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N° 866

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission flash, constituée le 18 octobre 2022

sur la défense sol-air en France et en Europe

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Natalia POUZYREFF et M. Jean-Louis THIÉRIOT,

Députés.

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction                                                  

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS..............

Première partie – État des lieux de la défense sol-air........................

A. Le désengagement capacitaire a ouvert la voie à une réorganisation opérationnelle

1. L’état de la menace et la nature des affrontements ont contribué à réduire les efforts financiers et capacitaires pour la défense sol-air             

a. La défense sol-air: un triptyque déployé en multicouches.............

b. La caractérisation des dispositifs de défense sol-air.................

c. Un segment qui a souffert d’un désengagement capacitaire progressif.....

2. De la création de la défense sol-air à aujourd’hui, la répartition complexe des capacités entre forces terrestres et aériennes             

a. La création de l’artillerie sol-air et les premières tentatives d’organisation..

b. Post-1945 : l’artillerie sol-air est placée pour emploi sous l’autorité de la défense aérienne             

c. 1973-1989 : L’artillerie sol-air est organiquement dispersée mais reste unie grâce au perfectionnement du C2             

d. Depuis 1989 : la quasi-disparition des forces antiaériennes terrestres puis une réorganisation entre les forces armées en 2006             

3. La défense aérienne du territoire : une mission permanente et des contrats opérationnels assignés aux forces             

a. L’armée de l’Air et de l’Espace commande la protection de l’espace aérien national en temps de paix comme de crise             

b. Les contrats opérationnels engageant la défense sol-air en France, pour la protection du territoire et des forces             

4. Les moyens dont disposent la France et les pays européens pour accomplir la mission de sécurité aérienne             

a. Présentation des moyens de défense aériennes utilisés en France et en Europe

b. Une prise de contact directe avec les ambassades ainsi que les déplacements réalisés dans le cadre de la mission d’information ont permis une analyse fine des dispositifs de défense sol-air italien, allemand, tchèque et polonais             

c. La lutte antidrone, un segment particulier qui mobilise les armées françaises.

B. La défense sol-air se distingue de la protection assurée par la dissuasion nucléaire, et est intégrée au niveau de l’Otan             

1. La fonction stratégique de la défense sol-air, moyen de protection conventionnel de menaces ciblées             

a. La dissuasion nucléaire exclut certaines menaces du champ de la défense sol-air  

b. Les menaces d’acteurs non-étatiques ainsi que l’attribution complexe de certaines attaques impliquent une grande vigilance des pays européens             

2. La France est intégrée à un dispositif de protection collectif au sein de l’Otan..

a. La protection du territoire de l’Alliance : un dispositif majeur et constamment renforcé             

b. La problématique d’un déficit capacitaire persistant et préoccupant.......

c. La défense sol-air, un domaine sensible soumis à une forte réglementation et nécessitant un commandement otanien complexe et un nécessaire consensus régional             

3. L’European Sky Shield : une initiative unilatérale aux justifications incohérentes et peu respectueuse de la souveraineté européenne             

Deuxième partie : enjeux et défis de la défense sol-air.......................

A. la défense sol-air devenue un élément stratégique en France et en Europe........

1. Grands événements, remplacement des systèmes en fin de vie : des échéances pour la France             

a. Les JO 2024 ou l’opportunité d’une mise à niveau en matière de LAD.....

b. Le remplacement progressif des systèmes Crotale à partir de 2026, un enjeu crucial pour le maintien de la capacité française multicouches             

2. Pour une meilleure protection du territoire européen: la nécessité de renforcer nos partenariats industriels et encourager les projets en coopération             

a. Des partenariats de défense à encourager........................

b. Une nécessaire amélioration de la capacité de détection, en particulier pour la protection du flanc sud             

c. Le défi posé par le volet “interception” de la menace hypervéloce........

d. La gestion du trafic des drones dans le ciel européen : un chantier majeur...

B. Le nécessaire réinvestissement dans la défense sol-air.......................

1. Le coût à l’engagement des systèmes de défense sol-air, entre nécessaire investissement et recherche d’efficacité             

a. L’évaluation cruciale du rapport coût-bénéfice, en termes capacitaires.....

b. Les armes à énergie dirigée, une innovation décisive pour se prémunir des menaces futures             

c. Les avantages trop longtemps oubliés et négligés de l’artillerie anti-aérienne.

2. Une priorité à la souveraineté stratégique: tirer profit des atouts français.......

C. Des efforts importants à traduire dans la prochaine LPM : les enjeux capacitaires, opérationnels et de ressources humaines             

1. Les enjeux capacitaires : une remise à niveau et un travail sur le volume et les innovations             

a. Pallier le manque d’épaisseur et prévenir l’érosion des compétences industrielles 

b. Réinvestir pour ne pas être inéluctablement déclassés................

c. Utiliser le levier technologique...............................

2. Les enjeux opérationnels propres à la défense sol-air : dimension collaborative, intégration interarmées et décloisonnement des capacités             

a. Concrétiser une défense sol-air collaborative......................

b. L’évolution du commandement et un décloisonnement des capacités......

3. De forts enjeux de ressources humaines (RH) propres au défi de la défense sol-air   

CONCLUSION................................................

TRAVAUX DE LA COMMISSION..................................

EXAMEN EN COMMISSION......................................

Annexe :  Auditions des rapporteurs...................................

1. Auditions........................................................

2. Déplacements en France............................................

3. Déplacements en Europe............................................

 



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   Introduction

 

Dans ses vœux aux armées du 20 janvier 2023, le Président de la République définit la défense sol-air comme un domaine “à forte valeur ajoutée opérationnelle” en soulignant la nécessité d’un renforcement des capacités françaises en la matière. La défense sol-air est au cœur du tournant marqué par le conflit en Ukraine : la capacité de l’armée ukrainienne à contenir et empêcher la supériorité aérienne russe constitue un élément clé des premiers mois de la guerre, ayant conditionné la suite des affrontements. Quelques mois plus tôt, l’utilisation massive des drones dans la guerre du Haut-Karabagh contribuait déjà aux réflexions concernant l’étendue de cette menace et la nécessité d’une défense sol-air adaptée, couvrant l’ensemble du spectre.

La défense sol-air représente la portion terrestre de la défense surface-air. Elle est un élément constitutif de la défense aérienne regroupant les activités pouvant être menées de manière coordonnée à partir du sol pour défendre une zone ou des forces déployées contre des menaces évoluant dans le milieu aérien. Le renouveau de l’intérêt apporté au renforcement des capacités de défense sol-air est observé au sein de l’ensemble des pays européens qui anticipent l’escalade potentielle du conflit sur le flanc Est et la nécessaire modernisation des systèmes.

En outre, la possibilité de l’engagement français dans un conflit de haute intensité suppose une défense sol-air aérienne permettant de garantir la protection du territoire comme des forces armées déployées en opérations extérieures. Dans le rapport d’information sur la préparation à la haute intensité, déposé par la Commission de la défense nationale et des forces armées en février 2022, les rapporteurs Mme Patricia Mirallès et M. Jean-Louis Thiériot évoquaient déjà la nécessité de 16 systèmes sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T) Mamba afin de pouvoir « tenir l’ensemble des contrats ». L’évolution de la nature des affrontements, notamment marquée par la rupture imposée par les dangers contemporains que sont les drones et l’hypervélocité, constitue un réel défi capacitaire. Sur les théâtres d’opération, la supériorité aérienne n’est plus acquise, elle s’obtient par l’efficacité de notre défense anti-aérienne. Combinée aux capacités offensives, elle permet de préserver la liberté de manœuvre et les centres d’intérêts stratégiques. La défense sol-air est multi-couches, elle s’organise autour de systèmes de détection et d’effecteurs de différente portée adjoints à des capacités de commande-contrôle.              

 Le conflit en Ukraine illustre, par ailleurs, les limites de la défense sol-air dite « de territoire », c’est-à-dire garante de la protection d’une zone étendue et non un déploiement ciblé sur un théâtre d’opération. Face aux effets de saturation, y compris en disposant d’une défense sol-air multicouches pour répondre à la diversité des menaces, le dispositif de défense reste incapable de défendre hermétiquement une grande étendue. C’est l’addition de plusieurs systèmes qui permet, in fine, la création d’une bulle de protection efficace. Ce retour d’expérience conforte l’approche française qui privilégie la performance de ses dispositifs de défense sol-air « de théâtre », complémentaires et intégrés afin d’assurer la protection multicouche et surtout la protection de la dissuasion. Ce choix est en parfaite cohérence avec notre doctrine.

Une réelle problématique financière pèse sur le développement des capacités de défense sol-air : le rapport entre le coût de l’épée et celui du bouclier est crucial. La démocratisation de l’utilisation de drones à bas coût illustre la nécessité d’une adaptation de notre outil de défense de manière à garantir son efficacité globale.              

 Ainsi, à la lumière des conflits récents comme de l’anticipation des formes d’affrontements futurs, vos rapporteurs traitent de la défense sol-air comme un segment capacitaire particulièrement stratégique. La pertinence des éclairages liés à l’actualité politique et militaire apportés tout au long de ce travail a permis de nourrir l’analyse, de multiplier les interlocuteurs spécialisés et de soutenir pleinement le choix de ce sujet.

Après un premier état des lieux de la défense sol-air en France et en Europe, nourri par son histoire et la particularité de son déploiement au sein des forces terrestres et aériennes, vos rapporteurs évoquent les principaux enjeux pressant une remontée en puissance capacitaire en la matière. Dans une perspective de contribution à l’élaboration finale de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, les rapporteurs dressent une liste de recommandations relatives aux principaux enjeux capacitaires, opérationnels et humains de la défense sol-air.

 


Les principales recommandations des rapporteurs

Les rapporteurs ont fait le constat d’une défense sol–air trop longtemps placée dans un « confort opératif », en France et dans la majorité des pays européens. Cette situation a conduit à en déprécier certains aspects, notamment dans le domaine des programmes d’armement. Par ailleurs, malgré les engagements et crises récents (Sahel, Levant, Haut Karabagh et Ukraine) ainsi que l’émergence de nouvelles technologies et de tactiques disruptives et déceptives chez nos principaux compétiteurs, les rapporteurs regrettent que la stratégie française ait négligé le fait que la supériorité aérienne puisse être profondément contestée.

Parce qu’elle est redevenue un élément du succès des opérations militaires et de la protection permanente du territoire national, vos rapporteurs se sont interrogés sur la crédibilité de notre défense sol-air dans un conflit de haute intensité ou d’accompagnement d’un corps d’armée en tant que « Nation-cadre » dans le cadre de l’OTAN. Vos rapporteurs réfléchissent aux conditions de l’efficacité de la défense sol-air et la façon dont elles peuvent être adaptées et renforcées par le biais de la prochaine loi de programmation militaire.

En préambule à ces recommandations, vos rapporteurs souhaitent poser deux faits :

Premièrement, la défense sol-air française permet de disposer d’une capacité de protection multicouches adressant un spectre large de menaces et faisant face à des attaques parfois saturantes. Pourtant, comme le montre la situation en Ukraine ou les attaques sur Israël, nul dispositif n’est étanche. Ainsi, en Ukraine, les salves de roquettes missiles et drones russes ne peuvent être traitées en totalité et, malgré un bon ratio de destruction, certaines cibles sont néanmoins atteintes.

Deuxièmement, on ne peut parler aujourd’hui de trou capacitaire concernant la défense sol-air française (à la différence de certains pays comme la République tchèque ou la Bulgarie). En effet, tous les segments de la défense sol-air de la très courte portée à la moyenne/longue portée sont couverts. Néanmoins, un réinvestissement au niveau des équipements est indispensable pour éviter le déclassement de notre défense sol-air. En outre, devant une menace à bas coût potentiellement saturante, il est nécessaire de préparer des capacités antiaériennes performantes à très courtes distances, à un coût proportionné.

1) La nécessaire augmentation de la volumétrie capacitaire

S’agissant de la volumétrie, l’impossibilité de protéger, en permanence, toutes nos emprises ou nos forces, de toutes les menaces revient en réalité à ajuster le niveau de protection en fonction des circonstances et à prioriser les déploiements de capacités. Les sites contribuant directement à la dissuasion nucléaire sont, à ce titre, particulièrement bien protégés, tandis que le reste des emprises prioritaires sont progressivement dotées de moyens de lutte antidrone plus ou moins évolués. Il s’agit en effet de prendre en compte le volet organisationnel et en ressources humaines (RH) qui se cache derrière les moyens spécialisés mis en place, qui ne peuvent être totalement autonomes et nécessitent du personnel formé et entraîné.

La préservation de la capacité souveraine à assurer une protection de l’ensemble du spectre est un enjeu crucial. Dans cette optique, vos rapporteurs préconisent l’adaptation de la volumétrie de nos capacités aux besoins des différents contrats opérationnels et soutiennent, comme l’ont évoqué les forces armées lors des diverses auditions menées, l’augmentation du nombre de systèmes disponibles avec l’acquisition de minimum 4 SAMP/T Mamba. Cela permettrait une garantie du respect de la mission de sécurisation aérienne et des contrats opérationnels dédiés. Une marge supplémentaire pourrait être nécessaire afin d’assurer le maintien en condition opérationnelle optimal et la possibilité pour les forces armées de s’entraîner suffisamment. 

2) Encourager le renforcement de la protection des manœuvres terrestres

Accompagnant la manœuvre de nos forces terrestres, la protection sol air en mobilité est assurée par la composante Mistral de l’armée de Terre, renforcée par des systèmes courte ou moyenne portées mis en œuvre par l’armée de l’Air et de l’Espace si nécessaire. Un effort significatif devrait cependant être réalisé pour acquérir des capacités Mistral mobiles sous blindage, c’est-à-dire intégrés sur des véhicules de la gamme Scorpion. Cette protection en mobilité était assurée auparavant par le système Roland retiré en 2008.

3)   L’enjeu essentiel des ressources humaines

Le recrutement de la RH nécessaire à la mission de DSA devra être opéré sur deux niveaux. En effet, les besoins liés à la mission « haut du spectre » militent obligatoirement pour le recrutement, la formation et l’entraînement de spécialistes dédiés au domaine. En revanche, pour les missions « bas du spectre », s’il conviendra toujours de privilégier le recours à de la RH spécialisée, celle-ci pourra être renforcée par du personnel non dédié mais qui aura suivi une formation adéquate.

4) La modernisation nécessaire du SAMP/T et le remplacement rapide du Crotale NG pour une plus-value opérationnelle significative

Grace à ces deux évolutions, que les rapporteurs appellent de leurs vœux dans les meilleurs délais, la capacité sol air sera améliorée de façon significative en termes:

- de surveillance, d’enrichissement de la situation aérienne et de la défense antimissile balistique (DAMB) grâce au nouveau radar GF300 du SAMP/T ;

- de connectivité avec l’intégration possible des nouveaux radars de défense aérienne ;

- de capacité de destruction à l’aide d’effecteurs multicouches performants (B1NT, successeur de l’Aster 30) ;

- de capacité Liaison 16 JRE (Joint Range Extension), offrant en temps quasi-réel les principales fonctions offertes par la Liaison 16, s’affranchissant des problèmes d’élongation intra-théâtre ou théâtre-métropole.

5) Répondre efficacement aux impératifs de la lutte antidrone (LAD)

La LAD a, tout d’abord, pris la forme d’une réponse urgente à un besoin identifié: dès 2020, plusieurs systèmes ont été achetés par le biais de procédures dites « urgent opérations » (UO). C’est le cas des systèmes MILAD ou BASSALT, parallèlement à l’achat d’autres outils innovants tels que les fusils brouilleurs.

Le système PARADE (Protection déployAble modulaiRe Anti-DronEs) est un programme d’armement qui s’inscrit dans la continuité des UO et structure la réponse à une menace évolutive, à la fois pour protéger nos emprises sensibles, mais aussi nos forces déployées. Six unités seront prochainement livrées aux forces et pourront être utilisées pour la sécurisation de la Coupe du monde de Rugby en 2023.

La menace des drones progresse continûment, au rythme des innovations civiles. Elle est furtive – ce qui peut poser des difficultés de détection anticipée en milieu urbain complexe – et évolue notamment en devenant de plus en plus autonome (sans consigne pilote externe, avec une navigation sans aide satellite) devenant ainsi insensible au brouillage. Cet élément interroge la capacité du système PARADE à faire face aux menaces de demain et mérite d’attirer l’attention.  La DGA explore l’ensemble des technologies pertinentes en développant des technologies militaires spécifiques, en explorant et adoptant les innovations civiles, ou bien par des innovations d’usage. Vos rapporteurs suivront ces projets de près.

Par ailleurs, répondre au défi de la lutte antidrone passera donc par le renouvellement des personnels chargés de la surveillance en milieu urbain puisqu’avec la coupe du monde de rugby, le volume horaire nécessaire de surveillance passera à 200 heures et atteindra même les 4000 heures pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. En comparaison, le dispositif du 14 juillet est déployé sur 24 heures.

En OpEx, les moyens utilisés pour le territoire national demeurent non adaptés face aux nouveaux modes d’actions observés sur les théâtres récents et menaçants (essaims de drones, munitions rodeuses) et nécessitent dès à présent la définition et la livraison à court-terme d’un système sol air répondant à la fois à la lutte anti aérienne et à la lutte anti mini drone.

Les armes à énergie dirigée électromagnétique et laser (AED) sont prometteuses pour des usages duaux qui sont encore en phase exploratoire.

Selon la Direction Générale de l’Armement, les AED présentent un potentiel de rupture significatif, pour notamment deux raisons :

- dans leurs premières applications envisagées face aux petits drones, elles sont une façon de répondre à l’évolution de la menace (insensibilité croissante au brouillage, qui est le mode principal d’action actuel)

- d’une manière générale, elles apportent une réponse efficace aux menaces bas coût envoyées en nombre, par le coût marginal réduit et la répétitivité des interceptions.

Des sociétés comme CILAS, Thales, MC2 disposent de compétences très prometteuses en la matière. Il conviendrait de les mettre à profit et de traduire cette volonté dans la LPM.

6) Redonner à l’artillerie un rôle longtemps négligé dans la défense sol air

La notion de coût à l’engagement sol-air a une importance notable. L’enjeu du rapport de coût est avant tout lié à la soutenabilité de l’action militaire dont les stocks ne peuvent facilement être réapprovisionnés, dans un contexte où l’hypothèse d’engagement majeur de nos forces est de plus en plus crédible. Le concept du « tout missile » propre à la défense sol-air dans son architecture actuelle est à remettre en question. La France et la majorité des pays européens disposent incontestablement de système aptes à traiter le haut du spectre mais restent souvent démunis face à la multiplication des menaces et à des vecteurs plus petits et moins couteux. Notre pays a un rôle à jouer pour l’adaptation et la résilience de son outil de défense anti-aérienne aux menaces contemporaines, pour trouver un équilibre soutenable entre l’épée et le bouclier.

Il s’agit donc, pour les systèmes d’armes actuels et à venir, de maîtriser ce coût, alors même que les développements industriels sont de plus en plus onéreux pour réaliser des équipements militaires robustes, suffisamment généralistes et capables de traiter des menaces bénéficiant des sauts technologiques civils. Si les AED représentent un premier modèle de réponse efficace, les options d’architectures intégrant de l’artillerie anti-aérienne avec munition spécialisée sont également particulièrement intéressantes pour compléter la protection assurée par des missiles. Le RETEX du conflit ukrainien milite pour cette évolution.

