, violences contre les faibles, enfant, femme, personne âgée ». ([1]) Ainsi, le foyer est parfois un lieu de danger pour l’enfant lorsqu’y sévit un parent utilisant une forme de violence coercitive pour régir sa famille. Le cadre familial peut alors s’avérer d’autant plus dangereux pour l’enfant que, compte tenu précisément des liens forts qui y règnent, dès lors qu’une forme d’ascendance y est prise par l’un des membres, la faiblesse et la dépendance de l’enfant vis-à-vis de ses parents fait que l’enfant se retrouve dans une situation qu’il ne peut ni comprendre, ni maîtriser et qui peut lui porter de graves préjudices, à court terme comme tout au long de sa vie.

Aussi, lorsque la protection de l’enfant n’est plus correctement assurée dans son cadre familial, c’est à la société qu’il revient de protéger l’enfant. De ce fait, le législateur a prévu des limitations aux droits que les parents peuvent exercer sur leurs enfants, guidé par le principe de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant

Ce dernier est cependant difficile à protéger dans une société où l’autorité parentale fait figure de principe sacro-saint. À cet égard, il faut noter que l’article 371-1 du code civil précise bien que l’autorité parentale appartient aux parents. Le concept d’appartenance est particulièrement fort ; il justifie la prévalence de la protection des droits des parents sur celle de l’intérêt de l’enfant dans un certain nombre de cas.

Il en résulte notamment que le retrait de l’autorité parentale, même dans des cas de violences intrafamiliales, est extrêmement rare. Face au faible nombre de ce type de décisions, le législateur a créé la faculté pour le juge de ne prononcer que le retrait de l’exercice de l’autorité parentale. Plus utilisée par le juge, cette possibilité demeure, dans certains cas, insuffisante pour protéger les enfants de manière effective. Pour que l’enfant guérisse des violences qu’il a subies ou dont il a été témoin, il a parfois besoin que soient rompus les liens familiaux. C’est l’intérêt de l’enfant qui doit servir de base à la réflexion : l’enfant est une personne à part entière, et non une chose à la disposition de ses parents.

La proposition de loi n° 658 (2e rectifié) déposée par la députée Isabelle Santiago et ses collègues ([2]) visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales vise à pallier ces lacunes en prévoyant des cas de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale durant l’instruction ainsi que des cas de retrait automatique de l’autorité parentale elle-même après condamnation, lorsque s’exercent au sein du foyer des violences intrafamiliales d’une certaine gravité.

Cette proposition de loi permet de mieux garantir la protection de l’enfant, préoccupation partagée par la rapporteure. Néanmoins, elle nécessite d’être enrichie.

 

 

 

 

 

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : une évolution progressive du cadre juridique de l’autorité parentale pour protéger l’enfant des violences intrafamiliales

Si les chiffres restent lacunaires, ils permettent néanmoins d’entrevoir le poids du phénomène des violences intrafamiliales dans notre société. Selon le docteur Luis Alvarez, notre société serait « malade » de ces violences intrafamiliales. ([3])  C’est pourquoi des évolutions progressives du droit ont tenté de mieux protéger les enfants à la fois comme victimes directes et comme témoins des violences intrafamiliales, en restreignant notamment les droits que le parent responsable de ces violences peut exercer sur eux.

I.   des violences intrafamiliales de grande ampleur : une « société malade »

Le phénomène des violences intrafamiliales est extrêmement répandu dans la société et entraîne des conséquences dramatiques pour l’enfant et son développement.

A.   des données chiffrées sous-estimées

Selon Amnesty International ([4]) et l’Organisation mondiale de la santé ([5]), une femme sur trois au cours de sa vie est victime de violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire intime ou de violence sexuelle de la part de quelqu’un d’autre que son partenaire, soit environ 736 millions de femmes.

En 2019, 115 000 personnes ont été mises en cause pour des violences intrafamiliales, majoritairement des hommes, à 83 %([6]) et 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles concernaient des violences commises au sein de la famille. ([7]) 23 % de ces violences sont commises sur des mineurs. ([8]) De manière générale, les chiffres des violences intrafamiliales sont en augmentation : en 2020 notamment, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) relève une augmentation des cas de violences intrafamiliales de +10 % par rapport à 2019.

Des données plus catégorielles sont également disponibles. Ainsi, par exemple, l’Insee relève que la majorité des violences intrafamiliales seraient commises à l’encontre de femmes (77 % des violences physiques et 85 % des violences sexuelles) sauf avant l’âge de 15 ans, où les garçons seraient légèrement plus nombreux à subir des violences physiques. ([9]) L’Institut note également qu’au sein de la famille, les victimes de violences sexuelles sont très jeunes : 60 % des victimes ont moins de 15 ans, contre 18 % s’agissant des violences physiques. ([10])

Les données générales sur les violences intrafamiliales sont toutefois très lacunaires et ne reflètent pas la réalité des situations. En effet, les sources de données sont principalement administratives et sont, de ce fait, cloisonnées et très peu appariées ; dans le même temps, les enquêtes en population générale, qui permettent de révéler la « partie immergée de l’iceberg » restent plus rares. Les chiffres seraient donc potentiellement bien plus élevés.

L’enquête « Genese 2021 » ([11]) est la première étude en population générale menée par le ministère de l’Intérieur pour décrypter les violences intrafamiliales. L’étude relève que 12,4 % des hommes et des femmes ont été des victimes directes, avant leurs 15 ans, de la violence de leurs parents, dans une quasi-parité. L’étude évoque également le « climat de violence entre parents » (humiliations, coups). La perception des sondés varie selon leur sexe : 9,8 % des hommes en font état contre 14,9 % pour les femmes. Cette différence se retrouve aussi dans la fréquence des violences : 57 % des femmes évoquent des violences physiques entre parents ayant lieu « souvent ou tout le temps » quand 47 % des hommes partagent cette perception. Dans tous les cas, le père est plus souvent désigné que la mère comme l’auteur des violences subies avant l’âge de 15 ans (44 %). Mais la mère est presque aussi souvent mise en cause que le père quand il s’agit d’humiliations répétées.

Quoi qu’il en soit, même s’il est impossible de quantifier avec précision les violences intrafamiliales, force est de constater qu’elles demeurent encore très répandues, alors qu’elles génèrent des conséquences destructrices pour le développement de l’enfant, qu’il soit victime ou témoin des violences intrafamiliales.

B.   des conséquences destructrices

Les violences intrafamiliales produisent des effets délétères pour le développement de l’enfant mais aussi pour la société dans son ensemble.

1.   Les conséquences pour le développement de l’enfant

Les conséquences des violences intrafamiliales sont dramatiques non seulement pour l’enfant directement victime de ces violences, mais aussi pour celui qui en est le témoin. L’enfant a en effet un méta-besoin de sécurité pour se développer , c’est-à-dire « le besoin de disposer d’au moins un adulte investi du souci de l’enfant et de ses besoins » ([12]). Selon la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant, il s’agit d’un « méta-besoin » en ce sens que pour que les autres besoins fondamentaux de l’enfant soient satisfaits, il faut au préalable que son besoin de sécurité le soit. ([13]) Or, qu’il s’agisse des violences qu’il subit lui-même directement ou de celles dont il est témoin, les violences intrafamiliales produisent dans tous les cas des conséquences néfastes sur le développement de l’enfant en empêchant à ce méta-besoin de sécurité – et donc à tous les autres besoins fondamentaux de l’enfant – de s’épanouir.

i.   Le cas de l’enfant victime des violences intrafamiliales

Les violences commises sur l’enfant produisent chez lui des blessures immédiates mais également des séquelles sur du long terme. Les violences directes peuvent évidemment provoquer des blessures graves, voire la mort. Le seizième rapport de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) relève qu’un enfant meurt en France tous les quatre jours en raison de maltraitance, majoritairement dans le cadre de violence intrafamiliales. ([14]) Certaines formes de maltraitances physiques peuvent aussi entraîner des atteintes définitives, comme le syndrome du bébé secoué, qui peut avoir pour conséquence des retards mentaux, des crises d’épilepsie, des séquelles cérébrales ou des troubles visuels graves. ([15])

Les expériences de violence modèlent en effet le fonctionnement cérébral de l’enfant et produisent des effets à long terme sur son développement. Il existerait une corrélation entre le vécu d’expériences d’adversité durant l’enfance et une augmentation des risques de problèmes de santé à l’âge adulte (diabète, hypertension, infarctus, obésité, certaines formes de cancer). ([16]) Les violences entraînent également des troubles du développement du cerveau et du système nerveux, tout comme les systèmes endocrinien, circulatoire, musculo-squelettique, reproducteur, respiratoire et immunitaire, de manière définitive .([17])

Une des conséquences est aussi, pour les enfants exposés à ces violences, d’adopter des comportements à risque pouvant mettre en danger leur santé : ils ont de plus grandes chances de se mettre à fumer ou à consommer de l’alcool ou des drogues ainsi que d’avoir des comportements sexuels à risque.([18]) ou de développer des troubles alimentaires. ([19]) 

Le vécu des violences provoque également chez l’enfant des troubles psychiques : désensibilisation à la douleur, psycho-traumatisme, phénomène d’emprise, attachement désorganisé, troubles du comportement, auto-agression, pathologies mentales diverses… ([20]). Une analyse des diverses études sur les conséquences des maltraitances physiques dans l’enfance menée par Robin Malinosky-Rummel et David J. Hansen en 1993 a identifié sept types de problèmes : les comportements agressifs et violents, les comportements criminels non violents, l’abus de toxiques, les comportements auto-agressifs et suicidaires, les problèmes émotionnels, les problèmes relationnels et les difficultés scolaires et professionnelles. ([21]) Les enfants qui ont été directement victimes de violence sont également susceptibles de développer des troubles ou des retards de développement du langage. ([22])

ii.   Le cas de l’enfant témoin des violences intrafamiliales

Dans tous les cas de figure, même si l’enfant n’est pas directement victime des violences mais simplement témoin, le fait d’être confronté à un cadre familial dans lequel dominent la peur, la culpabilité ou toute forme de violence peut générer des difficultés de développement chez l’enfant et le faire souffrir de problèmes intériorisés tels que les troubles d’anxiété, la dépression, le retrait social ou une faible estime de soi. Il peut également y avoir un conflit de loyauté, qui déstabilise l’enfant, celui-ci ne sachant pas, en cas de violences intrafamiliales, qui il doit défendre et protéger, ce qui suscite chez l’enfant une instabilité émotionnelle. Par conséquent, 60 % des enfants qui se trouvent dans des situations de violences intrafamiliales souffrent d’un trouble de stress post-traumatique complexe, spécifique aux traumatismes graves et répétitifs comme la maltraitance ou l’exposition à un conflit armé. ([23])

Ainsi, que l’enfant soit directement victime ou qu’il soit témoin, la violence construit l’enfant de manière anxiogène ; elle suscite un sentiment de mal-être et d’insécurité, qui rentre en contradiction avec son besoin de méta-sécurité.

