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N° 821

 

——

 

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 2023

 

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre
de la création des directions départementales de la police nationale

et présenté par

M. Ugo BERNALICIS et Mme Marie GUÉVENOUX,

Députés

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La mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale est composée de M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, rapporteurs.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION....................................................... 7

I. La police judiciaire : un ensemble de services placés sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

A. L’organisation des services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationaleS

1. La direction centrale de la sécurité publique est le principal service d’investigation généraliste de la police nationale

2. La direction centrale de la police judiciaire est un service d’investigation spécialisé au sein de la police nationale

3. La direction centrale de la police aux frontières dispose d’un service d’investigation judiciaire spécialisé en matière de lutte contre l’immigration irrégulière

4. La sous-direction de la police judiciaire coordonne l’ensemble des unités de gendarmerie qui remplissent des missions de police judiciaire

5. L’organisation centrale en directions verticales pose la question du partage de l’information et de la coopération entre les différents services d’investigation

a. Le protocole cadre de répartition des compétences judiciaires du 20 décembre 2007 et ses déclinaisons territoriales

b. L’instauration de cellules de coordination

B. Les missions de police judiciaire sont exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

1. Les forces de police judiciaire sont rattachées au ministère de l’Intérieur, mais placées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

a. Les officiers, agents et fonctionnaires de police judiciaire

b. Des missions exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

2. La mission de police judiciaire se caractérise par l’importance du rôle du procureur de la République et du juge d’instruction

3. Le principe fondamental du libre choix par le magistrat instructeur des différentes formations de police judiciaire

a. Le principe du libre choix du service d’enquête

b. Des difficultés de choix du service d’enquête relevées par plusieurs magistrats auditionnés

II. Dans un contexte général d’augmentation des stocks de procédures, la filière judiciaire est confrontée à un manque d’attractivité malgré de récents efforts de revalorisation

A. Le service public de la justice est fragilisé par un stock important de procédures et une baisse des taux d’élucidation

1. La constitution et la persistance d’un stock important de procédures judiciaires non traitées au détriment du service public de la justice

a. De fortes disparités entre la sécurité publique et les autres services d’enquête

b. Une instruction récente pour parvenir à une réduction durable du stock de procédures

2. Des taux d’élucidation en baisse

B. Une revalorisation en cours de la filière judiciaire pour faire face À la perte d’attractivité du métier

1. Un constat implacable : la perte d’attractivité de la filière judiciaire

a. Une pression accrue sur les enquêteurs notamment liée à une augmentation structurelle du nombre d’affaires dans les services

b. Une charge de travail peu compétitive par rapport aux policiers sur la voie publique

c. La réduction du temps d’investigation et la complexification de la procédure pénale

d. Un déficit d’encadrement intermédiaire qui nuit à l’efficacité des enquêtes

e. Une spécialisation et des compétences techniques particulières peu valorisées

2. De récents efforts de revalorisation de la filière judiciaire…

a. Une revalorisation de la prime d’officier de police judiciaire et un avancement de carrière accéléré pour les enquêteurs

b. L’intégration d’une formation OPJ dès la formation initiale pour accroître le nombre total d’officiers dès 2023

c. Un recentrage des enquêteurs sur leur cœur de métier

3. … qui doivent être poursuivis et intensifiés

a. Valoriser les missions et responsabilité des chefs

b. Renforcer les efforts en matière de formations initiale et continue

c. Mieux valoriser l’expertise des enquêteurs

d. Offrir de meilleures conditions de travail et de vie aux agents

e. Mieux encadrer les personnels de la filière

f. Augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête

g. Un point d’alerte particulier : la gestion RH des gardiens de la paix dans la zone de défense Île-de-France

III. Une réforme de l’organisation centrale et territoriale de la police nationale est nécessaire, mais sa réussite dépendra de la prise en compte des inquiétudes qu’elle suscite

A. Une réforme nécessaire de l’organisation de l’ensemble de la police nationale conduisant à créer une filière unique de l’investigation

1. La mise en place des directions territoriales de la police nationale

2. Un projet de réorganisation nationale et territoriale de l’ensemble des métiers de la police nationale reposant d’abord sur la création de directions départementales

a. Une réforme en profondeur de la police nationale

b. La mise en place d’une filière police judiciaire

c. Une réforme qui ne devrait aboutir qu’en fin d’année 2023

B. alors que les expérimentations soulignent les avantages et révèlent les faiblesses des ddpn, leur généralisation soulève des craintes qui doivent être prises en compte

1. Un projet de réforme suscitant depuis plusieurs mois de nombreuses critiques auxquelles la LOPMI apporte de premières réponses

a. Une critique de la méthode : une concertation insuffisante

b. Des inquiétudes quant à la liberté du choix du service d’enquête

c. La crainte d’une mutualisation des moyens de l’ancienne « PJ » au bénéfice de la délinquance du quotidien

d. Le cadre départemental comme échelon souvent inadapté pour le traitement de la délinquance

e. Le risque d’atteinte à la protection du secret de l’instruction

f. Un projet de réforme alternatif défendu par votre rapporteur : une filière judiciaire unique et distincte du reste de l’activité policière, rattachée à l’autorité judiciaire

2. Un premier bilan incomplet des expérimentations en métropole et dans les territoires d’outre-mer

a. Des directions territoriales de la police nationale dans les collectivités ultramarines

b. Des directions départementales de police nationale « préfiguratrices » dans huit départements métropolitains

3. Poursuivre l’évaluation parlementaire sur une temporalité plus longue

IV. Conclusions

A. Conclusion de M. Ugo Bernalicis

B. Conclusion de Mme Marie Guévenoux

Travaux de la commission

Synthèse des recommandations

Personnes entendues

Déplacements

 

 


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Mesdames, Messieurs,

Tout au long du XIXème siècle, la technicisation de la délinquance, plus mobile et mieux organisée, met régulièrement en échec les forces de l’ordre ; certaines affaires, très médiatisées, marquent l’opinion publique et questionnent les facultés de la police à venir à bout de cette nouvelle forme de criminalité organisée. En effet, au tournant du siècle, la France n’est pas encore dotée d’une police judiciaire et les investigations relèvent exclusivement des prérogatives du juge d’instruction.

Ce constat conduit le président du Conseil et ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau, à créer en 1907 la première police judiciaire, les douze brigades régionales de police mobile, dites « brigades du Tigre », chargées de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits. Expérimentés et investis d’une compétence étendue, les enquêteurs de ces brigades se consacrent exclusivement à leurs missions de police judiciaire et présentent rapidement des résultats qui fonderont par la suite la tradition d’excellence de cette filière.

Les missions de police judiciaire se développent ensuite en 1949 au sein de la gendarmerie nationale pour couvrir les besoins dans le secteur rural qui lui est dévolu. Il faudra attendre 1995 pour avoir un nouveau changement majeur au sein de la police nationale avec la suppression du corps des enquêteurs et des officiers de police judiciaire, et la possibilité pour tous les gardiens de la paix d’acquérir l’habilitation d’officier de police judiciaire, quelle que soit la direction d’emploi.

Le terme de « police judiciaire » fait ainsi référence, dans sa formulation la plus commune, aux services d’enquête traitant des affaires les plus graves relevant du haut du spectre de la délinquance, par opposition aux infractions de moindre importance.

Dans un sens plus large, la police judiciaire renvoie, en revanche, à l’ensemble des services d’enquête de la police et de la gendarmerie chargés de la conduite d’investigations pénales, quel que soit le degré de gravité de l’infraction. Ces missions sont ainsi, s’agissant de la police nationale, remplies par des fonctionnaires relevant de plusieurs directions centrales, fonctionnant en silos –dont le caractère problématique est nuancé par les opposants à la réforme : la police judiciaire, mais également la sécurité publique dans le cadre des sûretés départementales et urbaines, la police aux frontières pour les contentieux relatifs à l’immigration irrégulière, ainsi que la direction générale de la sécurité intérieure en matière de lutte contre le terrorisme.

Le Livre blanc de la sécurité intérieure, publié en 2020, pose un regard critique sur ce fonctionnement, en particulier sur la dispersion des missions judiciaires entre plusieurs directions, qu’il estime nuisible à la fois à la lisibilité de l’action policière et à son efficacité. Il invite ainsi à « mener à bien une réforme ambitieuse et profonde de la gouvernance de la police nationale ».

Si le ministère de l’Intérieur s’était déjà engagé dans cette démarche avec la création des directions territoriales de la police nationale dans les collectivités ultramarines en 2019, les conclusions du Livre blanc se sont ensuite traduites, pour les départements métropolitains, par une série d’expérimentations engagées en 2021 et en 2022.

Celles-ci visent à mettre en place une unicité de commandement, tout en déconcentrant et en décloisonnant les services. Des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) préfigurateurs sont chargés, dans chacun des huit départements expérimentateurs, de conduire l’ensemble des forces de police, rassemblées dans quatre filières métiers : sécurité publique, renseignement territorial, frontière et immigration et police judiciaire, complétées par une filière ressources humaines et fonctions support.

Ce projet de réforme s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par une profonde désaffection des activités judiciaires – notamment dans les services d’enquête de la sécurité publique – que de récentes mesures de revalorisation tendent à corriger, avec un succès pour l’heure modéré.

En septembre 2021, l’annonce de la généralisation des DDPN par le Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité, puis l’accélération de la mise en œuvre de la réforme dans la seconde partie de l’année 2022, ont contribué à cristalliser certaines craintes tenant à un affaiblissement de la police judiciaire, dont les effectifs sont censés fusionner avec ceux des enquêteurs de la direction centrale de la sécurité publique, dans le cadre d’une filière police judiciaire unifiée.

Ces inquiétudes ont conduit la commission des Lois à créer, à la demande de votre rapporteur, M. Ugo Bernalicis, une mission d’information portant sur « la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale ». Avec votre rapporteure, Mme Marie Guévenoux, la mission d’information a ainsi réalisé une trentaine d’auditions – pour une large partie, filmées et relayées par les journalistes –, et s’est déplacée dans trois départements préfigurateurs, ce qui lui a permis d’entendre plus de 120 personnes.

Tout au long de ses travaux, elle a cherché à mieux cerner les contours du projet de réforme, son bilan dans les territoires où elle est expérimentée, les raisons justifiant les critiques et inquiétudes exprimées, ainsi que les solutions qui peuvent être apportées pour garantir une mise en œuvre harmonieuse de la réorganisation dans l’ensemble des départements.

Au terme de quatre mois de travaux, la mission d’information formule 42 recommandations. Si vos rapporteurs n’en partagent pas l’ensemble, elles ont en commun la volonté de renforcer la filière judiciaire et de lui donner les moyens de réaliser ses missions, quelles que soient les modalités de la réforme finalement retenues.

I.   La police judiciaire : un ensemble de services placés sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

La police judiciaire correspond à une mission : elle est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte ». Lorsqu’une information judiciaire est ouverte, la police judiciaire « exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions » ([2]). Pour réaliser cette mission, la police judiciaire est exercée par des agents et des fonctionnaires habilités : officiers de police judiciaire, agents de police judiciaire, agents de police judiciaire adjoints, ainsi que certains fonctionnaires habilités par la loi ([3]). Le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent ces différents agents et fonctionnaires de police judiciaire, qui sont alors chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou de leurs commissions rogatoires.

Pour appréhender le fonctionnement de la police judiciaire, il convient dès lors de cerner, d’une part, les services chargés de l’exercice de cette mission et, d’autre part, les différents agents de police judiciaire chargés, au sein de chacun de ces services, de l’exercice de cette mission placée sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire.

A.   L’organisation des services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationaleS

Au sein de la police nationale, différents services centraux et territoriaux disposent de fonctionnaires habilités à mener des enquêtes judiciaires. La plupart d’entre eux sont employés par la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) et la préfecture de police de Paris. Ces entités sont organisées de façon distincte et cloisonnée, la « police judiciaire » au sein de la DCPJ bénéficiant ainsi d’une direction et d’une chaîne de commandement différentes de celle de la sécurité publique.

Au sein de la gendarmerie nationale, il n’existe pas de spécialisation des tâches de police judiciaire, mais une polyvalence des unités de base. Les brigades territoriales autonomes (BTA) et les communautés de brigades (COB) sont responsables du traitement judiciaire de la délinquance, mais également de la sécurité publique. Comme l’a précisé la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) à vos rapporteurs, « tout gendarme est amené à faire des patrouilles de nuit et de la police judiciaire » ([4]). Ces unités peuvent recevoir, pour les opérations plus complexes, le soutien d’unités plus spécialisées que sont les brigades de recherche implantées à l’échelon de l’arrondissement, et les sections de recherche à l’échelon régional.

1.   La direction centrale de la sécurité publique est le principal service d’investigation généraliste de la police nationale

La direction centrale de la sécurité publique (DCSP) est une composante de la direction générale de la police nationale (DGPN) du ministère de l’Intérieur. Elle est une direction généraliste et la plus grande direction active de la police nationale avec 65 000 agents, dont 14 900 sont affectés à la filière judiciaire et 9 700 sont officiers de police judiciaire, répartis dans 92 directions départementales de la sécurité publique (DDSP) et 280 circonscriptions de sécurité publique.

Cette direction comprend 300 services d’investigation, se composant de 9 sûretés départementales autonomes compétentes sur le ressort de leur DDSP et de 291 sûretés départementales (SD) ou urbaines (SU) ([5]).

La DCSP, dans ses compétences de police judiciaire, a prioritairement pour mission la lutte contre la moyenne et la petite délinquance et, plus particulièrement, la délinquance de voie publique, les violences contre les personnes, les violences urbaines, ainsi que la lutte contre le trafic local de stupéfiants. Elle traite ainsi 95 % de la délinquance constatée par la police nationale, une large partie des faits relevant de la criminalité organisée : 59 % des affaires de grande criminalité pour la DCSP contre 8 % pour la DCPJ et 29 % pour la préfecture de police ([6]).

Elle comprend en particulier une sous-direction des missions de sécurité, qui « élabore et met en œuvre la doctrine d’emploi des services de sécurité publique en matière de police judiciaire et administrative, d’ordre public et de police générale, d’action préventive et d’aide aux victimes, de protection des jeunes et des personnes vulnérables » ([7]). Au-delà de cette mission de sécurité, elle comprend un état-major, le service central du renseignement territorial, une sous-direction des ressources humaines et de la logistique, ainsi qu’une sous-direction des audits et du contrôle interne.

Elle fait l’objet d’une organisation déconcentrée ([8]), l’architecture de ses services territoriaux se déclinant en trois niveaux.

● Dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction zonale de la sécurité publique

La zone est un échelon de déconcentration du pilotage de la DCSP. Cet échelon permet d’assurer la coordination des stratégies et la cohérence des réponses apportées aux risques à traiter, la circulation de l’information opérationnelle, l’animation et la mutualisation des moyens matériels et humains, le renforcement de la professionnalisation des services et des personnels.

Le directeur de zone réalise ainsi une mission de conception, de coordination, d’orientation et de contrôle à l’égard des directions départementales situées dans le ressort de la zone de défense ; il est l’interlocuteur des responsables zonaux des autres directions de police (police aux frontières, police judiciaire, etc.), représente la DCSP auprès de l’autorité judiciaire et agit en concertation étroite avec les procureurs généraux pour la mise en œuvre des politiques de sécurité intérieure qui comportent une dimension judiciaire.

 

Les zones de défense et de sécurité

Créées en 1959, les zones de défense et de sécurité – sept en France métropolitaine, cinq en outre-mer – ont pour objet de renforcer les capacités de l’État à assurer la sécurité sur le territoire, dans le cadre d’une zone élargie.

Elles sont dirigées par le préfet de région du siège de la zone. Celui-ci est chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de diriger les administrations civiles de l’État afin :

– d’élaborer des mesures non militaires de défense, ainsi que la coopération avec l’autorité militaire ;

– de coordonner les moyens de sécurité civile dans la zone ;

– d’administrer et de mutualiser un certain nombre de moyens de la police et de la gendarmerie nationales ;

– de préparer et gérer les crises.

 

Les sept zones de défense et de sécurité métropolitaines

Nom

Siège

Ressort territorial

Paris

Paris

Île-de-France

Nord

Lille

Hauts-de-France

Ouest

Rennes

Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Normandie, Pays de la Loire

Sud-Ouest

Bordeaux

Nouvelle Aquitaine

Sud

Marseille

Corse, Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d'Azur

Sud-Est

Lyon

Auvergne-Rhône-Alpes

Est

Metz

Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté

 

● Dans chaque département, une direction départementale de la sécurité publique ([9])

La DDSP est le niveau territorial opérationnel pour l’exercice des missions de sécurité quotidienne. En fonction de critères géographiques et sociologiques, elle peut être subdivisée en circonscriptions de sécurité publique.

Le directeur départemental (DDSP) exerce son autorité sur l’ensemble des services de sécurité publique et sur les personnels qui y sont affectés. Il pourvoit, sous la seule direction de l’autorité judiciaire, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité.

Dans chaque DDSP, la filière investigation est placée sous un pilotage unique. Son animation est confiée au chef de la sûreté départementale (SD) ou de la sûreté urbaine (SU) du siège de la DDSP, qui se voit confier la fonction d’adjoint au DDSP chargé de l’investigation (ADCI).

Les DDSP de grande envergure comprennent une sûreté départementale (SD) autonome, principalement en Île-de-France et dans les départements de France les plus peuplés, qui constitue l’un des maillons essentiels de l’organisation de la mission de police judiciaire dans le ressort des DDSP. Elle leur permet d’organiser la complémentarité de l’action des effectifs chargés des enquêtes judiciaires et le décloisonnement des services d’investigation territorialisés au sein des circonscriptions.

En conséquence, la SD est plus particulièrement chargée des affaires graves, complexes ou communes à plusieurs circonscriptions, notamment en raison de la mobilité des délinquants ou de l’ampleur de leur spectre de délinquance. Les missions spécifiquement dévolues à la sûreté départementale sont notamment un rôle de coordination et d’animation des investigations judiciaires du département, ainsi qu’un rôle de renfort ou d’appui des circonscriptions pour des affaires particulières. Les SD assurent également le traitement de l’information opérationnelle, la synthèse, l’analyse et le recoupement de l’information judiciaire au niveau départemental.

En fonction de son importance, la SD peut être constituée d’unités spécialisées sur les thématiques les plus prégnantes du territoire (atteintes aux biens, aux personnes, protection de la famille, lutte contre les stupéfiants et l’économie souterraine).

● Dans chaque direction départementale de la sécurité publique, plusieurs circonscriptions de sécurité publique (CSP) comptant pour chacune d’elles un commissariat ou hôtel de police et des postes de police satellites.

Les circonscriptions de sécurité publique contiennent généralement un service de voie publique qui a pour mission principale de préserver ou de rétablir la sécurité et l’ordre publics, mais aussi une sûreté urbaine (SU) qui est chargée des missions d’investigation judiciaire généralistes sur le ressort de la CSP.

Les sûretés urbaines traitent l’ensemble des enquêtes judiciaires de chaque circonscription. Elles sont composées de groupes d’appui judiciaire (GAJ) et d’unités d’enquête.

Les GAJ assurent la prise de plainte et le traitement judiciaire en temps réel et dans l’urgence, qui concerne des infractions de moindre gravité relevant du premier niveau. Les unités d’enquête sont des unités généralistes dans les circonscriptions de taille restreinte. Dans les plus importantes et au fort niveau d’activité judiciaire, elles sont spécialisées par thématique de délinquance : unité des atteintes aux personnes (UAP) dans laquelle se trouvent les groupes en charge de la protection de la famille (GPF) prenant en charge le traitement des violences intrafamiliales, unité des atteintes aux biens (UAB) s’occupant notamment des vols avec violence et des cambriolages, unité en charge de la lutte contre les stupéfiants et l’économie souterraine (USES) en charge également de la lutte contre le proxénétisme, unité d’enquête générale pour les infractions diverses (traitement des procédures financières, administratives, des délégations judiciaires du parquet...).

Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’exercice des missions de police judiciaire, « les directions départementales de la sécurité publique sont placées sous l’autorité des préfets de département (…) et les directions zonales de la sécurité publique sous celle du préfet de zone de défense et de sécurité et des préfets de département » ([10]).

 

Source : Direction centrale de la sécurité publique.

2.   La direction centrale de la police judiciaire est un service d’investigation spécialisé au sein de la police nationale

La direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), communément surnommée « PJ », est une composante active de la DGPN. C’est une direction qui concourt spécifiquement à l’exercice de la police judiciaire. Elle est composée de 5 518 agents ([11]), dont 3 700 enquêteurs répartis dans des services centraux et territoriaux, qui représentent 3,6 % des effectifs totaux de la police nationale.

Elle a pour mission la prévention et la répression des formes spécialisées, organisées ou transnationales de la délinquance et de la criminalité. Son action porte sur les menaces criminelles les plus fortes, notamment liées au terrorisme et aux violences extrêmes, au trafic de stupéfiants, à la criminalité organisée, aux atteintes graves aux personnes, à la délinquance financière et à la cybercriminalité. Elle est compétente sur l’ensemble du territoire, tant en zone police qu’en zone gendarmerie ainsi que sur le ressort de la préfecture de police.

Plus précisément, la DCPJ est chargée, à l’échelon national et territorial, « de conduire et de coordonner les investigations et les recherches » et de mettre « en œuvre, pour l’ensemble des directions et services actifs de la police nationale et pour les autorités judiciaires et administratives, des moyens de police technique et de documentation opérationnelle d’aide aux investigations et aux recherches » ([12]).

La direction conduit également plusieurs missions au service d’autres directions centrales :

– assurer la représentation de la police nationale dans les instances internationales et gérer l’ensemble des outils français consacrés à la coopération policière internationale (Interpol, Europol et Schengen) au profit des services de police et de la gendarmerie ;

– délivrer des prestations d’aide à l’enquête au bénéfice de tous les services d’investigation (mise en œuvre des techniques spéciales d’enquête par le service interministériel d’assistance technique) ;

– élaborer l’état de la menace et assurer la détection des nouveaux phénomènes, des modes opératoires, ainsi que des groupes criminels sur le territoire national pour éclairer les autorités judiciaires et administratives dans leur prise de décision ;

– moderniser les outils de l’investigation au profit de tous les services d’enquête (création de la plateforme Thésée en matière d’escroquerie sur internet, par exemple).

La DCPJ coordonne l’activité des offices centraux de la police judiciaire, de la police aux frontières et de la gendarmerie nationale, ainsi que l’action des groupes interministériels de recherche (GIR) ([13]) situés en zone police. Les offices sont, chacun dans leur domaine d’expertise, chargés du pilotage d’un plan d’action national engageant l’ensemble des forces de sécurité intérieure : lutte contre les stupéfiants, cybercriminalité, terrorisme, etc. Ces mêmes offices participent à la conception de modules pédagogiques sur le traitement des contentieux liés à la cybercriminalité, aux violences sexuelles sur mineurs, au trafic de stupéfiants, à la criminalité organisée et au domaine économique et financier.

La direction comprend un état-major chargé notamment de la centralisation et de la diffusion de l’information opérationnelle ainsi que de l’élaboration de la doctrine et de la stratégie, avec le concours des offices. Elle est composée de neuf sous-entités ayant chacune des missions spécifiques.

Organigramme des services centraux de la direction
centrale de la police judiciaire

Source : site du ministère de l’Intérieur et des outre-mer (direction centrale de la police judiciaire).

Parmi ces entités, la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée (SDLCO) est chargée de la prévention et de la répression de la criminalité et de la délinquance spécialisées. Elle comprend en particulier l’Office central pour la répression du faux-monnayage, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, l’Office central de lutte contre le crime organisé et l’Office central pour la répression des violences aux personnes. Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs annoncé la création d’un Office central de lutte contre les violences faites aux mineurs. La sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF) comprend l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales et l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. La sous-direction du pilotage et des ressources (SDPR) élabore, coordonne et met en œuvre la politique des ressources humaines de la DCPJ. Elle mène des actions de management et de formations professionnelles adaptées aux missions et aux enjeux de la police judiciaire. Enfin, l’Office anti-stupéfiants (OFAST) est compétent en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.

Les offices centraux de police judiciaire

Les offices centraux de la police judiciaire sont des services d’investigation à compétence nationale disposant de moyens et de compétences dédiés à la lutte contre des formes spécifiques de criminalité. Il en existe 14, énumérés à l’article D. 8‑1 du code de procédure pénale.

Ces offices centralisent l’information opérationnelle, coordonnent les actions menées sur tout le territoire par les services de police judiciaire et fournissent une assistance technique dans leur domaine d’expertise sur les dossiers ou objectifs sensibles. Ils sont également chargés de traiter les affaires judiciaires les plus complexes dans leur domaine de compétence et de proposer des évolutions juridiques en droit interne, européen, voire international. Ils constituent les interlocuteurs privilégiés des juridictions spécialisées de l’autorité judiciaire.

La police nationale compte dix offices centraux. Parmi eux, neuf offices relèvent de la DCPJ : l’office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) ; l’office anti-stupéfiants (OFAST) ; l’office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETH) ; l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) ; l’office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) ; l’office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) ; l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) ; l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ; l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), qui devrait sous peu devenir l’office anti-cybercriminalité. Un office est rattaché à la DCPAF : l’office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) ([14]). La création d’un onzième office central de lutte contre les violences faîtes aux mineurs rattaché à la DCPJ a été annoncée par le ministre de l’Intérieur le 18 octobre 2022.

La gendarmerie compte quatre offices dotés de missions de police judiciaire : l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) ; l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) ; l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) ; l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH).

L’OFAST occupe une place particulière parmi les offices centraux. Désigné chef de file de la lutte contre les trafics de stupéfiants, il a vocation à coordonner l’action des différents ministères dans ce domaine (police, gendarmerie, douane, autorité judiciaire, administration pénitentiaire et finances publiques). Il dispose en outre de 14 antennes et de 10 détachements répartis sur les bassins de criminalité pour coordonner les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) qui assurent un rôle stratégique dans leur ressort territorial de compétence. À l’OCLCO est rattaché un réseau de brigades de recherche et d’intervention ([15]), chaque brigade dépendant hiérarchiquement de la direction zonale de police judiciaire de son ressort d’implantation. Comme les offices ont pu le préciser à vos rapporteurs, outre les missions propres à l’OCLCO, les BRI interviennent fréquemment en soutien des autres offices et des services territoriaux de police judiciaire.

La DCPJ dispose d’implantations sur tout le territoire national à travers 7 directions zonales ou régionales de police judiciaire (6 directions zonales de police judiciaire – DZPJ – et 1 direction régionale de police judiciaire – DRPJ – à Versailles), 18 directions territoriales de police judiciaire (DTPJ) implantées dans certains sièges de région et 34 services de police judiciaire implantés dans certains sièges de départements ([16]). L’ensemble des services territoriaux de police judiciaire dispose d’une compétence judiciaire zonale – voire nationale pour les antennes et détachements de l’OFAST. Toutefois, leur ressort d’action est de nature régionale pour les DTPJ et de nature départementale pour les SPJ – dont 19 ont une compétence monodépartementale.

Une DZPJ regroupe plusieurs DTPJ, auxquels sont rattachés un ou plusieurs services de police judiciaire. Ces derniers conduisent généralement des enquêtes moins longues et complexes que les services centraux ou les DTPJ.

Le directeur zonal de police judiciaire exerce une autorité hiérarchique sur les directeurs territoriaux de police judiciaire et sur les chefs des services de police judiciaire de son ressort. Au contraire des directions zonales de sécurité publique (DZSP) et des DDSP, les DZPJ et le DTPJ ne sont pas placées sous l’autorité du préfet de région et de département, mais répondent à une chaîne hiérarchique spécifique sous l’autorité de la DCPJ.

Dans les collectivités ultramarines, il existe également depuis 2020 (pour la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et la Guyane) et 2022 (pour la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Polynésie française), 7 directions territoriales de la police nationale (DTPN), comprenant un service territorial de police judiciaire ([17]). Il est d’ailleurs précisé que, dans ce cas, et sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’exercice des missions de police judiciaire, le directeur territorial de la police nationale est placé sous l’autorité du préfet de département. Il pourvoit, sous la seule direction de l’autorité judiciaire, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité ([18]). Les DTPN sont « composées d’un état-major, d’un service territorial de sécurité publique, d’un service territorial de police aux frontières, d’un service territorial de police judiciaire, d’un service du renseignement territorial, d’un service territorial du recrutement et de la formation et d’un service territorial de gestion des ressources » ([19]).

Il convient également de souligner l’existence du service national de police scientifique, service à compétence nationale ([20]) fort de 1 245 agents, qui pilote l’ensemble de la police technique et scientifique de la police nationale, et les laboratoires de police scientifique qui concourent à l’efficacité de tous les services d’investigation, y compris sur le ressort de la préfecture de police. Il réalise tous les examens, constatations, expertises, recherches et analyses d’ordre scientifique qui lui sont demandés par l’autorité judiciaire ou les enquêteurs. Il est composé d’une direction, de sept délégations implantées dans chaque zone de défense et de sécurité, de cinq laboratoires de police scientifique organisés en réseau à Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, ainsi que de nombreux services de proximité.

L’organisation particulière de la préfecture de police

La préfecture de police, chargée des missions de sécurité et de paix publiques, est compétente à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ainsi que sur les emprises des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, du Bourget et de Paris-Orly ([21]).

Elle est composée de plusieurs directions actives placées sous l’autorité du préfet de police, en particulier la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), chargée de lutter contre la petite et moyenne délinquance, et composée de quatre directions territoriales de sécurité publique (DTSP), découpées en 15 districts, eux-mêmes composés de 79 circonscriptions de sécurité de proximité (CSP). Chaque DTSP comprend une sûreté territoriale chargée de l’exercice de missions de police judiciaire et du soutien aux CSP dans le domaine de l’investigation judiciaire et de la police scientifique et technique. Enfin, chaque CSP comprend un service de sécurisation de proximité (SSP) chargé de la sécurité générale et du secours à personne et un service de l’accueil et de l’investigation de proximité (SAIP) qui assure les missions de police judiciaire au quotidien, composé notamment d’une brigade des délégations et des enquêtes de proximité (BDEP).

La préfecture de police comprend également une direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), compétente à Paris et dans les trois départements périphériques, relevant du ressort des cours d’appel de Paris et de Versailles (pour les Hauts-de-Seine). Elle est chargée de lutter contre le terrorisme, la grande et moyenne délinquance, les organisations criminelles, le banditisme spécialisé et organisé, la criminalité économique et financière et la cybercriminalité. La DRPJ de Paris est composée de plusieurs services territoriaux, notamment de trois districts de police judiciaire dans la ville de Paris, de trois services départementaux de police judiciaire à Bobigny, Créteil et Nanterre, et de quatre groupes interministériels de recherche (un par département). La DRPJ est composée également de 14 brigades spécialisées (brigade criminelle, brigade de recherche et d’intervention, brigade de répression du banditisme, brigade de répression du proxénétisme, brigade de protection des mineurs, brigade des stupéfiants, brigade de répression de la délinquance astucieuse, etc.).

Aussi, à Paris et dans les départements limitrophes, la DSPAP et la DRPJ sont placées sous l’autorité commune du préfet de police, chargé des missions de sécurité et de paix publiques sur cet ensemble territorial.

Entre 2017 et 2021, le volume total des affaires traitées par la DCPJ a augmenté de 12,5 %. Le taux de résolution de ces affaires est, de manière constante, supérieur à 84 %, en hausse de 1,66 point sur cinq ans.

principaux indicateurs d’activité de la dcpj de 2017 à 2021

Charge de travail / activité

2017

2018

2019

2020

2021

Variation 2017/2021

Affaires traitées

8 496

8 721

8 930

8 989

9 557

+ 12,5 %

Faits traités

12 371

12 862

12 654

12 682

12 864

+ 4 %

Procédures établies

26 592

26 896

26 476

24 397

24 783

- 6,8 %

Personnes interpellées

6 629

6 851

6 835

6 494

6 875

+ 3,71 %

Gardes à vue

10 028

10 379

10 382

9 192

10 054

+ 0,3 %

Personnes déférées

5 999

6 625

6 580

5 854

6 300

+ 5 %

Avoirs criminels saisis
(en M€)

215,5

282,4

177

229,9

243,7

+ 13 %

Taux de résolution (en %)

84,3

86,4

87,8

87,3

86

+ 1,7 %

Source : direction centrale de la police judiciaire.

services centraux et territoriaux DE la direction
centrale de la police judiciaire

Note : la DRPJ de Versailles a pour services de police judiciaire Cergy, Melun, Meaux et Évry. Elle dispose aussi de services présents sur le ressort de la Préfecture de Paris : à Nanterre (la DCPJ et de nombreux services centraux), à Levallois-Perret et à Paris.

Source : direction centrale de la police judiciaire.

3.   La direction centrale de la police aux frontières dispose d’un service d’investigation judiciaire spécialisé en matière de lutte contre l’immigration irrégulière

La direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) est une direction de la police nationale spécialisée dans le contrôle aux frontières, la lutte contre l’immigration irrégulière et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ([22]). Composée de 10 563 agents au 1er octobre 2022, dont 8 635 policiers de tous grades, elle est organisée en une direction centrale à Paris et des services répartis dans les territoires.

Elle comprend notamment un état-major, une sous-direction des frontières, une sous-direction des ressources et une sous-direction de l’immigration et de l’éloignement à laquelle est rattaché l’office de lutte contre les trafics illicites de migrants (OLTIM), qui a remplacé l’ancien office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) depuis le début de l’année 2023 ([23]).

L’OLTIM a pour domaine de compétence la lutte contre le trafic illicite de migrants et, en particulier, les affaires liées à la répression des filières d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers sur le territoire national, le démantèlement des structures organisées employant des étrangers sans titre, le démantèlement des officines de faux documents liées à ces activités, ainsi que l’identification des flux financiers illicites générés par ces trafics et la saisie des avoirs criminels. Il coordonne et anime l’activité déployée en la matière par les unités d’investigation des services déconcentrés – les brigades mobiles de recherche (BMR).

Il est désigné chef de file au niveau national de la lutte contre les filières d’immigration clandestine et définit, à ce titre, un état de la menace, une doctrine et un plan national d’action. Il exerce une autorité sur les antennes et détachements de l’office implantés sur l’ensemble du territoire national.

L’office exerce ses missions en lien avec le ministère de la Justice, le ministère des Armées, le ministère chargé de l’Économie et des finances, le ministère chargé du Travail et les organismes sociaux compétents. Il fait ainsi travailler ensemble des policiers, des gendarmes et des fonctionnaires des douanes, de l’administration fiscale, mais aussi de l’inspection de l’URSSAF, du travail ou de la lutte contre le blanchiment d’argent. Un magistrat de liaison y sera également intégré prochainement.

Ses missions doivent s’articuler autour de quatre entités : le pôle pilotage territorial et soutien, qui assure la liaison et le pilotage national de la lutte contre les filières d'immigration irrégulière et la gestion des ressources ; le pôle opérationnel, composé de plusieurs groupes d’enquête spécialisés ; le pôle renseignement et international et le pôle stratégique.

