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N° 1000

 

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mars 2023

 

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

sur l’évaluation de la mise en œuvre
du code de la justice pénale des mineurs

et présenté par

M. Jean TERLIER et Mme Cécile UNTERMAIER,

Députés

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La mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs est composée de M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier, rapporteurs.


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction générale

Une réforme ambitieuse pleinement appliquée grâce à l’engagement de tous les acteurs

Une transformation en profondeur du cadre juridique de la justice pénale des mineurs

Une réforme éclairée par un important travail préparatoire, au cours duquel le Parlement a joué un rôle essentiel

Une codification nécessaire et saluée

Des apports nombreux en vue d’une justice plus rapide et d’une meilleure prise en charge des mineurs délinquants et des victimes

Les présomptions relatives au discernement des mineurs

La nouvelle architecture du procès pénal des mineurs

La suppression de l’instruction obligatoire en matière correctionnelle

La césure du procès pénal des mineurs

La mise à l’épreuve éducative

L’audience unique

La rationalisation des mesures éducatives

L’amélioration de la connaissance de la situation du mineur et du partage d’informations

La généralisation du recueil de renseignements socio-éducatif (RRSE)

La dématérialisation du dossier unique de personnalité

Le recours accru à la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE)

Le renforcement des conditions de la détention provisoire

Une réforme qui a préservé les grands principes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante

L’atténuation de responsabilité

La primauté de l’éducatif

La spécialisation des acteurs de la justice pénale des mineurs

Une réforme globalement bien préparée

Une réforme bien préparée dans la plupart des juridictions

Un délai supplémentaire bienvenu

Un effort important de formation des magistrats

Un dialogue en amont entre les acteurs.

Une préparation insuffisante des éducateurs à l’évolution des missions de la protection judiciaire de la jeunesse

Une réforme tardivement intégrée par les forces de sécurité

Une mise en œuvre rapide dans un contexte difficile

Une transition rapide d’une procédure à l’autre

La réduction des stocks

Une réduction des délais considérable menacée dans certaines juridictions

Une réforme exigeante pour les différents acteurs dans un contexte de manque de moyens

Une pression importante sur les effectifs

Un grave manque d’investissement dans les moyens informatiques

Une situation différente d’une juridiction à l’autre

Les améliorations permises par le code de la justice pénale des mineurs peuvent encore être consolidées

Un gain d’efficacité pour la justice pénale des mineurs

Une meilleure prise en charge des mineurs

Une codification au service d’une réforme d’ensemble

La réduction des délais améliore la réponse pénale

Une diminution de la détention provisoire qui doit perdurer

Une clarification utile de la question du discernement

Une amélioration de la place des victimes dans les procès impliquant des mineurs

Le CJPM remédie aux défauts de l’ordonnance de 1945 en permettant de mieux répondre aux attentes des victimes

Une situation insatisfaisante sous le régime de l’ordonnance de 1945

Une nouvelle place pour les victimes

Un traitement plus rapide des victimes

Une réponse rapide aux attentes des victimes

Des marges de progrès dans la procédure d’indemnisation

Une place utile dans le procès des mineurs

Des ajustements nécessaires pour que la réforme atteigne tous ses objectifs

Mieux encadrer l’audience unique sans contourner les principes de la réforme

Mieux appréhender les problématiques nouvelles consécutives à la césure du procès pénal

Faciliter le travail de la protection judiciaire de la jeunesse et la prise en charge éducative des mineurs délinquants

Mieux traiter les difficultés d’organisation des auditions libres dans le respect des droits de la défense

Poursuivre l’effort de coordination des acteurs de la justice pénale des mineurs

La nécessité d’une meilleure connaissance statistique

Travaux de la commission

liste des recommandations

Liste des personnes entendues

 


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Introduction générale

Le code de la justice pénale des mineurs (ci-après « CJPM ») est entré en vigueur le 30 septembre 2021. Il est issu d’un important travail préparatoire auquel le Parlement a été largement associé. Ainsi, une mission d’information de la commission des Lois ([2]) avait suivi la conception de la réforme et le Parlement a pu examiner, en 2021, l’ensemble des dispositions du nouveau code, avant leur entrée en vigueur, à l’occasion de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

Son premier objectif était d’offrir un cadre plus lisible et plus cohérent à l’ensemble des textes relatifs à la justice pénale des mineurs, tout en préservant les grands principes issus de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, consacrés par le Conseil constitutionnel comme principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) : la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge et la spécialisation de la justice des mineurs.

Mais son ambition ne se limitait pas à concrétiser une œuvre de codification qui était devenue indispensable compte tenu de l’empilement des réformes successives qui avaient contribué à rendre la matière difficilement lisible et accessible.

Sur le fond, les objectifs recherchés étaient également de simplifier et d’accélérer la procédure, de renforcer la prise en charge des mineurs délinquants et de mieux prendre en compte les victimes.

Le CJPM intègre ainsi plusieurs innovations procédurales qui devaient permettre un jugement plus rapide sur la culpabilité, une action éducative plus individualisée et un jugement sur la sanction plus adapté.

C’est dans cet esprit qu’a été conçue la césure du procès pénal des mineurs, apport majeur du CJPM qui se substitue à l’ancienne obligation de mise en examen préalable. La procédure du droit commun se déroule désormais en deux phases : un jugement sur la culpabilité qui doit intervenir entre dix jours et trois mois, puis un jugement sur la sanction six à neuf mois plus tard. Entre ces deux phases s’intercale une période de mise à l’épreuve éducative.

L’accélération de la décision sur la culpabilité devait aussi favoriser les victimes en permettant une indemnisation plus rapide. Quant au prononcé différé de la sanction, il a pour objectif de mieux prendre en compte l’évolution et les capacités du mineur délinquant.

Par exception, il demeure possible de statuer lors d’une audience unique dans le cas où le mineur est déjà connu de la juridiction et lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pour le mineur de moins de 16 ans (et supérieure ou égale à trois ans pour le mineur d’au moins 16 ans).

À côté de cette réforme du déroulement du procès pénal des mineurs, l’un des autres grands apports du CJPM est l’instauration de présomptions simples relatives au discernement. Le CJPM a posé une présomption simple de non discernement pour les mineurs âgés de moins de treize ans, et inversement, une présomption simple de discernement pour les mineurs âgés d’au moins treize ans. L’objectif recherché était tout à la fois de concilier un souci de protection des mineurs les plus jeunes – conformément aux obligations découlant de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 –, de maintenir la possibilité de soumettre la preuve du discernement à l’appréciation des magistrats et de simplifier le débat sur cette question devant les juridictions.

Le CJPM a également durci les conditions de recours à la détention provisoire. Pour un mineur de moins 16 ans, cette mesure de sûreté ne peut intervenir que s’il encourt une peine criminelle ou, dans le cadre d’une peine correctionnelle, s’il se soustrait de façon grave ou répétée à ses obligations ou interdictions qui lui ont été fixées par le juge dans le cadre d’un contrôle judiciaire. L’objectif recherché était ici de diminuer le recours à la détention provisoire des mineurs.

Enfin, parmi ses principaux apports, le CJPM a procédé à une rationalisation des mesures éducatives. Il ne prévoit plus que deux mesures éducatives : l’avertissement judiciaire (cette mesure fusionne l’admonestation, la remise à parents et l’avertissement solennel) et la mesure éducative judiciaire (cette mesure fusionne l’ensemble des mesures de suivi éducatif avant et après la sentence qui étaient prévues par l’ordonnance de 1945 ; elle peut être prononcée à titre provisoire avant la sanction ou à titre de sanction). Cette dernière peut se décliner en différents modules (insertion, réparation, santé, placement) permettant au juge de l’adapter en fonction des besoins du mineur.

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*     *

Une année après son entrée en vigueur, une première évaluation du CJPM est apparue opportune à la commission des Lois.

C’est dans ce contexte que, lors de sa réunion du 20 septembre 2022, celle-ci a créé une mission d’information ayant pour objet l’évaluation de la mise en œuvre du CJPM.

Vos rapporteurs ont auditionné l’ensemble des acteurs concernés et organisé une dizaine de tables rondes en juridiction pour réaliser un bilan général de la mise en œuvre du CJPM.

Ils ont pu étudier la phase de transition entre l’ordonnance de 1945 et le CJPM et mesurer quantitativement l’effet de la nouvelle procédure sur le stock et le délai de traitement des affaires en cours. Il est apparu, au cours de leurs travaux, que la phase de transition s’était globalement bien déroulée grâce à l’implication de tous les acteurs. Le stock de dossiers issus de l’ordonnance de 1945 est aujourd’hui résiduel, à l’exception de quelques juridictions.

Vos rapporteurs ont, en outre, pu constater que l’instauration des présomptions sur le discernement n’avait pas, en pratique, causé de difficultés en juridiction.

Vos rapporteurs soulignent aussi que la nouvelle architecture du procès pénal des mineurs a bien permis de concilier l’objectif de célérité de la justice, d’indemnisation rapide des victimes et de bonne prise en charge des mineurs délinquants. Celle-ci implique toutefois un bouleversement des pratiques des professionnels et de nouvelles exigences, pour lesquelles les moyens mis à disposition sont insuffisants.

Ils ont pu mesurer que le recours à la procédure d’audience unique n’avait pas été excessif, même si des disparités importantes peuvent être observées d’une juridiction à l’autre.

Vos rapporteurs ont aussi pu étudier l’impact des nouvelles dispositions sur les détentions provisoires des mineurs. Ils ont observé une diminution du stock, conforme aux objectifs de la réforme, mais une augmentation du flux sur laquelle il conviendra d’être vigilant, le but du CJPM n’étant pas de multiplier les détentions de courte durée.

Enfin, ils ont pu évaluer la mise en œuvre du nouveau régime des mesures éducatives, les moyens de la PJJ pour en assurer le suivi dans des délais raisonnables, ainsi que leur gestion lorsque des mesures éducatives se cumulent avec des peines prononcées concomitamment. En la matière, des efforts importants doivent encore être fournis pour améliorer l’offre à disposition des professionnels en charge de l’enfance délinquante.

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Une réforme ambitieuse pleinement appliquée grâce à l’engagement de tous les acteurs

Une transformation en profondeur du cadre juridique de la justice pénale des mineurs

Une réforme éclairée par un important travail préparatoire, au cours duquel le Parlement a joué un rôle essentiel

La mission d’information sur la justice des mineurs, créée au cours de la précédente législature par la commission des Lois, avait recommandé l’instauration d’un code dédié à la justice pénale des mineurs.

Dans le rapport récapitulant les travaux de la mission, vos rapporteurs avaient fait valoir que cette codification devait permettre « une clarification et une simplification de l’ordonnance de 1945 ». Ils avaient également souligné que « la complexité de la procédure pénale pour les mineurs résulte également de l’existence d’une procédure officieuse », avec des pratiques « très divergentes d’un juge à l’autre ce qui nuit à la sécurité juridique du mineur ».

Une réforme devenait d’autant plus indispensable que, par une décision  2011-147 QPC du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a estimé contraire au principe d’impartialité le fait que le même juge des enfants puisse, d’abord, lors de la phase d’instruction, porter une appréciation sur les charges existantes contre un mineur, puis présider l’audience du tribunal pour enfants et prononcer une peine à l’encontre de ce mineur.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le Gouvernement à réformer l’ordonnance du 2 février 1945 par voie d’ordonnance dans les conditions de l’article 38 de la Constitution.

L’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 a créé la partie législative du CJPM avec une entrée en vigueur prévue initialement au 1er octobre 2020.

L’entrée en vigueur du CJPM a été reportée à deux reprises. D’abord, l’article 25 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a reporté la date d’entrée en vigueur du CJPM au 31 mars 2021. Ensuite, la loi n° 2021-218 du 26 février 2021, dont l’objet était de ratifier l’ordonnance, a repoussé à nouveau l’entrée en vigueur, cette fois au 30 septembre 2021.

Bien qu’il soit issu pour l’essentiel d’une ordonnance, le rôle du Parlement a été essentiel dans la conception du CJPM, tant en aval avec les travaux de la mission d’information créée par la commission des Lois, qu’en amont lors de l’examen du projet de loi de ratification. Vos rapporteurs rappellent, pour s’en féliciter, que l’examen du projet de loi de ratification est intervenu avant l’entrée en vigueur du CJPM, ce qui a permis au Parlement de l’amender en temps utile et de se prononcer sur la cohérence de l’ensemble des procédures.

Outre le report de l’entrée en vigueur, le Parlement a, par exemple, prévu la présence obligatoire de l’avocat aux auditions libres, l’interdiction de l’usage de la visioconférence pour le placement en détention provisoire, la faculté pour le juge d’ordonner le retrait des autres parties lors de l’examen de la situation personnelle du mineur, ou encore la simplification des règles de cumul entre les mesures éducatives et les peines.

Une codification nécessaire et saluée

Au fil des décennies et des réformes successives, l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante avait perdu en lisibilité, tant pour les praticiens que pour les justiciables. En outre, une partie non négligeable des dispositions spécifiques à la justice pénale des mineurs avait été insérée dans le code de procédure pénale, ce qui contribuait à accroître les difficultés de compréhension et d’accès aux règles de droit régissant la discipline.

Le plan et l’architecture du CJPM sont désormais d’une grande clarté et permettent facilement de trouver la norme applicable.

Le CJPM s’ouvre sur un article préliminaire, qui rappelle les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs, tels que consacrés par le Conseil Constitutionnel.

Article Préliminaire du CJPM

« Le présent code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre, en prenant en compte, dans leur intérêt supérieur, l’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».

Il est suivi d’un titre préliminaire qui énonce les principes généraux du droit pénal applicables aux mineurs (art. L. 11-1 à L. 11-5), les principes généraux de la procédure pénale applicable aux mineurs (art. L. 12‑1 à L. 12‑6), et des dispositions communes (art. L. 13-1 à L. 13-4).

Loin d’être symboliques, ces diverses dispositions posent un cadre général qui irrigue la matière, comprenant notamment les principes relatifs au discernement et à la primauté de la réponse éducative, les objectifs de relèvement éducatif et moral, le principe de spécialisation des juridictions et de publicité restreinte des débats, ou encore l’assistance obligatoire par un avocat.

Le code est ensuite divisé en sept livres.

Le livre Ier – comprenant les articles L. 111-1 à L. 124-2 – traite des mesures éducatives (dans un titre Ier) et des peines (dans un titre II). On y trouve notamment un chapitre dédié à la mesure éducative judiciaire (MEJ), l’un des apports du CJPM (art. L. 112-1 à L. 112-15).

Le livre II est relatif à la spécialisation des acteurs (art. L. 211-1 à L. 241-2). Il comprend quatre titres dédiés respectivement au ministère public, au juge d’instruction, aux juridictions de jugement, et à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Le livre III contient des dispositions communes aux différentes phases de la procédure pénale (art. L. 311-1 à L. 334-6). Au titre des investigations sur la personnalité du mineur, il instaure le dossier unique de personnalité (DUP). Il contient également un chapitre dédié à la détention provisoire, qui rappelle son caractère exceptionnel et pose les conditions de son prononcé.

Le livre IV est relatif à la procédure préalable au jugement (art. L. 4111 à L. 4352). Au titre des innovations du CJPM, il prévoit notamment le prononcé d’une mesure judiciaire d’investigation éducative obligatoire afin de garantir, pour les affaires les plus graves et les plus complexes, la présence au dossier d’éléments d’information approfondis sur la personnalité des mineurs.

Le livre V traite du jugement (art. L. 511-1 à L. 532-1). Il contient les apports les plus notables du CJPM relatifs à la césure du procès pénal et à la période de mise à l’épreuve éducative.

Le livre VI est relatif à l’application et à l’exécution des mesures éducatives et des peines (art. L. 611-1 à L. 634-1).

Enfin, la livre VII contient les dispositions spécifiques à l’outre-mer (art. L. 711-1 à L. 723-3).

Des apports nombreux en vue d’une justice plus rapide et d’une meilleure prise en charge des mineurs délinquants et des victimes

L’apport du CJPM ne se limite pas à une codification des spécificités de la justice pénale applicable aux mineurs. Les apports du CJPM sont nombreux et couvrent un large champ de la procédure pénale applicable aux mineurs. Ils sont plus limités s’agissant du droit pénal de fond et du régime des peines, tous deux quasiment inchangés.