L’enfant peut également extérioriser et devenir impulsif, hyperactif, présenter des troubles de l’attention, devenir agressif, voire tomber dans la délinquance. C’est cette extériorisation qui va ensuite générer un cercle vicieux de violence au sein de la société.

2.   Les conséquences pour la société : la perpétuation de la violence

Selon l’Organisation mondiale de la santé, « Les enfants exposés à la violence et à d’autres circonstances adverses ont une plus grande probabilité d’abandonner leur scolarité, d’avoir des difficultés pour trouver et garder un emploi, et ils courent un risque accru d’être à un stade ultérieur les victimes ou les auteurs de violences interpersonnelles ou autodirigées, un mécanisme par lequel ces enfants peuvent affecter la génération suivante ». ([24]) En effet, le climat de violence connu dans l’enfance génère des traumatismes qui sont ensuite subis par la société dans son ensemble, le cycle de la violence se reproduisant d’une génération à l’autre. Ainsi, par exemple, une étude menée par l’unité 750 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les morts suspectes de nourrissons a mis en exergue qu’un tiers des auteurs de secouement mortel avaient eux-mêmes subi de graves violences dans leur enfance. ([25]) Il existerait également un lien entre violences subies dans l’enfance et plus faible niveau d’éducation et de revenus, ainsi qu’avec la commission d’actes de délinquance qui viennent grever la société dans son ensemble. ([26])

Il n’y a pas en France de donnée disponible quant au coût global des violences intrafamiliales, mais ces violences entraînent bien un coût économique pour la société. Au Canada, le coût annuel de la maltraitance a été chiffré à 15,7 milliards de dollars, incluant les coûts directs et indirects ([27])  ; aux États-Unis, ces coûts sont estimés à 210 000 dollars, incluant les frais médicaux à long terme, la perte de productivité et les frais légaux. ([28])

Il s’agit donc véritablement d’un sujet de société que celle-ci doit regarder en face. Le constat, pour le docteur Luis Alvarez, est celui d’une « République très peu outillée pour venir en aide aux enfants » ([29]) , malgré l’évolution du droit ces dernières années pour favoriser leur protection et la prévalence de leur intérêt supérieur.

II.   l’aménagement des liens familiaux pour protéger l’enfant

En vertu de l’article 371-1 du code civil, les parents ont une vocation naturelle et première à assurer la protection et l’éducation de leurs enfants, ce qui suppose, en vertu de l’article 5 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) de respecter « la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents » à l’égard de leurs enfants. L’article 7, alinéa 1er, de la même Convention consacre, par ailleurs, le droit de l’enfant à être élevé par ses parents ; tandis que son article 8 réaffirme le droit de l’enfant à préserver ses relations familiales telles qu’elles sont reconnues par la loi et sans ingérence illégale.

Toutefois, face à des situations de violences intrafamiliales, l’intérêt supérieur de l’enfant peut justifier des restrictions des droits des parents.

A.   les restrictions de l’autorité parentale

Les restrictions de l’autorité parentale ont vocation à protéger l’enfant en respectant le caractère sacré des liens familiaux, c’est-à-dire qu’elles ont vocation à protéger l’enfant sans le priver totalement de sa famille. C’est le cas des mesures d’assistance éducative et de la délégation de l’autorité parentale.

1.   Les mesures d’assistance éducative  

L’article 375 du code civil confère au juge des enfants la possibilité de prendre des mesures d’assistance éducative si « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Ainsi, pour l’intérêt de l’enfant, le juge peut imposer à la famille des mesures allant de l’assistance éducative en milieu ouvert, qui consiste à faire intervenir un éducateur dans la famille, jusqu’au placement de l’enfant.

L’assistance éducative repose sur le constat d’une situation de danger qui impose la mise en place de mesures de protection adaptées. Pour caractériser l’existence d'un danger, l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles vise l’hypothèse dans laquelle « les détenteurs de l’autorité parentale sont confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité des mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social ».

Les hypothèses de mise en péril des conditions de développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant ont été définies dans le droit par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance dans le but de permettre à un plus grand nombre d’enfants placés dans des situations problématiques de bénéficier des mesures d’assistance éducative. Ainsi, des enfants dont les conditions de vie ne constituent pas à proprement parler des situations de maltraitance mais qui sont dans des situations difficiles sur le plan psychologique peuvent être protégés au titre de l’assistance éducative.

Les parents dont l’enfant fait l’objet d’un placement au titre de l’assistance éducative demeurent titulaires, en vertu de l’article 375-7 du code civil, de tous les attributs de l’autorité parentale compatibles avec la mesure d’assistance éducative bien que certaines décisions leur soient rendues impossibles – comme par exemple fixer la résidence du mineur. 

2.   La délégation de l’exercice de l’autorité parentale

La délégation concerne les cas dans lesquels la défaillance des parents est durable et où les prérogatives parentales doivent donc être exercées par un tiers dans l’intérêt de l’enfant. En vertu des articles 377 et 377-1 du code civil, la délégation de l’exercice de l’autorité parentale peut être demandée par les parents ou par le tiers qui a recueilli l’enfant ou par un membre de sa famille. Elle peut être réclamée directement au juge aux affaires familiales mais peut aussi résulter indirectement d’une décision judiciaire ayant un autre objet comme une déclaration judiciaire de délaissement, en vertu de l’article 381-2, alinéa 4, du code civil, ou une décision annulant l’arrêté du président du conseil départemental prononçant l’admission d’un enfant en qualité de pupille de l’État en vertu de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles à la demande d’un membre de la famille de l’enfant ou de la personne qui en assure la garde.

L’article 377 du code civil souligne le caractère exceptionnel de la délégation, imposant au juge de vérifier que les « circonstances l’exigent » et envisage quatre catégories de délégataires : un membre de la famille, un tiers digne de confiance, un établissement ou un service départemental de l’aide sociale à l’enfance.

Les cas de délégation demandée par un tiers (ou « délégation forcée ») sont le désintérêt des parents, leur impossibilité à exercer l’autorité parentale ou leur disparition.

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a en partie cherché à favoriser le prononcé de délégation de l’exercice de l’autorité parentale au profit d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance en permettant au ministère public de présenter une requête en ce sens au juge aux affaires familiales avec le tiers candidat à la délégation totale ou partielle de l’autorité parentale. En vertu de l’article 377, alinéa 3, du code civil, le ministère public peut être informé de l’opportunité de présenter une telle requête par transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou par avis de ce dernier.

La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a ajouté un cas de délégation forcée lorsque l’un des parents est décédé du fait des violences exercées par l’autre parent, même en l’absence de désintérêt manifeste du parent violent à l’égard de son enfant et de l’impossibilité d’exercer l’autorité parentale.

La délégation a pour conséquence de transférer tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale à son bénéficiaire, bien que les parents restent titulaires de l’autorité parentale elle-même. À défaut de précision, la délégation est totale, elle porte alors même sur les droits à consentir au mariage et à l’émancipation, à l’exclusion du droit de consentir à l’adoption, qui ne peut être délégué.

La délégation est rarement partielle, bien que la possibilité existe. Ainsi par exemple, un parent peut conserver la possibilité d’exercer son autorité parentale pour le suivi scolaire et l’orientation des enfants dans le cas où il n’y a pas désintérêt de sa part et qu’il peut exercer ponctuellement l’autorité parentale. ([30]) Lorsque la délégation est partielle, les parents conservent également un droit de visite et d’hébergement. ([31])

La délégation ne met pas non plus fin à l’obligation d’entretien des parents, et le délégataire peut obtenir d’eux une contribution financière à la prise en charge de l’enfant. ([32])

Selon l’article 377-2 du code civil, la délégation peut, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement si des circonstances nouvelles sont invoquées.

Dans certains cas, la restriction des droits des parents ne suffit pas à protéger l’enfant qui évolue dans le contexte de violences intrafamiliales ; il faut alors rompre les liens familiaux dans son intérêt.

B.   les modalités de retrait de l’autorité parentale  

Le retrait de l’autorité parentale étant un cas considéré comme « extrême », il est dans les faits rarement prononcé par les juges. C’est pour cette raison que le législateur a développé des cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale, pour trouver un compromis entre la nécessaire protection de l’enfant et la préservation des liens familiaux.

1.   Le retrait de l’autorité parentale laissé à l’appréciation du juge

Compte tenu du droit fondamental pour un enfant à être élevé au sein de sa famille, les cas de retrait de l’autorité parentale sont exceptionnels. Le retrait de l’autorité parentale est prévu aux articles 378 à 381 du code civil et peut être décidé à la fois par le juge pénal et par le juge civil.

a.   La compétence du juge

i.   Les cas de retrait de l’autorité parentale par le juge pénal

En vertu de l’article 378, alinéa 1er, du code civil, peuvent se voir retirer l’autorité parentale les parents qui sont auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou d’un délit commis sur leur enfant, coauteurs ou complices d’un crime ou d’un délit commis par leur enfant, ou auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de l’autre parent. L’autorité parentale peut également être retirée aux deux parents si l’un d’eux a commis des violences et que l’autre ne l’a pas dénoncé alors qu’il avait connaissance des faits. ([33])

L’autorité parentale peut également être retirée en cas d’inceste. Ainsi, le code pénal prévoit, à son article 222-31-2, et depuis la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, l’obligation pour le juge de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale de parents auteurs d’inceste. Les articles 221-5-5 et 222-48-2 du code pénal prévoient cette même obligation en cas d’atteintes à la vie volontaires de l’autre parent ou de l’enfant ou en cas d’atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne de l’autre parent ou de l’enfant.

ii.   Les cas de retrait de l’autorité parentale par le juge civil

L’action du juge pénal et du juge civil est complémentaire. Si le juge pénal retire l’autorité parentale, le juge civil peut en vertu de l’article 381 du code civil, après un délai d’un an, être saisi d’une demande en restitution ; à l’inverse, même si le juge pénal ne retire pas l’autorité parentale, une action devant le juge civil peut tout de même être intentée.