Les rapporteurs soulignent l’existence, à ce jour, de solutions françaises, représentant a minima des solutions d’intérim pertinentes. Thalès et Nexter ont ainsi développé une tourelle de défense contre artillerie, roquette et mortier (C-RAM), dotée d’un radar interne capable de détecter et cibler une menace aérienne en approche, puis de la détruire avec un canon de 40mm, similaire à celui de l’EBRC Jaguar. Un tel système, monté sur un véhicule (Camion 6x6 Sherpa type CAESAR pour la protection d’emprise, Griffon ou Titus pour des missions plus près du front) apporterait un complément utile aux forces sans représenter de surcout logistique important. 

Le groupe Arquus offre également des solutions en termes de lutte antidrone avec la gamme de tourelleaux Hornet TM.

Par ailleurs, les perspectives de développement d’un calibre moins onéreux que le 40mm, capable de contribuer à l’établissement d’un maillage d’effecteurs anti-aériens, sont à surveiller.

7) Renforcer la capacité de veille et de détection sur le continent européen face aux menaces du Sud et de l’Est, tout en promouvant les atouts français 

La capacité de veille et de détection remplit trois fonctions essentielles :  détecter la menace pour permettre d’alerter les populations et les forces avec un préavis suffisant, attribuer l’agression et enfin permettre l’interception.

La capacité de détection autonome, au-dessus de notre territoire national, est complétée par une interconnexion avec un certain nombre de radars européens, sur la base d’accords binationaux ou dans le cadre de l’OTAN. En étant associé à des procédures de coordination interalliées robustes, ce réseau assure ainsi une couverture de détection au-delà de nos seules frontières et une capacité d’anticipation certaine.

Un enjeu majeur, que vos rapporteurs se sont appliqués à traiter et relever lors des auditions menées, est d’être en capacité de protéger le territoire national de frappes de missiles pouvant venir du Sud en étant lancés par des Etats ou depuis des « zones grises » investies par groupes armés agissant comme des proxys pour le compte d’un Etat. Ce type d’attaque concentre toutes les difficultés relatives à la posture de dissuasion nucléaire, en représentant une forme de « contournement » de cette dissuasion. L’augmentation du volume de systèmes Mamba disponibles ainsi que les récentes commandes de missiles Aster, en coopération avec notre partenaire italien, permettent de traiter cette menace mais la notion de détection reste centrale.

A ce stade, l’alerte avancée face au flanc Sud demeure donc un sujet crucial. Il est essentiel pour l’Europe de disposer de davantage de capteurs efficaces sur l’ensemble du spectre.

Pour ce qui concerne la veille lointaine ou spatiale, un démonstrateur de radar très longue portée a été réalisé et les technologies développées serviront au successeur du radar GRAVES qui assure la surveillance des mobiles spatiaux et dont la modernisation s’inscrit dans l’ambition spatiale française.

Les avancées du programme européen Odin’s Eye (multinatiOnal Development INitiative for a Space-based missilE earlY-warning architecturE), prévoyant de répondre aux ambitions de détection précoce de tout type de menace, et la contribution apportée par ArianeGroup, Thales et l’ONERA sont à surveiller et à prendre en considération dans les travaux futurs impliquant les industriels français.

8) Promouvoir les initiatives capacitaires et la souveraineté industrielle française et européenne face à une initiative allemande décevante

Le 13 octobre dernier, l’Allemagne a annoncé un projet ambitieux de défense anti-aérienne européenne auxquelles 14 autres pays ont adhéré par le biais d’une déclaration d’intention (Belgique, Bulgarie, Estonie, Finlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Slovénie). Il consiste en l’achat commun de systèmes anti-aériens dans le cadre d’un programme appelé « European SkyShield Initiative » (ESSI). Trois systèmes sont proposés : l’Iris-T SLM allemand, le Patriot (MIM-104) américain et l’Arrow 3 israélo-américain.

L’initiative ESSI est uniquement justifiée par un comblement capacitaire et ce avec des systèmes non européens, sans concertation préalable avec ses alliés.

Les rapporteurs, à la lumière des éclairages apportés par leurs interlocuteurs nombreux et variés, regrettent profondément la nature de cette initiative et souhaitent relever ses lacunes. Tout d’abord, en ne se concentrant que sur l’aspect « interception », l’ESSI omet les volets essentiels que sont la détection et le commandement. Par ailleurs, l’ESSI ne considère que les solutions capacitaires sur étagère, sans prendre en compte la recherche et le développement ni l’importance du renforcement de l’interopérabilité des systèmes d’armes européens. Le choix de l’Arrow 3 interroge particulièrement, ne répondant à aucune nécessité opérationnelle et n’étant pas interopérable avec la chaîne de commandement de l’Otan. En outre, elle néglige les aspects relatifs à la doctrine, la formation ou encore l’entraînement, qui représentent également des potentiels champs de coopération.

La place inexistante des solutions européennes, pourtant nombreuses et performantes, contre une promotion de produits américains et israéliens est déplorable. L’encouragement et la préservation de la souveraineté industrielle européenne sont des enjeux cruciaux à l’heure où la notion d’autonomie stratégique a pris tout son sens.

La protection antiaérienne de l’Europe doit faire l’objet d’une concertation organisée, argumentée, nourrie par l’ensemble des alliés. A ce titre, la proposition du Président de la République d’organiser une conférence sur la défense antiaérienne de l’Europe – annoncée le 17 février dernier lors de la Conférence de Munich –  tombe à point nommé.

9) Remédier au déficit capacitaire persistant de l’Otan dans le domaine de la défense anti-aérienne

L’Otan souffre d’un déficit capacitaire important du fait du non-respect des engagements et efforts consentis par les Alliés dans le cadre des activités de défense anti-aérienne et antimissile. Il y a urgence à renforcer l’efficacité des systèmes disponibles et consolider les trajectoires capacitaires envisagées dans ce cadre. La France a un rôle à jouer dans cet effort commun. Vos rapporteurs tiennent à souligner que notre pays honore ses cibles capacitaires et respecte ses engagements, dans la loi de programmation militaire nationale certes, mais également dans le cadre du processus Otan de planification de défense (NDPP). Le prochain cycle de NDPP prévoit d’intégrer les difficultés de l’Alliance à respecter sa trajectoire tout comme l’évolution significative de l’état de la menace pesant sur le territoire euro-atlantique.

10) Considérer la défense sol-air comme un moyen concourant, le cas échéant, dans le cadre de la dissuasion nucléaire française

Face aux différents théâtres menaçants et à l’évolution des modes d’action et des types d’attaque, il est essentiel de faire de la défense sol-air un outil d’épaulement de la dissuasion nucléaire. Si celle-ci est protégée et fonctionne, les attaques difficilement attribuables – notamment des proxies susmentionnés – perturbent l’engagement de la posture française et de l’adéquation de la réponse. Le renforcement de la défense sol-air française est un renforcement de notre dissuasion conventionnelle.

11) Porter une attention particulière aux stocks de munition, un élément toujours critique 

Comme cela a été plusieurs fois relevé par les autorités militaires et politiques françaises, nos stocks d’armement ont atteint des niveaux critiques notamment dans un contexte de résurgence d’engagements de haute intensité. La question des stocks de munitions étant hautement confidentielle, les informations transmises aux rapporteurs – spécifiques à la défense sol air – ne peuvent être retranscrites en des termes précis au sein du présent Rapport.

Il est probable que la France souffre d’un véritable manque d’épaisseur, potentiellement critique face à un adversaire riche en munitions et déterminé. En temps de guerre, dans le cadre d’un conflit de haute intensité, on estime que le nombre de missiles tirés par jour sur un territoire ennemi peut s’élever à 200. La défense à assurer face à cette densité de tir n’est, aujourd’hui, pas à la hauteur.

La LPM actuelle prévoit donc un certain nombre de mesures permettant de recompléter ces stocks par la commande de munitions, et plus spécifiquement de missiles sol-air. Ces munitions devront arriver progressivement au cours de la décennie.

12) Face à la menace hypervéloce : faire du projet Twister un axe majeur de notre diplomatie de défense

L’hypervélocité est un sujet de taille pour les forces armées : la capacité de ces vecteurs à évoluer à des vitesses très élevées, à manœuvrer et à rester dans l’espace endo-atmosphérique ou bas exo-atmosphérique, complique leur détection et réduit considérablement le délai de réaction, amplifiant ainsi leur aptitude à pénétrer les espaces défendus.

Les principaux acteurs de l’industrie missilière française participent à la réflexion sur la lutte contre ce type de menace. Certains travaux déjà en cours sur les systèmes en voie de modernisation devraient contribuer à terme à une première capacité de lutte contre cette menace – avec le développement des radars du SAMP/T NG ou d’un radar ultra haute-fréquente (UHF).

Par ailleurs, le projet TWISTER de la Coopération Structurée Permanente (CSP) de l’Union européenne repose sur deux piliers : l’intercepteur endo-atmosphérique et l’alerte avancée spatiale. En matière d’intercepteur endo-atmosphérique, le projet EU HYDEF (European Hypersonic Defence Interceptor) a été retenu pour le FED sous la coordination du groupe espagnol SENER Aerospatial, contre le projet HYDIS de MBDA. MBDA a fait un recours publié au JO de l’UE le 9 janvier dernier. En effet l’articulation entre CSP et FEDef, la CSP s’inscrit dans un cadre inter-gouvernemental. Quant à l’attribution de marché, la commission suit les règles de la mise en concurrence sans considération de la crédibilité industrielle du projet et en prenant le risque d’une fragmentation industrielle. Ce risque avait été évoqué dans un rapport remis à la commission de la Défense par Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot sur un mauvais passage de relais entre la CSP inter-gouvernementale et le FEDef de la commission. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de soutenir MBDA dans le projet concurrent HYDIS.

Après l’annonce de l’ESSI, il sera intéressant de voir les suites données par l’Allemagne à la mise en œuvre du projet CSP TWISTER.

 


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   Première partie – État des lieux de la défense sol-air

A.    Le désengagement capacitaire a ouvert la voie à une réorganisation opérationnelle

1.   L’état de la menace et la nature des affrontements ont contribué à réduire les efforts financiers et capacitaires pour la défense sol-air

a.   La défense sol-air: un triptyque déployé en multicouches

La défense sol-air concentre des capacités de détection, de coordination et de neutralisation des menaces aériennes.

 La cible se déplace dans trois dimensions : le projectile doit ainsi être guidé jusqu’à sa cible ou bien être projeté en estimant sa position probable en fonction du temps de vol. L’efficacité globale résulte de la combinaison des systèmes d’armes selon un principe de défense multicouches couvrant l’ensemble du spectre de menaces. La défense sol-air offre l’avantage de la permanence et de l’instantanéité de l’engagement là où elle est déployée. Elle permet également de réaliser une intensité de feu particulièrement redoutable. Les systèmes de défense sol-air et les chasseurs de défense aérienne constituent deux moyens complémentaires et indissociables en défense aérienne : la coordination entre effecteurs aériens et systèmes d’armes sol-air est une nécessité de tous les instants.

Elle repose sur un triptyque : les capteurs (radars), les effecteurs (véhicules lanceurs de missiles, canons ou autre dont les volumes d’action et les performances se complètent), et le poste de commandement qui coordonne le tir. Une batterie peut être fixe ou montée sur un véhicule blindé.

b.   La caractérisation des dispositifs de défense sol-air

Les moyens de défense sol-air sont classés selon trois typologies :

– La portée du système : très courte (pour une distance de moins de 5 kilomètres), courte (entre 5 et 25 kilomètres), moyenne (entre 25 et 50 kilomètres), moyenne à longue (entre 50 et 100 kilomètres) ou longue (plus de 100 kilomètres).

– L’origine de la menace : l’altitude visée. On distingue ici les niveaux endoatmosphérique (sous les 40 kilomètres d’altitude), le niveau haut atmosphérique (entre 40 et 100 kilomètres) et exoatmosphérique (au-delà des 100 kilomètres d’altitude, c’est-à-dire hors de l'atmosphère).

– L’objectif de la mission: il y a une différence nette de l’emploi de la défense sol-air dans une logique stratégique - la protection d’une aire géographique, d’une ville et des infrastructures critiques, à caractère fixe - ou dans une logique tactique - la protection des forces en mouvement. On parle également de défense sol-air de terrain ou de théâtre pour désigner ces intentions de protection. Ces objectifs différenciés peuvent justifier des arbitrages capacitaires propres aux besoins d’une Nation et d’un territoire, adaptés à l’état de la conflictualité.

Ces systèmes complets sont combinés à plusieurs afin de disposer d’une capacité de défense sol-air globale, multicouches, et configurable en fonction de la menace prévisible. En effet, la mise en place d’un dispositif de défense aérienne destiné à protéger en permanence l’ensemble d’un territoire contre toutes les menaces aériennes est illusoire car inatteignable techniquement et financièrement.

La densité des moyens de défense sol-air, et plus largement de ce que l’on nomme les capacités d’anti-accès ou de déni de la 3ème dimension (anti-access/air-denial, A2AD), agissent comme des facteurs égalisateurs de puissance, interdisant ou limitant certaines actions des capacités aériennes tout en privant un acteur de ses aptitudes à renseigner ou mener certaines actions dans la profondeur.

c.   Un segment qui a souffert d’un désengagement capacitaire progressif

Depuis plus de 20 ans, les armées françaises sont engagées sur des théâtres où la supériorité aérienne – à distinguer de la suprématie aérienne, qui ne se limite ni dans le temps ni dans l’espace – est acquise. L’attention est dirigée vers la lutte anti-terroriste depuis le début des années 2000 et les déploiements menés dans ce cadre n’impliquaient pas forcément la présence d’un modèle de défense sol-air particulier. Aujourd’hui, un basculement s’opère vers des hypothèses de haute intensité et le renouveau de l’importance de la supériorité aérienne garantie par la capacité à détruire les outils de défense sol-air ennemis combinée au maintien de sa propre défense anti-aérienne - permettant, en permanence, de protéger des points névralgiques précisément identifiés. En outre, la défense sol-air joue un rôle capital dans les opérations militaires puisque, depuis la Seconde guerre mondiale, les pertes aériennes sont essentiellement causées par la défense sol-air adverse et non l’aviation de chasse. A l’échelle internationale, la défense sol-air concentre en moyenne près de 50 % des commandes de missiles annuelles.

Les enseignements du conflit ukrainien sur la défense sol-air

 

Sans qu’elle soit le seul événement militaire récent à en démontrer la nécessité, la guerre en Ukraine illustre l’intérêt de disposer d’une défense sol-air multicouche performante face à l’ensemble des menaces aériennes (aéronefs, missiles, drones).

Le conflit confirme les hypothèses de travail du ministère des Armées sur le plan capacitaire :

- L’utilisation de drones à bas-coût, en combinaison avec d’autres effecteurs pour orienter les tirs, ou sous forme d’attaques saturantes (menace observée au Haut Karabagh en 2020),

- L’utilisation de menaces missiles classiques comme plus évoluées, voire dans un cadre inattendu (par exemple, l’emploi de missiles anti-navires sur des cibles au sol),

- L’annonce du premier emploi de missiles hypersoniques, une forme de menace du “haut du spectre” auxquelles les armées se prépare depuis la LPM 2019-2024.

Le conflit a mis en évidence l’efficacité d’anti-accès dans la 3ème dimension proche du sol, avec une concentration de moyens de défense sol-air très courte portée (Stinger, SA16, Mistral) ou courte portée (Buk M1, CROTALE, KAM britannique) associés à des systèmes moyenne et longue portée (S-300) assurant ainsi une bulle multicouche protégeant la manœuvre terrestre. Ce dispositif a considérablement contraint la force aérienne russe dans l’appui air-sol, l’emploi des moyens d’aérocombat, la manœuvre des unités ou opérations aéroportées.

Un élément de RETEX notable est l’utilité du canon anti-aérien, qui fait ses preuves en Ukraine. Le self-propelled anti aircraft gun (SPAAG, canon anti-aérien porté) est un outil indispensable aux forces sur place. Ces systèmes sont capables de traiter un éventail large de cibles, du drone tactique de petite taille au missile de croisière à basse altitude.

Alors que la supériorité aérienne n’est plus forcément acquise, elle contribue de manière essentielle à préserver la liberté d’action et de manœuvre. Si les interceptions ukrainiennes sont bonnes, le conflit expose les limites du concept de défense de territoire: face aux effets de saturation, elle reste incapable de défendre intégralement une grande étendue. Il est illusoire de prétendre à garantir une protection à l’ensemble du territoire ukrainien face aux menaces de la 3ème dimension. Ce RETEX conforte l’approche française privilégiant la défense sol-air de théâtre, disposant de systèmes dont la complémentarité et l’intégration est dépendante de la mission dévolue, et fondée sur une approche multicouche.

Le conflit en Ukraine ne constitue pas un modèle unique de combat d’avenir. Les innovations organisationnelles et opérationnelles engageant la défense sol-air doivent être menées en prévision et anticipation des combats futurs. Certains principes intangibles sont certes illustrés, mais cela ne doit pas occulter la réalité d’affrontements qui ne prévoient pas d’être de la même nature en fonction des différents théâtres menaçants.

2.   De la création de la défense sol-air à aujourd’hui, la répartition complexe des capacités entre forces terrestres et aériennes

L’histoire de l’organisation et de la doctrine de l’artillerie sol- air en France montre qu’une tension a toujours existé entre l’armée de Terre et l’armée de l’Air dans le domaine de la subordination de l’artillerie sol-air (ASA). Cette tension réside dans la différence entre l’autorité organique de l’ASA qui s’est trouvée partagée entre l’armée de Terre et l’armée de l’Air et l’autorité d’emploi qui depuis 1945 a toujours été exercée par l’armée de l’Air.

Quatre périodes se distinguent : une première durant laquelle l’armée de Terre et l’armée de l’Air se disputent la tutelle de l’ASA ; la deuxième de 1945 à 1973, où l’ASA ressort organiquement de l’armée de Terre et dépend opérationnellement de l’armée de l’Air ; une troisième de 1973 à 1989 pendant laquelle l’ASA apparaît organiquement dispersée mais reçoit les moyens d’agir en coordination avec la défense aérienne grâce au développement des C2 (command and control, commandement et conduite) ; une dernière à partir de 1989 qui voit la disparition progressive des forces terrestres antiaériennes et l’intégration organique de l’artillerie sol-air aux moyens de l’Armée de l’air.