La mission d’information a eu à cœur de concentrer ses travaux d’évaluation sur les effets de ces différents apports.

Les présomptions relatives au discernement des mineurs

Sous l’empire de l’ordonnance de 1945, un mineur pouvait être poursuivi quel que soit son âge, dès lors qu’il était considéré comme discernant.

L’une des grandes innovations du CJPM est d’avoir instauré un mécanisme de double présomption simple en matière de discernement en vertu duquel :

– les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas disposer du discernement ;

– et inversement, les mineurs de plus de treize ans sont présumés capables de discernement.

La nouvelle architecture du procès pénal des mineurs

La suppression de l’instruction obligatoire en matière correctionnelle

Le CJPM a supprimé la procédure d’instruction obligatoire en matière correctionnelle pour les mineurs. Une mise en examen préalable n’est donc plus nécessaire pour juger les délits commis par les mineurs.

Ce faisant, le CJPM garantit une mise en conformité des règles de la procédure pénale applicables aux mineurs avec la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011, en vertu de laquelle le juge des enfants ne peut à la fois instruire une affaire et la juger.

La suppression de cette phase d’instruction obligatoire a également pour effet de revaloriser le rôle du parquet, qui joue désormais un rôle central dans la maîtrise de la procédure puisqu’il lui appartient de choisir la juridiction de jugement qui peut être le juge des enfants ou le tribunal pour enfants.

L’ordonnance de 1945 avait prévu cette mise en examen obligatoire du mineur pour garantir la meilleure prise en compte possible des éléments de sa personnalité et de son évolution avant le prononcé de la sanction.

Pour atteindre ces mêmes objectifs, le CJPM a opté pour une nouvelle architecture du procès pénal des mineurs, qui repose sur le principe de la césure entre l’examen de la culpabilité et le prononcé de la sanction.

La césure du procès pénal des mineurs

Le changement le plus significatif issu du CJPM consiste en l’introduction d’une césure du procès pénal du mineur qui devient la règle de principe. La césure signifie que le procès pénal donne lieu à deux audiences : une audience d’examen de la culpabilité et, le cas échéant, une audience de prononcé de la sanction.

Cette césure permet une accélération notable de la procédure, puisque l’audience sur la culpabilité doit intervenir entre 10 jours au minimum et 3 mois au maximum après la saisine de la juridiction par le parquet.

Ainsi que l’a fait valoir la Conférence nationale des procureurs dans sa contribution écrite, cette revalorisation est « appréciable » car elle a rééquilibré le temps consacré par le juge des enfants à ses offices pénal et civil en les enserrant tous les deux dans des délais contraignants. Cela permet, sans remettre en cause l’intervention du juge en assistance éducative, qui est primordiale, de prendre efficacement en charge les mineurs qui rencontrent des difficultés avec la loi et doivent également être aidés.

Cette accélération bénéficie directement à la victime. La juridiction est habilitée à se prononcer sur les indemnisations à allouer à la victime dès l’audience de culpabilité. Elle peut également se prononcer lors de l’audience de sanction si la victime n’a pas pu présenter ses prétentions indemnitaires lors de la première audience.

La juridiction fixe, à l’issue de l’audience de culpabilité, la date de la seconde audience, qui doit se tenir dans un délai compris entre six et neuf mois.

Au total, le procès pénal du mineur doit en principe se dérouler, en première instance, sur une période de six à douze mois.

La mise à l’épreuve éducative

La mise à l’épreuve éducative est une innovation importante qui résulte du principe même de la césure du procès pénal.

Entre les deux audiences, le mineur déclaré coupable est soumis à une période de mise à l’épreuve éducative, qui peut notamment comporter des mesures éducatives, mises en œuvre par la PJJ, ainsi que des mesures de sûreté.

Sous l’empire de l’ordonnance de 1945, le mineur pouvait certes faire l’objet de mesures éducatives durant sa mise en examen. Mais sa culpabilité n’était pas encore établie judiciairement. Dans la nouvelle organisation du procès pénal, le mineur ne peut plus prétendre qu’il n’a pas commis les faits pour lesquels il a été condamné. Il est dès lors attendu de sa part une évolution que la mise à l’épreuve éducative permet d’apprécier. La juridiction peut statuer sur la sanction à la lumière de son comportement durant la période intermédiaire qui sépare les deux audiences.

L’audience unique

Le CJPM prévoit des exceptions à la nouvelle architecture du procès pénal qu’il a mise en place. Une audience unique, c’est-à-dire une audience au cours de laquelle la juridiction statue en même temps sur la sanction et la culpabilité, demeure possible dans deux grandes hypothèses, l’une à l’initiative de la juridiction, et l’autre à l’initiative du parquet.

● En premier lieu, la juridiction est habilitée, par l’article L. 521-2 du CJPM, à transformer l’audience de culpabilité en audience unique. Elle doit pour cela recueillir les observations des parties et motiver spécialement sa décision pour indiquer en quoi elle se considère suffisamment informée sur la personnalité du mineur mis en cause et en quoi elle n’estime pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative.

Si elle fait usage de cette faculté, la juridiction ne peut prononcer une peine que si le mineur est déjà connu de la justice, c’est-à-dire s’il a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an versé au dossier de la procédure.

Autrement dit, cette transformation de l’audience de culpabilité en audience unique est en principe réservée à des mineurs connus, pour lesquels une période de mise à l’épreuve éducative n’aurait pas grand sens.

● En second lieu, une procédure de jugement sur audience unique est également possible à l’initiative du parquet.

Cette procédure est régie par les articles L. 521-6 et L. 521-7 du CJPM.

Elle nécessite au préalable que le mineur soit déféré devant le procureur de la République ou l’un de ses substituts. Le parquet peut alors saisir le tribunal pour enfants pour statuer en audience unique.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le parquet puisse user de cette faculté qui doit s’exercer « à titre exceptionnel » selon l’article L. 521-6 du CJPM.

D’abord, l’audience unique n’est possible que pour des faits d’une certaine gravité : la peine encourue doit être supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pour un mineur de moins de seize ans, et supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement pour un mineur de plus de seize ans.

Ensuite, il doit s’agir :

– soit d’un mineur connu, c’est-à-dire un mineur qui doit déjà avoir fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ;

– soit d’un mineur également poursuivi pour un refus de se soumettre à des prélèvements biologiques et relevés signalétiques.

La juridiction conserve la possibilité, après avoir recueilli les observations des parties présentes et par décision motivée au regard de la personnalité et des perspectives d’évolution du mineur, de statuer selon les principes de la césure du procès pénal et de décider une période de mise à l’épreuve éducative (article L. 521-7 du CJPM).

La rationalisation des mesures éducatives

Le CJPM procède à une rationalisation des mesures éducatives en vue de renforcer la prise en charge du mineur.

Le CJPM supprime la catégorie des sanctions éducatives. La mesure éducative judiciaire (MEJ) devient la seule mesure éducative, avec l’avertissement judiciaire, que la juridiction peut prononcer à titre de sanction, c’est-à-dire à l’issue d’une audience de sanction ou d’une audience unique.

L’avertissement judiciaire fusionne l’admonestation, la remise à parents et l’avertissement solennel.

La MEJ, quant à elle, peut être prononcée pour une durée n’excédant pas cinq ans et peut s’exécuter jusqu’aux 21 ans de la personne condamnée. Elle peut comprendre un ou plusieurs modules visant à répondre à des besoins identifiés : module d’insertion, module de réparation, module de santé ou module de placement.

Elle peut aussi comprendre certaines interdictions et obligations, comme des interdictions de paraître en certains endroits ou d’entrer en contact avec certaines personnes, ou encore l’obligation de remettre un objet détenu ou de suivre un stade de formation.

La MEJ est ainsi, en matière de sanction, l’une des traductions concrètes des principes d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs et de la primauté de l’éducatif.

Elle peut également être prononcée, à tous les stades de la procédure, à titre provisoire. Dans le cadre d’une MEJ à titre provisoire, le placement du mineur peut être ordonné auprès d’un service de l’aide sociale à l’enfance jusqu’à sa majorité.

La MEJ peut également être prononcée lorsque le mis en cause est devenu majeur, ce type d’hypothèse ayant toutefois vocation à devenir plus rare compte tenu de l’accélération de la procédure.

L’amélioration de la connaissance de la situation du mineur et du partage d’informations

La généralisation du recueil de renseignements socio-éducatif (RRSE)

Le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) est établi par les éducateurs de la PJJ. Il contient les renseignements utiles sur la personnalité du mineur, une proposition éducative ou toute mesure d’insertion sociale.

Le CJPM généralise le RRSE, qui est désormais systématique en cas de poursuite ou de placement en détention provisoire.

La dématérialisation du dossier unique de personnalité

Le dossier unique de personnalité

Le DUP est régi par les articles L. 322-8 à L. 322-10 du CJPM.

Il est ouvert par le juge des enfants lorsqu’un mineur poursuivi fait l’objet d’une mesure de sûreté, d’une mesure éducative ou d’une mesure d’investigation. Il est également ouvert lorsqu’un mineur fait l’objet d’une peine ou d’une mesure éducative prononcée par une juridiction de jugement.

Le DUP existe en format numérique et ne peut être utilisé que devant les juridictions pénales pour mineurs.

Le juge des enfants doit verser au dossier les copies des pièces relatives à la personnalité du mineur recueillies dans le cadre procédures pénales ainsi que, le cas échéant, les copies des pièces utiles relatives à sa personnalité et à son environnement social et familial émanant des procédures d’assistance éducative.

Le DUP est accessible de droit :

– aux magistrats et juridictions ayant à connaître de la procédure et de la situation du mineur concerné ;

– aux personnels des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse et du secteur associatif habilité saisi d’une mesure judiciaire concernant le mineur ;

– aux avocats du mineur et de ses représentants légaux ; ils ne peuvent transmettre de copie ou de reproduction du dossier à leur client.

Le mineur n’y a pas directement accès, sauf s’il est devenu majeur au jour de l’audience d’une juridiction pour mineur statuant en matière d’application des mesures éducatives et des peines, à moins qu’il ne soit assisté par un avocat.

Les avocats de la partie civile peuvent également avoir accès au DUP. Toutefois, le juge des enfants peut s’opposer à la communication d’informations recueillies lors des procédures d’assistance éducative dont le mineur a fait l’objet, lorsqu’il estime cette communication contraire à l’intérêt du mineur.

Enfin, sur autorisation du juge des enfants, le psychologue ou le psychiatre désigné en qualité d’expert peut avoir accès au DUP.

Le DUP a été conçu par le législateur comme un outil commun à tous les partenaires de la justice pénale des mineurs. L’objectif recherché est de réunir dans un même support l’ensemble des informations actualisées sur la personnalité et l’environnement social et familial du mineur, recueillies dans l’ensemble des procédures pénales et d’assistance éducative qui le concernent.

Dans le but de faire primer l’éducatif sur le répressif, le CJPM a prévu la dématérialisation du DUP. En effet, cela permet d’en faciliter l’accès et donc l’utilisation dans le cadre des procédures, notamment lorsqu’elles impliquent des mineurs déjà connus au pénal ou au civil.

Le recours accru à la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE)

La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) consiste en une évaluation approfondie et interdisciplinaire de la personnalité et de la situation du mineur, y compris, le cas échéant, sur le plan médical.

Elle peut être ordonnée par le juge des enfants, le juge d’instruction et les juridictions de jugement pour mineurs à tous les stades de la procédure pénale. Elle peut aussi être mise en œuvre par les services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse ou du secteur associatif habilité.

Elle donne lieu à un rapport contenant tous renseignements utiles sur sa situation ainsi qu’une proposition éducative ou une proposition de mesures propres à favoriser son insertion sociale.

Avec le CJPM, la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) est devenue systématique lors de l’ouverture d’une instruction.

Le renforcement des conditions de la détention provisoire

Comme auparavant, la détention provisoire des mineurs de moins de treize ans est prohibée. Pour les autres mineurs, et contrairement aux majeurs, elle ne peut être ordonnée que si elle constitue « l’unique moyen » d’atteindre les objectifs prévus par le droit commun de la procédure pénale (conservation des preuves, limitation des pressions et concertations, protection des personnes, maintien à la disposition de la justice du mis en cause, etc).

Pour les moins de 16 ans, les conditions de la détention provisoire ont été renforcées par le CJPM puisque celle-ci n’est possible, en principe, qu’en matière criminelle. En matière correctionnelle, elle suppose désormais que le mineur ait préalablement violé plusieurs obligations d’un contrôle judiciaire et qu’il se soit volontairement soustrait à l’obligation de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif fermé.

À l’initiative de l’Assemblée nationale, il a également été décidé de transférer au juge des libertés et de la détention la compétence pour le placement en détention provisoire du mineur avant le prononcé de la culpabilité, notamment dans le but de préserver l’impartialité du juge des enfants.

À noter que les conditions pour délivrer à un mineur d’au moins 16 ans une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) ont également été durcies par le CJPM car elles supposent désormais que la peine encourue soit de trois ans d’emprisonnement et non de deux ans auparavant.

Une réforme qui a préservé les grands principes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante

L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante a organisé la justice pénale des mineurs dans le respect de trois principes fondamentaux : l’atténuation de la responsabilité des mineurs en fonction de l’âge, une réponse pénale qui accorde une primauté à l’éducatif sur le répressif et l’existence de juridictions spécialisées.

Dans une décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a rappelé « que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ». Ce faisant, il a établi la valeur constitutionnelle de ces principes en les érigeant en principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR).

Le CJPM préserve pleinement ces principes.

On rappellera que, pour être ainsi reconnu, un PFRLR doit remplir plusieurs conditions dont celle d’avoir été inscrit dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 et avoir fait l’objet d’une application continue depuis lors. Mentionnés dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie celui de la Constitution de 1958, les PFLR sont intégrés au bloc de constitutionnalité au regard duquel le Conseil constitutionnel exerce son contrôle des lois.

L’atténuation de responsabilité

Parfois qualifiée « d’excuse de minorité », l’atténuation de responsabilité consiste principalement à réduire la peine encourue lorsque l’auteur de l’infraction est mineur. Le CJPM n’apporte pas de changements significatifs sur ce point par rapport aux règles issues de l’ordonnance de 1945.

Toutefois, il faut souligner que la présomption simple de non discernement pour les mineurs de moins de treize ans, intégrée dans le CJPM, constitue une nouvelle règle de droit pénal de fond qui s’appuie sur le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs.

L’excuse de minorité se matérialise également dans une adaptation de la procédure pénale applicable au mineur. Par exemple, l’ordonnance de 1945 prévoyait que, sauf exception, « le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue ».

Le CJPM reprend cette règle et ainsi qu’un ensemble de dispositions spécifiques aux mineurs pour les gardes à vue. Il est notamment prévu, contrairement à ce qui est applicable aux majeurs, qu’aucune mesure de garde à vue ne peut être prolongée sans présentation préalable du mineur au procureur de la République ou au juge d’instruction compétent.

Dans le même esprit, lors de l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance créant le CJPM, le Parlement a tenu à ce que l’avocat soit obligatoire au cours des auditions libres de mineurs entendus en qualité de suspect d’une infraction.

Enfin et surtout, le CJPM a renforcé l’application du principe de l’excuse de minorité en matière de détention provisoire ou d’assignation à résidence sous surveillance électronique en durcissant les conditions dans lesquelles ces deux mesures de sûreté peuvent être décidées.

La primauté de l’éducatif

Les modalités de prise en charge éducative ont également été renforcées par le CJPM avec la création de la MEJ, une mesure éducative unique, modulable et adaptable dans le temps qui vise à prendre en compte la personnalité et l’évolution du mineur.

De même, la systématisation du RRSE et de la dématérialisation du DUP permet aux différents acteurs de la justice pénale des mineurs de mieux poursuivre l’objectif de relèvement moral et éducatif du mis en cause.

La spécialisation des acteurs de la justice pénale des mineurs

Le principe de spécialisation des acteurs de la justice pénale des mineurs a été étendu par le CJPM. Celui-ci prévoit en effet que certains juges des libertés et de la détention (JLD) doivent être spécialement chargés des affaires concernant les mineurs.

Toutefois, cet apport doit être nuancé. Lors des diverses tables rondes organisées dans le cadre des travaux de la mission, il a souvent été rappelé que cette spécialisation n’est pas forcément une réalité, car dans les petites et moyennes juridictions, le ou les JLD sont en principe habilités indistinctement de la compétence relative aux mineurs afin d’éviter toute difficulté de fonctionnement.