La mise en danger de l’enfant peut constituer une hypothèse de retrait de l’autorité parentale devant le juge civil depuis la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance ainsi que lorsque l’enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents contre l’autre.

Ainsi, en vertu de l’article 378-1 du code civil, il est possible pour le juge de retirer l’autorité parentale lorsque le comportement reproché aux parents met manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant. Les violences conjugales rentrent de nouveau dans les hypothèses possibles de cet article, tout comme la « consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants ».

L’article 378-1 du code civil prévoit également le cas des « comportements délictueux » parmi les causes possibles de retrait de l’autorité parentale ainsi que le défaut de soins ou le manque de direction : il s’agit alors non seulement de l’abandon, mais aussi du désintérêt, de l’incapacité à s’occuper des enfants, à assurer leur éducation, à lutter contre leurs penchants ou à les protéger contre l’autre parent. ([34]) Cette sanction civile trouve sa correspondance pénale dans les infractions de privation de soin à l’article 227-15 du code pénal et dans celle d’abandon moral d’enfant de l’article 227-17 du même code. Le recours aux notions de défaut de soins ou de manque de direction peut notamment permettre de protéger des enfants contre des faits de maltraitance qui seraient dissimulés derrière des accidents domestiques.

Enfin, l’autorité parentale peut être retirée au civil en cas de désintérêt des parents faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative, le désintérêt pouvant être considéré comme un danger pour l’enfant.

De la même manière, si pendant plus de deux ans les parents d’un enfant à l’égard de qui une mesure d’assistance éducative a été prise s’abstiennent volontairement d’exercer leurs droits parentaux, le retrait de l’autorité parentale peut être prononcé en vertu de l’article 378-1, alinéa 2 du code civil.

Dans ces cas prévus à l’article 378-1 du code civil, le seul risque d’une éventuelle mise en danger ne suffit pas ; il faut que le comportement incriminé fasse concrètement courir des risques à l’enfant. ([35]).Ce n’est pas la gravité de l’infraction mais le mauvais exemple donné à l’enfant et ses conséquences morales qui justifient le retrait de l’autorité parentale, et il appartient au juge d’apprécier à la fois le comportement litigieux, le danger et le lien de causalité qui les unit. ([36]) 

b.   L’appréciation du juge

Le retrait est toujours facultatif : le juge bénéficie d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’une telle décision, qui doit être motivée dans l’intérêt de l’enfant. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère notamment que l’interdiction de l’exercice des droits parentaux découlant automatiquement du prononcé d’une peine de prison, par effet de la loi, sans contrôle par les tribunaux du type d’infraction et de l’intérêt des mineurs, ne répond pas à l’exigence primordiale touchant aux intérêts des enfants. ([37])

c.   Les effets du retrait de l’autorité parentale

Les effets du retrait de l’autorité parentale sont lourds de conséquences. En vertu de l’article 379, alinéa 1er, du code civil, le retrait total de l’autorité parentale « porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l’autorité parentale », à savoir perte des droits et devoirs de protection et d’éducation, du droit de consentir au mariage ou à l’émancipation, de l’administration et de la jouissance légale ainsi que des différentes charges de la tutelle.

Toutefois, le retrait de l’autorité parentale n’emporte pas de conséquences sur la filiation et, notamment, subsistent les droits de succession. En revanche, selon l’article 379, alinéa 2, du code civil, le retrait de l’autorité parentale entraîne pour l’enfant une dispense de l’obligation alimentaire vis-à-vis du parent qui se l’est vue retirer tandis que les parents demeurent a contrario tenus à l’obligation d’entretien de leur enfant.

Ainsi, par exemple, le parent qui a perdu l’autorité parentale sur son enfant ne peut pas s’opposer au changement de nom de son enfant mineur au profit du nom de l’autre parent ([38]) .

Par ailleurs, le parent à qui l’autorité parentale a été retirée n’est plus responsable du fait de son enfant mineur sur le fondement de l’article 1242, alinéa 4, du code civil.

En revanche, le parent qui s’est vu retirer son autorité parentale peut néanmoins conserver un droit de visite de son enfant.

Le juge peut toutefois décider de ne retirer que partiellement l’autorité parentale. Ainsi, l’article 379-1 du code civil dispose que « Le jugement peut, au lieu du retrait total de l’autorité parentale, se borner à prononcer un retrait partiel de droits, limité aux attributs qu’il spécifie ».

Face aux effets importants du retrait de l’autorité parentale et de la rareté des décisions de justice en ce sens, la privation de son exercice a été prévue, dans la logique d’une solution intermédiaire.

2.   La privation de l’exercice de l’autorité parentale 

Les cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale sont plus fréquemment prononcés par le juge en ce qu’ils permettent de protéger l’enfant sans toutefois de conséquence trop définitive vis-à-vis du parent qui en est privé.

a.   Le retrait de l’exercice de l’autorité parentale

Le législateur a introduit dans la loi la possibilité de priver le parent de l’exercice de l’autorité parentale ainsi qu’un cas de suspension de plein droit de celle-ci.

i.   La possibilité de ne retirer que l’exercice de l’autorité parentale

En vertu de l’article 373 du code civil, le parent hors d’état de manifester sa volonté est privé de l’exercice de l’autorité parentale. Cette hypothèse ne sera pas examinée ici puisqu’elle ne concerne pas les situations de violence.

Le juge prononçant rarement une mesure de retrait, le législateur a permis à ce dernier ([39]) de prononcer une mesure moins sévère : la privation de l’exercice de l’autorité parentale. Cette dernière ne prive pas le parent de l’ensemble de ses droits et elle n’est pas définitive. Le juge pénal peut ainsi, selon une circulaire du 28 janvier 2020 ([40]) , « désormais moduler sa décision au regard des faits d’espèce et disposer d’outils gradués pour adapter sa décision au regard de la situation particulière de la famille ».

L’article 379-1 du code civil précise ainsi dorénavant que « Le jugement peut, au lieu du retrait total, se borner à prononcer un retrait partiel de l’autorité parentale, limité aux attributs qu’il spécifie, ou un retrait de l’exercice de l’autorité parentale », ce qui permet qui juge civil d’avoir le même choix que le juge pénal.

Les articles 221-5-5, 222-48-2, 222-31-2, 227-27-3 et 421-2-4-1 du code pénal ont également été modifiés, par coordination, pour permettre à la juridiction devant juger le titulaire de l’autorité parentale ayant commis une infraction sur son enfant ou l’autre parent, de se prononcer sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale et non uniquement sur le retrait de celle-ci : il s’agit des infractions d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique de l’enfant ou de son autre parent, des infractions sexuelles incestueuses et de l’embrigadement de mineur.

ii.   La suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale

La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a instauré une suspension de plein droit de cet exercice en cas de crime d’un parent contre l’autre. Ainsi, en cas de violences conjugales, le juge pénal pet retirer seulement l’exercice de l’autorité parentale sans rompre les liens familiaux, de manière provisoire. L’article 378-2 du code civil prévoit en effet dorénavant que « L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite du parent poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent sont suspendus de plein droit pour une durée maximale de six mois, à charge pour le procureur de la République de saisir le juge dans un délai de huit jours dans les conditions prévues par l’article377 ».

Cette disposition permet ainsi, dès l’engagement des poursuites, d’éviter que le parent criminel ne fasse obstacle à la prise de décision dans l’intérêt de l’enfant.

b.   Les conséquences du retrait de l’exercice de l’autorité parentale : une solution de compromis

Le parent qui se voit retirer l’exercice de l’autorité parentale et non l’autorité parentale elle-même demeure titulaire du lien de filiation à l’égard de l’enfant. À ce titre, il conserve notamment le droit de consentir au mariage, de demander son émancipation et de consentir à son adoption, ainsi que « le droit d’être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier et de surveiller son éducation, sans que ce contrôle puisse porter sur les détails de sa vie quotidienne ». ([41]) Ainsi, les actes non-usuels dans la vie de l’enfant continuent d’exiger l’autorisation des parents qui détiennent toujours l’autorité parentale.

III.   Les travaux de la Délégation aux droits des enfants s’inscrivent dans le cadre de ces réflexions  

La question des violences intrafamiliales et de ses conséquences sur l’enfant est une préoccupation qui a été abordée lors des travaux de la délégation. En particulier, lors de l’audition du juge Édouard Durand, co-président de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) le 6 décembre 2022. Ce dernier a constaté que la maison, pour certains enfants, au lieu d’être un lieu de sécurité était un lieu de confrontation avec la mort. Il a même affirmé, un mari violent est un père dangereux. Il a souligné que le risque d’inceste était beaucoup plus important lors de violences conjugales. Enfin, il lui semble que le fait de commettre des violences à l’encontre d’un autre parent est une transgression au devoir de sécurité vis-à-vis de l’enfant et que ce parent ne peut conserver son autorité parentale.

S’agissant des faits d’inceste, il a rappelé les deux préconisations de la CIIVISE (conclusions du 31 mars 2022) :

– Prévoir, dans la loi, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant ;

– Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.