La DCPAF étend son action sur l’ensemble du territoire national de métropole et d’outre-mer, grâce à un maillage territorial reposant sur les directions zonales, une direction de la police aux frontières des aérodromes parisiens, des directions interdépartementales et départementales de police aux frontières, des BMR (unités d’investigation de la DCPAF, dont la compétence est généralement zonale), des brigades de chemins de fer, des brigades de police aéronautique, des centres de rétention administrative et des unités d’éloignement ([24]).

Sur les dix premiers mois de l’année 2022, 227 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées par l’activité judiciaire des services de la DCPAF.

4.   La sous-direction de la police judiciaire coordonne l’ensemble des unités de gendarmerie qui remplissent des missions de police judiciaire

La sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la direction des opérations et de l’emploi est, au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), chargée de proposer la stratégie et la doctrine d’emploi de la gendarmerie pour l’exécution de la mission de police judiciaire. Elle anime et coordonne l’activité des unités et des organismes centraux de la gendarmerie en la matière. Cette sous-direction comprend notamment un bureau de la police judiciaire, ainsi que quatre offices centraux chargés de la coordination d’enquêtes de police judiciaire dans leurs domaines de compétence – les offices centraux de lutte contre la délinquance itinérante, contre les atteintes à l’environnement et à la sécurité publique, contre le travail illégal et contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine ([25]).

La sous-direction de la police judiciaire anime, suit et coordonne l’ensemble des unités de gendarmerie qui remplissent une mission de police judiciaire sous la direction et le contrôle des magistrats de l’ordre judiciaire. Au plus près du terrain, ces missions sont réalisées en premier lieu par les officiers et agents de police judiciaire au sein des brigades territoriales autonomes (BTA) et des communautés de brigades (COB). Selon la complexité de l’affaire, celles-ci peuvent ensuite bénéficier de l’appui des unités spécialisées que sont les sections de recherche et les sections d’appui judiciaire (au niveau du commandement de région), les brigades de recherche (au niveau de chaque compagnie), interlocutrices privilégiées des procureurs de la République, ainsi que les brigades départementales de renseignement et d’investigation judiciaire (généralement une brigade par groupement de gendarmerie départementale).

Toutes ces unités peuvent être appuyées par le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, qui comprend l’Institut de recherche criminel de la gendarmerie nationale (IRCGN), le service central de renseignement criminel (SCRC) et le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).

Arrêté du 20 juillet 2022 relatif à l’organisation et aux attributions des échelons de commandement de la gendarmerie nationale en métropole

En métropole, la gendarmerie nationale est organisée en treize régions de gendarmerie. La région de gendarmerie, organisme militaire à vocation opérationnelle, est une formation administrative placée sous l’autorité d’un commandant qui relève du directeur général de la gendarmerie nationale, sans préjudice des attributions du préfet en matière d’ordre public et de police administrative et du procureur de la République en matière de police judiciaire.

Les commandants de région de gendarmerie sont responsables de l’exécution de l’ensemble des missions de la gendarmerie nationale accomplies par les unités placées sous leur autorité à titre permanent ou temporaire. Sous la surveillance du procureur général et sous la direction des procureurs de la République, ils animent et coordonnent l’action des unités subordonnées dans l’exécution de la mission de police judiciaire. Pour l’exercice de la police judiciaire, ils disposent notamment d’une ou plusieurs sections de recherches, éventuellement assorties de détachements, et d’une section d’appui judiciaire, éventuellement assortie de détachements. Chaque commandant de région de gendarmerie dispose, pour l’exercice de ses attributions, d’un officier adjoint chargé de la police judiciaire.

Les commandants de groupement de gendarmerie départementale ont autorité sur les unités de gendarmerie départementale qui leur sont subordonnées. Ils assistent les préfets de département et les magistrats de l’ordre judiciaire pour tout ce qui concerne la participation de la gendarmerie aux missions qui leur sont respectivement dévolues. Pour l’exercice de ses attributions, le commandant de groupement de gendarmerie départementale dispose d’un officier adjoint chargé de la police judiciaire et d’une brigade départementale de renseignements et d’investigations judiciaires.

5.   L’organisation centrale en directions verticales pose la question du partage de l’information et de la coopération entre les différents services d’investigation

Actuellement, la police nationale (hors préfecture de police de Paris) est organisée en 11 directions centrales et services centraux – dont ceux chargés de missions de police judiciaire. Selon le directeur de la police nationale, M. Frédéric Veaux, « l’organisation actuelle [de ses services], avec des directions centrales assez autonomes et un fonctionnement très vertical, est peu adaptée et appelle un pilotage coordonné de chacun des métiers, un nécessaire décloisonnement et davantage de déconcentration pour travailler le plus possible autour de problématiques territoriales. » ([26]) 

Ainsi, l’exercice d’une même mission répartie entre plusieurs directions rend difficile voire impossible la conception d’une stratégie globale sur un territoire, en particulier pour la mission de police judiciaire. À cette organisation cloisonnée et difficilement lisible s’ajoute un mode de fonctionnement centralisé et vertical, les services déconcentrés ne rendant compte qu’à leur direction centrale respective. Dans ce contexte, les bases de données ne sont pas toutes communes ou interopérables, et chaque direction peut développer ses propres outils, ses propres priorités et des stratégies qui ne sont pas suffisamment partagées.

La coopération entre les différents services de police est régie par des dispositions du code de procédure pénale :

– l’article D. 2-1 du code de procédure pénale dispose par principe que « les officiers de police judiciaire des différents corps ou services entretiennent, à tous les échelons, des relations de coopération et d’aide réciproque, dans le respect des règles administratives et des procédures hiérarchiques en vigueur. »

– l’article D. 6 du même code dispose que, lorsqu’un acte d’enquête est susceptible d’entraîner un trouble à l’ordre public, les enquêteurs doivent, après avis donné au magistrat mandant, informer de leur intervention et par tout moyen le responsable de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en charge de la sécurité publique.

En pratique, cette collaboration prend essentiellement la forme de protocoles et de cellules de coopération.

a.   Le protocole cadre de répartition des compétences judiciaires du 20 décembre 2007 et ses déclinaisons territoriales

La répartition des missions de police judiciaire entre la DCSP et la DCPJ fait l’objet d’un protocole cadre, signé le 20 décembre 2007 par le directeur général de la police nationale et le directeur des affaires criminelles et des grâces.

Ce protocole rappelle le principe de libre choix du service d’enquête par les magistrats (voir infra), tout en établissant les principes généraux d’une répartition des compétences entre les deux directions selon deux critères principaux : la gravité des faits et la complexité des investigations à mener.

Un exemple de principe général de répartition : les atteintes aux personnes

Les homicides volontaires et tentatives d’homicides volontaires sont de la compétence de la police judiciaire, à l’exception :

– des procédures d’homicide ou de tentative d’homicide dont l’auteur est interpellé immédiatement ou identifié dès les premières investigations, sauf circonstances particulières ;

– des procédures de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner dont l’auteur est interpellé immédiatement, ou identifié dès les premières investigations, sauf circonstances particulières.

Pour ces exceptions, le service de police judiciaire territorialement compétent est avisé dans les meilleurs délais. Il peut dépêcher un officier de police judiciaire sur les lieux de l’infraction pour recueillir tous éléments utiles à des rapprochements opérationnels.

Les enlèvements et séquestrations de personnes sont de la compétence de la police judiciaire, à l’exception des enlèvements et séquestrations intervenant dans un contexte familial et dénués de dimension internationale, qui relèvent de la sécurité publique, sauf circonstances particulières.

Les disparitions de personnes dont le caractère inquiétant impose des investigations complexes ou la mise en œuvre d’actions spécifiques, telles que le plan Alerte-Enlèvement, sont de la compétence de la police judiciaire.

Les réseaux de proxénétisme organisés au niveau régional, national ou international sont de la compétence de la police judiciaire. Le proxénétisme local relève de la sécurité publique, sauf circonstances particulières.

Les infractions liées à la pédopornographie sont de la compétence de la police judiciaire lorsque l’enquête concerne des réseaux ou présente des ramifications internationales.

Les viols et les autres agressions sexuelles sont par principe de la compétence de la sécurité publique, y compris lorsqu’ils sont commis au préjudice d’un mineur, sous réserve de l’existence d’un service d’enquête adapté.

Ils relèvent de la compétence de la police judiciaire lorsqu’ils revêtent une particulière gravité, notamment lorsque le comportement de l’auteur laisse craindre une perspective sérielle, lorsque les faits impliquent une pluralité de victimes ou d’auteurs, ou lorsqu’ils sont commis avec tortures et actes de barbarie.

Les faits de violences et de maltraitances commis au préjudice d’un mineur relèvent de la compétence de la sécurité publique, sous réserve de l’existence d’un service d’enquête adapté et sauf circonstances particulières telles que visées supra (perspective sérielle, pluralité de victimes ou d’auteurs, tortures et actes de barbarie).

Les atteintes à la santé publique ou à la sécurité alimentaire d’une particulière gravité sont de la compétence de la police judiciaire, sans préjudice des attributions dévolues à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

Source : protocole du 20 décembre 2017

Ce protocole cadre a ensuite été décliné par des protocoles territoriaux afin de tenir compte des spécificités locales, en particulier de la composition de la délinquance et de l’organisation des services d’investigation sur le ressort territorial considéré. Il a été complété par la suite par d’autres protocoles similaires, le dernier en date étant entré en vigueur le 12 avril 2016.

Pour M. Frédéric Veaux, ces protocoles ont certes permis d’harmoniser les pratiques et de coordonner l’action des différents services, mais leur multiplication est « révélatrice de la faiblesse de l’organisation » de la police. La réorganisation de la police nationale doit ainsi permettre, selon l’équipe chargée de la mettre en œuvre au sein de la DGPN, de supprimer les protocoles de répartition des saisines entre la SP et la PJ.

Si l’organisation en silos est présentée comme un motif justifiant la mise en place d’une réforme de la police nationale par de nombreux auditionnés, notamment au sein du ministère de l’Intérieur, cet avis n’est néanmoins pas unanime : les représentants de l’Association nationale de la police judiciaire, ainsi que Mme Sophie Thomas, adjointe à la directrice territoriale de la police judiciaire de l’Hérault, entendus par vos rapporteurs, ont au contraire souligné qu’une telle organisation correspond à une valorisation des spécialités de certaines thématiques, et se décline d’ailleurs au sein du ministère de la Justice – notamment avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), le parquet national financier (PNF), ou le parquet national antiterroriste (PNAT). L’Association française des magistrats instructeurs a abondé dans le même sens. Selon elle, « la situation actuelle, si elle souffre d’un déficit évident de moyens humains, ne révèle pas de dysfonctionnements structurels dans la concertation entre services d’enquête. Les magistrats constatent au contraire que les services de police judiciaire savent identifier les procédures utiles à leurs enquêtes traitées par d’autres services, se rapprocher de ceux-ci et échanger dans le but d’avancer dans la recherche de la vérité. »

b.   L’instauration de cellules de coordination

La multiplication des cellules de coordination, telles que les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) et les groupes interministériels de recherche (GIR), traduit la volonté d’une plus grande coordination opérationnelle entre les services.

● Les groupes interministériels de recherche (GIR), anciennement groupes d’intervention régionaux, ont été créés par circulaire du 22 mai 2002 afin de lutter plus efficacement contre l’économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l’accompagnent.

Il s’agit d’une structure opérationnelle permanente, capable de mobiliser et de coordonner l’action de tous les services de l’État, en faisant travailler ensemble des policiers de la sécurité publique, de la police judiciaire, des renseignements généraux et de la police aux frontières, des gendarmes et des fonctionnaires des douanes, de l’administration fiscale, mais aussi de l’inspection de l’URSSAF, du travail ou de la répression des fraudes.

Les 37 GIR (21 GIR régionaux en métropole, 7 GIR en outremer et 9 GIR départementaux en Île-de-France et en Isère) sont susceptibles d’intervenir sur l’ensemble du territoire de la région, tant en zone de police que de gendarmerie, et agissent au plan judiciaire en étroite liaison et sous l’autorité du procureur de la République ou du juge d’instruction compétent. Ils sont administrativement rattachés aux directions territoriales de police judiciaire et aux sections de recherche de la gendarmerie, et conservent une compétence géographique régionale. La DCPJ assure, depuis 2008, la coordination nationale des GIR ([27]).

 Initialement expérimentées à Marseille à partir de 2015, les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) ont été, depuis lors, progressivement généralisées jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire national en 2021.

Ces cellules sont des structures de collecte et de partage de l’information aux fins de connaissance du trafic et de coordination de l’action des services qui réunissent la police nationale, la gendarmerie, les renseignements territoriaux, l’administration fiscale et les douanes. Elles assurent un partage simplifié des informations recueillies par ces différents services et la collecte de renseignements locaux, réalisée à partir d’une plateforme de signalement à destination du public.

Les 104 CROSS sont déployées sur l’ensemble des départements métropolitains et d’outre-mer, ainsi que dans trois collectivités ultramarines (Nouvelle-Calédonie, Saint Martin et Polynésie française). Parmi elles, une trentaine ont une activité permanente dans les territoires où le trafic est le plus important, tandis que les autres reposent sur des réunions régulières entre les services qui les composent. Par ailleurs, une CROSS portuaire, spécialisée dans la détection et le ciblage des conteneurs maritimes, et une CROSS aéroportuaire, ciblant la criminalité aéroportuaire ainsi que les complicités dans les sociétés de fret postal, ont été mises en place en 2021.

Les CROSS sont pilotées par l’OFAST à travers ses antennes territoriales, qui permettent d’assurer une remontée centralisée de l’information opérationnelle et d’élaborer un état de la menace dans chaque territoire.

L’OFAST et la DCPJ ont largement soutenu l’efficacité de ces structures dans la lutte contre le trafic de stupéfiants par l’amélioration de la qualité de l’information sur les trafics et de la coordination entre les services.

Votre rapporteur estime que ces structures de coopération devraient être placées sous la double autorité de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire, et être multipliées pour répondre aux grands enjeux de politique pénale.

Recommandation n° 1 de M. Ugo Bernalicis : placer les structures de coopération judiciaire opérationnelles de type CROSS et GIR sous la direction de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire. Multiplier les structures de coopération par une approche thématique.

La création en 2010 de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) ne permet pas de mutualiser pleinement l’ensemble des fonctions de soutien

La direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a été créée en 2010 par la fusion de la direction de l’administration et de la direction de la formation ([28]). Elle assure l’administration générale de la police nationale, et notamment la gestion des ressources humaines et des effectifs, l’élaboration, le suivi et l’exécution du budget de la police nationale, ou encore l’accompagnement des personnels par les réseaux de conseillers mobilité carrière, de conseillers parcours professionnels et de psychologues. Elle comprend quatre sous-directions : la sous-direction de l’administration des ressources humaines, la sous-direction de la prévention, de l’accompagnement et du soutien, la sous-direction des finances et du pilotage, et le secrétariat pour l’administration générale.

La DRCPN travaille en étroite collaboration avec les sept secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI)  ([29]) placés sous l’autorité des préfets des zones de défense et de sécurité, ainsi qu’avec les sept secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP) d’outre-mer compétents, dans leur ressort territorial, pour la gestion des personnels, des finances et des moyens logistiques. SGAMI et SGAP peuvent également assurer la préparation des budgets des unités de la gendarmerie et des services de police, le suivi de la mise en œuvre de ces budgets ainsi que la gestion des opérations immobilières.

Toutefois, réformée par arrêté du 27 décembre 2017 ([30]), la DRCPN n’assure plus la mission de recrutement et de formation des personnels de la police nationale. Ces tâches sont désormais dévolues à la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN), qui a pour missions de recruter par concours et de former les différents agents de la police nationale (formation initiale et continue), et d’assurer la professionnalisation de l’ensemble du réseau de formateurs. La DCRFPN s’organise en différents services ayant pour but de structurer et d’améliorer la formation des policiers. Elle est composée d’un état-major et de quatre sous-directions : la sous-direction du développement des compétences (SDDC), la sous-direction des méthodes et de l’appui (SDMA), la sous-direction des ressources et des moyens (SDRM) et la sous-direction du recrutement et des dispositifs promotionnels (CDRDP). Elle conçoit et assure enfin la formation initiale et continue des officiers de police judiciaire (OPJ) et la scolarité des personnels scientifiques de la police nationale.

La DCRFPN exerce la tutelle sur l’École nationale supérieure de la police et anime le réseau des directions zonales du recrutement et de la formation de la police nationale (DZRFPN). Elle dirige l’activité des centres nationaux de formation spécialisés, tels que le Centre national de formation des unités cynotechniques, le Centre national des techniques et de la sécurité en intervention, le Centre national de tir de la police nationale, le Centre national de formation motocycliste de la police nationale, et le Centre national de formation aux techniques de transmission.

Les DZRFPN ont pour mission de coordonner l’action des différentes structures de formation situées dans leur ressort de compétence territoriale, notamment les centres de formation de la police, les centres régionaux de formation et les écoles nationales de police. Elles sont également chargées de promouvoir, d’animer et de contrôler les politiques de recrutement et de formations initiale et continue de la police nationale.

La création de ces deux grandes directions transversales de soutien n’a toutefois pas conduit les directions centrales à renoncer à leurs propres sous-directions de gestion des ressources. Par exemple, la DCPJ dispose d’une sous-direction du pilotage des ressources qui élabore, coordonne et met en œuvre la politique des ressources humaines de la direction. Elle mène des actions de management et de formation professionnelle adaptées aux missions et aux enjeux de la police judiciaire. Elle élabore, suit et pilote les ressources budgétaires de la DCPJ. De la même manière, la DCSP dispose d’une sous-direction des ressources humaines et de la logistique, tandis que la DCPAF comprend une sous-direction des ressources.

Cette situation conduit à la présence de doublons de moyens et d’effectifs entre les différentes directions centrales, que la réforme de l’organisation de la police nationale doit résoudre par la création d’une grande direction des ressources humaines et du soutien (DRHS) qui deviendrait le seul interlocuteur en responsabilité au bénéfice des directions métiers, des territoires et des personnels.

B.   Les missions de police judiciaire sont exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

La loi confie l’exercice de la police judiciaire aux officiers de police judiciaire (OPJ), aux agents de police judiciaire (APJ) et aux agents de police judiciaire adjoints (APJA), ainsi qu’aux fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ([31]). Au sein du ministère de l’Intérieur, il s’agit exclusivement de fonctionnaires de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, investis de pouvoirs de police judiciaire et affectés au sein des services exerçant de telles missions.

Si ces agents sont, pour l’essentiel, soumis à l’autorité de ministre de l’Intérieur, ils agissent uniquement sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire, et plus particulièrement du procureur de la République ou du juge d’instruction.

1.   Les forces de police judiciaire sont rattachées au ministère de l’Intérieur, mais placées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

La police judiciaire est avant tout exercée par des agents désignés par la loi, qu’ils soient OPJ, APJ, APJA ou d’autres fonctionnaires habilités ([32]). Ces derniers exercent leurs missions sous la direction et la surveillance d’un magistrat responsable des investigations.

a.   Les officiers, agents et fonctionnaires de police judiciaire

● L’officier de police judiciaire (OPJ) dispose des pouvoirs de police judiciaire les plus étendus, notamment s’agissant des mesures privatives de liberté, comme la décision de prendre une mesure de garde à vue, ou encore s’agissant de mesures d’investigation, comme la possibilité de réaliser, dans le cadre d’une enquête de flagrance, des actes de constatation criminelle et des perquisitions.

De ce fait, l’attribution de la qualité d’OPJ est strictement encadrée par la loi, et nécessite généralement une formation spécifique (420 heures de formation pour les candidats titulaires), la réussite d’un examen technique d’OPJ, l’habilitation directe du procureur général et l’affectation à un emploi dans un service de police judiciaire. Elle est toutefois attribuée de droit aux maires et à leurs adjoints, aux inspecteurs généraux, aux sous-directeurs de police active, aux contrôleurs généraux, aux commissaires et aux officiers de police ([33]). En effet, les policiers du corps de commandement (CC) et du corps de conception et de direction (CCD) sont tous officiers de police judiciaire à l’issue de leur formation initiale ([34]).

En dehors de ces cas spécifiques, les militaires de la gendarmerie et les fonctionnaires de la police nationale ne peuvent être habilités à exercer les attributions attachées à la qualité d’OPJ qu’après la réussite de l’examen technique d’OPJ, et seulement s’ils sont affectés à un emploi comportant l’exercice de ces attributions et en vertu d’une habilitation personnelle du procureur général près la cour d’appel ([35]). La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) a remplacé la condition des trois ans de service qui prévalait jusque-là par une condition de trente mois de service à compter de l’entrée en formation initiale.

Il s’agit de mettre en place une formation initiale d’OPJ au sein des écoles de police et de gendarmerie et de permettre aux élèves concernés de se présenter à l’examen technique d’OPJ à l’issue de leurs 12 mois de formation en école, puis de leurs 12 mois de formation adaptée au premier emploi (FAPE). En cas de réussite à cet examen, ils devront ensuite exercer pendant au moins 6 mois un emploi comportant l’exercice des attributions attachées à leur qualité d’APJ, soit être à plus de 30 mois de service à compter de leur formation initiale, avant de pouvoir recevoir leur habilitation du procureur général.

Source : ministère de l’Intérieur

● Inversement, la qualité d’agent de police judiciaire (APJ) n’est pas conditionnée à une habilitation du procureur général. Elle est attribuée aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie n’ayant pas la qualité d’OPJ.

Les APJ ont pour mission de seconder dans l’exercice de leur fonction les OPJ, en se limitant strictement aux opérations qui leur sont prescrites et sans que puisse leur être délégué aucun des pouvoirs propres de l’OPJ chargé de l’enquête. De ce fait, les APJ bénéficient de pouvoirs de police judiciaire plus restreints que ceux que la loi confie aux OPJ : ils n’ont, par exemple, pas le pouvoir de décider des mesures de garde à vue. Ils ont toutefois compétence pour constater tous crimes, délits ou contraventions et pour en dresser procès-verbal. En outre, ils peuvent effectuer des enquêtes préliminaires soit d’office, soit sur instructions du procureur de la République ou de leurs chefs hiérarchiques. Dans le cadre d’une procédure de crime ou délit flagrant, ils ont qualité pour entendre les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause, mais seulement s’ils ont reçu des ordres à cet effet ([36]). Enfin, les APJ ont aussi pour mission d’assurer : l’exécution des mesures de contrainte contre les témoins défaillants ; les mandats d’amener, de dépôts, d’arrêts et des ordonnances de prise de corps ; les arrêts et les jugements de condamnation ; les contraintes judiciaires ([37]).

● La qualité d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) est réservée à l’ensemble des fonctionnaires des services actifs de police nationale ne remplissant pas les conditions précédentes, notamment les policiers adjoints et les membres de la réserve civile de la police nationale, les volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie ou dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ainsi que les agents de police municipale et les gardes champêtres. Ils ne disposent en réalité que de pouvoirs de police judiciaire limités, principalement restreints au recueil de renseignements, à la constatation des infractions par procès-verbal et à la réalisation de relevés d’identité.

Enfin, d’autres fonctionnaires et agents peuvent être chargés par la loi de certaines fonctions de police judiciaire. C’est le cas par exemple de certains agents des services de l’État chargés des forêts ([38]), des douanes ([39]), des services fiscaux ([40]), des inspecteurs de l’environnement ([41]) ou encore des gardes particuliers assermentés ([42]).

 


Qualité et principales prérogatives des opj, APJ et APJA

 

Officier de police judiciaire

Agent de police judiciaire

Agent de police judiciaire adjoint

Qualité

- maires et leurs adjoints

au sein de la police :

- directeur et sous-directeurs de la police judiciaire

- inspecteurs généraux

- sous-directeurs de police active

- commissaires de police

- certains gardiens de la paix comptant au moins trois ans de service

- sous certaines conditions, les OPJ retraités, pour cinq ans

au sein de la gendarmerie :

- directeur et sous-directeur

- officiers

- gradés

- certains gendarmes comptant au moins trois ans de service

- gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ

- gardiens de la paix

- retraités réservistes

- fonctionnaires des services actifs de police n’étant pas APJ

- volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie

- réservistes non APJ dans la gendarmerie

- policiers adjoints

- agents de surveillance de Paris

- réservistes volontaires non retraités de la police

- agents de la police municipale

- gardes champêtres, lorsqu’ils constatent certaines contraventions

Prérogatives

Constatation de tous types d’infraction

- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions

- constater les infractions à la loi pénale et recueillir tout renseignement en vue d’en découvrir les auteurs

- constatation de certaines infractions au code de la route

- gardes champêtres, policiers municipaux et agents de surveillance de Paris peuvent constater certaines infractions par procès-verbal ([43])

Tous les pouvoirs de police judiciaire :

- recevoir plaintes et dénonciations

- procéder aux enquêtes préliminaires et de flagrance

- Requérir le concours de la force publique

- accomplir les actes d’enquête

- décider des mesures les plus attentatoires aux libertés ([44])

- exercer une autorité hiérarchique sur les APJ et APJA

- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions

- dresser procès-verbal de la constatation des infractions

- recevoir par procès-verbal les déclarations de témoins

- exécuter les mesures de contrainte sur les témoins défaillants

- exécuter mandats d’amener, de dépôt, d’arrêt

- exécuter les ordonnances de prise de corps

- exécuter les arrêts et jugements de condamnation

- réaliser les actes d’enquête préliminaire et de flagrance non dévolus aux OPJ

Source : rapport n° 436 de M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2022.

Le statut des enquêteurs et l’organisation de la police judiciaire avant la réforme des corps et carrières de 1995

De 1972 à 1995, la police nationale était organisée en deux hiérarchies parallèles. Les fonctionnaires en tenue, chargés des missions de sécurité publique sur le terrain, étaient divisés en deux corps : les gardiens de la paix et gradés, et les commandants et officiers. Les fonctionnaires en civil, chargés des missions de police judiciaire, étaient divisés en trois corps : les enquêteurs, les inspecteurs et les commissaires. Chaque corps était ensuite divisé en grades. Ainsi, pour les inspecteurs : inspecteur, inspecteur principal, inspecteur divisionnaire puis chef inspecteur divisionnaire.

La distinction entre deux hiérarchies faisait toutefois l’objet de critiques pour les frictions qu’elle était réputée susciter. La loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité et ses textes d’application ont fusionné les chaînes hiérarchiques et remplacé les cinq corps qui les constituaient par trois corps réunissant l’ensemble de la police nationale : corps de maîtrise et d’application, corps de commandement et d’encadrement, corps de conception et de direction. Nonobstant des évolutions marginales, ces trois nouveaux corps correspondent aux trois corps actuels de la police nationale.

La réforme des corps et des carrières de la police nationale a conduit à plusieurs évolutions importantes :

– la suppression d’une chaîne hiérarchique autonome pour les fonctions d’investigation qui conduisait à ce que tous les cadres soient issus d’une carrière au sein du corps en civil. Le grade d’inspecteur principal, équivalent du grade de capitaine aujourd’hui, nécessitait l’obtention de la qualité d’officier de police judiciaire, laquelle n’était alors accessible qu’aux inspecteurs ayant au moins quatre ans d’ancienneté dans la fonction. L’enquêteur de police avait quant à lui la seule fonction d’adjoint de police judiciaire. La fusion des chaînes hiérarchiques par la réforme rend possibles les mouvements de carrière entre les anciens corps. Se constitue alors un corps d’officiers généralistes, n’ayant pas forcément eu d’expérience en investigation avant de commander des unités qui sont spécialisées dans ce domaine, et inversement ;

– la redéfinition des missions des différents corps a conduit à une modification de la proportion des effectifs : le nombre de commissaires et d’officiers devait diminuer en proportion de celui des gardiens de la paix ;

– l’unification des grades dans la hiérarchie, inspirés des conventions militaires. Il s’agit là de rapprocher la police de la gendarmerie dans l’esprit des administrés, cette dernière bénéficiant d’une popularité plus marquée dans l’opinion.

Plusieurs magistrats et policiers entendus par la mission d’information ont considéré que cette réforme avait contribué à affaiblir les services d’enquête. Pour M. François Molins, par exemple, cette dernière « a eu des conséquences très négatives dans les services de la sécurité publique, qui ont vu le désengagement des commissaires et de l’encadrement supérieur du domaine judiciaire. » Or, « dès lors que l’encadrement ne maîtrise plus lui-même la technique spécifique et les contraintes liées au suivi d’un dossier d’investigation, le risque est important qu’une logique purement managériale et budgétaire, déconnectée de la réalité, reprenne le dessus. » ([45])

Comme l’ont expliqué à vos rapporteurs les chercheurs entendus en table ronde par la mission d’information ([46]), ainsi que l’ancien préfet M. Ange Mancini, l’attachement à l’organisation antérieure du corps en civil pouvait être lié à des relations vécues comme moins hiérarchisées, fondées sur le respect pour la compétence et l’expérience des gradés, capables d’apporter une expertise en matière de procédure pénale et d’investigation. Par ailleurs, les possibilités de mobilité entre les nouveaux corps ont pu être perçues comme conduisant à une perte de savoir-faire et de professionnalisme pour la filière judiciaire. Les unités d’investigation voient en effet des policiers spécialisés et formés partir dans d’autres corps, à l’occasion d’une promotion qui leur est proposée, tandis que ces mêmes unités forment les policiers venus d’autres corps, qui ne souhaitent pas forcément passer tout le reste de leur carrière dans des services d’investigation.

b.   Des missions exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire

Les missions de police judiciaire conduites par les officiers, les agents et leurs adjoints, ainsi que les fonctionnaires de la police judiciaire sont exercées sous la direction et la supervision du procureur de la République. Le rôle de l’autorité judiciaire dans la direction et le contrôle de la police judiciaire a été consacré comme un principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises ([47]).

i.   Un principe constitutionnel décliné dans le code de procédure pénale

L’article 12 du code de procédure pénale confie ainsi au procureur de la République la direction de l’exercice de la police judiciaire et l’article 41 du même code dispose que « le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale » et « dirige l’activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal ». Dans ce cadre, « les officiers de police judiciaire, à l’occasion d’une enquête ou de l’exécution d’une commission rogatoire, ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire » et doivent « rendre compte de leurs diverses opérations à l’autorité judiciaire dont ils dépendent sans attendre la fin de leur mission » ([48]).

Pour permettre l’exercice de ce pouvoir de direction et de supervision, les OPJ sont tenus à une obligation d’information : l’article 19 du code de procédure pénale précise ainsi que « les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance » et doivent lui faire parvenir les « procès-verbaux qu’ils ont dressés ». L’article R. 2-17 du même code dispose en complément que « les officiers de police judiciaire doivent rendre compte de leurs diverses opérations à l’autorité judiciaire dont ils dépendent sans attendre la fin de leur mission ».

Dans la même logique, la surveillance et le contrôle de la police judiciaire sont confiés, dans chaque ressort de cour d’appel, au procureur général et à la chambre de l’instruction ([49]). Ils portent à la fois sur le contrôle de l’aptitude des agents à exercer leurs prérogatives de police judiciaire (habilitation du procureur de la République) et sur le respect des règles légales et déontologiques. Le procureur général dispose à ce titre d’un pouvoir disciplinaire lui permettant d’ordonner la suspension ou le retrait de l’habilitation des OPJ placés sous sa surveillance ([50]). Il peut aussi saisir la chambre de l’instruction de fautes commises par les officiers et agents de police judiciaire à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ([51]), celle-ci pouvant alors leur adresser des observations ou les suspendre de leurs activités judiciaires.

Enfin, le procureur général est chargé de procéder à la notation de l’activité de l’OPJ, qui fait l’objet d’une communication à l’autorité administrative ou militaire chargée d’établir les propositions d’avancement de ce dernier ([52]).

ii.   Une présence accrue du parquet dans les commissariats souhaitée par la mission d’information

Le contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire pourrait s’illustrer par une présence accrue du parquet dans les commissariats. Votre rapporteur recommande ainsi de réaliser une expérimentation permettant aux magistrats de contrôler in situ les opérations de police judiciaire qui y sont réalisées.

Recommandation n° 2 de M. Ugo Bernalicis : expérimenter la présence physique du parquet dans les commissariats afin de conduire l’enquête préliminaire et d’assurer le contrôle de l’action judiciaire, notamment au regard des libertés publiques.

En outre, votre rapporteur préconise plus largement d’accroître la présence physique du parquet dans ces mêmes lieux, à la fois pour améliorer la priorisation des affaires traitées par les services d’enquête et pour assurer un contrôle plus effectif de l’activité de ces services.

Recommandation n° 3 de M. Ugo Bernalicis : augmenter la présence physique du parquet dans les commissariats pour améliorer la priorisation des plaintes, ainsi que le contrôle effectif de l’activité de police judiciaire.

Votre rapporteure Mme Marie Guévenoux partage cette préoccupation, qui doit néanmoins prendre en compte la disponibilité des magistrats pour répondre à la charge nouvelle que représentent ces recommandations. Elle préconise plutôt de prévoir, en tenant compte de ces contraintes, des visites programmées ou aléatoires fréquentes dans les services, au titre des missions de direction de l’activité judiciaire et de contrôle des lieux de privation de liberté qui incombent aux magistrats.

Recommandation n° 4 de Mme Marie Guévenoux : prévoir, en tenant compte des moyens des parquets, des visites régulières programmées ou aléatoires du procureur de la République dans les services d’enquête :

– au titre de sa mission de direction de l’activité de police judiciaire, pour lui permettre de se réunir avec le chef de service et d’évoquer notamment ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale ;

– au titre de sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.

2.   La mission de police judiciaire se caractérise par l’importance du rôle du procureur de la République et du juge d’instruction

Le modèle français de justice pénale se caractérise notamment par l’importance de deux magistrats, chargés de diriger les enquêtes et de statuer sur les poursuites : le procureur de la République et le juge d’instruction.

● Le procureur de la République représente le ministère public devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire. Il est placé sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel et du Garde des Sceaux.

Présent au sein de chaque tribunal judiciaire, le procureur de la République intervient sur information des services de police, de gendarmerie, mais également des services de l’État ou à la suite d’une plainte d’un particulier, lorsqu’une infraction est commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel il exerce ses fonctions. Il a l’opportunité des poursuites dans le ressort territorial du tribunal judiciaire auquel il appartient et peut, s’il estime cette solution opportune, engager des poursuites lorsque l’infraction est établie. Plusieurs possibilités s’offrent à lui : classer l’affaire sans suite, notamment quand l’auteur de l’infraction n’est pas identifié ou est irresponsable ; préalablement à sa décision de déclencher l’action publique, il peut mettre en œuvre des mesures alternatives aux poursuites (rappel à la loi, composition pénale, mesure de réparation des dommages ou médiation pénale entre l’auteur des faits et la victime, orientation de l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle) ; en matière de contravention ou de délit, il peut renvoyer l’auteur devant un tribunal (tribunal pour enfant, juridiction de proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel) ; en matière de crime ou de délit complexe, il peut ouvrir une information par la saisine du juge d’instruction qui est alors chargé de l’enquête.

● Le juge d’instruction est un juge du tribunal judiciaire chargé d’ouvrir une information judiciaire à l’initiative du procureur de la République ou d’une victime (plainte avec constitution de partie civile de la victime). Le juge territorialement compétent est celui du lieu de commission de l’infraction, du lieu de résidence d’une des personnes soupçonnées, du lieu d’arrestation de la personne soupçonnée ou du lieu de détention.