Une réforme globalement bien préparée

Une réforme bien préparée dans la plupart des juridictions

Un délai supplémentaire bienvenu

Certaines des juridictions auditionnées par vos rapporteurs ont salué la préparation de la réforme par l’administration, et toutes ont considéré comme indispensable le délai laissé par le Parlement entre la ratification et l’entrée en vigueur. Pour mémoire, la loi n° 2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs avait reporté du 1er mars 2021 au 30 septembre 2021 la date d’entrée en vigueur de la réforme.

La crise sanitaire avait en effet considérablement perturbé la période d’un an et demi qui avait été initialement envisagée entre la publication des ordonnances créant le CJPM, en date du 11 septembre 2019, et l’entrée en vigueur du nouveau code. Ainsi, selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) : « La préparation de la réforme a été ralentie avec la crise sanitaire et le premier confinement puis s’est notablement intensifiée à partir de septembre 2020. Elle se poursuit encore après l’entrée en vigueur de la réforme ».

Vos rapporteurs se félicitent du temps accordé à la préparation de la mise en œuvre de la réforme et estiment que le législateur devrait tirer les conséquences de cette expérience, en veillant plus souvent à prévoir des délais suffisants pour la mise en œuvre des réformes qui impliquent des changements importants pour un secteur ou un pan du droit.

Un effort important de formation des magistrats

Ces deux années de préparation ont été pleinement utilisées pour diffuser de nombreux documents d’information et organiser diverses formations sur la réforme, prioritairement en direction des magistrats. La Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) constate que « les directions de la protection judiciaire de la jeunesse et des affaires criminelles et des grâces ont très bien préparé, accompagné, soutenu et suivi la réforme par une quantité de communications intéressantes et pragmatiques, par des fiches pratiques, par des lettres et des réunions organisées par cour d’appel qui ont vraiment permis d’appréhender au mieux la réforme ».

Une formation intensive en direction des magistrats et des greffiers

Dès 2020, des outils de présentation du CJPM (schémas de procédure et documents Powerpoint), ainsi qu’une trentaine de fiches techniques, ont été diffusés.

Outre la circulaire de présentation des dispositions du CJPM, signée le 25 juin 2021, plusieurs notes ont été transmises aux juridictions sur l’apurement des stocks (novembre 2020), sur l’accompagnement au changement (décembre 2020), sur les principes directeurs de l’audiencement (mars 2021), sur l’organisation des parquets (mars 2021), sur la méthode d’audiencement (juillet 2021) ou encore sur la mise en œuvre de la réforme au sein des cours d’appel (septembre 2021).

Un guide d’entrée dans la réforme (décembre 2020), un guide d’accompagnement de la réforme (juillet 2021), un référentiel des pratiques éducatives (juillet 2021) ou encore un guide de l’offre éducative (septembre 2021) ont été édités et mis à disposition des juridictions.

L’école nationale des greffes a mis en ligne une mallette pédagogique à destination des services de greffe (recueil de textes, de fiches techniques, de schémas de procédure, quiz, lexique, module d’enseignement en ligne).

Enfin, de nombreux colloques et séminaires ont été tenus, associant d’autres professions, notamment les avocats, les directeurs territoriaux de la PJJ et les éducateurs.

Source : DPJJ

Un dialogue en amont entre les acteurs.

Outre la formation des professionnels, les juridictions ont préparé la réforme en mettant en place un dialogue entre les parties prenantes en vue d’établir des processus adaptés aux nouvelles procédures prévues par le CJPM. Comme le précise l’Union syndicale des magistrats (USM), « la nouvelle procédure fondée sur une césure du procès pénal a exigé une grande coopération entre les services du siège et du parquet. […] Ainsi, par exemple, le choix de l’orientation en cabinet ou en tribunal pour enfants par le parquet doit être conduit en étroite collaboration avec le siège au risque sinon d’arriver à une embolie du service des mineurs ».

Ce dialogue, contraint par la procédure qui donne un rôle prépondérant au parquet dans l’orientation des dossiers et le rythme de l’audiencement, fonctionne bien même si, selon l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), « les choix d’action publique qui appartiennent au parquet ne répondent pas toujours à la même logique que celle des juges des enfants ».

Ces échanges se sont aussi déroulés avec des services extérieurs aux juridictions. La DPJJ souligne ainsi « l’intensification des instances quadripartites, réunissant le parquet, le tribunal pour enfants, la PJJ et l’aide sociale à l’enfance au niveau départemental, induite par la préparation à l’entrée en vigueur du CJPM et par les nécessaires réajustements inhérents aux premiers mois de mise en œuvre ».

Dans la plupart des juridictions, les avocats, par l’intermédiaire de leur barreau, ont été également étroitement associés. Le CNB a souligné l’utilité « des nombreuses formations préparatoires et de la mise en place de comités de pilotage avec des rencontres trimestrielles ». Pour vos rapporteurs, ce dialogue est une réelle avancée et mérite d’être poursuivi dans le cadre du fonctionnement régulier de la réforme ([3]).

Une préparation insuffisante des éducateurs à l’évolution des missions de la protection judiciaire de la jeunesse

Pour les directeurs territoriaux et les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, auditionnés par vos rapporteurs, la préparation de l’entrée en vigueur de la réforme présente un bilan en demi-teinte. Ils ont bénéficié d’un moindre accompagnement en comparaison avec les tribunaux judiciaires, alors même que leurs missions et leurs méthodes de travail se trouvent profondément modifiées par la réforme.

Si de nombreux documents et « webinaires » ont été mis à la disposition des éducateurs par l’administration centrale (voir encadré ci-avant), les éducateurs ont toutefois regretté le manque de temps qui leur avait été accordé pour se consacrer à ces formations. Il a été rappelé à plusieurs reprises que ce sont le plus souvent les magistrats, dans les juridictions, qui ont assuré des formations sur la nouvelle procédure à destination des éducateurs.

L’USM a ainsi souligné que « dans de très nombreuses juridictions, les fonctionnaires de la PJJ, en plus des documents internes reçus de leur direction ont été conviés à des journées de formation organisées par les référents siège et parquet des mineurs (magistrat coordinateur du TPE et parquetier chef de section des mineurs). Ces formations ont permis aux professionnels d’échanger entre eux et de convenir des modalités pratiques de mise en œuvre de la réforme ». Le syndicat regrette toutefois que « l’essentiel de la formation des personnels de la PJJ sur la nouvelle procédure ait été conduite par les magistrats alors qu’eux-mêmes devaient assimiler la réforme et la mettre en œuvre en juridiction ».

Par ailleurs, selon la Confédération nationale des associations de la protection de l’enfance (CNAPE), « aucune action spécifique de formation sur le CJPM n’a été proposée au secteur associatif habilité » qui exécute pourtant un grand nombre de mesures et gère de nombreux établissements de placement, notamment trente-cinq des cinquante-deux centres éducatifs fermés (CEF). Les associations regrettent de ne pas avoir un interlocuteur dédié au sein de chaque tribunal judiciaire pour obtenir les différents documents et recevoir les saisines.

Recommandation n° 1 : Attribuer aux associations du secteur habilité un interlocuteur au sein de chaque tribunal judiciaire pour assurer la bonne transmission des informations.

En outre, les magistrats ne sont pas nécessairement familiers des spécificités du métier d’éducateur et des implications de la réforme sur celui-ci. Vos rapporteurs constatent, au terme de leurs échanges avec les représentants des éducateurs, qu’il n’y a pas eu suffisamment d’information auprès des professionnels de la PJJ sur les implications de la réforme sur leurs pratiques. Comme le résume la présidente de la Conférence nationale des premiers présidents de cour d’appel (CNPP), Mme Isabelle Gorce, « la PJJ n’a pas été préparée à gérer le temps court ».

Nombre d’entre eux regrettent de ne pas disposer d’un délai suffisant, en amont de l’audience de culpabilité, pour préparer le mineur à son procès et pour collecter les informations nécessaires. Or l’audience de culpabilité, si elle apparaît plus formelle que la mise en examen, ne marque pas l’aboutissement de la procédure pénale. Elle vise à montrer au mineur une réaction rapide de la justice et l’engagement formel de sa prise en charge.

C’est désormais la période de mise à l’épreuve éducative qui doit servir à perfectionner la connaissance du mineur, tout en commençant à travailler avec lui. Tout au long de cette phase, la mesure peut continuer d’être adaptée et, à son terme, l’éducateur et le juge disposeront d’une connaissance plus fine de son profil pour prononcer la sanction la plus adaptée.

Cela implique une évolution des pratiques : la préparation des mineurs et le travail d’investigation en amont de l’audience de culpabilité ne peuvent pas être aussi approfondis qu’auparavant. Le recueil d’informations doit davantage s’appuyer sur l’éducateur référent lorsque le mineur est déjà suivi au titre de l’enfance en danger ([4]). Sans cette adaptation, la charge de travail et le poids des démarches administratives dans l’exercice des missions des éducateurs deviendront excessifs, alors même que la réforme implique déjà une présence accrue des éducateurs aux audiences et une augmentation du nombre de mesures.

Une réforme tardivement intégrée par les forces de sécurité

L’entrée en vigueur semble avoir été peu anticipée par le ministère de l’Intérieur. Selon la CNPR, « autant la préparation et l’appropriation par l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale doivent être soulignées, autant l’indifférence du ministère de l’intérieur à cette réforme doit aussi être relevée : en dépit de réunions préparatoires, de sensibilisation des services, de diffusion de notes et de transmission de trames nouvelles, les officiers de police judiciaire ont du mal à s’intégrer dans cette nouvelle procédure. Nombre de parquets ont dû faire preuve de beaucoup d’abnégation pour parvenir à une certaine qualité dans les convocations par officier de police judiciaire (COPJ) délivrées, par exemple en organisant une transmission systématique des COPJ avant délivrance afin de vérifier la régularité de ladite convocation et son respect des mentions obligatoires et de l’orientation choisie par le magistrat du parquet. Il s’agit pour eux d’une réforme subie, peu préparée et mal investie ».

De nombreux tribunaux judiciaires ont fait état de l’utilisation de trames faisant encore référence à l’ordonnance de 1945, causant parfois des vices de procédure. Cela peut s’expliquer par un manque de dialogue entre les services du ministère de l’Intérieur et ceux du ministère de la Justice. En effet, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) du ministère de l’Intérieur a indiqué à vos rapporteurs que les services de la sécurité publique ont été destinataires de la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice le 17 septembre 2021, ce qui était tardif pour une entrée en vigueur le 30 septembre 2021.

La DCSP a également regretté que les consignes diffusées au niveau central soient parfois entrées en contradiction avec les demandes des parquets au niveau local : « Les nouveaux modèles directement disponibles dans le logiciel de rédaction de procédure de la police nationale, ont été adaptés avec l’aval de la DACG. Pour autant, certains parquets modifient à leur gré les modèles, de sorte que les enquêteurs ne bénéficient plus des modèles automatisés (par exemple en rajoutant « aux fins d’être jugé » ou « aux fins d’être jugé sur la culpabilité »). Certains magistrats exigent également de valider préalablement la convocation avant notification au mis en cause. Enfin, la signature des deux représentants légaux sur les convocations devant les juridictions est parfois exigée par certains parquets ce qui allonge les délais de traitement des dossiers alors que les délais courts de convocations nécessitent une transmission sans délai des procédures au tribunal judiciaire ».

Maintenant que la réforme est pleinement entrée en vigueur, ces difficultés tendent toutefois à se résorber grâce au dialogue entre les parquets et les officiers de police judiciaire. Dans plusieurs ressorts, le Parquet est encore destinataire des COPJ avant leur signature pour s’assurer de leur conformité au CJPM, mais cette pratique devrait cesser progressivement lorsque la réforme aura été pleinement intégrée.

Recommandation n° 2 : Uniformiser les trames utilisées par les services de police et de gendarmerie ainsi que les pratiques entre parquet et service d’enquête.

Une mise en œuvre rapide dans un contexte difficile

La mise en œuvre de cette réforme était exigeante sur plusieurs plans. D’abord, parce qu’elle supposait la gestion concomitante de deux procédures, ensuite car elle intervenait dans un contexte où le stock d’affaires en cours était important, les délais excessifs et les moyens des juges pour enfants, des greffes et de la PJJ insuffisants.

Une transition rapide d’une procédure à l’autre

La réduction des stocks

La plupart des juridictions avaient accumulé, avant la réforme, un stock important d’affaires devant être jugées sous le régime de l’ordonnance de 1945. Trois moyens ont été mis en œuvre pour accélérer sa résorption :

– d’abord, les parquets ont procédé à la réorientation d’un certain nombre de procédures en cours en recourant aux alternatives aux poursuites, pour les faits les moins graves et les plus anciens. La CNPR a ainsi précisé que « pour favoriser l’entrée en vigueur de la réforme et éviter au maximum les situations de coexistence de double procédure, la pratique des parquets a consisté, en vue de l’entrée en vigueur dès mars 2021 puis septembre 2021, à réorienter bon nombre de procédures, sauf celles qui imposaient une saisine de la juridiction pour mineur, vers des alternatives aux poursuites en lien avec les délégués du procureur en charge des mineurs mais surtout avec les services du milieu ouvert de la PJJ. Ainsi les mesures de compositions pénales et de réparations pénales ont pu se développer en fonction des possibilités territoriales assez différentes d’un ressort à l’autre ».

– ensuite, lors des dernières semaines ayant précédé l’entrée en vigueur du code, l’engagement des poursuites a été suspendu dès que cela était possible pour qu’elles soient déclenchées après le 30 septembre 2021, sous le régime du CJPM ;

– enfin, et surtout, les magistrats ont engagé des efforts considérables pour audiencer le plus de dossiers possibles au cours de la période de transition.

Vos rapporteurs regrettent toutefois que les moyens promis aux juridictions pour absorber ce surcroît d’activité n’aient pas été fournis, alors qu’ils auraient pu faciliter la bonne entrée en vigueur du CJPM.

Ces efforts conjoints ont permis une réduction rapide des stocks, y compris dans des tribunaux ayant une activité élevée. Au niveau national, la DPJJ estime « qu’entre le 1er octobre 2021 et le 1er octobre 2022, le stock de procédures régies par l’ordonnance de 1945 a diminué de près de 70 %. 106 tribunaux pour enfants sur 150 connaissent un stock de procédures relevant de l’ordonnance de 1945 inférieur à 20 procédures par cabinet de juge des enfants ».

Parmi les juridictions auditionnées, la plupart ont indiqué avoir considérablement diminué leur stock. Pour certaines, il est devenu négligeable, comme à Rodez et Dijon, où les juridictions n’ont respectivement plus que quatre et dix dossiers engagés sous l’ordonnance de 1945 à traiter. À Toulouse et Marseille, les résultats sont également très encourageants, puisque le nombre de dossiers en stock est passé, entre 2020 et 2022, respectivement de 1 600 à 114 et de 1 600 à 124. À Lyon, le stock, qui représentait dix mois d’audience, est quasiment résorbé. En région parisienne, les juridictions ont également réduit le nombre d’affaires datant d’avant la réforme, mais elles conservent des stocks importants, il en reste 279 à Paris (contre 1 830 en 2020) et 550 à Bobigny.

Ces pratiques ne sont toutefois pas durables au-delà de la phase de transition. Selon la CNPR, « il convient aujourd’hui de sortir de cette orientation « dégradée » afin de réinvestir des alternatives de qualité ». Par ailleurs, pour le tiers des juridictions qui conserve un stock important, une solution doit être rapidement trouvée afin d’éviter la mise en place d’une justice des mineurs à deux vitesses.

Les alternatives aux poursuites dans le cadre du CJPM

Enfin, pour ne pas surcharger les audiences, les parquets recourent aux alternatives aux poursuites, dont le cadre a été modernisé par le CJPM pour améliorer leur dimension éducative.

Entre le 1er janvier 2022 et le 30 septembre 2022, parmi les 46 557 mineurs ayant bénéficié d’un classement suite à une alternative aux poursuites réussie, 10 496 ont bénéficié de ce classement suite à une alternative dite à contenu éducatif, ce qui représente un taux de 22,5 %. Sur la même période, le recours à la composition pénale concerne près de 10 000 mineurs.