Cette question a, de nouveau, été abordée lors de l’audition du Garde des Sceaux, Eric Dupont- Moretti, par la délégation le 14 décembre 2022. Il a tenu à rappeler que la lutte contre les violences faites aux enfants est une des priorités de l’action gouvernementale. À ce titre, le comité interministériel à l’enfance qui s’est tenu le 21 novembre 2022, sous l’égide de la Première ministre, comprend un volet « renforcer l’action pénale et judiciaire pour les auteurs de violences faites aux enfants ». Il s’est déclaré favorable au retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale, en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuse sur son enfant : « Outre le prononcé de sanctions pénales contre les auteurs de violences faites aux enfants, je souhaite que le juge pénal statue systématiquement sur le maintien de l’exercice de l’autorité parentale, afin d’assurer la protection de l’enfant ». Sur la question de la suspension, avant toute condamnation, il s’est montré plus réservé, pointant des risques d’instrumentalisation par l’autre parent et un risque d’inconstitutionnalité. La question de l’aptitude parentale est à examiner aussi bien par le juge aux affaires familiales que par le juge pénal.

La rapporteure apporte son soutien aux préconisations de la CIIVISE et aux annonces du Gouvernement.

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Malgré ces évolutions législatives ayant cherché à protéger l’enfant qui se trouve au cœur des violences intrafamiliales, des lacunes dans le droit en vigueur persistent ; la proposition de loi propose d’y remédier.

Si la rapporteure reconnaît que cette proposition de loi contribue à améliorer la protection de l’enfant, elle considère qu’elle pourrait être affinée et propose à cet égard certains éléments de réflexion.

   Deuxième partie : l’intérêt supérieur de l’enfant nécessite une évolution du cadre juridique de l’autorité parentale  

La proposition de loi propose de rendre automatique le retrait et la suspension de l’autorité parentale dans certains cas spécifiques dans une rédaction qui reste à améliorer.

I.   une proposition de loi justifiée par des lacunes persistantes

Les lacunes persistantes du droit ont présidé à la volonté de la proposition de loi de compléter le droit existant.

A.   la place prépondérante de l’autorité parentale en France

Le droit demeure lacunaire en ce que les cas de restriction de l’autorité parentale ne prennent pas suffisamment en compte les actes commis à l’encontre de l’enfant lui-même ; c’est pourquoi les décisions de retrait de l’autorité parentale restent rares.  

1.   L’insuffisante prise en compte de l’enfant en tant qu’entité autonome

Compte tenu de la singularité de la figure de l’autorité parentale en France, l’enfant est insuffisamment pris en considération en tant qu’être à part entière dans les différentes procédures le concernant.

a.   Les singularités françaises de la figure de l’autorité parentale

En 1804, le code Napoléon consacre la prééminence de la puissance paternelle et construit la famille légitime autour du modèle patriarcal hérité du droit romain, qui a inspiré les rédacteurs de ce code : « Le mari devient le gouvernement de cette nouvelle famille ». ([42]) C’est pour asseoir la stabilité politique du régime que les juristes de l’époque se sont attelés à rétablir solidement l’autorité parentale, considérée comme ayant été affaiblie par les révolutionnaires. ([43])

L’influence de la psychanalyse en France a continué d’alimenter le mythe de la puissance paternelle : apparue à la fin du XIXème siècle et développée par Sigmund Freud et Mélanie Klein, la psychanalyse a participé du renforcement d’une image patriarcale de la famille en France en convoquant l’image d’une structure hiérarchique au sein de laquelle étaient également banalisés les rapports de force. ([44]) 

En raison de ces singularités quant à la perception de l’autorité parentale en France, l’enfant est insuffisamment pris en considération en tant que personne à part entière, ce qui n’en permet pas toujours la protection la plus adéquate.

b.   Une meilleure prise en compte de l’enfant suppose de rompre avec la logique de l’autorité parentale

L’enfant étant insuffisamment pris en compte dans l’appréhension des violences intrafamiliales, une transition est à effectuer de l’autorité parentale vers la responsabilité parentale.

i.   La subsidiarité actuelle de la place de l’enfant

Malgré les évolutions susmentionnées du droit, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuites ne concerne pas les crimes commis à l’encontre de l’enfant mais uniquement ceux commis à l’encontre de l’autre parent, alors que sa finalité est pourtant de protéger le foyer des violences commis par ce parent. Ainsi, l’article 378-2 du code civil ne vise actuellement que le « crime commis sur la personne de l’autre parent » sans faire rentrer dans son champ d’application certains actes pouvant être portés sur l’enfant et lui causer un préjudice important. Il existe ici une lacune car comment peut-il être justifié de ne sanctionner la relation parentale qu’à l’aune du comportement commis à l’encontre de l’autre parent et pas à l’encontre de l’enfant lui-même ?

De la même manière, lorsque des restrictions à l’autorité parentale ou à son exercice sont étudiées, le postulat dominant consiste à avoir pour point de départ de la réflexion le droit des parents à disposer de leur enfant ; et rarement le droit de l’enfant à bénéficier d’un environnement allant dans son meilleur intérêt.

Par ailleurs, en France, le système de protection de l’enfance est très peu attentif au « temps de l’enfant » ; il est dominé par trois autres temporalités que sont le temps des parents, le temps administratif et le temps judiciaire : « mettre l’enfant au centre des dispositifs est un vœu pieux répété depuis plus de quarante années ». ([45])

Cette prépondérance de la place du parent dans le droit par rapport à la place qui y est conférée à l’enfant prend sa source dans les spécificités françaises de la figure de l’autorité parentale, qu’il convient de remplacer par la notion de responsabilité parentale.

ii.   La nécessité d’une transition de l’autorité à la responsabilité parentale

En raison de ces éléments, il est intéressant de relever les propositions de transition de la notion d’autorité parentale vers celle de responsabilité parentale qui fait écho à l’idée de ne plus penser avec pour point de départ les droits des parents mais le bénéfice de l’enfant. Ce changement de terminologie permettrait notamment à la France d’évoluer afin de substituer au système vertical et hiérarchique de l’autorité parentale, quasi patrimonial, un système prenant mieux en considération l’intérêt de l’enfant. La prévalence de la notion d’autorité parentale présente pour défaut de conférer une légitimité forte au parent qui l’exerce, quand bien même il l’exercerait de manière néfaste pour l’enfant ; et dans le même temps, elle invalide toute légitimité de ceux qui prennent concrètement en charge l’enfant dans sa vie quotidienne. Il leur faut en permanence identifier les actes usuels et les actes non usuels afin de déterminer ce qu’ils peuvent faire sans l’autorisation du détenteur de l’autorité parentale et ne pas faire. Il faut ainsi rétablir cet équilibre et surtout rétablir des possibilités d’agir pour les personnes qui sont de facto responsables de l’enfant. Il est notamment critiquable qu’un enfant doive bénéficier de l’autorisation de son parent violent pour partir en vacances ou recevoir certains actes médicaux.

La place prépondérante de l’autorité parentale induit une rareté des décisions de retrait de celle-ci, y compris dans des cas potentiellement graves.

2.   Le maintien préjudiciable des liens avec le parent violent

En France, le maintien de l’autorité parentale est un principe sacro-saint duquel on peine à se défaire. Partant, les décisions de retrait sont rares et y sont privilégiées des décisions de retrait de l’exercice de l’autorité parentale, qui ne permettent toutefois pas toujours de protéger l’enfant de manière adéquate.

a.   Des décisions de retrait de l’autorité parentale encore rares

De lege lata, il n’existe aucune disposition permettant le retrait automatique de l’autorité parentale. La seule obligation imposée au juge est celle de se prononcer, dans un certain nombre de cas. Or, dans les faits, le juge prononce rarement de telles décisions de retrait ; d’où l’article 2 de la proposition de loi prévoyant certains cas de retrait automatique.

Le juge disposant toujours d’un pouvoir d’appréciation avec pour critère déterminant l’intérêt supérieur de l’enfant, certains ont refusé de retirer l’autorité parentale au parent condamné, parfois même pour des faits gravissimes.

Il en va ainsi par exemple du refus de retirer l’autorité parentale à une mère coupable de complicité de viol aggravé sur sa fille ([46]) ,à une mère coupable de non-dénonciation de crimes de viols, tentatives de viols et agressions sexuelles commis sur son enfant par son concubin. ([47])

b.   L’insuffisance du retrait de l’exercice de l’autorité parentale

Comme il l’a été énoncé dans la première partie, la possibilité pour le juge de retirer le simple exercice de l’autorité parentale plutôt que l’autorité elle-même a été intégrée dans le droit en 2019. Cette possibilité est un succès d’après le rapport d’application de cette loi ([48])  qui précise que le juge s’est approprié la mesure : entre vingt et trente décisions pénales statuent chaque mois sur l’autorité parentale et, entre juin 2019 et juin 2020, ces jugements ont connu une progression de + 240 %.

Toutefois, cette solution « de compromis » n’est pas assez protectrice de l’enfant. Privé seulement de l’exercice de l’autorité parentale, son détenteur conserve le contrôle sur tous les actes non-usuels et ne permet pas à l’enfant de couper les liens familiaux avec le parent auteur des violences – alors que certaines situations imposent la rupture de ces liens. Il est dommageable que le contrôle du parent violent puisse persister sur son enfant victime de ses comportements et qu’il puisse continuer de régir les évènements importants de sa vie. Le maintien de l’autorité parentale du parent suspecté d’inceste peut notamment permettre au parent qui en dispose encore de s’opposer à la prise en charge médicale de l’enfant.

B.   Le contenu de la proposition de loi a vocation à combler ces lacunes en privilégiant l’automaticité

La proposition de loi étend les cas de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale durant l’instruction et propose des cas de retrait automatique en cas de condamnation pour certaines infractions.

1.   La suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale

La proposition de loi étend les cas de suspension automatique de l’autorité parentale et propose des cas de retrait automatique de celle-ci.

Le premier article de la proposition de loi vise à étendre les cas de suspension automatique de l’autorité parentale durant la procédure pénale.

En effet, actuellement, l’article 378-2 du code civil n’appréhende que les crimes commis contre l’autre parent de l’enfant. L’article premier propose d’étendre le champ d’application de cet article pour qu’ils ne concernent plus uniquement les crimes commis contre l’autre parent mais également des violences ayant entraîné plus de huit jours d’incapacité totale de travail ainsi que certains crimes et délits les plus graves commis contre l’enfant lui-même (viol ou agression sexuelle au sens des articles 222-23 à 222-26-2 du code pénal).

