N° 821
——
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 2023
RAPPORT D’INFORMATION
déposé
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])
sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre
de la création des directions départementales de la police nationale
et présenté par
M. Ugo BERNALICIS et Mme Marie GUÉVENOUX,
Députés
____
La mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale est composée de M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, rapporteurs.
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION....................................................... 7
A. L’organisation des services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationaleS
b. L’instauration de cellules de coordination
a. Les officiers, agents et fonctionnaires de police judiciaire
b. Des missions exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire
a. Le principe du libre choix du service d’enquête
b. Des difficultés de choix du service d’enquête relevées par plusieurs magistrats auditionnés
a. De fortes disparités entre la sécurité publique et les autres services d’enquête
b. Une instruction récente pour parvenir à une réduction durable du stock de procédures
2. Des taux d’élucidation en baisse
1. Un constat implacable : la perte d’attractivité de la filière judiciaire
b. Une charge de travail peu compétitive par rapport aux policiers sur la voie publique
c. La réduction du temps d’investigation et la complexification de la procédure pénale
d. Un déficit d’encadrement intermédiaire qui nuit à l’efficacité des enquêtes
e. Une spécialisation et des compétences techniques particulières peu valorisées
2. De récents efforts de revalorisation de la filière judiciaire…
c. Un recentrage des enquêteurs sur leur cœur de métier
3. … qui doivent être poursuivis et intensifiés
a. Valoriser les missions et responsabilité des chefs
b. Renforcer les efforts en matière de formations initiale et continue
c. Mieux valoriser l’expertise des enquêteurs
d. Offrir de meilleures conditions de travail et de vie aux agents
e. Mieux encadrer les personnels de la filière
f. Augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête
1. La mise en place des directions territoriales de la police nationale
a. Une réforme en profondeur de la police nationale
b. La mise en place d’une filière police judiciaire
c. Une réforme qui ne devrait aboutir qu’en fin d’année 2023
a. Une critique de la méthode : une concertation insuffisante
b. Des inquiétudes quant à la liberté du choix du service d’enquête
d. Le cadre départemental comme échelon souvent inadapté pour le traitement de la délinquance
e. Le risque d’atteinte à la protection du secret de l’instruction
2. Un premier bilan incomplet des expérimentations en métropole et dans les territoires d’outre-mer
a. Des directions territoriales de la police nationale dans les collectivités ultramarines
3. Poursuivre l’évaluation parlementaire sur une temporalité plus longue
A. Conclusion de M. Ugo Bernalicis
B. Conclusion de Mme Marie Guévenoux
— 1 —
Tout au long du XIXème siècle, la technicisation de la délinquance, plus mobile et mieux organisée, met régulièrement en échec les forces de l’ordre ; certaines affaires, très médiatisées, marquent l’opinion publique et questionnent les facultés de la police à venir à bout de cette nouvelle forme de criminalité organisée. En effet, au tournant du siècle, la France n’est pas encore dotée d’une police judiciaire et les investigations relèvent exclusivement des prérogatives du juge d’instruction.
Ce constat conduit le président du Conseil et ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau, à créer en 1907 la première police judiciaire, les douze brigades régionales de police mobile, dites « brigades du Tigre », chargées de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits. Expérimentés et investis d’une compétence étendue, les enquêteurs de ces brigades se consacrent exclusivement à leurs missions de police judiciaire et présentent rapidement des résultats qui fonderont par la suite la tradition d’excellence de cette filière.
Les missions de police judiciaire se développent ensuite en 1949 au sein de la gendarmerie nationale pour couvrir les besoins dans le secteur rural qui lui est dévolu. Il faudra attendre 1995 pour avoir un nouveau changement majeur au sein de la police nationale avec la suppression du corps des enquêteurs et des officiers de police judiciaire, et la possibilité pour tous les gardiens de la paix d’acquérir l’habilitation d’officier de police judiciaire, quelle que soit la direction d’emploi.
Le terme de « police judiciaire » fait ainsi référence, dans sa formulation la plus commune, aux services d’enquête traitant des affaires les plus graves relevant du haut du spectre de la délinquance, par opposition aux infractions de moindre importance.
Dans un sens plus large, la police judiciaire renvoie, en revanche, à l’ensemble des services d’enquête de la police et de la gendarmerie chargés de la conduite d’investigations pénales, quel que soit le degré de gravité de l’infraction. Ces missions sont ainsi, s’agissant de la police nationale, remplies par des fonctionnaires relevant de plusieurs directions centrales, fonctionnant en silos –dont le caractère problématique est nuancé par les opposants à la réforme : la police judiciaire, mais également la sécurité publique dans le cadre des sûretés départementales et urbaines, la police aux frontières pour les contentieux relatifs à l’immigration irrégulière, ainsi que la direction générale de la sécurité intérieure en matière de lutte contre le terrorisme.
Le Livre blanc de la sécurité intérieure, publié en 2020, pose un regard critique sur ce fonctionnement, en particulier sur la dispersion des missions judiciaires entre plusieurs directions, qu’il estime nuisible à la fois à la lisibilité de l’action policière et à son efficacité. Il invite ainsi à « mener à bien une réforme ambitieuse et profonde de la gouvernance de la police nationale ».
Si le ministère de l’Intérieur s’était déjà engagé dans cette démarche avec la création des directions territoriales de la police nationale dans les collectivités ultramarines en 2019, les conclusions du Livre blanc se sont ensuite traduites, pour les départements métropolitains, par une série d’expérimentations engagées en 2021 et en 2022.
Celles-ci visent à mettre en place une unicité de commandement, tout en déconcentrant et en décloisonnant les services. Des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) préfigurateurs sont chargés, dans chacun des huit départements expérimentateurs, de conduire l’ensemble des forces de police, rassemblées dans quatre filières métiers : sécurité publique, renseignement territorial, frontière et immigration et police judiciaire, complétées par une filière ressources humaines et fonctions support.
Ce projet de réforme s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par une profonde désaffection des activités judiciaires – notamment dans les services d’enquête de la sécurité publique – que de récentes mesures de revalorisation tendent à corriger, avec un succès pour l’heure modéré.
En septembre 2021, l’annonce de la généralisation des DDPN par le Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité, puis l’accélération de la mise en œuvre de la réforme dans la seconde partie de l’année 2022, ont contribué à cristalliser certaines craintes tenant à un affaiblissement de la police judiciaire, dont les effectifs sont censés fusionner avec ceux des enquêteurs de la direction centrale de la sécurité publique, dans le cadre d’une filière police judiciaire unifiée.
Ces inquiétudes ont conduit la commission des Lois à créer, à la demande de votre rapporteur, M. Ugo Bernalicis, une mission d’information portant sur « la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale ». Avec votre rapporteure, Mme Marie Guévenoux, la mission d’information a ainsi réalisé une trentaine d’auditions – pour une large partie, filmées et relayées par les journalistes –, et s’est déplacée dans trois départements préfigurateurs, ce qui lui a permis d’entendre plus de 120 personnes.
Tout au long de ses travaux, elle a cherché à mieux cerner les contours du projet de réforme, son bilan dans les territoires où elle est expérimentée, les raisons justifiant les critiques et inquiétudes exprimées, ainsi que les solutions qui peuvent être apportées pour garantir une mise en œuvre harmonieuse de la réorganisation dans l’ensemble des départements.
Au terme de quatre mois de travaux, la mission d’information formule 42 recommandations. Si vos rapporteurs n’en partagent pas l’ensemble, elles ont en commun la volonté de renforcer la filière judiciaire et de lui donner les moyens de réaliser ses missions, quelles que soient les modalités de la réforme finalement retenues.
I. La police judiciaire : un ensemble de services placés sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire
La police judiciaire correspond à une mission : elle est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte ». Lorsqu’une information judiciaire est ouverte, la police judiciaire « exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions » ([2]). Pour réaliser cette mission, la police judiciaire est exercée par des agents et des fonctionnaires habilités : officiers de police judiciaire, agents de police judiciaire, agents de police judiciaire adjoints, ainsi que certains fonctionnaires habilités par la loi ([3]). Le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent ces différents agents et fonctionnaires de police judiciaire, qui sont alors chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou de leurs commissions rogatoires.
Pour appréhender le fonctionnement de la police judiciaire, il convient dès lors de cerner, d’une part, les services chargés de l’exercice de cette mission et, d’autre part, les différents agents de police judiciaire chargés, au sein de chacun de ces services, de l’exercice de cette mission placée sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire.
A. L’organisation des services de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationaleS
Au sein de la police nationale, différents services centraux et territoriaux disposent de fonctionnaires habilités à mener des enquêtes judiciaires. La plupart d’entre eux sont employés par la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) et la préfecture de police de Paris. Ces entités sont organisées de façon distincte et cloisonnée, la « police judiciaire » au sein de la DCPJ bénéficiant ainsi d’une direction et d’une chaîne de commandement différentes de celle de la sécurité publique.
Au sein de la gendarmerie nationale, il n’existe pas de spécialisation des tâches de police judiciaire, mais une polyvalence des unités de base. Les brigades territoriales autonomes (BTA) et les communautés de brigades (COB) sont responsables du traitement judiciaire de la délinquance, mais également de la sécurité publique. Comme l’a précisé la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) à vos rapporteurs, « tout gendarme est amené à faire des patrouilles de nuit et de la police judiciaire » ([4]). Ces unités peuvent recevoir, pour les opérations plus complexes, le soutien d’unités plus spécialisées que sont les brigades de recherche implantées à l’échelon de l’arrondissement, et les sections de recherche à l’échelon régional.
1. La direction centrale de la sécurité publique est le principal service d’investigation généraliste de la police nationale
La direction centrale de la sécurité publique (DCSP) est une composante de la direction générale de la police nationale (DGPN) du ministère de l’Intérieur. Elle est une direction généraliste et la plus grande direction active de la police nationale avec 65 000 agents, dont 14 900 sont affectés à la filière judiciaire et 9 700 sont officiers de police judiciaire, répartis dans 92 directions départementales de la sécurité publique (DDSP) et 280 circonscriptions de sécurité publique.
Cette direction comprend 300 services d’investigation, se composant de 9 sûretés départementales autonomes compétentes sur le ressort de leur DDSP et de 291 sûretés départementales (SD) ou urbaines (SU) ([5]).
La DCSP, dans ses compétences de police judiciaire, a prioritairement pour mission la lutte contre la moyenne et la petite délinquance et, plus particulièrement, la délinquance de voie publique, les violences contre les personnes, les violences urbaines, ainsi que la lutte contre le trafic local de stupéfiants. Elle traite ainsi 95 % de la délinquance constatée par la police nationale, une large partie des faits relevant de la criminalité organisée : 59 % des affaires de grande criminalité pour la DCSP contre 8 % pour la DCPJ et 29 % pour la préfecture de police ([6]).