Cette dernière évolution permet de réunir la composante fixe et la composante mobile de l’ASA en formant un continuum entre la basse altitude et l’espace extra-atmosphérique pour faire face aux menaces allant du drone tactique au missile balistique.

a.   La création de l’artillerie sol-air et les premières tentatives d’organisation

L’artillerie anti-aérienne naît au cours de la Première guerre mondiale : le premier régiment d’artillerie anti-aérienne (62e RA) est créé en janvier 1916. Au cours de l’Entre-deux-guerres, l’artillerie anti-aérienne est rattachée successivement à plusieurs directions. En mars 1919, le bureau de la défense contre-avions (DCA) passe de la direction de l’artillerie à la direction de l’aéronautique, puis y revient en janvier 1922. Parallèlement, un plan de défense aérienne du territoire (DAT) est rédigé en 1921 ; une organisation de la DAT est mise sur pied en 1923 puis une autre en 1927 ; un nouveau plan adopté en 1929. Enfin, en 1931, il est fait recours à la plus haute figure militaire du pays, le maréchal Pétain, qui est nommé inspecteur de la DAT. Mais, l’aéronautique militaire et l’artillerie se disputent la tutelle de la DCA, puis après 1933, l’armée de l’Air et l’armée de Terre.

Ce bicéphalisme est fatal à l’artillerie antiaérienne qui, malgré les enseignements de la guerre d’Espagne, n’est équipée, en 1940, que de deux batteries de matériels modernes : le canon de 90 modèle 1939 à grande vitesse initiale. La blitzkrieg déclenchée lors de la bataille de France illustre l’impuissance des forces françaises qui ne peuvent s’opposer aux attaques en piqué des Stukas par manque de matériel et l’incapacité à lutter efficacement contre la menace aérienne du fait de la dispersion des moyens.

b.   Post-1945 : l’artillerie sol-air est placée pour emploi sous l’autorité de la défense aérienne

Concernant l’organisation de l’artillerie anti-aérienne, plusieurs modèles existent : celui des Britanniques avec la subordination à la défense aérienne (le Fighter Command) des unités d’artillerie sol-air de l’Army ; celui de l’Allemagne où l’artillerie sol-air fait partie de la Luftwaffe ; celui des Américains dans lequel l’Air Force n’a pas voulu de l’artillerie sol-air et l’a laissée à l’Army ; celui des Soviétiques où la défense aérienne (avions et artillerie sol-air) forme une armée indépendante (la Voyska protivovozdushnoy oborony) au même titre que l’armée de Terre, la Marine ou l’Aviation frontale.

Compte tenu du contexte de l’après-guerre, c’est le modèle de la Royal Air Force qui est adopté. Un commandement des Forces terrestres antiaériennes (FTA) est créé en 1952 et mis pour emploi à la disposition du commandement de la Défense aérienne du territoire (DAT). Les FTA de la DAT comptent 3 régiments de DCA en 1945 puis 9 en 1950 et atteignent leur apogée en 1954 avec 25 groupes lourds dépendant des deux zones de défense aérienne couvrant le territoire métropolitain et la zone d’occupation française en RFA. Ils sont principalement équipés de canons d’un calibre allant jusqu’à 90 mm. Afin d’assurer la coordination entre la défense aérienne et l’artillerie sol-air, des détachements de liaison sont mis en place auprès de trois centres de commandement de la Défense aérienne : CODA (centre d’opération de la Défense Aérienne) de Taverny, COZ (centres d’opération de zone de défense aérienne) de Romilly et d’Aix-en-Provence. À partir de 1954, les besoins en effectifs de la guerre d’Algérie conduisent au démantèlement progressif des groupes d’artillerie antiaérienne, principalement envoyés pour défendre les barrages établis aux frontières tunisienne et marocaine.

 Après la fin des guerres coloniales, l’artillerie sol-air est reconstituée avec le matériel ancien qui avait été stocké. L’équipement en missiles est indispensable et se fait selon les modalités fixées par une directive de 1957 du général Paul Ely, chef d’état-major des forces armées, selon laquelle l’armée de Terre reçoit la responsabilité des engins sol-sol de portée inférieure à 300 km et des engins sol-air pour la défense du champ de bataille de la très basse altitude jusqu’à 10.000 m. ; l’armée de l’Air reçoit l’ensemble des engins sol-air, « à l’exception de ceux laissés à l’armée de Terre » ; la Marine, reste maîtresse de ses spécificités surface-surface et surface-air.

 En 1962, alors que l’armée de Terre se prépare à recevoir de nouveaux missiles sol-air moyenne portée Hawk, également de conception américaine, les systèmes Nike sont transmis à l’armée de l’Air. En tout, les aviateurs arment deux brigades – les 520e et 521e brigade d’engins – de têtes nucléaires américaines, regroupées dans le 500e groupe d’unités d’engins dont l’état-major est implanté à Friedrichshafen (RFA). Il est dissout, en 1966, à la suite de la sortie de la France du commandement militaire intégré de l’Alliance atlantique. Ayant choisi d’équiper ses régiments d’artillerie antiaérienne lourde de missiles Hawk, l’armée de Terre met sur pied un premier régiment en 1963, le 401e RA, puis les 402e et 403e RA. D’abord affectés à la défense aérienne du théâtre “Centre-Europe” dans le cadre de l’Otan, ils sont mis pour emploi sous l’autorité de la défense aérienne lorsqu’ils sont rapatriés de RFA en 1967.

N’ayant pas réorganisé son artillerie de l’air à l’issue de la guerre d’Algérie, l’armée de l’Air doit faire appel à l’armée de Terre pour protéger ses infrastructures nucléaires dédiées à la mise en œuvre des Forces aériennes stratégiques (FAS). En 1966, l’armée de Terre reçoit l’ordre du CEMA de former dix batteries d’artillerie légère antiaérienne et de les mettre à la disposition des FAS pour assurer la protection des bases aériennes qui accueillent des bombardiers nucléaires Mirage IV et/ou des avions-ravitailleurs C-135F. Au début des années 1970, CFTA-DA réunit donc les composantes fixe et mobile de l’ASA.

c.   1973-1989 : L’artillerie sol-air est organiquement dispersée mais reste unie grâce au perfectionnement du C2

Un changement majeur intervient en 1973 lorsqu’une instruction de l’état-major des armées confie à chaque armée la responsabilité de la défense aérienne de ses propres forces et sites.

L’armée de Terre fournissait l’essentiel des unités d’artillerie sol-air mais reprend progressivement la main sur les forces fixes qu’elle mettait en permanence à la disposition de l’armée de l’Air. Elle poursuit parallèlement la modernisation de ses moyens. Les canons 40 mm devenus complètements obsolètes sont progressivement remplacés par des missiles à courte portée Roland, développés et produits en coopération franco-allemande par le consortium Euromissile. Montés sur un châssis AMX-30, aptes donc à accompagner les divisions blindées, ils sont tout d’abord livrés dans une version « temps-clair » (Roland I) puis, au début des années 1980, dans une configuration « tout temps » (Roland II). Le système équipe progressivement, à partir de 1976, les cinq régiments d’artillerie (51e, 53e, 54e, 57e et 58e RA). Après la réforme des structures divisionnaires en 1977, ces cinq régiments appartiennent aux éléments organiques des trois corps d’armée et peuvent être affectés aux divisions pour accompagner leur mouvement ou protéger leur déploiement. Le Roland est retiré progressivement à partir de 1993 et la dernière batterie est dissoute en 2008.

Au début des années 1970, face à la menace des hélicoptères, les Américains et les Soviétiques développent un missile sol-air à très courte portée : le Redeye puis le Stinger pour les Américains et le SA-7 pour les Soviétiques. Le programme interarmées français d’un petit missile portable à autodirecteur infrarouge comparable au Stinger américain est lancé à la fin des années 1970 et entre, sous le nom de Mistral, en service sous diverses formes dans les trois armées à partir de 1987. Ces différentes unités sont placées directement sous les ordres du général commandant l’artillerie du corps d’armée, mais la coordination dans la 3e dimension est de la responsabilité du Commandement de l’artillerie sol-air (COMASA) de la 1ère armée, créé en 1979 qui est le conseiller sol-air du chef de la 1ère armée et du commandant de la Défense aérienne.

La décision de 1973 entraîne la renaissance de l’artillerie de l’air, en 1977, qui se dote de moyens pour défendre les bases aériennes, en particulier celles des FAS, contre la menace aérienne : systèmes de missiles à courte portée Crotale, canons bitubes de 20 mm et sol-air très courte portée Mistral. L'Armée de l’air distingue tout d’abord les escadrons de missiles sol-air (EMSA) équipés de Crotale, subordonnés directement à la Défense aérienne et les sections de défense sol-air (SDSA) armées de bitubes de 20 mm qui dépendent des bases aériennes. Finalement, les deux types d’unités sont regroupés, à partir de 1987, lorsqu’elles stationnent sur une même base aérienne au sein de treize Escadrons de défense sol-air (EDSA).

La mise sur pied de ces unités entraine progressivement la dissolution des batteries sol-air de l’Armée de terre qui protégeaient les bases des FAS depuis 1966. En 1979, lorsque la dernière batterie est dissoute, le CFTA-DA est supprimé. Les EDSA équipés de matériels projetables (Crotale et Mistral) sont envoyés en opération extérieure pour assurer la défense aérienne des infrastructures fixes au Tchad lors de l’opération Manta ou de la base d’El Asha lors de la guerre du Golfe et pour fournir une protection sol-air mobile à la division Daguet lors de la guerre du Golfe. En effet, le système Roland sur châssis AMX-30 était difficilement projetable. Une unité Hawk est également déployée au Tchad lors de l’opération Épervier grâce au soutien de l’Air Transport Command de l’US Air Force.

Dès 1945, la nécessité d’assurer la centralisation de la gestion et de l’action dans l’espace aérien était apparue et avait conduit à attribuer le contrôle opérationnel de l’artillerie sol-air à la défense aérienne. La vitesse sans cesse accrue des vecteurs dans la troisième dimension conduisit à la mise au point de systèmes complexes de surveillance de l’espace aérien reposant en grande partie sur des capacités automatisées et des liaisons de données - comme le Strida en France. Afin de définir les actions respectives de l’aviation d’interception et de la défense sol-air des documents tels que l’Airspace Coordination Order sont émis par l’Otan pour la zone Centre-Europe ou par la défense aérienne pour la France. À la fin des années 1980, de nouveaux matériels de transmission entrent en service et permettent aux batteries Hawk d’être raccordées par faisceaux hertziens aux réseaux de l’armée de l’Air et d’ainsi pouvoir transmettre automatiquement des données ou bien recevoir des ordres.

d.   Depuis 1989 : la quasi-disparition des forces antiaériennes terrestres puis une réorganisation entre les forces armées en 2006

La fin de la Guerre froide et la disparition des grands commandements terrestres (1ère armée, corps d’armée et divisions) provoquent, de 1993 à 2012, la dissolution progressive de presque tous les régiments d’artillerie sol-air (8 régiments sur 9).

Il ne reste plus que le 54e régiment d’artillerie, ainsi que 6 batteries (issues de régiments dissous) réparties dans les brigades interarmées, équipées de sol-air très courte portée Mistral destiné à assurer la protection rapprochée des forces terrestres projetées en opération. Avec le retrait des missiles Roland, l’armée de Terre perd sa capacité antiaérienne à courte portée.

Le système sol-air à moyenne portée en version terrestre (SAMP/T), destiné à succéder au système Hawk, était initialement prévu pour équiper les forces à partir de 1999. Ce système d’armes franco-italien ayant une portée comprise entre 30 et 60 kilomètres se compose d’un radar, d’une conduite de tir et de missiles Aster 30. Destiné à protéger le corps de bataille et à la défense aérienne des points sensibles du territoire national, le système SAMP devait équiper les unités de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air avec 16 unités de tir.

Compte tenu des difficultés financières de la fin des années 1990 et du début des années 2000, la cible est progressivement réduite en 2003 à 12 systèmes terrestres (6 pour l'Armée de terre et 6 pour l'Armée de l'air). Les problématiques relatives à la défense anti-missile balistique commencent à apparaître dans le débat stratégique après le sommet de l’Otan à Prague en 2002.

Ces différents facteurs conduisent, en 2006, à une réorganisation de la composante sol-air des armées, selon une philosophie assez proche des décisions du général Ély en 1956 : l’armée de Terre conserve les systèmes de missiles à très courte portée alors que les systèmes de moyenne portée (SAMP/T) sont rattachés à l’armée de l’Air dans une logique de coordination des mouvements et des feux dans la 3e dimension.

L’armée de l’Air doit, d’une part, protéger ses infrastructures fixes en métropole et en OpEx et fournir à l’armée de Terre des unités mobiles pour assurer la protection sol-air moyenne portée des unités des forces terrestres. Parallèlement, la cible du SAMP/T est réduite à 10 systèmes. En 2010, l’armée de l’Air reçoit son premier système SAMP/T - qu’elle baptise Mamba. Cette unification des composantes fixe et mobile de la défense aérienne sur le territoire national sous l’autorité de l’armée de l’Air est motivée par l’augmentation de la menace avec la prolifération balistique et l’apparition des petits drones. Elle est permise par les progrès sensibles dans le domaine de la coordination des moyens par la mise en service d’un C2 performant multicouches. Initialement, le système Martha (Maillage des radars tactiques pour la lutte contre les hélicoptères et aéronefs à voilure fixe) avait pour but de coordonner les actions de l’armée de Terre dans la 3e dimension et d’accroître l’efficacité de l’artillerie sol-air. Étudié à partir de 1985, Martha recueille les informations en provenance des instruments de surveillance de l’espace aérien (radars des Mistral, systèmes SAMP/T) et coordonne les missions aériennes avec les feux antiaériens et les tirs sol-sol. Développé à partir de 1994, il entre en service progressivement dans les unités d’artillerie puis devient une composante du Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA).

Si la lutte défensive contre l’aviation ennemie fait partie intégrante de la bataille pour la supériorité aérienne qui constitue le cœur de la mission de l’armée de l’Air et de l’Espace, les nouvelles formes de menaces, concernant la très basse altitude, révèlent aujourd’hui le rôle crucial de l’armée de Terre. L’armée de l’Air et de l’Espace est, de son côté, en mesure d’assurer la coordination et l’optimisation de la couverture de défense aérienne. Cela requiert un haut niveau de technicité, d'entraînement et une parfaite maîtrise des liaisons de données tactiques - de type L16 - qui apportent les capacités de travail indispensables en temps réel. L’armée de Terre contribue également au maintien des compétences associées, en raison des besoins relatifs à la coordination de la manœuvre aéroterrestre.

3.   La défense aérienne du territoire : une mission permanente et des contrats opérationnels assignés aux forces

a.   L’armée de l’Air et de l’Espace commande la protection de l’espace aérien national en temps de paix comme de crise

La protection aérienne du territoire national se définit de la manière suivante: détecter, identifier, classifier (objet inconnu, ami, douteux ou hostile) et intervenir. Chaque jour, en moyenne 12 000 avions sont sous surveillance dans l’ensemble de l’espace aérien français. La généralisation de l’utilisation des drones par un ensemble d’acteurs privés, étatiques comme de forces de sécurité intérieures, implique une intensification de la surveillance aérienne et du traitement de la menace tels qu’assurés par le commandement centralisé à Lyon, le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA).

La posture permanente de sûreté-air (PPS-Air) est une des missions prioritaires et permanentes de l’armée de l’Air et de l’Espace, confiée au CDAOA. Cette activité de police du ciel, dans le cadre du temps de paix, est placée sous l’autorité du Premier ministre et menée en vertu des différents règlements, circulaires et codes de la défense qui régissent les mouvements dans l’espace aérien. En temps de paix, l’utilisation des outils de défense sol-air est faite de manière à garantir cette posture de sécurité. La défense sol-air est intégrée dans le SCCOA, incluant les systèmes de détection garantissant l’intégrité et la souveraineté de notre espace aérien.

Un dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA) est mis en place, sur ordre du Premier ministre, lors de grands événements qui nécessitent la création d’une réelle « bulle de défense ». Le déploiement des outils de protection anti-aérienne s’effectue en complément du socle de la PPS-Air et est déterminé en fonction de l’état de la menace ainsi que de la nature de l’événement à sécuriser. Pour illustrer ce point, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (JOP 2024) prévoit de mobiliser le double du matériel utilisé pour la protection du Sommet de la Présidence française de l’Union Européenne (PFUE) tenu à Versailles les 10 et 11 mars derniers.

b.   Les contrats opérationnels engageant la défense sol-air en France, pour la protection du territoire et des forces

Les contrats opérationnels déterminent les capacités que les forces armées doivent pouvoir mettre en œuvre afin d’accomplir leurs missions de protection de la population et du territoire.

Les armées sont mobilisées sur le territoire national pour protéger les bases aériennes à vocation nucléaire (BAVN) et la base opérationnelle de l’Île Longue; des installations prioritaires de défense (IPD) et de points d’importance vitale (PIV) selon le plan de protection aérienne préétabli, lors des DPSA ou en contexte de crise majeure. Une mission essentielle des outils de défense sol-air est la protection de la dissuasion et, en situation de crise, la garantie de la dissuasion.

Hors du territoire national, en opération nationale avec ou sans contribution alliée ou multinationale, la défense sol-air est placée sous l’autorité du commandant de la force interarmées. Elle permet de garantir la liberté d’action et protection directe de forces stationnées ou en mouvement, la protection de sites particuliers d’intérêts stratégiques, opératifs ou tactiques, civils ou militaires, la protection d’un volume aérien défini et des acteurs y opérant, ou bien l’appui d’un partenaire.

L’armée de l’Air et de l’Espace dispose de 4 EDSA, unités de combat tactiques de type “expéditionnaire”, qui répondent directement à une ou plusieurs capacités du contrat capacitaire. Ils sont stationnés sur les trois BAVN et sur la base aérienne de Mont de Marsan. Cette dernière dispose d’un centre de formation et d’expertise de la défense sol-air (CFEDSA) et d’un escadron de soutien à la défense sol-air tous deux stationnés à Avord. Six Centres de management de la défense dans la 3e dimension (CMD3D) permettent la conduite et la coordination des engagements sol-air lorsque plusieurs systèmes d’armes sont déployés pour protéger un site, tout en assurant la protection des aéronefs amis. Un ensemble de 445 aviatrices et aviateurs - la réalisation du référentiel en organisation est d’environ 75 % -, mettent ainsi en œuvre 12 unités de systèmes Crotale et 8 systèmes SAMP/T Mamba.

La défense sol-air de l’armée de Terre est composée de 2 batteries de commandement tactique et 10 batteries sol-air très courte portée réparties en un régiment d’appui spécialisé, le 54e régiment d’artillerie stationné à Hyères, et 6 batteries intégrées à des régiments d’artillerie de brigade interarmes. Employant le CMD3D, les batteries de commandement tactique permettent de déployer sur les théâtres d’opérations une capacité de coordination dans la 3e dimension et de coordination des feux sol-air. Les batteries de tir sont quant à elles dotées de NC1-30 et 40, moyens de détection, commandement et de coordination des unités de tir, ainsi que d’effecteurs MISTRAL portés sur des plateformes véhiculées ou en véhicules de l’avant blindé ; elles emploient également le système ARLAD (adaptation réactive pour la lutte antidrones) acquis de façon échantillonnaire en urgence opérationnelle et en cours de développement.

La répartition par segment aujourd’hui en vigueur (moyenne portée et courte portée pour l’armée de l’Air et de l’Espace, très courte portée pour l’armée de Terre) implique des contrats croisés avec la participation de la défense sol-air très courte portée aux DPSA et à la protection des BAVN, ainsi qu’un contrat de défense d’une force opérationnelle terrestre (FOT) pour l’armée de l’Air et de l’Espace. Des processus et structures de coordination et d’entraînement sont communs aux deux forces armées.