Il a des pouvoirs d’enquête étendus pour chercher les preuves et les auteurs d’infractions, et doit instruire à charge et à décharge. Selon les résultats de l’enquête et les éléments de preuve recueillis, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu ou une ordonnance de renvoi devant le tribunal.

● La criminalité organisée et la délinquance spécialisée ayant pris une ampleur croissante, et n’étant pas limitées à l’échelle d’un tribunal judiciaire, le ministère de la Justice a fait évoluer son organisation en conséquence. Il existe ainsi des juridictions spécialisées composées de magistrats du parquet et de juges d’instruction, et bénéficiant du soutien de services spécialisés (douane, impôts, cotisations sociales).

Cette spécialisation se traduit ainsi par la création de la juridiction nationale spécialisée chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) au tribunal judiciaire de Paris, du parquet national financier (PNF) et du parquet national antiterroriste (PNAT), ces deux derniers étant placés sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris.

Elle a également donné lieu à la mise en place de juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), chargées d’enquêter sur les affaires présentant une grande complexité en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Les huit juridictions spécialisées créées par la loi du 9 mars 2004 ([53]) disposent d’une compétence territoriale interrégionale et sont implantées à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France. Elles peuvent autoriser les officiers de police judiciaire à utiliser des techniques spéciales d’enquête telles que des opérations d’infiltration, des interceptions des correspondances émises par la voie de télécommunication, des sonorisations et des fixations d’images de certains lieux ou véhicules, etc. Les JIRS renforcent ainsi l’action des magistrats face à la criminalité organisée, et contribuent à améliorer la coordination et la collaboration avec les services d’enquête spécialisés chargés de réaliser les investigations.

Toutefois, les moyens humains paraissent aujourd’hui sous-dimensionnés au sein des JIRS pour remplir pleinement leurs missions. Le rapport sur le traitement de la criminalité organisée et financière remis au Garde des Sceaux en juin 2019 ([54]) relevait déjà que « le système, qui a quinze ans, fonctionne de manière correcte mais trop artisanale. Il souffre d’une insuffisance de moyens techniques, mais surtout de ressources humaines en magistrats, greffiers et assistants spécialisés. »

Votre rapporteur préconise ainsi d’augmenter a minima de moitié le nombre de magistrats qui y travaillent.

Recommandation n° 5 de M. Ugo Bernalicis : augmenter au moins de moitié le nombre de magistrats dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

3.   Le principe fondamental du libre choix par le magistrat instructeur des différentes formations de police judiciaire

Le libre choix du service enquêteur découle du principe à valeur constitutionnelle selon lequel la police judiciaire est exercée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

a.   Le principe du libre choix du service d’enquête

L’article 12-1 du code de procédure pénale dispose que « le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire ». Le troisième alinéa de l’article D. 2 du même code dispose que « le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents qui seront chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires ». Même lorsqu’une enquête est provoquée par un enquêteur, le magistrat compétent « apprécie souverainement (…) s’il y a lieu de dessaisir l’officier de police judiciaire qui a commencé l’enquête ou de lui laisser poursuivre pour tout ou partie les investigations » ([55]).

La loi laisse donc au procureur de la République et au juge d’instruction le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers et agents de police judiciaire territorialement compétents qui sont chargés de l’exécution des actes de l’investigation.

La saisine d’un service d’enquête est ainsi, dans les faits, liée, d’une part, à la nature de l’infraction ou au traitement judiciaire des faits criminels ou délictuels sur un territoire donné (nature et gravité de l’infraction, complexité et technicité des investigations à mettre en œuvre, étendue de la zone territoriale concernée, gravité de l’affaire) et, d’autre part, à la réalité des moyens humains, matériels et techniques du service enquêteur dont la saisine est envisagée.

● Il existe principalement quatre niveaux de formation auxquels sont rattachés les officiers de police judiciaire de la police nationale :

– les offices centraux, à compétence judiciaire nationale voire internationale. Les autorités judiciaires habituelles de saisine de ces offices sont la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée de Paris (JUNALCO) et les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ;

– les directions zonales de police judiciaire et leurs services territoriaux, qui traitent les faits criminels graves (règlement de comptes, homicides ou viols par un auteur inconnu), les groupes criminels organisés agissant à l’échelle supra-départementale (réseaux spécialisés dans les stupéfiants, le proxénétisme ou le banditisme) ainsi que les affaires de droit commun considérées comme particulièrement sensibles (affaires de probité d’un élu, par exemple). Si les JIRS peuvent solliciter ces services pour les affaires relevant de la criminalité organisée ou complexe, ceux-ci sont le plus souvent saisis par les pôles criminels spécialisés des parquets ou les juges d’instruction des tribunaux judiciaires ;

– les directions départementales de sécurité publique disposent d’officiers de police judiciaire dans le cadre des sûretés départementales. Les directeurs départementaux de sécurité publique dont elles dépendent peuvent être saisis par les parquets ou les juridictions d’instruction du ou des tribunaux judiciaires dont le siège se trouve sur le département, pour les affaires criminelles ne relevant pas de la police judiciaire et ne dépassant pas les limites du département ;

– enfin, les sûretés urbaines des circonscriptions de sécurité publique sont saisies par les magistrats du ressort du tribunal judiciaire de rattachement pour les faits relevant de la délinquance du quotidien.

L’autorité judiciaire peut, en outre, solliciter la co-saisine d’une pluralité de services d’enquête, lorsque l’ampleur ou la technicité de l’affaire et des investigations qui doivent être menées pour la résoudre l’exigent. Ainsi, un office central peut, par exemple, être saisi par l’autorité judiciaire afin d’organiser l’appui opérationnel des services territoriaux de police judiciaire, en particulier pour les enquêtes visant des groupes criminels organisés d’envergure nationale voire internationale, ou pour les affaires criminelles les plus complexes.

● Par ailleurs, l’article R. 2-16 du code de procédure pénale précise que « les officiers de police judiciaire, à l’occasion d’une enquête ou de l’exécution d’une commission rogatoire, ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire dont ils dépendent ». La saisine d’un service par le magistrat dépend ainsi des services ou unités dans lesquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles et de la compétence territoriale de ces services, qui peut s’exercer soit sur l’ensemble du territoire national, soit sur tout ou partie d’une ou plusieurs zones de défense, soit sur l’ensemble d’un département ([56]).

De la compétence territoriale des services et unités de police judiciaire au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale
(articles R 15-18 à R 15-33 du code de procédure pénale)

La compétence territoriale des officiers de police judiciaire ne dépend pas d’un découpage judiciaire (cour d’appel, tribunaux de grande instance, tribunal judiciaire), mais d’un découpage administratif (territoire national, zone de défense, département).

Les services actifs de la police nationale ainsi que les services ou unités de la gendarmerie nationale, au sein desquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles et dont la compétence s’exerce sur l’ensemble du territoire national, sont notamment : la direction centrale de la police judiciaire et ses offices centraux ; la direction centrale de la police aux frontières ; l’inspection générale de la police nationale ; la direction générale de la sécurité intérieure ; le service national de police scientifique ; la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale ; l’inspection générale de la gendarmerie nationale ; les sections de recherches et la section d’appui judiciaire de la gendarmerie de l’air, des transports aériens, de l’armement, de la gendarmerie maritime et de Paris ; le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, etc. La liste des offices centraux de police judiciaire, qui ont par définition une compétence nationale, est fixée par l’article D. 8-1 du code de procédure pénale (OFAST, OLTIM, OCRGDF, OCLCO, OCLCIFF, etc.).

Les catégories de services dont la compétence s’exerce dans le ressort d’une ou plusieurs zones de défense ou parties de celles-ci sont notamment : les directions zonales de la police judiciaire, ainsi que leurs directions territoriales et services de police judiciaire, et les directions régionales de la police judiciaire ; au titre de la police aux frontières, les directions zonales, les directions interdépartementales ainsi que les brigades mobiles de recherche ; au titre de la sécurité publique, les circonscriptions de sécurité publique dont la compétence couvre plus d’un département ; au titre de la préfecture de police, la direction chargée des missions de sécurité et de paix publiques, ainsi que ses sûretés territoriales et ses circonscriptions de sécurité de proximité, dans les départements de l’agglomération parisienne ; les sections de recherches de la gendarmerie départementale et les sections d’appui judiciaire ; les brigades de la gendarmerie de l’air, des transports aériens, de l’armement, de la gendarmerie maritime ; les pelotons de gendarmerie de montagne et de haute montagne.

Les catégories de services dont la compétence s’exerce dans le ressort d’un département ou d’une collectivité ultramarine sont notamment : les directions départementales de la sécurité publique, les sûretés départementales et les circonscriptions de sécurité publique ; au titre de la police aux frontières, les directions départementales ainsi que les brigades mobiles de recherche rattachées au département ; les directions territoriales de la police nationale ainsi que leurs services territoriaux de police judiciaire ; les brigades de recherche de la gendarmerie nationale ; les brigades départementales de renseignements et d’investigations judiciaires de la gendarmerie nationale.

Il est néanmoins prévu, à titre dérogatoire, des possibilités de modification et d’extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire affectés dans ces services et unités. Ces derniers peuvent se transporter sur toute l’étendue du territoire national, pour y poursuivre leurs investigations et procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir informé le procureur de la République saisi de l’enquête ou le juge d’instruction. Dans ce cas, ils sont tenus d’être assistés d’un OPJ territorialement compétent lorsque le magistrat le décide et d’informer le procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel les investigations sont réalisées, sauf lorsque ces investigations sont réalisées dans un ressort limitrophe de celui dans lequel l’officier exerce ses fonctions. Les « agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles ainsi que dans celles où l’officier de police judiciaire responsable du service de la police nationale ou de l’unité de gendarmerie auprès duquel ils ont été nominativement mis à disposition temporaire exerce ses fonctions » ([57]) .

Lorsque les enquêteurs dépassent leur ressort habituel de compétence, leurs frais de déplacement sont imputables sur le budget de l’autorité de rattachement. La DCPJ met ensuite en œuvre un système de péréquation financière garantissant à toutes les structures territoriales de la police judiciaire de pouvoir mener à bien leurs missions, y compris en dehors du ressort de leurs agents.

Ainsi, le magistrat est invité à ne faire appel aux OPJ relevant directement de la DCPJ que « dans les cas de nécessité, en tenant compte des possibilités que procurent à l’officier de police judiciaire premier saisi sa rapidité d’intervention, ses sources d’information, sa connaissance de l’affaire et du milieu humain » ([58]). Le concours au niveau national peut se révéler indispensable lorsque la poursuite de l’enquête exige : soit une compétence technique particulière, notamment dans les domaines relevant des offices centraux, soit des investigations internationales.

La Conférence nationale des procureurs de la République a précisé à vos rapporteurs qu’en pratique, les commissariats de sécurité publique sont saisis de la quasi-totalité des enquêtes, tandis que les services de police judiciaire ne sont sollicités par les parquets qu’à titre exceptionnel : « à titre d’exemples, vont donner lieu à la saisine de la PJ, la plupart du temps : les infractions économiques et financières concernant des entreprises de grande complexité ; les infractions à la probité de grande complexité mettant en cause des élus ; les infractions fiscales de grande complexité ; les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées (importants dossiers d’infractions à la législation sur les stupéfiants, dossiers relatifs à des réseaux de proxénétisme de grande ampleur, importantes infractions à la législation sur les armes, vols à main armée impactant plusieurs ressorts et mettant en cause manifestement les mêmes auteurs, etc.) » ([59]). Cette répartition permet ainsi à la police judiciaire de disposer de davantage de temps pour mener ces investigations plus complexes.

b.   Des difficultés de choix du service d’enquête relevées par plusieurs magistrats auditionnés

Les magistrats entendus par vos rapporteurs se sont montrés critiques quant à l’étendue réelle de leur faculté de saisine du service enquêteur de leur choix, qui semble, dans la pratique, plus circonscrite qu’elle n’apparaît dans le code de procédure pénale.

À titre d’exemple, de nombreux magistrats ont fait état des difficultés qu’ils rencontrent pour saisir les sûretés départementales, en théorie compétentes sur l’ensemble du département de leur ressort, mais en pratique restant souvent cantonnées aux frontières de la ville du lieu où elles sont implantées. C’est notamment le cas de la sûreté départementale de l’Hérault, qui compte 33 000 procédures en stock et s’avère, très souvent, indisponible pour les saisines en dehors de la ville de Montpellier.

Les syndicats de magistrats ont également signalé que la saisine du service d’enquête de leur choix est souvent rendue difficile par l’obligation, dans les faits, de passer par le directeur départemental de la sécurité publique pour saisir les unités opérationnelles, celui‑ci étant, selon eux, en position d’imposer le service de son choix en invoquant sa maîtrise des moyens dont il a la charge.

Selon la Conférence nationale des procureurs de la République, les co-saisines PJ/SD sont en pratique assez rares, bien qu’elles favorisent généralement l’échange d’informations entre les enquêteurs, la PJ apportant son savoir-faire technique, tandis que la SD a une connaissance généralement très fine du terrain. Cette faiblesse – que vos rapporteurs ont pu constater dans l’Hérault à l’occasion de leur déplacement (voir infra) – pourrait être due au fait que « les circonscriptions de sécurité publique se sentent alors souvent considérées comme les sous-traitants des investigations délaissées par les enquêteurs de la PJ » ([60]).

Plus largement, les représentants de l’association française des magistrats instructeurs (AFMI) ont, au cours de leur audition, fait part à vos rapporteurs des difficultés rencontrées par les juges d’instruction pour trouver un service d’enquête qui « accepte » de traiter leurs dossiers dans un délai raisonnable, du fait d’un manque d’effectifs constaté dans la plupart des services d’investigation, en particulier en sécurité publique. Selon les chiffres transmis par l’AFMI, 95 % des juges d’instruction indiquent que leurs commissions rogatoires ne rentrent pas dans les délais et conditions attendus, en raison du manque de moyens des services d’enquête ([61]).

Par ailleurs, les services de police judiciaire et de sécurité publique se trouvent régulièrement en position de concurrence sur la saisine et le traitement des affaires judiciaires qui peuvent légitimement être revendiquées par l’une ou l’autre entité. Les magistrats peuvent également être confrontés à un conflit de compétence négative, lorsqu’aucun service d’enquête ne souhaite être saisi d’une affaire dont il estime qu’elle relève de la compétence d’un autre service. Certes, le code de procédure pénale permet déjà d’imposer au service d’enquête le traitement d’une affaire, mais le juge d’instruction prendrait alors le risque que les actes d’enquête qu’il sollicite ne soient jamais réalisés, ou pas dans des délais raisonnables.

Ces difficultés expliquent, pour partie, les réticences que manifestent les magistrats interrogés par vos rapporteurs sur les perspectives d’une réforme de la police nationale réalisée à moyens d’enquêteurs constants.

II.   Dans un contexte général d’augmentation des stocks de procédures, la filière judiciaire est confrontée à un manque d’attractivité malgré de récents efforts de revalorisation

Les débats sur l’organisation de la police nationale s’inscrivent dans un contexte particulier : celui de la persistance d’un stock important de procédures judiciaires, au détriment de la qualité du service public de la justice. Ce facteur contribue, parmi d’autres, à la désaffection des policiers – en particulier en sécurité publique – pour les enquêtes judiciaires, désaffection dont il a beaucoup été question au cours des auditions de la mission d’information. Pour répondre à cette difficulté, le Gouvernement a d’ores et déjà engagé plusieurs chantiers censés rendre, à terme, la filière investigation plus attractive.

A.   Le service public de la justice est fragilisé par un stock important de procédures et une baisse des taux d’élucidation

La question du stock de procédures en cours dans les services d’enquête et les tribunaux a été régulièrement abordée lors des auditions menées par vos rapporteurs. Elle représente, en effet, un facteur de démobilisation des enquêteurs et des magistrats ainsi qu’une source d’incompréhension et d’insatisfaction des victimes. Elle conduit, en outre, de nombreux magistrats à classer sans suite des procédures, en raison de l’absence d’investigations réalisées dans les délais de la prescription.

1.   La constitution et la persistance d’un stock important de procédures judiciaires non traitées au détriment du service public de la justice

a.   De fortes disparités entre la sécurité publique et les autres services d’enquête

Le volume global de la délinquance traité par les services de police de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a varié assez peu ces dernières années, avec une moyenne de 2,4 millions de faits enregistrés par an. Toutefois, au mois de juin 2022, le nombre total des procédures en portefeuille pour les services de la DCSP s’élevait à 1,5 million, soit une moyenne de 104 procédures par enquêteur, avec de fortes disparités entre départements :

– parmi les circonscriptions de sécurité publique (CSP) les plus en difficulté : les CSP de Beauvais (Oise), de Sedan (Ardennes), de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), de Massy-Palaiseau (Essonne) et d’Orléans (Loiret) comptent plus de 240 procédures par enquêteur ;

– parmi les circonscriptions de sécurité publique les moins en difficulté : les CSP de Conflans-en-Jarnisy (Meurthe-et-Moselle), de Lannion (Côtes d’Armor), de Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle), de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle et de Concarneau (Finistère) comptent moins de 20 procédures par enquêteur.

Les DIX Circonscriptions de sécurité publique ayant le nombre de procédures par enquêteur le plus élevé

 

Département

Circonscription de sécurité publique

Nombre de procédures

Nombre de procédures par enquêteur

Oise

Beauvais

11 189

260

Ardennes

Sedan

2 585

259

Lot-et-Garonne

Villeneuve-sur-Lot

4 631

257

Essonne

Massy-Palaiseau

21 216

244

Loiret

Orléans

26 129

242

Seine Maritime

Rouen

50 831

236

Val d'Oise

Sarcelles

19 136

231

Hérault

Sète

9 047

226

Drôme

Montélimar

4 939

225

Ille-et-Vilaine

Fougères

2 671

223

Source : données au 30 juin 2022 de la direction générale de la police nationale.

Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, la Conférence nationale des procureurs de la République a regretté que « cette situation [conduise] les magistrats et les chefs de services de la sécurité publique à faire quotidiennement des choix entre, d’une part, les procédures qui feront l’objet d’investigations et, d’autre part, celles qui attendront ou seront classées sans suite à défaut d’investigations permettant de tenter d’identifier les auteurs ou de caractériser les infractions commises ».

Nombre de procédures en Stock
par direction départementale de sécurité publique

(en nombre de procédures)

Source : données au 30 juin 2022 de la direction générale de la police nationale ; réalisation commission des Lois ; logiciel Observatoire des territoires.

 

Nombre de procédures en stock par enquêteur et
par direction départementale de sécurité publique

(en nombre de procédures par enquêteur)

Source : données au 30 juin 2022 de la direction générale de la police nationale ; réalisation commission des Lois ; logiciel Observatoire des territoires.

Ce fonctionnement dégradé ne se retrouve pas au sein des services judiciaires de la police aux frontières. La DCPAF a ainsi précisé à vos rapporteurs que les brigades mobiles de recherche (BMR), spécialisées dans une thématique particulière et souvent saisies d’initiative notamment dans la lutte contre les filières d’immigration illégale, n’ont généralement pas de stock de procédures en souffrance. D’une manière générale, chaque agent affecté en BMR dispose, en moyenne, d’une dizaine de dossiers en continu, sachant que les effectifs consacrés spécifiquement à la lutte contre les filières organisées ont en moyenne 3 dossiers chacun à poursuivre ([62]).

Il en est de même pour la DCPJ, dans la mesure où ses services ne traitent que les affaires les plus complexes, la plupart du temps par saisine directe du procureur de la République – soit un nombre plus restreint de procédures. Ainsi, au 31 décembre 2021, le nombre de procédures s’élevait à 7 par enquêteur. Le taux d’élucidation des services de police judiciaire relevant de la DCPJ a été de l’ordre de 86 % au cours des cinq dernières années.

L’évaluation et la résorption des stocks de procédures nécessitent une mobilisation des services de police, mais également des procureurs de la République chargés de mettre « en œuvre la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice, précisées et, le cas échéant, adaptées par le procureur général » ([63]). À cette fin, le procureur de la République peut « adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs » et « contrôle la légalité des moyens mis en œuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d’investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l’orientation donnée à l’enquête ainsi que la qualité de celle-ci » ([64]).

b.   Une instruction récente pour parvenir à une réduction durable du stock de procédures

L’instruction conjointe du 31 mai 2021 ([65]) précise les modalités de traitement des procédures judiciaires dans les services de police et les unités de gendarmerie. Elle fixe un objectif général de réduction des stocks, en procédant à un inventaire quantitatif et qualitatif des dossiers en portefeuille par service, selon des critères établis en lien avec l’autorité judiciaire – ancienneté, nature et gravité des faits, existence ou non d’un auteur identifié, présence ou non d’une victime. Il s’agit de disposer d’une connaissance précise du volume des procédures en cours dans les services généralistes d’enquête de la police nationale. Il revient aux procureurs de la République de fixer leurs priorités de politique pénale et les suites à donner aux procédures, le cas échéant lors d’un déplacement dans les services pour favoriser le traitement par catégorie des procédures préalablement triées.

L’instruction est accompagnée de plusieurs fiches de bonnes pratiques déclinant les moyens déjà mis en œuvre localement pour éviter la reconstitution des stocks. Il s’agit de proposer des méthodes susceptibles d’être employées par les services d’investigation, en lien avec le procureur de la République, pour limiter la constitution de stocks de procédures en simplifiant le traitement du contentieux de masse. Ces fiches préconisent ainsi :

– l’instauration d’instructions permanentes délivrées par les parquets pour permettre aux enquêteurs de procéder soit à des poursuites prédéfinies, soit au classement de certaines infractions, sans contact ou compte rendu préalable avec le parquet ;

– la mise en place avec les parquets de procédures simplifiées, en créant des modèles de procès-verbaux pour certaines infractions ;

– la mise en place d’instructions facilitant les autorisations à réquisition ;

– la priorisation du traitement de certaines procédures, en limitant la possibilité de recourir à des réquisitions pour certaines infractions.

Une fiche a également pour objectif de proposer des adaptations de l’organisation du parquet pour réduire les délais d’attente et de traitement, en permettant la transmission de certaines procédures de manière anticipée lorsque celles-ci sont en attente du retour de certaines réquisitions ou expertises, la mise en place de permanences électroniques adaptées au traitement du contentieux de masse afin de réduire les délais d’attente des enquêteurs et de diminuer les appels à la permanence pour le traitement non urgent de certaines infractions simples, ainsi que l’organisation régulière de rendez-vous judiciaires sur site pour permettre un traitement concret et massif de procédures.

Une dernière fiche formule enfin des recommandations concernant une adaptation de l’organisation des services d’enquête pour fluidifier le suivi du contentieux de masse, en mettant en place un dispositif de filtrage des dossiers par la hiérarchie, notamment pour les plaintes susceptibles d’être orientées en vaines recherches ou pouvant donner lieu à un classement pré-décidé suivant les instructions du parquet. L’organisation, en lien avec le parquet, de journées consacrées au traitement de masse est également recommandée pour l’ensemble des faits mineurs ne nécessitant aucun acte d’enquête.

2.   Des taux d’élucidation en baisse

Le taux d’élucidation des affaires a diminué au cours des dernières années, sans doute pour partie du fait de la surcharge des services d’investigation généralistes de la sécurité publique, ainsi que de l’allongement de la durée des enquêtes liée à la complexification de la procédure pénale (voir infra).

La dégradation des taux d’élucidation a été particulièrement mise en avant par le DGPN, lors de son audition par la mission d’information. Pour ce dernier, sur la période 2010-2019, les taux d’élucidation ont baissé de manière constante et significative, quel que soit l’agrégat concerné – atteintes aux biens, atteintes aux personnes ou délinquance économique et financière : moins 12 points pour les violences non crapuleuses, moins 15 points pour les violences sexuelles, moins 2 points pour les atteintes aux biens (qui sont déjà très faiblement élucidées), moins 16 points pour les infractions économiques et financières. Cette évolution n’est pas, pour la DGPN, la conséquence d’une augmentation du volume des faits à traiter, mais de la baisse de la performance globale dans les services généralistes.

Taux d’élucidation un an après l’enregistrement des faits par les forces de sécurité, selon l’année d’enregistrement des faits

(en pourcentage)

Catégorie d’infractions

Taux d’élucidation

à un an

Variation
(année n/n-1)

2017

2018

2019

2018

2019

Homicides

76

78

72

2

-6

Coups et blessures volontaires sur personnes

de 15 ans ou plus

68

67

65

-1

-2

Violences sexuelles

62

60

56

-2

-4

Vols avec violence

13

13

14

0

1

Vols sans violence contre des personnes

7

8

7

1

-1

Cambriolages de logement

8

8

8

0

0

Vols liés aux véhicules

7

7

6

0

-1

Escroqueries et abus de confiance

28

28

23

0

-5

Infractions à la législation sur les stupéfiants

99

99

99

0

0

Lecture : En 2017, 68 % des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus ont été élucidés au bout d’un an. Leur taux d'élucidation à un an a baissé d’un point entre 2017 et 2018.

Source : SSMSI, bases des crimes et délits enregistrés entre 2017 et 2019 par la police et la gendarmerie (données arrêtées en février 2021).

Selon les chiffres transmis par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), les taux d’élucidation sont en diminution pour la plupart des infractions, avec une diminution de six points entre 2018 et 2019 pour les homicides, de cinq points pour les escroqueries et les abus de confiance, et de quatre points pour les violences sexuelles. En outre, beaucoup d’infractions connaissent des taux d’élucidation particulièrement faibles : 14 % d’affaires élucidées à un an en 2019 pour les vols avec violence, 7 % pour les vols sans violence contre les personnes, 8 % pour les cambriolages de logement, ou encore 6 % pour les vols de véhicules.

Nombre de faits enregistrés entre 2017 et 2019 par les forces de sécurité et élucidation à un an par indicateur

(nombre de faits)

Lecture : en 2019, 177 000 des 272 000 coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus ont été élucidés au bout d’un an.

Source : SSMSI, bases des crimes et délits enregistrés entre 2017 et 2019 par la police et la gendarmerie (données arrêtées en février 2021).

B.   Une revalorisation en cours de la filière judiciaire pour faire face À la perte d’attractivité du métier

La filière investigation fait l’objet d’une désaffection marquée des enquêteurs, en particulier dans les commissariats au sein des services dépendant de la direction centrale de la sécurité publique ([66]) – bien qu’elle concerne aussi, dans une moindre mesure, les effectifs de la direction centrale de la police judiciaire.

La Cour des comptes dressait un constat similaire en novembre 2021 : « la police judiciaire (…) n’attire plus les policiers confirmés et ses résultats sont marqués par un faible niveau d’élucidation des délits de bas et milieu de spectre, correspondant pour nos concitoyens à la délinquance du quotidien. La police nationale connaît depuis plusieurs années une désaffection de l’ensemble de la filière investigation au plan national et plus particulièrement dans le ressort de la préfecture de police de Paris. (…) Cette situation est notamment le résultat de conditions d’exercice dégradées en Île-de-France et se traduit par une faible attractivité des postes d’investigation dans les commissariats, mais aussi désormais au sein des services spécialisés de police judiciaire. » ([67])

Si le nombre de procédures en stock contribue nécessairement à la désaffection de la police judiciaire, celle-ci subit également la concurrence du régime de travail proposé aux policiers sur la voie publique, considéré comme plus attractif. Les enquêteurs regrettent une réduction de leur temps d’enquête, liée à la complexification de la procédure pénale, ainsi qu’une faible valorisation des spécialisations et des compétences qu’ils développent. À la fois cause et conséquence, cette situation se traduit par un déficit d’encadrement intermédiaire, surtout dans les services d’enquête de la sécurité publique.

L’ensemble de ces facteurs a bien été identifié par le Gouvernement qui a récemment cherché, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), à mettre en œuvre de nouvelles mesures de revalorisation censées corriger ces difficultés.

1.   Un constat implacable : la perte d’attractivité de la filière judiciaire

a.   Une pression accrue sur les enquêteurs notamment liée à une augmentation structurelle du nombre d’affaires dans les services

Il pèse sur les enquêteurs une pression croissante – une « charge mentale », selon les termes de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) – du fait du nombre de dossiers par officier de police judiciaire, particulièrement élevé en sécurité publique (voir supra). Cette charge est particulièrement importante pour les policiers des brigades locales de protection de la famille, qui traitent des violences intrafamiliales, en raison, d’une part, de la rigidification du traitement procédural de ce type de litige et, d’autre part, de l’augmentation des faits constatés par les forces de l’ordre alors que les effectifs restent stables.

La montée en charge des effectifs des polices municipales contribue à accroître le nombre de procédures à traiter pour les enquêteurs. Lors du déplacement de la mission d’information dans l’Hérault, il a été indiqué aux rapporteurs que certaines polices municipales, celle de Béziers par exemple, étaient particulièrement actives et porteuses de procédures contribuant à l’engorgement des sûretés urbaines. Ce constat est également partagé par la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), qui préconise à ce titre d’engager « une réflexion approfondie sur le rôle et le statut de la police municipale en matière de sécurisation de la voie publique et de lutte contre la délinquance, en raison du développement très important ces dernières années de polices municipales dotées de moyens considérables, procédant à de nombreuses appréhensions et alimentant substantiellement les commissariats en procédures judiciaires supplémentaires. » ([68])  

De même, l’objectif de doublement des effectifs sur la voie publique d’ici 2030, posé par le Président de la République et inscrit dans la LOPMI, pourrait se traduire par une hausse des constatations d’infractions et par des procédures supplémentaires à la charge des services d’enquête.

L’accumulation des procédures emporte des conséquences sur le reste de la chaîne pénale. Selon l’AFMI, cet « engorgement des services judiciaires (…) pousse parfois les parquetiers à dégrader la réponse pénale (par exemple, à faire une alternative aux poursuites ou à ne pas faire passer le dossier en comparution immédiate) au vu de la surcharge de la chaîne pénale, ce qui peut causer des incompréhensions chez les enquêteurs » ([69]). Mme Magali Caillat, directrice zonale de la police judiciaire Nord, a abondé dans le même sens, regrettant que les magistrats renvoient régulièrement les dossiers aux services d’enquête pour mener des investigations que les policiers considèrent parfois comme superfétatoires, ce qui conduit les affaires à « rester en suspens ».

b.   Une charge de travail peu compétitive par rapport aux policiers sur la voie publique

Le rythme de travail des enquêteurs n’est pas planifiable, difficile à anticiper et exige souvent des policiers une disponibilité totale sur des plages horaires extensibles : selon M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, les enquêteurs de la DRPJ de son ressort cumulent ainsi chaque année l’équivalent d’un mois d’heures supplémentaires.

La désaffection pour la filière judiciaire s’explique ainsi également par un régime hebdomadaire de travail peu attractif, en particulier vis-à-vis des régimes cycliques des policiers sur la voie publique, qui fonctionnent par cycles binaires correspondant à 140 jours travaillés par an, contre 217 jours pour les enquêteurs.

Selon la Conférence nationale des procureurs de la République, ce facteur s’inscrit, plus largement, dans une « tendance observable dans toute la société de la primauté accordée à la vie personnelle par rapport à la vie professionnelle. » Les procureurs constatent ainsi que « les policiers qui étaient prêts, il y a encore vingt ans, à consacrer de longues heures de travail à des tâches de surveillance ou de rédaction de procès-verbaux, sans compter leurs heures et sans avantages financiers assortis, sont beaucoup moins nombreux aujourd’hui. » ([70]) 

c.   La réduction du temps d’investigation et la complexification de la procédure pénale

La part du métier d’enquêteur consacrée à l’investigation tend à diminuer au profit d’une mission tournée vers la formalisation d’actes d’enquête obligatoires, laissant moins de place au temps consacré aux investigations. L’étude d’impact annexée au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur précise ainsi qu’ « en moyenne, les services d’investigation estiment que deux tiers des procès-verbaux composant une procédure répondent à des exigences uniquement formelles de la procédure pénale », notamment les procès-verbaux d’avis, de notification des droits de la personne placée en garde à vue ou d’annexe de réquisition.

La CNPR abonde dans ce sens et relève, dans sa contribution écrite aux travaux de la mission, que les enquêteurs « consacrent souvent désormais plus de temps à la forme qu’au fond de l’enquête. » Cette situation « développe chez les enquêteurs un sentiment d’insécurité juridique, de frustration et d’incompréhension lorsque les procédures sont mises à mal, voire totalement invalidées, à la suite d’actions en nullité très régulièrement usitées par les avocats, surtout dans des dossiers avec des enjeux importants et des personnes mises en cause dotées de surfaces financières importantes leur permettant de rémunérer les avocats à cette fin. »

Ce phénomène est renforcé par un mouvement continu de complexification de la procédure pénale, que nombre de personnes auditionnées ont souligné parmi les raisons de la désaffection des métiers du judiciaire. M. François Molins a par ailleurs précisé, au cours de son audition, que si ce phénomène concerne l’ensemble du spectre infractionnel, il est particulièrement prononcé en matière criminelle, de criminalité organisée et de délinquance économique et financière.

Cette complexité, couplée à une augmentation des affaires en stock dans les services judiciaires, se traduit par une dégradation de la qualité des procédures pénales. Au cours de son audition, M. François Molins a relevé que cette dégradation concerne particulièrement la sécurité publique et « tient à l’insuffisance des effectifs et à l’insuffisante qualité des enquêteurs de la sécurité publique en procédure pénale (alors même qu’ils assument 90 % des missions d’investigation). » En revanche, « ce n’est pas le cas dans les services de police judiciaire qui, elle, a su préserver un bon niveau de qualité des enquêtes qui lui sont confiées sur les formes les plus graves de la criminalité (affaires criminelles, criminalité organisée et financière). » ([71])

d.   Un déficit d’encadrement intermédiaire qui nuit à l’efficacité des enquêtes

Les services d’investigation de la sécurité publique souffrent d’un manque d’encadrement intermédiaire, c’est-à-dire du corps de commandement (officiers de police).

Cette situation est particulièrement marquée parmi les effectifs de la direction centrale de la sécurité publique, où le taux d’encadrement est passé de 9,5 % en 2015 à 5,1 % en 2020 ([72]). Pour autant, elle est aussi visible parmi ceux de la direction centrale de la police judiciaire, où ce taux a baissé de près de 13 points sur la même période (de 43,5 % en 2015 à 30,9 % en 2020), selon les chiffres transmis par la DCPJ à la mission d’information.

Dans le détail, la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DCRCPN) a précisé à vos rapporteurs que, sur les 2 906 postes chargés de missions d’investigation judiciaire identifiés, 473 étaient vacants en décembre 2022, toutes directions confondues. Concernant la DCPJ, 86 postes sur 785 étaient libres, soit un taux de vacance de 11 % ; s’agissant de la DCSP, 163 postes étaient vacants sur 1 055, soit un taux de vacance de 15,5 %.

Si la situation est moins problématique dans les services de police judiciaire qu’en sécurité publique, la diminution du nombre d’officiers encadrants a néanmoins des conséquences sur la qualité des recrutements, y compris dans les services considérés comme les plus attractifs de la DCPJ, comme l’ont signalé les chefs des offices centraux à vos rapporteurs.