Elle comprend en particulier une sous-direction des missions de sécurité, qui « élabore et met en œuvre la doctrine d’emploi des services de sécurité publique en matière de police judiciaire et administrative, d’ordre public et de police générale, d’action préventive et d’aide aux victimes, de protection des jeunes et des personnes vulnérables » ([7]). Au-delà de cette mission de sécurité, elle comprend un état-major, le service central du renseignement territorial, une sous-direction des ressources humaines et de la logistique, ainsi qu’une sous-direction des audits et du contrôle interne.
Elle fait l’objet d’une organisation déconcentrée ([8]), l’architecture de ses services territoriaux se déclinant en trois niveaux.
● Dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction zonale de la sécurité publique
La zone est un échelon de déconcentration du pilotage de la DCSP. Cet échelon permet d’assurer la coordination des stratégies et la cohérence des réponses apportées aux risques à traiter, la circulation de l’information opérationnelle, l’animation et la mutualisation des moyens matériels et humains, le renforcement de la professionnalisation des services et des personnels.
Le directeur de zone réalise ainsi une mission de conception, de coordination, d’orientation et de contrôle à l’égard des directions départementales situées dans le ressort de la zone de défense ; il est l’interlocuteur des responsables zonaux des autres directions de police (police aux frontières, police judiciaire, etc.), représente la DCSP auprès de l’autorité judiciaire et agit en concertation étroite avec les procureurs généraux pour la mise en œuvre des politiques de sécurité intérieure qui comportent une dimension judiciaire.
|
Les zones de défense et de sécurité Créées en 1959, les zones de défense et de sécurité – sept en France métropolitaine, cinq en outre-mer – ont pour objet de renforcer les capacités de l’État à assurer la sécurité sur le territoire, dans le cadre d’une zone élargie. Elles sont dirigées par le préfet de région du siège de la zone. Celui-ci est chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de diriger les administrations civiles de l’État afin : – d’élaborer des mesures non militaires de défense, ainsi que la coopération avec l’autorité militaire ; – de coordonner les moyens de sécurité civile dans la zone ; – d’administrer et de mutualiser un certain nombre de moyens de la police et de la gendarmerie nationales ; – de préparer et gérer les crises.
|
|||||||||||||||||||||||||||
● Dans chaque département, une direction départementale de la sécurité publique ([9])
La DDSP est le niveau territorial opérationnel pour l’exercice des missions de sécurité quotidienne. En fonction de critères géographiques et sociologiques, elle peut être subdivisée en circonscriptions de sécurité publique.
Le directeur départemental (DDSP) exerce son autorité sur l’ensemble des services de sécurité publique et sur les personnels qui y sont affectés. Il pourvoit, sous la seule direction de l’autorité judiciaire, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité.
Dans chaque DDSP, la filière investigation est placée sous un pilotage unique. Son animation est confiée au chef de la sûreté départementale (SD) ou de la sûreté urbaine (SU) du siège de la DDSP, qui se voit confier la fonction d’adjoint au DDSP chargé de l’investigation (ADCI).
Les DDSP de grande envergure comprennent une sûreté départementale (SD) autonome, principalement en Île-de-France et dans les départements de France les plus peuplés, qui constitue l’un des maillons essentiels de l’organisation de la mission de police judiciaire dans le ressort des DDSP. Elle leur permet d’organiser la complémentarité de l’action des effectifs chargés des enquêtes judiciaires et le décloisonnement des services d’investigation territorialisés au sein des circonscriptions.
En conséquence, la SD est plus particulièrement chargée des affaires graves, complexes ou communes à plusieurs circonscriptions, notamment en raison de la mobilité des délinquants ou de l’ampleur de leur spectre de délinquance. Les missions spécifiquement dévolues à la sûreté départementale sont notamment un rôle de coordination et d’animation des investigations judiciaires du département, ainsi qu’un rôle de renfort ou d’appui des circonscriptions pour des affaires particulières. Les SD assurent également le traitement de l’information opérationnelle, la synthèse, l’analyse et le recoupement de l’information judiciaire au niveau départemental.
En fonction de son importance, la SD peut être constituée d’unités spécialisées sur les thématiques les plus prégnantes du territoire (atteintes aux biens, aux personnes, protection de la famille, lutte contre les stupéfiants et l’économie souterraine).
● Dans chaque direction départementale de la sécurité publique, plusieurs circonscriptions de sécurité publique (CSP) comptant pour chacune d’elles un commissariat ou hôtel de police et des postes de police satellites.
Les circonscriptions de sécurité publique contiennent généralement un service de voie publique qui a pour mission principale de préserver ou de rétablir la sécurité et l’ordre publics, mais aussi une sûreté urbaine (SU) qui est chargée des missions d’investigation judiciaire généralistes sur le ressort de la CSP.
Les sûretés urbaines traitent l’ensemble des enquêtes judiciaires de chaque circonscription. Elles sont composées de groupes d’appui judiciaire (GAJ) et d’unités d’enquête.
Les GAJ assurent la prise de plainte et le traitement judiciaire en temps réel et dans l’urgence, qui concerne des infractions de moindre gravité relevant du premier niveau. Les unités d’enquête sont des unités généralistes dans les circonscriptions de taille restreinte. Dans les plus importantes et au fort niveau d’activité judiciaire, elles sont spécialisées par thématique de délinquance : unité des atteintes aux personnes (UAP) dans laquelle se trouvent les groupes en charge de la protection de la famille (GPF) prenant en charge le traitement des violences intrafamiliales, unité des atteintes aux biens (UAB) s’occupant notamment des vols avec violence et des cambriolages, unité en charge de la lutte contre les stupéfiants et l’économie souterraine (USES) en charge également de la lutte contre le proxénétisme, unité d’enquête générale pour les infractions diverses (traitement des procédures financières, administratives, des délégations judiciaires du parquet...).
Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’exercice des missions de police judiciaire, « les directions départementales de la sécurité publique sont placées sous l’autorité des préfets de département (…) et les directions zonales de la sécurité publique sous celle du préfet de zone de défense et de sécurité et des préfets de département » ([10]).
Source : Direction centrale de la sécurité publique.
2. La direction centrale de la police judiciaire est un service d’investigation spécialisé au sein de la police nationale
La direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), communément surnommée « PJ », est une composante active de la DGPN. C’est une direction qui concourt spécifiquement à l’exercice de la police judiciaire. Elle est composée de 5 518 agents ([11]), dont 3 700 enquêteurs répartis dans des services centraux et territoriaux, qui représentent 3,6 % des effectifs totaux de la police nationale.
Elle a pour mission la prévention et la répression des formes spécialisées, organisées ou transnationales de la délinquance et de la criminalité. Son action porte sur les menaces criminelles les plus fortes, notamment liées au terrorisme et aux violences extrêmes, au trafic de stupéfiants, à la criminalité organisée, aux atteintes graves aux personnes, à la délinquance financière et à la cybercriminalité. Elle est compétente sur l’ensemble du territoire, tant en zone police qu’en zone gendarmerie ainsi que sur le ressort de la préfecture de police.
Plus précisément, la DCPJ est chargée, à l’échelon national et territorial, « de conduire et de coordonner les investigations et les recherches » et de mettre « en œuvre, pour l’ensemble des directions et services actifs de la police nationale et pour les autorités judiciaires et administratives, des moyens de police technique et de documentation opérationnelle d’aide aux investigations et aux recherches » ([12]).
La direction conduit également plusieurs missions au service d’autres directions centrales :
– assurer la représentation de la police nationale dans les instances internationales et gérer l’ensemble des outils français consacrés à la coopération policière internationale (Interpol, Europol et Schengen) au profit des services de police et de la gendarmerie ;
– délivrer des prestations d’aide à l’enquête au bénéfice de tous les services d’investigation (mise en œuvre des techniques spéciales d’enquête par le service interministériel d’assistance technique) ;
– élaborer l’état de la menace et assurer la détection des nouveaux phénomènes, des modes opératoires, ainsi que des groupes criminels sur le territoire national pour éclairer les autorités judiciaires et administratives dans leur prise de décision ;
– moderniser les outils de l’investigation au profit de tous les services d’enquête (création de la plateforme Thésée en matière d’escroquerie sur internet, par exemple).
La DCPJ coordonne l’activité des offices centraux de la police judiciaire, de la police aux frontières et de la gendarmerie nationale, ainsi que l’action des groupes interministériels de recherche (GIR) ([13]) situés en zone police. Les offices sont, chacun dans leur domaine d’expertise, chargés du pilotage d’un plan d’action national engageant l’ensemble des forces de sécurité intérieure : lutte contre les stupéfiants, cybercriminalité, terrorisme, etc. Ces mêmes offices participent à la conception de modules pédagogiques sur le traitement des contentieux liés à la cybercriminalité, aux violences sexuelles sur mineurs, au trafic de stupéfiants, à la criminalité organisée et au domaine économique et financier.
La direction comprend un état-major chargé notamment de la centralisation et de la diffusion de l’information opérationnelle ainsi que de l’élaboration de la doctrine et de la stratégie, avec le concours des offices. Elle est composée de neuf sous-entités ayant chacune des missions spécifiques.
Organigramme des services centraux de la direction
centrale de la police judiciaire
Source : site du ministère de l’Intérieur et des outre-mer (direction centrale de la police judiciaire).
Parmi ces entités, la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée (SDLCO) est chargée de la prévention et de la répression de la criminalité et de la délinquance spécialisées. Elle comprend en particulier l’Office central pour la répression du faux-monnayage, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, l’Office central de lutte contre le crime organisé et l’Office central pour la répression des violences aux personnes. Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs annoncé la création d’un Office central de lutte contre les violences faites aux mineurs. La sous-direction de la lutte contre la criminalité financière (SDLCF) comprend l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales et l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. La sous-direction du pilotage et des ressources (SDPR) élabore, coordonne et met en œuvre la politique des ressources humaines de la DCPJ. Elle mène des actions de management et de formations professionnelles adaptées aux missions et aux enjeux de la police judiciaire. Enfin, l’Office anti-stupéfiants (OFAST) est compétent en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Les offices centraux de police judiciaire
Les offices centraux de la police judiciaire sont des services d’investigation à compétence nationale disposant de moyens et de compétences dédiés à la lutte contre des formes spécifiques de criminalité. Il en existe 14, énumérés à l’article D. 8‑1 du code de procédure pénale.
Ces offices centralisent l’information opérationnelle, coordonnent les actions menées sur tout le territoire par les services de police judiciaire et fournissent une assistance technique dans leur domaine d’expertise sur les dossiers ou objectifs sensibles. Ils sont également chargés de traiter les affaires judiciaires les plus complexes dans leur domaine de compétence et de proposer des évolutions juridiques en droit interne, européen, voire international. Ils constituent les interlocuteurs privilégiés des juridictions spécialisées de l’autorité judiciaire.