 

4.  
Les moyens dont disposent la France et les pays européens pour accomplir la mission de sécurité aérienne

a.   Présentation des moyens de défense aériennes utilisés en France et en Europe

 

Ce tableau est une synthèse des systèmes de défense sol-air utilisés et/ou en service en Europe, avec les pays les mettant en œuvre. Il ne prend pas en compte les capacités de lutte antidrone qui fait l’objet de programmes séparés et seront évoquées plus en détail dans le développement du présent rapport.

 

Type de capacité

Systèmes en service

Pays détenteurs ou accueillant

Génération système

Efficacité constatée

Très courte portée (défense anti-aérienne portative)

StingerMistral

 

9k38 Igla

Pays baltes, Royaume-Uni, Ukraine (cessations), Pays nordiques, Grèce, ItalieFrance

 

Ukraine

En service

 

 

 

 

En service

 

Ancienne version

Très bonne

 

 

 

 

Très bonne

 

Limitée

Très courte portée (canon)

Guépard

Allemagne

Ancienne version

Satisfaisante

Courte portée

Crotale

 

Avenger 4

 

 

S-125

France, Ukraine (cessation)

Ukraine

 

 

Ukraine, Pologne

En service

 

En service / ancienne version

Ancienne version

Très bonne

 

Bonne

 

 

Limitée

Moyenne portée

S-300

 

 

 

Iris-T

 

 

MIM-23 Hawk

 

 

MAMBA

 

 

Patriot

 

 

 

BAMSE SRSAM

Ukraine

 

 

 

Allemagne, Ukraine (cessation)

 

Ukraine (cessation)

 

France, Italie

 

 

Espagne, Grèce, Pays-Bas, Pologne, Suède, Roumanie, Suisse, Ukraine

Suède

Ancienne version (stock soviétique)

 

Dernière génération

 

 

Ancienne version

 

Dernière génération

 

Dernière génération

 

 

 

Ancienne version

Bonne

 

 

 

Très bonne

 

 

Bonne

 

 

Excellente

 

 

Excellente

 

 

 

Bonne

Longue portée

NASAMS

 

 

 

 

 

Arrow 3

 

Norvège, Croatie, Espagne, Lituanie, Ukraine

 

Projet d’acquisition dans le cadre de l’ESSI

Dernière génération

 

 

 

 

Dernière génération

Excellente

 

 

 

 

 

Excellente

La France est l’un des rares pays à avoir maintenu une série complète de capacités de manière souveraine avec les systèmes Mistral (MBDA), Crotale (MBDA, Thales) et SAMP/T (MBDA, Thales), présentés ci-après. Les segments se sont améliorés pour la défense surface-air, dans la perspective de la protection du porte-avions. Nous tenons une position de leader à l’échelle de l’Europe et partageons cette situation avec nos partenaires italiens et anglais.

– Les systèmes Mistral ainsi que les radars et postes de commandement associés sont dédiés à la défense très courte portée. Portés sur des véhicules inadaptés à l’accompagnement des forces et/ou obsolescents (plateformes sur camionnette, VAB), les systèmes Mistral actuels verront leur parc opérationnel amorcer une décroissance à partir de 2030. Les 16 NC1-30 et 14 NC1-40, portant les postes de commandement et les radars des sections de tir, ne seront quant à eux plus soutenus respectivement en 2025 et 2030.

– Les systèmes d’armes courte portée Crotale NG sont destinés à lutter contre les menaces volant à basse et très basse altitude, en mesure d’engager des cibles à une dizaine de kilomètres. Eu égard à la fin de vie du missile VT1 en 2026, le Crotale NG fait l’objet d’études de remplacement. Deux systèmes ont été cédés à l’Ukraine.

– Le système de défense anti-aérien Aster 30 SAMP/T (Mamba) protège les sites sensibles et les forces déployées contre les menaces de missiles et aéronefs. Conçu pour répondre aux besoins de défense aérienne à moyenne et longue portées (projection de forces, protection de zones à forte valeur et protection de zone), il peut fonctionner selon un mode autonome ou bien s’intégrer dans un réseau coordonné. La version Aster B1NT EC, en cours de développement, combinée au successeur du radar de conduite de tir ARABEL, fournira au SAMP/T NG la capacité de traiter des menaces de nouvelle génération d’ici 2030. Sa mise en service est prévue à horizon 2027.

À l’échelle de l’Europe, on peut ainsi distinguer trois groupes :

– Les nations dotées du système américain moyenne-portée MIM-104 Patriot (Pays-Bas, Allemagne puis Grèce, Espagne et enfin Pologne, Roumanie, Suède et Suisse). Certains pays les ont acquis récemment et d’autres, comme l’Allemagne, doivent engager une modernisation des capacités.

– Les pays européens toujours dotés de matériels issus de l’Union Soviétique (République Tchèque, notamment), des velléités de modernisation se heurtant à des difficultés d’ordre financier, incarnant la problématique d’obsolescence des systèmes à prendre en charge.

– Les États qui ne possèdent pas de capacités de défense sol-air hors très courte portée (Pays baltes, Portugal, Danemark).

 

Système sol-air moyenne portée (SAMP) Mamba, déployé en Roumanie pour la mission AIGLE

 

b.   Une prise de contact directe avec les ambassades ainsi que les déplacements réalisés dans le cadre de la mission d’information ont permis une analyse fine des dispositifs de défense sol-air italien, allemand, tchèque et polonais

L’Italie a engagé la modernisation et le renouvellement de ses capacités de défense sol-air ces dernières années, notamment: le développement d’une nouvelle capacité radar, le développement et l’intégration sur de nouvelles plateformes des missiles CAMM-ER, le lancement des travaux relatifs à la nouvelle génération du système SAMP/T Mamba et la modernisation du missile Aster. En termes d’articulation des forces sur ce segment, c’est l’Aeronautica Militare - via le Commando Operazioni Aerospaziale (COA) - qui a pour mission d’assurer la surveillance et la défense de l’espace aérien national. A ce titre, l'unité de défense aérienne et antimissile intégrée (Difesa Aerea Missilistica Integrata - DAMI), située à Poggio Renatico, contrôle l'espace aérien national grâce à un réseau de capteurs actifs et passifs, principalement des systèmes radar. Elle commande l'engagement de l'ensemble des moyens de défense aérienne. En revanche, la majorité des systèmes de défense antimissile de l'Italie est actuellement au sein de l'armée de terre. Les programmes en cours et prévus d’intégration et d’harmonisation des C2 devraient permettre d’augmenter la dimension interarmées de cette gestion.

Les principaux acteurs industriels du domaine de la défense sol-air en Italie sont les groupes Leonardo et MBDA, ainsi que la joint-venture Eurosam (Thales et MBDA). Ils s’appuient sur un réseau important d’entreprises de l’industrie de défense qui comprend de nombreuses petites et moyennes entreprises mais également des filiales de groupes étrangers (Rheinmetall Italia, Northrop Grumman Italia, etc.).

 L’Allemagne estime que le déclenchement de la guerre en Ukraine constitue un réel bouleversement de l’ordre stratégique et implique une remise en question des mécanismes de sécurité collective. Ce constat a eu un impact notable sur les travaux d’élaboration de la future Stratégie nationale de sécurité allemande, consacrant le nouveau concept de “sécurité intégrée” et se voulant le point de départ pour une Allemagne assumant davantage de responsabilités sur la scène internationale - accent mis sur le rôle de “nation d’appui” à l’égard des pays d’Europe de l’Est notamment. Cet élément explique, en partie, l’initiative European SkyShield proposée par l’Allemagne (ESSI), faisant l’objet d’une analyse précise ci-après.

En termes d’organisation et de répartition des capacités, la Luftwaffe dispose depuis 10 ans de l’ensemble des capacités pour la défense sol-air de la Bundeswehr. La Heer souhaite rétablir une capacité de protection d’accompagnement.

 Depuis la fin des années 1990, le développement des capacités de défense sol-air allemandes est à la peine: après avoir quitté le projet MEADS en coopération avec les États-Unis et l’Italie en 2011, Berlin lance le programme national TLVS MEADS en 2015 en vue de remplacer le système Patriot à l’horizon 2025. Ce programme a été officiellement abandonné en fin d’année 2022, notamment en raison de l’explosion des coûts nécessaires à sa concrétisation. Le 3 janvier 2023, la presse allemande faisait état de consultations entre Washington et Berlin concernant l’acquisition du système Arrow 3 par la Bundeswehr.

 Les principaux acteurs industriels allemands dans le domaine sont Diehl Defence, MBDA Deutschland et Rheinmetall. La position du missilier Diehl s’est incontestablement améliorée depuis le début du conflit en Ukraine. Son système de défense Iris-T est déployé sur le terrain et construit sa légitimité. Par ailleurs, les groupes Diehl, Rheinmetall et Hensoldt ont formé un consortium pour répondre au projet national NNbS (Nah- und Nächstbereichsschutz) de défense antiaérienne de très courte à moyenne portée.

 Les capacités militaires tchèques en matière de défense sol-air sont en cours de modernisation. La République tchèque disposait, à l’instar des autres membres du Pacte de Varsovie, d’équipements soviétiques désormais obsolètes. Elle renouvelle actuellement son système de défense à courte portée. Elle a préparé en 2019 l’acquisition de radars israéliens MADR (Mobile Air Defence Radar), huit ensembles de radars 3D mobiles à moyenne portée et en 2021 un contrat pour l’achat de missiles israéliens SPYDER (Surface-to-air PYthon and DERby), sur châssis TATRA. L’appel d’offres court toujours, tous les radars ne sont pas livrés, non plus que les missiles. Pour les autres couches, la République tchèque étudie leur acquisition et se livre à des comparaisons de moyens, européens (Aster) ou non (Patriot, Arrows…), avec un intérêt particulier pour les plates-formes mobiles, les capacités de détection et le C2. C’est dans ce cadre qu’elle observe avec intérêt les développements d’European Sky Shield Initiative (ESSI), tandis que le fondement de ses réflexions repose sur les capability targets de l’Otan.

 La défense anti-aérienne tchèque est sous la responsabilité de la force aérienne tchèque (Vzdušné síly Armády České republiky) qui a pour mission d’assurer la défense des deux brigades mécanisées et des éléments vitaux de la Nation.

 En termes de partenariats industriels, la République tchèque mène des travaux de recherche et comparaison sur différents systèmes, européens ou non. Elle reste attentive aux développements au sein de l’Otan et déclare régulièrement être prête à acquérir les moyens garantissant le meilleur rapport coût/efficacité, pourvu que sa propre BITD bénéficie de retombées. Concernant sa participation à l’ESSI, le pays estime que rien ne doit être entrepris en concurrence avec l’Otan ou pouvant nuire à la relation transatlantique.

 Les capacités de défense sol-air polonaises reposent principalement sur des systèmes post-soviétiques obsolètes à courte portée (Neva, Kub, Osa) et polonais à très courte portée (Manpads Grom et Piorum). Les forces armées polonaises ne disposent pas encore de capacités moyenne et longue portées. La signature de contrats pour l’acquisition de capacités modernes courte portée dès 2022 (missiles CAMM de MBDA UK pour le programme Mała Narew) et moyenne portée fin 2023-début 2024 (Patriot US) viendront étoffer le dispositif lacunaire polonais qui a vocation à être intégré dans le système NATINAMDS de l’Otan.

Les forces armées polonaises concentrent actuellement l’essentiel de leurs capacités de défense sol-air au sein de l’armée de Terre. L’armée de l’Air dispose essentiellement de capacités courte portée limitées (Neva) au sein de la 3ème brigade sol-air de Sochaczew. L’armée de Terre compte, de son côté, quatre régiments sol-air à raison d’un par division avec les lance-missiles courte portée post-soviétiques Kub et Osa. Chaque régiment sol-air compte un « escadron d'artillerie et de missiles », doté de capacités très courte portée (Piorun et Grom) montés sur véhicules Żubr (système POPRAD), véhicules anti-aériens ZSU-23-4MP Biala ou canons anti-aériens ZUR-23-2 Jodek.

La livraison de 2 batteries du système Patriot en 2023-2024 puis de 4 batteries du système Patriot sur 2026-2028 confèrera à l’armée de l’Air la responsabilité première - mais pas unique (2 batteries Patriot seront livrées à l’armée de Terre sur 2026-2028) - de la défense sol-air moyenne portée. L’armée de Terre continuera de son côté à concentrer la majorité des capacités sol-air très courte et courte portées.

Si la guerre en Ukraine a nettement contribué à accélérer l’effort de défense polonais, déjà significatif depuis plusieurs années, le pays ne prend pas part à l’ESSI, disposant des capacités nécessaires pour bâtir son propre système de défense antiaérienne. La réflexion sur la nécessité de moderniser ses capacités sol-air a été initiée dès 2012 et s’est traduite par l’intégration des programmes sol-air courte portée « Narew » et sol-air moyenne portée « Wisla » dans le programme de modernisation technique 2013-2021. Elle a débouché sur l’achat fin 2016 de 420 lanceurs sol-air très courte portée Piorun et de 1300 missiles, en mars 2018 de 16 lanceurs Patriot US et 208 missiles PC3-MSE (livraison d’ici 2023/début 2024), sur l’acquisition en septembre 2019 de 16 radars SHORAD Bystra (livraison d’ici 2025) et sur la signature en septembre 2021 d’un contrat-cadre pour un système Shorad auprès de MBDA UK (programme Narew). Les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont ainsi les partenaires les plus importants de la Pologne dans ce segment capacitaire.

c.   La lutte antidrone, un segment particulier qui mobilise les armées françaises

La lutte antidrone (LAD) est un segment particulièrement stratégique, essentiel à maîtriser pour assurer un niveau de protection suffisant sur le territoire national- le défi majeur que représentent les JOP 2024 à cet égard fait l’objet d’une partie dédiée ci-après - comme dans le cadre de déploiements des forces (la prolifération des drones sur les champs de bataille au Haut-Karabagh et en Ukraine soulignant particulièrement le niveau de menace en la matière). L’armée de l’Air et de l’Espace met en œuvre 8 systèmes MILAD (moyens interarmées de lutte antidrones), 4 ayant vocation à protéger le territoire national et 4 déployés à l’étranger. Le fondement du fonctionnement de ces systèmes ayant vocation à détecter, commander et agir est le brouilleur d’ondes. Il permet de défendre des sites fixes.

Elle dispose également de 3 BASSALT, système de détection et de commandement intégrant un C2 à base d’intelligence artificielle. Il est souvent utilisé pour les dispositifs particuliers de sûreté aérienne, les algorithmes d’intelligence artificielle étant bien adapté en environnement urbain.

Le système PARADE, qui est toujours en développement, complètera les moyens de l’armée de l’Air et de l’Espace en matière de lutte antidrones. Ces systèmes seront capables de détecter, d’identifier et de neutraliser des drones par brouillage. Actuellement en expérimentation au Qatar – soutenus par le BASSALT – et déployés au printemps 2023, 6 systèmes PARADE seront répartis entre les forces. L’armée de l’Air et de l’Espace devrait disposer de 4 exemplaires. Sa conception doit permettre d’adopter une logique incrémentale d’intégration d’innovations et d’adaptation à l’évolution de la menace, par l’adjonction de futurs capteurs et effecteurs. Le projet est sous contrainte très forte de disponibilité des composants critiques de certains fournisseurs (brouillage et goniomètre). Toutefois, les 6 premiers systèmes commandés pourront être livrés dans les délais prévus et compatibles de la coupe du monde de Rugby en 2023.

L’effecteur laser antidrones HELMA-P, développé par la société CILAS, sera bientôt testé en complément du PARADE. Leur utilisation combinée pour la sécurisation des JOP 2024 est un objectif.

ARLAD est une innovation d’”adaptation réactive” de la Section technique de l’armée de Terre, destinée à équiper 12 véhicules de l’avant blindés (VAB). Conçue par la section technique de l’armée de Terre (STAT) et soutenue par la DGA, elle consiste à équiper ces VAB de kits de détection et conduite de tir, pour permettre la neutralisation par arme à feu (notamment par une grenade explosive aérienne dans sa dernière version). Les premiers VAB équipés ont été déployés en OpEx en 2021. Le volume global de VAB ARLAD ne permet cependant pas d’équiper de façon cohérente les forces terrestres face à la prolifération des drones sur le champ de bataille.

 Le lancement d’un programme incrémental pour accélérer le développement de notre arsenal antidrone a été officialisé. Les premières livraisons de nouveaux systèmes PARADE sont prévues pour 2023, un démonstrateur opérationnel d’arme laser – évoqué plus en détail ci-après - en 2024 et la préparation de technologies de capteurs et effecteurs innovants pour suivre l’évolution permanente de cette menace.

B.   La défense sol-air se distingue de la protection assurée par la dissuasion nucléaire, et est intégrée au niveau de l’Otan

1.   La fonction stratégique de la défense sol-air, moyen de protection conventionnel de menaces ciblées

 

a.   La dissuasion nucléaire exclut certaines menaces du champ de la défense sol-air

La doctrine de dissuasion nucléaire française n’est pas en lien avec les capacités sol-air de notre pays ou de l’Otan. Elle est centrée sur la crédibilité de la dissuasion.  La défense sol-air se limite à l’interception d’une menace conventionnelle. Elle est une capacité visant à défendre une zone face aux menaces de 3e dimension, qui permet d’assurer la protection ponctuelle de sites particuliers sans pourtant prétendre à sécuriser l’ensemble du territoire national. Il n’y a pas d’imbrication entre ces deux protections bien distinctes, la dissuasion nucléaire garantit, à elle seule, les intérêts vitaux de la France tels que définis par le Chef des Armées.

La défense sol-air est une capacité visant à défendre une zone face aux menaces de la 3ème dimension et c’est pourquoi il est essentiel que les entités concourant à la dissuasion soient bien protégées face à ce type de menace. En revanche, il est illusoire de vouloir mettre en place un dispositif de défense aérienne permettant, en permanence, de protéger l’ensemble d’un territoire contre toutes les menaces aériennes : cela est inatteignable techniquement et financièrement.

La défense sol-air reste cependant de nature à bouleverser les rapports de forces entre États dotés et à entrainer une course aux armements à la fois sur les plans quantitatif et qualitatif. Pour s’en convaincre, rappelons que le traité SALT-ABM de 1972 fut la conclusion d’une course aux armements effrénée entre les États-Unis et l’Union soviétique, résultante déjà à cette époque de la dialectique introduite par le développement d’une défense anti-missile balistique de territoire. Une nouvelle course aux armements aurait des conséquences importantes sur l’adéquation de nos moyens liés à la dissuasion avec en corollaire des besoins d’investissement massifs pour garantir son efficacité.

La position de la France dans l’OTAN concernant la défense anti-missile balistique (DAMB) est conforme à la déclaration du sommet de Chicago en 2012, qui met en avant une DAMB de théâtre et non de territoire, faisant face à certaines menaces spécifiques. À ce titre, elle contribue de manière régulière à la DAMB de l’Alliance, comme c’est actuellement le cas avec un système SAMP-T déployé en Roumanie.