Ce déficit d’encadrement dans les services a également été constaté au cours des déplacements de la mission d’information : à Chambéry, où vos rapporteurs se sont rendus le 15 décembre 2022, la sûreté départementale (sécurité publique) est composée de 52 fonctionnaires, tandis que le service de police judiciaire comprend 16 fonctionnaires. Ces services sont, tous deux, encadrés par deux officiers.

La Cour des comptes estime ainsi que la diminution du corps des officiers, qu’elle évalue à 40 % entre 2009 et 2018, a déformé la pyramide des grades et n’a pas été compensée par la montée en compétence des gradés du corps d’encadrement et d’application (gardiens de la paix). En effet, l’augmentation des effectifs dans les grades supérieurs du corps d’encadrement et d’application oriente ceux-ci vers les fonctions de soutien et de direction, au détriment de tâches de direction des enquêtes de police judiciaire.

Cette situation ne s’améliora pas à court terme, car la DGPN estime que, compte tenu des futurs départs à la retraite, la stabilisation du corps des officiers à son niveau actuel n’interviendra qu’en 2023, malgré l’accélération sensible des recrutements engagés par la direction générale.

e.   Une spécialisation et des compétences techniques particulières peu valorisées

Enfin, l’investissement des agents dans la spécialisation de leurs compétences, en particulier pour certaines formes complexes de criminalité, n’apporte aucune rétribution complémentaire ni perspectives d’avancement. Selon la DCPJ, cet état de fait favorise le recrutement des meilleurs profils par des entreprises privées, qui parviennent à leur proposer une reconversion professionnelle financièrement intéressante. La Conférence nationale des procureurs de la République relève, au même titre, que le service RH de la police nationale, commun à toutes les directions, ne prend ainsi pas suffisamment en compte les spécificités locales des services d’enquête.

2.   De récents efforts de revalorisation de la filière judiciaire…

Plusieurs mesures en faveur de la filière judiciaire, notamment issues de la LOPMI, ont d’ores et déjà été prises par le Gouvernement et apportent de premières solutions.

a.   Une revalorisation de la prime d’officier de police judiciaire et un avancement de carrière accéléré pour les enquêteurs

La prime d’officier de police judiciaire (OPJ) vise à valoriser l’habilitation d’OPJ au sein de la police nationale. Elle est versée aux fonctionnaires relevant du corps d’encadrement et d’application de la police nationale et bénéficiant de l’habilitation d’OPJ, ainsi qu’aux formateurs à la qualification d’OPJ.

Une liste de ces postes – au nombre de 21 069 depuis le 6 janvier dernier – a été publiée à cette fin par arrêté le 1er juillet 2021 ([73]) : seuls les postes « cartographié » dans cet arrêté peuvent ainsi prétendre au versement d’une prime OPJ.

La DRCPN a précisé à vos rapporteurs les modalités d’établissement de cette cartographie, qui vise à déterminer un effectif cible, par direction, des agents titulaires de la qualification OPJ et qui exercent en tant qu’OPJ. S’agissant par exemple de la DCSP, des effectifs cibles ont été établis en fonction de certains critères, comme le nombre global de faits constatés et élucidés, ou le nombre de gardes à vue ou de dossiers par agent.

Au cours des auditions, il a été signalé à plusieurs reprises que le poste de certains OPJ travaillant dans un service d’enquête ne figure pas dans la cartographie, leur titulaire ne bénéficiant ainsi pas de la prime. Cette situation doit pouvoir être corrigée dans les années à venir dans le cadre de la hausse annoncée du nombre d’OPJ cartographiés.

Recommandation n° 6 : veiller à ce que chaque poste de fonctionnaire de police habilité OPJ remplissant des missions d’investigation dans un service d’enquête soit cartographié.

Le ministère de l’Intérieur prévoit l’extension progressive de la cartographie des postes d’OPJ pour les agents du CEA. Elle compte 22 000 agents depuis le 1er janvier 2023 et devrait comprendre jusqu’à 26 000 postes d’ici à 2027, contre 19 262 bénéficiaires en 2022. Le versement de la prime OPJ aux membres du corps de commandement (CC) et du corps de conception et de direction (CCD) exerçant de manière effective la qualité d’OPJ devrait également être prochainement mise en place.

Après une première augmentation de 20 % de son montant en 2021, cette prime a récemment fait l’objet d’une revalorisation au 1er janvier 2023, passant de 1 296 euros à 1 500 euros par an – ce que l’ensemble des personnes auditionnées interrogées sur ce point a salué, bien que nombre d’entre elles aient regretté qu’elle ne soit toujours pas à la hauteur de l’investissement des enquêteurs.

Le parcours d’avancement professionnel a été modifié en 2021 ([74]) afin de soutenir la création d’une filière investigation dynamique et reconnue, puisque la compétence « OPJ » permet désormais de bénéficier d’un avancement plus rapide, renforçant l’attractivité des postes.

Ainsi, dans le corps d’encadrement et d’application, le parcours professionnel prévoit :

– 10 années de service pour passer de gardien de la paix à brigadier de police au vu de la valeur professionnelle dans le cadre d’une progression de carrière classique, tandis qu’aucune condition de service n’est nécessaire si le gardien de la paix a obtenu l’habilitation d’OPJ et exerce effectivement des fonctions de police judiciaire sur son poste d’affectation ;

– 5 années de service depuis sa nomination au grade de brigadier pour passer l’examen professionnel de brigadier-chef de police, tandis qu’un officier de police judiciaire peut s’y inscrire au bout de 4 ans d’exercice continu sur un poste comportant l’exercice effectif de fonctions de police judiciaire ([75]).

b.   L’intégration d’une formation OPJ dès la formation initiale pour accroître le nombre total d’officiers dès 2023

La LOPMI modifie les modalités de la formation OPJ au niveau de la formation initiale. La loi permet en effet aux policiers et gendarmes sortis d’école de passer directement l’examen d’OPJ à l’issue de leur formation initiale, en supprimant les trois années d’ancienneté actuellement nécessaires pour se présenter à cet examen ([76]).

Désormais, les lauréats peuvent, après 30 mois de service à compter de l’entrée en formation initiale (dont 24 mois en école et 6 mois dans un service d’enquête), être habilités à exercer les prérogatives d’OPJ en cas de réussite à l’examen technique.

S’agissant de la police nationale, la formation OPJ sera organisée en deux temps :

– un premier module de formation de quatre semaines – soit 144 heures de formation, sanctionné par un examen. Ce module abordera plusieurs thématiques relevant du droit pénal général et spécial, de la procédure pénale et des libertés publiques. En particulier, le nombre d’heures d’enseignement de droit pénal spécial augmentera de 24 % (+ 9 heures), celui consacré à la procédure pénale sera en hausse de 48 % (+ 14 heures) et le nombre d’heures de formation à la rédaction procédurale augmentera de 32 % (+ 21 heures). Votre rapporteur observe cependant que cette augmentation est à analyser au regard de l'état actuel de la formation initiale en école qui avait été réduite en 2015 de 12 mois à 9 mois. Si ce renforcement est appréciable, il n'est pas aussi significatif quand on le compare à la situation d'avant 2015.

L’examen consistera en trois épreuves de rédaction de deux procès-verbaux, de réalisation d’une procédure d’OPJ et de rédaction d’un devoir sur table ;

– un second module, accessible uniquement aux candidats ayant eu au moins la moyenne à l’examen précédent. Ce module de huit semaines (soit 288 heures de formation), sera dispensé au début de la seconde partie de la scolarité des gardiens de la paix, dans le cadre de leur formation d’adaptation au premier emploi.

La formation OPJ comprendra ainsi 432 heures d’enseignement, contre 420 heures actuellement.

La LOPMI prévoit une augmentation globale du nombre d’OPJ : le ministère de l’Intérieur se fixe pour objectif de disposer de 22 000 OPJ en zone police en 2023, contre 17 000 OPJ aujourd’hui. Selon le rapport annexé à la LOPMI, le Gouvernement prévoit de former 2 800 OPJ en 2023, contre 1 200 en 2021.

c.   Un recentrage des enquêteurs sur leur cœur de métier

Partant du principe qu’une part significative du travail des enquêteurs est aujourd’hui dévolue à l’exécution d’actes de procédure, au détriment du travail d’enquête pourtant au cœur de leur métier, l’article 18 de la LOPMI créé une nouvelle catégorie d’acteurs de la procédure pénale : les assistants d’enquête. Ceux-ci doivent décharger les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire, en prenant en charge la réalisation de certaines formalités procédurales. À la demande et sous le contrôle de l’OPJ ou de l’APJ lorsque ce dernier en a la compétence, les assistants d’enquête pourront ainsi :

– convoquer toute personne devant être entendue par l’OPJ ou l’APJ et, si nécessaire, contacter un interprète ;

– notifier leurs droits aux victimes ;

– procéder à certaines réquisitions ;

– à la demande du gardé à vue, informer par téléphone les personnes énumérées dans le code de procédure pénale du commencement de la garde à vue ;

– informer l’avocat de la personne mise en cause au début de la garde à vue ;

– procéder aux diligences relatives au droit à un examen médical du gardé à vue ;

– consulter les fichiers de police et en transcrire le résultat en procédure ;

– envoyer les convocations en justice décidées par le parquet.

Le ministère de l’Intérieur fixe pour objectif le recrutement, en dix ans, de 3 273 assistants d’enquête pour la gendarmerie nationale et de 4 387 assistants d’enquête pour la police nationale.

Par ailleurs, la question de la simplification de la procédure pénale a été abordée continuellement au fil des auditions menées par vos rapporteurs.

Certaines mesures de simplification ont d’ores et déjà été votées par le Parlement dans le cadre des débats parlementaires sur la LOPMI, notamment la suppression de l’exigence du double procès-verbal prévu par l’article 706-71 du code de procédure pénale ; la simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle en procédure pénale et la possibilité d’y avoir recours pour le recueil de la plainte ([77]) ; la suppression de la procédure de réquisition des services de police technique et scientifique (PTS) par les services de police ([78]) ; la réduction des risques de nullité de la procédure en cas de consultation de fichiers de police en l’absence de la mention de l’habilitation ([79]) ; ou encore l’extension des autorisations générales de réquisitions prises par les procureurs de la République à de nouveaux domaines (données bancaires, état civil, plaques d’immatriculation, travail dissimulé) ([80]).

Plus largement, les conclusions du Beauvau de la sécurité ont fixé comme priorité la refonte de la procédure pénale, afin de simplifier et d’améliorer le travail des policiers, magistrats et enquêteurs. Cette priorité s’est traduite à court terme par un bilan, réalisé par le ministère de la Justice, des mesures de simplification engagées et envisageables, puis, à long terme, par la mise en place d’une commission visant à repenser les grands équilibres de la procédure pénale et à proposer une nouvelle écriture du code.

Cette réflexion a été poursuivie dans le cadre des États généraux de la justice, dont les conclusions ont été remises au Président de la République en juillet 2022. Le rapport final plaide en faveur d’une « refonte du code de procédure pénale nécessaire face à la complexité des règles de procédure pénale » –  promouvant par exemple une unification des régimes d’enquête. Selon ses auteurs, « entre 2008 et 2022, le nombre d’articles législatifs du code de procédure pénale est passé de 1 722 à 2 403, sous l’effet conjugué de l’adoption de nouvelles politiques pénales, de la transposition de dispositions supranationales ou de la prise en compte de décisions jurisprudentielles. Leur recodification à droit constant constituerait, à elle seule, un chantier pluriannuel. L’ensemble des interlocuteurs des États généraux de la justice souligne l’inadéquation de ce code, devenu "illisible" et "peu praticable" selon leurs propres termes. » ([81])

Cette même préoccupation figure parmi les dix propositions pour le devenir de la justice pénale formulées par la Conférence nationale des procureurs de la République en novembre 2021. Les procureurs de la République appellent ainsi « une refonte du code de procédure pénale, dont la cohérence initiale s’est estompée avec l’empilement et l’accélération des réformes "au coup par coup". Il est urgent de reconstruire un cadre d’enquête simplifié, lisible et cohérent qui garantisse d’une part un meilleur équilibre entre la recherche de la vérité au terme d’une enquête de qualité, simple et efficace et, d’autre part, la protection des libertés fondamentales et du droit de la victime à être reconnue, soutenue et indemnisée. » ([82])

Ce chantier devrait se poursuivre dans les années à venir. Un directeur de projet « code de procédure pénale » a été nommé à cette fin, en novembre 2022, au sein de l’administration centrale du ministère de la Justice ; ce directeur de projet sera responsable de la refonte de ce code, que le Garde des Sceaux avait identifiée comme prioritaire dans sa circulaire de politique pénale diffusée le 20 septembre 2022. La loi de programmation pour la justice, annoncée pour le premier semestre 2023, devrait permettre de concrétiser ces ambitions.

La mission d’information s’inscrit dans cet objectif de simplification de la procédure pénale, identifiée par les enquêteurs comme une perspective d’évolution positive de leur quotidien professionnel, pourvu que cet exercice soit mené dans le cadre d’une large réflexion collective et dans le respect des droits de la défense.

Recommandation n° 7A de Mme Marie Guévenoux : engager une démarche résolue de simplification de la procédure pénale visant à trouver le juste équilibre entre le respect des droits de la défense et l’efficacité de l’enquête judiciaire.

Votre rapporteur se méfie néanmoins de la formulation « simplification de la procédure pénale », qui, au cours de toutes les réformes précédentes sur les trois dernières décennies, n'a pas permis de simplifier les procédures et a surtout réduit les droits de la défense et la place du juge.

Il tient ainsi à relativiser la nécessité d’aller vers une simplification excessive du code de procédure pénale. Il fait sienne la citation de Jhering, mentionnée par M. Marc Cimamonti durant son audition : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté ». Bien souvent, les difficultés évoquées par les enquêteurs comme étant sources de complexité, ou de perte de temps de travail par des tâches itératives, peuvent être réglées par des moyens numériques et informatiques de qualité sans pour autant toucher aux droits prévus pour les parties dans le cadre de la procédure. Par ailleurs, la création des assistants d’enquête doit permettre de concourir à cet objectif.

Recommandation n° 7B de M. Ugo Bernalicis : engager une démarche résolue pour simplifier et améliorer les outils, notamment numériques, à la disposition des enquêteurs pour sécuriser et faciliter l'application de la procédure pénale. Engager une réflexion sur une harmonisation de certaines procédures afin de garantir plus strictement les libertés publiques et fondamentales, ainsi que le contrôle et la direction de l'autorité judiciaire.

 

*

Selon la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), entendue par vos rapporteurs, ces premières mesures de revalorisation de la fonction des enquêteurs portent déjà de premiers résultats. Celle-ci observe en effet une augmentation du nombre de candidats aux postes OPJ lors des derniers mouvements de mutation – la direction comptait 719 candidats en 2019, 1143 en 2020 et 1144 en 2021 – qu’elle attribue en particulier à la revalorisation de la prime OPJ et à l’avancement accéléré de carrière.

3.   … qui doivent être poursuivis et intensifiés

Si des efforts ont d’ores et déjà été engagés par le ministère de l’Intérieur, les auditions de la mission d’information révèlent le besoin, unanimement partagé par les personnes que vos rapporteurs ont entendues, de les poursuivre et de les intensifier.

a.   Valoriser les missions et responsabilité des chefs

Les chefs de service de la filière police judiciaire sont un point d’appui stratégique pour l’autorité judiciaire, qui repose sur leur expertise et leurs compétences pour diligenter les enquêtes sous son contrôle et sa surveillance. Ils sont les relais indispensables de l’autorité judiciaire dans les services d’enquête. Ces cadres sont ainsi conseillers de l’autorité judiciaire, mais seront également chargés d’assister le futur DDPN en matière de police judiciaire, tout en mettant en œuvre les opérations sur le terrain.

Il conviendrait dès lors de reconnaître, dans la doctrine et dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, le rôle et les missions de ces interlocuteurs essentiels dans la conduite des investigations.

Recommandation n° 8 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale et dans la doctrine, reconnaître au chef de service de la filière police judiciaire un véritable statut dépassant sa seule qualité d’OPJ, en considérant son niveau de responsabilité dans l’animation et la conduite des opérations de police judiciaire. Ce chef de service donne l’impulsion, coordonne les opérations au quotidien et partage ainsi la direction d’enquête, conformément aux prescriptions de l’autorité judiciaire.

b.   Renforcer les efforts en matière de formations initiale et continue

Quels que soient le service d’enquête et le niveau de criminalité, le métier d’enquêteur fait appel à des compétences et un savoir-faire particuliers. Un temps de formation suffisant doit ainsi être garanti pour chacun des agents. Votre rapporteur préconise donc d’accroître les efforts en la matière, en insistant particulièrement sur deux leviers :

– d’une part, la création d’une académie de l’enquête, chargée de développer de nouveaux enseignements adaptés à la criminalité d’aujourd’hui et de demain, au profit de l’ensemble des enquêteurs. Compte tenu des spécificités et de la technicité de leur métier, cette académie serait le lieu unique de formation initiale et continue des agents de la police technique et scientifique. Un partenariat devra être noué entre l’académie et l’École nationale de la magistrature afin d’œuvrer conjointement à des outils de formation et une pédagogie utiles à l’ensemble de la filière judiciaire ;

– d’autre part, l’augmentation de la durée de la scolarité en formation initiale des gardiens de la paix, qui doit être portée à deux ans en école – contre 12 mois actuellement, complétés par 12 mois de formation adaptée au premier emploi (FAPE). À l’issue des 12 premiers mois de formation, les gardiens de la paix pourront être orientés parmi les métiers de la police nationale et se spécialiser, mais l’ensemble des agents devra, dans tous les cas, être formé à la procédure judiciaire – y compris ceux ne souhaitant pas obtenir d’habilitation OPJ.

L’accroissement de la durée de scolarité augmentera la pression immobilière et les besoins en formateurs. L’ouverture de nouvelles écoles de police devra donc accompagner ces évolutions.

Recommandation n° 9 de M. Ugo Bernalicis : accroître les efforts de formation :

– à court terme, par la création d’une académie de l’enquête, à la fois chargée de développer de nouveaux enseignements (champs d’études sur les nouvelles formes de délinquance et les nouvelles techniques d’investigation, par exemple) proposés en formation initiale, et d’assurer la formation continue des enquêteurs. Rendre cette académie compétente en matière de formation initiale et continue de la police technique et scientifique. Développer des liens forts entre l’académie et l’École nationale de la magistrature ;

– à moyen terme, par la mise en place d’une véritable formation initiale de deux ans pour les gardiens de la paix, avec orientation à mi-parcours en fonction des affections choisies. 100 % des agents devront être formés à la procédure judiciaire sans pour autant être OPJ et avoir l’habilitation. Par conséquent, ouvrir de nouvelles écoles de police.

Plus largement, vos deux rapporteurs préconisent d’intensifier les efforts en matière de formation continue des enquêteurs, notamment à destination des fonctionnaires du corps de commandement ainsi que du corps d’encadrement et d’application.

Recommandation n° 10 : renforcer la formation continue des effectifs des services de police judiciaire, en particulier ceux occupant des fonctions de commandement ou des fonctions d’encadrement et d’application.

c.   Mieux valoriser l’expertise des enquêteurs

La mobilité au sein de la filière judiciaire doit être fluidifiée, afin que les profils d’enquêteurs les plus prometteurs puissent être identifiés dans les services d’enquête à tous les niveaux du spectre et que leur expertise profite à l’ensemble de la filière. La conférence nationale des procureurs de la République résume cette ambition en soutenant qu’il faut « recréer une filière d’évolution professionnelle propre aux enquêteurs, qui favorise par l’attrait et la valorisation des fonctions d’encadrement de proximité la respiration entre les différents échelons de l’investigation, et permettre des va-et-vient naturels dans un parcours de carrière entre investigation de terrain et échelon régional de police judiciaire. » ([83])

La réforme de la police nationale est une opportunité d’améliorer la mobilité dans une filière judiciaire intégrée. Un cycle vertueux de mobilité doit être pensé au sein du ministère de l’Intérieur, en association avec l’ensemble des parties prenantes, afin d’allier la nécessaire circulation des effectifs dans la filière et les besoins de spécialisation et de fidélisation des enquêteurs.

La spécialisation pourrait, par ailleurs, être renforcée par la mise en place de recrutements spécifiques (de contractuels et fonctionnaires) en fonction de leur savoir-faire et de leurs compétences techniques, en particulier pour rejoindre les services traitant des infractions les plus complexes, ainsi que par l’intégration d’agents de certaines administrations spécialisées parmi les effectifs de la filière judiciaire, sur le modèle des inspecteurs des finances publiques ou des agents des douanes.

Recommandation n° 11 : moderniser et dynamiser la gestion des ressources humaines dans la filière police judiciaire intégrée :

– en instituant un cycle vertueux de mobilité pour tous les agents de nature à faire monter en compétence le plus grand nombre. Les enquêteurs expérimentés travaillant sur les contentieux complexes doivent irriguer toute la filière. Parallèlement, pour créer une saine émulation et éviter que le système ne soit sclérosé, tout en valorisant les profils de spécialistes, il faut offrir des perspectives en interne et donner l’opportunité aux agents prometteurs d’accéder aux unités les plus sensibles ;

– en balisant le parcours professionnel des policiers tous grades confondus et en leur donnant ainsi une meilleure visibilité sur les trajectoires de carrière possibles.

Recommandation n° 12 : favoriser la spécialisation des enquêteurs :

– en engageant des recrutements spécialisés d’enquêteurs disposant de savoir-faire et compétences techniques spécifiques ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes ;

– en intégrant aux effectifs des agents de certaines administrations spécialisées (inspection du travail, direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) avec la qualité d’officier de police judiciaire.

d.   Offrir de meilleures conditions de travail et de vie aux agents

● Les contraintes propres aux fonctions d’investigation en termes de charge et de rythmes de travail doivent être reconnues et compensées.

Dans ce cadre, le renforcement de l’aide au logement accordée par le ministère de l’Intérieur contribuerait à l’attractivité de la filière. Les auditions ont également permis de faire apparaître les difficultés de plus en plus mal vécues que posent les rythmes d’enquête pour mener une vie personnelle et familiale épanouie. Outre les compensations matérielles que la mission d’information préconise, une réflexion pourrait être engagée quant à la possibilité de limiter les asymétries avec le régime horaire plus avantageux des agents de voie publique. Une discussion doit s’engager entre le ministère de l’Intérieur et les organisations syndicales sur ce sujet.

Recommandation n° 13 : rendre la filière police judiciaire plus attractive :

– en reconnaissant les contraintes et les responsabilités particulières auxquelles sont assujettis les enquêteurs (déroulement de carrière, prime de résultat exceptionnel, IRP etc.) ;

– en engageant une réflexion sur le temps de travail des enquêteurs afin de limiter les asymétries avec le régime, plus avantageux, des policiers sur la voie publique ;

– en renforçant les efforts consentis par le ministère de l’Intérieur en termes d’aide au logement, notamment dans les secteurs où le marché de l’immobilier est tendu.

● La prime OPJ a d’ores et déjà été revalorisée de manière importante par la LOPMI pour atteindre 1 500 euros par an en janvier 2023. Toutefois, ce montant, même rehaussé, n’est pas à la hauteur de l’exigence du métier et des fortes contingences liées à l’exercice de fonctions d’investigation. Surtout, il semble peu compétitif par rapport à celui de l’indemnité mise en place à la suite du protocole du 2 mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale, afin de prendre en compte les contraintes liées à l’exercice des missions des agents sur la voie publique, fixé à 1 200 euros par an. Sans qu’elle soit par elle-même suffisante, une nouvelle revalorisation de la prime OPJ paraît inéluctable.

Des divergences subsistent néanmoins entre vos rapporteurs quant au montant précis de cette revalorisation. M. Ugo Bernalicis propose de la doubler, afin de la faire passer à 3 000 € par an ; Mme Marie Guévenoux préconise une revalorisation substantielle, qui doit faire l’objet d’échanges entre le ministère de l’Intérieur et les organisations syndicales.

Recommandation n° 14 : augmenter le montant de la prime OPJ en la revalorisant de manière substantielle (recommandation de Mme Marie Guévenoux) voire en la doublant (recommandation de M. Ugo Bernalicis)

e.   Mieux encadrer les personnels de la filière

Le taux d’encadrement dans les services d’enquête de la sécurité publique est en chute : il atteignait un niveau particulièrement bas, à 5 % en 2020. Ce taux est également en baisse dans les services d’enquête relevant de la « PJ », autour de 31 % la même année.

Alors que les services d’enquête des actuelles DCPJ et DCSP ont vocation à fusionner au sein d’une nouvelle filière de la police judiciaire (voir infra), le maintien d’un ratio d’encadrement élevé est un objectif qui devrait être recherché par les responsables de la future filière police judiciaire.

Vos rapporteurs proposent un objectif qu’ils savent ambitieux, mais réalisable : porter le ratio d’encadrement de la future filière à 30 % à l’horizon 2027.

Recommandation n° 15 : atteindre un ratio d’encadrement de 30 % dans la filière judiciaire à l’horizon 2027.

f.   Augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête

● Une plus forte présence de « bleu dans la rue » s’accompagne mécaniquement de constatations d’infractions en plus grand nombre, qui se traduisent ensuite par davantage de procédures dont le traitement et le suivi sont confiés aux différents services d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale.             

Une réflexion, plus large que la seule réforme de la police nationale, devrait ainsi être engagée afin d’anticiper les conséquences de l’augmentation des effectifs sur la voie publique, en adaptant le dimensionnement des services d’enquête à cette évolution.

Cette préoccupation a en effet vocation à prendre de l’importance à l’avenir, d’une part du fait de l’objectif fixé par le président de la République d’un doublement de la présence policière sur la voie publique et, d’autre part, du fait de la montée en charge des effectifs des polices municipales dans les territoires.

La réflexion souhaitée par vos rapporteurs devrait aussi s’attacher à repenser les responsabilités et les prérogatives qui pourraient échoir aux polices municipales en matière de conduite des investigations. La mission d’information n’a pas suffisamment exploré ce sujet, qui se trouve à la périphérie de son objet d’études, et ne formule donc pas de recommandation précise. Elle considère néanmoins que cette thématique mérite des travaux à part afin de prendre en compte les conséquences de la montée en charge des polices municipales, ainsi que les solutions qui pourraient permettre d’accompagner les services d’enquête dans cette évolution.

Recommandation n° 16 : anticiper les conséquences mécaniques de l’augmentation des effectifs de policiers nationaux et municipaux déployés sur la voie publique en adaptant le dimensionnement des services enquêteurs. Engager une réflexion sur les conséquences que l’augmentation des effectifs des polices municipales emporte sur la charge de travail des services d’enquête et les solutions qui pourraient permettre de les accompagner dans cette évolution.

● L’ensemble des mesures suggérées par vos rapporteurs nécessite de mobiliser d’importants moyens humains et matériels au profit des services d’enquête. Si ce constat est partagé au sein de la mission d’information, vos rapporteurs divergent quant à l’étendue des investissements et des objectifs qui doivent être fixés.

Votre rapporteur estime ainsi nécessaire d’augmenter d’au moins 50 % le nombre d’OPJ dans les services d’enquête, dans le cadre d’un plan de recrutement d’environ 15 000 agents. Plus largement, les moyens alloués à la sécurité publique et à l’investigation doivent être rééquilibrés au profit de cette dernière.

Recommandation n° 17 de M. Ugo Bernalicis : mettre en place un plan de recrutement prévoyant d’augmenter d’au moins 50 % le nombre d'OPJ dans les services d’enquête.

Recommandation n° 18 de M. Ugo Bernalicis : rééquilibrer les moyens alloués à la sécurité publique et à l’investigation au profit de cette dernière.

Votre rapporteure propose de consacrer au moins un tiers des moyens prévus pour la police nationale dans la LOPMI au renforcement de la filière police judiciaire, ce qui représenterait un montant de 460 millions d’euros entre 2022 et 2027 et le recrutement de 1 300 nouveaux agents, prioritairement affectés dans les services spécialisés dans la criminalité économique et financière et la cybercriminalité, où les besoins sont particulièrement importants.

Recommandation n° 19 de Mme Marie Guévenoux : augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête :

– consacrer au moins un tiers des moyens prévus pour la police nationale dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur au renforcement de la filière police judiciaire et mobiliser des moyens suffisants (en matière de ressources humaines notamment) pour accompagner cette montée en charge du nombre d’enquêteurs ;

– accroître en particulier les moyens des services spécialisés dans la criminalité économique et financière et dans la cybercriminalité.

● La mission d’information estime nécessaire que les moyens déployés pour revaloriser la filière ne laissent pas de côté la modernisation matérielle des services d’enquête, qui doit être une priorité du ministère de l’Intérieur afin de permettre aux services d’enquête, ainsi qu’aux personnels de la police scientifique, de disposer de moyens technologiques puissants pour affronter des formes de délinquance de plus en plus sophistiquées.

Recommandation n° 20 : moderniser les moyens matériels et autres équipements techniques à la disposition de la filière police judiciaire, y compris pour la branche police scientifique.

L’ensemble de ces recommandations va dans le sens de celles formulées par les représentants de la CNPR, qui demande « le renforcement très substantiel des moyens humains, de la formation et de l’encadrement des effectifs de la police nationale consacrés aux investigations judiciaires en matière de petite et moyenne délinquance » ([84]) afin de faire face au déficit d’enquêteurs.

g.   Un point d’alerte particulier : la gestion RH des gardiens de la paix dans la zone de défense Île-de-France

Les préfets de zone de défense sont habilités à effectuer des mutations interdépartementales y compris, s’agissant de la zone de défense et de sécurité de Paris, de la grande vers la petite couronne parisienne. Le préfet de police, également préfet de cette zone, peut ainsi mobiliser des effectifs positionnés dans des départements sur lesquels la préfecture de police n’a pas autorité (le Val-de-Marne, l’Essonne, les Yvelines et le Val-d’Oise) pour les mobiliser sur les trois départements de la petite couronne.

S’il n’est pas envisageable de modifier la possibilité offerte aux préfets de zone de défense d’effectuer ces mutations, il pourrait être envisagé la fixation d’un verrou spécifique pour la grande couronne d’Île de France, dont les services d’enquête sont particulièrement sous tension. Concrètement, à chaque sortie, la préfecture de police devrait prévoir une entrée de gardien de la paix afin de stabiliser les effectifs des services.

Recommandation n° 21 : au sein de la zone de défense de Paris, compenser chaque mutation d’un fonctionnaire du corps d’encadrement et d’application, affecté dans l’un des quatre départements de la grande couronne parisienne vers un autre département de la petite couronne ou vers Paris, par l’arrivée d’un autre gardien de la paix, notamment dans les services d’investigation.

III.   Une réforme de l’organisation centrale et territoriale de la police nationale est nécessaire, mais sa réussite dépendra de la prise en compte des inquiétudes qu’elle suscite

Le Livre blanc de la sécurité intérieure, rendu public en novembre 2020, invite à « mener à bien une réforme ambitieuse et profonde de la gouvernance de la police nationale », en « déchargeant les échelons centraux de la police nationale de ce qui doit relever des services territoriaux et en leur réservant ce qui est leur vocation première  définir doctrine, outils, moyens et méthodes » tout en déconcentrant aux unités de terrain les missions revêtant un caractère opérationnel. Il préconise ainsi « d’unifier la gouvernance de la police nationale en regroupant les métiers au sein de filières animées à chaque échelon territorial par un directeur unique de la police nationale ».

La police nationale s’est ainsi engagée sur la voie d’une réorganisation pour davantage de lisibilité, de déconcentration et de décloisonnement, en s’appuyant sur un principe d’unicité de commandement, ainsi que sur l’expertise de ses différentes composantes, dans le cadre de la mise en œuvre de directions territoriales de la police nationale (DTPN) en outre-mer et, plus récemment, l’expérimentation des directions départementales de la police nationale (DDPN) dans plusieurs départements préfigurateurs.

Les expérimentations en cours mettent en avant de réels progrès organisationnels mais révèlent aussi, s’agissant de la filière judiciaire, des difficultés qui suscitent une inquiétude légitime de la part des acteurs de la chaîne pénale. La réforme représente ainsi une occasion rare pour la filière de se réorganiser et de tenter de répondre aux problèmes structurels auxquels elle est confrontée, pourvu que sa mise en œuvre soit assortie de garanties fortes préservant l’excellence qui caractérise le métier d’enquêteur.

A.   Une réforme nécessaire de l’organisation de l’ensemble de la police nationale conduisant à créer une filière unique de l’investigation

Le rapport annexé à la LOPMI définit les grandes lignes de la réforme de la police nationale :

« Au niveau départemental, le pilotage en fonction des priorités sera affirmé par la généralisation des directions uniques de la police nationale, appelées directions départementales de la police nationale (DDPN), sous réserve des spécificités de la police judiciaire. Le directeur unique de la police pourra allouer les forces en fonction des priorités opérationnelles : sécurité du quotidien, démantèlement des trafics, lutte contre l’immigration clandestine. L’état-major mutualisé qui en découle facilitera les rationalisations d’organisation et le renforcement de la présence sur la voie publique. Une organisation en filières au niveau local concentrera ainsi sous l’autorité du préfet et du procureur de la République des fonctions jusqu’ici trop éclatées et sera plus lisible pour les partenaires de la police nationale participant du continuum de
sécurité.

(…)

Cette réforme de l’échelon territorial s’accompagne d’une réforme de l’administration centrale, qui décloisonnera son fonctionnement en passant d’une organisation en « tuyaux d’orgue » à une direction générale fondée sur des filières par métiers (sécurité et ordre public ; police judiciaire ; renseignement territorial ; frontières et immigration irrégulière) et une fonction soutien consolidée. »

Expérimentée depuis 2021 et inspirée de la mise en place des DTPN dans les territoires ultramarins, elle conduit ainsi à une réorganisation de l’ensemble des niveaux décisionnels : national, zonal, départemental et local.

1.   La mise en place des directions territoriales de la police nationale

Dans les départements d’outre-mer, les décrets du 27 décembre 2019 et du 29 décembre 2021 ont créé et organisé des directions territoriales de la police nationale (DTPN) ([85]).

Il s’agit de services déconcentrés relevant du ministère de l’Intérieur chargés des missions réalisées par la DCRFPN, la DCPAF, la DCSP et la DCPJ. Il est précisé que « le directeur territorial de la police nationale est nommé par arrêté du ministre de l’Intérieur » et « placé sous l’autorité du préfet de département ou du représentant de l’État dans la collectivité. Il est son conseiller en matière de sécurité publique, de renseignement territorial, de circulation transfrontière et de lutte contre toutes les formes d’immigration irrégulière ». Toutefois, il pourvoit, « sous la seule direction de l’autorité judiciaire, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité » ([86]).

Les DTPN sont « composées d’un état-major, d’un service territorial de sécurité publique, d’un service territorial de police aux frontières, d’un service territorial de police judiciaire, d’un service du renseignement territorial, d’un service territorial du recrutement et de la formation et d’un service territorial de gestion des ressources. Elles peuvent également comprendre un service territorial de recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID) » ([87]).

En matière de police judiciaire, il est précisé, conformément au code de procédure pénale, que « le procureur de la République et le juge d’instruction peuvent librement désigner l’unité compétente au sein du service territorial de police judiciaire » ([88]).