2.   Le retrait automatique de l’autorité parentale

L’article 2 de la proposition de loi prévoit des cas de retrait automatique de l’autorité parentale une fois la condamnation prononcée. Sont visés les crimes de viol au sens de l’article 222-24 du code pénal, l’agression sexuelle au sens de l’article 222-28 du même code commis contre l’enfant et les crimes ou violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours commis sur la personne de l’autre parent, au sens de l’article 222-13 du code pénal.

II.   la proposition de loi apporte des garanties supplémentaires à la protection des enfants mais nécessite d’être enrichie

Bien que cette proposition de loi apporte des garanties supplémentaires à la protection des enfants, elle reste perfectible.

A.   des imperfections et imprécisions

La proposition de loi présente certaines imperfections et imprécisions dans son écriture.

1.   Une réécriture nécessaire

La proposition de loi présente pour imperfection de ne pas clairement définir son objet, ce qui entraîne une confusion des notions ; par ailleurs, elle comporte une imprécision quant aux infractions visées.

a.   L’imperfection de la proposition de loi : une confusion des notions

La confusion des notions dans la proposition de loi fait écho à la confusion qui existe dans toute tentative pour appréhender la notion des violences intrafamiliales.

Les « violences intrafamiliales » ne sont pas définies en droit. Il en résulte que cette notion est souvent confondue avec d’autres types de violence. Il est révélateur à cet égard de relever que l’Organisation des Nations Unies (ONU) elle-même définit les violences intrafamiliales comme synonymes des « violences domestiques » ou des « violences conjugales » et les définit donc exclusivement à l’aune du comportement de l’un des parents vis-à-vis de l’autre. ([49])De la même manière, l’Insee définit les violences intrafamiliales comme « l’ensemble des violences exercées par le conjoint ou l’ex-conjoint ou par un membre du cercle familial autre qu’un conjoint ou un ex-conjoint ». En même temps, selon les chiffres de l’Insee, les victimes de violences intrafamiliales sont à 96 % victimes de violence physique et à 90 % commises par le conjoint ou l’ex-conjoint. ([50])  Il ne faut toutefois pas exclure l’enfant de ces définitions.

La Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes reconnaît que l’enfant peut être également victime des actes de violences commis par l’un des parents contre l’autre en précisant que « Les enfants sont des victimes de la violence domestique y compris en tant que témoins de la violence au sein de la famille ».

Non seulement la notion de « violences intrafamiliales » est centrée autour du phénomène des violences conjugales, mais une confusion est également à l’œuvre vis-à-vis d’autres types de violences, notamment avec les situations de maltraitance.

L’exposé des motifs de la proposition de loi est révélateur à cet égard en ce qu’il y est énoncé que le droit demeure lacunaire au regard du fait que « les enfants restent en marge des réflexions législatives et politiques liées au thème des violences conjugales… », là aussi en se focalisant sur les violences conjugales, alors que les enfants demeurent à la marge de toute réflexion législative. En effet, le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig a relevé durant son audition ([51])  qu’une proposition de loi sur trois contient des dispositions sur les enfants ; on en éclate les préoccupations, si bien qu’il n’y a aucune cohérence globale in fine dans l’approche juridique des droits des enfants.

La proposition de loi aurait gagné à proposer une définition claire des violences intrafamiliales pour expliciter une réalité sur laquelle elle souhaite légiférer. Elle entretient cette confusion notionnelle et rend son propre champ d’application difficilement compréhensible, notamment en faisant des allers retours entre des notions de violences conjugales et d’inceste sans poser de lien entre elles et en se focalisant sur le viol. Or, le viol et les agressions sexuelles ne constituent pas à proprement parler des violences intrafamiliales puisque ce sont des violences dirigées contre une personne ([52]) .

Par ailleurs, l’instauration d’une « mauvaise ambiance » à la maison est-elle constitutive d’une forme de violences intrafamiliales ? ([53]) Ou alors vise-t-on uniquement les violences (physiques, psychiques, sexuelles) supportées directement par l’enfant ? Le premier cas relève du juge aux affaires familiales ; le second du correctionnel ou de la Cour d’assises. Il est donc important de mieux définir la notion de violences intrafamiliales.

b.   L’imprécision de la proposition de loi : certains oublis  

En entretenant la confusion des notions de violences intrafamiliales avec les violences conjugales et les violences sexuelles, la proposition de loi omet tout un pan des violences qui relèveraient certainement de l’esprit de cette proposition de loi.

Dans son article premier, la proposition de loi ne vise que les articles 222‑23 à 222-26-2 du code pénal. Ce faisant, elle n’inclut – à la différence de l’exposé des motifs – que les viols. En effet, les agressions sexuelles sont prévues par les articles 222-27 à 222-31 du code pénal.

Par ailleurs, outre ce défaut d’écriture qui a pour effet d’exclure les agressions sexuelles, la proposition de loi ne vise pas d’autres types de violences pourtant particulièrement graves, à savoir notamment les actes de torture et de barbarie. À défaut, le texte introduit une sorte de hiérarchie entre les différentes violences auxquelles l’enfant peut être confronté, ce qui n’est évidemment pas la finalité de cette proposition de loi.  

2.   Des risques identifiés

La proposition de loi, telle qu’elle est écrite au moment de son dépôt, présente des risques juridiques ainsi que des risques d’ordre pratique.

a.   Des risques juridiques

Les risques sont élevés eu égard à la jurisprudence tant du Conseil constitutionnel, en ce qui concerne le droit interne qu’eu égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’ordre juridique international.

i.   Les risques au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

La décision du 2 juillet 2000 ([54]) du Conseil constitutionnel portant sur la composition des tribunaux maritimes commerciaux rappelle le principe d’indépendance de celui qui exerce des fonctions juridictionnelles : «  Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution » ; que le principe d’indépendance est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles ».

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a affirmé le principe d’individualisation des peines sur le fondement de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.([55]) Le Conseil constitutionnel a notamment censuré les peines obligatoires et automatiques ne laissant d’autres marges d’appréciation pour le juge que la dispense de peine dans sa décision du 11 juin 2010. Il en découle « qu’une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ». ([56])

ii.   Les risques au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

La Cour européenne des droits de l’homme considère que les mesures de retrait de l’autorité parentale « ne doivent être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles et ne peuvent se justifier que si elles s’inspirent d’une exigence primordiale touchant à l’intérêt supérieur de l’enfant » ([57]) . Le retrait automatique de l’intégralité des attributs de l’autorité parentale serait en contradiction avec la position de la Cour. Elle considère qu’en sus du caractère exceptionnel du retrait de l’autorité parentale, qui ne soit être envisagé « qu’en dernière extrémité », il ne doit se limiter qu’aux aspects strictement nécessaires pour prévenir tout risque réel et imminent de traitement dégradant aux enfants qui encourent pareil risque. ([58])

Ainsi, la Cour a estimé que lorsque les autorités nationales étaient confrontées à des allégations d’abus physiques graves qui, du moins à première vue, paraissaient crédibles, le retrait temporaire de l’autorité parentale était suffisamment justifié. ([59]) En revanche, elle a considéré qu’une décision rendue au principal ordonnant le retrait permanent de cette autorité ne comportait pas de motifs suffisants et qu’elle emportait donc violation de l’article 8 ([60]) de la Convention européenne des droits de l’homme ([61]).

Dans l’affaire Wetjen et autres c. Allemagne, la Cour a jugé que le risque de châtiments corporels systématiques et réguliers encouru par les enfants constituait un motif pertinent pour décider leur placement ainsi que le retrait partiel de l’autorité parentale ([62]) . Elle a examiné si les juridictions nationales avaient bien ménagé un juste équilibre entre les intérêts des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant ([63]) . A contrario, il n’est pas dit qu’une suspension automatique de l’exercice ou qu’un retrait automatique de l’autorité parentale dans le cas des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours soit considéré comme proportionné par la Cour.

En outre, les juridictions nationales doivent exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles elles n’avaient, pour protéger les enfants, aucune autre solution impliquant une moindre atteinte aux droits de la famille. ([64])  Or, en cas d’automaticité, il n’y aurait pas de motivation détaillée du juge comme l’exige la Cour.

La Cour fait également découler de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme une obligation procédurale implicite qui exige de s’assurer que les parents sont bien en mesure de faire valoir tous leurs arguments. ([65]) Ces obligations requièrent que les conclusions des juridictions nationales reposent sur un fondement factuel suffisant et ne soient ni arbitraires ni déraisonnables ([66]) . Or, ce « fondement factuel suffisant » nécessite une appréciation casuistique de chaque affaire que ne permet pas le retrait automatique.

La proposition de loi présente également des risques de nature pratique qui entraîneraient potentiellement un dévoiement de la volonté du législateur.

b.   Des risques pratiques

Dans la pratique, la proposition de loi est susceptible de générer effets secondaires non désirés en raison de la possibilité d’instrumentaliser les procédures mises en place ainsi que de celle de priver l’enfant de tout lien familial dans le cas où les deux parents seraient automatiquement déchus de leur autorité parentale. Il existe également un risque de relaxe par le juge compte tenu des conséquences que pourrait emporter une condamnation.

i.   La possibilité d’une instrumentalisation des procédures par l’un des parents

Si la proposition de loi venait à être adoptée en l’état, elle présenterait certains risques d’instrumentalisation, notamment en ce qui concerne son article premier, en suspendant automatiquement l’exercice de l’autorité parentale durant l’instruction.