La police nationale compte dix offices centraux. Parmi eux, neuf offices relèvent de la DCPJ : l’office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) ; l’office anti-stupéfiants (OFAST) ; l’office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRETH) ; l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) ; l’office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) ; l’office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) ; l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) ; l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ; l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), qui devrait sous peu devenir l’office anti-cybercriminalité. Un office est rattaché à la DCPAF : l’office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) ([14]). La création d’un onzième office central de lutte contre les violences faîtes aux mineurs rattaché à la DCPJ a été annoncée par le ministre de l’Intérieur le 18 octobre 2022.
La gendarmerie compte quatre offices dotés de missions de police judiciaire : l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) ; l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) ; l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) ; l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH).
L’OFAST occupe une place particulière parmi les offices centraux. Désigné chef de file de la lutte contre les trafics de stupéfiants, il a vocation à coordonner l’action des différents ministères dans ce domaine (police, gendarmerie, douane, autorité judiciaire, administration pénitentiaire et finances publiques). Il dispose en outre de 14 antennes et de 10 détachements répartis sur les bassins de criminalité pour coordonner les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) qui assurent un rôle stratégique dans leur ressort territorial de compétence. À l’OCLCO est rattaché un réseau de brigades de recherche et d’intervention ([15]), chaque brigade dépendant hiérarchiquement de la direction zonale de police judiciaire de son ressort d’implantation. Comme les offices ont pu le préciser à vos rapporteurs, outre les missions propres à l’OCLCO, les BRI interviennent fréquemment en soutien des autres offices et des services territoriaux de police judiciaire.
La DCPJ dispose d’implantations sur tout le territoire national à travers 7 directions zonales ou régionales de police judiciaire (6 directions zonales de police judiciaire – DZPJ – et 1 direction régionale de police judiciaire – DRPJ – à Versailles), 18 directions territoriales de police judiciaire (DTPJ) implantées dans certains sièges de région et 34 services de police judiciaire implantés dans certains sièges de départements ([16]). L’ensemble des services territoriaux de police judiciaire dispose d’une compétence judiciaire zonale – voire nationale pour les antennes et détachements de l’OFAST. Toutefois, leur ressort d’action est de nature régionale pour les DTPJ et de nature départementale pour les SPJ – dont 19 ont une compétence monodépartementale.
Une DZPJ regroupe plusieurs DTPJ, auxquels sont rattachés un ou plusieurs services de police judiciaire. Ces derniers conduisent généralement des enquêtes moins longues et complexes que les services centraux ou les DTPJ.
Le directeur zonal de police judiciaire exerce une autorité hiérarchique sur les directeurs territoriaux de police judiciaire et sur les chefs des services de police judiciaire de son ressort. Au contraire des directions zonales de sécurité publique (DZSP) et des DDSP, les DZPJ et le DTPJ ne sont pas placées sous l’autorité du préfet de région et de département, mais répondent à une chaîne hiérarchique spécifique sous l’autorité de la DCPJ.
Dans les collectivités ultramarines, il existe également depuis 2020 (pour la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et la Guyane) et 2022 (pour la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Polynésie française), 7 directions territoriales de la police nationale (DTPN), comprenant un service territorial de police judiciaire ([17]). Il est d’ailleurs précisé que, dans ce cas, et sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’exercice des missions de police judiciaire, le directeur territorial de la police nationale est placé sous l’autorité du préfet de département. Il pourvoit, sous la seule direction de l’autorité judiciaire, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité ([18]). Les DTPN sont « composées d’un état-major, d’un service territorial de sécurité publique, d’un service territorial de police aux frontières, d’un service territorial de police judiciaire, d’un service du renseignement territorial, d’un service territorial du recrutement et de la formation et d’un service territorial de gestion des ressources » ([19]).
Il convient également de souligner l’existence du service national de police scientifique, service à compétence nationale ([20]) fort de 1 245 agents, qui pilote l’ensemble de la police technique et scientifique de la police nationale, et les laboratoires de police scientifique qui concourent à l’efficacité de tous les services d’investigation, y compris sur le ressort de la préfecture de police. Il réalise tous les examens, constatations, expertises, recherches et analyses d’ordre scientifique qui lui sont demandés par l’autorité judiciaire ou les enquêteurs. Il est composé d’une direction, de sept délégations implantées dans chaque zone de défense et de sécurité, de cinq laboratoires de police scientifique organisés en réseau à Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, ainsi que de nombreux services de proximité.
L’organisation particulière de la préfecture de police
La préfecture de police, chargée des missions de sécurité et de paix publiques, est compétente à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ainsi que sur les emprises des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, du Bourget et de Paris-Orly ([21]).
Elle est composée de plusieurs directions actives placées sous l’autorité du préfet de police, en particulier la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), chargée de lutter contre la petite et moyenne délinquance, et composée de quatre directions territoriales de sécurité publique (DTSP), découpées en 15 districts, eux-mêmes composés de 79 circonscriptions de sécurité de proximité (CSP). Chaque DTSP comprend une sûreté territoriale chargée de l’exercice de missions de police judiciaire et du soutien aux CSP dans le domaine de l’investigation judiciaire et de la police scientifique et technique. Enfin, chaque CSP comprend un service de sécurisation de proximité (SSP) chargé de la sécurité générale et du secours à personne et un service de l’accueil et de l’investigation de proximité (SAIP) qui assure les missions de police judiciaire au quotidien, composé notamment d’une brigade des délégations et des enquêtes de proximité (BDEP).
La préfecture de police comprend également une direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), compétente à Paris et dans les trois départements périphériques, relevant du ressort des cours d’appel de Paris et de Versailles (pour les Hauts-de-Seine). Elle est chargée de lutter contre le terrorisme, la grande et moyenne délinquance, les organisations criminelles, le banditisme spécialisé et organisé, la criminalité économique et financière et la cybercriminalité. La DRPJ de Paris est composée de plusieurs services territoriaux, notamment de trois districts de police judiciaire dans la ville de Paris, de trois services départementaux de police judiciaire à Bobigny, Créteil et Nanterre, et de quatre groupes interministériels de recherche (un par département). La DRPJ est composée également de 14 brigades spécialisées (brigade criminelle, brigade de recherche et d’intervention, brigade de répression du banditisme, brigade de répression du proxénétisme, brigade de protection des mineurs, brigade des stupéfiants, brigade de répression de la délinquance astucieuse, etc.).
Aussi, à Paris et dans les départements limitrophes, la DSPAP et la DRPJ sont placées sous l’autorité commune du préfet de police, chargé des missions de sécurité et de paix publiques sur cet ensemble territorial.
Entre 2017 et 2021, le volume total des affaires traitées par la DCPJ a augmenté de 12,5 %. Le taux de résolution de ces affaires est, de manière constante, supérieur à 84 %, en hausse de 1,66 point sur cinq ans.
principaux indicateurs d’activité de la dcpj de 2017 à 2021
|
Charge de travail / activité |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Variation 2017/2021 |
|
Affaires traitées |
8 496 |
8 721 |
8 930 |
8 989 |
9 557 |
+ 12,5 % |
|
Faits traités |
12 371 |
12 862 |
12 654 |
12 682 |
12 864 |
+ 4 % |
|
Procédures établies |
26 592 |
26 896 |
26 476 |
24 397 |
24 783 |
- 6,8 % |
|
Personnes interpellées |
6 629 |
6 851 |
6 835 |
6 494 |
6 875 |
+ 3,71 % |
|
Gardes à vue |
10 028 |
10 379 |
10 382 |
9 192 |
10 054 |
+ 0,3 % |
|
Personnes déférées |
5 999 |
6 625 |
6 580 |
5 854 |
6 300 |
+ 5 % |
|
Avoirs criminels saisis |
215,5 |
282,4 |
177 |
229,9 |
243,7 |
+ 13 % |
|
Taux de résolution (en %) |
84,3 |
86,4 |
87,8 |
87,3 |
86 |
+ 1,7 % |
Source : direction centrale de la police judiciaire.
services centraux et territoriaux DE la direction
centrale de la police judiciaire
Note : la DRPJ de Versailles a pour services de police judiciaire Cergy, Melun, Meaux et Évry. Elle dispose aussi de services présents sur le ressort de la Préfecture de Paris : à Nanterre (la DCPJ et de nombreux services centraux), à Levallois-Perret et à Paris.
Source : direction centrale de la police judiciaire.
3. La direction centrale de la police aux frontières dispose d’un service d’investigation judiciaire spécialisé en matière de lutte contre l’immigration irrégulière
La direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) est une direction de la police nationale spécialisée dans le contrôle aux frontières, la lutte contre l’immigration irrégulière et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ([22]). Composée de 10 563 agents au 1er octobre 2022, dont 8 635 policiers de tous grades, elle est organisée en une direction centrale à Paris et des services répartis dans les territoires.
Elle comprend notamment un état-major, une sous-direction des frontières, une sous-direction des ressources et une sous-direction de l’immigration et de l’éloignement à laquelle est rattaché l’office de lutte contre les trafics illicites de migrants (OLTIM), qui a remplacé l’ancien office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) depuis le début de l’année 2023 ([23]).
L’OLTIM a pour domaine de compétence la lutte contre le trafic illicite de migrants et, en particulier, les affaires liées à la répression des filières d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers sur le territoire national, le démantèlement des structures organisées employant des étrangers sans titre, le démantèlement des officines de faux documents liées à ces activités, ainsi que l’identification des flux financiers illicites générés par ces trafics et la saisie des avoirs criminels. Il coordonne et anime l’activité déployée en la matière par les unités d’investigation des services déconcentrés – les brigades mobiles de recherche (BMR).
Il est désigné chef de file au niveau national de la lutte contre les filières d’immigration clandestine et définit, à ce titre, un état de la menace, une doctrine et un plan national d’action. Il exerce une autorité sur les antennes et détachements de l’office implantés sur l’ensemble du territoire national.
L’office exerce ses missions en lien avec le ministère de la Justice, le ministère des Armées, le ministère chargé de l’Économie et des finances, le ministère chargé du Travail et les organismes sociaux compétents. Il fait ainsi travailler ensemble des policiers, des gendarmes et des fonctionnaires des douanes, de l’administration fiscale, mais aussi de l’inspection de l’URSSAF, du travail ou de la lutte contre le blanchiment d’argent. Un magistrat de liaison y sera également intégré prochainement.
Ses missions doivent s’articuler autour de quatre entités : le pôle pilotage territorial et soutien, qui assure la liaison et le pilotage national de la lutte contre les filières d'immigration irrégulière et la gestion des ressources ; le pôle opérationnel, composé de plusieurs groupes d’enquête spécialisés ; le pôle renseignement et international et le pôle stratégique.
La DCPAF étend son action sur l’ensemble du territoire national de métropole et d’outre-mer, grâce à un maillage territorial reposant sur les directions zonales, une direction de la police aux frontières des aérodromes parisiens, des directions interdépartementales et départementales de police aux frontières, des BMR (unités d’investigation de la DCPAF, dont la compétence est généralement zonale), des brigades de chemins de fer, des brigades de police aéronautique, des centres de rétention administrative et des unités d’éloignement ([24]).