Les services territoriaux de police judiciaire (STPJ) des DTPN des trois territoires sur lesquels existaient des unités de la DCPJ (Guyane, Martinique et Guadeloupe) ont une organisation avec trois niveaux de saisine :

– une division d’appui judiciaire (DAJ) qui assure la prise de plaintes et la rédaction de mains courantes, traite les affaires de flagrance qui ne sont pas prises en charge par une autre unité d’enquête et poursuit les enquêtes ne nécessitant pas d’investigations complexes ; 

– une division de l’investigation de proximité (DIP) composée d’une unité d’atteintes aux personnes (UAP) qui prend en charge les violences intrafamiliales et les violences aux personnes (homicides dont l’auteur est identifié, viols, violences aggravées, séquestration, etc.) ; d’une unité d’atteintes aux biens (UAB) qui prend en charge les cambriolages, les dégradations délictuelles et les vols sériels, violents ou complexes ; d’une unité des stupéfiants et de l’économie souterraine (USES) qui lutte contre le trafic de stupéfiants et le proxénétisme ; ainsi que d’une unité d’enquête générale (UEG) qui connaît des enquêtes administratives, des fraudes et des infractions financières et économiques ;

– une division de l’investigation spécialisée (DIS), constituée sur la base des anciennes structures locales de la DCPJ. Elle est composée d’une brigade criminelle et de répression du banditisme, dont le champ de compétence couvre les homicides dont l’auteur n’est pas interpellé ou identifié dès les premières investigations et les vols à main armée particulièrement violents, sériels ou dirigés contre des établissements économiques et financiers ; d’une brigade économique et financière qui traite les infractions financières complexes, impliquant un préjudice conséquent ou une personnalité ; d’une brigade mobile de recherche qui lutte contre les filières d’immigration clandestine et l’emploi d’étrangers sans titre ; ainsi que d’une section courses et jeux chargée de la surveillance et du contrôle des casinos et hippodromes.

La coordination de l’action de ces divisions est assurée par une cellule d’aide à l’enquête qui assure le suivi administratif des enquêtes et d’une unité de surveillance et d’interpellation qui interpelle les auteurs d’infractions identifiés par les enquêteurs des groupes d’enquêtes, assure les premiers actes suivant le placement en garde à vue, et met en place des surveillances et des filatures dans les affaires complexes en lien avec le groupe d’enquête.

Cette organisation en trois niveaux a aussi été mise en place à La Réunion, qui ne disposait pas d’unité de la DCPJ, et devrait être étendue aux autres départements d’outre-mer.

lE SERVICE TERRITORIAL DE POLICE JUDICIAIRE AU SEIN DE LA DTPN DE MARTINIQUE

Source : commission des Lois, à partir d’éléments communiqués par la DTPN de Martinique

2.   Un projet de réorganisation nationale et territoriale de l’ensemble des métiers de la police nationale reposant d’abord sur la création de directions départementales

a.   Une réforme en profondeur de la police nationale

La réforme de la police nationale ne se limite pas à la police judiciaire ou à la création des directions départementales de police nationale (DDPN) : elle vise à transformer en profondeur l’organisation centrale et territoriale de l’ensemble de la police nationale. Sa mise en place, qui devrait se traduire par la modification de 540 textes réglementaires ([89]), a été confiée à l’équipe projet en charge de la « réorganisation de la police nationale », directement rattachée à la direction générale de la police nationale (DGPN).

Elle conduit à revoir l’ensemble de la chaîne de commandement et les modes de gouvernance de la police nationale, en s’appuyant sur trois niveaux de déclinaison, à savoir un pilotage national, une coordination zonale et une action départementale :

– le niveau national serait un échelon de stratégie et de pilotage : les directions centrales deviendraient des directions nationales chargées de définir et d’animer l’activité des différentes filières métiers qui composent la police nationale, en s’appuyant sur une doctrine d’emploi et de fonctionnement pour chacune des filières – la sécurité publique, le renseignement territorial, la police judiciaire, la police aux frontières – ainsi que sur une doctrine générale de la police nationale assurant la bonne cohérence du fonctionnement des filières entre elles.

Ces directions disposeraient d’une capacité de pilotage stratégique sur l’ensemble des agents du métier concerné et auraient également sous leurs ordres, au quotidien, des entités nationales opérationnelles, comme les services et offices centraux à compétence nationale.

Les directions « métiers » seraient complétées par une importante direction des ressources humaines (RH) et du soutien de la police nationale, qui reprendrait certaines attributions actuellement confiées aux directions centrales.

– le niveau zonal deviendrait un relais territorial pour décliner, animer et coordonner l’action des directions départementales, dans le strict respect des compétences préfectorales et judiciaires. Il s’agirait d’un échelon essentiel sur le plan prospectif et stratégique en lien avec les directions nationales métier. La direction zonale de la police nationale (DZPN) aurait également un rôle majeur pour les ressources humaines et le soutien, en accompagnant mieux le travail des SGAMI.

Le directeur zonal (DZ) serait assisté par quatre DZ délégués correspondant aux quatre filières métiers, ainsi que par un DZ consacré à la fonction RH et soutien. Ces DZ délégués veilleraient à ce que tous les services territoriaux fonctionnent selon les règles fixées par la doctrine d’emploi et de fonctionnement de leur filière. Des états-majors communs seraient créés afin de regrouper en un lieu unique des représentants des quatre filières, ainsi que pour faciliter leur coordination et l’échange d’informations.

– le niveau départemental deviendrait l’échelon opérationnel de référence avec la création de directions départementales de la police nationale (DDPN) qui se substitueraient aux actuelles directions territoriales (sécurité publique, police judiciaire, police aux frontières). Elles regrouperaient les effectifs de police de chacune des filières et seraient, elles aussi, animées par un état-major commun. Quatre chefs de filière seraient rattachés au DDPN pour animer leur filière dans le département – voire, s’agissant des filières police judiciaire et police aux frontières, à l’échelle supra-départementale (voir infra). Sous l’autorité des DDPN, les circonscriptions de sécurité publique deviendraient des circonscriptions de police nationale.

Une première tentative de départementalisation en 1990

Une réforme visant à la départementalisation de la police avait été lancée en 1990 par M. Pierre Joxe, puis poursuivie par M. Philippe Marchand et généralisée par M. Paul Quilès, alors ministres de l’Intérieur. Elle consistait à regrouper les polices urbaines, ainsi que les renseignements généraux et la police de l’air et des frontières sous l’autorité unique d’un directeur départemental de la police nationale (DDPN), lui-même placé sous l’autorité d’une direction centrale nouvelle. La police judiciaire en était, en revanche, exclue.

La réforme a été conduite progressivement par groupes de départements et achevée au 1er janvier 1993. Elle visait à mettre fin aux rivalités entre services et à faciliter la communication du renseignement entre « des unités ordinairement assez cloisonnées » ([90]). La mise en place d’une politique globale de sécurité à l’échelon local aurait ainsi permis une mobilisation plus efficace des personnels dans la lutte contre la petite et la moyenne délinquance. La réforme ne procédait pas toutefois à une unification complète des services déconcentrés de la police nationale : les échelons régionaux de la police de l’air et des frontières et des Renseignements généraux demeuraient et conservaient des attributions spécifiques. Les renseignements généraux notamment étaient placés sous une double autorité hiérarchique : pour les missions locales, ils agissaient sous l’autorité du DDPN, tandis que pour les missions régionales, ils relevaient de l’autorité directe de la direction régionale des renseignements généraux.

La réforme fut abandonnée par Charles Pasqua en juin 1993, en supprimant les 99 directions départementales et la direction centrale mises en place par ses trois prédécesseurs. Le sénateur Paul Masson a résumé les raisons qui présidèrent à cette décision en 1994 : « En pratique la départementalisation a multiplié les échelons de commandement, a provoqué une certaine démobilisation des personnels - notamment ceux des Renseignements généraux, isolés du préfet, leur interlocuteur naturel – et a abouti à une opacité croissante des services, érigés en directions départementales trop autonomes pour pouvoir réellement fonctionner de concert. » ([91]) À cela s’ajoutèrent des résultats en matière de lutte contre la petite et la moyenne délinquance que le ministre de l’intérieur jugeait décevants : « La départementalisation a (…) suscité de réelles frustrations et une certaine démotivation sans que pour autant ses effets, en termes de sécurité, puissent être évalués. » ([92])

Toutefois, les représentants de l’Association des hauts fonctionnaires de la police nationale (AHFPN) questionnés sur ce point ont au contraire soutenu qu’ils avaient alors pu observer un décloisonnement des services et une meilleure circulation de l’information avant d’échouer «  sans doute pour des raisons politiques » ([93]).

b.   La mise en place d’une filière police judiciaire

Pour la prochaine filière police judiciaire, qui rassemblera les enquêteurs de l’actuelle PJ et de la sécurité publique ([94]), les principes de la réorganisation conduisent à distinguer les échelons départemental, zonal et national, qui traiteraient les affaires liées à la criminalité organisée, et les niveaux de la circonscription et du département, chargés de la délinquance du quotidien.

i.   L’animation de la filière : le niveau national

Au niveau national, une direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) en charge de l’animation de la filière « investigation » serait créée. Elle aurait sous ses ordres les entités nationales opérationnelles, comme les offices centraux de police judiciaire. Le DNPJ disposerait, à la demande de l’autorité judiciaire, de prérogatives suffisamment larges sur les enquêteurs de la filière pour mener des enquêtes d’envergure, comme cela lui est déjà possible sous l’empire de l’organisation actuelle de la police nationale.

Au total, la future direction nationale de police judiciaire (DNPJ) animerait et piloterait une filière de plus de 23 000 personnels avec une vue et une approche transversale pour l’ensemble de l’investigation judiciaire ([95]).

ii.   La coordination de la filière : le niveau zonal

Au niveau zonal, un directeur zonal délégué ou adjoint à la police judiciaire serait mis en place et chargé de décliner, d’animer et de coordonner la filière police judiciaire. Ainsi que l’a précisé la DCPJ à vos rapporteurs, ce directeur « [piloterait] d’une main les services opérationnels qui [lui] sont directement rattachés pour traiter les phénomènes criminels graves, complexes ou sensibles et de l’autre, l’ensemble de l’activité de toutes les unités d’enquête présentes sur [son] ressort » ([96]).

Il est envisagé à ce stade d’implanter ou de rattacher au niveau de la zone certaines structures d’appui opérationnel (BRI, SIAT ([97]), cyber, renseignement criminel, saisie des avoirs criminels) et une délégation du service national de police scientifique (SNPS).

En outre, l’article premier de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur prévoit que l’échelon zonal disposera de moyens humains et budgétaires propres afin de garantir le traitement de la criminalité organisée, complexe ou présentant une particulière gravité ([98]). Interrogée sur le périmètre précis que pourrait revêtir cette assertion, l’équipe projet a indiqué à vos rapporteurs qu’elle pourrait concerner les atteintes à la probité. L’équipe projet a cependant précisé que les contours précis du périmètre pourraient évoluer en fonction des conclusions des missions parlementaires, de la mission des inspections ministérielles et du dialogue social avec les organisations syndicales. En prenant garde de ne pas retirer une partie substantielle des capacités d’enquête à l’échelon départemental, l’équipe projet souhaite également éviter un cloisonnement vertical résultant de l’empilement des services d’enquête traitant les mêmes types de contentieux à plusieurs niveaux.

iii.   L’échelon opérationnel : le département

Au niveau départemental, comme dans les DTPN, le DDPN aurait autorité sur l’ensemble des personnels de la police nationale, y compris les policiers rassemblés au sein de la nouvelle filière police judiciaire.

Tant le ministre de l’Intérieur que le DGPN ont rappelé, à plusieurs reprises, que « les structures de la PJ ne disparaîtront pas : elles seront maintenues partout où il existe une implantation d’un service de police judiciaire » ([99]) et « aucun policier de l’actuelle DCPJ ne fera autre chose que ce qu’il fait aujourd’hui sur son lieu d’affectation » ([100]). La cartographie actuelle des services de police judiciaire évoluerait néanmoins pour prendre en compte les modifications liées à la mise en œuvre de la réforme.

La situation diffère selon que les départements accueillent actuellement ou non un service de police judiciaire.

Pour préserver une compétence territoriale dépassant le cadre du département, les actuels services de police judiciaire (SPJ) deviendraient des services interdépartementaux de la police judiciaire (SIPJ), placés sous l’autorité du chef de service, lui-même sous celle du DDPN. Le chef du SIPJ pourrait être saisi directement par les magistrats, sans intervention du DDPN, et décider ainsi, en fonction de la nature de l’enquête et de ses échanges avec l’autorité judiciaire, de la confier à l’une ou l’autre des divisions du service.

Les SIPJ seraient en effet principalement composés de deux « blocs » : l’un chargé de traiter certaines formes de criminalité du quotidien et l’autre de la criminalité organisée.

Deux options sont envisagées pour composer ces deux nouvelles divisions :

– une première option rassemblerait les enquêteurs par spécialité, quelle que soit la gravité de l’infraction. Ainsi, s’agissant du bloc en charge de la criminalité organisée, les enquêteurs de l’ancien SPJ et certains enquêteurs de l’ancienne SD seraient par exemple rassemblés au sein de trois sections : anti‑stupéfiants, répression du banditisme et criminalité financière organisée. Les infractions relevant des atteintes aux personnes, à la famille et aux biens seraient prises en charge à titre principal par les anciens effectifs des SD, rassemblés au sein du bloc chargé de la criminalité du quotidien, lui-même décomposé en trois sections correspondant à ces trois aspects de la délinquance.

projet d’organisation des SIPJ – option « intÉgrÉe »

Source : commission des Lois, à partir d’informations transmises verbalement par la direction générale de la police nationale. Cet organigramme est en cours de construction et susceptible d’évoluer dans les prochaines semaines.

– une seconde option « de compromis » maintiendrait la distinction entre l’ancienne PJ et l’ancienne SD : il s’agirait de regrouper les anciens enquêteurs PJ dans un bloc et les anciens enquêteurs SP dans un autre. Les unités seraient alors sous l’autorité d’un seul chef, mais conserveraient les périmètres de compétences qui préexistaient avant la mise en place de la réforme. Ainsi, les deux divisions seraient par exemple chargées de traiter des infractions liées au trafic de stupéfiants ou des infractions économiques et financières, en fonction de la gravité de l’infraction, ce qui maintiendrait un cloisonnement horizontal et une forme de redondance.

projet d’organisation des SIPJ – option « de compromis »

Source : commission des Lois, à partir d’informations transmises verbalement par la direction générale de la police nationale. Cet organigramme est en cours de construction et susceptible d’évoluer dans les prochaines semaines.

Quelle que soit l’option retenue, le SIPJ comprendrait également une division transversale chargée du pilotage et de l’appui opérationnel, afin de valoriser le renseignement criminel et réaliser un travail de rapprochement et de synthèse en matière de délinquance sérielle. Ce service aurait un rôle particulièrement stratégique si l’option de compromis devait finalement être retenue puisqu’il serait chargé de trouver les mutualisations possibles entre les deux divisions opérationnelles et donc d’atténuer les effets de doublon qui perdureraient sous cette organisation.

Dans les départements où il n’existe pas d’implantation de police judiciaire, des services départementaux de police judiciaire (SDPJ), composés des effectifs des anciennes SD ou sûretés urbaines (SU) seraient mis en place, sous l’autorité du DDPN. Comme les actuelles SD, ces services auraient une portée uniquement départementale.

Le SIPJ aurait vocation à être saisi, dans les départements de son ressort autres que son département d’implantation, de dossiers de criminalité organisée et de criminalité territoriale, en particulier si les capacités du SDPJ territorialement compétent sont ponctuellement insuffisantes pour prendre en charge de telles investigations. Ce soutien dépendrait de la nature du contentieux et du degré de confidentialité requis pour le traiter, et pourrait prendre la forme de saisines en propre, de co-saisines ou de renforts ponctuels de moyens.

Enfin, la partie législative du code de procédure pénale n’étant pas modifiée par la réforme de la police nationale, les OPJ conserveront la possibilité d’agir audelà de leur département ou zone respectifs, selon des modalités précisées par ce code ([101]).

iv.   Sous l’autorité du DDPN : les personnels de la circonscription de police

La circonscription de police serait l’échelon territorial de base de la police nationale. Elle serait composée d’un service de voie publique (SVP), regroupant schématiquement les personnels en charge de la sécurisation de l’espace public, et d’un service local de police judiciaire (SLPJ) auquel seraient rattachés les personnels consacrés à l’investigation. Elle comprendrait les effectifs des « groupes d’action judiciaire » (GAJ – ex groupes d’appui judiciaire) et des unités d’enquête ainsi qu’une base de police scientifique.

La police technique et scientifique serait ainsi représentée à tous les échelons territoriaux : au sein des zones, une division chargée de la coordination de la police scientifique exercerait un suivi de l’activité des divisions de police scientifique présentes au sein des SIPJ, tandis que des bases de police scientifique travailleraient au profit des SLPJ.

v.   Des doctrines qui doivent être précises et exhaustives

Les doctrines en cours de rédaction orienteront les fonctionnaires de police dans la mise en œuvre de la réforme au quotidien. Celle consacrée à la filière police judiciaire doit, en outre, intégrer le rôle et les missions de l’autorité judiciaire dans la conduite des investigations pénales.

La mission d’information estime ainsi nécessaire que la doctrine de la filière judiciaire s’inscrive dans l’objectif d’efficacité et de lisibilité de l’organisation des services d’enquête, qui devront être structurés de manière à répondre à l’ensemble des enjeux de la criminalité, sur l’ensemble du spectre de la délinquance, en évitant le chevauchement de compétences qui prévaut aujourd’hui et en assurant une répartition équilibrée des agents par types de contentieux.

Le rôle de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale de la police nationale devrait être précisé afin que les missions de chacun puissent être déterminées avec clarté, dans le même objectif qui doit prévaloir dans la structuration des services d’enquête.

Enfin, un dialogue constant avec l’autorité judiciaire devrait être entretenu dans la mise en œuvre de la réforme, dont les modalités pourront elles aussi figurer dans la doctrine.

Recommandation n° 22 : dans la doctrine de la police judiciaire :

– structurer les services d’enquête de la filière police judiciaire de manière à être en capacité de traiter efficacement ses différents champs d’action (criminalité organisée et criminalité territoriale), tout en prévenant le risque de chevauchement de compétences et de concurrence par une répartition équilibrée des agents par type de contentieux ;

– définir avec précision le rôle de chacun, notamment en matière d’activité de police judiciaire (chefs de service de police judiciaire, directeurs départementaux et zonaux, chefs d’offices centraux, directeur national de la police judiciaire) ;

– garantir une concertation et des échanges réguliers avec l’autorité judiciaire dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme.

Votre rapporteure considère que la doctrine de la police nationale, dont la finalité sera de coordonner l’ensemble des filières métiers et support, devrait prendre en compte les éventuelles difficultés dans le déploiement de la réforme, en prévoyant un processus de médiation et de résolution des conflits à tous les échelons. Elle devrait également préciser les relations hiérarchiques et fonctionnelles entre l’ensemble des responsables, à tous les niveaux.

Recommandation n° 23 de Mme Marie Guévenoux : dans la doctrine de la police nationale :

– définir un processus de médiation et de résolution des conflits entre les autorités policières au niveau des trois échelons prévus (départemental, zonal et national) ;

– préciser les relations hiérarchiques et fonctionnelles entre tous les responsables de la police nationale, à tous les niveaux.

Enfin, votre rapporteur souhaite que le Conseil supérieur de la magistrature puisse être saisi des projets de doctrine de la filière police judiciaire et de la police nationale.

Recommandation n° 24 de M. Ugo Bernalicis : soumettre les projets de doctrines de la filière judiciaire et de la police nationale à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.

c.   Une réforme qui ne devrait aboutir qu’en fin d’année 2023

La mise en place de la réforme nécessite encore plusieurs mois de travaux. Elle a été retardée du fait de la décision prise par le ministre de l’Intérieur d’instaurer un moratoire en fin d’année 2022, dans l’attente du résultat des élections professionnelles de décembre 2022 et à la suite de la contestation et des inquiétudes que le projet de réorganisation a soulevées. Les contours finaux de la réforme devraient également prendre en compte les conclusions de la présente mission d’information et celle lancée par le Sénat, ainsi que la remise du rapport commandé aux inspections générales de l’administration, de la justice et de la police nationale. Le ministre de l’Intérieur a cependant d’ores et déjà nommé les préfigurateurs nationaux de la réforme, vendredi 3 février 2023.

La nouvelle organisation serait pleinement déployée sur l’ensemble du territoire en fin de l’année 2023, afin qu’elle puisse être en place avant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

● La réforme oblige à revoir les modes de fonctionnement logiciel et comptable de la police nationale afin d’uniformiser les réseaux et applications utilisés par les personnels relevant des anciennes directions centrales. De nombreuses mesures emportant des conséquences en termes de ressources humaines sur les policiers relevant de la future filière police judiciaire devront être prises. En particulier, la réforme s’accompagnera de nombreux arrêtés d’affectation qui pourront avoir des conséquences très concrètes sur la rémunération des agents.

Ces impératifs opérationnels, relevés à de nombreuses reprises tant au cours des auditions que pendant les déplacements de la mission d’information, devraient être pris en compte dans le calendrier prospectif de mise en place des DDPN.

Recommandation n° 25 : anticiper les risques liés à la mise en commun des réseaux et applications métiers des anciennes directions centrales ainsi que l’ensemble des démarches RH à engager dans la mise en œuvre de la réforme. Mobiliser les moyens adéquats pour prendre l’ensemble des arrêtés d’affectation des agents avant tout déploiement opérationnel de la réforme.

● Vos deux rapporteurs formulent chacun une recommandation visant à assurer la bonne mise en œuvre de la réforme sur le temps long.

Votre rapporteure estime qu’une mise en œuvre de la réforme d’ici la fin de l’année 2023, ainsi que le propose l’équipe projet, est pertinente, pourvu qu’elle ait lieu progressivement : il s’agirait de commencer d’abord par une réforme de l’échelon national, puis zonal et enfin, départemental, afin de maîtriser les conséquences administratives lourdes qu’un tel changement est susceptible d’emporter sur les effectifs de la police nationale.

Recommandation n° 26A de Mme Marie Guévenoux : engager progressivement la réforme de la police nationale, en commençant par une mise en œuvre au niveau des directions nationales dès que possible, puis des directions zonales au cours du premier semestre 2023 et enfin des directions départementales d’ici à la fin de l’année 2023.

Votre rapporteur considère, quant à lui, que la réforme exige un temps de réflexion plus important. Il préconise de consacrer l’année 2023 et le début de l’année 2024 aux travaux d’adaptation logiciels et RH précités et d’attendre la fin des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour appliquer pleinement la réforme, quel que soit le modèle finalement retenu.

Recommandation n° 26B de M. Ugo Bernalicis : consacrer l'année 2023 et le premier semestre 2024 au test des applications numériques et des bascules, notamment en matière de ressources humaines. Mettre en œuvre la réforme après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour une finalisation au 1er janvier 2025.

● La dualité des services de police judiciaire au sein de la police nationale, du côté de la DGPN et de la préfecture de police, complexifie la circulation et la synthèse de l’information. Vos deux rapporteurs estiment ainsi pertinent d’intégrer, à terme, la préfecture de police au périmètre de la réforme de la police nationale.

Cette intégration doit en revanche être davantage mûrie et travaillée et pourrait être engagée après les Jeux olympiques et paralympiques.

Recommandation n° 27 : étendre la réforme de la police nationale au territoire de la préfecture de police après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

● Le rapport dressant le bilan de la création des directions territoriales de la police nationale dans les outre-mer et des expérimentations des directions départementales de la police nationale, réalisé par les inspections générales de la police nationale, de l’administration et de la justice et paru en janvier 2023, relève à raison que plusieurs chantiers structurels ont cours actuellement et multiplient les risques liés à la mise en œuvre des DDPN ([102]).

Dès lors, vos rapporteurs partagent et souhaitent reprendre à leur compte une recommandation formulée par les inspections générales, qui préconisent d’« établir un calendrier consolidé des différentes réformes en cours dans la police nationale, associé à un document de maîtrise des risques ».

Recommandation n° 28 : établir un calendrier consolidé des différentes réformes en cours dans la police nationale, associé à un document de maîtrise des risques.

B.   alors que les expérimentations soulignent les avantages et révèlent les faiblesses des ddpn, leur généralisation soulève des craintes qui doivent être prises en compte

La mise en place des DTPN dans les territoires ultramarins n’a pas suscité de critiques visibles, en particulier s’agissant de la filière judiciaire. Néanmoins, des problématiques ont été remontées par la voix des syndicats de magistrats, et de policiers lors des auditions. Au contraire, les DDPN inquiètent les acteurs de la chaîne pénale malgré de premières réponses apportées à ces craintes dans le cadre des débats parlementaires de la LOPMI.

Les expérimentations en cours dans huit départements métropolitains, conduites à droit constant, révèlent une situation contrastée en fonction des DDPN préfiguratrices, certains directeurs départementaux rencontrant plus de difficultés que d’autres pour mettre en place la réforme en dehors de toute existence réglementaire. Par ailleurs, le fait qu’il n’y ait pas une zone de défense entière concernée par l’expérimentation empêche de vérifier les hypothèses quant au rôle et aux moyens dévolus à cet échelon dans l’optique d’une généralisation.

Là où elle a effectivement été mise en œuvre, elle témoigne des avantages attendus par la réorganisation, mais souligne aussi des difficultés qu’il est nécessaire de prendre en considération. Vos rapporteurs préconisent plusieurs pistes d’amélioration qui contribueraient à favoriser un déploiement serein des DDPN sur le territoire national, dans le respect des acteurs de la filière judiciaire.

1.   Un projet de réforme suscitant depuis plusieurs mois de nombreuses critiques auxquelles la LOPMI apporte de premières réponses

Les auditions menées par la mission d’information ont permis de revenir sur plusieurs points de crispation contribuant à nourrir l’opposition à la réforme de la police nationale.

a.   Une critique de la méthode : une concertation insuffisante

La réforme est d’abord confrontée à une critique de la méthode, de nombreuses personnes auditionnées ayant déploré un manque de concertation et l’absence de retour d’expérience sur la mise en œuvre des DTPN dans les territoires ultramarins et des expérimentations de DDPN en métropole.

Le ministère de la Justice, en particulier sa direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), a été associé à la mise en œuvre des expérimentations et a échangé avec la DGPN tout au long de celles-ci. La DACG a tout d’abord « mis en place des réunions mensuelles de suivi, tant avec les juridictions expérimentales qu’avec le directeur de l’équipe projet durant toute l’année 2021 (six réunions entre le 26 janvier et le 8 septembre), lesquelles ont donné lieu à un bilan adressé au DGPN le 12 octobre 2021. » ([103]) Ce suivi des expérimentations et des travaux est, par la suite, devenu continu dans le cadre d’échanges entretenus via plusieurs canaux :

– un groupe de liaison composé de deux procureurs généraux, de deux procureurs de la République et d’un juge d’instruction ([104]). Ce groupe de liaison s’est réuni à quatre reprises, notamment le 14 juin 2022, en présence de l’équipe projet de la DGPN, qui lui a présenté les contours de la réforme ainsi que les arbitrages et questions en cours ;

– la conférence nationale des procureurs généraux et celle des procureurs de la République, que la DACG a rencontrées ;

– les procureurs généraux et procureurs de la République des départements expérimentaux qui ont régulièrement adressé des rapports concernant l’application de cette expérimentation. En outre, suite à sa demande, la DACG a également participé à certains entretiens que le DGPN a réalisés avec les autorités judiciaires locales à l’occasion de ses déplacements en octobre.

Enfin, la DACG a indiqué à vos rapporteurs que trois décrets lui avaient été transmis, pour analyse, par la DGPN afin de lui permettre de participer à l’élaboration des textes règlementaires qu’implique la réforme ([105]). Ces échanges devraient se poursuivre dans les mois à venir.

Par ailleurs, le DGPN a eu l’occasion, à plusieurs reprises, de présenter aux magistrats du parquet son projet de réforme et les résultats des expérimentations :

– le 4 mai 2021, au bureau de la conférence nationale des procureurs généraux et à celle des procureurs de la République ;

– le 29 novembre 2021, à l’ensemble des procureurs généraux et procureurs de la République, à l’occasion des journées du ministère public ;

– le 11 octobre 2022, devant l’ensemble des procureurs généraux.

Malgré ces initiatives, les représentants de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) auditionnés par la mission d’information ont déploré l’absence de « communication partagée avec les magistrats au stade de [la] conception [de la réforme], et une communication plus que limitée au stade de son expérimentation locale. » ([106])

Ce constat est partagé par M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, qui, dans une note de novembre 2021 destinée au Garde des Sceaux et au directeur des affaires criminelles et des grâces, indiquait ne pouvoir « que regretter qu’une réforme aussi importante ne soit pas rationnellement décidée après un véritable bilan de l’expérimentation auquel, eu égard au double rattachement de la police judiciaire (au sens large) au ministère de l’Intérieur et à l’autorité judiciaire, celle-ci et le ministère de la Justice auraient été associés. »

En outre, la démarche de réflexion sur la future réorganisation a reposé sur une association des personnels de la police nationale perçue comme insuffisante par la plupart des personnes auditionnées par la mission d’information. En particulier, la décision début juillet 2022 de lancer une démarche d’adaptation et de conception des organigrammes aux niveaux zonal et départemental, avec l’appui des six directeurs zonaux référents, a été mal perçue dans la plupart des services visités par vos rapporteurs.

C’est aussi à la suite de cette transmission d’organigrammes en plein mois de juillet que s’est créée l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ) pour protester contre la réforme. Des manifestations de désapprobation ont été organisées dans différents services de police lors de visites du DGPN. La plus emblématique a eu lieu à Marseille avec l’organisation d’une « haie du déshonneur » le 6 octobre 2022 conduisant le ministre de l’Intérieur à démettre de ses fonctions M. Éric Arella, alors DZPJ Sud, deux jours plus tard. Le 17 octobre, des manifestations de protestation des effectifs de la police judiciaire ont eu lieu devant de nombreux tribunaux à l’appel de l’ANPJ, avec, fait inédit, la présence de magistrats à leurs côtés, dont des organisations syndicales.

L’équipe projet a toutefois souligné l’importance des consultations réalisées au cours des derniers mois : 10 comités de pilotage élargis relatifs à la réorganisation de la police nationale ont été organisés et présidés par le DGPN ; 51 réunions portant sur l’organisation des filières et l’élaboration des doctrines ont été conduites par l’équipe projet, dont 12 spécifiquement sur la filière PJ ; 81 audiences syndicales se sont tenues tant au niveau national que territorial depuis le début du projet ; 11 déplacements ont déjà été réalisés dans les zones de défense. Une nouvelle phase de concertation syndicale est prévue à partir de février 2023, une fois les conclusions des missions parlementaires et des inspections générales de l’administration, de la justice et de la police nationale rendues.

Ces critiques ont, en effet, invité le ministère de l’Intérieur à annoncer la réalisation d’un audit sur les territoires expérimentaux par l’inspection générale de l’administration (IGA), l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’inspection générale de la justice (IGJ), tout en reportant la mise en œuvre de la réforme au deuxième semestre 2023 et en donnant le temps aux organisations syndicales d’amender le projet de réforme.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué devant la commission des Lois qu’il « n’y aura pas de généralisation de la réforme de la police nationale si le Parlement et l’exécutif considèrent que ce qui a été expérimenté n’est pas satisfaisant » ([107]).

Ces considérations ont été inscrites par le Parlement dans le rapport annexé à la LOPMI, dont l’alinéa 151 dispose désormais :

« La réforme sera mise en œuvre en s’appuyant sur les conclusions de la mission d’information sur l’organisation de la police judiciaire menée par la commission des lois du Sénat, de la mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale menée par la commission des lois de l’Assemblée nationale et de la mission confiée à l’inspection générale de l’administration, à l’inspection générale de la police nationale et à l’inspection générale de la justice relative au bilan des expérimentations déjà menées dans les territoires. Enfin, les représentants du personnel de la police nationale, issus des élections professionnelles de décembre 2022, seront obligatoirement consultés. Aucun policier affecté à la direction centrale de la police judiciaire ne sera conduit, par cette réforme, à changer de direction ou de mission sans son accord. »

Le calendrier indicatif de mise en œuvre de la réforme, transmis à vos rapporteurs par la DGPN (voir supra), s’inscrit dans cette temporalité.

b.   Des inquiétudes quant à la liberté du choix du service d’enquête

Les magistrats entendus par la mission d’information craignent que la réforme de la police nationale, en particulier du fait de son unicité de commandement, porte atteinte à l’autorité judiciaire par une remise en cause du libre choix du service d’enquête.

Selon le Syndicat de la magistrature, « les procureurs des départements d’expérimentation indiquent qu’ils sont perçus comme l’autorité de saisine du service enquêteur "pré-choisi" par le DDPN, validant un choix dont ils sont dépossédés. La garantie formelle du libre choix du service d’enquête par le choix de l’unité compétente se révèle insuffisante à faire prévaloir la décision de l’autorité judiciaire sur celle, éventuellement différente, du DDPN (au motif d’une disponibilité de tel service plutôt que tel autre). » ([108]) Cette inquiétude est partagée par M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, qui estime que, comme les DDSP sont actuellement en situation de le faire pour les services d’investigation de la sécurité publique, le DDPN pourra opposer sa maîtrise des moyens pour contraindre les procureurs à saisir le service de son choix.

En réponse à ces inquiétudes, le ministre de l’intérieur a rappelé que les magistrats « continueront évidemment à pouvoir saisir le service enquêteur de leur choix » ([109]). La partie législative du code de procédure pénale, dont l’article 12-1 concernant le libre choix du service d’enquête ([110]), ne sera pas modifiée par la réforme.

Les procureurs de la République et les juges d’instruction conserveront ainsi le libre choix de la formation qu’ils souhaitent saisir dans la nouvelle configuration, et pourraient saisir en toute indépendance :

– le chef de la circonscription de police nationale ;

– le directeur départemental de la police nationale ;

– le directeur zonal délégué à la police judiciaire, en fonction du périmètre de compétences qui sera attribué à l’échelon zonal ;

– le directeur zonal de la police nationale ;

– le directeur national de la police judiciaire, notamment pour ses services et offices centraux.

La réorganisation serait même de nature à éviter le risque de conflit négatif de compétence auquel les parquets sont parfois confrontés, lorsqu’aucun des services d’enquête du ressort ne souhaite traiter une saisine.

La liste des interlocuteurs pouvant être saisis par les magistrats, ainsi que les garanties posées par la loi en matière de libre choix du service d’enquête, pourraient être transcrites dans la partie réglementaire du code de procédure pénale et inscrites dans la doctrine de la police judiciaire. Vos rapporteurs préconisent également de compléter la liste ci-dessus en permettant la saisine directe du chef de la filière police judiciaire du ressort – le chef du SIPJ ou du SDPJ, selon les départements.