Il faut veiller à ce que le simple dépôt de plainte ne permette pas de priver un parent de ses attributs parentaux pour les cas de violences commises sur l’autre parent notamment, car il y a plusieurs milliers de plaintes pour violences conjugales chaque année et les conséquences sont difficilement évaluables, notamment dans l’hypothèse des violences ayant entraîné interruption totale de travail de plus de huit jours, qui représente un flux considérable d’affaires parfois relativement fragiles qui reposent sur la parole de l’un des parents contre l’autre. ([67])

ii.   L’hypothèse de l’enfant privé de tout lien familial

Telle que la proposition de loi est actuellement écrite, elle pourrait avoir pour effet, en cas de double-poursuite et de double-condamnation à l’encontre des deux parents, de conduire à une double-suspension ou un double-retrait de l’autorité parentale, ce qui rendrait ipso jure l’enfant adoptable et pouvant être placé en famille d’accueil.  ([68])

Or, une telle situation n’est sans doute pas dans l’esprit de la proposition de loi et pourrait générer des conséquences qui n’étaient pas dans l’intention du législateur difficilement évaluables en l’état sur le développement de l’enfant ; il n’est pas certain que dans ces cas de figure le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté.

iii.   Le risque de relaxe face à une sanction trop importante

En prévoyant des conséquences aussi fortes en cas de condamnation, à l’article 2, il y a un risque également que le juge pénal préfère une relaxe au bénéfice du doute dans ce type de dossiers plutôt qu’une condamnation, qui entraînerait une sanction extrêmement forte – le retrait de l’autorité parentale – alors même que la sanction qu’il risquait ab initio pour les actes litigieux était bien plus faible (par exemple s’il risquait une peine avec sursis, une amende, ou encore un stage de responsabilisation contre les violences conjugales). Par ailleurs, compte tenu des conséquences d’une condamnation, il pourrait également y avoir des cas de pressions du mis en cause pour que la victime soit revienne sur ses déclarations soit ne se présente pas à l’audience. ([69]) 

Compte tenu de tous ces éléments, la rapporteure est d’avis que la proposition de loi pourrait être améliorée dans le meilleur intérêt de l’enfant.

B.   Les pistes d’amélioration

Afin d’améliorer le texte, il est nécessaire de trouver un équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’appréciation souveraine du juge. Par ailleurs, le texte gagnerait à être complété par certaines dispositions.  

1.   Le maintien d’un équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant et l’appréciation souveraine du juge

Pour maintenir un équilibre, il est nécessaire de modifier les dispositifs de la proposition de loi afin d’y intégrer une gradation plus fine tout comme il serait pertinent de se reposer sur des outils juridiques déjà existants et notamment l’ordonnance de protection.

a.   Une gradation plus nuancée du dispositif

Le dispositif souhaité par la proposition de loi gagnerait à être nuancé selon les situations. À l’article premier, l’extension de la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement en cas de poursuites pour viol commis contre l’enfant est cohérent, puisque cette suspension s’applique déjà en cas de crime commis contre l’autre parent. La rapporteure est convaincue de l’importance d’une telle mesure conservatoire durant l’instruction.

En revanche, s’agissant du retrait automatique prévu à l’article 2, la rapporteure est d’avis qu’il faudrait nuancer la réponse selon les actes litigieux commis par le parent. En effet, pour tous les crimes et agressions sexuelles, le retrait de principe de l’autorité parentale serait, à son sens, justifié ; toutefois, afin de respecter au mieux le pouvoir souverain du juge, il conviendrait de préciser dans la disposition que ce principe ne vaut « qu’à défaut de motivation contraire expresse du juge ». Cette formulation semble de surcroît en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007, qui a validé le dispositif des peines planchers en raison du fait que le législateur avait conservé au bénéfice du juge la possibilité d’y déroger de manière motivée. ([70])

La rapporteure estime qu’il est nécessaire de compléter cette disposition afin d’y inclure, dans les cas de retrait automatique de l’autorité parentale, les actes de torture et de barbarie ; les actes d’une exceptionnelle gravité justifient également le retrait automatique.

En revanche, la rapporteure n’est pas convaincue par l’opportunité d’étendre cette automaticité du retrait aux violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours commis sur la personne de l’autre parent. Dans les cas de figure autres que les crimes et les agressions sexuelles, il faudrait plutôt prévoir un dispositif de saisine obligatoire du juge pour se prononcer sur le maintien ou non de l’exercice de l’autorité parentale, afin de laisser au juge la capacité d’évaluer la situation in concreto. Pour tous ces autres types de violences intrafamiliales, il serait préférable d’utiliser la plainte de la personne faisant l’objet des violences pour demander une ordonnance de protection requérant l’avis du juge aux affaires familiales quant à la suspension de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.

b.   La valorisation d’instruments juridiques déjà existants : l’ordonnance de protection

L’article 515-9 du code civil prévoit dorénavant que le juge aux affaires familiales puisse délivrer en urgence une ordonnance de protection « lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un PACS ou un concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants ».

La loi de 2020 a rendu systématique, à l’article 515-11 du code civil, le signalement au Parquet de la délivrance par le juge aux affaires familiales d’une ordonnance de protection. Ainsi, désormais, lorsque le parent victime intente une action au civil, le Parquet peut se saisir au pénal alors qu’auparavant, ce n’était possible que dans les cas où les violences exercées étaient susceptibles de mettre l’enfant en danger. L’élargissement de ce dispositif constitue donc un élément non-négligeable de la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales.

Dans le cadre de la délivrance d’une ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut également se prononcer, dans un délai de six jours, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale sur le fondement de l’article 515-11 du code civil.

L’ordonnance a pu démontrer son efficacité pratique, les chiffres récents mettant en exergue que dans huit cas sur dix, la demande d’exercice exclusif de l’autorité parentale est accordée ; dans neuf cas d’accusation sur dix, la résidence est attribuée au parent protecteur ; et dans 82 % des cas, les droits de visite sont médiatisés. ([71])

2.   La nécessité de compléter le texte

a.   La création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale

Il pourrait être pertinent d’intégrer un article additionnel prévoyant un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale dans le cas où plus aucun parent n’a la jouissance de son autorité parentale ou quand on constate que l’enfant est victime de viol ou d’agression sexuelle par le seul parent qui exerce l’autorité parentale.

b.   Une demande de rapport visant une meilleure information du Parlement

En reprise de l’article 3 de la proposition de loi n° 4747 visant à protéger les enfants exposés aux violences au sein du couple, la rapporteure propose d’intégrer à la proposition de loi un article additionnel visant à solliciter la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement mais légèrement modifié par rapport à la proposition de loi n° 4747.

Cet article serait ainsi rédigé : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental ».

En sus des ajouts au texte de la proposition de loi lui-même, la rapporteure préconise des pistes de réflexion plus larges quant à la protection devant être apportée aux enfants dans le contexte de violences intrafamiliales.

C.   Des pistes de réflexion supplémentaires

La rapporteure rappelle la nécessité de conduire une réflexion sur le statut de co-victime des enfants exposés aux victimes de violences conjugales dans la continuité de la proposition de loi n° 4747 visant à protéger les enfants exposés aux violences au sein du couple déposée par la députée Marie Tamarelle-Verhaeghe et ses collègues ([72]), dont la rapporteure, le 30 novembre 2021. Ce statut pourrait faciliter la prise en charge médico-psychique de l’enfant.

Elle estime par ailleurs qu’il est nécessaire de proposer une réflexion quant à la place donnée à la parole de l’enfant ainsi que d’investir dans une réelle formation des experts et professionnels de la prise en charge des enfants ayant subi des violences intrafamiliales.

1.   Une meilleure prise en compte de l’enfant dans le procès

Lors de son audition par la délégation aux droits des enfants du 14 décembre 2022, le Garde des Sceaux, Eric Dupont- Moretti a développé les pistes envisagées pour améliorer la prise en compte de l’enfant et notamment de sa parole.

En amont, le dispositif d’accompagnement du mineur victime doit être amélioré.

Cela passe par le développement des unités d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped), au nombre de 75 sur tout le territoire, le ministre a annoncé qu’en 2024, chaque département en serait doté. Ces structures situées au sein même des hôpitaux, sont spécialement équipées pour mener un enregistrement audiovisuel de l’enfant, pour capter la parole du mineur, mais aussi son image quand il a du mal à exprimer les choses. Le chien d’assistance judiciaire est également un outil à promouvoir. La présence du chien est censée permettre à l’enfant de mieux appréhender le procès qui s’ouvre ; l’animal apaise la victime et permet aux enfants de revenir plus facilement sur les faits qu’ils ont subis, il agit comme un doudou. Lors de son audition, le Garde des sceaux a rappelé que dix chiens d’assistance judiciaire étaient actuellement disponibles pour 164 TGI (tribunaux de grande instance). C’est pourquoi, il travaille en particulier avec la SPA (Société protectrice des animaux) sur ces questions et a annoncé une généralisation du dispositif.

Lors du procès, la fonction d’administrateur ad hoc devrait être également développée, ou parrain judiciaire. Par ailleurs, afin de rassurer l’enfant, une expertise est en cours sur un dispositif qui permettrait aux enfants de se familiariser avec la salle avant l’audience. Ils seraient accompagnés et pourraient s’habituer au lieu.

Les acteurs sont nombreux à considérer qu’il faudrait par ailleurs, dans tous les cas de figure, qu’un avocat soit désigné au profit de l’enfant. ([73]) Trop souvent, les enfants se retrouvent au milieu du procès sans savoir réellement quelle place ils occupent.  Il est effectivement souhaitable, à terme, que l’enfant puisse bénéficier de son propre avocat. Toutefois, la rapporteure se contentera d’en souligner l’importance, notamment pour les procédures pénales, où il faudrait que sa présence soit généralisée. ([74])

Il faut par ailleurs réfléchir au renforcement du rôle du procureur de la République et lui permettre de jouer un rôle de coordination plus large. Dès qu’une plainte portant sur des violences intrafamiliales est déposée, celui-ci devrait veiller à provoquer une audience devant le juge aux affaires familiales pour déterminer s’il y a ou non matière à suspendre l’autorité parentale le temps des poursuites, dans une logique de « procédure de répit familial » ([75]).

Avant de mettre en place des obligations nouvelles, il convient de veiller à articuler et à renforcer les différents maillons de la chaîne judiciaire qui existent déjà en accordant un rôle majeur au procureur de la République.