Sur les dix premiers mois de l’année 2022, 227 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées par l’activité judiciaire des services de la DCPAF.
4. La sous-direction de la police judiciaire coordonne l’ensemble des unités de gendarmerie qui remplissent des missions de police judiciaire
La sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la direction des opérations et de l’emploi est, au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), chargée de proposer la stratégie et la doctrine d’emploi de la gendarmerie pour l’exécution de la mission de police judiciaire. Elle anime et coordonne l’activité des unités et des organismes centraux de la gendarmerie en la matière. Cette sous-direction comprend notamment un bureau de la police judiciaire, ainsi que quatre offices centraux chargés de la coordination d’enquêtes de police judiciaire dans leurs domaines de compétence – les offices centraux de lutte contre la délinquance itinérante, contre les atteintes à l’environnement et à la sécurité publique, contre le travail illégal et contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine ([25]).
La sous-direction de la police judiciaire anime, suit et coordonne l’ensemble des unités de gendarmerie qui remplissent une mission de police judiciaire sous la direction et le contrôle des magistrats de l’ordre judiciaire. Au plus près du terrain, ces missions sont réalisées en premier lieu par les officiers et agents de police judiciaire au sein des brigades territoriales autonomes (BTA) et des communautés de brigades (COB). Selon la complexité de l’affaire, celles-ci peuvent ensuite bénéficier de l’appui des unités spécialisées que sont les sections de recherche et les sections d’appui judiciaire (au niveau du commandement de région), les brigades de recherche (au niveau de chaque compagnie), interlocutrices privilégiées des procureurs de la République, ainsi que les brigades départementales de renseignement et d’investigation judiciaire (généralement une brigade par groupement de gendarmerie départementale).
Toutes ces unités peuvent être appuyées par le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, qui comprend l’Institut de recherche criminel de la gendarmerie nationale (IRCGN), le service central de renseignement criminel (SCRC) et le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).
Arrêté du 20 juillet 2022 relatif à l’organisation et aux attributions des échelons de commandement de la gendarmerie nationale en métropole
En métropole, la gendarmerie nationale est organisée en treize régions de gendarmerie. La région de gendarmerie, organisme militaire à vocation opérationnelle, est une formation administrative placée sous l’autorité d’un commandant qui relève du directeur général de la gendarmerie nationale, sans préjudice des attributions du préfet en matière d’ordre public et de police administrative et du procureur de la République en matière de police judiciaire.
Les commandants de région de gendarmerie sont responsables de l’exécution de l’ensemble des missions de la gendarmerie nationale accomplies par les unités placées sous leur autorité à titre permanent ou temporaire. Sous la surveillance du procureur général et sous la direction des procureurs de la République, ils animent et coordonnent l’action des unités subordonnées dans l’exécution de la mission de police judiciaire. Pour l’exercice de la police judiciaire, ils disposent notamment d’une ou plusieurs sections de recherches, éventuellement assorties de détachements, et d’une section d’appui judiciaire, éventuellement assortie de détachements. Chaque commandant de région de gendarmerie dispose, pour l’exercice de ses attributions, d’un officier adjoint chargé de la police judiciaire.
Les commandants de groupement de gendarmerie départementale ont autorité sur les unités de gendarmerie départementale qui leur sont subordonnées. Ils assistent les préfets de département et les magistrats de l’ordre judiciaire pour tout ce qui concerne la participation de la gendarmerie aux missions qui leur sont respectivement dévolues. Pour l’exercice de ses attributions, le commandant de groupement de gendarmerie départementale dispose d’un officier adjoint chargé de la police judiciaire et d’une brigade départementale de renseignements et d’investigations judiciaires.
5. L’organisation centrale en directions verticales pose la question du partage de l’information et de la coopération entre les différents services d’investigation
Actuellement, la police nationale (hors préfecture de police de Paris) est organisée en 11 directions centrales et services centraux – dont ceux chargés de missions de police judiciaire. Selon le directeur de la police nationale, M. Frédéric Veaux, « l’organisation actuelle [de ses services], avec des directions centrales assez autonomes et un fonctionnement très vertical, est peu adaptée et appelle un pilotage coordonné de chacun des métiers, un nécessaire décloisonnement et davantage de déconcentration pour travailler le plus possible autour de problématiques territoriales. » ([26])
Ainsi, l’exercice d’une même mission répartie entre plusieurs directions rend difficile voire impossible la conception d’une stratégie globale sur un territoire, en particulier pour la mission de police judiciaire. À cette organisation cloisonnée et difficilement lisible s’ajoute un mode de fonctionnement centralisé et vertical, les services déconcentrés ne rendant compte qu’à leur direction centrale respective. Dans ce contexte, les bases de données ne sont pas toutes communes ou interopérables, et chaque direction peut développer ses propres outils, ses propres priorités et des stratégies qui ne sont pas suffisamment partagées.
La coopération entre les différents services de police est régie par des dispositions du code de procédure pénale :
– l’article D. 2-1 du code de procédure pénale dispose par principe que « les officiers de police judiciaire des différents corps ou services entretiennent, à tous les échelons, des relations de coopération et d’aide réciproque, dans le respect des règles administratives et des procédures hiérarchiques en vigueur. »
– l’article D. 6 du même code dispose que, lorsqu’un acte d’enquête est susceptible d’entraîner un trouble à l’ordre public, les enquêteurs doivent, après avis donné au magistrat mandant, informer de leur intervention et par tout moyen le responsable de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en charge de la sécurité publique.
En pratique, cette collaboration prend essentiellement la forme de protocoles et de cellules de coopération.
a. Le protocole cadre de répartition des compétences judiciaires du 20 décembre 2007 et ses déclinaisons territoriales
La répartition des missions de police judiciaire entre la DCSP et la DCPJ fait l’objet d’un protocole cadre, signé le 20 décembre 2007 par le directeur général de la police nationale et le directeur des affaires criminelles et des grâces.
Ce protocole rappelle le principe de libre choix du service d’enquête par les magistrats (voir infra), tout en établissant les principes généraux d’une répartition des compétences entre les deux directions selon deux critères principaux : la gravité des faits et la complexité des investigations à mener.
Un exemple de principe général de répartition : les atteintes aux personnes
Les homicides volontaires et tentatives d’homicides volontaires sont de la compétence de la police judiciaire, à l’exception :
– des procédures d’homicide ou de tentative d’homicide dont l’auteur est interpellé immédiatement ou identifié dès les premières investigations, sauf circonstances particulières ;
– des procédures de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner dont l’auteur est interpellé immédiatement, ou identifié dès les premières investigations, sauf circonstances particulières.
Pour ces exceptions, le service de police judiciaire territorialement compétent est avisé dans les meilleurs délais. Il peut dépêcher un officier de police judiciaire sur les lieux de l’infraction pour recueillir tous éléments utiles à des rapprochements opérationnels.
Les enlèvements et séquestrations de personnes sont de la compétence de la police judiciaire, à l’exception des enlèvements et séquestrations intervenant dans un contexte familial et dénués de dimension internationale, qui relèvent de la sécurité publique, sauf circonstances particulières.
Les disparitions de personnes dont le caractère inquiétant impose des investigations complexes ou la mise en œuvre d’actions spécifiques, telles que le plan Alerte-Enlèvement, sont de la compétence de la police judiciaire.
Les réseaux de proxénétisme organisés au niveau régional, national ou international sont de la compétence de la police judiciaire. Le proxénétisme local relève de la sécurité publique, sauf circonstances particulières.
Les infractions liées à la pédopornographie sont de la compétence de la police judiciaire lorsque l’enquête concerne des réseaux ou présente des ramifications internationales.
Les viols et les autres agressions sexuelles sont par principe de la compétence de la sécurité publique, y compris lorsqu’ils sont commis au préjudice d’un mineur, sous réserve de l’existence d’un service d’enquête adapté.
Ils relèvent de la compétence de la police judiciaire lorsqu’ils revêtent une particulière gravité, notamment lorsque le comportement de l’auteur laisse craindre une perspective sérielle, lorsque les faits impliquent une pluralité de victimes ou d’auteurs, ou lorsqu’ils sont commis avec tortures et actes de barbarie.
Les faits de violences et de maltraitances commis au préjudice d’un mineur relèvent de la compétence de la sécurité publique, sous réserve de l’existence d’un service d’enquête adapté et sauf circonstances particulières telles que visées supra (perspective sérielle, pluralité de victimes ou d’auteurs, tortures et actes de barbarie).
Les atteintes à la santé publique ou à la sécurité alimentaire d’une particulière gravité sont de la compétence de la police judiciaire, sans préjudice des attributions dévolues à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.
Source : protocole du 20 décembre 2017
Ce protocole cadre a ensuite été décliné par des protocoles territoriaux afin de tenir compte des spécificités locales, en particulier de la composition de la délinquance et de l’organisation des services d’investigation sur le ressort territorial considéré. Il a été complété par la suite par d’autres protocoles similaires, le dernier en date étant entré en vigueur le 12 avril 2016.
Pour M. Frédéric Veaux, ces protocoles ont certes permis d’harmoniser les pratiques et de coordonner l’action des différents services, mais leur multiplication est « révélatrice de la faiblesse de l’organisation » de la police. La réorganisation de la police nationale doit ainsi permettre, selon l’équipe chargée de la mettre en œuvre au sein de la DGPN, de supprimer les protocoles de répartition des saisines entre la SP et la PJ.
Si l’organisation en silos est présentée comme un motif justifiant la mise en place d’une réforme de la police nationale par de nombreux auditionnés, notamment au sein du ministère de l’Intérieur, cet avis n’est néanmoins pas unanime : les représentants de l’Association nationale de la police judiciaire, ainsi que Mme Sophie Thomas, adjointe à la directrice territoriale de la police judiciaire de l’Hérault, entendus par vos rapporteurs, ont au contraire souligné qu’une telle organisation correspond à une valorisation des spécialités de certaines thématiques, et se décline d’ailleurs au sein du ministère de la Justice – notamment avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco), le parquet national financier (PNF), ou le parquet national antiterroriste (PNAT). L’Association française des magistrats instructeurs a abondé dans le même sens. Selon elle, « la situation actuelle, si elle souffre d’un déficit évident de moyens humains, ne révèle pas de dysfonctionnements structurels dans la concertation entre services d’enquête. Les magistrats constatent au contraire que les services de police judiciaire savent identifier les procédures utiles à leurs enquêtes traitées par d’autres services, se rapprocher de ceux-ci et échanger dans le but d’avancer dans la recherche de la vérité. »
b. L’instauration de cellules de coordination
La multiplication des cellules de coordination, telles que les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) et les groupes interministériels de recherche (GIR), traduit la volonté d’une plus grande coordination opérationnelle entre les services.
● Les groupes interministériels de recherche (GIR), anciennement groupes d’intervention régionaux, ont été créés par circulaire du 22 mai 2002 afin de lutter plus efficacement contre l’économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l’accompagnent.