Lors de son discours sur la stratégie de défense et de dissuasion du 7 février 2020, le Président de la République déclarait : “Dès lors que nos intérêts vitaux sont susceptibles d’être menacés, la manœuvre militaire conventionnelle peut s’inscrire dans l’exercice de la dissuasion. La présence de forces conventionnelles robustes permet alors d’éviter une surprise stratégique, d’empêcher la création rapide d’un fait accomplit ou de tester au plus tôt la détermination de l’adversaire, en le forçant à dévoiler de facto ses véritables intentions. Cette déclaration traduit l’objectif de notre stratégie de défense qui est d’être en mesure de peser sur les calculs d’un adversaire également par un biais conventionnel. La protection du territoire national doit s’envisager dans ce cadre dual pour être effective face aux menaces évolutives et protéiformes.

À l’échelle du continent européen, la déclaration officielle suite au sommet de l’Otan à Chicago de 2012 précise, dans son point n°59 que : “La défense antimissile peut venir compléter le rôle des armes nucléaires dans la dissuasion mais elle ne peut pas s’y substituer. Cette capacité est purement défensive”. La dissuasion et la défense de l’Alliance s’appuient donc sur une combinaison de moyens conventionnels et nucléaires de défense antimissile.

b.   Les menaces d’acteurs non-étatiques ainsi que l’attribution complexe de certaines attaques impliquent une grande vigilance des pays européens

Il existe un fort risque de détournement des dispositifs aériens tels que les drones. Instrumentalisés à des fins malveillantes, les drones sont parfois difficilement attribuables à leur propriétaire. Si l’efficacité et la fiabilité de la détection des menaces sont essentielles, l’attribution rapide de l’agression l’est encore davantage.

 Dans ce contexte, les activités d’acteurs non-étatiques sont un danger particulier duquel nous devons nous prémunir au maximum. Cette menace, déjà observée sur le théâtre au Levant ou au Sahel, pourrait se rapprocher du territoire national. Ces acteurs agissent sans se soucier des répercutions et contournant potentiellement la protection assurée par la dissuasion française. Cet élément a été particulièrement souligné par le Président de la République lors de ses vœux aux armées le 20 janvier dernier: “(...) Même avec la dissuasion, notre territoire national n’est pas à l’abri de frappes isolées, du fait par exemple de perturbateurs en particulier non étatiques.”

2.   La France est intégrée à un dispositif de protection collectif au sein de l’Otan

 

a.   La protection du territoire de l’Alliance : un dispositif majeur et constamment renforcé

Les activités IAMD (défense aérienne et antimissile intégrée) de l’Otan sont mises en œuvre dans le cadre d’un système Otan appelé NATINAMDS et incluent les missions de police du ciel, défense aérienne, défense antimissile balistique (DAMB), défense contre les missiles de croisière, lutte contre la menace roquettes-artillerie-mortiers et lutte contre les drones soit une appréhension de l’ensemble des menaces aériennes à 360°. Le renouveau de la conflictualité internationale et la progression nette de la menace pesant sur le territoire euro-atlantique suscitent l’analyse d’un nécessaire renforcement de l’IAMD. L’Alliance précise que la surveillance des espaces aériens et la DAMB sont deux activités majeures et permanentes, en temps de paix.

La mission permanente de police du ciel de l’alliance permet de garantir la souveraineté des espaces aériens. Les nations peuvent assurer leur sécurité de manière autonome, au-dessus de leur territoire - si elles en ont les moyens - ou bénéficier de l’action de contributeurs alliés. Elle incarne la forte solidarité entre les pays membres, soucieux de leur sécurité commune et des menaces auxquelles ils sont exposés, ensemble.

Le dispositif otanien permanent de défense face à la menace des missiles balistiques est évoqué et travaillé depuis le Sommet de Lisbonne en novembre 2010. Ses contours se précisent lors du Sommet de Chicago en 2012, dont la déclaration officielle susmentionnée indique en point n°60 : “Nous nous réjouissons aujourd’hui de déclarer que l’Alliance a atteint une capacité OTAN intérimaire de défense contre les missiles balistiques. Elle constituera immédiatement une première étape significative sur le plan opérationnel, conformément à notre décision prise à Lisbonne, offrant une couverture maximale dans la limite des moyens disponibles pour défendre nos populations, notre territoire et nos forces (...). Notre objectif reste de doter l’Alliance d’une capacité opérationnelle OTAN de défense contre les missiles balistiques qui soit à même d'assurer la couverture totale et la protection de l'ensemble des populations, du territoire et des forces des pays européens de l’OTAN, sur la base de contributions nationales volontaires, y compris des intercepteurs et capteurs à financement national, des accords de stationnement, et d'une capacité de défense active multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD) élargie. Seuls les systèmes de commandement et de contrôle de la capacité ALTBMD et leur élargissement à la défense territoriale sont admissibles au financement commun. Dans le contexte de la capacité OTAN de défense contre les missiles balistiques, la Turquie héberge un radar avancé de détection lointaine.”

Ainsi, régit par un cadre très spécifique depuis 2010, le dispositif de défense antimissile balistique de l’Otan est opérationnel depuis 2016. Le communiqué du Sommet de Varsovie de juillet 2016 note en son point n°57 : “Aujourd’hui, (...) nous sommes heureux de déclarer la capacité opérationnelle initiale de la BMD de l’Otan.”, puis n°59 “destinée à assurer la défense contre des menaces potentielles n’émanant pas de la zone euro-atlantique”.

L’Otan opère la même distinction que la France entre dissuasion et défense sol-air suivant des principes précisés en 2012. Les systèmes Otan de défense antimissile en Europe ne sont pas dirigés vers la Russie et ne peuvent donc porter atteinte à la stabilité stratégique en affaiblissant les capacités de dissuasion stratégiques russes. L’Otan privilégie la défense sol-air de théâtre et non de territoire.

La DAMB de l’Otan fonctionne grâce aux contributions nationales volontaires, seuls les systèmes de commandement et de contrôle sont admissibles au financement commun des Alliés. Le centre de commandement de la DAMB de l’Otan se trouve sur la base aérienne de Ramstein, en Allemagne. La Turquie héberge un radar AN / TPY-2 à Kürecik. La Roumanie et la Pologne hébergent des systèmes Aegis Ashore, adaptation terrestre du système d’armes naval Aegis.

b.   La problématique d’un déficit capacitaire persistant et préoccupant

L’Alliance souffre d’un déficit capacitaire important du fait du non-respect des engagements et efforts consentis par les Alliés dans le cadre de cette mission. Il y a urgence à renforcer l’efficacité des systèmes disponibles et consolider les trajectoires capacitaires envisagées dans ce cadre.

Si les États-Unis restent le premier contributeur dans ce domaine, il est évident que la France a un rôle à jouer dans cet effort commun. Vos rapporteurs tiennent à souligner que notre pays honore ses cibles capacitaires et respecte ses engagements, dans la loi de programmation militaire nationale certes, mais également dans le cadre du processus Otan de planification de défense (NDPP). Le prochain cycle de NDPP prévoit d’intégrer les difficultés de l’Alliance à respecter sa trajectoire tout comme l’évolution significative de l’état de la menace pesant sur le territoire euro-atlantique.

c.   La défense sol-air, un domaine sensible soumis à une forte réglementation et nécessitant un commandement otanien complexe et un nécessaire consensus régional

Les dispositifs sol-air sont politiquement sensibles du fait des lourdes responsabilités et du potentiel de dommages collatéraux intrinsèques à leur utilisation. Les tirs fratricides sont également un risque notable. Les missiles sont des objets employés avec une attention toute particulière et soumis à des traités internationaux de contrôle et de limitation des armements qui ne cessent d’évoluer. Pour illustrer ce point, le Traité ABM (Anti-Ballistic Missile), signé à Moscou en 1972 dans le cadre de négociations pour la limitation des armes stratégiques, suit le principe d’établir un lien entre la limitation des armements stratégiques défensifs et des armements offensifs dans le but de limiter la course aux missiles intercontinentaux. Il a pour objet d’interdire l’installation d’un système de défense antimissile sur l’ensemble des territoires mais l’autorise autour d’un site particulier comme la capitale ou un site de lancement de missile. Les États-Unis ont officialisé leur retrait de ce traité en juin 2002, perturbant d’une certaine manière l’équilibre stratégique qui avait été induit. Également, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), ratifié en 1988 par les États-Unis et l’Union Soviétique, prévoit l’élimination des missiles sol-air de croisière et balistiques à charge conventionnelle ou nucléaire avec une portée entre 500 et 5 500 kilomètres. L’extinction de ce texte et des engagements qu’il suppose est officialisée en 2019 lors du retrait des États-Unis.

Par ailleurs, l’espace aérien lui-même fait l’objet d’une réglementation précise. La délimitation entre zones souveraines et zone internationale s’impose aux Etats qui adoptent une attitude marquée par la retenue. Ainsi, il est difficile de mener cette mission de sécurité sans l’existence d’une articulation conceptuelle poussée. Au sein de l’Alliance, la responsabilité collective nécessite un encadrement renforcé et précisé de la mise en œuvre des systèmes de défense afin de garantir le fonctionnement optimal du dispositif.

Certains évoquent la nécessité de la mise en place d’un centre de commandement et de contrôle avec une vision unique ainsi que des règles d’engagement précises et partagées par l’ensemble des pays membres de l’Otan. En effet, les corpus juridiques nationaux peuvent être très différents en matière d’engagement des défenses sol-air et de classification des menaces. La décision d'engagement suppose ainsi un important travail préalable de définition des responsabilités politique et juridique.

3.   L’European Sky Shield : une initiative unilatérale aux justifications incohérentes et peu respectueuse de la souveraineté européenne

Jeudi 13 octobre 2022 a été signée une déclaration d’intention entre 15 pays (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Estonie, Finlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Slovénie) pour l’achat commun de systèmes anti-aériens, programme appelé « European Sky Shield Initiative » (ESSI) ou encore « bouclier anti-aérien européen ». Le projet n’est pas limité aux pays membres de l’Otan, comme l’illustre l’implication de la Finlande. L’Allemagne évoque la nécessité de « renforcer le pilier européen de l’Otan » lors du discours de Prague le 29 août 2022. La Pologne, le Danemark, la Suède, tout comme l’Italie, l’Espagne ou encore le Portugal n’ont pas pris part à cette initiative.

Sans pouvoir être désigné comme un réel « bouclier européen », cet instrument se limite pour l’heure à une déclaration d’intention pour une mutualisation des achats de systèmes de défense sol-air, dans le but d’augmenter la capacité des États européens à contribuer à la défense du continent dans le cadre de l’Otan. La procédure d’achat groupé est censée permettre aux membres participants de bénéficier d’économies d’échelles sur l’acquisition de trois systèmes : l’Iris-T SLM allemand, le Patriot (MIM-104) américain et l’Arrow 3 israélo-américain. Dans un second temps, la mise en œuvre des systèmes relèverait des nations acheteuses, dans un cadre purement national ou Otan et non dans une architecture ad hoc. Cette initiative ne constitue pas une politique de création d’une capacité européenne de laquelle la France serait exclue.

L’initiative allemande a été mal accueillie - tant au niveau national qu’à l’échelle de l’Otan. N’ayant pas été proposé à l’ensemble des membres de l’Alliance, le projet n’est que peu évoqué à Bruxelles. Répondant à un besoin capacitaire identifié au sein de nombreux pays européens, vos rapporteurs attirent l’attention sur le fait que ce dispositif n’est pourtant pas exempt de critiques légitimes sur un certain nombre d’aspects.

– Cette initiative est tout d’abord incomplète: en ne se concentrant que sur l’aspect “interception” de la menace, elle omet les volets “alerte” et “détection”. Par ailleurs, l’ESSI ne considère uniquement les solutions capacitaires sur étagère, sans prendre en compte la recherche et le développement - permettant pourtant de s’adapter à l’évolution de la menace ou de renforcer l’interopérabilité des systèmes d’armes. Les aspects doctrine, formation et entraînement sont autant de potentiels champs de coopération européens qui ne sont pas mentionnés. L’offre sur catalogue empêche toute adaptation aux besoins spécifiques - capacitaire, de formation, d’évolution - d’une Nation.

– La place inexistante des solutions européennes (en services ou en développement), pourtant nombreuses et performantes sur l’ensemble des segments de la défense sol-air, contre une promotion de produits américains et israéliens est déplorable. Dans un champ capacitaire aussi stratégique, il est fortement regrettable que l’initiative allemande ne privilégie pas les capacités fournies par une BITD européenne, autre que son propre système Iris-T. Le dossier d’une coopération avec l’Allemagne sur le SAMP/T n’a pas été instruit de façon objective depuis 2012.

– Proposer l’Arrow 3 est particulièrement incohérent. Ce système performant ne répond à aucune menace actuelle ou en développement dans l’environnement stratégique de l’Allemagne - et de l’Europe -, ayant été conçu par et pour Israël en réponse à une menace spécifique, il n’est pas en conformité avec la doctrine de l’Otan et non-interopérable avec la chaîne de commandement. Cette proposition pose un problème évident de cohérence avec le cadre IAMD de l’Otan en plus d’être en adéquation imparfaite avec le besoin sécuritaire.

– Les engagements allemands concernant les économies d’échelle prévues sont à ce jour purement théoriques, de même que la signature de la lettre d’intention de participation au dispositif ne vaut pas engagement définitif. Par ailleurs, les délais de production et de livraison de ces systèmes complexes ne permettent pas de répondre à l’urgence pourtant affichée par Berlin.

Cette initiative est donc caractérisée par une réponse partielle aux menaces, un refus assumé de contribuer à développer une souveraineté européenne - avec comme principal objectif de former un club d’acheteurs Patriot européen sous leadership allemand et d’encourager l’exportation de ses Iris-T -, un calendrier à court terme dicté par l’Allemagne préoccupée par la nécessité d’engager ses crédits au plus tôt dans le cadre du plan d’investissement de 100 milliards d’euros, et l’absence de vision sur la couche C2 d’ensemble.

La France doit pouvoir encourager la promotion des solutions françaises et européennes au sein de l’Alliance ainsi que sa vision de l’interopérabilité, renforcer et développer ses coopérations fructueuses dans le champ de la défense sol-air - principalement italienne et britannique - en ouvrant les participations à ses propres projets, et préparer l’avenir de la lutte contre les menaces hypersoniques en Europe. La DGRIS est pleinement impliquée dans l’élaboration d’une juste réponse à cette initiative unilatérale et lacunaire.


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   Deuxième partie : enjeux et défis de la défense sol-air

A.   La défense sol-air devenue un élément stratégique en France et en Europe

1.   Grands événements, remplacement des systèmes en fin de vie : des échéances pour la France

 

a.   Les JO 2024 ou l’opportunité d’une mise à niveau en matière de LAD

Dans le cadre de sa mission permanente de défense aérienne, l’Armée de l’air et de l’espace, au travers du CDAOA, a la responsabilité de la protection aérienne des JOP 2024. Parallèlement, le CDAOA a été désigné par le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) comme intégrateur et coordinateur interministériel de la LAD pour les grands événements. Prenant pour illustration les 20 heures de lutte antidrones réalisées sur le 14 juillet 2022, le défi consister à assurer les 200 heures de LAD réparties sur 10 sites pour la coupe du monde de rugby en 2023 puis les 4 000 heures sur 40 sites pour les JOP 2024. Cette montée en puissance est suivie dans le cadre d’une planification définie et présentée à la délégation interministérielle aux JOP (DIJOP) qui permettra d’atteindre les objectifs fixés.

Le général Faury, commandant la Brigade Aérienne de la Posture Permanente de Sûreté aérienne, (BAPPS, ou police du ciel), a été nommé Chef de projet “Protection aérienne des jeux olympiques” et rend régulièrement compte aux autorités civiles et militaires de l’avancement des préparatifs (DIJOP, Coordination Nationale pour la Sécurité des Jeux olympiques (CNSJ), Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO), Gouverneur militaire de Paris, Préfecture de Police de Paris). Un groupe de travail dédié à la sécurité et sûreté aérienne est mené par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) ainsi qu’un sous-groupe de travail animé, lui, par l’armée de l’Air et de l’Espace.

 Deux types de menaces aériennes sont pris en compte pour les JOP 2024 : la menace aérienne classique tout d’abord, incarnée par les avions de ligne, avions militaires, l’aviation légère, et la menace drone. La première prévoit d’être traitée par la chaîne d’engagement de la PPS-Air sous la responsabilité de la Première ministre ; la seconde fait l’objet d’une coordination entre différents acteurs de la LAD autour d’un dispositif unique, robuste et performant. Jugée la plus probable et dangereuse à l’occasion de l’événement, la menace drone implique des travaux innovants tant sur le plan réglementaire que capacitaire, notamment avec la DGA, pour les forces armées françaises.

 La défense aérienne sera pilotée depuis Lyon, en lien étroit avec Paris. Organisée depuis Paris, la LAD prévoit d’être structurée à trois niveaux - national, zonal, local - afin de prendre en compte toutes les spécificités de cette mission et d’assurer un traitement instantané de la menace. Chaque site à protéger disposera d’un élément de cette structure de commandement auprès des autorités civiles, lui conférant autonomie et capacité d’interaction avec les autres niveaux. La coordination numérique de la LAD sera faite grâce à un outil de supervision des vols et de détections de drones (Single Air Picture, SAP) capable d’agréger les flux de différents systèmes LAD et disponible dans chaque structure de commandement civile et militaire. SAP permet d’intégrer la surveillance de la menace drone à la surveillance aérienne globale.

 La prévention de la menace drone nécessite la démultiplication des capacités françaises. Tous les événements permettant de monter en puissance seront utiles et mis à profit pour tester et valider les structures de commandement ainsi que les outils restant à acquérir par les différents acteurs composant le dispositif de sécurité.

Parmi eux, la protection d’un match du tournoi des 6 Nations au Stade de France en mars 2023, le Salon international de l’Aéronautique et de l’Espace en juin 2023, la cérémonie du 14 juillet 2023, la Coupe du monde de Rugby en septembre et octobre 2023, l’exercice Coubertin 2 en novembre 2023, qui se concluront par un entraînement puis une qualification du dispositif de LAD et de défense aérienne au premier trimestre 2024. Un RETEX de la Coupe du monde au Qatar est programmé en ce mois de février 2023.

Pour assurer l’ensemble des missions de protection nécessaires avec les moyens dédiés, le cadre réglementaire actuel ne suffit pas. Vos rapporteurs notent que l’autorisation d’emploi des moyens de neutralisation, telles les armes laser, devront faire l’objet de textes inscrits en LPM ou dans le projet de loi dédié aux JOP24. De plus, il sera nécessaire de réquisitionner des ressources humaines formées sur la période.