Depuis l’entrée en vigueur du CJPM, la mesure alternative aux poursuites de réparation est celle à laquelle il est le plus recouru (8 975 mineurs). Les stages sont également très souvent prononcés (2 564 mineurs en alternative aux poursuites et 1 526 mineurs en composition pénale), essentiellement les stages de sensibilisation aux risques liés à l’usage des stupéfiants, les stages de citoyenneté et de façon plus résiduelle les stages de sensibilisation à la sécurité routière et les stages de formation civique. Le travail non rémunéré concerne 95 mineurs depuis l’entrée en vigueur du CJPM.

Le nombre de mineurs ayant bénéficié d’un classement suite à rappel à la loi s’élève à 23 854 pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2022. Le recul demeure insuffisant à ce jour pour évaluer les effets de la disparition du rappel à la loi à compter du 1er janvier 2023 et ceux de l’entrée en vigueur de l’avertissement pénal probatoire.

L’AFMJF alerte en particulier sur « la quasi-impossibilité de juger les dossiers d’instruction dont le stock continue à augmenter, faute de créneaux d’audience disponibles dans les grandes juridictions. À Paris il y en avait 60 en attente avant l’entrée en vigueur du CJPM et il y en a près de 160 maintenant ».

Selon les chiffres obtenus, le nombre de dossiers renvoyé à l’instruction en attente de jugement est de 54 à Toulouse, 151 à Paris ([5]), 70 à Bobigny et 66 à Marseille. Cette situation peut avoir des implications lourdes : l’AFMJF a notamment évoqué le cas de mineurs « restant très longtemps sous contrôle judiciaire, parfois jusqu’à quatre ans », seule la durée de détention provisoire faisant l’objet d’un plafonnement strict.

Vos rapporteurs proposent de permettre la délocalisation des audiences de jugement concernant des affaires anciennes, notamment celles qui ont fait l’objet d’une instruction et qui requièrent une durée d’audience plus importante.

Recommandation n° 3 : Permettre la délocalisation des audiences de jugement dans des juridictions moins encombrées pour des affaires très anciennes, notamment celles ayant fait l’objet d’une instruction (proposition nécessitant une évolution législative).

Une réduction des délais considérable menacée dans certaines juridictions

Cette transition a également été favorisée par la réduction des délais d’audiencement, qui sont désormais plafonnés dans la loi alors qu’ils étaient en moyenne de dix-huit mois avant la réforme. Pour mémoire, l’audience de culpabilité doit se dérouler entre dix jours et trois mois après l’engagement des poursuites, puis l’audience de sanction doit avoir lieu entre six et neuf mois après l’audience de culpabilité.

Pour la CNPR, la mise en place de délais contraignants a eu des effets « conformes à l’intérêt même de la réforme et à un de ses objectifs majeurs : ils accélèrent et scandent le rythme procédural de manière beaucoup plus cadencée et beaucoup moins aléatoire que sous l’empire de l’ordonnance de 1945 ».

Au 30 juin 2022, les délais moyens au niveau national étaient les suivants ([6]) :

– entre la poursuite et le jugement prononçant la culpabilité en audience d’examen de la culpabilité : 63 jours (soit 2 mois et 3 jours) ;

– entre le jugement prononçant la culpabilité et la date prévisionnelle de prononcé de la sanction : 189 jours (soit 6 mois et 8 jours) ;

– entre la poursuite et la date prévisionnelle de prononcé de la sanction : 251 jours (soit 8 mois et 11 jours).

Ces bons résultats devront être confirmés dans la durée, car la DPJJ constate déjà que : « quelques juridictions de taille importante ont rapidement éprouvé des difficultés à concilier le respect des délais de jugement avec le principe de continuité d’intervention du même juge des enfants pour l’ensemble des procédures pénales concernant un même mineur ». Trois solutions s’offrent à ces tribunaux. Certains, pour respecter les délais fixés par le parquet, ont dû abandonner le suivi individuel par un même juge, ou ont prévu des dérogations à la sectorisation pour mieux répartir la charge de travail entre les différents cabinets. D’autres, pour respecter le principe de suivi, ont été contraints de s’écarter des délais. Enfin, plusieurs essaient de se donner une marge de manœuvre supplémentaire, en renvoyant au terme du délai légal l’audience de sanction afin de ne pas surcharger le calendrier et de conserver ainsi des créneaux disponibles pour les audiences de culpabilité.

Par ailleurs, il est nécessaire que le délai de prise en charge des mineurs par la PJJ soit suffisamment court pour que la période de mise à l’épreuve éducative puisse être utilement valorisée. Selon la DPJJ, « entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, le délai de prise en charge moyen des mesures de milieu ouvert (hors placement et détention) s’élève à 34,5 jours, soit à peine plus d’un mois ». Cela reste compatible avec les objectifs de la réforme.

Une réforme exigeante pour les différents acteurs dans un contexte de manque de moyens

Une pression importante sur les effectifs

Outre l’effort consenti pour procéder à la transition en résorbant le stock des procédures engagées sous l’empire de l’ordonnance de 1945, la nouvelle procédure s’avère très exigeante pour les effectifs des tribunaux (magistrats et greffes), les agents de la PJJ et les avocats. Cela résulte principalement des délais imposés, ainsi que de la généralisation de la césure pénale qui a pour effet de doubler le nombre d’audiences.

La plupart des audiences de culpabilité se déroulent en chambre du conseil, en la seule présence du juge des enfants, mais elles impliquent malgré tout un lourd travail administratif en amont (envoi des convocations, préparation des dossiers, rédaction des rapports, etc.) et prennent plus de temps que la mise en examen qui existait dans le cadre de l’ordonnance de 1945 (rappel des faits, étude de la personnalité du mineur, prise en compte de la victime, explication de la procédure, choix de la mesure provisoire). La mise en place systématique d’une mesure éducative dans le cadre de la césure augmente également la charge de travail de la PJJ et le travail de suivi des magistrats.

En théorie, l’audience de sanction ne donne pas lieu à une nouvelle présentation des faits et de la personnalité du mineur. Toutefois, en réalité, celle-ci est nécessaire, dès lors que l’audience a lieu avec un juge différent, en présence de nouveaux assesseurs (devant le tribunal pour enfants), ou encore si la victime n’était pas présente à l’audience de culpabilité. Ainsi, la césure ne crée pas deux « demi-audiences », mais deux audiences de durée souvent comparable.

Le tribunal de Nouméa a indiqué, lors de son audition, que « le temps de greffe induit par la réforme a été sous-estimé ». Au total, le tribunal judiciaire de Bobigny a évalué à quatre-vingt-dix minutes le temps supplémentaire moyen consacré à chaque dossier.

La part de l’activité des juges des enfants consacrée au pénal a considérablement augmenté sous l’effet des délais obligatoires, sans que diminue le nombre de dossiers à suivre au titre de l’enfance en danger et qui impliquent également le respect de délais contraignants. Or, la CNPR rappelle que cette « augmentation du temps – judiciaire et éducatif – consacré aux situations s’est effectuée sans augmentation de moyens particuliers pour la majorité des juridictions ».

La réforme sollicite également beaucoup les parquets qui ne parviennent pas à assister aux audiences au cours desquelles ils doivent prendre des réquisitions.

Vos rapporteurs insistent sur le fait que la mise en œuvre s’est bien déroulée grâce à l’engagement de l’ensemble des professionnels, mais que ces derniers n’ont pas reçu les soutiens humains, financiers et logistiques suffisants malgré les augmentations du budget de la justice décidées au cours des dernières années. Cet effort, légitimement demandé dans le cadre de la transition, ne saurait suffire à répondre durablement à l’augmentation de la charge de travail et à la pression mise sur les effectifs.

De nombreux tribunaux ont indiqué que leur capacité à respecter les contraintes du CJPM dépendait directement des effectifs à leur disposition. L’absence d’un magistrat (congé maladie, maternité etc.) est susceptible de désorganiser d’un seul coup une juridiction et d’entraîner un dépassement des délais. Une marge de sécurité supplémentaire doit donc être prévue pour parer à cette fragilité.

Recommandation n° 4 : Renforcer les effectifs en greffe et en magistrats dans les juridictions sous tension en fonction de leur capacité à respecter les délais.

Outre les juridictions, cette pression affecte tous les acteurs du procès pénal et de la prise en charge des mineurs délinquants. Les contraintes procédurales relatives aux délais se répercutent tant sur les éducateurs que sur les avocats. Ils sont soumis à des délais de convocation courts, qui supposent la production rapide de nombreux documents et un risque accru de devoir procéder à des renvois. Le Conseil national des barreaux constate ainsi que « les délais sont parfois trop courts pour obtenir les informations nécessaires. Il y a souvent des renvois justifiés par l’absence d’avocats désignés ou de tous les éléments du dossier du mineur (dossier pénal, dossier de personnalité, RRSE). Pour avoir la copie du dossier, les avocats sont contraints de faire des demandes de renvoi ».

Le dédoublement des audiences a également accru le temps passé au tribunal par les éducateurs – temps qui n’est pas consacré à la mise en œuvre des mesures. Pour les syndicats de la PJJ, « dans de nombreux services, dont ceux situés sur le territoire de juridictions de grande importance, les équipes ont le sentiment de passer leur temps en audiences dans les couloirs du tribunal et à écrire des rapports à cette fin aux dépens de la relation éducative et de l’accompagnement des jeunes dans leur quotidien » ([7]).

La CNPR souligne que « les moyens alloués à la PJJ demeurent, à l’instar de ceux donnés à l’autorité judiciaire, aux magistrats du siège et du parquet et aux services de greffes, insuffisants pour faire face à une mise en œuvre affirmée de la réforme et de sa nouveauté procédurale. Le travail partenarial mené par les parquets et les juridictions pour mineur avec la PJJ ne suffit pas à pallier ce manque ».

Un grave manque d’investissement dans les moyens informatiques

Outre le manque de moyens humains, les auditions ont mis en évidence des difficultés d’organisation liées, notamment, à des outils informatiques défaillants. Comme le résume la CNPR, « l’outil informatique n’apporte pas toutes les facilités que les magistrats, greffiers et fonctionnaires de la PJJ seraient en droit d’en attendre ».

Concernant la phase de transition, la DPJJ a reconnu que « la transition entre les deux régimes a été rendue délicate en raison d’une inadaptation structurelle de l’applicatif Cassiopée à la nouvelle procédure ». Les logiciels n’ont vraisemblablement pas été actualisés suffisamment en amont pour absorber les modifications apportées par la réforme et, surtout, pour gérer la coexistence des deux régimes pendant la phase de transition. À moyen terme, c’est la gestion des procédures CJPM qui constitue une priorité.

Or, malgré les efforts décrits par la DPJJ, les juridictions se plaignent de l’incapacité des logiciels à simplifier l’organisation et la coordination des différents acteurs, alors même que celle-ci est devenue essentielle au bon fonctionnement de la justice pénale des mineurs. En effet, leur interopérabilité est faible et les conditions d’accès à chacun d’eux sont restrictives. L’inadéquation et les dysfonctionnements des logiciels informatiques ont des conséquences sur la procédure et l’ensemble de la chaîne pénale.

Selon l’USM : « Il faut absolument adapter l’outil informatique qui n’a pas évolué avec la loi. Les greffiers des juges des enfants continuent de travailler sur des trames qu’ils ont eux-mêmes conçues et entrent dans bien des cas les identités des mineurs à la main. Le risque d’erreur est important et le surcroît de travail généré notable ».

L’adaptation des logiciels à la réforme du CJPM

La DPJJ a participé à l’évolution des applications informatiques concernées par la réforme.

S’agissant de l’application Cassiopée utilisée par les juridictions en matière pénale, une mise à jour a été réalisée pour l’entrée en vigueur de la réforme et a été régulièrement corrigée depuis. Trente trames de décision CJPM étaient disponibles dans l’application lors de l’entrée en vigueur sur les quatre-vingt-dix trames mises à jour et disponibles sur intranet. Le nombre de trames disponibles dans l’application s’élève aujourd’hui à cinquante-sept.

L’application Wineurs utilisée par les juges des enfants en matière post-sentencielle a été intégralement mise à jour pour l’entrée en vigueur, de même que près de cent-dix trames qui étaient toutes disponibles dans l’application le 30 septembre 2021.

L’utilisation de l’application Pilot a été conseillée pour l’audiencement des procédures relevant du CJPM. Un mode opératoire spécifique a été réalisé pour l’occasion et les services de la PJJ ont la possibilité de consulter cette application. Des modes opératoires pour la numérisation des dossiers uniques de personnalité ont également été élaborés.

Source : DPJJ

 La dématérialisation

Certaines informations continuent de ne pas être dématérialisées. Il s’agit généralement d’un défaut d’alimentation des bases de données, souvent faute de temps, et d’un manque de moyen pour procéder à la dématérialisation des dossiers existants. Certaines juridictions ont pu bénéficier de juristes contractuels pour réaliser ces tâches ; tel est notamment le cas du tribunal judiciaire de Paris, qui est en train d’achever la dématérialisation des dossiers existants.

Malgré l’obligation de dématérialisation prévue par l’article L. 322-8 du CJPM, les dossiers uniques de personnalité (DUP) sont les principaux concernés par ce retard dans la dématérialisation. Ils sont souvent incomplets et n’existent qu’en format papier dans certaines juridictions, les rendant ainsi quasiment inexploitables. En l’absence de dématérialisation, ce dossier doit être consulté sur place, ce qui est inenvisageable lorsque la juridiction saisie n’est pas la juridiction dans laquelle le mineur est déjà connu – même s’il demeure possible de solliciter la copie des derniers rapports.

En pratique, le DUP doit être alimenté au fur et à mesure, ce qui nécessite, dans les juridictions, que des emplois soient affectés aux tâches de numérisation des pièces qui le constituent. Vos rapporteurs rappellent l’importance de doter les juridictions des effectifs suffisants pour réaliser les tâches de numérisation et garantir la mise à jour en temps réel du DUP.

Au cours des auditions et des diverses tables rondes, les avocats ont fait valoir leurs difficultés d’accès au DUP. Les avocats n’ont pas directement accès aux outils internes des magistrats, notamment l’application NPP (« Numérisation des procédures pénales »). Ils doivent solliciter une copie au greffe. Lorsqu’ils ne l’obtiennent pas dans les délais, ils sont conduits à formuler des demandes de renvoi.

En outre, ces dossiers ne sont constitués qu’à compter de l’ouverture de poursuites pénales et ne permettent pas d’obtenir rapidement des informations sur le mineur lorsque celui-ci fait déjà l’objet d’un suivi au titre de l’aide sociale à l’enfance.

Or, le DUP peut simplifier les investigations sur les antécédents du mineur, notamment s’il est déjà suivi au titre de la protection de l’enfance ([8]) . L’accès à ces informations permettrait au juge des enfants, dans son office pénal, de gagner du temps. En effet, il pourrait accéder aux informations socio-éducatives du mineur, sans devoir saisir à nouveau les services de la PJJ pour réaliser l’enquête de personnalité alors que les délais ne le permettent pas et que cela occasionne une surcharge de travail. Ces informations ayant, de toute façon, vocation à être transmises au juge à un moment ou un autre de la procédure, il est préférable qu’elles le soient le plus rapidement possible en s’appuyant sur des informations déjà existantes et, souvent, mieux renseignées.

Vos rapporteurs considèrent que le DUP pourrait relever d’une plateforme numérique commune à tous les partenaires du mineur. L’idéal serait que les pièces de procédure y soient numérisées dès le départ pour éviter l’accomplissement de tâches de numérisation redondantes. La plateforme commune pourrait utilement contenir l’ensemble des informations sur les procédures en cours et le calendrier des audiences à venir. Il est important, en effet, que les partenaires du mineur puissent expliquer à ce dernier le sens et l’enjeu de chacun de ses rendez-vous judiciaires.

Cette plateforme pourrait aussi jouer un rôle utile pour éviter des contrariétés de décisions. Un syndicat de la PJJ a relaté à vos rapporteurs que, dans certaines juridictions, plusieurs mesures éducatives provisoires ont été ordonnées cumulativement pour un seul et même mis en cause, parfois par plusieurs juges différents, involontairement par méconnaissance des autres mesures en cours à cause de dysfonctionnement des logiciels ou de l’impossibilité d’intégrer les informations en temps réel.