Il s’agit d’une structure opérationnelle permanente, capable de mobiliser et de coordonner l’action de tous les services de l’État, en faisant travailler ensemble des policiers de la sécurité publique, de la police judiciaire, des renseignements généraux et de la police aux frontières, des gendarmes et des fonctionnaires des douanes, de l’administration fiscale, mais aussi de l’inspection de l’URSSAF, du travail ou de la répression des fraudes.
Les 37 GIR (21 GIR régionaux en métropole, 7 GIR en outremer et 9 GIR départementaux en Île-de-France et en Isère) sont susceptibles d’intervenir sur l’ensemble du territoire de la région, tant en zone de police que de gendarmerie, et agissent au plan judiciaire en étroite liaison et sous l’autorité du procureur de la République ou du juge d’instruction compétent. Ils sont administrativement rattachés aux directions territoriales de police judiciaire et aux sections de recherche de la gendarmerie, et conservent une compétence géographique régionale. La DCPJ assure, depuis 2008, la coordination nationale des GIR ([27]).
● Initialement expérimentées à Marseille à partir de 2015, les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) ont été, depuis lors, progressivement généralisées jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire national en 2021.
Ces cellules sont des structures de collecte et de partage de l’information aux fins de connaissance du trafic et de coordination de l’action des services qui réunissent la police nationale, la gendarmerie, les renseignements territoriaux, l’administration fiscale et les douanes. Elles assurent un partage simplifié des informations recueillies par ces différents services et la collecte de renseignements locaux, réalisée à partir d’une plateforme de signalement à destination du public.
Les 104 CROSS sont déployées sur l’ensemble des départements métropolitains et d’outre-mer, ainsi que dans trois collectivités ultramarines (Nouvelle-Calédonie, Saint Martin et Polynésie française). Parmi elles, une trentaine ont une activité permanente dans les territoires où le trafic est le plus important, tandis que les autres reposent sur des réunions régulières entre les services qui les composent. Par ailleurs, une CROSS portuaire, spécialisée dans la détection et le ciblage des conteneurs maritimes, et une CROSS aéroportuaire, ciblant la criminalité aéroportuaire ainsi que les complicités dans les sociétés de fret postal, ont été mises en place en 2021.
Les CROSS sont pilotées par l’OFAST à travers ses antennes territoriales, qui permettent d’assurer une remontée centralisée de l’information opérationnelle et d’élaborer un état de la menace dans chaque territoire.
L’OFAST et la DCPJ ont largement soutenu l’efficacité de ces structures dans la lutte contre le trafic de stupéfiants par l’amélioration de la qualité de l’information sur les trafics et de la coordination entre les services.
Votre rapporteur estime que ces structures de coopération devraient être placées sous la double autorité de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire, et être multipliées pour répondre aux grands enjeux de politique pénale.
Recommandation n° 1 de M. Ugo Bernalicis : placer les structures de coopération judiciaire opérationnelles de type CROSS et GIR sous la direction de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire. Multiplier les structures de coopération par une approche thématique.
La création en 2010 de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) ne permet pas de mutualiser pleinement l’ensemble des fonctions de soutien
La direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a été créée en 2010 par la fusion de la direction de l’administration et de la direction de la formation ([28]). Elle assure l’administration générale de la police nationale, et notamment la gestion des ressources humaines et des effectifs, l’élaboration, le suivi et l’exécution du budget de la police nationale, ou encore l’accompagnement des personnels par les réseaux de conseillers mobilité carrière, de conseillers parcours professionnels et de psychologues. Elle comprend quatre sous-directions : la sous-direction de l’administration des ressources humaines, la sous-direction de la prévention, de l’accompagnement et du soutien, la sous-direction des finances et du pilotage, et le secrétariat pour l’administration générale.
La DRCPN travaille en étroite collaboration avec les sept secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) ([29]) placés sous l’autorité des préfets des zones de défense et de sécurité, ainsi qu’avec les sept secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP) d’outre-mer compétents, dans leur ressort territorial, pour la gestion des personnels, des finances et des moyens logistiques. SGAMI et SGAP peuvent également assurer la préparation des budgets des unités de la gendarmerie et des services de police, le suivi de la mise en œuvre de ces budgets ainsi que la gestion des opérations immobilières.
Toutefois, réformée par arrêté du 27 décembre 2017 ([30]), la DRCPN n’assure plus la mission de recrutement et de formation des personnels de la police nationale. Ces tâches sont désormais dévolues à la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN), qui a pour missions de recruter par concours et de former les différents agents de la police nationale (formation initiale et continue), et d’assurer la professionnalisation de l’ensemble du réseau de formateurs. La DCRFPN s’organise en différents services ayant pour but de structurer et d’améliorer la formation des policiers. Elle est composée d’un état-major et de quatre sous-directions : la sous-direction du développement des compétences (SDDC), la sous-direction des méthodes et de l’appui (SDMA), la sous-direction des ressources et des moyens (SDRM) et la sous-direction du recrutement et des dispositifs promotionnels (CDRDP). Elle conçoit et assure enfin la formation initiale et continue des officiers de police judiciaire (OPJ) et la scolarité des personnels scientifiques de la police nationale.
La DCRFPN exerce la tutelle sur l’École nationale supérieure de la police et anime le réseau des directions zonales du recrutement et de la formation de la police nationale (DZRFPN). Elle dirige l’activité des centres nationaux de formation spécialisés, tels que le Centre national de formation des unités cynotechniques, le Centre national des techniques et de la sécurité en intervention, le Centre national de tir de la police nationale, le Centre national de formation motocycliste de la police nationale, et le Centre national de formation aux techniques de transmission.
Les DZRFPN ont pour mission de coordonner l’action des différentes structures de formation situées dans leur ressort de compétence territoriale, notamment les centres de formation de la police, les centres régionaux de formation et les écoles nationales de police. Elles sont également chargées de promouvoir, d’animer et de contrôler les politiques de recrutement et de formations initiale et continue de la police nationale.
La création de ces deux grandes directions transversales de soutien n’a toutefois pas conduit les directions centrales à renoncer à leurs propres sous-directions de gestion des ressources. Par exemple, la DCPJ dispose d’une sous-direction du pilotage des ressources qui élabore, coordonne et met en œuvre la politique des ressources humaines de la direction. Elle mène des actions de management et de formation professionnelle adaptées aux missions et aux enjeux de la police judiciaire. Elle élabore, suit et pilote les ressources budgétaires de la DCPJ. De la même manière, la DCSP dispose d’une sous-direction des ressources humaines et de la logistique, tandis que la DCPAF comprend une sous-direction des ressources.
Cette situation conduit à la présence de doublons de moyens et d’effectifs entre les différentes directions centrales, que la réforme de l’organisation de la police nationale doit résoudre par la création d’une grande direction des ressources humaines et du soutien (DRHS) qui deviendrait le seul interlocuteur en responsabilité au bénéfice des directions métiers, des territoires et des personnels.
B. Les missions de police judiciaire sont exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire
La loi confie l’exercice de la police judiciaire aux officiers de police judiciaire (OPJ), aux agents de police judiciaire (APJ) et aux agents de police judiciaire adjoints (APJA), ainsi qu’aux fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire ([31]). Au sein du ministère de l’Intérieur, il s’agit exclusivement de fonctionnaires de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, investis de pouvoirs de police judiciaire et affectés au sein des services exerçant de telles missions.
Si ces agents sont, pour l’essentiel, soumis à l’autorité de ministre de l’Intérieur, ils agissent uniquement sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire, et plus particulièrement du procureur de la République ou du juge d’instruction.
1. Les forces de police judiciaire sont rattachées au ministère de l’Intérieur, mais placées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire
La police judiciaire est avant tout exercée par des agents désignés par la loi, qu’ils soient OPJ, APJ, APJA ou d’autres fonctionnaires habilités ([32]). Ces derniers exercent leurs missions sous la direction et la surveillance d’un magistrat responsable des investigations.
a. Les officiers, agents et fonctionnaires de police judiciaire
● L’officier de police judiciaire (OPJ) dispose des pouvoirs de police judiciaire les plus étendus, notamment s’agissant des mesures privatives de liberté, comme la décision de prendre une mesure de garde à vue, ou encore s’agissant de mesures d’investigation, comme la possibilité de réaliser, dans le cadre d’une enquête de flagrance, des actes de constatation criminelle et des perquisitions.
De ce fait, l’attribution de la qualité d’OPJ est strictement encadrée par la loi, et nécessite généralement une formation spécifique (420 heures de formation pour les candidats titulaires), la réussite d’un examen technique d’OPJ, l’habilitation directe du procureur général et l’affectation à un emploi dans un service de police judiciaire. Elle est toutefois attribuée de droit aux maires et à leurs adjoints, aux inspecteurs généraux, aux sous-directeurs de police active, aux contrôleurs généraux, aux commissaires et aux officiers de police ([33]). En effet, les policiers du corps de commandement (CC) et du corps de conception et de direction (CCD) sont tous officiers de police judiciaire à l’issue de leur formation initiale ([34]).
En dehors de ces cas spécifiques, les militaires de la gendarmerie et les fonctionnaires de la police nationale ne peuvent être habilités à exercer les attributions attachées à la qualité d’OPJ qu’après la réussite de l’examen technique d’OPJ, et seulement s’ils sont affectés à un emploi comportant l’exercice de ces attributions et en vertu d’une habilitation personnelle du procureur général près la cour d’appel ([35]). La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) a remplacé la condition des trois ans de service qui prévalait jusque-là par une condition de trente mois de service à compter de l’entrée en formation initiale.
Il s’agit de mettre en place une formation initiale d’OPJ au sein des écoles de police et de gendarmerie et de permettre aux élèves concernés de se présenter à l’examen technique d’OPJ à l’issue de leurs 12 mois de formation en école, puis de leurs 12 mois de formation adaptée au premier emploi (FAPE). En cas de réussite à cet examen, ils devront ensuite exercer pendant au moins 6 mois un emploi comportant l’exercice des attributions attachées à leur qualité d’APJ, soit être à plus de 30 mois de service à compter de leur formation initiale, avant de pouvoir recevoir leur habilitation du procureur général.
Source : ministère de l’Intérieur
● Inversement, la qualité d’agent de police judiciaire (APJ) n’est pas conditionnée à une habilitation du procureur général. Elle est attribuée aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie n’ayant pas la qualité d’OPJ.
Les APJ ont pour mission de seconder dans l’exercice de leur fonction les OPJ, en se limitant strictement aux opérations qui leur sont prescrites et sans que puisse leur être délégué aucun des pouvoirs propres de l’OPJ chargé de l’enquête. De ce fait, les APJ bénéficient de pouvoirs de police judiciaire plus restreints que ceux que la loi confie aux OPJ : ils n’ont, par exemple, pas le pouvoir de décider des mesures de garde à vue. Ils ont toutefois compétence pour constater tous crimes, délits ou contraventions et pour en dresser procès-verbal. En outre, ils peuvent effectuer des enquêtes préliminaires soit d’office, soit sur instructions du procureur de la République ou de leurs chefs hiérarchiques. Dans le cadre d’une procédure de crime ou délit flagrant, ils ont qualité pour entendre les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause, mais seulement s’ils ont reçu des ordres à cet effet ([36]). Enfin, les APJ ont aussi pour mission d’assurer : l’exécution des mesures de contrainte contre les témoins défaillants ; les mandats d’amener, de dépôts, d’arrêts et des ordonnances de prise de corps ; les arrêts et les jugements de condamnation ; les contraintes judiciaires ([37]).