2.   La nécessité d’accentuer la formation des experts et d’améliorer la prise en charge des enfants

Selon le docteur Luis Alvarez, dans le cadre des procès, les professionnels mandatés pour protéger les enfants souffrent d’un manque de formation sur les psycho-traumatismes, d’où la réponse peu protectrice de la société à l’égard de ces situations. ([76]) Le pendant de ce manque de formation est la prévalence d’idéologies anti-victimaires chez les professionnels mandatés par l’État pour protéger l’enfant et le parent protecteur de cet enfant. Selon lui, ces quatre idéologies sont :

– « La parole de l’enfant n’est pas crédible » ;

– Le syndrome d’aliénation parentale ;

– Il n’y aurait pas de violences intrafamiliales mais un conflit parental ;

– « Un mauvais conjoint peut quand même être un bon père ».

Il a, lors de son audition, détaillé ces idéologies.

Il considère que l’idéologie selon laquelle la parole de l’enfant n’est pas crédible repose avant tout, en France, sur un déficit d’investissement dans des protocoles éprouvés scientifiquement. En 1996, l’Institut national pour le développement et la santé aux États-Unis a créé le protocole NICHD, qui repose sur une déclinaison de données en psycho-traumatismes pour recueillir la parole de l’enfant. Le protocole étant filmé, il permet pour l’enfant de ne raconter son calvaire qu’une unique fois. Les études montrent que dans 95 % des cas, la parole de l’enfant va dans le sens de la manifestation de la vérité avec l’utilisation de ce protocole. Or, la France n’a pas suffisamment investi dans ce dispositif. Un effort a été réalisé ces dix dernières années, mais nous disposons sur le territoire d’une trentaine d’unités seulement qui ne couvrent pas tout le territoire de sorte qu’il puisse permettre à toute victime d’y accéder. En Suisse par exemple, un policier formé à cette méthode est disponible dans chaque grande ville vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Le syndrome d’aliénation parentale consiste pour sa part à considérer que lorsqu’un parent essaie de protéger son enfant dans le contexte d’une séparation liée à des allégations de violences sexuelles commises par l’autre parent, ce parent aliène l’enfant et l’instrumentalise au détriment de l’autre parent.

L’omniprésence de la caractérisation de « conflit familial » plutôt que de « violences intrafamiliales » est une idéologie destructrice qui ne correspond pas à la notion de « contrôle coercitif » déployé par le parent qui gère la vie de toute sa famille autour de violences. Par définition, lorsqu’on parle d’emprise, il ne peut y avoir de « conflit parental » car un conflit a lieu entre deux personnes égales en droit qui se respectent et s’accordent pour entrer en conflit. Dans le cas de violences intrafamiliales, il n’y a pas d’égalité puisque le pouvoir a été « pris » par le parent qui fait régner sa volonté par la peur et la contrainte.

Beaucoup d’enfants ont également été abandonnés sur l’idéologie selon laquelle « un mauvais mari pourrait tout de même être un bon père ».

Toutes ces croyances génèrent pour les victimes une « deuxième violence commise au nom du peuple français, la violence institutionnelle ; le pacte républicain est alors rompu à l’égard de tous ces enfants ». ([77])

*

*     *

La proposition de loi n° 658 porte un signal important : celui que les enfants qui subissent des violences intrafamiliales, à la fois en tant que victime directe et en tant que témoin, ne sont pas suffisamment protégés contre le parent auteur de violences. Avant la condamnation, il est nécessaire de protéger l’enfant le temps des procédures, qui durent en moyenne cinq ans dans les cas de violences intrafamiliales, en élargissant les cas de suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale. Les décisions de retrait de l’autorité parentale après condamnation sont rares ; le seul retrait de l’exercice de l’autorité parentale ne suffit pas toujours à protéger l’enfant lorsque le parent exerce des formes graves et répétées de violence. Il est alors parfois nécessaire, pour que l’enfant puisse reprendre le cours de son développement, de rompre totalement les liens familiaux, et d’inciter le juge à statuer plus souvent en ce sens dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, compte tenu des risques à la fois juridiques et pratiques, le dispositif contenu dans la proposition de loi doit faire l’objet d’une gradation plus nuancée. Par ailleurs, la proposition de loi doit être corrigée d’imperfections d’écriture et d’imprécisions juridiques.

Outre la modification de l’écriture de la proposition de loi, la rapporteure est d’avis qu’il faudrait la compléter par la création d’un nouveau cas de délégation forcée de l’autorité parentale et la demande au Gouvernement d’un rapport qui serait remis au Parlement faisant état du repérage, de la prise en charge et du suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d’accompagnement parental. Elle préconise également une plus large utilisation des ordonnances de protection.

Par ailleurs, l’effectivité de la prise en charge des enfants victimes de violences intrafamiliales repose sur des logiques de long terme et ne peut être totalement appréhendée dans cette proposition de loi. Il convient notamment de renforcer les moyens du Parquet en reconnaissant le rôle central de coordination du procureur de la République dans ce type de procédure ainsi que de favoriser une meilleure formation des services de prise en charge de l’enfant sur des dispositifs éprouvés scientifiquement.


  1  

 

   examen par la délégation

Lors de sa réunion du 31 janvier 2023, la Délégation aux droits des enfants a procédé à la présentation du rapport d’information portant sur la proposition de loi n° 658 2e rectifié visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales.

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/ABV76c

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise la publication.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


  1  

 

   annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

Cabinet du Garde des Sceaux, M. Eric Dupond-Moretti

– M. Guillem Gervilla, conseiller en charge des questions législatives, parlementaires et politiques ;

– Mme. Blandine Gardey de Soos, conseillère des affaires civiles ;

– Mme. Claire-Marie Casanova, conseillère politique judiciaire de la jeunesse ;

– M. Arnaud Laraize, conseiller pénal.

– Mme. Nathalie Mathieu, coprésidente de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) et directrice de l’association Docteurs Bru ;

– M. Luis Alvarez, pédopsychiatre à l’American Hospital of Paris et au Centre périnatal Rive gauche.

– M. Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, membre du bureau du Conseil national de la protection de l’enfance et du Collège des droits des enfants auprès du Défenseur des droits.

Association SOS Villages d’enfants 

– M. Hervé Laud, Directeur Prospectives et Plaidoyer.

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la Justice 

– Mme. Anne Coquet, sous-directrice des missions de protection judiciaire et d'éducation auprès de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Cabinet du Garde des Sceaux, M. Eric Dupond-Moretti

– M. Guillem Gervilla, conseiller en charge des questions législatives, parlementaires et politiques ;

– Mme. Blandine Gardey de Soos, conseillère des affaires civiles ;

– Mme. Laetitia Dhervilly, haute fonctionnaire à l’égalité femmes-homme

– M. Arnaud Laraize, conseiller pénal.

 


([1]) Conseil de l’Europe, Colloque sur les violences contre les personnes âgées au sein de la famille, Strasbourg, 25-27 novembre 1987.  

([2]) Valérie RABAULT, Olivier FAURE, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Marie-Noëlle BATTISTEL, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Anna PIC, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Claudia ROUAUX, Hervé SAULIGNAC, Mélanie THOMIN, Boris VALLAUD, Roger VICOT

([3]) Audition de Luis Alvarez du mardi 24 janvier 2023.  

([4]) Amnesty International, Chiffres sur la violence conjugale, disponibles en ligne :
https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/les-violences-conjugales/article/chiffres-violence-conjugale.

([5]) Organisation mondiale de la santé., Une omniprésence dévastatrice : une femme sur trois dans le monde est victime de violence,disponible en ligne : https://www.who.int/fr/news/item/09-03-2021-devastatingly-pervasive-1-in-3-women-globally-experience-violence.

([6]) Insee, Violences au sein de la famille, Sécurité et société, édition 2021, paru le 9 décembre 2021. 

([7]) Insee, Violences au sein de la famille, ibidem. 

([8]) Insee, Violences au sein de la famille, ibidem.  

([9]) Insee, Violences au sein de la famille, ibidem. 

([10]) Insee, Violences au sein de la famille, ibidem. 

([11]) Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, Panorama des violences en France métropolitaine. Chiffres clés de l’enquête Genese 2021, novembre 2022. 

([12]) Définition de C Lacharité, L. Ethier et P. Nolin, citée dans Marie-Paule Martin-Blachais, Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance, Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, 27 février 2017.

([13]) Marie-Paule Martin-Blachais, Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance, ibidem.

([14]) Observatoire national de la protection de l’enfance, La santé des enfants protégés, seizième rapport au Gouvernement et au Parlement, Juillet 2022, p. 62.

([15]) Anne Tursz, Les Conséquences de la maltraitance dans l’enfance sur la santé physique et mentale à l’âge adulte : approche épidémiologique de santé publique, Revue française des affaires sociales, 2013/1-2, pp. 32-50.

([16]) Anne Tursz, Les Conséquences de la maltraitance dans l’enfance sur la santé physique et mentale à l’âge adulte : approche épidémiologique de santé publique, ibid, p. 67. 

([17]) Organisation mondiale de la santé, Violence à l’encontre des enfants, disponible en ligne : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-children 

([18]) Organisation mondiale de la santé, Violence à l’encontre des enfants, ibidem.

([19]) Rosana E. Norman, Munkhtsetseg Byambaa, Ruma De, Alexander Butchart, James Scott, Theos Vos. The long-term health consequences of child physical abuse, emotional abuse, and neglect: A systematic review and meta-analysis. Plos Medecine, Novembre 2012.

([20]) Rosana E. Norman, Munkhtsetseg Byambaa, Ruma De, Alexander Butchart, James Scott, Theos Vos. The long-term health consequences of child physical abuse, emotional abuse, and neglect: A systematic review and meta-analysis, ibidem.

([21]) Malinosky-Rummell R, Hansen DJ. Long-term consequences of childhood physical abuse. Psychological Bulletin., juillet 1993.

([22]) Santé publique France, La maltraitance pendant l’enfance et ses conséquences : un enjeu de santé publique, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 26-27, 15 octobre 2019.

([23]) Audition de Luis Alvarez du mardi 24 janvier 2023.

([24]) Organisation mondiale de la santé, Violence à l’encontre des enfants, op. cit.

([25]) Anne Tursz, Les Conséquences de la maltraitance dans l’enfance sur la santé physique et mentale à l’âge adulte : approche épidémiologique de santé publique, op. cit.