Recommandation n° 5 : Assurer la dématérialisation effective du DUP et la possibilité d’alimenter automatiquement ce dossier avec les informations de nature pénale et civile déjà existantes.

Recommandation n° 6 : Mettre en place une plateforme numérique commune, accessible à tous les acteurs de la justice pénale des mineurs, comprenant le DUP et le calendrier de toutes les audiences concernant un même mineur.

 L’organisation des audiences

Les efforts pour développer le logiciel Pilot afin de faciliter le nouveau rôle du parquet au stade de l’audiencement ne permettent pas encore d’améliorer significativement l’organisation des audiences. Pour l’AFMJF, « la multiplication des logiciels (Cassiopée, Pilot audiencement, DUP sur NPP, tableaux des RRSE…) et l’incomplétude des nouvelles trames ont conduit tant les magistrats (siège et parquet) que le greffe à perdre énormément de temps pour la fixation des audiences de culpabilité et pour éviter de multiples renvois pour cause de procédures incomplètes ou de mauvaises orientations ». Au tribunal judiciaire de Marseille, les juges des enfants et les greffiers ont indiqué, lors de leur audition, qu’ils assuraient le suivi des mineurs à l’aide de tableurs Excel remplis manuellement.

Les logiciels ne permettent pas non plus de mieux articuler les interventions des différents acteurs. La CNPR explique ainsi que « le logiciel Pilot, sur lequel l’audiencement des saisines de la juridiction des mineurs est de plus en plus réalisé, ne permet pas de saisir directement la PJJ en vue d’un RRSE au moment de la délivrance d’une COPJ ».

L’AFMJF constate également que « le regroupement des procédures concernant un même mineur est parfois très complexe à mettre en œuvre, tant pour des raisons d’ordre technique (logiciel Pilot non généralisé dans les juridictions, inadaptation de Cassiopée) que liées au manque de moyens humains (magistrats, greffiers, assistants de justice...) pouvant répondre à la nécessité d’une vigilance constante autour de l’orientation de ces dossiers ».

Recommandation n° 7 : Corriger les défaillances informatiques et mieux adapter les différents logiciels aux spécificités des nouvelles procédures en matière de justice pénale des mineurs.

 Gestion des mesures éducatives par les magistrats et la PJJ

Outre une amélioration de l’interopérabilité et de l’alimentation des logiciels existants, il semble également nécessaire, pour faciliter l’office du juge et accélérer la mise en œuvre des mesures, d’améliorer la connaissance en temps réels des mesures éducatives à disposition des magistrats. Le temps nécessaire à l’élaboration des mesures entre en contradiction avec la brièveté du délai entre les deux audiences. En outre, le CJPM met à la disposition du juge un large panel de mesures qu’il peut combiner, mais dont certaines restent, en définitive, peu exploitées.

Les logiciels de la PJJ ne semblent pas apporter davantage de satisfaction. Les organisations syndicales ont alerté sur le changement de logiciels, de GAME ([9]) à Parcours, qui a été effectué lors de l’entrée en vigueur de la réforme et qui ne fonctionne pas convenablement, obligeant les éducateurs à réaliser leur suivi sur des tableurs Excel. Selon les éducateurs, il arrive que « dans certaines juridictions, plusieurs mesures éducatives provisoires soient ordonnées cumulativement pour un seul et même jeune, parfois par plusieurs juges différents par méconnaissance des autres mesures en cours » ([10]). Pour la CNAPE, il est indispensable de mettre en place les outils informatiques nécessaires « pour permettre aux magistrats de connaître en temps réel l’état de l’offre éducative sur un territoire donné ».

Recommandation n° 8 : Permettre au juge des enfants de connaître en temps réel les mesures éducatives à sa disposition.

Une situation différente d’une juridiction à l’autre

Si la réforme a été globalement bien préparée et a permis des progrès rapides en matière de réduction des délais et de diminution des stocks, les effets de la réforme sur la qualité de la prise en charge des mineurs et la capacité à respecter, sur le long terme, les exigences du CJPM, varient grandement d’une juridiction à l’autre. La CNPP décrit « un écart très important entre les petites et les grandes juridictions, dans lesquelles le problème de la gestion du stock persiste ».

Vos rapporteurs ont tenu, dans le cadre de leurs travaux, à rencontrer plus d’une dizaine de tribunaux judiciaires et cours d’appel, ainsi que les barreaux et les directions territoriales de la PJJ compétents sur ces territoires ([11]). Ces tables rondes se sont tenues dans des départements urbains, péri-urbains, ruraux, ultra-marins et ont mis en évidence une grande diversité de situations, principalement en fonction de l’adéquation entre les moyens à disposition et le nombre de mineurs à prendre en charge.

Ainsi, les juridictions ayant un ressort géographiquement limité ou moins densément peuplé, en particulier dans les départements dit ruraux, ont pu pleinement bénéficier des apports de la réforme. Le nombre de mineurs pris en charge reste généralement limité, même si certains de ces départements accueillent un nombre important de mineurs non accompagnés auteurs d’infraction.

Même si les effectifs de ces tribunaux sont contraints, comme partout ailleurs, il y est plus facile d’assurer une bonne coordination entre le siège et le parquet pour programmer l’audiencement et ainsi s’assurer du suivi du mineur par le même juge des enfants, ce qui était l’un des principes de la réforme. Ces juridictions avaient un stock d’affaires engagées dans le cadre de l’ordonnance de 1945 relativement faible ; elles ont donc pu fournir l’effort nécessaire pour le résorber rapidement et se soumettre aux nouveaux délais. En outre, les faits de délinquance dans ces zones restent stables, voire tendent à diminuer, et la prise en charge éducative rencontre un bon taux de réussite.

La ruralité présente toutefois certains obstacles, par exemple en matière d’exercice des droits de la défense, puisque les avocats doivent réaliser de longs déplacements pour assister aux auditions libres, auxquelles la présence de l’avocat est désormais obligatoire ([12]). Là encore, l’existence d’un dialogue permanent entre des acteurs qui se connaissent personnellement facilite la résolution des difficultés rencontrées.

Les juridictions dont le ressort couvre des zones urbaines ou périurbaines rencontrent davantage de difficultés et s’inquiètent de la mise en œuvre de la réforme à long terme. Ces juridictions disposaient d’un stock très élevé d’affaires en cours et ont eu plus de mal à les épuiser. Les procédures sous le régime du CJPM y sont généralement devenues prioritaires compte tenu des délais imposés. De nombreuses procédures engagées sous l’ordonnance de 1945 ont fait l’objet d’alternatives aux poursuites ou de classement pour accélérer la transition ([13]).

Les nouveaux délais peinent déjà à être respectés dans certaines d’entre elles compte tenu du flux de mineurs poursuivis et du rythme d’audiencement. Pour ces juridictions, des moyens supplémentaires en magistrats et en greffes sont indispensables.

En outre, ces juridictions accueillent un grand nombre de magistrats au siège comme au parquet, et la coordination est souvent plus difficile à assurer au quotidien. La plupart d’entre elles ont néanmoins mis en place des instances de dialogue efficaces au sein de la juridiction et avec la protection judiciaire de la jeunesse pour que toutes les personnes impliquées travaillent dans le même sens.

Parmi les solutions évoquées, le tribunal judiciaire de Marseille a souligné l’enjeu de la localisation des poursuites et des audiences. De nombreuses infractions, notamment en lien avec le trafic de stupéfiants, sont commises dans les zones urbaines par des mineurs venant d’autres départements. Cela provoque un encombrement des juridictions des plus grandes agglomérations et pose des difficultés aux mineurs qui doivent se déplacer à travers la France pour assister à leurs audiences. Une délocalisation de ces affaires vers la juridiction du lieu de résidence du mineur semble préférable pour bien assurer son suivi et répartirait mieux la charge de travail entre les juridictions.

Recommandation n° 9 : Permettre de renvoyer l’audience de culpabilité à la juridiction du lieu de résidence du mineur même si l’infraction a été commise dans le ressort d’une autre juridiction (proposition nécessitant une évolution législative).

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De manière générale, la mise en œuvre du CJPM s’est bien déroulée au regard du contexte difficile dans lequel elle a eu lieu : manque de moyens, crise sanitaire, situation antérieure de la justice pénale des mineurs. Cette réussite est à mettre au crédit des administrations, des juridictions et, surtout, des professionnels.

Les premiers éléments d’évaluation permettent d’affiner le diagnostic et de dresser quelques pistes d’améliorations pour que la réforme continue de remplir ses objectifs dans la durée.

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Les améliorations permises par le code de la justice pénale des mineurs peuvent encore être consolidées

Outre l’analyse de la préparation et de l’entrée en vigueur de la réforme, vos rapporteurs ont pu, à l’occasion de leurs travaux, procéder à une première évaluation des effets de la réforme sur la justice pénale des mineurs. Cette évaluation intervient rapidement, environ un an et demi après la réforme, mais permet déjà de pointer les effets positifs de la réforme et d’identifier les ajustements nécessaires pour qu’elle remplisse pleinement les objectifs qui lui étaient assignés.

Un gain d’efficacité pour la justice pénale des mineurs

Une meilleure prise en charge des mineurs

Une codification au service d’une réforme d’ensemble

L’instauration d’un code dédié à la justice pénale des mineurs a été unanimement saluée comme une simplification nécessaire. Aucune des personnes auditionnées par vos rapporteurs n’a remis en cause le principe d’une codification et toutes se sont félicitées de ce « toilettage » attendu depuis longtemps. La publication d’une version papier du CJPM, commentée et recensant les premières jurisprudences relatives à l’application de ce code, montre l’intérêt porté à ce nouvel outil.

La codification a rendu le droit pénal des mineurs plus accessible et plus compréhensible, pour les professionnels comme pour les usagers. La direction centrale de la sécurité publique (DCSP) du ministère de l’Intérieur a souligné à vos rapporteurs que le regroupement des textes juridiques applicables aux mineurs en matière de procédure pénale est un atout pour les enquêteurs. Plusieurs tribunaux, dont celui de Rodez, ont fait part de leur sentiment que la nouvelle procédure était mieux comprise des mineurs eux-mêmes.

Cette révolution sur la forme a également été l’occasion de remettre à plat l’ensemble des procédures existantes et de laisser le législateur débattre de l’intégralité des dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, alors qu’il était devenu plus habituel de légiférer sur des portions de ce droit au risque de mettre à mal sa cohérence.

Cette réécriture soulève encore quelques questions d’interprétations, qui s’effaceront certainement au fil du temps lorsque les pratiques se seront adaptées et que le législateur aura pu réaliser les corrections nécessaires lors de l’examen des prochains textes concernant la justice des mineurs.

Seul un syndicat de magistrats a regretté que le code ne soit pas complet et n’intègre pas l’assistance éducative. Le CJPM se limite, en effet, par définition, au volet pénal de la justice des mineurs. Vos rapporteurs estiment que la création du CJPM pourrait ouvrir la voie à la création d’un code de l’enfance qui rassemblerait les dispositions pénales et civiles concernant les mineurs.

La réduction des délais améliore la réponse pénale

La réforme a remis le pénal au cœur de l’office du juge des enfants, alors qu’il était devenu secondaire au regard des obligations légales et des attentes, légitimes, de la société en matière de protection civile des mineurs. Les deux ne doivent pas se concurrencer, et l’existence de délais de part et d’autre permet une action conjointe dans les deux domaines. Cette nouveauté est, toutefois, contraignante et crée une charge de travail supplémentaire qu’il revient au Gouvernement de pallier en s’assurant que les moyens suffisants sont affectés à ces missions. Leur répartition pourra désormais s’appuyer sur des données objectives, telles que le respect des délais légaux.

La réduction des délais et des stocks ([14]), qui permet une gestion « à flux tendus » des affaires, était devenue une urgence pour améliorer l’efficacité de la justice pénale des mineurs. Les délais de jugement avaient atteint, avant la réforme, une moyenne de dix-huit mois, ce qui est déjà long pour un majeur, mais l’est encore plus du point de vue d’un mineur. L’absence de réaction rapide de la justice ne permettait pas de mettre un coup d’arrêt efficace à un parcours de primo-délinquance. À l’inverse, selon la CNAPE, l’audience de culpabilité facilite le travail des éducateurs, car elle légitime l’existence d’un travail éducatif s’appuyant sur l’existence de l’infraction.

La mission d’information sur la justice pénale des mineurs, menée de 2018 à 2019 par vos rapporteurs, mettait en évidence un consensus sur la nécessité de réduire les délais de jugement. Force est de constater que la réforme a eu un effet radical en la matière, puisque les délais de l’audience de culpabilité et de l’audience de sanction permettent une première réponse accompagnée d’une mesure éducative au plus tard trois mois après les faits et une sanction au plus tard douze mois après les faits. En moyenne, la sanction intervient même 8,3 mois après l’engagement des poursuites ([15]), même s’il existe de grandes disparités dans la capacité des juridictions à respecter ces délais.

Cette réduction des délais s’accompagne également d’une meilleure appréhension de la procédure qui, selon le tribunal de Bobigny, « donne de la prévisibilité aux mineurs, aux parents et aux victimes ». Cette amélioration de la réponse pénale est perçue par l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale. Selon la DCSP, « les policiers ont le sentiment que les décisions sont rendues plus vite et que la sanction a plus de sens ».

Cette réduction des délais a donc une vertu pédagogique pour les mineurs, mais aussi pour leurs parents, les victimes et les différents acteurs du procès pénal. Cela ne signifie pas qu’elle ne présente pas des contraintes nouvelles pour ces acteurs, ou encore certains inconvénients, mais ces effets pourront être corrigés par des mesures d’assouplissement et de soutien.

Une diminution de la détention provisoire qui doit perdurer

La réduction des délais permet également une réduction de la durée passée en détention provisoire. En effet, en cas de détention provisoire, le CJPM prévoit que « l’audience de jugement doit avoir lieu dans un délai ne pouvant excéder un mois, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office » ([16]).

Cette disposition a eu des conséquences sur les chiffres de la détention, puisque selon la PJJ, « la baisse de l’incarcération des mineurs, déjà entamée depuis plusieurs mois lors l’entrée en vigueur du CJPM, s’est poursuivie après le 1er octobre 2021. En outre, la proportion de mineurs en détention provisoire a elle aussi diminué : alors qu’elle s’élevait à 73 % avant l’entrée en vigueur du CJPM, la part des mineurs en détention provisoire est aujourd’hui de 57,6 % des mineurs incarcérés ».

Plus généralement, les nombres de mineurs détenus tendent à diminuer, de 768 détenus en avril 2021 à 614 en janvier 2023, soit une baisse de plus de 20 %. La Défenseure des droits s’inquiète néanmoins que ces chiffres résultent de la diminution de la durée d’enfermement et non du nombre de mineurs enfermés annuellement. Compte tenu de la brièveté des incarcérations, le nombre de détenus incarcérés en une année est proche de 4 000 mineurs.

 

évolution du nombre de détenus mineurs

Catégorie pénale ([17])

Avril 2021

Octobre 2021

Avril 2022

Octobre 2022

Janvier 2023

Prévenus

608

546

407

407

374

Condamnés-prévenus

22

15

17

26

12

Condamnés

175

152

234

235

228

Total

768

713

658

668

614

Source : Direction de l’administration pénitentiaire.

Vos rapporteurs sont donc attentifs à l’évolution du flux de mineurs incarcérés. La diminution générale du nombre de mineurs détenus est une avancée positive, mais plusieurs tribunaux s’inquiètent d’une augmentation dans leur ressort, par exemple à Paris. L’absence de spécialisation du juge des libertés et de la détention (JLD) est une raison régulièrement avancée pour expliquer un recours accru à la détention provisoire dans certaines juridictions (Paris et Marseille notamment), malgré les implications extrêmement lourdes d’une telle mesure pour le mineur (rupture avec le milieu familial, scolaire, amical…). Il apparaît donc nécessaire de renforcer la formation des JLD permanents pour les spécialiser davantage.

Recommandation n° 10 : Prévoir une obligation de formation des JLD à la problématique de l’enfermement des mineurs (proposition nécessitant une évolution législative).

Une clarification utile de la question du discernement

Lors des débats parlementaires, la question s’est posée de savoir s’il convenait de retenir une présomption irréfragable ou une présomption simple concernant l’absence de discernement des mineurs en fonction de leur âge. Le choix a été fait d’opter pour un mécanisme reposant sur des présomptions simples.