● La qualité d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) est réservée à l’ensemble des fonctionnaires des services actifs de police nationale ne remplissant pas les conditions précédentes, notamment les policiers adjoints et les membres de la réserve civile de la police nationale, les volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie ou dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ainsi que les agents de police municipale et les gardes champêtres. Ils ne disposent en réalité que de pouvoirs de police judiciaire limités, principalement restreints au recueil de renseignements, à la constatation des infractions par procès-verbal et à la réalisation de relevés d’identité.
Enfin, d’autres fonctionnaires et agents peuvent être chargés par la loi de certaines fonctions de police judiciaire. C’est le cas par exemple de certains agents des services de l’État chargés des forêts ([38]), des douanes ([39]), des services fiscaux ([40]), des inspecteurs de l’environnement ([41]) ou encore des gardes particuliers assermentés ([42]).
Qualité et principales prérogatives des opj, APJ et APJA
|
|
Officier de police judiciaire |
Agent de police judiciaire |
Agent de police judiciaire adjoint |
|
Qualité |
- maires et leurs adjoints au sein de la police : - directeur et sous-directeurs de la police judiciaire - inspecteurs généraux - sous-directeurs de police active - commissaires de police - certains gardiens de la paix comptant au moins trois ans de service - sous certaines conditions, les OPJ retraités, pour cinq ans au sein de la gendarmerie : - directeur et sous-directeur - officiers - gradés - certains gendarmes comptant au moins trois ans de service |
- gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ - gardiens de la paix - retraités réservistes |
- fonctionnaires des services actifs de police n’étant pas APJ - volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie - réservistes non APJ dans la gendarmerie - policiers adjoints - agents de surveillance de Paris - réservistes volontaires non retraités de la police - agents de la police municipale - gardes champêtres, lorsqu’ils constatent certaines contraventions |
|
Prérogatives |
Constatation de tous types d’infraction |
- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions - constater les infractions à la loi pénale et recueillir tout renseignement en vue d’en découvrir les auteurs - constatation de certaines infractions au code de la route - gardes champêtres, policiers municipaux et agents de surveillance de Paris peuvent constater certaines infractions par procès-verbal ([43]) |
|
|
Tous les pouvoirs de police judiciaire : - recevoir plaintes et dénonciations - procéder aux enquêtes préliminaires et de flagrance - Requérir le concours de la force publique - accomplir les actes d’enquête - décider des mesures les plus attentatoires aux libertés ([44]) - exercer une autorité hiérarchique sur les APJ et APJA |
- seconder les OPJ dans l’exercice de leurs fonctions - dresser procès-verbal de la constatation des infractions - recevoir par procès-verbal les déclarations de témoins - exécuter les mesures de contrainte sur les témoins défaillants - exécuter mandats d’amener, de dépôt, d’arrêt - exécuter les ordonnances de prise de corps - exécuter les arrêts et jugements de condamnation - réaliser les actes d’enquête préliminaire et de flagrance non dévolus aux OPJ |
||
Source : rapport n° 436 de M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2022.
Le statut des enquêteurs et l’organisation de la police judiciaire avant la réforme des corps et carrières de 1995
De 1972 à 1995, la police nationale était organisée en deux hiérarchies parallèles. Les fonctionnaires en tenue, chargés des missions de sécurité publique sur le terrain, étaient divisés en deux corps : les gardiens de la paix et gradés, et les commandants et officiers. Les fonctionnaires en civil, chargés des missions de police judiciaire, étaient divisés en trois corps : les enquêteurs, les inspecteurs et les commissaires. Chaque corps était ensuite divisé en grades. Ainsi, pour les inspecteurs : inspecteur, inspecteur principal, inspecteur divisionnaire puis chef inspecteur divisionnaire.
La distinction entre deux hiérarchies faisait toutefois l’objet de critiques pour les frictions qu’elle était réputée susciter. La loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité et ses textes d’application ont fusionné les chaînes hiérarchiques et remplacé les cinq corps qui les constituaient par trois corps réunissant l’ensemble de la police nationale : corps de maîtrise et d’application, corps de commandement et d’encadrement, corps de conception et de direction. Nonobstant des évolutions marginales, ces trois nouveaux corps correspondent aux trois corps actuels de la police nationale.
La réforme des corps et des carrières de la police nationale a conduit à plusieurs évolutions importantes :
– la suppression d’une chaîne hiérarchique autonome pour les fonctions d’investigation qui conduisait à ce que tous les cadres soient issus d’une carrière au sein du corps en civil. Le grade d’inspecteur principal, équivalent du grade de capitaine aujourd’hui, nécessitait l’obtention de la qualité d’officier de police judiciaire, laquelle n’était alors accessible qu’aux inspecteurs ayant au moins quatre ans d’ancienneté dans la fonction. L’enquêteur de police avait quant à lui la seule fonction d’adjoint de police judiciaire. La fusion des chaînes hiérarchiques par la réforme rend possibles les mouvements de carrière entre les anciens corps. Se constitue alors un corps d’officiers généralistes, n’ayant pas forcément eu d’expérience en investigation avant de commander des unités qui sont spécialisées dans ce domaine, et inversement ;
– la redéfinition des missions des différents corps a conduit à une modification de la proportion des effectifs : le nombre de commissaires et d’officiers devait diminuer en proportion de celui des gardiens de la paix ;
– l’unification des grades dans la hiérarchie, inspirés des conventions militaires. Il s’agit là de rapprocher la police de la gendarmerie dans l’esprit des administrés, cette dernière bénéficiant d’une popularité plus marquée dans l’opinion.
Plusieurs magistrats et policiers entendus par la mission d’information ont considéré que cette réforme avait contribué à affaiblir les services d’enquête. Pour M. François Molins, par exemple, cette dernière « a eu des conséquences très négatives dans les services de la sécurité publique, qui ont vu le désengagement des commissaires et de l’encadrement supérieur du domaine judiciaire. » Or, « dès lors que l’encadrement ne maîtrise plus lui-même la technique spécifique et les contraintes liées au suivi d’un dossier d’investigation, le risque est important qu’une logique purement managériale et budgétaire, déconnectée de la réalité, reprenne le dessus. » ([45])
Comme l’ont expliqué à vos rapporteurs les chercheurs entendus en table ronde par la mission d’information ([46]), ainsi que l’ancien préfet M. Ange Mancini, l’attachement à l’organisation antérieure du corps en civil pouvait être lié à des relations vécues comme moins hiérarchisées, fondées sur le respect pour la compétence et l’expérience des gradés, capables d’apporter une expertise en matière de procédure pénale et d’investigation. Par ailleurs, les possibilités de mobilité entre les nouveaux corps ont pu être perçues comme conduisant à une perte de savoir-faire et de professionnalisme pour la filière judiciaire. Les unités d’investigation voient en effet des policiers spécialisés et formés partir dans d’autres corps, à l’occasion d’une promotion qui leur est proposée, tandis que ces mêmes unités forment les policiers venus d’autres corps, qui ne souhaitent pas forcément passer tout le reste de leur carrière dans des services d’investigation.
b. Des missions exercées sous la direction, la surveillance et le contrôle de l’autorité judiciaire
Les missions de police judiciaire conduites par les officiers, les agents et leurs adjoints, ainsi que les fonctionnaires de la police judiciaire sont exercées sous la direction et la supervision du procureur de la République. Le rôle de l’autorité judiciaire dans la direction et le contrôle de la police judiciaire a été consacré comme un principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises ([47]).
i. Un principe constitutionnel décliné dans le code de procédure pénale
L’article 12 du code de procédure pénale confie ainsi au procureur de la République la direction de l’exercice de la police judiciaire et l’article 41 du même code dispose que « le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale » et « dirige l’activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal ». Dans ce cadre, « les officiers de police judiciaire, à l’occasion d’une enquête ou de l’exécution d’une commission rogatoire, ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire » et doivent « rendre compte de leurs diverses opérations à l’autorité judiciaire dont ils dépendent sans attendre la fin de leur mission » ([48]).
Pour permettre l’exercice de ce pouvoir de direction et de supervision, les OPJ sont tenus à une obligation d’information : l’article 19 du code de procédure pénale précise ainsi que « les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance » et doivent lui faire parvenir les « procès-verbaux qu’ils ont dressés ». L’article R. 2-17 du même code dispose en complément que « les officiers de police judiciaire doivent rendre compte de leurs diverses opérations à l’autorité judiciaire dont ils dépendent sans attendre la fin de leur mission ».
Dans la même logique, la surveillance et le contrôle de la police judiciaire sont confiés, dans chaque ressort de cour d’appel, au procureur général et à la chambre de l’instruction ([49]). Ils portent à la fois sur le contrôle de l’aptitude des agents à exercer leurs prérogatives de police judiciaire (habilitation du procureur de la République) et sur le respect des règles légales et déontologiques. Le procureur général dispose à ce titre d’un pouvoir disciplinaire lui permettant d’ordonner la suspension ou le retrait de l’habilitation des OPJ placés sous sa surveillance ([50]). Il peut aussi saisir la chambre de l’instruction de fautes commises par les officiers et agents de police judiciaire à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ([51]), celle-ci pouvant alors leur adresser des observations ou les suspendre de leurs activités judiciaires.
Enfin, le procureur général est chargé de procéder à la notation de l’activité de l’OPJ, qui fait l’objet d’une communication à l’autorité administrative ou militaire chargée d’établir les propositions d’avancement de ce dernier ([52]).
ii. Une présence accrue du parquet dans les commissariats souhaitée par la mission d’information
Le contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire pourrait s’illustrer par une présence accrue du parquet dans les commissariats. Votre rapporteur recommande ainsi de réaliser une expérimentation permettant aux magistrats de contrôler in situ les opérations de police judiciaire qui y sont réalisées.
Recommandation n° 2 de M. Ugo Bernalicis : expérimenter la présence physique du parquet dans les commissariats afin de conduire l’enquête préliminaire et d’assurer le contrôle de l’action judiciaire, notamment au regard des libertés publiques.
En outre, votre rapporteur préconise plus largement d’accroître la présence physique du parquet dans ces mêmes lieux, à la fois pour améliorer la priorisation des affaires traitées par les services d’enquête et pour assurer un contrôle plus effectif de l’activité de ces services.
Recommandation n° 3 de M. Ugo Bernalicis : augmenter la présence physique du parquet dans les commissariats pour améliorer la priorisation des plaintes, ainsi que le contrôle effectif de l’activité de police judiciaire.