 

Tableau présentant le dispositif de sécurisation aérienne, qui sera confirmé au printemps 2023 et ajusté en fonction de l’expérience de la Coupe du monde de Rugby comme de l’évolution de la menace

 

 

Lutte antidrones

Défense sol-air

Hélicoptères Fennec et patrouille PC 21

Chasse PPS

Cérémonie d’ouverture

13 Systèmes lourds

 

60 Systèmes légers

 

Guets à vue

 

 

2 SAMP/T

2 Crotale

Renforts de détection radar

 

Fennec: 4 en vol 

PC 21 : 4 en vol 

Hélicoptère de manœuvre : alerte au sol ou en vol

 

Détection aéroportée (AWACS)

Drone Reaper

PPS : au moins 2 chasseurs en vol

Cérémonie de clôture

Fennec : 2 en vol

PC 21 : 2 en vol

 

Paris

Fennec et PC 21 : patrouilles quotidiennes et alerte au sol

Drone Reaper [14h00-22h00]

Chasse : alerte au sol

Marseille

Nil

Fennec: alerte au sol et patrouilles quotidiennes

Chasse : alerte au sol

La sécurisation aérienne et antidrone des JOP24 revêt un fort enjeu pour la France d’être un acteur de référence dans le domaine en réussissant la prise en compte de cette menace croissante au-delà des JOP 2024. Par ailleurs, elle permet déjà de consolider les liens entre les différents acteurs de la LAD.

Dans le cadre de la menace drone, les attaques saturantes et la résistance aux capacités traditionnelles de défense doivent encourager l’adaptation des outils sol-air

Les attaques saturantes mettent à l’épreuve l’ensemble de la chaîne de défense sol-air, depuis la détection jusqu’à la destruction d’un objet hostile. La soutenabilité de l’engagement est un élément majeur : la nécessité d’être en mesure de réapprovisionner les systèmes de défense sol-air, au même rythme que les attaques, s’accompagne de l’importance de la priorisation des zones ou des points à défendre - qui peuvent être de nature stratégique ou tactique. Un dispositif multicouche ainsi qu’un C2 efficace, permettant d’attribuer au meilleur effecteur la cible à traiter, en fonction de ses caractéristiques et de la nature de ce qu’on protège, sont des éléments essentiels. Pour traiter des essaims de drones de petite taille, le brouillage et les futures armes à énergie dirigée, évoquées plus précisément ci-après, permettraient d’agir sur un ensemble de drones simultanément, tant qu’ils sont regroupés.

L’accès démocratisé à ce qui était de la haute technologie, la miniaturisation, les technologies nouvelles (5G) sont autant de paramètres qui font que la menace drone se diversifie tout en se complexifiant. Ainsi, certains mini-drones sont déjà équipés de centrales à inertie permettant la programmation d’une trajectoire et donc d’un objectif, en les rendant insensibles au brouillage du signal GPS ou de la télécommande du drone. Certains drones présentant, eux, une certaine furtivité ou sont simplement trop petits pour pouvoir être détectés assez tôt.

Des exercices d’entraînement à la neutralisation d’une attaque saturante sont prévus. La LAD est une course permanente à l’innovation, pour laquelle les armées investissent massivement.

Il convient finalement de souligner la force et l’efficacité des réseaux du renseignement français qui contribuent au continuum de la sûreté aérienne. Une note d’évaluation de la menace aérienne est partagée entre les différents services de renseignement. Les progrès réalisés dans ce périmètre depuis 2015 permettent aujourd’hui d’affirmer que la préparation d’une attaque de grande ampleur sur le territoire national est forcément anticipée par les services.

b.   Le remplacement progressif des systèmes Crotale à partir de 2026, un enjeu crucial pour le maintien de la capacité française multicouches

Le besoin de remplacer le Crotale NG, d’assurer la pérennité du Mistral 3 et de répondre à l’évolution de la menace rend nécessaire le lancement d’un nouveau système de défense sur le segment sol-air basse couche d’ici fin 2024 à début 2025. Ce renouvellement capacitaire est une réelle priorité de l’armée de l’Air et de l’Espace et prévoit d’être un objet de débat important dans le cadre de la prochaine LPM.

Ce système aura pour caractéristiques principales sa résilience et sa capacité à engager à courte portée les menaces aériennes dans un contexte de haute intensité, en espace non ségrégué. Le principal enjeu sur l’effecteur sol-air basse couche (et sa chaîne d’engagement) sera de développer un missile à un coût adapté, doté de performances suffisantes pour contrer des cibles difficiles (faible signature, cibles durcies, attaques saturantes). Après la phase de « concept », notifiée par la DGA fin 2022, et dont l’objectif est d’augmenter la maturité des technologies clefs qui sous-tendent la solution, il sera nécessaire d’initier dès 2024 un programme de démonstration et de réduction de risque, puis de lancer en 2027 le développement du système, afin d’assurer une mise en service en 2033. Le programme sol-air basse couche participe aux exigences de souveraineté de la France. La solution industrielle discutée actuellement permet le maintien des compétences de MBDA, Thales LAS, Safran et Roxel. La recherche d’un coût maîtrisé de la munition, pour contrer les attaques saturantes, obligera à la recherche de ruptures technologiques par éventuellement l’introduction de technologies duales.

La solution VL MICA (munition et son lanceur) a été choisie par la DGA comme l’effecteur intérimaire pour remplacer le missile Crotale lors de son retrait du service en attendant l’arrivée du futur système sol-air basse couche. Ce choix en solution intérimaire fait l’objet d’un marché pour une étude de levée de risque d’un an, qui n’a pas encore été notifié. L’équilibre entre l’utilisation d’équipements qui existent - ou sont déjà en développement - et la synergie avec la feuille de route sol-air basse couche est un objectif clair, pour l’optimisation du budget de l’opération.

Dans une approche multicouche, il conviendra par ailleurs de traiter, dans la LPM, le remplacement des systèmes de commandement et de détection NC1-30 de l’armée de Terre, qui arrivent à obsolescence en 2025 et portent la moitié de la capacité C2/détection de la DSA Terre.

2.   Pour une meilleure protection du territoire européen: la nécessité de renforcer nos partenariats industriels et encourager les projets en coopération

a.   Des partenariats de défense à encourager

Face aux difficultés récentes rencontrées dans le cadre de la construction d’une capacité de défense européenne, vos rapporteurs estiment que la France doit s’appliquer à entretenir et renforcer les partenariats industriels qu’elle juge efficaces et fructueux. De même, l’exclusivité de l’ESSI telle que proposée par l’Allemagne incite à penser notre propre positionnement et, peut-être, notre capacité à fédérer certains acteurs autour d’une alternative cohérente.

     Pour assurer la rentabilité des activités de notre BITD, nous devons chercher des partenaires pour partager les coûts de développement et la charge industrielle. Cela permet de maintenir notre masse critique, tout en motivant nos partenaires à entretenir nos relations. Il convient de prêter attention à la préservation de notre autonomie stratégique en s’assurant que les dépendances mutuelles choisies sont pertinentes et responsables, tout comme de garantir notre capacité à l’export vers nos partenaires stratégiques.

En matière de défense sol-air, la coopération franco-italienne - en l’entité d’Eurosam - est particulièrement bénéfique. Les missiles sont historiquement au cœur de la relation bilatérale d’armement, portés par la structure industrielle qu’est MBDA. L’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr), par délégation de la DGA pour la France et son équivalent italien (SEGREDIFESA) a notifié, le 30 décembre 2022, à Eurosam un contrat pour la production de près de 700 missiles Aster pour un montant d’environ 2 milliards d’euros. Cette commande concerne les versions Aster 15 et Aster 30 B1 pour les bâtiments de la Marine nationale, de la Marine et de l’armée de l’Air italiennes, ainsi que la dernière version Aster 30 B1NT en cours de développement au profit de l’armée de l’Air et de l’Espace (SAMP/T NG) et de l’armée de Terre, de la Marine et de l’armée de l’Air italiennes. Cette acquisition commune traduit la volonté des deux pays de poursuivre cette coopération historique, dans un domaine stratégique, et contribue au maintien et renforcement des compétences industrielles européennes dans ce secteur clef ainsi qu’à la participation volontaire à la protection des forces de l’Otan.

Dans le cadre du traité du Quirinal, il serait intéressant que la France et l’Italie s’attachent à promouvoir, ensemble, les solutions européennes existantes en matière de défense aérienne et antimissiles en valorisant les systèmes déjà développés au niveau national (Mistral / VL Mica, CAAM/CAAM-ER, SAMP/T NG), et en capitalisant sur plus de trois décennies de coopération réussie dans le domaine de la défense aérienne élargie.

La coopération franco-britannique est également active en matière de défense sol-air très courte portée, par le biais des activités de Thales UK et le missile Martlet ou LMM (Lightweight multi-role missile). Le Royaume-Uni nous a rejoint sur le missile ASTER 30 B1, et est impliqué dans la phase d’évaluation devant aboutir à une décision concernant l'équipement de ses frégates T45 de missiles ASTER 30 B1NT.

Par ailleurs, les besoins en défense sol-air des pays Baltes, à l’origine de différents appels d’offre, suscitent l’attention des industriels français et sont une opportunité de coopération intéressante.

b.   Une nécessaire amélioration de la capacité de détection, en particulier pour la protection du flanc sud

La situation sécuritaire en Méditerranée incite à la plus grande prudence. Les pays européens doivent pouvoir se prémunir de toute attaque provenant du flanc sud. Dans cette perspective, disposer d’une bonne capacité de détection au sein d’un système de défense sol-air est tout aussi crucial qu’un effecteur adapté à la menace visée ou qu’un module de coordination efficace pour optimiser l’ensemble des moyens. L’objectif est de détecter les mouvements en basse altitude et au plus tôt afin de pouvoir intercepter les missiles avant qu’ils ne soient en phase terminale.

En France, pour ce qui concerne la veille lointaine ou spatiale, un démonstrateur de radar très longue portée a été réalisé. Les technologies développées serviront au successeur du radar GRAVES qui assure la surveillance des mobiles spatiaux et dont la modernisation s’inscrit dans l’ambition spatiale française. Les technologies permettant des détections lointaines (radars émettant en bande ultra-haute fréquence (UHF) et autres) sont donc considérées avec attention par les armées, bien que n’était pas les seules à contribuer à ce qu’on appelle la veille longue distance - les capacités d’observation spatiale par un réseau de satellites sont également utilisées.

Un grand radar transhorizon (donc fonctionnant dans la bande haute fréquence (HF)), présente plusieurs défauts. Le fonctionnement transhorizon dépend des conditions de propagation et n’est pas assuré en permanence. En réalité, sa précision est faible. La solution est plutôt dans la combinaison d’une observation spatiale avec un réseau de radars au sol. Les radars UHF sont de bons candidats car ils combinent une longue portée avec une capacité de détection de petites cibles. Les observations d’un ou de plusieurs radars UHF opérant en réseau seront plus précises et robustes que celles d’un radar HF et la permanence d’observation sera assurée. La fonction C2 est centrale dans le dispositif: pour préparer les missions, assurer la programmation optimale des ressources d’observation radar et spatiales au travers d’un réseau de communication rapide et résilient, fusionner les données et fournir les éléments aux différentes chaînes de diffusion des alertes et, le cas échéant, d’interception.

Le programme européen Odin’s Eye (multinatiOnal Development INitiative for a Space-based missilE earlY-warning architecturE), fait partie des projets sélectionnés dans le cadre de l’European Defence Industrial Development Programme (EDIDP) 2020. D’une durée de 24 mois, il bénéficiera d’une contribution maximum de 7,8 millions d’euros. Ce projet, coordonné par OHB (Allemagne) et Airbus - auquel participent également ArianeGroup, Thales et l’ONERA - prévoit de répondre aux ambitions de détection précoce de tout type de menace, à l’aide à l’identification de la menace ainsi qu’à la problématique de l’attribution du pays lanceur. En temps de paix, l’alerte avancée permet par ailleurs de surveiller la prolifération nucléaire. Ce dispositif offrira une vision optique depuis l’Espace vers la Terre de manière permanente. En plus de la coopération menée avec les Américains - notamment au sein de l’Otan -, les Européens ont désormais la volonté d’acquérir une capacité agile et souveraine qui complètera le spectre de détection. Cela fait partie des priorités du volet spatial du Fonds européen de Défense (FED).

c.   Le défi posé par le volet “interception” de la menace hypervéloce

L’hypervélocité est un défi majeur pour l’industrie militaire. Les missiles hypersoniques en tant que balistiques tactiques peuvent être de nature offensive (frappe dans la profondeur) comme défensive (déni d’accès). Propulsés dans l’espace par leur booster à des vitesses extrêmement importantes, les planeurs peuvent rebondir sur les couches hautes de l’atmosphère, zones dans lesquelles il est très difficile aujourd’hui de les repérer et de les intercepter par des systèmes de défense les plus sophistiqués. Ils sont ensuite manœuvrables jusqu’à la zone d’impact. La capacité des nouveaux et futurs vecteurs à évoluer à des vitesses très élevées, à manœuvrer et à rester dans l’espace exo-atmosphérique ou bas exo-atmosphérique complique leur détection et réduit considérablement le délai de réaction. Cela amplifie leur aptitude à pénétrer les espaces défendus.

Ce type de système nécessite la maîtrise de technologies réservées aux puissances nucléaires et spatiales. Des études sont en cours pour identifier les technologies et les moyens permettant de contrer ces nouvelles menaces.

Une capacité initiale d’interception de cibles hypersoniques en phase terminale est étudiée par Thales dans le cadre d’une évolution possible du SAMP/T NG et l’équipement d’un radar GF-300, implantable dans le standard OC2 (portée maximum de 1 500 km). Il s’agit potentiellement d’une défense de point face à des menaces dont les trajectoires présentent des similitudes avec celles prises en compte par le SAMP/T NG.

Un projet d’intercepteur endo-atmosphérique appelé TWISTER est porté par MBDA dans le cadre de la Coopération Structurée Permanente (CSP) de l’Union Européenne. Il constitue, avec l’alerte avancée spatiale, l’un des deux piliers du projet. Il vise à développer en coopération européenne un missile endo-atmosphérique multi-rôle, Aquila, capable de protéger les forces et unités projetées ainsi que les sites sensibles contre les menaces hypersoniques à l’horizon 2035. Après l’annonce de l’ESSI, il sera intéressant de voir les suites données par l’Allemagne à la mise en œuvre du projet TWISTER.

La défense antimissile hypersonique est le sujet le plus ambitieux du FED à ce jour, le plus doté (100 millions d’euros de subventions) et totalement en phase avec le contexte géostratégique actuel. Il est toutefois un sujet révélateur de plusieurs faiblesses des instruments européens et des leçons à tirer pour l’avenir.

La coopération structurée permanente se révèle, tout d’abord, être un cadre d’harmonisation de la demande sous-optimal : le volet “intercepteur” du projet, dont MBDA avait été désigné coordinateur, a souffert de l’initiative espagnole de soutenir un projet concurrent. Ce dernier, appelé EU HYDEF (European Hypersonic Defence Interceptor), a été retenu pour le FED. La coordination a été confiée au groupe espagnol SENER Aeroespacial.

Par ailleurs, l’articulation entre CSP et FED ne répond à aucune règle. La CSP s’inscrit dans un cadre intergouvernemental, il revient donc aux Etats participants à un projet CSP de décider du lien avec un projet FED afin de permettre l’attribution de bonus de financement par la Commission.

Enfin, la mise en oeuvre du FED prévoit un processus d’évaluation suscitant beaucoup d’interrogations : la capacité d’une mise en perspective politique des projets, la capacité à évaluer les sujets techniquement pointus et la crédibilité industrielle et adéquation au besoin opérationnel d’un projet, la prise en compte des engagements budgétaires des nations participantes en tant que gage de crédibilité et la prise en compte des risques de fragmentation industrielle.

MBDA a donc décidé de porter recours contre la décision de la Commission Européenne de retenir la proposition espagnole au nom du FED et est déterminé à poursuivre son projet (HYDIS) dans un cadre intergouvernemental, au sein de l’OCCAr, sur financements nationaux. Ce recours fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne depuis le 9 janvier dernier.

Les études européennes font actuellement l’impasse sur la chaine C2. En France une ETO en cours est portée par le programme MASD/SMADAM, avec une orientation principalement navale. Les problématiques telles de la capacité d’alerte multi-senseurs, de désignation d’objectif et de guidage sont identifiées. C’est en se reposant sur une collaboration efficace de senseurs multi-milieux hétérogènes que la capacité pourra être atteinte. Il est impératif d’intensifier les études de la chaine C2 anti-hypersonique complète, depuis le niveau ACCS de l’OTAN, intégrant par les éventuels C2 nationaux d’alerte avancée, jusqu’au modules d’engagement des systèmes d’armes. Cette étude de niveau système intégrant les capacités des senseurs et des effecteurs est essentielle pour maitriser l’emploi et les effets en y associant dès le début les contraintes opérationnelles (latence, chaine de décision, bande passante).

Par ailleurs, une étude dénommée Hypotenuse a été commandée par l’Agence européenne de Défense (AED) à un consortium constitué de 10 partenaires européens et est en cours de réalisation depuis avril 2022. On note la participation de l’Office National d’Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA) et de l’Institut Saint-Louis (organe binational, franco-allemand) pour la France, aux côtés des groupes allemands et italiens Hensoldt, Fraunhofer, Leonardo et MBDA. Ensemble, ils se penchent sur les technologies de détection, reconnaissance et suivi des armes hypersoniques et les technologies permettant de les contrer. Ses conclusions sont attendues pour mars 2023 et devraient permettre la fourniture d’une feuille de route de travaux de recherche européens à mener pour combler les retards technologiques en complément des projets déjà en cours sur ce sujet.

d.   La gestion du trafic des drones dans le ciel européen : un chantier majeur

La démocratisation du drone implique une adaptation des méthodes de surveillance et de gestion du trafic de tout type d’aéronefs afin d’assurer la sécurité du territoire européen. Le dispositif U-Space, mis en oeuvre en janvier 2023, est un outil dédié à la gestion numérique du trafic aérien des drones, parfaitement intégré à la défense aérienne nationale. Cette solution complète le cadre réglementaire appliqué à l’utilisation des drones en renforçant la sûreté de leur usage et la protection de l'environnement ainsi que de la vie privée. Cela permet d’aider l’intégration en toute sécurité des drones avec l’aviation habitée en Europe. Les espaces aériens témoignant d’un besoin particulier lié aux drones peuvent ainsi bénéficier d’un espace “U-Space” ouvrant à un ensemble de services numériques fournis en ligne aux exploitants de drones.

 

Les ballons espions, une nouvelle forme d’entrave à l’efficacité des systèmes de défense sol-air?

A l’ère des drones furtifs et des satellites de pointe, la présence d’un ballon espion chinois dans le ciel américain a pu surprendre. Il a été abattu le 3 février une fois au-dessus de l’Atlantique afin de ne causer aucun dommage collatéral. L’utilisation de ballons intercontinentaux à haute altitude est ancienne mais renaît aujourd’hui avec des visées scientifiques. Pouvant monter à 40 kilomètres d’altitude, ils sont un moyen d’étudier l’atmosphère. Aux Etats-Unis, le groupe World View développe ce type d’appareil pour le Pentagone et la NASA. Baptisés Stratollites, leurs ballons peuvent abriter caméras thermiques, radars, capteurs ou encore panneaux solaires. Ces ballons sont l’llustration des progrès réalisés dans le champ de la miniaturisation de l’électronique et ont désormais l’avantage d’être presque indétectables pour les systèmes de défense antiaériennes en étant capables de voler au-dessus de la zone délimitée de souveraineté aérienne, située à environ 22 kilomètres d’altitude. Ces ballons espions semblent ainsi représenter une alternative intéressante aux drones et autres avions furtifs ainsi qu’aux satellites en orbite basse ou géostationnaires qui sont soumis à la rotation de la terre et se concentrent sur un point précis. La portion de l’espace atmosphérique entre 20 et 100 kilomètres d’altitude est vouée à mobiliser de plus en plus d’attention et d’investissements de la part des grandes puissances, et une évolution de la réglementation de l’espace aérien et de l’espace pourrait voir le jour. L’armée de l’Air et de l’Espace doit remettre une feuille de route stratégique au chef d’état-major des armées cet été sur le sujet.