Contrairement à certaines craintes qui avaient été exprimées, pour l’instant, l’application des présomptions simples ne donne pas lieu, en pratique, à de grandes difficultés. La plupart des personnes auditionnées ont indiqué à vos rapporteurs que la question du discernement était rarement soulevée pour les mineurs de plus de treize ans. La charge de la preuve étant inversée, elle permet à l’enquêteur de ne pas s’arrêter simplement à l’âge du mineur, mais de prendre en compte sa capacité de compréhension de l’infraction commise et des conséquences de ses agissements. La caractérisation des infractions est ainsi facilitée.

La présomption de non discernement en deçà de treize ans nécessite au contraire le recueil d’éléments de personnalité approfondis et des expertises pour renverser la présomption. Mais telle était bien l’intention du législateur et, de ce point de vue, la réforme a atteint l’objectif qui avait été fixé.

Pour autant, vos rapporteurs estiment nécessaire de rester vigilants concernant l’application de cette disposition.

● Vos rapporteurs ont constaté, au cours des auditions, une grande diversité de pratiques quant à l’étude du discernement des mineurs. Certaines juridictions ont indiqué que cela avait peu changé leurs pratiques, tandis que d’autres en ont fait une présomption quasi-irréfragable. Toutes pointent en revanche la difficulté de réaliser des expertises sur la question du discernement par manque de professionnels disponibles.

 Vos rapporteurs ont été sensibilisés par des avocats concernant un usage problématique, au regard de la présomption simple de non discernement, des alternatives aux poursuites pour des mineurs de moins de treize ans. 

Le parquet dispose, en effet, pour les majeurs comme pour les mineurs, de la faculté de proposer à la personne mise en cause une alternative aux poursuites.

Le CJPM prévoit que les représentants légaux du mineur doivent être convoqués lors de la proposition d’une alternative aux poursuites. Leur accord est en outre requis pour la plupart des mesures. L’assistance d’un avocat n’est, en revanche, pas obligatoire pour l’acceptation d’une alternative aux poursuites.

Or, de nombreuses alternatives aux poursuites peuvent être proposées à des mineurs de moins de treize ans, présumés sans discernement – telles que l’avertissement pénal probatoire, le suivi d’un stage de sensibilisation ou de citoyenneté, la mise en conformité avec la loi ou le règlement, la réparation du dommage causé à la victime, l’interdiction de séjour ou de paraître, l’interdiction de contact, le suivi d’un stage de formation civique, une consultation auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue, ou encore une assiduité à un enseignement ou une formation professionnelle.

Le fait de proposer une alternative aux poursuites suppose, par définition, pour le parquet, que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, c’est-à-dire l’élément matériel impliquant la commission des faits par le mineur, mais aussi l’élément moral impliquant son discernement.

Ceci pose une question de principe importante sur l’application de la présomption de non discernement pour les mineurs de moins de treize ans.

Lors des tables rondes organisées par vos rapporteurs dans les juridictions, certains avocats ont estimé que le parquet avait, de fait, sans débat judiciaire, par simple acceptation des représentants légaux, la possibilité d’écarter la présomption de non discernement des mineurs de moins de treize ans en mettant en œuvre une alternative aux poursuites. Si cette pratique devait s’étendre, elle risquerait de porter atteinte à l’exercice des droits de la défense pour ces mineurs.

Vos rapporteurs ne doutent pas que les parquets font un usage modéré et justifié de cette faculté. Toutefois, il peut être craint que les parquets soient soumis à une forme de pression venant de l’extérieur, en particulier du milieu scolaire, pour traiter des affaires impliquant des mineurs de moins de treize ans via des alternatives aux poursuites.

 Vos rapporteurs considèrent qu’il n’est pas opportun d’orienter au pénal des affaires qui doivent être traitées par les règles internes applicables au milieu scolaire, surtout s’agissant de mineurs présumés sans discernement.

Dans le respect des principes du droit pénal des mineurs, et en particulier de la présomption de non discernement pour les moins de treize ans, il conviendrait que chacun des acteurs reste dans son rôle et que ce type d’affaires ne suive pas une voie pénale. Or, la présomption simple de non discernement n’empêche pas que des plaintes soient déposées et traitées dans les commissariats concernant des mineurs de moins de treize ans. Il a été évoqué à plusieurs reprises, lors des auditions, des situations dans lesquelles des incidents mineurs aboutissaient à des plaintes alors qu’ils auraient dû relever de la discipline scolaire.

Vos rapporteurs retiennent la suggestion de l’association Citoyens et Justice qu’une réflexion soit menée pour mettre en place une réponse adaptée (de nature « infrapénale ») à ces situations, car ce sont 7 % des auteurs d’infraction mineurs qui ont entre dix et treize ans.

Recommandation n° 11 : Pour éviter des dépôts de plainte, réfléchir à une réponse « infrapénale » adaptée aux auteurs d’infractions de moins de treize ans présumés sans discernement, en confortant notamment le rôle disciplinaire de l’Éducation nationale.

Vos rapporteurs considèrent donc que la présomption simple constitue une réelle avancée, mais qu’il ne faut pas s’interdire de réfléchir à la mise en place d’une présomption irréfragable ([18]). Ils appellent à évaluer régulièrement l’application de la présomption simple de non discernement, en étudiant des données chiffrées sur le nombre de décisions rendues qui ont écarté cette présomption.

 

Une amélioration de la place des victimes dans les procès impliquant des mineurs

Le CJPM remédie aux défauts de l’ordonnance de 1945 en permettant de mieux répondre aux attentes des victimes

Une situation insatisfaisante sous le régime de l’ordonnance de 1945

Le procès pénal à la française n’a pas pour priorité de répondre aux attentes des victimes et place le mineur accusé face au jugement de la société. Il n’en demeure pas moins que celles-ci y ont leur place : d’abord, parce qu’elles se constituent parties civiles pour obtenir la réparation de leur préjudice ; ensuite, parce qu’elles peuvent s’exprimer et participer aux échanges au cours de l’audience – cette dernière accordant encore une place importante à l’oralité des débats en matière de justice pénale des mineurs.

Or, sous le régime de l’ordonnance de 1945, les victimes n’assistaient pas à la mise en examen ; elles devaient donc attendre le jugement pour connaître le sort réservé au mineur et pour faire valoir leur droit à l’indemnisation. Compte tenu des délais, en moyenne de dix-huit mois, il arrivait souvent que les victimes ne se présentent pas à l’audience, ce qui portait atteinte à leurs droits et à la dimension pédagogique que revêtait, pour le mineur, la rencontre avec la victime.

Une nouvelle place pour les victimes

« L’amélioration de la prise en compte des victimes » figurait explicitement dans l’habilitation votée par le Parlement à l’article 93 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Elle se traduisait principalement de deux manières :

– le développement des mesures de réparation et de médiation, notamment au cours de la période de mise à l’épreuve éducative et dans le cadre des alternatives aux poursuites ;

– la réduction des délais de jugement et la présence de la victime au stade de l’audience de culpabilité, afin de statuer immédiatement sur son indemnisation.

Ce choix répondait à un double objectif : indemniser plus rapidement les victimes et les impliquer utilement dans le procès, dans le but de renforcer son caractère pédagogique.

Un traitement plus rapide des victimes

Une réponse rapide aux attentes des victimes

La mise en place de l’audience de culpabilité et de la césure dans l’attente de l’audience sur la sanction a considérablement accéléré la prise en charge des victimes. Le remplacement de la mise en examen, hors présence de la victime, par une audience de culpabilité, à laquelle la victime est convoquée, présente deux avantages.

D’une part, elle montre à la victime que la justice intervient rapidement et efficacement. Cela se traduit par une présence accrue des victimes aux audiences, alors que celles-ci finissaient par se désintéresser lorsqu’elles étaient convoquées plus d’un an après les faits. L’AFMJF constate ainsi que « les victimes sont beaucoup plus présentes à l’audience et formulent des demandes ; on en perd moins en route ». Le tribunal de Bobigny souligne l’utilité de pouvoir donner à la victime, dès l’engagement des poursuites, la date de l’audience de culpabilité afin qu’elle puisse s’y préparer.

D’autre part, la nouvelle procédure permet de statuer, dès l’audience de culpabilité, sur l’indemnisation des victimes qui se sont constituées parties civiles. Pour les affaires les plus simples et dans la plupart des juridictions, la procédure d’indemnisation est donc raccourcie. Pour Philippe Bonfils, avocat et professeur agrégé, il s’agit « d’un grand progrès car même en cas de relaxe ou de non discernement du mineur, il y a la possibilité de se prononcer sur les intérêts civils ». Selon le ministère de la justice, les victimes qui présentent leur demande d’indemnisation lors de l’audience de culpabilité obtiennent une décision « en moyenne actuellement soixante-huit jours après l’engagement des poursuites, là où elles devaient attendre en moyenne dix-huit mois sous l’empire de l’ordonnance de 1945 ».

La césure pénale permet également d’adapter la prise en charge de la victime à la complexité de sa situation. En effet, le CNB constate que le CJPM offre en la matière une « souplesse du fait de la césure qui permet à une victime de solliciter des mesures d’investigation, notamment des expertises afin d’évaluer les préjudices personnels physiologiques ou psychologiques ». La période de la césure peut également permettre la mise en place de mesure de réparation dans le cadre de la mise à l’épreuve éducative. En tout état de cause, l’audience de sanction arrive mécaniquement plus vite que ce n’était le cas lorsqu’était applicable l’ordonnance de 1945 – au plus tard douze mois après l’engagement des poursuites ([19]).

Des marges de progrès dans la procédure d’indemnisation

Pour le tribunal judiciaire de Toulouse, « par rapport à la fixation de dommages et intérêts pour les mineurs, la réforme est certainement un progrès, même si dans certains cas l’audience intervient même trop vite ». Selon le CNB, il arrive dans certains cas, notamment les plus complexes, que les victimes « peinent à constituer leur défense de manière satisfaisante dans le cadre d’une audience pouvant être fixée à quinze jours ou un mois » – même si un délai aussi court reste minoritaire. Dans ce cas, la question des intérêts civils peut être renvoyée à l’audience de sanction – ce qui présente parfois des difficultés lorsque des co-auteurs sont renvoyés à des audiences de sanction différentes, mais peut aussi permettre une meilleure préparation du dossier.

Par ailleurs, même lorsque la juridiction statue rapidement sur les intérêts civils, les indemnités ne sont pas toujours perçues rapidement par les victimes. Le CNB souligne que les délais de traitement du service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI) du fonds de garantie des victimes retardent l’indemnisation lorsque les familles ne sont pas solvables ou correctement assurées. Comme le rappellent les magistrats du tribunal judiciaire de Mâcon, il serait possible de renvoyer devant la chambre des intérêts civils lorsque les demandes sont complexes ; toutefois, les délais sont supérieurs à deux ans et il est donc préférable de statuer à l’audience de sanction, même si le juge des enfants ne dispose pas d’une expertise en matière d’indemnisation.

Enfin, comme le rappelle la CNPP, en cas d’appel sur la décision de culpabilité, la question des intérêts civils reste en suspens ([20]).

Dans le but d’accélérer les démarches liées à l’indemnisation, la DCSP avait également souligné qu’il serait utile que les services de police et de gendarmerie informent tout de suite les victimes sur leurs droits et sur les démarches qu’elles devront réaliser. Dans le même esprit, vos rapporteurs retiennent la proposition, faite par le barreau de Bourges, que « dans l’intérêt des victimes, les enquêteurs demandent aux parents des mineurs mis en cause les coordonnées de leur assureur responsabilité civile, qui sont légalement tenus d’indemniser les préjudices causés par leurs enfants, même à l’occasion d’un délit ». Selon le CNB, ces questions pourraient également être traitées au stade l’élaboration du RRSE.

Recommandation n° 12 : Demander aux enquêteurs ou à la PJJ, au stade de l’élaboration du RRSE, de collecter auprès des parents des mineurs mis en cause les coordonnées de leur assureur responsabilité civile (proposition nécessitant une évolution législative).

La césure du procès pénal peut également être source d’incompréhension pour la victime dans certaines situations. En effet, lorsque cette dernière a pu faire valoir l’intégralité de ses prétentions lors de la première audience, elle peut ne pas comprendre pour quelles raisons elle est à nouveau convoquée à la seconde audience.

Il conviendrait, dès lors, de faire preuve de davantage de pédagogie à l’égard des victimes à leur exposant, par le moyen le plus approprié, que leur présence n’est pas indispensable à l’audience de sanction si elles ont obtenu entre-temps les indemnisations demandées.

Recommandation n° 13 : Informer la victime de la tenue de l’audience de sanction, mais préciser le caractère facultatif de sa présence si l’ensemble des démarches la concernant ont été réalisées.

Une place utile dans le procès des mineurs

Le fait que les audiences se tiennent dans un délai plus court et qu’elles se déroulent, dès l’audience de culpabilité, en présence de la victime améliore la qualité du procès des mineurs.

Ces derniers sont ainsi confrontés à leurs victimes, ce qui renforce le caractère pédagogique du procès. Plusieurs témoignages recueillis au cours des auditions ont évoqué des échanges bienveillants, qui permettent aux jeunes de mieux prendre conscience de leurs actes et aux victimes de découvrir le parcours de vie, souvent difficile, des mineurs qui leur ont porté préjudice.

Ce progrès reste toutefois conditionné à la préparation des mineurs au déroulement du procès, les éducateurs et les avocats regrettant de ne pas toujours disposer du temps nécessaire pour bien expliquer au mineur les enjeux de l’audience de culpabilité. Il implique également que les victimes prennent un recul suffisant sur les faits en cause, notamment lorsqu’il s’agit de violences ou bien, ce qui est souvent le cas, lorsque la victime est également mineure. À ce titre, les syndicats d’éducateurs estiment que « les délais sont trop rigides et trop courts » pour que le mineur soit « en capacité de reconnaître l’autre dans son altérité et d’être en capacité de s’excuser auprès de la victime » ([21]). Pour l’AFMJF, « le positionnement des mineurs lors de l’audience de culpabilité peut s’avérer déstabilisant pour les victimes, dans la mesure où bien souvent aucun travail éducatif n’a pu être entrepris avec les auteurs avant cette audience ».

Enfin, la réparation et la médiation pénale sont des mesures éducatives utiles pour les mineurs et le CJPM y accorde beaucoup d’importance. Elles peuvent être prononcées en alternative aux poursuites, dans le cadre de la mise à l’épreuve éducative ou au terme de l’audience de sanction. L’association Citoyens et Justice, lors de son audition, a toutefois regretté qu’il n’en soit pas fait davantage usage. La CNAPE constatait, pour sa part, qu’il existait une offre importante dans ce domaine, mais qu’elles étaient insuffisamment prononcées par les magistrats de certains ressorts.

Recommandation n° 14 : Encourager le recours aux mesures de médiation et de réparation, notamment au stade de l’audience de culpabilité.

Des ajustements nécessaires pour que la réforme atteigne tous ses objectifs

Mieux encadrer l’audience unique sans contourner les principes de la réforme

L’audience unique est une exception au principe, instauré par le CJPM, de la césure du procès pénal des mineurs.

Cette exception est parfaitement justifiée dans des hypothèses où le mineur est connu de la justice ou encore lorsque les faits sont simples et les préjudices réparés. Vos rapporteurs ne proposent pas de modifier les critères du recours à l’audience unique.

Ils constatent cependant que le taux de recours aux audiences uniques varie d’une manière importante d’une juridiction à l’autre, et s’échelonne de 15 % à 50 % selon les renseignements recueillis au cours des diverses tables rondes.

Des améliorations semblent pouvoir être apportées à cette organisation sans priver la réforme de ses effets. Cet effort doit porter sur deux points : la transformation de l’audience de culpabilité en audience unique, d’une part, et la détention provisoire préalable à l’audience unique devant le tribunal pour enfants, d’autre part.

● Il convient, en premier lieu, de mieux anticiper la transformation de l’audience de culpabilité en audience unique à l’initiative de la juridiction.

Selon des données chiffrées recueillies par vos rapporteurs, 32 % des audiences sont ainsi transformées en audience unique et, à l’inverse, 68 % des audiences donnent lieu à l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative dans l’attente de la seconde audience sur le prononcé de la sanction.