Recommandation n° 29 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, ainsi que dans la doctrine de la police judiciaire :

– rappeler, d’une part, que la mission de police judiciaire relève du code de procédure pénale, notamment le choix du service d’enquête, qui incombe à l’autorité judiciaire, et, d’autre part, l’importance et les incidences du secret de l’enquête et de l’instruction dans la conduite des enquêtes judiciaires ;

– décliner, au titre du décret des catégories de services, l’ensemble des formations et unités que l’autorité judiciaire peut saisir pour garantir le libre choix des formations, comme cela est prévu à l’article 12-1 du code de procédure pénale ;

– permettre la saisine du chef de la filière police judiciaire du ressort.

c.   La crainte d’une mutualisation des moyens de l’ancienne « PJ » au bénéfice de la délinquance du quotidien

Les acteurs de la filière judiciaire redoutent une mutualisation des moyens police judiciaire – sécurité publique par une mobilisation de la « PJ » vers le traitement de la délinquance du quotidien, qui aurait pour finalité d’augmenter le taux d’encadrement des effectifs actuels de sécurité publique (5 % pour la DCSP contre 30 % pour la DCPJ) et d’accélérer le traitement des procédures accumulées pour la DCSP (1,55 million en juin 2022).

Ces inquiétudes ont été largement relayées par les magistrats au cours des auditions et des déplacements de la mission d’information. Certains services considérés comme déjà en tension suscitent des inquiétudes particulières : les syndicats de magistrats estiment ainsi que les services économiques et financiers, qui constituent « l’angle mort des services d’enquête, même en PJ » ([111]), risquent de voir leurs moyens disparaître au profit d’une délinquance du quotidien plus visible. M. François Molins a constaté que, dans les DDPN faisant l’objet de l’expérimentation, la lutte contre la délinquance financière était « abandonnée » par les services d’enquête. Des préoccupations similaires ont été partagées par le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le Syndicat des avocats de France, au cours de leur audition.

Interrogée par vos rapporteurs, l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ) a résumé ces craintes en soutenant que, « dans une logique purement comptable, la pression du contentieux de masse et de la réaction aux évènements dans un temps court ne peut que prendre l’ascendant sur la logique de temps long et de concentration des moyens sur un petit nombre d’enquêtes » ([112]). Ce constat a été partagé, au cours de son audition, par M. François Molins, qui craint en particulier « que la priorité soit donnée au traitement des cibles les plus visibles au détriment des infractions les plus graves, les plus complexes et les plus cachées, les plus tapies », prenant l’exemple de l’intervention régulière sur un point de deal au détriment d’opérations plus longues permettant de remonter les réseaux d’approvisionnement.

Cette mutualisation pourrait par ailleurs, selon certaines personnes auditionnées, s’accompagner d’une perte d’indépendance de la « PJ » et menacer le haut niveau de technicité de ses enquêteurs. L’Association française des magistrats instructeurs (AFMI), ainsi que de nombreux magistrats entendus par la mission d’information, ont ainsi mis en garde contre d’éventuelles conséquences sur la conduite des enquêtes pénales : pour l’AFMI, « le niveau d’exigence procédurale nécessaire pour les affaires les plus graves faisant intervenir les avocats pénalistes les plus spécialisés est tel que confier, même en appui ponctuel, la réalisation d’actes par des services non ou moins spécialisés que la police judiciaire multipliera les risques de vices de procédure et d’annulation, voire de remise en liberté de personnes en détention provisoire si les enquêtes effectuées ne parviennent plus à maintenir un niveau adéquat tant au niveau du fond que de la procédure » ([113]).

En réponse à ces inquiétudes, le ministère de l’Intérieur a rappelé « qu’on ne va pas demander aux enquêteurs de PJ de faire des enquêtes locales » et qu’ « aucun policier de PJ ne fera autre chose que ce qu’il fait aujourd’hui sur son lieu d’affectation actuel » ([114]), tout en faisant « bénéficier leur expertise à tous les effectifs de cette nouvelle filière investigation » ([115]). Ces engagements ont été réitérés lors des débats parlementaires par le ministre de l’Intérieur. D’un point de vue opérationnel, ils se concrétisent dans les projets de structuration de la filière police judiciaire, qui préservent les spécificités du métier des enquêteurs à tous les niveaux du spectre (voir supra).

Afin d’éviter toute consigne contradictoire, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) rédige actuellement la doctrine d’emploi de la filière police judiciaire, qui fixera les règles relatives aux missions, à l’organisation et au fonctionnement de la police judiciaire. Cette doctrine a ainsi pour objectif de recenser les missions dévolues à la filière et de fixer ses règles de fonctionnement. Elle devrait préciser le rôle et les missions des autorités de référence de la filière et ses leviers d’action, déterminer les conditions d’animation des ressources humaines, et modéliser la structuration des unités composant la filière ainsi que leur équipement.

La question de la mutualisation des moyens de la police judiciaire renvoie, plus largement, à celle des garanties budgétaires qui doivent être prises pour assurer un traitement de la délinquance à tous les niveaux du spectre par les services d’enquête. La future architecture budgétaire déconcentrée devrait ainsi prendre en compte les inquiétudes exprimées au cours des auditions.

Votre rapporteure Mme Marie Guévenoux ([116]) estime nécessaire de doter la direction nationale d’un budget propre, couvrant son fonctionnement ainsi que celui des services centraux et des offices qui lui sont rattachés.

Les dotations budgétaires qui seront allouées par les DZPN aux DDPN devraient en outre correspondre aux besoins réels exprimés par les filières métiers, y compris la filière police judiciaire, et intégrer des mécanismes d’ajustement des budgets afin de parer à tout imprévu. Dans ce cadre, le DZPN ne doit pas être cantonné à un rôle de « conseiller », mais doit au contraire disposer de réelles prérogatives en matière RH, soutien et finances, vis-à-vis des SGAMI et préfets délégués à la sécurité. Une structure et une administration consacrées à ces missions doivent lui être rattachées.

Enfin, dans la continuité des engagements pris lors des débats parlementaires de la LOPMI, votre rapporteure préconise que les directions zonales disposent de moyens propres pour mener à bien les investigations complexes dont elles auront la charge.


Recommandation n° 30 de Mme Marie Guévenoux : garantir que la déconcentration budgétaire n’entraîne pas la réduction des capacités opérationnelles des acteurs de la filière police judiciaire, notamment :

– en dotant la direction nationale de la police judiciaire de ressources budgétaires propres, lui permettant de couvrir les dépenses inhérentes à l’activité des services centraux ;

– en consacrant le rôle du DZPN en matière RH, soutien et finances vis-à-vis des SGAMI et préfets délégués à la sécurité ;

– en sanctuarisant les moyens dévolus aux enquêtes les plus complexes ou les plus sensibles, en particulier en matière économique et financière, et en dotant les DZPN de moyens propres suffisants pour mener leurs investigations ;

– en veillant à ce que les DDPN bénéficient de dotations budgétaires, allouées par les DZPN, correspondant en volume aux besoins réels des différentes filières métiers représentées. Un mécanisme d’ajustement de ces budgets doit être spécifiquement prévu pour faire face à des évènements ou des enquêtes imprévus ou non planifiés nécessitant des moyens supplémentaires.

d.   Le cadre départemental comme échelon souvent inadapté pour le traitement de la délinquance

De nombreuses personnes auditionnées ont insisté sur la nécessité de maintenir un spectre large de lutte contre la délinquance, qui dépasse régulièrement les frontières administratives du département et trouve des ramifications régionales, nationales voire internationales.

Lors de son audition, M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles où siège la DRPJ compétente dans les Yvelines, le Val-d’Oise, l’Essonne et la Seine-et-Marne, a partagé avec vos rapporteurs une étude, réalisée entre janvier 2021 et juin 2022 à partir des dossiers résolus dans le ressort de la cour d’appel, qui démontre que 62,4 % des affaires traitées par la police judiciaire ont dépassé le ressort du département de la saisine ([117]).

Ce périmètre de compétences supra-départementale de la police judiciaire ne sera pas remis en cause par la réforme. D’une part, les enquêteurs des services interdépartementaux de police judiciaire (SIPJ) auront de fait une compétence supra-départementale, leur service de rattachement ayant vocation à couvrir plusieurs départements. D’autre part, les enquêteurs des SIPJ et des services départementaux de police judiciaire (SDPJ) pourront toujours agir au-delà de leurs limites territoriales, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Les OPJ des SIPJ devraient par ailleurs détenir une habilitation OPJ zonale, tandis que les OPJ affectés dans les offices centraux et dans leurs antennes territoriales conserveraient l’habilitation nationale dont ils disposent déjà.

La DCPJ a par ailleurs précisé à vos rapporteurs que la doctrine de la filière police judiciaire « veillera à délier la poursuite des enquêtes des contingences budgétaires des DDPN. » ([118]) Une prise en charge financière est en effet particulièrement souhaitée pour les services d'enquête traitant du haut du spectre de la criminalité : après la réforme, un service d'enquête travaillant sur un trafic de stupéfiants de dimension supra-départementale devra en effet pouvoir mener des opérations judiciaires sans se voir opposer une contrainte budgétaire par sa DDPN de rattachement. À cette fin, la doctrine devrait énumérer toutes les dépenses liées à l’environnement de travail des enquêteurs devant être prises en charge financièrement par la DNPJ afin de pouvoir modéliser leurs conditions de travail, sans être tributaire des priorisations effectuées par les autorités déconcentrées.

e.   Le risque d’atteinte à la protection du secret de l’instruction

Le principe du secret de l’instruction est prévu par l’article 11 du code de procédure pénale ([119]). Il vise à assurer la confidentialité du procès pénal dans la phase d’investigation et d’instruction préalable au jugement, en limitant la connaissance du dossier aux seules personnes qui concourent à l’instruction (enquêteurs, magistrats, greffes, etc.).

Ce principe implique, pour ces personnes, une obligation de secret professionnel dont la violation constitue un délit ([120]). De même, le dévoilement d’informations obtenues en violation du secret par un tiers ne concourant pas à l’enquête ou à l’instruction est constitutif du délit de recel ([121]).

Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de la police nationale, de nombreuses personnes auditionnées craignent une atteinte accrue à la protection du secret de l’instruction, les enquêtes les plus sensibles pouvant selon eux faire l’objet d’ingérences, ou à tout le moins de soupçons d’ingérences, par l’autorité préfectorale.

Cette inquiétude est renforcée par l’affirmation croissante des autorités administratives du ministère de l’Intérieur en matière de police judiciaire, selon certains magistrats. Pour M. Marc Cimamonti, « le véritable prescripteur de politique pénale est aujourd’hui le ministère de l’Intérieur, qui l’emporte très systématiquement au plan interministériel dans les multiples évolutions légales et n’hésite plus à intervenir directement pour donner des directives ou définir des orientations dans le champ des investigations judiciaires » ([122]), au détriment du ministère de la Justice.

La CNPR observe pareillement qu’il existe « un rôle prédominant et sans doute croissant des préfets sur le fonctionnement de la police nationale au niveau départemental, alors même que les procureurs de la République sont également autorités d’emploi de la police nationale. Pour autant, il existe un profond déséquilibre dans l’influence que peut avoir un procureur sur un DDSP par rapport à celle d’un préfet (…)

Les préfets organisent une réunion au moins hebdomadaire dite de sécurité publique avec l’ensemble des chefs des forces de sécurité intérieure au cours desquels chacun sait que les procédures judiciaires les plus saillantes ou médiatisées sont déjà abordées, hors la présence de l’autorité judiciaire, et alors même qu’elles sont censées être couvertes par le secret de l’enquête, y compris à l’égard de l’autorité préfectorale. » ([123])

Le ministère de l’Intérieur prévoit que certaines matières particulièrement sensibles ne seront pas traitées à l’échelle départementale. Le ministre a ainsi indiqué à ce titre que « l’échelon zonal sera toujours compétent pour la criminalité organisée ou les affaires liées à la probité des élus » ([124]).

Votre rapporteure observe qu’il peut être utile, pour les affaires de probité de moindre importance, de ne pas solliciter systématiquement l’échelon zonal, mais de permettre aux magistrats de saisir, s’ils le souhaitent, des services d’enquête relevant, non pas de la zone, mais d’une direction départementale voisine.

Recommandation n° 31 de Mme Marie Guévenoux : s’agissant des affaires de probité les moins complexes, permettre à l’autorité judiciaire de saisir une direction départementale voisine afin de ne pas saturer l’échelon zonal.

Les personnes auditionnées ont globalement reconnu la nécessité, pour le préfet, représentant de l’État dans le département, d’être informé des affaires pouvant entraîner des répercussions en matière d’ordre public, sans qu’il y ait méconnaissance du secret de l’instruction. En Savoie, département expérimentateur, le DDPN préfigurateur est ainsi la seule autorité de police présente aux réunions de sécurité organisées en préfecture et il est habilité à rendre compte de manière factuelle de l’activité de la filière judiciaire. Ce rôle n’est pas nouveau : il incombait préalablement au chef du service de la police judiciaire qui participait à ces réunions.

Concrètement, une fois la réforme mise en place, certes le DDPN rendra compte de son action au préfet, en sa double qualité de chef des services déconcentrés des administrations civiles de l’État et de responsable de l’ordre public et de la sécurité sur son département. Toutefois, il rendra également compte de son activité de police judiciaire aux procureurs de la République territorialement compétents, qui assument seuls la direction de l’activité de police judiciaire sur leur ressort respectif, conformément aux dispositions du code de procédure pénale.

Comme aujourd’hui pour les directions départementales de la sécurité publique (DDSP) ou les commandants de groupement de la gendarmerie nationale, l’action du DDPN sera, par définition, à la confluence de l’activité de police administrative et de police judiciaire, la bascule de l’une à l’autre pouvant intervenir lors d’une même opération de police, en fonction de la finalité poursuivie par les agents intervenants. Il n’est, en effet, pas rare qu’une opération de police judiciaire, sous la direction de l’autorité judiciaire, nécessite une intervention d’ordre public, sous la direction de la préfecture.

Ainsi, la réforme de l’organisation de la police nationale ne remet pas en cause les prérogatives respectives de l’autorité préfectorale et de l’autorité judiciaire. Elle généralise simplement le modèle des DDSP qui, comme l’a souligné l’association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur (ACPHFMI) auprès de vos rapporteurs, assument « un grand nombre de missions de police judiciaire », sans être pourtant « soumis à une pression particulière de la part de l’autorité préfectorale » ([125]).

Votre rapporteur estime toutefois qu’une précision par les textes de la nature des informations que le préfet est susceptible de se voir transmettre en raison de leurs répercussions sur l’ordre public apporterait une garantie substantielle au respect du secret de l’instruction. Sur le modèle de la circulaire du 31 janvier 2014 du ministère de la Justice ([126]), elle permettrait d’objectiver le contenu des informations devant faire l’objet d’une remontée hiérarchique et le circuit qu’elles doivent suivre.

Recommandation n° 32 de M. Ugo Bernalicis : définir des doctrines claires et publiques sur les remontées hiérarchiques de l’information attendues au sein de chaque échelon du ministère de l’Intérieur.

Pour renforcer le poids du parquet, l’équipe projet envisage de proposer la mise en place d’une évaluation des DZPN et des DDPN par les préfets et par l’autorité judiciaire, chacun dans son domaine de compétence, dans le cadre de leur notation annuelle. Cette notation s’appuierait ainsi sur deux évaluations réalisées par ces deux autorités.

Votre rapporteure partage cette recommandation, pourvu que l’évaluation de l’autorité judiciaire emporte de réelles conséquences sur la notation du directeur.

Recommandation n° 33 de Mme Marie Guévenoux : doter le DZPN d’une autorité hiérarchique sur les DDPN de son ressort, dont il assure la notation annuelle en s’appuyant sur la double évaluation du préfet de département et du procureur général territorialement compétent. De même, appliquer ce système de double évaluation au DZPN, noté par le DGPN sur la base de l’évaluation du préfet de zone et du procureur général territorialement compétent.

Votre rapporteure estime par ailleurs utile que les DDPN puissent être associés aux évaluations à 360 degrés des magistrats préconisés dans les conclusions des États généraux de la justice.

Recommandation n° 34 de Mme Marie Guévenoux : permettre aux directeurs départementaux de prendre part aux évaluations à 360 degrés des magistrats proposées dans le rapport du comité des États généraux de la justice.

f.   Un projet de réforme alternatif défendu par votre rapporteur : une filière judiciaire unique et distincte du reste de l’activité policière, rattachée à l’autorité judiciaire

Tout en reconnaissant le besoin de réformer la police judiciaire, votre rapporteur s’inquiète, pour toutes les raisons exposées précédemment, du projet de réforme actuellement envisagé par le ministère de l’Intérieur, et propose un projet alternatif de réorganisation.

Celui-ci se déclinerait en trois temps :

– d’abord, par la mise en place d’une filière unique de l’investigation rassemblant l’ensemble des enquêteurs de la police judiciaire et de la sécurité publique, y compris sur le territoire de la préfecture de police de Paris : cette réforme serait accompagnée d’une évaluation rigoureuse des besoins des enquêteurs, afin d’adapter les budgets de la filière aux réalités opérationnelles.

M. Ugo Bernalicis reprend ainsi à son compte une observation formulée par M. Marc Cimamonti, en conclusion de sa note du 26 septembre 2022 à l’attention du garde des Sceaux et du directeur des affaires criminelles et des grâces : « si l’on veut vraiment préserver une capacité effective de direction et de contrôle de la police judiciaire par l’autorité judiciaire, la seule solution admissible serait de faire échapper à l’autorité des DDPN les services zonaux, interdépartementaux et départementaux chargés de la police judiciaire dans le cadre d’une nouvelle organisation territoriale, à l’exception de ceux des circonscriptions de police nationale (commissariats dans leur dénomination usuelle) » ;

– ensuite, par l’annulation de la réforme des corps et carrières de 1995 : un corps de police judiciaire unique, composé de personnels sélectionnés par des recrutements particuliers pour tous les grades de ce corps, serait recréé. La filière judiciaire serait autonome et séparée des autres filières métiers (tant en matière de moyens humains que matériels et logistiques) ;

– enfin, par le rattachement de la filière judiciaire à l’autorité judiciaire : les effectifs de la filière seraient rattachés au ministère de la Justice par la voie du détachement.

Recommandation n° 35 de M. Ugo Bernalicis : mettre en œuvre une réforme alternative à celle proposée par le ministère de l’Intérieur :

– à court terme : recréer une filière judiciaire en intégrant tous les enquêteurs dans une même direction centrale avec une organisation territoriale (en cohérence avec l’organisation territoriale de l’autorité judiciaire), y compris la préfecture de police de Paris. Renforcer les outils budgétaires afin de permettre d’identifier les moyens propres déployés pour la filière judiciaire et de s’assurer de leur fléchage, notamment par la création de nouveaux indicateurs dédiés dans les documents budgétaires ;

– à moyen terme : recréer un corps de police judiciaire avec des recrutements spécifiques pour tous les grades, en revenant à l’état d’avant la réforme des corps et carrière de 1995, avec une filière judiciaire clairement distincte du reste de l’activité policière, autant dans sa chaîne hiérarchique que dans ses moyens humains, matériels et logistiques ;

– à long terme : rattacher la filière à l’autorité judiciaire par la voie du détachement.

2.   Un premier bilan incomplet des expérimentations en métropole et dans les territoires d’outre-mer

Expérimentée d’abord début 2021 dans trois départements (Pas-de-Calais, Savoie et Pyrénées-Orientales), puis étendue début 2022 dans cinq autres (Calvados, Hérault, Oise, Puy-de-Dôme et Haut-Rhin), la réforme de la police nationale s’inspire des principes d’organisation qui ont conduit à la mise en œuvre concrète des DTPN dans les collectivités ultramarines (début 2020 en Nouvelle-Calédonie, en Guyane et à Mayotte ; début 2022 en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et en Polynésie française). Les premières expérimentations menées – à droit constant – semblent apporter un éclairage positif justifiant une généralisation avant 2024, tout en soulignant des fragilités qui devront être prises en compte et corrigées.

a.   Des directions territoriales de la police nationale dans les collectivités ultramarines

i.   Un bilan plutôt positif

La DGPN estime avoir tiré des enseignements positifs de la mise en place des DTPN en outre-mer, constatant « plus de solidarité entre les services, la simplification de n’avoir qu’un seul interlocuteur pour toute la police nationale, une meilleure prise en charge des victimes grâce à des services mieux organisés et plus réactifs, un meilleur suivi des dossiers et une plus forte implication de la chaîne hiérarchique dans la gestion des portefeuilles de toute la filière, permettant de rétablir localement des situations en s’appuyant sur le savoir-faire de la PJ.» Elle juge disposer dans ces territoires « d’une capacité de mobilisation plus importante, sans que l’expertise de la police judiciaire ne soit remise en cause ou que ses moyens soient réorientés vers le traitement de la délinquance de masse » ([127]).

Ce constat est partagé par la DCPJ, qui observe qu’« avant la réforme, l’organisation de la police nationale en outre-mer était éparse et disparate. La création de filières métiers a permis la constitution d’une filière judiciaire plus adaptée aux besoins du terrain » ([128]), bien qu’il existe toujours un déficit d’enquêteurs spécialisés dans le domaine économique et financier, en particulier pour la gestion des affaires de probité, et pour le traitement des affaires de règlement de comptes. La DCPJ cherche à résoudre cette difficulté par l’animation de plusieurs dispositifs d’assistance au bénéfice de la filière judiciaire ultramarine ([129]).

D’une manière générale, les taux d’élucidation des principaux agrégats de la délinquance progressent, parfois de manière significative, pour les trois premières DTPN (Guyane, Mayotte et Nouvelle-Calédonie) sur les huit premiers mois de l’année 2022, en comparaison avec la même période de l’année 2021. En revanche, les expérimentations réalisées dans les autres collectivités ultramarines ayant débuté en 2022, aucun impact n’est encore perceptible sur les taux d’élucidation.

Évolution du taux d’élucidation en Guyane et À Mayotte
entre 2021 et 2022

(en pourcentage)

Catégorie d’infractions

Guyane

Mayotte

Janvier à août 2021

Janvier à août 2022

Janvier à août 2021

Janvier à août 2022

Atteintes volontaires à l’intégrité physique

29

38

59

80

Atteintes aux biens

10

15

25

47

Infractions économiques et financières

29

41

66

163

Grande criminalité

30

76

75

113

Atteintes à la tranquillité publique

5

6

14

16

Infractions à la réglementation

88

92

104

122

Lecture : en Guyane, pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique, le taux d’élucidation était de 29 % pour les faits enregistrés entre janvier et août 2021 et de 38 % pour les faits enregistrés entre janvier et août 2022, soit une amélioration du taux d’élucidation de 9 points.

Source : direction générale de la police nationale.

La mise en place des DTPN n’a globalement pas traduit en actes les craintes exprimées par les acteurs de la chaîne pénale. Selon les procureurs de Cayenne et de Nouméa, l’instauration des DTPN n’a ainsi pas entraîné d’interventions préfectorales dans la conduite des investigations sensibles. En outre, une architecture informatique spécifique a permis de restreindre les accès à certains de ces dossiers, afin d’éviter une trop grande ventilation de l’information pour les dossiers les plus délicats.

Enfin, d’un point de vue purement matériel, la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a relevé que la création des DTPN avait permis d’en faire de nouveaux interlocuteurs de cette direction, qui ne communiquait auparavant qu’aux directions centrales. Ces nouveaux échanges facilitent l’appréhension des besoins et des spécificités des territoires ultramarins et, selon cette direction, ont contribué à apporter des réponses plus ciblées en matière d’équipements des forces de l’ordre. La direction constate également une amélioration de la gestion immobilière, la mise en place d’un décideur unique permettant, en effet, de déterminer plus facilement les priorités pour l’ensemble des services de police du ressort.

ii.   Des difficultés persistantes

La mise en place des DTPN n’a pas résolu toutes les difficultés auxquelles la filière judiciaire est confrontée dans les territoires ultramarins. En premier lieu, elle n’a pas eu d’effet global sur la réduction des stocks de procédures dans les services d’enquête, comme l’ont relevé plusieurs personnes auditionnées par vos rapporteurs. Votre rapporteure relève cependant que, contrairement à ce qui a pu être affirmé au cours des travaux de la mission d’information, la réforme de la police nationale n’a pas pour ambition de résoudre cette difficulté.

Si la filière judiciaire a été renforcée par l’instauration des DTPN, la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) relève cependant qu’elle aurait surtout permis de rattraper le retard de ces territoires par rapport à la situation de la police judiciaire en France métropolitaine. La mise en place d’un interlocuteur unique aurait ainsi, selon les procureurs de Cayenne et de Nouméa, mis un terme aux « guerres » de services concurrents et aux difficultés de saisine des services.

Elle n’est toutefois pas considérée comme un progrès par l’ensemble des magistrats : pour le procureur près le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, « l’unicité de l’organisation permet une simplicité apparente mais elle ouvre en réalité une manière de saisine unique, laquelle prive [le parquet] de la possibilité réelle de choisir le service » ([130]) d’enquête. M. François Molins observe à cet égard qu’ « à Pointe à Pitre, Basse Terre et Fort de France, les magistrats ont indiqué que, dans la pratique, ils n’étaient plus libres de choisir le service d’enquête qu’ils souhaitaient, leurs demandes étant filtrées par le DDPN. Ils ne peuvent plus décider, en opportunité, du service d’enquête qui leur paraît le mieux à même d’enquêter. » ([131]) 

S’agissant de la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, la DCPAF a d’abord constaté que la mise en place des DTPN dans les collectivités ultramarines a eu un effet négatif tangible sur les statistiques de démantèlement de filières, observant une baisse de 29 % (31 à 22) des filières démantelées durant l’année 2020 par rapport à 2019 pour les DROM-COM, suivie d'une baisse de 18 % (de 22 à 18 filières) pour les mêmes territoires concernant l'année 2021. Toutefois, les 14 filières démantelées pour les 10 premiers mois de l'année 2022 devaient permettre de retrouver un niveau équivalent à celui de l’année 2021, voire légèrement supérieur.

Par ailleurs, la DCPAF observe que le lien qui existait entre l'OCRIEST et les BMR s'est « quelque peu distendu, avec la mise en place de nouveaux interlocuteurs intervenant au cœur de ce lien et faisant ainsi disparaître le caractère direct des échanges. La notion de coordination de l'activité judiciaire a été, dès lors, fortement atténuée. » ([132])

iii.   Des conclusions difficiles à appliquer aux départements métropolitains

Les spécificités de l’organisation de la police judiciaire dans les collectivités ultramarines ne permettent pas de tirer des conclusions utiles concernant la généralisation du dispositif dans les départements métropolitains.

Comme le remarque la DCPJ dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, il est en effet difficile de mettre en perspective les conséquences de la réorganisation de la police nationale dans les territoires ultramarins « en raison de la présence originellement limitée de la police judiciaire dans ces territoires (la direction zonale de police judiciaire couvrait le ressort des Antilles et de la Guyane) et de la création fin 2020 d’une mission dédiée à la coordination de la police nationale dans les territoires ultra-marins. »

b.   Des directions départementales de police nationale « préfiguratrices » dans huit départements métropolitains

La mission d’information s’est rendue dans trois départements expérimentateurs : dans l’Oise les 26 et 27 octobre 2022, en Savoie le 15 décembre 2022 et dans l’Hérault le 5 janvier 2023. Elle a également auditionné les administrations centrales concernées ainsi que les directeurs zonaux de police judiciaire dans le ressort desquels figure au moins une DDPN préfiguratrice. Elle a en outre, plus largement, entendu de nombreux acteurs qui ont partagé leur constat de terrain à vos rapporteurs.

i.   Une expérience plutôt réussie dans certains départements expérimentateurs

● Un bilan positif dressé par la direction générale de la police nationale

Lors de son audition, le directeur général de la police nationale, M. Frédéric Veaux, a estimé que la réforme a amélioré la coordination de l’information entre toutes les composantes de la police nationale, optimisé la présence des effectifs sur le terrain et généré un gain immédiat en efficacité sur différentes missions, en valorisant et partageant les compétences et le savoir-faire de chacun.

Selon la DCPJ, la réforme a, en particulier, permis aux enquêteurs d’être délestés des transferts des gardés à vue auprès de l’autorité judiciaire – ce qui représentait 6 300 déferrements en 2021. Elle s’est accompagnée de la mise en place de formations sur site, permettant de renforcer les compétences des agents de la filière police judiciaire. La DGPN a ainsi présenté un certain nombre de thématiques pour lesquelles des formations avaient pu être réalisées :

– la prise en charge procédurale des étrangers en situation irrégulière, la fraude documentaire et la détection de faux documents, dans le cadre de formations dispensées par la police aux frontières (PAF), au bénéfice des personnels de la sécurité publique ou de la police judiciaire ;

– des formations aux techniques de sécurité en intervention (techniques de défense et d’interpellation, usage des armes), dispensées par les personnels de la sécurité publique au bénéfice des personnels de la police judiciaire et de la PAF ;

– des formations sur la saisie des avoirs criminels, dispensées par la police judiciaire au bénéfice des personnels de la sécurité publique ou de la PAF.

En novembre 2019, un rapport parlementaire des députés Laurent Saint‑Martin et Jean-Luc Warsmann pointait la nécessité de renforcer les moyens de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) afin d’améliorer l’efficacité de la réponse pénale et de faire bénéficier les victimes et la puissance publique des biens mal acquis confisqués. Le rapport estimait alors que ce renforcement était « rendu nécessaire par le besoin de coordination et d’animation du réseau des antennes régionales, par l’accroissement d’activité résultant des saisies et des confiscations (…) ainsi que par le développement de son rôle de formation de l’ensemble des acteurs ». ([133])

La réforme de la police nationale doit être une occasion d’augmenter le nombre de saisies et confiscations d’avoirs criminels, d’une part en poursuivant les partages de connaissances d’enquêteurs spécialisés au bénéfice de toute la filière, d’autre part en augmentant les effectifs et la présence de l’AGRASC dans les territoires.

Recommandation n° 36 : favoriser les saisies et confiscations d’avoirs criminels :

– en développant plus largement, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, les partages de connaissances des policiers des anciens services de police judiciaire au bénéfice de toute la filière ;

– en augmentant le nombre d’agents et d’antennes de l’AGRASC.

La direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) a transmis à vos rapporteurs plusieurs notes dressant un bilan d’étape de la mise en place des DDPN dans les autres territoires expérimentateurs. La PAF souligne ainsi plusieurs améliorations du fonctionnement des services depuis l’entrée en vigueur de l’expérimentation :

– une plus grande proximité opérationnelle du fait de la tenue de réunions régulières entre le DDPN préfigurateur et les chefs de filière, qui contribue à favoriser les échanges de renseignements en temps réel et le montage d’opérations conjointes ;

– un meilleur appui et conseil des enquêteurs des autres filières en matière de traitement des procédures judiciaires impliquant les étrangers en situation irrégulière ;

– sur le plan logistique, la mutualisation des équipements, ainsi que des échanges radio qui renforcent les synergies. La PAF diffuse également aux autres services certaines informations spécialisées qu’elle estime pouvoir être utiles aux autres enquêteurs ;

– un meilleur partage d’expérience, chaque filière s’inspirant des pratiques des autres, et une meilleure compréhension des métiers, des compétences et des difficultés de chaque service.

● Deux expérimentations encourageantes dans l’Oise et en Savoie

Dans le département de l’Oise, le DDPN préfigurateur s’appuie sur un état-major départemental unifié, qui assure un commandement opérationnel de toutes les filières.

La mise en place de la réforme a permis un renforcement de la coopération entre les services : près de 150 opérations conjointes ou coordonnées communes ont été mises en place depuis le début de l’expérimentation ; 21 déferrements ont été effectués au profit des services de la police judiciaire de Creil depuis la mise en place de la préfiguration par la sécurité publique ; 11 co‑saisines ont été réalisées entre les sûretés départementales ou urbaines et la police judiciaire au 30 septembre 2022 (contre seulement 2 en 2021 et aucune en 2020).

La réforme s’est accompagnée de la mise en place, pour l’ensemble des effectifs de la nouvelle filière police judiciaire, d’accès nouveaux à des outils jusqu’alors utilisés uniquement par les personnels relevant d’une direction (comme l’accès fourni aux effectifs PJ à l’outil N-MCI « nouvelle main courante informatisée » pour le recensement de l’activité des unités et au système ODICOP pour la diffusion des fiches de recherches locales). Le DDPN a également précisé à vos rapporteurs que des formations communes sont organisées de façon assez régulière entre les différentes filières.

Cette meilleure coordination des services a été saluée par l’ensemble des forces de police rencontrées, même si ces dernières sont réservées sur la capacité de la réforme à résoudre le déficit d’attractivité de la filière judiciaire. Elles pointent en particulier de fortes difficultés de recrutement et de fidélisation, du fait de la proximité de l’Île-de-France, des tensions dans les services, ainsi que la complexité de la procédure pénale.

Il a toutefois été souligné que la réforme n’a pas eu de conséquences à ce stade sur le stock de procédures dans le département, la baisse observée (de 17 000 dossiers en 2021 à 10 000 dossiers en 2022) résultant davantage de la volonté des procureurs de classer sans suite de nombreuses affaires.

La réforme n’a pas conduit à une mobilisation de la PJ au service du traitement des stocks.

● Dans le département de la Savoie, et selon les interlocuteurs locaux rencontrés lors du déplacement de la mission d’information, le bilan de la réforme est globalement satisfaisant.

Elle a notamment permis de renforcer les effectifs chargés du recueil de plaintes en commissariat et de réaliser des économies d’échelle en mutualisant certaines dépenses pour tous les agents de la filière (coûts liés aux services informatiques et aux exercices de tir des agents, par exemple). Certains doublons, par exemple en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants au sein des effectifs de la SP et de la PJ, ont été supprimés et des affaires communes d’initiative ont été initiées, permettant la conclusion de plusieurs enquêtes d’envergure en collaboration entre les fonctionnaires des différentes filières.

Les effectifs du service de police judiciaire n’ont jamais été mis à contribution pour traiter le stock de dossiers accumulés et le service de police judiciaire n’a pas été mobilisé par le DDPN préfigurateur pour travailler sur des domaines d’activité ne relevant pas de sa compétence habituelle. En particulier, aucun enquêteur n’a été employé pour faire du maintien de l’ordre ou pour encadrer les manifestations, malgré la survenance d’un grand nombre d’entre elles pendant la période d’expérimentation.

La réforme a aussi permis d’améliorer le partage de connaissances entre les agents, en particulier s’agissant de la fraude documentaire, au bénéfice des agents de la sécurité publique. Elle a contribué, selon le chef de la police judiciaire, à accroître de 17 % le taux d’élucidation et de 25 % les infractions révélées par l’action des services. La réforme aurait également permis d’augmenter sensiblement le nombre d’étrangers en situation irrégulière interpellés.

Alors que, selon le chef de la police judiciaire, la présentation devant magistrat et la conduite en incarcération représentent en moyenne 10 heures de travail pour trois fonctionnaires, les effectifs de la sécurité publique prennent désormais en charge 85 % des mis en cause, ce qui libère du temps supplémentaire pour le travail d’enquête. Par ailleurs, le procureur près le tribunal d’Albertville, sollicité par la CNPR et auditionné par vos rapporteurs, a observé que la réforme a permis à l’antenne PJ de Chambéry, grâce à un meilleur partage d’informations et une meilleure collaboration des services d’enquête de PJ et de SD, d’accroître le nombre d’affaires traitées pour le ressort du tribunal d’Albertville.

D’un point de vue pratique, la réorganisation s’est accompagnée, comme dans l’Oise, d’une réflexion sur l’amélioration des outils à disposition des fonctionnaires de police. Le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN) a ainsi été mis à jour afin de simplifier le travail en co-saisine : désormais, les services peuvent travailler sur une seule procédure au lieu de devoir chacun rédiger la sienne.