([26]) Anne Tursz, Les Conséquences de la maltraitance dans l’enfance sur la santé physique et mentale à l’âge adulte : approche épidémiologique de santé publique, ibidem. 

([27])  Audra Bowlus, Katherine McKenna, Tanis Day et David Wright,. Coûts et conséquences économiques des sévices infligés aux enfants au Canada. Ottawa, rapport à la commission du droit du Canada; mars 2003. 192 p.

([28]) Xiangming Fang, Derek S. Brown, Curtis S. Florence, James A. Mercy, The economic burden of child maltreatment in the United States and implications for prevention. Child Abuse & Neglect, volume 36, n° 2, février 2012, pp. 156-165.

([29]) Audition de Luis Alvarez du mardi 24 janvier 2023. 

([30]) Cour de cassation, civile, chambre civile 1, 16 septembre 2014, n°13-23.045.

([31]) Cour de cassation, civile, chambre civile 1, 14 février 1989, Bull. civ. I, n° 77. 

([32]) Cour d’appel de Poitiers, 28 février 1990, Juris-Data n° 044207.

([33]) Cour de cassation, chambre criminelle, 13 mai 2015, n°14-80.500.  

([34]) Cour de cassation civile, chambre civile 1, 14 avril 1982, 80-80.014 80-80.015, publié au bulletin  : la Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel qui avait prononcé la déchéance de l'autorité parentale non seulement à l'égard de la mère, violente et alcoolique, mais aussi à l'égard du père car celui-ci « de personnalité faible, à la limite de la débilité, et qui était, lui aussi fréquemment frappé par son épouse qui le dominait, s'était montré incapable, face aux excès de celle-ci, d'assurer la protection de l'enfant », ce qui caractérise un manque de direction mettant manifestement en danger la sécurité et la santé du mineur

([35]) Cour de cassation, chambre civile 1, 14 juin 1988, 87-05.027, publié au bulletin.  

([36]) Cour de cassation, ibidem : la Cour, en l’espèce, casse une décision qui avait prononcé la déchéance de l’autorité parentale à l’encontre de la mère au motif que le comportement de celle-ci, « restée infantile exclut qu’une responsabilité puisse lui être restituée dans l’éducation de l’enfant » et que cette mesure ne constitue pas une sanction à son égard mais une mesure de protection vis-à-vis de l’enfant « sans rechercher si par la suite de son comportement ou de son état, [elle] mettait manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant ».

([37]) Cour européenne des droits de l’homme, Sabou et Pircalab c. Roumanie ; n° 46572/99, 28 septembre 2004, Viorel Burzo c. Roumanie, n° 75109/01 et 12639/02, 30 juin 2009 ; Calmanovici c. Roumanie, n° 42250/02, 1er juillet 2008 ; Iordache c. Roumanie; n° 6817/02, 14 janvier 2009 ; M.D. et autres c. Malte, n°64791/10, 17 octobre 2012.

([38]) Conseil d’État,2ème et 7ème sous-sections réunies, n° 309004, 4 décembre 2009.

([39]) Article 8 de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019.

([40]) Circulaire JUSD2002214C du 28 janvier 2020 relative à la présentation des dispositions de droit civil et de droit pénal immédiatement applicables de la loi n°2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et instructions de politique pénale issues des travaux du Grenelle contre les violences conjugales

([41])  Circulaire JUSF1711230C du 19 avril 2017 relative à la protection judiciaire de l’enfant.

([42]) Johanne Melcare-Zachara, L’autorité d’un chef, une véritable magistrature paternelle, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 151, 2021, pp. 133-151. 

([43]) Johanne Melcare-Zachara, L’autorité d’un chef, une véritable magistrature paternelle, ibidem.

([44]) Gérard Neyrand, L’évolution du regard sur la relation parentale : l’exemple de la France, Nouvelles pratiques sociales, volume 16, n° 1, 2003, pp. 27-44.

([45]) Philippe Fabry, Protection de l’enfance : prendre en compte le temps de l’enfant, Journal du droit des jeunes, 2011/5, n° 305, pp. 19-23.

([46]) Cour de cassation, chambre criminelle, 9 novembre 1994, n° 94-80.691. 

([47]) Cour de cassation, chambre criminelle, 8 novembre 2000, n° 00-80.478.  

([48]) Aurélien Pradié et Guillaume Vuilletet, Rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020.

([49]) Organisation des Nations Unies, Que sont les violences familiales ? Disponible en ligne : https://www.un.org/fr/coronavirus/what-is-domestic-abuse : « tout comportement répété qui vise à obtenir ou maintenir un pouvoir ou un contrôle sur le/la partenaire dans une relation. Ces violences peuvent être physiques, sexuelles, émotionnelles ou psychologiques, ou prendre la forme de menaces contre une autre personne. Elles recouvrent tout comportement visant à effrayer, intimider, terroriser, manipuler, offenser, humilier, culpabiliser ou blesser autrui »

([50]) Insee, Violences au sein de la famille, op. cit.  

([51]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig, du mercredi 25 février 2023.

([52]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig du mercredi 25 février 2023.

([53]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig du mercredi 25 février 2023.

([54]) Conseil constitutionnel, Consorts C. et autres, décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010.

([55]) Conseil constitutionnel, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005.

([56]) Conseil constitutionnel, Association Al Badr et autre, décision n° 2018-710 QPC du 1er juin 2018.

([57]) .Cour européenne des droits de l’homme, Johansen c. Norvège, n° 17383/90, 7 août 1996.

([58]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, n° 11308/16 et 11344/16, 22 mars 2018, §84 ; Tlapak et autres c. Allemagne, n° 68125/14 et 72204/14, 22 mars 2018, §97.

([59]) Cour européenne des droits de l’homme, B.B. et F.B. c. Allemagne, n° 18734/09 et 9424/11, 14 mars 2013, §49. 

([60]) « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

       2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». 

([61]) Cour européenne des droits de l’homme, B.B. et F.B. c. Allemagne, op. cit. , §§51-52. 

([62]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, op. cit., §78.

([63]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, ibidem., §§79-85.

([64]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, ibidem, §85 ; Tlapak et autres c. Allemagne, op. cit., §98. 

([65]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, ibidem, §81 ; Tlapak et autres c. Allemagne, ibidem, §93. 

([66]) Cour européenne des droits de l’homme, Wetjen et autres c. Allemagne, ibidem, §81 

([67]) Audition du Garde des Sceaux M. Dupond-Moretti du vendredi 20 janvier 2023. 

([68]) Audition du Garde des Sceaux M. Dupond-Moretti du vendredi 20 janvier 2023. 

([69]) Audition du Garde des Sceaux M. Dupond-Moretti du vendredi 20 janvier 2023. 

([70]) Conseil constitutionnel, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, décision n° 2007-554 DC, 9 août 2007.  

([71]) Audition du Garde des Sceaux M. Dupond-Moretti du vendredi 20 janvier 2023. 

([72]) Marie TAMARELLEVERHAEGHE, Fadila KHATTABI, Damien ADAM, Patrice ANATO, JeanPhilippe ARDOUIN, Frédéric BARBIER, Anne BLANC, Christophe BLANCHET, Aude BONOVANDORME, PierreYves BOURNAZEL, Carole BUREAUBONNARD, Lionel CAUSSE, Danièle CAZARIAN, Anthony CELLIER, Philippe CHALUMEAU, Paul CHRISTOPHE, Annie CHAPELIER, JeanCharles COLASROY, Fabienne COLBOC, Olivier DAMAISIN, Yves DANIEL, Loïc DOMBREVAL, Nicole DUBRÉCHIRAT, Audrey DUFEU, Françoise DUMAS, M’jid EL GUERRAB, Nadia ESSAYAN, Agnès FIRMIN LE BODO, Pascale FONTENELPERSONNE, Bruno FUCHS, Laurence GAYTE, Olga GIVERNET, Fabien GOUTTEFARDE, Carole GRANDJEAN, Florence GRANJUS, Brahim HAMMOUCHE, Yannick HAURY, Sandrine JOSSO, Catherine KAMOWSKI, Anissa KHEDHER, Christophe LECLERCQ, Sandrine LE FEUR, Nicole LE PEIH, Monique LIMON, Brigitte LISO, Lise MAGNIER, Mounir MAHJOUBI, Sylvain MAILLARD, Jacques MAIRE, Didier MARTIN, Jacqueline MAQUET, Sereine MAUBORGNE, Thierry MICHELS, Patricia MIRALLÈS, JeanMichel MIS, Naïma MOUTCHOU, Claire O’PETIT, Sophie PANONACLE, Hervé PELLOIS, Patrice PERROT, Pierre PERSON, Bénédicte PÉTELLE, Maud PETIT, Michèle PEYRON, Éric POULLIAT, Florence PROVENDIER, Isabelle RAUCH, Rémy REBEYROTTE, Hugues RENSON, Véronique RIOTTON, MariePierre RIXAIN, Mireille ROBERT, Laurianne ROSSI, Gwendal ROUILLARD, Nathalie SARLES, Denis SOMMER, Bruno STUDER, Sira SYLLA, Liliana TANGUY, Sylvain TEMPLIER, Stéphane TESTÉ, Vincent THIÉBAUT, Alice THOUROT, JeanLouis TOURAINE, Alain TOURRET, Élisabeth TOUTUTPICARD, Frédérique TUFFNELL, Annie VIDAL, Corinne VIGNON, Stéphane VOJETTA, Souad ZITOUNI, Laetitia AVIA, Belkhir BELHADDAD, Marc DELATTE, Cyrille ISAACSIBILLE, Yannick KERLOGOT, Sandrine MÖRCH

([73]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig du mercredi 25 janvier 2023 et de SOS Villages d’enfants du mercredi 25 janvier 2023.

([74]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig du mercredi 25 janvier 2023 et de SOS Villages d’enfants du mercredi 25 janvier 2023

([75]) Audition de Jean-Pierre Rosenczveig du mercredi 25 janvier 2023.

([76]) Audition de Luis Alvarez du mardi 24 janvier 2023.

([77])  Audition de Luis Alvarez du mardi 24 février 2023.