Le CJPM prévoit certes plusieurs garanties. La juridiction doit recueillir les observations des parties et motiver spécialement sa décision. Une peine ne peut pas être prononcée si le mineur n’est pas déjà connu de la justice, c’est-à-dire s’il n’a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport, datant de moins d’un an et versé au dossier de la procédure.

Vos rapporteurs suggèrent que la juridiction informe le plus en amont possible l’avocat du mis en cause qu’elle envisage d’user de cette faculté.

Vos rapporteurs recommandent en outre que, lorsqu’il n’est pas déjà connu de la justice, l’accord du mineur, assisté d’un avocat, soit requis pour permettre la transformation de l’audience de culpabilité en audience unique.

Recommandation  15 : Anticiper la conversion des audiences de culpabilité en audience unique et permettre à l’avocat de s’y opposer lorsque le mineur, non connu de la justice, n’y est pas suffisamment préparé (proposition nécessitant une évolution législative).

● Vos rapporteurs ont aussi été alertés par plusieurs personnes auditionnées au sujet d’un recours important à des détentions provisoires brèves, de quelques semaines, lorsque le parquet décide la tenue d’une audience unique devant le tribunal pour enfants.

Selon des données chiffrées recueillies par vos rapporteurs, 8 % des saisines du tribunal pour enfants par le parquet sont réalisées aux fins d’une audience unique. Or, lorsque le procureur de la République, après avoir fait déférer un mineur devant lui, le poursuit devant le tribunal pour enfants, selon la procédure exceptionnelle de l’audience unique, il peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire jusqu’à l’audience.

Dans ce cas, l’audience de jugement doit avoir lieu dans un délai ne pouvant excéder un mois, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office.

Le placement en détention provisoire ne peut intervenir si le RRSE n’a pas été élaboré. Une question d’interprétation du CJPM se posait jusqu’à récemment pour savoir si le rapport éducatif de moins d’un an, nécessaire pour la tenue d’une audience unique devant le Tribunal pour enfants, devait également être produit devant le juge des libertés et de la détention.

La Cour de cassation a jugé, contrairement à ce qu’avait estimé la Cour d’appel de Paris, que le rapport éducatif de moins d’un an, nécessaire pour la tenue de l’audience unique à l’initiative du parquet, n’était pas obligatoire au stade de la présentation du mis en cause devant le juge des libertés et de la détention (Cour de cassation, 6 avril 2022, pourvoi n° 22-80276).

Vos rapporteurs considèrent au contraire que le rapport éducatif devrait être versé au dossier au moment du défèrement devant le juge des libertés et de la détention, afin qu’il en prenne connaissance dans le cadre de son appréciation de la nécessité de cette détention.

Recommandation n° 16 : Pour l’audience unique décidée par le parquet, rendre obligatoire la présentation du rapport éducatif au stade du défèrement devant le JLD (proposition nécessitant une évolution législative).

Mieux appréhender les problématiques nouvelles consécutives à la césure du procès pénal

La césure du procès pénal du mineur est une innovation majeure du CJPM qui présente de multiples avantages : rapidité tant du jugement sur la culpabilité que de l’indemnisation des victimes, mais aussi adaptation de la sanction à l’évolution du mineur durant la période de mise à l’épreuve éducative.

Pour autant, cette césure soulève de nouvelles problématiques qu’il convient de mieux appréhender, essentiellement par une évolution des pratiques, et à la marge par des adaptations législatives.

● Il convient de veiller, dans toute la mesure du possible, au respect du principe de continuité de l’intervention du juge, qui est un principe important en matière de protection des droits de l’enfant.

Or, il a été rapporté à vos rapporteurs, au cours des auditions, que ce principe ne pouvait pas toujours être respecté, en particulier dans les juridictions qui connaissent le volume d’affaires le plus important.

Le fait de changer de juge entre l’audience de culpabilité et l’audience de sanction est source d’incompréhension pour le mis en cause, d’autant qu’en principe l’audience de sanction n’a pas vocation à revenir sur les faits reprochés.

En pratique, il arrive fréquemment que les faits soient de nouveau abordés pour la bonne compréhension du dossier, ce qui n’est pas dans la logique initiale de la césure du procès.

● La césure du procès pénal est également source de difficultés en cas d’appel du mineur à l’issue de l’audience de culpabilité.

Il arrive fréquemment que la cour d’appel n’ait pas encore statué à l’issue du délai prévu pour la tenue de l’audience de sanction. Or, le débat sur le prononcé de la sanction, même s’il peut en théorie se tenir, ne se déroule pas dans un climat serein dès lors que la culpabilité est encore discutée judiciairement.

En pratique, certaines juridictions prononcent des sursis à statuer contra legem.

Dans la mesure où les appels sont plutôt rares et sont, par définition, limités à des dossiers dans lesquels les faits sont discutés, il conviendrait de prévoir dans le CJPM une possibilité de sursis à statuer, ainsi que des délais pour l’examen de la culpabilité par la cour d’appel.

La Conférence nationale des premiers présidents de cours d’appel a expliqué, dans sa contribution écrite, qu’une telle mesure impliquerait notamment que les juridictions de première instance soient en capacité de mettre en forme et de transmettre plus rapidement les jugements rendus. Elle a rappelé que le jugement de culpabilité et la déclaration d’appel doivent parvenir à la cour au moins deux ou trois mois avant la date d’audience de sanction, pour qu’il soit possible de convoquer utilement et de statuer avant cette audience.

Recommandation n° 17 : Prévoir un sursis à statuer en cas d’appel sur la culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 18 : Soumettre la cour d’appel à des délais contraints lorsqu’elle est saisie sur la culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

● Enfin, une autre problématique soulevée au cours des travaux de la mission porte spécifiquement sur les mineurs non accompagnés (MNA).

Cette problématique survient lorsque la question de la minorité est discutée. Il peut arriver qu’une personne soit reconnue majeure, et non mineure, après l’audience de culpabilité.

Il s’agit d’un effet indésirable de l’accélération de la procédure.

Dans ce genre de cas, la juridiction doit prononcer la relaxe lors de l’audience de sanction, car elle n’est pas compétente pour prononcer une peine. Elle ne peut non plus renvoyer l’affaire à une juridiction pour majeurs, car le premier jugement sur la culpabilité ne lui serait pas opposable.

Ce « vide juridique » anéantit toute possibilité de réponse pénale pour des faits commis par des personnes qui ont menti sur leur âge réel. Il conviendrait, pour y remédier, de prévoir dans le CJPM dans ce genre de cas une passerelle vers une juridiction pour majeurs.

Recommandation n° 19 : Prévoir une passerelle vers une juridiction pour majeurs pour les MNA qui se révèlent être majeurs entre l’audience de culpabilité et l’audience de sanction (proposition nécessitant une évolution législative).

Faciliter le travail de la protection judiciaire de la jeunesse et la prise en charge éducative des mineurs délinquants

● L’accélération de la procédure induite par la césure du procès pénal a impliqué un changement des méthodes de travail des éducateurs de la PJJ. Leur action éducative en amont du prononcé de la culpabilité est, de facto, beaucoup plus limitée qu’auparavant.

La systématisation du RRSE en cas de poursuites ou de placement en détention provisoire a accru la charge de travail de la PJJ. À cela s’ajoute le fait que, selon les renseignements recueillis par vos rapporteurs, les services de la PJJ ont parfois du mal à mettre en œuvre une mesure éducative judiciaire dans les délais prescrits par le CJPM et à transmettre dans les temps des rapports.

Il serait possible de réduire les contraintes administratives qui pèsent sur les éducateurs de la PJJ, sans nuire aux droits des mineurs poursuivis, en utilisant au mieux les informations précédemment collectées dans d’autres procédures, voire en permettant, lorsque le mineur est déjà connu, de substituer au RRSE une simple note de situation actualisée. Ces informations pourraient figurer dans le dossier unique de personnalité tel que vos rapporteurs proposent de l’étoffer (recommandations n° 5 et n° 6).

Quelques cours et tribunaux se sont d’ailleurs engagés dans un travail de simplification des RRSE avec les services de la PJJ.

Recommandation n° 20 : Mobiliser, lorsque cela est possible, l’éducateur référent ou les informations précédemment collectées

Recommandation n° 21 : Permettre de substituer au RRSE une simple note de situation lorsque le jeune est déjà suivi par la PJJ (proposition nécessitant une évolution législative).

● L’attention de vos rapporteurs a également été appelée sur le fait que, sans remettre en cause le principe de la césure du procès pénal des mineurs, la période de mise à l’épreuve éducative n’était pas toujours nécessaire. En pratique, il arrive d’ailleurs que celle-ci n’ait pas le temps de se mettre réellement en place.

Il conviendrait de prévoir dans le CJPM une possibilité de dispense sur décision du juge à l’issue de l’audience de culpabilité, afin de ne pas surcharger la PJJ en la contraignant à mettre en place des mesures éducatives peu utiles.

Recommandation n° 22 : Permettre une dispense de mesures éducatives à l’issue de l’audience de culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

● La problématique des CEF et des CER a également été soulevée à plusieurs reprises au cours des auditions menées par vos rapporteurs.

Il est rappelé que le placement en CEF avant une audience de culpabilité, comme alternative à la détention provisoire, n’est pas adapté et peut désorganiser ses structures d’accueil. Il conviendrait de limiter cet usage aux situations dans lesquelles les parquets ont l’intention de requérir ce même placement en CEF à l’issue de l’audience devant le tribunal pour enfants.

Ce type de décision s’explique sans doute par un manque de diversité de l’offre en matière de placement, ce que vos rapporteurs regrettent.

Recommandation n° 23 : Diversifier les lieux de placement et limiter le recours aux CEF et CER avant l’audience de culpabilité.

Recommandation n° 24 : Recommander aux parquets, par voie de circulaire, de requérir le placement provisoire en CEF uniquement s’ils ont l’intention de requérir ce même placement en CEF lors de l’audience.

● Il a été indiqué à vos rapporteurs que le régime des modules, s’il permet une individualisation pertinente des mesures éducatives, pouvait être source de rigidité dans certaines situations.

Sur la première année d’application du CJPM, 24 500 mesures éducatives judiciaires ont été prononcées dont deux tiers avec au moins un module. Le module de réparation est celui qui est le plus ordonné, puis le module d’insertion, suivi du module de santé et enfin le module de placement.

Dans sa contribution écrite, la PJJ a indiqué que « les premiers retours font état de difficultés à mettre en place certains modules, particulièrement le module de santé, en raison d’une offre de soin insuffisante selon les territoires ». Elle a également relevé, pour le regretter, que « la lourdeur de la procédure qui nécessite la tenue d’une audience à chaque modification envisagée de la mesure, [peut] parfois conduire certains juges à prononcer d’emblée un ou plusieurs modules faute de temps suffisant pour organiser une audience ultérieure lorsque l’ajout d’un module apparaîtra pertinent ».

Il conviendrait dès lors d’accroître les marges de manœuvre de la PJJ dans la mise en œuvre des mesures éducatives.

Recommandation n° 25 : Accroître la marge de manœuvre de la PJJ dans l’exécution des mesures éducatives.

Mieux traiter les difficultés d’organisation des auditions libres dans le respect des droits de la défense

Il existe deux types d’audition libre :

– l’audition libre en tant que personne soupçonnée (article 61-1 du code de procédure pénale) ; sa durée n’est pas limitée ; la personne auditionnée a le droit à un avocat si elle est entendue au sujet d’une infraction pouvant être punie d’une peine d’emprisonnement ; elle est régie par l’article 61-1 du code de procédure pénale ;

– et l’audition libre en tant que témoin (article 62 du code de procédure pénale) ; sa durée est limitée à quatre heures.

Plusieurs garanties supplémentaires sont prévues pour les mineurs entendus en audition libre comme suspects.

L’officier ou l’agent de police judiciaire doit informer par tout moyen ses représentants légaux, la personne ou le service auquel le mineur est confié (article L. 412-1 du CJPM).

La présence de l’avocat est obligatoire. Au besoin, il est désigné d’office par le bâtonnier (article L. 412-2 du CJPM).

Jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’audition libre des mineurs

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’en matière d’audition libre de mineurs suspects, le législateur devait prévoir des garanties suffisantes pour s’« assurer que le mineur consente de façon éclairée à l’audition libre » et pour « éviter qu’il opère des choix contraires à ses intérêts » (Décision n° 2018-762 QPC du 8 février 2019, régime de l’audition libre des mineurs).

Il en a déduit qu’un régime d’audition libre qui ne prévoyait pas l’assistance d’un avocat et l’information des représentants légaux méconnaissait un PFRLR en matière de justice des mineurs et devait être abrogé.

La convocation remise au mineur et à ses représentants légaux dans le cadre d’une audition libre mentionne que la présence de l’avocat est obligatoire et en détaille les modalités de recours (conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, mode de désignation d’un avocat commis d’office, lieux où il est possible d’obtenir des conseils juridiques avant cette audition).

La présence obligatoire de l’avocat pose des difficultés en pratique aux services enquêteurs.

Il arrive que les mineurs et leurs représentants légaux se présentent au rendez-vous sans avocat. Dans certains cas, les représentants légaux ne souhaitent pas cette assistance, l’estimant inutile au regard des faits reprochés ou refusant d’accomplir les démarches nécessaires.

Inversement, il arrive que l’avocat commis d’office soit bien présent mais que le mineur soit absent.

Dans les deux cas, l’enquêteur ne peut procéder à l’audition et se voit contraint de reporter cet acte à une date ultérieure, induisant un allongement du temps dédié au traitement de la procédure. Les carences répétées peuvent conduire à bloquer la poursuite des investigations.

Dans sa contribution écrite, la DCSP a indiqué à vos rapporteurs que « les convocations de mineurs créent une charge opérationnelle très lourde pour les services d’enquête pour des affaires parfois de moindre importance ». Elle ajoute que « les procédures préliminaires avec mineurs mis en cause s’accumulent dans le portefeuille des enquêteurs et contribuent à alourdir la charge des services d’investigation ».

Pour contourner cette carence de l’avocat, il est parfois procédé au placement en garde à vue du mineur, pour s’assurer de la présence du mis en cause et d’un avocat sur l’ensemble des actes d’enquête (auditions, confrontations). Paradoxalement, la législation crée un risque que les mineurs soient davantage placés en garde à vue que les majeurs.

Au cours des auditions, plusieurs intervenants ont suggéré l’instauration d’un délai de carence permettant une audition libre d’un mineur en tant que suspect sans la présence de l’avocat à l’issue d’un délai de deux heures.

Toutefois, vos rapporteurs ont observé que, dans de nombreuses juridictions, des solutions adaptées ont été mises en place et ont permis de surmonter les difficultés invoquées ; il s’agit notamment de la mise en place de permanences qui permettent de garantir la présence de l’avocat, ou encore de la planification de journées ou demi-journées dédiées aux auditions libres de mineurs.

La DCSP fait cependant valoir que, dans certains cas, notamment en milieu rural, les avocats peuvent hésiter à se déplacer, faute de l’assurance de percevoir une rémunération si le mineur est absent, ou en raison de délais trop courts pour intervenir.

Pour remédier à ces difficultés, vos rapporteurs proposent que la rémunération de l’avocat au titre de l’aide juridictionnelle soit garantie lorsqu’il s’est déplacé inutilement en raison de l’absence du mineur.

Recommandation n° 26 : Encourager le dialogue entre les services enquêteurs et les barreaux pour organiser les auditions libres.

Recommandation n° 27 : Permettre à l’avocat de bénéficier, de manière garantie, de l’indemnité de l’aide juridictionnelle s’il se rend sur place et que le mineur est absent, ou augmenter l’indemnité kilométrique des avocats assistant les mineurs dans les auditions libres.

Poursuivre l’effort de coordination des acteurs de la justice pénale des mineurs

● Pour des raisons d’effectifs, le parquet ne peut être présent à l’ensemble des audiences tenues par le juge des enfants.

Or, la présence du parquet serait utile pour les affaires les plus complexes ou délicates, dans lesquelles les faits sont discutés, en particulier lorsque plusieurs auteurs sont poursuivis.

Vos rapporteurs suggèrent que chaque juridiction définisse, dans le cadre d’un dialogue siège-parquet, les modalités de participation du parquet aux audiences pénales du juge des enfants.

Recommandation n° 28 : Permettre au juge des enfants de demander formellement la présence du parquet aux audiences présentant des difficultés particulières.