Dans sa note sur la mise en œuvre de la réforme en Savoie, transmise à vos rapporteurs, la PAF fait état d’un bilan très positif :

« Il est constaté en Savoie qu’aucune des missions principales de la PAF n’est fragilisée dans ce mode de fonctionnement [issu de la mise en place d’une DDPN préfiguratrice].

L’expérimentation a permis de créer un état-major commun et de se rapprocher des services, en mutualisant des personnels et des moyens d’action tout en préservant des expertises et compétences spécifiques ou communes à ces mêmes filières qu’il convient de mieux encore développer (par exemple, la fraude documentaire). Ceci amène également à une meilleure synergie entre unités de la PAF et de la sécurité publique qui sont désormais à même de se renforcer mutuellement pour toute opération envisagée, ce en fonction des nécessités quotidiennes qui s’imposent. »

Plusieurs difficultés se sont cependant fait jour au cours de cette expérimentation. D’une part, elle n’a eu aucun effet sur le stock de procédures en cours. Selon le chef du service de police judiciaire, cette stagnation est due à une augmentation du nombre de faits constatés, en particulier en matière de violences intrafamiliales, et au renforcement de la présence de policiers sur la voie publique, alors que les effectifs d’enquêteurs demeurent constants.

D’autre part, et malgré les améliorations relevées, il semblerait que les enquêteurs des différentes directions ne soient toujours pas convaincus de l’intérêt ou de l’utilité de la réforme.

Par ailleurs, l’expérimentation a suscité l’inquiétude des agents, en particulier de la police aux frontières et de la police judiciaire, ces derniers craignant d’être absorbés dans les effectifs de la sécurité publique. Ces craintes semblent aujourd’hui apaisées. L’expérimentation était également redoutée des magistrats, qui craignaient une déperdition de la capacité d’investigation pour les affaires les plus complexes et la mise à mal du principe de libre choix du service enquêteur. Il ressort des auditions menées par vos rapporteurs que l’organisation actuelle, qui résulte de nombreuses consultations et échanges entre policiers et magistrats localement, semble aujourd’hui convenir à tous.

Votre rapporteur tient à souligner que le point commun entre toutes les expérimentations qui présentent des aspects positifs pour la filière investigation réside dans le fait que le DDPN préfigurateur laisse une quasi-totale latitude au chef de filière investigation pour agir, en s’abstenant de faire usage du pouvoir hiérarchique qu’il détient néanmoins sur le papier. En outre, – et ce point est partagé par votre rapporteure – il est très apprécié que la filière investigation puisse bénéficier de moyens supplémentaires en provenance du périmètre sécurité publique, notamment en ce qui concerne les présentations des auteurs d’infraction au tribunal.

M. Ugo Bernalicis appelle néanmoins à relativiser ce constat, car le mandat donné aux DDPN expérimentateurs est de faire en sorte que l’expérimentation fonctionne, et donc de donner des gages en ce sens. Pour autant, rien ne garantit à ce stade que ce fonctionnement vertueux perdure par la suite, si les futurs DDPN détournent les moyens de la PJ à d’autres finalités que celles auxquelles ils sont assignés aujourd’hui. En effet, en l’absence de garanties supplémentaires telles que préconisées dans ce rapport, rien n’empêchera un DDPN d’agir à l’encontre des intérêts de la filière investigation au profit de l’ordre public, de la voie publique, de l’urgence, du plus visible.

ii.   Un bilan plus nuancé dans d’autres départements expérimentateurs

Le bilan globalement positif dans l’Oise et la Savoie n’est en revanche pas partagé dans l’Hérault, département qui comprend une direction territoriale et trois services de police judiciaire. Malgré la désignation d’un DDPN préfigurateur et la mise en place de groupes de réflexion entre les acteurs de la filière, la réforme n’a en pratique pas été mise en œuvre. Démarrée en mars 2022, elle a surtout été considérablement ralentie après le remplacement du DZPN Sud, M. Éric Arella, en septembre.

Les services d’enquête demeurent donc cloisonnés malgré quelques co-saisines PJ/SP par les magistrats, en particulier en matière de lutte contre les stupéfiants. Les magistrats entendus par la mission d’information ont constaté que les enquêteurs de ces deux services ne travaillent pas ensemble dans l’esprit de la réforme ; il en résulte une complexité qui, pour le parquet, peut ralentir l’enquête, les différents directeurs d’enquête ne coordonnant pas leur action – ce que la réforme cherche justement à éviter.

Les personnels de la direction territoriale de la police judiciaire regrettent un défaut de communication de la part des autorités chargées du pilotage de l’expérimentation et une insuffisante association de la police judiciaire à la construction de la réforme, le DDPN préfigurateur étant l’interlocuteur privilégié de l’équipe projet. Le calendrier de la mise en œuvre de la réforme dans l’Hérault, très resserré, a par ailleurs donné aux effectifs le sentiment d’une réforme engagée « à marche forcée ». Les groupes de travail locaux mis en place n’ont eu que quelques mois pour travailler, ne permettant pas de dégager des pistes efficaces de coopération PJ/SD.

Lors de son audition par la mission d’information, M. Christophe Allain, DZPJ Sud-Est, a également fait part de difficultés dans la mise en œuvre de la réforme dans le territoire expérimentateur du Puy-de-Dôme, où elle s’est surtout traduite, comme dans l’Hérault, par quelques co-saisines. Ainsi, cette mise en œuvre a minima ne permet pas de tirer de conclusions sur les avantages ou les inconvénients de la DDPN dans ce département.

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan, interrogé par la Conférence nationale des procureurs de la République, a lui aussi relevé plusieurs points restant à préciser dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme dans les Pyrénées-Orientales, en particulier concernant le traitement des procédures économiques et financières, la capacité pour un procureur de désigner un service d’enquête en cas de désaccord avec le DDPN sur les priorités de lutte contre la délinquance, ainsi que la sauvegarde des savoir-faire de la police judiciaire pour traiter des procédures complexes.

Il dresse néanmoins un bilan positif de la réforme dans ce département :

– d’une part, sa mise en œuvre a nécessité au préalable une analyse croisée des phénomènes de délinquance, ce qui a permis au procureur de la République, au DDPN préfigurateur ainsi qu’au préfet de partager une même analyse de la délinquance départementale ;

– d’autre part, l’expérimentation a permis de mettre en œuvre des processus de traitement des affaires mutualisés ainsi qu’un meilleur croisement des informations, renforçant la réponse pénale en matière de délinquance sérielle ;

– enfin, la pratique des co-saisines, également répandue en Savoie, a permis aux services d’enquête de travailler ensemble, tout en relevant que, s’agissant des infractions liées au trafic de stupéfiants, il est difficile, voire impossible, de faire travailler ensemble la sécurité départementale et la police judiciaire.

Plus largement, la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) relève, au sein des DDPN préfiguratrices, quelques points de faiblesse qui doivent être corrigés. Sont notamment relevées les difficultés liées à la mise en œuvre de la réforme à moyens constants, ainsi qu’une inquiétude des personnels de la PAF liée à la lisibilité de la répartition des responsabilités entre l’autorité hiérarchique et fonctionnelle des DDPN et des chefs de filière, et le manque de visibilité sur le sort des fonctionnaires dans la nouvelle réorganisation. Des difficultés d’ordre immobilier sont également relevées lorsque les commissariats sont d’une taille insuffisante ou qu’un bâti dispersé empêche de rassembler l’ensemble des services sur un même site.

Lors de leurs déplacements, vos rapporteurs ont en effet constaté que la configuration du parc immobilier est un facteur non négligeable dans la mise en œuvre de la réforme : le rassemblement des services, au sein d’un périmètre restreint, favorise l’émulation justement souhaitée par la réforme. Les opérations de rénovation du bâti du ministère de l’Intérieur devront ainsi, à l’avenir, prendre en compte cette réorganisation, ce qui semble d’ores et déjà être le cas dans les projets d’hôtels de police en cours de construction, selon l'équipe projet.

iii.   Une expérimentation réalisée à droit constant qui repose pour partie sur la bonne volonté des acteurs de la filière police judiciaire

Vos rapporteurs constatent que, dans les DDPN préfiguratrices où l’expérimentation fonctionne correctement et donne des résultats satisfaisants, la mise en œuvre réussie de la réforme repose en partie sur la qualité des personnes et sur la bonne entente entre les chefs des différents services. En effet, dans les huit départements préfigurateurs, l’expérimentation des DDPN est organisée à « droit constant », les personnels des quatre filières métiers restant par ailleurs rattachés à leur direction centrale d’origine et devant ainsi, en permanence, trouver un équilibre entre leurs nouvelles fonctions et la nécessité de répondre aux objectifs de leur direction centrale d’appartenance.

Même si les doctrines en cours de rédaction, ainsi que la prise des actes réglementaires, devraient contribuer à harmoniser les pratiques et permettre la mise en œuvre homogène de la réforme dans les territoires, les directeurs zonaux et départementaux devraient bénéficier d’un encadrement et d’un accompagnement spécifiques pour les assister.

Vos rapporteurs préconisent ainsi de leur proposer une formation complète pour acquérir les compétences spécifiques nécessaires dans le cadre de ces nouvelles fonctions (en particulier en matière de management, de gestion des ressources humaines et de communication), ainsi que la rédaction d’un guide pratique qui permette d’assurer au mieux la réorganisation des services durant la phase de mise en place de la réforme. Ils recommandent également que les DZPN, ainsi que les quatre DDPN de grande couronne ([134]), puissent s’appuyer sur un interlocuteur au niveau national, qui serait chargé d’assurer la bonne mise en œuvre de la réforme pour l’ensemble de l’organisation zonale et qui pourrait, par exemple, être rattaché à la DGPN. Cet interlocuteur pourrait aussi être à la disposition des directeurs départementaux en cas de besoin, même si ceux-ci ont plutôt vocation à échanger avec leur directeur zonal.

Recommandation n° 37 : accompagner les directeurs zonaux et départementaux dans la mise en œuvre de la réforme, en particulier :

– en leur assurant une formation complète incorporant des enseignements managériaux, de gestion des ressources humaines et de communication ;

– en définissant un guide pratique de mise en place de la réorganisation ;

– en confiant à un interlocuteur au sein de la direction générale de la police nationale la responsabilité d’animer le réseau des DZPN, sans préjudice des prérogatives dévolues aux directeurs nationaux dans leur domaine d’action respectif.

Outre le nécessaire besoin d’accompagnement des DZPN et DDPN dans leurs nouvelles fonctions, une attention particulière doit être accordée au choix des directeurs départementaux.

Les syndicats de policiers et les magistrats auditionnés ont rapporté l’influence déterminante qu’avait eu le choix des DDPN sur les résultats des expérimentations. Le DDPN se doit d’être à la fois curieux de l’ensemble des missions de la police nationale, informé et respectueux du rôle et des prérogatives de l’autorité judiciaire et à l’écoute des besoins et des attentes des personnels placés sous son autorité.

Au-delà de la personnalité et des qualités des DDPN, la procureure générale près la cour d’appel de Chambéry et la procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Albertville estiment pertinent que les DDPN disposent d’une expérience dans un service d’enquête. Celle-ci serait en effet de nature à rassurer les magistrats quant à l’« égale loyauté » ([135]) attendue de la part des directeurs départementaux à l’égard de l’autorité judiciaire et préfectorale, dans la mesure où seuls les policiers exerçant des missions de police judiciaire ont l’habitude de travailler sous cette double hiérarchie.

La DGPN s’est déjà efforcée d’intégrer ces préoccupations puisque, pour éviter qu’une méconnaissance du travail d’investigation conduise à fragiliser la filière judiciaire, il est clairement envisagé de sélectionner des DDPN « pour leur aptitude à prendre en compte toutes les filières métiers de la police nationale, et donc celle de la police judiciaire » ([136]). La réforme conduit ainsi à un changement d’appréciation des profils nécessaires à exercer cette fonction, qui ne sera plus réservée à la sécurité publique : « ce sont des profils qui seraient identifiés et issus de toutes les directions actuelles pour exercer un nouveau métier, celui de chef de police dans un territoire » ([137]). L’habilitation OPJ sera, par ailleurs, obligatoire pour exercer la fonction de DDPN.

Recommandation n° 38 : nommer à la tête des directions départementales des chefs capables d’animer toutes les filières métiers :

– en diversifiant les profils des directeurs pour valoriser l’ensemble des parcours policiers et garantir une juste représentation de toutes les filières ;

– en s’assurant que les personnalités nommées à ces postes disposent de solides compétences, en particulier en matière de gestion des ressources humaines et de communication, ainsi que d’une connaissance précise du fonctionnement de la filière investigation et du rôle de l’autorité judiciaire dans la conduite des enquêtes pénales.

3.   Poursuivre l’évaluation parlementaire sur une temporalité plus longue

L’ampleur de la réforme justifie pleinement, aux yeux de vos rapporteurs, une évaluation de sa mise en œuvre sur une temporalité plus longue. Ce suivi pourrait se traduire par la transmission de plusieurs indicateurs de suivi, qui compléteraient la documentation budgétaire accompagnant le projet de loi de finances et feraient ainsi l’objet d’un contrôle et de débats parlementaires chaque année.

La mission d’information considère que des indicateurs tenant aux moyens alloués à la lutte contre le crime organisé et la délinquance économique et financière, au nombre d’enquêtes par enquêteur et aux ratios d’encadrement pourraient ainsi être transmis à la représentation nationale. D’autres indicateurs pourraient compléter cette première liste, qui n’est pas exhaustive.

Enfin, vos rapporteurs estiment que les travaux de la mission d’information, par définition essentiellement prospectifs, gagneraient à être poursuivis et approfondis deux ans après la mise en place effective des directions départementales de la police nationale. La commission des Lois pourrait ainsi lancer une nouvelle mission chargée d’évaluer la portée de la réforme, ses conséquences sur l’attractivité et l’efficacité de la filière police judiciaire, la prise en compte des recommandations formulées par vos rapporteurs, et proposer, à l’aune de ces nouveaux travaux, des suggestions d’amélioration actualisées.

 

Recommandation n° 39 : inscrire plusieurs indicateurs permettant de suivre chaque année la mise en œuvre de la réforme dans la documentation budgétaire accompagnant le projet de loi de finances.

Recommandation n° 40 : créer une nouvelle mission d’information chargée d’évaluer le fonctionnement des DDPN deux ans après leur mise en place.

IV.   Conclusions

La mission d’information avait principalement pour objet d’éclairer les contours de la réforme de la police nationale en cours de déploiement. Si certaines recommandations dépassent ce cadre et suggèrent plusieurs mesures pour revaloriser la filière judiciaire, la plupart des préconisations visent à garantir la réussite de cette réforme – même si vos rapporteurs divergent en partie sur ses modalités –, dans le respect du rôle et des missions de chacun des acteurs de la chaîne pénale.

A.   Conclusion de M. Ugo Bernalicis

Que reste-il des brigades du Tigre ? De 1907 à aujourd’hui, en 2023, certains sont tentés de dire « rien » et prônent ainsi des réformes sans valeurs ni sens, portées à tout le moins par des logiques gestionnaires ou, pire, des raisons politiques loin des enjeux considérables de lutte contre la moyenne et la grande délinquance. D’autres, comme votre rapporteur, considèrent qu’il y a une identité de la police judiciaire qui passe par un ancrage territorial cohérent et adapté à la criminalité, et une spécificité qui se concrétise par une filière et des moyens propres afin de s’assurer de l’efficacité des missions réalisées pour lutter contre la criminalité organisée et les affaires les plus graves.

Réformer pour le principe de réformer « parce que la police n’a pas été réformée depuis 1966 » n’a pas de sens quand il s’agit de toucher une mission régalienne aussi importante comme celle de la police judiciaire. Pourtant le Gouvernement a entrepris une réforme qui souffre dès ses prémices d’un double écueil : une conduite de réforme discutable (contre les personnels et les institutions) et un calendrier hasardeux (à l'approche d'événements d'envergure internationale comme la coupe du monde rugby et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris). Mais plus regrettable encore, au fur et à mesure de l’élaboration de la réforme, il s’avère que le projet gouvernemental met délibérément à mal le principe d’indépendance de la police judiciaire en renforçant l’autorité préfectorale, responsable avant tout de l’ordre public, sans proposer des garanties rigoureuses.

Tout au long des travaux conséquents de la mission d’information, votre rapporteur a pu constater que les garanties proposées en l’état de la réforme ne sont pas satisfaisantes : le contenu encore incertain des doctrines, ainsi que la portée tout à fait relative de ces textes, ne sont pas de nature à rassurer ; l’architecture budgétaire, elle aussi encore en cours d’arbitrages, n’a pas pu être expertisée par la mission d’information et reste une source d’inquiétude légitime ; les premières mesures de revalorisation de la filière judiciaire vont pour certaines dans la bonne direction, mais elles ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux.

Enfin, et surtout, le choix de la départementalisation de la police judiciaire continue de susciter de légitimes inquiétudes. Malgré les promesses d’une action territoriale plus large de la police judiciaire, son découpage au sein des directions départementales est une solution qui demeure inadaptée et que dénoncent largement les acteurs de la chaîne pénale. Pour appuyer cette analyse, il est intéressant d’observer que les nombreux éléments positifs des expérimentations relayés par ses défenseurs pourraient tout à fait se réaliser en dehors du cadre de la départementalisation, sous l’autorité d’un directeur unique. Voici une liste non exhaustive :

– des réunions régulières entre les différents directeurs locaux de la police pour le partage de l’information ;

– le rattachement des actuelles sûretés urbaines et sûretés départementales à l’antenne de la police judiciaire actuellement territorialement compétente, et donc le pilotage global par un chef unique de toute la filière judiciaire de la sûreté urbaine jusqu’à la direction centrale de la police judiciaire ;

– l’accès à la police judiciaire à un certain nombre de logiciels et fichiers de la sécurité publique (la main courante informatisée, MCI, l’outil d'investigation et de communication opérationnelle de police, ODICOP) ;

– le transfert à la sécurité publique des missions de présentation devant magistrat et de conduite en incarcération ;

– le rapprochement des services d’enquêtes de niveau 2 et 3 par thématique commune, sur le modèle des CROSS ;

– l’organisation de formations mutualisées à l’échelle locale entre filières ;

– la réalisation de co-saisines.

A contrario, on peut également observer que la départementalisation n’apporte aucune solution à des problèmes qui se posent aujourd’hui et qu’une réforme d’ampleur se devrait de chercher à régler. En voici quelques éléments :

– le manque d’attractivité et de moyens humains dans la filière judiciaire toutes directions confondues ;

– l’accroissement des stocks de procédures et plaintes non traitées, engendrant souffrance au travail pour les enquêtrices et enquêteurs, autant que perte de confiance dans la justice et la police pour les plaignants et les victimes ;

– l'immixtion potentielle de l’exécutif dans des affaires en cours avec notamment les remontées d’information sous couvert d’ordre public, ce qui n’est pas un sujet nouveau ;

– les fuites régulières dans la presse d'éléments détaillés de procédures en cours en violation du secret de l’enquête et de l’instruction ;

– le sentiment actuel pour les procureurs d’être dépossédés des moyens pour conduire la politique pénale, au profit de l’autorité préfectorale et du ministère de l’Intérieur ;

– la qualité globale des procédures, réalisées par la masse des OPJ, qui se dégrade, aboutissant à des nullités.

Une réforme de la police nationale est nécessaire. Cependant, elle doit s'inscrire dans une démarche de réinvestissement dans le service public à l'aune de principes directeurs avec des objectifs politiques d’intérêt général, ce que la réforme actuelle évite soigneusement pour se contenter de lieux communs : décloisonner les services, améliorer la communication, favoriser une identité commune, mutualiser les moyens, etc.

Bien que votre rapporteur ne croie pas que cette réforme bouleverse à très court terme les moyens de la police judiciaire, il remarque qu’une grande partie des problèmes de la filière judiciaire résultent de la réforme de 1995 qui se présentait elle-même avec les mêmes poncifs qu’aujourd’hui sur le décloisonnement et la nécessité de faire travailler ensemble la police en civil et la police en tenue, représentant les deux grands ensembles de l’époque, et de mutualiser les moyens. Il faut donc tenir compte des effets larvés des grandes réformes passées de réorganisation de la police nationale. On pourra ajouter à cela le bilan plus que mitigé de la réforme dite Salanova et de ces suites en matière de filiarisation de la police judiciaire au sein de la sécurité publique, avec l’avènement des sûretés départementales. La réforme avait surtout pour but de mettre « plus de bleus sur la voie publique ». Ce qui a sans doute participé à l’engorgement de la police judiciaire au sein de la sécurité publique. Votre rapporteur insiste par ailleurs sur l’erreur qui consisterait à augmenter drastiquement la présence de policiers sur la voie publique, car cela conduirait mécaniquement à emboliser les enquêteurs déjà débordés. C’est pourtant un objectif politique fixé par le président de la République Emmanuel Macron à l’actuel ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui l’a inscrit dans la LOPMI votée en fin d’année 2022.

Votre rapporteur formule ainsi, en sus de recommandations communes à l’ensemble de la mission d’information, des recommandations concurrentes, qui se font l’écho des suggestions des professionnels de l’investigation, policiers et magistrats, et proposent ainsi une solution alternative et réaliste qui garantit la préservation des moyens qui font la force de la police judiciaire, tout en organisant son élargissement dans une filière renforcée et incontournable.

B.   Conclusion de Mme Marie Guévenoux

Entre 2018 et 2023, le budget de la police nationale a augmenté de plus de 17 %, passant de 10,5 à 12,4 milliards d’euros en crédits de paiement, dont une part importante en faveur de la sécurité publique. L’heure est désormais à la restauration en profondeur de la filière judiciaire : la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), votée par le Parlement en fin d’année 2022, comprend d’importantes mesures visant à améliorer durablement le fonctionnement de cette filière et à remédier à la crise de vocation à laquelle elle est confrontée.

La temporalité dans laquelle s’est inscrite cette mission d’information a ainsi permis au gouvernement de préciser, dans le même temps que se tenaient les auditions, les modalités du déploiement de la réforme, en particulier s’agissant de la police judiciaire ; elle a aussi permis au législateur de rappeler dans la LOPMI la garantie du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire, que le projet de réorganisation ne modifie pas. Ces deux aspects de la réforme étant ceux qui soulevaient a priori le plus de réserves, votre rapporteure a pu constater que ces éléments nouveaux étaient de nature à dissiper les plus fortes craintes des personnes auditionnées, bien qu’il soit nécessaire de continuer à placer cette réforme dans une perspective plus large.

La réforme de la police nationale s’inscrit en effet dans une démarche globale. Elle peut devenir une chance pour cette filière de se réinventer, tout en préservant sa tradition d’excellence et les grands principes qui régissent son fonctionnement. Si les garanties proposées par la mission d’information sont retenues et intégrées au projet du ministère de l’Intérieur, et si d’importants moyens sont mobilisés pour accompagner la réforme, votre rapporteure est convaincue que le résultat d’ensemble ne peut que contribuer à améliorer le quotidien des enquêteurs et la qualité du service public rendu aux victimes.

Ainsi, les recommandations formulées par Mme Marie Guévenoux ont précisément pour objectifs de :

– revaloriser les fonctions de police judiciaire au sein de la police nationale ;

– consolider les moyens de la filière et garantir le respect des spécificités propres aux services de police judiciaire, pour leur permettre d’exister pleinement dans la nouvelle organisation de la police nationale ;

– offrir toutes les garanties nécessaires – doctrinales, budgétaires et fonctionnelles – à l’autorité judiciaire.

La revalorisation des fonctions de police judiciaire et la reconnaissance des contraintes propres à cet exercice pourraient permettre de répondre en partie à la crise des vocations que connaît aujourd’hui la filière judiciaire. Mieux reconnaître les responsabilités spécifiques des métiers de l’enquête et mieux les valoriser, réfléchir aux modalités de temps et de rythme de travail, améliorer la lisibilité du parcours professionnel au sein de la nouvelle filière police judiciaire unifiée, sont autant de leviers qu’il faudra mobiliser, et qui complètent les efforts déjà engagés par le Gouvernement, s’agissant en particulier de la formation initiale des OPJ. La réflexion autour de la simplification de la procédure pénale, guidée par la recherche de l’équilibre le plus juste entre les droits de la défense et l’efficacité de l’enquête judiciaire, doit être poursuivie.

Les mesures de consolidation des moyens et spécificités propres aux services de police judiciaire que propose votre rapporteure prolongent cet objectif d’affirmation de la filière au sein de la nouvelle organisation de la police judiciaire. Pour y parvenir, Mme Marie Guévenoux préconise – entre autres – d’affecter a minima un tiers des moyens prévus pour la police nationale dans le cadre de la LOPMI aux forces de police judiciaire, de parvenir à un ratio d’encadrement de 30 % au sein de la filière, et d’encourager le recrutement d’enquêteurs spécialisés disposant de savoir-faire et compétences techniques précises, ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes. La réforme ne sera efficace et lisible que si elle parvient à structurer clairement les services d’enquête autour de leurs différents champs d’action, et à prévenir ainsi le risque de chevauchement de compétence et de concurrence. Elle doit aussi permettre une répartition équilibrée des agents par type de contentieux, et définir précisément le rôle de chacun des chefs de service, directeurs départementaux et zonaux, ainsi que des chefs d’offices centraux.

Votre rapporteure propose enfin, au-delà de l’affirmation du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire (déjà inscrite dans le code de procédure pénale) plusieurs recommandations – doctrinales, budgétaires et fonctionnelles – permettant d’offrir toutes les garanties nécessaires à l’autorité judiciaire. Mme Marie Guévenoux préconise par exemple de doter de moyens budgétaires propres la nouvelle direction nationale de police judiciaire, pour les dépenses inhérentes à l’activité des services centraux ; la sanctuarisation des moyens alloués aux DZPN pour la conduite des enquêtes les plus complexes ou les plus sensibles, dont elle propose de renforcer les prérogatives ; la mise en œuvre d’une double évaluation du DDPN et du DZPN, par l’autorité judiciaire et par l’autorité préfectorale.

La réforme de la police nationale est aujourd’hui devenue nécessaire. Sa structuration actuelle, au regard des nouveaux enjeux auxquels elle fait face, ne lui permet plus de proposer un cadre de travail satisfaisant dans lequel les femmes et les hommes qui font le choix du métier de policier peuvent se projeter aisément. Au fil des auditions, votre rapporteure a ainsi été marquée par l’attachement que chacune et chacun a pu exprimer à l’appartenance à une grande maison commune. Mais cette fierté est concurrencée par le constat unanimement exprimé d’une certaine forme de délitement de ce sentiment de faire partie de la « maison police », au profit d’un attachement au service dans lequel chaque fonctionnaire évolue. Cela contribue, voire renforce le fonctionnement en « tuyaux d’orgue » qui nuit à l’action policière.

Votre rapporteure est profondément convaincue qu’une partie de l’efficacité de notre police nationale en général, et des services de police judiciaire en particulier, réside dans sa capacité à connaître de l’ensemble du spectre de la criminalité et à pouvoir se projeter sur l’ensemble de son territoire. Elle tient ainsi à réaffirmer la volonté de conserver les échelles interdépartementales, zonales et nationales, qui seront étoffées par le concours facilité des effectifs départementaux, assuré par une meilleure concertation et des échanges renforcés entre les services, sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Aucune mesure, prise isolément, ne pourra à elle seule satisfaire pleinement cette grande ambition : seul un travail d’ensemble, mené sur le temps long et mobilisant tous les efforts, permettra d’y parvenir. Il faudra aussi pour cela impliquer en amont l’ensemble des acteurs de la filière judiciaire, afin de favoriser l’adhésion à un projet commun. Cela impliquera par ailleurs de traiter deux autres difficultés qui ont été régulièrement soulevées au cours des auditions, mais qui dépassent le périmètre de la mission d’information : la constitution d’un important stock de procédures, en particulier du fait d’une judiciarisation plus massive des violences intrafamiliales, et la complexification de la procédure pénale. La réflexion collective doit donc se poursuivre plus largement dans le cadre d’autres travaux en cours consacrés à cette problématique.

 


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   Travaux de la commission

 

Lors de sa réunion du mardi 7 février 2023, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/KLXTU8

 

 

 


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   Synthèse des recommandations

 

Recommandation n° 1 de M. Ugo Bernalicis : placer les structures de coopération judiciaire opérationnelles de type CROSS et GIR sous la direction de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire. Multiplier les structures de coopération par une approche thématique.

 

Recommandation n° 2 de M. Ugo Bernalicis : expérimenter la présence physique du parquet dans les commissariats afin de conduire l’enquête préliminaire et d’assurer le contrôle de l’action judiciaire, notamment au regard des libertés publiques.

 

Recommandation n° 3 de M. Ugo Bernalicis : augmenter la présence physique du parquet dans les commissariats pour améliorer la priorisation des plaintes, ainsi que le contrôle effectif de l’activité de police judiciaire.

 

Recommandation n° 4 de Mme Marie Guévenoux : prévoir, en tenant compte des moyens des parquets, des visites régulières programmées ou aléatoires du procureur de la République dans les services d’enquête :

 

– au titre de sa mission de direction de l’activité de police judiciaire, pour lui permettre de se réunir avec le chef de service et d’évoquer notamment ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale ;

 

– au titre de sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.

 

Recommandation n° 5 de M. Ugo Bernalicis : augmenter au moins de moitié le nombre de magistrats dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

 

Recommandation n° 6 : veiller à ce que chaque poste de fonctionnaire de police habilité OPJ remplissant des missions d’investigation dans un service d’enquête soit cartographié.

 

Recommandation n° 7A de Mme Marie Guévenoux : engager une démarche résolue de simplification de la procédure pénale visant à trouver le juste équilibre entre le respect des droits de la défense et l’efficacité de l’enquête judiciaire.

 

Recommandation n° 7B de M. Ugo Bernalicis : engager une démarche résolue pour simplifier et améliorer les outils, notamment numériques, à la disposition des enquêteurs pour sécuriser et faciliter l'application de la procédure pénale. Engager une réflexion sur une harmonisation de certaines procédures afin de garantir plus strictement les libertés publiques et fondamentales, ainsi que le contrôle et la direction de l'autorité judiciaire.

 

Recommandation n° 8 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale et dans la doctrine, reconnaître au chef de service de la filière police judiciaire un véritable statut dépassant sa seule qualité d’OPJ, en considérant son niveau de responsabilité dans l’animation et la conduite des opérations de police judiciaire. Ce chef de service donne l’impulsion, coordonne les opérations au quotidien et partage ainsi la direction d’enquête, conformément aux prescriptions de l’autorité judiciaire.

 

Recommandation n° 9 de M. Ugo Bernalicis : accroître les efforts de formation :

 

– à court terme, par la création d’une académie de l’enquête, à la fois chargée de développer de nouveaux enseignements (champs d’études sur les nouvelles formes de délinquance et les nouvelles techniques d’investigation, par exemple) proposés en formation initiale, et d’assurer la formation continue des enquêteurs. Rendre cette académie compétente en matière de formation initiale et continue de la police technique et scientifique. Développer des liens forts entre l’académie et l’École nationale de la magistrature ;

 

– à moyen terme, par la mise en place d’une véritable formation initiale de deux ans pour les gardiens de la paix, avec orientation à mi-parcours en fonction des affections choisies. 100 % des agents devront être formés à la procédure judiciaire sans pour autant être OPJ et avoir l’habilitation. Par conséquent, ouvrir de nouvelles écoles de police.

 

Recommandation n° 10 : renforcer la formation continue des effectifs des services de police judiciaire, en particulier ceux occupant des fonctions de commandement ou des fonctions d’encadrement et d’application.

 

Recommandation n° 11 : moderniser et dynamiser la gestion des ressources humaines dans la filière police judiciaire intégrée :

 

– en instituant un cycle vertueux de mobilité pour tous les agents de nature à faire monter en compétence le plus grand nombre. Les enquêteurs expérimentés travaillant sur les contentieux complexes doivent irriguer toute la filière. Parallèlement, pour créer une saine émulation et éviter que le système ne soit sclérosé, tout en valorisant les profils de spécialistes, il faut offrir des perspectives en interne et donner l’opportunité aux agents prometteurs d’accéder aux unités les plus sensibles ;

 

– en balisant le parcours professionnel des policiers tous grades confondus et en leur donnant ainsi une meilleure visibilité sur les trajectoires de carrière possibles.

 

Recommandation n° 12 : favoriser la spécialisation des enquêteurs :

 

– en engageant des recrutements spécialisés d’enquêteurs disposant de savoir-faire et compétences techniques spécifiques ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes ;

 

– en intégrant aux effectifs des agents de certaines administrations spécialisées (inspection du travail, direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) avec la qualité d’officier de police judiciaire.

 

Recommandation n° 13 : rendre la filière police judiciaire plus attractive :

 

– en reconnaissant les contraintes et les responsabilités particulières auxquelles sont assujettis les enquêteurs (déroulement de carrière, prime de résultat exceptionnel, IRP etc.) ;

 

– en engageant une réflexion sur le temps de travail des enquêteurs afin de limiter les asymétries avec le régime, plus avantageux, des policiers sur la voie publique ;

 

– en renforçant les efforts consentis par le ministère de l’Intérieur en termes d’aide au logement, notamment dans les secteurs où le marché de l’immobilier est tendu.

 

Recommandation n° 14 : augmenter le montant de la prime OPJ en la revalorisant de manière substantielle (recommandation de Mme Marie Guévenoux) voire en la doublant (recommandation de M. Ugo Bernalicis).

 

Recommandation n° 15 : atteindre un ratio d’encadrement de 30 % dans la filière judiciaire à l’horizon 2027.

 

Recommandation n° 16 : anticiper les conséquences mécaniques de l’augmentation des effectifs de policiers nationaux et municipaux déployés sur la voie publique en adaptant le dimensionnement des services enquêteurs. Engager une réflexion sur les conséquences que l’augmentation des effectifs des polices municipales emporte sur la charge de travail des services d’enquête et les solutions qui pourraient permettre de les accompagner dans cette évolution.

 

Recommandation n° 17 de M. Ugo Bernalicis : mettre en place un plan de recrutement prévoyant d’augmenter d’au moins 50 % le nombre d'OPJ dans les services d’enquête.

 

Recommandation n° 18 de M. Ugo Bernalicis : rééquilibrer les moyens alloués à la sécurité publique et à l’investigation au profit de cette dernière.

 

Recommandation n° 19 de Mme Marie Guévenoux : augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête :

 

– consacrer au moins un tiers des moyens prévus pour la police nationale dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur au renforcement de la filière police judiciaire et mobiliser des moyens suffisants (en matière de ressources humaines notamment) pour accompagner cette montée en charge du nombre d’enquêteurs ;

 

– accroître en particulier les moyens des services spécialisés dans la criminalité économique et financière et dans la cybercriminalité.

 

Recommandation n° 20 : moderniser les moyens matériels et autres équipements techniques à la disposition de la filière police judiciaire, y compris pour la branche police scientifique.