 

B.   Le nécessaire réinvestissement dans la défense sol-air

1.   Le coût à l’engagement des systèmes de défense sol-air, entre nécessaire investissement et recherche d’efficacité

a.   L’évaluation cruciale du rapport coût-bénéfice, en termes capacitaires

La notion de coût à l’engagement prend de plus en plus d’importance avec la généralisation de la menace à bas coût, drones ou munitions télé-opérées. L’enjeu du rapport de coût est avant tout lié à la soutenabilité de l’action militaire dont les stocks ne peuvent facilement être réapprovisionnés, dans un contexte potentiel de haute intensité. Il s’agit donc, pour les systèmes d’armes actuels et à venir, de maîtriser ce coût - excessivement élevé pour des munitions qui sont censées ne jamais servir, si l’on se protège bien mais sont nécessaires pour s’engager sereinement dans la haute intensité. La défense sol-air passe donc par une combinaison de moyens haut/bas du spectre, et doit pouvoir être assurée grâce à des éléments réutilisables, dont le coût d’emploi est incomparable avec celui des effecteurs cinétiques.

Les drones intercepteurs (de type impact, filet ou brouillage) sont également une piste intéressante, caractéristique de l’innovation de défense. En plus d’avoir un coût proportionné, ils sont potentiellement réutilisables et permettent de soustraire la menace de la zone d’effet et d’ainsi modérer l’impact sur l’événement à protéger (interruption, évacuation du public, etc.) ou d’éviter les dommages collatéraux. Sept projets de drone intercepteur de drone ont été présentés à l’Agence d’innovation de Défense (AID). Cette proposition pourra être incorporée au système PARADE afin de renforcer son efficacité face à l’évolution de la menace.

Il est enfin nécessaire de rappeler l’importance de la capacité de détection et d’identification des menaces dont l’efficacité permet d’éviter un engagement inutile.

Cet enjeu d’efficience n’est pas le seul à prévaloir. L’efficacité pure est cruciale : une cible doit parfois être détruite quel qu’en soit le prix. Le potentiel d’impact psychologique immesurable des armes à bas coût justifie la mobilisation de moyens importants. Progresser en efficacité est un objectif fort mais c’est bien la finalité de l’action qui oblige. Par ailleurs, il est essentiel de considérer l’effet positif des investissements capacitaires garantissant une défense suffisante sur le moral des forces armées comme de la population. La menace que représentent les attaques aériennes est sérieuse et se caractérise par un fort potentiel de traumatisme de la population. Cela suffit à justifier les efforts à mener pour la défense antiaérienne et antimissiles du territoire.

 

 

Les réussites annoncées de la défense anti-aérienne ukrainienne mobilisent des statistiques invérifiables, et sont dont à prendre avec précaution, mais cette communication a une finalité morale nette. En permettant de montrer aux alliés l’utilité des systèmes fournis, elle contribue également à justifier ces prêts de stocks auprès de l’opinion publique. La réduction du volume des frappes russes parallèle à l’augmentation des systèmes disponibles de toute catégorie pour l’Ukraine accroît mécaniquement la capacité d’interception désormais estimée par le ministère de la Défense ukrainien à un niveau de 80 %.

b.   Les armes à énergie dirigée, une innovation décisive pour se prémunir des menaces futures

Les armes à énergie dirigée sont un système capable de transmettre dans une direction voulue une énergie sans intermédiaire macroscopique et conçu pour générer sur une cible des effets susceptibles de perturber son fonctionnement ou de la neutraliser (telles que définies par le Centre interarmées de concepts, doctrine et d’expérimentations, CICDE). Elles permettent donc d’atteindre une cible sans nécessiter de projectile, et présentent un potentiel de rupture significatif dans le domaine de la défense sol-air. En effet, dans leurs premières applications envisagées face aux petits drones, elles sont une façon de répondre à l’évolution de la menace, marquée par une insensibilité croissante au brouillage - qui est le mode principal d’action actuel, et apportent une réponse efficace aux menaces à bas coût envoyées en nombre, par leur coût marginal et la possibilité de répétitivité des interceptions.

Dans ce domaine, la France s’intéresse à la fois aux armes laser et aux armes électromagnétiques, avec des feuilles de route technologiques engagées (monter en puissance, améliorer la sécurité oculaire, etc.). La commande d’un premier démonstrateur laser antidrone qu’il est prévu de déployer en 2024 dans le cadre du dispositif de protection des JOP24 susmentionné est un complément intéressant des moyens plus classiques. Il prévoit un usage contre les drones à des distances cohérentes de leur détection, quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres selon leurs caractéristiques (taille, vitesse, manœuvrabilité, etc.). Des travaux sont menés par les industriels CILAS et Thales. Chez Thales UK, des partenariats sont étudiés avec des industriels européens pour la production dans le champ du laser de haute puissance.

Par ailleurs, Thales développe, avec le soutien de la DGA, un démonstrateur d’arme à énergie dirigée électromagnétique, intégrable dans PARADE (PTD Tuxedo).

Des projets de développement et de maturation des technologies associées de ces armes à énergie dirigée sont donc en cours. Une feuille de route dédiée - en cours d’écriture - explore les concepts d’emploi de ces armes, depuis la destruction jusqu’à la création de dysfonctionnement chez les systèmes visés, concepts qui permettront de préparer les systèmes d’armes de demain, en cohérence avec les capacités de systèmes d’armes plus traditionnels. Elle permettra surtout de coordonner les investissements conséquents qui seront consentis dans ce domaine, pour atteindre les niveaux de puissance nécessaires à plusieurs cas d’usage opérationnels, dont la défense sol-air.

c.   Les avantages trop longtemps oubliés et négligés de l’artillerie anti-aérienne

Face à une menace à bas coût et potentiellement saturante, il est également nécessaire de préparer des capacités anti-aériennes performantes à très courte distance et à un coût proportionné. Des études ont été initiées avec la DGA et les industriels afin d’élaborer des solutions d’artillerie anti-aérienne dotées de munitions spécialisées. L’enjeu majeur est de travailler sur les cas d’usage et les principes d’usage concernant l’artillerie: le système ARLAD est le fruit d’une adaptation pragmatique aux besoins de l’armée de Terre et une illustration de l’innovation dans l’utilisation du matériel.

Thales et Nexter ont développé une tourelle de défense contre artillerie, roquette et mortier (C-RAM) dotée d’un radar interne capable de détecter et cibler une menace aérienne en approche puis de la détruire avec un canon de 40mm. Un tel système monté sur un véhicule apporterait un complément utile aux forces sans représenter de surcoût logistique important et présentant l’avantage d’être déjà disponible. Le canon semble pouvoir représenter une solution à coût maîtrisé, avec une cadence de tir importante et une capacité à traiter plusieurs cibles par des munitions dédiées (dites airburst). Thales et Nexter développent conjointement le canon RAPIDFire (S40SA) avec munition A3B, une réelle rupture technologique qui incarne l’intérêt de l’artillerie antiaérienne avec la juste suffisance des consommations de munition, la sécurité des engagements et la précision pour le traitement des cibles et objectifs dans le domaine des portées et altitudes du canon terrestre et naval.

Le groupe Arquus offre également des solutions en termes de lutte antidrone avec la gamme de tourelleaux Hornet TM.

2.   Une priorité à la souveraineté stratégique: tirer profit des atouts français

 

     La vigueur et l’expertise de la BITD française en matière de défense sol-air est un atout à faire valoir. Les solutions qu’elle développe doivent pouvoir assurer l’autonomie stratégique de notre nation, jusque dans le cadre de coopérations alliées. La France doit faire l’effort d’investir afin de progresser en matière de souveraineté de ses sources. Cette maîtrise permet in fine d’éviter le risque de la problématique ITAR et de nous donner un avantage à l’export.

C.   Des efforts importants à traduire dans la prochaine LPM : les enjeux capacitaires, opérationnels et de ressources humaines

1.   Les enjeux capacitaires : une remise à niveau et un travail sur le volume et les innovations

 

a.   Pallier le manque d’épaisseur et prévenir l’érosion des compétences industrielles

Le manque d’épaisseur rend illusoire la réponse simultanée des hypothèses d’engagement redevenues crédibles. La défense sol-air ne dispose pas, aux yeux des rapporteurs, du volume de forces nécessaires pour soutenir, dans la durée, la totalité des contrats opérationnels qui lui sont fixés, notamment dans le cas d’un conflit de haute intensité. En cohérence avec la logique de développement et d’acquisition des matériels, la modernisation de notre capacité de DSA doit débuter dès maintenant. Elle devra intégrer les menaces d’aujourd’hui qui évolueront encore d’ici 2035, les nouvelles que l’on suppose ou sait se développer ailleurs et enfin celles qui nous surprendront. Ainsi, une capacité de dotation agile et réactive garantira l’efficacité de notre futur modèle de DSA (capacités « sur étagère », boucle programmatique rapide spécifique complétant le processus de développement des programmes d’armement « temps longs »). Un tel réinvestissement nécessitera du temps et présentera une contrainte de taille : son coût financier. En effet, les munitions des systèmes d’armes SA modernes, conçus pour engager les menaces haut du spectre sont en faible nombre et leur coût d’acquisition déjà très onéreux pourraient encore s’alourdir. Dans tous les cas, la DSA devra être calibrée en qualité et en nombre suffisants.

Les 8 SAMP/T Mamba disponibles ne permettent pas de réaliser l’ensemble des missions qui devraient pouvoir mobiliser 4 systèmes SAMP/T pour la protection de la dissuasion, dont l’Île Longue, 4 systèmes dédiés à la PPS Air et les DPSA et 4 systèmes permettant d’assurer la protection de la FOT. Ce décompte doit encore être revalorisé en intégrant les besoins liés à l’entraînement des forces et la garantie d’un bon fonctionnement des systèmes. L’armée de l’Air et de l’Espace exprime la nécessité d’une commande de 4 sections supplémentaires de SAMP/T Mamba ainsi que des missiles correspondants.

Le maintien des compétences sur le Crotale NG est une nécessité et élément majeur de préoccupation. Pérenniser la capacité courte portée au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace permettrait d’envisager avec sérénité et efficacité la protection multicouche. Le système sol-air basse couche a vocation à succéder aux Crotale NG actuels mais ne verra le jour qu’à l’horizon 10 ans. Le renouvellement du segment C2/détection de la DSA très courte portée, suite à l’obsolescence des NC1-30, et la modernisation des effecteurs (acquisition des tourelles MISTRAL sur châssis SERVAL) constituent le pivot vers les capacités futures.

Le nombre restreint d’armes moyenne portée et la fin de vie du système courte portée avec des stocks limités de munitions ASTER 30 et VT1 font peser de fortes tensions sur la capacité de l’armée de l’Air et de l’Espace à mener dans la durée une campagne de haute intensité dans le domaine de la défense sol-air. Le besoin d’aguerrissement en OpEx est primordial pour disposer d’une défense sol-air en mesure de répondre aux menaces actuelles. Ces évolutions militent pour consolider l’approche multicouches mise en oeuvre par les forces armées, en intégrant la dimension spatiale.

b.   Réinvestir pour ne pas être inéluctablement déclassés

L’absence ou un moindre degré de réinvestissement dans la DSA pourrait avoir des conséquences sur notre crédibilité lors d’un engagement interallié (refus de s’engager dans une opération dont la France est Nation-cadre faute de l’assurance d’une protection surface-air suffisante, refus de déploiement de nos systèmes si une autre nation cadre disposait d’une DSA plus performante). Le risque de déclassement de notre DSA va probablement s’accélérer dans les années à venir si bien qu’il devient primordial de réfléchir au réinvestissement dans notre système de défense surface-air tout comme au risque de soutenabilité technologique et financière qu’un tel effort pourrait susciter. Cela pourrait également conditionner notre capacité à s’intégrer dans une opération menée en coalition dont l’accès pourrait bien être conditionné à un niveau d’exigence qualitative de notre DSA à la hauteur des enjeux pour nos alliés/partenaires. Mais cela aura un poids budgétaire non négligeable.

Quels que soient les choix capacitaires futurs, une certaine masse de manœuvre minimale DSA est indispensable face à un ennemi puissant et disposant de moyens nombreux, cette masse participant à la préservation de son potentiel de riposte. L’investissement technologique ne doit pas être fait au détriment du volume de forces nécessaire que ce soit en termes de nombre de systèmes DSA ou en termes de stock de munitions. Les travaux de remontée en gamme de la DSA soulignent le besoin de rechercher le meilleur équilibre entre « rusticité/masse » et « moyens hyper-technologiques ».

Les arbitrages réalisés en fonction des contraintes financières et la dynamique de priorisation sont essentiels pour la remontée en puissance française en matière de défense sol-air. Une forte complexité de positionnement réside également dans le fait que la sécurisation excessive du territoire peut être perçue comme une forme de vulnérabilité. Cette remontée capacitaire doit enfin être adaptée à nos perspectives d’engagement: seul, en coalition ad hoc, en coalition Otan ? Les travaux menés dans le cadre de l’économie de guerre ont déjà permis d’élaborer des scénarios de remontée en puissance sur le sol-air de façon détaillée. Chaque jour passé est un jour perdu pour une remise à niveau de nos forces et de nos alliés stratégiques, qui prendrait entre 2 et 4 ans selon les produits considérés.

c.   Utiliser le levier technologique

Les technologies sur lesquelles il faut faire levier concernent les différents segments intrinsèques au sous-système de défense surface-air mais aussi extérieurs (satellites, radars externes, etc.), à savoir :

 Les systèmes de communication permettant le maillage informationnel et la mise en réseau des capteurs, des effecteurs et des décideurs afin d’optimiser le combat collaboratif M2MC pour la mission de défense surface-air. Il conviendra de ne pas oublier le fait que, pour fonctionner correctement, le système de défense anti-aérienne collaboratif aura d’importants besoins en connectivité que ce soit en matière de débit (même si cela reste maîtrisable) mais surtout en matière de latence. Plus généralement, les services d’information et de communication devront être à même de fournir un service « Plug and Fight » alors même que les systèmes en dotation supportent des protocoles différents selon des standards différents. Puisqu’ils représenteront, encore plus que maintenant, la clé de voute de l’architecture globale, il conviendra qu’ils soient extrêmement robustes et résilients. Enfin, les délais de mise en oeuvre des « éléments » du système (SIOC inclus) devront être réduits en conséquence afin d’accroître non seulement sa réactivité mais aussi sa survivabilité,

 Les capteurs et les systèmes de détection, d’identification et de suivi associés : il s’agit d’améliorer les capacités de détection en augmentant la distance de détection, le pouvoir discriminant et les taux de rafraichissement, en élargissant le spectre des fréquences des radars de défense aérienne, d’intégrer des radars basses fréquences (V/UHF) ainsi que des capacités de détection actives et passives (procurant plus de discrétion et une moindre vulnérabilité), dans les bandes visibles et IR, et enfin de multiplier les mises en réseaux avec toutes les capacités possibles (CIV, MIL, satellites, pseudo-satellites, cyber, croisement des bases de données de tous types, etc.) en réalisant des corrélations automatiques d’une extrême précision. L’objectif    minimal qu’il faut viser à l’horizon 2035 est de parvenir à une veille collaborative. Idéalement, il faudrait en plus parvenir à un suivi et une capacité d’engagement collaboratifs.

– Ensuite, les systèmes C2 : ils devront être intégrateurs multi-systèmes (moyens air-air, sol-air, capteurs, C2 tactiques de contrôle aérien, etc.) dans un cadre interarmées et interalliés. Ils devront en outre être en mesure de proposer la meilleure option au décideur de chaque niveau, toujours plus rapidement et avec une marge d’incertitude la plus réduite possible. Pour y parvenir, ces systèmes devront avoir une forte puissance de calcul basée sur des logiques apprenantes (technologies quantiques idéalement) et intégrer de l’IA qui seule pourra permettre de clarifier certaines situations (attaques saturantes par exemple) et de gagner largement en efficacité.

– Enfin, les effecteurs et les capacités d’interception grâce à :

– L’augmentation de la portée, de la vitesse et de la manœuvrabilité des munitions, de la cadence de tir, permettant ainsi d’augmenter notre domaine et nos fenêtres de tir,

– Une augmentation souhaitable des dotations liée à de possibles nouvelles technologies bas coût,

– La maîtrise et la mise en dotation de nouvelles technologies telles que les armes à énergie dirigée, électromagnétiques ou laser pour contrer notamment les menaces C-RAM et petits drones (et potentiellement des menaces plus imposantes selon les progrès dans le domaine). En effet, si les moyens de guerre électronique traditionnelle conserveront leur pertinence face à certaines menaces aériennes, ils atteindront leurs limites avec les modèles de drones modernes qui sont capables de voler de manière autonome et ne sont plus dépendants des liaisons de données. Les AED comme les armes micro-ondes de forte énergie et les lasers à hautes énergies permettront ainsi de combler ces lacunes et ajouteront une capacité cinétique au panel de mission de GE en rendant la charge utile inopérante ou en détruisant la menace aérienne elle-même.

Si ces développements sont d’ores et déjà pris en compte à des degrés divers, il est nécessaire de réfléchir davantage au degré d’automatisation que l’on consentira à mettre dans les moyens de la DSA. En effet, le système de DSA est aujourd’hui pensé de manière à placer l’humain au cœur de la procédure d’engagement. Cet état de fait, compréhensible aujourd’hui au vu des caractéristiques des menaces sur la base desquelles notre système DSA a été construit, ne tiendra plus forcément dans tous les cas d’emploi à l’horizon 2035 compte tenu, là encore, des caractéristiques des menaces aériennes et des effets que l’adversaire sera susceptible de produire (notamment l’effet de saturation et de sidération). Par mimétisme avec le système SCAF, les programme VULCAIN et TITAN, il serait pertinent de se poser la question de la mise en oeuvre de systèmes d’armes létaux autonomes de défense surface-air (SALIA10 de DSA). Le système intégré de DSA 2035 pourrait en effet exploiter les avantages de la complémentarité entre systèmes de DSA « habités » (mis en oeuvre par des opérateurs de DSA) et non habités (systèmes autonomes type drones de combat terrestres). A l‘instar du SCAF et de VULCAIN (systèmes juxtaposés, intégrés puis équipiers), un système DSA « mère » opéré par des humains et connecté à des systèmes de DSA non habités déportés et à l’autonomie maîtrisée donnerait l’avantage du nombre et de la dispersion et donc de la discrétion (et de la dilution) des moyens, du recouvrement des feux et de la multiplication des points défendus. Il permettrait de mener des opérations polyvalentes, de répondre et intervenir plus efficacement, de coordonner des opérations à de multiples endroits. L’ennemi aurait alors besoin de se disperser ce qui en diminuerait son efficacité.