● D’une manière générale, vos rapporteurs considèrent que les principales difficultés ont pu être gérées grâce à la coordination des différents acteurs et qu’il convient de poursuivre dans cette voie du dialogue qui est pratiquée dans la plupart des juridictions.

Ils se félicitent des initiatives locales qui ont été prises en ce sens.

Recommandation n° 29 : Réunir localement, selon une fréquence adaptée, une instance réunissant tous les acteurs de la justice pénale des mineurs : parquet-siège-ASE-PJJ-OPJ et barreau.

La nécessité d’une meilleure connaissance statistique

Une analyse des effets du code de la justice pénale sur la récidive et la prévention de la délinquance serait prématurée. Elle doit néanmoins être anticipée et vos rapporteurs recommandent que des études de cohorte puissent être rapidement mises en place. Lors de son audition, la CNAPE a insisté sur « le problème de l’évaluation des parcours de sortie, qui ne permet pas de bien mesurer l’efficacité de la prise en charge des mineurs ».

De manière générale, la précision des statistiques doit être renforcée, afin de pouvoir disposer de chiffres par juridiction et consolidés, obéissant aux mêmes règles de calcul, par exemple en matière de taux de recours aux audiences uniques.

Recommandation n° 30 : Évaluer les effets du CJPM sur la récidive et la délinquance des mineurs grâce à des études de cohorte.

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Travaux de la commission

 

Lors de sa réunion du mercredi 22 mars 2023, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/Iv3ylu

 

 


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liste des recommandations

Recommandation n° 1 : Attribuer aux associations du secteur habilité un interlocuteur au sein de chaque tribunal judiciaire pour assurer la bonne transmission des informations.

Recommandation n° 2 : Uniformiser les trames utilisées par les services de police et de gendarmerie ainsi que les pratiques entre parquet et service d’enquête.

Recommandation n° 3 : Permettre la délocalisation des audiences de jugement dans des juridictions moins encombrées pour des affaires très anciennes, notamment celles ayant fait l’objet d’une instruction (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 4 : Renforcer les effectifs en greffe et en magistrats dans les juridictions sous tension en fonction leur capacité à respecter les délais.

Recommandation n° 5 : Assurer la dématérialisation effective du DUP et la possibilité d’alimenter automatiquement ce dossier avec les informations de nature pénale et civile déjà existantes.

Recommandation n° 6 : Mettre en place une plateforme numérique commune, accessible à tous les acteurs de la justice pénale des mineurs, comprenant le DUP et le calendrier de toutes les audiences concernant un même mineur.

Recommandation n° 7 : Corriger les défaillances informatiques et mieux adapter les différents logiciels aux spécificités des nouvelles procédures en matière de justice pénale des mineurs.

Recommandation n° 8 : Permettre au juge des enfants de connaître en temps réel les mesures éducatives à sa disposition.

Recommandation n° 9 : Permettre de renvoyer l’audience de culpabilité à la juridiction du lieu de résidence du mineur même si l’infraction a été commise dans le ressort d’une autre juridiction (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 10 : Prévoir une obligation de formation des JLD à la problématique de l’enfermement des mineurs (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 11 : Pour éviter des dépôts de plainte, réfléchir à une réponse « infrapénale » adaptée aux auteurs d’infractions de moins de treize ans présumés sans discernement, en confortant notamment le rôle disciplinaire de l’Éducation nationale.

Recommandation n° 12 : Demander aux enquêteurs ou à la PJJ, au stade de l’élaboration du RRSE, de collecter auprès des parents des mineurs mis en cause les coordonnées de leur assureur responsabilité civile (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 13 : Informer la victime de la tenue de l’audience de sanction, mais préciser le caractère facultatif de sa présence si l’ensemble des démarches la concernant ont été réalisées.

Recommandation n° 14 : Encourager le recours aux mesures de médiation et de réparation, notamment au stade de l’audience de culpabilité.

Recommandation  15 : Anticiper la conversion des audiences de culpabilité en audience unique et permettre à l’avocat de s’y opposer lorsque le mineur, non connu de la justice, n’y est pas suffisamment préparé (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 16 : Pour l’audience unique décidée par le parquet, rendre obligatoire la présentation du rapport éducatif au stade du défèrement devant le JLD (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 17 : Prévoir un sursis à statuer en cas d’appel sur la culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 18 : Soumettre la cour d’appel à des délais contraints lorsqu’elle est saisie sur la culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 19 : Prévoir une passerelle vers une juridiction pour majeurs pour les MNA qui se révèlent être majeurs entre l’audience de culpabilité et l’audience de sanction (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 20 : Mobiliser, lorsque cela est possible, l’éducateur référent ou les informations précédemment collectées

Recommandation n° 21 : Permettre de substituer au RRSE une simple note de situation lorsque le jeune est déjà suivi par la PJJ (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 22 : Permettre une dispense de mesures éducatives à l’issue de l’audience de culpabilité (proposition nécessitant une évolution législative).

Recommandation n° 23 : Diversifier les lieux de placement et limiter le recours aux CEF et CER avant l’audience de culpabilité.

Recommandation n° 24 : Recommander aux parquets, par voie de circulaire, de requérir le placement provisoire en CEF uniquement s’ils ont l’intention de requérir ce même placement en CEF lors de l’audience.

Recommandation n° 25 : Accroître la marge de manœuvre de la PJJ dans l’exécution des mesures éducatives.

Recommandation n° 26 : Encourager le dialogue entre les services enquêteurs et les barreaux pour organiser les auditions libres.

Recommandation n° 27 : Permettre à l’avocat de bénéficier, de manière garantie, de l’indemnité de l’aide juridictionnelle s’il se rend sur place et que le mineur est absent, ou augmenter l’indemnité kilométrique des avocats assistant les mineurs dans les auditions libres.

Recommandation n° 28 : Permettre au juge des enfants de demander formellement la présence du parquet aux audiences présentant des difficultés particulières.

Recommandation n° 29 : Réunir localement, selon une fréquence adaptée, une instance réunissant tous les acteurs de la justice pénale des mineurs : parquet-siège-ASE-PJJ-OPJ et barreau.

Recommandation n° 30 : Évaluer les effets du CJPM sur la récidive et la délinquance des mineurs grâce à des études de cohorte.

 

 


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Liste des personnes entendues

 

 

Mercredi 19 octobre 2022

   Mme Isabelle Gorce, première présidente de la cour d’appel de Bordeaux

   Mme Caroline Nisand, directrice

   Mme Anne Coquet, sous-directrice des missions de protection judiciaire et d’éducation

   Mme Magali Berlin, chargée de mission

Mercredi 26 octobre 2022

   M. Pierre-Alain Sarthou, directeur général

   Mme Audrey Hanne, responsable du pôle de la justice pénale des mineurs

Jeudi 27 octobre 2022

   M. Jili Biet, co-secrétaire

   Mme Aurélie Posadzki, représentante

   Mme Béatrice Briout, secrétaire générale

   Mme Sonia Ollivier, co-secrétaire nationale

 

 

Jeudi 27 octobre 2022

   M. Frédéric Chevallier, procureur près le tribunal de Chartres

Vendredi 28 octobre 2022

   M. Arnaud de Saint-Rémy, vice-président de la commission sur les libertés et droits de l’homme et responsable du groupe de travail sur les mineurs

   Mme Agnès Ravat-Sandre, bâtonnière de Châlon-sur-Saône, membre du bureau

   Mme Élodie Lefebvre, membre du conseil de l’ordre

Mardi 8 novembre 2022

   M. Laurent Gebler, juge des enfants, président de la chambre des mineurs à la cour d’appel de Paris

Mardi 15 novembre 2022

   M. Christian Gravel, président de la MIVILUDES et secrétaire général du CIPDR

   M. Nicolas Prisse, président de la MILDECA

   Mme Valérie Saintoyant, déléguée de la MILDECA

Jeudi 17 novembre 2022

   Mme Kim Reuflet, présidente du SM

 

Mardi 22 novembre 2022

   Mme Claire Hédon, Défenseure des droits

   M. Éric Delemar, adjoint en charge de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, défenseur des enfants

   Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale

   Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle défense des droits des enfants

   Mme France de Saint-Martin, conseillère

Mercredi 23 novembre 2022

   M. Philippe Bonfils, professeur de droit privé et de sciences criminelles à l’université Aix-Marseille

Mardi 29 novembre 2022

   M. Aymeric Saudubray, sous-directeur des missions de sécurité

   M. Mathieu Deprez, chef du pôle judiciaire

Mercredi 30 novembre 2022

   Mme Claire Danko, magistrate en administration centrale

   Mme Stéphanie Gasnier, juge des enfants au tribunal judiciaire de Limoges

Mercredi 7 décembre 2022

   Mme Cécile Mamelin, vice-présidente de l’USM

   M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l’USM

Jeudi 8 décembre 2022

   M. Robin Planes, président du tribunal judiciaire

   M. Nicolas Rigot-Muller, procureur de la République

   M. Marc Gambaraza, juge des enfants

   Mme Laura Galliussi, juge des enfants

   M. Christophe Mouillet, directeur territorial

   Mme Marie-Pascale Puech-Fabié, bâtonnière

Lundi 12 décembre 2022

   Mme Céline Azema, vice-présidente en charge des fonctions de juge des enfants

   M. Antoine Leroy, procureur de la République adjoint, chef du service des mineurs

   Mme Marie Leclair, conseillère en charge de la protection de l’enfance auprès du président du tribunal judiciaire

   Mme Odile Barral, magistrate en retraite et ancienne coordonnatrice

   Mme Régal directrice des services de greffe en charge du tribunal pour enfants

   Mme Corinne Pouit, directrice territoriale

   M. Frédéric Langlois, vice-bâtonnier

Mercredi 14 décembre 2022

   M. Albin Heuman, directeur

Vendredi 16 décembre 2022

   Mme Sandrine Lalande, présidente

   M. Chérif Chabbi, procureur de la République

   Mme Laura Saint-Martin, juge des enfants

   M. Julien Forton, juge des enfants

   Mme Claire-Marie De Agostini, substitute du procureur chargée des mineurs

   M. Christophe Mouillet, directeur territorial

   Mme Agnès Darmais, vice-bâtonnière

   Mme Émilie Delheure, membre du conseil de l’ordre

Jeudi 19 janvier 2023

   Mme Carole Sulli, co-présidente de la commission des mineurs

   Mme Elisabeth Audouard, co-présidente de la commission des mineurs

Jeudi 26 janvier 2023

   Mme Laurence Angot-Michel, première vice-présidente en charge de la coordination du tribunal pour enfants

   Mme Nathalie Huzieux, vice-procureure et cheffe de la section « parquet mineurs »

   M. Matthieu Montigneaux, directeur territorial

   M. Cyrille Carmantrand, président de la commission des mineurs

   Mme Nathalie Christophe-Montagnon, vice-présidente de la commission des mineurs

Jeudi 26 janvier 2023

   Mme Lucette Broutechoux, première présidente

   M. Thierry Pocquet du Haut Jussé, procureur général

   M. Jean-Marc Cathelin, président de chambre

   M. Christophe Aubertin, substitut général

   M. Jean-Philippe Champion, vice-président en charge des fonctions de juge des enfants

   Mme Déborah Cosson, vice-procureure

   Mme Sandrine Clocher-Dobremetz, juge des enfants

   Mme Karine Imbert, substitute du procureur

   Mme Aline Saenz-Cobo, vice-procureure

   M. Jean-Philippe Michaud, directeur territorial

   Mme Agnès Ravat-Sandre, bâtonnier

   Mme Alice Gessat, membre du conseil de l’ordre

Jeudi 2 février 2023

   Mme Madeleine Sanchez, juge des enfants

   M. Vincent Videlaine, substitut en charge des mineurs

   Mme Marie-Christine Woldanski, substitut en charge des mineurs

   M. Denis Lebouc, directeur territorial

Lundi 6 février 2023

   M. Olivier Leurent, président

   Mme Dominique Laurens, procureure de la République

   Mme Sylvie Odier Pra, vice-procureure

   M. Pierre Pibarot, directeur territorial

   M. Mathieu Jacquier, bâtonnier

Mardi 7 février 2023

   M. Stéphane Landreau, directeur général

   Mme Sophie Diehl, conseillère technique justice des enfants et des adolescents

   M. Mathieu Mollereau, directeur adjoint de la plateforme « Enfance et Famille »

    M. Maurice Gounon, membre du réseau

Lundi 13 février 2023

   Mme Christine Blanc, première vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants et juge coordonnatrice du tribunal pour enfants

   M. Pascal Prache, procureur de la République

   Mme Virginie Deneux, procureure adjointe

   Mme Anne-Dominique Merville, vice-procureure

   Mme Marilyn Woirret, directrice territoriale adjointe

   Mme Isabelle Clanet, batonnière

   Mme Claire Boullery, membre du conseil de l’ordre

   Mme Sandy Jaunet, membre de la commission avocats d’enfants

   Mme Julie Delorme, membre de la commission avocats d’enfants

Jeudi 16 février 2023

   Mme Pascale Bruston, première vice-présidente, coordinatrice du tribunal pour enfants

   M. Laurent Guy, procureur-adjoint

   Mme Lisa-Lou Wipf, vice-procureure, cheffe du parquet mineur

   Mme Anne Meignan, directrice territoriale

   Mme Elodie Lefebvre, membre du conseil de l’ordre

Jeudi 16 février 2023

   Mme Muriel Eglin, première vice-présidente en charge du tribunal pour enfants

   M. Denis Fauriat, procureur de la République adjoint

   M. Ludovic Lestel, vice-procureur en charge de division de la famille et de la jeunesse

   Mme Stéphanie Chabauty, bâtonnière

   Mme Sophia Ntifi, directrice territoriale adjointe

Vendredi 24 février 2023

   M. Gilles Rosati, premier président

   M. Bruno Dalles, procureur général

   Mme Zouaouia Magherbi, magistrate déléguée à la protection de l’enfance

   Mme Céline Verny, vice-procureure en charge du parquet des mineurs

   M. Adrien Lallement, juge des enfants au tribunal pour enfants

   M. Cédric Osete, chef de service

   M. Frédéric De Greslan, bâtonnier

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Assemblée nationale, Rapport d’information sur la justice pénale des mineurs, Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, rapporteurs, XVème législature, 20 février 2019.

([3]) Voir infra (II. B. 5).

([4]) Voir sur ce point la nécessaire modernisation des outils informatiques, (I. C. 2. b.).

([5]) Le tribunal judiciaire de Paris exerce une compétence nationale pour certaines infractions complexes, par exemple en matière de terrorisme ou de cybercriminalité.

([6]) Statistiques de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse..

([7]) Contribution écrite du syndicat SNPES-PJJ/FSU.

([8]) Voir également la recommandation n° 21.

([9]) Gestion de l’activité et des mesures éducative.

([10]) Contribution SNPES-PJJ/FSU.

([11]) Voir la liste des personnes auditionnées.

([12]) Voir infra II. B. 4.

([13]) Voir supra (I. C. 1. a.).

([14]) Voir supra (I. C. 1. a.).

([15]) Voir supra (I. C. 1. b.).

([16])  Article L. 423-9 du CJPM.

([17]) Définition statistique des catégories pénales (condamné/prévenu/condamné-prévenu) : Parmi les personnes écrouées, sont indistinctement désignées par le mot "prévenus", les personnes écrouées sous le coup de poursuites pénales qui n'ont pas fait l'objet d'une condamnation définitive ; c'est-à-dire aussi bien les personnes mises en examen, que les personnes ayant formé opposition, appel ou pourvoi ou encore les personnes en délai d'appel suite à leur condamnation. Les "condamnés-prévenus" sont les personnes écrouées qui sont à la fois condamnées dans une affaire et prévenues dans une autre. Depuis le 1er janvier 2021, cette catégorie a été introduite comme modalité de la catégorie pénale.

([18]) La Défenseure des droits a cependant rappelé sa position traditionnelle relative à l’instauration d’une présomption irréfragable de non discernement.

([19]) L’audience de culpabilité a lieu entre dix jours et trois mois après l’engagement des poursuites, tandis que l’audience sur la sanction a lieu au terme d’une période de mise à l’épreuve éducative qui dure entre six et neuf mois à compter de l’audience de culpabilité.

([20]) Voir infra (II. B. 2.).

([21]) Contribution du syndicat SNPES PJJ-FSU.