Votre rapporteure Mme Marie Guévenoux partage cette préoccupation, qui doit néanmoins prendre en compte la disponibilité des magistrats pour répondre à la charge nouvelle que représentent ces recommandations. Elle préconise plutôt de prévoir, en tenant compte de ces contraintes, des visites programmées ou aléatoires fréquentes dans les services, au titre des missions de direction de l’activité judiciaire et de contrôle des lieux de privation de liberté qui incombent aux magistrats.
Recommandation n° 4 de Mme Marie Guévenoux : prévoir, en tenant compte des moyens des parquets, des visites régulières programmées ou aléatoires du procureur de la République dans les services d’enquête :
– au titre de sa mission de direction de l’activité de police judiciaire, pour lui permettre de se réunir avec le chef de service et d’évoquer notamment ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale ;
– au titre de sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.
2. La mission de police judiciaire se caractérise par l’importance du rôle du procureur de la République et du juge d’instruction
Le modèle français de justice pénale se caractérise notamment par l’importance de deux magistrats, chargés de diriger les enquêtes et de statuer sur les poursuites : le procureur de la République et le juge d’instruction.
● Le procureur de la République représente le ministère public devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire. Il est placé sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel et du Garde des Sceaux.
Présent au sein de chaque tribunal judiciaire, le procureur de la République intervient sur information des services de police, de gendarmerie, mais également des services de l’État ou à la suite d’une plainte d’un particulier, lorsqu’une infraction est commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel il exerce ses fonctions. Il a l’opportunité des poursuites dans le ressort territorial du tribunal judiciaire auquel il appartient et peut, s’il estime cette solution opportune, engager des poursuites lorsque l’infraction est établie. Plusieurs possibilités s’offrent à lui : classer l’affaire sans suite, notamment quand l’auteur de l’infraction n’est pas identifié ou est irresponsable ; préalablement à sa décision de déclencher l’action publique, il peut mettre en œuvre des mesures alternatives aux poursuites (rappel à la loi, composition pénale, mesure de réparation des dommages ou médiation pénale entre l’auteur des faits et la victime, orientation de l’auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle) ; en matière de contravention ou de délit, il peut renvoyer l’auteur devant un tribunal (tribunal pour enfant, juridiction de proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel) ; en matière de crime ou de délit complexe, il peut ouvrir une information par la saisine du juge d’instruction qui est alors chargé de l’enquête.
● Le juge d’instruction est un juge du tribunal judiciaire chargé d’ouvrir une information judiciaire à l’initiative du procureur de la République ou d’une victime (plainte avec constitution de partie civile de la victime). Le juge territorialement compétent est celui du lieu de commission de l’infraction, du lieu de résidence d’une des personnes soupçonnées, du lieu d’arrestation de la personne soupçonnée ou du lieu de détention.
Il a des pouvoirs d’enquête étendus pour chercher les preuves et les auteurs d’infractions, et doit instruire à charge et à décharge. Selon les résultats de l’enquête et les éléments de preuve recueillis, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu ou une ordonnance de renvoi devant le tribunal.
● La criminalité organisée et la délinquance spécialisée ayant pris une ampleur croissante, et n’étant pas limitées à l’échelle d’un tribunal judiciaire, le ministère de la Justice a fait évoluer son organisation en conséquence. Il existe ainsi des juridictions spécialisées composées de magistrats du parquet et de juges d’instruction, et bénéficiant du soutien de services spécialisés (douane, impôts, cotisations sociales).
Cette spécialisation se traduit ainsi par la création de la juridiction nationale spécialisée chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) au tribunal judiciaire de Paris, du parquet national financier (PNF) et du parquet national antiterroriste (PNAT), ces deux derniers étant placés sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris.
Elle a également donné lieu à la mise en place de juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), chargées d’enquêter sur les affaires présentant une grande complexité en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Les huit juridictions spécialisées créées par la loi du 9 mars 2004 ([53]) disposent d’une compétence territoriale interrégionale et sont implantées à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France. Elles peuvent autoriser les officiers de police judiciaire à utiliser des techniques spéciales d’enquête telles que des opérations d’infiltration, des interceptions des correspondances émises par la voie de télécommunication, des sonorisations et des fixations d’images de certains lieux ou véhicules, etc. Les JIRS renforcent ainsi l’action des magistrats face à la criminalité organisée, et contribuent à améliorer la coordination et la collaboration avec les services d’enquête spécialisés chargés de réaliser les investigations.
Toutefois, les moyens humains paraissent aujourd’hui sous-dimensionnés au sein des JIRS pour remplir pleinement leurs missions. Le rapport sur le traitement de la criminalité organisée et financière remis au Garde des Sceaux en juin 2019 ([54]) relevait déjà que « le système, qui a quinze ans, fonctionne de manière correcte mais trop artisanale. Il souffre d’une insuffisance de moyens techniques, mais surtout de ressources humaines en magistrats, greffiers et assistants spécialisés. »
Votre rapporteur préconise ainsi d’augmenter a minima de moitié le nombre de magistrats qui y travaillent.
Recommandation n° 5 de M. Ugo Bernalicis : augmenter au moins de moitié le nombre de magistrats dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).
3. Le principe fondamental du libre choix par le magistrat instructeur des différentes formations de police judiciaire
Le libre choix du service enquêteur découle du principe à valeur constitutionnelle selon lequel la police judiciaire est exercée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.
a. Le principe du libre choix du service d’enquête
L’article 12-1 du code de procédure pénale dispose que « le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire ». Le troisième alinéa de l’article D. 2 du même code dispose que « le procureur de la République et le juge d’instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents qui seront chargés de l’exécution de leurs réquisitions ou commissions rogatoires ». Même lorsqu’une enquête est provoquée par un enquêteur, le magistrat compétent « apprécie souverainement (…) s’il y a lieu de dessaisir l’officier de police judiciaire qui a commencé l’enquête ou de lui laisser poursuivre pour tout ou partie les investigations » ([55]).
La loi laisse donc au procureur de la République et au juge d’instruction le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers et agents de police judiciaire territorialement compétents qui sont chargés de l’exécution des actes de l’investigation.
La saisine d’un service d’enquête est ainsi, dans les faits, liée, d’une part, à la nature de l’infraction ou au traitement judiciaire des faits criminels ou délictuels sur un territoire donné (nature et gravité de l’infraction, complexité et technicité des investigations à mettre en œuvre, étendue de la zone territoriale concernée, gravité de l’affaire) et, d’autre part, à la réalité des moyens humains, matériels et techniques du service enquêteur dont la saisine est envisagée.
● Il existe principalement quatre niveaux de formation auxquels sont rattachés les officiers de police judiciaire de la police nationale :
– les offices centraux, à compétence judiciaire nationale voire internationale. Les autorités judiciaires habituelles de saisine de ces offices sont la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée de Paris (JUNALCO) et les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ;
– les directions zonales de police judiciaire et leurs services territoriaux, qui traitent les faits criminels graves (règlement de comptes, homicides ou viols par un auteur inconnu), les groupes criminels organisés agissant à l’échelle supra-départementale (réseaux spécialisés dans les stupéfiants, le proxénétisme ou le banditisme) ainsi que les affaires de droit commun considérées comme particulièrement sensibles (affaires de probité d’un élu, par exemple). Si les JIRS peuvent solliciter ces services pour les affaires relevant de la criminalité organisée ou complexe, ceux-ci sont le plus souvent saisis par les pôles criminels spécialisés des parquets ou les juges d’instruction des tribunaux judiciaires ;
– les directions départementales de sécurité publique disposent d’officiers de police judiciaire dans le cadre des sûretés départementales. Les directeurs départementaux de sécurité publique dont elles dépendent peuvent être saisis par les parquets ou les juridictions d’instruction du ou des tribunaux judiciaires dont le siège se trouve sur le département, pour les affaires criminelles ne relevant pas de la police judiciaire et ne dépassant pas les limites du département ;
– enfin, les sûretés urbaines des circonscriptions de sécurité publique sont saisies par les magistrats du ressort du tribunal judiciaire de rattachement pour les faits relevant de la délinquance du quotidien.
L’autorité judiciaire peut, en outre, solliciter la co-saisine d’une pluralité de services d’enquête, lorsque l’ampleur ou la technicité de l’affaire et des investigations qui doivent être menées pour la résoudre l’exigent. Ainsi, un office central peut, par exemple, être saisi par l’autorité judiciaire afin d’organiser l’appui opérationnel des services territoriaux de police judiciaire, en particulier pour les enquêtes visant des groupes criminels organisés d’envergure nationale voire internationale, ou pour les affaires criminelles les plus complexes.
● Par ailleurs, l’article R. 2-16 du code de procédure pénale précise que « les officiers de police judiciaire, à l’occasion d’une enquête ou de l’exécution d’une commission rogatoire, ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire dont ils dépendent ». La saisine d’un service par le magistrat dépend ainsi des services ou unités dans lesquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles et de la compétence territoriale de ces services, qui peut s’exercer soit sur l’ensemble du territoire national, soit sur tout ou partie d’une ou plusieurs zones de défense, soit sur l’ensemble d’un département ([56]).
De la compétence territoriale des services et unités de police judiciaire au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale
(articles R 15-18 à R 15-33 du code de procédure pénale)
La compétence territoriale des officiers de police judiciaire ne dépend pas d’un découpage judiciaire (cour d’appel, tribunaux de grande instance, tribunal judiciaire), mais d’un découpage administratif (territoire national, zone de défense, département).
Les services actifs de la police nationale ainsi que les services ou unités de la gendarmerie nationale, au sein desquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles et dont la compétence s’exerce sur l’ensemble du territoire national, sont notamment : la direction centrale de la police judiciaire et ses offices centraux ; la direction centrale de la police aux frontières ; l’inspection générale de la police nationale ; la direction générale de la sécurité intérieure ; le service national de police scientifique ; la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale ; l’inspection générale de la gendarmerie nationale ; les sections de recherches et la section d’appui judiciaire de la gendarmerie de l’air, des transports aériens, de l’armement, de la gendarmerie maritime et de Paris ; le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, etc. La liste des offices centraux de police judiciaire, qui ont par définition une compétence nationale, est fixée par l’article D. 8-1 du code de procédure pénale (OFAST, OLTIM, OCRGDF, OCLCO, OCLCIFF, etc.).
Les catégories de services dont la compétence s’exerce dans le ressort d’une ou plusieurs zones de défense ou parties de celles-ci sont notamment : les directions zonales de la police judiciaire, ainsi que leurs directions territoriales et services de police judiciaire, et les directions régionales de la police judiciaire ; au titre de la police aux frontières, les directions zonales, les directions interdépartementales ainsi que les brigades mobiles de recherche ; au titre de la sécurité publique, les circonscriptions de sécurité publique dont la compétence couvre plus d’un département ; au titre de la préfecture de police, la direction chargée des missions de sécurité et de paix publiques, ainsi que ses sûretés territoriales et ses circonscriptions de sécurité de proximité, dans les départements de l’agglomération parisienne ; les sections de recherches de la gendarmerie départementale et les sections d’appui judiciaire ; les brigades de la gendarmerie de l’air, des transports aériens, de l’armement, de la gendarmerie maritime ; les pelotons de gendarmerie de montagne et de haute montagne.