De nombreuses ressources technologiques sont nécessaires pour parvenir au modèle de DSA 2035. Certaines, comme la capacité à intercepter un missile hypersonique, feront défaut car elles ne seront probablement pas mâtures et devront être comblées (mise en œuvre de procédures de sauvegarde, dispersion des moyens, discrétion renforcée, etc.). Si la plupart des besoins sont inscrits dans les différentes feuilles de route capacitaires, il convient néanmoins d’appeler l’attention sur deux points. Le premier concerne les SIC/LDT qui devront impérativement être dimensionnés au besoin réel d’un système DSA dans un contexte collaboratif très ouvert. Aujourd’hui, à titre d’exemple, les besoins uniquement nécessaires à la DSA d’une FOT ne peuvent pas être couverts par la composante SIC : une telle situation ne pourra pas être envisageable si l’on souhaite réellement construire un système de défense collaboratif. Le second concerne la mise en oeuvre de systèmes autonomes de défense surface-air (SALIA de DSA). Aujourd’hui, la possibilité de se doter de tels systèmes, à l’instar des systèmes autonomes du SCAF, VULCAIN et TITAN, n’a pas été envisagée.

2.   Les enjeux opérationnels propres à la défense sol-air : dimension collaborative, intégration interarmées et décloisonnement des capacités

 

a.   Concrétiser une défense sol-air collaborative

 

Un système global de défense aérienne et antimissile collaborative doit permettre à tout dispositif de DSA de fonctionner, en collaboration et de manière flexible, avec tout autre dispositif pouvant concourir au succès de sa mission depuis la phase de planification jusqu’à la phase d’engagement d’une menace. Le système C2 de la DSA devra être collaboratif, même en étant toujours sous la coupe d’une autorité décisionnelle unique et suffisamment agile pour permettre une pleine subsidiarité de décision selon la situation. Impérativement plus mobiles, les systèmes de C2 devront développer une capacité « plug & Fight », permettant à un nouvel acteur d’intégrer plus rapidement un réseau déjà constitué ou au contraire de s’en désolidariser pour en intégrer un autre. Le système global de défense aérienne et antimissile collaborative devra donc être en mesure d’interagir avec les systèmes de combat collaboratif de chaque milieu et de chaque champ. Une des clés du succès sera la collaboration à la fois au sein du système de DA global et au sein du milieu de mise en oeuvre, afin de mettre en place des dispositifs défensifs ou de contrôle de zones performants. La DSA à l’horizon 2035 ne pourra être efficace que si elle fonctionne à l’instar d’autres systèmes de combat imaginés à cet horizon, c’est-à-dire, de manière collaborative. Elle s’apparentera dès lors à un sous-système du système DA global (englobant la LADA, la DSA et la DA actuelles) et non plus à un simple système de DSA contribuant au système DA. En effet, la DSA 2035 devra être plus agile et plus mobile, favoriser la subsidiarité des actions de décision d’engagement au plus bas niveau et fonctionner de manière collaborative avec tout autre moyen que ceux dont elle dispose mais qui pourrait être connecté au C2 DA.

Le déploiement d’un concept de collaboration permettant des actions combinées de composantes de systèmes hétérogènes optimisera les capacités du dispositif global avec un objectif d’efficacité, de sécurité et de résilience : neutralisation de cibles inaccessibles à un système unique, le bon effecteur sur la bonne cible, un seul tir sur chaque cible, pas de tir fratricide, effet de dilution des systèmes d’armes.

b.   L’évolution du commandement et un décloisonnement des capacités

Dans la mesure où il sera nécessaire d’assurer le continuum des actions menées depuis la très basse altitude jusqu’aux plus hautes altitudes, contre des menaces aériennes (munitions ou mobiles) de la taille d’un drone commercial à celle d’un High Value Air Asset (HVAA) et évoluant à des vitesses allant de quelques mètres par seconde jusqu’à plus d’un kilomètre par seconde, la première conséquence sera de revoir le modèle de commandement des moyens de DSA. En effet, compte tenu des caractéristiques de menaces et des effets qu’elles seront susceptibles de produire, l’enjeu sera de garantir la meilleure étanchéité possible de notre système DA global en combinant au mieux les segments d’interception de tous les moyens disponibles, de permettre la meilleure réactivité de l’ensemble du système DA et du sous-système DSA mais également, dans certaines circonstances, d’accepter de ne pas riposter et préserver les moyens comptés et stratégiques dont on dispose. Dit autrement, le commandant de l’opération devra être en mesure d’apprécier en permanence la valeur qu’il attribue à des moyens comptés et stratégiques vs des moyens/unités critiques à protéger, de manière à préserver au mieux son potentiel d’action futur. Pour ce faire, il sera indispensable qu’il connaisse parfaitement situation locale et tactique/opérative et qu’il prenne en compte et comprenne la manœuvre en cours. Il s’agira donc de prioriser nos points vitaux et de garantir leur sécurité ; les autres ne pouvant bénéficier que d’une défense plus sommaire.

Au-delà de l’intégration interarmées, l’interopérabilité avec nos alliés sera indispensable. En effet, la quantité de menaces auxquelles le dispositif de DSA déployé devra faire face justifiera que l’on connecte tous les moyens de DSA disponibles quelles que soient leurs origines, leurs capacités et leurs diversités. Le C2 de cette nouvelle DA globale devra retrouver le juste équilibre entre unicité de commandement et subsidiarité au bon niveau, dans un contexte collaboratif et intégré poussé impliquant de nombreux acteurs et des processus plus ouverts. La DSA s’y intégrera comme elle le fait dans le modèle actuel mais devra donc, en plus des capacités qu’elle possède en propre (composante détection, d’engagement, etc.), intégrer bien d’autres qui concourront au succès de sa mission (C-RAM, GE).

3.   De forts enjeux de ressources humaines (RH) propres au défi de la défense sol-air

La défense sol-air a la nécessité de disposer de personnel aguerri, au fait des nouvelles conflictualités et en nombre suffisant pour être apte à remplir pleinement les contrats opérationnels dédiés. Or, la description des référentiels en organisation des escadrons de défense sol-air impose une très forte mutualisation du personnel pour armer l’ensemble des équipages requis à l’armement H24 des systèmes d’armes complexes de défense sol-air. La montée en puissance de la lutte anti mini-drone montre que notre modèle actuel de RH ne suffit plus. A ce titre, 60 PAX au titre de la LAD ont été intégrés à la lettre de cadrage A+6 pour 2028, alors même que les sollicitations pour 2023-2024 augmenteront de façon encore significative. L’armée de Terre renforce, de son côté, ses régiments d’artillerie à hauteur de 149 postes pour la LAD spécialisée. L’effort en recrutement devra être significatif pour l’ensemble des forces armées sur les années à venir. 

Le recrutement de la RH nécessaire à la mission de DSA devra être opéré sur deux niveaux. En effet, les besoins liés à la mission « haut du spectre » militent obligatoirement pour le recrutement, la formation et l’entraînement de spécialistes dédiés au domaine. En revanche, pour les missions « bas du spectre », s’il conviendra toujours de privilégier le recours à de la RH spécialisée, celle-ci pourra être renforcée par du personnel non dédié mais qui aura suivi une formation adéquate. Cela permettra de répondre au besoin de masse ainsi qu’à celui relatif au maintien d’un vivier suffisant sur certains postes à compétence particulière (les « DSA permanents » pouvant délaisser les postes les moins techniques pour se concentrer sur les plus spécifiques), mais cela nécessitera un effort particulier pour pallier la difficulté d’entraîner et d’employer le personnel non dédié.

Au-delà des aspects capacitaires, le retour d’une crédibilité des menaces de haute intensité remet à l’honneur l’art de la manœuvre, de l’emploi optimisé des moyens, de la recherche de la surprise, de l’originalité des modes d’action. Il est donc fondamental de préparer les opérateurs de la défense surface-air à des tactiques nouvelles et adaptatives en faisant notamment appel plus largement à des outils de simulation distribuée permettant l’entrainement au combat collaboratif. De même, il sera nécessaire d’utiliser pleinement les capacités offertes par des plateformes représentatives dans chaque milieu ou spécialité (sol, surface, aérien, espace), par l’intelligence artificielle et par des agents virtuels autonomes, afin de proposer des modèles de comportement réalistes et des entités qui s’enrichiront en fonction des entraînements réalisés.

Cela revient en quelque sorte à planifier et conduire des entraînements plus difficiles, plus originaux et intégrant une menace multidomaines dont la GE et le cyber, en coopération avec nos alliés et nos partenaires.

À l’horizon 2035, le vivier RH de la DSA devra avoir été considérablement renforcé tant en quantité qu’en qualité. Pour cela, des arbitrages devront avoir été rendus bien en amont afin de pouvoir être honorés en recrutement, formation et fidélisation. Par ailleurs, il s’agira également de repenser le modèle de formation et d’entraînement appréhendant parfaitement la dimension M2MC (multidomaines/multichamps) des opérations militaires.

 

 

 

 

   Conclusion

 

Un effort budgétaire important prévu dans la future loi de programmation militaire (LPM)

 La défense sol-air après avoir été délaissé pendant presque trois décennies devient de nouveau une capacité prioritaire pour les armées françaises. Le ministère des Armées a annoncé investir 5 milliards d'euros sur la période2024-2030 (loi de programmation pluriannuelle).

La DSA comme l’ont rappelé les rapporteurs dans le présent rapport d’information a été longtemps sacrifiée car la menace aérienne avait quasiment disparu d’une part et les armées devaient gérer au mieux la pénurie de leurs budgets d’autre part.

« En Afghanistan ou au Mali par exemple, les dispositifs de défense sol-air n'ayant pas d'utilité, des impasses ont été faites. Il convient maintenant de les rattraper », a expliqué en juillet 2022 à l'Assemblée nationale, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. Ainsi, la rénovation des Mistral (RMV Mistral), en service dans les unités d'artillerie sol-air, les bâtiments de la Marine nationale et les escadrilles d'hélicoptères, n'avait concerné que 850 missiles (sur une cible initiale de 2.050).

Dans un premier temps, a été identifiée la menace des drones sur les théâtres des opérations extérieures (OPEX). Mais, la véritable prise de conscience s’est produite avec les conflits au Yémen, au Haut-Karabagh et, en Ukraine avec l’invasion de la Russie. « La composante sol-air est un domaine dans lequel la guerre en Ukraine impose une réévaluation. Plusieurs programmes sont en cours. L'un d'entre eux (Mica VL) répond aux besoins de la défense antiaérienne terrestre et navale »., a indiqué fin novembre à l'Assemblée nationale, le Délégué général pour l’armement M. Emmanuel Chiva. Enfin, Dans un entretien accordé à La Tribune en juin 2022, le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Pierre Schill a ainsi résumé la situation : « La défense sol-air basse couche est une capacité que nous avions l'intention d'acquérir plus tard dans notre plan de programmation. Avec les retours d'expérience d'Ukraine mais aussi du Yémen et du Haut-Karabakh, nous devons mettre cette problématique - de la lutte antidrones à la lutte contre les missiles et les hélicoptères - sur le dessus de la pile ».

Lors de ses vœux aux armées le 20 janvier à Mont-de-Marsan, le Président de la République M. Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire (LPM) les capacités des armées « dans des domaines à forte valeur ajoutée opérationnelles dont la défense sol-air ». Le chef des armées a expliqué que « même avec la dissuasion, notre territoire national n'est pas à l'abri de frappes isolées, du fait par exemple de perturbateurs, en particulier non étatiques. C'est pourquoi nous augmenterons nos capacités dans toutes les couches de la défense aérienne d'au moins 50 %, y compris évidemment dans la lutte antidrone. » Dans ce cadre, le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu a annoncé le jeudi 2 février que la défense sol-air représentera un effort de 5 milliards d'euros dans la prochaine LPM (2024-2030) toutes couches confondues.

Le ministre des armées a rappelé que dans le domaine sol-air ont été prévus plusieurs milliards d’euros de commandes dans le cadre de l'économie de guerre. Il a commandé à MBDA une centaine de missiles Mistral, dont une centaine avait été cédée à l'Ukraine. Il s’agit la première commande de Mistral de la part de la France depuis 2006. Pour autant, la chaîne de production a continué d'en fabriquer pour l'exportation. « Nous allons réinvestir ce champ (défense sol-air) qui a été délaissé ces dernières années », a enfin insisté le ministre des Armées.

Une série de commandes à venir

Les premières commandes ont commencé à être notifiées. La commande conjointe de 700 missiles Aster par la France et l’Italie a été mentionnée ci-dessus. En outre, dans le cadre de l'étape 5 du programme SCCOA (système de commandement et de contrôle des opérations aérospatiales), la Direction générale de l'armement (DGA) a notifié fin décembre à Thales un nouveau marché « Détection 22 » destiné au renouvellement de plusieurs catégories de radars de l'armée de l'Air (achat de 4 GM200) et de la Marine nationale (radar de surveillance basse altitude), pour un montant de 212,8 millions d'euros. Le système SCCOA permet aux armées d'assurer les missions de surveillance et de contrôle de l'espace aérien, de coordination de la défense sol-air, de préparation et de conduite des opérations aériennes, sur le territoire national et en opérations extérieures depuis 30 ans. Un autre contrat d’un montant de 139,8 millions d'euros a été confié à Thales. Pour la commande d'un nouveau système de commandement et de conduite des opérations aériennes, l'ACCS. Ce système d'information doit être mis en œuvre en 2026 sur la base de Lyon Mont-Verdun, le centre névralgique de la défense aérienne française d'où sont coordonnées les opérations aériennes.

Enfin, le ministère des Armées prépare une commande de VL Mica en vue de remplacer les vieux Crotale de Thales. Il s’agirait en l’occurrence d’une première commande pour la France alors que ce système surface-air a déjà été adopté, en version navale ou terrestre, par 15 forces armées à travers le monde. Le ministre des Armées a annoncé que « les systèmes Crotale fournis à l'Ukraine seront remplacés en 2024 par des matériels neufs, les MICA VL ». Après avoir aidé l'Ukraine dans ce domaine de façon significative, les rapporteurs se félicitent que la France est sur le point de remplacer et d’augmenter ses moyens dans la DSA.

 


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   Travaux de la commission

   Examen en commission

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information flash sur la défense sol-air au cours de sa réunion du mercredi 15 février 2023.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/uXkYcN

 

 


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   Annexe :

Auditions des rapporteurs

(Par ordre chronologique)

 

1.   Auditions

  État-major de l’armée de l’Air et de l’Espace – M. le général Laurent Rataud, sous-chef plans programmes et M. le colonel Pierre Madej, chef du bureau développement capacitaire ;

  MBDA – M. Éric Béranger, Chief Executive Officer (CEO);

  Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – M. le général de corps aérien Vincent Cousin, secrétaire général adjoint ;

Commandement des forces terrestres _ M.le général François-Yves Le Roux, général adjoint cohérence

  Centre de doctrine et d’enseignement du commandement – M. le colonel Frédéric Jordan, secrétaire général d’état-major ;

  Direction générale des relations internationales et de la stratégie – M. Corentin Brustlein, délégué politique et M. Jérôme Pupier, chargé de mission ;

  Fondation pour la recherche stratégique – M. Thibault Fouillet, chargé de recherche ;

  Arquus – M. Emmanuel Levacher, président ;

  Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes M. le général de corps aérien Philippe Moralès, commandant ;

  État-major de l’armée de terre – M. le général Damien Tandeau de Marsac, sous-chef plans programmes et M. le lieutenant-colonel Jean de Carbonnières ;

  Arianegroup – M. Hugo Richard, directeur du CEO offiche et M. l’amiral Charles-Henri du-Ché, conseiller défense ;

  Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes – M. le général de brigade aérienne Étienne Faury, commandant ;

  Centre d’études stratégiques aérospatiales – M. le colonel Julien Resplandy, sous-directeur puissance aérospatiale et patrimoine et M. le lieutenant-colonel Jérôme de Lespinois, historien ;

  Direction générale de l’armement – M. l’ingénieur général de l’armement Stéphane Kammerer, directeur adjoint à la direction des opérations, M. l’ingénieur en chef Francis Celeste, directeur du segment de management missiles contre les menaces aériennes et directeur des programmes à base d’Aster et M. l’ingénieur en chef Nicolas Cordier-Lallouet, architecte du système de défense « Aéromobilité – Surveillance – Protection » ;

  État-major des Armées – M. le général de brigade aérienne Cédric Gaudillière, chef de la division cohérence capacitaire ;

  Institut français des relations internationales – M. Léo Péria-Peigné, chercheur ;

  Agence Innovation Défense – M. l’ingénieur général de l’armement Patrick Aufort, directeur adjoint ;

  Nexter – M. Nicolas Chamussy, directeur général ;

  Thales – M. Christophe Salomon, directeur général ;

  MC2 Technologies – M. Nicolas Vellas, président ;

  Représentation militaire et de la défense – M. le colonel Éric Moyal, spécialiste de la défense sol-air, travaillant auprès du représentant militaire de l’OTAN.

2.   Déplacements en France

 54ème régiment d’artillerie à Hyères : colonel Adrien de Tarlé, commandant du régiment

 Base aérienne d’Avord : colonel Richard Gros, commandant de la Base aérienne 702, lieutenant-colonel Robert, commandant de l’ESADA (Escadre Sol Air de la Défense aérienne)

 

 

3.   Déplacements en Europe

Prague (Tchéquie)

-         L’Ambassadeur de France en Tchéquie, M. Alexis Dutertre

-         Chambre des députés (membres de la Commission de la défense) ;

-         Directeur au Ministère des Affaires étrangères, M. Ivan Pocuch ;

-         Directeur des relations internationales au ministère de la Défense, M, le vice-ministre Jires.

Varsovie (Pologne)

-         L’Ambassadeur de France en Pologne, M. Frédéric Billet ;

-         M. Piotr Pacholski, colonel Marek Przymanowski, M. Jakub Zydbel au Ministère de la Défense ( Division de la politique de contrôle des armements et de défense antimissiles)

-         Institut polonais des affaires internationales (PISM), M. le directeur ;

-         Assemblée nationale polonaise (SEJM) : M. le Président de la Commission de la Défense, Michael Jach ;

-         Bureau national de sécurité de la présidence polonaise (BBN) : général Darusz Lukowski, adjoint du directeur ;

-         Defence24pl ( Think Tank) : M. Jacek Raubo ;

-         Polityka Insight ( Think Tank) : M. Marek Swierczynki.

Rome (Italie)

-         L’Ambassadeur de France en Italie, M. Christian Masset ;

-         Chambre des députés : M. Antonio Minardo, Président de la Commission de la Défense, Mme Monica Ciaburro, Vice-Présidente ;

-         État-major des Armées : Amiral Stefano Barrieri, directeur de la cohérence capacitaire ;

-         MBDA Italie : M. Guiseppe Cossiga, Directeur des relations institutionnelles ;

-         Institut des affaires internationales italiennes (Think Tank) : M. Alessandro Marrone, directeur, M. Elio Calcagno, chercheur.