 

Recommandation n° 21 : au sein de la zone de défense de Paris, compenser chaque mutation d’un fonctionnaire du corps d’encadrement et d’application, affecté dans l’un des quatre départements de la grande couronne parisienne vers un autre département de la petite couronne ou vers Paris, par l’arrivée d’un autre gardien de la paix, notamment dans les services d’investigation.

 

Recommandation n° 22 : dans la doctrine de la police judiciaire :

 

– structurer les services d’enquête de la filière police judiciaire de manière à être en capacité de traiter efficacement ses différents champs d’action (criminalité organisée et criminalité territoriale), tout en prévenant le risque de chevauchement de compétences et de concurrence par une répartition équilibrée des agents par type de contentieux ;

 

– définir avec précision le rôle de chacun, notamment en matière d’activité de police judiciaire (chefs de service de police judiciaire, directeurs départementaux et zonaux, chefs d’offices centraux, directeur national de la police judiciaire) ;

 

– garantir une concertation et des échanges réguliers avec l’autorité judiciaire dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme.

 

Recommandation n° 23 de Mme Marie Guévenoux : dans la doctrine de la police nationale :

 

– définir un processus de médiation et de résolution des conflits entre les autorités policières au niveau des trois échelons prévus (départemental, zonal et national) ;

 

– préciser les relations hiérarchiques et fonctionnelles entre tous les responsables de la police nationale, à tous les niveaux.

 

Recommandation n° 24 de M. Ugo Bernalicis : soumettre les projets de doctrines de la filière judiciaire et de la police nationale à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.

 

Recommandation n° 25 : anticiper les risques liés à la mise en commun des réseaux et applications métiers des anciennes directions centrales ainsi que l’ensemble des démarches RH à engager dans la mise en œuvre de la réforme. Mobiliser les moyens adéquats pour prendre l’ensemble des arrêtés d’affectation des agents avant tout déploiement opérationnel de la réforme.

 

Recommandation n° 26A de Mme Marie Guévenoux : engager progressivement la réforme de la police nationale, en commençant par une mise en œuvre au niveau des directions nationales dès que possible, puis des directions zonales au cours du premier semestre 2023 et enfin des directions départementales d’ici à la fin de l’année 2023.

 

Recommandation n° 26B de M. Ugo Bernalicis : consacrer l'année 2023 et le premier semestre 2024 au test des applications numériques et des bascules, notamment en matière de ressources humaines. Mettre en œuvre la réforme après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour une finalisation au 1er janvier 2025.

 

Recommandation n° 27 : étendre la réforme de la police nationale au territoire de la préfecture de police après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

 

Recommandation n° 28 : établir un calendrier consolidé des différentes réformes en cours dans la police nationale, associé à un document de maîtrise des risques.

 

Recommandation n° 29 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, ainsi que dans la doctrine de la police judiciaire :

 

– rappeler, d’une part, que la mission de police judiciaire relève du code de procédure pénale, notamment le choix du service d’enquête, qui incombe à l’autorité judiciaire, et, d’autre part, l’importance et les incidences du secret de l’enquête et de l’instruction dans la conduite des enquêtes judiciaires ;

 

– décliner, au titre du décret des catégories de services, l’ensemble des formations et unités que l’autorité judiciaire peut saisir pour garantir le libre choix des formations, comme cela est prévu à l’article 12-1 du code de procédure pénale ;

 

– permettre la saisine du chef de la filière police judiciaire du ressort.

 

Recommandation n° 30 de Mme Marie Guévenoux : garantir que la déconcentration budgétaire n’entraîne pas la réduction des capacités opérationnelles des acteurs de la filière police judiciaire, notamment :

 

– en dotant la direction nationale de la police judiciaire de ressources budgétaires propres, lui permettant de couvrir les dépenses inhérentes à l’activité des services centraux ;

 

– en consacrant le rôle du DZPN en matière RH, soutien et finances vis-à-vis des SGAMI et préfets délégués à la sécurité ;

 

– en sanctuarisant les moyens dévolus aux enquêtes les plus complexes ou les plus sensibles, en particulier en matière économique et financière, et en dotant les DZPN de moyens propres suffisants pour mener leurs investigations ;

 

– en veillant à ce que les DDPN bénéficient de dotations budgétaires, allouées par les DZPN, correspondant en volume aux besoins réels des différentes filières métiers représentées. Un mécanisme d’ajustement de ces budgets doit être spécifiquement prévu pour faire face à des évènements ou des enquêtes imprévus ou non planifiés nécessitant des moyens supplémentaires.

 

Recommandation n° 31 de Mme Marie Guévenoux : s’agissant des affaires de probité les moins complexes, permettre à l’autorité judiciaire de saisir une direction départementale voisine afin de ne pas saturer l’échelon zonal.

 

Recommandation n° 32 de M. Ugo Bernalicis : définir des doctrines claires et publiques sur les remontées hiérarchiques de l’information attendues au sein de chaque échelon du ministère de l’Intérieur.

 

Recommandation n° 33 de Mme Marie Guévenoux : doter le DZPN d’une autorité hiérarchique sur les DDPN de son ressort, dont il assure la notation annuelle en s’appuyant sur la double évaluation du préfet de département et du procureur général territorialement compétent. De même, appliquer ce système de double évaluation au DZPN, noté par le DGPN sur la base de l’évaluation du préfet de zone et du procureur général territorialement compétent.

 

Recommandation n° 34 de Mme Marie Guévenoux : permettre aux directeurs départementaux de prendre part aux évaluations à 360 degrés des magistrats proposées dans le rapport du comité des États généraux de la justice.

 

Recommandation n° 35 de M. Ugo Bernalicis : mettre en œuvre une réforme alternative à celle proposée par le ministère de l’Intérieur :

 

– à court terme : recréer une filière judiciaire en intégrant tous les enquêteurs dans une même direction centrale avec une organisation territoriale (en cohérence avec l’organisation territoriale de l’autorité judiciaire), y compris la préfecture de police de Paris. Renforcer les outils budgétaires afin de permettre d’identifier les moyens propres déployés pour la filière judiciaire et de s’assurer de leur fléchage, notamment par la création de nouveaux indicateurs dédiés dans les documents budgétaires ;

 

– à moyen terme : recréer un corps de police judiciaire avec des recrutements spécifiques pour tous les grades, en revenant à l’état d’avant la réforme des corps et carrière de 1995, avec une filière judiciaire clairement distincte du reste de l’activité policière, autant dans sa chaîne hiérarchique que dans ses moyens humains, matériels et logistiques ;

 

– à long terme : rattacher la filière à l’autorité judiciaire par la voie du détachement.

 

Recommandation n° 36 : favoriser les saisies et confiscations d’avoirs criminels :

 

– en développant plus largement, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, les partages de connaissances des policiers des anciens services de police judiciaire au bénéfice de toute la filière ;

 

– en augmentant le nombre d’agents et d’antennes de l’AGRASC.

 

Recommandation n° 37 : accompagner les directeurs zonaux et départementaux dans la mise en œuvre de la réforme, en particulier :

 

– en leur assurant une formation complète incorporant des enseignements managériaux, de gestion des ressources humaines et de communication ;

 

– en définissant un guide pratique de mise en place de la réorganisation ;

 

– en confiant à un interlocuteur au sein de la direction générale de la police nationale la responsabilité d’animer le réseau des DZPN, sans préjudice des prérogatives dévolues aux directeurs nationaux dans leur domaine d’action respectif.

 

Recommandation n° 38 : nommer à la tête des directions départementales des chefs capables d’animer toutes les filières métiers :

 

– en diversifiant les profils des directeurs pour valoriser l’ensemble des parcours policiers et garantir une juste représentation de toutes les filières ;

 

– en s’assurant que les personnalités nommées à ces postes disposent de solides compétences, en particulier en matière de gestion des ressources humaines et de communication, ainsi que d’une connaissance précise du fonctionnement de la filière investigation et du rôle de l’autorité judiciaire dans la conduite des enquêtes pénales.

 

Recommandation n° 39 : inscrire plusieurs indicateurs permettant de suivre chaque année la mise en œuvre de la réforme dans la documentation budgétaire accompagnant le projet de loi de finances.

 

Recommandation n° 40 : créer une nouvelle mission d’information chargée d’évaluer le fonctionnement des DDPN deux ans après leur mise en place.

 

 

 

 

 

 

 


Personnes entendues

Mercredi 12 octobre 2022

   M. Frédéric Veaux, directeur

   M. Vincent Le Beguec, directeur de cabinet

   Général de corps d'armée Bruno Jockers, major général de la gendarmerie nationale

   Colonel Adrien Véron, chef du bureau stratégie innovation à la sous-direction de la police judiciaire

   Lieutenant-colonel Ronan Lelong, adjoint au chef du bureau de la synthèse budgétaire

Jeudi 13 octobre 2022

   M. Aurélien Martini, trésorier national adjoint

   M. Thierry Griffet, chargé de mission

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   Mme Kim Reuflet, présidente

   Mme Samra Lambert, secrétaire nationale

Jeudi 20 octobre 2022

Snuitam FSU

   M. Geoffroy Gondinet, délégué national

   M. Flavien Benazet, co-secrétaire général, responsable de la branche Intérieur

Sud Intérieur

   M. Patrick Cahez, ancien secrétaire national

CGT-Police

   M. Anthony Caillé, secrétaire général

   M. François Dalbignat, membre de la direction

   M. Bruno Mico, secrétaire général CGT-SIC

Jeudi 10 novembre 2022

   M. Grégory-Hugues Frély, inspecteur général, conseiller prospective et stratégie de la police nationale, chef de l’équipe projet

   M. Olivier Richardot, adjoint au chef de projet en charge de l'investigation

Jeudi 17 novembre 2022

   M. François Molins, procureur général

   M. Fabrice Gardon, directeur central

   M. Serge Galloni, chef du département stratégie audit et risques

   M. Jérôme Bonet, directeur central

   Mme Séraphia Scherrer, cheffe de projet en charge du suivi de la réforme de la filière police judiciaire

Mercredi 23 novembre 2022

   M. Philippe Lutz, directeur central

   M. Stanislas Cazelles, directeur

 

   M. Christian Sonrier, président

   M. Christian Lambert, membre du comité directeur

   M. Hubert Weigel, membre du comité directeur

Jeudi 24 novembre 2022

   M. Olivier Christen, directeur

   Mme Cécile Gressier, sous-directrice de la justice pénale générale

   M. Nicolas Renucci, chef du bureau de la police judiciaire

   M. Yann Bauzin, président

   M. Christophe Bertrand, vice-président

   Mme Stéfanie Duchatel, secrétaire générale

   Mme Céline Berthon, directrice centrale

   M. Aymeric Saudubray, sous-directeur des missions de sécurité

Mercredi 30 novembre 2022

   M. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et président de l’association

Conseil national des barreaux

   M. Gérard Tcholakian, membre de la commission Libertés et droits de l’homme

   Mme Emilie Guillet, chargée d’affaires publiques

Syndicat des avocats de France

   M. Thomas Fourrey, secrétaire général

Conférence des bâtonniers

   M. Jérôme Dirou, membre du bureau, président de la commission pénale

 

Jeudi 1er décembre 2022

   M. Laurent Nuñez, préfet de police

   M. Christian Sainte, directeur régional de la police judiciaire

   Mme Isabelle Tomatis, directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne

Lundi 5 décembre 2022

   Mme Marion Cackel, présidente

   M. Frédéric Macé, secrétaire général

Lundi 19 décembre 2022

   M. Marc Cimamonti, procureur général

   M. Jean-Baptiste Bladier, procureur à Meaux

   M. Raphaël Balland, président et procureur à Béziers

   Mme Marie-Céline Lawrysz, procureure à Compiègne

   M. Etienne Thieffry, procureur à Dieppe

Mardi 3 janvier 2023

   M. Christophe Allain, directeur zonal

   Mme Magali Caillat, directrice zonale

   Mme Thérèse Brunisso, procureure générale près la cour d’appel de Chambéry

   Mme Anne Gaches, procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Albertville

Bloc syndical (Alliance, UNSA …)

   M. Éric Henry, conseiller spécial (Alliance)

   M. David-Olivier Reverdy, secrétaire national province (Alliance)

   Mme Ingrid Lecoq, déléguée nationale province (UNSA Police)

   M. Jérôme Jimenez, délégué Ile-de-France (UNSA Police)

   M. Tristan Coudert, secrétaire national (SICP)

   Mme Isabelle Trouslard, secrétaire nationale (Synergie Officiers)

   M. Yann-Henry Tiniere, conseiller technique (Synergie Officiers)

FSMI FO

   M. Dominique Le Dourner, secrétaire national en charge du secteur des conditions de travail (Unité SGP Police)

   M. Yann Bastière, délégué national, référent national investigation (Unité SGP Police)

CFDT Interco

   M. Pascal Jakowlew, secrétaire national investigation renseignement (Alternative Police CFDT)

   M. Sylvain Durante, secrétaire général adjoint (Alternative Police CFDT)

   M. Alain Morel, secrétaire général adjoint (SCSI)

   M. Christophe Miette, secrétaire national (SCSI)

Mercredi 4 janvier 2023

Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF)

   Mme Anne-Sophie Coulbois, cheffe de l’Office central

 

Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO)

   M. Yann Sourisseau, chef de l’Office central

Office anti-stupéfiants (OFAST)

   Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l’Office

Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM)

   M. Xavier Delrieu, chef de l’Office

   M. Philippe Jos, directeur territorial

   M. Christophe Foissey, directeur territorial adjoint

   Mme Anne Le Dantec, cheffe du service territorial de police judiciaire

Lundi 16 janvier 2023

   M. Christian Mouhanna, chercheur au CNRS, spécialisé dans l’étude des organisations policières et de la justice pénale

   Mme Marion Guenot, chercheuse au CNRS, spécialisée dans l’étude du travail policier

   M. Jean-Michel Schlosser, ancien inspecteur divisionnaire au sein de la police judiciaire, chercheur associé au CESDIP

   M. Arnaud-Dominique Houte, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne

Syndicat national indépendant des personnels administratifs techniques et scientifiques de la police nationale (SNIPAT-PTS)

   M. Georges Knecht, secrétaire général

   M. Xavier Depecker, secrétaire national en charge des personnels scientifiques de la police nationale

Syndicat national des personnels de police scientifique (SNPPS)

   M. Olivier Halnais, représentant du personnel

Jeudi 2 février 2023

Inspection générale de l’administration

   M. Werner Gagneron, inspecteur général

   M. Jérôme Letier, inspecteur général

Inspection générale de la justice

   M. Christophe Straudo, chef de l’inspection générale

   M. Emmanuel Razous, inspecteur général, responsable de la mission

   Mme Marjorie Obadia, inspectrice générale

   Mme Audrey Farrugia, inspectrice de la justice

   Mme Aurélie Prétat, inspectrice de la justice

Inspection générale de la police nationale

   M. Gilbert Mabecque, commissaire général

 


—  1  —

 

Déplacements

Mercredi 26 et jeudi 27 octobre 2022 : département de l’Oise

   Mme Corinne Orzechowski, préfète

   M. Faustin Gaden, directeur de cabinet

   M. Éric Heip, directeur départemental

   Mme Nadine Wuilleme, Cheffe d’État-Major de la direction départementale de la police nationale

   Mme Caroline Tharot, procureure de la République

   M. Sébastien Chalvet, chef du SPJ

Jeudi 15 décembre 2022 : département de la Savoie

   M. François Ravier, préfet

   M. Jean-René Ruez, directeur départemental, commissaire divisionnaire

   Mme Hélène Bigot, première présidente

   Mme Coralie Bourille-Noël, vice-présidente

   M. Manuel Munoz, juge d’instruction

   M. Pierre-Yves Michaux, procureur de la République

   M. Jérôme Chappa, directeur départemental

   M. Jean-François Guy, chef du SPJ

   M. Olivier Sotty (SCSI)

   M. Yoanne Villeret (Unité SGP)

   M. Olivier Broudard (Unité SGP)

   Mme Nadine Bertin (Synergie Officier)

Jeudi 5 janvier 2023 : département de l’Hérault

   M. Hugues Moutouh, préfet

   M. Tristan Gervais de Lafond, premier président

   M. Jean-Marie Beney, procureur général

   Mme Catherine Lelong, présidente

   Mme Sandrine Royant, vice-présidente chargée de l’instruction

   M. Fabrice Belargent, procureur

   M. Jean-Bastien Risson, président

   Mme Dominique Vinsonneau, vice-présidente chargée de l’instruction, doyenne des juges d’instruction

   M. Raphaël Balland, procureur

   M. Yannick Blouin, directeur

 

   Mme Sophie Thomas, adjointe à la directrice territoriale

   M. Olivier Harguindeguy, directeur interdépartemental

 

 

 

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Article 14 du code de procédure pénale.

([3]) Article 15 du même code.

(1) Propos tenus par le général Bruno Jockers, major général de la gendarmerie nationale, au cours de son audition.

([5]) En l’absence de sûreté départementale autonome, les sûretés urbaines de la circonscription siège de la direction départementale de la sécurité publique prennent la dénomination de « sûreté départementale » et se voient alors attribuer les mêmes compétences que celles des sûretés départementales autonomes.

([6]) Audition par la mission de M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale.

([7]) Arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale de la sécurité publique.

([8]) Décret n° 2008-633 du 27 juin 2008 relatif à l’organisation déconcentrée de la direction centrale de la sécurité publique.

([9]) À l’exception du périmètre de la préfecture de police et des collectivités d’outre-mer.

([10]) Article 1er du décret n° 2008-633 du 27 juin 2008 relatif à l’organisation déconcentrée de la direction centrale de la sécurité publique.

([11]) Auxquels s’ajoutent 441 autres personnels mis à sa disposition, notamment des gendarmes, douaniers, agents des services fiscaux et personnels de justice.

([12]) Arrêté du 5 août 2009 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale de la police judiciaire.

([13]) Le GIR est une structure opérationnelle capable de mobiliser et de coordonner l’action de tous les services de l’État, en faisant travailler ensemble des policiers, des gendarmes et des fonctionnaires des douanes, de l’administration fiscale, mais aussi de l’inspection de l’URSSAF, du travail ou de la répression des fraudes (voir infra).

([14])  Le décret n° 2022-1704 du 27 décembre 2022 a créé ce nouvel office, qui remplace l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST).

([15]) Les brigades de recherche et d’intervention (BRI) sont des unités spécialisées dans l’interpellation des groupes criminels se livrant à des actes de banditisme graves (vol à main armée, séquestration, prise d’otages, etc.). Elles occupent ainsi une double fonction de police judiciaire, via des opérations de surveillance et de filature notamment, et de force d’intervention pour les missions à risques.

([16]) Décret n° 2020-1776 du 30 décembre 2020 portant organisation des services territoriaux de police judiciaire de la police nationale.

([17]) Décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 portant création et organisation des directions territoriales de la police nationale.

([18]) Article 3 du décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 précité.

([19]) Article 4 du décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 précité.

([20]) Décret n° 2020-1779 du 30 décembre 2020 portant création du service à compétence nationale dénommé service national de police scientifique.

([21]) Décret n° 2009-898 du 24 juillet 2009 relatif à la compétence territoriale de certaines directions et de certains services de la préfecture de police.

([22]) Arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale de la police aux frontières.

([23]) Décret n° 2022-1704 du 27 décembre 2022 portant création d’un office de lutte contre le trafic illicite de migrants.

([24]) Décret n° 2012-328 du 6 mars 2012 relatif à l’organisation territoriale de la direction centrale de la police aux frontières et arrêté du 6 mars 2012 relatif à l’organisation territoriale de la direction centrale de la police aux frontières.

([25]) Arrêté du 12 août 2013 portant organisation de la direction générale de la gendarmerie nationale.

([26]) Propos introductifs tenus par M. Frédéric Veaux au cours de son audition.

([27]) Circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 mai 2002 relative à la mise en place de groupes d’intervention régionaux, n° INTC0200129C.

([28]) Décret n° 2010-973 du 27 août 2010 modifiant le décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 modifié relatif à l’organisation de l’administration centrale du ministère de l’Intérieur et de la décentralisation.

([29]) Les SGAMI sont des structures ayant vocation à mutualiser les fonctions supports des différents services du ministère de l’Intérieur (police, gendarmerie, préfectures, sous-préfectures et certains services de sécurité civile) au niveau déconcentré. Cette mutualisation a été opérée à des degrés variables. Dans le cas de la police nationale, la quasi-intégralité des fonctions support est exercée par les SGAMI, tandis que la gendarmerie conserve des fonctions autonomes (informatique, radiocommunication…).

Les SGAMI sont implantés au chef-lieu de chaque zone de défense et de sécurité et comprennent un état-major, chargé d’assister le secrétaire général adjoint, et cinq directions : la direction de l’administration générale et des finances (DAGF) a pour mission la programmation et le suivi des budgets zonaux ; la direction de l’équipement et de la logistique (DEL) organise la répartition et l’entretien des moyens mobiles, de l’habillement et de l’équipement ; la direction des ressources humaines (DRH) assure le recrutement, la gestion et la formation des services ; la direction des systèmes d’information et de communication (DSIC) assure l’ingénierie, l’installation et la maintenance des infrastructures des réseaux fixes et mobiles ; la direction de l’immobilier (DI) a en charge la gestion et la maintenance du patrimoine immobilier, ainsi qu’une mission d’expertise technique pour les services de sécurité intérieure de la zone. Les SGAMI disposent en outre d’antennes et de services sur tout le territoire de la zone, afin d’assurer la proximité avec les unités.

([30]) Arrêté du 27 décembre 2017 relatif aux missions et à l’organisation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale.

([31]) Articles 14 et 15 du code de procédure pénale.

([32]) Article 12 du code de procédure pénale.

([33]) Article 16 du code de procédure pénale.

([34]) Les personnels actifs de la police nationale sont répartis en 3 corps : le corps de conception et de direction (issu des recrutements de commissaires de police), le corps de commandement (issu des recrutements d’officiers de police) et le corps d’encadrement et d’application (issu des recrutements de gardiens de la paix).

([35]) Articles 15-1 et 16 du code de procédure pénale.

([36]) Article D. 14 du code de procédure pénale.

([37]) Article D. 13 du code de procédure pénale.

([38]) Article 22 du code de procédure pénale.

([39]) Article 28-1 du code de procédure pénale.

([40]) Article 28-2 du code de procédure pénale.

([41]) Article 28-3 du code de procédure pénale.

([42]) Articles 29 et 29-1 du code de procédure pénale.

([43]) Ces infractions sont précisées à l’article R. 15-33-29-3 du code de procédure pénale. Il s’agit des infractions de : divagation d’animaux dangereux ; bruits ou tapages injurieux ; excitation d’animaux dangereux ; menaces de destruction, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune ; abandon d’ordures, déchets, matériaux et autres objets ; destructions, dégradations et détériorations légères, lorsqu’elles concernent des biens appartenant à la commune ; atteintes volontaires ou involontaires à animal et mauvais traitements à animal, lorsque ces infractions sont commises sur le territoire communal ou sur le territoire pour lesquels ces agents sont assermentés et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.

([44]) Placement en garde à vue, perquisitions, réquisitions.

([45])  Contribution écrite de M. François Molins aux travaux de la mission d’information.

([46]) Propos tenus par Mme Marion Guénot et M. Christian Mouhanna, chercheurs au CNRS, ainsi que M. Jean‑Michel Schlosser, ancien inspecteur divisionnaire au sein de la police judiciaire et chercheur associé au centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, au cours de leur audition.

([47]) Voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 (considérant 58).

([48]) Articles R. 2-16 et R. 2-17 du code de procédure pénale.

([49]) Articles 13 et 38 du code de procédure pénale.

([50]) Articles R. 15-2 pour la gendarmerie nationale et R. 15-6 du code de procédure pénale pour la police nationale.

([51]) Article 224 du code de procédure pénale.

([52]) Articles 19-1 et D. 45-2 du code de procédure pénale.

([53]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([54]) Rapport sur le traitement de la criminalité organisée et financière destiné au garde des Sceaux, rendu par le groupe de travail présidé par M. François Molins, procureur général près la Cour de cassation, en juin 2019.

([55]) Article D. 3 du code de procédure pénale.

([56]) Article 15-1 du code de procédure pénale.

([57]) Article 21-2 du code de procédure pénale.

([58]) Article D. 4 du code de procédure pénale.

([59]) Contribution écrite de la Conférence nationale des procureurs de la République aux travaux de la mission d’information.

([60]) Contribution écrite de la Conférence nationale des procureurs de la République aux travaux de la mission d’information.

([61]) Enquête sur la charge de travail des juges d’instruction réalisée par l’AFMI, l’Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM), été 2021.

([62]) Chiffres en date de novembre 2022.

([63]) Article 39-1 du code de procédure pénale.

([64]) Article 39-3 du code de procédure pénale.

([65]) Instruction du DGPN, du DGGN et du DACG du 31 mai 2021, n° 2021/0043/H34.

([66]) Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) estime qu’elle parvient à limiter « la désaffection de ses postes en ayant tout d’abord le privilège de pouvoir confier exclusivement des missions de police judiciaire à ses enquêteurs, de surcroît sur le haut du spectre de la criminalité. Le portefeuille moyen des enquêteurs est sans commune mesure avec celui de la sécurité publique. Les investigations que mène la police judiciaire ne sont pas limitées dans le temps ou dans l’espace, ni dans les moyens alloués ; ce qui laisse aux enquêteurs une liberté d’action appréciable. L’existence des offices centraux permet aux enquêteurs d’identifier et de se projeter dans un parcours de carrière valorisant, ces derniers étant notamment associés à l’élaboration de stratégies nationales et à l’évolution du cadre juridique de leur activité de police judiciaire. »

([67]) Cour des comptes, La gestion des ressources humaines au cœur des difficultés de la police nationale, Les enjeux structurels pour la France, Entités et politiques publiques, novembre 2021.

([68]) Contribution écrite de la CNPR aux travaux de la mission d’information.

([69]) Contribution écrite de l’AFMI aux travaux de la mission d’information.

([70]) Contribution écrite de la Conférence nationale des procureurs de la République aux travaux de la mission d’information.

([71]) Contribution écrite de M. François Molins aux travaux de la mission d’information.

([72]) Le taux d’encadrement s’entend comme le nombre total des membres du corps de conception et de direction (commissaires) et le nombre total des membres du corps de commandement (officiers de police) divisés par le nombre total d’enquêteurs du corps d’encadrement et d’application (gardiens de la paix, ayant la qualification d’OPJ ou non).

([73]) Arrêté du 1er juillet 2021 fixant la liste des postes d’officier de police judiciaire du corps d’encadrement et d’application de la police nationale.

([74]) Décret n° 2021-1249 du 29 septembre 2021 portant modification des procédures d’avancement au sein du corps d’encadrement et d’application de la police nationale.

([75]) Décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale.

([76]) L’article 16 du code de procédure pénale, avant la modification prévue à l’article 17 de la LOPMI, disposait : « Ont la qualité d'officier de police judiciaire : (…) 2° Les officiers et les gradés de la gendarmerie, les gendarmes comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission ; (…) 4° Les fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale comptant au moins trois ans de services dans ce corps, nominativement désignés par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur, après avis conforme d’une commission. »

([77]) Article 12 de la LOPMI.

([78]) Article 20 de la LOPMI.

([79]) Article 21 de la LOPMI.

([80]) Article 23 de la LOPMI.

([81]) Rapport du comité des États-Généraux de la justice, Rendre justice aux citoyens, avril 2022.

([82])  « 10 propositions pour le devenir de la justice pénale », document présenté par la CNPR à l’occasion de la conférence de presse du 6 janvier 2022 au tribunal judiciaire de Bobigny.

([83])  Contribution écrite de la CNPR.

([84])  Contribution écrite de la CNPR aux travaux de la commission.

([85]) Décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 portant création et organisation des directions territoriales de la police nationale et décret n° 2021-1876 du 29 décembre 2021 portant création des directions territoriales de la police nationale de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion, et de la Polynésie française.

([86]) Article 3 du décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 portant création et organisation des directions territoriales de la police nationale.

([87]) Article 4 du décret précité.

([88]) Ibid.

([89]) L’ensemble de ces modifications serait pris dans trois à quatre décrets (un décret simple, un voire deux décrets en Conseil d’État et un décret pris en Conseil des ministres).

([90]) Avis de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1994, Tome II, Intérieur –police et sécurité, par M. Paul Masson.

([91])  Ibid.

([92])  Lettre du ministre de Charles Pasqua, ministre de l’intérieur, aux préfets du 14 juin 1993.

([93]) Propos tenus par les représentants de l’Association au cours de leur audition.

([94])  Les services judiciaires de la PAF, et plus particulièrement l’OLTIM et les BMR ne seraient pas intégrés dans la filière police judiciaire. Le ministre de l’intérieur a en effet souhaité maintenir le rattachement de ces services qui diligentent des enquêtes judiciaires dans un souci d’assurer le continuum entre les services chargés du contrôle de la frontière, mission impartie à la DCPAF, et ceux qui démantèlent le trafic organisé de migrants pour le volet judiciaire mais aussi administratif (ESI).

([95]) La DCPJ a précisé à vos rapporteurs que, dans le cadre des objectifs de recrutement de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, le nombre d’enquêteurs spécialisés dans le traitement des violences intrafamiliales sera doublé, passant de 1 973 actuellement à 4 000 enquêteurs. Des efforts sont également consentis en matière de lutte contre la cybercriminalité, avec le recrutement et la formation de 1 500 nouveaux cyber patrouilleurs.

([96]) Contribution écrite de la direction centrale de la police judiciaire aux travaux de la mission d’information.

([97]) Le service interministériel d’assistance technique (SIAT) est un service de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée de la direction centrale de la police judiciaire chargé de la formation des agents infiltrés dans les réseaux criminels, de l’assistance technique aux opérations d’infiltration et de la centralisation des informations liées à ces opérations menées par les douanes, la police et la gendarmerie nationales.

([98]) Para. 151 du rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur : « Les offices centraux et l’échelon zonal seront privilégiés pour le traitement de la criminalité organisée, complexe ou présentant une particulière gravité. Pour assurer ses missions, l’échelon zonal de la police judiciaire disposera de moyens humains et budgétaires propres afin de garantir le bon traitement de ces infractions graves et complexes. »

([99]) Propos tenus par M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, devant la commission des Lois du Sénat dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur l’organisation de la police judiciaire.

([100]) Lettre de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, à l'attention des personnels de la direction centrale de la police judiciaire du 9 octobre 2022.

([101]) Article 18, alinéa 3 du code de procédure pénale : « Les officiers de police judiciaire peuvent se transporter sur toute l'étendue du territoire national, à l'effet d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir informé le procureur de la République saisi de l'enquête ou le juge d'instruction. Ils sont tenus d'être assistés d'un officier de police judiciaire territorialement compétent si ce magistrat le décide. Le procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel les investigations sont réalisées est également informé par l'officier de police judiciaire de ce transport. L'information des magistrats mentionnés au présent alinéa n'est cependant pas nécessaire lorsque le transport s'effectue dans un ressort limitrophe à celui dans lequel l'officier exerce ses fonctions, Paris et les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne étant à cette fin considérés comme un seul département. »

([102]) « En outre, la mise en place des DDPN interviendra dans le contexte d’autres réformes structurelles en cours : la création de l’Académie de police, qui pose la question de la répartition des compétences avec l’actuelle DCRFPN ; la création du Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation police ; la nouvelle gouvernance numérique ; la transformation en profondeur de la fonction de ressources humaines et de soutien de la police nationale », page 60.

([103]) Contribution écrite de la DACG aux travaux de la mission d’information.

([104]) MM. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, Jean-Marie Beney, procureur général près la cour d’appel de Montpellier, Mme Anne Gaches, procureure de la République près le tribunal judiciaire d’Albertville et MM. Jean-David Cavaille, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan et Nicolas Chareyre, premier vice-président en charge de l’instruction près le tribunal judiciaire de Lyon.

([105]) Contribution écrite de la DACG aux travaux de la mission d’information.

([106]) Contribution écrite de l’AFMI aux travaux de la mission d’information.

([107])  Déclaration de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sur la politique menée par le ministère de l’Intérieur, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2022.

([108]) Contribution écrite du Syndicat de la magistrature aux travaux de la mission d’information.

([109]) Propos tenus par M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, au Parisien le 8 octobre 2022.

([110]) Article 12-1 du code de procédure pénale : « Le procureur de la République et le juge d'instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire. »

([111]) Propos tenus par les représentants du Syndicat de la magistrature au cours de leur audition.

([112]) Propos introductif de l’ANPJ aux travaux de la mission d’information préparé dans le cadre de l’audition de l’Association par les missions parlementaires.

([113]) Contribution écrite de l’AFMI aux travaux de la mission d’information.

(2) Lettre de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, à l'attention des personnels de la direction centrale de la police judiciaire du 9 octobre 2022.

([115]) Propos tenus par M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, au journal Le Parisien le 8 octobre 2022.

([116]) Votre rapporteur M. Ugo Bernalicis préconise plutôt la mise en place d’une filière judiciaire unique et intégrée, au budget autonome (voir infra).

([117]) Dans le détail, 111 enquêtes ont eu lieu principalement dans le département de commission des faits (37,6 % des affaires), 116 enquêtes ont eu lieu en province et/ou à l’étranger (39,9 %) et 68 enquêtes ont été effectuées sur le ressort de la préfecture de police (23,1 %).

([118]) Contribution écrite de la direction centrale de la police judiciaire aux travaux de la mission d’information.

([119]) Article 11 du code de procédure pénale : « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal.

Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. »

([120]) Article 434-7-2 du code pénal.

([121]) Article 321-1 du code pénal.

([122]) Rapport de M. Marc Cimamonti du 25 novembre 2021 à l’attention du garde des Sceaux et du directeur des affaires criminelles et des grâces.

(2) Contribution écrite de la CNPR aux travaux de la mission d’information.

(3) Lettre de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer du 9 octobre 2022 à l'attention des personnels de la direction centrale de la police judiciaire.

([125]) Propos tenus par les représentants de l’ACPHFMI au cours de leur audition.

([126]) Circulaire du 31 janvier 2014 de présentation et d’application de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique, n° JUSD1402885C

([127]) Contribution écrite de la direction générale de la police nationale aux travaux de la mission d’information.

([128]) Contribution écrite de la direction centrale de la police judiciaire aux travaux de la mission d’information.

([129]) La DCPJ cite plusieurs dispositifs : projection immédiate d’enquêteurs des offices pour le traitement ponctuel d’affaires très complexes (émeutes survenues en Guadeloupe) ou techniques (à Mayotte et en Guyane notamment) ainsi que la programmation de formations spécialisées au profit des enquêteurs (pour le contentieux économique et financier).

([130]) Contribution écrite de la CNPR aux travaux de la mission d’information.

([131]) Contribution écrite de M. François Molins aux travaux de la mission d’information.

([132]) Contribution écrite de la DCPAF aux travaux de la mission d’information.

([133]) Rapport parlementaire « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner » des députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann destiné au Garde des Sceaux, au ministre de l’Intérieur et au ministre de l’Action et des Comptes Publics.

([134]) Ces directions départementales n’ont en effet pas de direction zonale de rattachement.

(1) Propos tenus par la procureure générale près la cour d’appel de Chambéry au cours de son audition.

([136])  Contribution écrite de l’équipe projet nationale aux travaux de la mission d’information.

([137])  Ibid.