Les catégories de services dont la compétence s’exerce dans le ressort d’un département ou d’une collectivité ultramarine sont notamment : les directions départementales de la sécurité publique, les sûretés départementales et les circonscriptions de sécurité publique ; au titre de la police aux frontières, les directions départementales ainsi que les brigades mobiles de recherche rattachées au département ; les directions territoriales de la police nationale ainsi que leurs services territoriaux de police judiciaire ; les brigades de recherche de la gendarmerie nationale ; les brigades départementales de renseignements et d’investigations judiciaires de la gendarmerie nationale.
Il est néanmoins prévu, à titre dérogatoire, des possibilités de modification et d’extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire affectés dans ces services et unités. Ces derniers peuvent se transporter sur toute l’étendue du territoire national, pour y poursuivre leurs investigations et procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir informé le procureur de la République saisi de l’enquête ou le juge d’instruction. Dans ce cas, ils sont tenus d’être assistés d’un OPJ territorialement compétent lorsque le magistrat le décide et d’informer le procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel les investigations sont réalisées, sauf lorsque ces investigations sont réalisées dans un ressort limitrophe de celui dans lequel l’officier exerce ses fonctions. Les « agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles ainsi que dans celles où l’officier de police judiciaire responsable du service de la police nationale ou de l’unité de gendarmerie auprès duquel ils ont été nominativement mis à disposition temporaire exerce ses fonctions » ([57]) .
Lorsque les enquêteurs dépassent leur ressort habituel de compétence, leurs frais de déplacement sont imputables sur le budget de l’autorité de rattachement. La DCPJ met ensuite en œuvre un système de péréquation financière garantissant à toutes les structures territoriales de la police judiciaire de pouvoir mener à bien leurs missions, y compris en dehors du ressort de leurs agents.
Ainsi, le magistrat est invité à ne faire appel aux OPJ relevant directement de la DCPJ que « dans les cas de nécessité, en tenant compte des possibilités que procurent à l’officier de police judiciaire premier saisi sa rapidité d’intervention, ses sources d’information, sa connaissance de l’affaire et du milieu humain » ([58]). Le concours au niveau national peut se révéler indispensable lorsque la poursuite de l’enquête exige : soit une compétence technique particulière, notamment dans les domaines relevant des offices centraux, soit des investigations internationales.
La Conférence nationale des procureurs de la République a précisé à vos rapporteurs qu’en pratique, les commissariats de sécurité publique sont saisis de la quasi-totalité des enquêtes, tandis que les services de police judiciaire ne sont sollicités par les parquets qu’à titre exceptionnel : « à titre d’exemples, vont donner lieu à la saisine de la PJ, la plupart du temps : les infractions économiques et financières concernant des entreprises de grande complexité ; les infractions à la probité de grande complexité mettant en cause des élus ; les infractions fiscales de grande complexité ; les infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées (importants dossiers d’infractions à la législation sur les stupéfiants, dossiers relatifs à des réseaux de proxénétisme de grande ampleur, importantes infractions à la législation sur les armes, vols à main armée impactant plusieurs ressorts et mettant en cause manifestement les mêmes auteurs, etc.) » ([59]). Cette répartition permet ainsi à la police judiciaire de disposer de davantage de temps pour mener ces investigations plus complexes.
b. Des difficultés de choix du service d’enquête relevées par plusieurs magistrats auditionnés
Les magistrats entendus par vos rapporteurs se sont montrés critiques quant à l’étendue réelle de leur faculté de saisine du service enquêteur de leur choix, qui semble, dans la pratique, plus circonscrite qu’elle n’apparaît dans le code de procédure pénale.
À titre d’exemple, de nombreux magistrats ont fait état des difficultés qu’ils rencontrent pour saisir les sûretés départementales, en théorie compétentes sur l’ensemble du département de leur ressort, mais en pratique restant souvent cantonnées aux frontières de la ville du lieu où elles sont implantées. C’est notamment le cas de la sûreté départementale de l’Hérault, qui compte 33 000 procédures en stock et s’avère, très souvent, indisponible pour les saisines en dehors de la ville de Montpellier.
Les syndicats de magistrats ont également signalé que la saisine du service d’enquête de leur choix est souvent rendue difficile par l’obligation, dans les faits, de passer par le directeur départemental de la sécurité publique pour saisir les unités opérationnelles, celui‑ci étant, selon eux, en position d’imposer le service de son choix en invoquant sa maîtrise des moyens dont il a la charge.
Selon la Conférence nationale des procureurs de la République, les co-saisines PJ/SD sont en pratique assez rares, bien qu’elles favorisent généralement l’échange d’informations entre les enquêteurs, la PJ apportant son savoir-faire technique, tandis que la SD a une connaissance généralement très fine du terrain. Cette faiblesse – que vos rapporteurs ont pu constater dans l’Hérault à l’occasion de leur déplacement (voir infra) – pourrait être due au fait que « les circonscriptions de sécurité publique se sentent alors souvent considérées comme les sous-traitants des investigations délaissées par les enquêteurs de la PJ » ([60]).
Plus largement, les représentants de l’association française des magistrats instructeurs (AFMI) ont, au cours de leur audition, fait part à vos rapporteurs des difficultés rencontrées par les juges d’instruction pour trouver un service d’enquête qui « accepte » de traiter leurs dossiers dans un délai raisonnable, du fait d’un manque d’effectifs constaté dans la plupart des services d’investigation, en particulier en sécurité publique. Selon les chiffres transmis par l’AFMI, 95 % des juges d’instruction indiquent que leurs commissions rogatoires ne rentrent pas dans les délais et conditions attendus, en raison du manque de moyens des services d’enquête ([61]).
Par ailleurs, les services de police judiciaire et de sécurité publique se trouvent régulièrement en position de concurrence sur la saisine et le traitement des affaires judiciaires qui peuvent légitimement être revendiquées par l’une ou l’autre entité. Les magistrats peuvent également être confrontés à un conflit de compétence négative, lorsqu’aucun service d’enquête ne souhaite être saisi d’une affaire dont il estime qu’elle relève de la compétence d’un autre service. Certes, le code de procédure pénale permet déjà d’imposer au service d’enquête le traitement d’une affaire, mais le juge d’instruction prendrait alors le risque que les actes d’enquête qu’il sollicite ne soient jamais réalisés, ou pas dans des délais raisonnables.
Ces difficultés expliquent, pour partie, les réticences que manifestent les magistrats interrogés par vos rapporteurs sur les perspectives d’une réforme de la police nationale réalisée à moyens d’enquêteurs constants.
II. Dans un contexte général d’augmentation des stocks de procédures, la filière judiciaire est confrontée à un manque d’attractivité malgré de récents efforts de revalorisation
Les débats sur l’organisation de la police nationale s’inscrivent dans un contexte particulier : celui de la persistance d’un stock important de procédures judiciaires, au détriment de la qualité du service public de la justice. Ce facteur contribue, parmi d’autres, à la désaffection des policiers – en particulier en sécurité publique – pour les enquêtes judiciaires, désaffection dont il a beaucoup été question au cours des auditions de la mission d’information. Pour répondre à cette difficulté, le Gouvernement a d’ores et déjà engagé plusieurs chantiers censés rendre, à terme, la filière investigation plus attractive.
A. Le service public de la justice est fragilisé par un stock important de procédures et une baisse des taux d’élucidation
La question du stock de procédures en cours dans les services d’enquête et les tribunaux a été régulièrement abordée lors des auditions menées par vos rapporteurs. Elle représente, en effet, un facteur de démobilisation des enquêteurs et des magistrats ainsi qu’une source d’incompréhension et d’insatisfaction des victimes. Elle conduit, en outre, de nombreux magistrats à classer sans suite des procédures, en raison de l’absence d’investigations réalisées dans les délais de la prescription.
1. La constitution et la persistance d’un stock important de procédures judiciaires non traitées au détriment du service public de la justice
a. De fortes disparités entre la sécurité publique et les autres services d’enquête
Le volume global de la délinquance traité par les services de police de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a varié assez peu ces dernières années, avec une moyenne de 2,4 millions de faits enregistrés par an. Toutefois, au mois de juin 2022, le nombre total des procédures en portefeuille pour les services de la DCSP s’élevait à 1,5 million, soit une moyenne de 104 procédures par enquêteur, avec de fortes disparités entre départements :
– parmi les circonscriptions de sécurité publique (CSP) les plus en difficulté : les CSP de Beauvais (Oise), de Sedan (Ardennes), de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), de Massy-Palaiseau (Essonne) et d’Orléans (Loiret) comptent plus de 240 procédures par enquêteur ;
– parmi les circonscriptions de sécurité publique les moins en difficulté : les CSP de Conflans-en-Jarnisy (Meurthe-et-Moselle), de Lannion (Côtes d’Armor), de Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle), de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle et de Concarneau (Finistère) comptent moins de 20 procédures par enquêteur.
Les DIX Circonscriptions de sécurité publique ayant le nombre de procédures par enquêteur le plus élevé
|
Département |
Circonscription de sécurité publique |
Nombre de procédures |
Nombre de procédures par enquêteur |
|
Oise |
Beauvais |
11 189 |
260 |
|
Ardennes |
Sedan |
2 585 |
259 |
|
Lot-et-Garonne |
Villeneuve-sur-Lot |
4 631 |
257 |
|
Essonne |
Massy-Palaiseau |
21 216 |
244 |
|
Loiret |
Orléans |
26 129 |
242 |
|
Seine Maritime |
Rouen |
50 831 |
236 |
|
Val d'Oise |
Sarcelles |
19 136 |
231 |
|
Hérault |
Sète |
9 047 |
226 |
|
Drôme |
Montélimar |
4 939 |
225 |
|
Ille-et-Vilaine |
Fougères |
2 671 |
223 |
Source : données au 30 juin 2022 de la direction générale de la police nationale.
Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, la Conférence nationale des procureurs de la République a regretté que « cette situation [conduise] les magistrats et les chefs de services de la sécurité publique à faire quotidiennement des choix entre, d’une part, les procédures qui feront l’objet d’investigations et, d’autre part, celles qui attendront ou seront classées sans suite à défaut d’investigations permettant de tenter d’identifier les auteurs ou de caractériser les infractions commises ».
Nombre de procédures en Stock
par direction départementale de sécurité publique
(en nombre de procédures)
Source : données au 30 juin 2022 de la direction générale de la police nationale ; réalisation commission des Lois ; logiciel Observatoire des territoires.
Nombre de procédures en stock par enquêteur et
par direction départementale de sécurité publique
(en nombre de procédures par enquêteur)